Gestion quantitative de la ressource en eau - Zoom sur le changement climatique, la ressource en eau et l'agronomie en Pays de la Loire
Auteur moral
Pays-de-la-Loire. Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement
Auteur secondaire
Résumé
<div style="text-align: justify;">Cette fiche zoom est une synthèse centrée sur la région des Pays de la Loire de deux études portant sur les impacts du changement climatique.<br /><br />La première, Explore 2070, menée en 2012 par le ministère de l'écologie, avait pour objectif d'évaluer l'impact possible du changement climatique sur les eaux superficielles et souterraines. La seconde, Climator, menée de 2007 à 2010, sous maîtrise d'ouvrage de l'Agence nationale pour la recherche, abordait les impacts du changement climatique sur l'agriculture et la forêt en couvrant quasiment tous les domaines de la conduite des agro-écosystèmes.</div>
Editeur
DREAL Pays de la Loire
Descripteur Urbamet
gestion de l'eau
;changement climatique
;impact environnemental
Descripteur écoplanete
gestion des ressources en eau
;agrosystème
;eau de surface
;eau souterraine - hydrogéologie
Thème
Environnement - Nature
;Énergie - Climat
Texte intégral
Parmi les études récentes portant sur les impacts du changement climatique, il en est deux qui
sont assez complémentaires :
- Climator, menée de 2007 à 2010, sous maîtrise d'ouvrage de l'Agence nationale pour la
recherche, et traitant des impacts du changement climatique sur la conduite des cultures
(http://w3.avignon.inra.fr/projet_climator/ ) ;
- Explore 70, menée en 2012 par le ministère de l'écologie, et traitant de divers impacts dont
l'hydrologie et l'hydrogéologie (http://www.developpement-durable.gouv.fr/-Explore-2070-.html).
Cette fiche zoom est en fait une synthèse de ces études, centrée sur la région Pays de la Loire. La
partie Climator a été rédigée en coopération avec Marie Launay (INRA Avignon).
1 Explore 70 : ce qu'il faut retenir
L'objectif de cette étude était d'évaluer l?impact possible du changement climatique sur les eaux
superficielles (débits, température) et souterraines (niveau piézométrique), cela à partir du scénario
A1B du GIEC (scénario moyen) à l?horizon 2046-2065 en France métropolitaine.
Les chiffres qui sont produits sont une comparaison des résultats obtenus par diverses simulations
avec les valeurs normales sur la période 1961-1990.
1.1 Impacts sur les eaux de surface
Les simulations montrent une diminution significative des débits moyens qui pourrait être de l'ordre
de -10% à -30% en Pays de la Loire selon les simulations.
En période d'étiage, les baisses sont plus sévères que pour les débits moyens, mais également
plus dispersées. Tous les modèles projettent des étiages plus sévères sur les exutoires des grands
bassins versants français avec, pour les Pays de la Loire, des baisses simulées du débit minimum
mensuel quinquennal (QMNA5) de - 30 à -60% ; faisant de notre région une des plus impactées de
France.
Concernant les débits de crue et compte tenu des divergences entre les projections, on ne peut
détecter de tendance significative. Les simulations donnent des baisses allant de 0 à -10% sur les
Pays de la Loire pour la crue journalière décennale (QJXA10). On note surtout un décalage des
débits de pointe de janvier vers février voire mars.
Par la partie hivernale, des simulations complémentaires ont été menées en Pays de la Loire. Elles
montrent un réel risque d'augmentation du taux d'échec de remplissage hivernal des retenues,
ainsi qu'un impact de plus en plus fort de ces retenues sur les débits d'hiver, voire de printemps et
d'été là où les retenues seront les plus nombreuses. Pour limiter ces impacts, la période propice au
remplissage semble être de janvier à mars. Il pourrait démarrer plus tôt voire finir plus tard les
années où les débits seront supérieurs aux moyennes. Pour les retenues qui se remplissent par
ruissellement, le captage d'un bassin versant d'environ 100 fois la surface de la retenue
permettrait de ramener le taux d'échec au remplissage à 1 année sur 10, à échéance 2030.
L'intérêt économique de la création de ces retenues devra donc être apprécié avec finesse.
service
ressources
naturelles et
paysages
Septembre
2013
Zoom s ur le changement c limatique , la
res s ource en eau e t l'agronomie en Pays de la
Loire
n°
n°27
http://w3.avignon.inra.fr/projet_climator/
http://www.developpement-durable.gouv.fr/-Explore-2070-.html
1.2 Impacts sur les eaux souterraines
Précipitations et état de la recharge
Les simulations montrent une baisse quasi générale de la piézométrie, associée à une diminution de
la recharge comprise entre 0 et -30% en Pays de la Loire. Le sud Vendée et la Mayenne semblent
être les secteurs les moins impactés. A l'inverse, le bassin versant du Loir pourrait être impacté
jusqu'à -40%.
