Métropoles (Les) au chevet de la décentralisation
PINSON, Gilles
Auteur moral
France. Plan Urbanisme construction architecture
Auteur secondaire
Résumé
Ayant souligné la faible participation aux élections départementales et régionales semblant exprimer non seulement une crise de confiance plus générale, l’auteur analyse cette tendance comme une expression de l’épuisement de l’élan décentralisateur. Il revient sur la période de l’émergence des départements dont l’essor politique est favorisé par la gauche, puis décrit la progressive disparition de cet élan à partir des années 2000, cette évolution se traduisant par celle des relations entre Etat et gouvernements locaux, les marges de manoeuvre de ces derniers se voyant réduites avec le temps. Dans une seconde partie, afin d’éclairer cette logique d’effacement politique des gouvernements locaux, l’auteur propose une vision comparative avec la situation britannique. Ayant indiqué les différences d’approche parfois nettes, il observe une convergence des trajectoires du gouvernement local et des rapports centre-périphérie des deux côtés de la Manche dans les années 1980-90. Les années 2000 se caractérisent par une pression austéritaire sur les gouvernements locaux. L’auteur s’interroge alors sur le rôle que peuvent jouer les métropoles. Pour lui, les espaces politiques urbains et métropolitains sont les seuls à pouvoir échapper à l’effacement politique. En guise de perspectives, il propose trois scénarios d’évolution : différenciation désorganisée, retour à l’esprit de la décentralisation, et rupture avec une évolution fédéraliste.
Editeur
PUCA
Descripteur Urbamet
décentralisation
;institution locale
;fonctionnement des institutions
;politique régionale
;métropole régionale
;département
;commune
;exercice des compétences
;évaluation
;comparaison
Descripteur écoplanete
Thème
Collectivités territoriales
Texte intégral
LES CONFÉRENCES
Gilles Pinson
Les métropoles au chevet de la décentralisation ?
La collection « Les conférences POPSU » Créée en 2017, la collection « Les conférences POPSU » de la Plateforme d'observation des projets et stratégies urbaines veut être à la fois un lieu de débats et un espace critique sur les mutations urbaines et territoriales, au plan national et international, afin de rapprocher les acteurs des chercheurs. À cette fin, la collection édite sous forme de verbatims, les conférences des chercheurs comme des acteurs élus et services techniques des métropoles prononcées dans le cadre de la plateforme à l'occasion de séminaires, colloques et d'entretiens.
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Les métropoles au chevet de la décentralisation ?
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Conférence prononcée, dans sa version initiale, lors du Troisième Séminaire du Conseil Stratégique de la Plateforme d'Observation des Projets et Stratégies Urbaines, "la métropole et les autres", qui s'est tenu les 30 et 31 août 2021 à la Saline Royale d'Arc-et-Senans. Ce texte un prolongement d'un article co-écrit avec Renaud Epstein et Thomas Frinault, « Le crépuscule de l'autonomie locale. Sur les régionales et départementales » publié sur le site d'AOC [Analyse Opinion Critique] le 7 juillet 2021.
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Les deux années que nous venons de vivre auront été une période noire pour la démocratie locale en France. En 2020, sur fond d'annonce d'un confinement imminent pour cause de pandémie au premier tour, puis de déconfinement pour le second, le taux de participation aux élections municipales et intercommunales s'effondre à des niveaux jamais vus : 44,66 % au premier tour ; 41,86 % au second, soit environ 20 points de moins que lors du scrutin précédent en 2014. Un an plus tard, alors même que la situation sanitaire semble plus sereine, les élections départementales et régionales voient la débâcle s'accentuer. Les taux de participation s'établissent à 34,36 % pour les départementales et de 34,69 % pour les régionales, soit respectivement 15 et 24 points de moins que lors des consultations précédentes en 2015.
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Les commentaires n'ont pas manqué de se déchainer pour donner sens à cette série noire. Toutefois, ils ont eu tendance à noyer la spécificité de l'événement dans une tendance de fond, celle de l'érosion généralisée de la participation électorale, elle-même symptôme d'une crise de confiance affectant les institutions, les organisations et le personnel politiques. Cette érosion concerne toutes les élections, à l'exception parfois de l'élection présidentielle. Qu'elle affecte encore davantage des scrutins locaux et régionaux, cela n'a rien d'étonnant pour des spécialistes du commentaire sondagier habitués à ravaler ces scrutins au rang d'« élections intermédiaires » qui ne valent que parce qu'elles indiquent des mouvements de l'opinion à l'échelle nationale. Et si ces scores piteux étaient le symptôme d'un second phénomène ? Un syndrome certes plus discret mais tout aussi révélateur de l'état du pays : celui de l'épuisement de l'élan décentralisateur et du progressif effacement politique de certains niveaux de collectivités territoriales. Par « effacement politique », on désigne ici la perte de visibilité et de lisibilité, et au final de sens politique, de ce qui se joue à certaines échelles du gouvernement local. Les citoyens n'identifient plus clairement les espaces, enjeux, compétences, débats politiques ou encore le personnel politique associés à ces échelles. L'effondrement du taux de participation aux élections régionales et départementales traduirait une difficulté croissante des citoyens à comprendre ce que font
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régions et départements, quels sont les enjeux auxquels les espaces qu'ils gouvernent sont confrontés et les alternatives politiques qui s'y affrontent. C'est en tout cas la première hypothèse que nous formulons ici. Mais il est une autre hypothèse que nous voudrions formuler. Les espaces métropolitains -et plus généralement ce que les spécialistes appellent le « bloc communal », autrement dit l'ensemble constitués par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale- semblent mieux résister à l'effacement politique. Les élections municipales et intercommunales n'ont-elles pas été un peu moins affectées par la montée de l'abstention alors même qu'elles se tenaient dans un contexte sanitaire plus contraint ? Surtout, communes et intercommunalités correspondent à des espaces mieux saisissables par les électeurs, même si les deuxièmes restent affectées par un déficit démocratique congénital. D'une certaine manière, le bloc communal et, au sein de celui-ci, les métropoles en particulier, seraient un peu les rescapés de la décentralisation et de l'esprit qui la portait. Peut-être seront-ils aussi les camps de base d'une relance de ce projet ?
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L'épuisement du récit décentralisateur
On assiste bien depuis le début du millénaire à un épuisement du récit et de l'élan décentralisateurs. Cet épuisement fait deux victimes principales : les départements et les régions. Pourtant les choses étaient plutôt bien parties pour ces deux niveaux. Les lois de décentralisation les avaient consacrées alors même qu'elles ne disaient pas un mot de l'intercommunalité, du fait urbain et encore moins du phénomène métropolitain.
