Evaluer les risques de pathologie et de dysfonctionnement après rénovation en opération programmée.
Auteur moral
Urbanis (Nimes)
;Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (France)
;Fédération nationale habitat et développement
;Fédération des Pact
Auteur secondaire
Résumé
Ce rapport rend compte d'une étude fondée sur le suivi de deux panels de logements, le premier ayant été l'objet de travaux d'amélioration des performances thermiques (nouveaux équipements de chauffe) et d'un accompagnement spécifique et régulier pour le suivi du bon fonctionnement de ces équipements et de la consommation, et le second ayant été laissé à lui-même après les travaux. L'objectif était de constater les écarts entre ces deux panels, avant et après travaux, en termes de consommations (entre consommations réelles et consommations conventionnelles), de disparition ou non des désordres existant avant travaux, et de désordres apparus après travaux. Le rôle des équipes opératrices a été pris en compte, mais aussi celui des artisans dans le conseil aux particuliers. Des enseignements de l'enquête sont tirés en termes de comportements des usagers, de qualité des travaux, de consommations, de pratiques des artisans. Des préconisations sont formulées pour éviter les pathologies de dysfonctionnement après rénovation. Elles portent sur l'accompagnement et le suivi des ménages par les opérateurs et les collectivités, la complémentarité entre artisans et entreprises, et les industriels.
Descripteur Urbamet
recherche
;rénovation
;chauffage
;économie d'énergie
;consommation
;qualité de l'offre
;artisan
;entretien des bâtiments
;ventilation
;eau chaude sanitaire
;risques
;enquête
Descripteur écoplanete
Thème
Ressources - Nuisances
;Habitat - Logement
;Architecture
Texte intégral
RECHERCHE EXPÉRIMENTATION : Evaluer les risques de pathologie et de dysfonctionnement après rénovation en opération programmée
Rapport final Janvier 2013
1
2
SOMMAIRE
1-
Rappel des motif s, objectif s et méthodologie
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4 6
1 . 1 - R a p p e l d e s mo t i f s e t o b j e c t i fs 1.2 - Présentation de la méthodologie
2-
Les résultats « bruts » de l'étude
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8 12
2 . 1 - L e s d é s o r d r e s e t d ys fo n c t i o n n e m e n t s s u s c e p t i b l e s d ' ê t r e observés en rénovations de logements 2 . 2 - An a l y s e d e s e n q u ê t e s m e n é e s a u p r è s d e s m é n a g e s
3-
Les enseignements des enquêtes ménages et artisans
15
15 16 21 23 25 28
3.1 - Les enseignements globaux 3 . 2 - L e s e n s e i g n e m e n t s c o mp o r t e m e n t a u x 3.3 - Les enseignements sur les travaux 3.4 - Les enseignements sur les consommations 3.5 - Les enseignements sur les pratiques des artisans 3.6 - Bilan des enseignements des enquêtes ménages et artisans
4-
Les préconisations is sues de l'étude
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29
4.1 - Préconisations vers les opérateurs et les collectivités : a c c o mp a g n e r e t s u i v r e l e s m é n a g e s 4.2 - Préconisation vers les artisans : c o mp l é m e n t a r i t é o p é r a t e u r s / e n t r e p r i s e s favoriser la
32 34
4.3 - Préconisations vers les industriels : simplifier !
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1 - Rappel des motifs, objectifs et méthodologie
1.1 - Rappel des motifs et objectifs
L'intérêt de cette recherche-expérimentation sur cette problématique semble double pour les trois réseaux d'opérateurs habitat en charge de sa réalisation Habitat & Développement, Pact, Urbanis.
D'abord parce qu'elle s'inscrit dans la lignée directe de nos travaux communs en cours : · « PUCA 1 » pour connaître et faire progresser la performance thermique en OPAH, grâce aux programmes de travaux préconisés par nos équipes, aux éco-conditionnalités des aides aux travaux apportées par l'Anah et les collectivités maîtres d'ouvrage et à la sensibilisation de ces maîtres d'ouvrage aux moyens nécessaires à l'animation d'un volet énergie efficace en OPAH, « PUCA 2 » pour connaître le coût de la rénovation énergétique en OPAH et améliorer l'impact des travaux,en affinant la connaissance du rapport investissement/efficacité des travaux, en aidant les collectivités maîtres d'ouvrage à bien calibrer leurs enveloppes d'aide aux travaux pour une meilleure efficacité, et en portant à la connaissance du public les fourchettes de prix « raisonnables » des matériaux et équipements. Ce « PUCA 3 » pour connaître les pathologies potentielles et conséquences d'une mauvaise utilisation du logement après rénovation en OPAH, viendrait compléter notre connaissance sociale et technique des OPAH, et plaider en faveur d'un accompagnement des ménages après travaux à la prise en main de leurs nouveaux équipements.
·
·
Ensuite, parce qu'elle constitue pour nos équipes opératrices un argumentaire « preuves à l'appui » en faveur des rénovations thermiques complètes, incluant notamment le renouvellement de l'air que nos publics peinent encore à accepter1 et en faveur d'un accompagnement à la bonne utilisation des logements rénovés. En effet, conscientes des modifications hygro-thermiques qu'entraîne la rénovation thermique d'un logement, nos équipes opératrices proposent de plus en plus fréquemment aux ménages un système de ventilation, ce qui n'est pas toujours le cas des artisans ou architectes, seuls interlocuteurs des ménages hors secteurs programmés. Cependant, les ménages ne retiennent pas toujours cette possibilité, la plupart du temps pour des raisons financières ou parce qu'ils n'en comprennent pas bien l'utilité. Il y a donc des améliorations sensibles à apporter dans ce domaine. C'est là l'objectif final de nos travaux.
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Même dans l'étude « Les 20 chantiers de rénovation thermique » du CAH, p 7 : la ventilation laissée pour compte.
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1.2 - Présentation de la méthodologie
PHASE 1 Mise à plat des risques de pathologie ou de dysfonctionnement et des causes possibles
Un sondage réalisé par les trois têtes de réseau auprès de leurs équipes d'animation locales, ainsi qu'un travail de veille bibliographique sur les désordres et dysfonctionnements observables après rénovation, ont permis d'établir une première liste des désordres et dysfonctionnements observés en rénovation thermique de logements. Cette mise à plat a été recoupée avec les informations recueillies dans le cadre des études précédentes soutenues par le PUCA « Faire progresser la performance thermique en opération programmée » et « Connaître le coût de la performance thermique en opération programmée ». Cela a permis de vérifier la présence de ces différentes pathologies dans notre échantillon 100 logements, et d'en déduire nos priorités d'actions.
