Exode urbain ? Petits flux, grands effets. Les mobilités résidentielles à l'ère (post) - Covid
MILET, Hélène ;MEYFROIDT, Aurore ;SIMON, Eva
Auteur moral
France. Plan Urbanisme construction architecture
;Réseau rural français
;Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (France)
;Institut national de la recherche agronomique (France)
;Université de Strasbourg
;Université de Perpignan
;Laboratoire Techniques, territoires et sociétés
;Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (France)
;OGGI
;Institut Agro Dijon (L')
Auteur secondaire
JUILLARD, Claire (dir.)
;COULONDRE, Alexandre (dir.)
;BREUILLE, Marie (dir.)
;LE GALLO, Julie (dir.)
;ROUSSEAU, Max (dir.)
;COLLET, Anaïs (dir.)
;DELAGE, Aurélie (dir.)
Résumé
Avec comme objectif de rendre compte de l'existence d'un éventuel exode urbain dans le contexte de la pandémie de la Covid-19, les auteurs ont adopté une approche croisée d'analyse quantitative et qualitative et d'exploration de terrain, en exploitant notamment diverses données : données de navigation sur des sites de recherche de logement, données de réexpédition définitive de courrier de la Poste. Ils montrent ainsi l'attractivité des grands pôles urbains et des façades littorales, un effet de la crise sanitaire sur les intentions de mobilités des urbains vers les villes petites et moyennes, les espaces péri-urbains et les espaces ruraux en dehors des aires d'attraction des villes. Ils mettent ainsi en évidence diverses stratégies et profils des ménages : ménages généralisant le télétravail, ménages ayant un projet de transition rurale ou de développement d'une activité professionnelle nouvelle, retraités ou préretraités ayant des projets de villégiature, populations en quête d'un mode de vie alternatif. Ils observent aussi des stratégies d'investissement immobilier dans des biens anciens et une forme de parisianisation des marchés locaux. Les auteurs estiment qu'on n'observe pas de véritable exode urbain, et que des différences de comportement existent entre les centres urbains.
Editeur
PUCA
Descripteur Urbamet
déplacement de population
;crise
;santé
;comportement
;ménage
;localisation de l'activité économique
;évaluation
;évolution
Descripteur écoplanete
Thème
Habitat - Logement
;Sciences humaines
Texte intégral
EXODE URBAIN ? PETITS FLUX, GRANDS EFFETS
LES MOBILITÉS RÉSIDENTIELLES À L'ÈRE (POST-)COVID
1
L
e Réseau Rural Français et le Plan Urbanisme Construction Architecture pilotent une étude intitulée « Exode urbain : impacts de la pandémie de COVID-19 sur les mobilités résidentielles », dont les premières conclusions (exploratoires) sont disponibles.
Les premiers travaux montrent, que la pandémie de Covid-19 n'a pas bouleversé de fond en comble les structures territoriales françaises qui restent marquées par la centralité des grands pôles urbains. Largement et bruyamment annoncé à la suite des premières mesures de confinement (pour l'espérer ou le craindre), l'exode urbain ne semble pas, pour l'instant, revêtir un caractère massif. Est-ce à dire que rien ne se passe dans les trajectoires résidentielles depuis le début de la crise sanitaire ? Les travaux menés repèrent des signaux faibles, qui viennent renforcer et accélérer des phénomènes déjà présents dans les territoires : processus de périurbanisation qui s'étend à d'autres territoires et devient une « méga-périurbanisation » , de « renaissance rurale », de renforcement de l'attractivité des espaces de villégiature, au coeur de circulations résidentielles entre bi-résidentialité et habiter polytopique. La sociologie des ménages engagés dans une démarche d'exode urbain est diverse et recoupe des réalités socio-économiques et spatiales variées. La pandémie fait néanmoins ressortir un nouveau modèle d'investissement immobilier, à la croisée de réflexes « collapsologiques » - soit en lien avec une anxiété croissante vis-à-vis des évolutions climatiques -, et des stratégies d'extraction de la rente foncière. En creux, dans certains territoires, le risque d'un renforcement de la précarité rurale et des difficultés d'accès au logement pour certaines catégories de la population émerge. Derrière l'expression « exode urbain » se cacherait donc un double malentendu : d'une part il n'est pas question ici d'un déferlement massif de populations « urbaines » dans les « campagnes », sorte de retour de bâton d'un exode rural qui aurait marqué les mobilités résidentielles au XXe siècle. D'autre part, les premières analyses invitent à saisir la diversité des territoires, y compris urbains : si départs de population il y a, ils sont loin de concerner toutes les catégories de villes.