Toutes les modélisations réalisées montrent une baisse du niveau moyen mensuel des nappes, liée à
la baisse de la recharge. Cette baisse serait très limitée au droit des plaines alluviales (grâce à
l'apport des cours d'eau) mais pourrait atteindre 10 m sur les plateaux sédimentaires ou leurs
contreforts. Cette diminution entraînerait une baisse du même ordre de grandeur des débits d?étiage
des cours d?eau et une augmentation de la durée des assecs.
La surélévation du niveau marin et une forte demande estivale en zone littorale risquent de générer
une remontée du biseau salé qui pourrait mettre en danger la qualité des eaux dans les estuaires et
les équilibres actuels dans les zones de marais.
Il est important de préciser que tous ces résultats, sur les eaux de surface comme pour les eaux
souterraines, ne prennent pas en compte la hausse attendue des besoins de l'irrigation engendrée par
l'augmentation des températures et la hausse de l'évapotranspiration. Les valeurs de prélèvements
agricoles utilisées pour la période 2050-2070 sont celles de l'année 2006. Compte-tenu de
l'importance des prélèvements agricoles sur l'évolution du niveau des aquifères et des débits, les
résultats présentés sont jugés plutôt optimistes.
Sols, nappes libres et nappes captives
L'impact de la baisse des précipitations sera amplifié par l'assèchement des sols lié à la hausse de
l'évapotranspiration. Des sols plus secs, ou plus souvent secs, conduisent à une diminution de la
recharge des nappes. Cette diminution de la recharge se traduit par une diminution du niveau
piézométrique. Cependant la baisse du niveau piézométrique n'est pas homogène au sein des
bassins versants. En effet, l'eau des nappes s'écoule et lorsque les nappes sont drainées par des
rivières, on constate une faible évolution du niveau piézométrique près des rivières. A l'inverse, les
zones de plateaux en amont de ces nappes subissent une baisse de niveau piézométrique plus
marquée.
Les projections sont plus difficiles lorsque les nappes sont captives parce que l'évolution du niveau
piézométrique dépend principalement des caractéristiques de l'aquifère et de la variabilité spatiale de
la recharge.
Par ailleurs, les aquifères alluviaux vont pouvoir compenser en partie la diminution de la recharge, car
une partie importante de leur recharge peut provenir des rivières. Dans ces conditions, les pertes en
rivières pourraient compenser en partie la baisse de la recharge tout en amplifiant l'impact du
changement climatique sur les débits.
1.3 Conclusions sur les eaux
Les experts ont conclu que même si la quantification des phénomènes reste entachée d'une forte
incertitude, celle-ci ne devait pas empêcher d'agir dès à présent. Selon eux, la France doit se préparer
à une situation globalement plus sèche, avec des écoulements réduits mais aussi des sols plus secs,
plus tôt dans l'année, avec toutes les conséquences agricoles induites (voir ci-dessous).
Cela doit passer en premier lieu par une meilleure gestion de la demande en eau dans tous ses
aspects socio-économiques, et par une prise de conscience que même des ressources considérées
comme très abondantes aujourd'hui risquent fort d'être limitées à plus ou moins long terme.
En termes de crues, rien ne permet d'affirmer clairement aujourd'hui qu'il faille se préparer, à temps de
retour équivalent, à des événements plus intenses à l?échelle nationale.
2 Climator : ce qu'il faut retenir
Ce projet aborde les impacts du changement climatique sur l'agriculture et la forêt en couvrant
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quasiment tous les domaines de la conduite des agro-écosystèmes. Cette étude a été menée à l'aide
de modèles (ou simulateurs) reproduisant les effets du climat présent et futur (depuis 1970 jusqu'à
2100) sur le fonctionnement et la croissance des cultures et des forêts, tout en intégrant l'effet du sol
et des techniques culturales. Les résultats sont exprimés selon deux échelles le futur proche (2020-
2050), et le futur lointain (2070).
2.1 Impact sur les prairies
Le climat de l'Ouest devrait se réchauffer en hiver et le nombre de jours de gel diminuer. Cela devrait
entraîner une hausse de la production hivernale et du début de printemps. Bien que les simulations
n'aient pas exploré une optimisation des dates de coupes, on peut en déduire une possibilité
d'avancer les mises à l'herbe (si les sols peuvent porter). La qualité de cette herbe se dégraderait
plutôt en tendance pour le ray-grass anglais mais pas pour la fétuque qui présente des teneurs en
azote stable.
Le déficit estival se creuserait nettement, le bilan annuel faisant ressortir une constance de la
production de fourrage pour le futur proche.