La parenthèse décentralisatrice
Dans un pays où la politique locale est longtemps demeurée avant tout une politique de gestion des espaces ruraux, les départements étaient devenus au fil des décennies la collectivité-pivot. Le mandat de conseiller général était deve-
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nu une étape clé du cursus honorum des aspirants à la carrière politique. Les présidents des conseils généraux faisaient o ce de patrons politique locaux et leur association, l'Assemblée des Départements de France, était devenu un puissant lobby. Ce rôle de centre de gravité de la politique locale est confirmé par les lois de décentralisation. Les départements se voient alors confiés des compétences nouvelles en matière d'action sociale, de gestion des collèges ou encore de transports terrestres. Elément tout aussi important, la décentralisation va de pair avec un approfondissement du mouvement de déconcentration des administrations d'État qui s'organise avant tout à l'échelle départementale. Ainsi, c'est une dynamique de renforcement réciproque des départements dotés de nouvelles compétences et ressources, d'une part, et de l'État déconcentré à l'échelle départementale d'autre part, que la décentralisation perpétue. Les régions ne sont pas en reste. Dans le cadre de la « régionalisation fonctionnelle », l'État gaullien les avait promues comme échelle de déploiement des politiques d'aménagement du territoire et de modernisation de l'appareil productif. La décentralisation poursuit dans cette direction et transforme les établissements publics régionaux en collectivités locales de plein droit dotées d'un conseil élu au su rage universel direct, d'un exécutif et de nouvelles compétences en matière d'aménagement du territoire, de développement économique, de transports et de gestion des lycées. Cette consécration juridique se double d'une consécration politique avec la tenue, en 1986, des premières
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élections régionales au su rage universel direct. Mieux, la consécration est médiatique. Ces élections voient une percée du Front National qui apporte un appoint de voix à des leaders de la droite en mal de majorité absolue. À la faveur de ces petits arrangements, les élections régionales font la une ! Par la suite, d'élection en élection, la région confirme son statut de position de repli ou de tremplin, pour des ténors politiques nationaux. La cause semble entendue : la région s'est vite imposée dans le paysage politique et institutionnel français ; elle semble devenue un jalon incontournable dans le domaine des politics, de la compétition politique. La manière dont la fabrique des politiques publiques (des policies) se réorganise dans l'ère post-décentralisation confirment cette consécration. En e et, arrivée au pouvoir, la gauche doit concilier deux impératifs : la décentralisation, « grande a aire » du premier septennat Mitterrand, d'une part ; et la relance de la planification que la gauche ne peut décemment laisser tomber. Comment faire une place aux collectivités locales dans une planification par laquelle l'État entend orchestrer le développement économique alors même que l'on a transféré à ces collectivités une partie des compétences en la matière. La réponse sera l'invention des Contrats de Plan État-Région qui feront un temps des régions les scènes de négociation des projets de développement territoriaux entre l'État et les « grandes collectivités » (région, départements, grandes intercommunalités urbaines)1.
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Rationalisation et austérité
À partir des années 2000, la donne change. Il apparaît peu à peu que la priorité n'est plus à l'approfondissement de la décentralisation. Un autre paradigme s'impose, celui de la « réforme territoriale »2. La priorité n'est plus, ou plus marginalement, à la démocratisation, au rapprochement des espaces de décision des citoyens, à la territorialisation de l'action publique ou à l'organisation de la subsidiarité. Elle est à la « rationalisation » de l'action publique, à l'évaluation de son e cacité et de son e cience par la mise en place de batteries d'indicateurs de performance, à la clarification des compétences par leur « décroisement » et, last but not least, au contrôle des déficits publics au moyen de mesures d'austérité. De même qu'il est di cile d'établir la paternité politique et idéologique de la décentralisation, la « réforme territoriale » est à bien des égards, une oeuvre « bipartisane ». C'est la gauche plurielle qui ouvre le bal avec l'introduction en 2001 de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui opère un basculement sans précédent dans la manière de concevoir l'action publique derrière laquelle se profile le spectre de ce que les Anglophones appellent le « New public management ». La LOLF introduit le souci de la performance, des résultats, censé remplacer l'obligation de moyens. L'impératif de performance implique de découper l'action de l'État en « missions », elles-mêmes découpées en « programmes », eux-mêmes déclinés en « actions ». Pour chacune de ces actions, des indicateurs de performance doivent
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être mises en place. Les administrations doivent définir des « projets annuels de performance ». Le problème, c'est qu'au nom d'objectifs louables d'économie des moyens publics et de transparence de l'action publique, la mise en oeuvre de la LOLF va voir se déployer tous les e ets pervers des usines à gaz de la rationalisation bureaucratique : profusion et instabilité des indicateurs de performance ; focalisation tendancielle sur la satisfaction des indicateurs et oubli progressif des grands objectifs des politiques ; mise en place de dispositifs chronophages de reporting et d'évaluation, etc. Bref, la LOLF incarne bien des tares du New Public Management qu'elle a contribué à acclimater en France3. Les rapports entre l'État et les collectivités territoriales ont été lourdement a ectés par le déploiement de ces logiques néomanagériales. La Politique de la Ville a été un des théâtres de cette dégradation des rapports si l'on en croit Renaud Epstein4. Voilà, une politique qui avait été un laboratoire de la Décentralisation et des nouveaux principes d'action publique qui avaient été inventés pour permettre sa mise en oeuvre e ective : territorialisation (des diagnostics et des objectifs) et contractualisation (des engagements financiers notamment). Elle dessine des rapports moins dissymétriques et plus coopératifs entre l'État et les collectivités, mais aussi parfois entre les institutions et les habitants. L'adoption du Plan national de la rénovation urbaine (PNRU) en 2003 à l'initiative de Jean-Louis Borloo, ministre du gouvernement Ra arin, bouleverse totalement la donne. L'heure n'est plus à la construction locale de réponses sur
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mesure à des problèmes spécifiques à chaque quartier. Elle est à un plan national fixant des objectifs chi rés et des principes d'action démolition, reconstruction, résidentialisation peu négociables, le tout mise en oeuvre par une agence l'Agence nationale de la rénovation urbaine mettant en compétition les gouvernements locaux pour l'accès aux subsides étatiques. La gouvernance territoriale coopérative a laissé place au gouvernement à distance. Les mandats présidentiels suivants ne vont que confirmer la tendance à l'évaporation de l'élan de décentralisation sous les coups de boutoir du néomanagement public, d'une conception étroite de la rationalisation et de la doxa austéritaire. Nicolas Sarkozy poursuit l'oeuvre néomanagériale en lançant sa Revue générale des politiques publiques (RGPP). Surtout, il lance une Réforme de l'Administration Territoriale de l'État (REATE) qui amplifie le repositionnement des services de l'État dans un rôle de stratège et de contrôleur, loin de la figure de l'État coproducteur que la décentralisation avait momentanément fait naître. En e et, dans un souci de clarification et de décroisement des compétences, les services déconcentrés de l'État à l'échelle départementale sont largement redimensionnés. Les fonctions de coproduction des politiques territoriales qu'ils prenaient en charge en lien étroit avec les collectivités sont abandonnées au profit de fonctions de contrôle et de pilotage à distance organisé depuis Paris ou les préfectures de région5.