2
Notice méthodo : Une approche croisant analyse quantitative et exploration de terrain Comment capter des changements récents, possiblement encore mouvants, en temps quasi réel, sans renoncer à la rigueur qui est celle de la recherche ? L'étude « Exode urbain : impacts de la pandémie de COVID-19 sur les mobilités résidentielles », commandée par le Réseau Rural Français avec le Plan urbanisme construction architecture (Puca) a été lancée en juin 2021. Elle est opérée par le programme POPSU Territoires (https://popsu.archi.fr) et mobilise, trois équipes de recherche complémentaires : -- Une équipe de chercheurs en sociologie et en géographie quantitative, travaillant sur les données de consultation des annonces de la plateforme leboncoin.fr en partenariat avec le CREDOC, sous la responsabilité d'Alexandre Coulondre (LATTS) et de Claire Juillard (OGGI) -- Une équipe de chercheurs en économie, travaillant sur les données des plateformes meilleursagents.com, seloger.com et sur les changements d'adresse déclarés à la Poste, sous la responsabilité de Marie Breuillé (INRAE) et Julie Le Gallo (L'Institut Agro) -- Une équipe de 12 chercheurs en sociologie et géographie qualitative, qui étudie six terrains ruraux, semi-ruraux ou périurbains coordonnée par Max Rousseau (CIRAD), Anaïs Collet (Université de Strasbourg) et Aurélie Delage (Université de Perpignan). L'originalité du dispositif de recherche tient à ce qu'il combine des approches quantitatives et qualitatives et repose, grâce à des partenariats inédits, sur l'exploitation de données nouvelles : les données de navigation du groupe leboncoin pour la première étude quantitative, les données du groupe SeLoger-MeilleursAgents et de la Poste pour la seconde étude quantitative, et une enquête de terrain comparative pour l'équipe qualitative. L'approche de chaque équipe présente des forces et des faiblesses. C'est la grande cohérence entre les résultats apportés par les trois équipes, qui nous permet aujourd'hui de publier ces résultats intermédiaires avec confiance..
Coordination : Hélène Milet, Aurore Meyfroidt, Eva Simon
3
1
LA FRANCE (POST-)COVID RESTE LARGEMENT MARQUÉE PAR DE GRANDES TENDANCES PRÉEXISTANTES À LA CRISE : MÉTROPOLISATION, PÉRIURBANISATION, LITTORALISATION
1 Voir par exemple « Faut-il quitter les grandes villes ? » Le débat de midi, France Inter, 23 aout 2021 : https:// www.franceinter.fr/ emissions/le-debatde-midi/le-debat-demidi-du-lundi-23aout-2021
Un premier volet de l'analyse vise à savoir, si la pandémie a bouleversé les structures territoriales françaises : le rêve de campagne est-il partagé par les citadins ? Les aires urbaines ont-elles vraiment perdu l'attractivité qui les caractérisait avant la crise ? L'ensemble des équipes constate une grande stabilité des équilibres territoriaux précédent la crise : la France post-Covid qui se dessine reste marquée par la force des pôles urbains, la périurbanisation et l'attractivité des littoraux. À titre d'exemple, les données de la plateforme de recherche immobilière en ligne leboncoin.fr permettent de produire une restitution cartographique, à l'échelle nationale, des territoires dans lesquels les Français se projettent en 2019, 2020 et 2021. Cette analyse, considérant l'ensemble des requêtes immobilières (achat) depuis 2019, pointe les territoires les plus recherchés et ainsi de potentielles mobilités à venir (cf cartes page suivante). Alors qu'elles photographient des contextes sanitaires très différents (avant et après l'éclatement de la pandémie), on note une très forte similarité entre les trois cartes. Loin d'un renversement territorial majeur, nous retrouvons là la structure territoriale « classique » de l'hexagone, ainsi qu'une confirmation de tendances lourdes pré-existantes au Covid, en particulier : -- L'attractivité des grands pôles urbains, en l'occurrence Paris, Marseille, Lyon, ainsi que les autres métropoles régionales - Lille, Strasbourg, Grenoble, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Rennes, Brest, Nice - qui concentrent, outre la population, de nombreux emplois et services ; -- L'attractivité des façades littorales, renforcée après le début de la pandémie. Sur ce point, les témoignages des acteurs bretons ou basques sur la tension des marchés immobiliers locaux ont été nombreux1. Ce sont les principaux pôles urbains et leurs relations entre eux qui captent, l'écrasante majorité des flux de recherche immobilière.