2.2 Impact selon les cultures
Impacts sur le blé
Pour le blé, culture à cycle long, moyennement sensible au stress hydrique estival, l'augmentation de
température permet une anticipation des stades et un raccourcissement du cycle qui limitent un
certain nombre de stress : gel d'épis, stress hydrique pendant la montaison en sol profond, montaison
raccourcie sans affecter le rayonnement disponible. Cet ensemble d'avantages permet en tendance
une augmentation du nombre de grains pour un grand nombre de sites. De plus, les maladies
fongiques tendent à diminuer dans le futur proche et lointain. En effet, la diminution globale des pluies
et des durées d'humectation va dans le sens d'une diminution du potentiel d'infection et de la
dispersion des principales maladies actuelles, et ce malgré l'augmentation de température. Couplée à
la diminution des excès d'eau hivernaux, cette amélioration sanitaire potentielle rend envisageable la
culture du blé de façon plus systématique sur la façade atlantique.
Les rendements des variétés précoces et tardives de blé ne devraient pas être affectés malgré une
forte diminution du confort hydrique et une augmentation du nombre de jours échaudants, ces effets
néfastes étant compensés par une meilleure efficience de la photosynthèse liée à l'augmentation de la
teneur en CO2 de l'atmosphère. Par ailleurs, la pression de maladies étant moins forte (rouille brune
et septoriose) les pertes de rendement liées aux maladies devraient s'atténuer (particulièrement
visible sur les blés non traités).
Le décalage de la date de semis du 20 septembre au 1er décembre se traduirait par des baisses de
rendement qui s'expliquent par l'augmentation des stress thermiques et hydriques de fin de cycle. Les
pertes de rendement occasionnées par les maladies foliaires diminueraient également (au maximum
de 15%) en retardant la date de semis, de manière similaire dans le futur proche et le futur lointain. La
date de semis semble être un levier peu efficace pour minimiser les effets du changement climatique.
Impacts sur le colza
Le colza présente des atouts face au changement climatique et au sein de la rotation : le précédent
colza devrait pouvoir fournir d'avantage d'azote aux céréales d'hiver. Si sa phénologie, couplée à un
bon enracinement, lui permet d'esquiver les sécheresses pendant le remplissage des graines, le colza
sera en revanche gravement confronté aux sécheresses de début de cycle et en particulier au
moment de son implantation. Cet aspect constitue sa principale fragilité face au changement
climatique. Ces sécheresses automnales, toutefois modérées dans l'Ouest de la France dans le futur
proche (2020-2050), mettent en péril non seulement l'installation de la culture mais également son
absorption d'azote pendant la phase végétative et la qualité de l'huile en fin de cycle. Ce déficit
d'absorption azotée empêche le colza de bien valoriser l'augmentation du CO2 atmosphérique. Pour
esquiver un petit peu ces difficultés d'absorption d'azote, il sera préférable d'utiliser des variétés à
montaison rapide. Notre région, un peu moins touchée par ce problème, apparaît comme une zone
refuge pour la culture du colza, car nous sommes moins soumis aux gels et devrions disposer d'une
pluviométrie de fin d'été propice à une bonne installation de la culture.
On peut envisager de retarder les semis et d'utiliser des irrigations de complément ponctuelles
(notamment une irrigation « starter » les années sèches) pour régulariser la productivité du colza et en
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augmenter la moyenne.
Impacts sur le maïs
La monoculture de maïs-grain irriguée sera très défavorisée par le changement climatique, en
particulier dans les zones actuelles de production. La première raison est le positionnement estival de
son cycle de culture qui, sans changement variétal, engendre des raccourcissements de la période de
remplissage des grains, provoquant des baisses de rendement en futur proche et lointain. La seconde
raison est l'augmentation du déficit hydrique qui se traduit par un supplément d'irrigation de l'ordre de
40 mm en moyenne dans le futur proche. Dans le futur lointain, l'évolution de l'irrigation est plus
incertaine et il se peut que le frein phénologique compense l'augmentation du déficit climatique.
Une avancée des semis de 1 jour tous les 4 ans en moyenne devrait être possible mais ne permettra
pas de diminuer les besoins en irrigation.
Plus que pour d'autres cultures, il semble important d'envisager la relocalisation géographique et
édaphique des cultures de maïs.
Dans le futur, la maturité beaucoup plus précoce des cultures de maïs permettra un séchage sur pied
important et de grandes économies de frais de séchage qui représentent actuellement un coût élevé.
Impacts sur le sorgho
Malgré une détérioration de son confort hydrique, la productivité du sorgho pourrait augmenter, car le
raccourcissement du cycle de la culture, lié à l?augmentation des températures, pourrait jouer un rôle
d'esquive qui compenserait l'augmentation du déficit hydrique. Si la productivité est évidemment
réduite en sol superficiel à faible réserve utile en moyenne, le sorgho peut valoriser des sols à excès
d'eau qui, sans problèmes d'implantation ou phytosanitaires, devraient permettre d'atteindre des
rendements moyens de l'ordre de 6t par ha en culture pluviale.
