Territoires (Les) périurbains entre dépendance automobile et ségrégation socio-spatiale : les ménages modestes fragilisés par les coûts de la mobilité.

BELTON-CHEVALLIER, Leslie ; MOREL-BROCHET, Annabelle

Auteur moral
Laboratoire Ville, mobilité, transport (Champs-sur-Marne, Seine-et-Marne) ; Université de Bourgogne ; Théoriser et modéliser pour aménager (Besançon - Dijon) ; Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux ; Université de Franche-Comté
Auteur secondaire
MOTTE-BAUMVOL, Benjamin (dir.)
Résumé
Cette recherche est consacrée aux rôles que joue la dépendance automobile dans les trajectoires résidentielles de ménages modestes vivant ou ayant vécu dans des territoires périurbains. Les auteurs se sont appuyés sur deux enquêtes qualitatives et sur une exploitation quantitative des données de recensement de la population. Ils soulignent que le choix de localisation périurbaine ne prend souvent pas en compte la dépendance automobile, et commentent les répercussions de ce choix sur les pratiques de mobilité. Ils analysent les motivations poussant à quitter ces territoires dépendants pour des espaces moins dépendants. En comparant l'aire urbaine dijonnaise et la Seine-et-Marne, ils étudient les éventuelles différences spatiales qui peuvent influencer la prise en compte de la dépendance automobile. En utilisant une analyse multivariée du recensement de 2007 et en s'intéressant aux ménages décidant de quitter les territoires très dépendants de l'automobile, les auteurs examinent la validité de trois hypothèses portant sur les revenus, le choix d'un nouveau territoire et l'effet que peut avoir l'accès au logement social.
Descripteur Urbamet
localisation de l'activité économique ; périurbain ; véhicule individuel ; voiture ; mode de vie ; ménage ; économie ; impact ; ségrégation ; différenciation sociale ; analyse économique ; enquête ; logement ; recherche
Descripteur écoplanete
Thème
Transports ; Habitat - Logement
Texte intégral
LES TERRITOIRES PERIURBAINS ENTRE DEPENDANCE AUTOMOBILE ET SEGREGATION SOCIO-SPATIALE : LES MENAGES MODESTES FRAGILISES PAR LES COUTS DE LA MOBILITE Rapport de recherche pour le PUCA Juillet 2012 Programme « La mobilité et le périurbain à l'impératif de la ville durable : ménager les territoires de vie des périurbain » RESPONSABLE SCIENTIFIQUE MOTTE-BAUMVOL Benjamin, THEMA/LVMT - Université de Bourgogne AUTEURS DU RAPPORT BELTON-CHEVALLIER Leslie, DEST - IFSTTAR MOREL-BROCHET Annabelle, ESO - Université de Caen MOTTE-BAUMVOL Benjamin, THEMA/LVMT - Université de Bourgogne Avec la participation en addenda de : LEFRANCOIS Dominique et MASSOT Marie-Hélène Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Fiche résumé A l'instar des « choix » résidentiels dans leur ensemble et d'autres catégories de ménages, le choix de s'installer ou de quitter des territoires périurbains dépendants de l'automobile effectué par des ménages modestes est le résultat de multiples logiques, à la fois économiques, sociales, professionnelles et familiales. Le terme de choix est certes controversé puisque de nombreuses contraintes interviennent dans la détermination d'une résidence et de sa localisation. Cependant, les contraintes et ressources objectives à l'oeuvre (revenu disponible, aides diverses, etc.), les mécanismes sociaux, et donc plus subjectifs, façonnent également les préférences en termes de logement souhaitable ou désirable des ménages. Aussi, compte tenu des alternatives dont disposent les individus, nous retiendrons que, s'il n'est pas libre, leur capacité à choisir, dans un univers des possibles, existe. Les ménages modestes qui ont fait le choix transitoire ou permanent de résider dans des territoires périurbains dépendants de l'automobile appartiennent aux classes moyennes, idéal-typiques du paysage périurbain. Si ces ménages ne sont pas pauvres par définition, leurs professions, leurs conditions de travail, leur niveau de vie peuvent les rendre plus vulnérables sur le plan économique et social que des ménages plus aisés. Ces « petits-moyens » aspirent à la propriété et font le choix du périurbain pour ce faire. Leurs désirs de propriété et/ou de vie à la campagne peuvent cependant se heurter aux modes d'habiter qu'induisent, par leurs configurations, les espaces périurbains et aux contraintes quotidiennes que génère la dépendance automobile des territoires choisis. Plus sensibles a priori que des classes moyennes plus aisées aux coûts de la mobilité et donc aux effets de la dépendance automobile, les ménages modestes prennent-ils en compte cette caractéristique du territoire dans leur choix de localisation ? Pour quelles raisons viennent-ils s'installer dans des communes dépendantes de l'automobile ? Les contraintes liées aux déplacements (coût, pénibilité, complexité) sont-elles envisagées par les ménages ? Dans quelle mesure influencent-elles le fait de venir vivre ou de quitter des territoires dépendants de l'automobile ? Pour ceux qui y vivent, comment la dépendance automobile se répercute-t-elle sur leurs déplacements quotidiens ? Sont-ils conduits à renoncer à des activités compte tenu du coût des mobilités ? A l'inverse, pour ceux qui en sont partis, pour quelles raisons ont-ils été amenés à quitter ces territoires ? La dépendance automobile et les coûts associés participent-ils à leur décision d'aller vers des territoires plus urbains ? Le fait d'être modeste les condamne-t-il à renoncer au symbole d'une ascension sociale ou, au moins, d'un maintien d'une position sociale ? Au final, la question posée est la suivante : Quel(s) rôle(s) joue la dépendance automobile dans les trajectoires résidentielles de ménages modestes vivant ou ayant Îcu dans des territoires périurbains ? Pour traiter cette question, nous nous sommes appuyés sur deux enquêtes qualitatives et sur une exploitation quantitative des données du recensement de la population. Les résultats obtenus seront présentés et analysés successivement et permettront dans un dernier temps de produire une synthèse de l'ensemble des résultats dans la conclusion générale. 3 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Ainsi, nous verrons dans une première partie, basée sur la réalisation et l'exploitation d'entretiens (pour plus de détail sur la méthode, cf. les annexes) effectués auprès de ménages modestes que le choix d'élire domicile dans le périurbain en général et dans le périurbain dépendant de l'automobile en particulier prend rarement en considération les éventuelles difficultés que cette dépendance peut générer et comment ce choix de localisation se répercute sur les pratiques de mobilités individuelles. Ensuite dans une seconde partie réalisée à partir d'une enquête auprès de ménages modestes ayant quitté des territoires fortement dépendants de l'automobile, nous verrons que, la décision de quitter ces territoires pour se tourner vers des territoires moins dépendants (urbain ou périurbain) est plus fortement liée aux bifurcations dans le cycle de vie, à la pénibilité des déplacements ainsi qu'à l'ancrage plutôt qu'au coût estimé de la mobilité par les individus. Ayant fait le choix d'étudier de territoires distincts géographiquement, l'aire urbaine dijonnaise et la Seine-et-Marne, et de communes avec des niveaux de dépendance automobiles importants, nous essaierons, dans une troisième partie, de saisir les éventuelles différences spatiales qui peuvent influencer la prise en compte de la dépendance automobile en nous basant sur les deux enquêtes qualitatives précédemment utilisées. Enfin, dans une quatrième partie, nous poursuivrons l'étude des ménages décidant de quitter les territoires très dépendants de l'automobile à partir d'une analyse multivariée des données du recensement de la population de 2007. Trois hypothèses de recherche sont au coeur de cette partie. La première hypothèse est que les ménages ayant des revenus limités ont une probabilité plus forte de quitter les territoires les plus dépendants de l'automobile. La seconde hypothèse est que ces ménages quittent les communes fortement dépendante de l'automobile ont une plus forte probabilité de s'orienter alors vers un territoire où cette dépendance est plus faible. Enfin, la troisième hypothèse postule que l'accès à un logement social dans le territoire de destination constitue un ressort pour ce type de trajectoires résidentielles. Au coeur de ce travail de recherche se trouve l'articulation entre mobilité récurrente et territoires dans lesquels résident et déménagent les ménages périurbains. Il interroge la durabilité de l'inscription territoriale des ménages modestes périurbains face à un renchérissement probable du coût de l'énergie et à une montée des incertitudes économiques et questionne les arbitrages auxquels se livrent les ménages entre coût de la mobilité récurrente, coût du logement et ancrages sociaux et territoriaux (proximité avec leurs réseaux sociaux et territoires auxquels ils sont attachés). Un soin particulier a été apporté dans ce travail à la qualification des territoires qui composent le périurbain. Le postulat de ce travail comme celui de la consultation est l'hétérogénéité du périurbain ; l'hétérogénéité est étudiée ici à travers le prisme de l'inégale dépendance à l'automobile des territoires et des individus. La prise en compte de cette hétérogénéité doit être à même de réÎler les dynamiques qui traversent cet espace. Ainsi, le territoire périurbain souvent défini comme une enclave, recèle des lieux et territoires d'appropriation. 4 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Sommaire Introduction _______________________________________________________________ 7 Revue de littérature _________________________________________________________ 9 1. La dépendance à l'automobile et le coût croissant des transports dans les territoires périurbains _____ 9 2. La menace d'une ségrégation sociospatiale accrue dans les espaces périurbains _________________ 10 3. La mobilité résidentielle des ménages modestes et précaires _________________________________ 12 Questions de recherche _____________________________________________________ 15 Partie 1 : Venir vivre dans un territoire périurbain dépendant de l'automobile : Une dépendance automobile sous-estimée _________________________________________ 18 1. La dépendance automobile, une contrepartie incontournable de l'accès à la propriété ____________ 21 2. Les ménages non propriétaires dans le périurbain dépendant de l'automobile : une dépendance et ses conséquences moins occultées mais toujours sous-estimées ___________________________________ 26 3. Vivre la dépendance au quotidien : la minimisation des déplacements témoin d'une vulnérabilité économique exacerbée _________________________________________________________________ 37 Partie 2 : Quitter le périurbain pour échapper à la dépendance automobile ___________ 51 1. Monoparentalité et célibat : la fin du couple comme moteur d'un départ du périurbain et de la dépendance automobile ________________________________________________________________ 53 2. Prendre de la distance avec ses parents et la dépendance automobile : un choix moins définitif _____ 57 3. Quitter le périurbain dépendant de l'automobile ou le signe plus profond d'un désenchantement du « tout automobile » ____________________________________________________________________ 67 Partie 3 : La construction socio-spatiale de la dépendance automobile ? Comparaisons entre l'aire urbaine dijonnaise et la Seine-et-Marne ______________________________ 83 1. Des déplacements plus pénibles en Île-de-France, sources d'une plus grande propension à utiliser les transports collectifs ____________________________________________________________________ 85 2. Recourir au covoiturage : la force de l'ancrage dans des réseaux locaux dans le sud-est dijonnais ____ 90 3. Des socialisations à la dépendance automobile différentes d'un territoire à l'autre ? ______________ 94 Partie 4 : Quitter le périurbain pour échapper à la dépendance automobile : approche à partir du recensement _____________________________________________________ 105 1. Hypothèses ________________________________________________________________________ 105 2. Terrains ___________________________________________________________________________ 105 3. Données et Méthode ________________________________________________________________ 108 4. Résultats __________________________________________________________________________ 110 5. Discussion - Conclusion ______________________________________________________________ 124 Conclusion générale _______________________________________________________ 127 Bibliographie _____________________________________________________________ 131 Addenda : La question sociale de la mobilité dans le périurbain : le point de vue des acteurs institutionnels locaux de la Seine et Marne ____________________________________ 139 Annexes _________________________________________________________________ 165 1. Tableaux descriptifs des ménages rencontrés pour les entretiens ____________________________ 165 2. Méthodologie des enquêtes qualitatives ________________________________________________ 183 5 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Table des figures __________________________________________________________ 189 Table des tableaux ________________________________________________________ 191 Table des matières ________________________________________________________ 193 6 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Introduction En France et notamment dans les espaces périurbains, l'augmentation des prix du pétrole et la dégradation de la situation économique pèsent sur le budget des ménages, en particulier dans les territoires périurbains où les déplacements sont fortement dépendants de l'automobile (Dupuy, 1999; Newman et Kenworthy, 1989). Or, de nombreux ménages modestes tendent à travailler et à résider dans ces espaces en raison du desserrement des emplois à faible qualification (Berger, 2004; Massot et Roy, 2004), de la structure et de l'offre du marché immobilier. Les coûts du logement y sont plus faibles et l'offre abondante. Tandis, que l'important parc de logements sociaux dans les centres est marqué parfois par une image dégradée, liée à certaines localisations, et à une demande qui excède très largement l'offre. Dans ce contexte, le niveau de vie des ménages dans les espaces périurbains tend, plus qu'ailleurs, à être fragilisé, puisque le coût du transport peut atteindre jusqu'à un quart de leur budget dans certaines localisations périphériques d'Ile-de-France (Coulombel et al., 2007; Polacchini et Orfeuil, 1999). Dodson et Sipe (2007) font un constat similaire concernant Sidney en Australie. Cet enjeu est d'autant plus important que la configuration spatiale dominante dans les villes françaises et en Ilede-France va dans le sens d'une concentration croissante des ménages modestes dans les espaces périurbains (Berger, 2004; Cavailhès et Selod, 2003). En difficultés face à un budget transport nonanticipés ces ménages n'auraient d'autre choix que de conserver leurs localisations résidentielles au prix de conditions de vie fortement dégradées décrites par Rougé (2007). Le marché de l'immobilier ne leur laisserait que peu d'alternatives. Pour autant, le développement de territoires périurbains périphériques comportant une population croissante de ménages modestes susceptibles d'être fragilisés par le coût de la mobilité peine à être identifiées (Beaucire et Berger, 2002). La raison pourrait en être des trajectoires résidentielles finalement moins bloquées qu'il n'y parait, notamment en direction de territoires où le cout moyen de la mobilité n'est pas sans cesse plus éleÎ, tel que l'affirme Motte-Baumvol et al. (2010). C'est ce que ce travail se propose de Îrifier à partir des données du recensement 2007 et d'une analyse multivariée modélisant les déménagements dans les espaces périurbains d'Ile-de-France. Parmi les ménages d'actifs, deux catégories de ménages seront particulièrement étudiées. Il s'agit tout d'abord des ménages de chômeurs dont le niveau de vie est érodé durablement (Feijten, 2005). On trouve ensuite les familles monoparentales, plus exposés à la pauvreté (Breuil-Genier et al., 2001), qui connaissent également une augmentation particulièrement rapide de leur nombre dans les territoires périurbains franciliens (Motte-Baumvol et Belton-Chevallier, 2011). L'influence de l'état providence français par l'intermédiaire du logement social sera évaluée dans ces mouvements résidentiels. En effet, l'identification de telles pratiques peut constituer une piste prometteuse de politique publique visant à faire face à l'accroissement du prix du pétrole ou une dégradation de la situation économique de nombreux ménages résidants dans les espaces périurbains. 7 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Revue de littérature Les marges des agglomérations sont ainsi, plus que d'autres espaces, organisées autour de la mobilité permise par l'automobile : les navettes sont plus longues (Berger, 2004), les services plus rares (Motte-Baumvol, 2008) et les alternatives modales moins nombreuses. Les espaces périurbains sont dépendants de l'automobile, ce qui découle fort logiquement d'une période où l'on a plutôt cherché à en développer l'usage (Giuliano et Narayan, 2003). Dans ces espaces la voiture dispose d'un monopole radical au sens où l'entend Illich (1973) ; elle disqualifie les autres modes en les surpassant notamment par ses vitesses de déplacement et par sa grande flexibilité. Dupuy (1999) montre que la dépendance automobile ne se traduit pas seulement par une utilisation généralisée de l'automobile dans le sens utilisé par Newman et Kenworthy (1989), mais est également un processus qui conduit à une utilisation toujours croissante de l'automobile. Les localisations des emplois, des commerces, des services ou des résidences évoluent petit à petit, chacun des acteurs considérant chaque fois plus l'automobile comme principal mode d'accès, alors que l'équipement automobile des ménages continue de s'accroitre. Pour les individus, mêmes ceux qui ne sont pas motorisés, la pression automobile s'accroit, les incitant à s'équiper et/ou à toujours plus de mobilité automobile, les plaçant sinon dans une situation d'exclusion face à une société où la voiture est sans cesse plus présente. Si la dépendance automobile est pour Dupuy un processus éminemment global, elle a également au moins deux dimensions, une spatiale, l'autre individuelle (Goodwin, 1997; MotteBaumvol, 2007; Stradling, 2003). Les contextes locaux et individuels modulent nécessairement la pression automobile en fonction notamment de l'offre en modes alternatifs ou du programme d'activité des individus. Ainsi, la dépendance automobile croissante ne se traduit pas par une augmentation généralisée des coûts de transports dans le budget des ménages. En moyenne, la part des transports ne s'est pas accrue dans le budget des ménages depuis les années 90, alors que le poids de la voiture n'a cessé d'augmenter pour atteindre 83 % des dépenses de transport. Les transports représentent 14,9 % du budget des ménages français en 2004, soit le second budget après le logement (Arthaut, 2005). Le coût plus éleÎ de la voiture par rapport aux autres modes, dans le cadre de la mobilité locale, a été compensé par l'accroissement du revenu des ménages et par la baisse du prix d'acquisition 1. Le carburant n'a pas connu d'accroissement durable dans le budget des ménages se maintenant autour de 3,6 % en 2006, notamment grâce à une baisse de la consommation unitaire partiellement expliquée par la diésélisation croissante du parc automobile (Besson, 2008). De plus, les ménages ont 1 1. La dépendance à l'automobile et le coût croissant des transports dans les territoires périurbains Ceci traduisant une baisse du volume sur le marché des voitures neuves au profit des voitures d'occasion. 9 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale modulé si nécessaire le coût des carburants dans leur budget en diminuant le kilométrage parcouru. Toutefois, la réduction du kilométrage parcouru n'est pas sans effet sur la mobilité des ménages, notamment modestes dont Orfeuil (2004) note déjà « l'usage extrêmement modéré de l'automobile ». Les ménages du dernier quintile de revenu ne parcourent ainsi que 9.000 kilomètres par an contre 32.000 kilomètres chez les ménages du quintile juste supérieur (Hivert, 2001). Par ailleurs, la forte augmentation qu'a connue les carburants depuis 2004 tend désormais à se répercuter partiellement sur le budget des ménages (Merceron et Theulière, 2010). Enfin, si en moyenne, le coût des transports ne s'accroit que faiblement sur le budget des ménages, les situations sont très contrastées, de fortes inégalités existent notamment par type d'espace de résidence, en particulier dans les territoires périurbains. Polacchini et Orfeuil (1999) mettent en évidence à partir de l'Enquête Ménages Déplacements de Paris de 1991 que les coûts de transport de certains ménages modestes motorisés compte pour plus de 20 % de leur budget dans les espaces périurbains périphériques, par rapport à 6 % environ dans le centre de l'agglomération. Ils observent ainsi, dans une agglomération monocentrique comme Paris, que les coûts de transports des ménages d'actifs s'accroissent avec l'éloignement au centre, alors que leur revenu décroit et que leur taille augmente. Plus encore, le budget logement des ménages est croissant avec la distance au centre, en relation avec la taille des logements, des ménages et le revenu disponible, conduisant à un budget moyen pour le logement et le transport allant de 33 % dans le centre à 52 % dans les espaces périurbains périphériques. Berri (2007) à partir de quatre Family Budget surveys (Enquêtes Budget des Familles) successives conduites par l'INSEE de 1978 à 1995 parvient aux mêmes conclusions. Coulombel et al. (2007) s'intéressent également aux coûts associés du transport et du logement et actualisent ces résultats à partir de l'HTS de 2001. Ils observent que le coût du transport et du logement est désormais de 45 % dans le centre et de 57 % dans les espaces périurbains. Les auteurs expliquent cette différence par un fort accroissement des prix de l'immobilier, alors que le coût des transports reste stable. Dodson et Sipe (2007, 2008) mènent le même type d'approche sur les villes australiennes, en considérant l'évolution des taux de crédit des emprunts immobiliers. Ils concluent que les populations dans certains territoires périurbains ont des budgets sous tension sont les plus menacés par un accroissement des prix des carburants et une hausse du taux de crédit. La question du transport stress prend une dimension particulièrement important lorsque l'on considère la configuration sociospatiale dominante dans les villes françaises et en Ile-de-France, allant dans le sens d'une présence croissante des ménages modestes dans les espaces périurbains périphériques (Berger, 2004; Cavailhès et Selod, 2003). Ce qui pourrait conduire à la constitution de territoire de grande précarité. Dodson et Sipe (2007, 2008), au sujet de la situation australienne, évoquent le possible développement d'une nouvelle forme de ségrégation sociospatiale dans les espaces périurbains liée à l'accroissement du prix du pétrole et à celle des taux des crédits immobiliers. Même si à la différence de la situation décrite par Dodson et Sipe pour l'Australie, en 10 2. La menace d'une ségrégation sociospatiale accrue dans les espaces périurbains Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale France les ménages menacés par des taux de crédits à taux variables sont peu nombreux (Gabrielli et al., 2005), il n'en reste pas moins que l'appétence des ménages modestes pour les espaces périurbains tend à devenir une question sociale importante en France, notamment parce que des auteurs ont porté cette question dans des d'essais (Donzelot, 2004; Guilluy et Noyé, 2004) repris par plusieurs acteurs publics. En effet, au cours des dernières décennies les espaces périurbains sont devenus le siège des accédants à la propriété des salariés de la classe moyenne (Jaillet, 2004), mais également de ménages pauvres n'ayant pas les moyens d'occuper des localisations plus centrales (Cavailhès et Selod, 2003). La configuration spatiale dominante en France serait la suivante : les ménages les plus aisés se localisent au centre, ceux à revenu moyen en périphérie et les ménages les plus pauvres en position intermédiaire (Goffette-Nagot, 2000) et dans les espaces périurbains périphériques (Cavailhès et Selod, 2003). En effet, les ménages modesties ont profité de l'augmentation du niveau de vie et des changements dans la politique nationale du logement au milieu des années 70, passant de grands programmes de construction aux aides individuelles, pour accéder à la propriété. Ils sont alors incités à s'orienter vers les espaces périurbains par la structuration du marché immobilier. Les prix de l'immobilier sont globalement décroissants à mesure que l'on s'éloigne du centre. D'un côté, ils sont attirés par les prix plus attractif pour l'accession à la propriété dans les espaces périurbains, particulièrement les familles avec enfants à la recherche de logements plus grands (Berger, 2004). De l'autre côté, les tendances à la gentrification de certains centres-villes, comme dans l'agglomération parisienne (Bidou-Zachariasen, 2003; Freestone et Murphy, 1998; Préteceille, 2006), leur rendent moins accessibles les localisations dans les espaces centraux. Enfin, les ménages modesties tendent à vivre et à travailler dans les espaces périurbains, suivant le desserrement des emplois à faibles qualifications (Aguilera et al., 2006; Berger, 2004). Le périurbain connait donc des tendances allant dans de le sens d'une concentration croissante des ménages modestes et précaires. Berger (Berger, 2004) note une différenciation spatiale entre les localisations de ces ménages et celles de ménages plus aisés. Si plusieurs auteurs pointent l'accroissement de la ségrégation sociospatiale dans les villes françaises (Préteceille, 2006) et en particulier dans les plus grandes d'entre-elles (Charlot et al., 2009), le constat reste celui d'un périurbain peu ségrégué à la différence des espaces centraux (Charlot et al., 2009; Dodier, 2009). Plusieurs raisons pourraient expliquer la faible ségrégation des espaces périurbains. Tout d'abord, une tension relativement faible sur le marché immobilier grâce à une offre de logement accrue (Levine, 1997) posant de faibles contraintes aux localisations résidentielles des ménages modestes. Ensuite, le périurbain attire avant tout des ménages de la classe moyenne au sens large (Berger, 2004; Cavailhès et Selod, 2003), ce qui n'est pas source à priori de fortes différenciations sociospatiales. On peut également y voir un des effets de l'Etat Providence en France et l'accès des ménages les plus précaires 2 au logement social, dont les localisations sont concentrées dans les espaces urbains centraux (INSEE, 2001). Enfin, il s'agit peut-être également du résultat d'une mobilité accrue ou orientée des populations périurbaines en difficulté qui quittent les communes de forte dépendance automobile, où le coût de la mobilité est particulièrement éleÎ, pour s'orienter vers d'autres moins dépendantes de l'automobile, comme le laisse pense les résultats de Motte-Baumvol (2010). Ainsi, les trajectoires résidentielles des ménages modestes ne seraient pas bloquées dans les 2 Définis comme ceux qui ont la plus forte probabilité de connaître une situation de pauvreté (voir référence INSEE) 11 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale espaces périurbains et pourraient jouer un rôle de régulation du développement d'une ségrégation sociospatiale accrue, postulée par plusieurs auteurs, comme mentionné un peu plus haut. Pour autant, les résultats de Motte-Baumvol ne sont le produit d'analyses bivariées, alors même que la littérature abondante sur les mobilités résidentielles montre l'importance de passer par des analyses multivariées, en raison du grand nombre et des facteurs connus à l'oeuvre. C'est ce que nous allons présenter maintenant. La mobilité résidentielle des ménages dépend de nombreux facteurs qu'il est nécessaire de contrôler pour étudier les effets d'un ressort en particulier. A partir d'une analyse de la littérature Dieleman (2001) relève trois grands types de facteurs sociodémographiques dont les effets sur la mobilité résidentielle sont particulièrement significatifs et bien documentés. Il s'agit tout d'abord de la position dans le cycle de vie des individus. Les individus entre 20 et 35 ans sont ceux qui ont le plus fort aux de mobilité résidentielle. Ensuite, la taille et le statut d'occupation du logement à l'origine affichent également une très forte corrélation avec le niveau de mobilité résidentielle. Les propriétaires de grands logements sont ceux qui ont le plus faible niveau de déménagement. Enfin, les relations sont claires entre des éÎnements dans la vie des individus et du ménage et la mobilité résidentielles. Ainsi, les étapes dans les études ou la carrière professionnelle, aussi bien que la formation ou la séparation de la famille sont des ressorts importants pour les déménagements. Il est donc nécessaire de considérer ces trois dimensions ensemble lorsque c'est possible pour modéliser les pratiques de mobilité des individus. Pour ce qui concerne plus particulièrement les effets du revenu, la mobilité résidentielle impose un coût de transaction substantielle qui tend à en freiner la réalisation (Kan, 1999), notamment pour les plus pauvres. On notera également que pour Clark et al. (1996) et pour Kitching (1990), les individus avec un faible niveau de qualification et donc un plus faible niveau de revenu semblent compenser leur plus forte précarité sur le marché du travail par la recherche de stabilité sur le marché du logement. Ainsi, Böheim et Taylor (2002) mettent en évidence au Royaume-Uni que la mobilité résidentielle s'accroît avec le revenu et que cet effet est plus fort pour la mobilité intra et inter urbaine que pour la mobilité locale. Dans le cas français, Gobillon (2001) puis Debrand et Taffin (2005) mettent en évidence un lien significatif entre revenu et mobilité résidentielle. Mais l'effet du niveau de revenu est contesté et varie selon les pays et les régions. Kearns et Parkes (2003) ne trouvent aucun effet du niveau de revenu des ménages. Van Ham et Feijten (2005) déduisent de leur analyse de la littérature et de leurs résultats que le lien n'est pas clair. Le niveau de formation des individus, la structure du marché immobilier, la composition socio-économique des quartiers et la conjoncture économique perturbent les effets du niveau de revenu. Si le niveau de revenus a des effets parfois contestés sur la mobilité résidentielle, une évolution brutale du niveau de revenu conduit à une probabilité plus forte de déménager, en particulier lorsqu'il s'agit d'une diminution du revenu comme dans une situation de perte d'emploi ou d'un divorce (Feijten, 2005; Feijten et Van Ham, 2008; Mulder et Hooimeijer, 1999; Strassmann, 2001). A l'inverse si le revenu 12 3. La mobilité résidentielle des ménages modestes et précaires Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale augmente fortement la probabilité de déménager s'accroit également mais beaucoup plus faiblement. En effet, si l'intention de déménager s'accroit fortement avec une forte hausse des revenus, le déménagement ne s'effectue souvent que bien plus tard (De Groot et al., 2011; Kan, 1999). Il n'y a pas de situation d'urgence comme dans le cas d'une perte de revenu. Dans les pays comme la France, où il existe une politique de logement active, la mobilité résidentielle des ménages modestes ou précaires est également dépendante de la disposition ou l'accès à un logement social. Pour Strassmann (2001), l'existence de ces politiques y conduit notamment à des niveaux de mobilité résidentielle beaucoup plus faibles, qui sont jusqu'à deux fois inférieurs à ceux des Etats-Unis (Long, 1991). Ainsi, si l'accès à un logement social constitue un ressort pour une mobilité résidentielle accrue, une fois à disposition du ménage le logement social devient un puissant facteur de stabilité (Böheim et Taylor, 2002; Burrows, 1999; Debrand et Taffin, 2005; Gobillon, 2001). Au point que si les propriétaires affichent les plus faibles taux de mobilité résidentielle, les taux pour les locataires d'un logement social sont à peine plus éleÎs. Toutefois dans le cas où l'accession au logement social ne peut se faire que dans un quartier à l'image dégradé, cela constitue un puissant frein à la mobilité résidentielle (van Ham et Feijten, 2005). Dans une approche spatiale portant sur les espaces périurbains, la disponibilité et la localisation du logement social doivent être considérées. En effet, d'une part le logement social y est très inégalement distribué, se concentrant dans les espaces centraux de l'agglomération et dans les communes les plus peuplées. D'autre part dans certains territoires le logement social est peu accessible car saturé et avec un faible taux de rotation dans les logements (Strassmann, 2001). 13 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Questions de recherche A l'instar des « choix » résidentiels dans leur ensemble et d'autres catégories de ménages, le choix de s'installer ou de quitter des territoires périurbains dépendants de l'automobile effectué par des ménages modestes est le résultat de multiples logiques, à la fois économiques, sociales, professionnelles et familiales (Bonvalet 2010). Le terme de choix est certes controversé puisque de nombreuses contraintes interviennent dans la détermination d'une résidence et de sa localisation. Cependant, les contraintes et ressources objectives à l'oeuvre (revenu disponible, aides diverses, etc.), les mécanismes sociaux, et donc plus subjectifs, façonnent également les préférences en termes de logement souhaitable ou désirable des ménages (Grafmeyer 2010 ; Fijalkow 2011). Aussi, compte tenu des alternatives dont disposent les individus, nous retiendrons que, s'il n'est pas libre, leur capacité à choisir, dans un univers des possibles, existe. Les ménages modestes qui ont fait le choix transitoire ou permanent de résider dans des territoires périurbains dépendants de l'automobile appartiennent aux classes moyennes, idéal-typiques du paysage périurbain. Si ces ménages ne sont pas pauvres par définition (Damon 2011), leurs professions 3 (ouvrier, employé, certaines professions intermédiaires), leurs conditions de travail (secteur priÎ, précarité, horaires décalés, chômage, etc.), leur niveau de vie 4 (revenu disponible par unité de consommation au sein du ménage) peuvent les rendre plus vulnérables sur le plan économique et social que des ménages plus aisés. Ces « petits-moyens » (Cartier et al. 2008) aspirent à la propriété et font le choix du périurbain pour ce faire. Leurs désirs de propriété et/ou de vie à la campagne peuvent cependant se heurter aux modes d'habiter qu'induisent, par leurs configurations, les espaces périurbains et aux contraintes quotidiennes que génère la dépendance automobile des territoires choisis. Les professions et catégories socioprofessionnelles (PCS ­ ESE, INSEE 2003) suivantes ont été rencontrées dans le cadre des entretiens qualitatifs effectués : les ouvriers (62 à 69), les employés (52 à 56) et des professions intermédiaires (42, 46 à 48). 4 3 Le niveau de vie d'un ménage correspond au revenu disponible pondéré par le nombre d'unité de consommation au sein du ménage. Le revenu disponible comprend les revenus d'activité, les revenus du patrimoine, les transferts en provenance d'autres ménages et les prestations sociales (y compris les pensions de retraite et les indemnités de chômage), nets des impôts directs. Quatre impôts directs sont généralement pris en compte : l'impôt sur le revenu, la taxe d'habitation et les contributions sociale généralisée (CSG) et à la réduction de la dette sociale (CRDS). Les unités de consommation correspondent à un système de pondération qui permet de comparer les niveaux de vie de ménages de taille (nombre de personne) ou de compositions différentes (adultes vs enfants). L'échelle la plus utilisée est dite de l'OCDE et est la suivante : 1 unité de consommation (ou UC) pour le premier adulte du ménage 0,5 UC pour les autres adultes du ménage (i.e. les personnes de 14 ans et plus). 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans. 15 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Plus sensibles a priori que des classes moyennes plus aisées aux coûts de la mobilité et donc aux effets de la dépendance automobile, les ménages modestes prennent-ils en compte cette caractéristique du territoire dans leur choix de localisation ? Pour quelles raisons viennent-ils s'installer dans des communes dépendantes de l'automobile ? Les contraintes liées aux déplacements (coût, pénibilité, complexité) sont-elles envisagées par les ménages ? Dans quelle mesure influencent-elles le fait de venir vivre ou de quitter des territoires dépendants de l'automobile ? Pour ceux qui y vivent, comment la dépendance automobile se répercute-t-elle sur leurs déplacements quotidiens ? Sont-ils conduits à renoncer à des activités compte tenu du coût des mobilités ? A l'inverse, pour ceux qui en sont partis, pour quelles raisons ont-ils été amenés à quitter ces territoires ? La dépendance automobile et les coûts associés participent-ils à leur décision d'aller vers des territoires plus urbains ? Le fait d'être modeste les condamne-t-il à renoncer au symbole d'une ascension sociale ou, au moins, d'un maintien d'une position sociale ? Au final, la question posée est la suivante : Quel(s) rôle(s) joue la dépendance automobile dans les trajectoires résidentielles de ménages modestes vivant ou ayant Îcu dans des territoires périurbains ? Pour traiter cette question, nous nous sommes appuyés sur deux enquêtes qualitatives et sur une exploitation quantitative des données du recensement de la population. Les résultats obtenus seront présentés et analysés successivement et permettront dans un dernier temps de produire une synthèse de l'ensemble des résultats dans la conclusion générale. Ainsi, nous verrons dans une première partie, basée sur la réalisation et l'exploitation d'entretiens (pour plus de détail sur la méthode, cf. les annexes) effectués auprès de ménages modestes que le choix d'élire domicile (Authier et al. 2010) dans le périurbain en général et dans le périurbain dépendant de l'automobile en particulier prend rarement en considération les éventuelles difficultés que cette dépendance peut générer et comment ce choix de localisation se répercute sur les pratiques de mobilités individuelles. Ensuite dans une seconde partie réalisée à partir d'une enquête auprès de ménages modestes ayant quitté des territoires fortement dépendants de l'automobile, nous verrons que, la décision de quitter ces territoires pour se tourner vers des territoires moins dépendants (urbain ou périurbain) est plus fortement liée aux bifurcations dans le cycle de vie, à la pénibilité des déplacements ainsi qu'à l'ancrage plutôt qu'au coût estimé de la mobilité par les individus. Ayant fait le choix d'étudier de territoires distincts géographiquement, l'aire urbaine dijonnaise et la Seine-et-Marne, et de communes avec des niveaux de dépendance automobiles importants, nous essaierons, dans une troisième partie, de saisir les éventuelles différences spatiales qui peuvent influencer la prise en compte de la dépendance automobile en nous basant sur les deux enquêtes qualitatives précédemment utilisées. Enfin, dans une quatrième partie, nous poursuivrons l'étude des ménages décidant de quitter les territoires très dépendants de l'automobile à partir d'une analyse multivariée des données du recensement de la population de 2007. Trois hypothèses de recherche sont au coeur de cette partie. La première hypothèse est que les ménages ayant des revenus limités ont une probabilité plus forte de quitter les territoires les plus dépendants de l'automobile. La seconde hypothèse est que ces ménages quittent les communes fortement dépendante de l'automobile ont une plus forte probabilité de s'orienter alors vers un territoire où cette dépendance est plus faible. Enfin, la troisième hypothèse postule que l'accès à un logement social dans le territoire de destination constitue un ressort pour ce type de trajectoires résidentielles. 16 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Au coeur de ce travail de recherche se trouve l'articulation entre mobilité récurrente et territoires dans lesquels résident et déménagent les ménages périurbains. Il interroge la durabilité de l'inscription territoriale des ménages modestes périurbains face à un renchérissement probable du coût de l'énergie et à une montée des incertitudes économiques et questionne les arbitrages auxquels se livrent les ménages entre coût de la mobilité récurrente, coût du logement et ancrages sociaux et territoriaux (proximité avec leurs réseaux sociaux et territoires auxquels ils sont attachés). Un soin particulier a été apporté dans ce travail à la qualification des territoires qui composent le périurbain. Le postulat de ce travail comme celui de la consultation est l'hétérogénéité du périurbain ; l'hétérogénéité est étudiée ici à travers le prisme de l'inégale dépendance à l'automobile des territoires et des individus. La prise en compte de cette hétérogénéité doit être à même de réÎler les dynamiques qui traversent cet espace. Ainsi, le territoire périurbain souvent défini comme une enclave, recèle des lieux et territoires d'appropriation. 17 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Partie 1 : Venir vivre dans un territoire périurbain dépendant de l'automobile : Une dépendance automobile sousestimée La première partie du travail de terrain a consisté à rencontrer des ménages modestes qui vivent dans les territoires périurbains dépendants de l'automobile. Figure 1 : Les communes de forte dépendance automobile enquêtées dans l'Aire Urbaine Dijonnaise Source : Typologie de l'auteur à partir de la base permanente des équipements 2007 18 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Figure 2 : Les communes de forte dépendance automobile enquêtées en Ile-de-France Source : Typologie de l'auteur à partir de la base permanente des équipements 2007 Ces ménages étaient localisés dans plusieurs communes dont les suivantes (cf. figures 1 et 2 cidessus) : Longchamp et Chambeire en Côte-d'Or (21) pour 11 d'entre eux. Sainte-Colombe, Saint-Loup de Naud, Longueville, Saint-Brice, Chenoise, Crèvecoeur-en-Brie, Pommeuse, Mauperthuis, Saints et Beautheil en Seine-et-Marne (77) pour 17 d'entre eux. 19 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Ces communes ont été choisies compte tenu de leur degré de dépendance automobile. Ainsi, elles sont toutes périurbaines au sein de l'INSEE car elles appartiennent aux communes des couronnes périurbaines de grands pôles que sont Dijon, Paris et leurs principales communes limitrophes. On notera que la seule exception est Saint-Brice qui appartient au pôle secondaire de Provins. Ensuite, toutes ces communes se caractérisent par le fait que 80% au moins des actifs ayant un emploi les quittent pour se rendre au travail (RP, INSEE 2008) et qu'elles comportent une très faible proportion de cadres (moins de 10% pour une large majorité de communes et pas plus de 20% pour l'ensemble) : elles comportent donc a priori plus de ménages modestes que d'autres communes se caractérisant par une proportion plus importante de cadres. Ensuite, elles sont dites dépendantes de l'automobile car elles ne comportent pas ou peu de services et de commerces sur leurs territoires. Les ménages n'ont pas d'autres choix que de sortir de leurs communes de résidence pour accéder à ces services ou s'approvisionner. Compte tenu des distances à parcourir et de l'absence ou de la faiblesse des transports collectifs, rares sont les alternatives modales à la voiture dès lors qu'on réside dans ces communes. Au final, les cas de 28 ménages ont donc été retenus pour nourrir le présent rapport dont les caractéristiques sont présentées en Annexe. En plus de leurs modestes revenus, ces ménages ont en commun d'être en grande majorité propriétaires de leur résidence (cf. Tableau 1 ci-dessous) : 19 sur 28 soit les 2/3. Parmi les multiples raisons mentionnées par les ménages, la volonté d'être propriétaire est déterminante dans la mesure où elle a structuré la constitution et la composition des territoires périurbains. Cependant, compte tenu de leurs faibles revenus, les ménages se voient obligés de s'éloigner de plus en plus des aménités. Peu prennent en considération le degré de dépendance automobile de leur territoire d'arriÎe et les conséquences qu'elle engendre au quotidien (1). Au-delà de ces ménages propriétaires dont les motivations ont été largement étudiées, il nous paraît intéressant d'étudier plus particulièrement les ménages qui vivent dans ces mêmes territoires sans avoir les ressources financières nécessaires pour être propriétaires. Nous verrons que la présence de leur réseau social local, plus spécifiquement familial, est la raison principale de leur ancrage dans ce type de territoire (2). Enfin, en dehors du statut d'occupation des ménages étudiés, nous verrons quelles conséquences sociales le choix de vivre dans de tels territoires implique pour ces ménages. Leurs pratiques de mobilité seront plus particulièrement étudiées afin de mettre en lumière les ajustements qui leur apparaissent nécessaires (3). 20 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Tableau 1 : Statuts d'occupation avant et pendant la localisation résidentielle périurbaine dépendante de l'automobile En italique, les personnes rencontrées en Côte-d'Or. Avant la localisation actuelle dans le périurbain dépendant de l'automobile Propriétaire Locataire Vincente (HLM) Giliane (HLM) Bernard (HLM) Carlos (HLM) Didier (HLM) Sonia (priÎ) Lionel Propriétaire Dans le périurbain dépendant Roger Bernadette Stéphanie (priÎ) Nicolas (HLM) Karine (priÎ) Bruno (priÎ) Virginie (HLM) Solveig (priÎ) Patrick (priÎ) Miguel (priÎ) Vanessa D. (priÎ) Séverine (HLM /HLM) Locataire Abdel (priÎ) Laurence (HLM / HLM) Vanessa G. (priÎ/HLM) Sandrine (priÎ/priÎ) Hébergé Total 4 Cyril (priÎ) 20 Claude 4 2 28 Mélanie (priÎ) Christelle (priÎ) 9 Graziella 19 Hébergé Tot. Pour les ménages étudiés, les raisons de leur installation dans le périurbain ont fait l'objet d'une interrogation systématique lors des entretiens. Plus précisément, nous leur avons demandé comment ils en étaient venus à habiter dans ces communes périurbaines. Pour tous ces ménages et plus encore pour ceux ayant accédés à la propriété, les raisons évoquées sont multiples (la liste cidessous n'est pas nécessairement exhaustive) : 21 1. La dépendance automobile, une contrepartie incontournable de l'accès à la propriété Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Vivre à la campagne et avoir un jardin Maintenir ses enfants ou soi-même à distance des désagréments de la ville (pollution, délinquance, etc.) Habiter dans une maison Profiter d'une opportunité financière (héritage, loyer ou prix immobilier avantageux). Rester à proximité d'aménités (travail, commerces, écoles, transports) Evolutions et bifurcations possibles du cycle de vie (décohabitation parentale, mise en couple, arriÎe des enfants, retraite, divorce, décès, chômage, mutation, etc.) Rester près d'un réseau familial ou amical Accéder à la propriété, avoir un patrimoine Les motifs ci-dessus ont été fréquemment utilisés pour expliquer le choix de leur commune de résidence actuelle. En se focalisant uniquement sur les ménages propriétaires, l'accessibilité aux biens et aux services (dont les réseaux de transports collectifs) fait certes partie des motifs cités. La commune a été en partie choisie pour son degré de proximité avec des services, des commerces. Cependant cette proximité intègre de fait un usage de la voiture car, si ces aménités ne sont pas loin, le temps d'accès en voiture sert de principal indicateur de distance. Dans les faits, la proximité aux commerces et services est donc toute relative et suppose d'utiliser malgré tout la voiture. Certaines communes disposent de petits commerces mais sont tout de même considérées comme dépendantes de l'automobile (Motte-Baumvol 2007) et, en pratique, les ménages ne les utilisent pas au quotidien (si ce n'est la boulangerie de Longchamp). En fait, ces petits commerces n'ont pas été évoqués comme motif ayant participé au choix d'emménager dans la commune et ne sont utilisés qu'à titre de « dépannage ». Les lieux dont la proximité est recherchée sont principalement les lieux du travail ou/d'étude. Pour les études, les communes disposent souvent d'écoles primaires et/ou d'un ramassage scolaire. Le ramassage pallie le recours à la voiture dans la limite d'emplois du temps fixes. Avec l'entrée au collège, ces derniers deviennent plus variables et remettent l'accompagnement automobile au coeur des préoccupations parentales. Toutefois la plupart des ménages propriétaires ont fait le choix de s'installer à un âge où leurs enfants étaient encore jeunes, c'est-à-dire non scolarisés ou en primaire, sans forcément envisager les contraintes de déplacements liées à l'automobile qui apparaissent à l'entrée au collège. Enfin l'accès au lieu du travail fait certes partie des contraintes inhérentes au choix de localisation résidentielle. Mais, beaucoup ont préféré s'éloigner ou rester loin car de toute façon leur emploi suppose d'utiliser un Îhicule en intégralité (professions mobiles ou lieu de travail fixe inaccessible en transports en commun) ou en partie (pour accéder à des modes de transports collectifs comme le RER ou le train). En soi, tous les motifs énumérés plus haut sont connus et ressortent largement de la littérature existante sur le périurbain (Bonvalet 2010; Jaillet 2004; Berger 2004; Dezès et al. 2001; Haumont 1966). Ils traduisent le choix tout relatif dont les ménages étudiés disposent pour devenir propriétaires de leurs logements. Si ce choix est relatif, c'est parce qu'il est souvent effectué compte tenu de contraintes multiples et additives qui se matérialisent dans le vocabulaire utilisé pour décrire 22 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale le processus qui a conduit à habiter dans une commune périurbaine dépendante de l'automobile. Ces arguments tendent à se renforcer les uns les autres dans les discours des individus. « Euh, moi, c'est un choix, moi je... déjà, c'était certainement plus accessible puisqu'à l'époque, parce que maintenant ça a bien augmenté, mais c'était moins cher, mais moi, j'avais vraiment fait le choix. On avait Îcu beaucoup avant à Ozoir en HLM et j'aime beaucoup la tranquillité, j'aime l'espace est donc moi, je voulais vraiment un petit village mais un petit lotissement, parce que c'est vrai, quand on arrive dans un village, c'est un problème et les enfants, ce n'est pas évident pour l'adaptation et je voulais avoir mon propre jardin [...] Euh, donc ce n'était pas vraiment prévu qu'on vienne à Crèvecoeur. Au départ, ce n'était pas forcément Crèvecoeur parce qu'on cherchait dans les alentours, et il y avait à Crèvecoeur, vous savez, des terrains à vendre. Nous, on voulait juste le terrain même si on voulait faire construire notre maison, d'autres faisaient construire mais on ne voulait pas spécialement un constructeur. [...] Construire dans une grande ville comme Ozoir, ce n'était pas possible, c'était très cher, donc c'est aussi pour ça qu'on s'est quand même un petit peu éloigné. » Virginie, assistante maternelle à domicile, 45 ans, mariée, 3 enfants, propriétaire à Crèvecoeur-en-Brie (77) depuis 1998. « Ben, c'est le hasard des terrains... des terrains. Moi, j'aurais mieux aimé soit son pays, soit le mien, d'origine. [...] Mais, il n'y avait pas... il n'y avait pas... à ce moment-là, il n'y avait pas de terrain à vendre. On a trouÎ sur Longchamp, on a dit : « bon, ben, on va sur Longchamp », quoi. Au début, un peu dur, mais après, on s'est habitué. [...] Au début, ça fait drôle parce qu'on ne connaissait pas les gens, on ne connaissait personne ici, c'était une petite bourgade qui était... bon, le pays, il y avait 150 habitants où elle habitait, et moi, peut-être 200. Quand on est arriÎ ici, 800 habitants pour nous, c'était gros. » Didier et Annie, ouvrier à la retraite et famille d'accueil pour la DDASS, 58 et 56 ans, mariés, 3 enfants majeurs et 2 enfants accueillis, propriétaires à Longchamp (21) depuis 1982. Toutefois, au-delà de la dimension cumulative des arguments motivant un choix résidentiel, ce dernier est, en lui-même ici, fortement dépendant des contraintes économiques auxquelles doivent faire face ces ménages. Si la volonté d'habiter à proximité de la nature et d'accéder à la propriété (d'une maison en particulier) oriente les ménages vers des territoires périurbains, l'argument du prix abordable justifie un éloignement des aménités urbaines, notamment pour les ménages qui ont pu habiter précédemment dans des localisations plus centrales ou moins dépendantes (Paris et sa proche couronne, Coulommiers, Provins pour la Seine-et-Marne et Dijon, Genlis pour la Côte d'Or). Il y a, en effet, une forme de fatalisme par rapport au champ des possibles résidentiels accessibles en fonction de ses revenus disponibles. Le fatalisme est aussi présent pour ceux qui vivaient déjà dans des territoires analogues et qui sont conscients de ne pouvoir les quitter. Daniel et Vincente habitent Longchamp depuis 1982. A l'époque, ils étaient ouvriers tous les deux à Dijon. Ils ont choisi d'habiter Longchamp où réside une partie de leur réseau social (frères et soeurs), par attrait de la verdure et par volonté d'avoir une maison à eux. Toutefois, ils reconnaissent que « l'inconÎnient, c'est un petit peu éloigné d'un centre-ville... Ben, de toute façon, on n'aurait pas pu avoir ce qu'on a ici à Dijon. C'était un choix. On devait s'éloigner de Dijon pour pouvoir avoir quelque chose d'abordable. C'est sûr 23 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale qu'une maison comme ça... à 5 minutes à pied de la place de la République, il ne faut pas rêver ! [...] On aurait eu à l'époque ... 700.000 francs ... à mettre dans une maison, on aurait acheté une villa près du parc. Bon, on n'avait pas 700.000 francs. On n'avait que 300.000 ­ 250.000 francs. On n'allait pas s'endetter pour essayer de revenir un peu. Ce sont les prix qui ont fait qu'on s'est un peu éloigné ». Si la contrainte économique impose l'éloignement et détermine les bornes d'un périmètre où les volontés ou désirs résidentiels sont possibles, les contraintes liées aux déplacements participent, au moins dans un premier temps, à la détermination d'un périmètre acceptable de localisation. Ces contraintes de mobilité peuvent être primordiales. Mais elles se heurtent vite au réalisme financier de l'opération et finissent par se relâcher : « VOUS HABITEZ LA DEPUIS DEUX ANS, ET PUIS JE VOULAIS SAVOIR COMMENT VOUS EN ETES ARRIVES A VENIR VIVRE ICI ? Lionel : Oh, ben, c'est simple, on habitait le Plessis Trévise dans un petit F 3. On a envisagé de faire un deuxième enfant. Dans un F 3, ce n'est pas possible, donc, là, on s'est dit : « bon, ben, on va s'éloigner un petit peu. » On voulait la maison quand même, hein, donc, on a commencé à regarder sur la ligne du RER E... parce qu'elle travaillait à Neuilly, c'était plus simple, et pour moi, pareil, pour venir sur Paris, le RER E, c'était la solution idéale. On a été sur Tournan maximum, mais les prix trop éleÎs, toujours. Donc, on s'est dit : « on prendra la voiture pour aller jusqu'à Tournan ». Mais, on a été à Fontenay Trésigny, toujours trop cher. On a été à Rozay, on a été... Edwige, sa femme : Rozay en Brie, Courpalay, tout ça, c'était trop cher. Et un jour on a voulu visiter une maison... moi, j'avais vu sur un catalogue une maison qui me plaisait sans savoir vraiment, c'était Provins, je crois, et on s'est rendu à Century 21, comme ça, de Provins et on nous a dit : « bien, voilà », comme ça, et on a fait le tour. En fait, on a super aimé Provins, on a trouÎ ça super mignon, les maisons en colombages en centre-ville. Donc, du coup, ben, on est resté, ben, ici. Mais à l'origine, c'était plus pour aller vers Rozay en Brie. OUI. D'ACCORD. DISONS QU'ICI, PAR HASARD, FINALEMENT, VOUS AVEZ TROUVE LE PAVILLON... Lionel : Ah oui, c'est le coup de coeur. C'est le coup coeur. Il y a toujours aussi les transports parce qu'il ne fallait pas non plus aussi... surtout pour nous, aller travailler. Il y avait quand même, la gare SNCF. Edwige : On n'est pas loin du centre-ville aussi. La gare SNCF nous emmène directement sur Paris. Lionel : C'est une obligation, nous, on ne peut pas s'éloigner trop des transports. D'ACCORD. OK. ET DONC, CETTE MAISON-LA, EN PARTICULIER, COMMENT VOUS EN ETES ARRIVES A... ? Lionel : Lors d'une visite, coup de coeur. 24 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Edwige : Ah oui. On a visité cinquante maisons...On a visité une cinquantaine de maisons. On avait des critères du genre... Lionel : Ben, moi, je voulais un sous-sol. Je voulais un sous-sol parce que j'aime bien les soussols. Edwige : Sous-sol, quatre chambres, deux salles de bains... euh... toi, tu voulais un grand terrain, enfin, un terrain, quoi. Oui, en plus... en moins impressionnant quand même, on a été visité à droite à gauche, hein. Pas spécialement ici, on a fait Rozay en Brie, on a fait Neufchâtel, Tournan, on a fait des visites à gauche à droite et... celle-ci, pourquoi, ben, parce que voilà, l'agent immobilier pouvait faire bien baisser le prix et que c'était vraiment une occasion, quoi. Même s'il y avait quelques petits travaux à faire, c'était vraiment la maison qu'il nous fallait et qui restait le moins cher du moins cher, quoi. Lionel : On a refait que la salle. Edwige : On l'a eu pour 185 000 , hein. [...] Enfin, on l'a négocié à 185 000, sinon, elle était plus éleÎe. Lionel : Au départ, c'était 250 000. Edwige : Malheureusement pour le couple et heureusement pour nous, c'est un couple qui divorçait. Le malheur des uns fait le bonheur des autres. » La norme impérieuse d'accéder ou de rester propriétaires (Drosso 2001) conduit souvent les ménages à sacrifier une proximité d'abord souhaitée vis-à-vis d'aménités urbaines au profit d'une localisation plus éloignée. Le choix d'une distance plus importante que prévue est lié à la valorisation du domicile, du « chez soi » ou home propre aux ménages périurbains (Pinson & Thomann 2002) et aux ménages modestes (Debroux 2011; Rougé 2010; Cartier et al. 2008; Le Breton 2005; Jaillet 2004). Cette valorisation se manifeste par l'investissement financier et temporel lié au choix de la maison. Ainsi, Lionel et sa femme ont visité plus de 50 maisons avant d'avoir un « coup de coeur » qui satisfasse leurs attentes (sous-sol total, nombre de chambres, taille du jardin) et leur contrainte budgétaire. Ce coup de coeur a supposé un élargissement progressif de leur périmètre d'explorations et un relâchement en termes d'accès à différents modes de déplacement. Ainsi, en investiguant d'abord autour de Tournan et de sa gare RER, ils en sont venus à aller au-delà de Provins pour acheter à Saint-Brice. Par rapport à leurs souhaits initiaux, ils sont donc allés s'installer 52 km plus loin (Le Plessis-Trévise/ Saint-Brice : 73 km ; Le Plessis-Trévise/Tournan-en-Brie : 21 km). L'éloignement résulte d'un renoncement progressif à l'accès à des systèmes de transport urbain. Même s'ils sont toujours utilisés aujourd'hui par Lionel pour se rendre à son travail, il a nécessairement recours à sa voiture pour se rendre à la gare TER la plus proche, Provins. S'il a l'impression de ne pas s'en être trop éloigné, ce sentiment est essentiellement lié à l'usage de la voiture comme mode d'accès aux transports collectifs. Pour d'autres ménages, l'investissement temporel et financier va au-delà de l'achat et de l'aménagement. Vanessa et son mari ont acheté leur maison à Mauperthuis en intégrant le fait qu'ils auront d'importants travaux de rénovation à y réaliser. Il en va de même pour Sonia, Graziella, Nicolas ou Patrick. D'autres comme Carlos, Bruno ou Bernard font plutôt le choix d'un logement neuf et du recours à un constructeur. Mais ils ont terminé ou termineront eux-mêmes le logement. La 25 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale volonté de faire soi-même est en partie liée à l'origine sociale des personnes rencontrées. Ouvriers ou travailleurs dans le BTP, ils ont un savoir-faire ou des amis, membres de leurs familles qui pourront les aider à faire leurs travaux à moindre coût (celui des matériaux en l'occurrence). Le gain réalisé ne permet cependant pas pour autant de faire le choix d'une localisation moins dépendante de l'automobile. Il permet juste d'accéder moins difficilement à l'idéal que représente la propriété. Dès lors, les ménages modestes propriétaires dans les territoires périurbains dépendants de l'automobile manifestent surinvestissement dans le logement au détriment de sa localisation. Par surinvestissement, on entend ici le double mécanisme d'investissement financier et émotionnel dans un bien censé être vecteur d'ascension ou de maintien social. Au-delà du choix du périurbain peu dense comme cadre de vie intermédiaire entre ville et campagne, les critères de localisation initialement retenus tendent à se relâcher et à reléguer les individus dans des territoires plus abordables et donc plus dépendants de l'automobile. Si ces ménages sont représentatifs des classes moyennes par la réalisation d'une volonté d'accession à la propriété, d'autres catégories de ménages plus modestes encore ont élu domicile dans des territoires dépendants de l'automobile en renonçant à la propriété : ils sont locataires ou hébergés à titre gratuit. Leur choix de localisation prend-il plus en compte les contraintes inhérentes à la dépendance automobile ? Si la réponse est oui, nous allons voir que les effets de cette dépendance sont, là encore, sous-estimés. Pour les ménages non propriétaires, le raisonnement est similaire mais il est beaucoup plus dépendant de leurs difficultés économiques ou de leurs causes (jeunesse, origine sociale modeste, divorce, chômage, etc.). Tout d'abord, précisons que nous avons rencontré beaucoup moins de ménages locataires ou hébergés à titre gratuit (2 en Côte d'Or et 7 en Seine-et-Marne) que de ménages propriétaires. La raison de cette faible proportion de ménages non propriétaires est évidemment liée à la faible offre de biens à la location dans les territoires obserÎs. D'abord, les locataires (HLM ou secteur priÎ) sont structurellement moins nombreux dans ces départements que dans le reste de la France ou dans le reste de leur région administrative (cf. Tableau 2 ci-dessous). Ensuite, compte tenu de la périurbanité même des communes investiguées, l'offre de location y est encore moins importante. Si on regarde les communes du chantier 1 (cf. Tableau 3 ci-dessous), la part des ménages non propriétaires (c'est-à-dire des ménages locataires et hébergés à titre gratuit) y est moindre que la moyenne départementale. 2. Les ménages non propriétaires dans le périurbain dépendant de l'automobile : une dépendance et ses conséquences moins occultées mais toujours sousestimées 26 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Tableau 2 : Statut d'occupation des résidences principales dans les territoires de l'étude Côted'Or Propriétaire Locataire Dont HLM Logé gratuitement 140 081 84 587 28 670 6 609 % 60,6% 36,6% 12,4% 2,9% Seine-etMarne % Bourgogne % Île-deFrance % France % 312 781 63,2% 170 334 34,4% 82 696 16,7% 11 768 2,4% 459 031 63,1% 2 326 207 47,5% 248 620 34,2% 2 408 807 49,2% 95 230 13,1% 1 074 993 21,9% 19 866 2,7% 162 751 3,3% 15 683 681 57,5% 10 831 086 39,7% 3 995 810 14,7% 755 941 2,8% Source : INSEE, RP 2008, exploitations principales Tableau 3 : Les ménages non propriétaires de leur résidence principale dans les communes du chantier 1 Nombre de logements en résidence principale 104 420 680 288 640 347 510 106 1010 468 174 243 % de ménages non propriétaires 4,3 18 15 18,2 43,1 20,5 28,2 16,2 16,3 11,8 9,8 6,7 Chambeire Longchamp Sainte-Colombe Saint-Brice Longueville Saint-Loup de Naud Chenoise Crèvecoeur-en-Brie Pommeuse Saints Mauperthuis Beautheil Source : INSEE, RP 2008, exploitations principales Lecture : en italique, les communes dans lesquelles ont été rencontré des ménages non propriétaires En regardant plus précisément la proportion des statuts d'occupation de la résidence principale pour l'ensemble des communes périurbaines du chantier 1, il apparaît que : La propriété est le mode d'occupation majoritaire dans les communes investiguées. La location et l'hébergement à titre gratuit sont donc des modes d'occupation peu répandus dans ces territoires, notamment en comparaison des moyennes départementales ou nationales. Certains territoires sont mieux dotés que d'autres en logements locatifs et en logements sociaux. La Côte d'Or se démarque de la Seine-et-Marne par une plus grande propension à proposer des logements sociaux dans des communes périurbaines ou rurales. En Seine-etMarne, ces logements sociaux sont plutôt polarisés dans les centres urbains. - Ces statistiques permettent de comprendre pour quelles raisons nous avons rencontré peu de ménages non propriétaires (locataires dans le priÎ ou en social, occupants à titre gratuits). Les ménages rencontrés sont certes modestes mais la possibilité d'accéder à la propriété les distingue des classes plus pauvres qui n'ont pas la possibilité de prétendre à l'accession à la propriété. Aussi, 27 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale les ménages rencontrés qui n'étaient pas propriétaires sont ceux dont le revenu déclaré par unité de consommation est le plus bas de l'échantillon (cf., Tableaux en annexe). Modestes parmi les modestes, pauvres pour certains, il est nécessaire de regarder plus précisément les raisons qui les poussent à vivre dans des communes très dépendantes de l'automobile et de saisir le rôle de cette dépendance dans leur choix de localisation résidentielle. Si on se focalise sur les ménages non propriétaires, plusieurs types de justification ont pu être évoqués. D'un côté, le choix de la location ou de l'hébergement à titre gratuit est vu comme un statut d'occupation temporaire en phase avec une évolution du cycle de vie et/ou de localisations professionnelles. De l'autre, l'impossibilité d'accéder à la propriété liée à une vulnérabilité économique importante et la volonté de rester dans des territoires périurbains sont aussi évoquées. Ces justifications ne sont pas exclusives et se renforcent même l'une l'autre. Par exemple, un ménage jeune au commencement de son cycle de vie n'a pas les moyens ou le statut professionnel (CDI) nécessaires pour acheter un logement. Toutefois elles ne sont pas évoquées avec la même importance selon les ménages. Pour continuer sur l'exemple du ménage jeune, ce dernier aura surtout tendance à insister sur la dimension transitoire de la non-propriété. Conscient de sa relative pauvreté, le ménage se projette dans une ascension sociale progressive (mise en couple, décrocher un emploi durable et mieux payé) qui lui permettront à termes d'accéder à la propriété. Pour des ménages plus âgés, l'installation durable dans une situation de pauvreté ou de faibles revenus les amène à formuler des projets résidentiels dans lesquels la propriété n'est pas envisagée. 2.1. Etre locataire dans un territoire dépendant de l'automobile : une situation temporaire dans son cycle de vie et son projet résidentiel Plus fréquemment mentionnée car plus acceptable socialement, le premier type de justification est souvent l'oeuvre de célibataires ou jeunes couples au début de leur vie professionnelle. Ainsi Christelle, 24 ans, locataire d'un appartement dans un petit collectif à SainteColombe, a pris son indépendance en quittant le domicile parental à Savins (à 6 km à l'ouest de Sainte-Colombe) et en venant s'installer dans un studio. En CDI à Jouy-le-Châtel, son salaire lui a permis de trouver un logement. Par son travail et la proximité de son réseau familial et amical, elle a d'abord cherché dans Provins avant de s'éloigner faute de trouver un logement convenable en termes de loyer et de niveau de confort. S'éloigner du centre de Provins lui a permis de conserver une certaine forme de « tranquillité » (par rapport aux bruits de la rue) pour un loyer moindre. Quand elle évoque où elle souhaiterait vivre plus tard, la réponse est la suivante : « Oui, plus à la campagne, après ça dépend aussi... si j'ai un copain, tout ça, on verra aussi ensemble, je pense [...] J'aimerai bien avoir mon bien et puis ne pas être trop isolée, vraiment avoir ma maison, pas de voisins aussi proches que dans mon appartement. » Native du périurbain seine-et-marnais, Christelle a ainsi choisi de rester dans un territoire qui lui est familier. Elle a néanmoins voulu réduire son niveau de dépendance automobile en passant de Savins à Sainte-Colombe qui est plus proche des aménités qu'offre Provins et qui a une gare Transilien. Ce choix est d'emblée Îcu comme temporaire puisqu'elle se projette plutôt dans une vie en logement individuel, où son intimité sera préserÎe, à la campagne et avec une vie de couple où le choix de localisation sera effectué à deux. Ainsi, le Îcu de la dépendance automobile est ici relatif. Issue d'une commune encore plus dépendante, Christelle 28 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale pense avoir gagné en indépendance en diminuant le temps pour se rendre à Provins et accéder à son réseau amical, à des commerces ou des modes de locomotions autres (train et bus) pour se rendre à Paris ou à Val d'Europe. Si le temps d'accès à ces aménités est effectivement moins important, la dépendance automobile demeure. Mélanie, 21 ans, aide-soignante à Provins et Vanessa, 31 ans, contremaître en usine à Poigny, ont ou ont eu le même raisonnement. La dimension temporaire de la location est d'autant plus forte qu'elles ne sont pas originaires de Seine-et-Marne et qu'elles n'ont pas forcément envie d'y rester. Originaires respectivement du Maine-et-Loire et de l'Aube, elles se sont installées à Sainte-Colombe car elles ont trouÎ leur travail à proximité. Pour Mélanie, le jeu des concours pour entrer en école d'aide-soignante et le fait de ne pas avoir été retenue en école à Angers l'ont amené à Provins. A présent, elle guette la moindre opportunité pour retourner à Angers : « Je n'ai pas trop envie d'y rester en fait. Dès que je pourrais partir, je partirai. En fait chez moi, il y a du travail qui m'intéresse [...] Je ne resterai pas plus de 2 ans encore ici. J'ai 21 ans, même si j'ai des amis ici, moi, ma famille c'est hyper important... Mes amis de là-bas me manquent, forcément. Quand on passe 19 ans de sa vie à vivre à Angers, ça manque, c'est sûr ». De fait, Mélanie a un ancrage important dans sa région d'origine. Si la volonté de devenir aide-soignante lui a permis de partir en dehors de sa région, elle aspire avant tout y retourner. Il en est de même pour Vanessa, originaire de Bar-sur-Aube qui vivait et travaillait auparavant à Troyes : « J'y ai mes repères... Et puis en termes de commerces, de services, d'activités, je m'y plaisais bien ». Suite à plusieurs plans sociaux et face à la perspective prochaine d'être au chômage, elle s'est mise à chercher du travail dans « un périmètre élargi autour de Troyes » et a donc trouÎ à Poigny. D'abord déçue par son installation à côté de Provins, elle a fini par s'habituer mais avoue encore regarder les offres d'emploi sur Troyes. Toutefois les facteurs de son ancrage à Troyes, à savoir son réseau amical, ne sont plus présents et ses velléités de retour s'en trouvent fortement émoussées: « Moi, dans le temps, j'avais des copains sur Troyes, où, là, effectivement, il m'arrivait de sortir le week-end. Donc, on descendait beaucoup sur Troyes, et puis, ben, avec le temps, ben... on vieillit et on y va de moins en moins. Ou eux, ils sont partis de Troyes, ou soit, ils sont dans la banlieue de Troyes... donc... Voilà. Ça fait longtemps que je suis partie de là-bas, donc... Chacun a évolué un peu... différemment. » Envisagée comme transitoire, sa localisation résidentielle est devenue durable (elle vit à Sainte-Colombe depuis 7 ans). De fait, le choix de son lieu de vie reste surtout dépendant de son emploi localisé à Poigny (commune limitrophe à SainteColombe). Elle déménagera si elle trouve ailleurs mais ne partira pas sans emploi au préalable. Elle s'aÏre d'ailleurs plus ouverte qu'à son arriÎe à d'autres destinations éventuelles puisque plusieurs territoires seine-et-marnais ont été évoqués. Ces deux profils montrent la composante transitoire qui préside au choix d'un logement en location. Faute de trouver mieux ou moins cher ailleurs, elles se sont toutes deux reportées sur Sainte-Colombe qui les maintenait à proximité temporelle de leurs lieux de travail respectifs. Elles ont choisi très vite leurs logements (quelques jours). Le seul mode de transport envisagé a toujours été la voiture. Si d'autres modes comme le train sont éventuellement utilisés pour les loisirs, le choix de Sainte-Colombe n'a jamais été dépendant de la présence de ce mode. Si la distance au travail est optimisée par un temps de déplacement court (moins de 15 minutes en moyenne), le déplacement reste conditionné par le recours à une voiture en état de marche. Quand leur voiture a pu tomber en panne, elles ont préféré se faire prêter des voitures ou covoiturer plutôt qu'utiliser d'autres modes. Ce choix est aussi lié à leurs trajectoires résidentielles. Originaires toutes les 3 de territoires dépendants de l'automobile ou ayant à travailler dans ce type 29 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale de territoires, l'automobile est une convention : son usage est tenu pour aller de soi (Motte et MorelBrochet 2010). La dimension transitoire de la location a été également abordée par des couples avec enfants dont le parcours professionnel de l'un a pu être source d'éloignement temporaire vis-à-vis de leur territoire résidentiel souhaité, celui dans lequel ils souhaitent s'ancrer plus durablement. De manière analogue à Mélanie, le mari de Sandrine est rentré dans la police et a été nommé à Vincennes. A leur arriÎe en 2007 de Rennes (où il a fait son école de police), Sandrine et son mari ont pris une première maison en location à Chenoise, à 75km de Vincennes. Les raisons de ce choix sont multiples : « Il a fait les démarches [...] par rapport à notre budget. [...]On savait qu'on ne voulait pas retourner sur Savigny-le-Temple [d'où ils sont originaires]. On savait comment c'était là-bas et je voulais quand même un coin sympa pour les enfants quitte à grandir... dans un environnement agréable. » Ils ont ensuite été amenés à changer de maison mais ils sont restés en location sur Chenoise car « on est restreint en secteur, nous... par rapport à son travail, on est obligé de rester près de la N4. Parce qu'il a déjà 45 minutes de route le matin et 45 minutes de route le soir donc... des fois on aurait moins cher en allant vers Provins et peut être aussi en allant vers l'Aube, mais ça rallongerait en termes de trajet. Voilà mais en allant sur Provins c'est que je pourrais bouger, trouver un loyer moins cher. Mais on ne peut pas. Et plus on se rapproche de Jouy-le-Châtel [entrée de la N4], plus c'est cher ». Par leur statut de famille avec enfants en bas âge, Sandrine et son mari se rapprochent plus de l'idéal-type périurbain que nous avons pu décrire dans la partie précédente. N'ayant ni le temps, ni l'envie, ni les moyens d'accéder à la propriété, ils ont opté pour la location en se basant sur des critères similaires aux ménages accédant à la propriété : volonté d'élever ses enfants dans un environnement sain (à la campagne et loin des cités), proximité avec un noeud de transport (à savoir la N4 qui est une voie rapide). Compte tenu des emplois de l'un et de l'autre, ils sont devenus captifs d'un territoire restreint. S'ils se rapprochent de la N4, le prix des loyers n'est pas abordable pour leurs bourses. S'ils se rapprochent de Provins, la distance au travail du mari de Sandrine devient insupportable. D'autres localisations plus proches du RER A auraient pu être envisagées. Mais il est frappant de noter que l'urgence de la situation, la volonté d'un cadre de vie idéalisé et la flexibilité conventionnelle de l'automobile les ont amenés à résider dans un territoire dépendant de l'automobile. Dans les 3 cas précédemment décrits, le projet d'un ailleurs ne se fixe pas pour autant sur un type de territoire en particulier. Le souhait premier est de quitter la région parisienne (Mélanie, Sandrine) ou le canton provinois (Vanessa), peu importe ou presque les caractéristiques du territoire d'arriÎe. Toutefois, si ces situations sont voulues et Îcues comme transitoires, l'argument économique est aussi important dans le choix de localisation. La dimension transitoire de la dépense tend à rendre plus acceptable ce que ces personnes considèrent comme un optimum de second rang. S'ils avaient eu les moyens et le temps, ils auraient peut-être opté pour une autre localisation résidentielle, plus urbaine ou plus périurbaine (voire rurale) mais autre. A contrario, la perspective d'un ailleurs engendre un phénomène de maintien dans un logement et un territoire plus durable qu'il ne l'était envisagé. C'est le cas pour Vanessa qui est à Sainte-Colombe depuis 7 ans ou de Sandrine qui attend la mutation de son mari, et la destination qui y sera associée, pour trouver soit une location moins chère sur Provins, soit une maison à acheter en Bretagne. 30 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale 2.2. Renoncer à la propriété et rester dans la dépendance automobile : réseaux locaux et solidarités intergénérationnelles Le maintien durable dans des territoires périurbains existe aussi au sein de ménages non propriétaires. Ces derniers ont la particularité de ne pas rêver d'un ailleurs compte tenu de leur ancrage local. Ils aspirent cependant à un autre statut (la propriété) ou à un autre logement (mieux adapté, qu'ils auraient pris le temps de trouver). Mais leur niveau de ressources ne leur permet pas d'y accéder que ce soit de manière transitoire, suite à une bifurcation dans leur cycle de vie, soit de façon plus durable. La première raison est liée à un type particulier de bifurcation, le divorce ou la séparation, qui ancre des ménages dans des territoires périurbains dépendants de l'automobile. Si le divorce ou la séparation sont souvent synonymes d'une plus grande vulnérabilité économique (réf. Cf. article petits ménages) et donnent alors droit à des avantages sociaux, ils peuvent limiter les localisations résidentielles possibles. Abdel, 40 ans, est locataire à Sainte-Colombe depuis qu'il a quitté son épouse avec qui il habitait à Bray-sur-Seine (à 12 km au sud) et avec qui il a eu un fils (10 ans). Il est éboueur sur Paris et sa nouvelle compagne y était également serveuse. Ils auraient pu, compte tenu de leurs faibles revenus et de la localisation de leurs emplois, se rapprocher de Paris ou du moins demander un logement social sur Provins ou Longueville. Mais le choix a été autre : « J'ai mon fils qui est sur Bray avec sa mère, donc, pour moi, il est plus pratique de rester dans le coin ». Ce faisant, il peut ainsi s'occuper de son fils selon les jours que lui permettent ses horaires de travail décalés. Entre le coût de la location, les pensions alimentaires à verser (Abdel a aussi une fille de 19 ans), les dépenses relatives au déménagement, le fait que sa nouvelle compagne ne travaille pas et son faible salaire (entre 1.000 et 1.700 net par mois selon les jours fériés et les primes), Abdel se préoccupe fortement du retour à la vie active de sa compagne pour relâcher la pression financière : « Elodie, la compagne d'Abdel : Oui, c'est sûr, j'aurais pu encore ne pas travailler pendant... je ne sais pas... un an ou deux, je l'aurais fait. Ça, c'est clair. Mais on ne peut pas, on n'a pas le choix. Il y a du travail, tu vas au travail. D'ACCORD. OUI, JE DEMANDAIS SI C'ETAIT... POUR QUELLES RAISONS VOTRE COMPAGNE RETOURNAIT TRAVAILLER ? Abdel : Les finances. Ah, ah ! OUI, C'ETAIT UN PEU JUSTE, C'EST ÇA, AVEC UN SALAIRE ? JE... Abdel : Oui. Ce n'est même plus juste, c'est... Là, on ne peut plus. OUI, PARCE QUE... ENTRE LA LOCATION DE LA MAISON, C'EST ÇA, ET... Abdel : Et puis le déménagement et tout, en fait, les frais qu'il y a autour... il y a beaucoup de choses qui entrent en compte, quoi. [...] 31 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Abdel : Plus le découvert qu'on avait, donc, il faut rendre... à chaque paye qui tombe, ben, il faut rembourser les découverts... Elodie : Oui, rien que ça, quand même, c'est énorme. Abdel : C'est un cercle vicieux. [...] Elodie : En fait, il donne 300 à son ex-femme pour son fils, et en fait, pour la maison... c'est compté dedans. Abdel : Ben, pour tout, quoi. D'ACCORD. PLUS LES 300 QUE VOUS DONNEZ A VOTRE AUTRE FILLE ? Les deux : Voilà.» Dans le même ordre d'idée, Karine, 41 ans, a été locataire à Mortery pendant 4 ans après son divorce avec son premier mari. Le choix de Mortery a été dicté par la proximité avec Bannost par choix de la garde alternée pour leurs 3 enfants. Bannost est la commune où elle résidait avec son mari, dans laquelle il a continué à vivre et où leurs enfants ont été scolarisés : elle ne pouvait donc s'en éloigner puisque la proximité est la condition sine qua non à l'autorisation de ce mode de garde, notamment lorsque les enfants sont jeunes. Aujourd'hui, propriétaire à Sainte-Colombe avec son nouveau conjoint, ce retour à la propriété a été rendu possible par une amélioration de son niveau de vie lié à sa remise en couple et par le relâchement des contraintes de la garde alternée : l'aînée ne va plus chez son père et les cadets sont collégiens sur Provins. Le divorce ou la séparation sont synonymes d'une plus grande vulnérabilité économique mais ils sont aussi, dans les cas présents, sources d'un maintien dans des territoires périurbains dépendants de l'automobile. En effet, le régime de garde des enfants, surtout lorsqu'il est alterné, et la volonté de maintenir un lien entre le parent et son (ou ses) enfant(s) favorisent l'ancrage de ces ménages dans un périurbain qu'ils n'aspirent pas quitter. Ces personnes ont fait le choix de vivre dans le périurbain dépendant de l'automobile avant de divorcer ou de se séparer et n'aspirent pas retourner dans des localisations plus centrales. Le choix de la location ou de l'hébergement à titre gratuit leur permet de faire face aux difficultés économiques engendrées par la bifurcation. Une fois ces difficultés économiques résolues, un retour à la propriété sera alors possible mais toujours dans une commune au degré de dépendance équivalent ou légèrement moindre. On notera en effet que les deux cas évoqués résident actuellement à Sainte-Colombe qui est une commune dépendante par l'absence de commerces et de services mais qui dispose d'un arrêt TER sur la ligne Paris-Provins (un train par heure). Pour ces deux ménages, contrairement aux trois jeunes célibataires décrites plus haut (Mélanie, Vanessa et Christelle), la présence de l'arrêt TER a joué un rôle important dans le choix de localisation. Si la commune correspond aux critères de calme et de verdure habituellement recherchés, elle permet aussi des mobilités autres qu'automobiles pour se rendre sur Paris ou sur Provins, pour aller au travail (Adbel) ou au collège (les enfants de Karine). Cependant, il est important de préciser que l'usage du train comme mode alternatif n'est possible que parce qu'Abdel s'est arrangé pour ses horaires (sinon il ne pourrait pas y aller ou en revenir compte tenu de l'amplitude horaire) et parce que les horaires scolaires sont compatibles avec ceux de la SNCF. Pour les autres ménages résidant et locataires à Sainte-Colombe, la localisation de leur emploi, leurs horaires 32 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale décalés empêchent l'usage de ce mode, voire les conduisent à renoncer à leur emploi (Elodie, la compagne d'Abdel, était serveuse de nuit sur Paris mais est passée en journée quand elle a emménagé pour finir par trouver un emploi à Provins). D'une certaine façon, la vulnérabilité économique de ces ménages les condamnent à la location (au moins temporairement) et accroît par les conditions d'emploi qui y sont associées la dépendance automobile des territoires dans lesquels ils résident. Avec son train, Sainte-Colombe est a priori moins dépendante de l'automobile que d'autres communes limitrophes. Mais, par les caractéristiques de leurs emplois respectifs, les ménages que nous avons rencontrés ne peuvent faire autrement que d'utiliser la voiture ou un mode de déplacement individuel motorisé. Pour d'autres ménages, nous allons voir que la vulnérabilité économique durable participe à leur ancrage dans le périurbain. Séverine et Laurence vivent toutes les deux à Longchamp. Elles ont la particularité de louer chacune un logement social géré par un office HLM priÎ. L'une comme l'autre n'a jamais été propriétaire et n'envisage même pas de le devenir. Séverine, 38 ans, mariée et mère de 3 enfants, est ouvrière et depuis peu au chômage. Elle a toujours Îcu à Longchamp et n'envisage pas de partir car toute sa famille vit sur place. N'ayant pas le permis, elle préfère rester à proximité immédiate de son réseau social (ses parents et toute sa fratrie) pour aller les voir quand elle le souhaite. Sa seule expérience de vie hors Longchamp fût quelques mois en location à Genlis, commune plus équipée en commerces et services et disposant de nombreuses alternatives modales à la voiture (le train, des bus). Mais Séverine n'a pas souhaité y rester : « je ne pouvais pas me déplacer comme je voulais ». Elle a donc préféré rentrer à Longchamp, retrouver ses proches et un territoire dépendant de l'automobile où elle se sentait paradoxalement moins dépendante. De plus, l'importance de sa famille dans la commune lui donne un statut quelque peu privilégié. Locataire HLM d'une maison, elle a eu accès à cette maison grâce à ses connaissances à la mairie : « Quand on l'a demandé [la maison], on était huit à demander. VOUS ETIEZ PRIORITAIRE PARCE QUE VOUS AVIEZ TROIS ENFANTS C'EST ÇA ? Ben non parce que les autres aussi, mais bon, parce qu'on connaît un peu de monde à la mairie [...] Ben on a toujours habité ici, donc on connaît beaucoup les conseillers, tout ça, on connaît quoi. » L'accès privilégié à un logement moins cher et idéal (la maison avec jardin) renforce alors le choix de SéÎrine de vivre à Longchamp. Laurence, 41 ans, célibataire avec une fille faisant ses études en Angleterre, ouvrière à la chaîne, a sensiblement le même argument. Une partie de sa famille (sa mère et son beau-père, plusieurs frères et soeurs) vit aussi à Longchamp et elle souhaite y rester. Par connaissance locale, elle a obtenu son logement actuel (un F2 dans un petit collectif) et s'en réjouit car elle a eu peur de devoir « s'exiler » à Genlis. Elle est d'autant plus contente que son statut précaire d'intérimaire rend plus difficile l'accès à la location sociale. Elle a pu en bénéficier grâce à sa soeur qui s'est portée garante : Laurence : Ben, j'avais demandé Genlis et Longchamp parce que je savais qu'il n'y avait pas d'appartement libre, mais en fait, si, il y en a eu un... et heureusement ! C'était vraiment un coup de bol, quoi ! Parce que bon, on ne l'aurait pas su...C'était une fille que je connaissais qui habitait là qui m'a dit : « Tiens, ben, je m'en vais. » Et puis, heureusement... Heureusement qu'elle me l'a dit parce qu'autrement il ne serait pas pour moi. Je me suis battue pour avoir cet appartement et voilà. 33 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale AH OUI, D'ACCORD. VOUS AVIEZ DEMANDE GENLIS PARCE QUE VOUS NE PENSIEZ PAS AVOIR D'APPART ICI. Ben non, parce que là, il n'y a pas beaucoup de logements. Il n'y en a que là, à la Poste, et puis rue des Angliers et route de Chambeire, c'est tout. Genlis, je pensais que vu que c'est plus gros et tout, qu'il y a beaucoup et ben... Même Genlis, vous voyez, et ben j'aurais eu du mal, hein. Ben, intérimaire, machin... Ils ne veulent pas trop. Et ben, parce que ce n'est pas un salaire fixe, voilà, quoi. Ben oui, ils se protègent, maintenant, attention. C'est dur d'avoir un logement maintenant. [...] Il faut ceci, il faut... Ah oui avant, ce n'est pas comme ça, maintenant... Heureusement que j'ai ma soeur qui s'est portée garante, encore ! Ah oui, sinon, hein... Autrement je ne l'avais pas... » Dans le cas de Séverine comme celui de Laurence, résider à Longchamp leur permet de conserver une proximité immédiate avec leurs réseaux familiaux respectifs. Cet ancrage familial joue un rôle dans leur captivité au point qu'il leur est difficile d'envisager aller vivre durablement à Genlis, commune pourtant mieux dotée et située seulement à 3 km de Longchamp. Pour Laurence qui a le permis et une voiture, le choix de cette proximité se traduit par des déplacements domicile-travail importants sachant qu'elle travaille dans une usine à Couchey, soit à 33 km de Longchamp. Elle peut être amenée à travailler dans toute l'aire urbaine de Dijon compte tenu de son statut d'intérimaire. Son ancrage résidentiel est plus puissant, plus rassurant que son ancrage professionnel auquel elle a renoncé depuis son départ en 1993 de l'usine de faïence de Longchamp (qui a fermé en 2009). Rentrée en 1983 grâce à sa mère qui y travaillait également, elle a fait partie des premières vagues de départ volontaire. En guise d'indemnités de départ, elle a demandé à se faire financer son permis de conduire pour pouvoir travailler n'importe où dans l'agglomération. Ce choix d'indemnité montre l'importance de la voiture dans ces territoires, voiture vue comme un moyen de rester à proximité des siens. Pour Séverine qui vient d'être licenciée, sa première demande fût justement une formation pour passer le permis. Elle n'entend pas se relocaliser dans un territoire avec plus d'opportunités de travail mais préfère agrandir son espace actuel en étant capable d'utiliser seule le mode le plus efficace à ses yeux : la voiture. Si Séverine n'est pas autonome pour se déplacer, l'une et l'autre ont sciemment fait le choix de la dépendance automobile. Séverine compte directement sur son mari et son réseau familial, Laurence se déplace seule mais les deux se refusent à quitter Longchamp et la stabilité qui y est associée (famille, logement). L'importance du réseau comme facteur d'ancrage dans des territoires périurbains dépendants de l'automobile ressort plus intensément pour les quelques personnes hébergées à titre gratuit. Ces personnes sont hébergées par leurs familles et leurs parents. Cet hébergement témoigne de l'exercice de solidarités intergénérationnelles fortes qui rendent captifs d'un territoire qui n'est pas toujours souhaité en tant que tel. Ces solidarités jouent dans les 2 sens. Dans une perspective descendante (les ascendants ­ parents ou grands-parents ­ aident leurs descendants ­ enfants ou petits-enfants), Cyril, 41 ans, vit à Longueville chez ses parents. Titulaire du RSA, sa trajectoire personnelle et résidentielle est chaotique et difficile à retracer (une époque de la trajectoire a été systématiquement occultée). Il souhaite avoir son propre logement mais n'est pas en mesure d'y accéder pour l'instant : « Heu... si... j'aimerais en tout cas avoir une autonomie au niveau de mon appartement... de mon appartement, voilà. Pour moi, ça serait déjà beaucoup plus... je suis déjà bien 34 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale content d'avoir des parents qui m'aident, ce n'est pas ce que je veux dire, au contraire... au contraire parce que sinon, je ne sais pas où je serais, mais c'est... avoir une autonomie au niveau d'un appartement propre, oui, ça c'est quelque chose qui... OUI, ÇA C'EST QUELQUE CHOSE QUE VOUS AIMERIEZ BIEN ? Ah oui. D'ACCORD. ET SI VOUS DEVIEZ CHOISIR OU VOUS HABITERIEZ, PAR EXEMPLE ? Pff... En principe, dans un endroit qui est rural, là, on peut dire ça comme ça, mais pas très éloigné d'un point où on puisse assez facilement...prendre les transports ». Si Cyril est hébergé par ses parents, la solidarité joue dans les deux sens puisque Cyril essaie de leur rendre services régulièrement en les amenant à l'aéroport, en les aidant au sein de leur association, etc. Cette réciprocité dans les solidarités a favorisé son ancrage local au détriment d'opportunités professionnelles dans d'autres bassins d'emploi : « Cyril : J'en parlais, il y a 10 jours, il faudrait que j'aille... il faudrait vraiment que j'aille sur Lyon, quoi, voilà. Peut-être que j'aurai des possibilités. Pff... Là, il faut vraiment... je ne sais pas... c'est une décision pas facile à prendre. POUR QUELLES RAISONS, SI CE N'EST PAS INDISCRET, C'EST DIFFICILE A PRENDRE, PARCE QUE ÇA SUPPOSERAIT DE VOUS ELOIGNER DE VOS PARENTS, PARCE QUE... ? Cyril : Oui, le côté beaucoup de racines, quoi, qui a mis un petit peu de temps à se faire sur Longueville, donc, oui, l'éloignement de mes parents, l'éloignement de mon frangin, l'éloignement de mes amis de... de lycée, de mes autres amis que je me suis faits au fur et à mesure que j'habitais à Longueville du coté... du côté associatif. » Dans une perspective plus ascendante, Claude, 49, aide médico-psychologique à l'hôpital de Coulommiers, vit toujours chez sa mère à Beautheil. A la différence de Cyril, il n'est jamais parti du domicile parental. Toutefois, il dispose de son propre logement, indépendant, contigüe à la maison où vivent sa mère et deux de ses frères. La situation financière de Claude est moins critique que celle de Cyril et il souhaiterait plutôt accéder à la propriété. Rester chez sa mère lui permet certes d'économiser, mais ce choix de statut résidentiel répond à une autre motivation : « Claude : Je vivais au... à... j'habitais chez ma mère, chez ma... enfin, la maison était grande et j'avais tout... tout pareil, tout un étage à moi, tout en hauteur. Mais le souci, c'est que, voilà, je n'avais pas d'entrée indépendante... Alors, quand je... j'invitais quelqu'un ou quoi que ce soit... ou ça partait... ça passait devant... Je n'étais pas... je n'étais pas chez moi, quoi, en fin de compte. Alors, donc, c'est pour ça, j'ai essayé... Parce qu'à un moment, je voulais acheter, mais j'ai... je n'avais pas les moyens, encore. Donc, j'ai dit : « Au lieu d'investir, au lieu de prendre un loyer quelque part, au lieu... » J'ai préféré investir ici. Et après, voilà. C'est à moi, je n'ai pas de loyer à payer, patati, patata, et puis après, bon, voilà. Je... je mets un petit peu d'argent de côté, pour pouvoir par la suite... Acheter quelque chose. [...] 35 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Claude : Comme je vous ai dit tout à l'heure, je n'ai jamais quitté ce village. Voilà. Le jour où je le quitterai, je le quitterai pour de bon. ET VOUS NE REVIENDREZ PLUS Y HABITER ? Claude : Voilà. Non, non. Je... voilà... je suis franc, aussi... en toute franchise avec vous. Donc, ma maman est... âgée, elle est propriétaire d'ici. J'aime beaucoup, donc... je l'aime beaucoup, mais bon... voilà. Mais je suis là parce qu'elle est là, au cas où elle aurait besoin. Je suis quand même quelqu'un de proche d'elle, quand même, par rapport à... voilà, je peux lui faire plein de choses et tout ce qui s'en suit, lui rendre service. Mais le jour où elle ne sera plus sur terre... [...] Pour moi, ici, ça n'existera plus. Je lui ai dit, elle le sait déjà, aussi. Je lui ai dit : « Pour moi, ça n'existera plus. » [...] Moi, j'aime bien... j'aime bien mon chez moi, mais je ferai un chez moi, ailleurs, aussi bien qu'ici. Ce n'est pas mieux. C'EST QUE VOUS N'ETES PAS PARTICULIEREMENT ATTACHE A CETTE VILLE-LA... ? Claude : Non, non. Je ne m'intéresse pas... au village, du tout, même. En plus, non. Pas du tout ! Je ne m'y intéresse pas du tout... Voilà ! C'EST JUSTE PARCE QU'IL Y A VOS PARENTS, ET QUE VOUS N'AVEZ PAS L'OCCASION D'ALLER AILLEURS, MAIS... Claude : Oui, voilà. Je ne m'intéresse pas... Je ne suis pas sauvage avec les gens, mais bon... Bon, bonjour de loin, comme ça. Mais je ne vais pas... voilà, comme ça... Non, non, je ne m'y intéresse pas. D'ACCORD. OK. OUI, DONC, L'IDEE, C'EST DE PARTIR POUR TROUVER UN AUTRE CHEZ VOUS... Claude : Voilà... voilà... Et puis moins en campagne qu'ici, quand même...Une campagne... une campagne quand même, mais... un peu plus vivante. Là, c'est trop... » La solidarité intergénérationelle joue ici dans les deux sens. Claude reste à Beautheil pour sa mère et aspire s'en aller dès qu'elle ne sera plus là. En termes de projection résidentielle, Claude désire d'ailleurs rejoindre des localisations plus animées, moins dépendantes de l'automobile que sa commune actuelle. Dans cette perspective de solidarité ascendante, il est étonnant de constater que, au-delà des réciprocités qui s'y jouent, la disparition de l'ascendant dans la commune périurbaine (décès, déménagement) provoque souvent un déménagement et la fin de la localisation dans ces territoires au profit d'une localisation plus centrale, plus animée, c'est-à-dire moins dépendante de l'automobile (cf.2). Le raisonnement est d'autant plus valide pour les célibataires qui recherchent plus particulièrement la ville et les lieux ou occasions de rencontre qu'elle symbolise. L'hébergement comme mode d'expression d'une solidarité intergénérationelle est donc bilatéral. Outre sa réciprocité, l'argument économique est souvent abordé. La pression financière d'un loyer ou d'un prêt est ainsi évitée. Les individus sont soulagés d'une dépense importante et qui pèse dans leurs budgets. Ce sont généralement les ménages les plus modestes, à l'image de Cyril, ou de jeunes couples qui en bénéficient. L'hébergement est possible par la grande taille des logements et la possibilité pour les individus hébergés d'avoir leur propre autonomie à l'image de Claude. Statut 36 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale temporaire ou plus permanent, il s'accompagne souvent d'une projection vers des territoires moins dépendants de l'automobile. La volonté d'échapper à la dépendance pour bénéficier de plus d'aménités ou d'alternatives modales est souvent mentionnée (les deux cas vus précédemment et les ménages du chantier 2 précédemment hébergés dans des territoires périurbains dépendants). L'examen attentif des statuts d'hébergements alternatifs à la propriété avait pour ambition de s'intéresser aux ménages les plus modestes que nous avons pu rencontrés. Dans le même temps, il a aussi permis de s'intéresser à la vie quotidienne et aux trajectoires socio-spatiales de catégories de population en augmentation dans le périurbain (Motte-Baumvol & Belton-Chevallier 2011) et peu étudiées dans ces contextes. Si leurs choix résidentiels sont gouvernés par des critères analogues aux propriétaires, ils sont beaucoup plus contraints économiquement que les premiers puisque leurs revenus ne leur permettent même pas de prétendre à la propriété. Issus de territoires eux-mêmes dépendants de l'automobile, voire natifs du périurbain (Morel-Brochet 2010), leur choix de localisation est d'abord le résultat d'une opportunité économique (un loyer peu éleÎ ou inexistant). Au final, pour les ménages rencontrés dans le chantier 1, la « modestie » économique constitue le moteur d'un maintien durable d'une localisation dans des territoires périurbains dépendants de l'automobile. La dépendance et ses conséquences (coût des déplacements, absence d'alternatives modales, moindre accès aux commerces et à l'emploi, etc.) sont peu prises en compte dans le choix de vivre dans ces territoires. Toutefois, au quotidien, elles ne sont pas sans conséquences sur les pratiques de déplacements des ménages modestes et contribuent à les maintenir dans une forme de vulnérabilité économique. Une fois installés dans un territoire dépendant de l'automobile, les ménages réajustent-ils leurs pratiques de déplacements par rapport à celle qu'ils avaient dans le précédent lieu de résidence ? Comment ? Dans les faits, alors que ses impacts sur les déplacements quotidiens et leurs orchestrations tendent à renforcer leur vulnérabilité économique, la dépendance automobile est peu prise en compte par les ménages modestes à qui elle ne pose pas tant problème. L'origine de ces perceptions est d'abord le résultat d'une moindre mobilité générale qui diminue de facto les coûts associés à la dépendance automobile. En choisissant de vivre dans leur commune actuelle, les ménages modestes rencontrés ont souvent pointé les différences générées dans leurs pratiques de déplacements. Les différences sont à la fois liées au cycle de vie des personnes, à leur statut social et à leur choix de localisation, les 3 étant interdépendants. Nous allons ici examiner les différents motifs de déplacements (loisirs, travail et autres déplacements contraints) qui président l'orchestration du quotidien de ces ménages et voir en quoi celles-ci s'aÏrent réduites en vertu de la dépendance automobile des territoires considérés. 