On ne trouve pas les traces d'une réorientation géographique massive des populations à venir, et donc pas de recomposition majeure des flux vers des espaces isolés, hors des aires d'attraction des villes. Il n'y a donc, a priori, pas de grande rupture territoriale dans les intentions de mobilité avant et après la crise, si l'on considère l'ensemble des aspirations des internautes.
4
Liens bruts entre mailles aux seconds trimestres 2019, 2020 et 2021
Second Trimestre 2019
Légende Intensité du lien entre deux mailles (taille proportionnelle au nombre de vues) Attractivité de la maille (taille proportionnelle au cumul des vues entrantes) Pole urbain très tendu Pôle urbain tendu Couronne attractive Couronne moins attractive
Second Trimestre 2020
Territoires touristiques à marché tendu Espace à dominante rurale
Source Le bon coin, exploitation Alexandre Coulondre, Claire Juillard, Marianne Bléhaut Janvier 2022
Second Trimestre 2021
Ces cartes représentent les flux entre les lieux où se situent les internautes, et les lieux où se situent les annonces qu'ils consultent, pour les seconds trimestres de 2019, 2020 et 2021. L'analyse est réalisée à l'échelle des mailles habitat définies par le SDES. Les cercles représentent ces mailles et sont d'autant plus grands que la maille est attractive (cumul du nombre de vues entrantes). Les flèches représentent, les liens entre les mailles et leur intensité (épaisseur fonction du nombre d'internautes qui consultent depuis la maille A des annonces de biens en vente dans la maille B). À noter que les cartes ne présentent que les liens les plus significatifs en volume (> 2000 vues). Pour en savoir plus sur les mailles habitat du SDES : https://www.statistiques.developpementdurable.gouv.fr/une-nouvelle-grille-de-lecturedes-territoires-pour-le-logement-la-maille-habitat
5
2
LA FORCE DES LIENS FAIBLES : L'EXODE URBAIN, DES PETITS FLUX AUX GROS EFFETS
Si l'analyse en valeur absolue conforte les grandes tendances structurantes du territoire, l'analyse en valeur relative révèle l'existence de petits flux et qui peuvent être localement déterminants. Ce qui a été appelé « exode urbain » se trouverait alors là : l'« exode urbain » loin d'un départ massif de populations hors des villes au profit d'un rééquilibrage territorial consisterait en un ensemble de « petits flux » sortant des pôles urbains principalement de très grande taille, qui concerne des types de ménages variés et des territoires différents. Or dans un territoire d'accueil peu dense ou rural, des flux entrants de taille modeste peuvent avoir de forts impacts notamment sur les services publics et leur planification, le marché du logement ou les activités économiques. C'est la force des liens faibles. À ce titre, l'ensemble des équipes perçoit des marques de ces « petits flux » qui participent d'un renforcement de la dynamique déjà en cours d'attractivité de certaines zones périurbaines et rurales. Les travaux reposant sur l'analyse des données de la plateforme meilleursagents.com montrent que : (1) Les estimations réalisées par les acheteurs sur le site soulignent un rebond des intentions à la fois de se relocaliser dans le rural et d'acheter une maison, avec respectivement +5 points et +7,4 points pendant le premier confinement, par rapport à la période pré-Covid. (2) L'analyse économétrique, réalisée en croisant les estimations « propriétaires » et « acheteurs » faites par un même utilisateur sur le site, révèle un effet de la crise sanitaire sur les intentions de mobilités des urbains : alors que, pour les utilisateurs issus des espaces ruraux, la pandémie n'a pas d'effets sur les types d'espaces privilégiés, pour un utilisateur issu d'un espace urbain, la probabilité de choisir à nouveau une localisation dans un espace urbain est 10 % plus faible en période post-Covid.