Dans le futur lointain, il devrait être possible d'implanter des variétés à cycle long qui permettront un
gain substantiel de rendement. Comparativement au maïs, le comportement rustique du sorgho, avec
un feuillage moins exubérant limitant les pertes d'eau par transpiration et des racines plus profondes
exploitant mieux la réserve en eau du sol, est un élément très intéressant pour affronter le
changement climatique, élément qui l'avantage par rapport à la culture du maïs plus fragile.
Impact sur les forêts
Les forêts, feuillues et conifères, pourraient être impactées par le changement climatique dès le futur
proche et de manière très significative, quel que soit le site en France au futur lointain. Les
sécheresses édaphiques et atmosphériques sont les contraintes principales. Contrairement à tous les
autres systèmes culturaux, il n'est pas envisageable d'améliorer le confort hydrique par irrigation. Les
effets thermiques sur la phénologie ne conduisent pas à des stratégies d'esquive suffisante
contrairement aux cultures annuelles.
Le seul effet bénéfique est celui de l'augmentation de la teneur en CO2 atmosphérique qui améliore la
photosynthèse, mais sans compenser les effets négatifs de l'augmentation des contraintes hydriques.
Vigne
Pour la vigne, les effets du changement climatique probablement les plus nets sont ceux attendus sur
la phénologie et donc aussi sur la faisabilité de la culture, dont l'aire de répartition devrait s'étendre
vers le nord. Entre le passé récent et la fin du 21e siècle, l'ensemble du cycle de culture serait avancé
de 20 à 40 jours et un site comme Rennes deviendrait tout à fait apte à la viticulture.
Conséquences directe de l'avancée phénologique : des impacts également très importants et négatifs
sont prévisibles sur les conditions de maturation du raisin et donc sur la qualité, surtout en termes
d'arômes et de polyphénols.
Le fonctionnement hydrique des vignobles devrait évoluer globalement vers une baisse très modérée
du confort hydrique mais une baisse très nette de la restitution d'eau au milieu.
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Tournesol
Le tournesol est une culture qui réagit plutôt bien au changement climatique. Son extension au nord, dans le cadre
de rotations céréalières, sera possible dès le futur proche. Dans les zones actuelles de production, il faut s'attendre
à peu d'évolution en moyenne sans changement de pratiques, les effets positifs de l'augmentation en CO2 de
l'atmosphère compensant les effets négatifs du stress hydrique. Cependant l'augmentation de la variabilité inter
annuelle, liée en particulier aux sécheresses pendant la phase végétative, pourra être réduite par le recours à des
irrigations « starter » ou de complément. Le choix de variétés progressivement à cycle long et l'avancée des semis
pourra ponctuellement offrir des perspectives d'augmentation des rendements mais pas de façon systématique.
2.3 Impacts globaux sur l'agriculture biologique
L'agriculture biologique ne semble pas devoir être défavorisée par le changement climatique dans le cadre de
rotations mixtes céréales-fourrages : la probabilité de rendements supérieurs à 4 t par ha a tendance à augmenter
et la différence entre cultures biologique et conventionnelle tend à diminuer. Les problèmes environnementaux, liés
aux lessivages des nitrates, seront largement diminués, en particulier dans les sites de l'Ouest. On constate que
dans le futur lointain la variabilité inter annuelle augmente, ce qui fragilisera l'agriculture biologique dans les
conditions contraignantes de sol et de climat.
Conclusions
Au-delà les chiffres annoncés, c'est l'effet cumulé de ces changements qui est générateur d'impacts :
l'augmentation des températures induit une augmentation de l'évapotranspiration donc du besoin en eau des
plantes, tandis que les précipitations seront moindres en printemps et en été.
Sur l'économie agricole, l'impact sera particulièrement sensible sur la production de fourrage et les cultures à forte
valeur ajoutée, en particulier le maïs et le maraîchage. Plus largement, la ressource en eau potable, la biodiversité,
l'état des masses d'eau (diminution de l'hydrologie, augmentation de la température de l'eau et des concentrations
en polluants) seront affectés par le changement climatique et ses effets en termes de réduction des débits.
Dès aujourd'hui, compte-tenu de ces prévisions, il paraît nécessaire de s'orienter vers une gestion stratégique de
l'eau qui intègre certes les enjeux actuels, mais également les enjeux à venir, ceci dans la perspective de restaurer
et maintenir le bon état écologique des masses d'eau au sens de la Directive Cadre sur l'Eau tout en préparant la
profession agricole aux changements à venir.
2115-9998