PHASE 2 Mesure des désordres et dysfonctionnements possibles
Nous avons constitué deux panels de ménages suivis dans le temps :
Le Panel 1 : Ce panel de 50 logements (pour les réseaux URBANIS, H&D et PACT) a fait l'objet d'un suivi particulier et d'un accompagnement spécifique et régulier à la bonne appropriation des nouveaux équipements et à l'éco-consommation après la réalisation des travaux. Pour ces logements, nous avons réalisé : · · · Une visite de fin de travaux, afin de vérifier le bon fonctionnement des installations. Une information à l'usage de ces équipements sera donnée aux occupants (propriétaire ou locataire), Une deuxième visite après une 1ère saison de chauffe, Une troisième visite après une 2° période de chauffe.
Le Panel 2 : Ce panel, également de 50 logements (3 réseaux d'opérateurs), a été laissé « à lui-même » comme c'est souvent le cas dans les opérations programmées, faute de moyens mis en oeuvre pour assurer ce suivi. Pour ces logements, une seule visite après deux périodes de chauffe a été réalisée.
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Chacun des deux panels est composé de logements dont le programme de rénovation thermique inclue la ventilation, et de logements n'en n'ayant pas inclus. Enfin, les logements étudiés ont également fait l'objet d'une analyse des factures énergétiques émises : Pour le gaz naturel et l'électricité : minimum 1 an avant travaux / minimum 1 an après travaux. Pour le fioul, le GPL ou le bois : 2 ans avant travaux / toutes les factures depuis les travaux.
Il s'agit de constater les écarts entre ces deux panels, avant et après travaux, concernant : · · · Le différentiel entre les consommations conventionnelles et les consommations réelles, La disparition ou non des désordres existants avant travaux dans le cas ou ils auraient bien été identifiés et pris en compte dans les travaux, Les désordres apparus suite aux travaux (moisissures, odeurs, dysfonctionnement des équipements liés à l'entretien...).
PHASE 3 Le rôle des artisans
Si les équipes opératrices habitat jouent un rôle majeur dans la définition des programmes de travaux d'amélioration thermique, les artisans arrivent parfois à débloquer les réticences des ménages à opter pour une solution de ventilation ou d'hygro-régulation. Ils ont également un rôle d'accompagnement des ménages à la prise en main des nouveaux équipements et matériaux à jouer, qu'il convient de développer. L'enquête a donc été menée dans le but de comprendre l'implication de ces artisans dans le conseil aux particuliers. Les ménages constituant nos deux panels ont été interrogés sous la forme « est-ce que votre artisan vous a dit que... » autour des cibles techniques qui nous préoccupent : aération du logement, température des pièces, entretien des équipements, autres travaux à prévoir...
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2 - Les résultats « bruts » de l'étude
2.1 - Les désordres et dysfonctionnements observés en rénovations de logements susceptibles d'être
Les enseignements des études précédentes soutenues par le PUCA « Faire progresser la performance thermique en opération programmée » et « Connaître le coût de la performance thermique en opération programmée », des connaissances des opérateurs qui réalisent la présente étude, et d'un travail de veille bibliographique sur le sujet, ressortent les quatre types de causes aux désordres et dysfonctionnements après rénovation. · Comportements, · Défaut d'entretien, · Faiblesse des moyens financiers et/ou des programmes de travaux, · Mise en oeuvre par les artisans.
a) Désordres liés aux comportements Problèmes identifiés Défaut d'aération Obstruction ou manque d'entretien des aérations Séchage de linge en intérieur Désordres observés Humidité Risque logements de détérioration des
Risque de troubles de la santé (problèmes respiratoires voire cardiaques) Pratiques « non équipements, ...) économes » (énergie, eau, Factures élevées même après les travaux Perte de confort des factures
Mauvaise utilisation des nouveaux équipements (souvent liés à un défaut d'explication par l'artisan) : ·
Augmentation Chaudière, thermostat d'ambiance, horloge énergétiques programmable : mal placés (proximité d'une source Humidité de chaleur), trop complexes d'utilisation, mal voire pas utilisés. Mauvais choix de températures : pas de maintien hors gel pendant les absences longues.
· ·
Utilisation de bois humide (insert) Manque d'optimisation des travaux
Pas de révision de l'abonnement électrique
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b) Désordres liés aux défauts d'entretien Nota : les défauts d'entretien peuvent être dus à des moyens financiers limités.
Problèmes identifiés
Désordres observés
Défaut d'entretiendes systèmes de Risques d'intoxications au monoxyde de production de chauffage et d'eau carbone (CO) chaude sanitaire, de ramonages Risques de légionellose (ballon d'eau chaude) réguliers des cheminées (pas de contrat) Défaut d'entretien des équipements : pas de dégivrage du congélateur, joint de la porte du frigo abîmé, etc Augmentation des factures énergétiques Réduction de la durée de vie des appareils
c) Désordres liés aux moyens financiers et/ou aux programmes de travaux
Problèmes identifiés
Désordres observés
Défaut d'entretiendes systèmes de production Risques d'intoxications au monoxyde de chauffage et d'eau chaude sanitaire, de de carbone (CO) ramonages réguliers des cheminées (pas de Risques de légionellose (ballon d'eau contrat) chaude) Particularités architecturales : ne permettent pas Factures encore élevées après l'optimisation des travaux, en matière d'isolation travaux par l'extérieur par exemple Manque d'optimisation des travaux Programmes de travaux insuffisamment optimisés par défaut de prescriptions, notamment lié à l'auto-limitation des opérateurs au vu des moyens des ménages Interventions en site occupé, limitant les possibilités de travaux
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d) Désordres liés à la mise en oeuvre par les artisans
Problèmes identifiés Mauvaise pose du matériel isolant : · · Isolants collés sur murs humides, Ventilation de la lame d'air entre l'isolation intérieure et le mur extérieur par des orifices donnant sur l'intérieur, Pare-vapeur de l'isolant mal placé (combles perdus), Création de ponts thermiques. Etc.
Désordres observés Humidité
· · · ·
Mauvaise pose des fenêtres : Défaut étanchéité : épaisseur des vitrages, châssis trop anciens, mauvais nettoyage de la feuillure, Mauvaise ventilation : débit de bouches d'air insuffisant, joints sur huisseries, Etc.