6
Soldes migratoires par types d'espaces à partir des données de réexpédition définitive du courrier
Le zonage en aire d'attraction des villes différencie : (1) les pôles urbains sur la base de critères de population et d'emploi ; ils regroupent des communes-centres, les plus peuplées, et d'autres communes. (2) les "couronnes", communes pour lesquelles au moins 15 % des actifs travaillent dans le pôle urbain. (3) les communes hors des aires. Par souci de lisibilité de la figure, les communes (peu nombreuses) appartenant à la catégorie « communes d'un pôle secondaire » ont été classées dans la catégorie des couronnes des aires d'attraction 2.
Source La Poste, Exploitation Marie Breuillé, Camille Grivault, Julie Le Gallo, et Olivier Lision Janvier 2022
2
En France, 9 personnes sur 10 vivent dans l'aire d'attraction d'une ville, INSEE Focus, n°211, 2020 : https:// www.insee.fr/fr/ statistiques/4806694
De façon complémentaire, les données de réexpédition définitives de courrier de La Poste pour les particuliers permettent une première approche de la différence entre les départs et les arrivées de population (solde migratoire), dans différents types d'espaces.
7
Trois types de territoires enregistrent un « effet Covid » positif sur leurs soldes migratoires : (1) D'une part, les villes petites et moyennes, qui correspondent aux aires urbaines de moins de 50 000 habitants sur le graphique : ces territoires enregistrent depuis 2019 un solde migratoire positif pour les communes centres, mais cette tendance se renforce largement après la crise (solde migratoire de 2,2 pour 1000 ménages entre mars 2020 et mars 2021, contre 0,7 sur la période entre mars 2019 et mars 2020). (2) D'autre part, les espaces périurbains, ou communes « de couronne », enregistrent presque tous un « effet Covid » positif sur leurs soldes migratoires (+0,6 pour les aires urbaines de 200 000 à 700 000 habitants, +1,2 pour les aires urbaines de 50 000 à 200 000 habitants, +1,4 pour les aires urbaines de moins de 50 000 habitants, pour 1000 ménages entre la période pré-Covid (mars 2019 à mars 2020) et la crise (mars 2020 à mars 2021). Cette attractivité des communes périurbaines est une conséquence du phénomène de desserrement urbain, qui désigne le départ des populations des centres urbains au profit de leurs couronnes. Le desserrement urbain, un des principaux moteurs de la périurbanisation, est particulièrement sensible à Paris à la suite de la crise : le solde migratoire de la capitale passe de -21 à -25,4 départs pour mille ménages, en comparant les 12 mois avant le début du Covid et les 12 mois suivant les premières mesures de confinement. Les couronnes parisiennes, globalement, accueillent plus de ménages sur la même période (+1,9). (3) Enfin les espaces ruraux, ou « espaces hors des aires d'attraction des villes » sur le graphique, voient aussi leur solde migratoire augmenter fortement après le début de la crise sanitaire, passant de 7,2 à 9,7 arrivées pour 1000 ménages. Ce solde migratoire était par ailleurs déjà positif, du fait de la « renaissance rurale » largement documentée par la recherche depuis la fin des années 19703.
3 « La Renaissance rurale », Géoconfuences : http:// geoconfluences.enslyon.fr/glossaire/ renaissance-rurale 4 « Campagnes urbaines », hors Série du Programme B, BINGE Audio en partenariat avec le Plan urbanisme Construction Architecture : https:// www.binge.audio/ podcast/programme-b/ campagnes-urbainesepisode-1-hors-serie 5 « Repenser l'attractivité territoriale », H. Reigner, Le 1 « Quel horizon pour les petites villes ? » en partenariat avec POPSU : https:// le1hebdo.fr/journal/ quel-horizon-pour-lespetites-villes/372/article/ repenser-l-attractivitterritoriale-4981.html? specialAttribute=1
Prudence néanmoins, l'histoire nous apprend que la renaissance rurale ne touche pas l'ensemble des territoires ruraux, et la géographie souligne qu'elle concerne en particulier des territoires proches des centres urbains ce sont les « campagnes urbaines »4, mais aussi des territoires qui bénéficient d'aménités spécifiques l'accessibilité, un climat, une dynamique économique locale faLoin d'annoncer une revitalisation vorable, par exemple.
de toutes les campagnes, l'exode urbain peut tendre à accentuer les différences territoriales, entre les territoires attractifs parfois en « surchauffe »5 - et des territoires qui le sont moins.