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Sous les quinquennats Hollande et Macron, la pression austéritaire et l'obsession de la réduction des déficits publics prennent le relais de la pulsion rationalisatrice, sans pour autant la remplacer totalement. Cette dernière reste présente dans les débats incessants sur la suppression de la clause générale de compétence qui ont jalonné la préparation des lois MAPTAM et NOTRe6, mais aussi dans la refonte de la carte des régions. C'est le gouvernement Valls qui, le premier, décide d'imposer un régime d'austérité aux collectivités locales. Entre 2014 et 2017, c'est à une réduction d'un tiers la Dotation globale de fonctionnement (DGF) que l'on assiste. « Cette baisse brutale s'est traduite par un recul spectaculaire des dépenses d'investissement des communes et des intercommunalités, qui concentrent près de la moitié (41 %) des investissements publics. Bien que repartis à la hausse ces deux dernières années, les montants d'investissement engagés par les collectivités peinent à retrouver le niveau de 2012 »7. Le mouvement de manipulation des ressources des collectivités par l'État s'est poursuivi avec la décision du gouvernement de supprimer graduellement la taxe d'habitation. Il a été bien vite doublé d'un dispositif d'encadrement des dépenses : les « contrats de Cahors » signés entre l'État et les collectivités dont le budget dépasse les 60 millions d'euros8. Les rapports entre l'État et les gouvernements locaux avaient pris un tour plus coopératif et moins asymétrique dans les années 1980 et 1990. On n'en est plus là dans les deux décennies qui suivent. Les signes d'une volonté de
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l'État de reprendre le contrôle se multiplient avec pour e et une montée des tensions entre l'État et les collectivités territoriales. Cette tension croissante a pris une nouvelle dimension sous le quinquennat Macron. En e et, les e ets cumulés de la fin du cumul des mandats qui avait le mérite de permettre à un contre-pouvoir local de peser sur les décisions prises au niveau national de l'arrivée de parlementaires qui n'ont pour beaucoup aucune expérience de l'exercice de mandats locaux et d'un exercice du pouvoir marquée par un tropisme technocratique et néolibéral ont fini de donner l'impression que bien des canaux de communication se sont rompus entre le centre et ses périphéries. La politisation inédite de la campagne pour l'élection à la présidence de l'Association des maires de France en 2021 en est l'ultime illustration9. Depuis vingt ans, c'est toute une économie des rapports entre État et territoires qui a été reconfigurée. Les mouvements successifs de réforme territoriale ont eu pour e et de rogner progressivement les marges d'autonomie que les gouvernements locaux avaient gagné dans les vingt années précédentes. A notre sens, c'est cette perte d'autonomie qui est à l'origine de l'e acement politique dont sou rent aujourd'hui les collectivités, régions et départements au premier chef.
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Vers un modèle anglais ?
Pour donner sens à cette logique d'e acement politique des gouvernements locaux, et notamment des régions et des départements, la comparaison peut être d'un grand secours. Notamment, la comparaison avec le voisin britannique. Les systèmes de gouvernement local et de rapport centrepériphérie français et britannique ont souvent été opposés10. Le poids de la dépense locale dans la dépense publique, la répartition des rôles dans l'action publique entre l'État et les collectivités, l'importance politique des élus locaux, etc. à bien des égards, tout les opposait. Même les évolutions historiques de part et d'autre de la Manche sont désynchronisées. Alors que dans les années 1980, la France et une bonne partie des pays d'Europe continentale se
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lancent dans réformes donnant plus de poids aux gouvernements régionaux et locaux, le Royaume-Uni connait un mouvement drastique de recentralisation. Notre hypothèse est qu'après avoir longtemps divergé, les deux modèles se rapprochent. Plus précisément, le modèle français de gouvernement local emprunte de plus en plus de traits à son homologue britannique.
Gérer ou représenter ?
Jusqu'aux années 1980, le gouvernement local britannique se caractérise par l'importance des compétences exercées et son poids dans la dépense publique. Municipalités et comtés ont notamment un rôle fondamental dans des domaines comme l'éducation, l'action sociale, l'urbanisme, le logement social ou encore la police. L'expansion de l'Étatprovidence britannique s'est concrètement traduite par l'élargissement des compétences et des ressources du gouvernement local, à l'image de ce qui s'est passé dans d'autres pays, scandinaves notamment. Dans les années 1980, un travail de typologie des systèmes de gouvernement local en Europe, Goldsmith et Page distingue deux ensembles. Le premier, qui regroupe des pays du Nord de l'Europe, se caractérise par une situation dans laquelle les gouvernements locaux ont de nombreuses compétences et ressources pour les exercer (functions), une marge de manoeuvre (discretion) certaine dans l'exercice de leur compétence mais dans laquelle, en revanche, les élus locaux ont peu de poids politique et peu de capacité d'influencer les décisions au plan national (access). Le Royaume-Uni fait partie de cet ensemble
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baptisé North aux côtés du Danemark, de la Norvège et de la Suède. À ce modèle, les auteurs opposent celui de type « South » dans lequel l'Espagne, la France et l'Italie sont classées et qui est marqué par des compétences règlementaires et une autonomie d'action faibles, mais des conditions d'accès au centre plus favorables. Ce tableau d'une décentralisation précoce dans un État pourtant réputé unitaire doit toutefois être nuancée par trois facteurs. Le premier est d'ordre institutionnel. Le gouvernement local britannique n'est pas protégé par des normes constitutionnelles. Ses découpages et ses compétences peuvent être unilatéralement modifiés par le gouvernement et le parlement. Le champ de compétences des collectivités est strictement borné par le parlement. Le second est politique. La puissance administrative du gouvernement local a pour contrepartie une très grande faiblesse politique. Les élus locaux britanniques sont très peu visibles. Ils ne pratiquent pas le cumul et accèdent rarement à des carrières politiques nationales (le maire de Londres restant encore aujourd'hui une exception). Bref, le « local » a peu accès au « centre » ; les élus locaux ne constituent pas un lobby capable de peser sur la politique nationale. Enfin, le troisième facteur a trait à la division du travail entre État et local dans la conduite des politiques publiques. En Grande-Bretagne, cette division relève d'un modèle dit « dual » reposant sur une séparation nette entre des tâches de conception des politiques réservées aux ministères et des fonctions de mise en oeuvre dévolus au gouvernements
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locaux. Ainsi, si ceux-ci ont longtemps été relativement riches en ressources et compétences, c'est parce qu'ils agissaient un peu comme des agences d'exécution pour le compte de l'État. En France, une situation diamétralement opposée a longtemps prévalu. Les compétences des collectivités sont limitées, et leur exercice est contraint par l'omniprésence et les contrôles de l'État. Par contre, cette faiblesse en termes de capacité d'action est compensée par une capacité des élus à infléchir l'action de l'État par des jeux d'influence qui se trament au niveau local et central. Cette influence est bien entendue favorisée par la pratique du cumul des mandats. Ainsi, pour reprendre les termes de Pierre Grémion, le « jacobinisme » français est « apprivoisé », la centralisation administrative compensée par une forme de décentralisation politique11. On est dans une situation typique du type « South » de gouvernement local identifié par Goldsmith et Page. Ce qui oppose fondamentalement les deux systèmes, ce sont les valeurs politiques et symboliques attachées à l'autonomie locale et au principe de décentralisation. Le RoyaumeUni fait partie de ces pays dans lesquels ce sont les valeurs d' « e ciency », selon les termes de Brian Smith12, qui dominent. Les gouvernements locaux sont essentiellement conçus comme devant rendre des services de qualité et au meilleur coût à la population. Leur création, le découpage de leur territoire, le respect de leur autonomie par l'État ne
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sont pas des enjeux politiquement sensibles. D'ailleurs, les élections locales ne mobilisent pas les foules. Des taux de participation à 20 % sont souvent interprétés comme le signe d'un satisfecit des électeurs eux-mêmes vus avant tout comme des consommateurs de services. En France, ce sont les valeurs de « community » qui prévalent. Dans un pays où la construction nationale fut un processus long et conflictuel, ponctué de révoltes et de frondes des périphéries contre le centre, les gouvernements locaux ont avant tout pour fonction de représenter et défendre les sociétés locales. L'impuissance administrative du local est compensée par sa capacité à se faire entendre au centre par l'intermédiaire de ses élus.