Perte de chaleur (ponts thermiques) Humidité
· · · · · ·
Mauvais choix de système de chauffage : Convecteurs électriques : mal dimensionnés, mal placés, Conduits de dimensionnés fumées (insert bois) mal
Perte de chaleur (ponts thermiques)
Solutions techniques trop complexes au vu des « compétences » du ménage Etc. et création
Dysfonctionnements dans la mise en oeuvre des Perte d'efficacité systèmes de ventilation : d'humidité ·
Pollution de l'air véhiculé (particules, Pas de contrôle de l'état de l'existant : bouches d'introduction d'air, détalonnage vapeur d'eau) des portes, raccordement bouche/conduit, ventilateur d'extraction, étanchéité... Pas d'explications sur le principe de fonctionnement de la ventilation mécanique Etc. Défaut de confort acoustique
· ·
Défaut d'isolation acoustique, lié souvent au choix de l'isolant thermique (polystyrène, polyuréthane, résistants à l'humidité) Non respect des qualités architecturale du logement : pose de panneaux solaires, de PAC, d'isolation extérieur...
Pollution architecturale
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Aux dires des associations interviewées et des lectures réalisées, il semble que les principales pathologies (humidité, pollution de l'air intérieur particulièrement) et dysfonctionnements (économies d'énergie inférieures à celles attendues) résultent bien souvent d'un défaut d'information des occupants.
On note cette lacune à trois moments importants de l'accompagnement aux travaux thermiques des ménages :
·
En amont des travaux : l'information technique faite par les opérateurs n'aboutit pas toujours à un programme de travaux optimal car les ménages, par arbitrage financier, font encore trop souvent le choix de ne pas opter pour une ventilation efficace ou une isolation maximisée, sans forcément en comprendre les conséquences. De plus, il n'est pas rare que le programme de travaux calé avec l'aide de l'opérateur soit impacté par des propositions de matériaux et d'équipements de la part des artisans, de performance moindre sans que le ménage en ait conscience. Il faut mieux informer le ménage pour en faire un « meilleur » maître d'ouvrage, Il faut multiplier les recours à la maîtrise d'oeuvre.
·
A l'issue des travaux : sans procéder à une réelle réception de chantier, puisque ce n'est pas le rôle des opérateurs, il paraît nécessaire d'informer correctement le ménage quant à la bonne utilisation des équipements et matériaux, pas toujours évidente de prime abord.
·
Après une ou plusieurs saisons de chauffe : une discussion avec le ménage sur ses nouvelles habitudes de consommations énergétiques, et une lecture détaillée de ses nouvelles factures constituent une occasion particulièrement importante de « recadrer » et de réinformer.
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2.2 - Anal yse des enquêtes menées auprès des ménages
a) Éléments méthodologiques
Fréquence des enquêtes :
Le Panel 1 : · · Une visite de fin de travaux, afin de vérifier le bon fonctionnement des installations. Une information à l'usage de ces équipements est donnée aux occupants (propriétaire ou locataire), Une deuxième visite après une 1ère saison de chauffe, Une troisième visite après une 2° période de chauffe.
·
Le Panel 2 : · Une seule visite, après deux périodes de chauffe.
Questionnaire : · · 16 questions sur le ressenti et les habitudes de consommation (les mêmes sur les 2 visites), 3 questions sur les travaux.
Il est fournie en annexe 1 du rapport.
Cohorte d'étude : · · · 56 ménages enquêtés dont les réponses, la récupération et l'analyse des factures sont complets et exploitables, 3/4 de propriétaires occupants (42), Répartis sur 9 départements, couvrant les 3 zones climatiques : Ardennes (08), Bouches-du-Rhône (13), Cantal (15), Drôme (26), Indre (37), Loire-Atlantique (44), Pas-de-Calais (62), PyrénéesAtlantiques (64), Vaucluse (84). Des ménages essentiellement composés de 1 à 2 personnes, allant jusqu'à 5 personnes, Peu de changement de composition (+ ou moins 1 personnes), Essentiellement des ménages présents dans les logements de façon permanente, Peu de périodes d'absence dans l'année en période de chauffe.
· · · ·
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b) Analyse des éléments techniques
Rappelons que l'étude se veut qualitative, non quantitative. L'analyse des résultats sous forme statistique n'aurait donc pas de sens ici. De plus, la récupération de certaines factures n'a pas été possible, particulièrement avant travaux, les ménages ne les ayant pas conservé ou les logements étant vacants. Les résultats fournis ici ont donc vocation à établir la qualité thermique du parc de logements étudié et les progrès réalisés grâce aux rénovations.
Étiquettes DPE :
Deux types d'étiquettes sont comparés dans les graphs qui suivent : · · Les étiquettes DPE réalisées par calcul conventionnel, Les étiquettes DPE simulées sur la base des consommations réelles.
0 On peut constater, dans les deux panels, la faible qualité thermique des logements sur lesquels les travaux ont été réalisés : entre G et D. Dans les deux cas, les rénovations permettent d'atteindre de meilleures étiquettes, mais encore basses : de E à C (avec quelques F). On note également que dans les deux panels, les consommations réelles avant et après travaux peuvent aller jusqu'à l'étiquette A, et sont très rarement en étiquette G. Cela amène à penser que les ménages impliqués dans l'étude ont tendance à se restreindre en matière de consommation énergétique.
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Consommations surfaciques :
Calcul conventionnel (kWhep/m2/an) Panel 1 avant tvx Panel 1 après tvx Panel 2 avant tvx Panel 2 après tvx 328 201 401 259
% gain Calcul réel énergétique (kWhep/m2/an) 39% 181 163 35% 282 225
% gain énergétique 10%
20%
Ces résultats, mêmes s'ils ne peuvent être considérés comme scientifiquement représentatifs des rénovations thermiques soutenues par l'Anah, confirment l'hypothèse selon laquelle les ménages gagnent en confort grâce aux travaux plus qu'ils ne font des économies réelles sur leurs factures. Cela montre également que les 25% de gains énergétiques exigés par l'Anah pour qu'elles financent les chantiers, sont aisément atteints
Nota : d'autres graphiques, « Comparaison à l'état final entre consommations conventionnelles et réelles » et « Répartition à l'état final des consommations conventionnelles et réelles », sont exploitées dans la partie 3 du rapport. Elles viennent compléter le présent chapitre « Analyse des éléments techniques ».
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3 - Les enseignements artisans
des
enquêtes
ménages
et
Les principaux enseignements de cette étude, qualitative rappelons-le, sont de plusieurs ordres. Ils portent : ... sur les comportements de ménages, ... sur les travaux, ... sur les consommations, ... sur les pratiques artisans.