8
3
DERRIÈRE LES MOBILITÉS, UNE MULTITUDE DE STRATÉGIES ET DE PROFILS
La tension sur les marchés immobiliers locaux, largement documentée, et qui a pu susciter beaucoup d'espoirs ou d'inquiétudes chez les élus locaux, est alimentée par une hétérogénéité des profils et stratégies d'achat possibles qui constituent, ensemble, l'« exode urbain » : (1) Les ménages qui généralisent le télétravail, souvent cadres, qui peuvent développer la bi- voire tri-résidentialité. Par rapport à l'avant Covid, la généralisation de pratiques de trois jours de télétravail par semaine, ou plus (jusqu'au full remote bien que rare), permet à certains ménages de s'installer dans des territoires plus éloignés (en distance physique et en distance temps), dans des espaces ruraux ou dans des pôles urbains secondaires les « zoom towns », qui regagneraient ainsi en attractivité avec la généralisation du télétravail6. Cet éloignement des pôles de travail permet d'accéder à du foncier moins cher et à des biens correspondant aux évolutions des aspirations vis-àvis du logement (extérieur/jardin, pièce en plus notammnent), soulevant alors la question de la greentrification, ou gentrification rurale7. Attention néanmoins, le télétravail ne s'adresse qu'à une partie restreinte de la population active (estimée de 20 à 30 %), et ne concerne pas tous les corps de métiers. (2) Des ménages avec un projet de « transition rurale » et le développement d'une activité professionnelle nouvelle, en général tournée vers les métiers du bien-être, la production agricole (micro-entreprise) ou l'artisanat. Il semblerait, pour ces ménages souvent dotés d'un capital culturel élevé, que la crise ait précipité des projets de vie déjà préexistants. Bien que ces porteurs de projets soient généralement bien accueillis par les maires de petites communes, la question de la pérennité des entreprises et des activités créées est posée, notamment pour des ménages avec peu de ressources. (3) Des projets de villégiature pour les (pré)retraités, qui privilégient des territoires avec de fortes aménités, des équipements sanitaires et médicaux, et avec une attention croissante aux effets des changements climatiques, c'est-àdire des territoires de villégiature classiques ; ils participent à l'échauffement des marchés en Bretagne et au bord de l'Atlantique. Ces ménages peuvent devenir bi-résidents : ils conservent leur logement urbain pour les mois les plus rudes, les rendez-vous médicaux, les liens sociaux. Particulièrement médiatisés dans les reportages sur « l'exode urbain », ces profils sont néanmoins quantitativement peu nombreux. (4) Des populations à la précarité plus ou moins choisie en quête d'un mode de vie alternatif, dans des modes d'habitat légers ou mobiles, dans des territoires plutôt éloignés et très proches d'espaces de nature. Ces populations, caractérisées par un certain turn over, peuvent rechercher l'isolement (vie en marge de la société) et des formes d'autonomie (terrains avec une source, potagers d'autosubsistance). Peu nombreuses, elles attirent toutefois l'attention sur les difficultés d'accès à l'emploi ou au logement en ville qui sont souvent à l'origine de cette mise en retrait. Confrontés en particulier à la précarité sanitaire de ces populations, mais aussi à des situations conflictuelles d'occupation parfois illégale du foncier, les maires des communes concernées adoptent des attitudes différentes, d'une forme de répression à, plus rarement, une politique d'accueil et d'accompagnement.
6 « Télétravail et recompositions territoriales : les Zoom towns », M. Talandier, Constructif, 2021 https://www.cairn.info/ revue-constructif2021-3-page-56.htm 7 « La gentrification rurale, un regard critique sur les évolutions des campagnes françaises », Géoconfluences : http:// geoconfluences.enslyon.fr/informationsscientifiques/dossiersregionaux/franceespaces-rurauxperiurbains/articlesscientifiques/ gentrification-rurale
9
4
« LA RENCONTRE IMPROBABLE ENTRE LA COLLAPSOLOGIE ET LA RENTES FONCIÈRE 8 » : VERS DE NOUVEAUX COMPORTEMENTS D'INVESTISSEMENT DANS LE RURAL
En parallèle, les tensions immobilières relevées par différentes sources semblent être alimentées sur le terrain par de nouvelles stratégies d'investissement. En effet se développent localement des stratégies « opportunistes » d'achat de biens anciens qui constituent, pour les acquéreurs, à la fois un nouveau logement (plus ou moins temporaire ou saisonnier) et un investissement potentiellement profitable, dans un contexte de taux d'intérêt très bas et de hausse de l'épargne disponible pour les plus aisés. Ces investissements sont alors réalisés suivant plusieurs objectifs : placer son épargne et la valoriser grâce à la création de gîtes ou la location de courte durée ; disposer, à court terme, d'une résidence agréable pour les vacances ou le télétravail ; se doter d'un refuge en cas de resserrement des contraintes sanitaires et en vue de l'accélération du dérèglement climatique. C'est un nouveau modèle d'investissement immobilier dans les territoires ruraux qui émerge et qui importe dans de nouveaux territoires des problématiques habituellement urbaines. Dans ce contexte, une forme de « parisianisation des marchés locaux » liée à l'augmentation de la demande, qui se manifeste par des achats sans négociation et des paiements comptants, pratiques peu courantes dans les territoires où les marchés étaient jusque-là détendus. Une enquête des notaires relatée par Challenges 9 en 2021 soulignait aussi que la plupart des transactions opérées entre 2020 et 2021 concernaient a priori principalement des acheteurs déjà propriétaires de leur résidence principale.