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Convergence des modèles
Au cours des années 1980-90 s'opère une convergence des trajectoires du gouvernement local et des rapports centrepériphérie de part et d'autre de la Manche. Au nom de la lutte contre les déficits et du redimensionnement du welfare state, les gouvernements conservateurs partent à l'assaut de l'autonomie locale. La capacité des collectivités à lever l'impôt est sévèrement encadrée. Les ressources liées à la fiscalité locale sont progressivement remplacées par des transferts de l'État, plus faciles à contrôler par ce dernier. Les privatisations contraignent les gouvernements locaux à abandonner une partie de leurs compétences. Bref, le pays du self rule voit s'opérer un mouvement de recentralisation sans équivalent à l'époque.
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En France, à l'inverse, les collectivités locales gagnent en compétences, déploient une ingénierie qui n'a plus à rougir de la comparaison avec celle de l'État. Elles bénéficient pour cela d'une autonomie fiscale (le rapport entre produit des taxes locales sur le total des ressources) qui a peu d'équivalent à l'étranger. Le même phénomène s'observe dans d'autres pays du Sud comme l'Espagne et l'Italie. Ainsi, à l'orée du nouveau millénaire, la carte européenne du gouvernement local s'est quasiment inversée : au nord, des gouvernements locaux de plus en plus corsetés par le retour d'États centraux convertis au New public management et à l'austérité ; au sud, des gouvernements locaux qui cumulent désormais poids politique et une capacité d'action très nettement réévaluée. Toutefois, comme vu précédemment, les deux décennies suivantes (2000-2020) apportent leur lot de nouveaux bouleversements. Surtout en France, car en Grande-Bretagne, la réforme de devolution lancée par Tony Blair ne remet pas radicalement en question le processus de reprise en main de l'autonomie locale par l'État. Le retour au pouvoir des Conservateurs à partir de 2010, en pleine récession, accentue encore la pression austéritaire sur les gouvernements locaux. Aujourd'hui, ces derniers sont plus que jamais cantonnés dans un rôle d'agence de mise en oeuvre de programmes décidés à Londres. Ce qui leur restait de marge de manoeuvre pour développer leurs propres politiques a été asséchée par le contrôle étroit de la fiscalité locale et la réduction des transferts.
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La vraie nouveauté c'est qu'en France, on assiste depuis les années 2000 à un mouvement assez similaire qui a ecte surtout les départements et les régions. Ce mouvement tend à les priver peu à peu de leur autonomie d'action et à les transformer en agences d'exécution pour le compte de l'État et les condamne à l'invisibilité politique. Mon hypothèse est que ce mouvement a ecte surtout les départements et les régions et a relativement épargné jusqu'ici le bloc communal et les grandes villes. D'une certaine manière, les départements se sont faits piéger par l'acte 2 de la décentralisation de 2004 qui leur a transféré des compétences budgétivores, énergivores comme la gestion du Revenu de solidarité active (RSA) ou encore la gestion du réseau routier et dans lesquelles ils n'ont guère de marge de manoeuvre et agissent largement pour le compte de l'État. La perte de la clause de compétence générale orchestrée par la loi NOTRe de 2015 ne va pas arranger les choses. Déjà en 2007, Philippe Estèbe13 faisait l'hypothèse d'une évolution des conseils généraux vers des sortes d' « agences départementales ». Les compétences transférées par le bien mal nommé Acte 2 de la décentralisation, écrivait-il, « n'o re qu'une marge de manoeuvre extrêmement réduite à l'innovation. S'il existe des latitudes, elles sont techniques et organisationnelles, pas politiques. Le législateur a très fermement encadré ces secteurs transférés, de façon à limiter le plus possible la capacité d'invention des collectivités bénéficiaires, jusqu'à en faire de purs exécutants de la politique nationale »14. Les départements
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ont été ainsi les premiers à faire les frais du passage d'un modèle de conduite des politiques publiques « fusionné », dans lequel collectivités et État travaillent ensemble dans la conception et la mise en oeuvre, à un modèle « dual », à la britannique, ou la collectivité est l'agent d'exécution de l'État. À première vue, les régions françaises semblent mieux s'en sortir. La loi NOTRe ne leur garantit-elle pas l'exclusivité en matière de régimes d'aides aux entreprises ? Leur redécoupage ne leur permet-il pas d'atteindre la fameuse taille critique pour rivaliser avec leurs homologues allemandes ou espagnoles ? Soyons sérieux. La vraie di culté pour les régions françaises réside plus dans la concurrence que leur livrent les services de Bercy et les grands corps qui peuplent le ministère de finances et de l'industrie. L'État et ses élites n'ont jamais voulu renoncer aux outils (plans de relance, investissements d'avenir, pôle de compétitivité, etc.) qui leur permettent ou leur donnent l'illusion de piloter l'économie nationale. Et ne parlons pas de la concurrence que leur livrent aujourd'hui les métropoles15. « Résultat, les régions disposent de budgets qui leur permettent de satisfaire des clientèles très étroites dans le milieu de l'industrie et de l'innovation mais n'ont au final ni les ressources ni la légitimité pour peser sur le destin économique de leurs territoires »16. Leur taille XXL n'arrange rien, nécessitant des déplacements infernaux entre anciennes capitales régionales. Il serait bien trop hardi de prédire que les régions françaises subiront le même sort que leurs homologues
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britanniques, rayées de la carte par David Cameron. Toutefois, on se demande sur quelles compétences elles ont véritablement pu prendre leur envol.
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Le salut viendra-t-il des métropoles ?