Ils permettront, dans une dernière partie, d'émettre des préconisations : ... vers les opérateurs et les collectivités, ... vers les artisans, ... vers les industriels.
3.1 - Les enseignements globaux
Les conclusions générales des résultats de cette étude confirment un certains nombre d'enseignements des recherches-expérimentations menées précédemment avec le PUCA, à savoir : · La rénovation thermique engendre une meilleure maîtrise du logement et du chauffage (T°), même si les travaux thermiques se traduisent plus par une augmentation du confort que par une baisse des factures Les pathologies disparaissent la plupart du temps : humidité, courants d'air, froid... Les travaux suscitent peu de changement de comportement : aération ou utilisation de la VMC, entretien du logement, utilisation de l'ECS... Et peu d'autres investissements complémentaires sauf nécessité : changements d'ampoules grillées, d'équipements qui lâchent... Certains postes restent difficiles à prescrire : VMC, changements d'énergie. On perçoit en effet une certaine méfiance vis-à-vis des fournisseurs d'énergie, aussi les ménages hésitent-ils à « partir » chez un fournisseur qu'ils ne connaissant pas (« on sait ce qu'on perd, mais on ne sais pas ce qu'on gagne »).
· · · ·
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3.2 - Les enseignements comportementaux
a) La bonne prise en main du système de chauffage prend du temps, et nécessite un accompagnement !
Les panels de logements et de ménages étudiés montrent que globalement, les programmes de travaux semblent efficaces. Les 25% de gain énergétiques exigés par l'Anah pour prétendre à des subventions Habiter Mieux vont dans le sens de chantiers globaux, en tout cas intégrant au moins deux postes de travaux (souvent isolation + changement de chaudière). Les principaux problèmes des ménages avant travaux sont souvent réglés : humidité, froid, consommations énergétiques importantes... Mais les températures de chauffe déclarées par les occupants ne sont pas toujours conformes aux températures de consignes habituelles. On constate alors que certaines habitudes de sous-consommation ou de surconsommation perdurent, que l'usage des pièces n'influe pas, dans certains cas, sur les températures de chauffe demandées, ou que les programmateurs ne sont pas correctement programmés... en tout cas pas dès la première saison de chauffe après la réalisation des travaux. Les deux exemples « contradictoires » développés ci-dessous sont tous deux issue du Panel 1, c'est-àdire des ménages régulièrement suivis et informés des façons de consommer avec parcimonie.
0
Les progrès constatés Cas 1 (département 44) Les problèmes d'humidité et de moisissures sur les murs ont disparu, grâce à un Cas 2 (département 62) Les consommations maîtrisées. sont mieux
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programme de travaux (isolation, fenêtres, changement de chaudière)
Les points d'achoppement Cas 1 (département 44) 2 saisons de chauffe ont été nécessaires pour que le ménage trouve un bon équilibre de chauffe. Mais les fenêtres sont encore très souvent ouvertes sans que les radiateurs ne soient éteints ! Cela engendre de fait des factures énergétiques importantes. Cas 2 (département 62) L'occupant suit les températures de consigne données par l'opérateur habitat mais continue à se plaindre du froid.
Ces exemples mettent en exergue l'intérêt du suivi après travaux pour trouver un équilibre entre confort et maîtrise, adapté aux ménages considérés.
Les deux autres exemples qui suivent apportent un éclairage supplémentaire :
Les progrès constatés Cas 3 (département 44) Le problème d'humidité a disparu grâce aux travaux réalisés : changement des menuiseries, installation d'une VMC, pose d'un programmateur. Les points d'achoppement Cas 4 (département 62) L'installation d'un nouveau poêle à bois a permis de passer de 4 à 3 stères par an.
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De gros problèmes de compréhension de la programmation ont conduit l'entrepreneur à venir plusieurs fois programmer et expliquer. Nota : l'occupant a un problème de vision, l'appareil n'est pas adapté.
De grosses difficultés à régler le poêle à bois. La baisse de consommation de bois constatée pourrait être encore plus importante.
Ces exemples mettent en exergue un réel besoin d'informations répétées et de démonstrations à domicile. Elles pourraient être réalisées par les opérateurs habitat, les artisans voire des agents des collectivités, formés pour cela.
b) On se heurte parfois à des « blocages » de la part des ménages !
Ces refus sont finalement assez récurrents dans les domaines suivants : · La programmation : on déplore dans plusieurs cas, y compris chez les ménages du Panel 1 qui ont été informés à plusieurs reprises, le refus d'utiliser le programmateur, même lorsqu'il a été installé dans le cadre de la rénovation thermique réalisée. Ils expliquent que « c'est trop compliqué », «qu'ils « ne lisent pas les notices d'utilisation, trop longues et trop compliquées ! ». Cela implique qu'il n'y a pas de maîtrise de la température directement au radiateur ou au robinet thermostatique. Bien sûr, cela ne facilite pas la maîtrise des consommations.
·
Le nouveau système de chauffage : certains ménages n'utilisent pas le système installé, y compris (mais dans de rare cas), lorsqu'il constitue le principal moyen de chauffage. Ces ménages expliquent ce fait pas la crainte de voir leur facture augmenter. Ils ont peur des augmentations des prix de l'énergie, surtout s'ils ont changé d'énergie de chauffage dans le cadre de leur rénovation thermique et ont développé une véritable méfiance vis-à- vis des fournisseurs. Un exemple illustre bien cette problématique :
Un chantier, réalisé en 2007, a permis l'installation d'une chaudière gaz en complément de convecteurs électriques. Monsieur étant agriculteur et ayant facilement accès à du bois de chauffage, il complète finalement l'utilisation du chauffage électrique par l'usage de sa cheminée et envisage d'installer un poêle à granulé. La raison invoquée est la peur des augmentations récurrentes du prix du gaz naturel.
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La non-utilisation de la VMC : dans ce cas, c'est la crainte de la consommation énergétique engendrée par l'appareil, en marche constante, et d'une augmentation importante de facture électrique, qui conduit les ménages à le stopper. Un ménage locataire a fait disjoncter volontairement la VMC dès son installation dans le cadre d'un programme de rénovation thermique conséquent mené par le bailleur. Il a invoqué le bruit de l'appareil (pas constaté par l'opérateur lors de ses visites après travaux toutefois) et la crainte de la consommation énergétique. Moins d'un an après les travaux, l'opérateur constatait l'apparition de moisissures. Personne n'avait expliqué le fonctionnement de la VMC à ce ménage !