3. Vivre la dépendance au quotidien : la minimisation des déplacements témoin d'une vulnérabilité économique exacerbée 37 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale 3.1. Des déplacements de loisirs faibles ou inexistants : un repli sur le lieu de résidence et sa proximité L'installation dans les communes périurbaines correspond souvent à une étape du cycle de vie des ménages, l'arriÎe d'enfants. Peu importe la nature du territoire, l'arriÎe d'un enfant correspond de fait à une réduction de la sociabilité des ménages (Bidart et Pellissier 2002) et de leurs activités de loisirs (Herpin et Chenu 2002). Du coup, les pratiques de mobilités qui y sont associées tendent également à diminuer. En plus de l'effet du cycle de vie, la moindre sociabilité des ménages modestes rencontrés ainsi que leur moindre propension à réaliser des activités de loisirs hors du domicile et/ou marchandes tient aussi à leur éloignement et aux faibles niveaux d'équipements en la matière des communes environnantes (la leur ou les communes limitrophes). « Bon, donc, moi, je me... je me... j'étais dans un club de roller. Après, on est venu ici. J'ai continué et c'est vrai que d'un seul coup, et ben, moi, j'avais le... j'avais le... bon, la volonté et puis l'envie de continuer, donc, je faisais beaucoup, beaucoup de déplacements... pour aller... au sport, quoi. Hein, donc... parce que j'y allais... j'y allais pratiquement... pratiquement 4 fois par semaine, quoi. De venir parfois à l'entrainement, plus le samedi, on faisait du Îlo. Le dimanche, on allait rouler le dimanche matin au canal. Donc, bon voilà, quoi. C'était...Ah oui, c'était... c'était entre 4 à 5 fois, quoi. Je faisais des allers-retours et tout, quoi. Et puis, bon... Ben, moi, j'aurais continué mais je veux dire, mais c'est quand même, c'est... c'est prendre du temps, ça engage des frais, c'est... bon, ben... [...] Et... mais bon, pour moi, la maison, ce n'est pas tout, je veux dire. Oui, la maison, c'est oui... C'est... pour moi, c'est un lieu de vie sociale, culturel, c'est vraiment... OUI, L'IMPORTANT, C'EST AUSSI CE QU'IL Y A A COTE, QUOI. Voilà. Et... le sport aussi, bon, c'est bouger, quoi. Et donc, une maison, c'est aussi... mais c'est ce qu'il me manque ici. Donc, on est arriÎ ici et... bon, bon la maison, c'est bien et... moi, je me disais... bon...Oui, ce n'est pas... ce que je voulais. C'est pour ça que je disais, c'est vrai qu'on a le jardin, on... on est tranquille quand même, bon, on a la voisine qui est sympa et tout. Bon, c'est calme... bon... Mais... pour les... pour ce... pour ce qui est, bon, de... Pour le sport et tout ça, c'est vrai que... c'est vrai que tout de suite, c'est... un peu plus... OUI. C'EST UN PEU PLUS... COMPLIQUE ? Ah ben oui, parce que ça demande... dès qu'on veut faire quelque chose, il faut se déplacer. Même encore maintenant, je veux dire. Là, je veux dire... Moi, c'est vrai que, des fois, j'aime bien... j'aime bien aller faire du roller aux Allées du Parc, pour voir un peu de monde aussi. Pour discuter, pour voir les copains qui font du slalom ou... donc, ben voilà, plein, plein de potes. Donc, on... on discute. Mais si... je dirais que quelque part, si je veux... une vie sociale et culturelle... enfin, culturelle, comme je dis, il y a Genlis ou tout ça, et puis on peut arriver à avoir l'accès à Internet aussi et tout, mais une vie sociale, et puis... ben, je vais sur Dijon, quoi. Parce qu'ici, c'est... on a vite fait de tourner en rond, quoi. Donc, moi, je me suis... je me suis un peu contraint parce que bon, je ne veux pas abandonner le sport, donc, je cours ici... bon, l'hiver... l'hiver, c'est vrai que... ben, tout de suite, ici, il fait nuit tôt, donc... Ben, je... je prends mes baskets et je cours, ou... je fais un peu, ici, du trainer. Donc, comme ça, bon, c'est vrai que c'est assez... c'est... je ne perds pas de temps en déplacement, quoi. Mais... mais aussi, le 38 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale résultat, c'est que je fais beaucoup de sport tout seul, quoi. » Nicolas, 49 ans, marié, technicien SAV dans les distributeurs de boissons basé à Genlis, 2 filles de 19 et 15 ans, vit à Longchamp (propriétaire) depuis 2005, vivait avant à Fontaine d'Ouches (location HLM). « La gym où va Cassandra, c'est très, très cher, je paye 240 à l'année, pour 1 heure de gym par semaine. Je trouve que ça fait un peu cher. Alors que mon fils fait 5 heures de judo, je paie 180 , quoi. Ce n'est pas pareil. Si fallait qu'elle en fasse plus, mais... après il faut rajouter 120 à chaque fois qu'elle fait une activité en plus. Ça fait 360 pour 2 heures. Ça fait beaucoup. De toute façon, on n'a pas le choix, il n'y a que ça ici, donc... On l'a inscrite à la GRS à... Chevigny... Quetigny, donc, on s'était arrangé pour l'emmener et puis la ramener mais... parce que c'était le jeudi soir et le problème parce que son hip-hop, avant, c'était le jeudi soir et ils avaient décalé au samedi... en début d'après-midi, donc, du coup, je n'allais plus l'inscrire à la GRS et ils ont décalé le... son hip-hop le jeudi soir, donc, elle a dû arrêter la GRS. Mais en même temps, c'était loin, donc, c'est vrai que ça faisait un peu... C'ETAIT UN PEU COMPLIQUE ? Ben, c'est-à-dire qu'elle prenait à 6 h 30, donc, moi, je finissais à 6 h, il fallait que je les emmène, bon, c'était un copain qui les ramenait, mais... c'était un peu compliqué aussi, quoi. On n'a rien ici, comme choix... bon, rien... c'est cher, quoi. Ce n'était pas évident et c'était très cher. » Graziella, 37 ans, mariée, conseiller clientèle dans une banque à Genlis, 2 enfants de 11 ans, vit à Chambeire (propriétaire) depuis 1993, a Îcu à Genlis (location priÎe) jusqu'en 1993. Pour beaucoup de ménages rencontrés, les pratiques de loisirs extérieures au domicile et payantes sont faibles ou quasi-inexistantes. Ces comportements sont d'abord liés à leur niveau de revenus qui les limite dans la réalisation d'activités extérieures. Certains comme Bernard ou Vincente disposent de tarifs préférentiels compte tenu de leurs âges et connaissent les opportunités à proximité. Ils n'ont plus de jeunes enfants à charge et profitent du surcroît de temps disponible pour effectuer plus d'activités de loisirs que des ménages ayant de plus jeunes enfants. D'autres disposent de nombreux avantages par leurs employeurs et leurs comités d'entreprises. C'est notamment le cas de Graziella, salariée d'une banque, ou de la femme de Bernard qui travaille pour un grand groupe industriel. Pour ceux qui travaillent dans des entreprises de plus petites tailles ou qui n'ont tout simplement pas accès à des tels avantages sociaux compte tenu de leurs statuts précaires (Laurence L. qui est intérimaire par exemple), l'accès à des activités de loisirs hors domicile est plus complexe et plutôt réserÎ aux enfants. De fait, ces derniers sont souvent prioritaires pour les dépenses superflues parmi lesquelles les loisirs à l'extérieur (Lionel) mais aussi à l'intérieur (consoles, télévision, ordinateur, jeux de jardin, etc.) pour les situations les plus tendues (Giliane) : « Lionel : Pour l'instant, financièrement parlant, on va dire que non, on ne fait pas beaucoup de sorties. C'est parce que Madame n'est pas souvent là... bon, elle est en congé parental, mais bon, ce n'est pas évident. Financièrement, on ne fait pas de sorties, malheureusement. On essaie... on essaie, hein. 39 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Edwige : Quelles sortes de sorties ? N'IMPORTE. ÇA PEUT ETRE, ALLER SE PROMENER EN FORET, ALLER AU CINE, VOIR UN SPECTACLE... Lionel : Ciné, malheureusement, jamais, spectacles, jamais... Disneyland, si, parce qu'on a les pass. On va de temps en temps à Disney. Edwige : On va à Disney. Ben si, j'ai déjà emmené les enfants au parc. Lionel : Oui, après, les petits trucs... on parle surtout pour les enfants, là. Mais pour les parents, il n'y a pas de sorties pour les parents, en fait. On essaie pour les enfants plus que pour les parents, en fait » Lionel (34 ans) et Edwige (34 ans), mariés, militaire sur Paris et assistante de puéricultrice à Villiers-sur-Marne (congé parental), vivent à Saint-Brice (propriétaires) depuis 2009, vivaient précédemment au Plessis-Trévise (propriétaires). « Bon, je ne veux pas dire qu'on vit mal. La petite, elle a tout ce qu'il lui faut, hein, on a quand même 2 télés, la petite, elle, dans sa chambre, elle a sa télé, son DVD. Donc, lecteur DVD qui fait la musique aussi. Elle à la Wii, elle a la DS. On arrive quand même à acheter des trucs high-tech pour la gosse... On sacrifie beaucoup plus pour la gamine que pour nous deux. On est relegué au deuxième plan. Quand on est parents, c'est comme ça. » Giliane, 37 ans, mariée, sans activité, 1 fille de 11 ans, vit à Longchamp (propriétaire) depuis 2003, vivait avant à Dôle (HLM). Au-delà de leurs niveaux de revenus, un effet de classe propre aux ménages modestes et populaires qui ont des pratiques de loisirs plus généralement tournées vers le foyer est à l'oeuvre. Télévision, jardinage, bricolage sont structurellement plus pratiqués par des ménages modestes (Lemel et Coulangeon 2009; Roharik, Menger, et Coulangeon 2002) et supposent un investissement sur lequel les ménages préfèrent miser au détriment de loisirs extérieurs payants ou d'un départ en vacances : « Les vacances ? On ne peut pas se le permettre entre les impôts et tout le reste [...] Les vacances, on n'en a pas. C'est soit dans la famille, encore, à la rigueur, si on nous loge et puis les repas sont... qu'on arrive à faire des repas aux même prix que nous [...] Et puis, les vacances, vous rentrez, il reste quoi ? Des souvenirs ? C'est bien beau les souvenirs mais moi je préfère que ma fille, elle ait sa console, ses jouets, qu'elle puisse jouer toute l'année ici. » (Giliane). Le sacrifice des mobilités de loisirs ou non contraintes (vacances) est le résultat de l'investissement effectué dans la maison vu précédemment. Beaucoup prévoient d'importants travaux à réaliser par eux-mêmes et passent donc leurs week-ends et vacances à réaliser ces travaux plutôt que de partir en vacances ou de faire des activités de loisirs. « Vanessa : Ben, on n'est jamais parti en vacances. Ah, ah ! Depuis qu'on s'est rencontré. Depuis 8 ans, c'est ça ! Mari : On est parti 3 jours. Vanessa : On est parti 3 jours, oui. On devait partir 2 semaines, on est parti 3 jours. POUR QUELLES RAISONS VOUS... PARCE QUE VOUS PARTEZ SEPAREMENT ? 40 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Vanessa : Ben, question financière. [...] On préférait les choses importantes avant la... avant de partir en vacances. Comme la maison, le mariage, les enfants. DONC, TOUT ÇA, ENTRE LA MAISON, LE MARIAGE ET LES ENFANTS, TOUT ÇA FAIT QUE LES VACANCES, CE N'EST PAS PRIORITAIRE, QUOI ? Vanessa : Non. Le petit, ça va, il a de la chance. Lui, il part, mais...Oui, en Vendée [chez ses grands-parents] [...] D'ACCORD. ET DU COUP, PENDANT LES VACANCES SCOLAIRES, VOUS FAITES DES ACTIVITES EN PARTICULIER, OU... JE NE SAIS... ? Vanessa : Oh, on va dans des parcs d'attractions. On fait quoi d'autre ? Mari : On fait des travaux. Vanessa : Ben, c'est vrai que cette année, on a fait quoi, le parc d'attractions, l'aquarium. Mari : Oui. Vanessa : Ben, après, on voulait faire plein d'autres choses, mais avec les travaux, on n'avançait pas. » Vanessa (26 ans) et son mari (28 ans), mariés, hôtesse de caisse en congé parental et magasinier en arrêt maladie à Coulommiers (tous les deux), 2 fils de 6 ans et 9 mois, vivent à Mauperthuis (propriétaires) depuis 2009, vivait auparavant à Coulommiers (location priÎe). « Ah, je fais les randos aussi... Alors, à Fontaines d'Ouche, quand j'étais à Fontaines d'Ouche... euh... j'ai encadré... j'ai encadré les Dijon Roller... Pendant.. ben, pendant 4 ans, et on faisait des randos. Voilà, donc... Bon, après, j'y allais moins parce que... donc, il y avait des travaux, ici, donc...Ça aussi, ça, au départ, c'était un peu dur parce que... je me disais... c'était la torture : « Ah, j'ai envie d'y aller ! » Mais non, il y avait du boulot à avancer, ici. Parce que c'est ça aussi, surtout, quand on a eu le chantier, bon, ben... on ne peut pas tout faire. » Nicolas, 49 ans, marié, technicien SAV dans les distributeurs de boissons basé à Genlis, 2 filles de 19 et 15 ans, vit à Longchamp (propriétaire) depuis 2005, vivait avant à Fontaine d'Ouches (location HLM). « Oui, parce que déjà, ça m'enquiquine de... de faire... de faire 10 kilomètres et de sortir, exprès. J'aime bien ma maison, je m'y sens bien, j'ai du travail, euh... aussi bien travaux que... que... mon boulot, sur Internet, aussi. Donc... je n'ai pas envie de... de... sortir toutes les 5 minutes » Bernadette, 48 ans, ancienne responsable d'agence d'interim (alterne entre chômage et intérim), célibataire, vit à Saints (propriétaire) depuis 2006, a Îcu dans l'Allier (propriétaire) et à Chelles (propriétaire) auparavant. Si les ménages avaient été moins modestes, ils auraient peut-être acheté des biens en meilleur état avec moins de travaux à réaliser. La possession d'une maison avec jardin caractéristique des territoires investigués aurait donc tendance à renforcer la survalorisation du domicile et de son environnement immédiat dans la réalisation des activités. Les activités de loisirs hors domicile sont avant tout non marchandes ou peu onéreuses et se déroulent à proximité immédiate du domicile 41 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale (ballades à pied en forêt ou dans la campagne, Îlo, cueillette de champignon, etc.). Il en va de même pour les activités de sociabilité qui soit disparaissent, soit restent tournées vers des éÎnements ou un réseau familial et amical locaux. Dès lors que ce réseau est éloigné, les déplacements sont plus rares ou plus raisonnés compte tenu du coût des déplacements. « POUR REVENIR SUR LE PRIX DE L'ESSENCE, VOUS M'AVEZ DIT QUE SUR LE BUDGET, ÇA JOUE. EST-CE QUE ÇA A CHANGE QUELQUE CHOSE A VOS... A VOS DEPLACEMENTS, EST-CE QUE VOUS VOUS DEPLACEZ DIFFEREMMENT, EST-CE QU'IL Y A DES TRUCS QUE VOUS NE FAITES PAS ? Il y a des impératifs, enfin, qu'on est obligé de... Les trajets du boulot. Oui. Enfin, moi, je trouve... je trouve que l'on va moins... je vais moins voir ma mère, en tout cas. Enfin, si je n'ai pas d'intérêt à y aller, en tout cas, on n'ira pas, quoi, juste pour dire : « on va se promener ». Si c'est pour faire d'autres trajets. OUI, IL FAUT VRAIMENT QUE VOUS AYEZ DES COURSES A FAIRE EXPRES ? Oui, ou un souci, voilà. On a un souci à traiter ou quelque chose comme ça, on va le faire, mais... voilà. Si c'est pour dire... voilà, prendre la voiture pour sortir, parce qu'on veut juste sortir, on ne va pas non plus le faire, quoi. IL FAUT VRAIMENT QU'IL Y AIT UNE OCCASION... Humm. Particulière, quoi. ÇA PEUT VOUS ARRIVER AUSSI D'ALLER CHEZ DES AMIS OU DES AMIS VIENNENT ICI ? Oui... en fait, on n'a pas trop de cercles d'amis dans le coin, enfin, on en a quelques-uns à droite, à gauche... Les collègues qui ne sont pas là. Moi, c'est plus avec les collègues... pour le boulot, qui sont plus proches... Donc, des fois, ça nous arrive d'avoir des... des soirées, des trucs comme ça... Mais ça reste sur le secteur, donc, c'est vrai que dans le pire des cas, on est à 20 minutes de trajet, quoi. » Sandrine, 30 ans, mariée, assistante commerciale dans une agence immobilière à Provins, 2 fils (7 et 4 ans), vit à Chenoise (location priÎe) depuis 2007, vivait auparavant à Vannes (location priÎe). Ainsi, en plus d'un effet lié au cycle de vie et un effet de classe, se dégage un effet propre à la nature des territoires investigués et à leur dépendance automobile. Pour les ménages modestes, ces territoires se caractérisent généralement par la présence d'un réseau social fort et/ou d'une valorisation de la nature ou de la campagne qui autorisent des loisirs non marchands : visites à des amis ou de la famille, ballades (à Îlo ou à pied), entretien du jardin, etc. Ces deux attraits se retrouvent dans les activités de loisirs effectuées par les ménages interviewés qui valorisent des activités de loisirs hors domicile à proximité et celles en lien avec leur réseau social (lorsqu'il est présent sur le même territoire). Plus généralement, vivre dans ces territoires rend plus coûteux en temps, en pénibilité et dans une moindre mesure en argent les déplacements pour motifs de loisirs ou de sociabilité. Aussi, ces déplacements tendent à disparaître ou à être plus réduits en distance dès lors que les ménages se sont installés dans une commune dépendante de l'automobile. L'effet territoire est aussi lié au Îcu et à la pénibilité subie des autres déplacements, ceux qui ont lieu au cours de la semaine, à savoir les déplacements contraints (travail, écoles) ou qui peuvent être 42 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale considérés comme tels (approvisionnement principalement). La pénibilité des déplacements dits contraints contribue à valoriser des activités de loisirs de proximité avec peu ou sans déplacement. En effet, les déplacements liés à des activités de loisirs ne sont pas censés être pénibles et les individus préfèrent les réaliser à proximité plutôt que de subir le désagrément d'ores et déjà Îcu des déplacements contraints. Au final, la faible propension des ménages modestes à effectuer des déplacements de loisirs tient tant à des facteurs économiques (des revenus peu suffisants), sociaux (effet de classe) que territoriaux (spécificité du périurbain), les trois étant, dans une certaine mesure, interdépendants. Ces mobilités du temps libre tendent aussi à s'opposer aux mobilités plus contraintes ou qui s'inscrivent dans des temps contraints (Barrère-Maurisson et al. 2001; Kaufmann 2000), à savoir les déplacements liés au travail et les déplacements domestiques (notamment pour approvisionnement). A la fois pénibles et incontournables (Enaux et al. 2011), les déplacements contraints et leur répartition au sein des ménages éclairent à quel point les ménages modestes du périurbain sont économiquement vulnérables face à la dépendance automobile. 3.2. Des mobilités contraintes réÎlatrices d'arbitrages intracouples entre mobilité et immobilité Si les déplacements de loisirs sont minimisées ou faibles, l'explication réside en partie par le choix des ménages d'accéder à la propriété et le surcroît de temps de travail qu'il engendre (et donc mécaniquement un temps moindre pour les activités de loisir). En effet, les contraintes financières qui découlent de l'obtention d'un crédit rendent incontournable le travail, voire la recherche d'heures supplémentaires ou d'emplois secondaires, pour faire face aux remboursements de l'emprunt contracté. Le premier arbitrage possible consiste effectivement à travailler plus pour gagner en rémunération via les heures supplémentaires. De tels arbitrages sont plus difficiles aujourd'hui mais étaient largement envisageables dans les années 1980. Pour les propriétaires anciens comme Daniel ou Bernard, la maison a pu être remboursée par anticipation en faisant beaucoup d'heures supplémentaires et en renégociant périodiquement leurs emprunts. Ouvriers tous les deux, ils ont profité d'une période où les conditions économiques étaient bonnes et les besoins en main d'oeuvre importants. Toutefois, en faisant le choix de travailler plus, ils ont aussi sacrifié pendant de nombreuses années leurs déplacements de loisirs et leurs vacances pour pouvoir rembourser la maison. Pour certains, la nécessité de travailler plus est aussi liée aux aléas propres à la maison qu'ils peuvent connaître. Les travaux lourds non anticipés comme le changement d'une chaudière peuvent fortement grever des budgets déjà tendus et faire basculer les ménages d'une de modestie économique à une situation de pauvreté qui ne leur permet plus faire face à leurs dépenses. Aujourd'hui, pour gagner plus, plusieurs individus tendent à accepter des missions de longue durée avec des déplacements lointains (Ortar et Legrand 2011, 2008a, 2008b) afin de toucher des primes de déplacements. Professions de plus en plus mobiles (Crague 2003), ce sont essentiellement des hommes ouvriers dans le BTP ou dans les transports qui acceptent ces missions longues et lointaines contre une source de revenus supplémentaires (Yannick, Ilidio, Carlos, le mari de Giliane, etc.). Cette source de revenus est d'autant plus nécessaire que leurs compagnes n'ont pas de revenus ou ne peuvent facilement les augmenter. L'absence ou la faiblesse des revenus féminins 43 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale est liée au fait que les ménages choisissent souvent de ne conserver qu'une seule source de revenus afin d'éviter les dépenses liées à la garde des enfants qui tendraient à engloutir à elles seules le surplus de revenus généré par la biactivité (Lionel et Edwige). Pour certains ménages, l'absence d'activité professionnelle féminine est liée à une image traditionnelle où la femme n'est pas censée travailler (Giliane) et rester à la maison s'occuper des enfants. Pour la plupart, le fait que les femmes restent à la maison est aussi lié aux représentations de leur rôle au sein de la famille. Ces dernières sont les gardiennes du domicile et ont plus particulièrement en charge l'éducation des enfants. Dans les ménages rencontrés, plusieurs femmes ont pris des congés parentaux ou n'ont pas travaillé (voire ne travaillent toujours pas) pour élever les leurs : « J'ai arrêté de travailler à la naissance de mes filles. J'ai préféré privilégier mon... ma famille que... ben, que de continuer à travailler avec des horaires pas possibles et de laisser mes enfants à garder... à d'autres personnes. » Sonia, 43 ans, mariée, femme au foyer, 3 enfants (un fils de 16 ans et des jumelles de 12 ans), vit à Longchamp depuis 1993 (propriétaire), a Îcu à Genlis (location priÎe). « En fait, je me suis arrêté de travailler pendant 9 ans pour élever mes enfants. Avant, je n'étais pas dans la région. J'étais dans le 94. J'étais assistante - commerciale, donc, rien à voir avec ce que je fais au jour d'aujourd'hui. [...] Et puis, ben ensuite, bon, ben ma fille, parce que j'étais enceinte de ma fille [qui a 19 ans]. Donc, on est retourné habiter 1 an dans le 94, en attendant que la maison se fasse construire, puisqu'on avait fait construire sur Bannost et c'est là qu'ensuite, on a navigué dans la région. [...] Donc, on cherchait à la campagne. Déjà pour les enfants, je trouve que c'était mieux aussi. Petite école de campagne, ça n'a rien à voir avec la ville. On voulait un petit peu les protéger par rapport à ça, quoi. Tout ce qui est criminalité en ville et tout. C'est ce qu'on voulait. Quand on est arriÎ sur Bannost, c'est vraiment la petite... il y avait trois classes, enfin, c'était le professeur qui faisait les trois classes en même temps. C'était vraiment, la petite école de campagne, voilà. Vachement sympa. » Karine, 41 ans, mariée, conductrice de bus, a 3 enfants issus d'une précédente union (19, 16 et 14 ans), vit à Sainte-Colombe depuis 2011 (propriétaire), a Îcu à Mortery (location) jusqu'en 2011 et à Bannost (propriété) jusqu'en 2004. Le choix de l'inactivité (temporaire ou durable) résulte de l'arriÎe d'enfants et en-cela est directement lié au fait de vivre dans un territoire périurbain dépendant de l'automobile. Si les ménages ont choisi de vivre dans ces territoires pour des raisons économiques, les motivations liées à un cadre de vie satisfaisant pour les enfants ressortent systématiquement du discours des ménages avec enfants. Pour eux, vivre dans le périurbain dépendant de l'automobile revient à vivre à la campagne (Sencébé 2006) qui est valorisée tant pour elle-même (nature, verdure, etc.) que par son opposition à la ville et ses dangers (insécurité, violence, etc.) qu'on ne veut pas faire subir à ses enfants. Le rôle des enfants dans le choix du lieu de résidence joue également dans le choix d'une monoactivité plus ou moins temporaire. Faire de ses enfants une priorité signifie s'y consacrer pleinement et suppose de renoncer à une activité professionnelle, décision exacerbée par le coût des frais de garde (notamment à l'arriÎe du 2e enfant) et la pénibilité subie des déplacements domiciletravail des femmes. Cependant, qu'elle soit temporaire ou plus durable, la monoactivité est source 44 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale de vulnérabilité économique. Si elle permet d'éviter les dépenses liées à la garde des enfants, elle limite les revenus du ménage à quelques sources : les revenus du conjoint et les éventuelles aides perçues. De fait, les ménages monoactifs sont mécaniquement plus modestes puisque leurs revenus disponibles sont moindres. Compte tenu du niveau de revenus des ménages rencontrés, la biactivité reste fréquente car la monoactivité n'est pas viable, notamment pour faire face aux dépenses liées au remboursement du crédit logement (Wenglenski 2001) et en cas d'aléas et de dépenses supplémentaires non prévues comme un déménagement (Abdel) ou la perte d'un permis (Giliane). Mais cette biactivité génère au quotidien des arbitrages intracouples plutôt classiques en termes de mobilités (Prédali 2005; Fagnani 2005; Brun & Fagnani 1994; Coutras 1989) et en lien avec la représentation du rôle plus global de la femme au foyer, dans la réalisation des activités domestiques, et de la mère dans la prise en charge des enfants (Brugeilles & Sébille 2009 ; Algava 2002 ; Badinter 2002). Soit elles optent pour des emplois relevant de l'économie résidentielle (assistantes maternelles comme Virginie ou Stéphanie, assistantes familiales comme Annie, auto-entrepreneurs comme Solveig), soit elles font le choix d'avoir un emploi localisé plus près de leur domicile que leur conjoint (Sandrine, Elodie) ou avec un aménagement horaire plus en phase avec les contraintes scolaires (Graziella, Nathalie, etc.). La présence d'un réseau familial local et notamment de grands-parents inactifs tend à relâcher ces contraintes et à procurer plus de flexibilité au quotidien (Annie qui sert de nourrice pour ses petitsenfants). Toutefois, il apparaît que les arbitrages au sein des couples avec enfants produit des polarités importantes entre des conjoints hommes qui se déplacent plus dans le cadre de leurs emplois que leurs conjointes qui se déplacent peu du fait de leur niveau d'activité et de la localisation de leur emploi (à domicile ou à proximité). Les déplacements importants des hommes découlent de leur statut de travailleurs mobiles ou du fait qu'ils aient des déplacements plus lointains dans le centre de l'aire urbaine par exemple. Ici encore, cette répartition des rôles et des pratiques de déplacement est directement liée à la nature des territoires dans lesquels ils ont choisi de résider et à leur statut modeste. En habitant dans le périurbain dépendant de l'automobile, les mobilités liées au travail deviennent plus pénibles et coûteuses car elles sous-tendent souvent un éloignement. Si la distance au lieu de travail joue un rôle dans les choix de localisation, nous avons bien vu que cette distance était finalement très relative et tendait à s'effacer au profit d'autres critères comme le prix et les caractéristiques du logement. L'éloignement engendre donc à termes des réajustements dans les pratiques de déplacements et leur répartition au sein des couples. Priorité est souvent donnée à celui dont le travail est plus rémunérateur et donc souvent à l'homme. Le surplus de revenus et la plus grande capacité à participer au remboursement de l'emprunt ou au niveau de vie du ménage justifie le fait que les distances parcourues soient plus importantes : « C'est, c'est surtout les déplacements, c'est pour ça qu'il a repris les déplacements... parce que... parce que c'étaient les déplacements qui nous permettent de faire toutes les choses extérieures, en fait. Nous, avec son salaire, on va payer les frais. Moi, avec le mien, c'est tout ce qui est nourriture. D'un autre côté, on a la maison, donc, on a d'autres frais. Il y a beaucoup de nourriture parce que voilà, je fais manger plein d'enfants ici, en plus, on est tout le temps là, donc, voilà. Euh... donc, il y a beaucoup de frais de nourriture plus tous les frais : ben... l'eau, l'électricité, on est tout le temps là, donc... Voilà. Le chauffage, on est tout le 45 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale temps là aussi, je veux dire... ce sont toutes les choses qui se calculent parce que sur l'année, ça commence à... à chiffrer. Et donc, lui, son salaire... nous paye tous nos prêts, nos machins, enfin, je veux dire, la maison, tous les trucs. Avec le mien, c'est tout ce qui est commissions, et puis tout ce qui est Ðture. Et après, avec les... avec les frais, ce sont les loisirs ou les travaux. OUI, QUAND... SELON CE QU'IL Y A A FAIRE... Voilà. On s'organise comme ça. Avant, quand... quand il n'avait pas ce travail, il était là tout le temps, il n'avait pas de frais. Ben, on était trop coupé à la gorge ; quoi, parce que nous, ben, déjà il y avait des frais de transport. Que là, il prenait son Îhicule tous les jours, et puis en plus de ça, ben, on ne pouvait pas... on ne pouvait pas sortir, on ne pouvait pas aller à droite, à gauche parce que voilà, on payait ce qu'on avait à payer et puis point. OUI, D'OU LE FAIT D'ETRE PARTIS SUR DES PLUS GRANDES DISTANCES AVEC DES PRIMES PLUS FACILEMENT, QUOI. Oui, je pense, voilà. Sachant que chaque nuit qu'il n'est pas à la maison, il gagne 30 , donc, voilà, donc... Comme il a des primes de panier, ceux qui travaillent, ils ont des primes de repas, ou voilà... Donc, prime de couchage... pour la semaine, il a ça. » Stéphanie, 34 ans, assistante maternelle à domicile, mariée à Yannick (35 ans) qui est conducteur routier sur la France entière, 3 enfants (12, 11 et 8 ans), vit à Longchamp (propriétaire) depuis 2003, vivait auparavant à Chevigny (location priÎe). Plus centrales ou plus mobiles, les hommes ont plus de facilités à se déplacer : soit ils ont recours à des transports collectifs (emplois plus distants mais centraux), soit leurs déplacements sont pris en charge par leurs employeurs (participation à l'abonnement de transports collectifs, mise à disposition de Îhicule, carte carburant, etc.). Les femmes sont contraintes à des mobilités plus locales, voire à une relative immobilité dès lors qu'elles restent travailler à domicile ou à sa proximité. La seule femme mobile dans le cadre de son activité que nous ayons rencontrée est celle de Nicolas qui est aide à domicile. D'autres femmes en recherche d'un emploi ont également envisagé cette profession. Au-delà des conditions de prises en charge des déplacements largement sous-évaluées de ces professions (Jany-Catrice 2007a; Jany-Catrice 2007b), les emplois féminins rencontrés sont souvent liés aux métiers du care (Benelli & Modak 2010 ; Laugier & Paperman 2006 ; Cresson & Gadrey 2004) La prépondérance de ce type d'emploi et la proximité féminine entre lieu de travail et lieu de résidence rendent compte d'une conception des rôles de genre au sein du couple qui apparaît typique du périurbain. Compte tenu de l'investissement réalisé pour acheter une maison individuelle et de la place prépondérante des enfants dans l'explication des choix de localisation, la maison et les activités qui s'y rattachent jouent un rôle central dans le mode de vie des ménages. Or, c'est encore et toujours la femme qui est supposée être la partie la plus compétente pour la prise en charge des activités domestiques ou liées aux enfants. La répartition des tâches est certes en train de changer mais reste profondément inégalitaire. A l'échelle du périurbain dépendant de l'automobile où le domestique est particulièrement valorisé, il apparaît que les femmes ont des programmes de mobilité plus locaux et plus centrés autour du domicile, alors que les hommes tendent à mettre plus de distance entre eux et leurs domiciles. 46 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale En dehors du travail et de l'accompagnement des enfants (pour loisirs ou autre), une tierce catégorie de déplacements apparaît régulièrement dans le discours des personnes interviewées: les déplacements pour approvisionnement. Considérés comme contraints, ces déplacements sont minimisés. Si les ménages ne disposent pas de commerces dans leurs communes, ils ont tendance à aller dans les grandes surfaces les plus proches (à Genlis pour Longchamp, à la zone industrielle de Champbenoist pour Sainte-Colombe, etc.). Rares sont ceux qui s'approvisionnent dans des centres commerciaux plus centraux ou plus importants. Aller dans de grands centres commerciaux ou dans des localisations hypercentrales comme Paris ou Dijon s'aÏre effectivement peu répandu. Outre le fait de ne pas vouloir revivre les déplacements pénibles (congestion, stationnement) qu'ils subissent au long de la semaine, beaucoup redoutent aussi les tentations. Seules des occasions particulières (fêtes de fin d'année, acheter des Ðtements) provoquent ce type de déplacements. Au-delà de la distance à parcourir, avoir un plus grand choix est synonyme de dépenses accrues. Ces déplacements pour achat supposent nécessairement l'usage de la voiture compte tenu des volumes achetés et permettent par la même occasion d'accéder à des prix du carburant avantageux. Régulièrement, les ménages en profitent également pour regrouper ce type de déplacements avec d'autres formalités (banque par exemple) ou pour faire des courses pour d'autres (voisine âgée, etc.). Il y a donc une minimisation des déplacements pour approvisionnement, d'autant plus importante que les ménages peuvent avoir recours à l'autoproduction (potagers, clapiers, etc.). Les pratiques quotidiennes de déplacements des ménages modestes qui vivent dans les territoires périurbains dépendants de l'automobile sont donc peu diversifiées (travail, accompagnement, approvisionnement). Elles peuvent être importantes en temps et en distance, mais elles restent spécialisées. Ainsi, les ménages rencontrés vivent certes dans des territoires périurbains dépendants de l'automobile mais n'entretiennent pas de relations fortes avec la villecentre. Cette tendance notable n'est pas spécifique aux périurbains les plus modestes. Cependant, plus les ménages sont modestes, plus leurs modes de vie sont locaux et ancrés dans le périurbain en tant que territoire distinct de l'urbain. En effet, leurs modes de vie n'impliquent toujours pas des allers retours constants entre un territoire périurbain où ils résideraient et un territoire urbain où ils pratiqueraient des activités (travail, approvisionnement, etc.). Alors que nous pourrions y voir les signes d'une importante captivité (Rougé 2010), ces pratiques et le mode de vie qui les accompagnent correspondent en réalité à un choix affirmé des ménages, en cohérence avec leurs stratégies résidentielle et de vie (élever ses enfants, avoir une maison avec jardin, etc.). Leur moindre mobilité quotidienne par rapport à des ménages plus aisés est certes le résultat de leurs conditions de revenu, de leur classe sociale d'appartenance et de leur cycle de vie. Mais elle est rarement considérée comme coûteuse. Se déplaçant finalement assez peu ou limitant leurs déplacements au strict nécessaire, les ménages ont tendance à ne pas considérer comme problématique l'augmentation du coût des carburants. Si certains décident ne plus faire le plein mais de mettre un montant fixe pour maîtriser davantage ce poste de dépense, ils considèrent ne pas avoir le choix et avoir besoin de leur voiture au quotidien. De plus, les dépenses liées au carburant ne sont pas Îcues comme problématiques car leur montant annuel est lissé tout au long de l'année par de petites dépenses régulières. Pour les ménages modestes que nous avons rencontrés, ce sont les dépenses considérées comme importantes qui posent plus souci : chauffage, vacances, réparation sur les Îhicules, etc. L'augmentation du prix des denrées alimentaires est également ressentie plus vivement que celle des carburants. Certaines dépenses comme le chauffage ou le gaz sont liées au 47 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale coût du carburant mais, si elles sont moins fréquentes, elles sont beaucoup plus importantes et à payer d'un coup ou rapidement. Pour les dépenses liées à l'entretien des Îhicules, ces dernières tendent à être diminuées en faisant appel à des connaissances ou en se débrouillant seuls. S'ils sont minimisés, les déplacements quotidiens n'en demeurent pas moins indispensables et découlent d'un usage intensif de la voiture (la sienne ou celle d'un autre). Plus que leur coût financier, la forte pénibilité des déplacements quotidiens est mise en avant, compte tenu des distances à parcourir et des inconÎnients qui peuvent l'accompagner (congestion, conditions météorologiques). Des ajustements permettent de réduire les contraintes liées à cette pénibilité et de minimiser plus globalement les dépenses : monoactivité, emploi résidentiel ou emploi local, déplacements locaux, peu de mobilités longues distances prises en charge par les ménages (pas ou peu de vacances), pas ou peu d'activités de loisirs hors domicile, etc. Cette minimisation des dépenses suffit tout juste à certains à tenir leurs budgets et/ou à rembourser leurs emprunts immobiliers. Les ménages modestes « se serrent la ceinture » dans l'espoir d'être un jour propriétaires à part entière de leur bien, de ne plus avoir de crédit sur le dos. Le terme du crédit de la maison, souvent associé à la décohabitation des enfants, améliorera significativement le niveau de revenu et le pouvoir d'achat de ces ménages comme ont pu en témoigner Vincente et Daniel ou Bernard, qui n'a plus qu'un enfant à charge. En attendant, leur situation actuelle reste précaire car ils sont très vulnérables au moindre aléa économique. Chômage, accident du travail, divorce, panne de Îhicule, etc. sont autant de risques susceptibles de faire basculer les ménages dans une situation de pauvreté plus ou moins durable. Cette vulnérabilité est d'autant plus importante qu'elle est directement liée au choix du territoire dans lequel ils ont élu domicile et qui génère des contraintes fortes sur leurs budgets (même si elles sont peu prises en compte). De plus, nous avons vu que leurs désirs de campagne et d'ascension sociale par la propriété pouvaient accentuer, par différents mécanismes, leur vulnérabilité et risquent de rendre difficile un retour vers moins de dépendance, qui sera associé à un échec et un déclassement. De fait, la plupart des ménages rencontrés dans le chantier 1 refusent d'envisager d'autres types de territoires, si ce n'est les ménages non propriétaires dont le but est de le devenir ou de partir loin, à l'étranger 5. Evidemment, leur façon d'appréhender et d'anticiper ces aléas potentiels est intimement liée à leur situation présente, à la sécurité symbolique qui lui est associée. Ils peuvent refuser de quitter un emploi pénible par peur de ne pouvoir en trouver un autre et de ne plus pouvoir rester dans le territoire dans lequel ils ont élus domicile. Cependant, les entretiens réalisés dans le cadre du chantier 2 montrent que tous ces éÎnements (aléas, bifurcations, évolutions du cycle de vie, etc.) et les éventuelles relocalisations qu'ils provoquent ne sont pas forcément Îcus de manière traumatisante lorsqu'ils surviennent effectivement. En effet, les ménages du chantier 2 ont Îcu ce que redoutent les ménages du chantier 1 et les craintes de ces derniers se retrouvent peu dans le discours formulé a posteriori par ceux qui ont quitté des territoires dépendants de l'automobile. 5 Le mythe de la cabane au canada est assez répandu parmi les ménages rencontrés. 48 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale En conclusion, pour les ménages qui résident dans des communes périurbaines dépendantes de l'automobile, il apparaît que : · La dépendance à l'automobile est rarement prise en compte dans le choix de localisation des ménages qu'ils soient devenus ou non propriétaires en s'installant dans une commune périurbaine dépendante de l'automobile. Pour les ménages devenus propriétaires, le réalisme économique du prix de l'immobilier impose souvent aux ménages de renoncer à une proximité avec des aménités urbaines et des modes de déplacements alternatifs qui pouvaient pourtant être recherchés à l'origine. Pour les ménages non propriétaires (locataires ou hébergés à titre gratuit), la situation est plus transitoire et le résultat d'un ancrage lié à la famille ou au travail eux-mêmes situés dans des territoires dépendants de l'automobile. Si la situation est vue comme temporaire, ces ménages n'en aspirent pas moins demeurer dans ce type de territoire. Dans les situations les plus modestes (locataires HLM et hébergés à titre gratuit), la vulnérabilité économique est source d'un ancrage plus durable dans leur commune de résidence. La dépendance à l'automobile n'est pas considérée comme problématique, même pour des personnes sans permis, au regard des avantages qu'ils voient à vivre dans cette commune, avantages considérés comme supérieurs (loyer avantageux, solidarité familiale, etc.). Pourtant, compte tenu de leur niveau de revenus, les ménages modestes procèdent souvent à des orchestrations spécifiques à leur quotidien pour faire face à la dépendance automobile et la minimiser : monoactivité, peu de mobilités de loisirs et de vacances, regroupement des déplacements, etc. Ayant une mobilité et des modes de vie très locaux, il apparaît difficile pour les ménages modestes de réduire leurs déplacements. L'orchestration des déplacements au sein ménages modestes (au sein du couple, entre les membres de la famille) conduit certes à leur minimisation mais est aussi le témoin de leur grande vulnérabilité économique face à des aléas. · · · · · 49 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Partie 2 : Quitter le périurbain pour échapper à la dépendance automobile Après avoir obserÎ comment les déplacements quotidiens et la dépendance automobile entraient en compte dans le choix d'élire domicile dans les territoires et les modes d'habiter, il s'agit à présent d'analyser l'autre versant de la question. Pour quelles raisons les ménages modestes quittent-ils les territoires dépendants de l'automobile ? Quel rôle joue la dépendance automobile dans cette décision ? Dans la première partie, nous avons vu que le choix de la propriété conduit les ménages modestes à opter pour des localisations certes périurbaines mais fortement dépendantes de l'automobile. La dépendance automobile apparaît comme un compromis acceptable au regard du maintien social que procure l'accès à la propriété de sa maison individuelle. Cette dépendance et ses conséquences en termes de déplacements quotidiens tendent à être sous-estimées par les ménages. Ex-ante, leurs coûts ne sont pas envisagés notamment parce que l'accès à l'emploi des ménages rencontrés suppose un usage incontournable de la voiture en raison de l'absence d'alternative modale pour se rendre sur leur lieu de travail (peu importe le point de départ). Les ménages non propriétaires prennent plus en compte la localisation relative de leur emploi et de leur résidence, en sont plus proches mais l'automobile reste le seul mode d'accès au lieu de travail actuel ou futur (pour les personnes sans emploi). A présent, nous allons apprécier dans quelle mesure les contraintes qui découlent de la dépendance automobile motivent des ménages modestes à quitter le périurbain. Ce sont les évolutions du cycle de vie professionnel et/ou personnel qui motivent le changement de localisation résidentielle en premier lieu. Quant au choix d'un moindre degré de dépendance, il est plus directement lié à l'expérience Îcue d'une précédente dépendance et à la volonté de ne pas la réitérer, que ce soit de manière temporaire ou permanente. En observant les raisons qui ont poussé les ménages rencontrés à quitter le périurbain dépendant de l'automobile, les évolutions liées à leurs cycles de vie en sont les principaux moteurs. Les bifurcations, entendues comme les évolutions non anticipées dans le déroulement de ce cycle de vie (Bidart 2006), jouent un rôle important dans le départ. En regardant les ménages en fonction des différentes évolutions et bifurcations qu'ils ont pu connaître dans leur cycle de vie, le choix d'une nouvelle localisation résidentielle apparaît fortement lié à leur volonté de retourner dans une moindre dépendance automobile. 51 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Figure 3 : Communes d'origine et de destinations des ménages de migrants enquêtés dans l'Aire Urbaine Dijonnaise Figure 4 : Communes d'origine des ménages de migrants enquêtés en Grande Couronne Francilienne Source : Typologie de l'auteur à partir de la base permanente des équipements 2007 52 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Figure 5 : Communes d'origine des ménages de migrants enquêtés en Grande Couronne Francilienne Source : Typologie de l'auteur à partir de la base permanente des équipements 2007 Parmi les 31 ménages du chantier 2, 8 ménages ont quitté un territoire périurbain dépendant de l'automobile suite à une séparation ou à un divorce. Ces ménages ont la particularité d'avoir été propriétaires à l'exception d'Anita (77) ou de Stéphane (21) hébergés respectivement par ses beauxparents et son ancien conjoint, eux-mêmes propriétaires, et d'Isabelle (21) qui était locataire HLM. Vécues plus ou moins violemment selon les situations, la séparation a engendré une relocalisation dans des espaces moins dépendants de l'automobile. Cette relocalisation est d'abord liée à la nécessité de trouver un autre hébergement. Les personnes se sont quasiment toutes tournées vers le locatif (pour 7 d'entre eux) ou l'hébergement chez des proches (Patricia encore aujourd'hui mais aussi Christine, Julien ou Agnès dans un premier temps). L'offre de location sociale et priÎe étant 53 1. Monoparentalité et célibat : la fin du couple comme moteur d'un départ du périurbain et de la dépendance automobile Source : Typologie de l'auteur à partir de la base permanente des équipements 2007 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale plus importante dans des territoires moins dépendants, les individus séparés ou divorcés, à la tête ou non d'une famille monoparentale, ont opté pour un territoire moins dépendant de l'automobile. Mais le choix de localisation n'est pas seulement fonction de l'offre. Il est aussi grandement déterminé par un relatif rejet de la vie périurbaine et des imaginaires qu'elle Îhicule chez ces personnes : la vie en couple, le conjoint, l'isolement et la dépendance automobile. Le choix du périurbain pour ces personnes a souvent été lié à leurs propres trajectoires résidentielles et à celle de leur conjoint. Parmi ces personnes, nombreuses sont celles issues de la ville ou d'autres territoires périurbains peu dépendants de l'automobile (ailleurs en France ou dans les agglomérations parisiennes et dijonnaises). Elles ont des cultures habitantes radicalement différentes de celles de leurs anciens conjoints (Bonvalet 1993). Ces personnes déclarent d'ailleurs toutes avoir eu du mal à s'adapter à la vie dans ces territoires mais y sont restées tant que leur couple tenait. La fin de ce dernier a donc entraîné la fin de leur vie dans un territoire périurbain et un retour vers des territoires plus conformes à leurs trajectoires originelles, c'est-à-dire des territoires peu dépendants de l'automobile. Le retour est d'autant plus souhaitable que la séparation met en exergue la difficulté de vivre seul(e) dans ce territoire, surtout en l'absence du permis. « Quand le père de mon fils est parti, me retrouver toute seule dans une maison, grande, avec plus de ménage, tondre la pelouse etc.... Moi je suis pas du tout, c'est pas du tout mon truc et en plus loin de Dijon, à 30 km... ça aussi, c'est ce qui m'a décidé à revenir plus près de Dijon. Tant que j'étais en couple, c'était différent car on n'a pas les mêmes loisirs, mais étant toute seule. Mon fils était petit à l'époque, il allait au centre de loisir après l'école, donc il fallait toujours que je regarde l'heure, c'était... Plus les frais d'essence, pas de transport en commun donc si j'avais pas eu de voiture, j'aurai été très ennuyée donc tout ça a fait que je voulais me rapprocher de Dijon. » Isabelle, 45 ans, employée en préfecture, séparée depuis 2002, 1 fils (14 ans), vit à Plombières-lès-Dijon (HLM) depuis 2003, a Îcu à Soirans (HLM) pendant 3 ans. « De toute façon, comme j'avais pas le permis quand je suis partie de là-bas, j'avais pas le choix, je pouvais pas y rester, car sans voiture, c'est impossible ! » Anita, 27 ans, biologiste à la recherche d'un emploi, séparée, 1 fils de 13 mois, vit à Paris (HLM) depuis 2009, a Îcu chez ses beaux-parents à Fromont jusqu'en 2009. Lorsqu'on est en couple, l'absence de permis de l'un est, en partie, compensée par le fait que l'autre conduit. Mais, dans les ménages de couples mono-motorisés, la séparation ou le divorce fait brutalement prendre conscience d'une dépendance automobile qui n'était pas forcément ressentie avant. De fait, le conjoint permettait et justifiait le fait de se passer de l'automobile et de ses usages en autonomie. De temps à autres, l'absence temporaire du conjoint pouvait même donner lieu à des mobilités alternatives : autostop, Îlo, covoiturage local et informel. Mais ces mobilités alternatives ne semblent viables que dans la mesure où elles sont temporaires et sélectives. Elles ne concernent que certains déplacements (formalités administratives, rendez-vous médicaux, shopping), ceux liés à la personne seule et qui ne sont pas quotidiens ou récurrents. Dès lors que des enfants sont impliqués, ces mobilités alternatives sont plus difficiles et ne permettent pas d'assumer l'ensemble 54 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale des mobilités nécessaires à la vie du ménage comme les courses. Ainsi la séparation des couples, notamment avec enfants, s'accompagne d'un éveil à la dépendance automobile ou plutôt à ses conséquences et sa pénibilité. Un besoin de mobilité autonome est d'autant plus important que la séparation est aussi synonyme de vulnérabilité économique et de recherche d'un emploi (Eydoux et al. 2007; Algava et al. 2005). Or, ces personnes étaient souvent inactives ou au chômage. Partie économiquement la plus faible du ménage (faute de revenus autonomes), les individus séparés se tournent alors vers des territoires urbains où les accès au logement et au travail apparaissent moins complexes. « Suite à mon départ de Rouvres-en-Plaine pour venir à Dijon ... pour avoir tous les services sous la main. Vivre à Dijon c'est plus sympa, enfin moi je préférais vivre à Dijon plutôt dans les petits villages [...] Au niveau de l'emploi et tout ça, il y a plus de choses à Dijon, c'est plus facile. » Stéphane, 42 ans, agent de service hospitalier (à la recherche d'un emploi), séparé, sans enfants, vit à Dijon (location priÎe) depuis 2010, a Îcu Rouvres-en-Plaine (hébergé à titre gratuit par son ex-conjoint) jusqu'en 2008. Au-delà de difficultés d'accès à l'emploi mais aussi au logement de personnes se retrouvant seules, partir du périurbain dépendant revient à matérialiser symboliquement la séparation avec le conjoint et son nouveau statut conjugal. C'est souvent ce dernier qui est le plus ancré dans les territoires concernées, soit par une « culture habitante » (Morel-Brochet 2007; Morel-Brochet 2006) favorable au périurbain (y a grandi, désire avoir sa maison indépendante), soit par la présence de son seul réseau social. Les personnes rencontrées ont plus une culture habitante plutôt urbaine, notamment parce qu'elles en sont issues (Edwige qui a grandi à Paris) ou qu'elles l'ont adopté (Christine qui a fait ses études à Dijon) en rejetant d'une certaine façon la culture habitante de leurs parents. « Et puis après, j'ai rencontré celui qui est maintenant mon ex-mari... qui, lui, voulait absolument acheter une maison. Vu qu'à l'époque, c'était très cher ... le prix des maisons sur Dijon était horriblement cher pour une masure, donc, on a trouÎ une ferme à Francheville, donc là on a déménagé en 1997 et moi la campagne je ne pouvais plus. » Christine, 44 ans, secrétaire médicale, divorcée, 2 enfants (14 et 9 ans), vit à Dijon (location priÎe), a Îcu jusqu'en 2004 à Francheville (toujours propriétaire avec son mari). « Lui [son ex-mari], il peut vivre dans un trou perdu, il s'en fout complètement. Bah maintenant qu'on s'est séparé, il s'est remis avec quelqu'un et il vit à côté de Meaux ou Melun. Lui, il est reparti et je lui disais au début « mais qu'est-ce que t'as comme transport » mais il s'en fiche ». Edwige, 45 ans, pigiste à mi-temps (autoentrepreneur), divorcée, 1 fils (5 ans), vit à Vincennes (propriétaire) depuis 2004, a Îcu à Soignolles et Emerainvilles avec son ex-mari jusqu'en 2003. Pour certains, le départ n'est pas évident puisqu'il suppose de renoncer à la propriété et de vivre une forme de déclassement social. Agnès, 51 ans, est divorcée et a Îcu douloureusement ce 55 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale déclassement. A la retraite de la fonction publique, elle a dû reprendre un emploi d'hôtesse de caisse pour subvenir à ses besoins et ceux de sa fille de 13 ans. Actuellement locataire en HLM à Longvic, commune limitrophe de Dijon, elle se souvient avec nostalgie de sa maison : « Ah oui oui, on était bien. On était au calme, on avait une belle maison, un beau potager, j'avais même une piscine derrière. Si si, on était bien. C'était bien, c'est vrai. » Mais le fait d'avoir renoncé à la propriété a été compensé par une localisation moins dépendante, plus pratique pour elle et sa fille compte tenu de la proximité des commerces et services: « Ah ici, ce qu'il y a de bien, c'est qu'il y a tout à proximité. Il y a les magasins, il y a les bus, les médecins etc. Pour ma fille, y a tout sur place aussi. Par contre, je ne suis pas chez moi car je suis en HLM, je suis en appartement, alors que j'aimais bien avoir la maison. Mais je m'ennuyais là-bas, alors je pense que je suis mieux ici. » Le départ est d'autant moins évident qu'il n'est pas forcément souhaité par les enfants qui ont grandi et ont leur réseau amical dans le territoire quitté. Cependant, le divorce ou la séparation s'accompagnent d'un nouveau statut matrimonial (célibataire avec ou sans enfants) ou/et économique (plus grande pauvreté) considéré comme moins compatible avec la vie périurbaine et la dépendance automobile : « Les ¾ du village, c'est des jeunes ménages, c'est hyper convivial donc mes enfants veulent qu'on y retourne. Mais dans le périurbain, il y a que des maisons, c'est fait pour les propriétaires, je pourrai rien trouver. Déjà. Et puis toute seule, ça coûte trop cher, il y a l'essence, la voiture, les cantines. Eux (ses enfants), ils veulent, et moi j'ai envie de leur faire plaisir, ma fille dit qu'elle prendrait en charge les petits le matin, mais c'est pareil, quand elle prend son bus à 7h30, elle peut pas les déposer à la garderie à 7h30. [...] Et donc Yèbles, je sais que demain on retourne à Yèbles, ils seraient fou de joie. Mais financièrement et au niveau de la sécurité, c'est non » Patricia, employée à La Poste, 32 ans, 3 enfants (13, 8 et 7 ans), vit chez sa soeur à Sucy-en-Brie depuis 2010, a Îcu à Yèbles de 2000 à 2010 où elle est encore propriétaire avec son ex-mari. « Le cinéma, ou le théâtre, par exemple, j'aime bien découvrir, j'avais pas le courage de prendre la voiture encore, c'était une contrainte et du coup, il y avait pas grand-chose à faire à Soirans à part désherber mon jardin donc ça m'a vite lassé et c'est pour ça que j'ai voulu revenir plus près de mon travail et plus près de la ville. A Dijon, après c'était différent, avec mon fils, on a pu aller au théâtre quand il était petit, il y avait de très beaux spectacles, et ça c'était pas possible à Soirans » Isabelle, 45 ans, employée en préfecture, séparée depuis 2002, 1 fils (14 ans), vit à Plombières-lès-Dijon (HLM) depuis 2003, a Îcu à Soirans (HLM) pendant 3 ans. « Quand tu te retrouves tout seul du jour au lendemain et qu'en plus t'es à la campagne. Tu sors : « qu'est-ce que je vais faire ? J'aimerais bien aller à Val d'Europe mais c'est à trois quart d'heures » alors qu'ici toute de suite, quand tu te dis, j'en ai pour cinq minutes, tu te dis, t'es tout seul mais c'est pas grave, t'es motiÎ. Tu voulais aller au cinéma, c'était galère.... » Julien, 29 ans, ouvrier en BTP, divorcé, 1 fils de 5 ans en garde alternée, vit à Villiers-surMorin (location priÎe) depuis 2009, a Îcu à Jouy-sur-Morin (propriétaire) jusqu'en 2008. 56 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Se séparer de son conjoint revient à s'éloigner du modèle dominant de conjugalité présent dans ces communes : le couple. Isabelle (Dijon) se souvient même avoir ressenti que ses voisines la considéraient comme « une cougar, une voleuse de mari » car elle était célibataire. La mise à distance se lit dans le regard d'autrui et enjoint à retrouver une sociabilité plus extérieure, plus en phase avec le célibat avec ou sans enfant (quand la personne n'en a pas ou que le conjoint en a la garde). Le regain d'activités de loisirs est en partie modéré par les ressources économiques des individus mais ces derniers apprennent aussi à connaître les opportunités que leur procure leur nouveau statut économique (réductions, aides de la mairie, etc.). Renoncer à la dépendance automobile est synonyme d'une ouverture de l'éventail des activités de loisirs, ces dernières étant plus proches et donc plus faciles à réaliser ou à organiser. La séparation ou le divorce conduit des ménages à quitter les territoires périurbains dépendants de l'automobile. Il est frappant de constater qu'aucun des ménages interrogés ici ne souhaite retourner dans ces territoires, qu'il en soit ou non originaire. Que ce soit suite au divorce ou avant ce dernier, ils ont pâti d'une localisation et de son niveau de dépendance automobile dans laquelle ils ne désirent pas retourner, du moins à ce stade de leur projet résidentiel. Véritable repoussoir, l'absence de commerces et de services ou la nécessité de prendre la voiture pour y accéder ont dégouté les individus séparés ou divorcés de ce type de territoires et des contraintes de mobilité qui l'accompagnent, d'autant plus quand ils étaient peu enclins à y habiter à l'origine (ne souhaitaient pas y vivre plus que ça) et par leur trajectoire résidentielle (enfance et/ou célibat dans des territoires plus urbains). Si le choix du périurbain était ici dépendant du conjoint, d'autres évolutions ou bifurcations pointent le rôle similaire de proches ou de liens sociaux dans le choix d'une localisation périurbain dépendante comme dans celui de la quitter. Deux éÏnements mettent en exergue le rôle des parents d'Ego dans sa trajectoire vers moins de dépendance : leur décès et la décohabitation. Nées dans le périurbain dépendant de l'automobile ou y ayant grandi, 10 des personnes rencontrées ont migré vers des territoires moins dépendants à cause ou grâce à leurs parents. Le rôle de ces derniers n'est pas univoque : leur décès, leur départ, la volonté de les quitter pour s'installer seul ou en couple, l'observation de leur propre expérience et des difficultés qu'ils ont pu connaître sont autant de raisons qui poussent ces individus à quitter des territoires périurbains dépendants de l'automobile dans lesquels ils ont passé une partie de leur vie. 2. Prendre de la distance avec ses parents et la dépendance automobile : un choix moins définitif Pour les plus âgés, le décès d'au moins un de leurs parents a mis fin à une localisation périurbaine déjà partielle. En effet, Monique et Francine ont Îcu par intermittence à Tigeaux pour la première et à Villiers-sous-Gretz pour la seconde. De fait, originaires toutes les deux de Paris et de la petite couronne, elles ont suivi leurs parents respectifs à l'adolescence. Ultérieurement elles se sont relocalisées dans des territoires moins dépendants, en petite couronne (en Seine-Saint-Denis, à 57 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Noisy-le-Sec et à Drancy). Mais elles ont toujours gardé un ancrage fort dans la commune de résidence de leurs parents. L'ancrage est matérialisé par une birésidentialité, une vie partagée entre leur commune officielle de résidence et celle de leurs parents. « On faisait la navette parce que mes parents, après bon, avaient besoin de quelqu'un, on avait ici mais... on était autant chez eux qu'ici en fait. Ils avaient besoin de quelqu'un, d'une aide tout le temps. [...] On a acheté cet appartement là mais on était moitié ici, en fait, moitié en Seine-et-Marne » Monique, comptable, mariée, 1 fils, vit à Noisy-le-Sec (propriétaire) depuis 1981, a Îcu à Tigeaux chez ses parents jusqu'en 2001. « Je n'ai jamais laissé ma mère, ni mon père d'ailleurs, tout seuls. J'étais..., moi j'avais un appartement, bon parce que ma fille, déjà d'une, là-bas ce n'était pas possible de la mettre à l'école, donc, en plus, je travaillais dans le 18e, donc il me fallait un pied à terre quelque part. [...] Donc ma fille, elle allait à l'école ici. Et donc moi tous les week-ends, les vacances, etc., c'était Villiers, Villiers, Villiers constamment hein » Francine, commerciale, célibataire, 1 fille (31 ans), vit à Drancy depuis 1983 et avec sa mère depuis 1999 (dans un autre appartement), a Îcu à Villiers-sous-Gretz avec ses parents jusqu'en 1999. Le cas de Francine est d'autant plus singulier que la birésidentialité est une option qu'avaient déjà retenue ses parents. Tant que sa mère a eu à travailler sur Paris, ils y ont gardé un appartement en location. Une fois à la retraite, ils ont migré définitivement. Son père est décédé en 1997. Sa mère est âgée (83 ans) et n'a jamais eu le permis. Il lui était donc impossible de rester dans une commune peu équipée en commerces ou services. Or, en parallèle, les commerces présents autrefois dans le village à l'arriÎe des parents de Francine ont fermé. Leur disparation a généré une augmentation drastique du degré de dépendance automobile de Villiers-sous-Gretz: la mère de Francine ne pouvait plus vivre seule dans ce type de territoire. Pour conclure, on notera que ces deux cas renvoient à une conception de la périurbanité où la birésidentialité prend une place importante, en partie parce que la deuxième résidence (celles des parents) est alors localisée dans un territoire vu comme rural, idéal dans le cadre d'une résidence secondaire. Dès lors qu'un des parents disparaît, les raisons de venir dans le territoire s'évanouissent. L'une comme l'autre ont cessé la birésidentialité dès lors que leurs parents sont décédés (les 2 pour Monique, son père pour Francine). Ce choix est lié au fait que ni Monique ni Francine ne pouvaient récupérer le logement de leurs parents par le biais d'un héritage. Elles n'avaient pas les moyens financiers ou la possibilité légale de le faire (les parents de Monique étaient locataires). Même si elles avaient pu conserver le logement de leurs parents, il est à parier qu'elles auraient maintenu l'alternance entre un logement en territoire indépendant, à proximité des transports collectifs et de leur travail, pendant la semaine et un logement en territoire dépendant le week-end ou pendant les vacances du fait même de leur socialisation primaire. La disparition des parents des territoires périurbains n'est pas uniquement le fait de leur décès. D'autres raisons sont à évoquer comme le départ en retraite et la migration vers d'autres régions qui peut l'accompagner. En l'occurrence, Danielle, 36 ans, formatrice en assurance en couple, a longtemps habité à Villevaudé, à proximité immédiate de ses parents. Née à Paris, Danielle a grandi 58 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale en petite banlieue puis en grande banlieue au gré des choix de localisation de ses parents. Elle a emménagé à 20 ans avec ses parents à Villevaudé où elle a elle-même fini par y acheter un F2 en 2005 bien qu'elle déclare ne s'y être jamais plu : « je n'aimais pas le 77, je n'y ai pas grandi, ce n'était pas mon trip ». D'abord propriétaire d'une librairie à Chelles, elle a revendu son commerce et est devenue formatrice en assurance dans les Hauts-de-Seine, ce qui a été assez difficile à vivre en termes de déplacements quotidiens : « Ah oui, oui. Mais, j'ai eu le problème de mobilité quand j'ai commencé à bosser sur la Défense, puisque j'étais toujours en Seine-et-Marne, là, parce que j'ai déménagé il n'y a pas longtemps, et ça fait 10 ans que je suis à la Défense. Et là, ça a été... et c'est là où ça a été l'angoisse, quoi. Là, ça a été vraiment... 5... 5 bonnes années de galère sur... sur le total, quoi. ET POURQUOI AVOIR... ENFIN... COMMENT VOUS AVEZ TENU OU POURQUOI... NE PAS AVOIR DEMENAGE AVANT... UN PEU PLUS TOT, EN FAIT ? Parce que mes parents étaient à côté et que je n'avais pas envie de... je n'avais pas envie de déménager à ce moment-là. Tant qu'ils étaient à côté... enfin, voilà... je ne sais pas pourquoi, en fait. C'est vraiment en plus pour eux, quoi. J'avais envie de partir depuis longtemps et puis ma mère me disait à chaque fois : « Oh, Paris, non, non, non, Paris, c'est trop cher, c'est Îtuste, c'est trop bruyant, c'est ceci », et puis... pff... voilà, quoi. J'étais restée vraiment plus pour eux parce que je me disais, le soir, quand, je rentrais du boulot... je passais les voir, je passais vite... enfin... même si je les voyais vite fait, je les voyais. Et puis mes parents ont vendu leur maison et sont partis au pays... enfin, en Serbie, se réinstaller. Et du coup, en fait, j'ai profité de ce moment-là, c'était le moment ou jamais, quoi. » Les difficultés quotidiennes de Danielle pour se rendre à son travail ne l'ont pas incité à se localiser rapidement vers un territoire moins dépendant. Elle a attendu le départ de ses parents, retournés vivre en Serbie d'où ils sont originaires, pour se décider à venir vivre dans Paris. La disparition du réseau social affinitaire (les parents ici mais il peut s'agir du reste de la famille, de la fratrie, d'amis, de ceux dont on se sent proche) conduit alors à faciliter le départ de territoires dans lesquels les individus ont pu rester parce que ce réseau y était présent. Cet argument tend à étayer l'hypothèse de la force des liens familiaux de proximité (Bonvalet & Lelièvre 2005) et des solidarités intergénérationnelles dans l'ancrage résidentiel au sein des territoires, plus particulièrement au sein des territoires dépendants de l'automobile. Il illustre cependant la dimension potentiellement subie de cet ancrage. Si les enfants quittent ces territoires, c'est qu'ils n'en sont pas forcément natifs et qu'ils ne souhaitent plus subir une localisation qui leur a été imposée par leurs parents (cas de Danielle). Au-delà d'un rejet du mode d'habiter périurbain incarné par leurs parents, le départ du domicile parental s'accompagnent d'une volonté de se rapprocher des aménités urbaines, des commerces et services mais aussi de l'usage de modes alternatifs à la voiture. Ainsi, les motifs de relocalisation vers moins de dépendance sont essentiellement liés à leur volonté de ne plus la subir. Leur volonté est d'autant plus forte que l'installation périurbaine de la famille a été mal Îcue. Tous les individus ayant décohabité du domicile parental et ayant progressivement opté pour des territoires à moindre dépendance automobile ne font pas tous ce choix par rejet du modèle parental. 59 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Ainsi les natifs qui disposent d'un réseau social plus ancré localement ou qui ont été socialisé à la dépendance automobile entendent souvent y retourner plus tard, quand ils pourront accéder à la propriété. Les ménages issus de la décohabitation parentale (même depuis plusieurs années) sont les plus jeunes rencontrés dans le cadre du chantier 2. Plusieurs éléments motivent leurs choix résidentiels : mise en couple, localisation du travail ou des études, etc. Dans tous les cas, leur socialisation à la dépendance automobile joue un rôle déterminant dans le choix de vivre dans des territoires moins dépendants. Par socialisation à la dépendance automobile, nous entendons le processus par lequel les individus intègrent la nécessité d'avoir recours à l'automobile pour se déplacer. Les individus natifs du périurbain ou dont le conjoint est natif ont un rapport ambivalent à leurs territoires périurbains d'origine. D'abord, ils y retournent régulièrement, y passent leurs week-ends, surtout lorsqu'ils sont localisés dans des territoires moins dépendants mais appartenant à la même aire urbaine (Charline, Julie, Nastassia). Pour certains comme Ludivine ou Redouane qui y ont grandi et qui ont changé d'aires urbaines, le choix d'une plus grande indépendance n'a pas été immédiat. Ils ont d'abord opté pour une localisation au degré de dépendance similaire ou perçue comme telle par rapport à leur territoire d'origine. Ludivine est originaire de Chaumont en Haute-Marne. Elle a suivi son petit ami et ses parents en Côte-d'Or. S'ils ont d'abord été hébergés par ses beaux-parents, leur objectif a très vite été de prendre leur propre logement « pour démarrer ». Ils se sont installés en location priÎe à Prenois, un village à l'ouest de Dijon pour rester dans une ambiance, un territoire aux caractéristiques similaires à ce qu'ils avaient pu connaître auparavant : « C'est parce qu'on avait trouÎ... bon après, on n'est pas spécialement des gens non plus de la ville. On craignait un petit peu Dijon parce que ça reste grand. Et puis c'était la distance, ce n'était pas très, très loin. » Les arguments de Redouane sont similaires à la différence qu'il s'est installé seul en région parisienne. Originaire de Lauzerte (82), « un petit patelin » (une commune isolée hors influence d'un pôle selon sa fiche communale INSEE 6) situé à 95 km de Toulouse, Redouane a préféré s'installer à Maincy (77) pas loin de Melun plutôt qu'à Paris où il a été nommé. Ces raisons étaient les suivantes : « En fait, j'avais un pote à moi qui habitait à Melun, quoi, il m'a dit... enfin, il m'a dit...j'ai découvert Melun, et puis il y avait un petit patelin qui' s'appelait Maincy, à côté. Bon, je trouvais ça assez sympa dans le sens où c'était ni Paris ou la profonde campagne, quoi. Et ça me permet d'évacuer un petit peu, quoi, parce que les débuts à Paris étaient pas trop évidents, donc, ça me permettait de faire une transition qui n'était pas trop violente, on va dire. D'ACCORD, MAIS VOUS POUVEZ ME PARLER DE PASSAGE DU SUD-OUEST A PARIS ? C'était une grosse gifle, quoi, c'est-à-dire l'individualiste... je pense que le plus dur, c'est au niveau population, quoi, c'est-à-dire l'indifférence des gens, les transports, les stress parisiens, c'est tout ça, quoi, plus m'acclimater à la ville puis au boulot que je venais d'intégrer, euh... ce n'était pas du tout évident, quoi. » 6 http://www.insee.fr/fr/methodes/nomenclatures/zonages/commune.asp?depcom=82094 60 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Une fois acclimatés, Ludivine et Redouane ont fait le choix de territoires moins dépendants car ils ont expérimenté une pénibilité particulièrement forte des navettes (dans le cas de Redouane notamment) et les coûts de mobilité qui en découlaient. Du coup, ils se sont relocalisés, respectivement, à Dijon et à Paris. S'ils se sont installés dans des territoires aux degrés de dépendance similaires, ils ne l'ont pas du tout Îcu de la même façon d'un territoire à l'autre et ont préféré se rapprocher de leur travail ou d'aménités urbaines. Le choix d'une localisation d'abord dépendante montre que la dépendance automobile est intériorisée et ne pose pas en soi problème même pour des individus sans permis (Ludivine). Cependant, à degré de dépendance équivalent, le Îcu du quotidien n'est pas nécessairement identique. Ce qui allait de soi auparavant ailleurs devient insupportable dans l'aire urbaine d'arriÎe. La raison est certes liées aux caractéristiques intrinsèques des territoires comparés, à la complexité et à la longueur des navettes, mais aussi à la situation personnelle des individus : la localisation de leur lieu de travail, ses caractéristiques, leur statut matrimonial ou familial, les niveaux de sociabilité qui les caractérisent, la présence de liens sociaux locaux, etc. La progressivité de l'indépendance automobile et le poids de la socialisation à la dépendance automobile sont communes aux ménages qui ont grandi dans l'aire urbaine et dans des territoires dépendants de l'automobile. Pour ces derniers, il s'agit également de trouver la bonne distance entre leurs réseaux amicaux et familiaux, leurs lieux de travail et/ou d'études ainsi que les aménités en phase avec leur âge (loisirs, sociabilité extérieure, etc.) et leur statut matrimonial. Leur tâtonnement est plus ou moins important selon leur autonomie financière par rapport à leurs parents, c'est-à-dire selon qu'ils sont sortis ou non des études, et par rapport au fait qu'ils soient ou non en couple. En effet, ces différentes situations correspondent à des différences de revenus non négligeables. Le fait d'être aidé par leurs parents rend certains d'entre eux beaucoup plus sujets à des aller-retours fréquents entre une résidence en période scolaire et celle de leurs parents. Toutefois, si ces personnes sont caractérisées de modestes à cette étape de leur cycle de vie, il est fort à parier qu'elles ne le resteront pas compte tenu de leur capital social. En effet, leurs parents ne sont pas eux-mêmes modestes, comme en témoignent l'aide financière qu'ils leur procurent. Si ces individus ont quitté le domicile parental, c'est d'abord pour se rapprocher de leur lieu de travail et parce que leur précédent domicile (celui de leurs parents ou le leur) était situé dans un territoire dépendant de l'automobile qui s'est aÎré incompatible avec leurs déplacements quotidiens à l'image de Claire qui a eu plusieurs emplois dont elle a du se rapprocher à court ou moyen termes selon les caractéristiques des territoires dans lesquels elle a travaillé (du périurbain dépendant puis de l'urbain). « Donc en fait, j'ai postulé [à un poste de surveillant dans un collège], ils m'ont pris, donc j'ai... je suis restée à peu près 8 mois, donc, c'est là que j'ai pris un logement seule à Lorrez-leBocage, donc à 7 km de chez mes parents. J'ai dû faire ça parce que je n'avais toujours pas le permis, et en fait, c'était trop compliqué pour m'emmener ou me déposer. Ben, avec mes parents qui travaillaient, c'était compliqué, et en fait, par un ami de mon père, on a trouÎ un petit logement pas cher du tout, donc ça m'a permis de... d'avoir un petit pied à terre en fait, en bas du collège, sachant que je devais être très tôt au collège parce que j'ouvrais les grilles 61 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale pour les premières arriÎes de cars. Donc, c'était assez contraignant, il fallait se lever quand même assez tôt parce que les premiers gamins devaient arriver vers 7 h 30 [...] Et en fait, j'avais eu des anciens boulots dans le public heu... des années auparavant, et en fait ils m'ont rappelé, j'avais été en poste d'été, ils m'ont rappelé pour un poste vraiment concret [localisé dans Paris intra-muros]. Et c'était... c'était heu... un des services du 1er Ministre sous... sous Raffarin à l'époque, donc, ce n'était pas quelque chose à louper et puis donc, j'ai accepté, du coup, j'ai rendu mon logement. OUI. LA, C'ETAIT UN TRAVAIL DE QUOI ? QUI CONSISTAIT EN QUOI ? Alors, c'était assistante dans une commission d'indemnisation des victimes de spoliation pendant la 2ème guerre mondiale, en fait c'est rembourser tous les juifs qui ont été espionnés pendant la guerre. Donc du coup, j'ai rendu mon logement à ce moment-là parce que je me suis dit : « je vais retourner chez mes parents » et j'ai fait la navette en fait, avec le train, pendant à peu près 7 - 8 mois, j'ai fait cette navette-là, je me suis dit : « je n'ai plus la contrainte du bus ou les gamins arrivent », j'avais pris le logement quand même par rapport à ça, ce n'était pas trop mon truc de vivre seule non plus. Donc du coup, j'ai lâché ça dès que le collège, ça c'est terminé, je suis retournée chez mes parents, et en fait, les heures de boulot de ma mère le matin, ça allait avec mon train, et le soir mon père me ramenait, c'était pareil. On mettait une heure, après, non, il n'y a pas de bus. Il y a des bus scolaires en fait, pour aller au lycée, par exemple, là où je prenais le train, il y a un lycée, donc, le lycée où j'étais, il y a un bus scolaire. Mais bon, c'était un le matin et puis bon, ça ne desservait pas la gare, donc, ce n'est pas possible, quoi, ce n'était pas du tout avec mes heures de train, c'était compliqué. DONC VOUS ALLIEZ EN VOITURE AVEC VOTRE MERE ? Voilà, parce qu'en fait, ça allait avec les horaires de ma mère, elle commençait tôt le matin, donc je partais avec elle et le soir, mon père me récupérait parce que c'était aussi ses horaires. Mais bon, là, ça a changé, mais heu... ça fait à peu près 5 ans maintenant, il y avait un train le matin pour aller à Paris, donc il ne fallait pas le louper, après, c'était terminé, et un train le soir, donc, c'était assez... il fallait jongler, quoi, après, j'étais dans le public, donc, je ne finissais pas tard, mais je me serais mal vu dans le priÎ quand même, parce qu'il y avait un train, je crois que c'était 5... 5 h 45, après, c'est fini, quoi, c'était un peu compliqué. Enfin, mais je sais que ça a changé parce que là, il y en a un toutes les heures, donc ça... Et donc, au bout de 8 mois de faire les allers-retours, dans le cadre de mon boulot, je me suis rendu compte qu'on pouvait avoir une aide au logement et donc, je... j'ai atterri ici [à Paris], voilà » Claire, 27 ans, en couple, vit à Paris (HLM), a Îcu à Lorrez-le-Bocage (location priÎe) pendant 1 an puis est retournée vivre à Egreville (chez ses parents) pendant 8 mois. Une autre raison de la relocalisation et sa progressivité tient à l'offre de logements disponibles. Compte tenu de leur âge et de leur étape dans leur cycle de vie, ces ménages, célibataires ou en couple, sont modestes par construction. On se doute qu'ils ne le resteront pas toute leur vie mais, en l'état actuel, leurs ressources ne leur permettent pas forcément de se loger dans des territoires périurbains dépendantes de l'automobile où les logements sont grands et plus rares à la location. Les propriétaires préfèrent louer à des ménages avec enfants plutôt qu'un jeune couple qui n'est pas sûr de rester. Charline et son compagnon avaient contourné ce problème en proposant une colocation à leur ancien bailleur. Originaires tous les deux de Bellefon, au nord-est de Dijon, où ils ont grandi, ils 62 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale ont pris leur autonomie en s'installant à Asnières-lès-Dijon à quelques kilomètres de là : « je n'ai pas fait beaucoup de route, j'ai juste traversé la nationale » ironise d'ailleurs Charline. Leur particularité est qu'ils se sont d'abord installés en colocation pour payer moins cher tout en restant à proximité de Bellefon. Mais l'arrangement n'a pas fait long feu pour des raisons là encore financières: « Donc, on a fait un an en colocation dans une maison. Là, c'était un corps de ferme qui a été recoupé en trois. Donc, la maison jumelée, quoi, entre guillemets... toujours avec jardin, une vue magnifique, j'étais souvent derrière et puis toujours, ben, c'est vrai que l'esprit village, la proximité avec les champs, c'est vraiment, là, j'ai vraiment apprécié aussi. Bon, c'est le même type de village, un petit plus dynamique... un petit plus développé, je dirais, Asnières, il y a plus de commerces. A Bellefon, en commerce, il y a un bar, c'est tout. Sur Asnières, il y a un bar, il y a une boulangerie... il y a un pépiniériste, il y a... comment... une coopérative, il vend des légumes, etc., des produits de ferme et puis jusqu'à il n'y a pas longtemps, il y avait une petite boutique de fruits et légumes qui a fermé. Donc, visiblement, c'est un coiffeur qui va se mettre à la place. Donc, un village un peu plus dynamique, quoi, voilà. Un petit peu plus grand aussi, je crois. Mais toujours... toujours très sympa. On avait des voisins, vraiment génial... c'était vraiment sympa, quoi. Donc, moi, c'est vrai que j'appréciais beaucoup la campagne de par la population, mais aussi le fait... d'être au calme parce que c'est vraiment... ah, ah ! [...] Et puis, bon, on a la proximité avec les champs. On veut aller se promener avec les chiens, ben, on est à côté. On veut se promener tout court, on est à côté, on est vraiment... ce village d'Asnières étant à côté de Bellefon... c'est des villages qui sont tous intéressants, parce que vraiment très proches de la ville. C'est vrai que... bon, moi, j'étais au lycée en face, je mettais, allez, un quart d'heure, 20 minutes à venir, quoi. [...] Et puis, donc, en septembre 2010, donc, on a arrêté la... la colocation pour des raisons financières. Parce que l'un d'entre nous qui a... qui a eu un accident du travail, qui n'arrivait pas à se faire payer, etc., donc, soucis d'argent, donc forcément, quand on est 4 à payer et qu'on se retrouve à 3, ça va moins bien. Donc, sur une idée de tarif, on était à 900 de loyer pour la maison. Pour une maison, on avait 130 m² [...] Ah oui. C'était vraiment... on a eu vraiment de la chance parce que c'est le genre de maison en général, en colocation, ils ne lâchent pas trop, et c'est vrai qu'on a rencontré directement la propriétaire, et ben, l'agence n'a rien pu dire, quoi. Donc, vraiment de la chance parce que c'était vraiment une très, très belle maison. Ah, ah ! » Pour Charline et son ami, il est important de constater qu'ils sont restés vivre dans une commune dépendante de l'automobile tout en ayant l'impression de vivre une dépendance moindre par la présence de quelques commerces supplémentaires. Pour eux, la ville, Dijon, est très proche et son accès n'est donc pas compliqué. Cependant, ils dépendent toujours de la voiture ou tout autre mode motorisé individuel comme la moto (ils en ont une tous les deux). Ils n'envisagent d'ailleurs pas de se déplacer autrement encore aujourd'hui. Le choix de Dijon a été en partie le résultat d'un calcul de leurs dépenses mensuelles en incluant les frais liés à leurs déplacements. Ces derniers étant moindres en vivant à Dijon, ils ont décidé de s'y installer. Aujourd'hui, Charline a fini ses études en alternance (à Nevers) et gagne un salaire complet en tant que collaboratrice en assurances. Ce gain en termes de niveau de vie leur permet de moins compter leurs déplacements, d'aller plus souvent sur Bellefon où sont encore localisés leurs familles et leurs amis. Le partage d'une culture habitante 63 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale au sein du couple et la volonté de rester à proximité des siens amènent donc à des choix de localisation intermédiaire, c'est-à-dire à une localisation périurbaine mais perçue comme moins dépendante. Ainsi, Nastassia et son conjoint, après plusieurs expériences malheureuses sur Paris (17e) ou en proche banlieue (Asnières-sur-Seine) ont emménagé à Ozoir-la-Ferrière car « Ben, on s'est dit « Ozoir » parce que Ozoir, il y a la gare. C'est... la ville la plus proche de chez nos... deux parents... respectifs. ». Après avoir tenté une localisation plus urbaine, la distance à leurs proches a conduit des gens comme Nastassia à se relocaliser mais toujours à proximité d'un mode de déplacement alternatif à la voiture. Cependant, ils n'utilisent pas tous les deux le RER : seule Nastassia l'utilise pour se rendre à son entreprise située à Marne-la-Vallée, son conjoint préférant utiliser sa voiture pour se rendre à Bondoufle, de l'autre côté de Paris. Parce qu'ils partagent une même culture habitante ou un penchant affirmé pour le périurbain et les représentations qui y sont associées (campagne, calme, sécurité, famille), Charline, Ludivine, Séverine P., Nastassia ou Redouane n'ont pu adopter des localisations moins dépendantes et plus urbaines que progressivement, graduellement. Pour les 5 ménages (un peu moins pour Charline mais tout de même à travers le calcul des coûts mensuels), la dépendance automobile est devenue une contrainte importante à l'usage, à force d'expérimenter la pénibilité des déplacements nécessaires pour se rendre à leur travail, faire les courses, etc. Cependant, parmi eux, certains aspirent toujours habiter un jour une maison en périphérie, dans la mesure où les navettes quotidiennes seraient supportables. La progressivité de la relocalisation vers moins de dépendance n'est pas obserÎe pour tous les ménages. Pour les célibataires, la dépendance automobile Îcue, voire subie, joue un rôle moteur dans la volonté de quitter des territoires périurbains où vivent encore leurs propres parents. Laurence B., 22 ans, vit à Paris où elle travaille en tant que vendeuse et fait ses études de commerces. Sa propre expérience et celle de ses parents à Nanteuil-lès-Meaux fait en sorte qu'elle souhaite plutôt rester vivre, au moins pendant qu'elle est jeune, dans une localisation urbaine et hypercentrale comme Paris ou à proximité de cette dernière : « À Paris. Déjà, je dors plus... je dors plus et ça, c'est super important, je ne fais plus... je ne suis plus serrée dans le train heu... de Meaux - Gare de l'Est, parce que ce train-là le matin, il est horrible. [...] Eux [ses parents], dès qu'ils rentraient du travail, leur but, c'était d'aller se poser à la maison, alors que moi, je cherchais toujours à partir après les cours, le mercredi, le week-end, oui, moi, c'était tout le contraire et à chaque fois que je demandais à mon père « tu peux me déposer sur Paris quand tu vas travailler », il me disait « mais qu'est-ce que tu... enfin..., tu n'en as pas marre, c'est tout le temps... il y a tout le temps du bruit à Paris ». J'aime bien, ça bouge, il y a des gens, enfin, il y a de l'ambiance, quoi, je lui disais « j'ai envie de m'acheter une paire de baskets », à Meaux, le lundi je ne peux pas parce que tout est fermé, à 18 h, il n'y a plus rien, enfin, même, il n'y a pas de choix, il n'y a pas de magasins, il y a une rue piétonne et heu... il y a quoi... il y a... il n'y a rien... il n'y a rien... il y a un Sephora, donc, pour s'habiller, 64 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale c'est pas top, quoi, et c'est tout, donc voilà. C'était surtout le fait d'avoir tout à côté... tout à porter de... enfin, tout à disposition, le transport... [...] C'est par rapport au prix, quoi, moi, j'essaie... j'essaie de... de me renseigner quand même, voir si c'est possible d'avoir un appart toute seule sur Paris et heu... avec le salaire que j'ai, mais c'est... pff... c'est dur à trouver, bon, je ne suis pas en recherche non plus, mais heu... C'est vrai quand je vois des annonces ou des trucs, j'essaie de regarder, et si... si je ne trouve pas... enfin, plus tard, après l'école, si je ne trouve pas un appart toute seule, je suis prête à revenir sur Meaux juste à côté de la gare, comme là, pour pouvoir quand même être toute seule. Mais c'est vrai que... je le dis, mais vraiment comme ça... parce que... parce que maintenant, je suis habitué à l'ambiance de Paris, j'aime bien sortir quand j'ai envie, savoir que tout est toujours ouvert donc, voilà. [...] Ben, moi, c'est surtout pour les frais, mais... c'est vrai que j'ai voulu habiter sur Paris, c'est plus pour être proche de tout que pour heu... que pour heu... enfin, c'est plus pour l'ambiance et tout, que pour le transport, ça, ça ne me dérange pas d'être ici et d'aller sur Paris. Pour ça, je l'ai toujours compris parce qu'en fait, pour moi, c'était normal parce que mes parents le faisaient tous les matins, heu... même ici, les gens, ils vont tous... tout le monde fait ça, tous les gens de Meaux, enfin, je pense que, je dis peut-être n'importe quoi, mais je suis sûre que presque plus de 50 % des gens qui habitent à Meaux travaillent sur Paris, tout le monde le matin avec sa mallette... va prendre le train heu... Enfin, c'est vraiment le train blindé, quoi, donc, pour moi, c'est normal, même je fais beaucoup... [...] Humm. Non, non. Non, mais je ne veux pas compter sur une voiture pour, enfin... pff... je suis trop souvent en panne... enfin... quand on est toute seule, c'est vraiment chiant, parce que moi, ma mère, quand elle était en panne, mon père, il venait la chercher n'importe où elle était, mais bon... moi... enfin, j'ai toujours peur... de tomber en panne ou de... Donc, je préfère vraiment être à côté des transports, être libre de vouloir prendre ma voiture ou non, parce que là, j'aimerais bien m'acheter une petite voiture... parce que des fois... je n'aime pas rentrer tard toute seule, mais bon, je ne le fais pas parce que je ne saurais pas où la garer, etc. Mais non, en fait... ce qui... ce qui... me déplaisait vraiment ici, c'était Nanteuil, quoi, le fait d'avoir un bus, là, ici, ça va, voilà, après, il y a encore mieux là-bas. » Ces différents extraits pointent en quoi il est difficile de vivre dans une localisation dépendante de l'automobile. Attirée par Paris et ses activités, Laurence a fini par y vivre. Elle souhaiterait idéalement y rester mais ses revenus l'en empêchent. De même, elle n'envisage pas d'y élever des enfants. Même si ardemment souhaitée, l'urbain et plus précisément Paris sont avant tout des localisations propices à une étape de la vie : celle où on n'a pas encore d'enfants. On notera que la pénibilité des transports (le train bondé) ou le fait de dépendre d'autrui (ses parents) pour se déplacer ont conduit Laurence B. à préférer une destination moins dépendante de l'automobile. Si elle n'envisage pas de rester sur Paris par réalisme économique, elle entend plutôt habiter une ville comme Meaux, certes 65 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale moins animée que Paris mais plus propice à la verdure et où des alternatives modales à la voiture sont présentes pour se déplacer. Pour les jeunes couples, le décalage dans les cultures habitantes peut conduire une personne issue de ce périurbain à y renoncer plus définitivement. Avoir un conjoint natif de l'urbain ou dégouté du périurbain dépendant conduit à adopter un mode de vie et d'habiter plus urbain. Le refus d'une telle dépendance tient d'abord au fait que le conjoint dont la culture habitante n'est pas compatible ne dispose pas des instruments nécessaires pour faire face à la dépendance automobile, à savoir le permis. C'est notamment le cas d'Abdel (29 ans, 1 enfant) dont la femme n'a pas le permis. Elle a essayé de le passer plusieurs fois mais n'en a jamais eu besoin car elle a grandi à Bonneuil-sur-Marne (94), commune où se trouvent commerces et transports. Abdel et sa femme désirent acheter mais ne souhaitent pas s'éloigner de la petite couronne justement à cause des transports et du fait qu'ils travaillent tous les deux dans Paris. Claire (27 ans) est dans un cas de figure analogue : son conjoint n'a pas le permis car il a grandi dans Paris et n'a jamais éprouÎ le besoin de le passer. L'absence de permis est fortement liée à une volonté de rester habiter dans de l'urbain : « Mon ami, il a 29 ans, il n'est toujours pas Îhiculé parce que lui, il était en banlieue, il a toujours pris les transports. [...] Mon ami, lui, il est ville, ville. Il n'est pas du tout campagne. Ce n'est pas son truc, il n'a pas le permis... Enfin il n'a pas été éleÎ à la campagne. De toute manière quand on va chez mes parents [à Egreville], il s'embête, il ne reste pas 3 heures dans le jardin. » Claire, 27 ans, en couple, vit à Paris (HLM), a Îcu à Lorrez-le-Bocage (location priÎe) pendant 1 an et à Egreville (chez ses parents). En dehors de la question pratique de l'outillage nécessaire (nous avons vu que des personnes sans permis étaient tout à fait capables d'y résider), l'absence d'alternative pratique à la voiture, à savoir les transports collectifs, fait aussi office de repoussoir. Les personnes concernées refusent de vivre sans les modes de transports qui leur procurent une autonomie de déplacements. Une telle volonté alliée à des opportunités d'un logement dans une localisation plus centrale et à moindre coût (HLM) conduit alors l'autre partie du ménage, celle qui a Îcu dans les territoires périurbains dépendants de l'automobile, à adopter un autre regard sur les territoires dans lequel il a Îcu et où il aurait aimé rester initialement. Claire le reconnaît : « Au début, c'était un peu dur [de s'installer à Paris], mais finalement aujourd'hui j'aurai du mal à retourner en campagne. [...] Avant j'aurai voulu être à 5 km de mes parents. [...] Je préfère être là [à Paris]. Egreville, maintenant c'est fini. Alors que je n'aurai pas dit ça. Mais mon ami, lui, a été éleÎ à Paris jusqu'à ses 15 ans, dans le 12e. Il n'a pas du tout la même image que moi de l'enfance à Paris. Moi, je voyais plus le côté jardin, lui il me dit « tu ne restes pas enfermé, il y a des parcs, on visitait plein de musées ». Finalement je pense que j'arriverai à élever mes enfants ici, alors qu'il y a 1 an en arrière, je n'aurais pas dit ça. [...] J'aurai rencontré quelqu'un de la campagne, j'y serai restée, quoi, c'est bête à dire. Oui je travaillerai sur Paris et je ferais sûrement les aller-retour ». La perception négative de la dépendance automobile et de ses territoires peut être aussi antérieure à la mise en couple en fonction de sa propre expérience ou de celle de son réseau familial, plus particulièrement ses parents. Dans ce cas, la mise en couple ne fait que la renforcer. S'il désire accéder à la propriété, Adbel ne souhaite pas pour autant s'éloigner. Il est important pour lui de rester à proximité des transports. Il l'a mal Îcu et ne souhaite pas le revivre. En plus, il ne 66 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale souhaite pas que sa femme soit trop dépendante de lui pour se déplacer. Sa mère n'a pas le permis et, vivant à Dammartin, elle est fortement dépendante de son mari ou de ses enfants pour se déplacer. Au final, quitter le domicile parental localisé dans un territoire dépendant de l'automobile ou s'en éloigner participe à une relocalisation plus ou moins progressive vers des territoires moins périurbains du fait du Îcu de cette dépendance et de ses conséquences (pénibilité et coût des déplacements). Le référentiel parental est multiple. Il est un repoussoir (« on ne veut pas subir ce qu'ils ont subi ») ou un modèle (« ils sont partis, nous n'avons pas de raisons d'y rester »). Le terme de repoussoir ne doit pas non plus faire croire qu'il y a des antagonismes entre les individus et leurs parents. Leur expérience et leur Îcu sont vus comme aux antipodes des projets de vie ou d'une phase dans leur cycle de vie envisagés par leurs enfants. De même, le modèle parental d'habiter périurbain peut jouer dans un sens comme dans l'autre : modèle ou repoussoir. Un moindre degré de dépendance à l'automobile peut être Îcu comme temporaire, le temps de se mettre en couple, de pouvoir accéder à la propriété et de retourner vivre à la campagne, comme ses parents. De ce fait, ces deux référentiels, le repoussoir et la reproduction, se rencontrent en chacun. Ils représentent la dualité permanente entre la volonté d'une homogamie sociale (« faire pareil que ses parents ») et résidentielle tout en faisant mieux (« faire mieux que ses parents ») et en accord avec l'idéal ou l'illusion d'une identité propre et singulière (« faire pour moi en tant qu'être différent »). Si les mouvements résidentiels précédents étaient liés au cycle de vie des personnes, à ses évolutions et à ses bifurcations, les affres de la dépendance automobile ressortent très fréquemment dans leurs discours. Si cette dépendance n'est pas ou peu prise en compte au moment de l'installation, elle ressort beaucoup plus nettement dans le choix de quitter ces territoires. Pour plusieurs ménages, la difficulté à vivre dans ces territoires est telle qu'elle provoque un mouvement résidentiel vers des territoires moins dépendants indépendamment des évolutions ou bifurcations de leur cycle de vie. Dans ce cas, la dépendance automobile et les coûts des déplacements engendrés par cette dernière participent clairement à motiver le départ. Par coûts sont désignés les coûts économiques (dépenses liées à la voiture, à son fonctionnement et à son entretien) ainsi que la pénibilité des déplacements associée à la dimension incontournable de l'automobile ou de modes de transports motorisés individuels. 3. Quitter le périurbain dépendant de l'automobile ou le signe plus profond d'un désenchantement du « tout automobile » 67 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale 3.1. Le rôle moteur de la pénibilité des déplacements dans le choix de quitter un territoire dépendant de l'automobile Comme il a été vu précédemment, le choix d'un territoire indépendant de l'automobile est souvent lié à des considérations relatives aux transports, à leur pénibilité, à leurs coûts financiers. Si la relocalisation est progressive, les individus reconnaissent après coup le gain effectué en la matière. Dans de nombreux cas, l'objectif exprimé a clairement été de se rapprocher de leur lieu de travail situé dans des localisations plus centrales et moins dépendantes et/ou d'aménités urbaines qui permettent de se passer facilement de la voiture dans la vie de tous les jours. Le déménagement est donc doublement motiÎ par la dépendance automobile. Il est d'abord la résultante de la dépendance automobile envisagée comme absence d'alternative modale à la voiture (Coutard et al. 2002; Dupuy 1999). Il est ensuite lié à l'absence de commerces et de services dans la commune de résidence (Motte-Baumvol 2007). Dans le premier cas, se déplacer pour se rendre à son travail se réÏle coûteux à la fois en temps, en argent et en fatigue physique (bouchons en voiture, rames bondés en train, etc.) (Le Breton 2008). La pénibilité est d'autant plus vive que les ménages rencontrés sont modestes et présentent des horaires de travail dits atypiques (nuit, décalés, etc.). Leurs horaires de travail les empêchent de recourir à des alternatives modales comme les transports collectifs (modulo une partie du trajet en voiture). La pénibilité des déplacements est alors plus importante encore car ces horaires atypiques ne leur garantissent pas forcément d'éviter les encombrements sur la route. Ces encombrements sont d'autant plus difficiles à éviter que la grande majorité des personnes rencontrées avaient des lieux de travail localisés dans le centre de l'agglomération (Paris et la petite couronne ; Dijon et ses communes limitrophes). Avoir un mode de vie réellement périurbain (résider dans le périurbain dépendant, travailler et/ou faire ses activités dans des territoires plus denses) participerait alors à la pénibilité des déplacements automobiles pour les ménages modestes. « Mais ce qui me posait vraiment problème, c'est au niveau de la distance, quoi, c'est-à-dire que je mettais à peu près 3/4 d'heures, quoi, euh... c'était lourd, quoi. Le soir à la rigueur, j'étais frais mais le matin, quand il fallait que je prenne la route, quoi, c'était fatiguant. Donc, ça, au bout d'un moment... [...] Ce n'est pas du tout mon délire, quoi, à la rigueur je préfère être malgré moi, enfin, un pollueur, quoi, plutôt que de prendre le RER, je n'aime pas trop les transports en commun, je ne suis pas trop fan. Ben, c'est la population, quoi, disons que c'est... je compare à la voiture, quoi, on est dans son habitacle, on met la musique qu'on veut on est, entre guillemets, libre d'avoir le rythme qu'on a, quoi, tandis que le RER, on est là, speed, les horaires et tout, et puis une fois qu'on arrive là-bas, il faut marcher un petit peu, c'est ça, les bus et tout... HUMM, ÇA AURAIT PEUT-ETRE ETE MOINS FATIGANT DU COUP, POUR FAIRE LE TRAJET ? Moins fatigant, je ne sais pas parce que le problème, c'est que c'est vraiment au niveau... timing, quoi, c'est-à-dire le stress, en fait, ça rajoute du stress, c'est-à-dire, il faut qu'on se dépêche pour prendre le RER, faut qu'on voit les horaires euh... arriÎ sur place, pareil, enfin on n'est pas couché très tôt, quoi. Tandis que le Îhicule permet d'aller d'une porte à l'autre, quoi. Donc, c'est plus direct... mais ça aurait été aussi beaucoup plus économique parce que j'avais les transports gratuits et ça m'aurait permis de faire pas mal d'économies. 