Dans cette orientation de la réforme territoriale qui ne relève ni de la poursuite de la décentralisation (contrairement à ce qu'on entend) ni à un retour à une situation antérieure mais à un nouvel équilibre que certains caractérisent comme gouvernement à distance, le cas des métropoles détone. En tous cas, c'est mon hypothèse : les espaces politiques urbains et métropolitains semblent les seuls à même d'échapper à l'e acement politique. Et s'ils incarnaient les derniers espaces où survit l'esprit de la décentralisation ? Deux séries d'éléments nous amènent à formuler cette hypothèse. Une première série est lié aux politiques publiques (policies) ; la seconde aux conditions de la vie démocratique et de la compétition électorale (politics).
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Champions métropolitains
Du côté des policies, reconnaissons d'abord que s'il y a une constante, en France, dans les politiques et les réformes ayant trait à l'aménagement du territoire et à l'organisation des pouvoirs locaux, c'est la promotion des métropoles en tant à la fois qu'échelle de gouvernance et de points d'appui des politiques de développement économique17. Cette tendance a certes connu ses temps forts la politique des métropoles d'équilibre dans les années 1960-70, la création des communautés urbaines à la toute fin des années 1960, la relance de l'intercommunalité par la loi Chevènement, la politique des pôles de compétitivité, la création des métropoles dans les années 2010, etc. et ses temps faibles les lois de décentralisation qui ne disent mot du fait urbain mais elle n'a jamais été réellement démentie. Tout se passe comme si la politique de l'État était hantée par un spectre, celui du déséquilibre du système urbain français et du retard des « second cities » françaises sur leurs homologues européennes. Et que ce spectre avait poussé à une action constante, par-delà les alternances et les changements de modes. Cette constante est bien entendu confortée par des dynamiques économiques et géographiques dont il est toujours compliqué de dire si elles sont le produit des seules décisions politiques ou si elles sont aussi dues à des transformations plus profondes des systèmes productifs, des formes d'organisation du travail, des aspirations sociales et des modes de vie. J'ai en tête bien entendu les processus de
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métropolisation et d'urbanisation des rapports productifs et des mécanismes d'innovation. Toujours est-il qu'en France comme ailleurs, les États en ont déduit que les métropoles étaient devenues les moteurs des processus de développement et en ont fait leur « champion », en lieu et place des « champions industriels » dont l'ancrage national est de plus en plus incertain18. Même si c'est assez inattendu dans un pays réputé à la fois centralisé et urbanophobe, force est de constater que cette alliance implicite entre État et métropoles est sans doute plus forte en France que dans bien d'autres pays. Pourquoi ? Parce que, contrairement à l'Allemagne, l'Espagne ou l'Italie, la France n'est ni un pays fédéral ni un pays fortement régionalisé, configurations dans lesquelles l'émergence politique des métropoles est souvent entravée par les pouvoirs régionaux. Parce que, contrairement au RoyaumeUni, la France est un pays où les élus urbains pèsent et où les rivalités entre niveaux de gouvernement poussent les élus locaux à chercher en permanence à élargir leur sphère d'autonomie, contre et tout contre l'État. Enfin, parce qu'en France, les ambitions interventionnistes de l'État ont largement été reprises à leur compte par les pouvoirs urbains et métropolitains. Ainsi, il n'existe pas une logique de vases communicants en France entre « retour des villes »19 et « retour de l'État »20, mais bien une dialectique entre ces deux pôles qui les renforcent l'un et l'autre. Contre toute attente, la France est désormais un pays doté d'un État fort et de métropoles fortes dotées de budget qui sont parfois
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l'équivalent de ceux des régions, attelage que l'on retrouve finalement peu ailleurs21. Ce qui fait également l'avantage des systèmes de gouvernance constitués autour des métropoles et qui les préserve de l'e acement politique, c'est un bloc de compétences à la fois plus large et mieux identifiable. Communes et EPCI ont à leur disposition des compétences urbanisme, habitat, transport, aide sociale, aide à la personne, développement économique, etc. qui leur permettent d'agir sur la majeure partie des dimensions de la vie des habitants, ce qui est loin d'être le cas des départements et des régions. Ce spectre large de compétences, et l'ingénierie qui va avec, permet aux métropoles qui veulent bien s'en saisir d'avoir des stratégies intégrées permettant d'articuler dans leurs politiques les leviers relevant de di érents secteurs. Quand on pense à l'adaptation au changement climatique, quel niveau peut mieux que le bloc communal urbain est en mesure de construire une stratégie globale articulant, par exemple, actions sur le bâti et la rénovation énergétique, actions en matière de végétalisation et de désimperméabilisation des sols, actions sur l'o re de mobilité, etc. La conservation par le bloc communal de la clause de compétence générale aide aussi, bien entendu, à développer cette cohérence.
Métropolitiques
La seconde série d'arguments qui m'amènent à considérer que le bloc communal urbain et particulièrement métropoles sont mieux protégés du risque d'e acement politique
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a trait à la dimension politics, celle du débat démocratique et de la compétition électorale. D'abord, même si les élections municipales ne sont pas épargnées par la désa ection pour la démocratie représentative, elles demeurent plus mobilisatrices que les élections régionales et départementales. Le trou d'air des élections municipales et intercommunales de 2020 (44,6 % de participation en moyenne au premier tour ; 41,8 % au second) est inquiétant. Toutefois, on peut d'une part, faire l'hypothèse qu'il est très lié à la situation sanitaire. Et noter, d'autre part, ensuite que les niveaux de participation sont restés bien supérieurs à ceux des scrutins départementaux et régionaux de 2021 organisés dans des contextes sanitaires pourtant plus favorables. Même si les élections régionales attirent des « ténors » politiques nationaux en mal de positions d'attente, il n'en reste pas moins que les candidats et les listes qui se présentent aux élections municipales, notamment dans les métropoles, sont mieux identifiés par les électeurs. Surtout, les métropoles constituent des espaces politiques au sein desquels les enjeux et les alternatives politiques et idéologiques sont plus identifiables. Daniel Béhar disait des départements français et on pourrait dire la même chose des régionsqu'ils sont avant tout des « périmètres » bien plus que des « territoires ». Même si le découpage des limites des métropoles doit davantage à des calculs et au respect d'équilibres politiques, celles-ci s'approchent davantage de cet idéal-
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type territorial. Les espaces métropolitains sont tramés par des flux et des liens d'interdépendance. Les métropoles commencent même à devenir des espaces de débats, de controverses. Les dernières campagnes municipales et intercommunales ont vu fleurir quelques timides tentatives pour mettre en débat les stratégies et politiques métropolitaines22. L'obsession de la croissance et de l'attractivité, la bétonisation ou encore la congestion ont été épinglées. Ici et là, des maires, des collectifs de militants, des habitants organisés, des syndicalistes ont commencé à mettre en question ce qu'ils considèrent comme les e ets délétères d'agendas de métropolisation. Les premiers mois de mandat des nouveaux maires écologistes ont été émaillés de polémiques locales autour de décisions remettant en cause ici des décisions d'aménagement, là un projet d'implantation d'un nouvel attribut de métropolitude23. A chaque fois, ce qui est en jeu c'est bien le modèle de développement associé au statut de métropole. Au-delà de la politique électorale, on voit aussi apparaître une nouvelle génération de luttes urbaines qui tendent de plus en plus à devenir des luttes métropolitaines. Ces mobilisations portent souvent sur des aménagements ou encore des opérations immobilières bien précises. Mais, de plus en plus, ces revendications très locales s'articulent à une remise en cause plus globale des stratégies et politiques métropolitaines24. Ces polémiques et ces mobilisations font écho à une floraison de pamphlets et de tribunes parus récemment et qui, venant de la gauche et de la droite, questionne les politiques de métropolisation, voire une norme métropolitaine
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a ectant les choix en matière de politiques publiques. On peut regretter les excès de certaines de ces expressions qui parfois jettent le bébé « métropole-institution » avec l'eau de la « métropolisation-processus », mais elles ont le mérite de donner une épaisseur politique à la métropole et aux enjeux métropolitains. Il n'est pas sûr que de tels débats puissent s'épanouir aux échelles départementale et régionale. Les métropoles semblent ainsi doublement protégées de l'e acement politique qui menace régions et départements. Du côté des policies, leurs compétences et ressources leur permettent encore d'avoir des stratégies de développement intégrées, inspirées par des visions et des idéologies explicites, et déclinées en politiques publiques sectorielles. Du côté des politics, ces mêmes stratégies et politiques o rent une prise au débat public, débat où peuvent se construire des alternatives claires. Bref, les germes de métropolitiques sont bien là. Les espaces métropolitains sont de plus en plus les scènes et les objets de formes de politisation, et l'on ne peut que s'en réjouir !