Le maintien du sous-chauffage par peur des factures à venir Deux cas un peu « extrêmes » ont été identifiés par les opérateurs en charge des enquêtes ménages : Un ménage s'en tenant à l'usage exclusif de la cheminée, malgré l'installation de convecteurs électriques. Un autre coupant le chauffage à la moindre absence (même très courte).
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Ces blocages, finalement liés à un manque d'information des ménages sur les solutions techniques installées chez eux, la façon de les utiliser de façon sobre (si l'on exclue la question de l'image des fournisseurs d'énergie) mettent en lumière : · · · Encore une fois, un réel besoin d'information redondante et de démonstrations (opérateur habitat, artisans voire agents des collectivités) auraient une vraie valeur ajoutée en la matière, Plus précisément, la nécessité d'une visite de fin de chantier pour expliquer l'intérêt des différents équipements et leurs modes d'utilisation, Le besoin d'une visibilité sur les futures factures : une évaluation en euros ? une visite de l'opérateur après 1 an de factures ?
c) Les travaux sont parfois choisis par défiance vis-à-vis des fournisseurs d'énergie
La méfiance que ressentent certains ménages vis-à-vis des fournisseurs d'énergie n'engendre pas seulement une sous-utilisation (voire la non-utilisation) des équipements de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire comme illustré dans le point précédent. Elle détermine, dans certains cas, le choix des travaux eux-mêmes, plus précisément le changement d'énergie. En effet, si les raisons principalement invoquées pour la réalisation des rénovations thermiques sont « le froid et la recherche de confort », « la recherche d'économies », « le remplacement d'un système de chauffage ancien/en panne », croisés avec « l'effet des aides en vigueur », quelques cas sont directement liés aux fournisseurs d'énergie : prix de l'énergie, peur des hausses successives, des coûts liés au SAV... Deux illustrations de changements d'énergies décidés pour « fuir » un fournisseur d'énergie : L'installation d'un poêle à granulé couplé à un CESI. Le ménage est passé de 1.500/an d'électricité à 800 de granulés. Un couple de personnes âgées souhaitant « se simplifier la vie » et se passer d'un contrat d'entretien annuel de la chaudière gaz, a opté pour un passage au chauffage électrique.
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3.3 - Les enseignements sur les travaux
a) L'éradication des problèmes d'humidité : Souvent, le symptôme de la mauvaise qualité thermique du logement et des comportements non appropriés des ménages (confinement, sous-chauffage) est l'humidité dans la plupart des cas étudiés, endiguée par des bouquets de travaux « classiques » (isolation, changement de chaudière, installation ou changement de la VMC). Pourtant, l'étude a mis au jour 2 cas où la rénovation a engendré l'apparition d'humidité (notons que cela représente peu au vu de la centaine de logements visités avant et après travaux). Ces deux pathologies sont apparues pour des raisons différentes :
Humidité engendrée par un défaut de réalisation Apparition de moisissures dans la salle de bain, constatée deux ans après la réalisation des travaux. Le diagnostic réalisé par l'opérateur habitat a pointé une entrée d'air manquante sur la fenêtre. L'artisan est revenu poser l'entrée d'air à la demande de l'opérateur, et l'humidité a disparu. Notons que le ménage ne s'est plaint ni auprès de l'artisan, ni auprès de l'opérateur, ce qui illustre encore l'importance des visites à domicile après une ou deux saisons de chauffe suite aux travaux.
Humidité générée par un chantier « a minima » lié aux moyens financiers du ménages Le chantier a inclus une isolation de la toiture pour limiter les déperditions mais les visites posttravaux (en année 2) réalisées dans le cadre de l'étude ont révélé deux problèmes : des factures gaz encore élevées et l'apparition récente de traces d'humidité sur les murs nord et ouest. Là encore, il n'y a pas eu de plainte du ménage. Seule la visite a permis de relever ce problème, qui ne pourra être levé qu'à condition de réaliser des travaux supplémentaire (isolation de murs) que le ménage n'a pas les moyens de faire réaliser dans l'immédiat.
b) Les défauts de mise en oeuvre des équipements
Les équipements de programmation : mal expliqué (voire même pas allumé par l'artisan), le programmateur peut aussi être mal placé et générer des consommations plus importantes que prévues.
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Visites de logements en années 1 et 2 après travaux ont permis de repérer des défauts de pose intéressants pour l'étude :
Un programmateur posé à la porte d'entrée, côté ouverture ! L'appareil de chauffage est alors en permanence en marche forcée et la température ambiante est supérieure à celle affichée par le programmateur. Les factures énergétiques s'en ressentent, forcément.
La sonde placé au nord ! Elle ne mesure alors pas l'ensoleillement, important au sud (vitrages). Le ménage a souvent chaud et doit donc régler manuellement les radiateurs. Cela génère une mauvaise utilisation de la chaudière fuel, ancienne, et limite l'intérêt de l'isolation en termes de consommations.
Les équipements de chauffage : là aussi, les problèmes de comportement sont plus nombreux que les défauts d'installation, pourtant, un cas assez énigmatique a été identifié par les équipes opératrices habitat : Le radiateur neuf relié au programmateur reste en mode confort alors qu'il devrait s'éteindre la nuit. L'artisan est venu changer le programmateur, sans effet...
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3.4 - Les enseignements sur les consommations
a) Des consommations réelles globalement en deça des calculs conventionnels
Pour la plupart des logements présentés sur l'histogramme et concernant le panel 1, les consommations réelles sont inférieures aux consommations conventionnelles. En revanche, pour 11 logements, les consommations réelles sont supérieures aux consommations conventionnelles. Ceci s'explique par : · · · · La présence d'un chauffage électrique dont le confort n'apporte pas entière satisfaction d'où une utilisation prolongée et forcée pour la quasi totalité des logements concernés, La température de chauffage réglée par les ménages (21, 22 ou parfois 23°C), supérieure à celle prise en compte par les DPE (19°C), L'absence d'utilisation de la programmation du chauffage, La présence permanente dans le logement.
On assiste donc à une augmentation des consommations directement en lien avec l'amélioration du confort des occupants. Il semble en outre que le chauffage à l'électricité (convecteurs et rayonnants) ne réponde pas à ce besoin de confort.
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Pour le panel de ménages non suivis (panel 2), une partie des consommations réelles sont également supérieures aux consommations conventionnelles : les causes sont les mêmes que pour le panel 1.