68 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale ET VOUS AVEZ FAIT LE CHOIX EN FAIT, ET ÇA REPRESENTAIT A PEU PRES COMBIEN, VOTRE BUDGET VOITURE ? C'était énorme. Ben, je faisais pratiquement un plein toutes les deux semaines, ça fait 120... à peu près 150 voire même un petit peu plus par mois rien que pour les petits déplacements entre le boulot et... Donc, c'était quand même conséquent donc... mais voilà, le point négatif, c'était la distance, quoi. Distance et puis un petit peu aussi au niveau sortie, quoi, ce n'était pas évident parce que...Bon, moi, j'étais Îhiculé, donc ce n'était pas un problème, mais disons que si je voulais sortir sur Paris, enfin sur Maincy, déjà, ce n'était même pas la peine, il fallait l'oublier ça, quoi, mais sur Paris, oui, le trajet, après.... » Redouane, 27 ans, gardien de la paix à Paris (13e), célibataire, sans enfant, vit à Paris (HLM) depuis 2008, a Îcy à Maincy (location priÎe) de 2005 à 2008. « Le problème que l'on ne rencontre pas à Paris, enfin, on s'en fiche de savoir à quelle heure on termine, à quelle heure on finit, il y a toujours un taxi, c'est jamais hyper cher, enfin, j'imagine qu'en tant qu'étudiant, ça doit être un peu plus cher, mais... enfin, il y a les Noctambus, enfin, il y a toujours un moyen de rentrer chez soi... sans trop se prendre la tête, quoi. En banlieue, on n'a pas tellement le choix, on est obligé d'avoir une voiture. Si on veut aller de banlieue à banlieue, c'est aussi... c'est épique, quoi. Il faut passer par Paris, pour revenir sur la banlieue, enfin, c'est... » Danielle, 36 ans, formatrice en assurance à Puteaux, en couple, sans enfant, vit à Paris 19e (propriétaire) depuis 2010, a Îcu à Villevaudé (propriétaire) de 2005 à 2010. « Mais ce n'est pas du tout la même chose, Gouvernes c'est un petit village... où il y a beaucoup de paysans... et c'est très mal desservi au niveau des transports en commun [...] Et donc après, j'ai fait une demande à la préfecture de police pour avoir un appartement pour me rapprocher de mon travail, parce que je mettais 1 heure, 1 h 30 pour aller travailler, aller, donc, la même chose au retour ! [...] Humm... des fois ça roulait, des fois ça ne roulait pas... la A4, le matin, c'est un peu... aléatoire... des fois, ça roule comme dans du beurre et vous arrivez, nickel. Et comme j'ai des horaires un peu atypiques... des fois, ben, je tombais dans les bouchons, surtout le soir quand je rentrais, quand je finissais... parce qu'avant, j'étais en cycle... 4 jours de travail, 2 jours de repos, mais je faisais 4 matinées ou 4 après-midis. Donc, quand j'étais du matin, je commençais à 6 h 30 jusqu'à 15 h, et à 15 h, quand vous prenez le périph, ben... vous rentrez chez vous, il est 4 h 30, 5 h. Donc... ça fait une peu... un peu beaucoup, quoi. Et les transports, c'est ça qui me cassait le plus parce que j'étais... je dormais dedans. Donc après, quand j'arrivais, j'étais lessiÎe, donc après, je me suis dit : « non, c'est bon » et puis là, d'ici, même en bus... en bus et en métro, j'y suis en... allez, on va dire en 15 minutes maximum. » Christelle, 34 ans, gardien de la paix à Paris (16e), en couple, 1 fils de 13 ans (issu d'une précédente union et qui vit avec ses grands-parents), vit à Boulogne (HLM) depuis 2009, a Îcu à Gouvernes (location priÎe) de 2004 à 2009. 69 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale « Et puis moi j'ai pris un appartement à moi, à St Colombe aussi en 2005. J'ai rencontré mon ex-compagnon là-bas. On y est resté trois ans à peu près pour ensuite aménager à Boulogne et de Boulogne j'ai emménagé ici. ET POURQUOI A BOULOGNE ? Pour le travail, car là-bas, les transports, c'est deux heures minimums et il y a toujours des retards, ça marche pas très bien, quoi mais sinon c'est plus pour le transport car le cadre de vie euh..c'est bien là-bas (rire).» Nelly, 26 ans, secrétaire en intérim, célibataire, 1 fils de 14 mois, vit à Ivry-sur-Seine (HLM) depuis 2010, a Îcu à Sainte-Colombe (location priÎe) de 2005 à 2008. « Il y avait 2 heures de transport [pour aller sur Paris], il fallait trouver déjà, demander à une de mes filles qui vienne qui nous emmène en voiture, ou quelqu'un qui nous dépose en voiture à la gare ou au car, parce qu'il y avait un car de Maincy à Melun, il y avait quoi ? 8 kilomètres, 7 kilomètres... euh... non, donc, du coup, on était content de quitter la Seine-et-Marne.» Martine, 61 ans, magasinière au chômage et bientôt à la retraite (ne recherche pas d'emploi), en couple (mais ne vivent pas ensemble), 6 enfants entre 41 et 30 ans, vit avec 2 d'entre eux à Champigny-sur-Marne (HLM) depuis 2004, a Îcu à Maincy (HLM) de 1994 à 2004. La pénibilité est telle qu'elle motive à elle-seule un retour de ménages modestes vers des territoires moins dépendants de l'automobile (urbains notamment) à condition que leurs revenus et/ou leur emploi leur donne accès à des logements privilégiés. Elle est d'autant plus déterminante dans les choix de localisation lorsqu'un éÎnement comme le chômage survient. Martine s'est retrouÎe licenciée pour motif économique de son emploi de magasinier à Vaux-le-Pénil. Avant elle travaillait à Sucy-en-Brie et, lorsque son entrepôt a été délocalisé en Seine-et-Marne, elle avait fait le choix de conserver son emploi. Chef d'une famille monoparentale nombreuse (6 enfants dont 4 qui vivaient encore avec elle), elle ne semblait pas particulièrement attachée à son territoire de résidence et a donc suivi son employeur plutôt que de partir au chômage (Vignal 2005). Elle a donc quitté Chennevières-sur-Marne (94) où elle résidait pour s'installer à Maincy et « pour ne pas faire 1h30 de transport aller ». Comme Martine n'a pas le permis, elle avait quelques difficultés à se déplacer mais ces difficultés étaient finalement supportables tant qu'elle avait son emploi sur place. Un système de covoiturage entre employés qui avaient les mêmes horaires était organisé au sein de l'entreprise. Pour les courses et autres déplacements, Martine reconnaît avoir dû faire appel à la solidarité familiale, à ses enfants : « on n'avait pas de transport, pas de voiture, on dépendait de quelqu'un, moi, je n'ai pas mon permis ». Une fois licenciée, Martine a préféré retourner dans le Val-de-Marne, à Champigny : « on est revenu sur Champigny pour la bonne et unique raison, c'est qu'on s'est retrouÎ au chômage ! La maison a fermé, donc on s'est dit, il n'y a plus rien qui nous attache ici [...]. ». La plupart de ses enfants ayant quitté le domicile parental, elle s'est retrouÎe seule et sans ressources pour faire face à la dépendance automobile de son lieu de résidence. N'étant pas originaire de Maincy, son réseau social local était limité à ses enfants qui ne sont pas restés y vivre quand ils ont décohabité. Plutôt que de passer le permis et d'acheter une voiture, elle a préféré retourner vivre dans le Val-de-Marne, où elle avait la possibilité d'être autonome pour ses déplacements et où elle pouvait accéder à un logement social à prix avantageux. 70 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale L'absence d'emploi et la difficulté à en retrouver sur place sans mode de locomotion autonome incite alors ceux qui vivaient dans le périurbain dépendant de l'automobile parce que leur travail s'y trouvait à retourner vers des localisations moins dépendantes de l'automobile, d'autant plus lorsqu'ils sont issus de territoires peu dépendants. Dans le chantier 1, nous avons vu que ces emplois (ouvriers pour beaucoup) étaient plus proches des territoires investigués. Les ménages restent dans ces territoires car leur ancrage familial local (Vignal 2005; Coutard et al. 2002) leur permet de compenser la dépendance automobile. Martine n'avait aucun réseau présent pour compenser et a donc tout naturellement choisi de revenir dans un territoire moins dépendant où elle n'aurait plus à être dépendante de l'automobile et de ceux qui peuvent la conduire. Ce choix était d'autant plus important que, se retrouvant inoccupée, elle a pu mesurer pleinement la difficulté à entreprendre des déplacements pour effectuer la moindre activité (aller se ballader dans Paris, faire des formalités, etc.). Au-delà de la pénibilité ressentie des déplacements et de leurs coûts, l'autre aspect de la dépendance automobile renvoie à l'accessibilité à des commerces et des services. Si les communes considérées ne sont pas desservies par les transports collectifs et ne présentent donc pas une alternative modale à la voiture pour effectuer de longues distances, elles ont été aussi étudiées pour leur absence de commerces et de services accessibles au moins à pied. Pour plusieurs personnes rencontrées, cette absence est perçue comme un isolement qui devient insupportable et nécessite une relocalisation vers plus d'aménités et donc plus d'urbanité. « Beaucoup transport, et aussi le fait est, que je m'ennuyais, en grande banlieue je m'ennuie. Je sais pas, y a, euh, je comprends complètement qu'il y ait des gens qui préférent faire une heure et demie de transport le matin et une heure et demie de transport le soir pour être à la campagne. Mais moi non, et y a pas que ça, il y a aussi le fait que j'ai, j'ai tendance à dire que j'aime bien être au centre du monde, je sais pas comment expliquer. Je comprends aussi qu'on soit stressé de vivre à Paris car regardez hier, j'étais coincé dans le rer, tout ça mais en même temps, si j'ai pas cette activité-là, je m'ennuie. Après j'aimerai bien que le RER arrive à l'heure tout ça, c'est pas qui me plaît, mais j'ai besoin que ça bouge, de ne pas me dire, mon Dieu, je suis isolée, c'est psychologique, heuin, je sais pas mais si j'ai rendez-vous avec une amie on se dit à bah tiens dans 20 min je suis à Opéra, ou je sais pas comment expliquer. » Edwige, 45 ans, pigiste à mi-temps, divorcée, 1 fils de 5 ans (issu d'une union après son divorce), vit à Vincennes (propriétaire) depuis 2004, a Îcu à Soignolles puis à Emerainville avec son ex-mari (propriétaires) jusqu'en 2003 (ils ont divorcé 1 an après leur retour). « Oui, c'était parce qu'on n'avait plus rien à faire en HLM, hein... on avait des revenus qui nous permettaient enfin de partir du HLM, on voulait un pavillon pour nos filles, un autre cadre de vie parce que bon, là où on vivait, ça s'est dégradé... [...] À Champ sur Marne. Donc... on voulait partir tout en restant proche de la famille. Parce que moi, j'ai toute ma famille ici, donc... on ne voulait pas trop partir loin. Enfin... Favières, on a eu un coup de coeur au départ. Normal, ben, ça nous changeait du béton, hein... c'était la campagne et puis... et puis au final, 71 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale les premières années ont été bien pour moi, au début, hein. Je veux dire, les deux premières années, ça va, je me sentais bien et puis après, non, je ne me sentais plus bien parce que c'était complètement isolé. [...] Donc, au début, c'était sympa et puis après, c'est devenu... après, l'isolement, c'était... même pour les enfants parce que la grande a grandi, et ben il n'y a pas d'activité. Il n'y a rien à faire... et puis c'est désert, hein, parce qu'en fait, les enfants, il n'y en a pas beaucoup dans les rues. De toute façon, il n'y a rien à faire là-bas, ce n'est qu'une rue, donc... HUMM. À PARTIR DE QUAND VOUS AVEZ CHANGE DE POINT DE VUE, FINALEMENT ? Ben, 2 ans après. Ça ne faisait que 2 ans que j'étais sur place et là, j'ai commencé à me dire : « non, ce n'est pas une vie, quoi ». [...] Ben pour moi... moi, peut-être que... moi seule sans enfant, j'y serais restée parce que le calme, tout ça, c'est bien, mais j'ai... mais c'est quand j'ai vue ma fille, la grande grandir... grandir, l'adolescence et elle était là à ne rien faire. Je me suis dit, ben, « elle ne peut pas aller avec ses autres amis », enfin, dans la rue, il n'y avait qu'une amie qui était avec elle au collège, enfin, bon, c'était restreint, mais bon. Ne serait-ce que d'aller au cinéma ou... enfin, faire des activités, des loisirs, des... culturels tout ça... c'est elle qui m'a... j'ai dit : « non, ce n'est pas possible. » [...] Donc, c'est la grande qui m'a... le facteur déclencheur, je me suis dit : « voilà, quoi, si jamais demain je tombe en panne de voiture, alors là, je suis isolée de tout ». » Samia, 42 ans, secrétaire à mi-temps à Favières, en couple (divorcée par ailleurs), 2 filles de 19 et 14 ans, vit à Serris (HLM) depuis 2007, a Îcu à Favières de 2001 à 2007. « C'était drôle parce que j'ai habité pendant 20... pendant plus de 20 ans à Noisiel, donc habituée à avoir tout à portée de main, c'est-à-dire un petit centre commercial, vous prenez 2 stations de RER, vous y êtes... sortir à droite à gauche... vous avez toujours quelque chose à proximité, alors qu'à Gouvernes, vous arrivez, il n'y a quasiment rien, il y a une boulangerie, il y a un garage, il n'y a pas grand-chose, quoi. Donc, ça été un peu difficile et puis, d'être un peu... même si on avait la voiture... enfin, lui, avait la voiture, on était un peu loin de ma grand-mère qui était encore là... et... ben, de sa famille à lui parce que sa famille habitait... enfin, habite toujours à Noisiel. C'est vrai que ce n'était pas... on était plus souvent à Noisiel que chez nous. Ben, chez nous, on ne rentrait que, quasiment que pour dormir, quoi. » Christelle, 34 ans, gardien de la paix à Paris (16e), en couple, 1 fils de 13 ans (issu d'une précédente union et qui vit avec ses grands-parents), vit à Boulogne (HLM) depuis 2009, a Îcu à Gouvernes (location priÎe) de 2004 à 2009. « Oui, 2004, oui, c'est ça. Et là, on a trouÎ... une petite maison... près de chez mes parents, parce que là... Là, en fait, c'est toujours pareil, j'avais enfin accepté de faire le trajet, mais je voulais quand même que ma fille... ne soit pas laissée à l'abandon. Mes parents ont repris le relais, ben, de la garde. Mais c'était une petite maison... qui était loin de tout. Loin des écoles, loin de la gare et c'était la période où les trains avaient toujours un problème. ET C'ETAIT QUOI COMME COMMUNE ? C'était à Pommeuse, enfin... à Saint-Augustin. C'était limite le... 72 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale LE VILLAGE A COTE, QUOI ? Voilà, un village à côté. Ce n'était quand même pas loin de chez mes parents, voilà. Et puis en fait, j'ai dit : « Mais ce n'est pas vrai ! Il n'y a rien, pas de commerce... » Et puis moi... moi, je voulais vivre à la campagne, mais dans une ville, toujours vivre à la campagne, mais dans une ville, avoir tout à côté. [...] Des commerces, mais pas... mais pas de transports, donc... En fait, c'est le mot village qui ne doit pas me plaire. Il faut que ça reste une ville, quand même. COMMENT VOUS LA DEFINISSEZ, LA DIFFERENCE ENTRE VILLAGE ET VILLE ? Pour moi, un village... c'est un petit centre-ville riquiqui où il y a un minimum de commerces... avec des maisons autour. Alors qu'une ville, on a tout ce qu'il faut, on a plusieurs boutiques de Ðtements, on a... une poissonnerie, on a... je ne sais pas... plusieurs coiffeurs, la Poste, des pharmacies. Enfin, on a le choix, quoi. » Sylvie, 47 ans, documentaliste dans une banque à Paris, mariée, 2 enfants de 19 et 13 ans, vit à Coulommiers (location priÎe) depuis 2007, a Îcu à Pommeuse (location priÎe) de 2004 à 2007. L'absence de services, de commerces ou d'activités dans la commune ou à proximité piétonne du domicile (les communes peuvent être étendues) rend difficile la vie exclusivement dans ces communes. La prise de conscience est plus ou moins longue. Elle est d'abord liée à la façon dont les individus avaient anticipé le degré de dépendance du territoire dans lequel ils se sont installés (Sylvie, Christine). Elle est aussi déterminée par la composition du foyer et l'exposition aux affres de la dépendance automobile de ses membres. Samia s'est rendu compte de son « isolement » à l'adolescence de sa fille aînée, cette dernière devant nécessairement être Îhiculée et ne pouvant se déplacer seule faute d'être en âge d'avoir le permis. Ce rôle de parent taxi a été endossé par Samia par peur que sa fille n'utilise des modes de transport comme un Îlo ou un scooter. De fait, tant que les enfants sont petits, vivre dans un territoire dépendant de l'automobile n'est pas tant problématique en dehors de la gestion des horaires de garde et de leur récupération à l'école. Avec l'adolescence et la quête d'autonomie dans les déplacements qui l'accompagne, la gestion des déplacements au sein de la famille tend à devenir plus complexe. Soit les parents à l'image de Samia décident de revenir dans un territoire moins dépendant, soit les enfants eux-mêmes finiront par se relocaliser pour leurs études ou leurs entrées dans la vie active (Abdel, Nastassia, Claire, les enfants de Martine, etc.). La relocalisation est d'autant plus recherchée que ces ménages sont modestes et n'ont pas forcément les moyens d'assurer les déplacements de l'ensemble de la famille. Abdel a grandi dans une fratrie de 10 frères et soeurs, Nastassia a cohabité avec sa soeur et ses 3 demi-soeurs. Par leur taille, ces ménages disposent forcément de revenus modestes. Dans les deux cas, ces ménages sont monoactifs. Avec un salaire et plusieurs aides sociales, ils ont néanmoins un niveau de vie qui est bas compte tenu du fait qu'ils comptent plus de 3 unités de consommation (au moins 4 pour les parents d'Abdel et 3.1 pour les parents de Nastassia). Les deux ont particulièrement mal Îcu leurs adolescences dans des territoires qui supposaient de redoubler d'inventivité pour s'en extraire car leurs parents ne pouvaient les accompagner (la mère d'Abdel n'avait pas le permis et son père travaillait ; la belle-mère de Nastassia ne pouvait se déplacer facilement avec 3 enfants en bas âge et son père travaillait). A l'inverse, au sein de ménages plus petits (couples), le désir de relocalisation face au Îcu de la dépendance est différemment ressenti d'une personne à l'autre. Christelle ne l'a pas éprouÎ immédiatement alors qu'elle n'avait pas le permis car son ami la conduisait partout, entre autres au 73 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale train pour aller travailler. Pour Edwige, qui travaillait à domicile, l'isolement a été difficile à vivre faute d'avoir le permis. Contrairement à Christelle, elle n'avait pas un travail qui lui permettait de sortir de ce territoire où il n'y avait rien. Cependant; se relocaliser dans l'urbain central, y compris lorsqu'on obtient un HLM, n'est pas pour autant toujours synonyme de confort et parfois si l'on perd en dépendance automobile, sur le plan du logement, le mieux n'est pas toujours au rendez-vous. Aujourd'hui, Christelle vit dans un 2 pièces en assez mauvais état avec son conjoint, la soeur de son conjoint et ses enfants. Au final, si les deux versants de la dépendance automobile (absence d'aménités et coûts au sens large des déplacements) motivent chacun des déménagements vers des territoires moins dépendants, ils se complètent et se renforcent l'un l'autre dans le choix de cette mobilité résidentielle. En effet, plusieurs extraits utilisés pour chacun des versants de la dépendance émanaient des mêmes personnes. Le cas de Séverine Y. illustre particulièrement bien le double impact de la dépendance automobile : « Mon mari, travaillant à Quétigny, il fallait trois quarts d'heure pour aller travailler et revenir. Donc... trois quarts d'heure, ça veut dire que, comme il prenait à 8 h, il partait... ben à 7 h 15. Euh... nous, on dormait à 7 h 15. Il rentrait le soir, donc, il finissait à 17 h... il rentrait, il était 18 h. En plus, le soir, ça roulait encore moins bien que le matin. Et puis, ben à 18 h, il n'avait qu'une seule envie, c'était de se poser et puis être calme... être au calme. Et comme moi, j'étais toute la journée enfermée, etc., j'avais qu'une envie quand il rentrait le soir, c'est de sortir. Donc, ben, c'était remonter dans la voiture vite, et puis partir vite, donc... donc, ben voilà, quoi. On restait dans les magasins jusqu'à 20 h... ben, jusqu'à limite la fermeture parce que c'était le seul moment, on va dire, social, de la... de la journée. Et puis, ben, un jour, j'ai dit : « ben, écoutes, c'est bien gentil tout ça, mais il n'y a plus trop de choix, il faut qu'on bouge, il faut bouger parce que ça ne va pas le faire, quoi. » [...] Et on est passé à un appartement qui est très lumineux parce qu'il y a des baies vitrées partout. Très grand, et formidable pour moi, en centre-ville, avec, ben, 2 systèmes de bus, parce que je n'ai pas de permis. Ce qui fait que ben... pas de vie et pas de contact. Je me suis retrouÎ ben... libre de... de pouvoir partir en pleine journée si j'en avais envie. De prendre mes enfants, de prendre le bus et puis d'aller et venir comme je voulais. » Séverine Y, 33 ans, opératrice en PAO, mariée, 2 garçons de 9 et 8 ans, vit à Dijon (HLM) depuis 2006, a Îcu à Quemigny-Poisot (location priÎe) de 2004 à 2006. Précédemment propriétaires d'un pavillon dans le périurbain nantais, Séverine et son mari Grégory (respectivement originaires de Châtellerault et de Normandie, ils se sont rencontrés à Tours) sont arriÎs sur Dijon pour trouver du travail, Grégory étant au chômage et n'arrivant pas à trouver sur Nantes (Séverine était en congé parental à l'époque). Il a été embauché rapidement et a dû chercher un logement en toute urgence. Vivant dans le périurbain nantais qu'ils appréciaient, ils se sont tout naturellement tournés vers un territoire aux caractéristiques similaires à leur arriÎe dans l'aire urbaine dijonnaise. Cependant, ils n'ont pas Îcu les choses de la même façon. Grégory a goûté à la pénibilité des déplacements pointés plus hauts et Séverine a subi de plein fouet l'isolement également décrit auparavant. Ils ont chacun Îcus les deux aspects de la dépendance automobile et 74 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale ces aspects ont renforcé naturellement leur désir rapide de quitter Quemigny-Poisot. Au final, la dépendance automobile est Îcue par l'ensemble du ménage. L'agrégation des préférences exprimées conduit à accélérer ou à ralentir la relocalisation de tout ou partie du ménage (en cas de divorce ou de décohabitation). Tableau 4 : Statuts d'occupation pendant et après la localisation résidentielle périurbaine et dépendante de l'automobile En italique, les personnes rencontrées en Côte-d'Or. Dans le périurbain dépendant de l'automobile Propriétaire Danielle Edwige Locataire Séverine P. (priÎ) Propriétaire Katarzyna (priÎ) Stéphane (priÎ) Fabienne (priÎ) Séverine Y (priÎ/HLM) Ludivine (priÎ/priÎ) Charline (priÎ/priÎ) Après le périurbain dépendant Locataire Christine (priÎ) Laurent (HLM) Agnès (HLM) Samia (HLM) Julien (priÎ) Isabelle (HLM/HLM) Redouane (priÎ/HLM) Claire (priÎ/HLM) Christelle (priÎ/HLM) Laurence L. (priÎ/HLM) Martine (HLM/HLM) Nelly (priÎ/HLM) Sylvie (priÎ/priÎ) Hébergé Total Patricia 8 15 8 1 31 Stéphane (priÎ) Anita (HLM) Laurence B. (priÎ) Abdel E. (priÎ) Julie (HLM) Nastassia (priÎ) 22 Francine Monique 8 Hébergé Tot. 3.2. Le logement social comme accélérateur de relocalisation vers moins de dépendance La relocalisation est d'autant plus rapide quand les ménages rencontrés n'étaient pas propriétaires dans le périurbain dépendant de l'automobile, ce qui est majoritairement le cas des personnes rencontrées dans le cadre du chantier 2. 23 ménages sur 30 rencontrés n'étaient pas propriétaires lorsqu'ils résidaient dans le périurbain dépendant de l'automobile : 15 étaient locataires et 8 hébergés à titre gratuit. Leur capacité à se relocaliser est plus importante que ceux qui étaient propriétaires car les locataires ne sont pas captifs d'une maison et du statut social qui l'accompagne. Elle l'est d'autant plus que ces ménages ont souvent accès par leurs ressources et leur 75 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale employeur à des logements aidés, en HLM. L'effet d'aubaine est donc déterminant et se cumule avec la dépendance automobile pour emporter la décision d'un déménagement vers plus de centralité. Ainsi, sur les 22 ménages devenus locataires après avoir quitté des territoires périurbains dépendants, 13 sont devenus locataires en HLM et 3 ont disposé d'aides de leur employeur pour trouver une location priÎe (cf. Tableau 4 ci-dessus). Le passage en HLM est d'abord motiÎ par la volonté d'avoir une localisation plus centrale ou mieux desservie. Mais ce ne sont pas là les seuls avantages constatés par les ménages qui en ont bénéficié. Le logement est souvent mieux équipé et en meilleur état du fait qu'il soit géré par un bailleur collectif. Le fait de ne plus avoir à gérer en tant que propriétaires ou à ne pas avoir à composer avec un propriétaire particulier pointilleux et peu arrangeant est vu comme un avantage qui vient nourrir le discours justificatif déployé par nos interviewés. D'autres évoquent le gain en termes de loyers qui s'aÏrent moins éleÎs (à nombre identique de m² ou compte tenu d'avantages supplémentaires comme une place réserÎe de stationnement). « Et puis, ben, on a contacté l'OPAC, euh... qui nous a donné le numéro direct du... du responsable, on va dire à qui j'ai... enfin, avec qui j'ai commencé à parler, j'ai fini par craquer au téléphone en disant que ce n'était plus possible, quoi. Et... il m'a trouÎ, enfin, il nous a trouÎ un logement sous 15 jours. Et là, c'était la première fois que Greg visitait un appartement, donc, sans moi, parce que ça, c'était entre midi et deux et il n'avait pas le temps de revenir de me redéposer, machin truc, etc. Il a pris la décision tout seul et puis on ne l'a pas regretté derrière, quoi. Parce que de 60 m², on est passé à un appartement de 100 m². Nettement mieux. » Séverine Y., 33 ans, opératrice en PAO, mariée, 2 garçons de 9 et 8 ans, vit à Dijon (HLM) depuis 2006, a Îcu à Quemigny-Poisot (location priÎe) de 2004 à 2006. « Alors, je paye beaucoup moins que je payais à Maincy, je paye 550 avec parking. D'ACCORD. ET A MAINCY, VOUS PAYIEZ COMBIEN ? Je payais 600... 100 de plus, je crois, 650, et c'était à peu près la même surface, mais je n'avais pas de parking. Il fallait que j'en prenne un... à part, quoi, et... il n'y avait pas autant qui rentre ici, voilà. » Redouane , 27 ans, gardien de la paix à Paris (13e), célibataire, sans enfant, vit à Paris (HLM) depuis 2008, a Îcu à Maincy (location priÎe) de 2005 à 2008. Ces avantages participent indirectement à la décision de se relocaliser vers des territoires moins dépendants. Si l'arriÎe en HLM peut être vue comme une forme de déclassement au sein des classes moyennes (Damon 2011), notons que les personnes concernées ici le perçoivent comme un avantage, une opportunité, notamment à l'heure où le logement pèse de plus en plus dans le budget des ménages (Bigot et al. 2012). Il peut être procuré soit par l'employeur (public comme priÎ), soit par la connaissance d'un réseau social. Ayant principalement habité dans du locatif en général et du locatif HLM en particulier, les ménages ne perçoivent pas le HLM comme un déclassement mais comme un réajustement logique et opportuniste de leur trajectoire résidentielle. Leurs collègues, d'autres membres de leur famille voir leurs parents y vivent ou y ont Îcu. Les ménages sont 76 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale d'autant plus satisfaits d'obtenir ce type de logement que leur accès au logement est de plus en plus difficile, quelle que soit la localisation (cf. Laurence dans le chantier 1). Dès lors que ces logements ne sont pas situés dans des territoires considérés comme inenvisageables (cités, sans transports, etc.), ils peuvent même être perçus comme un signe positif de distinction. En témoignent les discours des individus sur la façon dont ils ont obtenu ces logements : « Et ben écoutez, ce que j'ai fait, j'ai été assez intelligente, j'avais de contacts ici, je connais... je connaissais les gens du parti communiste. Donc... pas plus communiste que le beurre en tartine, ils m'ont dit : « tu prends une carte », j'ai pris une carte et j'ai insisté et on a eu ce logement très vite parce que... par rapport à ma fille qui est handicapée. Il y avait un logement au rez-de-chaussée qui était libre, on nous a demandé si on le voulait, quand on l'a visité, quand on a vu le coin, on dit : « on le prend tout de suite ». Donc, on a refait toutes les démarches que déjà, c'était pareil, ma fille, elle ne pouvait pas travailler à 9 h le matin parce que l'école là-bas ouvrait à 8 h 45, elle ne pouvait pas commencer à 7 h le matin comme moi, parce qu'il fallait qu'elle attende que l'école ouvre. Elle ne pouvait pas faire des heures supplémentaires le soir ou moi je ne pouvais pas en faire, parce qu'il fallait quelqu'un qui les récupère, il n'y avait pas de transport, on était toujours tributaire de quelqu'un. Donc, on s'est dit : « allez hop, qu'est-ce que tu fais, tu restes là-bas, tu ne restes pas là-bas », ben, elle me dit : « écoutes, je fais comme toi », donc, on a atterri ici. » Martine, 61 ans, magasinière au chômage et bientôt à la retraite (ne recherche pas d'emploi), en couple (mais ne vivent pas ensemble), 6 enfants entre 41 et 30 ans, vit avec 2 d'entre eux à Champigny-sur-Marne (HLM) depuis 2004, a Îcu à Maincy (HLM) de 1994 à 2004. « Au bout de 2 ans, moi, j'ai commencé un peu à réfléchir à tout ça. J'en ai parlé à mon exconjoint qui, lui... qui, lui, était bien, parce que lui, il bossait, il était en permanence en déplacement. Il ne voyait pas vraiment comment on vivait, nous, là, toute la semaine. Pendant les vacances, et puis... et puis au fur et à mesure, j'ai dit : « bon, ben, je vais faire une demande de logement », voilà, puisque si je ne prends pas d'initiative, on va rester là, donc... je vais faire une demande de logement et j'ai fait une demande de logement, préfecture et puis ici, après, sur la commune, puisque que j'avais déjà deux soeurs ici, sur la commune. C'était vraiment la ville la plus proche de là où on était. Donc... j'ai fait le... ça a mis... trois ans... trois ans d'attente. Et puis voilà, quoi, quand on a eu l'appartement et puis entre-temps, ça s'est un peu dégradé, les relations avec leur papa, donc, bon... ça fait qu'après, ben, j'ai pris l'appartement seule. » Samia, 42 ans, secrétaire à mi-temps à Favières, en couple (divorcée par ailleurs), 2 filles de 19 et 14 ans, vit à Serris (HLM) depuis 2007, a Îcu à Favières de 2001 à 2007. Redouane, Laurence L, Claire, Christelle ont mobilisé une énergie similaire pour obtenir leurs logements. Entente avec les locataires précédents, connaissance de personnes à la mairie ou aux services d'admission des dossiers, visites sauvages des lieux ou d'un appartement similaire pour se rendre compte de la superficie, etc. sont autant de moyens mis en oeuvre pour choisir son logement social dont l'intérêt premier est d'être localisé dans un territoire moins dépendant de l'automobile, plus proche du lieu de travail et d'aménités. 77 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Réduction de la pénibilité des déplacements et accès à un logement social à proximité d'aménités sont les maîtres mots qui permettent de comprendre pour quelles raisons les individus rencontrés ont choisi de se relocaliser dans des territoires moins dépendants. Ces deux éléments peuvent provoquer un usage plus important en proportion de modes alternatifs à la voiture, comme les transports en commun, le Îlo, la marche, des deux-roues motorisés comme les scooters qui sont finalement peu utilisés dans les territoires dépendants. Ceux amenés à se rendre dans des localisations plus centrales (pour le travail ou les loisirs) utilisaient certes ces modes quand ils étaient dans le périurbain dépendant de l'automobile mais toujours de façon multimodale, c'est-à-dire avec une partie réalisée nécessairement en voiture. L'omniprésence de la voiture et l'isolement qu'elle représente incite donc des ménages modestes à quitter les territoires périurbain dépendant de l'automobile pour élargir le champ des activités possibles à proximité de leur logement et en même temps le champ des opportunités modales qui s'offrent à eux. Toutefois nous allons voir à présent que si les individus aspirent s'affranchir du tout-automobile et quittent donc les territoires qui en sont totalement dépendants, ils n'envisagent cependant pas de renoncer à la voiture et à certains de ses usages. 3.3. Quitter le périurbain dépendant de l'automobile sans renoncer pour autant à la voiture et à ses coûts Au-delà du gain réalisé en termes de logement et de sa localisation, qu'en est-il en termes de déplacements ? Si ces derniers sont facilités, sont-ils nécessairement moins coûteux ? Assiste-t-on à un renoncement à l'automobile ? Précisons que les considérations ci-dessous sont indépendantes de tout statut d'occupation du logement. De fait, les réponses en la matière ne sont pas tranchées. Si on regarde en détail les ménages du chantier 2, ils déclarent pour beaucoup avoir économisé sur le coût du carburant même s'ils reconnaissent également avoir du mal à faire des comparaisons selon l'ancienneté de la localisation périurbaine dépendante de l'automobile. Ils font le plein moins souvent, utilisent plus souvent les transports collectifs de manière exclusive. De même, leurs territoires quotidiens d'activités se sont logiquement réduits. Toutefois, si réduction il y a, le renoncement à l'automobile reste partiel. Tous ceux qui en avaient une auparavant l'ont conserÎe et continuent à l'utiliser. Pour certains comme Samia ou le mari de Sylvie ou le compagnon de Christelle, ils l'utilisent même au quotidien, pour se rendre à leur travail, notamment quand ce dernier implique des lieux de travail variables. Ensuite, la voiture reste essentielle aux yeux des ménages pour l'approvisionnement hebdomadaire comme en témoigne Nelly. Si cette dernière devait systématiquement prendre sa voiture pour faire ses courses lorsqu'elle résidait à Sainte-Colombe, elle continue à l'utiliser encore aujourd'hui : « Bah, j'ai les petits magasins autour mais pour les plus grosses courses c'est en voiture aussi, c'est Leclerc Vitry ou Carrefour Ivry, je l'ai déjà fait à pied pour des bricoles mais c'est souvent en voiture ». La voiture reste le mode déplacement privilégié pour porter des charges lourdes et volumineuses. Elle permet aussi l'accès à des modes d'approvisionnement perçus comme moins coûteux par rapport aux petits commerces locaux. Offre plus en phase avec leurs revenus, les ménages modestes issus du périurbain dépendant de l'automobile continuent alors à utiliser leur voiture pour effectuer leurs 78 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale courses. La voiture reste l'instrument privilégié de la grande distance et la réduction des déplacements hebdomadaires se traduit souvent par des déplacements plus importants le week-end. Moins fatigués par des déplacements hebdomadaires, des déplacements plus liés aux loisirs sont alors envisageables. De plus, pour les ménages dont une partie du réseau est toujours localisé dans les territoires qu'ils ont quittés, la voiture est incontournable pour entretenir ces liens familiaux et amicaux. « A l'époque, l'essence était moins cher. Quand je mets en euro, à l'époque, on payait moins d'un euro. Là on est passé à 1,50. Donc c'était un peu différent [...] C'est plus difficile à comparer [...] Ça me faisait un gros budget essence à l'époque. Puisque maintenant, bon, paradoxalement, j'ai un abonnement pour le bus et j'utilise quand même la voiture. Je viens en voiture deux fois par semaine parce que le mercredi j'emmène mon fils au centre de loisirs. Donc là j'utilise la voiture parce que c'est un peu excentré ». Christine, 44 ans, secrétaire médicale, divorcée, 2 enfants (14 et 9 ans), vit à Dijon (location priÎe), a Îcu jusqu'en 2004 à Francheville (toujours propriétaire avec son mari). « Tous les week-ends on est en campagne de toutes façons, chez des amis. [...] D'une manière générale, on n'est jamais chez nous les week-ends. Parce que la famille habite loin alors on va les voir. Parce que les amis ont aussi déménagé loin. Ça peut faire Sologne, Paris, Bretagne, Grenoble, Chambéry... Bordeaux.... On n'est jamais là. Après nos amis qui sont en campagne à côté de nous, ben pareil, on est tout le temps chez eux l'été. L'hiver ils viennent ici et nous l'été on va chez eux. » Séverine P., 31 ans, assistante de direction à Fontaine-lès-Dijon, mariée, 1 fils de 2 an et demi, vit à Dijon (propriétaire) depuis 2005, a Îcu à Gemeaux (location priÎe) jusqu'en 2004. « D'UN POINT DE VUE FINANCIER, LE DEMENAGEMENT ? C'est pareil [elle réfléchit], je dirais que c'est pareil. Ici je paye 400 avec les aides, et là-bas je payais à peu près pareil parce que c'était plus petit à St Colombe, c'était un deux pièces mais comme on avait deux salaires, que là je suis toute seule mais j'ai les aides donc ça compense. ET APRES SUR LES AUTRES DEPENSES ? Bah là-bas, y avait plus de dépenses voitures, c'était au moins un plein, peut-être pas pour la semaine mais presque que ici c'est un plein pour 15 jours. A Part quand je descends évidemment pour le week-end là-bas, mais logiquement, un plein me fait plus longtemps ici car j'ai plus de transport. Je me sers moins de la voiture que là-bas non. C'est toujours la voiture car les trains il y en a pas beaucoup euh. » Nelly, 26 ans, secrétaire en intérim, célibataire, 1 fils de 14 mois, vit à Ivry-sur-Seine (HLM) depuis 2010, a Îcu à Sainte-Colombe (location priÎe) de 2005 à 2008. « Euh... il a explosé, mon budget voiture parce que.... déjà, j'en ai acheté une nouvelle et le 79 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale truc, c'est que.... et euh... c'est... par mois, je dirais... par mois... Ben, disons que ça va tout contrebalancer, parce que du coup, je ne fais plus de petites distances au quotidien, donc, du coup ça... ça a contrebalancé, je dirais que c'est... oui... c'est 150, 200 . PAR MOIS ? Oui, parce qu'en fait, c'est plus des longues distances. Avant, les... les petites distances quotidiennes me fatiguaient, donc du coup, je ne faisais pas des longues distances. Mais étant donné que je prends les transports, je me dis, bon, je me fais plaisir de l'autre côté puisque je ne fais pas tous les petits trajets aux quotidiens, quoi. TOUT CONFONDU, LE BUDGET VOITURE, IL EST PLUS ELEVE MAINTENANT ? C'est plus éleÎ. C'est plus éleÎ, oui. C'est dû 500, 550 , voilà. Avec... parce que vous ne m'avez pas dit les remboursements et tout ça, du coup, j'englobe ça et voilà. » Redouane , 27 ans, gardien de la paix à Paris (13e), célibataire, sans enfant, vit à Paris (HLM) depuis 2008, a Îcy à Maincy (location priÎe) de 2005 à 2008. Pour toutes ces raisons (non exhaustives), si le budget déplacement tend à diminuer au quotidien, la diminution n'est pas toujours drastique. Dans plusieurs cas, ce budget peut même augmenter : Redouane, qui a réduit ses navettes, a acheté une grosse cylindrée qui lui coûte cher (crédit, assurance, consommation, etc.). Tous ces exemples montrent que, si les ménages modestes vivent dans des territoires moins dépendants de l'automobile, moins coûteux au quotidien du point de vue de la mobilité, ces derniers ne renoncent pas définitivement à la voiture et conservent donc une partie des coûts fixes qui y sont associés : achat, assurances, une part incompressible de carburant, etc. La réduction des distances peut même provoquer un accroissement de la mobilité autonome en ayant recours à d'autres modes individuels motorisés comme les deux-roues (moto, scooter). Dans ce cas, les ménages ne renoncent pas à une mobilité autonome en changeant de territoires, ils renoncent juste à une voiture, pour éviter la congestion ou contourner l'absence de permis de conduire par exemple. Là encore, le calcul économique sur les gains d'une localisation moins dépendante n'est alors pas évident à réaliser. Enfin, si les ménages modestes perdent en pénibilité de déplacement, ils ont aussi plus d'opportunités pour sortir qu'ils n'avaient auparavant, ce qui n'est pas sans conséquence sur leurs dépenses dans d'autres postes que la mobilité. Plusieurs l'ont constaté telles Christine ou Laurence B. Certes plus locales, les activités et donc les déplacements n'en sont pas moins nombreux. L'effet de substitution peut donc avoir des conséquences négatives sur le niveau de vie des ménages et amènent à reconsidérer l'avantage économique d'une relocalisation vers plus d'urbanité des ménages modestes. Ce qu'ils gagnent d'un côté, ils peuvent être amenés à le perdre de l'autre sans pourtant renoncer à des déplacements automobiles ou motorisés individuels. En somme, en termes de déplacements, quitter le périurbain dépendant de l'automobile ne s'accompagne pas nécessairement d'un renoncement à l'automobile mais plutôt à un abandon du tout-automobile. Pour les ménages modestes, ce choix revient à accroître les opportunités d'alternatives modales à la voiture sans pour autant renoncer à un instrument qu'ils peuvent considérer comme étant indispensable et chargé d'un pouvoir symbolique. On pensera notamment à 80 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Redouane qui s'est acheté une grosse cylindrée. Toutefois, en cas d'aléas (panne, accident, coûts divers), les ménages rencontrés et leurs membres (parents et enfants) ne se retrouveront pas ou plus prisonniers d'un territoire dont ils ne peuvent s'échapper. 81 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale En somme, pour les ménages ayant quitté des territoires périurbains dépendants de l'automobile au profit de territoires moins dépendants, nous pouvons noter que plusieurs effet jouent dans le choix d'une relocalisation moins dépendante : · · Un effet HLM. La possibilité d'avoir un logement inférieur au prix du marché est un facteur déclencheur du départ de ces ménages de territoires dépendants de l'automobile, Un effet de statut matrimonial et de cycle de vie. Les motifs associés conduisent à quitter le périurbain (célibataire et divorcé, orientation sexuelle, jeunes couples ayant des activités de jeunes sans enfants plus facile en ville). Un effet d'hétérogamie résidentielle et de discordance des cultures habitants au sein des couples. Ces différences peuvent être un facteur de séparation, mais surtout impliquent ensuite une relocalisation vers l'urbain du plus citadin des deux. Un effet de culture habitante de la centralité (Paris, Petites couronne ou pole important de grande banlieues) qui joue à plein pour quitter une localisation résidentielle périurbaine dépendante qui est parfois le fruit du hasard ou d'une circonstance spécifique (centre de formation en lointaine banlieue). · · Pour l'essentiel des enquêtés du chantier 2, un Îcu négatif de la dépendance automobile dans le périurbain lointain a incontestablement joué dans leur décision de déménager vers plus de centralité et d'urbanité. Cependant, si la dépendance automobile est un facteur jouant à plein, la condition est nécessaire mais non suffisante. Pour qu'il y ait départ, il faut : une opportunité attrayante de logement, une absence de réseau périurbain et un réseau urbain, un conjoint de culture habitante citadine ou urbaine, une culture habitante d'Ego citadine ou urbaine, un statut matrimonial ou une situation affective qui pousse à s'orienter vers la ville (célibataire, divorcée, homo...), etc. Si les natifs du périurbain (ou assimilés) aspirent à vivre dans des espaces plus centraux et moins dépendants et sont plus conscients que les autres de la dépendance à l'automobile, leur localisation actuelle correspond aussi à une phase de leur cycle de vie plus favorable à la vie citadine. Cependant, leur culture habitante et leur socialisation primaire à la dépendance automobile sont susceptibles de jouer en faveur d'un retour vers le périurbain (peut-être pas aussi dépendant) à terme. Beaucoup ne sont pas dans le rejet du modèle d'habiter périurbain et la géographie du marché immobilier les incitera à cette démarche pour accéder à leur tour à la propriété pavillonnaire. Enfin, du point de vue des ressources économiques des enquêtés, si une relocalisation plus urbaine permet à coup sûr de réduire la pénibilité des déplacements et souvent les frais de carburant ou le nombre de voiture, elle ne se traduit pas toujours, si l'on considère l'ensemble du budget du ménage, par une amélioration du niveau de vie (commerces plus chers, plus de tentations notamment pour sortir et se divertir, parfois dépenses automobiles constante, voire plus éleÎes). Par ailleurs, malgré des opportunités de logements sociaux, la plus grande centralité implique des logements parfois exigus (surpopulation et/ou encombrement excessif du logement). 82 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Partie 3 : La construction socio-spatiale de la dépendance automobile ? Comparaisons entre l'aire urbaine dijonnaise et la Seine-et-Marne Les entretiens effectués dans le cadre du chantier 1 et du chantier 2 ont été réalisés auprès de ménages vivant ou ayant Îcu dans des territoires dépendants de l'automobile. Pour mieux cerner la spécificité culturelle ou territoriale des comportements, ces ménages ont été choisis au sein de territoires géographiquement distincts : l'aire urbaine dijonnaise et la Seine-et-Marne. Ces zones géographiques diffèrent par leurs caractéristiques socio-spatiales, leurs aménagements, leurs historiques économiques, etc. A degré similaire de dépendance automobile, des ménages issus d'une même catégorie (les modestes) vivant dans des territoires différents n'ont pas forcément le même mode d'habiter, le même rapport à l'automobile et donc le même Îcu de la dépendance automobile périurbaine. Si des traits similaires se dégagent et ont largement été étudiés dans les précédentes parties, quelques spécificités locales méritent d'être examinées plus en détail. Si elles présentent des degrés identiques de dépendance à l'automobile, les communes des ménages rencontrés n'ont pas le même éloignement par rapport à l'urbain ou au centre d'une zone à l'autre (cf. Tableau 5 : ci-dessous). Ainsi, dans le chantier 1 (les ménages qui vivent toujours dans le périurbain dépendant), les ménages dijonnais sont situés plus près du centre de Dijon que les ménages seine-et-marnais du centre de Paris. Si la Seine-et-Marne se caractérise par la présence de petits pôles secondaires (Coulommiers, Provins), les ménages seine-et-marnais sont néanmoins plus éloignés des aménités urbaines que leurs homologues dijonnais. Dans le chantier 2 (les ménages relocalisés dans des territoires moins dépendants), lorsque les ménages vivaient dans le périurbain dépendant, le même constat peut être opéré. Ce résultat est logique à double titre : les ménages du chantier 2 ont été choisis pour avoir Îcu dans des communes ayant les mêmes caractéristiques que celles des ménages du chantier 1, et donc, a priori, des degrés similaires d'éloignement au sein de chaque zone. On notera cependant que les écarts étaient moins importants qu'ils ne le sont dans le chantier 1 que ce soit à Dijon ou en Seine-etMarne. Une des hypothèses envisageables seraient que les ménages plus âgés qui se sont installés dans le périurbain avaient moins loin à aller que les générations présentes pour accéder à un logement abordable dans le périurbain. Pour les plus jeunes de l'échantillon, le premier argument tient dans la mesure où ce sont alors leurs parents qui ont fait un tel choix. Enfin, pour les plus jeunes dans leur ensemble, leur statut d'occupation temporaire (location, hébergement) les rend plus aptes à se relocaliser vers des territoires plus denses 83 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale où l'offre de logements est plus conséquente et où les aménités correspondent mieux à leur âge et aux activités qu'il suppose. les différences d'éloignement entre les 2 zones tiennent principalement à l'importance économique et au périmètre des aires urbaines étudiées. La Seine-et-Marne fait partie de la plus grande aire urbaine hexagonale, celle de Paris, alors que l'aire urbaine de Dijon est plus modeste par composition. Tableau 5 : Eloignement des ménages interviewées par rapport au centre et à leurs lieux de travail (moyennes des distances minimales entre chaque lieu calculées via Googlemap) Chantier 1 Distance Distance au au centre Distance D-T centre 8 avant (km) 9 (km) (km) 10 Aire urbaine de Dijon Seine-etMarne Ensemble 26 73 52 13 39 29 20 50 38 Chantier 2 7 Distance Distance Variation Variation D-T avant D-T après distance D-T (%) 11 12 (km) (km) (km) 21 41 32 5 10 8 -15.5 -30.8 -24,2 -72% -64% -68% En plus de l'éloignement par rapport au centre, peut être considéré l'éloignement par rapport au lieu de travail, ce dernier étant fréquenté plus quotidiennement et systématiquement. Là encore, dans les 2 chantiers, la vie périurbaine à proximité de Dijon suppose un éloignement moindre vis-à-vis de son lieu de travail que la vie dans le périurbain seine-et-marnais. Dans le chantier 2, cette moindre distance entre travail et domicile à Dijon qu'en région parisienne est valable tant dans la localisation 7 Dans le cadre du chantier 2, ont seulement été pris en compte les individus du ménage qui ont effectivement résidés une commune périurbaine dépendante de l'automobile. Ainsi Claire a Îcu seule ou avec ses parents à Egreville et vit actuellement à Paris. Son conjoint est originaire de petite couronne et n'a jamais Îcu dans un territoire périurbain dépendant de l'automobile. Il n'est donc pas pris en compte ici. Moyenne des distances effectuées par les individus interrogés entre leur commune de résidence et le centre de l'aire urbaine dont leur commune de résidence dépend. Moyenne des distances effectuées par les individus interrogés entre leur commune de résidence et leur lieu de travail. Pour les travailleurs mobiles, la localisation de leur entreprise a été retenue. 8 9 Moyenne des distances effectuées par les individus interrogés entre leur précédente commune périurbaine de résidence et le centre de l'aire urbaine dont leur ancienne commune de résidence dépend. Moyenne des distances effectuées par les individus interrogés entre leur précédente commune périurbaine de résidence et leur lieu de travail à l'époque où ils résidaient dans le périurbain. Pour les actifs inoccupés à l'époque, le lieu actuel de travail a été pris en compte. 12 11 10 Moyenne des distances effectuées par les individus interrogés entre leur commune actuelle de résidence et leur lieu de travail actuel. 84 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale résidentielle périurbaine dépendante qu'après installation dans des territoires moins dépendants. Dans cet échantillon, que ce soit en Seine-et-Marne ou en Côte-d'Or, quitter la dépendance automobile s'accompagne d'une réduction drastique des distances entre domicile et travail. Toutefois cette réduction est plus importante en proportion dans l'aire urbaine dijonnaise qu'en Seine-et-Marne. De multiples considérations comme l'urbanisation, le prix du foncier ou la localisation des emplois expliqueraient ces différences d'éloignements (et de rapprochement) que connaissent les ménages périurbains. Cependant, ces différences se traduisent par des comportements de mobilités et des rapports à l'urbain qui sont distincts d'une zone étudiée à l'autre. Même s'ils ne peuvent se passer de la voiture pour s'y rendre, les ménages dijonnais semblent donc, à degré égal de dépendance automobile, moins éloignés d'aménités que leurs homologues seine-etmarnais. En termes de Îcu au quotidien, cette différence n'est pas neutre. De fait, la pénibilité des déplacements est moins ressentie en Bourgogne qu'en Île-de-France. Si plusieurs ménages franciliens se sont plaints de leurs conditions de déplacements, les ménages dijonnais l'ont rarement fait. Audelà d'un éloignement moindre et de déplacements moins chronophages, plusieurs facteurs expliquent ces différences dont le plus central est la congestion. La congestion apparaît moindre à Dijon qu'en Île-de-France. Plusieurs ménages franciliens ont eu occasion de se plaindre du niveau d'encombrement des structures routières : 1. Des déplacements plus pénibles en Île-de-France, sources d'une plus grande propension à utiliser les transports collectifs « Enfin, ça va au niveau de la route, je pars d'ici à 5 heures... je pars d'ici à 5 heures. Ça allait. C'est vrai que la nationale vers Pontault, tout ça, c'est un peu bouché. Mais quand je commence à 8 heures, 8 heures 45, là, après, je mettais une heure pour y aller, quoi, en voiture. [...] parce qu'au début, c'était super dur... quand je rentrais très tôt je... ça allait très vite, mais quand je tombais dans les bouchons à 8 h 30 et qu'on n'avançait pas sur la nationale...» Edwige, 34 ans, assistante puéricultrice à Villiers-sur-Marne en congé parental, mariée, 2 enfants de 7 ans et 1 an, propriétaire à Saint-Brice depuis 2009. « J'avais des horaires, quand même, qui étaient... qui étaient... qui n'étaient pas... on peut dire, qui n'étaient pas surveillés, quoi. Je veux dire... voilà. Théoriquement, c'était 8 heures. Moi, même avec la voiture, j'arrivais, rarement à 8 heures ! PARCE QU'AVEC LA VOITURE, ÇA VOUS PRENAIT COMBIEN DE TEMPS, A PEU PRES ? D'ici, je mettais... 1 h 30. Pour aller à Paris ! Ben, le matin, arriÎ après... après... comment ça s'appelle... Leroy Merlin, là... Lognes ! Après Lognes, ça y est, c'est le gros bordel ! ça bouchonne ! Ah oui ! De là, pour rentrer dans Paris, après. Ouille, ouille ! Ah ! Après Lognes, c'était foutu ! Ça y est ! Alors, moi, quand j'avais des réunions ou des choses comme ça avec 85 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale des chargés d'affaires, que je devais, vraiment, être à 8 heures, sur Paris... Je partais, d'ici... Bon, de Chelles... Parce qu'entre ici et Chelles, il y a quoi... il y a 20 minutes de différence ! Donc... Vous voyez, que ce soit d'ici ou de Chelles, je partais... Il devait être quoi, 6 heures ­ 6 h 30 ? Oh, oui, je décollais à cette heure-là, hein. Pas loin de 5 h 45... même, actuellement...5 h 45 ­ 5 h 40... » Miguel, 37 ans, plombier sur Paris, marié, 2 enfants de 10 et 7 ans, propriétaire à Pommeuse depuis 2011. Ces manifestations sont d'autant plus vives quand les ménages habitent dans des zones où le trajet le plus rapide suppose de passer par une barrière de péage comme Pommeuse ou Guérard. Pour ces communes, l'itinéraire le plus rapide en venant de Paris est de sortir à Crécy-la-Chapelle. Beaucoup de ménages préfèrent alors utiliser le réseau secondaire gratuit plutôt que le réseau autoroutier payant à l'image de Laurence qui déclare « 1,80 le matin et 1,80 le soir. À la fin du mois, ça fait de trop ». Pour continuer sur l'exemple de Miguel, ce dernier passe par le péage quand il dispose de la voiture de service et qu'il sait qu'il se fera rembourser les tickets en note de frais. Sinon, il n'emprunte pas le péage et passe par Villeneuve-le-Comte, la dernière sortie avant le péage, puis emprunte la nationale comme « pratiquement tout le monde, enfin les gens qui habitent ici et qui prennent l'A4, passent par là [Villeneuve-le-Comte]. Exceptionnellement on peut prendre le péage, enfin, je ne sais pas, bon, c'est une route qui est un peu dangereuse... en plein hiver quand il y a du verglas parce que... bon, moi, j'appelle ça la route de montagne parce qu'elle est très sinueuse, elle descend beaucoup donc, bon, c'est vrai quand c'est verglacé, on préfère prendre quand même le péage. » (Laurence 13, 40 ans, secrétaire à Noisy-le-Grand, mariée, 1 fils de 10 ans, vit chez son mari qui est propriétaire à Guérard depuis 1981). Ce report peut être générateur d'un sousdimensionnement des infrastructures locales et leur congestion fréquente aux heures de pointe comme ont pu en témoigner des élus locaux (le maire et un de ses adjoints) de la mairie de Crèvecoeur-en-Brie, commune située entre la sortie de Villeneuve-le-Comte (A4), la station RER de Tournan et la gare de Marles-en-Brie. Pour éviter la pénibilité associée aux déplacements automobiles qui semble plus fréquente en Île-deFrance, les ménages vivant ou ayant Îcu dans le périurbain francilien ont plus tendance à utiliser les transports collectifs que ceux qui vivent ou ont Îcu aux alentours de Dijon. En Seine-et-Marne, l'utilisation des transports collectifs est, au quotidien, plus importante qu'à Dijon. Dans le chantier 1, sur les 38 adultes qui composent les ménages rencontrées, 6 d'entre eux utilisent les transports collectifs pour se rendre sur leur lieu de travail et ils vivent tous en Île-de-France. En périphérie de Dijon, en dehors des enfants, aucun adulte n'utilise les transports collectifs pour aller travailler. Pour les déplacements de loisirs, le constat est similaire. Les ménages franciliens qui vont sur Paris ou dans des centres commerciaux périphériques (Val d'Europe par exemple) utilisent de temps à autre les transports collectifs pour s'y rendre. Les ménages en Côte-d'Or utilisent principalement la voiture pour se rendre à Dijon ou dans ses grands centres commerciaux (Chevigny-St Sauveur ou La Toison d'Or) alors qu'ils ont pourtant des transports collectifs à proximité (une gare TER à Genlis par exemple) qui leur permettrait des reports analogues à ceux pratiqués par les ménages seine-etmarnais. L'utilisation plus importante des transports collectifs en Île-de-France tient au fait que le Laurence n'a pas été comptabilité parmi les ménages rencontrés dans le cadre du chantier 1 car les revenus de son ménage sont trop éleÎs pour qu'il soit considéré comme modeste. Néanmoins, son témoignage est utilisé ici pour montrer les choix d'itinéraires effectués dans cette zone. 13 86 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale réseau est plus développé. Il évite la pénibilité associée à un déplacement en voiture, les encombrements, la difficulté à se garer et permet aussi de réduire les coûts financiers liés à des déplacements exclusivement en automobile (prise en charge des frais de transports, moindre usure de la voiture, etc.) : « Humm... ça dépend, des fois on y va en voiture, des fois, on y va... grâce au ticket Jeune, là, du train-bus. Donc, le Seine-et-Marne express. Et après, on prend le RER A. LE TICKET JEUNE ? Le ticket Jeune, en fait, c'est... un ticket qui... qui vaut 7 . C'est... jusqu'à 25 ans, en fait. Et on est illimité, en fait. C'est valable une journée... avec transports illimités. Du coup, si, après, on a envie d'aller sur Paris... et que... il n'y a pas besoin de rajouter, quoi, le ticket, il est toujours valable. ET QU'EST-CE QUI FAIT QUE VOUS CHOISISSEZ UN COUP LA VOITURE OU UN COUP LE TICKET JEUNE ? Ben, ça dépend. Si... parce qu'en fait, en voiture, on met beaucoup moins de temps, on gagne 40 minutes pour aller jusqu'au Val d'Europe, alors que... je veux dire, le bus qui met déjà une heure et quart pour aller jusqu'à... jusqu'à la gare ! Après, il faut prendre le RER. Donc, je pense qu'on en a pour 1 h 30, 1 h 40 pour aller au Val d'Europe. Du coup, quand on a le temps, on prend le bus. Sinon, quand on a envie d'aller vite, on prend la voiture. » Mélanie, 21 ans, aide-soignante à Provins, célibataire, vit à Sainte-Colombe (locataire). « JE NE VOUS AI PAS DEMANDE, ALLER AU TRAVAIL EN VOITURE, ÇA NE SERAIT PAS... ? Impossible. IMPOSSIBLE ? Oui, oui, impossible, 8 heures au travail. Commencer à 8 heures à Paris, il faudrait que je parte d'ici quand même à 6 heures, hein. Aller travailler aux Invalides, ah, ah, j'ai essayé une fois, quand j'étais à Ballard, non, impossible, si c'est pour rentrer le soir, partir à 17 heures des Invalides et rentrer ici à 21 heures, 22 heures. Parce que c'est en plein, Paris. Financièrement parlant, en plus, ce n'est pas intéressant. Non, après, non, pour moi, ce n'est pas possible. VOUS PREFEREZ PRENDRE LE TRAIN ? Oui, oui. Moins de stress, je me pose et voilà. Au moins, on peut travailler dans le tain, on peut se reposer. C'est peut-être 2 heures, comme je vous dis, après, c'est vrai, c'est une habitude, c'est 2 heures de transport, en plus, les Invalides, c'est un terminus, au moins, on peut se reposer, on est sûr, pas de soucis, on peut s'occuper si on veut. On a quand même 1 h 20 à tuer réellement. Ce n'est pas comme faire... vous voyez 20 minutes de ci, 20 minutes de ça. On a le temps de ne rien faire, là, au moins, j'ai le temps de m'occuper, de me reposer, dormir, même. » Lionel, 34 ans, marié, militaire sur Paris, 2 enfants de 4 ans et 1 an, vit à Saint-Brice (propriétaire) depuis 2009, vivait précédemment au Plessis-Trévise (propriétaire). 87 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale « Déjà, le temps... déjà, les embouteillages... l'embouteillage, on l'a... on l'a déjà à 15... à 20 km de Paris. ArriÎ sur place au travail, toutes les places non-payantes sont occupées. Et puis, il y a aussi l'usure de la voiture. Je mettrais beaucoup plus de temps en voiture que... en train. » Roger, 54 ans, marié, employé de banque sur Paris, 3 enfants de 23, 20 et 18 ans, propriétaire à Saint-Loup de Naud depuis 1996, vivait à Clichy-sous-Bois auparavant (propriétaire). Evidemment l'utilisation des transports collectifs est dépendante de la localisation et des horaires des activités réalisées, plus particulièrement lorsqu'il s'agit du travail. Pour peu que ce dernier soit mobile ou variable ou qu'il nécessite de réaliser une chaîne modale complexe (plus de 2 changements), la voiture lui ai préféré comme peuvent en témoigner Bernadette, Solveig ou le mari de Karine. Ce dernier est technicien SAV et est amené à se déplacer sur toute la France avec son matériel. Il peut donc difficilement se passer de son Îhicule qu'il considère comme un outil de travail. Bernadette a enchaîné plusieurs CDD et missions d'intérim dans des lieux différents, plus ou moins centraux (quartier de la Bastille à Paris, Saint-Maur des Fossés, etc.). Depuis Saints, où elle réside, ces lieux ne bénéficiaient pas de la même accessibilité en transports collectifs et ce qui l'a parfois amené à privilégié la voiture comme mode exclusif. Enfin, Solveig utilisait la voiture pour effectuer tous les jours le trajet entre Villiers-sur-Marne où elle travaillait et Saint-Brice où elle réside. Bien que pénible car passant par un axe encombré (l'A104), ses déplacements automobiles étaient deux fois moins chronophages que des déplacements en transports collectifs qui auraient nécessité un « détour » par Paris. Si l'usage des transports collectifs est subordonné à plusieurs contraintes, ces derniers n'en restent pas moins une alternative viable compte tenu des difficultés à circuler en voiture. En Côte-d'Or, la seule difficulté à stationner que les ménages rencontrent est dans Dijon même. Mais, elle est vite contournée par un stationnement dans les zones mieux dotées comme le parc de la Colombière au sud de la ville et une fin de parcours à pied. Comme ces déplacements sont principalement des déplacements de loisir, ils facilitent un usage plus important de la marche à pied en tant que mode et tant qu'activité en soi. On notera également que lorsque les entretiens ont été réalisés à Dijon, les travaux d'installation de deux lignes de tramway empêchaient l'accès au centre-ville et favorisaient ces pratiques de report vers la marche. Quand les individus choisissent d'utiliser les transports collectifs pour réduire la pénibilité Îcue des déplacements liée à la congestion, ce report modal peut être aussi synonyme de tensions. Compte tenu des distances à parcourir, de la centralité des lieux recherchés et des subventions accordées dans la prise en charge des frais de transport, les personnes qui vivent en Seine-et-Marne ont tendance à prendre les transports collectifs quand ils cherchent à se rendre à Paris ou en proche banlieue. Pour ceux qui y travaillent de manière fixe, leur usage est même quotidien. Toutefois, outre les grèves et les accidents divers, ils restent dépendants de l'automobile qui est encore utilisée pour se rendre à l'arrêt le plus proche. Du coup, les ménages considèrent qu'ils doivent faire face à une autre forme de congestion : celle nécessaire pour atteindre l'arrêt de RER ou de train et se garer à proximité. Ainsi, à Crèvecoeur-en-Brie, Olivier, le mari de Solveig, prenait le RER E à Tournan-en-Brie, le terminus, pour aller à son travail dans Paris. Mais, il a dû se résoudre à prendre le Transilien qui passe à Marles-en-Brie, un arrêt plus proche de leur domicile mais desservi moins souvent : 88 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale « Bon, il prenait le RER, après il allait jusqu'à Tournan et il prenait le RER E. Mais il y a un problème, c'est qu'il y a de moins en moins de place pour se garer, parce qu'il y a de plus en plus de personnes qui habitent la région, donc, ben les gares sont prises d'assaut, il n'y a plus de place pour se garer. Et quand ils ont ajouté des trains, ils n'ont pas forcément adapté les constructions en conséquence. Donc, le parking de Tournan, il est pris d'assaut, les rues aux alentours, elles sont prises d'assaut. D'ailleurs, ils ont mis de plus en plus de zones bleues et il y a de plus en plus de monde de la gendarmerie pour verbaliser. Donc, les gens ont reculé. Mais le problème, c'est que nous, on est à la station juste après et c'est pareil, c'est gaÎ. Et là, je vois, le mercredi, ça va parce qu'il y a beaucoup de gens qui ne travaillent pas le mercredi, mais quand il prend le train de 9 h en semaine, il n'y a pas toujours des places pour pouvoir se garer sur le parking. Les gens se garent sur les arrêts de bus, les gens se garent un peu là où ils peuvent, en fait, de façon à ne pas trop gêner le trafic mais bon, c'est un problème épineux en ce moment. » Ainsi, s'ils utilisent plus les transports collectifs, les ménages franciliens rencontrés font toujours face aux désagréments de la dépendance automobile dans la mesure où ils utilisent ce mode pour aller utiliser les transports collectifs, majoritairement le train et le RER. Seuls quelques cas (Abdel, Patrick) n'ont pas à utiliser la voiture dans la mesure où la gare Transilien, seul service de leur commune, est accessible à pied depuis chez eux. Les bus ou des modes de transports actifs (Îlo, marche) n'arrivent pas à se substituer à la voiture pour les derniers kilomètres à parcourir jusqu'au domicile. Pour le bus, l'offre présente est faible et adressée prioritairement à destination des scolaires. Des systèmes de transport à la demande existent (Mobiplaine à Longchamp et les autres communes de la communauté de la Plaine Dijonnaise, Proxybus à Crèvecoeur-en-Brie et dans les autres communes de la communauté du Val Bréon) mais ils sont méconnus et ciblent prioritairement les personnes âgées ou les étudiants, c'est-à-dire des personnes qui ne peuvent utiliser la voiture. Pour les modes de transports plus actifs, les conditions météorologiques, le manque d'équipements sécurisés (pistes cyclables par exemple) et les distances à parcourir freinent leur utilisation au quotidien. De fait, Îlo et marche sont essentiellement associés à des pratiques de loisirs effectuées le week-end. Le constat est le même sur les deux zones géographiques. Au final, en Île-de-France, l'alternative partielle à la voiture repose sur l'usage de modes de transports collectifs, principalement ferrés. En effet, à proximité de Dijon comme en Seine-et-Marne, les ménages que nous avons interviewés n'utilisent pas ou peu les bus qui desservent pourtant l'ensemble des communes parcourues. Les bus ou autocars restent le mode privilégié des plus jeunes, à travers le ramassage scolaire ou dans l'utilisation de transport à la demande (le Mobiplaine à Longchamp et ses alentours). En Côte-d'Or, les transports collectifs sont peu utilisés par les ménages dans les territoires périurbains dépendants de l'automobile, même à niveau d'équipement équivalent (ou presque). Par contre, nous allons voir que les ménages dijonnais se singularisent par un recours plus systématique au covoiturage qui n'existe pas ou peu chez les ménages franciliens. 89 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Plutôt que de renoncer à la voiture, l'alternative consiste à optimiser ses usages et son taux de remplissage en favorisant le covoiturage. De nombreuses initiatives tendent à le développer. Ainsi, depuis 2009, le département de Seine-et-Marne a mis en place un site internet dédié au covoiturage 14. En Côte-d'Or, le Conseil Général a aménagé 26 aires de covoiturage, dont 12 dans l'aire urbaine dijonnaise, et le Conseil Régional de Bourgogne a mis en place un onglet covoiturage sur sa centrale d'information multimodale en ligne 15. Au-delà de ses efforts et des autres incitations émanant des élus locaux, dans nos échantillons, le covoiturage est plus répandu au sein des ménages de Dijon et ses alentours que chez les ménages seine-et-marnais. L'explication tient, d'après nous, aux catégories de populations rencontrées et à l'histoire socio-économique des territoires investigués. En Seine-et-Marne, par rapport à la composition totale de nos échantillons, les employés sont surreprésentés. A Dijon, ce sont plutôt les ouvriers, notamment dans le chantier 1, comme en témoignent les tableaux ci-dessous : Tableau 6 : Professions des actifs dans les ménages des chantiers 1 et 2 Chantier 1 Aire urbaine de Dijon Seine-et-Marne Total général Chantier 2 Aire urbaine de Dijon Seine-et-Marne Total général Cadres et PI 31,6% 20,0% 25,0% Artisans et cadres 13,3% 13,3% 13,3% Employés 15,8% 52,0% 36,4% PI 33,3% 40,0% 37,8% Ouvriers 52,6% 28,0% 38,6% Employés 26,7% 33,3% 31,1% Ouvriers 26,7% 13,3% 17,8% Total général 100,0% 100,0% 100,0% Total général 100,0% 100,0% 100,0% Effectifs 19 25 44 Effectifs 15 30 45 2. Recourir au covoiturage : la force de l'ancrage dans des réseaux locaux dans le sud-est dijonnais En se concentrant sur le chantier 1, c'est-à-dire sur les ménages qui vivent encore dans les territoires périurbains dépendants de l'automobile, la pratique du covoiturage renvoie avant tout au fait que les personnes rencontrées sont ou ont été ouvrièr(e)s au sein de grands sites industriels situés à Genlis ou dans la périphérie est de Dijon. Avec les organisations en trois ou quatre huit, ces personnes disposent ou disposaient d'horaires communs avec leurs collègues qui habitent dans les mêmes communes ou des communes aux alentours. Par la possibilité de se synchroniser temporellement et, auparavant, sous l'impulsion du patron, le covoiturage est devenu une pratique institutionnalisée : « Parce que moi, l'essence... il me payait l'essence, le patron. IL VOUS PAYAIT L'ESSENCE ? 14 http://www.covoiturage77.fr/ http://www.covoiturage.mobigo-bourgogne.com/ 15 90 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Oui, j'avais l'essence pour ma semaine et pour mon week-end. Ça ne sortait pas de mon portefeuille. Ben, j'avais fait le calcul de ce qui me donnait, j'avais mon essence pour ma semaine et pour mon week-end. Et, si on n'était pas avec notre propre voiture, que c'était un copain qui nous emmenait, si le copain habitait le pays avant vous, il... il nous prenait, il nous payait pour qu'on lui donne en contrepartie. C'était que ça, c'était calculé, c'était dedans. Il nous demandait, bon, ben... « Vous êtes avec votre propre voiture ? », on disait « Oui ». Mais il le savait, ils ne sont pas cons, ou alors, « Vous vous faites emmener par qui ? ». Bon, il le savait, c'était noté « donc, c'est machin qui vous emmène », tac, « on vous donne tant par mois ». Alors, moi je vois, ça faisait un peu près, à cette époque-là en francs, je donnais 100 francs par mois. » Bernard, 60, ouvrier à la retraite qui a toujours travaillé à Genlis, 2 fils de 26 et 20 ans (le plus jeune est encore à sa charge), propriétaire à Longchamp depuis 1985. « ET VOUS FAISIEZ COMMENT, POUR Y ALLER ? Ben, avec quelqu'un de Longchamp. Il y a beaucoup de monde de Longchamp qui travaille làbas, donc... DONC, VOUS FAISIEZ DU COVOITURAGE ? Oui. VOUS AVEZ DEJA PRIS LES TRANSPORTS EN COMMUN, JUSTEMENT, QUI VOUS AMENENT DIRECTEMENT ? Non. JE PENSE AU TRAIN... D'ACCORD. ET POUR DES RAISONS PARTICULIERES ? Ben non. Voilà, je n'avais pas besoin. » Séverine, 38 ans, ouvrière au chômage depuis 6 mois, mariée, 3 enfants de 13, 9 et 6 ans, locataire HLM à Longchamp où elle a toujours Îcu. « Pendant au moins 15 ans que... quasiment 15 ans que je n'ai jamais roulé tout seul. Déjà, je savais qu'il y avait des... des gens de Longchamp, des jeunes de Longchamp qui trouvaient du boulot chez nous, en intérim... donc, ils venaient me voir : « Je travaille chez JTECH », « Je travaille chez Peugeot », à l'époque, c'était Peugeot... « Oh, tu peux m'emmener ? », « Ben oui, si tu n'as de Îhicule, suis-moi, je t'emmène avec moi. » Oh, j'ai emmené... j'ai emmené... Ben, j'ai roulé pendant un moment... avec un gars qui habite à Longchamp. On faisait les 3 x 8 à l'époque, j'ai roulé avec lui pendant... 7 - 8 ans, 9 ans, je ne sais pas combien. Moi, je partais avec le fils Bernard... Après je partais avec le Florian Dubon. Après je sortais avec le fils Barinco. Pendant au moins 15 ans, on a roulé à plusieurs... donc, on a fait du covoiturage jusqu'à... ce que le dernier que j'emmenais est parti à Chevigny avant moi. Il changeait d'équipe. Donc, j'ai arrêté de l'emmener. Ben moi, je suis parti à Chevigny, je me suis retrouÎ tout seul. » Daniel, 54 ans, marié, contremaître à Chevigny, propriétaire à Longchamp depuis 1985. La mise en place de ce covoiturage informel a ainsi permis à des personnes vivant des territoires périurbains dépendants de ne pas avoir besoin de passer leur permis pour se rendre à leur travail 91 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale comme c'est le cas pour Séverine. Si les entreprises ne participent plus aujourd'hui aux frais d'essence, les relocalisations et la concentration de l'appareil industriel autour de Dijon continuent à favoriser ces pratiques de covoiturage informel. En Seine-et-Marne, compte tenu des nombreuses opportunités d'emploi et de leur dispersion au sein de l'aire urbaine parisienne, la mise en place d'un tel covoiturage est plus difficile. Les synchronisations temporelles nécessaires pour covoiturer sont de fait peu aisées à mettre en place du fait de l'absence d'horaires communs et partagés comme en témoigne là encore Solveig (Crèvecoeur-en-Brie) : « Ben, ça complique... disons que les... oui, ça complique dans le sens où il n'y a pas... le transport... le transport en commun y est, mais il n'y a pas la branche, quoi. Donc du coup, il faut privilégier tout ce qui est... parce que là, il a eu un échange de courrier avec le maire de La Houssaye à ce propos, qui lui dit qu'il faut privilégier le covoiturage et tout, mais c'est vrai que c'est difficile de faire du covoiturage quand on n'a pas tous les mêmes horaires. Il y a l'horaire du train à l'aller mais il n'y a pas forcément le même train au retour, il n'y a pas forcément... » En Seine-et-Marne, les pratiques de covoiturage existent néanmoins mais sont plutôt liées à la prise en charge de l'accompagnement des enfants vers leurs lieux d'études ou leurs loisirs. Des systèmes d'accompagnement communalisés sont ainsi mis en place, principalement par les mères qui ne travaillent pas ou travaillent à domicile. Avec l'accès aux études supérieures, les enfants tendent à développer des pratiques de covoiturage avec leurs camarades qui habitent dans les mêmes zones qu'eux et qui ont là encore les mêmes horaires. Dans ces cas, on voit bien que la synchronie horaire est centrale dans la mise en place d'un tel covoiturage. Un autre élément à prendre en compte est la nécessaire proximité relationnelle qui la favorise : on covoiture plus aisément avec des gens qu'on connaît, qui partagent des pratiques communes (travail, loisirs, etc.). Au-delà des pratiques et activités communes liées à leurs conditions d'emploi, l'ancrage des populations dans les territoires étudiés jouent un rôle déterminant dans la communalisation des déplacements. De fait, pour les ménages dijonnais qui résident toujours dans le périurbain, le covoiturage est une forme d'expression d'une solidarité familiale, amicale ou professionnelle au sein d'un réseau ancré localement depuis plusieurs générations. Le passé industriel de Longchamp et de Genlis a ancré dans ces territoires des familles issues de milieux ouvriers et qui sont, pour certaines, encore ouvrières aujourd'hui. Par leur configuration spatiale (plusieurs ménages ont des enfants ou des parents qui vivent dans la même commune ou dans une commune de la plaine de la Saône), on peut y voir la persistance d'une valorisation de l'autochtonie (Renahy, Détang-Dessendre, et Gojard 2003), des ressources locales en termes de pratiques de déplacement. Cette valorisation du réseau local apparaît donc comme une ressource effective contre la dépendance automobile, comme ont pu déjà le souligner Coutard, Dupuy et Fol (2002). En effet, pour plusieurs ménages interrogés dans le cadre du chantier 1, se trouvaient des personnes qui ne savaient pas conduire et arrivaient néanmoins à se déplacer en voiture (Séverine, Annie, Laurence avant qu'elle obtienne son permis, etc.). Ces ménages autochtones ne sont jamais éloignés de leurs réseaux familiaux, et ont des trajectoires résidentielles très locales. De fait ces ménages sont devenus périurbains par un changement de classification de leur territoire résidentiel suite à l'installation de nouvelles populations, originaires de villes proches mais disposant souvent d'une culture ouvrière commune. 92 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Selon nous, ce seraient ces origines ouvrières communes et la permanence d'un réseau local qu'elle engendre qui favorisent les mécanismes d'entraide et de solidarité au sein de ce réseau (Sencébé 2007), dont le covoiturage est une forme d'expression. Ainsi, dans le chantier 2, les ménages rencontrés dans l'aire urbaine dijonnaise qui ne sont pas restés dans des territoires périurbains dépendants de l'automobile étaient originaires d'autres régions (Centre, Pays de Loire, Île-de-France, etc.) ou n'étaient pas issus de la même zone périurbaine de l'aire dijonnaise (à l'exception de Charline et de son compagnon). Ils n'avaient pas de réseau social local fort sur place et avaient donc moins de probabilité de s'ancrer dans ces territoires que des ménages en étant issus et disposant d'un tel réseau. Si la présence d'un réseau social fort explique en partie le maintien de ménages dans des territoires périurbains dépendants de l'automobile, l'absence d'ancrage local ne suffit pas à expliquer le départ de ces territoires. D'autres facteurs sont également à prendre en compte comme nous avons pu le voir en partie 2. Toutefois, nous avons également vu que la pénibilité liée aux déplacements est un facteur non négligeable dans les choix de relocalisation vers moins de dépendance. De fait, le covoiturage de solidarité au sein d'un réseau local contribue à réduire la pénibilité des déplacements et donc la nécessité d'une relocalisation. Le rôle du réseau social dans la mise en place de pratiques d'entraides comme le covoiturage est donc essentiel. Or, en observant plus en détail les trajectoires résidentielles des ménages rencontrés en Île-de-France, ces ménages installés dans le périurbain dépendant de l'automobile sont pour la plupart très éloignés de leurs réseaux familiaux, voire amicaux ou professionnels. Originaires d'autres régions, de Paris ou de la Petite Couronne, ils sont venus s'installer dans ces territoires pour accéder à la propriété à moindre coût (cf. parties 1 et 2). Les ménages franciliens ont des sphères de sociabilité plus disjointes spatialement que ne le sont celles des ménages ouvriers dijonnais. Du coup, les solidarités qui s'expriment sont plus rares ou moins « fortes » (si tant est qu'on puisse évaluer la force d'un lien à l'ampleur des aides rendues). Elles ne sont pas perçues comme automatiques ou normales par les ménages seine-et-marnais. Si ces derniers n'hésitent pas à s'emprunter du sel ou des oeufs à leurs voisins, ils sont plus réticents à solliciter une aide en cas de problème de déplacement comme en témoigne indirectement le cas de Samia qui a décidé de quitter Favières pour retourner à Serris, commune plus densément peuplée dans laquelle elle peut faire appel à son réseau familial et où elle dispose d'alternatives modales à la voiture : « Et oui, oui, avec le voisinage, comme c'est tout petit... non, c'était bien, c'est convivial... quand le car arrivait, c'est une grande rue... on faisait un relais, quoi, des fois, c'est moi qui allais chercher les enfants au car et hop, je les dispatchais dans les maisons, quoi. Enfin, c'était... non, c'était sympa... même, ils faisaient... on faisait... on faisait des apéros le weekend... tout en restant voisins... HUMM. D'ACCORD. DONC, UNE BONNE AMBIANCE, ET EST-CE QUE PAR EXEMPLE IL Y AVAIT DU DEPANNAGE UN PEU DE SOLIDARITE, JE DIRAIS... Si garde d'enfant. JUSTEMENT PAR RAPPORT AUX ENFANTS OU A LA VOITURE OU DES CHOSES COMME ÇA, DU DEPANNAGE DES GENS... ? De voiture ? DE VOITURE QUI NE DEMARRE PAS SUR LE MOMENT OU DES CHOSES COMME ÇA ? 93 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Non, peut-être ça c'est fait... je ne suis pas au courant... peut-être, c'est possible que ça s'est fait, oui. SI VOUS AVIEZ EU UN SOUCI, PAR EXEMPLE, VOUS N'AVIEZ PAS DE VOITURE, EST CE QUE VOUS AURIEZ... VOUS AURIEZ PEUT-ETRE PENSE A DES GENS... ? J'aurai pu, mais je ne l'aurais peut-être pas fait. Non, je ne l'aurais peut-être pas fait. PARCE QUE ? Ben, parce que... voilà, quoi... moi, ça m'aurait gêné, quoi. Voilà, on gardait des contacts voisins comme ça, mais sans plus. Pas de... il y avait une bonne ambiance, mais voilà... non, on se dépannait quand il y avait un enfant malade. Comme moi, je travaillais, le bureau, c'était là-bas, donc, j'étais là, je gardais les enfants qui étaient malades est qui ne pouvaient pas aller à l'école. Ça, ce n'était pas un problème, quand j'allais chercher ma fille à l'école, je récupérais les enfants du... du... de la rue, hop, comme ça... comme des fois, il y a des grèves de car, voilà, c'est indispensable, la voiture... quand il y a grève de car, voilà, ou l'hiver, il y a de la neige, là-bas... » Samia n'arrive pas à envisager la possibilité de demander un service en cas de panne sur sa voiture. Pour elle, le fait d'avoir sa voiture et de pouvoir se déplacer avec de façon autonome était une condition sine qua non de son choix résidentiel. Elle ne considérait pas ses voisins comme suffisamment proches pour leur demander un tel service alors qu'elle n'hésitait pourtant pas à faire la fête avec eux ou à leur confier ses enfants. Au final, au quotidien, vivre la dépendance automobile périurbaine dépend certes des ménages et de leurs caractéristiques, notamment leurs trajectoires résidentielles, mais aussi des territoires dans lesquels ils ont choisi d'élire domicile. Au-delà des caractéristiques intrinsèques de ces territoires (leur éloignement par rapport au centre, la distance des aménités, leur configuration géomorphologique, etc.), ils cristallisent un rapport à la dépendance automobile Îcu par les individus en eux-mêmes et leur réseau social. Ce rapport est donc nécessairement spatialement singulier. Il varie d'une localisation géographique à l'autre et ne se réplique jamais totalement à l'identique, même si des faits stylisés peuvent être mis en évidence. Dans la partie précédente, nous avons examiné l'impact de différents facteurs : distances par rapport aux centres et aux aménités, équipement des territoires, présence d'un réseau local, formes des entraides. Le développement de singularités spatiales dans le Îcu quotidien de la dépendance automobile mérite d'être obserÎ plus en détail. D'après nous, la dépendance automobile est le résultat d'une socialisation à l'usage exclusif de la voiture et elle peut varier d'une zone géographique à l'autre. Les territoires investigués dans la partie qualitative de notre étude se distinguent par des Îcus individuels différents de la dépendance automobile. Comme nous avons pu le voir, la présence d'un 94 3. Des socialisations à la dépendance automobile différentes d'un territoire à l'autre ? Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale ancrage local fort via leur réseau familial explique en quoi les ménages dijonnais ont plus recours au covoiturage, même si ce dernier est informel ou n'est pas organisé par des institutions extérieures (sites Internet dédiés par exemple). En tant qu'usage partagé de la voiture, le covoiturage contribue au maintien d'une dépendance socialement construite à l'automobile. De fait, pour les ménages dijonnais, il est difficile d'envisager d'utiliser des modes alternatifs de déplacements (transports collectifs, modes actifs). L'usage incontournable et exclusif de la voiture au quotidien apparaîtrait alors comme une norme sociale plus ou moins intégrée les individus et les territoires obserÎs. Pour continuer sur l'exemple dijonnais, il semblerait que cette norme y soit plus forte compte tenu des pratiques obserÎes et la quasi-exclusivité de la voiture dans le choix des modes de déplacement au quotidien. En tant que produit d'une socialisation à la fois primaire et secondaire à l'automobile, la norme d'un usage exclusif de la voiture serait issue de multiples facteurs et ne prendrait pas forcément les mêmes formes d'une zone géographique à l'autre. En Île-de-France, la voiture est certes un mode dominant compte tenu de la nature même des territoires investigués mais elle est plus souvent utilisée au sein de déplacements avec plusieurs modes (donc en intermodalité) qu'en Côte-d'Or. Au-delà des facteurs locaux déjà mentionnés dans les parties précédentes, ce recours à l'intermodalité est aussi le résultat de trajectoires résidentielles spécifiques. Qu'ils aient ou non quitté le périurbain dépendant de l'automobile, beaucoup de Franciliens rencontrés sont venus s'installer dans ces territoires dans le cadre d'une trajectoire résidentielle centrifuge (Bonvalet et Bringé 2010) en s'éloignant peu à peu du centre et des zones moins dépendantes de l'automobile. Cette trajectoire résidentielle est à la fois intra et intergénérationnelle. Elle est le résultat d'un choix propre au ménage rencontré et/ou des choix effectués par leurs parents et ascendants qui peuvent avoir initié ce mouvement. De fait, en Île-deFrance, nous n'avons pas rencontré de ménages autochtones, c'est-à-dire vivant dans les mêmes territoires dépendants de l'automobile depuis plusieurs générations. Les natifs, c'est-à-dire ceux qui ont grandi dans du périurbain dépendant de l'automobile, y sont également moins présents qu'en Côte-d'Or, et ce dans les deux chantiers (cf. Tableau 7 : ci-dessous). Tableau 7 : Proportion de natifs 16 d'un territoire dépendant de l'automobile au sein de chaque zone géographique et de chaque chantier (en effectifs et en pourcentages en ligne) Chantier 1 Non natifs 2 10 % 16 59 % 18 Chantier 2 Non natifs 4 27 % 20 67 % 24 Côte-d'Or Seine-et-Marne Ensemble Natifs 18 90 % 11 41 % 19 Total 20 100 % 27 100% 47 Natifs 11 73 % 10 33 % 21 Total 15 100% 30 100% 45 16 Par natifs, nous entendons des personnes qui ont grandi depuis leur prime enfance dans des territoires dépendants de l'automobile. Sont ainsi qualifiées les personnes qui sont nées dans ces territoires ou qui s'y sont installées depuis leur prime enfance. 