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Perspectives
C'est un drôle de bilan que l'on peut faire après vingt ans de politiques territoriales et de réorganisations institutionnelles chaotiques et contradictoires, mêlant mesures de contre-décentralisation et de promotion des échelles métropolitaines. Les régions, même si elles sont investies par des ténors politiques nationaux, sont paralysées par leur grande taille, embarrassées par des compétences éparses qui leur permettent di cilement d'être les chefs de file des politiques d'aménagement et de développement que l'on attendait. Elles demeurent par bien des aspects dans l'ombre de l'État stratège et de ses grands corps dont les coups de menton volontaristes émaillent la vie politique nationale. De leur
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côté, les départements, dont on a l'impression parfois qu'ils ont été réduits à l'état d'agence de l'État, liquident des dossiers de prestations sociales au nom de l'État et peinent de plus en plus à dégager des marges de manoeuvre pour déployer des stratégies de territoires. Régions et départements ont face à eux des métropoles qui, pour les puissantes d'entre elles, sont parvenues à constituer de véritables « zones d'autonomie métropolitaine » au sein desquelles elles peuvent, lorsqu'elles savent s'imposer aux communes, développer de vraies stratégies de territoires et les mettre en oeuvre sans trop de dépendance à l'égard d'autres acteurs. Par ailleurs, on les voit de plus en plus prendre en charge à travers les coopérations territoriales, des missions d'aménagement du territoire au-delà de leur périmètre. Pour compléter le tableau, n'oublions pas l'État. Un État délesté d'une bonne partie de ses fonctions de production et de ses services déconcentrés, censé donc se recentrer sur des fonctions stratégiques, mais qui, dans les faits, agit par à-coups pour ne pas dire à base de « coups » imaginés par une classe politique et des entourages ayant cédé à la spectacularisation du politique et dont la seule cohérence sur le moyen terme semble être l'obsession austéritaire. Le contexte est donc passablement incertain mais on peut néanmoins s'amuser à imaginer des scénarios d'évolution. Le premier scénario est celui du fil de l'eau. On pourrait le baptiser le scénario de la di érenciation désorganisée. Les métropoles continuent à s'émanciper sur fond de bricolage
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intempestif de l'État de leurs ressources qui n'a ecte que marginalement leurs capacités d'action. De leur côté, les départements et les régions poursuivent leur trajectoire « à la britannique » d'agencification tout en restant formellement des collectivités territoriales parce qu'il y aura toujours besoin d'o rir des mandats à des aspirants à la carrière politique. Dans ce scénario, les mécanismes de di érenciation des modes de gestion du territoire risquent fort de s'exacerber. Entre les territoires bénéficiant de l'e et d'entrainement d'une métropole et ceux qui n'en bénéficient pas. Mais aussi entre métropoles bénéficiant d'un dynamisme économique, démographique, immobilier, et de ressources d'ingénierie et celles qui sou rent d'un manque d'attractivité. Ou encore entre les territoires non-métropolitains mais bénéficiant de la présence d'une industrie di use ou d'un attrait touristique et les autres. Ce scénario peut être acceptable si les mécanismes de péréquation assurés par l'État sont maintenus25 ou si la cohabitation à l'échelle nationale de territoires innervés par les flux de l'économie marchande et ceux qui ne survivent que par les mécanismes de redistribution assurés par l'État et l'économie résidentielle devient acceptable. Dans ce scénario, on peut aussi imaginer que les métropoles se substituent à l'État pour reprendre à leur compte des ambitions d'aménagement du territoire, pourquoi pas dans des relations de coopération avec les régions et les départements. Dans un second scénario, qui serait celui du retour à l'esprit de la décentralisation, les conditions qui rendaient le déploiement
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des logiques décentralisatrices dans les années 1980-90 sont rétablies. Quelles sont-elles ? L'État abandonne ses lubies néomanagériales du décroisement des compétences, du détricotage de ses services déconcentrés et du pilotage à distance par les appels à projets. Il renoue avec la territorialisation des dispositifs de construction des objectifs de politiques publiques et leur contractualisation à l'échelle régionale. La région redevient une scène de la négociation entre l'État et les collectivités territoriales. La contractualisation relancée, devient l'espace d'exploration et de renforcement et des complémentarités et des coopérations territoriales, loin de l'obsession vaine pour la clarification des compétences et des périmètres26. Dans cette dynamique contractuelle renouvelée, les métropoles défendent leurs intérêts, ce qui n'exclut pas la reconnaissance des liens de réciprocité qui les unissent aux autres territoires et échelles. Le troisième scénario est un scénario de rupture. C'est le scénario de l'évolution fédéraliste. Il suppose un rejet général de certains des travers les plus enracinés de la politique française : hyper-présidentialisme, technocratie, règne de la politique spectacle et des entourages, réduction des corps intermédiaires (Parlement et collectivités y compris) à un rôle de figurant, etc. Il répond à une demande di use de relocalisation du politique dont les Gilets Jaunes et la floraison des listes citoyennes et municipalistes ont été l'expression27. Dans ce scénario, l'organisation des rapports entre les di érents niveaux évolue vers un fédéralisme coopératif à l'allemande avec un double niveau fédéré
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métropolitain et régional , sans lien de hiérarchie entre les deux composantes. Dans cette configuration, l'État central est cantonné à des fonctions régaliennes et de péréquation financière. A l'image de ce qui se passe dans les formes de fédéralisme coopératif, on ne fait pas la chasse à la superposition des compétences. Ces recouvrements justifient au contraire une coopération et des ajustements continus entre niveaux, que l'on a bien vu s'exprimer dans la gestion allemande de la pandémie de COVID. Dans ce scénario, c'en est fini de l'impuissance régionale. Le cantonnement de Bercy à des fonctions économiques touchant aux questions monétaires et de péréquation permet aux régions de devenir pleinement compétences en matière de développement économique. De leur côté, les métropoles poursuivent leur montée en puissance mais sont dégagées des compétences de développement économique, ce qui leur permet de se concentrer sur les compétences d'urbanisme, de transports, de logement et d'environnement et d'être pleinement à la manoeuvre sur les enjeux de lutte contre et d'adaptation au changement climatique. On peut imaginer une variante de ce scénario où le couple région-métropole serait remplacé par un couple région-département dans les zones sans métropole. Ce scénario a de multiples avantages. Il permet la réacclimatation de l'esprit de négociation et de coopération que le gouvernement à distance et l'obsession pour le décroisement des compétences a détruit. Il permet aussi, et ce n'est pas rien, d'en finir avec la focalisation morti ère sur ce qui se trame à Paris, avec les attentes illusoires à l'égard d'un État démiurge, avec la politique personnalisée
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et spectaculaire induite par l'hyper-présidentialisme. Il prend acte du fait que notre pays s'est largement réorganisé autour de métropoles qui sont aujourd'hui de sérieux contrepoids à la macrocéphalie parisienne mais dont on attend encore qu'elles sachent irriguer, et pourquoi pas organiser, leur hinterland régional. Une bonne partie des pays européens ont connu des évolutions significatives de leur gouvernance multi-niveaux, le plus souvent de manière sourde et rampante, parfois à l'occasion de crises politiques. C'est le cas aussi en France avec le renoncement à la décentralisation. Il n'y a pas de raison d'exclure donc des scénarios d'évolution radicale ; pas de raison non plus d'exclure l'hypothèse que ces évolutions aillent dans le bon sens. Dans le sens d'une renaissance de l'élan décentralisateur.