8 « Derrière l'exode urbain, l'accaparement foncier ? », M. Rousseau, A. Delage, Nouvel Obs , 6/12/2021 : https:// www.nouvelobs.com/ societe/ 20211206.OBS51837/ derriere-l-exodeurbain-laccaparementfoncier.html 9 « Immobilier : le marché se déplace vers les villes moyennes », E. Treguier, Challenges, 07/03/2021, https:// www.challenges.fr/ immobilier/immobilierle-marche-se-deplacevers-les-villesmoyennes_753965
10
EXODE URBAIN, UN DOUBLE MALENTENDU ? EXODE URBAIN, UN DOUBLE MALENTENDU ?
Qu'est-ce qui se cache, finalement, derrière l'expression se cache, finalement, servi à décrire Qu'est-ce qui « Exode urbain », qui a derrière l'expresdes mouvements de population en France mouvesion « Exode urbain », qui a servi à décrire desaux suites de population ? ments de la pandémie en France aux suites de la pandémie. Peut-être un double malentendu : d'une Peut-être pas question ici d'un déferlement massif part il n'est un double malentendu : D'une part il n'est pas question ici d'un déferlement de populations « urbaines » dans les « campagnes », massif retour de bâton d'un exode rural qui aurait sorte de de populations « urbaines » dans les « campagnes », sorte de retour de bâton d'un exode marqué les mobilités résidentielles au XXe siècle. rural qui aurait marqué les mobilités résidentielles au XX siècle. D'autreepart, les premières analyses invitent à saisir la diversité des territoires, y compris urbains : si départs D'autre part, il premières analyses invitent tous les de populationles y a, ils ne concernent pas à saisir la diversité des territoires, y compris - alors que centres urbains de la même manière urbains : cersi départs de population il y a, ils ne concernent taines catégories de villes, en particulier petites et pas tous les départs semblent principalement moyennes,les centres urbains de la même manière et toucheraient particulièrement les (très) grandes concerner les espaces métropolitains, desgrandes villes, villes. beaucoup moins les villes petites et moyennes.
11
PLATEFORME D'OBSERVATION DES PROJETS ET STRATÉGIES URBAINES Plan Urbanisme Construction Architecture Grande Arche de la Défense - Paroi Sud Ministère de la Transition écologique Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales 92055 La Défense Cedex +33 (0) 1 40 81 24 37
www.popsu.archi.fr www.urbanisme-puca.gouv.fr popsu_puca popsu Puca Popsu
Jean-Marc Offner, Directeur Général de l'a'urba, Président du Conseil Stratégique de POPSU Jean-Baptiste Marie, Directeur général de l'Europe des projets architecturaux et urbains Aurore Meyfroidt, Responsable des études et des publications Fabienne Dran, Assistante de direction PROGRAMME POPSU MÉTROPOLES Marie-Christine Jaillet, Directrice de Recherche CNRS, LISST-Cieu, Responsable Scientifique du programme POPSU Métropoles Nicolas Maisetti, Responsable du programme POPSU Métropoles PROGRAMME POPSU TERRITOIRES Hélène Reigner, Professeure des Universités, Aix-Marseille Université, LIEU, Responsable Scientifique du programme POPSU Territoires Hélène Milet, Responsable du programme POPSU Territoires CONTACT PRESSE Hélène Milet helene.milet@popsu.archi.fr + 33 (0)1 40 81 92 68
12