95 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Quand les individus non natifs sont venus s'installer dans un territoire périurbain dépendant de l'automobile, ils avaient généralement passé une partie de leur trajectoire résidentielle dans des territoires non dépendants. Ils ont y pu apprendre à utiliser des alternatives modales à la voiture comme les transports collectifs (train, bus) ou les modes actifs. Plus l'installation a été tardive (adolescence, âge adulte), plus ils ont appris à utiliser ces modes de manière autonome et continuent à le faire aujourd'hui. Plus particulièrement, pour ceux qui sont arriÎs à l'adolescence, le passage de territoires peu dépendants à très dépendants ne s'est pas fait sans difficulté compte tenu du décalage entre le territoire de départ et le territoire d'arriÎe : « Au début, ça été très dur, quand... ben, j'ai Îcu, en fait, en appartement à RueilMalmaison, avec ma soeur, on a Îcu dans la même chambre, après, on s'est retrouÎ dans la maison à Juilly. Déjà, quand on passe du 92 au 77, c'est super dur, parce que déjà, on ne connaît personne et en plus de ça... et en plus de ça... comment dire, on a... je ne connaissais personne et on passait d'une grande ville à un petit village parce que Juilly, c'est quand même super petit, en plus, tout se touche, Saint Mard, Juilly, Thieux... euh... la gare, c'était une catastrophe, il fallait obligatoirement aller à... à Saint Mard, qui faisait Saint Mard ­ Juilly Dammartin, donc, très, très dur au début. Donc, ça va que j'allais au collège à Saint Mard, donc, ce n'était pas trop, trop loin. Il y avait des bus, je prenais le bus... le bus, alors attendez, c'était le numéro... ah, je ne me souviens plus. Je sais qu'il y avait un bus, il n'y en avait pas beaucoup, donc, il ne fallait pas... enfin bref. » Julie, 22 ans, à la recherche d'un emploi, célibataire, a Îcu à Juilly de 2000 (11 ans) à 2005 (16 ans) avant de revenir vivre avec ses parents au Plessis-Bouchard. « J'habitais à Lille, dans le Nord, jusqu'à l'âge de 21 ans. Ensuite, mes parents qui ont... enfin, ma mère et mon beau-père qui ont toujours été plus ou moins, enfin... surtout mon beaupère, ma mère enfin... elle est arriÎe plus tard, mais dans la restauration... ont décidé d'acheter un restaurant, qui s'est aÎré, donc... enfin, qui était en Seine et Marne, donc, à Marles en Brie... donc, j'ai arrêté mes études pour venir travailler avec eux. [...] C'était une ville, donc... [Elle parle de Lille] avec des commerçants... enfin, vraiment, enfin, surtout la maison, enfin, l'appartement, c'était aussi en plein centre, mais la maison était également, enfin, on habitait dans une rue adjacente, et après, c'était une grande artère... enfin, une grande, grande rue qui s'appelait la rue Gambetta, où il y avait toutes les boutiques possible et qui accédait, de toute façon, au centre-ville de Lille. ET PUIS VOUS ALLIEZ A L'ECOLE A PIED... Voilà, exactement, j'allais à l'école à pied, et ensuite, j'allais au lycée, ben, je prenais le bus qui... qui... on va dire l'arrêt de bus était à 5 minutes.... Toutes les commodités, comme on dit. [...] » Fabienne, 49 ans, assistante maternelle à domicile, mariée, 22 filles de 22 et 15 ans, a Îcu à Marles-en-Brie de 1998 à 1996, originaire de Lille où elle a grandi. Parmi les personnes arriÎes à l'adolescence dans un territoire périurbain dépendant, nous avons rencontré surtout des personnes qui étaient depuis venues s'installer dans des territoires moins dépendants et, ce de façon plutôt définitive. Généralement, ils avaient du mal à envisager un retour dans le périurbain peu dense compte tenu des difficultés qu'ils ont pu éprouÎes. Les premières 96 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale étapes de leur socialisation (primaire et secondaire) se sont déroulées dans des milieux urbains plus ou moins denses mais surtout peu dépendants de l'automobile. Par leurs trajectoires et leur socialisation précoce à d'autres modes que la voiture, ces individus non natifs avaient déjà adopté l'intermodalité, avec ou sans automobile. Il faut y voir ici l'influence des parents (socialisation primaire) mais aussi d'autres instances de socialisation plus secondaires comme les réseaux de pairs, l'école, etc. Du coup, pour ces individus non natifs qui ont intégrés et adoptés l'usage de modes alternatifs à l'automobile, la norme de déplacement est plutôt l'intermodalité que l'usage unique de la voiture. Le processus d'acquisition d'une norme ou du moins d'une possibilité de déplacement intermodal n'est pas antagoniste avec le développement du recours systématique à la voiture dans la mesure où cette dernière peut faire partie des modes utilisés au sein du même déplacement (originedestination). Grandir dans des territoires périurbains dépendants de l'automobile s'accompagne souvent d'une obligation sociale d'acquérir le permis de conduire, sésame de l'autonomie de déplacement et rite initiatique de passage à l'âge adulte (Masclet 2002). Dans les deux territoires investigués, une obligation sociale de passer le permis, fortement relayée par les parents, incitent les jeunes à passer leur permis dès qu'ils ont 18 ans, même s'ils n'en ont pas plus envie que cela : « Ben, adolescent, le problème, c'est qu'à partir de 18 ans et 1 jour, il faut passer le permis, quoi, parce que tu n'en peux plus, ça, 18 ans, tu n'as qu'une envie, c'est de bouger avec ta voiture, quoi, c'est vrai qu'il y a ce côté-là ou il faut être Îhiculé tout de suite, quoi. Mon ami, il a 29 ans il n'est toujours pas Îhiculé parce que lui, il était en banlieue, il a toujours pris les transports, nous, c'était infaisable, quoi, il fallait le permis, quoi, ce n'était pas possible, quoi. » Claire, 27 ans, en couple, vit à Paris (HLM), a grandi à Egreville. « Ben, moi, quand mes parents m'ont inscrite, clairement, ça me gonflait parce que je n'avais pas envie d'y aller. CE SONT VOS PARENTS QUI VOUS ONT INSCRITE ? Oui, je ne voulais pas y aller. Ben, d'une, j'allais faire une heure de Îlo pour y aller. Et... Ben, en hiver, c'est toujours pareil, faire du Îlo, quand il fait... moins cinq dehors, ce n'est pas cool. Et puis, non, je n'avais pas envie à l'époque, même si je me disais : « Bon, une fois que je l'aurai, je pourrai faire ce que je veux. » Mais après, il y avait l'histoire de la voiture. Donc, si j'avais le permis et le code, il fallait la voiture, donc pour moi, ça ne servait à rien, en fait ! ET VOUS NE PENSEZ PAS QUE VOS PARENTS, ILS VOUS AURAIENT ACHETE MEME UNE VOITURE PAS CHERE... UNE VIEILLE VOITURE... ? Non. Non, parce que mes parents... me l'avaient dit tout de suite, en fait. « On paye le permis, on ne paiera pas la voiture, parce que si on doit le faire pour toi, on est obligé de le faire pour les quatre derrière, donc... non. » Donc... voilà. Donc, je savais que je n'aurais pas ma voiture. MAIS IL Y EN A QUI ONT DES VOITURES PAS CHERES, APRES. Oui, donc moi, j'aurais peut-être pu, mais... 97 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale C'EST TOUJOURS MOINS CHER QUE LE PERMIS, DU MOINS. Oui, mais quand on a 16 ans, on dit : « Ah non, c'est chiant ! ». Je n'avais pas envie d'y aller, ah, ah ! Donc... j'y allais à reculons, en fait, et... c'est vrai qu'au début, j'y allais même, très rarement. Jusqu'à ce que je me fasse engueuler un bon coup, et que mes parents me disent : « Écoute, on a payé, donc, tu y vas maintenant. » Mais... c'est vrai que même en pensant... au fait que... mes parents auraient pu me prêter leurs voitures, ça, il n'y avait pas de problème, mais... non, je ne sais pas. Je n'avais pas envie d'y aller. Ah, ah ! DONC, FINALEMENT, QUAND ON HABITE DANS UN... DANS UNE PETITE VILLE COMME ÇA, OU ON A DES SOUCIS POUR SE DEPLACER, QU'ON N'EST PAS BEAUCOUP ACCOMPAGNE PAR SES PARENTS, JE ME DIS : « DES QU'ON DOIT AVOIR LA POSSIBILITE QU'ON PASSE LE PERMIS, ON LE PASSE, QUOI. ET ON EST PRESSE DE LE PASSER POUR... VITE ACHETER UNE VOITURE, ET POUVOIR... FAIRE CE QU'ON NE POUVAIT PAS FAIRE OU FAIRE... PLUS SIMPLEMENT LES CHOSES. » ? Oui, mais après, il y a d'autres choses. Moi, l'auto-école était très loin, le temps que j'ai mon permis, j'avais déménagé pour habiter à Paris donc... À Paris, je n'avais clairement pas besoin d'avoir une voiture. » Nastassia, 23 ans, en couple, a Îcu à Ferolles-Attilly avec ses parents de 13 à 21 ans. « Non, non, c'est moi qui ai voulu [que sa fille passe le permis]. Ce n'est pas elle. Pendant 18 ans, j'ai mis tous les mois de côté de l'argent sur un compte, en lui disant... en lui disant toujours : « c'est de l'argent pour ton permis. Ce n'est pas pour autre chose. Le permis c'est vachement important à 18 ans pour travailler, pour se bouger, pour bouger, le permis c'est indispensable ». Donc, voilà. C'est moi qui la... à ses 18 ans, paf, j'ai été l'inscrire au permis, j'ai dit : « il faut absolument que tu aies ton permis, et tu as la chance que... voilà, pendant des années ». Il y en a qui n'ont pas cette chance-là. Voilà, elle est au permis. » Samia, 42 ans, secrétaire à mi-temps à Favières, en couple (divorcée par ailleurs), 2 filles de 19 et 14 ans, vit à Serris (HLM) depuis 2007, a Îcu à Favières de 2001 à 2007. Compte tenu de leurs revenus plus ou moins modestes, l'obtention du permis n'a pas forcément lieu dès 18 ans, mais peut être plus longue le temps de réunir les économies nécessaires pour le passer et/ou acheter le Îhicule. Ainsi, pour les ménages modestes, ce retard dans l'obtention du « papier rose » conduit les jeunes adultes à être dépendants de l'accompagnement de leurs parents ou d'autres modes (notamment les transports collectifs) plus longtemps s'ils choisissent de rester vivre chez leurs parents comme c'est le cas pour les enfants respectifs de Bruno (77), Virginie (77) ou Laurence L. (21). D'autres préfèrent se relocaliser dans des territoires moins dépendants et abandonner l'usage de la voiture comme la fille de Bernadette (77) ou celle de Nicolas (21). Ces dernières se sont toutes les deux rapprochées de leurs lieux d'études en vivant, pour l'une, chez sa grand-mère et pour l'autre, en résidence étudiante (bourse sur critères sociaux). On notera que ces deux jeunes filles ne sont natives ni l'une, ni l'autre du périurbain dépendant dans lequel leurs parents sont venus s'installer tardivement. Une fois le permis obtenu et une voiture à disposition, assiste-t-on à une reconfiguration des déplacements au profit du tout-automobile ou les individus gardent-ils des pratiques multimodales ? De fait, la réponse à cette question dépend essentiellement des caractéristiques de déplacement des 98 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale jeunes considérés avant leur accès autonome et individuel à l'automobile. En l'occurrence, peu importe les territoires investigués, il est nécessaire de distinguer les enfants (moins de 11 ans) des adolescents (de 11 ans jusqu'à 18 ans). Durant l'enfance, dans le périurbain dépendant de l'automobile, les déplacements réalisés par les enfants sont essentiellement accompagnés et ont lieu en voiture, en bus scolaire ou à pied quand l'école maternelle ou primaire est présente dans la commune comme c'est notamment le cas à Crèvecoeur-en-Brie (77), Pommeuse (77) ou Longchamp (77). Les déplacements à Îlo ou piétons plus longs sont rares et essentiellement encadrés par les parents dans le cadre d'une activité de loisir spécifique. A l'adolescence, on assiste à une montée en autonomie des déplacements (ou du moins à la volonté d'une telle autonomie) qui change la perception du territoire comme peut en témoigner Virginie (77) qui a une fille de 16 ans : « Mais c'est vrai que quand ils sont petits, ils adorent Crèvecoeur et quand ils sont plus grands, ils détestent parce qu'il n'y a rien à faire, parce qu'on ne peut pas bouger. C'est vrai que pour les ados, il faut toujours les emmener à la gare, les emmener à droite à gauche, etc. ». Outre l'accompagnement, les adolescents tendent à avoir plus recours à d'autres modes comme le Îlo ou le scooter qui ont une portée supérieure à la marche et qui permettent d'avoir des déplacements autonomes des parents. L'utilisation de ces modes supplémentaire est variable et l'accompagnement parental demeure important. De fait, pour les personnes qui ont été adolescentes dans le périurbain dépendant de l'automobile ou pour les personnes qui sont parents de tels adolescents, cette étape du cycle de vie est celle où les pratiques de déplacements sont les plus diversifiées. Le résultat est valable aussi bien en Seine-et-Marne qu'en Côte-d'Or où ont été déclarées les pratiques modales suivantes : Îlo, marche à pied, bus scolaires, autres systèmes de transports collectifs, voiture en passager ou en conducteur accompagné, scooter, mobylette, covoiturage (camarades ou petits amis), autostop et même transport à la demande. Cette diversité modale tient essentiellement au fait que les ménages et individus rencontrés sont justement modestes et/ou issus de familles modestes. Les adolescents ne peuvent être forcément accompagnés car leurs parents travaillent ou n'ont pas les moyens de multiplier les déplacements : ils apprennent ainsi à se débrouiller autrement pour se déplacer. De plus, avec l'entrée au collège puis au lycée, leurs cercles amicaux s'agrandissent et se dispersent géographiquement. Pour se retrouver entre amis, il leur est alors nécessaire de quitter leur commune, de parcourir plus de kilomètres. Compte tenu de l'importance des alternatives modales à la voiture, on peut alors émettre l'hypothèse que peu importe le niveau de dépendance du territoire considéré, des pratiques modales alternatives à la voiture sont possibles. Si elles sont possibles et correspondent à une étape particulière de la trajectoire de vie des individus, elles ne survivent pas forcément au passage du permis et à l'acquisition d'une voiture du fait même de la socialisation à la voiture qu'expérimentent ces natifs. Aussi, en dehors des transports scolaires, les déplacements quotidiens supposent un usage quasiexclusif de la voiture via l'accompagnement parental et plus particulièrement maternel (Dowling 2000) pour l'école et/ou les autres activités. Quand certains parents restent à domicile, ils sont plus facilement disponibles pour pallier les inadéquations entre emplois du temps de l'école et du bus. Ces inadéquations tendent à s'accroître avec le niveau de scolarisation des enfants et l'arriÎe d'emplois du temps variables. Quand les deux parents travaillent, que la fratrie empêche de multiplier les déplacements d'accompagnement ou que les distances à parcourir deviennent plus importantes, ce dernier comptent d'autres modes comme la marche, le Îlo, le transport scolaire ou le scooter. Pour les plus jeunes, des parents tendent à refuser l'usage du Îlo ou de la marche (Samia à Favières, Sonia à Longchamp) qu'ils perçoivent comme dangereux et accidentogènes (HugueninRichard 2010; Depeau 2008). Le manque d'équipement adéquat et distinct du réseau routier est 99 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale souvent évoqué pour motiver ce choix. Ce faisant, les parents dissuadent les enfants de recourir à ces modes en préférant venir les chercher en voiture. Ils leur transmettent ainsi l'image de la voiture comme le mode le plus adapté et sécurisé pour se déplacer, préférables à d'autres modes. A l'adolescence, ces modes actifs de déplacement permettent une mobilité autonome mais cette dernière est considérée comme peu performante (Bachiri et Després 2008). Même s'ils ne sont pas toujours possible, leur sont généralement préférés l'accompagnement parental ou les scooters et mobylettes, premiers supports d'un déplacement autonomisé. Plus efficaces en portée que des modes actifs, ces Îhicules entretiennent l'image plus performative des modes motorisés individuels au détriment d'autres modes. Issus d'un milieu modeste, les adolescents n'ont pas forcément la possibilité d'en avoir un (s'ils en avaient eu l'autorisation) mais beaucoup de leurs camarades en possèdent, ce qu'ils envient souvent. Qu'ils soient possédés ou non, ces modes sont néanmoins considérés comme la possibilité d'un déplacement autonome anticipé ou un palliatif (plus ou moins) temporaire à la voiture comme témoigne Julie : « Après, là-bas, alors c'est bizarre parce que là-bas... comme c'est des gens... c'est des gens de la campagne... ils ont tous des scooters, c'est hyper impressionnant, c'est.... C'est même une des premières qui font... ils ne pensent pas à acheter... même quand c'est l'âge d'avoir le permis, ils préfèrent avoir des scooters... dernière mode et tout plutôt que de passer le permis. C'est vrai que John, il a eu... il a eu l'intelligence de passer le permis rapidement, mais ils ont tous eu des scooters, des moto-cross et tout. C'est tout ce qui était terrain, ici [au PlessisBouchard (95) où elle réside à présent] pas trop... ici, il n'y a pas trop de scooters, et quand j'étais à Rueil [Rueil-Malmaison dans les Hauts-de-Seine], le scooter, oui, ce n'était pas trop... Si, c'était pour les gens... comme ici, qui allaient travailler et qui prenaient... mais les gros scooters, avec John, on n'avait pas de scooter, quoi, et quand je suis arriÎ à Juilly, ça, ça m'avait impressionné, et je voulais un scooter, du coup, moi aussi, mais mes parents n'ont pas voulu. Ils avaient trop peur et... » Au final, par l'influence de leurs parents ou de leurs réseaux amicaux, les jeunes natifs du périurbain dépendant que nous avons rencontrés montrent qu'ils se projettent ou sont projetés dans la perspective d'un usage autonome de la voiture. Plus qu'autonome, cet usage devient souvent exclusif. S'ils utilisent d'autres modes au cours de leur enfance et de leur adolescence (transport scolaire, marche, Îlo, scooter, etc.), ils tendent à les substituer totalement à l'automobile comme en témoigne Charline, native du périurbain dijonnais : « DONC, FINALEMENT, VOUS PRENEZ, DEPUIS QUE VOUS AVEZ VOTRE PERMIS, VOUS PRENEZ ASSEZ PEU LES TRANSPORTS EN COMMUN ? C'est moins, voire plus du tout. Ça m'arrive, ça m'est arriÎ quelquefois de prendre le bus... de prendre le bus pour ne pas aller très loin au centre-ville, pour aller faire un tour sur le marché. Je sais que je ne vais avoir trente-six mille sacs à remonter et autres. Bon, ben oui, je vais prendre le bus. Parce que ça m'évite de me garer, etc. Mais ça reste très, très rare. C'est vraiment exceptionnel. » 100 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Pourtant, Charline travaille en plein centre-ville et réside à Dijon mais elle a grandi dans le périurbain dépendant de l'automobile. La voiture est alors un symbole : celui de la quête de liberté de déplacement, de l'indépendance et d'un gain substantiel de temps. Pour les ménages rencontrés, la symbolique est double : l'autonomie n'est pas seulement en termes de déplacement, elle est aussi financière. Pour pouvoir se déplacer en voiture, ces jeunes adultes ont dû se payer eux-mêmes leur permis de conduire ou/et leur Îhicule, en travaillant l'été ou au long de l'année, comme c'est le cas pour les filles de Laurence L. et de Nicolas qui vivent à Longchamp (Côte-d'Or). Cette socialisation primaire et secondaire à l'usage de la voiture est donc d'autant plus forte pour les individus qui ont grandi depuis leur prime enfance dans le périurbain contrairement à ceux qui ont appris à se déplacer sans ce mode avant ou après leur épisode résidentiel périurbain. Ainsi, à Dijon, où nous avons rencontré plus de natifs (cf. Tableau 7 : p. 95) ou de parents de natifs, cette socialisation est plus perceptible. Elle se poursuit aussi tout au long de la vie de l'individu, en fonction de sa propre trajectoire résidentielle mais aussi professionnelle. D'autres instances comme l'entreprise ou le Pôle Emploi jouent un rôle important dans la transmission de la norme du tout voiture. Ainsi, à Longchamp, Laurence L. a pu profiter de son licenciement pour obtenir des aides à la mobilité et passer son permis. Séverine aurait aimé faire de même mais le Pôle Emploi a refusé en lui conseillant d'acheter une voiture sans permis comme celle de Giliane. Cette dernière ne peut passer son permis pour des raisons de santé et a investi dans une voiture sans permis quand son mari a perdu le sien. Pour Giliane, il fallait conserver une voiture et un mode de déplacement autonome dans le foyer qui lui a permis en outre de sortir plus souvent de chez elle, n'étant plus limité par les horaires des bus Transo. En Seine-et-Marne, la seule personne qui s'est équipée d'une telle voiture est la compagne d'Abdel (Sainte-Colombe) pour pallier des difficultés administratives qui l'empêchent de passer son permis, pour pallier l'absence de voiture du foyer (panne durable) et améliorer ses conditions de déplacements actuels qui ont lieu en scooter. De fait, par la prise en charge partielle des frais de transport en commun, les entreprises franciliennes incitent plus à l'intermodalité voiture-TC qu'à un recours exclusif à la voiture. Toutefois, pour comprendre comment se développe la norme d'un recours exclusif à l'automobile (ou à d'autres modes individuels motorisés), il faut aussi comprendre comment se développe l'adoption d'une autre posture : celle du non usage des transports collectif. Nous avons vu qu'à l'adolescence, le recours à ce mode existe. Mais il est communément admis que ces derniers font preuve d'une moindre efficacité, car peu fréquents dans les territoires investigués. De fait, cette rareté est réelle. A l'adolescence, le transport scolaire qui est seulement réserÎ aux scolaires et ne peut pas être pris par d'autres catégories de population augmentent la fréquence de desserte des territoires dépendants de l'automobile. A Longchamp et Chambeire, le Transco (ligne 40 qui part de Dijon et est terminus à Soisson-sur-Nacey) est peu fréquent : il passe deux fois par jour dans chaque sens en privilégiant les flux pendulaires vers Dijon. De plus, ce bus ne s'arrête jamais à la gare de Genlis qui bénéficie pourtant d'une ligne TER entre Dijon et Besançon (20 arrêts par jour dans chaque sens). On notera que, malgré la plus grande diversité des horaires, le TER de Genlis n'est pas plus utilisé que le bus par nos enquêtés en dehors de quelques occasions exceptionnelles (prendre le train pour aller à Disneyland Paris par exemple). Pourtant, cette gare est à moins de 6 km de Longchamp. La raison tiendrait là encore à la localisation des lieux de destination situés plus en périphérie de Dijon (comme l'Université par exemple) ou des contraintes horaires des activités réalisées (horaires décalés des ouvriers par exemple). En Île-de-France, le maillage des transports collectifs est plus important et plus fréquent (un train par heure dans chaque sens pour Sainte-Colombe et Pommeuse 101 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale par exemple). Les distances à parcourir étant plus importantes et les destinations pouvant être plus centrales (pour le travail ou tout autre activités), donc moins facilement accessibles en voiture, les transports collectifs sont plus souvent utilisés en Seine-et-Marne qu'en Côte-d'Or. Toutefois un rejet conscient des transports collectifs est plus palpable. De fait, ces modes de transports peuvent être considérés comme bondés, dangereux, mal fréquentés : « Ben, les transports, en fait, c'était fatigant, et puis ma mère, enfin, mes parents avaient peur, quoi, ce n'est pas que ça craint mais le RER B, ce n'est pas ça, enfin, ça craignait un petit peu quand même, du coup... du coup, c'était plus John [son ancien petit ami] qui se déplaçait et puis, voilà, quoi. [...] Ma soeur a Îcu sa primaire, et ses amis d'enfance sont là-bas. Elle s'est refait des copines ici, mais... ça reste... moi, c'était mon année de collège, donc, c'est vrai que c'était super intéressant, quoi, mais elle, la primaire, du coup, elle a développé de belles amitiés et du coup, elle y va très, très souvent. ELLE AUSSI, EN VOITURE, NON, EN TRANSPORTS ? Non, elle y va en transport, ça fait chier mes parents, mais du coup... du coup, là, elle passe son permis. » Julie, 22 ans, à la recherche d'un emploi, célibataire, a Îcu à Juilly de 2000 (11 ans) à 2005 (16 ans) avant de revenir vivre avec ses parents au Plessis-Bouchard. « C'est une des raisons pour lesquelles je ne vais plus non plus au travail, en transports, même si au début je le voulais pour... parce qu'on a une démarche aussi assez écologique, et que je ne voulais pas non plus faire trop de pleins. Et, j'ai commencé à faire des crises d'angoisse... donc... je suis tombée plusieurs fois... j'ai fait des malaises dans les transports en été, donc, ce n'était plus possible, en fait. À CAUSE DE LA FOULE OU A CAUSE DE LA CHALEUR ? À cause des deux. » Nastassia, 23 ans, en couple, a Îcu à Ferolles-Attilly avec ses parents de 13 à 21 ans. « Mais quand je rentrais, des fois, le soir... aux heures de pointe... LA, IL Y A BEAUCOUP PLUS DE MONDE ? Ah, c'était chaud ! C'est ce que je reproche, aujourd'hui, aux transports en commun... Je trouve que c'est le manque de sécurité. Il y a trop... trop d'insécurité ! Ah oui. MEME SUR UNE PETITE LIGNE COMME ÇA... ? PARCE QUE LA, C'EST QUOI, C'EST LA LIGNE QUI VA DE LA GARE DE L'EST A COULOMMIERS, C'EST ÇA ? Oui. Encore ici, ça va... ça va. Mais quand vous chopez les autres lignes, là-bas, du côté où estce que j'étais avant, à Chelles... Oh, la, la ! Le E, c'est le train qui va de la Gare de l'Est à Meaux. Oh, la, la ! Toute la racaille, là ! Oh... oh ! C'est... c'est malheureux à dire, mais... ça ne va pas en s'améliorant, et ça n'ira pas en s'améliorant ! Malencontreusement, c'est... Malheureusement, on ne peut rien faire. On ne peut faire que subir ! Mais, enfin, il y a beaucoup... Moi, je voyais... Les gens... Et même ! Vous êtes dans un transport, vous avez l'impression que tout le monde fait la tronche ! Et puis... Hein, c'est vrai ? Personne ne fait un 102 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale sourire, personne... Oh, la, la ! Oh, la, la ! Moi, c'est pour ça. Je mettais mon walkman, là... Allez, hop, là ! » Miguel, 37 ans, plombier sur Paris, marié, 2 enfants de 10 et 7 ans, propriétaire à Pommeuse depuis 2011. Les personnes qui utilisent ces arguments tendent à avoir uniquement recours à la voiture pour se déplacer ou du moins à préférer la voiture aux TC dès lors qu'ils considèrent ces derniers dangereux (cas du RER pour se rendre à Juilly). Pour ces personnes, certains transports collectifs comme le RER fait écho aux raisons premières qui ont poussé les personnes à s'éloigner de l'urbain pour atterrir dans des territoires dépendants de l'automobile, à savoir le rejet de la ville et de ses dangers. Pour les natifs, ceux dont les parents ont fait le choix, cette image a été intériorisée depuis l'enfance à travers le discours de leurs parents. A l'adolescence puis à l'âge adulte, ils peuvent cependant prendre ce discours à leur compte ou, au contraire, le rejeter en fonction de leurs propres expériences et/ou trajectoires résidentielles. Ainsi Claire est une native du périurbain et vit depuis plusieurs années avec son compagnon à Paris. Elle n'envisage plus de retourner vivre dans de tels territoires et se passe allègrement de sa voiture, qui est restée chez ses parents. Même si le permis représente une forme d'autonomie de déplacement, elle reconnaît se contenter du métro. Ainsi, au gré de leurs propres expériences résidentielles, les individus se détachent de la norme d'un usage exclusif de la voiture. C'est notamment le cas en Île-de-France où les distances à parcourir rendent les transports collectifs parfois plus performants pour parcourir de grandes distances. Pour les nonnatifs, ce rejet est moins fort mais on peut cependant noter que l'usage de la voiture fait malgré tout partie de la norme dans la mesure où elle est une contrepartie nécessaire à l'installation dans un territoire périurbain dépendant de l'automobile, c'est-à-dire dans un territoire sans ou avec peu de services et commerces à proximité. L'usage de la voiture est généralement tenu pour aller de soi. Son usage exclusif permet néanmoins de différencier les individus selon leurs trajectoires personnelles (résidentielle, professionnelle, etc.) et leurs zones géographiques, c'est-à-dire en fonction des équipements et alternatives modales présentes dans ces zones. De plus, comme les trajectoires personnelles se sont aÎrées géographiquement spécifiques au sein des deux enquêtes, la dépendance automobile et son Îcu sont le résultat d'une socialisation géographiquement spécifique. 103 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale · Pour la plupart des ménages interrogés, l'usage de la voiture est peu remis en question : il relève donc d'une norme car la voiture va de soi et est tenue pour aller de soi. Cela peut paraître logique compte tenu des territoires investigués. Mais, les pratiques modales varient d'un territoire à l'autre. L'intermodalité (TC, Îlo, etc.) est bien moins pratiquée en Côte-d'Or qu'en Seine-et-Marne. A l'inverse, le système collectif majoritaire utilisé autour de Dijon est surtout le covoiturage qui est très peu utilisé au quotidien par les ménages franciliens. Les différences géographiques dans l'appréhension de la dépendance automobile sont le résultat de compositions socioéconomiques différenciées (plutôt des employés en Seine-etMarne, plutôt des ouvriers dans l'Est de Dijon). Outre les caractéristiques des territoires et leur Îcu quotidien, la dimension normative du tout-automobile repose avant tout sur la socialisation des individus dans des territoires analogues : natifs et non natifs se distinguent par un usage exclusif ou non de la voiture quand ils vivent dans les territoires périurbains dépendants de l'automobile. Quand ils ont quitté ces territoires, les natifs tendent à conserver des pratiques de déplacement dominées par l'automobile même si ces pratiques deviennent plus multimodales. · · · 104 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Partie 4 : Quitter le périurbain pour échapper à la dépendance automobile : approche à partir du recensement 1. Hypothèses La question que nous nous posons ici est d'identifier si la mobilité résidentielle constitue une échappatoire pour les ménages modestes face à la dépendance automobile dans les espaces périurbains, face à un coût de la mobilité auquel ils font difficilement face. Notre première hypothèse est que les ménages ayant des revenus limités ont une probabilité plus forte de quitter les territoires les plus dépendants de l'automobile. La seconde hypothèse est que ces ménages quittent les communes fortement dépendante de l'automobile ont une plus forte probabilité de s'orienter alors vers un territoire où cette dépendance est plus faible. Enfin, la troisième hypothèse postule que l'accès à un logement social dans le territoire de destination constitue un ressort pour ce type de trajectoires résidentielles. Pour répondre à ce questionnement et tester les trois hypothèses présentées, une analyse multivariée à partir du recensement de la population de 2006 sera effectuée sur deux terrains d'études, la grande couronne francilienne et l'aire urbaine dijonnaise. Le premier territoire d'étude de cette recherche porte sur la région Ile-de-France. Pour autant, elle ne porte pas sur l'ensemble de ce territoire administratif, nous nous sommes limités à ses quatre départements périphériques, soit la grande couronne francilienne où une partie substantielle des espaces périurbains franciliens. En effet, la définition du périurbain que nous avons retenu dans ce travail est celle d'un « ensemble de zones où l'on observe des phénomènes de croissance démographique... où l'on enregistre une production de logements neufs sous des formes variées » (Jalabert, 1985). Selon cette définition, qui n'est pas si loin de celle de M.C. Jaillet (1985) pour qui le périurbain est « une fraction de l'espace sur laquelle se localise... une nouvelle phase de la croissance urbaine, plus adaptée à l'état du système socio-économique... », le périurbain francilien déborde donc de l'Ile-de-France, mais couvre dans la région la majeure partie des territoires de grande couronne. Ce sont ces espaces où les dynamiques des populations et des activités sont particulièrement fortes (Massot et Roy, 2004). Ils absorbent la quasi-totalité de la croissance démographique et la majeure partie de celle du parc de logements entre 1990 et 1999 (Carre, 2005), tandis que dans les autres départements la population reste 105 2. Terrains Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale relativement stable, la construction de logements est moins vive et la croissance urbaine y est plus ancienne. Notre acception large des espaces périurbains, nous invite à ne pas les considérer comme des espaces homogènes. Ainsi, en termes de mobilité et de dépendance à l'automobile les contextes territoriaux en grande couronne sont fortement contrastés, comme l'ont montré Wenglenski (2003) pour l'accès à l'emploi et Motte (2006) pour l'accès aux commerces. La première étape de notre travail empirique a donc consisté à différencier les territoires périurbains en fonction des coûts de la mobilité automobile inhérents à ces localisations résidentielles (Motte-Baumvol, 2007 ; Dodson et Sipe, 2007). Nous avons caractérisé ces degrés d'intensités de la dépendance automobile au travers d'une typologie des communes de la couronne extérieure de l'agglomération francilienne, distinguant deux types de territoires à partir de leur équipement en commerces déterminé à partir de la Base Permanente des Equipements (BPE) de l'INSEE (Figure 6 et Figure 7). Cette classification est le résultat d'un travail préalable qui a montré que la présence de commerces dans un territoire tendait, en fonction de leurs natures, à moduler l'intensité de la dépendance subie par les ménages en jouant sur leur niveau de motorisation et sur les distances parcourues quotidiennement (Motte, 2006). Figure 6 : Niveaux de dépendance à l'automobile des communes de Grande Couronne Francilienne Source : Typologie de l'auteur à partir de la base permanente des équipements 2006 106 Figure 7 : Niveaux de dépendance à l'automobile des communes de l'aire urbaine dijonnaise Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Source : Typologie de l'auteur à partir de la base permanente des équipements 2006 Tableau 8 : Distances parcourues en voiture et niveaux de motorisation des ménages en fonction du niveau de dépendance à l'automobile de la commune de résidence en grande couronne francilienne Distance en voiture d'un ménage d'actif Forte dépendance Faible dépendance 65,8 42,0 Distance en voiture de la personne de référence d'un ménage d'actif 43,2 30,6 Nb de voitures par ménage (tous les ménages) 1,6 1,3 Source : Calculs de l'auteur à partir de la BPE 2007, l'EGT 2001, et le Recensement 2006 Le premier niveau correspond ainsi aux communes qui ne disposent d'aucun commerce ou dans un tiers des cas d'une épicerie, voir d'une boulangerie ou d'un marchand de journaux. Dès lors que la commune dispose d'un supermarché, elle appartient au second niveau d'équipement commercial. En général, cette grande surface à dominante alimentaire a un effet puissant d'agrégation d'autres commerces. On y retrouve souvent en plus de commerces de proximité une pharmacie, un bureau de poste, une banque, des magasins spécialisés et au moins une grande surface spécialisée. Cette typologie définie par Motte (2006) à cette fin a démontré sa pertinence. Ainsi, les communes ne disposant pas ou de peu de commerces de proximité sont considérées comme les plus fortement dépendantes de l'automobile car les ménages qui y résident sont systématiquement contraints de se 107 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale déplacer dans les communes voisines pour s'approvisionner en nourriture et biens anomaux. D'autre part l'absence de services de proximité traduit également le peu d'opportunités locales d'emploi impliquant de plus longues navettes pour les ménages qui y résident. Enfin, les faibles densités et les discontinuités du bâtit nuisant à la marche, ainsi que la faiblesse de l'offre de transport en commun n'y offrent que peu d'alternatives à l'automobile. De ce fait le recours plus important à l'automobile se traduit par une motorisation et un kilométrage en automobile plus importants que dans les autres communes de la couronne externe francilienne (Tableau 8). A l'inverse dans cette typologie, les communes disposant d'un ensemble élargi de services offrent à leurs habitants des opportunités d'approvisionnement et d'emplois locales qui tendent à minimiser leur mobilité automobile. La mobilité automobile y est la plus faible. 3. Données et Méthode 3.1. Etudier les migrations résidentielles des ménages à partir du recensement La partie quantitative de cette étude repose principalement sur l'exploitation des données du recensement de la population de 2006 et en particulier sur le fichier détail portant sur les « Migrations résidentielles des individus entre communes » (MIGCOM). Le fichier détail comporte un enregistrement par individu recensé permettant de dresser des profils individuels, à la différence des autres types de données du recensement agrégées par territoire. Pour répondre aux exigences du secret statistiques, les différents fichiers détails contiennent un nombre limité de variables et certaines variables sont peu détaillées. Dans le fichier MIGCOM, la PCS n'est détaillée qu'en 8 postes et ne dispose pas de variable décrivant le niveau de motorisation des ménages ou la taille du logement, pourtant utile dans le cadre de cette étude. Toutefois, le fichier MIGCOM permet de connaitre le dernier déménagement au cours des cinq dernières années 17 et indique à la fois son origine et sa destination en utilisant le maillage communal. Ce maillage territorial n'est pas le plus fin offert par l'INSEE. Mais un fichier avec un maillage plus fin à l'IRIS dispose d'un nombre de variable beaucoup plus réduit, offrant un profil sociodémographique des individus trop partiel au regard de notre questionnement. Au regard de notre échelle d'étude, celle de la grande couronne francilienne, soit un territoire comprenant près de 1 200 commune, ce maillage parait un compromis acceptable pour approcher les effets de la dépendance sur la mobilité résidentielle. L'utilisation des fichiers détails du recensement pour étudier les migrations résidentielles souffre d'une limite importante dans la mesure ou les caractéristiques des individus, de leur ménage ou celle du logement ne sont connues qu'à la destination et pas à l'origine. Il n'est pas possible à partir de ce Avec l'annualisation des résultats du recensement à partir du recensement de 2005, les migrations résidentielles correspondent au dernier déménagement connu effectué au cours des cinq années précédentes. Auparavant, le dernier déménagement connu pouvait avoir été effectué durant l'ensemble de la période intercensitaire soit 9 années pour le recensement de 1999, le précédent ayant été effectué en 1990. 17 108 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale seul fichier de lier un déménagement à la recherche d'un logement plus grand, l'arriÎe d'un enfant ou bien un changement d'emploi. Dans le cadre de cette étude lorsqu'il sera fait mention d'une situation de chômage, d'une famille monoparentale ou encore d'un logement en HLM, cela s'entend à la date du recensement soit en fin de période, sans qu'il soit possible de dire si c'était déjà le cas à l'origine du dernier déménagement connu. L'analyse des trajectoires résidentielles est menée au niveau des ménages, unités de base de la mobilité résidentielle, de la consommation et de la reproduction, pesant sur le niveau de revenu et de bien-être social des populations (Wallerstein et Smith 1992). Par ailleurs, cette étude n'a pris en compte que les ménages dont la personne de référence est un actif (occupé ou non), principaux animateurs de la dynamique résidentielle en Grande Couronne. L'objectif est de travailler sur un groupe de ménages suffisamment homogènes pour pouvoir étudier et comparer selon les territoires les effets des différentes variables explicatives. Par ailleurs, il est nécessaire que ces ménages soient potentiellement concernés par des situations de fragilités économiques et des ruptures dans le cycle de vie : le chômage ou la monoparentalité par exemple. Ainsi, d'une part les ménages de retraités ont été exclus de notre échantillon parce qu'ils ne connaissent généralement pas les dernières situations. D'autre part les inactifs ont été écartés parce leurs situations sont très hétérogènes en termes de revenus ou de mobilités quotidiennes rendant les comparaisons entre eux, par rapports aux ménages d'actifs et entre territoires particulièrement difficiles. 3.2. Des ménages modestes aux ménages précaires On retrouve deux types de définitions du ménage modeste dans les publications de l'INSEE. La première reconnait les ménages modestes comme les 25% de ménages ayant le plus faible niveau de vie (Devalière et al., 2011). La seconde plus précise définit les ménages modestes comme ceux ayant un niveau de vie supérieur au seuil de pauvreté et inférieur au troisième décile des individus de la France (Chéron, 2008). Par extension dans le cadre de cette étude, les ménages d'actifs modestes peuvent être définis comme ceux ayant un niveau de vie supérieur au seuil de pauvreté et inférieur au troisième décile des niveaux de vie des ménages de la France dont la personne de référence est un actif. Toutefois, comme la variable de niveau de vie ne figure pas dans les données du recensement, la PCS est souvent utilisée pour approcher le niveau de vie d'un ménage. Pour autant, si un découpage de la PCS en 24, 31 ou 48 postes peut donner des résultats jugés satisfaisants, un découpage 8 postes comme celui offert par le fichier détail MIGCOM ne l'est pas (Préteceille, 2006). De fait, les résultats obtenus en opposant les ouvriers et les employés, en tant que ménages modestes, aux cadres et aux professions intermédiaires, en tant que ménages aisés vont s'aÎrer ambiguës, au regard du questionnement et des hypothèses posées. Cette ambiguïté dépend pour partie de l'imprécision de l'approche du caractère modeste des ménages à partir du recensement. Face à ces limites, nous nous sommes appuyés sur des catégories de ménages qui ne sont pas nécessairement modestes mais dont le niveau de vie a été ou est fragilisé par une bifurcation dans le cycle de vie, il s'agit des familles monoparentales et des ménages dont la personne de référence est au chômage. On fait le postulat que tout comme les ménages modestes, ces deux catégories de ménages voient le coût de la mobilité automobile compromettre leurs localisations résidentielles dans des communes de forte dépendance automobile. Plus encore parce que le chômage et la 109 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale monoparentalité sont issus de ruptures dans le cycle de vie et remettent ainsi en cause le niveau de vie des individus et parfois les mobilités et les localisations résidentielles qui en dépendent. Pour chacun des terrains, les différentes trajectoires résidentielles des ménages et leurs caractéristiques sociodémographiques seront décrites dans un premier temps. Les variables ainsi décrites seront ensuite intégrées dans un modèle logistique permettant d'expliquer les déménagements pour chacun des terrains étudiés 4. Résultats 4.1. Des sorties résidentielles faibles à partir des territoires de forte dépendance automobile La part des sorties résidentielles dans la population des ménages des communes de forte dépendance automobile n'est pas plus importante que dans les communes de faible dépendance. Il n'y a donc pas de sorties massives des communes les plus dépendantes de l'automobile. Au contraire, la part des ménages sortants dans les communes de forte dépendance est plus faible que dans les communes de faible dépendance, -5,5 points (Figure 8). Par ailleurs lorsqu'un ménage sort d'une commune de forte dépendance automobile, l'une de ses destinations privilégiées reste une autre commune de forte dépendance automobile (Figure 9). Alors que pour les ménages sortants d'une commune de faible dépendance automobile, les communes de forte dépendance sont la destination la moins fréquente (Figure 9). Figure 8 : Effectifs et pourcentages de ménages selon la trajectoire résidentielle et le niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine Source: Calculs de l'auteur à partir du fichier détail « MIGCOM » du recensement de la population 2006 110 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Ainsi d'une part, s'il y a sorties de ménages modestes fragilisés par la dépendance à l'automobile des territoires où ils résident, ces sorties ne sont pas massives. D'autre part, les sorties résidentielles des communes de forte dépendance ne sont pas orientés fortement vers les communes de faible dépendance automobile en grande couronne ou de l'espace central régional. Ainsi, les hypothèses qui sont à la base de ce travail semblent immédiatement infirmées par ces résultats sur l'ensemble de la population des ménages. Il convient désormais de travailler de façon désagrégée sur la population des ménages en fonction de ses principales caractéristiques sociodémographiques, afin d'aller au-delà de l'effet de structure que suggère ces premiers résultats. Figure 9 : Distribution des ménages ayant effectué une migration résidentielle à partir de la grande couronne par niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine et type de la commune de destination Source: Calculs de l'auteur à partir du fichier détail « MIGCOM » du recensement de la population 2006 4.2. Les ménages de chômeurs ont une plus forte probabilité de quitter les communes de forte dépendance en grande couronne francilienne Une limite forte des résultats présentés ci-dessus est leur caractère binomial alors que la propension à déménager dépend fortement de plusieurs caractéristiques des ménages. C'est pourquoi nous avons construit un modèle cherchant à expliquer la décision de déménager hors de sa commune. Ce modèle est une régression logistique intégrant les principales variables explicatives des déménagements, telles l'âge, le statut d'occupation du logement et le type de logement, comme l'a montré l'étude de la bibliographie sur la mobilité résidentielle. D'autres variables explicatives ont également été intégrées, tel le niveau de dépendance du territoire d'origine et de destination, ainsi que type d'activité du chef du ménage permettant de voir si elle est au chômage. Ces dernières 111 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale variables ont un pouvoir explicatif bien inférieur dans le modèle mais sont cruciales pour discuter l'hypothèse au coeur de cette recherche. Tableau 9 : Descriptif des variables explicatives utilisées dans la modélisation en Grande Couronne Francilienne Variable Age de 20 à 24 de 25 à 39 de 40 à 54 55 et plus 10 808 214 469 431 324 144 876 220 164 225 184 160 315 195 815 746 780 54 697 420 476 128 000 253 001 615 768 185 709 160 140 52 550 37 552 13 668 6 108 115 041 130 598 178 761 107 059 407 969 388 750 4 758 479 425 95 899 198 466 6 204 1,3 26,8 53,8 18,1 27,5 28,1 20,0 24,4 93,2 6,8 52,5 16,0 31,6 76,8 23,2 20,0 6,6 4,7 1,7 0,8 14,4 16,3 22,3 13,4 50,9 48,5 0,6 59,8 12,0 24,8 0,8 34 645 244 089 118 515 21 205 114 459 127 756 91 395 84 845 387 131 31 324 157 099 83 639 177 716 303 144 115 310 121 577 21 078 13 946 4 209 1 490 86 150 68 318 67 972 33 714 170 382 243 953 4 119 188 198 143 074 59 607 11 741 8,3 58,3 28,3 5,1 27,4 30,5 21,8 20,3 92,5 7,5 37,5 20,0 42,5 72,4 27,6 29,1 5,0 3,3 1,0 0,4 20,6 16,3 16,2 8,1 40,7 58,3 1,0 45,0 34,2 14,2 2,8 45 453 458 558 549 839 166 081 334 622 352 940 251 710 280 660 1 133 911 86 021 577 575 211 640 430 717 918 913 301 019 281 717 73 629 51 498 17 877 7 598 201 190 198 917 246 733 140 773 578 352 632 703 8 877 667 623 238 973 258 073 17 946 3,7 37,6 45,1 13,6 27,4 28,9 20,6 23,0 92,9 7,1 47,3 17,3 35,3 75,3 24,7 23,1 6,0 4,2 1,5 0,6 16,5 16,3 20,2 11,5 47,4 51,9 0,7 54,7 19,6 21,2 1,5 Stables N % Migrants N % Ensemble N % PCS Cadres Professions Intermédiaires Employés Ouvriers Type d'activité Actifs occupé Chômeur Niveau de diplôme Inférieur au Baccalauréat Baccalauréat Supérieur au baccalauréat Lieu de naissance dans la région Non Oui Type de famille Célibataire Famille monoparentale avec 1 enfant Famille monoparentale avec 2 enfants Famille monoparentale avec 3 enfants et plus Famille monoparentale avec 4 enfants et plus Couple sans enfants Couple avec un enfant Couple avec 2 enfants Couple avec 3 enfants et plus Type de logement Maison Appartement Autre Statut d'occupation du logement Propriétaire Locataire Locataire HLM Meublé 112 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Autre Dépendance automobile à l'origine Faible Forte Dépendance automobile à la destination Faible Forte 663 424 138 054 82,8 17,2 323 947 94 508 77,4 22,6 987 371 232 561 80,9 19,1 663 424 138 054 82,8 17,2 342 764 75 691 81,9 18,1 1 006 188 213 744 82,5 17,5 21 483 2,7 15 834 3,8 37 317 3,1 A partir du Tableau 9 : ci-dessus, décrivant les variables utilisés dans le modèle, on observe la forte représentation dans la population des ménages de couples et propriétaires caractéristique des espaces périurbains, mais pas de l'ensemble des ménages actifs d'Ile-de-France. Le territoire d'étude se caractérise également par une plus grande jeunesse de la population et le faible pourcentage de ménage résidant dans le parc locatif priÎ, conséquence de la forte proportion de propriétaire et d'un parc social qui reste conséquent dans ces territoires. Les familles monoparentales et les chômeurs comptent respectivement pour 12,3 % et 7,1 % de la population confirmant que les populations et les trajectoires résidentielles au coeur de notre analyse sont en nombre limité parmi l'ensemble de la population. D'autant plus que les ménages résidant dans les communes de forte dépendance automobile représentent moins de 20 % de l'ensemble des ménages. Tableau 10 : Résultats du premier modèle : probabilité de sortir d'une commune de Grande Couronne Francilienne Estimate Std. Error (Intercept) Age (ref.: de 20 à 24) de 25 à 39 de 40 à 54 55 et plus 0.676 -0.587 -1.894 -2.770 0.026 0.078 -0.043 0.114 0.286 0.392 -0.096 -0.254 -0.431 -0.575 -0.689 0.286 -0.051 -0.418 0.016 0.013 0.014 0.016 0.007 0.008 0.008 0.009 0.007 0.007 0.006 0.011 0.013 0.022 0.034 0.008 0.008 0.008 z value 41.197 -44.384 -139.144 -177.797 3.817 9.645 -5.141 12.254 41.694 59.891 -16.929 -22.887 -32.828 -26.571 -20.356 36.910 -6.470 -52.756 Pr(>|z|) < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 *** *** *** *** *** *** *** PCS (ref.: Cadres) Professions intermédiaires Employés Ouvriers Type d'activité (ref. : Actif occupé) Chômeur Diplôme le plus éleÎ (ref.: Pas de scolarité) Inférieur au baccalauréat Baccalauréat Lieu de naissance en Grande Couronne (ref.: Non) Oui Type de famille (ref: Célibataire) Monoparentale avec 1 enfant Monoparentale avec 2 enfants Monoparentale avec 3 enfants Monoparentale avec 4 enfants et plus Couple sans enfant Couple avec 1 enfant Couple avec 2 enfants 113 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Couple avec 3 enfants et plus -0.474 -0.388 -0.335 0.934 -0.334 1.069 0.412 -0.295 -0.236 -0.126 -0.018 -0.030 0.023 -0.015 0.168 0.009 -0.014 -0.020 0.161 0.384 0.420 0.420 -0.005 0.026 0.091 0.242 1.287 0.132 0.063 0.076 0.106 -0.330 0.009 0.006 0.029 0.007 0.008 0.020 0.013 0.043 0.037 0.037 0.041 0.016 0.020 0.020 0.024 0.017 0.016 0.013 0.028 0.031 0.053 0.094 0.020 0.020 0.020 0.023 0.016 0.072 0.017 0.022 0.058 0.032 -50.457 -62.240 -11.672 138.283 -43.851 53.521 30.784 -6.781 -6.462 -3.406 -0.438 -1.889 1.119 -0.727 6.873 0.542 -0.849 -1.514 5.716 12.255 7.912 4.487 -0.248 1.307 4.617 10.333 80.852 1.844 3.716 3.434 1.824 -10.320 < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 *** *** *** *** Type de logement (ref.: Maison) Appartement Autre Locataire Locataire HLM Meublé Autre Forte de 25 à 39 / Forte de 40 à 54 / Forte 55 et plus / Forte Professions intermédiaires / Forte Employés / Forte Ouvriers / Forte Chômeur / Forte Inférieur au baccalauréat / Forte Baccalauréat / Forte Natif Grande Couronne / Forte Monoparentale avec 1 enfant / Forte Monoparentale avec 2 enfants / Forte Monoparentale avec 3 enfants / Forte Monoparentale avec 4 enfants et plus / Forte Couple sans enfant / Forte Couple avec 1 enfant / Forte Couple avec 2 enfants / Forte Couple avec 3 enfants et plus / Forte Appartement / Forte Autre / Forte Locataire / Forte Locataire HLM / Forte Meublé / Forte Autre / Forte Statut d'occupation du logement (ref.: Propriétaire) Dépendance à l'automobile de la commune d'origine (ref.: Faible) < 0.001 *** < 0.001 < 0.001 0.661 0.059 0.263 0.467 < 0.001 0.588 0.396 0.130 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 0.804 0.191 < 0.001 < 0.001 < 0.001 0.065 < 0.001 < 0.001 0.068 < 0.001 *** *** . Combinaison caractéristique du ménage / Dépendance à l'automobile de la commune d'origine *** *** *** *** *** *** *** *** . *** *** . *** Pseudo-R2 de McFadden : 0.176 Pour le premier modèle expliquant les déménagements hors de sa commune, les résultats s'interprètent relativement à un individu âgé de moins de 25 ans, occupé, cadre, vivant seul, propriétaire de sa maison, résidant dans une commune rurale et fortement dépendante à l'automobile. Les tendances générales du modèle sont sans surprise. On constate que la probabilité de déménager diminue avec l'âge, augmente avec le niveau de diplôme, diminue avec le nombre d'enfants, les familles monoparentales étant moins mobiles que les autres. La probabilité de déménager est la plus faible pour les locataires HLM, et plus importante pour les locataires que les propriétaires, et pour ceux qui résident en appartement plutôt qu'en maison. On observe enfin que globalement, les individus habitant les communes à forte dépendance de l'automobile sont 114 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale extrêmement moins mobiles que ceux habitant des communes à plus faible dépendance. Les natifs de grande couronne sont moins mobiles que les autres. Il s'agit de ménages qui bénéficient généralement de compétence de mobilité et d'un réseau de proches à même de compenser leurs éventuelles fragilités face à la dépendance automobile (Morel-Broche et Motte-Baumvol, 2010). Le modèle permet de Îrifier certaines des hypothèses de notre recherche. Les ménages tendent à quitter de manière plus importante les communes fortement dépendantes de l'automobile lorsqu'ils sont en situation de chômage. De même, les familles monoparentales tendent à plus quitter les communes fortement dépendantes de l'automobile. On a mis en évidence le fait que les chômeurs et les familles monoparentales soumis à la dépendance automobile ont tendance à migrer : la relation de cause à effet semble probable dans ce cas. L'effet du logement social sur la probabilité qu'ont les ménages à quitter les territoires de forte dépendance automobile. L'effet est significatif mais de faible ampleur. Ainsi, la probabilité de déménager est plus forte à partir des communes de forte dépendance automobile lorsque c'est pour accéder à un logement social. Il est difficile ici de déterminer si c'est un effet de la faible présence de logement social dans les communes fortement dépendantes de l'automobile, si il correspond à un changement de commune d'un ménage disposant déjà d'un logement HLM ou s'il s'agit bien d'un ménage échappant à la dépendance automobile parce qu'il a la possibilité d'accéder à un logement social. 4.3. Chômeurs et familles monoparentales peinent à échapper à la forte dépendance à l'automobile de leur territoire de résidence Nous allons plus loin dans notre analyse en nous intéressant à la destination des individus lorsqu'ils choisissent de déménager. Dans ce but, nous considérons uniquement à la population des individus de grande couronne qui déménagent, et nous cherchons à déterminer s'ils le font pour s'installer dans une commune fortement dépendante de l'automobile ou non. Nous modélisons donc la probabilité de s'installer dans une commune fortement dépendante de l'automobile lors d'un déménagement. Nous supposons alors que les communes de Paris et de la petite couronne, de même que le reste de la France, ne sont pas fortement dépendantes à l'automobile. Tableau 11 : Résultats du second modèle : probabilité pour les ménages ayant déménager de s'orienter vers une commune de forte dépendance automobile en Grande Couronne Francilienne Estimate (Intercept) Age (ref.: de 20 à 24) de 25 à 39 de 40 à 54 55 et plus Std. Error 0.029 0.022 0.023 0.029 0.012 0.015 0.015 0.018 z value -25.402 5.501 -4.726 -2.988 19.051 11.662 16.710 6.318 Pr(>|z|) < 0.001 < 0.001 < 0.001 0.003 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 *** *** *** ** *** *** *** *** 115 -0.735 0.122 -0.111 -0.086 0.233 0.177 0.256 0.113 PCS (ref.: Cadres) Professions intermédiaires Employés Ouvriers Type d'activité (ref. : Actif occupé) Chômeur Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Diplôme le plus éleÎ (ref.: Pas de scolarité) -0.003 0.013 -0.261 0.794 -0.189 0.012 -15.433 < 0.001 *** Lieu de naissance en Grande Couronne (ref.: Non) Oui 0.207 0.010 20.608 < 0.001 *** Type de famille (ref: Célibataire) Monoparentale avec 1 enfant -0.092 0.025 -3.711 < 0.001 *** Monoparentale avec 2 enfants -0.276 0.029 -9.525 < 0.001 *** Monoparentale avec 3 enfants -0.438 0.047 -9.235 < 0.001 *** Monoparentale avec 4 enfants et plus -0.683 0.084 -8.112 < 0.001 *** Couple sans enfant 0.078 0.015 5.285 < 0.001 *** Couple avec 1 enfant -0.055 0.015 -3.545 < 0.001 *** Couple avec 2 enfants -0.232 0.016 -14.941 < 0.001 *** Couple avec 3 enfants et plus -0.324 0.018 -17.799 < 0.001 *** Type de logement (ref.: Maison) Appartement -2.076 0.012 -172.144 < 0.001 *** Autre -1.211 0.050 -24.329 < 0.001 *** Statut d'occupation du logement (ref.: Propriétaire) Locataire -0.036 0.012 -3.126 0.002 ** Locataire HLM -0.834 0.019 -42.849 < 0.001 *** Meublé -0.352 0.039 -9.042 < 0.001 *** Autre -0.251 0.026 -9.742 < 0.001 *** Dépendance à l'automobile de la commune d'origine (ref.: Faible) Forte 0.832 0.052 16.012 < 0.001 *** Combinaison caractéristique du ménage / Dépendance à l'automobile de la commune d'origine Inférieur au baccalauréat Baccalauréat de 25 à 39 / Forte de 40 à 54 / Forte 55 et plus / Forte Professions intermédiaires / Forte Employés / Forte Ouvriers / Forte Chômeur / Forte Inférieur au baccalauréat / Forte Baccalauréat / Forte Natif Grande Couronne / Forte Monoparentale avec 1 enfant / Forte Monoparentale avec 2 enfants / Forte Monoparentale avec 3 enfants / Forte Monoparentale avec 4 enfants et plus / Forte Couple sans enfant / Forte Couple avec 1 enfant / Forte Couple avec 2 enfants / Forte Couple avec 3 enfants et plus / Forte Appartement / Forte Autre / Forte Locataire / Forte Locataire HLM / Forte Meublé / Forte 0.158 0.328 0.250 -0.073 0.031 0.097 -0.187 -0.246 -0.182 0.007 0.296 0.333 0.689 0.809 -0.099 0.182 0.377 0.474 0.552 0.657 -0.136 0.875 -0.057 0.037 0.040 0.052 0.024 0.030 0.030 0.035 0.024 0.024 0.019 0.043 0.049 0.085 0.153 0.028 0.030 0.030 0.036 0.023 0.094 0.023 0.034 0.070 4.273 8.223 4.805 -2.980 1.045 3.212 -5.392 -10.155 -7.645 0.385 6.852 6.752 8.126 5.297 -3.585 6.129 12.544 13.086 24.199 6.953 -6.031 25.685 -0.812 < 0.001 < 0.001 < 0.001 0.003 0.296 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 0.700 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 0.417 *** *** *** ** ** *** *** *** *** *** *** *** *** *** *** *** *** *** *** *** 116 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Autre / Forte 0.037 0.048 0.762 0.446 Pseudo-R2 de McFadden : 0.196 Le modèle nous montre que globalement, les individus qui déménagent vers des communes fortement dépendantes de l'automobile sont âgés de 25 à 40 ans, natifs de grande couronne, sans enfant, n'étant pas cadre pour y être propriétaire d'une maison. Il s'agit donc comme attendu de jeunes ménages d'actifs cherchant à accéder à la propriété dans des territoires où les prix de l'immobilier sont les moins éleÎs. Ils correspondent à la figure type du ménage périurbain s'installant dans des localisations périurbaines périphériques telle que décrite dans la littérature (Berger, 2004; Cavailhès et Selod, 2003; Jaillet, 2004). Pour les ménages avec une forte dépendance automobile à l'origine, la probabilité est plus éleÎe de s'installer à nouveau dans une commune de forte dépendance automobile à la destination. La dépendance à l'automobile est donc probablement en grande partie choisie en connaissance de cause. Pour autant, pour ce qui concerne les ménages sortant des communes de forte dépendance, les comportements sont un peu différents des autres ménages ayant effectué un déménagement. En particulier, les familles en situation de précarité ou de fragilité telles que les familles monoparentales sont plus enclins à déménager vers d'autres communes fortement dépendantes. Ces ménages en situation de précarité semblent donc avoir du mal à échapper à la dépendance à l'automobile, probablement parce que les familles monoparentales parviennent difficilement à accéder à l'offre et aux niveaux de prix des logements dans les communes de faible dépendance automobile. Aussi bien que ces ménages cherchent la proximité dans leurs déménagements pour ne pas ajouter à une séparation un déracinement d'un territoire, de réseaux sociaux et amicaux, affectant aussi bien la mère que les enfants (Minodier, 2006). On fait ici l'hypothèse que les communes de forte dépendance automobile ont une forte probabilité d'avoir comme voisines des communes avec un même niveau de dépendance. De fait, les territoires de forte dépendance automobile sont rarement isolés et forment plutôt un ensemble d'un seul tenant maillé de quelques rares enclaves de faible dépendance automobile (Figure 6 : ci-dessus). A l'inverse des familles monoparentales, les chômeurs sortants d'une commune de forte dépendance automobile déménagent moins vers une commune aussi dépendante de l'automobile. Probablement parce que la forte dépendance à l'automobile est généralement un obstacle à la recherche d'un nouvel emploi et qu'en connaissance de cause, ils cherchent à s'orienter vers d'autres territoires mieux dotés en emplois. Pour autant, les territoires de forte dépendance automobile continuent d'être attractifs pour les chômeurs, à priori ceux qui n'y étaient pas déjà installés, et qui y trouvent des logements à moindre coût mieux adapté à leur situation. Ainsi, si le modèle précédent a mis en évidence que les chômeurs et les familles monoparentales migrent pour échapper à la dépendance à l'automobile, les communes fortement dépendantes à l'automobile continuent d'accueillir ces familles en situation de fragilité et de précarité, sans doute du fait de leur attractivité en termes de budget logement. Les communes dépendantes à l'automobile sont marquées par ce double mouvement à la fois d'attrait et de répulsion des ménages précaires. 117 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale 4.4. L'Aire Urbaine Dijonnaise affiche des tendances similaires à celles obserÎes en Ile-de-France 4.4.1. Des sorties des territoires de forte dépendance automobile plus limitées à Dijon A Dijon comme en grande couronne francilienne, on n'observe pas un niveau supérieur de ménages sortants des communes de forte dépendance. Ils y comptent pour moins de 40 % des ménages soit moins qu'en grande couronne francilienne. Par ailleurs, le centre de l'aire urbaine dijonnaise ou les communes de faible dépendance ne constituent pas des destinations privilégiées pour les ménages sortants des communes de forte dépendance (Figure 11 : ci-dessous), à l'inverse de l'Île-de-France. Ainsi, les trajectoires résidentielles qui sont au coeur de notre questionnement sont peu représentées dans l'aire urbaine dijonnaise, traduisant très probablement le faible enjeu que constitue la mobilité résidentielle comme adaptation aux coûts induits par la dépendance automobile dans le périurbain dijonnais. Figure 10 : Effectifs et pourcentages de ménages selon la trajectoire résidentielle et le niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine dans l'aire urbaine dijonnaise (hors Dijon) Source: Calculs de l'auteur à partir du fichier détail « MIGCOM » du recensement de la population 2006 118 Figure 11 : Distribution des ménages ayant effectué une migration résidentielle à partir de l'aire urbaine dijonnaise (hors Dijon) par niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine et type de la commune de destination Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Source: Calculs de l'auteur à partir du fichier détail « MIGCOM » du recensement de la population 2006 4.4.2. Une population moins qualifiée et plus souvent propriétaire d'une maison dans l'aire urbaine dijonnaise La composition sociodémographique de l'ensemble des ménages résidant ou sortant des communes de forte dépendance automobile de l'aire urbaine dijonnaise (hors commune de Dijon) un peu différente de celle obserÎe en Grande Couronne Francilienne. La population des ménages du territoire dijonnais a un niveau d'étude moindre et comporte une part de cadre moins importe et inversement une part d'ouvriers plus importante. Ces différences se fondent notamment sur un marché de l'emploi faisant la part belle aux actifs avec des niveaux de qualifications supérieurs. L'âge des ménage est plus éleÎ à Dijon tandis que la taille des ménages y est également un peu moins importante, notamment parce que la part des célibataires est plus faible et celle des couples avec plusieurs enfants plus forte. Ce qui s'explique par un environnement francilien plus attractifs pour les jeunes actifs en début de carrière tandis que les familles avec enfants se trouvent souvent à l'étroit dans les très chers logements d'Ile-de-France. Enfin, une forte différenciation entre les deux terrains est fortement marquée quant à la part des célibataires et celle de ceux qui occupent une maison individuelle, ces deux caractéristiques étant souvent liées. Cette différenciation atteint environ 10 points pour ces deux caractéristiques au profit du terrain dijonnais par rapport à celui francilien. Ces différenciations entre l'Ile-de-France et les autres aires urbaines sont bien connues, bien documentées et expliquées, notamment dans les publications de l'INSEE, nationales et régionales. 119 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Quant aux particularités des migrants ou des stables par rapport au profil général de l'ensemble des ménages, on ne constate pas de différences significatives entre le terrain dijonnais et celui d'Ile-deFrance. En effet, ici aussi les migrants sont bien plus jeunes et plus diplômés que les stables. Les migrants sont également des ménages de plus petite taille, sont plutôt des employés, voir des professions intermédiaires que des ouvriers. Enfin, parmi les ménages de migrants on compte une minorité de propriétaire et d'occupants de maisons individuelles. Tableau 12 : Descriptif des variables explicatives utilisées dans la modélisation dans l'Aire Urbaine Dijonnaise Variable Age de 20 à 24 ans de 25 à 39 ans de 40 à 54 ans 55 ans et plus 275 5 925 16 044 4 439 5 025 7 969 4 575 9 113 25 386 1 297 16 074 4 085 6 523 4 490 1 544 909 389 5 082 4 813 9 456 18 526 8 059 98 19 266 2 214 4 579 160 463 1,0 22,2 60,1 16,6 18,8 29,9 17,1 34,2 95,1 4,9 60,2 15,3 24,4 16,8 5,8 3,4 1,5 19,0 18,0 35,4 69,4 30,2 0,4 72,2 8,3 17,2 0,6 1,7 1 855 7 207 4 074 624 2 410 4 387 2 916 4 048 13 036 725 5 773 2 926 5 062 4 553 748 355 138 2 834 1 882 3 252 5 891 7 790 80 5 992 5 335 1 551 406 477 13,5 52,4 29,6 4,5 17,5 31,9 21,2 29,4 94,7 5,3 42,0 21,3 36,8 33,1 5,4 2,6 1,0 20,6 13,7 23,6 42,8 56,6 0,6 43,5 38,8 11,3 2,9 3,5 2 130 13 132 20 119 5 063 7 435 12 356 7 491 13 161 38 422 2 022 21 847 7 012 11 585 9 043 2 292 1 264 527 7 916 6 695 12 708 24 416 15 849 179 25 259 7 549 6 130 566 941 5,3 32,5 49,7 12,5 18,4 30,6 18,5 32,5 95,0 5,0 54,0 17,3 28,6 22,4 5,7 3,1 1,3 19,6 16,6 31,4 60,4 39,2 0,4 62,5 18,7 15,2 1,4 2,3 Stables N % Migrants N % Ensemble N % PCS Cadres Professions Intermédiaires Employés Ouvriers Type d'activité Actifs occupé Chômeur Niveau de diplôme Inférieur au Baccalauréat Baccalauréat Supérieur au baccalauréat Type de famille Célibataire Famille monoparentale avec 1 enfant Famille monoparentale avec 2 enfants Famille monoparentale avec 3 enfants et plus Couple sans enfants Couple avec un enfant Couple avec 2 enfants et plus Type de logement Maison Appartement Autre Statut d'occupation du logement Propriétaire Locataire Locataire HLM Meublé Autre 120 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Dépendance automobile à l'origine Faible Forte 15 450 11 233 15 450 11 233 57,9 42,1 57,9 42,1 8 141 5 620 9 575 4 186 59,2 40,8 69,6 30,4 23 591 16 853 25 025 15 419 58,3 41,7 61,9 38,1 Dépendance automobile à la destination Faible Forte 4.4.1. Des résultats de modèles similaires à la situation francilienne Dans le Tableau 13 :, nous présentons les résultats de la régression logistique qui modélise la probabilité pour un ménage de sortir d'une commune de l'aire urbaine dijonnais (hors commune de Dijon). Les variables ayant le pouvoir explicatif le plus important sont les même que pour le modèle appliqué à la grande couronne francilienne, avec par ordre décroissant : l'âge, le statut d'occupation du logement et le type de ménage. Tableau 13 : Résultats du premier modèle : probabilité de sortir d'une commune de l'Aire Urbaine Dijonnaise (hors Dijon) Estimate (Intercept) Age (ref.: de 20 à 24) de 25 à 39 de 40 à 54 55 et plus 1,032 -0,876 -2,367 -3,046 0,105 0,005 -0,001 -0,199 0,173 0,329 -0,277 -0,444 -0,638 0,044 -0,240 -0,308 -0,117 0,524 1,178 -0,771 Std. Error 0,112 0,088 0,090 0,104 0,050 0,061 0,059 0,072 0,046 0,046 0,074 0,100 0,158 0,052 0,055 0,051 0,043 0,227 0,047 0,054 z value 9,193 -9,913 -26,237 -29,429 2,111 0,075 -0,025 -2,758 3,729 7,167 -3,734 -4,458 -4,039 0,849 -4,385 -6,091 -2,735 2,304 24,882 -14,311 Pr(>|z|) < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** 0,035 * 0,940 0,980 0,006 ** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** 0,396 < 0.001 *** < 0.001 *** 0,006 ** 0,021 * < 0.001 *** < 0.001 *** PCS (ref.: Cadres) Professions intermédiaires Employés Ouvriers Type d'activité (ref. : Actif occupé) Chômeur Diplôme le plus éleÎ (ref.: Pas de scolarité) Baccalauréat Supérieur au baccalauréat Type de famille (ref: Célibataire) Monoparentale avec 1 enfant Monoparentale avec 2 enfants Monoparentale avec 3 enfants et plus Couple sans enfant Couple avec 1 enfant Couple avec 2 enfants et plus Type de logement (ref.: Maison) Appartement Autre Statut d'occupation du logement (ref.: Propriétaire) Locataire Locataire HLM 121 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Meublé Autre Forte de 25 à 39 ans / Forte de 40 à 54 ans / Forte 55 ans et plus / Forte Professions intermédiaires / Forte Employés / Forte Ouvriers / Forte Chômeur / Forte Baccalauréat / Forte Supérieur au baccalauréat / Forte Monoparentale avec 1 enfant / Forte Monoparentale avec 2 enfants / Forte Monoparentale avec 3 enfants et plus / Forte Couple sans enfant / Forte Couple avec 1 enfant / Forte Couple avec 2 enfants et plus / Forte Appartement / Forte Autre / Forte Locataire / Forte Locataire HLM / Forte Meublé / Forte Autre / Forte 0,674 0,718 -0,590 0,051 0,376 0,391 -0,297 -0,195 -0,322 0,599 0,343 0,194 0,104 -0,165 0,423 -0,390 -0,200 -0,234 2,004 -1,038 -0,142 0,959 0,813 -0,215 pseudo-R2 : 0.2634 0,134 0,097 0,201 0,168 0,169 0,190 0,080 0,103 0,095 0,135 0,075 0,076 0,128 0,162 0,247 0,090 0,093 0,085 0,081 0,380 0,078 0,111 0,270 0,161 5,034 7,435 -2,929 0,304 2,218 2,061 -3,731 -1,891 -3,402 4,422 4,549 2,550 0,818 -1,020 1,712 -4,361 -2,155 -2,761 24,888 -2,733 -1,818 8,640 3,012 -1,331 < 0.001 *** < 0.001 *** 0,003 ** 0,761 0,027 * 0,039 * < 0.001 *** 0,059 . < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** 0,011 * 0,413 0,308 0,087 . < 0.001 *** 0,031 * 0,006 ** < 0.001 *** 0,006 ** 0,069 . < 0.001 *** 0,003 ** 0,183 Dépendance à l'automobile de la commune d'origine (ref.: Faible) Combinaison caractéristique du ménage / Dépendance à l'automobile de la commune d'origine Les résultats généraux du modèle sont identiques à ceux obserÎes en grande couronne francilienne. C'est-à-dire que les ménages qui ont la plus forte probabilité de déménager sont les ménages jeunes, de petite taille, les plus diplômés, actifs occupés, locataires (hors parc HLM) d'un appartement dans une commune faiblement dépendante de l'automobile. A partir des territoires de forte dépendance automobile, le profil du migrant est différent comme obserÎ pour le terrain francilien. Ce la concerne des ménages plus âgés, plutôt de petite taille, notamment des cadres mais aussi des chômeurs. Si la propension des chômeurs à sortir des communes de forte dépendance automobile est forte, les familles monoparentales semblent suivre le même chemin sans que les résultats soient très significatifs. On notera tout de même qu'à partir des communes de forte dépendance automobile les familles monoparentales n'aient pas une plus faible propension à déménager comme c'est le cas en général pour ces ménages. Il nous semble donc que les familles monoparentales aient bien une probabilité plus forte de déménager à partir des communes de forte dépendance automobile. Les tendances mise en évidence dans ce premier modèle prédisant la probabilité d'un ménage de déménager sont équivalents pour l'Ile-de-France et l'Aire Urbaine Dijonnaise. A peu de choses près, il en est de même concernant le second modèle cherchant à prédire la probabilité pour un ménage déménageant de s'orienter vers une commune de forte dépendance automobile. Les tendances 122 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale mises en évidences pour le terrain parisien sont relativement similaires à celles obserÎes pour le terrain dijonnais. Tableau 14 : Résultats du second modèle : probabilité pour les ménages ayant déménagé de s'orienter vers une commune de forte dépendance automobile dans l'Aire Urbaine Dijonnaise Estimate (Intercept) Age (ref.: de 20 à 24) de 25 à 39 de 40 à 54 55 et plus PCS (ref.: Cadres) Professions intermédiaires Employés Ouvriers Type d'activité (ref. : Actif occupé) Chômeur Diplôme le plus éleÎ (ref.: Pas de scolarité) Baccalauréat Supérieur au baccalauréat Type de famille (ref: Célibataire) Monoparentale avec 1 enfant Monoparentale avec 2 enfants Monoparentale avec 3 enfants et plus Couple sans enfant Couple avec 1 enfant Couple avec 2 enfants et plus Type de logement (ref.: Maison) Appartement Autre Statut d'occupation du logement (ref.: Propriétaire) Locataire Locataire HLM Meublé Autre 0,026 -1,266 0,400 0,439 0,078 0,148 0,217 0,150 0,248 0,341 -8,578 1,839 2,926 1,789 0,733 < 0.001 *** 0,066 . 0,003 ** 0,074 . -3,027 -1,556 0,086 0,344 -34,997 -4,523 < 0.001 *** < 0.001 *** 0,098 -0,098 -0,141 -1,237 -0,192 -0,121 0,240 -0,026 -0,292 0,144 0,081 0,080 0,219 0,212 0,337 0,094 0,104 0,096 0,679 -1,217 -1,762 -5,643 -0,906 -0,360 2,555 -0,247 -3,046 0,497 0,224 0,078 . < 0.001 *** 0,365 0,719 0,011 * 0,805 0,002 ** 0,538 0,446 0,589 0,087 0,108 0,100 6,196 4,138 5,865 < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** -0,076 -0,643 -0,725 0,126 0,135 0,175 -0,602 -4,756 -4,136 0,547 < 0.001 *** < 0.001 *** -0,012 Std. Error 0,178 z value -0,066 Pr(>|z|) 0,947 Dépendance à l'automobile de la commune d'origine (ref.: Faible) 0,444 Forte Combinaison caractéristique du ménage / Dépendance à l'automobile de la commune d'origine de 25 à 39 / Forte 0,427 0,167 2,555 0,011 * 0,511 0,182 2,802 0,005 ** de 40 à 54 / Forte 55 et plus / Forte 0,664 0,256 2,597 0,009 ** Professions intermédiaires / Forte -0,090 0,130 -0,690 0,490 Employés / Forte Ouvriers / Forte Chômeur / Forte 0,022 0,359 -0,597 0,162 0,152 0,219 0,134 2,363 -2,726 0,894 0,018 * 0,006 ** 123 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Baccalauréat / Forte Supérieur au baccalauréat / Forte Monoparentale avec 1 enfant / Forte Monoparentale avec 2 enfants / Forte Monoparentale avec 3 enfants et plus / Forte Couple sans enfant / Forte Couple avec 1 enfant / Forte Couple avec 2 enfants et plus / Forte Appartement / Forte Autre / Forte Locataire / Forte Locataire HLM / Forte Meublé / Forte Autre / Forte -0,325 -0,052 1,535 0,101 0,571 0,023 -0,174 0,173 0,361 0,753 -0,158 1,552 -0,373 -0,674 pseudo-R2 : 0.3039 0,118 0,119 0,260 0,289 0,435 0,133 0,151 0,138 0,124 0,487 0,112 0,193 0,299 0,237 -2,767 -0,438 5,905 0,349 1,313 0,173 -1,154 1,254 2,911 1,546 -1,410 8,045 -1,249 -2,840 0,006 ** 0,662 < 0.001 *** 0,727 0,189 0,862 0,249 0,210 0,004 ** 0,122 0,159 < 0.001 *** 0,212 0,005 ** Le modèle nous montre que globalement, comme en Ile-de-France, les individus qui déménagent vers des communes fortement dépendantes de l'automobile sont âgés de 25 à 40 ans, sans enfant, n'étant pas cadre pour y être propriétaire d'une maison. Il s'agit donc comme attendu de jeunes ménages d'actifs cherchant à accéder à la propriété dans des territoires où les prix de l'immobilier sont les moins éleÎs. Enfin, on observe également que les chômeurs ont une probabilité plus faible de s'orienter vers une commune fortement dépendante de l'automobile lorsqu'ils en sont déjà issus, alors que pour les familles monoparentales, au contraire, cette probabilité tend à être plus éleÎe. Ainsi, dans l'Aire Urbaine Dijonnaise comme en grande Couronne Francilienne, les modèles précédents ont mis en évidence que les chômeurs et les familles monoparentales migrent pour échapper à la dépendance à l'automobile, les communes fortement dépendantes à l'automobile continuent d'accueillir ces familles en situation de fragilité et de précarité, sans doute du fait de leur attractivité en termes de budget logement, alors même que les méchés immobiliers parisiens et dijonnais s'ils ont une structure relativement similaires n'ont pas les mêmes niveaux de prix. Par ailleurs les distances parcourues par les ménages de l'aire urbaine dijonnaise sont bien moindres allégeant d'autant le coût de leur mobilité. Dans les espaces périurbains, en particulier ceux les plus périphériques, le coût moyen de la mobilité plus éleÎ pèse fortement sur le budget de ménages modestes qui y résident. Parmi ces ménages, les plus exposés d'entre eux, les chômeurs et les familles monoparentales, parce que ce type d'épisode dans le cycle de vie entamme durablement leur niveau de revenu, connaissent une mobilité résidentielle accrue comme une conséquence au coût d'une telle localisation résidentielle (logement + transport) auquel ils peinent à faire face. Ainsi, nos résultats mettent clairement en évidence la plus forte probabilité qu'ont ces deux types de ménages à sortir d'une commune de forte dépendance automobile. 5. Discussion - Conclusion 124 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Pour autant, si les familles monoparentales ont une probabilité plus forte de quitter une commune de forte dépendance automobile c'est souvent pour s'orienter vers une autre aussi dépendante. Ces territoires continuent d'être attractif probablement en raison du coût du logement et aussi pour ne pas ajouter à cet épisode difficile dans le cycle de vie un déracinement d'un territoire souvent au centre des réseaux sociaux et amicaux du parent et de ses enfants. Pour les chômeurs le constat est différent. S'il sortent d'une commune de forte dépendance, c'est pour s'orienter plus résolument vers une commune de faible dépendance. L'attrait du prix du logement est probablement éclipsé par leur connaissance et leur expérience du marché de l'emploi local et de ses opportunités. A l'inverse, les ménages de chômeurs dont l'étape résidentielle précédente ne s'est pas faite dans ces territoires sont plus enclins à s'y installer. L'abitrage entre prix des logements et opportunités d'emplois ne serait pas évaluée de la même façon par ces ménages en raison de leurs expériences respectives. Le logement social est un facteur significatif pour expliquer les déménagement à partir des communes de forte dépendance. Quelque soit le statut d'occupation antérieur, la probabilité de déménager est plus forte pour les ménages qui ont accès à un logement social à destination, quelque qu'en soit la localisation et son niveau de dépendance. A l'inverse le logement social est plutôt associé à un moindre niveau de déménagement à partir des communes de faible dépendance. Pour autant, si le logement social conduit les ménages à sortir d'une commune de forte dépendance, c'est pour se diriger vers une autre commune tout aussi dépendante. Ce résultat est contre-intuitif et montre qu'il existe une offre de logement social dans les communes de forte dépendance qui contribue à orienter et conserver une population de ménages modestes, notamment des familles monoparentales et des ménages de chômeur, dans des territoires de forte dépendance. Ces résultats montrent que la mobilité résidentielle consitue un moyen de réguler le nombre des ménages dont le niveau de vie est fortement contraint par le coût éleÎ des transports dans les territoires de forte dépendance automobile. Pour autant, les tendances obserÎes ne sont pas totalement satisfaisantes dans la mesure ou de nombreuses relocalisations se font dans d'autres communes où les coûts de la mobilité reste très éleÎs. Les déménagements ne permettent dans ces cas là que des allègements partiels et/ou temporaires du budget transport avec un rapprochement géographique du lieu d'emploi, des réseaux sociaux, familiaux et amicaux, qui restent sous la menace d'un renchérissement du coût de l'énergie. Toutefois, dans les facteurs qui participent à maintenir les ménages dans une situation de forte dépendance automobile malgré un déménagement, on trouve en bonne place le logement social. Or, le parc social permet généralement de diminiuer substantiellement le budget logement des ménages leur permettant de compenser un coût de la mobilité plus éleÎ. Cet instrument pourrait être utilisé de façon plus efficace et plus durable pour agir sur les situations de dépendance automobile, en orientant plutôt la contruction de nouveaux logements dans des communes faiblement dépendante de l'automobile. Cela permettrait d'ajouter à l'allègement du budget logement celui du budget transport qui peut rester problématique. Les mesures incitant à la mobilité résidentielle paraissent particulièrement pertinentes, parce qu'elles permettent de réduire(mais pas d'éliminer) le besoin pour des aides à la mobilité quotidienne.Ces dernières ont un plus faible coût d'investissement, mais un coût de fonctionnement particulièrement éleÎes dans les espaces périurbains. Lorsque la France, comme de nombreux autres pays) a été confrontée à une rapide et forte augmentation des prix de l'essence en 2008, les mesures proposées ont été la mise en place de chèques transport et le renforcement des transports publics. Alors que l'on connaît la faible efficacité et le coût éleÎ des transports publics dans les espaces périurbains et que Fol et al. (2007,p. 813) mettent en avant que bien souvent les 125 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale programmes visant à "subventionner" la mobilité automobile sont trop coûteux pour être généralisés et menacent nécessairement la part modale des transports en commun. 126 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Conclusion générale Dans cette conclusion générale, nous commencerons tout d'abord par replacer notre étude dans un contexte large reprenant les enjeux de la présence de populations modestes dans les espaces périurbains notamment aux travers d'un rappel des apports de la littérature scientifique. Puis nous rappellerons nos principaux résultats empiriques que nous mettrons en perspective en termes d'aménagement. La présence croissante de ménages modestes dans les espaces périurbains des aires urbaines françaises ne manque pas d'inquiéter dans un contexte d'augmentation et/ou de forte variabilité des coûts du carburant. Le niveau de vie de ces ménages pourraient se trouver entamé par un budget transport mal anticipé dans des territoires fortement dépendants de l'automobile qui leur ont permis l'accession à la propriété. Sortir de ces teritoires impliquerait, pour nombre d'entre eux, la perte de leur statut de propriétaire d'une maison individuelle, pour lequel ils sont prêt à faire d'importants sacrifices, et l'arriÎe dans un logement plus petit, probablement en appartement, notamment dans le parc social en banlieue, soit l'anti-modèle du projet résidentiel périurbain dans laquelle ils se sont investis. Dans ce contexte, plusieurs auteurs, au travers d'essais, ont postulés le développement de territoires d'exclusions et d'assignation territoriale pour les ménages modestes dans les espaces périurbains périphériques. Il s'agit d'un côté de territoires périurbains attirant les ménages modestes par une offre de maison individuelles en accession à la propriété abordable et de l'autre côté fragilisant le niveau de vie ces ménages par des injonctions à une mobilité automobile très couteuse. Outre des situations individuelles difficiles qui se multiplieraient dans ces territoires, ces auteurs évoquent également le développement d'une ségrégation sociospatiale accrue dans les espaces périurbains les plus périphériques. Celle-ci serait le fait de la multiplication des situations individuelles de fragilité dans certains territoires entrainant le départ ou l'évitement des ménages plus aisés face à cet environnement social dégradé à l'image et avec l'intensité que l'on connait dans certains quartiers urbains. Les tendances mises en avant par ces auteurs paraissent toutefois contestables. En effet, le développement de territoires périurbains périphériques comportant une population croissante de ménages modestes susceptibles d'être fragilisés par le coût de la mobilité peine à être identifié (Beaucire et Berger, 2002). Plusieurs éléments constitutifs de la ségrégation sociospatiale permettent de l'expliquer : Tout d'abord par le fait que la ségrégation sociospatiale est avant tout portée par les choix de localisation des populations les plus aisées (Preteceille, 2006). Ce sont pour ces ménages que l'univers de choix est le plus ouvert. Leurs niveaux de concentration sont souvent déterminants sur le niveau global de la ségrégation sociospatiale dans un territoire. Or, on observe que les populations les plus aisées sont relativement peu représentées dans les 127 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale espaces périurbains, contrairement aux centres des pôles urbains et qu'elles y affichent des niveaux de concentration peu éleÎs. De plus, la ségrégation sociospatiale est liée, le plus souvent, à une exclusion par les prix de ceux qui n'ont pas les moyens de payer (Galster et Cutsinger, 2005). Or, la périurbanisation entraîne l'intégration dans le marché immobilier de nombreux terrains auparavant nonurbanisé, ce qui à pour effet une tendance à la baisse ou à la modération des prix, alors que les territoires périurbains ont déjà des niveaux de prix inférieurs à ceux de centres. L'exclusion par les prix à donc toutes les chances d'être moins important dans les espaces périurbains et en particulier ceux les plus périphériques. Subséquemment, la constitution de poches de pauvreté dans les espaces périurbains pourrait être le résultat de la sécession des classes moyennes des territoires où la concentration de ménages en difficulté est la plus forte. Si ce type de processus est parfois évoqué pour expliquer une ségrégation sociospatiale accrue en France, Preteceille (2006) réfute cet argument dans le cas de l'Ile-de-France en mettant en avant la très forte dispersion des classes moyennes et leur présence toujours forte dans les quartiers les plus pauvres. Il est peu probable que les espaces périurbains échappent à cette tendance. Ensuite, dans un modèle de ségrégation sociospatiale urbaine classique, les populations les plus pauvres sont également marquées par de hauts niveaux de concentration. En France une forte concentration de ménages pauvres est souvent liée à des localisations comportant des ensembles de copropriétés dégradées ou de logements sociaux. Ce type de configuration est peu fréquente voir inexistant dans les espaces périurbains. Enfin, un dernier facteur peut expliquer l'absence de formation de territoires périurbains de relégation, il s'agit des trajectoires résidentielles des ménages modestes. Ces trajectoires sont réputées bloquées en raison de la structure du marché immobilier. Les espaces périurbains périphériques sont les seuls abordables pour les ménages modestes qui ne peuvent ensuite s'en extirper sous peine de déclassement social et de dégradation de leurs conditions de logement. Ces ménages sont donc « relégués » dans ces espaces. Or MotteBaumvol et al. (2010) ont mis en évidence que cette relégation ne pourrait être que relative puisqu'ils ont identifié une surreprésentation des ménages modestes parmi les ménages sortant des territoires périurbains périphériques. - - - Ce sont aux trajectoires résidentielles des ménages modestes à partir des espaces périurbains que nous nous sommes intéressés dans ce travail de recherche, pour identifier s'ils sont susceptibles de contribuer ou non à la constitution de territoires périurbains de relégation, sous quelles conditions et avec quelle intensité. Il s'agit de renouveler, assoir, préciser et approfondir les résultats exploratoires de Motte et al. (2010). Nous nous sommes appuyés pour cela à la fois sur des analyses quantitatives multivariées et sur des analyses qualitatives à partir d'entretiens. L'enquête qualitative auprès des ménages met en évidence de fortes tensions sur les budgets des ménages modestes résidants dans des territoires fortement dépendant de l'automobile. Le coût de la mobilité dans ces espaces est mal anticipé par ces ménages et souvent occulté. Ces ménages évoquent souvent la pénibilité des déplacements quotidiens, en particuliers ceux liés au travail, mais ne voient pas le coût comme un problème important même lorsqu'on les interroge à ce sujet. Cela se 128 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale traduit par une vulnérabilité économique exacerbée notamment face aux aléas que tous redoutent et se traduisant par des économies d'ampleur en particulier sur les loisirs marchands et sur les vacances compensés par la mobilisation des ressources de naturelles de proximités comme les forêts, les espaces ouverts ou les jardins où l'on pratique des actiÎes récréatives et sportives. Si les ménages peuvent faire des économies sur les dépenses liées à l'automobile que ce soit sur l'entretien, les réparations, le renouvellement ou l'usage, ils ne peuvent y renoncer. Toutefois, leurs marges de manoeuvre y sont bien étroites. Ainsi plusieurs femmes n'ayant pas le permis et ayant la volonté de le passer, aussi bien célibataires, qu'à la tête de familles monoparentales ou qu'en couple y ont renoncé en raison de son coût et malgré les nombreux désagréments que cela leurs occasionnent. Pour autant, malgré les multiples et importantes concessions en termes de niveau de vie, les ménages modestes sont attachés à leurs localisations résidentielles et à leur statut d'accédant à la propriété d'une maison individuelle. Ceux qui y renoncent s'orientent souvent vers des logements en location dans les espaces urbains. Mais ils ne le font que lorsqu'au coût de la mobilité dans ces espaces s'ajoutent des évolutions du cycle de vie professionnel et/ou personnel qui motivent le changement de localisation résidentielle en premier lieu. La séparation d'un couple ou le changement de lieu de travail sont les principaux facteurs qui conduisent à une sortie des territoires périurbains les plus dépendants de l'automobile. Dans ces cas là, une dépendance automobile mal Îcue, en premier lieu en raison de la pénibilité des déplacements et éventuellement en raison de son coût, incite les ménages à s'orienter vers des territoires urbains ou périurbains dans lesquelles les alternatives à l'automobile et les aménités urbaines locales sont plus nombreuses. Bien souvent, les ménages modestes qui renoncent à la propriété dans les espaces périurbains périphériques sont ceux qui ont des liens privilégiées avec les espaces urbains, notamment, que ce soit la localisation de leur emploi, leurs réseau familial et/ou amical, ainsi que d'expériences personnelles et familiales passées. A l'inverse, les ménages qui paraissent tout particulièrement attachés à une localisation résidentielle périurbaine le sont pour les mêmes raisons relativement aux espaces périurbains. Les résultats obtenus par les analyses quantitatives à partir du recensement de la population mettent en perspectives ces observations et viennent confirmer les résultats obtenus précédemment par Motte-Baumvol et al. (2010). Ainsi, deux catégories de ménages ont une propension supérieur à quitter les territoires les plus dépendants de l'automobile. Il s'agit des familles monoparentales et des ménages dont la personne de référence est au chômage. L'idée d'une relégation et de trajectoires résidentielles en cul de sac des ménages modestes dans les territoires les plus dépendants de l'automobile semble remise en cause par ces résultats. Toutefois, lorsque l'on examine leurs destinations on s'aperçoit que c'est souvent pour aller à nouveau vers un autre territoire aussi dépendant de l'automobile. C'est le cas pour les familles monoparentales. Ces territoires continuent d'être attractif probablement en raison du coût du logement et aussi pour ne pas ajouter à cet épisode difficile dans le cycle de vie un déracinement d'un territoire souvent au centre des réseaux sociaux et amicaux du parent et de ses enfants. Pour les chômeurs le constat est différent. S'ils sortent d'une commune de forte dépendance, c'est pour s'orienter plus résolument vers une commune de faible dépendance. L'attrait du prix du logement est probablement éclipsé par leur connaissance et leur expérience du marché de l'emploi local et de ses opportunités. Dans ces trajectoires résidentielles le logement social est un facteur significatif pour expliquer les déménagements à partir des communes de forte dépendance. Quelque soit le statut d'occupation antérieur, la probabilité de déménager est plus forte pour les ménages qui ont accès à un logement 129 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale social à destination, quelque qu'en soit la localisation et son niveau de dépendance. A l'inverse le logement social est plutôt associé à un moindre niveau de déménagement à partir des communes de faible dépendance. Pour autant, si le logement social conduit les ménages à sortir d'une commune de forte dépendance, c'est pour se diriger vers une autre commune tout aussi dépendante. Ce résultat est contre-intuitif et montre qu'il existe une offre de logement social dans les communes de forte dépendance qui contribue à orienter et conserver une population de ménages modestes, notamment des familles monoparentales et des ménages de chômeur, dans des territoires de forte dépendance. La mise en perspective de la situation parisienne par rapport à celle de l'aire urbaine dijonnaise laisse apparaitre une culture du tout-automobile bien supérieure dans les espaces périurbains dijonnais où les pratiques alternatives à l'automobile sont bien moins développées. Toutefois, la dépendance automobile fait plus question pour les ménages modestes de l'aire urbaine parisienne dans la mesure où l'éloignement au lieu de travail et aux aménités urbaines est souvent supérieure renforçant d'autant le coût de leur mobilité. Par ailleurs, l'ancrage parait plus faible dans le périurbain francilien, alors qu'il permet de compenser, par une meilleure connaissance des territoires et un réseau social plus fourni, l'absence d'alternative à l'automobile et la faiblesse des aménités urbaines. 130 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Bibliographie Aguilera, A., Massot, M.H., Proulhac, L., 2006. 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Il tend à rendre compte de la manière dont les acteurs, notamment sociaux appréhendent les questions de mobilité, les difficultés financières et sociales que celles-ci génèrent, l'impact que veut avoir le coût de sociologique que géographique. L'on s'est en effet attaché à recueillir la vision que ces acteurs espaces périurbains et le sens que recouvrait pour eux le qualificatif de périurbain mobilisé souvent la mobilité et la dépendance automobile sur le quotidien des gens. L'angle d'approche est ici plus publics avaient de leur territoire et de la pauvreté dont on suppose aujourd'hui qu'elle gagne les pour parler de leur département. Le terme périurbain de fait est large et peu défini comme cela a été dit dans les réunions organisés par le PUCA dans le cadre de l'appel à proposition « La mobilité et le périurbain à l'impératif de la ville durable, ménager les territoires de vie des périurbains ». Ceci, en dépit de la maturité d'un phénomène, celui-ci est aujourd'hui assorti de jugements de valeurs dont les chercheurs ne se sont pas exempts, comme le rappellent Bénédicte Grosjean (2010) : la partie diffuse ou périurbaine de la ville est perçue moins pour ses caractéristiques propres qu'au travers du modèle urbain qu'est la ville centre dont elle serait, elle, le revers. Et à ce titre, les acteurs locaux, victime de cette image, ne sont pas en reste. Dans ce département où la dépendance à l'automobile est forte, les difficultés pour se mouvoir, nonobstant les actions menées par le conseil général pour désenclaver son territoire, sont ressenties comme majeures. Ces difficultés peuvent être aussi lues à la lumière des représentations : représentations du territoire « périurbain »­du point de vue ceux qui le gèrent et orientent les politiques publiques et tendent à penser le territoire comme un entre deux ou un territoire très rural ; représentations du point de vue de la population que son rapport à l'histoire ou aux lieux incite ou non à bouger et à déménager ; représentations quand aux objets de la mobilité qui, d'un lieu ou d'une population à l'autres peuvent être plus ou moins utilisés, appréciés. C'est ce que nous verrons dans la deuxième partie de ce texte, la première, tendant à esquisser les grandes caractéristiques socio 139 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale spatiales du département, du point de vue des acteurs, les solutions étudiées pour faciliter la mobilité, qui comme on tend à le promouvoir aujourd'hui, tendraient être non pas une mais plurielles. Outre la consultation des documents et études stratégiques sur le département, nous avons rencontré 17 acteurs, dans le domaine des transports, de l'urbanisme, du social. Les entretiens que nous avons menés l'ont été en face à face, seul ou en groupe. L'entretien en groupe a pour avantage de faire se rencontrer et dialoguer les points de vues des personnes responsables de services à ceux de personnes particulièrement investi le champ des Maisons Départementales de la Solidarité, MDS, lieux où prévention de l'enfance, au soutien à la parenté et aux personnes âgées, ect. Sur les treize Maisons département étant l'échelon par lequel la politique d'aide sociale est impulsée, nous avons engagées sur le terrain, et pour nous d'être témoin des débats menés au sein même des services. Le sont déclinées les politiques départementales de solidarité, d'actions relatives à l'insertion (RSA), à la Départementales de la Solidarité (MDS) que compte la Seine et Marne, nous en avons approchés trois. Les MDS choisies l'ont été, avec les services du département, en fonction des territoires qui sur le plan tant social que spatial différaient. Celle de Mitry Mory supervise une région proche de Paris, dynamique sur le plan économique, assez bien desservie en transport en commun ; celles en charge des canton de Provins, Coulommiers recouvrent des territoires plus ruraux, parfois très excentrés en perte de vitesse sur le plan économique. Les MDS se sont aÎrées être une clé d'entrée pertinente pour entrer en contact avec un pan de la population dite modeste. Nous avons travaillé avec plusieurs de leurs services pour constituer un premier échantillon de personnes en difficulté (au chômage, salariée, avec ou sans enfants, célibataires ayant ou non fait demandes des aides ponctuelles) tenant compte de la diversité territoriale de la Seine et Marne (cf. l'enquête auprès de la population de ce rapport). La plupart des associations d'insertion sont partenaires du département dans sa compétence sociale, RMI-RSA. Ces associations ont un rôle important, elles permettent bien souvent de repérer les besoins, de mettre en place des formations...Nous nous sommes donc entretenues avec les représentants d'associations travaillant dans ce domaine et notamment : les coordinatrices de l'association d'accompagnement vers l'emploi (AVE) « Réalité, Relais d'Activités Locales pour l'Insertion, le Travail et l'Emploi » située à la Ferté Gaucher et couvrant un territoire Îritablement en crise ; plusieurs animateurs de l'association Espoir de Coulommiers s'occupant de l'insertion de jeunes. Enfin, deux personnes bénéficiaires du RSA siégeant dans les commissions d'attribution des prestations sociales dans le canton de Provins ont été interrogées. Nous avons ainsi rencontré dans le monde opérationnel de l'urbanisme et des transports, Pierre Mailliet, directeur des transports, à la Direction générale adjointe des déplacements et de l'aménagement du territoire, au Conseil général de Seine et Marne. 140 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale L`urbaniste Daniel Behar, du cabinet ACADIE a été également approché pour avoir assuré une mission d'expertise à la maitrise d'ouvrage pour le conseil de Seine et Marne et avoir rédigé un projet territorial les acteurs politiques, économiques, sociaux et associatifs autour d'une ambition et de grands projets partagés pour l'avenir de la Seine et Marne. Fabriqué au fur et à mesure avec différents acteurs, dans le cadre d'une consultation dite continue, ce projet territorial définit la stratégie du département à moyen terme et constitue une ligne d'intervention construite sur des chantiers prospectifs. Ces différents entretiens ont été construits et menés dans un souci explicite de travailler et de coproduire à terme avec le monde opérationnel un corpus de connaissance utile pour mener leurs actions. Il s'agissait pour nous, non pas tant de leur faire valider des informations que de faire approprier et développer des acquis d'expériences complémentaires, ceux des chercheurs. Cette ambition est restée en-deçà de ce qui aurait pu être fait. Ce n'est qu'une partie remise à demain. Le département en bref Forte croissance démographique et émergence de pôles économiques : le nouveau dessein pour la Seine Marne ... Les acteurs institutionnels font face à une situation qu'ils considèrent comme nouvelle. La Seine et Marne, qui n'avait pas connu de modifications majeures depuis sa création, semblait toujours pouvoir se définir par une certaine unité ­ selon Daniel Béhar-. Or cette unité est aujourd'hui mise en cause par les mutations socioéconomiques qui la touchent de plein fouet. La Seine et Marne, dont la plus grande partie du appartient à la Brie, est le département le plus agricole et rural de l'Ile de France. Pour autant il fait l'objet d'un Îritable développement économique articulé autour de trois pôles moteurs : le pôle de Roissy dont 40 % est en Seine et Marne (80 000 emplois sur potentiellement 160 000 dans les 10 ans qui viennent dont 14 % des salariés viennent de Seine et Marne) ; la ville nouvelle de Marne la Vallée et la ville nouvelle de Sénart (à une moindre échelle ); la ZAC du Val Bréon, enfin zone émergente d'activité logistique en fort développement le long de la RN4. Avec 600 000 habitants il y a 40 ans, un million trois aujourd'hui, la Seine et Marne connait la plus forte croissance démographique et économique de la région Ile de France (Insee). Cette croissance, amorcée avec l'émergence des villes nouvelles, touche dorénavant tout le territoire. Sur les 70 000 logements prévus par Christian Blanc, 9000 se situent en Seine et Marne. La croissance exogène jusqu'aux années 2000 devient après cette date endogène (les enfants des derniers arriÎs restent, la croissance est interne au territoire). 