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NOTES
1 Jean-Pierre Gaudin, « La contractualisation des rapports entre l'État et les collectivités territoriales », Annuaire des collectivités locales 24/1, 2004, p. 215-34. 2 Thomas Frinault, « De la dé-centralisation à la réforme territoriale : un nouveau projet de l'État pour la Périphérie » in Thomas Frinault, Christian Le Bart, Erik Neveu, Nouvelle sociologie politique de la France. Malakoff, Armand Colin, 2021, p. 71-82. 3 Hélène Reigner, L'expertise territoriale dans tous ses états, Conférence POPSU, 2021. 4 Renaud Epstein, La rénovation urbaine. Démolition-reconstruction de l'État. Paris, Presses de Sciences Po, 2013. 5 Philippe Bezes et Patrick Le Lidec, « L'hybridation du modèle territorial français. ». Revue française d'administration publique, 4/136, 2010, p. 919-42. 6 La Loi de réforme des collectivités territoriales de 2010 prévoyait la suppression de la clause générale de compétence pour les départements et les régions à l'horizon 2015. En 2014, la loi MAPTAM revient sur cette disposition. Finalement, en août 2015, la loi NOTRe entérine cette suppression faisant des régions et des départements des collectivités territoriales dotées de compétences spécialisées. 7 Claire Delpech et Françoise Navarre, « Quels moyens financiers pour le bloc communal ? » L'Économie politique, n°1, 2020, p. 8-22. 8 Les « Contrats de Cahors » marque une nouvelle étape dans la redéfinition des rapports entre l'État et les collectivités dans le sens d'une restriction de l'autonomie financière des dernières. En effet, avec ces « contrats », on bascule d'un pilotage des finances locales par les ressources (via la baisses de la Dotation Globale de Fonctionnement)
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vers un pilotage par les dépenses (via la maitrise de l'évolution des dépenses de fonctionnement). Notons par ailleurs que ces « Contrats de Cahors » n'ont de « contrat » que le nom et qu'ils n'ont plus grandchose à voir avec l'esprit des « Contrats de plan État-Région » des années 1980-90 puisque le « dialogue » entre l'État et les collectivités est rendu très asymétrique du fait de la contrainte austéritaire imposée par le premier. Sébastien Ségas, « Le bloc communal face aux politiques de la contrainte budgétaire : entre résistance et adaptation », Revue Politique et Parlementaire, 1093, 2019, p.212-222. 9 Patrick Roger, « Une campagne inédite pour la tête de l'Association des maires de France », Le Monde, 3 novembre 2021. 10 Douglas Ashford, French Pragmatism and British Dogmatism: CentralLocal Policymaking in the Welfare State, Londres, Allen & Unwin, 1982 ; Michael Goldsmith et Edward Page, Central and local government relations: a comparative analysis of West European unitary states, Londres, Sage, 1987 ; Albert Mabileau, Local politics and participation in Britain and France, Cambridge, Cambridge University Press, 1989 ; Joachim Jens Hesse et Laurence J. Sharpe, Local government in international perspective, Baden-Baden, Nomos, 1991. 11 Pierre Grémion, Le pouvoir périphérique, Paris, Le Seuil, 1976. 12 Brian Smith, Decentralization. The Territorial Dimension of the State, Londres, Allen and Unwin, 1985. 13 Philippe Estèbe, « Du conseil général à l'agence départemental », Pouvoirs locaux, 75, 2007, p. 120-23. 14 Ibid, p.122 15 Gilles Pinson et Deborah Galimberti, « Métropoles franches et régions agencifiées ». Pouvoirs Locaux, n°96, 2013, p.48-55.
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16 Renaud Epstein, Thomas Frinault, et Gilles Pinson, « Le crépuscule de l'autonomie localesur les régionales et départementales ». AOC [Analyse Opinion Critique], 2021, en ligne. 17 Ibid 18 Colin Crouch et Patrick Le Galès, « Cities as national champions? » Journal of European Public Policy, 19/3, 2012, p. 405-419. 19 Patrick Le Galès, Le Retour des villes européennes. Sociétés urbaines, mondialisation, gouvernement et gouvernance. Paris, Presses de Sciences Po, 2011. 20 Renaud Epstein, « L'éphémère retour des villes. L'autonomie locale à l'épreuve des recompositions de l'État », Esprit, n°2, 2008, p.136-149. 21 Gilles Pinson, « Voracious cities and obstructing states? » in Stijn Oosterlynck et al. (dir.), The City as a Global Political Actor, Londres, Routledge, 2018, p. 60-85. 22 Laura Mehtali et Jean Rivière, « Contester la métropolisation dans les urnes : retour sur la campagne de la liste `Nantes en Commun· e·s' au scrutin municipal de 2020 ». Métropoles, 28, 2021, en ligne. 23 On se souvient notamment de la polémique suscitée par la décision du nouveau maire écologiste de Bordeaux, Pierre Hurmic, de ne pas donner suite au projet d'installation d'un musée du dessin de presse dans sa ville au nom du refus de la course sans fin à l'attractivité territoriale. 24 Ludovic Halbert, Gilles Pinson, et Valérie Sala Pala, « Contester la métropole ». Métropoles, 28, 2021. 25 Laurent Davezies, L'État a toujours soutenu ses territoires. Paris, Le Seuil, 2021. 26 Jean-Marc Offner, « En matière de décentralisation, le "chacun pour soi, chacun chez soi" est inopérant », Le Monde, 15 janvier 2022.