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3.5 - Les enseignements sur les pratiques des artisans
a) Des artisans peu enclins à donner de l'information, dans l'ensemble...
Les artisans et entreprises intervenant sur les chantiers étudiés sont essentiellement des professionnels de l'isolation (pas de spécialistes de l'isolation thermique par l'extérieur cependant), de la fenêtre et du chauffage. Cela est dû aux programmes de travaux, dédié à la performance énergétique. Ils donnent peu d'information aux usagers. Lorsqu'ils en donnent, cela concerne le plus souvent : · · · La prise en main du nouveau système de chauffage, du programmateur, de la VMC, Les températures de consigne, l'aération, Les heures creuses sur cumulus électriques, le cas échéant.
On n'a trouvé aucun professionnel qui remette des documents d'information spécifiques, ni sur les thèmes évoqués ci-dessus, ni sur les équipements installés : le ménage doit faire avec la notice, qui n'est pas toujours expliquée par l'artisan. La création de documents d'information simplifiés serait pourtant très utile à la bonne prise en main des nouveaux systèmes installés. Remis par l'artisan ou l'opérateur habitat au contact des ménages (dans le cadre d'une visite après travaux, toutefois), en complément d'une explication sur site, semble être une piste porteuse.
b) ... 2 bémols toutefois ! Il ne s'agit évidemment pas de montrer du doigt les artisans et entreprises et leurs pratiques. Des entretiens avec les ménages ressortent en effet deux points qui viennent relativiser le constat de faible investissement des professionnels du bâtiment dans l'information et le conseil : La faible écoute des occupants. Des entretiens avec les professionnels ressort un sentiment assez partagé d'attention faible voire inexistante de la part d'un certain nombre de ménages. Une fois les travaux terminés, ils souhaiteraient en effet « ne plus rien avoir à faire » ! M.Boulanger, Installateur chauffage sanitaire Caldeo (64) explique : « Les propriétaires ne souhaitent pas avoir de plus amples renseignements au-delà de la programmation du nouveau thermostat d'ambiance. » La limitation « de fait » du rôle des artisans et entreprises à la mise en oeuvre des prescriptions (du ménage, de l'opérateur) M.Boulanger, Installateur chauffage sanitaire Caldeo (64) témoigne ainsi : « Je suis amené lors de mes visites à inciter les clients à mieux isoler, à mettre un système de chauffage plus performant, à installer une VMC... Mais je ne suis pas habilité à réaliser des
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études thermiques et je dois rediriger mes clients vers des bureaux d'études thermiques indépendants. »
c) La bonne surprise : une certaine disponibilité pour les ménages en difficulté Des déclarations des ménages ressort le fait que les professionnels restent assez disponibles face à leurs difficultés de prise en main des équipements de programmation et de chauffage : réglage, explications, pose de robinets thermostatiques en complément, particulièrement auprès des ménages âgés ou en situation de handicap. Pas (ou peu) de conseils à réception des travaux, mais plutôt en SAV :les artisans et entreprises auraient-ils compris qu'il valait mieux attendre que les ménages sont plus réceptifs aux informations dans un second temps, à leur propre demande ? Deux exemples illustrent cette disponibilité de certains professionnels : Le contrôle de l'installation du système de chauffage électrique 18 mois après la pose par le chauffagiste à sa propre demande, chez un ménage âgé. Il a en effet souhaité vérifier l'état du logement (présence d'humidité notamment) et la bonne appropriation par le ménage.
Un autre chauffagiste a effectué à plusieurs reprises une visite au domicile d'une personne avec des difficultés de vision dans l'incapacité d'utiliser son programmateur. Ici, c'est bien la personne qui était à l'origine de la demande, mais l'artisan n'a jamais refusé.
Les entretiens avec les artisans croisent les constats faits auprès des ménages : les occupants aiment leur chauffagiste, ce dernier étant le plus sollicité et le plus amené à retourner au domicile. Ils le voient comme un interlocuteur disponible pour les aider, au niveau du réglage du programmateur particulièrement.
M.Charriau, chauffagiste dans le département 44, explique : « Depuis que j'ai installé les radiateurs chez Mme ..., je retourne régulièrement (au moins 2 fois/an) lui régler et lui montrer comment régler. Cependant, elle ne cherche pas à comprendre le fonctionnement. Elle a en sa possession la notice des radiateurs mais elle ne l'a jamais lue et encore moins cherché à comprendre. Si elle a un souci, elle peut m'appeler et je retournerai lui faire le réglage. »
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d) Les professionnels ne rechignent pas à revenir sur chantier pour régler des dysfonctionnements
Lorsqu'un problème apparaît, défaut de mise en oeuvre ou apparition de pathologie, l'opérateur ou le ménage peut sans trop de difficulté faire revenir l'artisan pour apporter une solution. Deux cas particuliers, cités dans le paragraphe concernant les défauts de mise en oeuvre des solutions techniques, ont mobilisé les artisans concernés, qui ont réellement cherché à résoudre le problème constaté (aux dires des ménages comme des opérateurs habitat ayant suivi les chantiers) : L'apparition d'humidité liée à l'absence d'entrée d'air sur une fenêtre de salle de bain, a rapidement été réglée par l'artisan concerné. Il a tout de suite accepté de revenir sur site et de faire les travaux nécessaires (ajout de l'entrée d'air manquante sur la fenêtre).
Le radiateur ne répondant pas à la commande du programmateur a généré plusieurs déplacements de l'artisan qui a même changé le programmateur, sans résultat malheureusement.
e) L'affichage des labels de qualité, réalité ou nécessité commerciale ?
Les labels « entreprises qualifiées » (Qualibois, Qualisol, ...) sont un critère rassurant pour les particuliers maîtres d'ouvrage et donc une nécessité commerciale pour les artisans. Toutefois, avoir suivi les formations ne signifie pas forcément expertise, et en cela les professionnels rencontrés ont été assez transparents. En témoigne ce chauffagiste :
M.Boulanger, Installateur chauffage sanitaire Caldeo (64) : Entreprise qualifié Qualibois, module eau et air, et Qualisol. « J'avoue n'avoir posé que très peu de chaudière à granulé encore trop confidentielle. Les chaudières à granulés ou les pompes à chaleur sont des équipements encore très couteux.»
f) Le rôle non négligeable des artisans en charge du contrat d'entretien
Mis à part les quelques artisans particulièrement commerciaux qui reviennent à domicile après une ou deux saisons de chauffe, le contrat d'entretien semble être un support de retour à domicile intéressant. Mais il est limité aux chaudières et payant ! Certains ménages n'en souscrivent pas, par manque de moyens financiers.