141 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Un département jugé en terme de dépendance, en proie à un problème d'identité La Seine et Marne est à la fois le département le plus étendu et le moins peuplé d'Ile de France. L'une des difficultés du département tiendrait, de l'avis de Daniel Béhar, à sa très grande taille, rendant difficile pour le Conseil Général la construction d'une unité interne. Pour autant le département s'est lui-même longtemps perçu à l'aune d'une seule et unique revendication : celle du nécessaire rééquilibrage de la région parisienne à l'Est. « Depuis le SDAU de 1965 qui alertait sur l'avance de développement prise par l'Ouest « le premier élément de risque est un glissement et un étirement trop prononcé vers l'Ouest du centre des grandes affaires ». Jusqu'au projet de SDRIF de 2008, dans lequel le même discours est porté : « il faut aider l'Est francilien à se mettre au niveau de l'Ouest, en y installant une dynamique similaire. » (p 19, ACADIE, conseil général de Seine et marne, Projet de territoire départemental, juin 2010). Et comme l'estime le SDRIF de 2008, « Pour satisfaire aux objectifs de rééquilibrage il s'agit de valoriser les attraits des pôles de l'ouest et de conforter de nouvelles polarités à l'Est, capables d'atteindre la masse critique et la notoriété que cherchent les grandes entreprises. Les acteurs publics locaux ont fait leur cette revendication de rééquilibrage, et, avec elle, l'image négative qui en découle, à savoir, celle d'un département jaugé à l'aune de sa seule dépendance à (à l'emploi) d'autres territoires. Or, cette image persiste alors même que la Seine et Marne acquiert une nouvelle position dans l'agglomération. Le projet territorial, confié au bureau Acadie, donne à voir le département au travers de ses dynamiques propres, de la nature des territoires qui le constituent. Il met en lumière l'existence de deux Seine et Marne. Une Seine et Marne qui, touchée par le desserrement résidentiel parisien, à l'Ouest du département et le long de deux vallées (vallées de la Seine, Vallée de la Marne), est en proie à un développement de type métropolitain, intensifiant ses relations avec la métropole parisienne. Une Seine et Marne qui couvre les territoires situés en frange Est de la Seine et Marne et jouxte le Bassin parisien dont elle en possède les caractéristiques tant paysagères que sociales et économiques : très rurale, elle avait été gagnée par l'ancienne industrie manufacturière, aujourd'hui en crise. Cette géographique économique et paysagère est encore agissante, les élus de ce département se pensent et pensent leurs actions dans une double dualité : ceux de l'Ouest en proie à une Îritable pression urbaine, se plaignent de ceux de l'est. Ceux du nord se plaignant d'un sud plus rural ou en économiquement en déclin... les territoires les mieux dotés accusant aux autres de « prendre leur argent ». Des difficultés sociales diffuses sur tout le département ; non pas une forme mais différentes formes de pauvreté 142 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Aux derniers recensements de l'INSEE, les nouveaux arrivants en Seine et Marne appartiendraient majoritairement à la catégorie des ménages modestes. Ainsi, au regard d'autres territoires de la région Ile de France, le département recèle peu de ménages pauvres (données INSEE 2006). Pour autant, comme ailleurs, on assiste à une certaine paupérisation des villes (Meaux, Melun, Chelles) dont la population tend à diminuer et qui font l'objet de politiques publiques (rénovation ANRU). La pauvreté selon les acteurs interrogés (au conseil général, par la voie de Pierre Mailliet ; au sein des maisons départementales de solidarité de Provins, Coulommiers) augmente mais de manière diffuse sur tout le territoire. Elle touche autant les centres villes que les bourgs ruraux du département. Les ménages quelque soit leur lieu d'habitation sont confrontées à des difficultés qui peuvent concerner toutes les catégories sociales à un moment de leur vie : difficultés familiales, divorces, chômage, maladies, surendettement. Pour les services sociaux, le fait saillant relève de la croissance des familles monoparentales, qui ne seraient donc plus l'apanage des seules banlieues parisiennes. Ils voient avec l'augmentation de ce type de ménage fragile, l'émergence d'une nouvelle pauvreté. Aujourd'hui en Seine et Marne, un ménage sur cinq avec enfants est monoparental. Dans les structures sociales tel que les associations d'accompagnement vers l'emploi, ce phénomène s'observe à partir de la fréquentation de leur structure par des femmes seules avec enfants, très nombreuses. Ces dernières peuvent même être - phénomène nouvellement obserÎ - très jeunes, lycéennes (17_20 ans). Les services sociaux voient aussi venir à eux des femmes plus âgées, la trentaine, sans expérience professionnelle, ayant pour avoir eu à élever leurs enfants, jusqu'alors très peu travaillé. Les ilots de pauvreté lorsqu'ils existent se situent autant dans des villes recelant des quartiers d'habitat social - Meaux, Torcy, quartiers qui peuvent y être importants comme à Montreaux - que dans des villes à priori plus aisées­ Fontainebleau ­ dotées de tel quartiers ou encore dans le rural profond. Les petites communes non concernées par la loi SRU peuvent être concernées : marquées par un déficit patent de logement social, elles n'en accueillent pas moins des pauvres, logés dans du locatif priÎ. Trois formes de pauvreté ont été mises en évidence, dans le diagnostic territorial de Daniel Behar. Une forme de pauvreté urbaine, concentrée dans les ZUS et urbaine, globalement assimilable aux grands ensembles de la région (Marne la Vallée, Meaux, Melun avec une série de plus petites villes) ; Une forme de pauvreté dite « héritée, ou installée », résultant du déclin du modèle industriel propre au bassin parisien, fermetures des petites usines à la campagne notamment de la frange Ouest de la Seine et Marne. Celle-ci est assez aisée à cerner dans la mesure où on la retrouve 143 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale sur les sites marqués par la désindustrialisation aux alentours de Provins, la Ferté Gaucher, Coulommiers. Le bassin de Coulommiers, hier domaine de grosses industries, est depuis les années 80 en crise. A la Ferté Gaucher, le site de Villeroy et Boch qui drainait 2000 emplois, n'en compte plus que 250. La précarité due à la crise industrielle touche une population locale de Seine et Marnais, au nombre desquels peut être comptée une population issue de l'immigration (tunisienne) aujourd'hui installée sur les lieux. Cette population ancienne a pour caractéristique d'être très peu mobile. La troisième forme de pauvreté, celle dite périurbaine, ou diffuse, est issue de l'endettement des ménages et des séparations. Son repérage est moins aisé car la paupérisation du desserrement urbain dans des trajectoires incertaines crée des situations différentes sur le territoire; cette forme de pauvreté se trouve de façon dispersée à contrario de la pauvreté concentrée dans les territoires de l'ancienne industrie manufacturière. L'observation de ces trois formes peut paraître banale. Ce qui l'est moins, et en fait la spécificité de la Seine et Marne, c'est que ces trois formes de pauvreté cohabitent les unes avec les autres. En effet, si la Seine Saint Denis est connue pour concentrer en son sol la pauvreté, cette pauvreté est assez homogène. Selon Daniel Béhar, c'est dans la combinaison de plusieurs formes de pauvreté que résiderait la difficulté qu'ont les instances sociales du conseil général de Seine et Marne à agir, car les acteurs locaux ont des instruments de politique publique calibrés pour l'une et l'autre pauvreté. La combinaison de ces trois figures de pauvreté est problématique pour ces instances qui nécessitent des formes d'intervention différentes. Un département précurseur en matière de politique de transport en commun, mais où la voiture occupe toujours une place centrale La Seine et Marne se démarque de bien des départements par le fait que les actions menées en matière transports qui relevaient jusqu'en 2004 du STIF. Dans le contexte d'une offre de transport ferré essentiellement tournée vers Paris, le Conseil général de Seine et Marne a profité d'un flou juridique en créant ou incitant à la création dans les secteurs non desservis ou insuffisamment desservis par les transports en commun de lignes de bus forcément déficitaires. Ceci de deux façons : en organisant la desserte du territoire, créant des lignes « express » de pôle à pôle complémentaires au réseau ferré ; et en accompagnant les collectivités dans le cadre de dispositifs de conventionnement tripartite (acteur local tel que syndicat ou communauté de communes / transporteurs/ conseil général), le Conseil Général finance 50 % du déficit d'exploitation des services de transport. Le réseau Seine et Marne Express a ainsi été mis en place à l'initiative du Conseil général si bien qu'en 15 ans des lignes ont été développées entre Meaux et Marne la Vallée, Melun et Provins - Melun et Château Landon. Ces lignes offre un service suffisamment cadencé pour bénéficier de la labélisation « mobilien » du Stif : 15mn 144 de transport l'ont été bien avant que le département ait acquis la compétence de l'organisation des Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale en heure de pointe, une heure en heure creuse (cf carte). Le conseil général se glorifie de gérer 17 réseaux conventionnés, 12 lignes Seine et Marne express, 5 partenariats sur les réseaux de transports à la demande. Parallèlement aux projets régionaux de métro automatique imaginés à l'horizon d'une trentaine d'année, le conseil général s'investit dans plusieurs projets : création d'une ligne une rocade de bus avec intégration de bornes d'arrêts d'urgence pour les bus de manière à les sortir de la circulation routière congestionnée ; ouverture d'une autre ligne de rocade qui suit le RN36 ­entre Melun et Meaux. Le Conseil général est investi dans le secteur Val d'Europe dans le cadre de la convention Disney. Vincent Eblé, président du conseil Général, en sa qualité de vice président du Stif et, membre du bureau de paris métropole, au conseil de surveillance de la Société du Grand Paris, s'intéresse comme tel à la prolongation du RER E. Nonobstant ces efforts, la voiture demeure le meilleur moyen de se déplacer : près de 80 % des déplacements se font en voiture, et « la voiture ­ estime, au Conseil général, Laurent Mailliet, directeur du service des Transport, reste encore un mode de transport sur lequel il faut encore compter et s'appuyer dans le cadre de notre politique de Transport ». Notons à ce sujet, que le conseil général de Seine et Marne se démarque de nombre de départements ayant mis eux l'accent sur le seul transport collectif. Il s'engage également du côté des nouvelles mobilités, en gérant un site du covoiturage, monté en partenariat avec la société du développement économique du département, et des acteurs économiques. Le site compte cependant à ce jour peu d'inscrits (600-700 déplacements non quotidiens), si bien que le conseil général envisage de mettre en place des avantages financiers pour rendre ce type de service plus attractif : réduction du nombre de places dans les parkings, avec offre des places les mieux placées à ceux qui covoiturent ; dans le cadre de la révision du PDU, création de mini parcs relais au sein de points d'arrêt en zones rurales qui assurent des correspondances. Un tel parc relais a été déjà réalisé à Chenoise : accueillant le bus il pourrait intégrer des places pour le covoiturage d'ici 5-10 ans. Les transports priÎs : l'émergence d'entreprises agiles et flexibles Les entreprises, d'une manière générale, sont peu présentes en matière de transport. Les plans de déplacements interentreprises ont par ailleurs du mal à se mettre en place, les entreprises, dont les horaires différent, peinant à s'entendre. Mais le priÎ n'est pas pour autant absent si l'on considère, c'est à noter, les initiatives locales. Depuis cinq ans, le Conseil général a vu le secteur des transports non formalisés exploser. Un certain nombre d'entreprises de services, souvent des entreprises multiservices, profitant de la formule juridique de 145 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale l'auto-entrepreneur nouvellement instituée, se sont mis à proposer du transport à la demande, notamment pour les personnes âgées. Le Conseil général aide ces entreprises à trouver des marchés de sous-traitance (Ratp,Transdev) ce qui permet de fournir une supplément d'offre aux heures de pointes, les zones reculées. Les taxis, intégrés dans le système comme sous traitants en tirent parti­ ils effectuent les courses non remboursées par la sécurité sociale. Le Conseil général a lui même monté un observatoire pour les transport à la demande pour les personnes handicapées (Pam 77): il propose des délégations de service public sur le sujet qui aujourd'hui propose 100 000 courses à des condition de prix très avantageuses. Le Conseil Général a repris à son compte la société Créabus (entreprise de transport à la demande créée par Véolia sur Saint-Fargeau), a déposé une marque Proxibus, ligne de transport à la demande qui dessert les zone rurales mais aussi urbaines, en prenant le relais la nuit des réseaux de transport traditionnel public. Les pédibus, montés par des associations, constituent selon Laurent Mailliet, directeur des transports au Conseil général des « feu de paille », même si les maires qui en ont la compétence, ont intérêt à développer un tel type de service. L'herbe est elle plus verte en Seine et Marne ? Ce qu'habiter loin veut dire du point de vue des acteurs sociaux Un desserrement résidentiel de ménages modestes à l'Est qui touche des secteurs non favorables à l'emploi La répartition géographique de la population n'est pas celle escomptée dans le SDRIF de 2004. Les nouveaux arrivants se sont en effet plutôt installés dans les cantons ruraux, c'est à dire à l'Est du département, que ce soit pour y acquérir une maison individuelle, essentiellement, mais aussi pour bénéficier de l'habitat social. La rénovation urbaine des quartiers sensibles des villes de Seine et Marne ou de la proche banlieue parisienne fait se déplacer les populations toujours plus à l'est, c'est à dire là où l'offre de logement social est plus abondante. Le bassin de Coulommiers, en l'occurrence, qui recouvre quatre sous territoires - les cantons de Coulommiers, Ferté-sous-Jouarre, la Ferté-Gaucher et Rebais - eu égard à un passé industriel -dispose d'un petit parc d'habitation social en cours aujourd'hui de rénovation : à Coulommiers, à la FertéSous-Jouarre, à la Ferté Gaucher, et dans une moindre mesure à Rebais. Ces communes, et ce malgré la volonté des maires de maintenir une certaine mixité sociale, accueillent une nouvelle population fragilisée venue de l'ouest, qui n'a pas les moyens d'habiter ailleurs, vit des minimas sociaux, et n'a pas d'attache localement. Cette population pose problème par le fait qu'elle est isolée, déracinée, et 146 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale précarisée. Elle a pu connaître différentes situations (expulsion, hébergement, séparation de couple, la nécessité de rechercher un logement moins cher). Peu doté toutefois en logement HLM, le bassin de Coulommiers se démarque par un fort pourcentage de propriétaires : 71 % des ménages sont des accèdants à la propriété (au regard du taux de 64 % sur le département). Ce desserrement résidentiel vers l'est touche des secteurs où pour reprendre l'expression des acteurs sociaux, « il n'y a rien », pas d'infrastructure, peu d'emplois. La main d'oeuvre locale est encore peu concernée par une reconversion qui se traduit autour de La Ferté Gaucher, par des actions en faveur de mise en valeur de la nature (considérée comme un des atours de la région), autour de l'eau, du sport mécanique, et de l'implantation de nouveaux services (maisons de retraites, entreprises de transport). Les trois quart des actifs Seine et Marnais se concentrent de fait au nord et à l'Ouest du département, en lisère de l'agglomération parisienne tandis que les plus forts taux de chômage se rencontrent à l'est et au sud du département, notamment dans les arrondissements de Provins et de Fontainebleau, territoires peu fournis en entreprises et industrie (Insee, 2006). Montevreau-Fault-Yonne, Provins et Nemours sont les plus touchés par le chômage, avec respectivement 21,7 %, 18,9% et 15,6% de chômeurs parmi la population active. Cette situation conduit à d'importants problèmes de déplacements quotidiens. Mais si le manque de transport est criant, le département connaît, en matière d'offre de transport et de difficulté de mobilité, des disparités. La Ferté sous Jouarre, est en matière d'infrastructure la mieux servie. Elle est la seule à être dotée d'une ligne de train (jusqu'à Meaux, Château Thierry), dispose d'une nationale (la 3), est accessible par l'autoroute A4. L'association d'insertion d'accompagnement vers l'emploi Réalité s'est attachée à étudier l'offre de transport dans les cantons de Coulommiers, La Ferté-sous-Jouarre, la Ferté-Gaucher et Rebais, confrontée au fait « qu'il devient de plus en plus difficile de trouver un emploi proche de son domicile et accessible par les transports en commun ». Il ressort de ses investigations, que « les solutions pour se déplacer existent mais sont compliquées : se déplacer relève Îritablement du parcours du combattant. « On fait trois heures de route, poireaute une heure à l'occasion d'un changement » résume Véronique Miossec, coordinatrice de l'association d'accompagnement vers l'emploi Réalité ; ce qui selon Véronique Miossec n'incite pas chômeurs et bénéficiaires du RSA à aller chercher du travail. 147 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale La difficile activité des femmes à l'Est du département : des transports publics jugés insécurisés la nuit Les problèmes que rencontrent la population pour se déplacer sont un frein pour accéder à l'emploicela a été mis en évidence à moult reprises (Massot 2008, Le Breton, 2005). Mais les employeurs de leur côté peuvent avoir du mal à trouver des salariés, du fait des difficultés que peuvent encourir la population sur le territoire. C'est le cas, en Seine et Marne, de la Zac du Val Bréon, parc logistique qui constitue l'une des plus grandes zones d'aménagement priÎ de l'Ile de France ayant su tirer parti de la présence d'infrastructures routières. Regroupant d'importantes surfaces commerciales pourvoyeuses d'emplois (Ikea, Conforama, Logistic, CENPAC, ect), elle peine à trouver la main d'oeuvre, faute de transport en commun la desservant. Dans les services sociaux des cantons de Coulommiers, La Ferté-sous-Jouarre, La Ferté-Gaucher et Rebais, l'on se préoccupe tout particulièrement de l'emploi des femmes. Le seul emploi qui s'offre aux non diplômées l'est dans les supermarchés : les supermarchés locaux reçoivent beaucoup de candidatures et ne peuvent répondre à toutes les demandes. Les femmes doivent donc pour travailler se rabattre sur les supermarchés situés à la Ferté Gaucher, Coulommiers, Lagny, Chelles. Et de fait, le développement de l'appareil commercial, vecteur d'emplois pour une population feminine non diplômée dans le département étroitement lié à l'extension de l'urbanisation, s'est développé sur les axes LagnyMeaux-La Ferté-sous-Jouarre, au nord, et Melun-Montereau-Moret, au sud ; les villes nouvelles de Sénart et surtout Marne-la-Vallée (en grande partie englobée dans le département), qui représente le troisième pôle tertiaire de d'Île-de-France, derrière Paris et La Défense. Mais l'accès à ces sites nécessite d'être motorisé, ce que les femmes sont loin de toutes être. En outre, le secteur commercial de Val d'Europe est peu accessible aux mères du fait des horaires tardifs, peu compatibles lorsqu'on a des enfants à aller chercher ou à faire garder, et qui pâtissent déjà de la concurrence des jeunes ou personnes qualifiées, qui sortent des écoles de vente. Les déplacements ­ lorsque les transports en commun existent - demeurent compliqués pour ceux travaillant en horaire décalé, ou dans le cas de situations d'urgence nécessitant de se déplacer rapidement, comme cela a été déjà mis en avant (Le Breton, 2005). Mais ce qui est à noter ici, c'est que cette situation tend à limiter la portée du partenariat qui a été mis en place entre Disney et le département pour pourvoir l'offre d'emploi sur ce site : Disney se heurte à la difficulté majeure que les gens ne peuvent se rendre à lui. Le résultat est donc qu'en dépit des offres d'emploi que Disney fournit 148 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale et sur lesquels on pourrait compter, « en général, explique Véronique Miossec, coordinatrice de l'association d'accompagnement vers l'emploi Réalité, on ne propose pas le boulot parce que si les gens peuvent aller Disney, ils ne peuvent revenir ». Dans le canton de Mitry Morry en périphérie immédiate de Paris, même bien desservis par les transports en commun, les services sociaux imputent la forte utilisation de la voiture pour aller travailler à ce qu'ils appellent « l'absence de culture dans le domaine en transport en commun ». Celle-ci serait visible au sein même de leurs administrations : les employés comme leur public semblent préférer la voiture aux transports en commun qui existent pourtant dans cette partie limitrophe à Paris du département. Ce faible recours aux transports publics serait renforcé par une moindre confiance en ce type de locomotion. Les femmes ­ de l'avis des services sociaux - notamment ne se sentent pas en sécurité de prendre les transports en commun la nuit. Cette insécurité du transport pendant la nuit est particulièrement ressentie pendant le temps d'attente des trains ou bus. Dans ce secteur traversé par la ligne D du RER, on peut ajouter la faible confiance que les populations peuvent avoir dans les transports en communs ­ la ligne D très syndiquée fait l'objet de grèves répétées qui ne sont pas sans conforter la moindre utilisation en transports en commun estime Mme Aubineau Hernandez, directrice de la Maison départementale de la solidarité Mitry Mory. L'image qui colle à cette ligne est qu'à la moindre palpitation de la SNCF, celle ci s'arrêterait de rouler ( elle en a en tous cas la réputation). Ce qui n'est pas sans contribuer à alimenter une autre figure du sentiment d'insécurité ­ celle d'une population pas toujours amenée à prendre les transports en commun, pour la raison régulièrement invoquée de ne pas être assuré d'arriver à l'heure. Une image de retard est associée aux transports publics - entretenue par des personnes qui en sont ou non utilisateurs- comme on a pu le remarquer dans d'autres enquêtes. Des difficultés financières imputées à de plus longs déplacements Les personnes modestes sont loin de toutes faire appel aux services sociaux. De fait, quand une personne a des difficultés, celle ci a souvent du mal à les accepter, et donc à les reconnaître. Il n'empêche, les Maisons de solidarité parviennent toutefois à identifier des demandes : même si elles ont du mal à les chiffrer et envisagent, pour ce faire, dans un proche avenir la création d'un observatoire départemental de la pauvreté. Et en l'occurrence, l'éloignement du lieu de travail conduirait bien selon les services sociaux à une réduction des entrées d'argent susceptibles de se traduire de différentes manières. Tout d'abord, les maisons de la solidarité le constatent, le nombre de familles accompagnées par des dispositifs sociaux augmente, notamment celles concernées par des aides ponctuelles (factures EDF, télé..). Les MDS auraient de plus en plus de familles salariées venant les voir pour une aide ponctuelle, 149 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale les aider à payer une facture. Cette demande d'aide ponctuelle croit en raison de la crise. « On a des Housson, directrice de la Maison départementale de la solidarité Provins. Ce qui conduit les salariés car le budget devient trop ric rac, on ne peut payer la facture EDF, témoigne Monique Le budget transport explose et fait croître une nouvelle clientèle ». maisons de solidarité à proposer des ateliers pour maîtriser l'énergie, à la maison et pour se déplacer. Ensuite, les services sociaux observent dans certains ménages, le cas du père, par exemple, contraint de rentrer tard dans son nouveau lieu d'habitation : il ne peut plus continuer à assurer les heures supplémentaires qu'ils faisaient auparavant, celles là même qui lui avaient permis de s'acheter le logement : ce qui conduit à une nouvelle forme d'appauvrissement, augmentée par le fait, que les nouveaux propriétaires n'avaient pas escompté que leur incombaient un certain nombre de charges supplémentaires (de la viabilisation, éclairage, réfection roue, déneigement). Les accédants à une propriété moins chère (mais néanmoins chère), tenus d'aller travailler dans les pôles d'emplois éloignés (Roissy, Paris) sont parfois obligés d'avoir deux voitures, ce qui coute cher. Deux habitants que nous avons interrogés pour leur statut de représentant des usagers au sein de la commission d'attribution des aides sociales à la Maison de la Solidarité de Provins rapportent le cas de familles qui, ayant acheté une maison dans la région de Provins, auraient a nouveau déménagé en des territoires plus proches de Paris. Il apparaît de fait que l'obtention d'un emploi plus aisé dans la banlieue proche de Paris nécessiterait ­ estime-t-on dans l'association Réalité - de se loger au plus près de ce dernier. Mais, selon les employés de cette association, le fait d'avoir déjà un logement, exclut totalement des dispositifs d'aide pour trouver et s'offrir un logement. C'est un cercle vicieux. Les services sociaux invalident, pour cette raison l'hypothèse, d'une mobilité résidentielle permettant de se rapprocher des lieux mieux dotés en emplois et services, notamment pour les ménages résidant dans un logement social. Le conseil général a enfin été interpellé il y quatre ans par une association d'insertion mettant en avant l'importance des questions de mobilité dans le renforcement de la précarité des populations. Il en ait résulté la création de groupe de travail sur la mobilité au sein des Maisons départementales de solidarité du département, encore à l'état d'ébauche. L'absence de services dans des communes d'accueil qui ne se vivent pas comme telles : le cas des communes d'accueil rurbaines qui se vivent comme rurales Le problème de la garde d'enfant ­ qui a un coût et se rajoute à celui occasionné par les déplacements se pose de manière cruciale en Seine et Marne pour les ménages modestes. Les ménages d'une manière 150 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale générale sont confrontés à l'absence d'offre de services à la petite enfance (crêche, halte garderie), de services parascolaires dans leur nouveau lieu d'habitation, et, ce quelque soit leur localisation. L'absence de services à la petite enfance se fait ressentir autant en lointaine périphérie urbaine, dans les régions plus excentrées et en crise (cantons de Provins et Coulommiers), que dans les zones plus urbanisées et concernées par le développement économique de Roissy. La canton de Vitry, qui bénéficie de la proximité de Roissy par exemple, a bien connu une augmentation de sa population de 10% ; 30% de celle ci a moins de 20 ans, 19,5% des ménages ont au moins 3 enfants (sur représentation statistique), les plus de 75 ans sont sous représentés statistiquement. Le canton de Vitry est une terre d'accueil, en somme, mais cette terre d'accueil a la caractéristique de ne pas s'identifier comme telle. Les communes comme Vitry-Mory ont beau se développer rapidement, connaître une forte croissance démographique, elles ont du mal à faire leur ce développement. Le territoire bien que rurbain tend à se vivre encore comme rural, selon la directrice de la maison de la solidarité de Vitry Mory. Ecartelé entre la banlieue parisienne et la zone de Roissy, il a du mal à se trouver une identité propre. Comme tel, il tend à se penser en réaction par rapport aux territoires qui les entourent. Il attribue au pôle de Roissy, auquel il a longtemps tourné le dos, les nuisances et les méfaits produits par ce dernier sur son environnement tout en profitant de la manne financière apportée par la plateforme aéroportuaire. Les communes, selon les services sociaux, se posent un peu en victimes des populations de la Seine Saint Denis qui arrivent, et ne voient pas forcément d'un bon oeil la population modeste de la banlieue parisienne venue habiter sur leurs terres (Mitry et Villeparisis....). Souhaitant préserver leur cadre de vie, elles se gèrent, se vivent, mais aussi s`identifient comme rurales sans proposer de services à la population venue sur ses terres... alors qu'estime t-on à la Maison de la solidarité, le canton, urbanisé, proche de Paris, de Roissy est bien loin d'être rural. Elles refusent en quelque sorte leur présent. Le problème de l'absence de services proposés à la population nouvellement résidente se pose également dans le lointain périurbain, tel que par exemple, dans le bassin de Coulommiers touché par le phénomène de la précarisation métropolitaine issue de l'étalement urbain. Les petits villages connaissent avec l'arriÎe de ces nouvelles populations « petits propriétaires » un nouveau dynamisme. Les promoteurs construisent des lotissements à la périphérie des villes bourgs, et ce avec l'aval des municipalités, ces dernières escomptant avec l'arriÎe de nouvelles populations ­ des familles avec enfants - trouver la possibilité de faire vivre leurs équipements (notamment l'école): tels qu'à Monroux, Boissy-le-Châtel... L'offre de transport scolaire y est correcte. De fait le département qui a acquis depuis 2010 la compétence du transport scolaire (qu'avaient le STIF en Ile-de-France, les conseils généraux en Province), intervient dans l'organisation des circuits spéciaux scolaires (13 000 enfants, 350 151 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale circuits) et le transports des élèves et étudiants handicapés; il finance la carte imaginaire, donne la gratuité sur les cartes Optiles destinée aux jeunes Seine et Marnais de moins de 21 ans scolarisés. La Seine et Marne est le seul département d'Ile de France a assurer la gratuité à près de 40 000 élèves pour le transport scolaire, participe à financement à hauteur de 50 % de l'abonnement des jeunes. Le transport scolaire est aussi utilisé par des non scolaires, adultes, dont la présence, à condition qu'ils ne soient trop nombreux est tolérée par les conducteurs. Le transport scolaire est un peu détourné de sa fonction initiale, dans le sens où, il office en quelque sorte de service de covoiturage pour la population non motorisée. Mais les élus dans le même temps sont confrontés à une demande d'équipements, cantines, services périscolaires dont les nouvelles populations ont d'autant plus besoin qu'elles travaillent loin de leur lieu d'habitation. Ce qui n'est pas sans poser des problèmes d'intégration au sein des anciennes populations peu amenées à accepter les nouvelles nécessitant aide ou équipement. La dissociation du lieu d'habitat et du lieu de travail ou d'enseignement se traduit également par un volume plus important d'aides à la restauration, portée par le conseil général du fait de la précarité de la population et de la vaste amplitude horaire qu'il fait vivre : les parents partent tôt le matin à 6h30 et reviennent tard le soir. Les maisons de solidarités sont aujourd'hui alertées par leurs services de protection de l'enfance mettant en avant une croissance des problèmes liés à la petite enfance; cette évolution est certes liée au fait que le cadre législatif a évolué depuis 2007 et que les services sociaux sont plus actifs dans le domaine. Il n'en demeure pas moins que le problème aujourd'hui constaté est celui d'enfants laissés à eux-mêmes, faute d'offre d'équipements de loisir proposés pour les jeunes ou de services pour la petite enfance. Et faute de pouvoir payer des gardes priÎes, les femmes comptent sur les solidarités familiales, l'enfant pouvant être gardé par un grand frère, ce qui n'est pas sans danger, et ne peux se faire de façon répétée. Les populations nouvellement arriÎes ne connaissant personne n'ont pas de réseau local sur lequel elles peuvent compter ou s'appuyer. En fait la présence de la famille dans la région ne détermine pas toujours contrairement à ce qu'avaient montré plusieurs études (Djefal, Eugène 2004, Massot 2010), le choix du lieu d'achat dans le périurbain. Selon Mme Aubineau Hernandez, directrice de la Maison départementale de la solidarité Mitry Mory, les personnes iraient là où le logement est moins cher. Le problème de la mobilité constitutive de l'identité, chez les jeunes, une classe d'âge qui plus est précaire. Les parents travaillant loin du lieu de résidence, contraints de rentrer tard le soir, les jeunes sont donc nombreux à être laissés à eux-mêmes. 152 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Les bourgs ruraux de la lointaine Seine et Marne sont affectés par le phénomène de l'errance des jeunes (selon Catherine Bogaert, directrice de la Maison départementale de la solidarité de Coulommiers, et Monsieur Chefrara, responsable de l`équipe de prévention Espoir), celui-là même que l'on tendait jusqu'ici à associer aux quartiers dits sensibles des grandes villes. Simplement ici, les regroupements sont un peu moins visibles ; les jeunes qui se retrouvent sous la forme microbandes dans des micro villages - stagnent moins dans les halls d'entrée - qu'un peu partout, dans les halls certes lorsqu'il existe du collectif comme à Coulommiers, sur les marches de la mairie (cas de la Ferté sous Jouarre), aux abords des terrains de sport (Chevreux), et surtout autour des infrastructures de transport scolaires, dans les abribus des cars scolaires. L'équipe de prévention (association Eclair) dont l'un des objectifs est de s'occuper des jeunes que les maisons de quartier n'arrivent pas à attirer, vont chercher cette jeunesse récalcitrante aux dispositifs publics, là où ils sont, c'est à dire aux arrêts de bus des transports scolaires, lieu de rencontre privilégié de la jeunesse désoeuvrée périrurbaine. Dans les réunions faites avec la population, le déficit d'accessibilité apparaît tout particulièrement pour les jeunes ; ce qui est mis en avant dans les revendications, et l'est autant par les parents que par les jeunes eux-mêmes, c'est bien le problème de la mobilité des jeunes. Les jeunes peu mobiles utilisent peu le Îlo. Certains ont recours au scooteur, qui est cher et que tous les parents n'autorisent pas (le scooteur, première cause de mortalité chez les jeunes, accidents sur routes). Le manque de transport pour les jeunes, non pensé lorsqu'ils ne sont pas scolarisés ou en dehors des temporalités scolaires, peut être d'autant plus ressenti qu'à cet âge, la mobilité, participe, en favorisant leur l'autonomie, à leur construction (Massot, Zaffran, 2007). Un jeune témoigne dans une réunion de concertation du fait qu'il est ravi de l'ouverture de la ligne 77 Express qui lui permet d'aller à Marne à Vallée. La création de cette ligne destinée à relier à priori le domicile et le travail s'est aÎrée de fait ­ comme on le remarque à la Direction des transports du Conseil Général- aussi très fréquentée le weekend et pour les loisirs. Le succès de cette ligne met en avant le problème de la mobilité des jeunes, ainsi que l'importance des loisirs pour ceux-ci comme pour les adultes, mais aussi le fait que les pôles centraux ne sont pas à voir du côté de Paris, mais de Disney, qui attire autant les touristes que les franciliens, Marne-la-Vallée ; Chelles. Les jeunes sont dans le département peu qualifiés (taux de chômage : 20 %). Or le coût du permis de conduire constitue un frein alors même que le fait d'être mobile se présente comme un moyen de lever l'handicap que constitue l'absence de formation (Le Breton, 2005). Et puis, le coût ou la difficulté de bouger conduit les jeunes de la région à choisir des formations de proximité. Le coût d'un logement pour faire ses études est prohibitif lorsque l'on ne peut se permettre de faire les allers retours dans la 153 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale journée. Ceci peut expliquer le fait que le taux des jeunes encore scolarisés après 16 ans, déjà faible dans le département (48 %), tombe à Coulommiers à 42 % et à 38% sur le secteur de la Ferté Gaucher. Fait notable, les villes dotées de gares disposeraient selon les services sociaux de plus de jeunes diplômés- niveau bac plus 2 - que les autres. Ainsi, le maire de la Ferté sous Jouarre, Marie Richard, (ancienne vice-présidente de la région) travaille avec l'université pour tenter de désenclaver son secteur, tout de même mieux lotie puisqu'en lien direct avec Meaux, que d'autres secteurs. Ce secteur bénéficie d'un faisceau d'infrastructures (une ligne directe de train importante, la nationale 3, l'autoroute A4) à la différence de Coulommiers, plus enclaÎe. Une voiture qui coûte chère mais dont a du mal à se dessaisir Les alternatives à la voiture proposées par le Conseil général et la plateforme aéroportuaire de Roissy (dispositif de transports à la demande Allo bus, Philéo), sur lesquelles une abondante publicité a été faite, demeurent sous utilisées. Le faible recours à ces offres comme au transport public serait, selon les acteurs sociaux, à mettre en relation avec le fait que certains ont du mal à se dessaisir d'une voiture ou de l'idée d'en posséder. Ici, il semblerait, si l'on en croit les personnes continuant à prendre leur voiture alors qu'elles n'ont pas forcément les moyens de l'utiliser ou d'en posséder une, remplit toujours le rôle de promotion sociale qu'on tend aujourd'hui à moins lui concéder ailleurs, en d'autres lieux ou milieux plus privilégiés et urbains (Orfeuil, 2004). Au regard du parcours du combattant que l'utilisation des transports publics sous tend en certains endroits, nombre de personnes pense que le fait de pouvoir disposer d'une voiture et d'un permis permettrait de trouver immédiatement un travail alors que ce n'est pas toujours le cas, estime Véronique Miossec de l'association d'accompagnement vers l'emploi Réalité. En 2008, ont été ainsi mis en place (via les associations d'accompagnement vers l'emploi) des Ateliers Permis de conduire. Ces ateliers s'appuyaient sur la demande de personnes qui annonçaient ne pas trouver de travail en raison d'une absence de moyens de transport ou de permis de conduire. Pour ceux qui avaient échoué plusieurs fois au code de la route dans le cadre du permis, il a été mis en place une structure d'apprentissage spéciale, avec une auto école. Les MDS et associations d'accompagnement par l'emploi ont beaucoup de demandes d'aides au financement de permis de conduire, demandes qu'elles ne considèrent pas toutes comme légitimes : selon les acteurs sociaux, tous ceux demandant de telles aides ne peuvent assumer le coût d'usage d'une voiture. La MDS de Mitry Mory a décidé, elle, de ne plus dispenser cette action. Plus simplement elle conditionne l'obtention de l'aide au financement du permis à l'existence d'un projet 154 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale conduisant à « Îritable emploi ». Mais le permis et son obtention est important, estime, à contrario Monique Housson, directrice de la Maison départementale de la solidarité Provins et Isabelle Chatère, en charge du Développement social local sur les cantons de Tournans en Brie et Provins : cela donne aux jeunes un projet, et est un premier pas vers une sortie du territoire, cela les conduit à voire d'autres horizons. Peut-être d'autant plus, ajouterions nous, que l'on est dépendant déjà du service public par l'aide (au logement, RSA, CMU) que celui ci accorde pour vivre ? La voiture de fait renvoie dans les classes populaires voire moyennes à la libre entreprise. La voiture est non seulement un capital qui permet d'accéder à l'emploi mais elle est également associée à l'auto entreprise, qui, elle, comme le rappellent les travaux des sociologues (Weber, 2001), est valorisée dans les milieux populaires. Elle bénéficie aussi des symboliques associées la maison, la protection. Et puis, pour le jeune, l'obtention du permis renvoie à l'âge adulte. Ce qui nous amène à penser que le permis de conduire serait, autant sinon plus, lié à une demande d'autonomie qu'à un réel souhait ou besoin de mobilité ? Autonomie des adultes et des plus jeunes que d'autres travaux ont montré autant soucieux de bouger que de rester chez eux, ou d'autonomie d'autant plus désirée par l'adulte qu'il se sent lui dépendant d'aides publiques. Le conseil général a créé depuis 2006 sous forme d'atelier, une formation « se déplacer c'est possible ». Cette formation propose deux jours de cours « théoriques » et une journée sur le terrain dans le métro parisien. Elle informe sur les offres, montre comment chercher l'information, s'orienter dans l'espace, lire un plan, un panneau, utiliser un automate de vente, elle propose une sensibilisation à la sécurité routière, renseigne sur les modes de transport alternatif, le covoiturage, le Îlo. L'atelier, animé par la Direction de l'insertion et de l'habitat, introduit à d'autres types d'ateliers « place et sens du travail », qui creuse diverses problématiques avant de proposer un atelier lié à la recherche d'emploi proprement dit. Cette formation, à la surprise des acteurs sociaux, n'attire personne. Si les demandes pour l'aide à l'obtention du permis étaient nombreuses (venant des jeunes comme de leurs parents), dans les faits, peu sont venus aux ateliers « formations à la mobilité », ceux qui suivaient ces formations n'étaient pas assidus. Les personnes contactées ont dit qu'elles n'en avaient pas besoin, qu'elles savent prendre les transports en commun, les problèmes rencontrés de mobilité tiennent à une question d'horaire, de transport inexistant ... Mais la motivation pour l'association est un peu différente, l'atelier servirait à telles offres auprès de populations de quartiers excentrés et sensibles (Sinigaglia-Amadio, 2011). Il réactiver les réflexes de Mobilité. On trouve là les motifs invoqués à Strasbourg pour promouvoir de s'agirait d'apprivoiser « l'espace de l'autre », cet espace, pouvons nous ajouter vers lequel l'on n'ose 155 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale pas toujours aller quand on vient de quartiers à la fois stigmatisés et discriminés, ou dans le cas de la Seine et Marne, très reculés, loin des flux métropolitains. La difficulté pour la population de faire le deuil d'un territoire hier prospère ; La mobilité s'apprend-elle ? Ces actions font débat chez les acteurs sociaux. Sont-elles adaptées à la problématique de la mobilité ? « Bouger » - est, selon Monique Housson, aussi une affaire de « mentalité ». Si certains ont du mal à quitter leur village, d'autres, à l'inverse, sont plus nomades comme l'a montré notamment Tarrius (2010), et le sont dès leur plus jeune âge. C'est le cas de cette femme Martiniquaise (au Rsa, proche de l'âge de la retraite) qui profite pleinement du Pass navigo lui permettant de se déplacer gratuitement en transport en commun dans la région parisienne ; habitant Provins, elle va fréquemment à Paris, Fontainebleau, n'hésite pas à aller à l'Ouest de la région parisienne, la Défense, que ce soit pour faire des courses dans des centres commerciaux ou marchés moins chers, aller à des fêtes, musées, ect. Ceux qui bougent peuvent être au chômage, au RSA, appartenir à des populations dites marginalisées ? Certaines, parmi elles, savent même très bien bouger. Mieux même comme l'a montré Tarrius que des populations parfois ayant des revenus très supérieurs. Les actions de mobilité cherchant à enseigner aux individus la manière de lire les panneaux, les cartes semblent peu adaptées au problème qu'elles doivent résoudre. A la MDS de Provins, où l'on est plutôt critique quand à l'intérêt d'une formation à la mobilité, l'on donne l'exemple des éboueurs de Paris ­ maliens analphabètes- : habitant en très grande couronne, ils savent partout se repérer. Même si ils ne savent pas lire, ils parviennent très bien à bouger, se mouvoir un peu partout, utiliser les transports. « L'instinct de survie se pose en évidence pour eux, ils y vont » estime Monique Husson. A contrario, la population dans le bassin de Coulommiers hier dominé par une industrie déclinante aujourd'hui, a pour caractéristique d'être très peu mobile. Le paternalisme, qui fournissait parfois avec l'emploi, le loisir et le logement, a contribué à ancrer une population qui aujourd'hui a du mal à sortir d'un territoire hier porteur d'avenir. Le simple fait d'accéder au centre administratif de Coulommiers est perçu par certains, jeunes ou moins jeunes, comme déjà difficile. Les acteurs sociaux parlent d'une réelle difficulté à faire le deuil d'un territoire hier prospère aujourd'hui en déclin : Provins, Coulommiers ne sont plus les pôles d'emplois attractifs qu'ils étaient autrefois. Est donné l'exemple de cet homme dont l'entreprise s'est délocalisée à Fontainebleau et qui ne peut se résoudre à l'idée de ne plus avoir d'emploi à Provins. 156 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Faute de moyen de locomotion, l'on pourrait avoir recours au Îlo. Mais ce dernier ne semble pas trop pratiqué en Seine et Marne, et ce à la différence du département limitrophe de l'Yonne, remarque Isabelle Chatère, chargée du développement social dans les cantons de Tournans en Brie et Provins. Celui-ci plus rural autorise une pratique qu'en ce territoire périurbain de la région parisienne, l'on n'ose faire ; car si les villes et bourgs semblent plantés en pleine campagne, les routes, elles, sont de larges départementales métropolitaines, en lesquels l'on ose s'avancer en bicyclette. Le département est un espace circulatoire par lequel transitent de grands courants de circulation. Le trafic des villes en inhibe aussi plus d'un. Une enquête qualitative avait été amorcée par quatre maisons de la solidarité auprès de personnes en insertion suivies par leur service dans le but d'apprécier comment ces populations se repèrent dans l'espace à partir du « magma institutionnel et technique du monde du transport » et se déplacent en situation de déficit d'offre. Il résulte de l'analyse que cette population n'avait pas plus de méconnaissance que les autres populations de ce qui existait en matière de transport dans la région. Les blocages repérés sont de trois ordres: l'absence de l'offre est synonyme d'un blocage technique ; le coût financier du déplacement est synonyme de blocage économique (difficulté de se payer une carte orange nécessitant six zones pour aller à Paris, payer le ticket des enfants, de la famille) ; les freins psychologique au déplacement. Le fait par exemple d'aller travailler à Val d'Europe (secteur bien desservi par la ligne de bus Marne Express faisant 25 allers retours par jour, avec la possibilité si on est employé de bénéficier de 50 % de la carte orange) pouvait être jugé difficile du fait de la vision du territoire hérité du au 19 e siècle, où les déplacements se faisaient à petite échelle, que pouvaient encore avoir certaines personnes. La facilité à se mouvoir serait-elle une affaire de génération ? Les jeunes eux semblent savoir bouger, ou tout au moins savent comment aller à Disney. Ce qui ne les empêche pas, pour certains, quand qu'il s'agit d'aller chercher ailleurs un travail, d'être enfermés dans leur territoire, de ne pas pouvoir voir les opportunités plus lointaines. Le transport et la notion d'enfermement dans un territoire ne seraient, semble t-il pas des problèmes strictement liés à l'âge mais à lié à un état, une situation de blocage psychologique (Jouffe, 2007). Quand la question de la mobilité rencontre celle de l'isolement : les personnes vieillissantes, propriétaires, précarisées, et peu mobiles ; Les personnes âgées sont nombreuses dans le département, le pourcentage des plus de 75 % dépasse de deux points la moyenne nationale. Se pose à leur sujet la question de leur isolement, dû à leur âge, et au contexte rural malgré leur insertion dans des réseaux sociaux du fait de leur ancienneté sur le territoire (mais il n'existe pas de club de 3 âge), et à leur faible mobilité. 157 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Les personnes âgées peuvent aussi éprouver des difficultés pour entretenir leur maison (ne serait ce que pour se chauffer, changer une ampoule), ne bénéficiant pour certaines que des minimas retraite, la maison ayant été acquise après un long travail et effort, à l'issue de toute une vie. Les collectivités territoriales (bientôt dans le cadre de l'intercommunalité) regardent du côté du transport à la demande ; elles réfléchissent à la possibilité de développer des aides (médicales, ménagères), des services de portage à domicile de repas, courses, médicaments. Mais leur offrir de telles aides conduit à renforcer leur isolement, puisqu'en apportant tout ce dont elles ont besoin chez elles, elles ne sortent plus de chez elles. En outre, les aides apportées peuvent faire les frais de l'absence d'infrastructure de transport ou du cout que la mobilité peut représenter. Ce sont autant de frais que ne peuvent s'autoriser les bénévoles du réseau porté par Famille rurale ­ on compte notamment sur le bénévolat pour accompagner les personnes âgées pour faire leur courses, aller chez le médecin... De même, la colocation ­ la possibilité susceptible d'être offerte à un jeune ou un actif, de louer une pièce au sein de la maison d'une personne retraitée est confrontée au même problème de l'isolement de la maison. Car si l'idée aujourd'hui est de ne pas déraciner, de laisser la personne le plus longtemps dans son logement, la « collectivisation des maisons », reste chère ou difficile à mettre en place pour des raisons d'absence de transport. Ainsi les problèmes de mobilité conduisent (les personnes âgées, les mères de famille sans travail et assignées leur pavillon) à un problème d'isolement. Conclusion Les difficultés de mobilité affectent différemment des populations : du problème financier à la demande d'autonomie Le poids de la dépendance à l'automobile des territoires de vie se manifeste de différentes manières selon les individus ou groupes d'individus. Les acteurs sociaux s'inquiètent aujourd'hui de la venue dans leur service d'un nouveau type de population que sont les ménages modestes à la recherche d'une aide financière ponctuelle pour leur permettre de faire face à certaines factures (EDF, assurance) qui hier étaient assumées sans problème, les ménages en proie à des situations de surendettement et ou face à des frais de transport ou de garde d'enfants non escomptés et croissants. Plus généralement, et au-delà des problèmes de ressources financières des ménages, trois types de population des territoires soumis à notre analyse, présentant des difficultés de se bouger sont repérés et pris en compte par les acteurs sociaux de ces territoires : les jeunes, les femmes, les personnes âgées. La pléthore d'ouvrages récemment parus sur le sujet des jeunes rappelle que cette classe d'âge existe avant tout comme une catégorie à problème (la jeunesse est pensée à l'aune de la délinquance, de la déviance à certaines normes sociales, ou de la crise d'adolescence, sans que l'on ne s'arrête 158 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale suffisamment sur leurs besoins et desideratas propres (Mauger, 2006). A ce titre, les jeunes et adolescents laissés à eux-mêmes le sont par des parents - en ces lointaines contrées de la région parisienne­ qui, en ajoutant à leur journée de travail un temps de transport important, sont amenés à vivre de longues et tardives heures loin de leur domicile. L'ennui, l'errance, susceptibles de conduire à des méfaits, sévit autant dans les villages de la grande couronne parisienne sans service ou activité que dans les banlieues HLM. Pour autant, la fréquentation importante des jeunes des services actuels de transport conduisant à des pôles de loisirs comme Disney dans notre analyse - ce qu'on tend à oublier en se préoccupant du seul transport scolaire des plus jeunes ­ est à noter. Elle réÏle que les jeunes ont une connaissance et une représentation de leur territoire dans lesquelles le centre parisien joue un rôle beaucoup moins important que ce dont la littérature rend compte. Pour ceux qui vivent dans des villages éloignés de tout ou presque, le pôle de Disney, par exemple, avec ses commerces et ses cinémas fait office de centralité. Elle réÏle aussi que l'autobus est un mode de transport dont ils se satisfont tout à fait dès lors qu'il leur permet de rencontrer leurs pairs et donc que la fréquence de service est satisfaisante. Ce que montre le succès de la ligne express de bus desservant le pôle de Disney, très fréquentée par les jeunes et par des personnes, alors même qu'elle n'avait été pensée que dans le cadre d'un accès à l'emploi. La demande d'aide financière à l'obtention du permis, qui ouvre ou élargit le potentiel d'accès à la mobilité, évoque également le fait que la demande d'autonomie est tout aussi importante pour ces jeunes, si ce n'est plus forte que celle d'une demande de services de mobilité. Le lien obserÎ entre la présence d'une gare dans la ville et le niveau plus éleÎ de formation de sa population juÎnile est à plus amplement étudier, et ce d'autant plus quand on sait que le chômage des jeunes concerne plus particulièrement les non diplômés, lesquels sont nombreux en lointaine Seine et Marne. La croissance des familles monoparentales dans ces territoires donnerait à voir une forme de précarité émergente qui toucherait les femmes. Pour un certain nombre d'entre elles en effet, deux handicaps se conjuguent pour trouver et exercer une activité professionnelle : l'absence d'expériences professionnelles et l'importance de la durée et du coût des trajets que certaines ne peuvent assumer. La mobilité de personnes âgées est une donnée importante dans des lieux périurbains gagnés par la croissance de cette tranche d'âge. La population du périurbain vieillit. La preuve en est du taux important de personnes recensées mais également de l'importance du secteur du troisième âge sur ce territoire, terre d'accueil de nombreuses maisons de retraite, secteur vecteur d'emplois en des lieux où celui ci fait défaut. A condition toutefois que les difficultés de déplacements que peuvent rencontrer leurs employés, déjà bien mal rémunérés, ou les personnes bénévoles ou retraitées soient leÎes. L'aide à la mobilité des personnes âgées ­ est pensée dans le cadre d'un maintien au domicile et d'une aide à l'autonomie qui peut réduire un certain temps leur dépendance, la reculant dans le temps. Cette posture fait débat dans la Belgique Flamande où les transports sont gratuits pour les plus de 65 ans, tout comme dans les environs de Coulommiers. En effet pour certains le développement des services à 159 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale la personne (courses faites par d'autres pour les personnes âgées) tendrait à renforcer la dépendance de personnes à autrui alors que pour d'autres il conviendrait, à contrario, de favoriser leur mobilité et indépendance. En tous cas, la gratuité des transports publics en Flandres a contribué à faire sortir un très grand nombre de personnes âgées de chez elles. Les transports publics fonctionnent comme des espaces de rencontre pour les personnes âgées, dont l'un des problèmes est aussi qu'elles se sentent esseulées, (LEFRANCOIS, 2012) ou isolées dès lors qu'elles résident en lointaine périphérie urbaine. Venir les visiter, il est vrai, demande soit une aptitude à la mobilité réÎlée soit une disponibilité temporelle importante dès lors que le transport public s'impose : certains ne peuvent mobiliser ni l'un ni l'autre. Les freins psychologiques, un effet de territoire avant tout Les freins à la mobilité, dont l'inaccessible usage de la voiture pour raisons financières fait partie, renvoient le plus souvent à l'absence de service de transports. Pour autant, ces freins peuvent renvoyer à des psychologiques. La voiture sert bien plus qu'à bouger, raison pour laquelle on a du mal à s'en dessaisir. Cet objet renvoie à un statut social à laquelle certains cherchent à appartenir et à une mobilité rapide souhaitée par le plus grand nombre : le fait est connu et relaté par les services sociaux. Cependant ces derniers parlent aussi d'une image de la voiture renvoyant à la libre entreprise et à l'autonomie de décision, fortement valorisées dans les milieux modestes. Cette valorisation d'un objet qu'ils n'ont pas toujours les moyens d'utiliser et d'entretenir, nous paraît pouvoir être vue en quelque sorte comme un contrepoids à une dépendance aux pouvoirs publics fournissant allocations ­ ­ pas forcément bien Îcue par les personnes au chômage ou RSA accusés d'assistanat. Celle ci ouvre les champs du possible, ce qui est une première forme de mobilité susceptible d'en induire d'autres... Les difficultés que l'on peut avoir ou non de bouger ne seraient pas forcément induites par un effet de génération : si l'on en croit le cas de jeunes peu mobiles dans le lointain bassin périurbain de Coulommiers, attachés à un territoire où ils ont grandi, ont encore leur famille, tandis que les personnes ayant eu à déménager plusieurs fois dans leur vie continuent, l'âge venant, même dans des lieux très reculés comme les environs de Provins, encore à bouger. L'on trouverait là plutôt un effet de territoire dans le sens qu'en donne Bourdieu (1993), sachant que cet effet ne joue pas forcément pour tous. L'on peut être nomade de manière héréditaire, le fait de bouger pouvant être un trait de culture que toutes les sociétés n'ont, comme l'a déjà montré Tarrius à propos de populations maghrébines transhumantes, mobiles depuis des générations. Pour autant ces mêmes populations, comme c'est le cas des immigrés tunisiens installés à la Ferté Gaucher, peuvent être peu mobiles. Les gens, tenus par leur territoire, peuvent avoir du mal à faire le deuil du lieu de leur enfance, d'un territoire hier autonome, auto subsistant. Le Îlo est un mode de locomotion très utilisé dans les « vraies campagnes » provinciales », ce qu'il n'est pas en lointaine Seine et Marne; on ne s'y sent pas à l'aise 160 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale dans ces territoires hybrides et périurbains plus urbains que ruraux de la métropole parisienne, mais néanmoins très ruraux. Les problèmes de mobilité en somme peuvent à être dus pour une bonne part à des questions de représentations de territoire. En l'occurrence, le périurbain ­ est Îcu par certaines communes comme rural, ce qui constitue une manière de se distinguer des territoires limitrophes, alors même que la ville est proche, le territoire industrialisé ; en conséquence de quoi, les personnes nouvellement venues, faute d'y trouver des services publics et urbains, sont tenus de se débrouiller. Selon les acteurs locaux, les personnes pour se déplacer comptent peu sur les solidarités locales, de voisinage. Sont invoquées plusieurs raisons : la mentalité rurale ou traditionnelle de territoires ruraux hier industrieux mais en crise, repliés sur eux-mêmes; la difficile entente de populations nouvelles et anciennes qui ne se connaissent pas, l'autostop en campagne pour les jeunes n'est ici pas une pratique courante, au même titre que le service rendu au voisin pour se rendre dans la ville la plus proche ( selon les acteurs publics). Par contre, à défaut de pouvoir compter sur leur voisin, les gens tendent à tirer parti de l'offre publique qu'ils utilisent de manière ponctuelle: les services des bus scolaires ­ utilisés par tous - remplissent en quelque sorte le service de covoiturage que les institutions publiques peinent à développer. Des offres et des difficultés plurielles A défaut des hommes, les commerces et équipements bougent : le retour de l'ambulance. Les solutions pour permettre la mobilité seraient non pas une mais plurielles - comme on tend à le promouvoir aujourd'hui - ceci que soit par l'offre de nouvelles lignes, la création de services de mobilité alternatifs à la voiture ; de mesures sociales connexes (aides à la petites enfance, d'enseignement à la mobilité, ect) Le sentiment d'insécurité ­ traditionnellement fort dans les transports publics (cf les études de l'Institut nationale des hautes études de la sécurité et de la justice) l'est notamment, on omets de le préciser, au final peut être pas tant dans le Îhicule, où il y a des gens, que là on l'attend. Aussi promouvoir l'utilisation des transports en commun pas toujours utilisés lorsqu'ils existent, c'est aussi, selon nous, urbaniser les lieux de mobilité. L'enquête auprès des acteurs nous invite à penser, qu'à défaut de toujours pouvoir impliquer dans l'offre de mobilité les entreprises peinant à s'organiser lorsqu'elles sont plusieurs, il convient de regarder l'émergence d'initiatives individuelles, en fait d'entrepreneurs cherchant à mettre en place et vendre ce qu'il manque. Parmi les mesures prônées par le conseil général, on note le retour des services ambulants, très à même à répondre à la ville d'aujourd'hui distendue, périurbaine? Ceux-là même qu'on voit déjà sur les lieux ne sont ils pas des modes (ou services) de déplacement durable ? Des offres et des difficultés plurielles mais un secteur du logement social ou aidé toujours en dehors de la question sociale de la mobilité. Alors même que les difficultés économiques croissent et avec elles les coûts de la mobilité et que se durcissent les difficultés sociales, cette analyse montre qu'en Seine et Marne les acteurs publics locaux 161 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale se sont organisés pour être attentifs et réactifs aux problèmes des plus modestes d'entre nous. Le regard des acteurs sociaux du département est désormais transversal (santé, petite enfance, fins de mois difficiles, insertion à l'emploi, mobilité, accès à la culture) et modelé par des enjeux et des actions propres aux différents territoires et différentes populations qui relèvent de leurs compétences. La décentralisation des politiques publiques est ici à l'oeuvre dans le cadre d'une organisation territoriale, anticipant en cela la législation. Le constat de réalisme et de dynamisme politique de ce département est aussi bâti sur la capacité qu'il a montré à initier et créer les conditions de partenariats publics-priÎs originaux pour aligner des services publics notamment de transport. Quels qu'aient été les ressorts de ce dynamisme et de la transversalité sectorielle des politiques mises en oeuvre sur les différents territoires, il reste que le logement, clé de voûte d'un rapprochement aux emplois pour ceux qui le désirent, est aujourd'hui comme partout ailleurs non pensé. Le secteur du logement social et aidé tout comme le secteur de la construction neuve individuelle et collective restent le réceptacle des problèmes de logement de populations fragiles ou des demandes de maisons individuelles. Le secteur du logement aidé et social, dont le fonctionnement est affecté par la rigidité du parc en termes des flux n'est pas associé à la mise en transversalité de question sociale dans ce département. Dès lors la problématique de la transition énergétique et des coûts de déplacements qu'elle implique pour les ménages modestes est priÎe d'un levier d'action important mais il est vrai difficile à actionner. Aucun des acteurs publics de ce département interrogés n'a imaginé ou imagine aujourd'hui l'actionner pour lever certaines difficultés des ménages modestes. Et ce d'autant moins qu'a priori certains candidats potentiels à la relocalisation montrent de vrais réticences à s'éloigner de leur base affective dans ces temps difficiles, ce que d'autres travaux ont bien montré (Cécile Vignal, 2003, Yves Jouffe, 2007). Bibliographie ACADIE, Conseil général de Seine et Marne, 2010, Seine et Marne en projet : Projet de territoire départemental. BAUD Marielle, 2006, Etude sur l'offre de transport, rapport, Association Relais d'activités Locales pour l'Insertion, le Travail et l'Emploi. BOURDIEU Pierre, 1993, La misère du monde, Editions du Seuil. 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TARRIUS Alain, 2010, Les nouveaux cosmopolismes migratoires d'une mondialisation par le bas, La Découverte. périurbain dans les représentations et les sensibilités habitantes », NOROIS, Vol.205, p 23-35. 163 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale VIGNAL Cecile, 2003, Ancrages et mobilités de salariés de l'industrie à l'épreuve de la délocalisation de l'emploi. Configurations résidentielles, logiques familiales et logiques professionnelles, Thèse de doctorat en urbanisme, Université de Paris EST Créteil, sous la direction de Férial Drosso. WEBER Florence, 2001, Le travail à côté. Etude d'ethnographie ouvrière, Editions de l'EHESS, (1989, Ière édition, INRA/EHESS). 164 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Annexes Tableau 15 : Les ménages qui vivent dans une commune périurbaine dépendante de l'automobile Nota Bene : Les personnes dont les prénoms sont en italique sont celles qui ont participé à l'entretien Situation professionnelle Vincente 1 57 ans Daniel 58 ans Giliane 2 37 ans Mari de Giliane 50 ans Bernard 3 60 ans Catherine 50 ans 4 Carlos 42 ans Elle : Ouvrière à Dijon (CDI ­ en arrêt maladie longue durée) Lui : ETAM à Chevigny-Saint-Sauveur (CDI) Elle : Au chômage après une longue période d'inactivité Lui : Plaquiste sur chantiers (à Quiberon) Lui : Ouvrier à Genlis A la retraite depuis 1 an Elle : Contremaître à Couchey au 3*8 (CDI) Enseignant dans un lycée technique à Gray (Doubs) Séparé depuis 2008 Mariés Situation conjugale 1. Tableaux descriptifs des ménages rencontrés pour les entretiens Situation familiale Commune actuelle Longchamp Propriétaires depuis 1983 (prêt remboursé) Commune précédente Mariés 1 fils, 28 ans et 1 fille, 26 ans 3 petits-enfants de 3 ans et 9 mois Chenôve Location HLM Mariés 1 fille, 11 ans, en établissement spécialisé sur Dijon Longchamp Propriétaires depuis 2003 Dôle Location HLM (petit collectif) 2 fils, 26 (ouvrier à Genlis) et 20 ans (en études à Nevers et à charge de ses parents) Longchamp Propriétaires depuis 1985 (prêt remboursé) Longchamp Genlis Location HLM 1 fils, 8 ans, en garde partagée Genlis Location HLM Propriétaire depuis 2009 165 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Longchamp Elle : Au chômage depuis 6 mois. Etait ouvrière à Dijon Lui : Cariste à Chevigny-Saint-Sauveur (CDI) Vivent en concubinage Locataires d'un logement social (maison individuelle) Depuis 2009 Lui : Magasinier à Genlis En cessation progressive d'activité depuis 2010 Elle : Assistante familiale pour le CG Elle : Inactive depuis la naissance de ces filles. Anciennement clerc de notaire Lui : Responsable d'une chaufferie à Quetigny (CDI) Elle : Conseillère financière dans une banque à Genlis (CDI) Lui : Electromécanicien à ChevignySaint-Sauveur en 2*8 et travail de nuit 3 fois par an (CDI) Mariés 1 fille et 1 garçon, 11 ans (des jumeaux) Mariés 2 garçons, 38 et 30 ans, 1 fille, 29 ans 5 petits-enfants 2 enfants, 20 et 16 ans, placés chez eux depuis 10 ans Longchamp Propriétaires depuis 1982 (prêt remboursé) Genlis Location HLM Ont toujours Îcu à Longchamp Séverine 5 38 ans Antoine 38 ans Didier 6 58 ans Annie 56 ans Sonia 43 ans 7 Mari de Sonia 45 ans 2 fils, 13 et 9 ans, et 1 fille, 6 ans Mariés 1 fils, 16 ans, et 2 filles, 12 ans (des jumelles) Longchamp Propriétaires depuis 1993 Genlis Location priÎe Graziella 8 37 ans Mari de Graziella 41 ans Chambeire Propriétaires depuis 1997 (prêt remboursé) Saulon-la-Rue Hébergés chez les parents 9 Laurence 41 ans Ouvrière à la chaîne à Couchey Horaires décalés (4h45-14h) Intérim depuis 8 ans Séparée 1 fille, 24 ans, qui fait ses études en Angleterre (boursière) Longchamp Locataire en logement social (appartement dans un petit collectif) Depuis 2002 Genlis avec sa mère en arrivant du Nord après le divorce de ses parents 166 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Elle : Assistante maternelle à domicile ­ 6 enfants en garde Lui : Conducteur routier en national (CDI) Horaires variables d'une semaine sur l'autre Lui : Technicien dans les machines à café basé à Genlis (CDI) Elle : Aide à domicile sur Dijon à temps partiel (CDD) Mariés 2 garçons, 12 et 8 ans, et 1 fille, 11 ans Stéphanie 10 34 ans Yannick 35 ans Nicolas 49 ans 11 Femme de Nicolas 47 ans Longchamp Propriétaires depuis 2003 Chevigny Location priÎe Fontaine d'Ouche Longchamp Mariés 2 filles, 19 et 15 ans Propriétaires depuis 2005 Location HLM (lui avait déjà été propriétaire sur Lyon) Lui : Bray-sur-Seine (propriétaire avec sa précédente femme) Elle : Provins (propriétaire avec son précédent mari) Trélazé (près d'Angers) Chez ses parents (locataires) Savins Chez ses parents (propriétaires depuis 27 ans) Adbel 12 39 ans Elodie 26 ans Lui : Eboueur à la Mairie de Paris (18 arrondissement). Horaires décalés (matin ou AM) e Sainte-Colombe En concubinage Lui : 1 fille, 19 ans, et 1 fils, 10 ans, tous les deux de précédents mariages Locataires dans le parc priÎ depuis 2010 Elle : Temporairement sans emploi et bientôt chef de rang dans un restaurant sur Provins Aide-soignante en maison de retraite à Provins (CDI) Horaires décalés. Matin : 7h-14h15 ou AM : 14h15-21h15 + week-end. Agent administratif dans une coopérative céréalière à Jouy-le-Châtel (CDI) Horaires standards Sainte-Colombe Célibataire Sans enfant Locataire dans le parc priÎ depuis 2009 Sainte-Colombe Célibataire Sans enfant Locataire dans le parc priÎ depuis 2011 13 Mélanie 21 ans 14 Christelle 24 ans 167 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Mortery 1 fille, 19 ans, et 2 garçons, 16 et 14 ans, issus d'un précédent mariage Garde alternée Sainte-Colombe Propriétaires depuis 2011 Location dans le parc priÎ (Elle était propriétaires avec son précédent conjoint à Bannost) Troyes Location HLM Karine 15 41 ans Mari de Karine 40 ans Elle : Conductrice de bus basée à Provins et Villiers Saint Georges (CDI). Horaires complexe et déléguée du personnel Lui : Technicien SAV basé à Marne-laVallée mais se déplace en France entière (CDI) Chef d'équipe en optique à Poigny (CDI) Horaires décalés en 2*8 Lui : Militaire (administratif) sur Paris 7e Elle : Assistante de puériculture à Villiers-sur-Marne, en congé parental depuis quelques mois En concubinage 16 Vanessa G. 31 ans Lionel 34 ans Célibataire Sans enfant Sainte-Colombe depuis 2004 Locataire dans le parc priÎ Saint-Brice Mariés 1 fils, 7 ans, et 1 fille, 1 an Propriétaires depuis 2009 Le Plessis-Trévise Propriétaires d'un appartement 17 Edwige 34 ans Longueville 18 Cyril 41 ans A la recherche d'un emploi en tant que technicien chimiste RSA Célibataire Sans enfant Hébergé à titre gratuit par ses parents (propriétaires) Orsay Logement étudiant Trajectoire difficile à reconstituer Roger 54 ans 19 Femme de Roger 56 ans Lui : Employé de banque dans Paris 9e Elle : Femme au foyer Saint-Loup de Naud Mariés 2 fils, 23 ans et 18 ans, 1 fille, 20 ans Propriétaires depuis 1996 Clichy-sous-Bois Propriétaires d'un F3 (qu'ils ont toujours) 168 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Sandrine 30 ans 20 Mari de Sandrine 31 ans Elle : Assistante commerciale dans une agence immobilière à Provins Lui : Gardien de la paix à Vincennes Mariés à Eric, gardien de la paix Chenoise 2 fils, 7 et 4 ans Locataires en parc priÎ (maison) depuis 2007 Vannes Locataires dans le parc priÎ Bruno 21 40 ans Femme de Bruno 39 ans Virginie 22 45 ans Illidio 48 ans Solveig 23 41 ans Olivier 43 ans Lui : Gardien de la Paix à Paris (13 ). Horaires de nuit Elle : Gardien de la paix à Coulommiers. Horaires de jour e Mariés 1 fille de 19 ans 2 fils de 12 et 11 ans Crèvecoeur-en-Brie Propriétaires depuis 1998 Paris 13 e Location dans le parc priÎ Elle : Assistante maternelle à domicile Lui : Conducteur super poids-lourds Mariés 2 filles, 18 et 7 ans 1 fils, 13 ans Crèvecoeur-en-Brie Propriétaires depuis 1998 Ozoir-la-Ferrière Locataires en HLM Elle : Mère au foyer Lui : Ingénieur en informatique sur Paris Mariés 2 fils, 12 et 10 ans Crèvecoeur-en-Brie Propriétaires depuis 1998 Maisons-Alfort Locataires dans le parc priÎ 1 fille, 16 ans 24 Patrick 42 ans Miguel 25 37 ans Nathalie 35 ans Menuisier au Ministère des Armées à e Paris (8 ) Séparée Vit avec sa maman à Puiseux-en-France (95) Garde conventionnelle Lui : Plombier sur Paris Prochainement au chômage Elle : Agent administratif à la CPAM à Bussy-Saint-Georges Mariés 2 fils, 10 ans et 7 ans Pommeuse Propriétaire depuis 2003 Coulommiers Location dans le parc priÎ Pommeuse Propriétaires depuis 2011 Chelles En location-vente 169 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Saints Propriétaire depuis 2006 Mauperthuis Mariés 2 fils, 6 ans et 9 mois Propriétaires depuis 2009 26 Bernadette 47 ans Vanessa D. Responsable d'agence intérim, au chômage Elle : Hôtesse de caisse, en congé parental Lui : Magasinier à Coulommiers (horaires décalés), arrêt maladie longue durée Aide médico-psychologique en hôpital à Coulommiers Séparée 1 fille, 21 ans Vit à Noisy-le-Grand pour ses études Allier Propriétaire 27 26 ans Mari de Vanessa 28 ans Claude 49 ans Coulommiers Locataires en parc priÎ Célibataire 28 A une petite amie à Villeparisis Pas d'enfants Beautheil Logé à titre gratuit chez sa mère N'a jamais habité ailleurs 170 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Tableau 16 : Description économique des ménages rencontrés (PCS, revenu par unité de consommation et perception du niveau de vie) dans le chantier 1 En italique, les personnes rencontrées en Côte-d'Or. PCS Ménage (niv. 3) 63 (AM) 48 85 (C/68) 68 78 (62) 48 Activité du ménage Revenus nets par mois (R)* U.C. R/UC Perception de leur niveau de vie Vincente Daniel Biactif 3000 1,5 2000 Confortable depuis que les enfants sont partis et que la maison est remboursée Giliane Mari Monoactif 2000 1,8 1100 Conditions de vie difficiles Bernard Catherine Monoactif 2700 2 1350 Budget encore serré du fait qu'ils aient leur fils aîné à charge Carlos 42 Actif 1800 1,3 1385 Fait attention car vient d'acheter sa maison Séverine Antoine 67 (C) 65 Biactif avec inoccupée 2500 2,4 1042 Pas de difficultés exprimées mais peu d'activités, pas de vacances Didier Annie 66 (C) 52 Biactif 2400 2 1200 Pas de difficultés exprimées Sonia Mari 85 36 Monoactif 4000 2,6 1538 Confortable même s'ils font attention Graziella Mari 46 62 Biactif 3000 2,1 1430 Confortable du fait des avantages sociaux liés à leurs entreprises respectives Laurence 67 Actif 1300 1 1300 Conditions de vie difficiles Stéphanie Yannick 52 64 Biactif 2600 2,4 1083 Ils font très attention à leurs dépenses et ne partent pas en vacances 171 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Nicolas Femme 47 56 68 56 (NTP) Biactif 3000 2,5 1200 Ils font attention même s'ils bénéficient de bourses d'études pour leurs 2 filles Conditions de vie jugées trop justes d'où reprise du travail pour Mme Adbel Elodie Monoactif (bientôt biactif) 1500 (+1400) 1,5 (+0,8) Entre 652 et 1933 Mélanie 52 Actif 1300 1 1300 Niveau de vie jugé suffisant mais un peu juste Christelle 54 Actif 1300 1 1300 Niveau de vie jugé correct Karine Mari de Karine Vanessa G. 64 47 Conditions de vie confortables Biactif 3400 3 1133 Les avantages sociaux de Karine y participent 48 Actif 1700 1 1700 Conditions de vie confortables Lionel Edwige 53 52 (CP ) Monoactif 2800 2,1 1330 Ils font très attention et leur budget est un peu juste à leurs dires Situation de pauvreté Cyril 47 (RSA) Actif inoccupé 480 1 480 Faute d'emploi stable et d'un meilleur revenu, il reste hébergé chez ses parents Situation budgétaire très juste qui s'est un peu améliorée avec un regroupement de ses crédits Roger Femme 46 85 Monoactif 2300 3 767 Sandrine Mari 54 53 Biactif 3300 2,1 1571 Conditions de vie jugées satisfaisantes Conditions de vie jugées satisfaisantes mais chasse permanente aux bonnes affaires (réduction, etc.) Budget serré Font attention Bruno Femme 53 53 Biactif 4000 2,6 1538 Virginie Illidio 52 64 Biactif 3000 3 1000 172 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Conditions de vie jugées confortables mais elle travaille de temps à autre en intérim pour arrondir les fins de mois Niveau de vie satisfaisant mais travaux au fur et à mesure en fonction des finances disponibles Niveau de vie satisfaisant mais peur pour l'avenir avec le chômage de Miguel Solveig Olivier 85 38 Monoactif 3500 2,1 1667 Patrick 63 Actif 1500 1 1500 Miguel Nathalie 63 (C) 52 Biactif avec inoccupé 2700 2,1 1290 Bernadett e 46 Actif inoccupé 1200 1 1200 Situation budgétaire juste Vanessa D. Mari 55 (CP) 66 (AM) Monoactif 2000 2,1 952 Situation budgétaire très juste Claude 52 Actif 1500 1 1500 Conditions de vie confortables mais ne paye pas de loyer * Revenus nets déclarés ou estimés par mois, comprenant salaires et autres revenus (allocations chômage, pensions alimentaires, aides sociales, bourses d'études, APL, etc.) C : chômage ; AM : arrêt maladie ; CP : congé parental ; RSA : revenu de solidarité active ; TP : temps partiel 173 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Tableau 17 : Les ménages qui ont quitté une commune périurbaine dépendante de l'automobile Nota Bene : Les personnes dont les prénoms sont en italique sont celles qui ont participé à l'entretien Situation professionnelle Christine 44 ans Séverine P. 2 31 ans Jonathan 30 ans Stéphane 42 ans Situation conjugale Situation familiale Commune actuelle Dijon Secrétaire médicale à Dijon Divorcée 2 garçons, 14 et 8 ans En location priÎe depuis 2004 Commune périurbaine précédente Francheville Propriétaire avec son ex-mari Y a Îcu de 1997 à 2004 1 Elle : Assistante de direction dans une PME à Fontaine-LèsDijon Lui : Moniteur d'autoécole salarié à Longvic Agent de service hospitalier à Dijon. Prochainement à la recherche d'un emploi Mariés 1 garçon, 2 ans et demi Dijon Propriétaires depuis 2005 Gemeaux Locataires jusqu'en 2004 Dijon Séparation Pas d'enfant Locataire dans le parc priÎ depuis 2010 Rouvres-en-Plaine Hébergé par son conjoint de 1996 à 2008 3 Séverine Y. 4 33 ans Grégory 37 ans Elle : Opératrice PAO (publication assistée par ordinateur) salariée dans l'entreprise de son mari Lui : Chef d'une entreprise d'impression à SaintApollinaire Mariés 2 garçons, 9 et 8 ans Dijon Locataires en HLM depuis 2006 Quemigny-Poisot Locataires priÎs de 2004 à 2006 5 Laurent V. 32 ans Paysagiste pour la mairie de Longvic Divorcé officiellement mais a une nouvelle compagne Dijon 2 filles, 7 et 5 ans Locataire en HLM depuis 2009 Saint-Victor sur Ouche Propriétaire avec son exfemme de 2007 à 2009 174 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Elle : Perrigny-lès-Dijon Elle : Assistante commerciale, à la recherche d'un emploi Lui : Propriétaire d'un petit restaurant dans Dijon Elle : Agent contractuel dans les administrations. CDD terminé et congé maternité Lui : Mécanicien dans un garage à Dijon Mariés 1 fils, 2 ans et demi Dijon Propriétaires depuis 2008 Locataire priÎe de 2001 à 2003 Lui : Cirey-lès-Pontailler Chez ses parents Dijon Locataires dans le parc priÎ depuis 2009 Prenois Locataires priÎs De 2007 à 2009 Katarzyna 6 31 ans Cédric 33 ans Ludivine 7 24 ans Perceval 27 ans Charline 22 ans 8 Compagnon de Charline 25 ans En concubinage Pas d'enfant (au moment de l'entretien) Elle : Collaboratrice en assurances à Dijon Lui : Coursier dans un hôpital à Dijon Dijon En concubinage Pas d'enfant Locataires dans le parc priÎ depuis 2010 Asnières-Lès-Dijon Colocataires dans le parc priÎ de 2009 à 2010 9 Isabelle 45 ans Adjoint administratif en préfecture à Dijon Hôtesse de caisse à temps partiel à ? A la retraite de la fonction publique Plombières-lès-Dijon Séparée 1 garçon, 14 ans Locataire HLM depuis 2003 Soirans Locataire HLM de 2001 à 2003 1 fille, 13 ans Divorcée 2 garçons d'une précédente union et qui ne vivent plus avec elle Longvic Locataire HLM depuis ? Binge Propriétaires 10 Agnès 51 ans 11 Redouane 27 ans Paris Gardien de la Paix à Paris (13 ) e Maincy Location priÎe de 2005 à 2008 Célibataire Pas d'enfant Locataire HLM (par la préfecture) depuis 2008 175 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Fromont Hébergée par ses anciens beaux-parents de 2003 à 2008 Egreville Chez ses parents Lorrez le Bocage En location priÎe Paris 14 Laurence B. 22 ans Danielle 36 ans 15 Compagne de Danielle ? Christelle 34 ans 16 Compagnon de Christelle 34 ans Elle : Gardien de la Paix à Paris e (16 ) Lui : Cuisinier salarié dans un e restaurant sur Paris (11 ) En concubinage 1 fils, 13 ans, issu d'une précédente union qui vit avec les parents de Christelle à Troyes Hébergent la soeur et la nièce du conjoint Boulogne-Billancourt - 92 Locataires en HLM (logements réserÎs par le travail de Christelle) depuis 2009 Gouvernes En location priÎe de 2004 à 2009 D. : Formatrice en assurance à Puteaux C. : Caviste dans Paris (6 ) e 12 Anita 27 ans Claire 27 ans Biologiste. A la recherche d'un emploi Paris 18 Séparée 1 fils de 13 mois e Locataire HLM depuis 2009 Elle : Assistante de direction à Paris Lui : Responsable en recouvrement de créances à Saint-Quentin en Yvelines En concubinage Pas d'enfant Paris 12 e 13 Compagnon de Claire ? En location HLM depuis 2005 Vendeuse en prêt-à-porter Emploi étudiant en complément Nanteuil les Meaux Chez ses parents jusqu'en 2008 Célibataire Pas d'enfant En colocation avec une camarade d'école depuis 2010 Paris 19 En concubinage Pas d'enfant e D. : Villevaudé Propriétaire de 2005 à 2010 C. : Nantes D. propriétaire depuis 2010 176 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Célibataire 17 Laurence L. 35 ans Gestionnaire clientèle à la Banque Postale Mais a un petit ami avec qui elle projette de s'installer Bondy ­ 93 Pas d'enfant Locataire HLM (bailleur priÎ) depuis 2006 Villeparisis Compan Location priÎe de 2001 à 2006 Villiers-sous-Gretz 18 Francine 60 ans Commerciale dans l'électronique Célibataire Mais a un petit copain 1 fille, 30 ans qui vit à Pavillon-sous-Bois Vit avec sa mère, 83 ans Drancy ­ 93 Propriétaire de son appartement depuis 1999 Avec ses parents jusque 1999 Mais a fait beaucoup d'allerretour entre la banlieue-est et Villiers Tigeaux Noisy-le-Sec ­ 93 Propriétaires depuis 1981 Chez ses parents, en alternance jusqu'en 2001 (décès) Monique 19 67 ans Mari de Monique ? Elle : Retraitée, comptable à Paris Lui : Retraité, ouvrier dans la métallurgie à Bagnolet Mariés 1 fils, 47 ans, et 2 petits enfants Résident au Raincy 6 enfants entre 41 et 30 ans issues d'une précédente union Vit avec 2 de ses enfants et deux petites filles (11 et 10 ans) 20 Martine 61 ans Elle : Ouvrière en logistique au chômage - retraite En couple mais ne vit pas avec son conjoint Champigny-sur-Marne - 94 En location HLM depuis 2004 Maincy En location HLM de 1994 à 2004 Séparée 21 Nelly G. 26 ans Secrétaire en intérim dans Paris A un petit ami mais ne vit pas avec 1 fils, 14 mois Ivry-sur-Seine ­ 94 Locataire HLM depuis 2010 Sucy-en-Brie ­ 94 Sainte-Colombe Location priÎe avec son ex de 2005 à 2008 Yèbles Propriétaire avec son ancien mari de 2000 à 2010 22 Patricia 32 ans Factrice à La Poste à Draveil Divorcée 3 enfants de 13, 8 et 7 ans Hébergée par sa soeur depuis 2010 177 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Abdel E. 23 30 ans Femme d'Abdel ?? Lui : Educateur spécialisé à Créteil Elle : Rédactrice en droit en ministère à Paris Villejuif - 94 Mariés 1 fils, 2 ans Locataire dans le parc priÎ depuis 2004 Dammartin-sur-Tigeaux Avec ses parents (propriétaires d'une maison) jusqu'en 2002 Soignolles et Emerainville 24 Edwige 45 ans Pigiste à mi-temps pour plusieurs auteurs (travaille à domicile) Divorcée 1 fils, 5 ans (issue d'une union après divorce) Vincennes - 94 Propriétaire depuis 2004 Propriétaires avec son précédent mari (pas le père de son enfant) jusqu'en 2003 (1 an à Soignolle et 3 ans à Emerainville) 25 Julie 22 ans Le Plessis Bouchard - 95 A la recherche d'un emploi Célibataire Pas d'enfant Locataire HLM Depuis 2009 Juilly Vivait chez les parents de son petit ami Samia 42 ans 26 Compagnon de Samia 50 ans Nastassia 23 ans 27 Compagnon de Nastassia 23 ans Elle : Apprentie dans la communication éÎnementielle (école à Nogent-sur-Marne, entreprise à Marne-la-Vallée) Lui : Apprenti en ressources humaines (école à Paris, entreprise à Bondoufle) Férolles-Attily Ozoir-la-Ferrière ­ 77 En concubinage Pas d'enfant En location priÎe depuis 2010 Avec son père et sa bellemère (propriétaires) de 2004 à 2010 (en intermittence avec des locations priÎes) Elle : Secrétaire à mi-temps dans une TPD à Favières Lui : Serrurier poseur dans le 77 En concubinage Précédemment divorcés Elle : 2 filles, 19 et 14 ans Lui : plusieurs enfants qui ont tous quitté le domicile parental Serris ­ 77 En location HLM depuis 2007 Favières Propriétaires avec son ancien mari de 2001 à 2007 178 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Pontcarré Location priÎe de 2003 à 2006 Marles-en-Brie Location priÎe de 1988 à 1996 28 Stéphane 31 ans Fabienne Agent administratif dans l'immobilier à Paris Elle : Assistante maternelle à domicile Lui : Artisan dans le BTP sur l'Île-de-France Elle : Documentaliste dans une banque à Paris Lui : Electronicien salarié sur l'Île-de-France Artisan dans le BTP dans l'entreprise familiale à Jouysur-Morin Célibataire Pas d'enfant Ferté-sous-Jouarre ­ 77 Propriétaire depuis 2006 29 49 ans Marc ? Sylvie Mariés 2 filles, 22 ans et 15 ans Fontenay-Trésigny ­ 77 Propriétaires depuis 1996 30 47 ans Mari de Sylvie ? Coulommiers ­ 77 Mariés 1 fils, 19 ans et 1 fille, 13 ans Location priÎe depuis 2007 Villiers-sur-Morin ­ 77 Divorcé 1 fils, 5 ans en garde alternée Location priÎe depuis 2009 Pommeuse Location priÎe de 2004 à 2007 31 Julien 29 ans Jouy-sur-Morin Propriétaire jusqu'en 2008 179 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Tableau 18 : Description économique des ménages rencontrés (PCS, revenu par unité de consommation et perception du niveau de vie) En italique, les personnes rencontrées en Côte-d'Or. PCS (niv. 3) Activité du ménage Revenus nets par mois (R)* Christine Séverine P Jonathan Stéphane Séverine Y Grégory Laurent Katarzyna Cédric Ludivine Perceval Charline Compagnon Isabelle 45 46 42 52 (C) 62 21 63 45 (C) 22 52 (CM) 62 46 64 52 Actif 1700 1,8 945 Perception de leur niveau de vie (au moment de l'enquête) Budget pas toujours évident à tenir notamment par absence de pension alimentaire Niveau de vie satisfaisant Ménage U.C. R/UC Biactif 2900 1,8 1610 Actif inoccupé 1200 1 1200 Budget serré Biactif 2400 2,1 1150 Budget serré lié au lancement de leur entreprise Actif 1260 1,6 800 Niveau de vie jugé satisfaisant Biactif avec inoccupée Biactif avec inoccupée 2300 1,8 1280 Niveau de vie plutôt confortable 2000 1,5 1330 Niveau de vie jugé satisfaisant Biactif 2400 1,5 1600 Niveau de vie plutôt confortable Actif 1500 1,5 1000 Niveau de vie considéré comme satisfaisant Agnès 55 (TP) Actif 1200 1,5 800 Budget serré Redouane 53 Actif 2300 1 2300 Niveau de vie confortable Anita 47 (C) Actif inoccupé 1300 1,3 1000 Budget plutôt serré 181 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Claire Compagnon Laurence B. Danielle Compagne Christelle Compagnon Laurence L. 46 46 55 (TP) 42 46 53 63 45 Biactif 3600 1,5 2400 Niveau de vie satisfaisant Active 1100 1 1100 Budget serré Biactif 4000 1,5 2660 Niveau de vie confortable Biactif 4500 2,3 1950 Niveau de vie satisfaisant Actif 1800 1 1800 Niveau de vie confortable Francine Monique Mari Martine 46 76 (54) 76 (48) 76 (C) Actif 1800 1,5 1200 Niveau de vie satisfaisant Inactif 2500 1,5 1660 Niveau de vie satisfaisant Active inoccupée 2000 3,1 645 Niveau de vie satisfaisant Nelly G. 54 Actif 2100 1, 3 1610 Budget serré Patricia Abdel Epouse Edwige 52 43 33 35 (TP) Actif 1800 1,9 950 Budget pas toujours évident à tenir Biactif 2900 1,8 1610 Niveau de vie satisfaisant Actif 1500 1,3 1150 Budget considéré comme serré Julie Samia Compagnon Nastassia Compagnon Stéphane 55 (C) 54 (TP) 68 46 (TP) 46 (TP) 54 Actif inoccupé 1300 1 1300 Budget serré Biactif 3600 2,5 1440 Niveau de vie satisfaisant Biactif 2100 1,5 1400 Niveau de vie satisfaisant Actif 1500 1 1500 Niveau de vie satisfaisant 182 2. Méthodologie des enquêtes qualitatives Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Les études qualitatives du chantier 1 et du chantier ont pour but de comprendre comment se déplacent les ménages modestes qui vivent ou on Îcu dans le périurbain dépendant de l'automobile. L'hypothèse généralement admise est que, compte tenu de leur niveau de revenus (ou de niveaux de vie) et de leur lieu de résidence, ces ménages ont plus de difficultés à se déplacer, sont isolés dans leurs communes de résidence et qu'ils peuvent être amenés à les quitter. Ce raisonnement repose sur une conception unique du périurbain alors que ce dernier comporte plusieurs degrés d'urbanité. Selon ces degrés d'urbanité, les mobilités des ménages modestes peuvent donc différer. Ensuite, les enquêtes qualitatives déjà réalisées ne permettent que très partiellement d'identifier comment les ménages modestes se déplacent dans le périurbain. Il est donc très difficile de savoir quelles sont les stratégies mises en place pour compenser cet éloignement supposément subi avec l'hypercentre. Dans quelle mesure le périurbain est-il un choix ou une contrainte résidentielle imposée ? Du moins, comment les individus le vivent-ils ? Outre le coût du foncier ou l'accès à des logements sociaux, les ménages ont-ils d'autres arguments pour justifier leur localisation résidentielle ? Ces questions supposent donc de comprendre les mobilités des individus, des ménages dans leur contexte territorial. Pour quelles raisons se déplacent-ils ? Où vont-ils ? Pour quelles raisons opèrent-ils telles activités à tel ou tel endroit ? Comment s'y rendent-ils ? Avec ou grâce à qui ? Se limitent-ils à leur périurbain de résidence ? Ont-ils un territoire plus diversifié ? Comment compensent ils l'éloignement à certaines aménités urbaines (aides informelles, sous-traitance, livraison à domicile) ? Pour répondre à toutes ces questions, nous avons eu recours à des entretiens basés sur des récits biographiques plus poussés dans le chantier 2 et la mise en récit par les individus de leurs quotidiens dans les territoires dépendants de l'automobile, partie plus poussée dans le chantier 1. Un déroulement en deux principales étapes La liste de questions ci-dessus (non exhaustive par définition) débouche sur une conduite d'entretien en 2 temps principaux et, éventuellement, un 3e temps complémentaire. Après un passage introductif (présentation de l'enquêteur, de l'étude en cours et du déroulement de l'entretien), une première partie de l'entretien se concentrera sur l'obtention de renseignements généraux sur l'individu interrogé (année de naissance, situation professionnelle éventuelle), le ménage (composition, âges, activités des autres membres du ménage, nombre de Îhicules) et la trajectoire résidentielle et le rapport au territoire (ancienneté résidentielle, lieu de résidence précédent, motifs de la localisation actuelle, présence de réseaux sociaux éventuels, etc.). Ces renseignements ont pour objectif de cadrer le déroulement de l'entretien par la suite (pas la peine de demander comment le ménage gère l'accompagnement des enfants si il n'en comporte pas). Ils ont aussi pour vocation de « mettre en jambe » la personne enquêtée, de la mettre à l'aise. Enfin, ils visent à connaître l'enquêté, son passé et ses aspirations, dimensions qui permettront en phase d'analyse de développer une interprétation plus pertinente de ses mobilités et de ses choix. 183 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale La seconde partie de l'entretien a pour objectif de comprendre les mobilités hebdomadaires des personnes interrogées et de l'ensemble de leur ménage. Par le remplissage d'un semainier (avant ou pendant l'entretien), la personne enquêtée expliquera les conditions de déroulement de l'ensemble des activités effectuées hors du domicile de la semaine précédant l'entretien (week-end inclus). Par conditions, sont entendues autant la nature de ces activités, leurs lieux, le mode choisi pour s'y rendre, avec qui elles ont été effectuées, leur périodicité, leur caractère récurrent ou inhabituel que les motivations de tous ces choix. Le semainier rempli devra être analysé aussi bien à travers les mobilités effectuées que celles non réalisées (exemple : pas de sortie culturelle type aller au cinéma reportée sur le semainier. Demander pour quelles raisons). Une liste d'activités types permettra aux enquêtrices de cadrer les activités considérées afin d'. Dans l'explicitation de ces choix, il sera nécessaire de focaliser notre regard sur les caractéristiques, ressources ou contraintes du territoire de résidence, des territoires qu'ils parcourent plus généralement pour in fine avoir une « cartographie » de ce qu'ils considèrent comme leur territoire, leur bassin de vie. Ce faisant, nous pourrons confronter ces représentations avec les résultats quantitatifs obtenus. Les mobilités hebdomadaires constituent un point d'entrée pour interroger les territoires et le Îcu de ces derniers dans leur dimension régulière ou habituelle mais aussi dans leur dimension plus exceptionnelle, plus lointaine (week-end, vacances). Les individus surestiment-ils leurs possibilités de mobilités ou les sous-estiment-ils compte tenu de leurs programmes d'activités hebdomadaires vus auparavant ? Un risque de halo ou de contamination est à envisager et à neutraliser. Une série de questions intermédiaires sur les vacances et les activités effectuées à domicile (les deux vont probablement se recouper si on en croît la corrélation entre niveau de revenu et probabilité de départ en vacances ­ enquêtes emplois du temps). Certaines activités à domicile ou à sa proximité immédiate (exemple : Internet, téléphone) peuvent être un moyen de « compenser » les difficultés à accéder à certaines ressources. Trame d'entretien Introduction par l'enquêteur « Comme je vous l'ai dit, je suis chercheur en sociologie / géographie à l'université de Marne-laVallée et je suis là aujourd'hui parce que je fais une étude sur la vie quotidienne des Seine-etMarnais, où ils habitent, comment ils vivent, où est-ce qu'ils vont quand ils se déplacent en dehors de chez eux... [tout en parlant, on sort notre petit matos d'enregistrement] alors, j'enregistre avec ça parce que ça me permet d'avoir une trace pour travailler. J'utilise ça parce que même si je prends des notes, vu que je ne suis pas « sténo », ça me permet de ne pas déformer votre propos par exemple et de me souvenir de ce que vous avez dit. De toute façon, il n'y a que moi qui écoute la bande, c'est pour retravailler ? Ça ne vous embête pas ? De toute façon, vous resterez strictement anonyme. Alors, d'abord je vais vous poser des questions assez générales sur vous, votre famille, l'endroit où vous vivez, votre parcours. Ensuite, comme on parlera de vos déplacements et de l'organisation de votre vie quotidienne et de celle de votre famille. Pour ça, on essaiera de remplir ensemble un petit tableau sur les différents endroits où vous êtes allés la semaine dernière. Vous êtes d'accord ? On y va ? » 184 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Questions de « cadrage » et premier(s) rapport au(x) territoire(s) Auto-portrait par l'enquêté Une fois qu'on s'est présenté (souplement et brièvement), on demande à l'enquêté de se présenter « comme il a envie de se présenter ». S'il manque des choses parmi nom, prénom, âge, profession, situation de famille et âges des enfants, on lui dit : « et.... Vous êtes nés en ... ? Et vos enfants, ils ont quel âge ? Et votre femme, elle fait quoi comme travail ? Elle travaille où ? Et vous ? ». Parcours et trajectoires Par ailleurs, on peut leur demander (c'est très utile pour comprendre pourquoi ils sont arriÎs dans ce type d'endroits et comment ils se sentent sur place) d'où leur famille est originaire (et savoir s'ils ont des frères et soeurs ? et eux-mêmes ? est-ce que vous pouvez me dire rapidement les différents endroits dans lesquels vous avez Îcu depuis votre naissance jusqu'à aujourd'hui ? Essayer de leur faire dire la commune, appart ou maison, propriétaire, locataire avec bailleur priÎ ou locataire avec un bailleur social, les raisons pour lesquels ils ont quitté le logement pour un autre et si on peut s'ils étaient bien / s'ils aimaient un peu, beaucoup ou pas du tout ce logement et son environnement. Pour le conjoint, essayer que l'enquêté nous dise si grosso modo leur conjoint a le même parcours résidentiel que lui, dans quel contexte résidentiel il a grandi (enfant et adolescent). Choix du logement actuel Évidemment, il faut en savoir plus sur les conditions d'arriÎe dans le logement actuel, comment ça s'est passé ? Où est-ce qu'ils ont cherché au départ ? Qu'est-ce qu'il recherchait ? Ce que cette maison (si c'est une primo-accession) a représenté pour eux ? Demander également de manière factuelle (c'est-à-dire sans rentrer trop dans les détails) la trajectoire résidentiel d'Ego (commune, type de logement). Réseaux sociaux et intégration locale Pour la présence de réseaux sociaux éventuels, on peut présenter les choses par exemple en demandant : et votre frère, lui, il habite où ? vos parents sont toujours à ... ? Et est-ce que certains de vos amis habitent dans les environs ? Est-ce que parmi les gens de la commune, il y en a avec qui ils sont amis ou presque amis ? Par quel biais ils les ont rencontrés ? Ne pas oublier de poser la même question pour le conjoint. Check liste pour cadrer la narration de l'enquêté (Phase 1) Situation géo-démographique · · · Statut marital, Nombre et âge des enfants, Est-ce qu'ils vivent tous ici avec vous ? Lieu de résidence des enfants s'ils sont grands 185 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale · · Date de naissance du conjoint et d'Ego Famille plus particulièrement fratrie d'Ego et du conjoint avec localisation même approximative. Situation professionnelle · Métier de chacun (éventuellement : et ça consiste en quoi rapidement ?), Si actif occupé, faire décrire emploi, nature du travail. Si actif inoccupé, se renseigner depuis combien de temps, profession occupée avant, raisons (si l'enquêté n'est pas trop « sensible ») Lieu de travail, Est-ce qu'ils travaillent là depuis longtemps ? · · Trajectoire résidentielle complète d'Ego et type de trajectoire du conjoint avant qu'ils vivent ensemble. Repères cycle de vie : · · · · · · avant la décohabitation parentale jeunesse couple famillle parents sans enfants à domicile retraite Situation résidentielle actuelle : · · · · · Depuis quand vivent ils dans ce logement ? Pour quelles raisons ? Question large qui englobe les raisons de départ et d'arriÎe. Méthodologiquement parlant, il est assez difficile de répondre à une question qui commence par pourquoi. Critères et périmètre de la recherche ? Qu'est-ce qu'ils souhaitaient ? Demander s'ils connaissaient déjà la commune ou des gens dans les environs quand ils sont arriÎs ? Est-ce que je peux vous demander combien vous avez acheté la maison (prix) ? Est-ce que vous aviez un petit apport ? Est-ce que vous avez pu avoir des prêts intéressants (PEL, Prêt à taux zero, ou autre) ? S'ils ont fait construire ou sont les 1ers occupants, comment ça s'est passé ? Promoteurs constructeurs, achat sur catalogue ou sur plan ? Construction par des artisans ? Questions modes de transport, TIC et dépendance automobile · · · · Avez-vous un téléphone portable ? Accès à Internet ? Qui a le permis de conduire chez vous ? Combien y a-t-il de Îhicules (voiture, moto, autre) à disposition dans le ménage ? Motorisés ou non ? En disposez vous d'un (ou plus) pour votre usage personnel ? Dans quel cadre ? Arrêt de TC le plus proche ? Autres TC accessibles à proximité ? Emploi du temps hebdomadaire · · · Grille à remplir et à commenter (cf. exemple ci-joint). Modalité de remplissage : Distribution de la grille avant l'entretien Compléments et éventuellement remplissage avec la personne pendant l'entretien 186 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Ce qu'on leur demande : d'indiquer précisément l'ensemble des activités qu'ils ont effectués en dehors de chez eux en précisant les lieux, la nature exacte des activités effectuées (courses, cinéma, etc.), les modes de transport utilisés, les temps de déplacements (et les éventuelles difficultés rencontrées type bouchons, pannes, retards, et autres). Faire décrire et expliquer par la personne interrogée en insistant sur : · · · · Les raisons des choix effectués (en termes de modes, de localisation) La périodicité des activités effectuées (habitudes, routines vs aléas ou exception), leur planification, les raisons de cette planification ou absence de planification, le changement éventuel d'activités en cours de route et les raisons de ces modifications. Les stratégies mises en place pour faire exister ces activités (expérience du territoire) Ce qui n'a pas été dit par l'enquêté, c'est-à-dire les activités qu'il n'a éventuellement pas faîtes (demander pour quelles raisons : trop loin, autre façon de le faire, trop cher, etc.), les modes qu'il ne prend pas (idem), les endroits où il n'a pas été (ce qui suppose de connaître les lieux a minima), les activités faites à domicile, etc. Ce qu'ont fait ou non les autres membres du ménage en dehors des activités réalisées en commun. · ACTIVITES TYPE (POUR MEMOIRE) Ci-dessous figure une liste non exhaustive des activités dont on pourra Îrifier qu'elles ont pu être faites ou non par le ménage interrogé dans la semaine. Le but n'est pas de donner cette liste à la personne comme exemple ou lui montrer si on remplie le semainier avec elle pour ne pas le limiter dans ses réponses. Par contre, pour l'enquêteur, la liste d'activités est utile pour baliser l'ensemble des activités susceptibles d'être réalisées au sein du ménage, de voir si elles ont été réalisées ou non, etc. · Travail o Travail fixe habituel o Rendez-vous professionnel (travail mobile) o Recherche d'un emploi (visite à l'ANPE) o Petits boulots (baby-sitting, ménages, etc.) Loisirs o Restaurants, o Cinéma, o Concerts et spectacles, o Dîner chez des amis/famille ou recevoir des amis / famille, o Activités sportives ou assimilés des adultes et des enfants, o Cours ou groupe de musique, o Musées et exposition, o Pratique du jardinage / bricolage / déco / activités manuelles Courses et services o Grosses courses et supermarchés, o Epicerie / dépannage, o Boulangerie, o Pharmacie, o Coiffeur, o Médecins, o Jardinerie / magasins de bricolage o Formalités administratives o Aides à un membre de la famille ou à des amis o Garagiste o Banque · · 187 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale o La Poste Questions complémentaires On aura pu les aborder avant selon le déroulement de l'entretien et le rapport noué avec l'enquêté. Dans le doute, pour éviter les effets de contaminations ou que les personnes interrogées se braquent, mieux vaut les faire figurer à la fin. La perception du périurbain · · · Qu'est ce qui vous a plu à l'époque dans le fait de vivre dans cette commune ? ce quartier ? cette maison ? Pourquoi ? Et au contraire, qu'est ce qui ne vous plaît pas ? Pourquoi ? Et Aujourd'hui... ? Projets · Auriez-vous envie de vivre ailleurs ? Si oui, où ? Est-ce que vous avez déjà envisagé de partir, de vendre ? Sérieusement ou comme ça ? Ou au contraire pas du tout et que vous aimeriez rester là aussi longtemps que possible ? Si tout était possible, soyons fous !, où est-ce que vous préféreriez vivre ? Pourquoi ? Et votre mari / femme, c'est pareil ou pas ?, où souhaiteriez vous vivre ? Pour quelles raisons ? · Les vacances (attention le sujet peut être délicat, il ne faut pas les mettre mal à l'aise) Et pour sortir du très quotidien, est-ce que vous partez parfois en week-end ou en vacances, je sais pas chez des gens que vous connaissez ou alors... ? Où ? C'était quand la dernière fois (vacances et WE) ? En famille, entre amis ? etc. Ca fait longtemps que vous allez là ? En général, vous êtes plutôt du genre à bouger, à changer tout le temps ou alors est-ce qu'il y a un endroit où ... ? Vous y allez comment, en voiture, en train... ? Et les enfants pendant les vacances scolaires quand vous n'êtes pas vous-même en congés...(centre aéré, grands-parents et famille, colo...) ? Et quand vous ne partez pas, parce qu'on n'est pas obligé de toujours partir, sous prétexte qu'on a des congés ou du temps libre ? (Le manque de revenus peut être une raison mais pas nécessairement la seule ? Se sentir bien chez soi, là où on vit. ) Et dans ces cas-là, vous faites quoi en général ? (Territoire de vie quotidienne propice aux vacances ? Activités ludiques à proximité ? etc.) Le Îcu des déplacements au quotidien · · · · Difficultés de déplacements liées et ressenties (si pas abordé dans la description du semainier) Obligation de planification, marges temporelles, etc. Accès aux commerces et services (si pas abordé dans la description du semainier) Accessibilité ressentie ? Est-ce Îcu comme un problème ? 