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27 Laurent Jeanpierre, In girum. Les leçons politiques des rondspoints. Paris, La découverte, 2019. .
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BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE
Douglas Ashford, French Pragmatism and British Dogmatism: CentralLocal Policymaking in the Welfare State, Londres, Allen and Unwin 1982. Philippe Bezes et Patrick Le Lidec, « L'hybridation du modèle territorial français. ». Revue française d'administration publique, 4/136, 2010, p. 919-42. Colin Crouch et Patrick Le Galès, « Cities as national champions ? » Journal of European Public Policy, 19/3, 2012, p. 405-419. Laurent Davezies, L'État a toujours soutenu ses territoires, Paris, Le Seuil, 2021. Claire Delpech et Françoise Navarre, « Quels moyens financiers pour le bloc communal ? » L'Economie politique, n°1, 2020, p. 8-22. Renaud Epstein, « L'éphémère retour des villes. L'autonomie locale à l'épreuve des recompositions de l'État », Esprit, n°2, 2008, p.136-149. Renaud Epstein, La rénovation urbaine. Démolitionreconstruction de l'État, Paris, Presses de Sciences Po, 2013. Renaud Epstein, Thomas Frinault, et Gilles Pinson, « Le crépuscule de l'autonomie localesur les régionales et départementales », AOC [Analyse Opinion Critique], 2021, en ligne. Philippe Estèbe, « Du conseil général à l'agence départementale », Pouvoirs locaux, 75, 2007, p. 120-23. Thomas Frinault, « De la dé-centralisation à la réforme territoriale : un nouveau projet de l'État pour la Périphérie » in Thomas Frinault, Christian Le Bart, Erik Neveu (dir.), Nouvelle
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sociologie politique de la France. Malakoff: Armand Colin, 2021, p. 71-82. Deborah Galimberti et Gilles Pinson, « Urban policies in France: stronger metropolises and steering State », in Francesca Gelli et Matteo Basso (dir.), Models of National Urban Agendas Compared. A view to the global transition. Palgrave Macmillan, 2022, à paraître. Jean-Pierre Gaudin, « La contractualisation des rapports entre l'État et les collectivités territoriales », Annuaire des collectivités locales, 24/1, 2004, p. 215-34. Michael Goldsmith et Edward Page (dir.), Central and local government relations: a comparative analysis of West European unitary states, Londres, Sage, 1987. Pierre Grémion, Le pouvoir périphérique, Paris, Le Seuil, 1976. Ludovic Halbert, Gilles Pinson, et Valérie Sala Pala, « Contester la métropole », Métropoles, n°28, 2021, en ligne. Joachim Jens Hesse et Laurence J. Sharpe, Local government in international perspective, Baden-Baden, Nomos, 1991. Laurent Jeanpierre, In girum: les leçons politiques des rondspoints, Paris, La découverte, 2019. Patrick Le Galès, Le Retour des villes européennes. Sociétés urbaines, mondialisation, gouvernement et gouvernance, Paris, Presses de Sciences Po, 2011. Albert Mabileau, Local politics and participation in Britain and France, Cambridge, Cambridge University Press, 1989. Laura Mehtali et Jean Rivière, « Contester la métropolisation dans les urnes: retour sur la campagne de la liste "Nantes en Commun·e·s" au scrutin municipal de 2020 », Métropoles, 28, 2021, en ligne.
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Jean-Marc Offner, « En matière de décentralisation, le "chacun pour soi, chacun chez soi" est inopérant », Le Monde, 15 janvier 2022. Gilles Pinson, « Voracious cities and obstructing states? » in Stijn Oosterlynck et al. (dir.), The City as a Global Political Actor, Londres, Routledge, 2018, p. 60-85. Gilles Pinson et Deborah Galimberti, « Métropoles franches et régions agencifiées ». Pouvoirs Locaux, n°96, 2013, p.48-55. Hélène Reigner, L'expertise territoriale dans tous ses états, Conférence POPSU, 2021. Sébastien Ségas, « Le bloc communal face aux politiques de la contrainte budgétaire : entre résistance et adaptation », Revue Politique et Parlementaire, 1093, 2019, p.212-222. Brian Smith, Decentralization. The Territorial Dimension of the State, Londres, Allen and Unwin, 1985.
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Gilles Pinson est aujourd'hui professeur de science politique à Sciences Po Bordeaux où il dirige le master « Stratégies et Gouvernances Métropolitaines ». Il est par ailleurs chercheur au Centre Émile Durkheim (UMR 5116, Sciences Po Bordeaux, Université de Bordeaux, CNRS). Ses travaux portent sur la et les politique(s) urbaine(s), sur la gouvernance urbaine et métropolitaine et sur les transformations des rapports entre Etats et villes. Parmi ses publications : Gouverner la ville par projet. Urbanisme et gouvernance des villes européennes (Presses de Sciences Po, 2009), La ville néolibérale (PUF, 2020), Pouvoirs urbains. Ville, politique, globalisation (avec Christian Lefèvre, Armand Colin, 2020) et L'impossible pouvoir local. De nouvelles marges de manoeuvre pour l'action publique urbaine (dir. avec Jean-Marc-Offner, Le Bord de l'Eau, 2021).
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PLATEFORME D'OBSERVATION DES PROJETS ET STRATÉGIES URBAINES Plan urbanisme construction architecture Grande Arche de la Défense Paroi Sud Ministère de la Transition écologique et solidaire Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les Collectivités territoriales 92055 La Défense Cedex + 33 (0)1 40 81 24 37 Directrice de la publication : Hélène Peskine Directeur du Programme POPSU : Jean-Baptiste Marie Coordination : Bénédicte Bercovici, Christophe Perrocheau, Aurore Meyfroidt Impression : STIPA (contribue à restaurer des forêts avec reforest'Action) Conception graphique en logiciels libres : Figures Libres / Maud Boyer et Sandrine Ripoll Typographies : Open Sans, Steve Matteson Ostrich Sans, Tyler Finckn Volkorn, Friedrich Althausen 2021
ISBN 978-2-11-138196-4 ISSN 2609-3405
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LES CONFÉRENCES POPSU
La plateforme d'observation des projets et stratégies urbaines POPSU met en dialogue l'expertise des acteurs locaux et les savoirs des milieux de la recherche pour mieux comprendre les enjeux et évolutions associées aux villes et aux territoires. Elle vise également à capitaliser les connaissances établies sur les métropoles et à en assurer la diffusion. www.popsu.archi.fr www.urbanisme-puca.gouv.fr
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métropoles invisibles