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Il y a, sur ce point, matière à envisager des partenariats avec les entreprises ayant développé cette activité. Renseignements pris auprès de la Capeb qui réfléchie également à ce levier, les artisans et professionnels au sein des entreprises, qui interviennent au titre du contrat d'entretien ne sont pas les mêmes que ceux qui installent les chaudières. Ce métier, finalement peu connu des opérateurs habitat et des collectivités maîtres d'ouvrage d'opérations programmées d'amélioration de l'habitat, pourrait à terme, trouver une place dans la chaîne des intervenants de la rénovation thermique, sur le conseil et l'accompagnement des ménages après travaux.
3.6 - Bilan des enseignements des enquêtes ménages et artisans
a) Des limites indéniables · Un faible échantillon de ménages et d'artisan, mais une enquête qualitative complémentaires aux recherches-expérimentations précédentes réalisées avec le soutien du PUCA, qui recoupe les conclusions de ces études. Des difficultés à récolter les factures avant et après travaux : les ménages ne les conservent pas toujours, ne les regardent d'ailleurs que peu ! Une étude comparative Calcul conventionnel / Consommations réelles pas forcément fiable d'un point de vue scientifique, mais qui montre quand même que les ménages en précarité énergétique (avant travaux au moins), consomment souvent moins que ce à quoi on peu s'attendre avec les consommations conventionnelles. Les habitudes de maîtrise semblent assez ancrées dans leur quotidien, Pourtant, les entretiens avec ces mêmes ménages montrent qu'avec une information effective à réception des travaux et un suivi des habitudes de consommation et des factures dans le temps, les économies réelles pourraient être encore optimisées. Des enquêtes artisans essentiellement menées auprès de chauffagistes qui semblent être l'interlocuteur privilégié.
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b) Des voies de progrès assez claires · · L'accompagnement nécessaire des ménages à la prise en main de leur logement : par les opérateurs et les artisans, Un retour à domicile après une ou deux saisons de chauffe pour identifier des pathologies non réglées ou nouvellement apparues, et rectifier le tir !
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4 - Les préconisations issues de l'étude
4.1 - Préconisations vers les opérateurs accompagner et suivre les ménages et les collectivités :
a) Multiplier et optimiser les visites « fin de chantier »:
Ces visites « à réception des travaux » sont souvent (mais pas systématiquement) réalisées par les opérateurs habitat dans le cadre des opérations programmées d'amélioration de l'habitat. Il ne s'agit pas de maîtrise d'oeuvre, c'est-à-dire de vérifier la bonne qualité de travaux réalisés, mais leur conformité au programme initialement décidé. A cette occasion, l'opérateur reste dans son rôle d'assistant à maître d'ouvrage, il est donc un interlocuteur privilégié du ménage. Pour optimiser cette présence sur site, l'opérateur pourrait être également mandaté par la collectivité qui porte l'opération pour remettre aux occupants des documents d'information simplifiés sur l'utilisation des principaux postes qui posent problème : La programmation : comment l'utiliser, les températures de consigne, les principaux programmes... de façon illustrée, La VMC : intérêt, utilisation, faible consommation énergétique, Le chauffage :températures de consigne Jour/Nuit/Absence, renvoi sur l'intérêt de la programmation.
En outre, lorsque ces visites ne sont pas comprises dans l'opération, il semble nécessaire de les mettre en place.
b) Prévoir des visites après 1 voire 2 saisons de chauffe
Année 1 : Ces visites complémentairesréalisées après 1 année de chauffe,permettraient de diagnostiquer : Les pathologies non réglées ou générées par les travaux, Les consommations énergétiques réelles non maîtrisées. Elles seraient composées d'un diagnostic du logement : vérification de la programmation, de la chaudière (réglages, pression, ...), recherche de traces d'humidité et de moisissures, état de la VMC...
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Une fois ce diagnostic de visu réalisé, le technicien procèderait à une information du ménage sur les « bons comportements » à adopter pour maîtriser leurs consommations et utiliser leurs équipements de façon optimum, sur la base d'une discussion avec lui. Enfin, le technicien récupèrerait les informations utiles des factures d'énergie reçues par le ménage afin de procéder, au bureau, à une analyse des consommations réelles. Cette analyse pourrait alors servir de base à une éventuelle visite complémentaire après une seconde saison de chauffe.
Année 2 : Avant de déclencher une visite après la 2e saison de chauffe, l'opérateur récupèrerait (par envoi de la part du ménage), les factures d'énergie émises depuis la dernière visite. Si l'analyse et la comparaison avec les factures précédentes mettaient en évidence des consommations « déraisonnables » (sur ou sous-consommation), alors l'équipe opératrice mandatée pour cela par la collectivité, pourrait procéder à une nouvelle visite au domicile du ménage concerné pour en identifier les causes.
c) Ou une enquête téléphonique auprès des ménages La réalisation des visites à domicile suite aux travaux d'amélioration thermique semble être une solution efficace mais elle a un coût que les collectivités ne peuvent pas forcément prendre en charge. On peut alors imaginer une prestation moins onéreuse, sous forme d'enquête téléphonique sur la base d'un questionnaire intégrant : Les comportements : conso, utilisation équipements, Des constats visuels / sensitifs : humidité, courants d'air, chaleur, Questions / réponses. Il serait demandé au ménage de se munir de ses factures émises depuis les travaux pour qu'ils puissent en communiquer les éléments utiles à l'opérateur par téléphone, afin que ce dernier puisse procéder à une rapide analyse et revenir vers le ménage si elle mettait en évidence des consommations « déraisonnables » (sur ou sous-consommation). Des conseils par téléphone voire une visite à domicile pourraient alors être déclenchés pour accompagner le ménage dans la résolution des problèmes.
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d) Voire un « contrat d'entretien du logement » : L'étude a mis en avant le rôle que pourraient jouer les professionnels du contrat d'entretien des chaudières. Ils sont les seuls à revenir régulièrement dans le logement et à faire un point technique sur la chaudière, parfois sur le programmateur, donner des conseils de consommation dans certains cas. On pourrait alors imaginer une prestation plus globale, portée par ce même métier, par l'opérateur habitat ou par les artisans et entreprises intervenant dans le domaine du chauffage, avecplusieurs niveaux de prestations : SAV téléphonique pour répondre aux questions spécifiques des ménages, Étude des factures et conseils maîtrise de l'énergie, Visites à domicile : réglages, contrôle... La prise en charge du coût de ce contrat d'entretien ne pouvant être laissée au ménage, on peut imaginer plusieurs solutions de financement par la collectivité et l'Anah : Dans le cadre d'un SAV financé dans l'animation générale de l'opération programmée d'amélioration de l'habitat, En subventionnant, au même titre que les travaux et dans les mêmes conditions, la souscription à ce type de contrat sur 2 années, directement auprès du ménage.