188 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Table des figures Figure 1 : Les communes de forte dépendance automobile enquêtées dans l'Aire Urbaine Dijonnaise ________________________________________________________________ 18 Figure 2 : Les communes de forte dépendance automobile enquêtées en Ile-de-France __ 19 Figure 3 : Communes d'origine et de destinations des ménages de migrants enquêtés dans l'Aire Urbaine Dijonnaise ____________________________________________________ 52 Figure 4 : Communes d'origine des ménages de migrants enquêtés en Grande Couronne Francilienne _______________________________________________________________ 52 Figure 5 : Communes d'origine des ménages de migrants enquêtés en Grande Couronne Francilienne _______________________________________________________________ 53 Figure 6 : Niveaux de dépendance à l'automobile des communes de Grande Couronne Francilienne ______________________________________________________________ 106 Figure 7 : Niveaux de dépendance à l'automobile des communes de l'aire urbaine dijonnaise _______________________________________________________________ 107 Figure 8 : Effectifs et pourcentages de ménages selon la trajectoire résidentielle et le niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine____________________ 110 Figure 9 : Distribution des ménages ayant effectué une migration résidentielle à partir de la grande couronne par niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine et type de la commune de destination___________________________________________ 111 Figure 10 : Effectifs et pourcentages de ménages selon la trajectoire résidentielle et le niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine dans l'aire urbaine dijonnaise (hors Dijon) _____________________________________________________ 118 Figure 11 : Distribution des ménages ayant effectué une migration résidentielle à partir de l'aire urbaine dijonnaise (hors Dijon) par niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine et type de la commune de destination ________________________ 119 189 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Table des tableaux Tableau 1 : Statuts d'occupation avant et pendant la localisation résidentielle périurbaine dépendante de l'automobile _________________________________________________ 21 Tableau 2 : Statut d'occupation des résidences principales dans les territoires de l'étude 27 Tableau 3 : Les ménages non propriétaires de leur résidence principale dans les communes du chantier 1 ______________________________________________________________ 27 Tableau 4 : Statuts d'occupation pendant et après la localisation résidentielle périurbaine et dépendante de l'automobile _______________________________________________ 75 Tableau 5 : Eloignement des ménages interviewées par rapport au centre et à leurs lieux de travail (moyennes des distances minimales entre chaque lieu calculées via Googlemap) _________________________________________________________________________ 84 Tableau 6 : Professions des actifs dans les ménages des chantiers 1 et 2 ______________ 90 Tableau 7 : Proportion de natifs d'un territoire dépendant de l'automobile au sein de chaque zone géographique et de chaque chantier (en effectifs et en pourcentages en ligne) _________________________________________________________________________ 95 Tableau 8 : Distances parcourues en voiture et niveaux de motorisation des ménages en fonction du niveau de dépendance à l'automobile de la commune de résidence en grande couronne francilienne ______________________________________________________ 107 Tableau 9 : Descriptif des variables explicatives utilisées dans la modélisation en Grande Couronne Francilienne _____________________________________________________ 112 Tableau 10 : Résultats du premier modèle : probabilité de sortir d'une commune de Grande Couronne Francilienne _____________________________________________________ 113 Tableau 11 : Résultats du second modèle : probabilité pour les ménages ayant déménager de s'orienter vers une commune de forte dépendance automobile en Grande Couronne Francilienne ______________________________________________________________ 115 Tableau 12 : Descriptif des variables explicatives utilisées dans la modélisation dans l'Aire Urbaine Dijonnaise ________________________________________________________ 120 Tableau 13 : Résultats du premier modèle : probabilité de sortir d'une commune de l'Aire Urbaine Dijonnaise (hors Dijon) ______________________________________________ 121 Tableau 14 : Résultats du second modèle : probabilité pour les ménages ayant déménagé de s'orienter vers une commune de forte dépendance automobile dans l'Aire Urbaine Dijonnaise _______________________________________________________________ 123 191 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Tableau 15 : Les ménages qui vivent dans une commune périurbaine dépendante de l'automobile _____________________________________________________________ 165 Tableau 16 : Description économique des ménages rencontrés (PCS, revenu par unité de consommation et perception du niveau de vie) dans le chantier 1 __________________ 171 Tableau 17 : Les ménages qui ont quitté une commune périurbaine dépendante de l'automobile _____________________________________________________________ 174 Tableau 18 : Description économique des ménages rencontrés (PCS, revenu par unité de consommation et perception du niveau de vie) _________________________________ 181 192 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Table des matières Introduction _______________________________________________________________ 7 Revue de littérature _________________________________________________________ 9 1. La dépendance à l'automobile et le coût croissant des transports dans les territoires périurbains ____________________________________________________________________ 9 2. La menace d'une ségrégation sociospatiale accrue dans les espaces périurbains__________ 10 3. La mobilité résidentielle des ménages modestes et précaires _________________________ 12 Questions de recherche _____________________________________________________ 15 Partie 1 : Venir vivre dans un territoire périurbain dépendant de l'automobile : Une dépendance automobile sous-estimée _________________________________________ 18 1. La dépendance automobile, une contrepartie incontournable de l'accès à la propriété ____ 21 2. Les ménages non propriétaires dans le périurbain dépendant de l'automobile : une dépendance et ses conséquences moins occultées mais toujours sous-estimées____________ 26 2.1. Etre locataire dans un territoire dépendant de l'automobile : une situation temporaire dans son cycle de vie et son projet résidentiel ___________________________________________________________ 28 2.2. Renoncer à la propriété et rester dans la dépendance automobile : réseaux locaux et solidarités intergénérationnelles ___________________________________________________________________ 31 3. Vivre la dépendance au quotidien : la minimisation des déplacements témoin d'une vulnérabilité économique exacerbée ______________________________________________ 37 3.1. Des déplacements de loisirs faibles ou inexistants : un repli sur le lieu de résidence et sa proximité 38 3.2. Des mobilités contraintes réÎlatrices d'arbitrages intracouples entre mobilité et immobilité _____ 43 Partie 2 : Quitter le périurbain pour échapper à la dépendance automobile ___________ 51 1. Monoparentalité et célibat : la fin du couple comme moteur d'un départ du périurbain et de la dépendance automobile ________________________________________________________ 53 2. Prendre de la distance avec ses parents et la dépendance automobile : un choix moins définitif _____________________________________________________________________________ 57 3. Quitter le périurbain dépendant de l'automobile ou le signe plus profond d'un désenchantement du « tout automobile » __________________________________________ 67 3.1. Le rôle moteur de la pénibilité des déplacements dans le choix de quitter un territoire dépendant de l'automobile __________________________________________________________________________ 68 3.2. Le logement social comme accélérateur de relocalisation vers moins de dépendance ____________ 75 3.3. Quitter le périurbain dépendant de l'automobile sans renoncer pour autant à la voiture et à ses coûts _____________________________________________________________________________________ 78 Partie 3 : La construction socio-spatiale de la dépendance automobile ? Comparaisons entre l'aire urbaine dijonnaise et la Seine-et-Marne ______________________________ 83 193 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale 1. Des déplacements plus pénibles en Île-de-France, sources d'une plus grande propension à utiliser les transports collectifs ___________________________________________________ 85 2. Recourir au covoiturage : la force de l'ancrage dans des réseaux locaux dans le sud-est dijonnais _____________________________________________________________________ 90 3. Des socialisations à la dépendance automobile différentes d'un territoire à l'autre ? ______ 94 Partie 4 : Quitter le périurbain pour échapper à la dépendance automobile : approche à partir du recensement _____________________________________________________ 105 1. Hypothèses ________________________________________________________________ 105 2. Terrains ___________________________________________________________________ 105 3. Données et Méthode ________________________________________________________ 108 3.1. Etudier les migrations résidentielles des ménages à partir du recensement ___________________ 108 3.2. Des ménages modestes aux ménages précaires _________________________________________ 109 4. Résultats __________________________________________________________________ 110 4.1. Des sorties résidentielles faibles à partir des territoires de forte dépendance automobile _______ 110 4.2. Les ménages de chômeurs ont une plus forte probabilité de quitter les communes de forte dépendance en grande couronne francilienne ______________________________________________ 111 4.3. Chômeurs et familles monoparentales peinent à échapper à la forte dépendance à l'automobile de leur territoire de résidence _____________________________________________________________ 115 4.4. L'Aire Urbaine Dijonnaise affiche des tendances similaires à celles obserÎes en Ile-de-France ___ 118 4.4.1. Des sorties des territoires de forte dépendance automobile plus limitées à Dijon_______ 118 4.4.2. Une population moins qualifiée et plus souvent propriétaire d'une maison dans l'aire urbaine dijonnaise __________________________________________________________________ 119 4.4.1. Des résultats de modèles similaires à la situation francilienne ______________________ 121 5. Discussion - Conclusion_______________________________________________________ 124 Conclusion générale _______________________________________________________ 127 Bibliographie _____________________________________________________________ 131 Addenda : La question sociale de la mobilité dans le périurbain : le point de vue des acteurs institutionnels locaux de la Seine et Marne ____________________________________ 139 Annexes _________________________________________________________________ 165 1. Tableaux descriptifs des ménages rencontrés pour les entretiens ____________________ 165 2. Méthodologie des enquêtes qualitatives ________________________________________ 183 Table des figures __________________________________________________________ 189 Table des tableaux ________________________________________________________ 191 Table des matières ________________________________________________________ 193 194 (ATTENTION: OPTION ions est d'abord le résultat d'une moindre mobilité générale qui diminue de facto les coûts associés à la dépendance automobile. En choisissant de vivre dans leur commune actuelle, les ménages modestes rencontrés ont souvent pointé les différences générées dans leurs pratiques de déplacements. Les différences sont à la fois liées au cycle de vie des personnes, à leur statut social et à leur choix de localisation, les 3 étant interdépendants. Nous allons ici examiner les différents motifs de déplacements (loisirs, travail et autres déplacements contraints) qui président l'orchestration du quotidien de ces ménages et voir en quoi celles-ci s'aÏrent réduites en vertu de la dépendance automobile des territoires considérés. 3. Vivre la dépendance au quotidien : la minimisation des déplacements témoin d'une vulnérabilité économique exacerbée 37 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale 3.1. Des déplacements de loisirs faibles ou inexistants : un repli sur le lieu de résidence et sa proximité L'installation dans les communes périurbaines correspond souvent à une étape du cycle de vie des ménages, l'arriÎe d'enfants. Peu importe la nature du territoire, l'arriÎe d'un enfant correspond de fait à une réduction de la sociabilité des ménages (Bidart et Pellissier 2002) et de leurs activités de loisirs (Herpin et Chenu 2002). Du coup, les pratiques de mobilités qui y sont associées tendent également à diminuer. En plus de l'effet du cycle de vie, la moindre sociabilité des ménages modestes rencontrés ainsi que leur moindre propension à réaliser des activités de loisirs hors du domicile et/ou marchandes tient aussi à leur éloignement et aux faibles niveaux d'équipements en la matière des communes environnantes (la leur ou les communes limitrophes). « Bon, donc, moi, je me... je me... j'étais dans un club de roller. Après, on est venu ici. J'ai continué et c'est vrai que d'un seul coup, et ben, moi, j'avais le... j'avais le... bon, la volonté et puis l'envie de continuer, donc, je faisais beaucoup, beaucoup de déplacements... pour aller... au sport, quoi. Hein, donc... parce que j'y allais... j'y allais pratiquement... pratiquement 4 fois par semaine, quoi. De venir parfois à l'entrainement, plus le samedi, on faisait du Îlo. Le dimanche, on allait rouler le dimanche matin au canal. Donc, bon voilà, quoi. C'était...Ah oui, c'était... c'était entre 4 à 5 fois, quoi. Je faisais des allers-retours et tout, quoi. Et puis, bon... Ben, moi, j'aurais continué mais je veux dire, mais c'est quand même, c'est... c'est prendre du temps, ça engage des frais, c'est... bon, ben... [...] Et... mais bon, pour moi, la maison, ce n'est pas tout, je veux dire. Oui, la maison, c'est oui... C'est... pour moi, c'est un lieu de vie sociale, culturel, c'est vraiment... OUI, L'IMPORTANT, C'EST AUSSI CE QU'IL Y A A COTE, QUOI. Voilà. Et... le sport aussi, bon, c'est bouger, quoi. Et donc, une maison, c'est aussi... mais c'est ce qu'il me manque ici. Donc, on est arriÎ ici et... bon, bon la maison, c'est bien et... moi, je me disais... bon...Oui, ce n'est pas... ce que je voulais. C'est pour ça que je disais, c'est vrai qu'on a le jardin, on... on est tranquille quand même, bon, on a la voisine qui est sympa et tout. Bon, c'est calme... bon... Mais... pour les... pour ce... pour ce qui est, bon, de... Pour le sport et tout ça, c'est vrai que... c'est vrai que tout de suite, c'est... un peu plus... OUI. C'EST UN PEU PLUS... COMPLIQUE ? Ah ben oui, parce que ça demande... dès qu'on veut faire quelque chose, il faut se déplacer. Même encore maintenant, je veux dire. Là, je veux dire... Moi, c'est vrai que, des fois, j'aime bien... j'aime bien aller faire du roller aux Allées du Parc, pour voir un peu de monde aussi. Pour discuter, pour voir les copains qui font du slalom ou... donc, ben voilà, plein, plein de potes. Donc, on... on discute. Mais si... je dirais que quelque part, si je veux... une vie sociale et culturelle... enfin, culturelle, comme je dis, il y a Genlis ou tout ça, et puis on peut arriver à avoir l'accès à Internet aussi et tout, mais une vie sociale, et puis... ben, je vais sur Dijon, quoi. Parce qu'ici, c'est... on a vite fait de tourner en rond, quoi. Donc, moi, je me suis... je me suis un peu contraint parce que bon, je ne veux pas abandonner le sport, donc, je cours ici... bon, l'hiver... l'hiver, c'est vrai que... ben, tout de suite, ici, il fait nuit tôt, donc... Ben, je... je prends mes baskets et je cours, ou... je fais un peu, ici, du trainer. Donc, comme ça, bon, c'est vrai que c'est assez... c'est... je ne perds pas de temps en déplacement, quoi. Mais... mais aussi, le 38 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale résultat, c'est que je fais beaucoup de sport tout seul, quoi. » Nicolas, 49 ans, marié, technicien SAV dans les distributeurs de boissons basé à Genlis, 2 filles de 19 et 15 ans, vit à Longchamp (propriétaire) depuis 2005, vivait avant à Fontaine d'Ouches (location HLM). « La gym où va Cassandra, c'est très, très cher, je paye 240 à l'année, pour 1 heure de gym par semaine. Je trouve que ça fait un peu cher. Alors que mon fils fait 5 heures de judo, je paie 180 , quoi. Ce n'est pas pareil. Si fallait qu'elle en fasse plus, mais... après il faut rajouter 120 à chaque fois qu'elle fait une activité en plus. Ça fait 360 pour 2 heures. Ça fait beaucoup. De toute façon, on n'a pas le choix, il n'y a que ça ici, donc... On l'a inscrite à la GRS à... Chevigny... Quetigny, donc, on s'était arrangé pour l'emmener et puis la ramener mais... parce que c'était le jeudi soir et le problème parce que son hip-hop, avant, c'était le jeudi soir et ils avaient décalé au samedi... en début d'après-midi, donc, du coup, je n'allais plus l'inscrire à la GRS et ils ont décalé le... son hip-hop le jeudi soir, donc, elle a dû arrêter la GRS. Mais en même temps, c'était loin, donc, c'est vrai que ça faisait un peu... C'ETAIT UN PEU COMPLIQUE ? Ben, c'est-à-dire qu'elle prenait à 6 h 30, donc, moi, je finissais à 6 h, il fallait que je les emmène, bon, c'était un copain qui les ramenait, mais... c'était un peu compliqué aussi, quoi. On n'a rien ici, comme choix... bon, rien... c'est cher, quoi. Ce n'était pas évident et c'était très cher. » Graziella, 37 ans, mariée, conseiller clientèle dans une banque à Genlis, 2 enfants de 11 ans, vit à Chambeire (propriétaire) depuis 1993, a Îcu à Genlis (location priÎe) jusqu'en 1993. Pour beaucoup de ménages rencontrés, les pratiques de loisirs extérieures au domicile et payantes sont faibles ou quasi-inexistantes. Ces comportements sont d'abord liés à leur niveau de revenus qui les limite dans la réalisation d'activités extérieures. Certains comme Bernard ou Vincente disposent de tarifs préférentiels compte tenu de leurs âges et connaissent les opportunités à proximité. Ils n'ont plus de jeunes enfants à charge et profitent du surcroît de temps disponible pour effectuer plus d'activités de loisirs que des ménages ayant de plus jeunes enfants. D'autres disposent de nombreux avantages par leurs employeurs et leurs comités d'entreprises. C'est notamment le cas de Graziella, salariée d'une banque, ou de la femme de Bernard qui travaille pour un grand groupe industriel. Pour ceux qui travaillent dans des entreprises de plus petites tailles ou qui n'ont tout simplement pas accès à des tels avantages sociaux compte tenu de leurs statuts précaires (Laurence L. qui est intérimaire par exemple), l'accès à des activités de loisirs hors domicile est plus complexe et plutôt réserÎ aux enfants. De fait, ces derniers sont souvent prioritaires pour les dépenses superflues parmi lesquelles les loisirs à l'extérieur (Lionel) mais aussi à l'intérieur (consoles, télévision, ordinateur, jeux de jardin, etc.) pour les situations les plus tendues (Giliane) : « Lionel : Pour l'instant, financièrement parlant, on va dire que non, on ne fait pas beaucoup de sorties. C'est parce que Madame n'est pas souvent là... bon, elle est en congé parental, mais bon, ce n'est pas évident. Financièrement, on ne fait pas de sorties, malheureusement. On essaie... on essaie, hein. 39 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Edwige : Quelles sortes de sorties ? N'IMPORTE. ÇA PEUT ETRE, ALLER SE PROMENER EN FORET, ALLER AU CINE, VOIR UN SPECTACLE... Lionel : Ciné, malheureusement, jamais, spectacles, jamais... Disneyland, si, parce qu'on a les pass. On va de temps en temps à Disney. Edwige : On va à Disney. Ben si, j'ai déjà emmené les enfants au parc. Lionel : Oui, après, les petits trucs... on parle surtout pour les enfants, là. Mais pour les parents, il n'y a pas de sorties pour les parents, en fait. On essaie pour les enfants plus que pour les parents, en fait » Lionel (34 ans) et Edwige (34 ans), mariés, militaire sur Paris et assistante de puéricultrice à Villiers-sur-Marne (congé parental), vivent à Saint-Brice (propriétaires) depuis 2009, vivaient précédemment au Plessis-Trévise (propriétaires). « Bon, je ne veux pas dire qu'on vit mal. La petite, elle a tout ce qu'il lui faut, hein, on a quand même 2 télés, la petite, elle, dans sa chambre, elle a sa télé, son DVD. Donc, lecteur DVD qui fait la musique aussi. Elle à la Wii, elle a la DS. On arrive quand même à acheter des trucs high-tech pour la gosse... On sacrifie beaucoup plus pour la gamine que pour nous deux. On est relegué au deuxième plan. Quand on est parents, c'est comme ça. » Giliane, 37 ans, mariée, sans activité, 1 fille de 11 ans, vit à Longchamp (propriétaire) depuis 2003, vivait avant à Dôle (HLM). Au-delà de leurs niveaux de revenus, un effet de classe propre aux ménages modestes et populaires qui ont des pratiques de loisirs plus généralement tournées vers le foyer est à l'oeuvre. Télévision, jardinage, bricolage sont structurellement plus pratiqués par des ménages modestes (Lemel et Coulangeon 2009; Roharik, Menger, et Coulangeon 2002) et supposent un investissement sur lequel les ménages préfèrent miser au détriment de loisirs extérieurs payants ou d'un départ en vacances : « Les vacances ? On ne peut pas se le permettre entre les impôts et tout le reste [...] Les vacances, on n'en a pas. C'est soit dans la famille, encore, à la rigueur, si on nous loge et puis les repas sont... qu'on arrive à faire des repas aux même prix que nous [...] Et puis, les vacances, vous rentrez, il reste quoi ? Des souvenirs ? C'est bien beau les souvenirs mais moi je préfère que ma fille, elle ait sa console, ses jouets, qu'elle puisse jouer toute l'année ici. » (Giliane). Le sacrifice des mobilités de loisirs ou non contraintes (vacances) est le résultat de l'investissement effectué dans la maison vu précédemment. Beaucoup prévoient d'importants travaux à réaliser par eux-mêmes et passent donc leurs week-ends et vacances à réaliser ces travaux plutôt que de partir en vacances ou de faire des activités de loisirs. « Vanessa : Ben, on n'est jamais parti en vacances. Ah, ah ! Depuis qu'on s'est rencontré. Depuis 8 ans, c'est ça ! Mari : On est parti 3 jours. Vanessa : On est parti 3 jours, oui. On devait partir 2 semaines, on est parti 3 jours. POUR QUELLES RAISONS VOUS... PARCE QUE VOUS PARTEZ SEPAREMENT ? 40 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Vanessa : Ben, question financière. [...] On préférait les choses importantes avant la... avant de partir en vacances. Comme la maison, le mariage, les enfants. DONC, TOUT ÇA, ENTRE LA MAISON, LE MARIAGE ET LES ENFANTS, TOUT ÇA FAIT QUE LES VACANCES, CE N'EST PAS PRIORITAIRE, QUOI ? Vanessa : Non. Le petit, ça va, il a de la chance. Lui, il part, mais...Oui, en Vendée [chez ses grands-parents] [...] D'ACCORD. ET DU COUP, PENDANT LES VACANCES SCOLAIRES, VOUS FAITES DES ACTIVITES EN PARTICULIER, OU... JE NE SAIS... ? Vanessa : Oh, on va dans des parcs d'attractions. On fait quoi d'autre ? Mari : On fait des travaux. Vanessa : Ben, c'est vrai que cette année, on a fait quoi, le parc d'attractions, l'aquarium. Mari : Oui. Vanessa : Ben, après, on voulait faire plein d'autres choses, mais avec les travaux, on n'avançait pas. » Vanessa (26 ans) et son mari (28 ans), mariés, hôtesse de caisse en congé parental et magasinier en arrêt maladie à Coulommiers (tous les deux), 2 fils de 6 ans et 9 mois, vivent à Mauperthuis (propriétaires) depuis 2009, vivait auparavant à Coulommiers (location priÎe). « Ah, je fais les randos aussi... Alors, à Fontaines d'Ouche, quand j'étais à Fontaines d'Ouche... euh... j'ai encadré... j'ai encadré les Dijon Roller... Pendant.. ben, pendant 4 ans, et on faisait des randos. Voilà, donc... Bon, après, j'y allais moins parce que... donc, il y avait des travaux, ici, donc...Ça aussi, ça, au départ, c'était un peu dur parce que... je me disais... c'était la torture : « Ah, j'ai envie d'y aller ! » Mais non, il y avait du boulot à avancer, ici. Parce que c'est ça aussi, surtout, quand on a eu le chantier, bon, ben... on ne peut pas tout faire. » Nicolas, 49 ans, marié, technicien SAV dans les distributeurs de boissons basé à Genlis, 2 filles de 19 et 15 ans, vit à Longchamp (propriétaire) depuis 2005, vivait avant à Fontaine d'Ouches (location HLM). « Oui, parce que déjà, ça m'enquiquine de... de faire... de faire 10 kilomètres et de sortir, exprès. J'aime bien ma maison, je m'y sens bien, j'ai du travail, euh... aussi bien travaux que... que... mon boulot, sur Internet, aussi. Donc... je n'ai pas envie de... de... sortir toutes les 5 minutes » Bernadette, 48 ans, ancienne responsable d'agence d'interim (alterne entre chômage et intérim), célibataire, vit à Saints (propriétaire) depuis 2006, a Îcu dans l'Allier (propriétaire) et à Chelles (propriétaire) auparavant. Si les ménages avaient été moins modestes, ils auraient peut-être acheté des biens en meilleur état avec moins de travaux à réaliser. La possession d'une maison avec jardin caractéristique des territoires investigués aurait donc tendance à renforcer la survalorisation du domicile et de son environnement immédiat dans la réalisation des activités. Les activités de loisirs hors domicile sont avant tout non marchandes ou peu onéreuses et se déroulent à proximité immédiate du domicile 41 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale (ballades à pied en forêt ou dans la campagne, Îlo, cueillette de champignon, etc.). Il en va de même pour les activités de sociabilité qui soit disparaissent, soit restent tournées vers des éÎnements ou un réseau familial et amical locaux. Dès lors que ce réseau est éloigné, les déplacements sont plus rares ou plus raisonnés compte tenu du coût des déplacements. « POUR REVENIR SUR LE PRIX DE L'ESSENCE, VOUS M'AVEZ DIT QUE SUR LE BUDGET, ÇA JOUE. EST-CE QUE ÇA A CHANGE QUELQUE CHOSE A VOS... A VOS DEPLACEMENTS, EST-CE QUE VOUS VOUS DEPLACEZ DIFFEREMMENT, EST-CE QU'IL Y A DES TRUCS QUE VOUS NE FAITES PAS ? Il y a des impératifs, enfin, qu'on est obligé de... Les trajets du boulot. Oui. Enfin, moi, je trouve... je trouve que l'on va moins... je vais moins voir ma mère, en tout cas. Enfin, si je n'ai pas d'intérêt à y aller, en tout cas, on n'ira pas, quoi, juste pour dire : « on va se promener ». Si c'est pour faire d'autres trajets. OUI, IL FAUT VRAIMENT QUE VOUS AYEZ DES COURSES A FAIRE EXPRES ? Oui, ou un souci, voilà. On a un souci à traiter ou quelque chose comme ça, on va le faire, mais... voilà. Si c'est pour dire... voilà, prendre la voiture pour sortir, parce qu'on veut juste sortir, on ne va pas non plus le faire, quoi. IL FAUT VRAIMENT QU'IL Y AIT UNE OCCASION... Humm. Particulière, quoi. ÇA PEUT VOUS ARRIVER AUSSI D'ALLER CHEZ DES AMIS OU DES AMIS VIENNENT ICI ? Oui... en fait, on n'a pas trop de cercles d'amis dans le coin, enfin, on en a quelques-uns à droite, à gauche... Les collègues qui ne sont pas là. Moi, c'est plus avec les collègues... pour le boulot, qui sont plus proches... Donc, des fois, ça nous arrive d'avoir des... des soirées, des trucs comme ça... Mais ça reste sur le secteur, donc, c'est vrai que dans le pire des cas, on est à 20 minutes de trajet, quoi. » Sandrine, 30 ans, mariée, assistante commerciale dans une agence immobilière à Provins, 2 fils (7 et 4 ans), vit à Chenoise (location priÎe) depuis 2007, vivait auparavant à Vannes (location priÎe). Ainsi, en plus d'un effet lié au cycle de vie et un effet de classe, se dégage un effet propre à la nature des territoires investigués et à leur dépendance automobile. Pour les ménages modestes, ces territoires se caractérisent généralement par la présence d'un réseau social fort et/ou d'une valorisation de la nature ou de la campagne qui autorisent des loisirs non marchands : visites à des amis ou de la famille, ballades (à Îlo ou à pied), entretien du jardin, etc. Ces deux attraits se retrouvent dans les activités de loisirs effectuées par les ménages interviewés qui valorisent des activités de loisirs hors domicile à proximité et celles en lien avec leur réseau social (lorsqu'il est présent sur le même territoire). Plus généralement, vivre dans ces territoires rend plus coûteux en temps, en pénibilité et dans une moindre mesure en argent les déplacements pour motifs de loisirs ou de sociabilité. Aussi, ces déplacements tendent à disparaître ou à être plus réduits en distance dès lors que les ménages se sont installés dans une commune dépendante de l'automobile. L'effet territoire est aussi lié au Îcu et à la pénibilité subie des autres déplacements, ceux qui ont lieu au cours de la semaine, à savoir les déplacements contraints (travail, écoles) ou qui peuvent être 42 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale considérés comme tels (approvisionnement principalement). La pénibilité des déplacements dits contraints contribue à valoriser des activités de loisirs de proximité avec peu ou sans déplacement. En effet, les déplacements liés à des activités de loisirs ne sont pas censés être pénibles et les individus préfèrent les réaliser à proximité plutôt que de subir le désagrément d'ores et déjà Îcu des déplacements contraints. Au final, la faible propension des ménages modestes à effectuer des déplacements de loisirs tient tant à des facteurs économiques (des revenus peu suffisants), sociaux (effet de classe) que territoriaux (spécificité du périurbain), les trois étant, dans une certaine mesure, interdépendants. Ces mobilités du temps libre tendent aussi à s'opposer aux mobilités plus contraintes ou qui s'inscrivent dans des temps contraints (Barrère-Maurisson et al. 2001; Kaufmann 2000), à savoir les déplacements liés au travail et les déplacements domestiques (notamment pour approvisionnement). A la fois pénibles et incontournables (Enaux et al. 2011), les déplacements contraints et leur répartition au sein des ménages éclairent à quel point les ménages modestes du périurbain sont économiquement vulnérables face à la dépendance automobile. 3.2. Des mobilités contraintes réÎlatrices d'arbitrages intracouples entre mobilité et immobilité Si les déplacements de loisirs sont minimisées ou faibles, l'explication réside en partie par le choix des ménages d'accéder à la propriété et le surcroît de temps de travail qu'il engendre (et donc mécaniquement un temps moindre pour les activités de loisir). En effet, les contraintes financières qui découlent de l'obtention d'un crédit rendent incontournable le travail, voire la recherche d'heures supplémentaires ou d'emplois secondaires, pour faire face aux remboursements de l'emprunt contracté. Le premier arbitrage possible consiste effectivement à travailler plus pour gagner en rémunération via les heures supplémentaires. De tels arbitrages sont plus difficiles aujourd'hui mais étaient largement envisageables dans les années 1980. Pour les propriétaires anciens comme Daniel ou Bernard, la maison a pu être remboursée par anticipation en faisant beaucoup d'heures supplémentaires et en renégociant périodiquement leurs emprunts. Ouvriers tous les deux, ils ont profité d'une période où les conditions économiques étaient bonnes et les besoins en main d'oeuvre importants. Toutefois, en faisant le choix de travailler plus, ils ont aussi sacrifié pendant de nombreuses années leurs déplacements de loisirs et leurs vacances pour pouvoir rembourser la maison. Pour certains, la nécessité de travailler plus est aussi liée aux aléas propres à la maison qu'ils peuvent connaître. Les travaux lourds non anticipés comme le changement d'une chaudière peuvent fortement grever des budgets déjà tendus et faire basculer les ménages d'une de modestie économique à une situation de pauvreté qui ne leur permet plus faire face à leurs dépenses. Aujourd'hui, pour gagner plus, plusieurs individus tendent à accepter des missions de longue durée avec des déplacements lointains (Ortar et Legrand 2011, 2008a, 2008b) afin de toucher des primes de déplacements. Professions de plus en plus mobiles (Crague 2003), ce sont essentiellement des hommes ouvriers dans le BTP ou dans les transports qui acceptent ces missions longues et lointaines contre une source de revenus supplémentaires (Yannick, Ilidio, Carlos, le mari de Giliane, etc.). Cette source de revenus est d'autant plus nécessaire que leurs compagnes n'ont pas de revenus ou ne peuvent facilement les augmenter. L'absence ou la faiblesse des revenus féminins 43 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale est liée au fait que les ménages choisissent souvent de ne conserver qu'une seule source de revenus afin d'éviter les dépenses liées à la garde des enfants qui tendraient à engloutir à elles seules le surplus de revenus généré par la biactivité (Lionel et Edwige). Pour certains ménages, l'absence d'activité professionnelle féminine est liée à une image traditionnelle où la femme n'est pas censée travailler (Giliane) et rester à la maison s'occuper des enfants. Pour la plupart, le fait que les femmes restent à la maison est aussi lié aux représentations de leur rôle au sein de la famille. Ces dernières sont les gardiennes du domicile et ont plus particulièrement en charge l'éducation des enfants. Dans les ménages rencontrés, plusieurs femmes ont pris des congés parentaux ou n'ont pas travaillé (voire ne travaillent toujours pas) pour élever les leurs : « J'ai arrêté de travailler à la naissance de mes filles. J'ai préféré privilégier mon... ma famille que... ben, que de continuer à travailler avec des horaires pas possibles et de laisser mes enfants à garder... à d'autres personnes. » Sonia, 43 ans, mariée, femme au foyer, 3 enfants (un fils de 16 ans et des jumelles de 12 ans), vit à Longchamp depuis 1993 (propriétaire), a Îcu à Genlis (location priÎe). « En fait, je me suis arrêté de travailler pendant 9 ans pour élever mes enfants. Avant, je n'étais pas dans la région. J'étais dans le 94. J'étais assistante - commerciale, donc, rien à voir avec ce que je fais au jour d'aujourd'hui. [...] Et puis, ben ensuite, bon, ben ma fille, parce que j'étais enceinte de ma fille [qui a 19 ans]. Donc, on est retourné habiter 1 an dans le 94, en attendant que la maison se fasse construire, puisqu'on avait fait construire sur Bannost et c'est là qu'ensuite, on a navigué dans la région. [...] Donc, on cherchait à la campagne. Déjà pour les enfants, je trouve que c'était mieux aussi. Petite école de campagne, ça n'a rien à voir avec la ville. On voulait un petit peu les protéger par rapport à ça, quoi. Tout ce qui est criminalité en ville et tout. C'est ce qu'on voulait. Quand on est arriÎ sur Bannost, c'est vraiment la petite... il y avait trois classes, enfin, c'était le professeur qui faisait les trois classes en même temps. C'était vraiment, la petite école de campagne, voilà. Vachement sympa. » Karine, 41 ans, mariée, conductrice de bus, a 3 enfants issus d'une précédente union (19, 16 et 14 ans), vit à Sainte-Colombe depuis 2011 (propriétaire), a Îcu à Mortery (location) jusqu'en 2011 et à Bannost (propriété) jusqu'en 2004. Le choix de l'inactivité (temporaire ou durable) résulte de l'arriÎe d'enfants et en-cela est directement lié au fait de vivre dans un territoire périurbain dépendant de l'automobile. Si les ménages ont choisi de vivre dans ces territoires pour des raisons économiques, les motivations liées à un cadre de vie satisfaisant pour les enfants ressortent systématiquement du discours des ménages avec enfants. Pour eux, vivre dans le périurbain dépendant de l'automobile revient à vivre à la campagne (Sencébé 2006) qui est valorisée tant pour elle-même (nature, verdure, etc.) que par son opposition à la ville et ses dangers (insécurité, violence, etc.) qu'on ne veut pas faire subir à ses enfants. Le rôle des enfants dans le choix du lieu de résidence joue également dans le choix d'une monoactivité plus ou moins temporaire. Faire de ses enfants une priorité signifie s'y consacrer pleinement et suppose de renoncer à une activité professionnelle, décision exacerbée par le coût des frais de garde (notamment à l'arriÎe du 2e enfant) et la pénibilité subie des déplacements domiciletravail des femmes. Cependant, qu'elle soit temporaire ou plus durable, la monoactivité est source 44 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale de vulnérabilité économique. Si elle permet d'éviter les dépenses liées à la garde des enfants, elle limite les revenus du ménage à quelques sources : les revenus du conjoint et les éventuelles aides perçues. De fait, les ménages monoactifs sont mécaniquement plus modestes puisque leurs revenus disponibles sont moindres. Compte tenu du niveau de revenus des ménages rencontrés, la biactivité reste fréquente car la monoactivité n'est pas viable, notamment pour faire face aux dépenses liées au remboursement du crédit logement (Wenglenski 2001) et en cas d'aléas et de dépenses supplémentaires non prévues comme un déménagement (Abdel) ou la perte d'un permis (Giliane). Mais cette biactivité génère au quotidien des arbitrages intracouples plutôt classiques en termes de mobilités (Prédali 2005; Fagnani 2005; Brun & Fagnani 1994; Coutras 1989) et en lien avec la représentation du rôle plus global de la femme au foyer, dans la réalisation des activités domestiques, et de la mère dans la prise en charge des enfants (Brugeilles & Sébille 2009 ; Algava 2002 ; Badinter 2002). Soit elles optent pour des emplois relevant de l'économie résidentielle (assistantes maternelles comme Virginie ou Stéphanie, assistantes familiales comme Annie, auto-entrepreneurs comme Solveig), soit elles font le choix d'avoir un emploi localisé plus près de leur domicile que leur conjoint (Sandrine, Elodie) ou avec un aménagement horaire plus en phase avec les contraintes scolaires (Graziella, Nathalie, etc.). La présence d'un réseau familial local et notamment de grands-parents inactifs tend à relâcher ces contraintes et à procurer plus de flexibilité au quotidien (Annie qui sert de nourrice pour ses petitsenfants). Toutefois, il apparaît que les arbitrages au sein des couples avec enfants produit des polarités importantes entre des conjoints hommes qui se déplacent plus dans le cadre de leurs emplois que leurs conjointes qui se déplacent peu du fait de leur niveau d'activité et de la localisation de leur emploi (à domicile ou à proximité). Les déplacements importants des hommes découlent de leur statut de travailleurs mobiles ou du fait qu'ils aient des déplacements plus lointains dans le centre de l'aire urbaine par exemple. Ici encore, cette répartition des rôles et des pratiques de déplacement est directement liée à la nature des territoires dans lesquels ils ont choisi de résider et à leur statut modeste. En habitant dans le périurbain dépendant de l'automobile, les mobilités liées au travail deviennent plus pénibles et coûteuses car elles sous-tendent souvent un éloignement. Si la distance au lieu de travail joue un rôle dans les choix de localisation, nous avons bien vu que cette distance était finalement très relative et tendait à s'effacer au profit d'autres critères comme le prix et les caractéristiques du logement. L'éloignement engendre donc à termes des réajustements dans les pratiques de déplacements et leur répartition au sein des couples. Priorité est souvent donnée à celui dont le travail est plus rémunérateur et donc souvent à l'homme. Le surplus de revenus et la plus grande capacité à participer au remboursement de l'emprunt ou au niveau de vie du ménage justifie le fait que les distances parcourues soient plus importantes : « C'est, c'est surtout les déplacements, c'est pour ça qu'il a repris les déplacements... parce que... parce que c'étaient les déplacements qui nous permettent de faire toutes les choses extérieures, en fait. Nous, avec son salaire, on va payer les frais. Moi, avec le mien, c'est tout ce qui est nourriture. D'un autre côté, on a la maison, donc, on a d'autres frais. Il y a beaucoup de nourriture parce que voilà, je fais manger plein d'enfants ici, en plus, on est tout le temps là, donc, voilà. Euh... donc, il y a beaucoup de frais de nourriture plus tous les frais : ben... l'eau, l'électricité, on est tout le temps là, donc... Voilà. Le chauffage, on est tout le 45 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale temps là aussi, je veux dire... ce sont toutes les choses qui se calculent parce que sur l'année, ça commence à... à chiffrer. Et donc, lui, son salaire... nous paye tous nos prêts, nos machins, enfin, je veux dire, la maison, tous les trucs. Avec le mien, c'est tout ce qui est commissions, et puis tout ce qui est Ðture. Et après, avec les... avec les frais, ce sont les loisirs ou les travaux. OUI, QUAND... SELON CE QU'IL Y A A FAIRE... Voilà. On s'organise comme ça. Avant, quand... quand il n'avait pas ce travail, il était là tout le temps, il n'avait pas de frais. Ben, on était trop coupé à la gorge ; quoi, parce que nous, ben, déjà il y avait des frais de transport. Que là, il prenait son Îhicule tous les jours, et puis en plus de ça, ben, on ne pouvait pas... on ne pouvait pas sortir, on ne pouvait pas aller à droite, à gauche parce que voilà, on payait ce qu'on avait à payer et puis point. OUI, D'OU LE FAIT D'ETRE PARTIS SUR DES PLUS GRANDES DISTANCES AVEC DES PRIMES PLUS FACILEMENT, QUOI. Oui, je pense, voilà. Sachant que chaque nuit qu'il n'est pas à la maison, il gagne 30 , donc, voilà, donc... Comme il a des primes de panier, ceux qui travaillent, ils ont des primes de repas, ou voilà... Donc, prime de couchage... pour la semaine, il a ça. » Stéphanie, 34 ans, assistante maternelle à domicile, mariée à Yannick (35 ans) qui est conducteur routier sur la France entière, 3 enfants (12, 11 et 8 ans), vit à Longchamp (propriétaire) depuis 2003, vivait auparavant à Chevigny (location priÎe). Plus centrales ou plus mobiles, les hommes ont plus de facilités à se déplacer : soit ils ont recours à des transports collectifs (emplois plus distants mais centraux), soit leurs déplacements sont pris en charge par leurs employeurs (participation à l'abonnement de transports collectifs, mise à disposition de Îhicule, carte carburant, etc.). Les femmes sont contraintes à des mobilités plus locales, voire à une relative immobilité dès lors qu'elles restent travailler à domicile ou à sa proximité. La seule femme mobile dans le cadre de son activité que nous ayons rencontrée est celle de Nicolas qui est aide à domicile. D'autres femmes en recherche d'un emploi ont également envisagé cette profession. Au-delà des conditions de prises en charge des déplacements largement sous-évaluées de ces professions (Jany-Catrice 2007a; Jany-Catrice 2007b), les emplois féminins rencontrés sont souvent liés aux métiers du care (Benelli & Modak 2010 ; Laugier & Paperman 2006 ; Cresson & Gadrey 2004) La prépondérance de ce type d'emploi et la proximité féminine entre lieu de travail et lieu de résidence rendent compte d'une conception des rôles de genre au sein du couple qui apparaît typique du périurbain. Compte tenu de l'investissement réalisé pour acheter une maison individuelle et de la place prépondérante des enfants dans l'explication des choix de localisation, la maison et les activités qui s'y rattachent jouent un rôle central dans le mode de vie des ménages. Or, c'est encore et toujours la femme qui est supposée être la partie la plus compétente pour la prise en charge des activités domestiques ou liées aux enfants. La répartition des tâches est certes en train de changer mais reste profondément inégalitaire. A l'échelle du périurbain dépendant de l'automobile où le domestique est particulièrement valorisé, il apparaît que les femmes ont des programmes de mobilité plus locaux et plus centrés autour du domicile, alors que les hommes tendent à mettre plus de distance entre eux et leurs domiciles. 46 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale En dehors du travail et de l'accompagnement des enfants (pour loisirs ou autre), une tierce catégorie de déplacements apparaît régulièrement dans le discours des personnes interviewées: les déplacements pour approvisionnement. Considérés comme contraints, ces déplacements sont minimisés. Si les ménages ne disposent pas de commerces dans leurs communes, ils ont tendance à aller dans les grandes surfaces les plus proches (à Genlis pour Longchamp, à la zone industrielle de Champbenoist pour Sainte-Colombe, etc.). Rares sont ceux qui s'approvisionnent dans des centres commerciaux plus centraux ou plus importants. Aller dans de grands centres commerciaux ou dans des localisations hypercentrales comme Paris ou Dijon s'aÏre effectivement peu répandu. Outre le fait de ne pas vouloir revivre les déplacements pénibles (congestion, stationnement) qu'ils subissent au long de la semaine, beaucoup redoutent aussi les tentations. Seules des occasions particulières (fêtes de fin d'année, acheter des Ðtements) provoquent ce type de déplacements. Au-delà de la distance à parcourir, avoir un plus grand choix est synonyme de dépenses accrues. Ces déplacements pour achat supposent nécessairement l'usage de la voiture compte tenu des volumes achetés et permettent par la même occasion d'accéder à des prix du carburant avantageux. Régulièrement, les ménages en profitent également pour regrouper ce type de déplacements avec d'autres formalités (banque par exemple) ou pour faire des courses pour d'autres (voisine âgée, etc.). Il y a donc une minimisation des déplacements pour approvisionnement, d'autant plus importante que les ménages peuvent avoir recours à l'autoproduction (potagers, clapiers, etc.). Les pratiques quotidiennes de déplacements des ménages modestes qui vivent dans les territoires périurbains dépendants de l'automobile sont donc peu diversifiées (travail, accompagnement, approvisionnement). Elles peuvent être importantes en temps et en distance, mais elles restent spécialisées. Ainsi, les ménages rencontrés vivent certes dans des territoires périurbains dépendants de l'automobile mais n'entretiennent pas de relations fortes avec la villecentre. Cette tendance notable n'est pas spécifique aux périurbains les plus modestes. Cependant, plus les ménages sont modestes, plus leurs modes de vie sont locaux et ancrés dans le périurbain en tant que territoire distinct de l'urbain. En effet, leurs modes de vie n'impliquent toujours pas des allers retours constants entre un territoire périurbain où ils résideraient et un territoire urbain où ils pratiqueraient des activités (travail, approvisionnement, etc.). Alors que nous pourrions y voir les signes d'une importante captivité (Rougé 2010), ces pratiques et le mode de vie qui les accompagnent correspondent en réalité à un choix affirmé des ménages, en cohérence avec leurs stratégies résidentielle et de vie (élever ses enfants, avoir une maison avec jardin, etc.). Leur moindre mobilité quotidienne par rapport à des ménages plus aisés est certes le résultat de leurs conditions de revenu, de leur classe sociale d'appartenance et de leur cycle de vie. Mais elle est rarement considérée comme coûteuse. Se déplaçant finalement assez peu ou limitant leurs déplacements au strict nécessaire, les ménages ont tendance à ne pas considérer comme problématique l'augmentation du coût des carburants. Si certains décident ne plus faire le plein mais de mettre un montant fixe pour maîtriser davantage ce poste de dépense, ils considèrent ne pas avoir le choix et avoir besoin de leur voiture au quotidien. De plus, les dépenses liées au carburant ne sont pas Îcues comme problématiques car leur montant annuel est lissé tout au long de l'année par de petites dépenses régulières. Pour les ménages modestes que nous avons rencontrés, ce sont les dépenses considérées comme importantes qui posent plus souci : chauffage, vacances, réparation sur les Îhicules, etc. L'augmentation du prix des denrées alimentaires est également ressentie plus vivement que celle des carburants. Certaines dépenses comme le chauffage ou le gaz sont liées au 47 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale coût du carburant mais, si elles sont moins fréquentes, elles sont beaucoup plus importantes et à payer d'un coup ou rapidement. Pour les dépenses liées à l'entretien des Îhicules, ces dernières tendent à être diminuées en faisant appel à des connaissances ou en se débrouillant seuls. S'ils sont minimisés, les déplacements quotidiens n'en demeurent pas moins indispensables et découlent d'un usage intensif de la voiture (la sienne ou celle d'un autre). Plus que leur coût financier, la forte pénibilité des déplacements quotidiens est mise en avant, compte tenu des distances à parcourir et des inconÎnients qui peuvent l'accompagner (congestion, conditions météorologiques). Des ajustements permettent de réduire les contraintes liées à cette pénibilité et de minimiser plus globalement les dépenses : monoactivité, emploi résidentiel ou emploi local, déplacements locaux, peu de mobilités longues distances prises en charge par les ménages (pas ou peu de vacances), pas ou peu d'activités de loisirs hors domicile, etc. Cette minimisation des dépenses suffit tout juste à certains à tenir leurs budgets et/ou à rembourser leurs emprunts immobiliers. Les ménages modestes « se serrent la ceinture » dans l'espoir d'être un jour propriétaires à part entière de leur bien, de ne plus avoir de crédit sur le dos. Le terme du crédit de la maison, souvent associé à la décohabitation des enfants, améliorera significativement le niveau de revenu et le pouvoir d'achat de ces ménages comme ont pu en témoigner Vincente et Daniel ou Bernard, qui n'a plus qu'un enfant à charge. En attendant, leur situation actuelle reste précaire car ils sont très vulnérables au moindre aléa économique. Chômage, accident du travail, divorce, panne de Îhicule, etc. sont autant de risques susceptibles de faire basculer les ménages dans une situation de pauvreté plus ou moins durable. Cette vulnérabilité est d'autant plus importante qu'elle est directement liée au choix du territoire dans lequel ils ont élu domicile et qui génère des contraintes fortes sur leurs budgets (même si elles sont peu prises en compte). De plus, nous avons vu que leurs désirs de campagne et d'ascension sociale par la propriété pouvaient accentuer, par différents mécanismes, leur vulnérabilité et risquent de rendre difficile un retour vers moins de dépendance, qui sera associé à un échec et un déclassement. De fait, la plupart des ménages rencontrés dans le chantier 1 refusent d'envisager d'autres types de territoires, si ce n'est les ménages non propriétaires dont le but est de le devenir ou de partir loin, à l'étranger 5. Evidemment, leur façon d'appréhender et d'anticiper ces aléas potentiels est intimement liée à leur situation présente, à la sécurité symbolique qui lui est associée. Ils peuvent refuser de quitter un emploi pénible par peur de ne pouvoir en trouver un autre et de ne plus pouvoir rester dans le territoire dans lequel ils ont élus domicile. Cependant, les entretiens réalisés dans le cadre du chantier 2 montrent que tous ces éÎnements (aléas, bifurcations, évolutions du cycle de vie, etc.) et les éventuelles relocalisations qu'ils provoquent ne sont pas forcément Îcus de manière traumatisante lorsqu'ils surviennent effectivement. En effet, les ménages du chantier 2 ont Îcu ce que redoutent les ménages du chantier 1 et les craintes de ces derniers se retrouvent peu dans le discours formulé a posteriori par ceux qui ont quitté des territoires dépendants de l'automobile. 5 Le mythe de la cabane au canada est assez répandu parmi les ménages rencontrés. 48 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale En conclusion, pour les ménages qui résident dans des communes périurbaines dépendantes de l'automobile, il apparaît que : · La dépendance à l'automobile est rarement prise en compte dans le choix de localisation des ménages qu'ils soient devenus ou non propriétaires en s'installant dans une commune périurbaine dépendante de l'automobile. Pour les ménages devenus propriétaires, le réalisme économique du prix de l'immobilier impose souvent aux ménages de renoncer à une proximité avec des aménités urbaines et des modes de déplacements alternatifs qui pouvaient pourtant être recherchés à l'origine. Pour les ménages non propriétaires (locataires ou hébergés à titre gratuit), la situation est plus transitoire et le résultat d'un ancrage lié à la famille ou au travail eux-mêmes situés dans des territoires dépendants de l'automobile. Si la situation est vue comme temporaire, ces ménages n'en aspirent pas moins demeurer dans ce type de territoire. Dans les situations les plus modestes (locataires HLM et hébergés à titre gratuit), la vulnérabilité économique est source d'un ancrage plus durable dans leur commune de résidence. La dépendance à l'automobile n'est pas considérée comme problématique, même pour des personnes sans permis, au regard des avantages qu'ils voient à vivre dans cette commune, avantages considérés comme supérieurs (loyer avantageux, solidarité familiale, etc.). Pourtant, compte tenu de leur niveau de revenus, les ménages modestes procèdent souvent à des orchestrations spécifiques à leur quotidien pour faire face à la dépendance automobile et la minimiser : monoactivité, peu de mobilités de loisirs et de vacances, regroupement des déplacements, etc. Ayant une mobilité et des modes de vie très locaux, il apparaît difficile pour les ménages modestes de réduire leurs déplacements. L'orchestration des déplacements au sein ménages modestes (au sein du couple, entre les membres de la famille) conduit certes à leur minimisation mais est aussi le témoin de leur grande vulnérabilité économique face à des aléas. · · · · · 49 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Partie 2 : Quitter le périurbain pour échapper à la dépendance automobile Après avoir obserÎ comment les déplacements quotidiens et la dépendance automobile entraient en compte dans le choix d'élire domicile dans les territoires et les modes d'habiter, il s'agit à présent d'analyser l'autre versant de la question. Pour quelles raisons les ménages modestes quittent-ils les territoires dépendants de l'automobile ? Quel rôle joue la dépendance automobile dans cette décision ? Dans la première partie, nous avons vu que le choix de la propriété conduit les ménages modestes à opter pour des localisations certes périurbaines mais fortement dépendantes de l'automobile. La dépendance automobile apparaît comme un compromis acceptable au regard du maintien social que procure l'accès à la propriété de sa maison individuelle. Cette dépendance et ses conséquences en termes de déplacements quotidiens tendent à être sous-estimées par les ménages. Ex-ante, leurs coûts ne sont pas envisagés notamment parce que l'accès à l'emploi des ménages rencontrés suppose un usage incontournable de la voiture en raison de l'absence d'alternative modale pour se rendre sur leur lieu de travail (peu importe le point de départ). Les ménages non propriétaires prennent plus en compte la localisation relative de leur emploi et de leur résidence, en sont plus proches mais l'automobile reste le seul mode d'accès au lieu de travail actuel ou futur (pour les personnes sans emploi). A présent, nous allons apprécier dans quelle mesure les contraintes qui découlent de la dépendance automobile motivent des ménages modestes à quitter le périurbain. Ce sont les évolutions du cycle de vie professionnel et/ou personnel qui motivent le changement de localisation résidentielle en premier lieu. Quant au choix d'un moindre degré de dépendance, il est plus directement lié à l'expérience Îcue d'une précédente dépendance et à la volonté de ne pas la réitérer, que ce soit de manière temporaire ou permanente. En observant les raisons qui ont poussé les ménages rencontrés à quitter le périurbain dépendant de l'automobile, les évolutions liées à leurs cycles de vie en sont les principaux moteurs. Les bifurcations, entendues comme les évolutions non anticipées dans le déroulement de ce cycle de vie (Bidart 2006), jouent un rôle important dans le départ. En regardant les ménages en fonction des différentes évolutions et bifurcations qu'ils ont pu connaître dans leur cycle de vie, le choix d'une nouvelle localisation résidentielle apparaît fortement lié à leur volonté de retourner dans une moindre dépendance automobile. 51 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Figure 3 : Communes d'origine et de destinations des ménages de migrants enquêtés dans l'Aire Urbaine Dijonnaise Figure 4 : Communes d'origine des ménages de migrants enquêtés en Grande Couronne Francilienne Source : Typologie de l'auteur à partir de la base permanente des équipements 2007 52 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Figure 5 : Communes d'origine des ménages de migrants enquêtés en Grande Couronne Francilienne Source : Typologie de l'auteur à partir de la base permanente des équipements 2007 Parmi les 31 ménages du chantier 2, 8 ménages ont quitté un territoire périurbain dépendant de l'automobile suite à une séparation ou à un divorce. Ces ménages ont la particularité d'avoir été propriétaires à l'exception d'Anita (77) ou de Stéphane (21) hébergés respectivement par ses beauxparents et son ancien conjoint, eux-mêmes propriétaires, et d'Isabelle (21) qui était locataire HLM. Vécues plus ou moins violemment selon les situations, la séparation a engendré une relocalisation dans des espaces moins dépendants de l'automobile. Cette relocalisation est d'abord liée à la nécessité de trouver un autre hébergement. Les personnes se sont quasiment toutes tournées vers le locatif (pour 7 d'entre eux) ou l'hébergement chez des proches (Patricia encore aujourd'hui mais aussi Christine, Julien ou Agnès dans un premier temps). L'offre de location sociale et priÎe étant 53 1. Monoparentalité et célibat : la fin du couple comme moteur d'un départ du périurbain et de la dépendance automobile Source : Typologie de l'auteur à partir de la base permanente des équipements 2007 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale plus importante dans des territoires moins dépendants, les individus séparés ou divorcés, à la tête ou non d'une famille monoparentale, ont opté pour un territoire moins dépendant de l'automobile. Mais le choix de localisation n'est pas seulement fonction de l'offre. Il est aussi grandement déterminé par un relatif rejet de la vie périurbaine et des imaginaires qu'elle Îhicule chez ces personnes : la vie en couple, le conjoint, l'isolement et la dépendance automobile. Le choix du périurbain pour ces personnes a souvent été lié à leurs propres trajectoires résidentielles et à celle de leur conjoint. Parmi ces personnes, nombreuses sont celles issues de la ville ou d'autres territoires périurbains peu dépendants de l'automobile (ailleurs en France ou dans les agglomérations parisiennes et dijonnaises). Elles ont des cultures habitantes radicalement différentes de celles de leurs anciens conjoints (Bonvalet 1993). Ces personnes déclarent d'ailleurs toutes avoir eu du mal à s'adapter à la vie dans ces territoires mais y sont restées tant que leur couple tenait. La fin de ce dernier a donc entraîné la fin de leur vie dans un territoire périurbain et un retour vers des territoires plus conformes à leurs trajectoires originelles, c'est-à-dire des territoires peu dépendants de l'automobile. Le retour est d'autant plus souhaitable que la séparation met en exergue la difficulté de vivre seul(e) dans ce territoire, surtout en l'absence du permis. « Quand le père de mon fils est parti, me retrouver toute seule dans une maison, grande, avec plus de ménage, tondre la pelouse etc.... Moi je suis pas du tout, c'est pas du tout mon truc et en plus loin de Dijon, à 30 km... ça aussi, c'est ce qui m'a décidé à revenir plus près de Dijon. Tant que j'étais en couple, c'était différent car on n'a pas les mêmes loisirs, mais étant toute seule. Mon fils était petit à l'époque, il allait au centre de loisir après l'école, donc il fallait toujours que je regarde l'heure, c'était... Plus les frais d'essence, pas de transport en commun donc si j'avais pas eu de voiture, j'aurai été très ennuyée donc tout ça a fait que je voulais me rapprocher de Dijon. » Isabelle, 45 ans, employée en préfecture, séparée depuis 2002, 1 fils (14 ans), vit à Plombières-lès-Dijon (HLM) depuis 2003, a Îcu à Soirans (HLM) pendant 3 ans. « De toute façon, comme j'avais pas le permis quand je suis partie de là-bas, j'avais pas le choix, je pouvais pas y rester, car sans voiture, c'est impossible ! » Anita, 27 ans, biologiste à la recherche d'un emploi, séparée, 1 fils de 13 mois, vit à Paris (HLM) depuis 2009, a Îcu chez ses beaux-parents à Fromont jusqu'en 2009. Lorsqu'on est en couple, l'absence de permis de l'un est, en partie, compensée par le fait que l'autre conduit. Mais, dans les ménages de couples mono-motorisés, la séparation ou le divorce fait brutalement prendre conscience d'une dépendance automobile qui n'était pas forcément ressentie avant. De fait, le conjoint permettait et justifiait le fait de se passer de l'automobile et de ses usages en autonomie. De temps à autres, l'absence temporaire du conjoint pouvait même donner lieu à des mobilités alternatives : autostop, Îlo, covoiturage local et informel. Mais ces mobilités alternatives ne semblent viables que dans la mesure où elles sont temporaires et sélectives. Elles ne concernent que certains déplacements (formalités administratives, rendez-vous médicaux, shopping), ceux liés à la personne seule et qui ne sont pas quotidiens ou récurrents. Dès lors que des enfants sont impliqués, ces mobilités alternatives sont plus difficiles et ne permettent pas d'assumer l'ensemble 54 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale des mobilités nécessaires à la vie du ménage comme les courses. Ainsi la séparation des couples, notamment avec enfants, s'accompagne d'un éveil à la dépendance automobile ou plutôt à ses conséquences et sa pénibilité. Un besoin de mobilité autonome est d'autant plus important que la séparation est aussi synonyme de vulnérabilité économique et de recherche d'un emploi (Eydoux et al. 2007; Algava et al. 2005). Or, ces personnes étaient souvent inactives ou au chômage. Partie économiquement la plus faible du ménage (faute de revenus autonomes), les individus séparés se tournent alors vers des territoires urbains où les accès au logement et au travail apparaissent moins complexes. « Suite à mon départ de Rouvres-en-Plaine pour venir à Dijon ... pour avoir tous les services sous la main. Vivre à Dijon c'est plus sympa, enfin moi je préférais vivre à Dijon plutôt dans les petits villages [...] Au niveau de l'emploi et tout ça, il y a plus de choses à Dijon, c'est plus facile. » Stéphane, 42 ans, agent de service hospitalier (à la recherche d'un emploi), séparé, sans enfants, vit à Dijon (location priÎe) depuis 2010, a Îcu Rouvres-en-Plaine (hébergé à titre gratuit par son ex-conjoint) jusqu'en 2008. Au-delà de difficultés d'accès à l'emploi mais aussi au logement de personnes se retrouvant seules, partir du périurbain dépendant revient à matérialiser symboliquement la séparation avec le conjoint et son nouveau statut conjugal. C'est souvent ce dernier qui est le plus ancré dans les territoires concernées, soit par une « culture habitante » (Morel-Brochet 2007; Morel-Brochet 2006) favorable au périurbain (y a grandi, désire avoir sa maison indépendante), soit par la présence de son seul réseau social. Les personnes rencontrées ont plus une culture habitante plutôt urbaine, notamment parce qu'elles en sont issues (Edwige qui a grandi à Paris) ou qu'elles l'ont adopté (Christine qui a fait ses études à Dijon) en rejetant d'une certaine façon la culture habitante de leurs parents. « Et puis après, j'ai rencontré celui qui est maintenant mon ex-mari... qui, lui, voulait absolument acheter une maison. Vu qu'à l'époque, c'était très cher ... le prix des maisons sur Dijon était horriblement cher pour une masure, donc, on a trouÎ une ferme à Francheville, donc là on a déménagé en 1997 et moi la campagne je ne pouvais plus. » Christine, 44 ans, secrétaire médicale, divorcée, 2 enfants (14 et 9 ans), vit à Dijon (location priÎe), a Îcu jusqu'en 2004 à Francheville (toujours propriétaire avec son mari). « Lui [son ex-mari], il peut vivre dans un trou perdu, il s'en fout complètement. Bah maintenant qu'on s'est séparé, il s'est remis avec quelqu'un et il vit à côté de Meaux ou Melun. Lui, il est reparti et je lui disais au début « mais qu'est-ce que t'as comme transport » mais il s'en fiche ». Edwige, 45 ans, pigiste à mi-temps (autoentrepreneur), divorcée, 1 fils (5 ans), vit à Vincennes (propriétaire) depuis 2004, a Îcu à Soignolles et Emerainvilles avec son ex-mari jusqu'en 2003. Pour certains, le départ n'est pas évident puisqu'il suppose de renoncer à la propriété et de vivre une forme de déclassement social. Agnès, 51 ans, est divorcée et a Îcu douloureusement ce 55 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale déclassement. A la retraite de la fonction publique, elle a dû reprendre un emploi d'hôtesse de caisse pour subvenir à ses besoins et ceux de sa fille de 13 ans. Actuellement locataire en HLM à Longvic, commune limitrophe de Dijon, elle se souvient avec nostalgie de sa maison : « Ah oui oui, on était bien. On était au calme, on avait une belle maison, un beau potager, j'avais même une piscine derrière. Si si, on était bien. C'était bien, c'est vrai. » Mais le fait d'avoir renoncé à la propriété a été compensé par une localisation moins dépendante, plus pratique pour elle et sa fille compte tenu de la proximité des commerces et services: « Ah ici, ce qu'il y a de bien, c'est qu'il y a tout à proximité. Il y a les magasins, il y a les bus, les médecins etc. Pour ma fille, y a tout sur place aussi. Par contre, je ne suis pas chez moi car je suis en HLM, je suis en appartement, alors que j'aimais bien avoir la maison. Mais je m'ennuyais là-bas, alors je pense que je suis mieux ici. » Le départ est d'autant moins évident qu'il n'est pas forcément souhaité par les enfants qui ont grandi et ont leur réseau amical dans le territoire quitté. Cependant, le divorce ou la séparation s'accompagnent d'un nouveau statut matrimonial (célibataire avec ou sans enfants) ou/et économique (plus grande pauvreté) considéré comme moins compatible avec la vie périurbaine et la dépendance automobile : « Les ¾ du village, c'est des jeunes ménages, c'est hyper convivial donc mes enfants veulent qu'on y retourne. Mais dans le périurbain, il y a que des maisons, c'est fait pour les propriétaires, je pourrai rien trouver. Déjà. Et puis toute seule, ça coûte trop cher, il y a l'essence, la voiture, les cantines. Eux (ses enfants), ils veulent, et moi j'ai envie de leur faire plaisir, ma fille dit qu'elle prendrait en charge les petits le matin, mais c'est pareil, quand elle prend son bus à 7h30, elle peut pas les déposer à la garderie à 7h30. [...] Et donc Yèbles, je sais que demain on retourne à Yèbles, ils seraient fou de joie. Mais financièrement et au niveau de la sécurité, c'est non » Patricia, employée à La Poste, 32 ans, 3 enfants (13, 8 et 7 ans), vit chez sa soeur à Sucy-en-Brie depuis 2010, a Îcu à Yèbles de 2000 à 2010 où elle est encore propriétaire avec son ex-mari. « Le cinéma, ou le théâtre, par exemple, j'aime bien découvrir, j'avais pas le courage de prendre la voiture encore, c'était une contrainte et du coup, il y avait pas grand-chose à faire à Soirans à part désherber mon jardin donc ça m'a vite lassé et c'est pour ça que j'ai voulu revenir plus près de mon travail et plus près de la ville. A Dijon, après c'était différent, avec mon fils, on a pu aller au théâtre quand il était petit, il y avait de très beaux spectacles, et ça c'était pas possible à Soirans » Isabelle, 45 ans, employée en préfecture, séparée depuis 2002, 1 fils (14 ans), vit à Plombières-lès-Dijon (HLM) depuis 2003, a Îcu à Soirans (HLM) pendant 3 ans. « Quand tu te retrouves tout seul du jour au lendemain et qu'en plus t'es à la campagne. Tu sors : « qu'est-ce que je vais faire ? J'aimerais bien aller à Val d'Europe mais c'est à trois quart d'heures » alors qu'ici toute de suite, quand tu te dis, j'en ai pour cinq minutes, tu te dis, t'es tout seul mais c'est pas grave, t'es motiÎ. Tu voulais aller au cinéma, c'était galère.... » Julien, 29 ans, ouvrier en BTP, divorcé, 1 fils de 5 ans en garde alternée, vit à Villiers-surMorin (location priÎe) depuis 2009, a Îcu à Jouy-sur-Morin (propriétaire) jusqu'en 2008. 56 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Se séparer de son conjoint revient à s'éloigner du modèle dominant de conjugalité présent dans ces communes : le couple. Isabelle (Dijon) se souvient même avoir ressenti que ses voisines la considéraient comme « une cougar, une voleuse de mari » car elle était célibataire. La mise à distance se lit dans le regard d'autrui et enjoint à retrouver une sociabilité plus extérieure, plus en phase avec le célibat avec ou sans enfant (quand la personne n'en a pas ou que le conjoint en a la garde). Le regain d'activités de loisirs est en partie modéré par les ressources économiques des individus mais ces derniers apprennent aussi à connaître les opportunités que leur procure leur nouveau statut économique (réductions, aides de la mairie, etc.). Renoncer à la dépendance automobile est synonyme d'une ouverture de l'éventail des activités de loisirs, ces dernières étant plus proches et donc plus faciles à réaliser ou à organiser. La séparation ou le divorce conduit des ménages à quitter les territoires périurbains dépendants de l'automobile. Il est frappant de constater qu'aucun des ménages interrogés ici ne souhaite retourner dans ces territoires, qu'il en soit ou non originaire. Que ce soit suite au divorce ou avant ce dernier, ils ont pâti d'une localisation et de son niveau de dépendance automobile dans laquelle ils ne désirent pas retourner, du moins à ce stade de leur projet résidentiel. Véritable repoussoir, l'absence de commerces et de services ou la nécessité de prendre la voiture pour y accéder ont dégouté les individus séparés ou divorcés de ce type de territoires et des contraintes de mobilité qui l'accompagnent, d'autant plus quand ils étaient peu enclins à y habiter à l'origine (ne souhaitaient pas y vivre plus que ça) et par leur trajectoire résidentielle (enfance et/ou célibat dans des territoires plus urbains). Si le choix du périurbain était ici dépendant du conjoint, d'autres évolutions ou bifurcations pointent le rôle similaire de proches ou de liens sociaux dans le choix d'une localisation périurbain dépendante comme dans celui de la quitter. Deux éÏnements mettent en exergue le rôle des parents d'Ego dans sa trajectoire vers moins de dépendance : leur décès et la décohabitation. Nées dans le périurbain dépendant de l'automobile ou y ayant grandi, 10 des personnes rencontrées ont migré vers des territoires moins dépendants à cause ou grâce à leurs parents. Le rôle de ces derniers n'est pas univoque : leur décès, leur départ, la volonté de les quitter pour s'installer seul ou en couple, l'observation de leur propre expérience et des difficultés qu'ils ont pu connaître sont autant de raisons qui poussent ces individus à quitter des territoires périurbains dépendants de l'automobile dans lesquels ils ont passé une partie de leur vie. 2. Prendre de la distance avec ses parents et la dépendance automobile : un choix moins définitif Pour les plus âgés, le décès d'au moins un de leurs parents a mis fin à une localisation périurbaine déjà partielle. En effet, Monique et Francine ont Îcu par intermittence à Tigeaux pour la première et à Villiers-sous-Gretz pour la seconde. De fait, originaires toutes les deux de Paris et de la petite couronne, elles ont suivi leurs parents respectifs à l'adolescence. Ultérieurement elles se sont relocalisées dans des territoires moins dépendants, en petite couronne (en Seine-Saint-Denis, à 57 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Noisy-le-Sec et à Drancy). Mais elles ont toujours gardé un ancrage fort dans la commune de résidence de leurs parents. L'ancrage est matérialisé par une birésidentialité, une vie partagée entre leur commune officielle de résidence et celle de leurs parents. « On faisait la navette parce que mes parents, après bon, avaient besoin de quelqu'un, on avait ici mais... on était autant chez eux qu'ici en fait. Ils avaient besoin de quelqu'un, d'une aide tout le temps. [...] On a acheté cet appartement là mais on était moitié ici, en fait, moitié en Seine-et-Marne » Monique, comptable, mariée, 1 fils, vit à Noisy-le-Sec (propriétaire) depuis 1981, a Îcu à Tigeaux chez ses parents jusqu'en 2001. « Je n'ai jamais laissé ma mère, ni mon père d'ailleurs, tout seuls. J'étais..., moi j'avais un appartement, bon parce que ma fille, déjà d'une, là-bas ce n'était pas possible de la mettre à l'école, donc, en plus, je travaillais dans le 18e, donc il me fallait un pied à terre quelque part. [...] Donc ma fille, elle allait à l'école ici. Et donc moi tous les week-ends, les vacances, etc., c'était Villiers, Villiers, Villiers constamment hein » Francine, commerciale, célibataire, 1 fille (31 ans), vit à Drancy depuis 1983 et avec sa mère depuis 1999 (dans un autre appartement), a Îcu à Villiers-sous-Gretz avec ses parents jusqu'en 1999. Le cas de Francine est d'autant plus singulier que la birésidentialité est une option qu'avaient déjà retenue ses parents. Tant que sa mère a eu à travailler sur Paris, ils y ont gardé un appartement en location. Une fois à la retraite, ils ont migré définitivement. Son père est décédé en 1997. Sa mère est âgée (83 ans) et n'a jamais eu le permis. Il lui était donc impossible de rester dans une commune peu équipée en commerces ou services. Or, en parallèle, les commerces présents autrefois dans le village à l'arriÎe des parents de Francine ont fermé. Leur disparation a généré une augmentation drastique du degré de dépendance automobile de Villiers-sous-Gretz: la mère de Francine ne pouvait plus vivre seule dans ce type de territoire. Pour conclure, on notera que ces deux cas renvoient à une conception de la périurbanité où la birésidentialité prend une place importante, en partie parce que la deuxième résidence (celles des parents) est alors localisée dans un territoire vu comme rural, idéal dans le cadre d'une résidence secondaire. Dès lors qu'un des parents disparaît, les raisons de venir dans le territoire s'évanouissent. L'une comme l'autre ont cessé la birésidentialité dès lors que leurs parents sont décédés (les 2 pour Monique, son père pour Francine). Ce choix est lié au fait que ni Monique ni Francine ne pouvaient récupérer le logement de leurs parents par le biais d'un héritage. Elles n'avaient pas les moyens financiers ou la possibilité légale de le faire (les parents de Monique étaient locataires). Même si elles avaient pu conserver le logement de leurs parents, il est à parier qu'elles auraient maintenu l'alternance entre un logement en territoire indépendant, à proximité des transports collectifs et de leur travail, pendant la semaine et un logement en territoire dépendant le week-end ou pendant les vacances du fait même de leur socialisation primaire. La disparition des parents des territoires périurbains n'est pas uniquement le fait de leur décès. D'autres raisons sont à évoquer comme le départ en retraite et la migration vers d'autres régions qui peut l'accompagner. En l'occurrence, Danielle, 36 ans, formatrice en assurance en couple, a longtemps habité à Villevaudé, à proximité immédiate de ses parents. Née à Paris, Danielle a grandi 58 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale en petite banlieue puis en grande banlieue au gré des choix de localisation de ses parents. Elle a emménagé à 20 ans avec ses parents à Villevaudé où elle a elle-même fini par y acheter un F2 en 2005 bien qu'elle déclare ne s'y être jamais plu : « je n'aimais pas le 77, je n'y ai pas grandi, ce n'était pas mon trip ». D'abord propriétaire d'une librairie à Chelles, elle a revendu son commerce et est devenue formatrice en assurance dans les Hauts-de-Seine, ce qui a été assez difficile à vivre en termes de déplacements quotidiens : « Ah oui, oui. Mais, j'ai eu le problème de mobilité quand j'ai commencé à bosser sur la Défense, puisque j'étais toujours en Seine-et-Marne, là, parce que j'ai déménagé il n'y a pas longtemps, et ça fait 10 ans que je suis à la Défense. Et là, ça a été... et c'est là où ça a été l'angoisse, quoi. Là, ça a été vraiment... 5... 5 bonnes années de galère sur... sur le total, quoi. ET POURQUOI AVOIR... ENFIN... COMMENT VOUS AVEZ TENU OU POURQUOI... NE PAS AVOIR DEMENAGE AVANT... UN PEU PLUS TOT, EN FAIT ? Parce que mes parents étaient à côté et que je n'avais pas envie de... je n'avais pas envie de déménager à ce moment-là. Tant qu'ils étaient à côté... enfin, voilà... je ne sais pas pourquoi, en fait. C'est vraiment en plus pour eux, quoi. J'avais envie de partir depuis longtemps et puis ma mère me disait à chaque fois : « Oh, Paris, non, non, non, Paris, c'est trop cher, c'est Îtuste, c'est trop bruyant, c'est ceci », et puis... pff... voilà, quoi. J'étais restée vraiment plus pour eux parce que je me disais, le soir, quand, je rentrais du boulot... je passais les voir, je passais vite... enfin... même si je les voyais vite fait, je les voyais. Et puis mes parents ont vendu leur maison et sont partis au pays... enfin, en Serbie, se réinstaller. Et du coup, en fait, j'ai profité de ce moment-là, c'était le moment ou jamais, quoi. » Les difficultés quotidiennes de Danielle pour se rendre à son travail ne l'ont pas incité à se localiser rapidement vers un territoire moins dépendant. Elle a attendu le départ de ses parents, retournés vivre en Serbie d'où ils sont originaires, pour se décider à venir vivre dans Paris. La disparition du réseau social affinitaire (les parents ici mais il peut s'agir du reste de la famille, de la fratrie, d'amis, de ceux dont on se sent proche) conduit alors à faciliter le départ de territoires dans lesquels les individus ont pu rester parce que ce réseau y était présent. Cet argument tend à étayer l'hypothèse de la force des liens familiaux de proximité (Bonvalet & Lelièvre 2005) et des solidarités intergénérationnelles dans l'ancrage résidentiel au sein des territoires, plus particulièrement au sein des territoires dépendants de l'automobile. Il illustre cependant la dimension potentiellement subie de cet ancrage. Si les enfants quittent ces territoires, c'est qu'ils n'en sont pas forcément natifs et qu'ils ne souhaitent plus subir une localisation qui leur a été imposée par leurs parents (cas de Danielle). Au-delà d'un rejet du mode d'habiter périurbain incarné par leurs parents, le départ du domicile parental s'accompagnent d'une volonté de se rapprocher des aménités urbaines, des commerces et services mais aussi de l'usage de modes alternatifs à la voiture. Ainsi, les motifs de relocalisation vers moins de dépendance sont essentiellement liés à leur volonté de ne plus la subir. Leur volonté est d'autant plus forte que l'installation périurbaine de la famille a été mal Îcue. Tous les individus ayant décohabité du domicile parental et ayant progressivement opté pour des territoires à moindre dépendance automobile ne font pas tous ce choix par rejet du modèle parental. 59 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Ainsi les natifs qui disposent d'un réseau social plus ancré localement ou qui ont été socialisé à la dépendance automobile entendent souvent y retourner plus tard, quand ils pourront accéder à la propriété. Les ménages issus de la décohabitation parentale (même depuis plusieurs années) sont les plus jeunes rencontrés dans le cadre du chantier 2. Plusieurs éléments motivent leurs choix résidentiels : mise en couple, localisation du travail ou des études, etc. Dans tous les cas, leur socialisation à la dépendance automobile joue un rôle déterminant dans le choix de vivre dans des territoires moins dépendants. Par socialisation à la dépendance automobile, nous entendons le processus par lequel les individus intègrent la nécessité d'avoir recours à l'automobile pour se déplacer. Les individus natifs du périurbain ou dont le conjoint est natif ont un rapport ambivalent à leurs territoires périurbains d'origine. D'abord, ils y retournent régulièrement, y passent leurs week-ends, surtout lorsqu'ils sont localisés dans des territoires moins dépendants mais appartenant à la même aire urbaine (Charline, Julie, Nastassia). Pour certains comme Ludivine ou Redouane qui y ont grandi et qui ont changé d'aires urbaines, le choix d'une plus grande indépendance n'a pas été immédiat. Ils ont d'abord opté pour une localisation au degré de dépendance similaire ou perçue comme telle par rapport à leur territoire d'origine. Ludivine est originaire de Chaumont en Haute-Marne. Elle a suivi son petit ami et ses parents en Côte-d'Or. S'ils ont d'abord été hébergés par ses beaux-parents, leur objectif a très vite été de prendre leur propre logement « pour démarrer ». Ils se sont installés en location priÎe à Prenois, un village à l'ouest de Dijon pour rester dans une ambiance, un territoire aux caractéristiques similaires à ce qu'ils avaient pu connaître auparavant : « C'est parce qu'on avait trouÎ... bon après, on n'est pas spécialement des gens non plus de la ville. On craignait un petit peu Dijon parce que ça reste grand. Et puis c'était la distance, ce n'était pas très, très loin. » Les arguments de Redouane sont similaires à la différence qu'il s'est installé seul en région parisienne. Originaire de Lauzerte (82), « un petit patelin » (une commune isolée hors influence d'un pôle selon sa fiche communale INSEE 6) situé à 95 km de Toulouse, Redouane a préféré s'installer à Maincy (77) pas loin de Melun plutôt qu'à Paris où il a été nommé. Ces raisons étaient les suivantes : « En fait, j'avais un pote à moi qui habitait à Melun, quoi, il m'a dit... enfin, il m'a dit...j'ai découvert Melun, et puis il y avait un petit patelin qui' s'appelait Maincy, à côté. Bon, je trouvais ça assez sympa dans le sens où c'était ni Paris ou la profonde campagne, quoi. Et ça me permet d'évacuer un petit peu, quoi, parce que les débuts à Paris étaient pas trop évidents, donc, ça me permettait de faire une transition qui n'était pas trop violente, on va dire. D'ACCORD, MAIS VOUS POUVEZ ME PARLER DE PASSAGE DU SUD-OUEST A PARIS ? C'était une grosse gifle, quoi, c'est-à-dire l'individualiste... je pense que le plus dur, c'est au niveau population, quoi, c'est-à-dire l'indifférence des gens, les transports, les stress parisiens, c'est tout ça, quoi, plus m'acclimater à la ville puis au boulot que je venais d'intégrer, euh... ce n'était pas du tout évident, quoi. » 6 http://www.insee.fr/fr/methodes/nomenclatures/zonages/commune.asp?depcom=82094 60 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Une fois acclimatés, Ludivine et Redouane ont fait le choix de territoires moins dépendants car ils ont expérimenté une pénibilité particulièrement forte des navettes (dans le cas de Redouane notamment) et les coûts de mobilité qui en découlaient. Du coup, ils se sont relocalisés, respectivement, à Dijon et à Paris. S'ils se sont installés dans des territoires aux degrés de dépendance similaires, ils ne l'ont pas du tout Îcu de la même façon d'un territoire à l'autre et ont préféré se rapprocher de leur travail ou d'aménités urbaines. Le choix d'une localisation d'abord dépendante montre que la dépendance automobile est intériorisée et ne pose pas en soi problème même pour des individus sans permis (Ludivine). Cependant, à degré de dépendance équivalent, le Îcu du quotidien n'est pas nécessairement identique. Ce qui allait de soi auparavant ailleurs devient insupportable dans l'aire urbaine d'arriÎe. La raison est certes liées aux caractéristiques intrinsèques des territoires comparés, à la complexité et à la longueur des navettes, mais aussi à la situation personnelle des individus : la localisation de leur lieu de travail, ses caractéristiques, leur statut matrimonial ou familial, les niveaux de sociabilité qui les caractérisent, la présence de liens sociaux locaux, etc. La progressivité de l'indépendance automobile et le poids de la socialisation à la dépendance automobile sont communes aux ménages qui ont grandi dans l'aire urbaine et dans des territoires dépendants de l'automobile. Pour ces derniers, il s'agit également de trouver la bonne distance entre leurs réseaux amicaux et familiaux, leurs lieux de travail et/ou d'études ainsi que les aménités en phase avec leur âge (loisirs, sociabilité extérieure, etc.) et leur statut matrimonial. Leur tâtonnement est plus ou moins important selon leur autonomie financière par rapport à leurs parents, c'est-à-dire selon qu'ils sont sortis ou non des études, et par rapport au fait qu'ils soient ou non en couple. En effet, ces différentes situations correspondent à des différences de revenus non négligeables. Le fait d'être aidé par leurs parents rend certains d'entre eux beaucoup plus sujets à des aller-retours fréquents entre une résidence en période scolaire et celle de leurs parents. Toutefois, si ces personnes sont caractérisées de modestes à cette étape de leur cycle de vie, il est fort à parier qu'elles ne le resteront pas compte tenu de leur capital social. En effet, leurs parents ne sont pas eux-mêmes modestes, comme en témoignent l'aide financière qu'ils leur procurent. Si ces individus ont quitté le domicile parental, c'est d'abord pour se rapprocher de leur lieu de travail et parce que leur précédent domicile (celui de leurs parents ou le leur) était situé dans un territoire dépendant de l'automobile qui s'est aÎré incompatible avec leurs déplacements quotidiens à l'image de Claire qui a eu plusieurs emplois dont elle a du se rapprocher à court ou moyen termes selon les caractéristiques des territoires dans lesquels elle a travaillé (du périurbain dépendant puis de l'urbain). « Donc en fait, j'ai postulé [à un poste de surveillant dans un collège], ils m'ont pris, donc j'ai... je suis restée à peu près 8 mois, donc, c'est là que j'ai pris un logement seule à Lorrez-leBocage, donc à 7 km de chez mes parents. J'ai dû faire ça parce que je n'avais toujours pas le permis, et en fait, c'était trop compliqué pour m'emmener ou me déposer. Ben, avec mes parents qui travaillaient, c'était compliqué, et en fait, par un ami de mon père, on a trouÎ un petit logement pas cher du tout, donc ça m'a permis de... d'avoir un petit pied à terre en fait, en bas du collège, sachant que je devais être très tôt au collège parce que j'ouvrais les grilles 61 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale pour les premières arriÎes de cars. Donc, c'était assez contraignant, il fallait se lever quand même assez tôt parce que les premiers gamins devaient arriver vers 7 h 30 [...] Et en fait, j'avais eu des anciens boulots dans le public heu... des années auparavant, et en fait ils m'ont rappelé, j'avais été en poste d'été, ils m'ont rappelé pour un poste vraiment concret [localisé dans Paris intra-muros]. Et c'était... c'était heu... un des services du 1er Ministre sous... sous Raffarin à l'époque, donc, ce n'était pas quelque chose à louper et puis donc, j'ai accepté, du coup, j'ai rendu mon logement. OUI. LA, C'ETAIT UN TRAVAIL DE QUOI ? QUI CONSISTAIT EN QUOI ? Alors, c'était assistante dans une commission d'indemnisation des victimes de spoliation pendant la 2ème guerre mondiale, en fait c'est rembourser tous les juifs qui ont été espionnés pendant la guerre. Donc du coup, j'ai rendu mon logement à ce moment-là parce que je me suis dit : « je vais retourner chez mes parents » et j'ai fait la navette en fait, avec le train, pendant à peu près 7 - 8 mois, j'ai fait cette navette-là, je me suis dit : « je n'ai plus la contrainte du bus ou les gamins arrivent », j'avais pris le logement quand même par rapport à ça, ce n'était pas trop mon truc de vivre seule non plus. Donc du coup, j'ai lâché ça dès que le collège, ça c'est terminé, je suis retournée chez mes parents, et en fait, les heures de boulot de ma mère le matin, ça allait avec mon train, et le soir mon père me ramenait, c'était pareil. On mettait une heure, après, non, il n'y a pas de bus. Il y a des bus scolaires en fait, pour aller au lycée, par exemple, là où je prenais le train, il y a un lycée, donc, le lycée où j'étais, il y a un bus scolaire. Mais bon, c'était un le matin et puis bon, ça ne desservait pas la gare, donc, ce n'est pas possible, quoi, ce n'était pas du tout avec mes heures de train, c'était compliqué. DONC VOUS ALLIEZ EN VOITURE AVEC VOTRE MERE ? Voilà, parce qu'en fait, ça allait avec les horaires de ma mère, elle commençait tôt le matin, donc je partais avec elle et le soir, mon père me récupérait parce que c'était aussi ses horaires. Mais bon, là, ça a changé, mais heu... ça fait à peu près 5 ans maintenant, il y avait un train le matin pour aller à Paris, donc il ne fallait pas le louper, après, c'était terminé, et un train le soir, donc, c'était assez... il fallait jongler, quoi, après, j'étais dans le public, donc, je ne finissais pas tard, mais je me serais mal vu dans le priÎ quand même, parce qu'il y avait un train, je crois que c'était 5... 5 h 45, après, c'est fini, quoi, c'était un peu compliqué. Enfin, mais je sais que ça a changé parce que là, il y en a un toutes les heures, donc ça... Et donc, au bout de 8 mois de faire les allers-retours, dans le cadre de mon boulot, je me suis rendu compte qu'on pouvait avoir une aide au logement et donc, je... j'ai atterri ici [à Paris], voilà » Claire, 27 ans, en couple, vit à Paris (HLM), a Îcu à Lorrez-le-Bocage (location priÎe) pendant 1 an puis est retournée vivre à Egreville (chez ses parents) pendant 8 mois. Une autre raison de la relocalisation et sa progressivité tient à l'offre de logements disponibles. Compte tenu de leur âge et de leur étape dans leur cycle de vie, ces ménages, célibataires ou en couple, sont modestes par construction. On se doute qu'ils ne le resteront pas toute leur vie mais, en l'état actuel, leurs ressources ne leur permettent pas forcément de se loger dans des territoires périurbains dépendantes de l'automobile où les logements sont grands et plus rares à la location. Les propriétaires préfèrent louer à des ménages avec enfants plutôt qu'un jeune couple qui n'est pas sûr de rester. Charline et son compagnon avaient contourné ce problème en proposant une colocation à leur ancien bailleur. Originaires tous les deux de Bellefon, au nord-est de Dijon, où ils ont grandi, ils 62 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale ont pris leur autonomie en s'installant à Asnières-lès-Dijon à quelques kilomètres de là : « je n'ai pas fait beaucoup de route, j'ai juste traversé la nationale » ironise d'ailleurs Charline. Leur particularité est qu'ils se sont d'abord installés en colocation pour payer moins cher tout en restant à proximité de Bellefon. Mais l'arrangement n'a pas fait long feu pour des raisons là encore financières: « Donc, on a fait un an en colocation dans une maison. Là, c'était un corps de ferme qui a été recoupé en trois. Donc, la maison jumelée, quoi, entre guillemets... toujours avec jardin, une vue magnifique, j'étais souvent derrière et puis toujours, ben, c'est vrai que l'esprit village, la proximité avec les champs, c'est vraiment, là, j'ai vraiment apprécié aussi. Bon, c'est le même type de village, un petit plus dynamique... un petit plus développé, je dirais, Asnières, il y a plus de commerces. A Bellefon, en commerce, il y a un bar, c'est tout. Sur Asnières, il y a un bar, il y a une boulangerie... il y a un pépiniériste, il y a... comment... une coopérative, il vend des légumes, etc., des produits de ferme et puis jusqu'à il n'y a pas longtemps, il y avait une petite boutique de fruits et légumes qui a fermé. Donc, visiblement, c'est un coiffeur qui va se mettre à la place. Donc, un village un peu plus dynamique, quoi, voilà. Un petit peu plus grand aussi, je crois. Mais toujours... toujours très sympa. On avait des voisins, vraiment génial... c'était vraiment sympa, quoi. Donc, moi, c'est vrai que j'appréciais beaucoup la campagne de par la population, mais aussi le fait... d'être au calme parce que c'est vraiment... ah, ah ! [...] Et puis, bon, on a la proximité avec les champs. On veut aller se promener avec les chiens, ben, on est à côté. On veut se promener tout court, on est à côté, on est vraiment... ce village d'Asnières étant à côté de Bellefon... c'est des villages qui sont tous intéressants, parce que vraiment très proches de la ville. C'est vrai que... bon, moi, j'étais au lycée en face, je mettais, allez, un quart d'heure, 20 minutes à venir, quoi. [...] Et puis, donc, en septembre 2010, donc, on a arrêté la... la colocation pour des raisons financières. Parce que l'un d'entre nous qui a... qui a eu un accident du travail, qui n'arrivait pas à se faire payer, etc., donc, soucis d'argent, donc forcément, quand on est 4 à payer et qu'on se retrouve à 3, ça va moins bien. Donc, sur une idée de tarif, on était à 900 de loyer pour la maison. Pour une maison, on avait 130 m² [...] Ah oui. C'était vraiment... on a eu vraiment de la chance parce que c'est le genre de maison en général, en colocation, ils ne lâchent pas trop, et c'est vrai qu'on a rencontré directement la propriétaire, et ben, l'agence n'a rien pu dire, quoi. Donc, vraiment de la chance parce que c'était vraiment une très, très belle maison. Ah, ah ! » Pour Charline et son ami, il est important de constater qu'ils sont restés vivre dans une commune dépendante de l'automobile tout en ayant l'impression de vivre une dépendance moindre par la présence de quelques commerces supplémentaires. Pour eux, la ville, Dijon, est très proche et son accès n'est donc pas compliqué. Cependant, ils dépendent toujours de la voiture ou tout autre mode motorisé individuel comme la moto (ils en ont une tous les deux). Ils n'envisagent d'ailleurs pas de se déplacer autrement encore aujourd'hui. Le choix de Dijon a été en partie le résultat d'un calcul de leurs dépenses mensuelles en incluant les frais liés à leurs déplacements. Ces derniers étant moindres en vivant à Dijon, ils ont décidé de s'y installer. Aujourd'hui, Charline a fini ses études en alternance (à Nevers) et gagne un salaire complet en tant que collaboratrice en assurances. Ce gain en termes de niveau de vie leur permet de moins compter leurs déplacements, d'aller plus souvent sur Bellefon où sont encore localisés leurs familles et leurs amis. Le partage d'une culture habitante 63 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale au sein du couple et la volonté de rester à proximité des siens amènent donc à des choix de localisation intermédiaire, c'est-à-dire à une localisation périurbaine mais perçue comme moins dépendante. Ainsi, Nastassia et son conjoint, après plusieurs expériences malheureuses sur Paris (17e) ou en proche banlieue (Asnières-sur-Seine) ont emménagé à Ozoir-la-Ferrière car « Ben, on s'est dit « Ozoir » parce que Ozoir, il y a la gare. C'est... la ville la plus proche de chez nos... deux parents... respectifs. ». Après avoir tenté une localisation plus urbaine, la distance à leurs proches a conduit des gens comme Nastassia à se relocaliser mais toujours à proximité d'un mode de déplacement alternatif à la voiture. Cependant, ils n'utilisent pas tous les deux le RER : seule Nastassia l'utilise pour se rendre à son entreprise située à Marne-la-Vallée, son conjoint préférant utiliser sa voiture pour se rendre à Bondoufle, de l'autre côté de Paris. Parce qu'ils partagent une même culture habitante ou un penchant affirmé pour le périurbain et les représentations qui y sont associées (campagne, calme, sécurité, famille), Charline, Ludivine, Séverine P., Nastassia ou Redouane n'ont pu adopter des localisations moins dépendantes et plus urbaines que progressivement, graduellement. Pour les 5 ménages (un peu moins pour Charline mais tout de même à travers le calcul des coûts mensuels), la dépendance automobile est devenue une contrainte importante à l'usage, à force d'expérimenter la pénibilité des déplacements nécessaires pour se rendre à leur travail, faire les courses, etc. Cependant, parmi eux, certains aspirent toujours habiter un jour une maison en périphérie, dans la mesure où les navettes quotidiennes seraient supportables. La progressivité de la relocalisation vers moins de dépendance n'est pas obserÎe pour tous les ménages. Pour les célibataires, la dépendance automobile Îcue, voire subie, joue un rôle moteur dans la volonté de quitter des territoires périurbains où vivent encore leurs propres parents. Laurence B., 22 ans, vit à Paris où elle travaille en tant que vendeuse et fait ses études de commerces. Sa propre expérience et celle de ses parents à Nanteuil-lès-Meaux fait en sorte qu'elle souhaite plutôt rester vivre, au moins pendant qu'elle est jeune, dans une localisation urbaine et hypercentrale comme Paris ou à proximité de cette dernière : « À Paris. Déjà, je dors plus... je dors plus et ça, c'est super important, je ne fais plus... je ne suis plus serrée dans le train heu... de Meaux - Gare de l'Est, parce que ce train-là le matin, il est horrible. [...] Eux [ses parents], dès qu'ils rentraient du travail, leur but, c'était d'aller se poser à la maison, alors que moi, je cherchais toujours à partir après les cours, le mercredi, le week-end, oui, moi, c'était tout le contraire et à chaque fois que je demandais à mon père « tu peux me déposer sur Paris quand tu vas travailler », il me disait « mais qu'est-ce que tu... enfin..., tu n'en as pas marre, c'est tout le temps... il y a tout le temps du bruit à Paris ». J'aime bien, ça bouge, il y a des gens, enfin, il y a de l'ambiance, quoi, je lui disais « j'ai envie de m'acheter une paire de baskets », à Meaux, le lundi je ne peux pas parce que tout est fermé, à 18 h, il n'y a plus rien, enfin, même, il n'y a pas de choix, il n'y a pas de magasins, il y a une rue piétonne et heu... il y a quoi... il y a... il n'y a rien... il n'y a rien... il y a un Sephora, donc, pour s'habiller, 64 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale c'est pas top, quoi, et c'est tout, donc voilà. C'était surtout le fait d'avoir tout à côté... tout à porter de... enfin, tout à disposition, le transport... [...] C'est par rapport au prix, quoi, moi, j'essaie... j'essaie de... de me renseigner quand même, voir si c'est possible d'avoir un appart toute seule sur Paris et heu... avec le salaire que j'ai, mais c'est... pff... c'est dur à trouver, bon, je ne suis pas en recherche non plus, mais heu... C'est vrai quand je vois des annonces ou des trucs, j'essaie de regarder, et si... si je ne trouve pas... enfin, plus tard, après l'école, si je ne trouve pas un appart toute seule, je suis prête à revenir sur Meaux juste à côté de la gare, comme là, pour pouvoir quand même être toute seule. Mais c'est vrai que... je le dis, mais vraiment comme ça... parce que... parce que maintenant, je suis habitué à l'ambiance de Paris, j'aime bien sortir quand j'ai envie, savoir que tout est toujours ouvert donc, voilà. [...] Ben, moi, c'est surtout pour les frais, mais... c'est vrai que j'ai voulu habiter sur Paris, c'est plus pour être proche de tout que pour heu... que pour heu... enfin, c'est plus pour l'ambiance et tout, que pour le transport, ça, ça ne me dérange pas d'être ici et d'aller sur Paris. Pour ça, je l'ai toujours compris parce qu'en fait, pour moi, c'était normal parce que mes parents le faisaient tous les matins, heu... même ici, les gens, ils vont tous... tout le monde fait ça, tous les gens de Meaux, enfin, je pense que, je dis peut-être n'importe quoi, mais je suis sûre que presque plus de 50 % des gens qui habitent à Meaux travaillent sur Paris, tout le monde le matin avec sa mallette... va prendre le train heu... Enfin, c'est vraiment le train blindé, quoi, donc, pour moi, c'est normal, même je fais beaucoup... [...] Humm. Non, non. Non, mais je ne veux pas compter sur une voiture pour, enfin... pff... je suis trop souvent en panne... enfin... quand on est toute seule, c'est vraiment chiant, parce que moi, ma mère, quand elle était en panne, mon père, il venait la chercher n'importe où elle était, mais bon... moi... enfin, j'ai toujours peur... de tomber en panne ou de... Donc, je préfère vraiment être à côté des transports, être libre de vouloir prendre ma voiture ou non, parce que là, j'aimerais bien m'acheter une petite voiture... parce que des fois... je n'aime pas rentrer tard toute seule, mais bon, je ne le fais pas parce que je ne saurais pas où la garer, etc. Mais non, en fait... ce qui... ce qui... me déplaisait vraiment ici, c'était Nanteuil, quoi, le fait d'avoir un bus, là, ici, ça va, voilà, après, il y a encore mieux là-bas. » Ces différents extraits pointent en quoi il est difficile de vivre dans une localisation dépendante de l'automobile. Attirée par Paris et ses activités, Laurence a fini par y vivre. Elle souhaiterait idéalement y rester mais ses revenus l'en empêchent. De même, elle n'envisage pas d'y élever des enfants. Même si ardemment souhaitée, l'urbain et plus précisément Paris sont avant tout des localisations propices à une étape de la vie : celle où on n'a pas encore d'enfants. On notera que la pénibilité des transports (le train bondé) ou le fait de dépendre d'autrui (ses parents) pour se déplacer ont conduit Laurence B. à préférer une destination moins dépendante de l'automobile. Si elle n'envisage pas de rester sur Paris par réalisme économique, elle entend plutôt habiter une ville comme Meaux, certes 65 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale moins animée que Paris mais plus propice à la verdure et où des alternatives modales à la voiture sont présentes pour se déplacer. Pour les jeunes couples, le décalage dans les cultures habitantes peut conduire une personne issue de ce périurbain à y renoncer plus définitivement. Avoir un conjoint natif de l'urbain ou dégouté du périurbain dépendant conduit à adopter un mode de vie et d'habiter plus urbain. Le refus d'une telle dépendance tient d'abord au fait que le conjoint dont la culture habitante n'est pas compatible ne dispose pas des instruments nécessaires pour faire face à la dépendance automobile, à savoir le permis. C'est notamment le cas d'Abdel (29 ans, 1 enfant) dont la femme n'a pas le permis. Elle a essayé de le passer plusieurs fois mais n'en a jamais eu besoin car elle a grandi à Bonneuil-sur-Marne (94), commune où se trouvent commerces et transports. Abdel et sa femme désirent acheter mais ne souhaitent pas s'éloigner de la petite couronne justement à cause des transports et du fait qu'ils travaillent tous les deux dans Paris. Claire (27 ans) est dans un cas de figure analogue : son conjoint n'a pas le permis car il a grandi dans Paris et n'a jamais éprouÎ le besoin de le passer. L'absence de permis est fortement liée à une volonté de rester habiter dans de l'urbain : « Mon ami, il a 29 ans, il n'est toujours pas Îhiculé parce que lui, il était en banlieue, il a toujours pris les transports. [...] Mon ami, lui, il est ville, ville. Il n'est pas du tout campagne. Ce n'est pas son truc, il n'a pas le permis... Enfin il n'a pas été éleÎ à la campagne. De toute manière quand on va chez mes parents [à Egreville], il s'embête, il ne reste pas 3 heures dans le jardin. » Claire, 27 ans, en couple, vit à Paris (HLM), a Îcu à Lorrez-le-Bocage (location priÎe) pendant 1 an et à Egreville (chez ses parents). En dehors de la question pratique de l'outillage nécessaire (nous avons vu que des personnes sans permis étaient tout à fait capables d'y résider), l'absence d'alternative pratique à la voiture, à savoir les transports collectifs, fait aussi office de repoussoir. Les personnes concernées refusent de vivre sans les modes de transports qui leur procurent une autonomie de déplacements. Une telle volonté alliée à des opportunités d'un logement dans une localisation plus centrale et à moindre coût (HLM) conduit alors l'autre partie du ménage, celle qui a Îcu dans les territoires périurbains dépendants de l'automobile, à adopter un autre regard sur les territoires dans lequel il a Îcu et où il aurait aimé rester initialement. Claire le reconnaît : « Au début, c'était un peu dur [de s'installer à Paris], mais finalement aujourd'hui j'aurai du mal à retourner en campagne. [...] Avant j'aurai voulu être à 5 km de mes parents. [...] Je préfère être là [à Paris]. Egreville, maintenant c'est fini. Alors que je n'aurai pas dit ça. Mais mon ami, lui, a été éleÎ à Paris jusqu'à ses 15 ans, dans le 12e. Il n'a pas du tout la même image que moi de l'enfance à Paris. Moi, je voyais plus le côté jardin, lui il me dit « tu ne restes pas enfermé, il y a des parcs, on visitait plein de musées ». Finalement je pense que j'arriverai à élever mes enfants ici, alors qu'il y a 1 an en arrière, je n'aurais pas dit ça. [...] J'aurai rencontré quelqu'un de la campagne, j'y serai restée, quoi, c'est bête à dire. Oui je travaillerai sur Paris et je ferais sûrement les aller-retour ». La perception négative de la dépendance automobile et de ses territoires peut être aussi antérieure à la mise en couple en fonction de sa propre expérience ou de celle de son réseau familial, plus particulièrement ses parents. Dans ce cas, la mise en couple ne fait que la renforcer. S'il désire accéder à la propriété, Adbel ne souhaite pas pour autant s'éloigner. Il est important pour lui de rester à proximité des transports. Il l'a mal Îcu et ne souhaite pas le revivre. En plus, il ne 66 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale souhaite pas que sa femme soit trop dépendante de lui pour se déplacer. Sa mère n'a pas le permis et, vivant à Dammartin, elle est fortement dépendante de son mari ou de ses enfants pour se déplacer. Au final, quitter le domicile parental localisé dans un territoire dépendant de l'automobile ou s'en éloigner participe à une relocalisation plus ou moins progressive vers des territoires moins périurbains du fait du Îcu de cette dépendance et de ses conséquences (pénibilité et coût des déplacements). Le référentiel parental est multiple. Il est un repoussoir (« on ne veut pas subir ce qu'ils ont subi ») ou un modèle (« ils sont partis, nous n'avons pas de raisons d'y rester »). Le terme de repoussoir ne doit pas non plus faire croire qu'il y a des antagonismes entre les individus et leurs parents. Leur expérience et leur Îcu sont vus comme aux antipodes des projets de vie ou d'une phase dans leur cycle de vie envisagés par leurs enfants. De même, le modèle parental d'habiter périurbain peut jouer dans un sens comme dans l'autre : modèle ou repoussoir. Un moindre degré de dépendance à l'automobile peut être Îcu comme temporaire, le temps de se mettre en couple, de pouvoir accéder à la propriété et de retourner vivre à la campagne, comme ses parents. De ce fait, ces deux référentiels, le repoussoir et la reproduction, se rencontrent en chacun. Ils représentent la dualité permanente entre la volonté d'une homogamie sociale (« faire pareil que ses parents ») et résidentielle tout en faisant mieux (« faire mieux que ses parents ») et en accord avec l'idéal ou l'illusion d'une identité propre et singulière (« faire pour moi en tant qu'être différent »). Si les mouvements résidentiels précédents étaient liés au cycle de vie des personnes, à ses évolutions et à ses bifurcations, les affres de la dépendance automobile ressortent très fréquemment dans leurs discours. Si cette dépendance n'est pas ou peu prise en compte au moment de l'installation, elle ressort beaucoup plus nettement dans le choix de quitter ces territoires. Pour plusieurs ménages, la difficulté à vivre dans ces territoires est telle qu'elle provoque un mouvement résidentiel vers des territoires moins dépendants indépendamment des évolutions ou bifurcations de leur cycle de vie. Dans ce cas, la dépendance automobile et les coûts des déplacements engendrés par cette dernière participent clairement à motiver le départ. Par coûts sont désignés les coûts économiques (dépenses liées à la voiture, à son fonctionnement et à son entretien) ainsi que la pénibilité des déplacements associée à la dimension incontournable de l'automobile ou de modes de transports motorisés individuels. 3. Quitter le périurbain dépendant de l'automobile ou le signe plus profond d'un désenchantement du « tout automobile » 67 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale 3.1. Le rôle moteur de la pénibilité des déplacements dans le choix de quitter un territoire dépendant de l'automobile Comme il a été vu précédemment, le choix d'un territoire indépendant de l'automobile est souvent lié à des considérations relatives aux transports, à leur pénibilité, à leurs coûts financiers. Si la relocalisation est progressive, les individus reconnaissent après coup le gain effectué en la matière. Dans de nombreux cas, l'objectif exprimé a clairement été de se rapprocher de leur lieu de travail situé dans des localisations plus centrales et moins dépendantes et/ou d'aménités urbaines qui permettent de se passer facilement de la voiture dans la vie de tous les jours. Le déménagement est donc doublement motiÎ par la dépendance automobile. Il est d'abord la résultante de la dépendance automobile envisagée comme absence d'alternative modale à la voiture (Coutard et al. 2002; Dupuy 1999). Il est ensuite lié à l'absence de commerces et de services dans la commune de résidence (Motte-Baumvol 2007). Dans le premier cas, se déplacer pour se rendre à son travail se réÏle coûteux à la fois en temps, en argent et en fatigue physique (bouchons en voiture, rames bondés en train, etc.) (Le Breton 2008). La pénibilité est d'autant plus vive que les ménages rencontrés sont modestes et présentent des horaires de travail dits atypiques (nuit, décalés, etc.). Leurs horaires de travail les empêchent de recourir à des alternatives modales comme les transports collectifs (modulo une partie du trajet en voiture). La pénibilité des déplacements est alors plus importante encore car ces horaires atypiques ne leur garantissent pas forcément d'éviter les encombrements sur la route. Ces encombrements sont d'autant plus difficiles à éviter que la grande majorité des personnes rencontrées avaient des lieux de travail localisés dans le centre de l'agglomération (Paris et la petite couronne ; Dijon et ses communes limitrophes). Avoir un mode de vie réellement périurbain (résider dans le périurbain dépendant, travailler et/ou faire ses activités dans des territoires plus denses) participerait alors à la pénibilité des déplacements automobiles pour les ménages modestes. « Mais ce qui me posait vraiment problème, c'est au niveau de la distance, quoi, c'est-à-dire que je mettais à peu près 3/4 d'heures, quoi, euh... c'était lourd, quoi. Le soir à la rigueur, j'étais frais mais le matin, quand il fallait que je prenne la route, quoi, c'était fatiguant. Donc, ça, au bout d'un moment... [...] Ce n'est pas du tout mon délire, quoi, à la rigueur je préfère être malgré moi, enfin, un pollueur, quoi, plutôt que de prendre le RER, je n'aime pas trop les transports en commun, je ne suis pas trop fan. Ben, c'est la population, quoi, disons que c'est... je compare à la voiture, quoi, on est dans son habitacle, on met la musique qu'on veut on est, entre guillemets, libre d'avoir le rythme qu'on a, quoi, tandis que le RER, on est là, speed, les horaires et tout, et puis une fois qu'on arrive là-bas, il faut marcher un petit peu, c'est ça, les bus et tout... HUMM, ÇA AURAIT PEUT-ETRE ETE MOINS FATIGANT DU COUP, POUR FAIRE LE TRAJET ? Moins fatigant, je ne sais pas parce que le problème, c'est que c'est vraiment au niveau... timing, quoi, c'est-à-dire le stress, en fait, ça rajoute du stress, c'est-à-dire, il faut qu'on se dépêche pour prendre le RER, faut qu'on voit les horaires euh... arriÎ sur place, pareil, enfin on n'est pas couché très tôt, quoi. Tandis que le Îhicule permet d'aller d'une porte à l'autre, quoi. Donc, c'est plus direct... mais ça aurait été aussi beaucoup plus économique parce que j'avais les transports gratuits et ça m'aurait permis de faire pas mal d'économies. 68 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale ET VOUS AVEZ FAIT LE CHOIX EN FAIT, ET ÇA REPRESENTAIT A PEU PRES COMBIEN, VOTRE BUDGET VOITURE ? C'était énorme. Ben, je faisais pratiquement un plein toutes les deux semaines, ça fait 120... à peu près 150 voire même un petit peu plus par mois rien que pour les petits déplacements entre le boulot et... Donc, c'était quand même conséquent donc... mais voilà, le point négatif, c'était la distance, quoi. Distance et puis un petit peu aussi au niveau sortie, quoi, ce n'était pas évident parce que...Bon, moi, j'étais Îhiculé, donc ce n'était pas un problème, mais disons que si je voulais sortir sur Paris, enfin sur Maincy, déjà, ce n'était même pas la peine, il fallait l'oublier ça, quoi, mais sur Paris, oui, le trajet, après.... » Redouane, 27 ans, gardien de la paix à Paris (13e), célibataire, sans enfant, vit à Paris (HLM) depuis 2008, a Îcy à Maincy (location priÎe) de 2005 à 2008. « Le problème que l'on ne rencontre pas à Paris, enfin, on s'en fiche de savoir à quelle heure on termine, à quelle heure on finit, il y a toujours un taxi, c'est jamais hyper cher, enfin, j'imagine qu'en tant qu'étudiant, ça doit être un peu plus cher, mais... enfin, il y a les Noctambus, enfin, il y a toujours un moyen de rentrer chez soi... sans trop se prendre la tête, quoi. En banlieue, on n'a pas tellement le choix, on est obligé d'avoir une voiture. Si on veut aller de banlieue à banlieue, c'est aussi... c'est épique, quoi. Il faut passer par Paris, pour revenir sur la banlieue, enfin, c'est... » Danielle, 36 ans, formatrice en assurance à Puteaux, en couple, sans enfant, vit à Paris 19e (propriétaire) depuis 2010, a Îcu à Villevaudé (propriétaire) de 2005 à 2010. « Mais ce n'est pas du tout la même chose, Gouvernes c'est un petit village... où il y a beaucoup de paysans... et c'est très mal desservi au niveau des transports en commun [...] Et donc après, j'ai fait une demande à la préfecture de police pour avoir un appartement pour me rapprocher de mon travail, parce que je mettais 1 heure, 1 h 30 pour aller travailler, aller, donc, la même chose au retour ! [...] Humm... des fois ça roulait, des fois ça ne roulait pas... la A4, le matin, c'est un peu... aléatoire... des fois, ça roule comme dans du beurre et vous arrivez, nickel. Et comme j'ai des horaires un peu atypiques... des fois, ben, je tombais dans les bouchons, surtout le soir quand je rentrais, quand je finissais... parce qu'avant, j'étais en cycle... 4 jours de travail, 2 jours de repos, mais je faisais 4 matinées ou 4 après-midis. Donc, quand j'étais du matin, je commençais à 6 h 30 jusqu'à 15 h, et à 15 h, quand vous prenez le périph, ben... vous rentrez chez vous, il est 4 h 30, 5 h. Donc... ça fait une peu... un peu beaucoup, quoi. Et les transports, c'est ça qui me cassait le plus parce que j'étais... je dormais dedans. Donc après, quand j'arrivais, j'étais lessiÎe, donc après, je me suis dit : « non, c'est bon » et puis là, d'ici, même en bus... en bus et en métro, j'y suis en... allez, on va dire en 15 minutes maximum. » Christelle, 34 ans, gardien de la paix à Paris (16e), en couple, 1 fils de 13 ans (issu d'une précédente union et qui vit avec ses grands-parents), vit à Boulogne (HLM) depuis 2009, a Îcu à Gouvernes (location priÎe) de 2004 à 2009. 69 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale « Et puis moi j'ai pris un appartement à moi, à St Colombe aussi en 2005. J'ai rencontré mon ex-compagnon là-bas. On y est resté trois ans à peu près pour ensuite aménager à Boulogne et de Boulogne j'ai emménagé ici. ET POURQUOI A BOULOGNE ? Pour le travail, car là-bas, les transports, c'est deux heures minimums et il y a toujours des retards, ça marche pas très bien, quoi mais sinon c'est plus pour le transport car le cadre de vie euh..c'est bien là-bas (rire).» Nelly, 26 ans, secrétaire en intérim, célibataire, 1 fils de 14 mois, vit à Ivry-sur-Seine (HLM) depuis 2010, a Îcu à Sainte-Colombe (location priÎe) de 2005 à 2008. « Il y avait 2 heures de transport [pour aller sur Paris], il fallait trouver déjà, demander à une de mes filles qui vienne qui nous emmène en voiture, ou quelqu'un qui nous dépose en voiture à la gare ou au car, parce qu'il y avait un car de Maincy à Melun, il y avait quoi ? 8 kilomètres, 7 kilomètres... euh... non, donc, du coup, on était content de quitter la Seine-et-Marne.» Martine, 61 ans, magasinière au chômage et bientôt à la retraite (ne recherche pas d'emploi), en couple (mais ne vivent pas ensemble), 6 enfants entre 41 et 30 ans, vit avec 2 d'entre eux à Champigny-sur-Marne (HLM) depuis 2004, a Îcu à Maincy (HLM) de 1994 à 2004. La pénibilité est telle qu'elle motive à elle-seule un retour de ménages modestes vers des territoires moins dépendants de l'automobile (urbains notamment) à condition que leurs revenus et/ou leur emploi leur donne accès à des logements privilégiés. Elle est d'autant plus déterminante dans les choix de localisation lorsqu'un éÎnement comme le chômage survient. Martine s'est retrouÎe licenciée pour motif économique de son emploi de magasinier à Vaux-le-Pénil. Avant elle travaillait à Sucy-en-Brie et, lorsque son entrepôt a été délocalisé en Seine-et-Marne, elle avait fait le choix de conserver son emploi. Chef d'une famille monoparentale nombreuse (6 enfants dont 4 qui vivaient encore avec elle), elle ne semblait pas particulièrement attachée à son territoire de résidence et a donc suivi son employeur plutôt que de partir au chômage (Vignal 2005). Elle a donc quitté Chennevières-sur-Marne (94) où elle résidait pour s'installer à Maincy et « pour ne pas faire 1h30 de transport aller ». Comme Martine n'a pas le permis, elle avait quelques difficultés à se déplacer mais ces difficultés étaient finalement supportables tant qu'elle avait son emploi sur place. Un système de covoiturage entre employés qui avaient les mêmes horaires était organisé au sein de l'entreprise. Pour les courses et autres déplacements, Martine reconnaît avoir dû faire appel à la solidarité familiale, à ses enfants : « on n'avait pas de transport, pas de voiture, on dépendait de quelqu'un, moi, je n'ai pas mon permis ». Une fois licenciée, Martine a préféré retourner dans le Val-de-Marne, à Champigny : « on est revenu sur Champigny pour la bonne et unique raison, c'est qu'on s'est retrouÎ au chômage ! La maison a fermé, donc on s'est dit, il n'y a plus rien qui nous attache ici [...]. ». La plupart de ses enfants ayant quitté le domicile parental, elle s'est retrouÎe seule et sans ressources pour faire face à la dépendance automobile de son lieu de résidence. N'étant pas originaire de Maincy, son réseau social local était limité à ses enfants qui ne sont pas restés y vivre quand ils ont décohabité. Plutôt que de passer le permis et d'acheter une voiture, elle a préféré retourner vivre dans le Val-de-Marne, où elle avait la possibilité d'être autonome pour ses déplacements et où elle pouvait accéder à un logement social à prix avantageux. 70 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale L'absence d'emploi et la difficulté à en retrouver sur place sans mode de locomotion autonome incite alors ceux qui vivaient dans le périurbain dépendant de l'automobile parce que leur travail s'y trouvait à retourner vers des localisations moins dépendantes de l'automobile, d'autant plus lorsqu'ils sont issus de territoires peu dépendants. Dans le chantier 1, nous avons vu que ces emplois (ouvriers pour beaucoup) étaient plus proches des territoires investigués. Les ménages restent dans ces territoires car leur ancrage familial local (Vignal 2005; Coutard et al. 2002) leur permet de compenser la dépendance automobile. Martine n'avait aucun réseau présent pour compenser et a donc tout naturellement choisi de revenir dans un territoire moins dépendant où elle n'aurait plus à être dépendante de l'automobile et de ceux qui peuvent la conduire. Ce choix était d'autant plus important que, se retrouvant inoccupée, elle a pu mesurer pleinement la difficulté à entreprendre des déplacements pour effectuer la moindre activité (aller se ballader dans Paris, faire des formalités, etc.). Au-delà de la pénibilité ressentie des déplacements et de leurs coûts, l'autre aspect de la dépendance automobile renvoie à l'accessibilité à des commerces et des services. Si les communes considérées ne sont pas desservies par les transports collectifs et ne présentent donc pas une alternative modale à la voiture pour effectuer de longues distances, elles ont été aussi étudiées pour leur absence de commerces et de services accessibles au moins à pied. Pour plusieurs personnes rencontrées, cette absence est perçue comme un isolement qui devient insupportable et nécessite une relocalisation vers plus d'aménités et donc plus d'urbanité. « Beaucoup transport, et aussi le fait est, que je m'ennuyais, en grande banlieue je m'ennuie. Je sais pas, y a, euh, je comprends complètement qu'il y ait des gens qui préférent faire une heure et demie de transport le matin et une heure et demie de transport le soir pour être à la campagne. Mais moi non, et y a pas que ça, il y a aussi le fait que j'ai, j'ai tendance à dire que j'aime bien être au centre du monde, je sais pas comment expliquer. Je comprends aussi qu'on soit stressé de vivre à Paris car regardez hier, j'étais coincé dans le rer, tout ça mais en même temps, si j'ai pas cette activité-là, je m'ennuie. Après j'aimerai bien que le RER arrive à l'heure tout ça, c'est pas qui me plaît, mais j'ai besoin que ça bouge, de ne pas me dire, mon Dieu, je suis isolée, c'est psychologique, heuin, je sais pas mais si j'ai rendez-vous avec une amie on se dit à bah tiens dans 20 min je suis à Opéra, ou je sais pas comment expliquer. » Edwige, 45 ans, pigiste à mi-temps, divorcée, 1 fils de 5 ans (issu d'une union après son divorce), vit à Vincennes (propriétaire) depuis 2004, a Îcu à Soignolles puis à Emerainville avec son ex-mari (propriétaires) jusqu'en 2003 (ils ont divorcé 1 an après leur retour). « Oui, c'était parce qu'on n'avait plus rien à faire en HLM, hein... on avait des revenus qui nous permettaient enfin de partir du HLM, on voulait un pavillon pour nos filles, un autre cadre de vie parce que bon, là où on vivait, ça s'est dégradé... [...] À Champ sur Marne. Donc... on voulait partir tout en restant proche de la famille. Parce que moi, j'ai toute ma famille ici, donc... on ne voulait pas trop partir loin. Enfin... Favières, on a eu un coup de coeur au départ. Normal, ben, ça nous changeait du béton, hein... c'était la campagne et puis... et puis au final, 71 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale les premières années ont été bien pour moi, au début, hein. Je veux dire, les deux premières années, ça va, je me sentais bien et puis après, non, je ne me sentais plus bien parce que c'était complètement isolé. [...] Donc, au début, c'était sympa et puis après, c'est devenu... après, l'isolement, c'était... même pour les enfants parce que la grande a grandi, et ben il n'y a pas d'activité. Il n'y a rien à faire... et puis c'est désert, hein, parce qu'en fait, les enfants, il n'y en a pas beaucoup dans les rues. De toute façon, il n'y a rien à faire là-bas, ce n'est qu'une rue, donc... HUMM. À PARTIR DE QUAND VOUS AVEZ CHANGE DE POINT DE VUE, FINALEMENT ? Ben, 2 ans après. Ça ne faisait que 2 ans que j'étais sur place et là, j'ai commencé à me dire : « non, ce n'est pas une vie, quoi ». [...] Ben pour moi... moi, peut-être que... moi seule sans enfant, j'y serais restée parce que le calme, tout ça, c'est bien, mais j'ai... mais c'est quand j'ai vue ma fille, la grande grandir... grandir, l'adolescence et elle était là à ne rien faire. Je me suis dit, ben, « elle ne peut pas aller avec ses autres amis », enfin, dans la rue, il n'y avait qu'une amie qui était avec elle au collège, enfin, bon, c'était restreint, mais bon. Ne serait-ce que d'aller au cinéma ou... enfin, faire des activités, des loisirs, des... culturels tout ça... c'est elle qui m'a... j'ai dit : « non, ce n'est pas possible. » [...] Donc, c'est la grande qui m'a... le facteur déclencheur, je me suis dit : « voilà, quoi, si jamais demain je tombe en panne de voiture, alors là, je suis isolée de tout ». » Samia, 42 ans, secrétaire à mi-temps à Favières, en couple (divorcée par ailleurs), 2 filles de 19 et 14 ans, vit à Serris (HLM) depuis 2007, a Îcu à Favières de 2001 à 2007. « C'était drôle parce que j'ai habité pendant 20... pendant plus de 20 ans à Noisiel, donc habituée à avoir tout à portée de main, c'est-à-dire un petit centre commercial, vous prenez 2 stations de RER, vous y êtes... sortir à droite à gauche... vous avez toujours quelque chose à proximité, alors qu'à Gouvernes, vous arrivez, il n'y a quasiment rien, il y a une boulangerie, il y a un garage, il n'y a pas grand-chose, quoi. Donc, ça été un peu difficile et puis, d'être un peu... même si on avait la voiture... enfin, lui, avait la voiture, on était un peu loin de ma grand-mère qui était encore là... et... ben, de sa famille à lui parce que sa famille habitait... enfin, habite toujours à Noisiel. C'est vrai que ce n'était pas... on était plus souvent à Noisiel que chez nous. Ben, chez nous, on ne rentrait que, quasiment que pour dormir, quoi. » Christelle, 34 ans, gardien de la paix à Paris (16e), en couple, 1 fils de 13 ans (issu d'une précédente union et qui vit avec ses grands-parents), vit à Boulogne (HLM) depuis 2009, a Îcu à Gouvernes (location priÎe) de 2004 à 2009. « Oui, 2004, oui, c'est ça. Et là, on a trouÎ... une petite maison... près de chez mes parents, parce que là... Là, en fait, c'est toujours pareil, j'avais enfin accepté de faire le trajet, mais je voulais quand même que ma fille... ne soit pas laissée à l'abandon. Mes parents ont repris le relais, ben, de la garde. Mais c'était une petite maison... qui était loin de tout. Loin des écoles, loin de la gare et c'était la période où les trains avaient toujours un problème. ET C'ETAIT QUOI COMME COMMUNE ? C'était à Pommeuse, enfin... à Saint-Augustin. C'était limite le... 72 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale LE VILLAGE A COTE, QUOI ? Voilà, un village à côté. Ce n'était quand même pas loin de chez mes parents, voilà. Et puis en fait, j'ai dit : « Mais ce n'est pas vrai ! Il n'y a rien, pas de commerce... » Et puis moi... moi, je voulais vivre à la campagne, mais dans une ville, toujours vivre à la campagne, mais dans une ville, avoir tout à côté. [...] Des commerces, mais pas... mais pas de transports, donc... En fait, c'est le mot village qui ne doit pas me plaire. Il faut que ça reste une ville, quand même. COMMENT VOUS LA DEFINISSEZ, LA DIFFERENCE ENTRE VILLAGE ET VILLE ? Pour moi, un village... c'est un petit centre-ville riquiqui où il y a un minimum de commerces... avec des maisons autour. Alors qu'une ville, on a tout ce qu'il faut, on a plusieurs boutiques de Ðtements, on a... une poissonnerie, on a... je ne sais pas... plusieurs coiffeurs, la Poste, des pharmacies. Enfin, on a le choix, quoi. » Sylvie, 47 ans, documentaliste dans une banque à Paris, mariée, 2 enfants de 19 et 13 ans, vit à Coulommiers (location priÎe) depuis 2007, a Îcu à Pommeuse (location priÎe) de 2004 à 2007. L'absence de services, de commerces ou d'activités dans la commune ou à proximité piétonne du domicile (les communes peuvent être étendues) rend difficile la vie exclusivement dans ces communes. La prise de conscience est plus ou moins longue. Elle est d'abord liée à la façon dont les individus avaient anticipé le degré de dépendance du territoire dans lequel ils se sont installés (Sylvie, Christine). Elle est aussi déterminée par la composition du foyer et l'exposition aux affres de la dépendance automobile de ses membres. Samia s'est rendu compte de son « isolement » à l'adolescence de sa fille aînée, cette dernière devant nécessairement être Îhiculée et ne pouvant se déplacer seule faute d'être en âge d'avoir le permis. Ce rôle de parent taxi a été endossé par Samia par peur que sa fille n'utilise des modes de transport comme un Îlo ou un scooter. De fait, tant que les enfants sont petits, vivre dans un territoire dépendant de l'automobile n'est pas tant problématique en dehors de la gestion des horaires de garde et de leur récupération à l'école. Avec l'adolescence et la quête d'autonomie dans les déplacements qui l'accompagne, la gestion des déplacements au sein de la famille tend à devenir plus complexe. Soit les parents à l'image de Samia décident de revenir dans un territoire moins dépendant, soit les enfants eux-mêmes finiront par se relocaliser pour leurs études ou leurs entrées dans la vie active (Abdel, Nastassia, Claire, les enfants de Martine, etc.). La relocalisation est d'autant plus recherchée que ces ménages sont modestes et n'ont pas forcément les moyens d'assurer les déplacements de l'ensemble de la famille. Abdel a grandi dans une fratrie de 10 frères et soeurs, Nastassia a cohabité avec sa soeur et ses 3 demi-soeurs. Par leur taille, ces ménages disposent forcément de revenus modestes. Dans les deux cas, ces ménages sont monoactifs. Avec un salaire et plusieurs aides sociales, ils ont néanmoins un niveau de vie qui est bas compte tenu du fait qu'ils comptent plus de 3 unités de consommation (au moins 4 pour les parents d'Abdel et 3.1 pour les parents de Nastassia). Les deux ont particulièrement mal Îcu leurs adolescences dans des territoires qui supposaient de redoubler d'inventivité pour s'en extraire car leurs parents ne pouvaient les accompagner (la mère d'Abdel n'avait pas le permis et son père travaillait ; la belle-mère de Nastassia ne pouvait se déplacer facilement avec 3 enfants en bas âge et son père travaillait). A l'inverse, au sein de ménages plus petits (couples), le désir de relocalisation face au Îcu de la dépendance est différemment ressenti d'une personne à l'autre. Christelle ne l'a pas éprouÎ immédiatement alors qu'elle n'avait pas le permis car son ami la conduisait partout, entre autres au 73 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale train pour aller travailler. Pour Edwige, qui travaillait à domicile, l'isolement a été difficile à vivre faute d'avoir le permis. Contrairement à Christelle, elle n'avait pas un travail qui lui permettait de sortir de ce territoire où il n'y avait rien. Cependant; se relocaliser dans l'urbain central, y compris lorsqu'on obtient un HLM, n'est pas pour autant toujours synonyme de confort et parfois si l'on perd en dépendance automobile, sur le plan du logement, le mieux n'est pas toujours au rendez-vous. Aujourd'hui, Christelle vit dans un 2 pièces en assez mauvais état avec son conjoint, la soeur de son conjoint et ses enfants. Au final, si les deux versants de la dépendance automobile (absence d'aménités et coûts au sens large des déplacements) motivent chacun des déménagements vers des territoires moins dépendants, ils se complètent et se renforcent l'un l'autre dans le choix de cette mobilité résidentielle. En effet, plusieurs extraits utilisés pour chacun des versants de la dépendance émanaient des mêmes personnes. Le cas de Séverine Y. illustre particulièrement bien le double impact de la dépendance automobile : « Mon mari, travaillant à Quétigny, il fallait trois quarts d'heure pour aller travailler et revenir. Donc... trois quarts d'heure, ça veut dire que, comme il prenait à 8 h, il partait... ben à 7 h 15. Euh... nous, on dormait à 7 h 15. Il rentrait le soir, donc, il finissait à 17 h... il rentrait, il était 18 h. En plus, le soir, ça roulait encore moins bien que le matin. Et puis, ben à 18 h, il n'avait qu'une seule envie, c'était de se poser et puis être calme... être au calme. Et comme moi, j'étais toute la journée enfermée, etc., j'avais qu'une envie quand il rentrait le soir, c'est de sortir. Donc, ben, c'était remonter dans la voiture vite, et puis partir vite, donc... donc, ben voilà, quoi. On restait dans les magasins jusqu'à 20 h... ben, jusqu'à limite la fermeture parce que c'était le seul moment, on va dire, social, de la... de la journée. Et puis, ben, un jour, j'ai dit : « ben, écoutes, c'est bien gentil tout ça, mais il n'y a plus trop de choix, il faut qu'on bouge, il faut bouger parce que ça ne va pas le faire, quoi. » [...] Et on est passé à un appartement qui est très lumineux parce qu'il y a des baies vitrées partout. Très grand, et formidable pour moi, en centre-ville, avec, ben, 2 systèmes de bus, parce que je n'ai pas de permis. Ce qui fait que ben... pas de vie et pas de contact. Je me suis retrouÎ ben... libre de... de pouvoir partir en pleine journée si j'en avais envie. De prendre mes enfants, de prendre le bus et puis d'aller et venir comme je voulais. » Séverine Y, 33 ans, opératrice en PAO, mariée, 2 garçons de 9 et 8 ans, vit à Dijon (HLM) depuis 2006, a Îcu à Quemigny-Poisot (location priÎe) de 2004 à 2006. Précédemment propriétaires d'un pavillon dans le périurbain nantais, Séverine et son mari Grégory (respectivement originaires de Châtellerault et de Normandie, ils se sont rencontrés à Tours) sont arriÎs sur Dijon pour trouver du travail, Grégory étant au chômage et n'arrivant pas à trouver sur Nantes (Séverine était en congé parental à l'époque). Il a été embauché rapidement et a dû chercher un logement en toute urgence. Vivant dans le périurbain nantais qu'ils appréciaient, ils se sont tout naturellement tournés vers un territoire aux caractéristiques similaires à leur arriÎe dans l'aire urbaine dijonnaise. Cependant, ils n'ont pas Îcu les choses de la même façon. Grégory a goûté à la pénibilité des déplacements pointés plus hauts et Séverine a subi de plein fouet l'isolement également décrit auparavant. Ils ont chacun Îcus les deux aspects de la dépendance automobile et 74 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale ces aspects ont renforcé naturellement leur désir rapide de quitter Quemigny-Poisot. Au final, la dépendance automobile est Îcue par l'ensemble du ménage. L'agrégation des préférences exprimées conduit à accélérer ou à ralentir la relocalisation de tout ou partie du ménage (en cas de divorce ou de décohabitation). Tableau 4 : Statuts d'occupation pendant et après la localisation résidentielle périurbaine et dépendante de l'automobile En italique, les personnes rencontrées en Côte-d'Or. Dans le périurbain dépendant de l'automobile Propriétaire Danielle Edwige Locataire Séverine P. (priÎ) Propriétaire Katarzyna (priÎ) Stéphane (priÎ) Fabienne (priÎ) Séverine Y (priÎ/HLM) Ludivine (priÎ/priÎ) Charline (priÎ/priÎ) Après le périurbain dépendant Locataire Christine (priÎ) Laurent (HLM) Agnès (HLM) Samia (HLM) Julien (priÎ) Isabelle (HLM/HLM) Redouane (priÎ/HLM) Claire (priÎ/HLM) Christelle (priÎ/HLM) Laurence L. (priÎ/HLM) Martine (HLM/HLM) Nelly (priÎ/HLM) Sylvie (priÎ/priÎ) Hébergé Total Patricia 8 15 8 1 31 Stéphane (priÎ) Anita (HLM) Laurence B. (priÎ) Abdel E. (priÎ) Julie (HLM) Nastassia (priÎ) 22 Francine Monique 8 Hébergé Tot. 3.2. Le logement social comme accélérateur de relocalisation vers moins de dépendance La relocalisation est d'autant plus rapide quand les ménages rencontrés n'étaient pas propriétaires dans le périurbain dépendant de l'automobile, ce qui est majoritairement le cas des personnes rencontrées dans le cadre du chantier 2. 23 ménages sur 30 rencontrés n'étaient pas propriétaires lorsqu'ils résidaient dans le périurbain dépendant de l'automobile : 15 étaient locataires et 8 hébergés à titre gratuit. Leur capacité à se relocaliser est plus importante que ceux qui étaient propriétaires car les locataires ne sont pas captifs d'une maison et du statut social qui l'accompagne. Elle l'est d'autant plus que ces ménages ont souvent accès par leurs ressources et leur 75 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale employeur à des logements aidés, en HLM. L'effet d'aubaine est donc déterminant et se cumule avec la dépendance automobile pour emporter la décision d'un déménagement vers plus de centralité. Ainsi, sur les 22 ménages devenus locataires après avoir quitté des territoires périurbains dépendants, 13 sont devenus locataires en HLM et 3 ont disposé d'aides de leur employeur pour trouver une location priÎe (cf. Tableau 4 ci-dessus). Le passage en HLM est d'abord motiÎ par la volonté d'avoir une localisation plus centrale ou mieux desservie. Mais ce ne sont pas là les seuls avantages constatés par les ménages qui en ont bénéficié. Le logement est souvent mieux équipé et en meilleur état du fait qu'il soit géré par un bailleur collectif. Le fait de ne plus avoir à gérer en tant que propriétaires ou à ne pas avoir à composer avec un propriétaire particulier pointilleux et peu arrangeant est vu comme un avantage qui vient nourrir le discours justificatif déployé par nos interviewés. D'autres évoquent le gain en termes de loyers qui s'aÏrent moins éleÎs (à nombre identique de m² ou compte tenu d'avantages supplémentaires comme une place réserÎe de stationnement). « Et puis, ben, on a contacté l'OPAC, euh... qui nous a donné le numéro direct du... du responsable, on va dire à qui j'ai... enfin, avec qui j'ai commencé à parler, j'ai fini par craquer au téléphone en disant que ce n'était plus possible, quoi. Et... il m'a trouÎ, enfin, il nous a trouÎ un logement sous 15 jours. Et là, c'était la première fois que Greg visitait un appartement, donc, sans moi, parce que ça, c'était entre midi et deux et il n'avait pas le temps de revenir de me redéposer, machin truc, etc. Il a pris la décision tout seul et puis on ne l'a pas regretté derrière, quoi. Parce que de 60 m², on est passé à un appartement de 100 m². Nettement mieux. » Séverine Y., 33 ans, opératrice en PAO, mariée, 2 garçons de 9 et 8 ans, vit à Dijon (HLM) depuis 2006, a Îcu à Quemigny-Poisot (location priÎe) de 2004 à 2006. « Alors, je paye beaucoup moins que je payais à Maincy, je paye 550 avec parking. D'ACCORD. ET A MAINCY, VOUS PAYIEZ COMBIEN ? Je payais 600... 100 de plus, je crois, 650, et c'était à peu près la même surface, mais je n'avais pas de parking. Il fallait que j'en prenne un... à part, quoi, et... il n'y avait pas autant qui rentre ici, voilà. » Redouane , 27 ans, gardien de la paix à Paris (13e), célibataire, sans enfant, vit à Paris (HLM) depuis 2008, a Îcu à Maincy (location priÎe) de 2005 à 2008. Ces avantages participent indirectement à la décision de se relocaliser vers des territoires moins dépendants. Si l'arriÎe en HLM peut être vue comme une forme de déclassement au sein des classes moyennes (Damon 2011), notons que les personnes concernées ici le perçoivent comme un avantage, une opportunité, notamment à l'heure où le logement pèse de plus en plus dans le budget des ménages (Bigot et al. 2012). Il peut être procuré soit par l'employeur (public comme priÎ), soit par la connaissance d'un réseau social. Ayant principalement habité dans du locatif en général et du locatif HLM en particulier, les ménages ne perçoivent pas le HLM comme un déclassement mais comme un réajustement logique et opportuniste de leur trajectoire résidentielle. Leurs collègues, d'autres membres de leur famille voir leurs parents y vivent ou y ont Îcu. Les ménages sont 76 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale d'autant plus satisfaits d'obtenir ce type de logement que leur accès au logement est de plus en plus difficile, quelle que soit la localisation (cf. Laurence dans le chantier 1). Dès lors que ces logements ne sont pas situés dans des territoires considérés comme inenvisageables (cités, sans transports, etc.), ils peuvent même être perçus comme un signe positif de distinction. En témoignent les discours des individus sur la façon dont ils ont obtenu ces logements : « Et ben écoutez, ce que j'ai fait, j'ai été assez intelligente, j'avais de contacts ici, je connais... je connaissais les gens du parti communiste. Donc... pas plus communiste que le beurre en tartine, ils m'ont dit : « tu prends une carte », j'ai pris une carte et j'ai insisté et on a eu ce logement très vite parce que... par rapport à ma fille qui est handicapée. Il y avait un logement au rez-de-chaussée qui était libre, on nous a demandé si on le voulait, quand on l'a visité, quand on a vu le coin, on dit : « on le prend tout de suite ». Donc, on a refait toutes les démarches que déjà, c'était pareil, ma fille, elle ne pouvait pas travailler à 9 h le matin parce que l'école là-bas ouvrait à 8 h 45, elle ne pouvait pas commencer à 7 h le matin comme moi, parce qu'il fallait qu'elle attende que l'école ouvre. Elle ne pouvait pas faire des heures supplémentaires le soir ou moi je ne pouvais pas en faire, parce qu'il fallait quelqu'un qui les récupère, il n'y avait pas de transport, on était toujours tributaire de quelqu'un. Donc, on s'est dit : « allez hop, qu'est-ce que tu fais, tu restes là-bas, tu ne restes pas là-bas », ben, elle me dit : « écoutes, je fais comme toi », donc, on a atterri ici. » Martine, 61 ans, magasinière au chômage et bientôt à la retraite (ne recherche pas d'emploi), en couple (mais ne vivent pas ensemble), 6 enfants entre 41 et 30 ans, vit avec 2 d'entre eux à Champigny-sur-Marne (HLM) depuis 2004, a Îcu à Maincy (HLM) de 1994 à 2004. « Au bout de 2 ans, moi, j'ai commencé un peu à réfléchir à tout ça. J'en ai parlé à mon exconjoint qui, lui... qui, lui, était bien, parce que lui, il bossait, il était en permanence en déplacement. Il ne voyait pas vraiment comment on vivait, nous, là, toute la semaine. Pendant les vacances, et puis... et puis au fur et à mesure, j'ai dit : « bon, ben, je vais faire une demande de logement », voilà, puisque si je ne prends pas d'initiative, on va rester là, donc... je vais faire une demande de logement et j'ai fait une demande de logement, préfecture et puis ici, après, sur la commune, puisque que j'avais déjà deux soeurs ici, sur la commune. C'était vraiment la ville la plus proche de là où on était. Donc... j'ai fait le... ça a mis... trois ans... trois ans d'attente. Et puis voilà, quoi, quand on a eu l'appartement et puis entre-temps, ça s'est un peu dégradé, les relations avec leur papa, donc, bon... ça fait qu'après, ben, j'ai pris l'appartement seule. » Samia, 42 ans, secrétaire à mi-temps à Favières, en couple (divorcée par ailleurs), 2 filles de 19 et 14 ans, vit à Serris (HLM) depuis 2007, a Îcu à Favières de 2001 à 2007. Redouane, Laurence L, Claire, Christelle ont mobilisé une énergie similaire pour obtenir leurs logements. Entente avec les locataires précédents, connaissance de personnes à la mairie ou aux services d'admission des dossiers, visites sauvages des lieux ou d'un appartement similaire pour se rendre compte de la superficie, etc. sont autant de moyens mis en oeuvre pour choisir son logement social dont l'intérêt premier est d'être localisé dans un territoire moins dépendant de l'automobile, plus proche du lieu de travail et d'aménités. 77 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Réduction de la pénibilité des déplacements et accès à un logement social à proximité d'aménités sont les maîtres mots qui permettent de comprendre pour quelles raisons les individus rencontrés ont choisi de se relocaliser dans des territoires moins dépendants. Ces deux éléments peuvent provoquer un usage plus important en proportion de modes alternatifs à la voiture, comme les transports en commun, le Îlo, la marche, des deux-roues motorisés comme les scooters qui sont finalement peu utilisés dans les territoires dépendants. Ceux amenés à se rendre dans des localisations plus centrales (pour le travail ou les loisirs) utilisaient certes ces modes quand ils étaient dans le périurbain dépendant de l'automobile mais toujours de façon multimodale, c'est-à-dire avec une partie réalisée nécessairement en voiture. L'omniprésence de la voiture et l'isolement qu'elle représente incite donc des ménages modestes à quitter les territoires périurbain dépendant de l'automobile pour élargir le champ des activités possibles à proximité de leur logement et en même temps le champ des opportunités modales qui s'offrent à eux. Toutefois nous allons voir à présent que si les individus aspirent s'affranchir du tout-automobile et quittent donc les territoires qui en sont totalement dépendants, ils n'envisagent cependant pas de renoncer à la voiture et à certains de ses usages. 3.3. Quitter le périurbain dépendant de l'automobile sans renoncer pour autant à la voiture et à ses coûts Au-delà du gain réalisé en termes de logement et de sa localisation, qu'en est-il en termes de déplacements ? Si ces derniers sont facilités, sont-ils nécessairement moins coûteux ? Assiste-t-on à un renoncement à l'automobile ? Précisons que les considérations ci-dessous sont indépendantes de tout statut d'occupation du logement. De fait, les réponses en la matière ne sont pas tranchées. Si on regarde en détail les ménages du chantier 2, ils déclarent pour beaucoup avoir économisé sur le coût du carburant même s'ils reconnaissent également avoir du mal à faire des comparaisons selon l'ancienneté de la localisation périurbaine dépendante de l'automobile. Ils font le plein moins souvent, utilisent plus souvent les transports collectifs de manière exclusive. De même, leurs territoires quotidiens d'activités se sont logiquement réduits. Toutefois, si réduction il y a, le renoncement à l'automobile reste partiel. Tous ceux qui en avaient une auparavant l'ont conserÎe et continuent à l'utiliser. Pour certains comme Samia ou le mari de Sylvie ou le compagnon de Christelle, ils l'utilisent même au quotidien, pour se rendre à leur travail, notamment quand ce dernier implique des lieux de travail variables. Ensuite, la voiture reste essentielle aux yeux des ménages pour l'approvisionnement hebdomadaire comme en témoigne Nelly. Si cette dernière devait systématiquement prendre sa voiture pour faire ses courses lorsqu'elle résidait à Sainte-Colombe, elle continue à l'utiliser encore aujourd'hui : « Bah, j'ai les petits magasins autour mais pour les plus grosses courses c'est en voiture aussi, c'est Leclerc Vitry ou Carrefour Ivry, je l'ai déjà fait à pied pour des bricoles mais c'est souvent en voiture ». La voiture reste le mode déplacement privilégié pour porter des charges lourdes et volumineuses. Elle permet aussi l'accès à des modes d'approvisionnement perçus comme moins coûteux par rapport aux petits commerces locaux. Offre plus en phase avec leurs revenus, les ménages modestes issus du périurbain dépendant de l'automobile continuent alors à utiliser leur voiture pour effectuer leurs 78 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale courses. La voiture reste l'instrument privilégié de la grande distance et la réduction des déplacements hebdomadaires se traduit souvent par des déplacements plus importants le week-end. Moins fatigués par des déplacements hebdomadaires, des déplacements plus liés aux loisirs sont alors envisageables. De plus, pour les ménages dont une partie du réseau est toujours localisé dans les territoires qu'ils ont quittés, la voiture est incontournable pour entretenir ces liens familiaux et amicaux. « A l'époque, l'essence était moins cher. Quand je mets en euro, à l'époque, on payait moins d'un euro. Là on est passé à 1,50. Donc c'était un peu différent [...] C'est plus difficile à comparer [...] Ça me faisait un gros budget essence à l'époque. Puisque maintenant, bon, paradoxalement, j'ai un abonnement pour le bus et j'utilise quand même la voiture. Je viens en voiture deux fois par semaine parce que le mercredi j'emmène mon fils au centre de loisirs. Donc là j'utilise la voiture parce que c'est un peu excentré ». Christine, 44 ans, secrétaire médicale, divorcée, 2 enfants (14 et 9 ans), vit à Dijon (location priÎe), a Îcu jusqu'en 2004 à Francheville (toujours propriétaire avec son mari). « Tous les week-ends on est en campagne de toutes façons, chez des amis. [...] D'une manière générale, on n'est jamais chez nous les week-ends. Parce que la famille habite loin alors on va les voir. Parce que les amis ont aussi déménagé loin. Ça peut faire Sologne, Paris, Bretagne, Grenoble, Chambéry... Bordeaux.... On n'est jamais là. Après nos amis qui sont en campagne à côté de nous, ben pareil, on est tout le temps chez eux l'été. L'hiver ils viennent ici et nous l'été on va chez eux. » Séverine P., 31 ans, assistante de direction à Fontaine-lès-Dijon, mariée, 1 fils de 2 an et demi, vit à Dijon (propriétaire) depuis 2005, a Îcu à Gemeaux (location priÎe) jusqu'en 2004. « D'UN POINT DE VUE FINANCIER, LE DEMENAGEMENT ? C'est pareil [elle réfléchit], je dirais que c'est pareil. Ici je paye 400 avec les aides, et là-bas je payais à peu près pareil parce que c'était plus petit à St Colombe, c'était un deux pièces mais comme on avait deux salaires, que là je suis toute seule mais j'ai les aides donc ça compense. ET APRES SUR LES AUTRES DEPENSES ? Bah là-bas, y avait plus de dépenses voitures, c'était au moins un plein, peut-être pas pour la semaine mais presque que ici c'est un plein pour 15 jours. A Part quand je descends évidemment pour le week-end là-bas, mais logiquement, un plein me fait plus longtemps ici car j'ai plus de transport. Je me sers moins de la voiture que là-bas non. C'est toujours la voiture car les trains il y en a pas beaucoup euh. » Nelly, 26 ans, secrétaire en intérim, célibataire, 1 fils de 14 mois, vit à Ivry-sur-Seine (HLM) depuis 2010, a Îcu à Sainte-Colombe (location priÎe) de 2005 à 2008. « Euh... il a explosé, mon budget voiture parce que.... déjà, j'en ai acheté une nouvelle et le 79 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale truc, c'est que.... et euh... c'est... par mois, je dirais... par mois... Ben, disons que ça va tout contrebalancer, parce que du coup, je ne fais plus de petites distances au quotidien, donc, du coup ça... ça a contrebalancé, je dirais que c'est... oui... c'est 150, 200 . PAR MOIS ? Oui, parce qu'en fait, c'est plus des longues distances. Avant, les... les petites distances quotidiennes me fatiguaient, donc du coup, je ne faisais pas des longues distances. Mais étant donné que je prends les transports, je me dis, bon, je me fais plaisir de l'autre côté puisque je ne fais pas tous les petits trajets aux quotidiens, quoi. TOUT CONFONDU, LE BUDGET VOITURE, IL EST PLUS ELEVE MAINTENANT ? C'est plus éleÎ. C'est plus éleÎ, oui. C'est dû 500, 550 , voilà. Avec... parce que vous ne m'avez pas dit les remboursements et tout ça, du coup, j'englobe ça et voilà. » Redouane , 27 ans, gardien de la paix à Paris (13e), célibataire, sans enfant, vit à Paris (HLM) depuis 2008, a Îcy à Maincy (location priÎe) de 2005 à 2008. Pour toutes ces raisons (non exhaustives), si le budget déplacement tend à diminuer au quotidien, la diminution n'est pas toujours drastique. Dans plusieurs cas, ce budget peut même augmenter : Redouane, qui a réduit ses navettes, a acheté une grosse cylindrée qui lui coûte cher (crédit, assurance, consommation, etc.). Tous ces exemples montrent que, si les ménages modestes vivent dans des territoires moins dépendants de l'automobile, moins coûteux au quotidien du point de vue de la mobilité, ces derniers ne renoncent pas définitivement à la voiture et conservent donc une partie des coûts fixes qui y sont associés : achat, assurances, une part incompressible de carburant, etc. La réduction des distances peut même provoquer un accroissement de la mobilité autonome en ayant recours à d'autres modes individuels motorisés comme les deux-roues (moto, scooter). Dans ce cas, les ménages ne renoncent pas à une mobilité autonome en changeant de territoires, ils renoncent juste à une voiture, pour éviter la congestion ou contourner l'absence de permis de conduire par exemple. Là encore, le calcul économique sur les gains d'une localisation moins dépendante n'est alors pas évident à réaliser. Enfin, si les ménages modestes perdent en pénibilité de déplacement, ils ont aussi plus d'opportunités pour sortir qu'ils n'avaient auparavant, ce qui n'est pas sans conséquence sur leurs dépenses dans d'autres postes que la mobilité. Plusieurs l'ont constaté telles Christine ou Laurence B. Certes plus locales, les activités et donc les déplacements n'en sont pas moins nombreux. L'effet de substitution peut donc avoir des conséquences négatives sur le niveau de vie des ménages et amènent à reconsidérer l'avantage économique d'une relocalisation vers plus d'urbanité des ménages modestes. Ce qu'ils gagnent d'un côté, ils peuvent être amenés à le perdre de l'autre sans pourtant renoncer à des déplacements automobiles ou motorisés individuels. En somme, en termes de déplacements, quitter le périurbain dépendant de l'automobile ne s'accompagne pas nécessairement d'un renoncement à l'automobile mais plutôt à un abandon du tout-automobile. Pour les ménages modestes, ce choix revient à accroître les opportunités d'alternatives modales à la voiture sans pour autant renoncer à un instrument qu'ils peuvent considérer comme étant indispensable et chargé d'un pouvoir symbolique. On pensera notamment à 80 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Redouane qui s'est acheté une grosse cylindrée. Toutefois, en cas d'aléas (panne, accident, coûts divers), les ménages rencontrés et leurs membres (parents et enfants) ne se retrouveront pas ou plus prisonniers d'un territoire dont ils ne peuvent s'échapper. 81 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale En somme, pour les ménages ayant quitté des territoires périurbains dépendants de l'automobile au profit de territoires moins dépendants, nous pouvons noter que plusieurs effet jouent dans le choix d'une relocalisation moins dépendante : · · Un effet HLM. La possibilité d'avoir un logement inférieur au prix du marché est un facteur déclencheur du départ de ces ménages de territoires dépendants de l'automobile, Un effet de statut matrimonial et de cycle de vie. Les motifs associés conduisent à quitter le périurbain (célibataire et divorcé, orientation sexuelle, jeunes couples ayant des activités de jeunes sans enfants plus facile en ville). Un effet d'hétérogamie résidentielle et de discordance des cultures habitants au sein des couples. Ces différences peuvent être un facteur de séparation, mais surtout impliquent ensuite une relocalisation vers l'urbain du plus citadin des deux. Un effet de culture habitante de la centralité (Paris, Petites couronne ou pole important de grande banlieues) qui joue à plein pour quitter une localisation résidentielle périurbaine dépendante qui est parfois le fruit du hasard ou d'une circonstance spécifique (centre de formation en lointaine banlieue). · · Pour l'essentiel des enquêtés du chantier 2, un Îcu négatif de la dépendance automobile dans le périurbain lointain a incontestablement joué dans leur décision de déménager vers plus de centralité et d'urbanité. Cependant, si la dépendance automobile est un facteur jouant à plein, la condition est nécessaire mais non suffisante. Pour qu'il y ait départ, il faut : une opportunité attrayante de logement, une absence de réseau périurbain et un réseau urbain, un conjoint de culture habitante citadine ou urbaine, une culture habitante d'Ego citadine ou urbaine, un statut matrimonial ou une situation affective qui pousse à s'orienter vers la ville (célibataire, divorcée, homo...), etc. Si les natifs du périurbain (ou assimilés) aspirent à vivre dans des espaces plus centraux et moins dépendants et sont plus conscients que les autres de la dépendance à l'automobile, leur localisation actuelle correspond aussi à une phase de leur cycle de vie plus favorable à la vie citadine. Cependant, leur culture habitante et leur socialisation primaire à la dépendance automobile sont susceptibles de jouer en faveur d'un retour vers le périurbain (peut-être pas aussi dépendant) à terme. Beaucoup ne sont pas dans le rejet du modèle d'habiter périurbain et la géographie du marché immobilier les incitera à cette démarche pour accéder à leur tour à la propriété pavillonnaire. Enfin, du point de vue des ressources économiques des enquêtés, si une relocalisation plus urbaine permet à coup sûr de réduire la pénibilité des déplacements et souvent les frais de carburant ou le nombre de voiture, elle ne se traduit pas toujours, si l'on considère l'ensemble du budget du ménage, par une amélioration du niveau de vie (commerces plus chers, plus de tentations notamment pour sortir et se divertir, parfois dépenses automobiles constante, voire plus éleÎes). Par ailleurs, malgré des opportunités de logements sociaux, la plus grande centralité implique des logements parfois exigus (surpopulation et/ou encombrement excessif du logement). 82 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Partie 3 : La construction socio-spatiale de la dépendance automobile ? Comparaisons entre l'aire urbaine dijonnaise et la Seine-et-Marne Les entretiens effectués dans le cadre du chantier 1 et du chantier 2 ont été réalisés auprès de ménages vivant ou ayant Îcu dans des territoires dépendants de l'automobile. Pour mieux cerner la spécificité culturelle ou territoriale des comportements, ces ménages ont été choisis au sein de territoires géographiquement distincts : l'aire urbaine dijonnaise et la Seine-et-Marne. Ces zones géographiques diffèrent par leurs caractéristiques socio-spatiales, leurs aménagements, leurs historiques économiques, etc. A degré similaire de dépendance automobile, des ménages issus d'une même catégorie (les modestes) vivant dans des territoires différents n'ont pas forcément le même mode d'habiter, le même rapport à l'automobile et donc le même Îcu de la dépendance automobile périurbaine. Si des traits similaires se dégagent et ont largement été étudiés dans les précédentes parties, quelques spécificités locales méritent d'être examinées plus en détail. Si elles présentent des degrés identiques de dépendance à l'automobile, les communes des ménages rencontrés n'ont pas le même éloignement par rapport à l'urbain ou au centre d'une zone à l'autre (cf. Tableau 5 : ci-dessous). Ainsi, dans le chantier 1 (les ménages qui vivent toujours dans le périurbain dépendant), les ménages dijonnais sont situés plus près du centre de Dijon que les ménages seine-et-marnais du centre de Paris. Si la Seine-et-Marne se caractérise par la présence de petits pôles secondaires (Coulommiers, Provins), les ménages seine-et-marnais sont néanmoins plus éloignés des aménités urbaines que leurs homologues dijonnais. Dans le chantier 2 (les ménages relocalisés dans des territoires moins dépendants), lorsque les ménages vivaient dans le périurbain dépendant, le même constat peut être opéré. Ce résultat est logique à double titre : les ménages du chantier 2 ont été choisis pour avoir Îcu dans des communes ayant les mêmes caractéristiques que celles des ménages du chantier 1, et donc, a priori, des degrés similaires d'éloignement au sein de chaque zone. On notera cependant que les écarts étaient moins importants qu'ils ne le sont dans le chantier 1 que ce soit à Dijon ou en Seine-etMarne. Une des hypothèses envisageables seraient que les ménages plus âgés qui se sont installés dans le périurbain avaient moins loin à aller que les générations présentes pour accéder à un logement abordable dans le périurbain. Pour les plus jeunes de l'échantillon, le premier argument tient dans la mesure où ce sont alors leurs parents qui ont fait un tel choix. Enfin, pour les plus jeunes dans leur ensemble, leur statut d'occupation temporaire (location, hébergement) les rend plus aptes à se relocaliser vers des territoires plus denses 83 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale où l'offre de logements est plus conséquente et où les aménités correspondent mieux à leur âge et aux activités qu'il suppose. les différences d'éloignement entre les 2 zones tiennent principalement à l'importance économique et au périmètre des aires urbaines étudiées. La Seine-et-Marne fait partie de la plus grande aire urbaine hexagonale, celle de Paris, alors que l'aire urbaine de Dijon est plus modeste par composition. Tableau 5 : Eloignement des ménages interviewées par rapport au centre et à leurs lieux de travail (moyennes des distances minimales entre chaque lieu calculées via Googlemap) Chantier 1 Distance Distance au au centre Distance D-T centre 8 avant (km) 9 (km) (km) 10 Aire urbaine de Dijon Seine-etMarne Ensemble 26 73 52 13 39 29 20 50 38 Chantier 2 7 Distance Distance Variation Variation D-T avant D-T après distance D-T (%) 11 12 (km) (km) (km) 21 41 32 5 10 8 -15.5 -30.8 -24,2 -72% -64% -68% En plus de l'éloignement par rapport au centre, peut être considéré l'éloignement par rapport au lieu de travail, ce dernier étant fréquenté plus quotidiennement et systématiquement. Là encore, dans les 2 chantiers, la vie périurbaine à proximité de Dijon suppose un éloignement moindre vis-à-vis de son lieu de travail que la vie dans le périurbain seine-et-marnais. Dans le chantier 2, cette moindre distance entre travail et domicile à Dijon qu'en région parisienne est valable tant dans la localisation 7 Dans le cadre du chantier 2, ont seulement été pris en compte les individus du ménage qui ont effectivement résidés une commune périurbaine dépendante de l'automobile. Ainsi Claire a Îcu seule ou avec ses parents à Egreville et vit actuellement à Paris. Son conjoint est originaire de petite couronne et n'a jamais Îcu dans un territoire périurbain dépendant de l'automobile. Il n'est donc pas pris en compte ici. Moyenne des distances effectuées par les individus interrogés entre leur commune de résidence et le centre de l'aire urbaine dont leur commune de résidence dépend. Moyenne des distances effectuées par les individus interrogés entre leur commune de résidence et leur lieu de travail. Pour les travailleurs mobiles, la localisation de leur entreprise a été retenue. 8 9 Moyenne des distances effectuées par les individus interrogés entre leur précédente commune périurbaine de résidence et le centre de l'aire urbaine dont leur ancienne commune de résidence dépend. Moyenne des distances effectuées par les individus interrogés entre leur précédente commune périurbaine de résidence et leur lieu de travail à l'époque où ils résidaient dans le périurbain. Pour les actifs inoccupés à l'époque, le lieu actuel de travail a été pris en compte. 12 11 10 Moyenne des distances effectuées par les individus interrogés entre leur commune actuelle de résidence et leur lieu de travail actuel. 84 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale résidentielle périurbaine dépendante qu'après installation dans des territoires moins dépendants. Dans cet échantillon, que ce soit en Seine-et-Marne ou en Côte-d'Or, quitter la dépendance automobile s'accompagne d'une réduction drastique des distances entre domicile et travail. Toutefois cette réduction est plus importante en proportion dans l'aire urbaine dijonnaise qu'en Seine-et-Marne. De multiples considérations comme l'urbanisation, le prix du foncier ou la localisation des emplois expliqueraient ces différences d'éloignements (et de rapprochement) que connaissent les ménages périurbains. Cependant, ces différences se traduisent par des comportements de mobilités et des rapports à l'urbain qui sont distincts d'une zone étudiée à l'autre. Même s'ils ne peuvent se passer de la voiture pour s'y rendre, les ménages dijonnais semblent donc, à degré égal de dépendance automobile, moins éloignés d'aménités que leurs homologues seine-etmarnais. En termes de Îcu au quotidien, cette différence n'est pas neutre. De fait, la pénibilité des déplacements est moins ressentie en Bourgogne qu'en Île-de-France. Si plusieurs ménages franciliens se sont plaints de leurs conditions de déplacements, les ménages dijonnais l'ont rarement fait. Audelà d'un éloignement moindre et de déplacements moins chronophages, plusieurs facteurs expliquent ces différences dont le plus central est la congestion. La congestion apparaît moindre à Dijon qu'en Île-de-France. Plusieurs ménages franciliens ont eu occasion de se plaindre du niveau d'encombrement des structures routières : 1. Des déplacements plus pénibles en Île-de-France, sources d'une plus grande propension à utiliser les transports collectifs « Enfin, ça va au niveau de la route, je pars d'ici à 5 heures... je pars d'ici à 5 heures. Ça allait. C'est vrai que la nationale vers Pontault, tout ça, c'est un peu bouché. Mais quand je commence à 8 heures, 8 heures 45, là, après, je mettais une heure pour y aller, quoi, en voiture. [...] parce qu'au début, c'était super dur... quand je rentrais très tôt je... ça allait très vite, mais quand je tombais dans les bouchons à 8 h 30 et qu'on n'avançait pas sur la nationale...» Edwige, 34 ans, assistante puéricultrice à Villiers-sur-Marne en congé parental, mariée, 2 enfants de 7 ans et 1 an, propriétaire à Saint-Brice depuis 2009. « J'avais des horaires, quand même, qui étaient... qui étaient... qui n'étaient pas... on peut dire, qui n'étaient pas surveillés, quoi. Je veux dire... voilà. Théoriquement, c'était 8 heures. Moi, même avec la voiture, j'arrivais, rarement à 8 heures ! PARCE QU'AVEC LA VOITURE, ÇA VOUS PRENAIT COMBIEN DE TEMPS, A PEU PRES ? D'ici, je mettais... 1 h 30. Pour aller à Paris ! Ben, le matin, arriÎ après... après... comment ça s'appelle... Leroy Merlin, là... Lognes ! Après Lognes, ça y est, c'est le gros bordel ! ça bouchonne ! Ah oui ! De là, pour rentrer dans Paris, après. Ouille, ouille ! Ah ! Après Lognes, c'était foutu ! Ça y est ! Alors, moi, quand j'avais des réunions ou des choses comme ça avec 85 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale des chargés d'affaires, que je devais, vraiment, être à 8 heures, sur Paris... Je partais, d'ici... Bon, de Chelles... Parce qu'entre ici et Chelles, il y a quoi... il y a 20 minutes de différence ! Donc... Vous voyez, que ce soit d'ici ou de Chelles, je partais... Il devait être quoi, 6 heures ­ 6 h 30 ? Oh, oui, je décollais à cette heure-là, hein. Pas loin de 5 h 45... même, actuellement...5 h 45 ­ 5 h 40... » Miguel, 37 ans, plombier sur Paris, marié, 2 enfants de 10 et 7 ans, propriétaire à Pommeuse depuis 2011. Ces manifestations sont d'autant plus vives quand les ménages habitent dans des zones où le trajet le plus rapide suppose de passer par une barrière de péage comme Pommeuse ou Guérard. Pour ces communes, l'itinéraire le plus rapide en venant de Paris est de sortir à Crécy-la-Chapelle. Beaucoup de ménages préfèrent alors utiliser le réseau secondaire gratuit plutôt que le réseau autoroutier payant à l'image de Laurence qui déclare « 1,80 le matin et 1,80 le soir. À la fin du mois, ça fait de trop ». Pour continuer sur l'exemple de Miguel, ce dernier passe par le péage quand il dispose de la voiture de service et qu'il sait qu'il se fera rembourser les tickets en note de frais. Sinon, il n'emprunte pas le péage et passe par Villeneuve-le-Comte, la dernière sortie avant le péage, puis emprunte la nationale comme « pratiquement tout le monde, enfin les gens qui habitent ici et qui prennent l'A4, passent par là [Villeneuve-le-Comte]. Exceptionnellement on peut prendre le péage, enfin, je ne sais pas, bon, c'est une route qui est un peu dangereuse... en plein hiver quand il y a du verglas parce que... bon, moi, j'appelle ça la route de montagne parce qu'elle est très sinueuse, elle descend beaucoup donc, bon, c'est vrai quand c'est verglacé, on préfère prendre quand même le péage. » (Laurence 13, 40 ans, secrétaire à Noisy-le-Grand, mariée, 1 fils de 10 ans, vit chez son mari qui est propriétaire à Guérard depuis 1981). Ce report peut être générateur d'un sousdimensionnement des infrastructures locales et leur congestion fréquente aux heures de pointe comme ont pu en témoigner des élus locaux (le maire et un de ses adjoints) de la mairie de Crèvecoeur-en-Brie, commune située entre la sortie de Villeneuve-le-Comte (A4), la station RER de Tournan et la gare de Marles-en-Brie. Pour éviter la pénibilité associée aux déplacements automobiles qui semble plus fréquente en Île-deFrance, les ménages vivant ou ayant Îcu dans le périurbain francilien ont plus tendance à utiliser les transports collectifs que ceux qui vivent ou ont Îcu aux alentours de Dijon. En Seine-et-Marne, l'utilisation des transports collectifs est, au quotidien, plus importante qu'à Dijon. Dans le chantier 1, sur les 38 adultes qui composent les ménages rencontrées, 6 d'entre eux utilisent les transports collectifs pour se rendre sur leur lieu de travail et ils vivent tous en Île-de-France. En périphérie de Dijon, en dehors des enfants, aucun adulte n'utilise les transports collectifs pour aller travailler. Pour les déplacements de loisirs, le constat est similaire. Les ménages franciliens qui vont sur Paris ou dans des centres commerciaux périphériques (Val d'Europe par exemple) utilisent de temps à autre les transports collectifs pour s'y rendre. Les ménages en Côte-d'Or utilisent principalement la voiture pour se rendre à Dijon ou dans ses grands centres commerciaux (Chevigny-St Sauveur ou La Toison d'Or) alors qu'ils ont pourtant des transports collectifs à proximité (une gare TER à Genlis par exemple) qui leur permettrait des reports analogues à ceux pratiqués par les ménages seine-etmarnais. L'utilisation plus importante des transports collectifs en Île-de-France tient au fait que le Laurence n'a pas été comptabilité parmi les ménages rencontrés dans le cadre du chantier 1 car les revenus de son ménage sont trop éleÎs pour qu'il soit considéré comme modeste. Néanmoins, son témoignage est utilisé ici pour montrer les choix d'itinéraires effectués dans cette zone. 13 86 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale réseau est plus développé. Il évite la pénibilité associée à un déplacement en voiture, les encombrements, la difficulté à se garer et permet aussi de réduire les coûts financiers liés à des déplacements exclusivement en automobile (prise en charge des frais de transports, moindre usure de la voiture, etc.) : « Humm... ça dépend, des fois on y va en voiture, des fois, on y va... grâce au ticket Jeune, là, du train-bus. Donc, le Seine-et-Marne express. Et après, on prend le RER A. LE TICKET JEUNE ? Le ticket Jeune, en fait, c'est... un ticket qui... qui vaut 7 . C'est... jusqu'à 25 ans, en fait. Et on est illimité, en fait. C'est valable une journée... avec transports illimités. Du coup, si, après, on a envie d'aller sur Paris... et que... il n'y a pas besoin de rajouter, quoi, le ticket, il est toujours valable. ET QU'EST-CE QUI FAIT QUE VOUS CHOISISSEZ UN COUP LA VOITURE OU UN COUP LE TICKET JEUNE ? Ben, ça dépend. Si... parce qu'en fait, en voiture, on met beaucoup moins de temps, on gagne 40 minutes pour aller jusqu'au Val d'Europe, alors que... je veux dire, le bus qui met déjà une heure et quart pour aller jusqu'à... jusqu'à la gare ! Après, il faut prendre le RER. Donc, je pense qu'on en a pour 1 h 30, 1 h 40 pour aller au Val d'Europe. Du coup, quand on a le temps, on prend le bus. Sinon, quand on a envie d'aller vite, on prend la voiture. » Mélanie, 21 ans, aide-soignante à Provins, célibataire, vit à Sainte-Colombe (locataire). « JE NE VOUS AI PAS DEMANDE, ALLER AU TRAVAIL EN VOITURE, ÇA NE SERAIT PAS... ? Impossible. IMPOSSIBLE ? Oui, oui, impossible, 8 heures au travail. Commencer à 8 heures à Paris, il faudrait que je parte d'ici quand même à 6 heures, hein. Aller travailler aux Invalides, ah, ah, j'ai essayé une fois, quand j'étais à Ballard, non, impossible, si c'est pour rentrer le soir, partir à 17 heures des Invalides et rentrer ici à 21 heures, 22 heures. Parce que c'est en plein, Paris. Financièrement parlant, en plus, ce n'est pas intéressant. Non, après, non, pour moi, ce n'est pas possible. VOUS PREFEREZ PRENDRE LE TRAIN ? Oui, oui. Moins de stress, je me pose et voilà. Au moins, on peut travailler dans le tain, on peut se reposer. C'est peut-être 2 heures, comme je vous dis, après, c'est vrai, c'est une habitude, c'est 2 heures de transport, en plus, les Invalides, c'est un terminus, au moins, on peut se reposer, on est sûr, pas de soucis, on peut s'occuper si on veut. On a quand même 1 h 20 à tuer réellement. Ce n'est pas comme faire... vous voyez 20 minutes de ci, 20 minutes de ça. On a le temps de ne rien faire, là, au moins, j'ai le temps de m'occuper, de me reposer, dormir, même. » Lionel, 34 ans, marié, militaire sur Paris, 2 enfants de 4 ans et 1 an, vit à Saint-Brice (propriétaire) depuis 2009, vivait précédemment au Plessis-Trévise (propriétaire). 87 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale « Déjà, le temps... déjà, les embouteillages... l'embouteillage, on l'a... on l'a déjà à 15... à 20 km de Paris. ArriÎ sur place au travail, toutes les places non-payantes sont occupées. Et puis, il y a aussi l'usure de la voiture. Je mettrais beaucoup plus de temps en voiture que... en train. » Roger, 54 ans, marié, employé de banque sur Paris, 3 enfants de 23, 20 et 18 ans, propriétaire à Saint-Loup de Naud depuis 1996, vivait à Clichy-sous-Bois auparavant (propriétaire). Evidemment l'utilisation des transports collectifs est dépendante de la localisation et des horaires des activités réalisées, plus particulièrement lorsqu'il s'agit du travail. Pour peu que ce dernier soit mobile ou variable ou qu'il nécessite de réaliser une chaîne modale complexe (plus de 2 changements), la voiture lui ai préféré comme peuvent en témoigner Bernadette, Solveig ou le mari de Karine. Ce dernier est technicien SAV et est amené à se déplacer sur toute la France avec son matériel. Il peut donc difficilement se passer de son Îhicule qu'il considère comme un outil de travail. Bernadette a enchaîné plusieurs CDD et missions d'intérim dans des lieux différents, plus ou moins centraux (quartier de la Bastille à Paris, Saint-Maur des Fossés, etc.). Depuis Saints, où elle réside, ces lieux ne bénéficiaient pas de la même accessibilité en transports collectifs et ce qui l'a parfois amené à privilégié la voiture comme mode exclusif. Enfin, Solveig utilisait la voiture pour effectuer tous les jours le trajet entre Villiers-sur-Marne où elle travaillait et Saint-Brice où elle réside. Bien que pénible car passant par un axe encombré (l'A104), ses déplacements automobiles étaient deux fois moins chronophages que des déplacements en transports collectifs qui auraient nécessité un « détour » par Paris. Si l'usage des transports collectifs est subordonné à plusieurs contraintes, ces derniers n'en restent pas moins une alternative viable compte tenu des difficultés à circuler en voiture. En Côte-d'Or, la seule difficulté à stationner que les ménages rencontrent est dans Dijon même. Mais, elle est vite contournée par un stationnement dans les zones mieux dotées comme le parc de la Colombière au sud de la ville et une fin de parcours à pied. Comme ces déplacements sont principalement des déplacements de loisir, ils facilitent un usage plus important de la marche à pied en tant que mode et tant qu'activité en soi. On notera également que lorsque les entretiens ont été réalisés à Dijon, les travaux d'installation de deux lignes de tramway empêchaient l'accès au centre-ville et favorisaient ces pratiques de report vers la marche. Quand les individus choisissent d'utiliser les transports collectifs pour réduire la pénibilité Îcue des déplacements liée à la congestion, ce report modal peut être aussi synonyme de tensions. Compte tenu des distances à parcourir, de la centralité des lieux recherchés et des subventions accordées dans la prise en charge des frais de transport, les personnes qui vivent en Seine-et-Marne ont tendance à prendre les transports collectifs quand ils cherchent à se rendre à Paris ou en proche banlieue. Pour ceux qui y travaillent de manière fixe, leur usage est même quotidien. Toutefois, outre les grèves et les accidents divers, ils restent dépendants de l'automobile qui est encore utilisée pour se rendre à l'arrêt le plus proche. Du coup, les ménages considèrent qu'ils doivent faire face à une autre forme de congestion : celle nécessaire pour atteindre l'arrêt de RER ou de train et se garer à proximité. Ainsi, à Crèvecoeur-en-Brie, Olivier, le mari de Solveig, prenait le RER E à Tournan-en-Brie, le terminus, pour aller à son travail dans Paris. Mais, il a dû se résoudre à prendre le Transilien qui passe à Marles-en-Brie, un arrêt plus proche de leur domicile mais desservi moins souvent : 88 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale « Bon, il prenait le RER, après il allait jusqu'à Tournan et il prenait le RER E. Mais il y a un problème, c'est qu'il y a de moins en moins de place pour se garer, parce qu'il y a de plus en plus de personnes qui habitent la région, donc, ben les gares sont prises d'assaut, il n'y a plus de place pour se garer. Et quand ils ont ajouté des trains, ils n'ont pas forcément adapté les constructions en conséquence. Donc, le parking de Tournan, il est pris d'assaut, les rues aux alentours, elles sont prises d'assaut. D'ailleurs, ils ont mis de plus en plus de zones bleues et il y a de plus en plus de monde de la gendarmerie pour verbaliser. Donc, les gens ont reculé. Mais le problème, c'est que nous, on est à la station juste après et c'est pareil, c'est gaÎ. Et là, je vois, le mercredi, ça va parce qu'il y a beaucoup de gens qui ne travaillent pas le mercredi, mais quand il prend le train de 9 h en semaine, il n'y a pas toujours des places pour pouvoir se garer sur le parking. Les gens se garent sur les arrêts de bus, les gens se garent un peu là où ils peuvent, en fait, de façon à ne pas trop gêner le trafic mais bon, c'est un problème épineux en ce moment. » Ainsi, s'ils utilisent plus les transports collectifs, les ménages franciliens rencontrés font toujours face aux désagréments de la dépendance automobile dans la mesure où ils utilisent ce mode pour aller utiliser les transports collectifs, majoritairement le train et le RER. Seuls quelques cas (Abdel, Patrick) n'ont pas à utiliser la voiture dans la mesure où la gare Transilien, seul service de leur commune, est accessible à pied depuis chez eux. Les bus ou des modes de transports actifs (Îlo, marche) n'arrivent pas à se substituer à la voiture pour les derniers kilomètres à parcourir jusqu'au domicile. Pour le bus, l'offre présente est faible et adressée prioritairement à destination des scolaires. Des systèmes de transport à la demande existent (Mobiplaine à Longchamp et les autres communes de la communauté de la Plaine Dijonnaise, Proxybus à Crèvecoeur-en-Brie et dans les autres communes de la communauté du Val Bréon) mais ils sont méconnus et ciblent prioritairement les personnes âgées ou les étudiants, c'est-à-dire des personnes qui ne peuvent utiliser la voiture. Pour les modes de transports plus actifs, les conditions météorologiques, le manque d'équipements sécurisés (pistes cyclables par exemple) et les distances à parcourir freinent leur utilisation au quotidien. De fait, Îlo et marche sont essentiellement associés à des pratiques de loisirs effectuées le week-end. Le constat est le même sur les deux zones géographiques. Au final, en Île-de-France, l'alternative partielle à la voiture repose sur l'usage de modes de transports collectifs, principalement ferrés. En effet, à proximité de Dijon comme en Seine-et-Marne, les ménages que nous avons interviewés n'utilisent pas ou peu les bus qui desservent pourtant l'ensemble des communes parcourues. Les bus ou autocars restent le mode privilégié des plus jeunes, à travers le ramassage scolaire ou dans l'utilisation de transport à la demande (le Mobiplaine à Longchamp et ses alentours). En Côte-d'Or, les transports collectifs sont peu utilisés par les ménages dans les territoires périurbains dépendants de l'automobile, même à niveau d'équipement équivalent (ou presque). Par contre, nous allons voir que les ménages dijonnais se singularisent par un recours plus systématique au covoiturage qui n'existe pas ou peu chez les ménages franciliens. 89 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Plutôt que de renoncer à la voiture, l'alternative consiste à optimiser ses usages et son taux de remplissage en favorisant le covoiturage. De nombreuses initiatives tendent à le développer. Ainsi, depuis 2009, le département de Seine-et-Marne a mis en place un site internet dédié au covoiturage 14. En Côte-d'Or, le Conseil Général a aménagé 26 aires de covoiturage, dont 12 dans l'aire urbaine dijonnaise, et le Conseil Régional de Bourgogne a mis en place un onglet covoiturage sur sa centrale d'information multimodale en ligne 15. Au-delà de ses efforts et des autres incitations émanant des élus locaux, dans nos échantillons, le covoiturage est plus répandu au sein des ménages de Dijon et ses alentours que chez les ménages seine-et-marnais. L'explication tient, d'après nous, aux catégories de populations rencontrées et à l'histoire socio-économique des territoires investigués. En Seine-et-Marne, par rapport à la composition totale de nos échantillons, les employés sont surreprésentés. A Dijon, ce sont plutôt les ouvriers, notamment dans le chantier 1, comme en témoignent les tableaux ci-dessous : Tableau 6 : Professions des actifs dans les ménages des chantiers 1 et 2 Chantier 1 Aire urbaine de Dijon Seine-et-Marne Total général Chantier 2 Aire urbaine de Dijon Seine-et-Marne Total général Cadres et PI 31,6% 20,0% 25,0% Artisans et cadres 13,3% 13,3% 13,3% Employés 15,8% 52,0% 36,4% PI 33,3% 40,0% 37,8% Ouvriers 52,6% 28,0% 38,6% Employés 26,7% 33,3% 31,1% Ouvriers 26,7% 13,3% 17,8% Total général 100,0% 100,0% 100,0% Total général 100,0% 100,0% 100,0% Effectifs 19 25 44 Effectifs 15 30 45 2. Recourir au covoiturage : la force de l'ancrage dans des réseaux locaux dans le sud-est dijonnais En se concentrant sur le chantier 1, c'est-à-dire sur les ménages qui vivent encore dans les territoires périurbains dépendants de l'automobile, la pratique du covoiturage renvoie avant tout au fait que les personnes rencontrées sont ou ont été ouvrièr(e)s au sein de grands sites industriels situés à Genlis ou dans la périphérie est de Dijon. Avec les organisations en trois ou quatre huit, ces personnes disposent ou disposaient d'horaires communs avec leurs collègues qui habitent dans les mêmes communes ou des communes aux alentours. Par la possibilité de se synchroniser temporellement et, auparavant, sous l'impulsion du patron, le covoiturage est devenu une pratique institutionnalisée : « Parce que moi, l'essence... il me payait l'essence, le patron. IL VOUS PAYAIT L'ESSENCE ? 14 http://www.covoiturage77.fr/ http://www.covoiturage.mobigo-bourgogne.com/ 15 90 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Oui, j'avais l'essence pour ma semaine et pour mon week-end. Ça ne sortait pas de mon portefeuille. Ben, j'avais fait le calcul de ce qui me donnait, j'avais mon essence pour ma semaine et pour mon week-end. Et, si on n'était pas avec notre propre voiture, que c'était un copain qui nous emmenait, si le copain habitait le pays avant vous, il... il nous prenait, il nous payait pour qu'on lui donne en contrepartie. C'était que ça, c'était calculé, c'était dedans. Il nous demandait, bon, ben... « Vous êtes avec votre propre voiture ? », on disait « Oui ». Mais il le savait, ils ne sont pas cons, ou alors, « Vous vous faites emmener par qui ? ». Bon, il le savait, c'était noté « donc, c'est machin qui vous emmène », tac, « on vous donne tant par mois ». Alors, moi je vois, ça faisait un peu près, à cette époque-là en francs, je donnais 100 francs par mois. » Bernard, 60, ouvrier à la retraite qui a toujours travaillé à Genlis, 2 fils de 26 et 20 ans (le plus jeune est encore à sa charge), propriétaire à Longchamp depuis 1985. « ET VOUS FAISIEZ COMMENT, POUR Y ALLER ? Ben, avec quelqu'un de Longchamp. Il y a beaucoup de monde de Longchamp qui travaille làbas, donc... DONC, VOUS FAISIEZ DU COVOITURAGE ? Oui. VOUS AVEZ DEJA PRIS LES TRANSPORTS EN COMMUN, JUSTEMENT, QUI VOUS AMENENT DIRECTEMENT ? Non. JE PENSE AU TRAIN... D'ACCORD. ET POUR DES RAISONS PARTICULIERES ? Ben non. Voilà, je n'avais pas besoin. » Séverine, 38 ans, ouvrière au chômage depuis 6 mois, mariée, 3 enfants de 13, 9 et 6 ans, locataire HLM à Longchamp où elle a toujours Îcu. « Pendant au moins 15 ans que... quasiment 15 ans que je n'ai jamais roulé tout seul. Déjà, je savais qu'il y avait des... des gens de Longchamp, des jeunes de Longchamp qui trouvaient du boulot chez nous, en intérim... donc, ils venaient me voir : « Je travaille chez JTECH », « Je travaille chez Peugeot », à l'époque, c'était Peugeot... « Oh, tu peux m'emmener ? », « Ben oui, si tu n'as de Îhicule, suis-moi, je t'emmène avec moi. » Oh, j'ai emmené... j'ai emmené... Ben, j'ai roulé pendant un moment... avec un gars qui habite à Longchamp. On faisait les 3 x 8 à l'époque, j'ai roulé avec lui pendant... 7 - 8 ans, 9 ans, je ne sais pas combien. Moi, je partais avec le fils Bernard... Après je partais avec le Florian Dubon. Après je sortais avec le fils Barinco. Pendant au moins 15 ans, on a roulé à plusieurs... donc, on a fait du covoiturage jusqu'à... ce que le dernier que j'emmenais est parti à Chevigny avant moi. Il changeait d'équipe. Donc, j'ai arrêté de l'emmener. Ben moi, je suis parti à Chevigny, je me suis retrouÎ tout seul. » Daniel, 54 ans, marié, contremaître à Chevigny, propriétaire à Longchamp depuis 1985. La mise en place de ce covoiturage informel a ainsi permis à des personnes vivant des territoires périurbains dépendants de ne pas avoir besoin de passer leur permis pour se rendre à leur travail 91 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale comme c'est le cas pour Séverine. Si les entreprises ne participent plus aujourd'hui aux frais d'essence, les relocalisations et la concentration de l'appareil industriel autour de Dijon continuent à favoriser ces pratiques de covoiturage informel. En Seine-et-Marne, compte tenu des nombreuses opportunités d'emploi et de leur dispersion au sein de l'aire urbaine parisienne, la mise en place d'un tel covoiturage est plus difficile. Les synchronisations temporelles nécessaires pour covoiturer sont de fait peu aisées à mettre en place du fait de l'absence d'horaires communs et partagés comme en témoigne là encore Solveig (Crèvecoeur-en-Brie) : « Ben, ça complique... disons que les... oui, ça complique dans le sens où il n'y a pas... le transport... le transport en commun y est, mais il n'y a pas la branche, quoi. Donc du coup, il faut privilégier tout ce qui est... parce que là, il a eu un échange de courrier avec le maire de La Houssaye à ce propos, qui lui dit qu'il faut privilégier le covoiturage et tout, mais c'est vrai que c'est difficile de faire du covoiturage quand on n'a pas tous les mêmes horaires. Il y a l'horaire du train à l'aller mais il n'y a pas forcément le même train au retour, il n'y a pas forcément... » En Seine-et-Marne, les pratiques de covoiturage existent néanmoins mais sont plutôt liées à la prise en charge de l'accompagnement des enfants vers leurs lieux d'études ou leurs loisirs. Des systèmes d'accompagnement communalisés sont ainsi mis en place, principalement par les mères qui ne travaillent pas ou travaillent à domicile. Avec l'accès aux études supérieures, les enfants tendent à développer des pratiques de covoiturage avec leurs camarades qui habitent dans les mêmes zones qu'eux et qui ont là encore les mêmes horaires. Dans ces cas, on voit bien que la synchronie horaire est centrale dans la mise en place d'un tel covoiturage. Un autre élément à prendre en compte est la nécessaire proximité relationnelle qui la favorise : on covoiture plus aisément avec des gens qu'on connaît, qui partagent des pratiques communes (travail, loisirs, etc.). Au-delà des pratiques et activités communes liées à leurs conditions d'emploi, l'ancrage des populations dans les territoires étudiés jouent un rôle déterminant dans la communalisation des déplacements. De fait, pour les ménages dijonnais qui résident toujours dans le périurbain, le covoiturage est une forme d'expression d'une solidarité familiale, amicale ou professionnelle au sein d'un réseau ancré localement depuis plusieurs générations. Le passé industriel de Longchamp et de Genlis a ancré dans ces territoires des familles issues de milieux ouvriers et qui sont, pour certaines, encore ouvrières aujourd'hui. Par leur configuration spatiale (plusieurs ménages ont des enfants ou des parents qui vivent dans la même commune ou dans une commune de la plaine de la Saône), on peut y voir la persistance d'une valorisation de l'autochtonie (Renahy, Détang-Dessendre, et Gojard 2003), des ressources locales en termes de pratiques de déplacement. Cette valorisation du réseau local apparaît donc comme une ressource effective contre la dépendance automobile, comme ont pu déjà le souligner Coutard, Dupuy et Fol (2002). En effet, pour plusieurs ménages interrogés dans le cadre du chantier 1, se trouvaient des personnes qui ne savaient pas conduire et arrivaient néanmoins à se déplacer en voiture (Séverine, Annie, Laurence avant qu'elle obtienne son permis, etc.). Ces ménages autochtones ne sont jamais éloignés de leurs réseaux familiaux, et ont des trajectoires résidentielles très locales. De fait ces ménages sont devenus périurbains par un changement de classification de leur territoire résidentiel suite à l'installation de nouvelles populations, originaires de villes proches mais disposant souvent d'une culture ouvrière commune. 92 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Selon nous, ce seraient ces origines ouvrières communes et la permanence d'un réseau local qu'elle engendre qui favorisent les mécanismes d'entraide et de solidarité au sein de ce réseau (Sencébé 2007), dont le covoiturage est une forme d'expression. Ainsi, dans le chantier 2, les ménages rencontrés dans l'aire urbaine dijonnaise qui ne sont pas restés dans des territoires périurbains dépendants de l'automobile étaient originaires d'autres régions (Centre, Pays de Loire, Île-de-France, etc.) ou n'étaient pas issus de la même zone périurbaine de l'aire dijonnaise (à l'exception de Charline et de son compagnon). Ils n'avaient pas de réseau social local fort sur place et avaient donc moins de probabilité de s'ancrer dans ces territoires que des ménages en étant issus et disposant d'un tel réseau. Si la présence d'un réseau social fort explique en partie le maintien de ménages dans des territoires périurbains dépendants de l'automobile, l'absence d'ancrage local ne suffit pas à expliquer le départ de ces territoires. D'autres facteurs sont également à prendre en compte comme nous avons pu le voir en partie 2. Toutefois, nous avons également vu que la pénibilité liée aux déplacements est un facteur non négligeable dans les choix de relocalisation vers moins de dépendance. De fait, le covoiturage de solidarité au sein d'un réseau local contribue à réduire la pénibilité des déplacements et donc la nécessité d'une relocalisation. Le rôle du réseau social dans la mise en place de pratiques d'entraides comme le covoiturage est donc essentiel. Or, en observant plus en détail les trajectoires résidentielles des ménages rencontrés en Île-de-France, ces ménages installés dans le périurbain dépendant de l'automobile sont pour la plupart très éloignés de leurs réseaux familiaux, voire amicaux ou professionnels. Originaires d'autres régions, de Paris ou de la Petite Couronne, ils sont venus s'installer dans ces territoires pour accéder à la propriété à moindre coût (cf. parties 1 et 2). Les ménages franciliens ont des sphères de sociabilité plus disjointes spatialement que ne le sont celles des ménages ouvriers dijonnais. Du coup, les solidarités qui s'expriment sont plus rares ou moins « fortes » (si tant est qu'on puisse évaluer la force d'un lien à l'ampleur des aides rendues). Elles ne sont pas perçues comme automatiques ou normales par les ménages seine-et-marnais. Si ces derniers n'hésitent pas à s'emprunter du sel ou des oeufs à leurs voisins, ils sont plus réticents à solliciter une aide en cas de problème de déplacement comme en témoigne indirectement le cas de Samia qui a décidé de quitter Favières pour retourner à Serris, commune plus densément peuplée dans laquelle elle peut faire appel à son réseau familial et où elle dispose d'alternatives modales à la voiture : « Et oui, oui, avec le voisinage, comme c'est tout petit... non, c'était bien, c'est convivial... quand le car arrivait, c'est une grande rue... on faisait un relais, quoi, des fois, c'est moi qui allais chercher les enfants au car et hop, je les dispatchais dans les maisons, quoi. Enfin, c'était... non, c'était sympa... même, ils faisaient... on faisait... on faisait des apéros le weekend... tout en restant voisins... HUMM. D'ACCORD. DONC, UNE BONNE AMBIANCE, ET EST-CE QUE PAR EXEMPLE IL Y AVAIT DU DEPANNAGE UN PEU DE SOLIDARITE, JE DIRAIS... Si garde d'enfant. JUSTEMENT PAR RAPPORT AUX ENFANTS OU A LA VOITURE OU DES CHOSES COMME ÇA, DU DEPANNAGE DES GENS... ? De voiture ? DE VOITURE QUI NE DEMARRE PAS SUR LE MOMENT OU DES CHOSES COMME ÇA ? 93 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Non, peut-être ça c'est fait... je ne suis pas au courant... peut-être, c'est possible que ça s'est fait, oui. SI VOUS AVIEZ EU UN SOUCI, PAR EXEMPLE, VOUS N'AVIEZ PAS DE VOITURE, EST CE QUE VOUS AURIEZ... VOUS AURIEZ PEUT-ETRE PENSE A DES GENS... ? J'aurai pu, mais je ne l'aurais peut-être pas fait. Non, je ne l'aurais peut-être pas fait. PARCE QUE ? Ben, parce que... voilà, quoi... moi, ça m'aurait gêné, quoi. Voilà, on gardait des contacts voisins comme ça, mais sans plus. Pas de... il y avait une bonne ambiance, mais voilà... non, on se dépannait quand il y avait un enfant malade. Comme moi, je travaillais, le bureau, c'était là-bas, donc, j'étais là, je gardais les enfants qui étaient malades est qui ne pouvaient pas aller à l'école. Ça, ce n'était pas un problème, quand j'allais chercher ma fille à l'école, je récupérais les enfants du... du... de la rue, hop, comme ça... comme des fois, il y a des grèves de car, voilà, c'est indispensable, la voiture... quand il y a grève de car, voilà, ou l'hiver, il y a de la neige, là-bas... » Samia n'arrive pas à envisager la possibilité de demander un service en cas de panne sur sa voiture. Pour elle, le fait d'avoir sa voiture et de pouvoir se déplacer avec de façon autonome était une condition sine qua non de son choix résidentiel. Elle ne considérait pas ses voisins comme suffisamment proches pour leur demander un tel service alors qu'elle n'hésitait pourtant pas à faire la fête avec eux ou à leur confier ses enfants. Au final, au quotidien, vivre la dépendance automobile périurbaine dépend certes des ménages et de leurs caractéristiques, notamment leurs trajectoires résidentielles, mais aussi des territoires dans lesquels ils ont choisi d'élire domicile. Au-delà des caractéristiques intrinsèques de ces territoires (leur éloignement par rapport au centre, la distance des aménités, leur configuration géomorphologique, etc.), ils cristallisent un rapport à la dépendance automobile Îcu par les individus en eux-mêmes et leur réseau social. Ce rapport est donc nécessairement spatialement singulier. Il varie d'une localisation géographique à l'autre et ne se réplique jamais totalement à l'identique, même si des faits stylisés peuvent être mis en évidence. Dans la partie précédente, nous avons examiné l'impact de différents facteurs : distances par rapport aux centres et aux aménités, équipement des territoires, présence d'un réseau local, formes des entraides. Le développement de singularités spatiales dans le Îcu quotidien de la dépendance automobile mérite d'être obserÎ plus en détail. D'après nous, la dépendance automobile est le résultat d'une socialisation à l'usage exclusif de la voiture et elle peut varier d'une zone géographique à l'autre. Les territoires investigués dans la partie qualitative de notre étude se distinguent par des Îcus individuels différents de la dépendance automobile. Comme nous avons pu le voir, la présence d'un 94 3. Des socialisations à la dépendance automobile différentes d'un territoire à l'autre ? Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale ancrage local fort via leur réseau familial explique en quoi les ménages dijonnais ont plus recours au covoiturage, même si ce dernier est informel ou n'est pas organisé par des institutions extérieures (sites Internet dédiés par exemple). En tant qu'usage partagé de la voiture, le covoiturage contribue au maintien d'une dépendance socialement construite à l'automobile. De fait, pour les ménages dijonnais, il est difficile d'envisager d'utiliser des modes alternatifs de déplacements (transports collectifs, modes actifs). L'usage incontournable et exclusif de la voiture au quotidien apparaîtrait alors comme une norme sociale plus ou moins intégrée les individus et les territoires obserÎs. Pour continuer sur l'exemple dijonnais, il semblerait que cette norme y soit plus forte compte tenu des pratiques obserÎes et la quasi-exclusivité de la voiture dans le choix des modes de déplacement au quotidien. En tant que produit d'une socialisation à la fois primaire et secondaire à l'automobile, la norme d'un usage exclusif de la voiture serait issue de multiples facteurs et ne prendrait pas forcément les mêmes formes d'une zone géographique à l'autre. En Île-de-France, la voiture est certes un mode dominant compte tenu de la nature même des territoires investigués mais elle est plus souvent utilisée au sein de déplacements avec plusieurs modes (donc en intermodalité) qu'en Côte-d'Or. Au-delà des facteurs locaux déjà mentionnés dans les parties précédentes, ce recours à l'intermodalité est aussi le résultat de trajectoires résidentielles spécifiques. Qu'ils aient ou non quitté le périurbain dépendant de l'automobile, beaucoup de Franciliens rencontrés sont venus s'installer dans ces territoires dans le cadre d'une trajectoire résidentielle centrifuge (Bonvalet et Bringé 2010) en s'éloignant peu à peu du centre et des zones moins dépendantes de l'automobile. Cette trajectoire résidentielle est à la fois intra et intergénérationnelle. Elle est le résultat d'un choix propre au ménage rencontré et/ou des choix effectués par leurs parents et ascendants qui peuvent avoir initié ce mouvement. De fait, en Île-deFrance, nous n'avons pas rencontré de ménages autochtones, c'est-à-dire vivant dans les mêmes territoires dépendants de l'automobile depuis plusieurs générations. Les natifs, c'est-à-dire ceux qui ont grandi dans du périurbain dépendant de l'automobile, y sont également moins présents qu'en Côte-d'Or, et ce dans les deux chantiers (cf. Tableau 7 : ci-dessous). Tableau 7 : Proportion de natifs 16 d'un territoire dépendant de l'automobile au sein de chaque zone géographique et de chaque chantier (en effectifs et en pourcentages en ligne) Chantier 1 Non natifs 2 10 % 16 59 % 18 Chantier 2 Non natifs 4 27 % 20 67 % 24 Côte-d'Or Seine-et-Marne Ensemble Natifs 18 90 % 11 41 % 19 Total 20 100 % 27 100% 47 Natifs 11 73 % 10 33 % 21 Total 15 100% 30 100% 45 16 Par natifs, nous entendons des personnes qui ont grandi depuis leur prime enfance dans des territoires dépendants de l'automobile. Sont ainsi qualifiées les personnes qui sont nées dans ces territoires ou qui s'y sont installées depuis leur prime enfance. 