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4.2 - Préconisation vers les artisans : favoriser la complémentarité opérateurs/entreprises
a) Travailler avec des artisans « amis »
Des interviews réalisées comme des pratiques locales des opérateurs habitat, ressort le rôle important que jouent les artisans « de bonne volonté » dans l'accompagnement après travaux aux réglages et à la bonne prise en main des équipements. Certains de ces artisans sont connus des opérateurs et conseillés de manière informelle aux ménages en phase de recherche de devis, d'autres développent ces bonnes pratiques au contact des ménages en difficulté face à leur logement rénové. Les identifier de manière plus formelle de façon à pouvoir recommander aux ménages le recours à ces artisans dans le cadre d'une « charte de bonnes pratiques », permettrait de s'assurer de la qualité des interventions des professionnels et d'initier une sorte de « sélection naturelle » en identifiant ceux qui ne respecteraient pas leurs engagements. Un partenariat de ce type est en train de se développer entre les opérateurs habitat et les Installateurs Solidaires, labellisés comme tel par Baxi (distributeur de chaudières Chappée). Ces Installateurs Solidaires s'engagent vis-à-vis des particuliers, dans le cadre du programme national Habiter Mieux à : Pratiquer un prix compétitif : 10% de remise sur les tarifs publics Chappée, Accompagner l'opérateur habitat dans la mise en relation des ménages a priori éligibles aux aides publiques à l'amélioration de l'habitat privé, Proposer aux ménages un service après la vente : mise en service offerte, deux déplacement gratuits la première année, garantie 2 ans pièces.
Des partenariats avec les adhérents de la Capeb se nouent également, de manière assez inégale cependant, dans les territoires autour des opérations programmées, sur la base de la charte AB5promue en nationalpar la Capeb, intégrant les engagements suivants : l'artisan est identifiable dans ses compétences, l'artisan donne suite dès le premier contact, l'artisan fournit un devis dans les délais convenus, l'artisan respecte les clauses du devis, l'artisan contrôle la satisfaction du client.
b) Fournir aux artisans dont les devis sont retenus (les opérateurs les voient passer), un fascicule, mentionnant la collectivité maître d'ouvrage et l'opération Habitat, leur rappelant la nécessité : a) D'informer les clients sur les postes sensibles (programmation, utilisation rationnelle du système de chauffage, aération),
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b) De régler pour eux les appareils et équipements, c) De leur expliquer qu'il ne faut pas laisser les pathologies s'installer (humidité, factures élevées...), d) Communiquer toute anomalie à l'opérateur. Autant d'initiatives à évaluer et multiplier sur le terrain, et à porter à connaissance des ménages, souvent démunis face aux démarches à faire vis-à-vis des professionnels dont ils ne connaissant pas les signes de qualité et avec lesquels ils ne savent pas toujours discuter.
c) Leur fournir des documents d'information simplifiés à remettre aux occupants Rappelons que les professionnels du bâtiment, particulièrement les chauffagistes au vu des témoignages des ménages rencontrés, sont considérés comme un interlocuteur privilégié. Ils sont les « sachants » sur le poste le plus compliqué à prendre en main : systèmes de chauffage et de régulation. Passer par eux pour remettre aux occupants, après les travaux, des documents d'information clairs et simplifiés sur les points importants pour faire des économies d'énergie réelles semble pertinent : ils ont l'occasion et la crédibilité. Ces documents d'information pourraient être réalisés par les opérateurs habitat qui connaissent parfaitement les ménages considérés, mandatés pour cela par la collectivité. Ils seraient fournis aux professionnels retenus par le ménage par l'opérateur puisque ces deux acteurs se côtoient, les devis et factures passant par l'opérateur pour le montage des dossiers de demande de subvention (a minima). d) En cas de visites après 1 voire 2 saisons de chauffe, informer les artisans de l'état constaté du logement rénové
A l'issue des visites à domicile effectuées par l'opérateur, un courrier vers les professionnels ayant réalisé les travaux pourrait être envoyé. Le chauffagiste, encore une fois, semble particulièrement concerné. Ce courrier ferait état des constats : bons comme problématiques, et de la satisfaction du ménage... Il permettrait : D'impliquer les artisans dans la prise en main du logement par les ménages, pour ceux qui ne le sont pas suffisamment, De constituer un réseau collaboratif Opérateur/Artisans effectif. Notons que certains professionnels pourraient y voir un vraie valeur ajoutée pour évaluer leurs chantiers et les valoriser du grand public (vers de nouveaux clients donc), surtout s'agissant de solutions de chauffage complexes (ex : chaudière à granulés), qu'ils n'installent pas souvent, de leur propre aveux.
e) Miser sur les contrats d'entretien
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Il s'agirait de s'appuyer sur cette visite à domicile pour identifier des pathologies et dysfonctionnements éventuels, et engager les ménages à recontacter l'opérateur. Comme nous l'avons vu précédemment, les professionnels des contrats d'entretien des chaudières pourraient à terme évoluer vers une prestation plus globale. Ce contrat d'entretien du logement reste à construire et à financer par les acteurs concernés (collectivités, Anah, industriels, entreprises...). Cela sera d'autant plus pertinent que ces professionnels et le « monde » des opérateurs habitat commencent à se côtoyer et à communiquer. Rappelons que cette idée de contrat d'entretien du logement sous-tendrait missionner l'artisan pour faire un conseil/accompagnement plus global (réglages, vérification des factures, identification de problèmes non résolus par les travaux ou apparus suite aux travaux...). Une prestation plus complète et donc potentiellement plus rémunératrice que le simple entretien de chaudière, basé sur les compétences thermiques déjà acquises.
4.3 - Préconisations vers les industriels : simplifier !
Simplifier les appareils et équipements amenés à être manipulés par les ménages : typiquement les systèmes de programmation du chauffage sont très complexes, Simplifier et illustrer les notices d'utilisation. Les artisans, les opérateurs, pourraient ainsi remettre aux ménages des manuels faciles à comprendre, et faire l'économie des visites complémentaires pour réglages et explications (qu'ils ne réalisent pas toujours, d'ailleurs).
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