95 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Quand les individus non natifs sont venus s'installer dans un territoire périurbain dépendant de l'automobile, ils avaient généralement passé une partie de leur trajectoire résidentielle dans des territoires non dépendants. Ils ont y pu apprendre à utiliser des alternatives modales à la voiture comme les transports collectifs (train, bus) ou les modes actifs. Plus l'installation a été tardive (adolescence, âge adulte), plus ils ont appris à utiliser ces modes de manière autonome et continuent à le faire aujourd'hui. Plus particulièrement, pour ceux qui sont arriÎs à l'adolescence, le passage de territoires peu dépendants à très dépendants ne s'est pas fait sans difficulté compte tenu du décalage entre le territoire de départ et le territoire d'arriÎe : « Au début, ça été très dur, quand... ben, j'ai Îcu, en fait, en appartement à RueilMalmaison, avec ma soeur, on a Îcu dans la même chambre, après, on s'est retrouÎ dans la maison à Juilly. Déjà, quand on passe du 92 au 77, c'est super dur, parce que déjà, on ne connaît personne et en plus de ça... et en plus de ça... comment dire, on a... je ne connaissais personne et on passait d'une grande ville à un petit village parce que Juilly, c'est quand même super petit, en plus, tout se touche, Saint Mard, Juilly, Thieux... euh... la gare, c'était une catastrophe, il fallait obligatoirement aller à... à Saint Mard, qui faisait Saint Mard ­ Juilly Dammartin, donc, très, très dur au début. Donc, ça va que j'allais au collège à Saint Mard, donc, ce n'était pas trop, trop loin. Il y avait des bus, je prenais le bus... le bus, alors attendez, c'était le numéro... ah, je ne me souviens plus. Je sais qu'il y avait un bus, il n'y en avait pas beaucoup, donc, il ne fallait pas... enfin bref. » Julie, 22 ans, à la recherche d'un emploi, célibataire, a Îcu à Juilly de 2000 (11 ans) à 2005 (16 ans) avant de revenir vivre avec ses parents au Plessis-Bouchard. « J'habitais à Lille, dans le Nord, jusqu'à l'âge de 21 ans. Ensuite, mes parents qui ont... enfin, ma mère et mon beau-père qui ont toujours été plus ou moins, enfin... surtout mon beaupère, ma mère enfin... elle est arriÎe plus tard, mais dans la restauration... ont décidé d'acheter un restaurant, qui s'est aÎré, donc... enfin, qui était en Seine et Marne, donc, à Marles en Brie... donc, j'ai arrêté mes études pour venir travailler avec eux. [...] C'était une ville, donc... [Elle parle de Lille] avec des commerçants... enfin, vraiment, enfin, surtout la maison, enfin, l'appartement, c'était aussi en plein centre, mais la maison était également, enfin, on habitait dans une rue adjacente, et après, c'était une grande artère... enfin, une grande, grande rue qui s'appelait la rue Gambetta, où il y avait toutes les boutiques possible et qui accédait, de toute façon, au centre-ville de Lille. ET PUIS VOUS ALLIEZ A L'ECOLE A PIED... Voilà, exactement, j'allais à l'école à pied, et ensuite, j'allais au lycée, ben, je prenais le bus qui... qui... on va dire l'arrêt de bus était à 5 minutes.... Toutes les commodités, comme on dit. [...] » Fabienne, 49 ans, assistante maternelle à domicile, mariée, 22 filles de 22 et 15 ans, a Îcu à Marles-en-Brie de 1998 à 1996, originaire de Lille où elle a grandi. Parmi les personnes arriÎes à l'adolescence dans un territoire périurbain dépendant, nous avons rencontré surtout des personnes qui étaient depuis venues s'installer dans des territoires moins dépendants et, ce de façon plutôt définitive. Généralement, ils avaient du mal à envisager un retour dans le périurbain peu dense compte tenu des difficultés qu'ils ont pu éprouÎes. Les premières 96 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale étapes de leur socialisation (primaire et secondaire) se sont déroulées dans des milieux urbains plus ou moins denses mais surtout peu dépendants de l'automobile. Par leurs trajectoires et leur socialisation précoce à d'autres modes que la voiture, ces individus non natifs avaient déjà adopté l'intermodalité, avec ou sans automobile. Il faut y voir ici l'influence des parents (socialisation primaire) mais aussi d'autres instances de socialisation plus secondaires comme les réseaux de pairs, l'école, etc. Du coup, pour ces individus non natifs qui ont intégrés et adoptés l'usage de modes alternatifs à l'automobile, la norme de déplacement est plutôt l'intermodalité que l'usage unique de la voiture. Le processus d'acquisition d'une norme ou du moins d'une possibilité de déplacement intermodal n'est pas antagoniste avec le développement du recours systématique à la voiture dans la mesure où cette dernière peut faire partie des modes utilisés au sein du même déplacement (originedestination). Grandir dans des territoires périurbains dépendants de l'automobile s'accompagne souvent d'une obligation sociale d'acquérir le permis de conduire, sésame de l'autonomie de déplacement et rite initiatique de passage à l'âge adulte (Masclet 2002). Dans les deux territoires investigués, une obligation sociale de passer le permis, fortement relayée par les parents, incitent les jeunes à passer leur permis dès qu'ils ont 18 ans, même s'ils n'en ont pas plus envie que cela : « Ben, adolescent, le problème, c'est qu'à partir de 18 ans et 1 jour, il faut passer le permis, quoi, parce que tu n'en peux plus, ça, 18 ans, tu n'as qu'une envie, c'est de bouger avec ta voiture, quoi, c'est vrai qu'il y a ce côté-là ou il faut être Îhiculé tout de suite, quoi. Mon ami, il a 29 ans il n'est toujours pas Îhiculé parce que lui, il était en banlieue, il a toujours pris les transports, nous, c'était infaisable, quoi, il fallait le permis, quoi, ce n'était pas possible, quoi. » Claire, 27 ans, en couple, vit à Paris (HLM), a grandi à Egreville. « Ben, moi, quand mes parents m'ont inscrite, clairement, ça me gonflait parce que je n'avais pas envie d'y aller. CE SONT VOS PARENTS QUI VOUS ONT INSCRITE ? Oui, je ne voulais pas y aller. Ben, d'une, j'allais faire une heure de Îlo pour y aller. Et... Ben, en hiver, c'est toujours pareil, faire du Îlo, quand il fait... moins cinq dehors, ce n'est pas cool. Et puis, non, je n'avais pas envie à l'époque, même si je me disais : « Bon, une fois que je l'aurai, je pourrai faire ce que je veux. » Mais après, il y avait l'histoire de la voiture. Donc, si j'avais le permis et le code, il fallait la voiture, donc pour moi, ça ne servait à rien, en fait ! ET VOUS NE PENSEZ PAS QUE VOS PARENTS, ILS VOUS AURAIENT ACHETE MEME UNE VOITURE PAS CHERE... UNE VIEILLE VOITURE... ? Non. Non, parce que mes parents... me l'avaient dit tout de suite, en fait. « On paye le permis, on ne paiera pas la voiture, parce que si on doit le faire pour toi, on est obligé de le faire pour les quatre derrière, donc... non. » Donc... voilà. Donc, je savais que je n'aurais pas ma voiture. MAIS IL Y EN A QUI ONT DES VOITURES PAS CHERES, APRES. Oui, donc moi, j'aurais peut-être pu, mais... 97 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale C'EST TOUJOURS MOINS CHER QUE LE PERMIS, DU MOINS. Oui, mais quand on a 16 ans, on dit : « Ah non, c'est chiant ! ». Je n'avais pas envie d'y aller, ah, ah ! Donc... j'y allais à reculons, en fait, et... c'est vrai qu'au début, j'y allais même, très rarement. Jusqu'à ce que je me fasse engueuler un bon coup, et que mes parents me disent : « Écoute, on a payé, donc, tu y vas maintenant. » Mais... c'est vrai que même en pensant... au fait que... mes parents auraient pu me prêter leurs voitures, ça, il n'y avait pas de problème, mais... non, je ne sais pas. Je n'avais pas envie d'y aller. Ah, ah ! DONC, FINALEMENT, QUAND ON HABITE DANS UN... DANS UNE PETITE VILLE COMME ÇA, OU ON A DES SOUCIS POUR SE DEPLACER, QU'ON N'EST PAS BEAUCOUP ACCOMPAGNE PAR SES PARENTS, JE ME DIS : « DES QU'ON DOIT AVOIR LA POSSIBILITE QU'ON PASSE LE PERMIS, ON LE PASSE, QUOI. ET ON EST PRESSE DE LE PASSER POUR... VITE ACHETER UNE VOITURE, ET POUVOIR... FAIRE CE QU'ON NE POUVAIT PAS FAIRE OU FAIRE... PLUS SIMPLEMENT LES CHOSES. » ? Oui, mais après, il y a d'autres choses. Moi, l'auto-école était très loin, le temps que j'ai mon permis, j'avais déménagé pour habiter à Paris donc... À Paris, je n'avais clairement pas besoin d'avoir une voiture. » Nastassia, 23 ans, en couple, a Îcu à Ferolles-Attilly avec ses parents de 13 à 21 ans. « Non, non, c'est moi qui ai voulu [que sa fille passe le permis]. Ce n'est pas elle. Pendant 18 ans, j'ai mis tous les mois de côté de l'argent sur un compte, en lui disant... en lui disant toujours : « c'est de l'argent pour ton permis. Ce n'est pas pour autre chose. Le permis c'est vachement important à 18 ans pour travailler, pour se bouger, pour bouger, le permis c'est indispensable ». Donc, voilà. C'est moi qui la... à ses 18 ans, paf, j'ai été l'inscrire au permis, j'ai dit : « il faut absolument que tu aies ton permis, et tu as la chance que... voilà, pendant des années ». Il y en a qui n'ont pas cette chance-là. Voilà, elle est au permis. » Samia, 42 ans, secrétaire à mi-temps à Favières, en couple (divorcée par ailleurs), 2 filles de 19 et 14 ans, vit à Serris (HLM) depuis 2007, a Îcu à Favières de 2001 à 2007. Compte tenu de leurs revenus plus ou moins modestes, l'obtention du permis n'a pas forcément lieu dès 18 ans, mais peut être plus longue le temps de réunir les économies nécessaires pour le passer et/ou acheter le Îhicule. Ainsi, pour les ménages modestes, ce retard dans l'obtention du « papier rose » conduit les jeunes adultes à être dépendants de l'accompagnement de leurs parents ou d'autres modes (notamment les transports collectifs) plus longtemps s'ils choisissent de rester vivre chez leurs parents comme c'est le cas pour les enfants respectifs de Bruno (77), Virginie (77) ou Laurence L. (21). D'autres préfèrent se relocaliser dans des territoires moins dépendants et abandonner l'usage de la voiture comme la fille de Bernadette (77) ou celle de Nicolas (21). Ces dernières se sont toutes les deux rapprochées de leurs lieux d'études en vivant, pour l'une, chez sa grand-mère et pour l'autre, en résidence étudiante (bourse sur critères sociaux). On notera que ces deux jeunes filles ne sont natives ni l'une, ni l'autre du périurbain dépendant dans lequel leurs parents sont venus s'installer tardivement. Une fois le permis obtenu et une voiture à disposition, assiste-t-on à une reconfiguration des déplacements au profit du tout-automobile ou les individus gardent-ils des pratiques multimodales ? De fait, la réponse à cette question dépend essentiellement des caractéristiques de déplacement des 98 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale jeunes considérés avant leur accès autonome et individuel à l'automobile. En l'occurrence, peu importe les territoires investigués, il est nécessaire de distinguer les enfants (moins de 11 ans) des adolescents (de 11 ans jusqu'à 18 ans). Durant l'enfance, dans le périurbain dépendant de l'automobile, les déplacements réalisés par les enfants sont essentiellement accompagnés et ont lieu en voiture, en bus scolaire ou à pied quand l'école maternelle ou primaire est présente dans la commune comme c'est notamment le cas à Crèvecoeur-en-Brie (77), Pommeuse (77) ou Longchamp (77). Les déplacements à Îlo ou piétons plus longs sont rares et essentiellement encadrés par les parents dans le cadre d'une activité de loisir spécifique. A l'adolescence, on assiste à une montée en autonomie des déplacements (ou du moins à la volonté d'une telle autonomie) qui change la perception du territoire comme peut en témoigner Virginie (77) qui a une fille de 16 ans : « Mais c'est vrai que quand ils sont petits, ils adorent Crèvecoeur et quand ils sont plus grands, ils détestent parce qu'il n'y a rien à faire, parce qu'on ne peut pas bouger. C'est vrai que pour les ados, il faut toujours les emmener à la gare, les emmener à droite à gauche, etc. ». Outre l'accompagnement, les adolescents tendent à avoir plus recours à d'autres modes comme le Îlo ou le scooter qui ont une portée supérieure à la marche et qui permettent d'avoir des déplacements autonomes des parents. L'utilisation de ces modes supplémentaire est variable et l'accompagnement parental demeure important. De fait, pour les personnes qui ont été adolescentes dans le périurbain dépendant de l'automobile ou pour les personnes qui sont parents de tels adolescents, cette étape du cycle de vie est celle où les pratiques de déplacements sont les plus diversifiées. Le résultat est valable aussi bien en Seine-et-Marne qu'en Côte-d'Or où ont été déclarées les pratiques modales suivantes : Îlo, marche à pied, bus scolaires, autres systèmes de transports collectifs, voiture en passager ou en conducteur accompagné, scooter, mobylette, covoiturage (camarades ou petits amis), autostop et même transport à la demande. Cette diversité modale tient essentiellement au fait que les ménages et individus rencontrés sont justement modestes et/ou issus de familles modestes. Les adolescents ne peuvent être forcément accompagnés car leurs parents travaillent ou n'ont pas les moyens de multiplier les déplacements : ils apprennent ainsi à se débrouiller autrement pour se déplacer. De plus, avec l'entrée au collège puis au lycée, leurs cercles amicaux s'agrandissent et se dispersent géographiquement. Pour se retrouver entre amis, il leur est alors nécessaire de quitter leur commune, de parcourir plus de kilomètres. Compte tenu de l'importance des alternatives modales à la voiture, on peut alors émettre l'hypothèse que peu importe le niveau de dépendance du territoire considéré, des pratiques modales alternatives à la voiture sont possibles. Si elles sont possibles et correspondent à une étape particulière de la trajectoire de vie des individus, elles ne survivent pas forcément au passage du permis et à l'acquisition d'une voiture du fait même de la socialisation à la voiture qu'expérimentent ces natifs. Aussi, en dehors des transports scolaires, les déplacements quotidiens supposent un usage quasiexclusif de la voiture via l'accompagnement parental et plus particulièrement maternel (Dowling 2000) pour l'école et/ou les autres activités. Quand certains parents restent à domicile, ils sont plus facilement disponibles pour pallier les inadéquations entre emplois du temps de l'école et du bus. Ces inadéquations tendent à s'accroître avec le niveau de scolarisation des enfants et l'arriÎe d'emplois du temps variables. Quand les deux parents travaillent, que la fratrie empêche de multiplier les déplacements d'accompagnement ou que les distances à parcourir deviennent plus importantes, ce dernier comptent d'autres modes comme la marche, le Îlo, le transport scolaire ou le scooter. Pour les plus jeunes, des parents tendent à refuser l'usage du Îlo ou de la marche (Samia à Favières, Sonia à Longchamp) qu'ils perçoivent comme dangereux et accidentogènes (HugueninRichard 2010; Depeau 2008). Le manque d'équipement adéquat et distinct du réseau routier est 99 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale souvent évoqué pour motiver ce choix. Ce faisant, les parents dissuadent les enfants de recourir à ces modes en préférant venir les chercher en voiture. Ils leur transmettent ainsi l'image de la voiture comme le mode le plus adapté et sécurisé pour se déplacer, préférables à d'autres modes. A l'adolescence, ces modes actifs de déplacement permettent une mobilité autonome mais cette dernière est considérée comme peu performante (Bachiri et Després 2008). Même s'ils ne sont pas toujours possible, leur sont généralement préférés l'accompagnement parental ou les scooters et mobylettes, premiers supports d'un déplacement autonomisé. Plus efficaces en portée que des modes actifs, ces Îhicules entretiennent l'image plus performative des modes motorisés individuels au détriment d'autres modes. Issus d'un milieu modeste, les adolescents n'ont pas forcément la possibilité d'en avoir un (s'ils en avaient eu l'autorisation) mais beaucoup de leurs camarades en possèdent, ce qu'ils envient souvent. Qu'ils soient possédés ou non, ces modes sont néanmoins considérés comme la possibilité d'un déplacement autonome anticipé ou un palliatif (plus ou moins) temporaire à la voiture comme témoigne Julie : « Après, là-bas, alors c'est bizarre parce que là-bas... comme c'est des gens... c'est des gens de la campagne... ils ont tous des scooters, c'est hyper impressionnant, c'est.... C'est même une des premières qui font... ils ne pensent pas à acheter... même quand c'est l'âge d'avoir le permis, ils préfèrent avoir des scooters... dernière mode et tout plutôt que de passer le permis. C'est vrai que John, il a eu... il a eu l'intelligence de passer le permis rapidement, mais ils ont tous eu des scooters, des moto-cross et tout. C'est tout ce qui était terrain, ici [au PlessisBouchard (95) où elle réside à présent] pas trop... ici, il n'y a pas trop de scooters, et quand j'étais à Rueil [Rueil-Malmaison dans les Hauts-de-Seine], le scooter, oui, ce n'était pas trop... Si, c'était pour les gens... comme ici, qui allaient travailler et qui prenaient... mais les gros scooters, avec John, on n'avait pas de scooter, quoi, et quand je suis arriÎ à Juilly, ça, ça m'avait impressionné, et je voulais un scooter, du coup, moi aussi, mais mes parents n'ont pas voulu. Ils avaient trop peur et... » Au final, par l'influence de leurs parents ou de leurs réseaux amicaux, les jeunes natifs du périurbain dépendant que nous avons rencontrés montrent qu'ils se projettent ou sont projetés dans la perspective d'un usage autonome de la voiture. Plus qu'autonome, cet usage devient souvent exclusif. S'ils utilisent d'autres modes au cours de leur enfance et de leur adolescence (transport scolaire, marche, Îlo, scooter, etc.), ils tendent à les substituer totalement à l'automobile comme en témoigne Charline, native du périurbain dijonnais : « DONC, FINALEMENT, VOUS PRENEZ, DEPUIS QUE VOUS AVEZ VOTRE PERMIS, VOUS PRENEZ ASSEZ PEU LES TRANSPORTS EN COMMUN ? C'est moins, voire plus du tout. Ça m'arrive, ça m'est arriÎ quelquefois de prendre le bus... de prendre le bus pour ne pas aller très loin au centre-ville, pour aller faire un tour sur le marché. Je sais que je ne vais avoir trente-six mille sacs à remonter et autres. Bon, ben oui, je vais prendre le bus. Parce que ça m'évite de me garer, etc. Mais ça reste très, très rare. C'est vraiment exceptionnel. » 100 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Pourtant, Charline travaille en plein centre-ville et réside à Dijon mais elle a grandi dans le périurbain dépendant de l'automobile. La voiture est alors un symbole : celui de la quête de liberté de déplacement, de l'indépendance et d'un gain substantiel de temps. Pour les ménages rencontrés, la symbolique est double : l'autonomie n'est pas seulement en termes de déplacement, elle est aussi financière. Pour pouvoir se déplacer en voiture, ces jeunes adultes ont dû se payer eux-mêmes leur permis de conduire ou/et leur Îhicule, en travaillant l'été ou au long de l'année, comme c'est le cas pour les filles de Laurence L. et de Nicolas qui vivent à Longchamp (Côte-d'Or). Cette socialisation primaire et secondaire à l'usage de la voiture est donc d'autant plus forte pour les individus qui ont grandi depuis leur prime enfance dans le périurbain contrairement à ceux qui ont appris à se déplacer sans ce mode avant ou après leur épisode résidentiel périurbain. Ainsi, à Dijon, où nous avons rencontré plus de natifs (cf. Tableau 7 : p. 95) ou de parents de natifs, cette socialisation est plus perceptible. Elle se poursuit aussi tout au long de la vie de l'individu, en fonction de sa propre trajectoire résidentielle mais aussi professionnelle. D'autres instances comme l'entreprise ou le Pôle Emploi jouent un rôle important dans la transmission de la norme du tout voiture. Ainsi, à Longchamp, Laurence L. a pu profiter de son licenciement pour obtenir des aides à la mobilité et passer son permis. Séverine aurait aimé faire de même mais le Pôle Emploi a refusé en lui conseillant d'acheter une voiture sans permis comme celle de Giliane. Cette dernière ne peut passer son permis pour des raisons de santé et a investi dans une voiture sans permis quand son mari a perdu le sien. Pour Giliane, il fallait conserver une voiture et un mode de déplacement autonome dans le foyer qui lui a permis en outre de sortir plus souvent de chez elle, n'étant plus limité par les horaires des bus Transo. En Seine-et-Marne, la seule personne qui s'est équipée d'une telle voiture est la compagne d'Abdel (Sainte-Colombe) pour pallier des difficultés administratives qui l'empêchent de passer son permis, pour pallier l'absence de voiture du foyer (panne durable) et améliorer ses conditions de déplacements actuels qui ont lieu en scooter. De fait, par la prise en charge partielle des frais de transport en commun, les entreprises franciliennes incitent plus à l'intermodalité voiture-TC qu'à un recours exclusif à la voiture. Toutefois, pour comprendre comment se développe la norme d'un recours exclusif à l'automobile (ou à d'autres modes individuels motorisés), il faut aussi comprendre comment se développe l'adoption d'une autre posture : celle du non usage des transports collectif. Nous avons vu qu'à l'adolescence, le recours à ce mode existe. Mais il est communément admis que ces derniers font preuve d'une moindre efficacité, car peu fréquents dans les territoires investigués. De fait, cette rareté est réelle. A l'adolescence, le transport scolaire qui est seulement réserÎ aux scolaires et ne peut pas être pris par d'autres catégories de population augmentent la fréquence de desserte des territoires dépendants de l'automobile. A Longchamp et Chambeire, le Transco (ligne 40 qui part de Dijon et est terminus à Soisson-sur-Nacey) est peu fréquent : il passe deux fois par jour dans chaque sens en privilégiant les flux pendulaires vers Dijon. De plus, ce bus ne s'arrête jamais à la gare de Genlis qui bénéficie pourtant d'une ligne TER entre Dijon et Besançon (20 arrêts par jour dans chaque sens). On notera que, malgré la plus grande diversité des horaires, le TER de Genlis n'est pas plus utilisé que le bus par nos enquêtés en dehors de quelques occasions exceptionnelles (prendre le train pour aller à Disneyland Paris par exemple). Pourtant, cette gare est à moins de 6 km de Longchamp. La raison tiendrait là encore à la localisation des lieux de destination situés plus en périphérie de Dijon (comme l'Université par exemple) ou des contraintes horaires des activités réalisées (horaires décalés des ouvriers par exemple). En Île-de-France, le maillage des transports collectifs est plus important et plus fréquent (un train par heure dans chaque sens pour Sainte-Colombe et Pommeuse 101 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale par exemple). Les distances à parcourir étant plus importantes et les destinations pouvant être plus centrales (pour le travail ou tout autre activités), donc moins facilement accessibles en voiture, les transports collectifs sont plus souvent utilisés en Seine-et-Marne qu'en Côte-d'Or. Toutefois un rejet conscient des transports collectifs est plus palpable. De fait, ces modes de transports peuvent être considérés comme bondés, dangereux, mal fréquentés : « Ben, les transports, en fait, c'était fatigant, et puis ma mère, enfin, mes parents avaient peur, quoi, ce n'est pas que ça craint mais le RER B, ce n'est pas ça, enfin, ça craignait un petit peu quand même, du coup... du coup, c'était plus John [son ancien petit ami] qui se déplaçait et puis, voilà, quoi. [...] Ma soeur a Îcu sa primaire, et ses amis d'enfance sont là-bas. Elle s'est refait des copines ici, mais... ça reste... moi, c'était mon année de collège, donc, c'est vrai que c'était super intéressant, quoi, mais elle, la primaire, du coup, elle a développé de belles amitiés et du coup, elle y va très, très souvent. ELLE AUSSI, EN VOITURE, NON, EN TRANSPORTS ? Non, elle y va en transport, ça fait chier mes parents, mais du coup... du coup, là, elle passe son permis. » Julie, 22 ans, à la recherche d'un emploi, célibataire, a Îcu à Juilly de 2000 (11 ans) à 2005 (16 ans) avant de revenir vivre avec ses parents au Plessis-Bouchard. « C'est une des raisons pour lesquelles je ne vais plus non plus au travail, en transports, même si au début je le voulais pour... parce qu'on a une démarche aussi assez écologique, et que je ne voulais pas non plus faire trop de pleins. Et, j'ai commencé à faire des crises d'angoisse... donc... je suis tombée plusieurs fois... j'ai fait des malaises dans les transports en été, donc, ce n'était plus possible, en fait. À CAUSE DE LA FOULE OU A CAUSE DE LA CHALEUR ? À cause des deux. » Nastassia, 23 ans, en couple, a Îcu à Ferolles-Attilly avec ses parents de 13 à 21 ans. « Mais quand je rentrais, des fois, le soir... aux heures de pointe... LA, IL Y A BEAUCOUP PLUS DE MONDE ? Ah, c'était chaud ! C'est ce que je reproche, aujourd'hui, aux transports en commun... Je trouve que c'est le manque de sécurité. Il y a trop... trop d'insécurité ! Ah oui. MEME SUR UNE PETITE LIGNE COMME ÇA... ? PARCE QUE LA, C'EST QUOI, C'EST LA LIGNE QUI VA DE LA GARE DE L'EST A COULOMMIERS, C'EST ÇA ? Oui. Encore ici, ça va... ça va. Mais quand vous chopez les autres lignes, là-bas, du côté où estce que j'étais avant, à Chelles... Oh, la, la ! Le E, c'est le train qui va de la Gare de l'Est à Meaux. Oh, la, la ! Toute la racaille, là ! Oh... oh ! C'est... c'est malheureux à dire, mais... ça ne va pas en s'améliorant, et ça n'ira pas en s'améliorant ! Malencontreusement, c'est... Malheureusement, on ne peut rien faire. On ne peut faire que subir ! Mais, enfin, il y a beaucoup... Moi, je voyais... Les gens... Et même ! Vous êtes dans un transport, vous avez l'impression que tout le monde fait la tronche ! Et puis... Hein, c'est vrai ? Personne ne fait un 102 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale sourire, personne... Oh, la, la ! Oh, la, la ! Moi, c'est pour ça. Je mettais mon walkman, là... Allez, hop, là ! » Miguel, 37 ans, plombier sur Paris, marié, 2 enfants de 10 et 7 ans, propriétaire à Pommeuse depuis 2011. Les personnes qui utilisent ces arguments tendent à avoir uniquement recours à la voiture pour se déplacer ou du moins à préférer la voiture aux TC dès lors qu'ils considèrent ces derniers dangereux (cas du RER pour se rendre à Juilly). Pour ces personnes, certains transports collectifs comme le RER fait écho aux raisons premières qui ont poussé les personnes à s'éloigner de l'urbain pour atterrir dans des territoires dépendants de l'automobile, à savoir le rejet de la ville et de ses dangers. Pour les natifs, ceux dont les parents ont fait le choix, cette image a été intériorisée depuis l'enfance à travers le discours de leurs parents. A l'adolescence puis à l'âge adulte, ils peuvent cependant prendre ce discours à leur compte ou, au contraire, le rejeter en fonction de leurs propres expériences et/ou trajectoires résidentielles. Ainsi Claire est une native du périurbain et vit depuis plusieurs années avec son compagnon à Paris. Elle n'envisage plus de retourner vivre dans de tels territoires et se passe allègrement de sa voiture, qui est restée chez ses parents. Même si le permis représente une forme d'autonomie de déplacement, elle reconnaît se contenter du métro. Ainsi, au gré de leurs propres expériences résidentielles, les individus se détachent de la norme d'un usage exclusif de la voiture. C'est notamment le cas en Île-de-France où les distances à parcourir rendent les transports collectifs parfois plus performants pour parcourir de grandes distances. Pour les nonnatifs, ce rejet est moins fort mais on peut cependant noter que l'usage de la voiture fait malgré tout partie de la norme dans la mesure où elle est une contrepartie nécessaire à l'installation dans un territoire périurbain dépendant de l'automobile, c'est-à-dire dans un territoire sans ou avec peu de services et commerces à proximité. L'usage de la voiture est généralement tenu pour aller de soi. Son usage exclusif permet néanmoins de différencier les individus selon leurs trajectoires personnelles (résidentielle, professionnelle, etc.) et leurs zones géographiques, c'est-à-dire en fonction des équipements et alternatives modales présentes dans ces zones. De plus, comme les trajectoires personnelles se sont aÎrées géographiquement spécifiques au sein des deux enquêtes, la dépendance automobile et son Îcu sont le résultat d'une socialisation géographiquement spécifique. 103 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale · Pour la plupart des ménages interrogés, l'usage de la voiture est peu remis en question : il relève donc d'une norme car la voiture va de soi et est tenue pour aller de soi. Cela peut paraître logique compte tenu des territoires investigués. Mais, les pratiques modales varient d'un territoire à l'autre. L'intermodalité (TC, Îlo, etc.) est bien moins pratiquée en Côte-d'Or qu'en Seine-et-Marne. A l'inverse, le système collectif majoritaire utilisé autour de Dijon est surtout le covoiturage qui est très peu utilisé au quotidien par les ménages franciliens. Les différences géographiques dans l'appréhension de la dépendance automobile sont le résultat de compositions socioéconomiques différenciées (plutôt des employés en Seine-etMarne, plutôt des ouvriers dans l'Est de Dijon). Outre les caractéristiques des territoires et leur Îcu quotidien, la dimension normative du tout-automobile repose avant tout sur la socialisation des individus dans des territoires analogues : natifs et non natifs se distinguent par un usage exclusif ou non de la voiture quand ils vivent dans les territoires périurbains dépendants de l'automobile. Quand ils ont quitté ces territoires, les natifs tendent à conserver des pratiques de déplacement dominées par l'automobile même si ces pratiques deviennent plus multimodales. · · · 104 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Partie 4 : Quitter le périurbain pour échapper à la dépendance automobile : approche à partir du recensement 1. Hypothèses La question que nous nous posons ici est d'identifier si la mobilité résidentielle constitue une échappatoire pour les ménages modestes face à la dépendance automobile dans les espaces périurbains, face à un coût de la mobilité auquel ils font difficilement face. Notre première hypothèse est que les ménages ayant des revenus limités ont une probabilité plus forte de quitter les territoires les plus dépendants de l'automobile. La seconde hypothèse est que ces ménages quittent les communes fortement dépendante de l'automobile ont une plus forte probabilité de s'orienter alors vers un territoire où cette dépendance est plus faible. Enfin, la troisième hypothèse postule que l'accès à un logement social dans le territoire de destination constitue un ressort pour ce type de trajectoires résidentielles. Pour répondre à ce questionnement et tester les trois hypothèses présentées, une analyse multivariée à partir du recensement de la population de 2006 sera effectuée sur deux terrains d'études, la grande couronne francilienne et l'aire urbaine dijonnaise. Le premier territoire d'étude de cette recherche porte sur la région Ile-de-France. Pour autant, elle ne porte pas sur l'ensemble de ce territoire administratif, nous nous sommes limités à ses quatre départements périphériques, soit la grande couronne francilienne où une partie substantielle des espaces périurbains franciliens. En effet, la définition du périurbain que nous avons retenu dans ce travail est celle d'un « ensemble de zones où l'on observe des phénomènes de croissance démographique... où l'on enregistre une production de logements neufs sous des formes variées » (Jalabert, 1985). Selon cette définition, qui n'est pas si loin de celle de M.C. Jaillet (1985) pour qui le périurbain est « une fraction de l'espace sur laquelle se localise... une nouvelle phase de la croissance urbaine, plus adaptée à l'état du système socio-économique... », le périurbain francilien déborde donc de l'Ile-de-France, mais couvre dans la région la majeure partie des territoires de grande couronne. Ce sont ces espaces où les dynamiques des populations et des activités sont particulièrement fortes (Massot et Roy, 2004). Ils absorbent la quasi-totalité de la croissance démographique et la majeure partie de celle du parc de logements entre 1990 et 1999 (Carre, 2005), tandis que dans les autres départements la population reste 105 2. Terrains Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale relativement stable, la construction de logements est moins vive et la croissance urbaine y est plus ancienne. Notre acception large des espaces périurbains, nous invite à ne pas les considérer comme des espaces homogènes. Ainsi, en termes de mobilité et de dépendance à l'automobile les contextes territoriaux en grande couronne sont fortement contrastés, comme l'ont montré Wenglenski (2003) pour l'accès à l'emploi et Motte (2006) pour l'accès aux commerces. La première étape de notre travail empirique a donc consisté à différencier les territoires périurbains en fonction des coûts de la mobilité automobile inhérents à ces localisations résidentielles (Motte-Baumvol, 2007 ; Dodson et Sipe, 2007). Nous avons caractérisé ces degrés d'intensités de la dépendance automobile au travers d'une typologie des communes de la couronne extérieure de l'agglomération francilienne, distinguant deux types de territoires à partir de leur équipement en commerces déterminé à partir de la Base Permanente des Equipements (BPE) de l'INSEE (Figure 6 et Figure 7). Cette classification est le résultat d'un travail préalable qui a montré que la présence de commerces dans un territoire tendait, en fonction de leurs natures, à moduler l'intensité de la dépendance subie par les ménages en jouant sur leur niveau de motorisation et sur les distances parcourues quotidiennement (Motte, 2006). Figure 6 : Niveaux de dépendance à l'automobile des communes de Grande Couronne Francilienne Source : Typologie de l'auteur à partir de la base permanente des équipements 2006 106 Figure 7 : Niveaux de dépendance à l'automobile des communes de l'aire urbaine dijonnaise Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Source : Typologie de l'auteur à partir de la base permanente des équipements 2006 Tableau 8 : Distances parcourues en voiture et niveaux de motorisation des ménages en fonction du niveau de dépendance à l'automobile de la commune de résidence en grande couronne francilienne Distance en voiture d'un ménage d'actif Forte dépendance Faible dépendance 65,8 42,0 Distance en voiture de la personne de référence d'un ménage d'actif 43,2 30,6 Nb de voitures par ménage (tous les ménages) 1,6 1,3 Source : Calculs de l'auteur à partir de la BPE 2007, l'EGT 2001, et le Recensement 2006 Le premier niveau correspond ainsi aux communes qui ne disposent d'aucun commerce ou dans un tiers des cas d'une épicerie, voir d'une boulangerie ou d'un marchand de journaux. Dès lors que la commune dispose d'un supermarché, elle appartient au second niveau d'équipement commercial. En général, cette grande surface à dominante alimentaire a un effet puissant d'agrégation d'autres commerces. On y retrouve souvent en plus de commerces de proximité une pharmacie, un bureau de poste, une banque, des magasins spécialisés et au moins une grande surface spécialisée. Cette typologie définie par Motte (2006) à cette fin a démontré sa pertinence. Ainsi, les communes ne disposant pas ou de peu de commerces de proximité sont considérées comme les plus fortement dépendantes de l'automobile car les ménages qui y résident sont systématiquement contraints de se 107 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale déplacer dans les communes voisines pour s'approvisionner en nourriture et biens anomaux. D'autre part l'absence de services de proximité traduit également le peu d'opportunités locales d'emploi impliquant de plus longues navettes pour les ménages qui y résident. Enfin, les faibles densités et les discontinuités du bâtit nuisant à la marche, ainsi que la faiblesse de l'offre de transport en commun n'y offrent que peu d'alternatives à l'automobile. De ce fait le recours plus important à l'automobile se traduit par une motorisation et un kilométrage en automobile plus importants que dans les autres communes de la couronne externe francilienne (Tableau 8). A l'inverse dans cette typologie, les communes disposant d'un ensemble élargi de services offrent à leurs habitants des opportunités d'approvisionnement et d'emplois locales qui tendent à minimiser leur mobilité automobile. La mobilité automobile y est la plus faible. 3. Données et Méthode 3.1. Etudier les migrations résidentielles des ménages à partir du recensement La partie quantitative de cette étude repose principalement sur l'exploitation des données du recensement de la population de 2006 et en particulier sur le fichier détail portant sur les « Migrations résidentielles des individus entre communes » (MIGCOM). Le fichier détail comporte un enregistrement par individu recensé permettant de dresser des profils individuels, à la différence des autres types de données du recensement agrégées par territoire. Pour répondre aux exigences du secret statistiques, les différents fichiers détails contiennent un nombre limité de variables et certaines variables sont peu détaillées. Dans le fichier MIGCOM, la PCS n'est détaillée qu'en 8 postes et ne dispose pas de variable décrivant le niveau de motorisation des ménages ou la taille du logement, pourtant utile dans le cadre de cette étude. Toutefois, le fichier MIGCOM permet de connaitre le dernier déménagement au cours des cinq dernières années 17 et indique à la fois son origine et sa destination en utilisant le maillage communal. Ce maillage territorial n'est pas le plus fin offert par l'INSEE. Mais un fichier avec un maillage plus fin à l'IRIS dispose d'un nombre de variable beaucoup plus réduit, offrant un profil sociodémographique des individus trop partiel au regard de notre questionnement. Au regard de notre échelle d'étude, celle de la grande couronne francilienne, soit un territoire comprenant près de 1 200 commune, ce maillage parait un compromis acceptable pour approcher les effets de la dépendance sur la mobilité résidentielle. L'utilisation des fichiers détails du recensement pour étudier les migrations résidentielles souffre d'une limite importante dans la mesure ou les caractéristiques des individus, de leur ménage ou celle du logement ne sont connues qu'à la destination et pas à l'origine. Il n'est pas possible à partir de ce Avec l'annualisation des résultats du recensement à partir du recensement de 2005, les migrations résidentielles correspondent au dernier déménagement connu effectué au cours des cinq années précédentes. Auparavant, le dernier déménagement connu pouvait avoir été effectué durant l'ensemble de la période intercensitaire soit 9 années pour le recensement de 1999, le précédent ayant été effectué en 1990. 17 108 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale seul fichier de lier un déménagement à la recherche d'un logement plus grand, l'arriÎe d'un enfant ou bien un changement d'emploi. Dans le cadre de cette étude lorsqu'il sera fait mention d'une situation de chômage, d'une famille monoparentale ou encore d'un logement en HLM, cela s'entend à la date du recensement soit en fin de période, sans qu'il soit possible de dire si c'était déjà le cas à l'origine du dernier déménagement connu. L'analyse des trajectoires résidentielles est menée au niveau des ménages, unités de base de la mobilité résidentielle, de la consommation et de la reproduction, pesant sur le niveau de revenu et de bien-être social des populations (Wallerstein et Smith 1992). Par ailleurs, cette étude n'a pris en compte que les ménages dont la personne de référence est un actif (occupé ou non), principaux animateurs de la dynamique résidentielle en Grande Couronne. L'objectif est de travailler sur un groupe de ménages suffisamment homogènes pour pouvoir étudier et comparer selon les territoires les effets des différentes variables explicatives. Par ailleurs, il est nécessaire que ces ménages soient potentiellement concernés par des situations de fragilités économiques et des ruptures dans le cycle de vie : le chômage ou la monoparentalité par exemple. Ainsi, d'une part les ménages de retraités ont été exclus de notre échantillon parce qu'ils ne connaissent généralement pas les dernières situations. D'autre part les inactifs ont été écartés parce leurs situations sont très hétérogènes en termes de revenus ou de mobilités quotidiennes rendant les comparaisons entre eux, par rapports aux ménages d'actifs et entre territoires particulièrement difficiles. 3.2. Des ménages modestes aux ménages précaires On retrouve deux types de définitions du ménage modeste dans les publications de l'INSEE. La première reconnait les ménages modestes comme les 25% de ménages ayant le plus faible niveau de vie (Devalière et al., 2011). La seconde plus précise définit les ménages modestes comme ceux ayant un niveau de vie supérieur au seuil de pauvreté et inférieur au troisième décile des individus de la France (Chéron, 2008). Par extension dans le cadre de cette étude, les ménages d'actifs modestes peuvent être définis comme ceux ayant un niveau de vie supérieur au seuil de pauvreté et inférieur au troisième décile des niveaux de vie des ménages de la France dont la personne de référence est un actif. Toutefois, comme la variable de niveau de vie ne figure pas dans les données du recensement, la PCS est souvent utilisée pour approcher le niveau de vie d'un ménage. Pour autant, si un découpage de la PCS en 24, 31 ou 48 postes peut donner des résultats jugés satisfaisants, un découpage 8 postes comme celui offert par le fichier détail MIGCOM ne l'est pas (Préteceille, 2006). De fait, les résultats obtenus en opposant les ouvriers et les employés, en tant que ménages modestes, aux cadres et aux professions intermédiaires, en tant que ménages aisés vont s'aÎrer ambiguës, au regard du questionnement et des hypothèses posées. Cette ambiguïté dépend pour partie de l'imprécision de l'approche du caractère modeste des ménages à partir du recensement. Face à ces limites, nous nous sommes appuyés sur des catégories de ménages qui ne sont pas nécessairement modestes mais dont le niveau de vie a été ou est fragilisé par une bifurcation dans le cycle de vie, il s'agit des familles monoparentales et des ménages dont la personne de référence est au chômage. On fait le postulat que tout comme les ménages modestes, ces deux catégories de ménages voient le coût de la mobilité automobile compromettre leurs localisations résidentielles dans des communes de forte dépendance automobile. Plus encore parce que le chômage et la 109 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale monoparentalité sont issus de ruptures dans le cycle de vie et remettent ainsi en cause le niveau de vie des individus et parfois les mobilités et les localisations résidentielles qui en dépendent. Pour chacun des terrains, les différentes trajectoires résidentielles des ménages et leurs caractéristiques sociodémographiques seront décrites dans un premier temps. Les variables ainsi décrites seront ensuite intégrées dans un modèle logistique permettant d'expliquer les déménagements pour chacun des terrains étudiés 4. Résultats 4.1. Des sorties résidentielles faibles à partir des territoires de forte dépendance automobile La part des sorties résidentielles dans la population des ménages des communes de forte dépendance automobile n'est pas plus importante que dans les communes de faible dépendance. Il n'y a donc pas de sorties massives des communes les plus dépendantes de l'automobile. Au contraire, la part des ménages sortants dans les communes de forte dépendance est plus faible que dans les communes de faible dépendance, -5,5 points (Figure 8). Par ailleurs lorsqu'un ménage sort d'une commune de forte dépendance automobile, l'une de ses destinations privilégiées reste une autre commune de forte dépendance automobile (Figure 9). Alors que pour les ménages sortants d'une commune de faible dépendance automobile, les communes de forte dépendance sont la destination la moins fréquente (Figure 9). Figure 8 : Effectifs et pourcentages de ménages selon la trajectoire résidentielle et le niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine Source: Calculs de l'auteur à partir du fichier détail « MIGCOM » du recensement de la population 2006 110 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Ainsi d'une part, s'il y a sorties de ménages modestes fragilisés par la dépendance à l'automobile des territoires où ils résident, ces sorties ne sont pas massives. D'autre part, les sorties résidentielles des communes de forte dépendance ne sont pas orientés fortement vers les communes de faible dépendance automobile en grande couronne ou de l'espace central régional. Ainsi, les hypothèses qui sont à la base de ce travail semblent immédiatement infirmées par ces résultats sur l'ensemble de la population des ménages. Il convient désormais de travailler de façon désagrégée sur la population des ménages en fonction de ses principales caractéristiques sociodémographiques, afin d'aller au-delà de l'effet de structure que suggère ces premiers résultats. Figure 9 : Distribution des ménages ayant effectué une migration résidentielle à partir de la grande couronne par niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine et type de la commune de destination Source: Calculs de l'auteur à partir du fichier détail « MIGCOM » du recensement de la population 2006 4.2. Les ménages de chômeurs ont une plus forte probabilité de quitter les communes de forte dépendance en grande couronne francilienne Une limite forte des résultats présentés ci-dessus est leur caractère binomial alors que la propension à déménager dépend fortement de plusieurs caractéristiques des ménages. C'est pourquoi nous avons construit un modèle cherchant à expliquer la décision de déménager hors de sa commune. Ce modèle est une régression logistique intégrant les principales variables explicatives des déménagements, telles l'âge, le statut d'occupation du logement et le type de logement, comme l'a montré l'étude de la bibliographie sur la mobilité résidentielle. D'autres variables explicatives ont également été intégrées, tel le niveau de dépendance du territoire d'origine et de destination, ainsi que type d'activité du chef du ménage permettant de voir si elle est au chômage. Ces dernières 111 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale variables ont un pouvoir explicatif bien inférieur dans le modèle mais sont cruciales pour discuter l'hypothèse au coeur de cette recherche. Tableau 9 : Descriptif des variables explicatives utilisées dans la modélisation en Grande Couronne Francilienne Variable Age de 20 à 24 de 25 à 39 de 40 à 54 55 et plus 10 808 214 469 431 324 144 876 220 164 225 184 160 315 195 815 746 780 54 697 420 476 128 000 253 001 615 768 185 709 160 140 52 550 37 552 13 668 6 108 115 041 130 598 178 761 107 059 407 969 388 750 4 758 479 425 95 899 198 466 6 204 1,3 26,8 53,8 18,1 27,5 28,1 20,0 24,4 93,2 6,8 52,5 16,0 31,6 76,8 23,2 20,0 6,6 4,7 1,7 0,8 14,4 16,3 22,3 13,4 50,9 48,5 0,6 59,8 12,0 24,8 0,8 34 645 244 089 118 515 21 205 114 459 127 756 91 395 84 845 387 131 31 324 157 099 83 639 177 716 303 144 115 310 121 577 21 078 13 946 4 209 1 490 86 150 68 318 67 972 33 714 170 382 243 953 4 119 188 198 143 074 59 607 11 741 8,3 58,3 28,3 5,1 27,4 30,5 21,8 20,3 92,5 7,5 37,5 20,0 42,5 72,4 27,6 29,1 5,0 3,3 1,0 0,4 20,6 16,3 16,2 8,1 40,7 58,3 1,0 45,0 34,2 14,2 2,8 45 453 458 558 549 839 166 081 334 622 352 940 251 710 280 660 1 133 911 86 021 577 575 211 640 430 717 918 913 301 019 281 717 73 629 51 498 17 877 7 598 201 190 198 917 246 733 140 773 578 352 632 703 8 877 667 623 238 973 258 073 17 946 3,7 37,6 45,1 13,6 27,4 28,9 20,6 23,0 92,9 7,1 47,3 17,3 35,3 75,3 24,7 23,1 6,0 4,2 1,5 0,6 16,5 16,3 20,2 11,5 47,4 51,9 0,7 54,7 19,6 21,2 1,5 Stables N % Migrants N % Ensemble N % PCS Cadres Professions Intermédiaires Employés Ouvriers Type d'activité Actifs occupé Chômeur Niveau de diplôme Inférieur au Baccalauréat Baccalauréat Supérieur au baccalauréat Lieu de naissance dans la région Non Oui Type de famille Célibataire Famille monoparentale avec 1 enfant Famille monoparentale avec 2 enfants Famille monoparentale avec 3 enfants et plus Famille monoparentale avec 4 enfants et plus Couple sans enfants Couple avec un enfant Couple avec 2 enfants Couple avec 3 enfants et plus Type de logement Maison Appartement Autre Statut d'occupation du logement Propriétaire Locataire Locataire HLM Meublé 112 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Autre Dépendance automobile à l'origine Faible Forte Dépendance automobile à la destination Faible Forte 663 424 138 054 82,8 17,2 323 947 94 508 77,4 22,6 987 371 232 561 80,9 19,1 663 424 138 054 82,8 17,2 342 764 75 691 81,9 18,1 1 006 188 213 744 82,5 17,5 21 483 2,7 15 834 3,8 37 317 3,1 A partir du Tableau 9 : ci-dessus, décrivant les variables utilisés dans le modèle, on observe la forte représentation dans la population des ménages de couples et propriétaires caractéristique des espaces périurbains, mais pas de l'ensemble des ménages actifs d'Ile-de-France. Le territoire d'étude se caractérise également par une plus grande jeunesse de la population et le faible pourcentage de ménage résidant dans le parc locatif priÎ, conséquence de la forte proportion de propriétaire et d'un parc social qui reste conséquent dans ces territoires. Les familles monoparentales et les chômeurs comptent respectivement pour 12,3 % et 7,1 % de la population confirmant que les populations et les trajectoires résidentielles au coeur de notre analyse sont en nombre limité parmi l'ensemble de la population. D'autant plus que les ménages résidant dans les communes de forte dépendance automobile représentent moins de 20 % de l'ensemble des ménages. Tableau 10 : Résultats du premier modèle : probabilité de sortir d'une commune de Grande Couronne Francilienne Estimate Std. Error (Intercept) Age (ref.: de 20 à 24) de 25 à 39 de 40 à 54 55 et plus 0.676 -0.587 -1.894 -2.770 0.026 0.078 -0.043 0.114 0.286 0.392 -0.096 -0.254 -0.431 -0.575 -0.689 0.286 -0.051 -0.418 0.016 0.013 0.014 0.016 0.007 0.008 0.008 0.009 0.007 0.007 0.006 0.011 0.013 0.022 0.034 0.008 0.008 0.008 z value 41.197 -44.384 -139.144 -177.797 3.817 9.645 -5.141 12.254 41.694 59.891 -16.929 -22.887 -32.828 -26.571 -20.356 36.910 -6.470 -52.756 Pr(>|z|) < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 *** *** *** *** *** *** *** PCS (ref.: Cadres) Professions intermédiaires Employés Ouvriers Type d'activité (ref. : Actif occupé) Chômeur Diplôme le plus éleÎ (ref.: Pas de scolarité) Inférieur au baccalauréat Baccalauréat Lieu de naissance en Grande Couronne (ref.: Non) Oui Type de famille (ref: Célibataire) Monoparentale avec 1 enfant Monoparentale avec 2 enfants Monoparentale avec 3 enfants Monoparentale avec 4 enfants et plus Couple sans enfant Couple avec 1 enfant Couple avec 2 enfants 113 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Couple avec 3 enfants et plus -0.474 -0.388 -0.335 0.934 -0.334 1.069 0.412 -0.295 -0.236 -0.126 -0.018 -0.030 0.023 -0.015 0.168 0.009 -0.014 -0.020 0.161 0.384 0.420 0.420 -0.005 0.026 0.091 0.242 1.287 0.132 0.063 0.076 0.106 -0.330 0.009 0.006 0.029 0.007 0.008 0.020 0.013 0.043 0.037 0.037 0.041 0.016 0.020 0.020 0.024 0.017 0.016 0.013 0.028 0.031 0.053 0.094 0.020 0.020 0.020 0.023 0.016 0.072 0.017 0.022 0.058 0.032 -50.457 -62.240 -11.672 138.283 -43.851 53.521 30.784 -6.781 -6.462 -3.406 -0.438 -1.889 1.119 -0.727 6.873 0.542 -0.849 -1.514 5.716 12.255 7.912 4.487 -0.248 1.307 4.617 10.333 80.852 1.844 3.716 3.434 1.824 -10.320 < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 *** *** *** *** Type de logement (ref.: Maison) Appartement Autre Locataire Locataire HLM Meublé Autre Forte de 25 à 39 / Forte de 40 à 54 / Forte 55 et plus / Forte Professions intermédiaires / Forte Employés / Forte Ouvriers / Forte Chômeur / Forte Inférieur au baccalauréat / Forte Baccalauréat / Forte Natif Grande Couronne / Forte Monoparentale avec 1 enfant / Forte Monoparentale avec 2 enfants / Forte Monoparentale avec 3 enfants / Forte Monoparentale avec 4 enfants et plus / Forte Couple sans enfant / Forte Couple avec 1 enfant / Forte Couple avec 2 enfants / Forte Couple avec 3 enfants et plus / Forte Appartement / Forte Autre / Forte Locataire / Forte Locataire HLM / Forte Meublé / Forte Autre / Forte Statut d'occupation du logement (ref.: Propriétaire) Dépendance à l'automobile de la commune d'origine (ref.: Faible) < 0.001 *** < 0.001 < 0.001 0.661 0.059 0.263 0.467 < 0.001 0.588 0.396 0.130 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 0.804 0.191 < 0.001 < 0.001 < 0.001 0.065 < 0.001 < 0.001 0.068 < 0.001 *** *** . Combinaison caractéristique du ménage / Dépendance à l'automobile de la commune d'origine *** *** *** *** *** *** *** *** . *** *** . *** Pseudo-R2 de McFadden : 0.176 Pour le premier modèle expliquant les déménagements hors de sa commune, les résultats s'interprètent relativement à un individu âgé de moins de 25 ans, occupé, cadre, vivant seul, propriétaire de sa maison, résidant dans une commune rurale et fortement dépendante à l'automobile. Les tendances générales du modèle sont sans surprise. On constate que la probabilité de déménager diminue avec l'âge, augmente avec le niveau de diplôme, diminue avec le nombre d'enfants, les familles monoparentales étant moins mobiles que les autres. La probabilité de déménager est la plus faible pour les locataires HLM, et plus importante pour les locataires que les propriétaires, et pour ceux qui résident en appartement plutôt qu'en maison. On observe enfin que globalement, les individus habitant les communes à forte dépendance de l'automobile sont 114 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale extrêmement moins mobiles que ceux habitant des communes à plus faible dépendance. Les natifs de grande couronne sont moins mobiles que les autres. Il s'agit de ménages qui bénéficient généralement de compétence de mobilité et d'un réseau de proches à même de compenser leurs éventuelles fragilités face à la dépendance automobile (Morel-Broche et Motte-Baumvol, 2010). Le modèle permet de Îrifier certaines des hypothèses de notre recherche. Les ménages tendent à quitter de manière plus importante les communes fortement dépendantes de l'automobile lorsqu'ils sont en situation de chômage. De même, les familles monoparentales tendent à plus quitter les communes fortement dépendantes de l'automobile. On a mis en évidence le fait que les chômeurs et les familles monoparentales soumis à la dépendance automobile ont tendance à migrer : la relation de cause à effet semble probable dans ce cas. L'effet du logement social sur la probabilité qu'ont les ménages à quitter les territoires de forte dépendance automobile. L'effet est significatif mais de faible ampleur. Ainsi, la probabilité de déménager est plus forte à partir des communes de forte dépendance automobile lorsque c'est pour accéder à un logement social. Il est difficile ici de déterminer si c'est un effet de la faible présence de logement social dans les communes fortement dépendantes de l'automobile, si il correspond à un changement de commune d'un ménage disposant déjà d'un logement HLM ou s'il s'agit bien d'un ménage échappant à la dépendance automobile parce qu'il a la possibilité d'accéder à un logement social. 4.3. Chômeurs et familles monoparentales peinent à échapper à la forte dépendance à l'automobile de leur territoire de résidence Nous allons plus loin dans notre analyse en nous intéressant à la destination des individus lorsqu'ils choisissent de déménager. Dans ce but, nous considérons uniquement à la population des individus de grande couronne qui déménagent, et nous cherchons à déterminer s'ils le font pour s'installer dans une commune fortement dépendante de l'automobile ou non. Nous modélisons donc la probabilité de s'installer dans une commune fortement dépendante de l'automobile lors d'un déménagement. Nous supposons alors que les communes de Paris et de la petite couronne, de même que le reste de la France, ne sont pas fortement dépendantes à l'automobile. Tableau 11 : Résultats du second modèle : probabilité pour les ménages ayant déménager de s'orienter vers une commune de forte dépendance automobile en Grande Couronne Francilienne Estimate (Intercept) Age (ref.: de 20 à 24) de 25 à 39 de 40 à 54 55 et plus Std. Error 0.029 0.022 0.023 0.029 0.012 0.015 0.015 0.018 z value -25.402 5.501 -4.726 -2.988 19.051 11.662 16.710 6.318 Pr(>|z|) < 0.001 < 0.001 < 0.001 0.003 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 *** *** *** ** *** *** *** *** 115 -0.735 0.122 -0.111 -0.086 0.233 0.177 0.256 0.113 PCS (ref.: Cadres) Professions intermédiaires Employés Ouvriers Type d'activité (ref. : Actif occupé) Chômeur Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Diplôme le plus éleÎ (ref.: Pas de scolarité) -0.003 0.013 -0.261 0.794 -0.189 0.012 -15.433 < 0.001 *** Lieu de naissance en Grande Couronne (ref.: Non) Oui 0.207 0.010 20.608 < 0.001 *** Type de famille (ref: Célibataire) Monoparentale avec 1 enfant -0.092 0.025 -3.711 < 0.001 *** Monoparentale avec 2 enfants -0.276 0.029 -9.525 < 0.001 *** Monoparentale avec 3 enfants -0.438 0.047 -9.235 < 0.001 *** Monoparentale avec 4 enfants et plus -0.683 0.084 -8.112 < 0.001 *** Couple sans enfant 0.078 0.015 5.285 < 0.001 *** Couple avec 1 enfant -0.055 0.015 -3.545 < 0.001 *** Couple avec 2 enfants -0.232 0.016 -14.941 < 0.001 *** Couple avec 3 enfants et plus -0.324 0.018 -17.799 < 0.001 *** Type de logement (ref.: Maison) Appartement -2.076 0.012 -172.144 < 0.001 *** Autre -1.211 0.050 -24.329 < 0.001 *** Statut d'occupation du logement (ref.: Propriétaire) Locataire -0.036 0.012 -3.126 0.002 ** Locataire HLM -0.834 0.019 -42.849 < 0.001 *** Meublé -0.352 0.039 -9.042 < 0.001 *** Autre -0.251 0.026 -9.742 < 0.001 *** Dépendance à l'automobile de la commune d'origine (ref.: Faible) Forte 0.832 0.052 16.012 < 0.001 *** Combinaison caractéristique du ménage / Dépendance à l'automobile de la commune d'origine Inférieur au baccalauréat Baccalauréat de 25 à 39 / Forte de 40 à 54 / Forte 55 et plus / Forte Professions intermédiaires / Forte Employés / Forte Ouvriers / Forte Chômeur / Forte Inférieur au baccalauréat / Forte Baccalauréat / Forte Natif Grande Couronne / Forte Monoparentale avec 1 enfant / Forte Monoparentale avec 2 enfants / Forte Monoparentale avec 3 enfants / Forte Monoparentale avec 4 enfants et plus / Forte Couple sans enfant / Forte Couple avec 1 enfant / Forte Couple avec 2 enfants / Forte Couple avec 3 enfants et plus / Forte Appartement / Forte Autre / Forte Locataire / Forte Locataire HLM / Forte Meublé / Forte 0.158 0.328 0.250 -0.073 0.031 0.097 -0.187 -0.246 -0.182 0.007 0.296 0.333 0.689 0.809 -0.099 0.182 0.377 0.474 0.552 0.657 -0.136 0.875 -0.057 0.037 0.040 0.052 0.024 0.030 0.030 0.035 0.024 0.024 0.019 0.043 0.049 0.085 0.153 0.028 0.030 0.030 0.036 0.023 0.094 0.023 0.034 0.070 4.273 8.223 4.805 -2.980 1.045 3.212 -5.392 -10.155 -7.645 0.385 6.852 6.752 8.126 5.297 -3.585 6.129 12.544 13.086 24.199 6.953 -6.031 25.685 -0.812 < 0.001 < 0.001 < 0.001 0.003 0.296 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 0.700 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 0.417 *** *** *** ** ** *** *** *** *** *** *** *** *** *** *** *** *** *** *** *** 116 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Autre / Forte 0.037 0.048 0.762 0.446 Pseudo-R2 de McFadden : 0.196 Le modèle nous montre que globalement, les individus qui déménagent vers des communes fortement dépendantes de l'automobile sont âgés de 25 à 40 ans, natifs de grande couronne, sans enfant, n'étant pas cadre pour y être propriétaire d'une maison. Il s'agit donc comme attendu de jeunes ménages d'actifs cherchant à accéder à la propriété dans des territoires où les prix de l'immobilier sont les moins éleÎs. Ils correspondent à la figure type du ménage périurbain s'installant dans des localisations périurbaines périphériques telle que décrite dans la littérature (Berger, 2004; Cavailhès et Selod, 2003; Jaillet, 2004). Pour les ménages avec une forte dépendance automobile à l'origine, la probabilité est plus éleÎe de s'installer à nouveau dans une commune de forte dépendance automobile à la destination. La dépendance à l'automobile est donc probablement en grande partie choisie en connaissance de cause. Pour autant, pour ce qui concerne les ménages sortant des communes de forte dépendance, les comportements sont un peu différents des autres ménages ayant effectué un déménagement. En particulier, les familles en situation de précarité ou de fragilité telles que les familles monoparentales sont plus enclins à déménager vers d'autres communes fortement dépendantes. Ces ménages en situation de précarité semblent donc avoir du mal à échapper à la dépendance à l'automobile, probablement parce que les familles monoparentales parviennent difficilement à accéder à l'offre et aux niveaux de prix des logements dans les communes de faible dépendance automobile. Aussi bien que ces ménages cherchent la proximité dans leurs déménagements pour ne pas ajouter à une séparation un déracinement d'un territoire, de réseaux sociaux et amicaux, affectant aussi bien la mère que les enfants (Minodier, 2006). On fait ici l'hypothèse que les communes de forte dépendance automobile ont une forte probabilité d'avoir comme voisines des communes avec un même niveau de dépendance. De fait, les territoires de forte dépendance automobile sont rarement isolés et forment plutôt un ensemble d'un seul tenant maillé de quelques rares enclaves de faible dépendance automobile (Figure 6 : ci-dessus). A l'inverse des familles monoparentales, les chômeurs sortants d'une commune de forte dépendance automobile déménagent moins vers une commune aussi dépendante de l'automobile. Probablement parce que la forte dépendance à l'automobile est généralement un obstacle à la recherche d'un nouvel emploi et qu'en connaissance de cause, ils cherchent à s'orienter vers d'autres territoires mieux dotés en emplois. Pour autant, les territoires de forte dépendance automobile continuent d'être attractifs pour les chômeurs, à priori ceux qui n'y étaient pas déjà installés, et qui y trouvent des logements à moindre coût mieux adapté à leur situation. Ainsi, si le modèle précédent a mis en évidence que les chômeurs et les familles monoparentales migrent pour échapper à la dépendance à l'automobile, les communes fortement dépendantes à l'automobile continuent d'accueillir ces familles en situation de fragilité et de précarité, sans doute du fait de leur attractivité en termes de budget logement. Les communes dépendantes à l'automobile sont marquées par ce double mouvement à la fois d'attrait et de répulsion des ménages précaires. 117 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale 4.4. L'Aire Urbaine Dijonnaise affiche des tendances similaires à celles obserÎes en Ile-de-France 4.4.1. Des sorties des territoires de forte dépendance automobile plus limitées à Dijon A Dijon comme en grande couronne francilienne, on n'observe pas un niveau supérieur de ménages sortants des communes de forte dépendance. Ils y comptent pour moins de 40 % des ménages soit moins qu'en grande couronne francilienne. Par ailleurs, le centre de l'aire urbaine dijonnaise ou les communes de faible dépendance ne constituent pas des destinations privilégiées pour les ménages sortants des communes de forte dépendance (Figure 11 : ci-dessous), à l'inverse de l'Île-de-France. Ainsi, les trajectoires résidentielles qui sont au coeur de notre questionnement sont peu représentées dans l'aire urbaine dijonnaise, traduisant très probablement le faible enjeu que constitue la mobilité résidentielle comme adaptation aux coûts induits par la dépendance automobile dans le périurbain dijonnais. Figure 10 : Effectifs et pourcentages de ménages selon la trajectoire résidentielle et le niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine dans l'aire urbaine dijonnaise (hors Dijon) Source: Calculs de l'auteur à partir du fichier détail « MIGCOM » du recensement de la population 2006 118 Figure 11 : Distribution des ménages ayant effectué une migration résidentielle à partir de l'aire urbaine dijonnaise (hors Dijon) par niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine et type de la commune de destination Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Source: Calculs de l'auteur à partir du fichier détail « MIGCOM » du recensement de la population 2006 4.4.2. Une population moins qualifiée et plus souvent propriétaire d'une maison dans l'aire urbaine dijonnaise La composition sociodémographique de l'ensemble des ménages résidant ou sortant des communes de forte dépendance automobile de l'aire urbaine dijonnaise (hors commune de Dijon) un peu différente de celle obserÎe en Grande Couronne Francilienne. La population des ménages du territoire dijonnais a un niveau d'étude moindre et comporte une part de cadre moins importe et inversement une part d'ouvriers plus importante. Ces différences se fondent notamment sur un marché de l'emploi faisant la part belle aux actifs avec des niveaux de qualifications supérieurs. L'âge des ménage est plus éleÎ à Dijon tandis que la taille des ménages y est également un peu moins importante, notamment parce que la part des célibataires est plus faible et celle des couples avec plusieurs enfants plus forte. Ce qui s'explique par un environnement francilien plus attractifs pour les jeunes actifs en début de carrière tandis que les familles avec enfants se trouvent souvent à l'étroit dans les très chers logements d'Ile-de-France. Enfin, une forte différenciation entre les deux terrains est fortement marquée quant à la part des célibataires et celle de ceux qui occupent une maison individuelle, ces deux caractéristiques étant souvent liées. Cette différenciation atteint environ 10 points pour ces deux caractéristiques au profit du terrain dijonnais par rapport à celui francilien. Ces différenciations entre l'Ile-de-France et les autres aires urbaines sont bien connues, bien documentées et expliquées, notamment dans les publications de l'INSEE, nationales et régionales. 119 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Quant aux particularités des migrants ou des stables par rapport au profil général de l'ensemble des ménages, on ne constate pas de différences significatives entre le terrain dijonnais et celui d'Ile-deFrance. En effet, ici aussi les migrants sont bien plus jeunes et plus diplômés que les stables. Les migrants sont également des ménages de plus petite taille, sont plutôt des employés, voir des professions intermédiaires que des ouvriers. Enfin, parmi les ménages de migrants on compte une minorité de propriétaire et d'occupants de maisons individuelles. Tableau 12 : Descriptif des variables explicatives utilisées dans la modélisation dans l'Aire Urbaine Dijonnaise Variable Age de 20 à 24 ans de 25 à 39 ans de 40 à 54 ans 55 ans et plus 275 5 925 16 044 4 439 5 025 7 969 4 575 9 113 25 386 1 297 16 074 4 085 6 523 4 490 1 544 909 389 5 082 4 813 9 456 18 526 8 059 98 19 266 2 214 4 579 160 463 1,0 22,2 60,1 16,6 18,8 29,9 17,1 34,2 95,1 4,9 60,2 15,3 24,4 16,8 5,8 3,4 1,5 19,0 18,0 35,4 69,4 30,2 0,4 72,2 8,3 17,2 0,6 1,7 1 855 7 207 4 074 624 2 410 4 387 2 916 4 048 13 036 725 5 773 2 926 5 062 4 553 748 355 138 2 834 1 882 3 252 5 891 7 790 80 5 992 5 335 1 551 406 477 13,5 52,4 29,6 4,5 17,5 31,9 21,2 29,4 94,7 5,3 42,0 21,3 36,8 33,1 5,4 2,6 1,0 20,6 13,7 23,6 42,8 56,6 0,6 43,5 38,8 11,3 2,9 3,5 2 130 13 132 20 119 5 063 7 435 12 356 7 491 13 161 38 422 2 022 21 847 7 012 11 585 9 043 2 292 1 264 527 7 916 6 695 12 708 24 416 15 849 179 25 259 7 549 6 130 566 941 5,3 32,5 49,7 12,5 18,4 30,6 18,5 32,5 95,0 5,0 54,0 17,3 28,6 22,4 5,7 3,1 1,3 19,6 16,6 31,4 60,4 39,2 0,4 62,5 18,7 15,2 1,4 2,3 Stables N % Migrants N % Ensemble N % PCS Cadres Professions Intermédiaires Employés Ouvriers Type d'activité Actifs occupé Chômeur Niveau de diplôme Inférieur au Baccalauréat Baccalauréat Supérieur au baccalauréat Type de famille Célibataire Famille monoparentale avec 1 enfant Famille monoparentale avec 2 enfants Famille monoparentale avec 3 enfants et plus Couple sans enfants Couple avec un enfant Couple avec 2 enfants et plus Type de logement Maison Appartement Autre Statut d'occupation du logement Propriétaire Locataire Locataire HLM Meublé Autre 120 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Dépendance automobile à l'origine Faible Forte 15 450 11 233 15 450 11 233 57,9 42,1 57,9 42,1 8 141 5 620 9 575 4 186 59,2 40,8 69,6 30,4 23 591 16 853 25 025 15 419 58,3 41,7 61,9 38,1 Dépendance automobile à la destination Faible Forte 4.4.1. Des résultats de modèles similaires à la situation francilienne Dans le Tableau 13 :, nous présentons les résultats de la régression logistique qui modélise la probabilité pour un ménage de sortir d'une commune de l'aire urbaine dijonnais (hors commune de Dijon). Les variables ayant le pouvoir explicatif le plus important sont les même que pour le modèle appliqué à la grande couronne francilienne, avec par ordre décroissant : l'âge, le statut d'occupation du logement et le type de ménage. Tableau 13 : Résultats du premier modèle : probabilité de sortir d'une commune de l'Aire Urbaine Dijonnaise (hors Dijon) Estimate (Intercept) Age (ref.: de 20 à 24) de 25 à 39 de 40 à 54 55 et plus 1,032 -0,876 -2,367 -3,046 0,105 0,005 -0,001 -0,199 0,173 0,329 -0,277 -0,444 -0,638 0,044 -0,240 -0,308 -0,117 0,524 1,178 -0,771 Std. Error 0,112 0,088 0,090 0,104 0,050 0,061 0,059 0,072 0,046 0,046 0,074 0,100 0,158 0,052 0,055 0,051 0,043 0,227 0,047 0,054 z value 9,193 -9,913 -26,237 -29,429 2,111 0,075 -0,025 -2,758 3,729 7,167 -3,734 -4,458 -4,039 0,849 -4,385 -6,091 -2,735 2,304 24,882 -14,311 Pr(>|z|) < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** 0,035 * 0,940 0,980 0,006 ** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** 0,396 < 0.001 *** < 0.001 *** 0,006 ** 0,021 * < 0.001 *** < 0.001 *** PCS (ref.: Cadres) Professions intermédiaires Employés Ouvriers Type d'activité (ref. : Actif occupé) Chômeur Diplôme le plus éleÎ (ref.: Pas de scolarité) Baccalauréat Supérieur au baccalauréat Type de famille (ref: Célibataire) Monoparentale avec 1 enfant Monoparentale avec 2 enfants Monoparentale avec 3 enfants et plus Couple sans enfant Couple avec 1 enfant Couple avec 2 enfants et plus Type de logement (ref.: Maison) Appartement Autre Statut d'occupation du logement (ref.: Propriétaire) Locataire Locataire HLM 121 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Meublé Autre Forte de 25 à 39 ans / Forte de 40 à 54 ans / Forte 55 ans et plus / Forte Professions intermédiaires / Forte Employés / Forte Ouvriers / Forte Chômeur / Forte Baccalauréat / Forte Supérieur au baccalauréat / Forte Monoparentale avec 1 enfant / Forte Monoparentale avec 2 enfants / Forte Monoparentale avec 3 enfants et plus / Forte Couple sans enfant / Forte Couple avec 1 enfant / Forte Couple avec 2 enfants et plus / Forte Appartement / Forte Autre / Forte Locataire / Forte Locataire HLM / Forte Meublé / Forte Autre / Forte 0,674 0,718 -0,590 0,051 0,376 0,391 -0,297 -0,195 -0,322 0,599 0,343 0,194 0,104 -0,165 0,423 -0,390 -0,200 -0,234 2,004 -1,038 -0,142 0,959 0,813 -0,215 pseudo-R2 : 0.2634 0,134 0,097 0,201 0,168 0,169 0,190 0,080 0,103 0,095 0,135 0,075 0,076 0,128 0,162 0,247 0,090 0,093 0,085 0,081 0,380 0,078 0,111 0,270 0,161 5,034 7,435 -2,929 0,304 2,218 2,061 -3,731 -1,891 -3,402 4,422 4,549 2,550 0,818 -1,020 1,712 -4,361 -2,155 -2,761 24,888 -2,733 -1,818 8,640 3,012 -1,331 < 0.001 *** < 0.001 *** 0,003 ** 0,761 0,027 * 0,039 * < 0.001 *** 0,059 . < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** 0,011 * 0,413 0,308 0,087 . < 0.001 *** 0,031 * 0,006 ** < 0.001 *** 0,006 ** 0,069 . < 0.001 *** 0,003 ** 0,183 Dépendance à l'automobile de la commune d'origine (ref.: Faible) Combinaison caractéristique du ménage / Dépendance à l'automobile de la commune d'origine Les résultats généraux du modèle sont identiques à ceux obserÎes en grande couronne francilienne. C'est-à-dire que les ménages qui ont la plus forte probabilité de déménager sont les ménages jeunes, de petite taille, les plus diplômés, actifs occupés, locataires (hors parc HLM) d'un appartement dans une commune faiblement dépendante de l'automobile. A partir des territoires de forte dépendance automobile, le profil du migrant est différent comme obserÎ pour le terrain francilien. Ce la concerne des ménages plus âgés, plutôt de petite taille, notamment des cadres mais aussi des chômeurs. Si la propension des chômeurs à sortir des communes de forte dépendance automobile est forte, les familles monoparentales semblent suivre le même chemin sans que les résultats soient très significatifs. On notera tout de même qu'à partir des communes de forte dépendance automobile les familles monoparentales n'aient pas une plus faible propension à déménager comme c'est le cas en général pour ces ménages. Il nous semble donc que les familles monoparentales aient bien une probabilité plus forte de déménager à partir des communes de forte dépendance automobile. Les tendances mise en évidence dans ce premier modèle prédisant la probabilité d'un ménage de déménager sont équivalents pour l'Ile-de-France et l'Aire Urbaine Dijonnaise. A peu de choses près, il en est de même concernant le second modèle cherchant à prédire la probabilité pour un ménage déménageant de s'orienter vers une commune de forte dépendance automobile. Les tendances 122 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale mises en évidences pour le terrain parisien sont relativement similaires à celles obserÎes pour le terrain dijonnais. Tableau 14 : Résultats du second modèle : probabilité pour les ménages ayant déménagé de s'orienter vers une commune de forte dépendance automobile dans l'Aire Urbaine Dijonnaise Estimate (Intercept) Age (ref.: de 20 à 24) de 25 à 39 de 40 à 54 55 et plus PCS (ref.: Cadres) Professions intermédiaires Employés Ouvriers Type d'activité (ref. : Actif occupé) Chômeur Diplôme le plus éleÎ (ref.: Pas de scolarité) Baccalauréat Supérieur au baccalauréat Type de famille (ref: Célibataire) Monoparentale avec 1 enfant Monoparentale avec 2 enfants Monoparentale avec 3 enfants et plus Couple sans enfant Couple avec 1 enfant Couple avec 2 enfants et plus Type de logement (ref.: Maison) Appartement Autre Statut d'occupation du logement (ref.: Propriétaire) Locataire Locataire HLM Meublé Autre 0,026 -1,266 0,400 0,439 0,078 0,148 0,217 0,150 0,248 0,341 -8,578 1,839 2,926 1,789 0,733 < 0.001 *** 0,066 . 0,003 ** 0,074 . -3,027 -1,556 0,086 0,344 -34,997 -4,523 < 0.001 *** < 0.001 *** 0,098 -0,098 -0,141 -1,237 -0,192 -0,121 0,240 -0,026 -0,292 0,144 0,081 0,080 0,219 0,212 0,337 0,094 0,104 0,096 0,679 -1,217 -1,762 -5,643 -0,906 -0,360 2,555 -0,247 -3,046 0,497 0,224 0,078 . < 0.001 *** 0,365 0,719 0,011 * 0,805 0,002 ** 0,538 0,446 0,589 0,087 0,108 0,100 6,196 4,138 5,865 < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** -0,076 -0,643 -0,725 0,126 0,135 0,175 -0,602 -4,756 -4,136 0,547 < 0.001 *** < 0.001 *** -0,012 Std. Error 0,178 z value -0,066 Pr(>|z|) 0,947 Dépendance à l'automobile de la commune d'origine (ref.: Faible) 0,444 Forte Combinaison caractéristique du ménage / Dépendance à l'automobile de la commune d'origine de 25 à 39 / Forte 0,427 0,167 2,555 0,011 * 0,511 0,182 2,802 0,005 ** de 40 à 54 / Forte 55 et plus / Forte 0,664 0,256 2,597 0,009 ** Professions intermédiaires / Forte -0,090 0,130 -0,690 0,490 Employés / Forte Ouvriers / Forte Chômeur / Forte 0,022 0,359 -0,597 0,162 0,152 0,219 0,134 2,363 -2,726 0,894 0,018 * 0,006 ** 123 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Baccalauréat / Forte Supérieur au baccalauréat / Forte Monoparentale avec 1 enfant / Forte Monoparentale avec 2 enfants / Forte Monoparentale avec 3 enfants et plus / Forte Couple sans enfant / Forte Couple avec 1 enfant / Forte Couple avec 2 enfants et plus / Forte Appartement / Forte Autre / Forte Locataire / Forte Locataire HLM / Forte Meublé / Forte Autre / Forte -0,325 -0,052 1,535 0,101 0,571 0,023 -0,174 0,173 0,361 0,753 -0,158 1,552 -0,373 -0,674 pseudo-R2 : 0.3039 0,118 0,119 0,260 0,289 0,435 0,133 0,151 0,138 0,124 0,487 0,112 0,193 0,299 0,237 -2,767 -0,438 5,905 0,349 1,313 0,173 -1,154 1,254 2,911 1,546 -1,410 8,045 -1,249 -2,840 0,006 ** 0,662 < 0.001 *** 0,727 0,189 0,862 0,249 0,210 0,004 ** 0,122 0,159 < 0.001 *** 0,212 0,005 ** Le modèle nous montre que globalement, comme en Ile-de-France, les individus qui déménagent vers des communes fortement dépendantes de l'automobile sont âgés de 25 à 40 ans, sans enfant, n'étant pas cadre pour y être propriétaire d'une maison. Il s'agit donc comme attendu de jeunes ménages d'actifs cherchant à accéder à la propriété dans des territoires où les prix de l'immobilier sont les moins éleÎs. Enfin, on observe également que les chômeurs ont une probabilité plus faible de s'orienter vers une commune fortement dépendante de l'automobile lorsqu'ils en sont déjà issus, alors que pour les familles monoparentales, au contraire, cette probabilité tend à être plus éleÎe. Ainsi, dans l'Aire Urbaine Dijonnaise comme en grande Couronne Francilienne, les modèles précédents ont mis en évidence que les chômeurs et les familles monoparentales migrent pour échapper à la dépendance à l'automobile, les communes fortement dépendantes à l'automobile continuent d'accueillir ces familles en situation de fragilité et de précarité, sans doute du fait de leur attractivité en termes de budget logement, alors même que les méchés immobiliers parisiens et dijonnais s'ils ont une structure relativement similaires n'ont pas les mêmes niveaux de prix. Par ailleurs les distances parcourues par les ménages de l'aire urbaine dijonnaise sont bien moindres allégeant d'autant le coût de leur mobilité. Dans les espaces périurbains, en particulier ceux les plus périphériques, le coût moyen de la mobilité plus éleÎ pèse fortement sur le budget de ménages modestes qui y résident. Parmi ces ménages, les plus exposés d'entre eux, les chômeurs et les familles monoparentales, parce que ce type d'épisode dans le cycle de vie entamme durablement leur niveau de revenu, connaissent une mobilité résidentielle accrue comme une conséquence au coût d'une telle localisation résidentielle (logement + transport) auquel ils peinent à faire face. Ainsi, nos résultats mettent clairement en évidence la plus forte probabilité qu'ont ces deux types de ménages à sortir d'une commune de forte dépendance automobile. 5. Discussion - Conclusion 124 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Pour autant, si les familles monoparentales ont une probabilité plus forte de quitter une commune de forte dépendance automobile c'est souvent pour s'orienter vers une autre aussi dépendante. Ces territoires continuent d'être attractif probablement en raison du coût du logement et aussi pour ne pas ajouter à cet épisode difficile dans le cycle de vie un déracinement d'un territoire souvent au centre des réseaux sociaux et amicaux du parent et de ses enfants. Pour les chômeurs le constat est différent. S'il sortent d'une commune de forte dépendance, c'est pour s'orienter plus résolument vers une commune de faible dépendance. L'attrait du prix du logement est probablement éclipsé par leur connaissance et leur expérience du marché de l'emploi local et de ses opportunités. A l'inverse, les ménages de chômeurs dont l'étape résidentielle précédente ne s'est pas faite dans ces territoires sont plus enclins à s'y installer. L'abitrage entre prix des logements et opportunités d'emplois ne serait pas évaluée de la même façon par ces ménages en raison de leurs expériences respectives. Le logement social est un facteur significatif pour expliquer les déménagement à partir des communes de forte dépendance. Quelque soit le statut d'occupation antérieur, la probabilité de déménager est plus forte pour les ménages qui ont accès à un logement social à destination, quelque qu'en soit la localisation et son niveau de dépendance. A l'inverse le logement social est plutôt associé à un moindre niveau de déménagement à partir des communes de faible dépendance. Pour autant, si le logement social conduit les ménages à sortir d'une commune de forte dépendance, c'est pour se diriger vers une autre commune tout aussi dépendante. Ce résultat est contre-intuitif et montre qu'il existe une offre de logement social dans les communes de forte dépendance qui contribue à orienter et conserver une population de ménages modestes, notamment des familles monoparentales et des ménages de chômeur, dans des territoires de forte dépendance. Ces résultats montrent que la mobilité résidentielle consitue un moyen de réguler le nombre des ménages dont le niveau de vie est fortement contraint par le coût éleÎ des transports dans les territoires de forte dépendance automobile. Pour autant, les tendances obserÎes ne sont pas totalement satisfaisantes dans la mesure ou de nombreuses relocalisations se font dans d'autres communes où les coûts de la mobilité reste très éleÎs. Les déménagements ne permettent dans ces cas là que des allègements partiels et/ou temporaires du budget transport avec un rapprochement géographique du lieu d'emploi, des réseaux sociaux, familiaux et amicaux, qui restent sous la menace d'un renchérissement du coût de l'énergie. Toutefois, dans les facteurs qui participent à maintenir les ménages dans une situation de forte dépendance automobile malgré un déménagement, on trouve en bonne place le logement social. Or, le parc social permet généralement de diminiuer substantiellement le budget logement des ménages leur permettant de compenser un coût de la mobilité plus éleÎ. Cet instrument pourrait être utilisé de façon plus efficace et plus durable pour agir sur les situations de dépendance automobile, en orientant plutôt la contruction de nouveaux logements dans des communes faiblement dépendante de l'automobile. Cela permettrait d'ajouter à l'allègement du budget logement celui du budget transport qui peut rester problématique. Les mesures incitant à la mobilité résidentielle paraissent particulièrement pertinentes, parce qu'elles permettent de réduire(mais pas d'éliminer) le besoin pour des aides à la mobilité quotidienne.Ces dernières ont un plus faible coût d'investissement, mais un coût de fonctionnement particulièrement éleÎes dans les espaces périurbains. Lorsque la France, comme de nombreux autres pays) a été confrontée à une rapide et forte augmentation des prix de l'essence en 2008, les mesures proposées ont été la mise en place de chèques transport et le renforcement des transports publics. Alors que l'on connaît la faible efficacité et le coût éleÎ des transports publics dans les espaces périurbains et que Fol et al. (2007,p. 813) mettent en avant que bien souvent les 125 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale programmes visant à "subventionner" la mobilité automobile sont trop coûteux pour être généralisés et menacent nécessairement la part modale des transports en commun. 126 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Conclusion générale Dans cette conclusion générale, nous commencerons tout d'abord par replacer notre étude dans un contexte large reprenant les enjeux de la présence de populations modestes dans les espaces périurbains notamment aux travers d'un rappel des apports de la littérature scientifique. Puis nous rappellerons nos principaux résultats empiriques que nous mettrons en perspective en termes d'aménagement. La présence croissante de ménages modestes dans les espaces périurbains des aires urbaines françaises ne manque pas d'inquiéter dans un contexte d'augmentation et/ou de forte variabilité des coûts du carburant. Le niveau de vie de ces ménages pourraient se trouver entamé par un budget transport mal anticipé dans des territoires fortement dépendants de l'automobile qui leur ont permis l'accession à la propriété. Sortir de ces teritoires impliquerait, pour nombre d'entre eux, la perte de leur statut de propriétaire d'une maison individuelle, pour lequel ils sont prêt à faire d'importants sacrifices, et l'arriÎe dans un logement plus petit, probablement en appartement, notamment dans le parc social en banlieue, soit l'anti-modèle du projet résidentiel périurbain dans laquelle ils se sont investis. Dans ce contexte, plusieurs auteurs, au travers d'essais, ont postulés le développement de territoires d'exclusions et d'assignation territoriale pour les ménages modestes dans les espaces périurbains périphériques. Il s'agit d'un côté de territoires périurbains attirant les ménages modestes par une offre de maison individuelles en accession à la propriété abordable et de l'autre côté fragilisant le niveau de vie ces ménages par des injonctions à une mobilité automobile très couteuse. Outre des situations individuelles difficiles qui se multiplieraient dans ces territoires, ces auteurs évoquent également le développement d'une ségrégation sociospatiale accrue dans les espaces périurbains les plus périphériques. Celle-ci serait le fait de la multiplication des situations individuelles de fragilité dans certains territoires entrainant le départ ou l'évitement des ménages plus aisés face à cet environnement social dégradé à l'image et avec l'intensité que l'on connait dans certains quartiers urbains. Les tendances mises en avant par ces auteurs paraissent toutefois contestables. En effet, le développement de territoires périurbains périphériques comportant une population croissante de ménages modestes susceptibles d'être fragilisés par le coût de la mobilité peine à être identifié (Beaucire et Berger, 2002). Plusieurs éléments constitutifs de la ségrégation sociospatiale permettent de l'expliquer : Tout d'abord par le fait que la ségrégation sociospatiale est avant tout portée par les choix de localisation des populations les plus aisées (Preteceille, 2006). Ce sont pour ces ménages que l'univers de choix est le plus ouvert. Leurs niveaux de concentration sont souvent déterminants sur le niveau global de la ségrégation sociospatiale dans un territoire. Or, on observe que les populations les plus aisées sont relativement peu représentées dans les 127 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale espaces périurbains, contrairement aux centres des pôles urbains et qu'elles y affichent des niveaux de concentration peu éleÎs. De plus, la ségrégation sociospatiale est liée, le plus souvent, à une exclusion par les prix de ceux qui n'ont pas les moyens de payer (Galster et Cutsinger, 2005). Or, la périurbanisation entraîne l'intégration dans le marché immobilier de nombreux terrains auparavant nonurbanisé, ce qui à pour effet une tendance à la baisse ou à la modération des prix, alors que les territoires périurbains ont déjà des niveaux de prix inférieurs à ceux de centres. L'exclusion par les prix à donc toutes les chances d'être moins important dans les espaces périurbains et en particulier ceux les plus périphériques. Subséquemment, la constitution de poches de pauvreté dans les espaces périurbains pourrait être le résultat de la sécession des classes moyennes des territoires où la concentration de ménages en difficulté est la plus forte. Si ce type de processus est parfois évoqué pour expliquer une ségrégation sociospatiale accrue en France, Preteceille (2006) réfute cet argument dans le cas de l'Ile-de-France en mettant en avant la très forte dispersion des classes moyennes et leur présence toujours forte dans les quartiers les plus pauvres. Il est peu probable que les espaces périurbains échappent à cette tendance. Ensuite, dans un modèle de ségrégation sociospatiale urbaine classique, les populations les plus pauvres sont également marquées par de hauts niveaux de concentration. En France une forte concentration de ménages pauvres est souvent liée à des localisations comportant des ensembles de copropriétés dégradées ou de logements sociaux. Ce type de configuration est peu fréquente voir inexistant dans les espaces périurbains. Enfin, un dernier facteur peut expliquer l'absence de formation de territoires périurbains de relégation, il s'agit des trajectoires résidentielles des ménages modestes. Ces trajectoires sont réputées bloquées en raison de la structure du marché immobilier. Les espaces périurbains périphériques sont les seuls abordables pour les ménages modestes qui ne peuvent ensuite s'en extirper sous peine de déclassement social et de dégradation de leurs conditions de logement. Ces ménages sont donc « relégués » dans ces espaces. Or MotteBaumvol et al. (2010) ont mis en évidence que cette relégation ne pourrait être que relative puisqu'ils ont identifié une surreprésentation des ménages modestes parmi les ménages sortant des territoires périurbains périphériques. - - - Ce sont aux trajectoires résidentielles des ménages modestes à partir des espaces périurbains que nous nous sommes intéressés dans ce travail de recherche, pour identifier s'ils sont susceptibles de contribuer ou non à la constitution de territoires périurbains de relégation, sous quelles conditions et avec quelle intensité. Il s'agit de renouveler, assoir, préciser et approfondir les résultats exploratoires de Motte et al. (2010). Nous nous sommes appuyés pour cela à la fois sur des analyses quantitatives multivariées et sur des analyses qualitatives à partir d'entretiens. L'enquête qualitative auprès des ménages met en évidence de fortes tensions sur les budgets des ménages modestes résidants dans des territoires fortement dépendant de l'automobile. Le coût de la mobilité dans ces espaces est mal anticipé par ces ménages et souvent occulté. Ces ménages évoquent souvent la pénibilité des déplacements quotidiens, en particuliers ceux liés au travail, mais ne voient pas le coût comme un problème important même lorsqu'on les interroge à ce sujet. Cela se 128 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale traduit par une vulnérabilité économique exacerbée notamment face aux aléas que tous redoutent et se traduisant par des économies d'ampleur en particulier sur les loisirs marchands et sur les vacances compensés par la mobilisation des ressources de naturelles de proximités comme les forêts, les espaces ouverts ou les jardins où l'on pratique des actiÎes récréatives et sportives. Si les ménages peuvent faire des économies sur les dépenses liées à l'automobile que ce soit sur l'entretien, les réparations, le renouvellement ou l'usage, ils ne peuvent y renoncer. Toutefois, leurs marges de manoeuvre y sont bien étroites. Ainsi plusieurs femmes n'ayant pas le permis et ayant la volonté de le passer, aussi bien célibataires, qu'à la tête de familles monoparentales ou qu'en couple y ont renoncé en raison de son coût et malgré les nombreux désagréments que cela leurs occasionnent. Pour autant, malgré les multiples et importantes concessions en termes de niveau de vie, les ménages modestes sont attachés à leurs localisations résidentielles et à leur statut d'accédant à la propriété d'une maison individuelle. Ceux qui y renoncent s'orientent souvent vers des logements en location dans les espaces urbains. Mais ils ne le font que lorsqu'au coût de la mobilité dans ces espaces s'ajoutent des évolutions du cycle de vie professionnel et/ou personnel qui motivent le changement de localisation résidentielle en premier lieu. La séparation d'un couple ou le changement de lieu de travail sont les principaux facteurs qui conduisent à une sortie des territoires périurbains les plus dépendants de l'automobile. Dans ces cas là, une dépendance automobile mal Îcue, en premier lieu en raison de la pénibilité des déplacements et éventuellement en raison de son coût, incite les ménages à s'orienter vers des territoires urbains ou périurbains dans lesquelles les alternatives à l'automobile et les aménités urbaines locales sont plus nombreuses. Bien souvent, les ménages modestes qui renoncent à la propriété dans les espaces périurbains périphériques sont ceux qui ont des liens privilégiées avec les espaces urbains, notamment, que ce soit la localisation de leur emploi, leurs réseau familial et/ou amical, ainsi que d'expériences personnelles et familiales passées. A l'inverse, les ménages qui paraissent tout particulièrement attachés à une localisation résidentielle périurbaine le sont pour les mêmes raisons relativement aux espaces périurbains. Les résultats obtenus par les analyses quantitatives à partir du recensement de la population mettent en perspectives ces observations et viennent confirmer les résultats obtenus précédemment par Motte-Baumvol et al. (2010). Ainsi, deux catégories de ménages ont une propension supérieur à quitter les territoires les plus dépendants de l'automobile. Il s'agit des familles monoparentales et des ménages dont la personne de référence est au chômage. L'idée d'une relégation et de trajectoires résidentielles en cul de sac des ménages modestes dans les territoires les plus dépendants de l'automobile semble remise en cause par ces résultats. Toutefois, lorsque l'on examine leurs destinations on s'aperçoit que c'est souvent pour aller à nouveau vers un autre territoire aussi dépendant de l'automobile. C'est le cas pour les familles monoparentales. Ces territoires continuent d'être attractif probablement en raison du coût du logement et aussi pour ne pas ajouter à cet épisode difficile dans le cycle de vie un déracinement d'un territoire souvent au centre des réseaux sociaux et amicaux du parent et de ses enfants. Pour les chômeurs le constat est différent. S'ils sortent d'une commune de forte dépendance, c'est pour s'orienter plus résolument vers une commune de faible dépendance. L'attrait du prix du logement est probablement éclipsé par leur connaissance et leur expérience du marché de l'emploi local et de ses opportunités. Dans ces trajectoires résidentielles le logement social est un facteur significatif pour expliquer les déménagements à partir des communes de forte dépendance. Quelque soit le statut d'occupation antérieur, la probabilité de déménager est plus forte pour les ménages qui ont accès à un logement 129 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale social à destination, quelque qu'en soit la localisation et son niveau de dépendance. A l'inverse le logement social est plutôt associé à un moindre niveau de déménagement à partir des communes de faible dépendance. Pour autant, si le logement social conduit les ménages à sortir d'une commune de forte dépendance, c'est pour se diriger vers une autre commune tout aussi dépendante. Ce résultat est contre-intuitif et montre qu'il existe une offre de logement social dans les communes de forte dépendance qui contribue à orienter et conserver une population de ménages modestes, notamment des familles monoparentales et des ménages de chômeur, dans des territoires de forte dépendance. La mise en perspective de la situation parisienne par rapport à celle de l'aire urbaine dijonnaise laisse apparaitre une culture du tout-automobile bien supérieure dans les espaces périurbains dijonnais où les pratiques alternatives à l'automobile sont bien moins développées. Toutefois, la dépendance automobile fait plus question pour les ménages modestes de l'aire urbaine parisienne dans la mesure où l'éloignement au lieu de travail et aux aménités urbaines est souvent supérieure renforçant d'autant le coût de leur mobilité. Par ailleurs, l'ancrage parait plus faible dans le périurbain francilien, alors qu'il permet de compenser, par une meilleure connaissance des territoires et un réseau social plus fourni, l'absence d'alternative à l'automobile et la faiblesse des aménités urbaines. 130 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Bibliographie Aguilera, A., Massot, M.H., Proulhac, L., 2006. 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Il tend à rendre compte de la manière dont les acteurs, notamment sociaux appréhendent les questions de mobilité, les difficultés financières et sociales que celles-ci génèrent, l'impact que veut avoir le coût de sociologique que géographique. L'on s'est en effet attaché à recueillir la vision que ces acteurs espaces périurbains et le sens que recouvrait pour eux le qualificatif de périurbain mobilisé souvent la mobilité et la dépendance automobile sur le quotidien des gens. L'angle d'approche est ici plus publics avaient de leur territoire et de la pauvreté dont on suppose aujourd'hui qu'elle gagne les pour parler de leur département. Le terme périurbain de fait est large et peu défini comme cela a été dit dans les réunions organisés par le PUCA dans le cadre de l'appel à proposition « La mobilité et le périurbain à l'impératif de la ville durable, ménager les territoires de vie des périurbains ». Ceci, en dépit de la maturité d'un phénomène, celui-ci est aujourd'hui assorti de jugements de valeurs dont les chercheurs ne se sont pas exempts, comme le rappellent Bénédicte Grosjean (2010) : la partie diffuse ou périurbaine de la ville est perçue moins pour ses caractéristiques propres qu'au travers du modèle urbain qu'est la ville centre dont elle serait, elle, le revers. Et à ce titre, les acteurs locaux, victime de cette image, ne sont pas en reste. Dans ce département où la dépendance à l'automobile est forte, les difficultés pour se mouvoir, nonobstant les actions menées par le conseil général pour désenclaver son territoire, sont ressenties comme majeures. Ces difficultés peuvent être aussi lues à la lumière des représentations : représentations du territoire « périurbain »­du point de vue ceux qui le gèrent et orientent les politiques publiques et tendent à penser le territoire comme un entre deux ou un territoire très rural ; représentations du point de vue de la population que son rapport à l'histoire ou aux lieux incite ou non à bouger et à déménager ; représentations quand aux objets de la mobilité qui, d'un lieu ou d'une population à l'autres peuvent être plus ou moins utilisés, appréciés. C'est ce que nous verrons dans la deuxième partie de ce texte, la première, tendant à esquisser les grandes caractéristiques socio 139 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale spatiales du département, du point de vue des acteurs, les solutions étudiées pour faciliter la mobilité, qui comme on tend à le promouvoir aujourd'hui, tendraient être non pas une mais plurielles. Outre la consultation des documents et études stratégiques sur le département, nous avons rencontré 17 acteurs, dans le domaine des transports, de l'urbanisme, du social. Les entretiens que nous avons menés l'ont été en face à face, seul ou en groupe. L'entretien en groupe a pour avantage de faire se rencontrer et dialoguer les points de vues des personnes responsables de services à ceux de personnes particulièrement investi le champ des Maisons Départementales de la Solidarité, MDS, lieux où prévention de l'enfance, au soutien à la parenté et aux personnes âgées, ect. Sur les treize Maisons département étant l'échelon par lequel la politique d'aide sociale est impulsée, nous avons engagées sur le terrain, et pour nous d'être témoin des débats menés au sein même des services. Le sont déclinées les politiques départementales de solidarité, d'actions relatives à l'insertion (RSA), à la Départementales de la Solidarité (MDS) que compte la Seine et Marne, nous en avons approchés trois. Les MDS choisies l'ont été, avec les services du département, en fonction des territoires qui sur le plan tant social que spatial différaient. Celle de Mitry Mory supervise une région proche de Paris, dynamique sur le plan économique, assez bien desservie en transport en commun ; celles en charge des canton de Provins, Coulommiers recouvrent des territoires plus ruraux, parfois très excentrés en perte de vitesse sur le plan économique. Les MDS se sont aÎrées être une clé d'entrée pertinente pour entrer en contact avec un pan de la population dite modeste. Nous avons travaillé avec plusieurs de leurs services pour constituer un premier échantillon de personnes en difficulté (au chômage, salariée, avec ou sans enfants, célibataires ayant ou non fait demandes des aides ponctuelles) tenant compte de la diversité territoriale de la Seine et Marne (cf. l'enquête auprès de la population de ce rapport). La plupart des associations d'insertion sont partenaires du département dans sa compétence sociale, RMI-RSA. Ces associations ont un rôle important, elles permettent bien souvent de repérer les besoins, de mettre en place des formations...Nous nous sommes donc entretenues avec les représentants d'associations travaillant dans ce domaine et notamment : les coordinatrices de l'association d'accompagnement vers l'emploi (AVE) « Réalité, Relais d'Activités Locales pour l'Insertion, le Travail et l'Emploi » située à la Ferté Gaucher et couvrant un territoire Îritablement en crise ; plusieurs animateurs de l'association Espoir de Coulommiers s'occupant de l'insertion de jeunes. Enfin, deux personnes bénéficiaires du RSA siégeant dans les commissions d'attribution des prestations sociales dans le canton de Provins ont été interrogées. Nous avons ainsi rencontré dans le monde opérationnel de l'urbanisme et des transports, Pierre Mailliet, directeur des transports, à la Direction générale adjointe des déplacements et de l'aménagement du territoire, au Conseil général de Seine et Marne. 140 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale L`urbaniste Daniel Behar, du cabinet ACADIE a été également approché pour avoir assuré une mission d'expertise à la maitrise d'ouvrage pour le conseil de Seine et Marne et avoir rédigé un projet territorial les acteurs politiques, économiques, sociaux et associatifs autour d'une ambition et de grands projets partagés pour l'avenir de la Seine et Marne. Fabriqué au fur et à mesure avec différents acteurs, dans le cadre d'une consultation dite continue, ce projet territorial définit la stratégie du département à moyen terme et constitue une ligne d'intervention construite sur des chantiers prospectifs. Ces différents entretiens ont été construits et menés dans un souci explicite de travailler et de coproduire à terme avec le monde opérationnel un corpus de connaissance utile pour mener leurs actions. Il s'agissait pour nous, non pas tant de leur faire valider des informations que de faire approprier et développer des acquis d'expériences complémentaires, ceux des chercheurs. Cette ambition est restée en-deçà de ce qui aurait pu être fait. Ce n'est qu'une partie remise à demain. Le département en bref Forte croissance démographique et émergence de pôles économiques : le nouveau dessein pour la Seine Marne ... Les acteurs institutionnels font face à une situation qu'ils considèrent comme nouvelle. La Seine et Marne, qui n'avait pas connu de modifications majeures depuis sa création, semblait toujours pouvoir se définir par une certaine unité ­ selon Daniel Béhar-. Or cette unité est aujourd'hui mise en cause par les mutations socioéconomiques qui la touchent de plein fouet. La Seine et Marne, dont la plus grande partie du appartient à la Brie, est le département le plus agricole et rural de l'Ile de France. Pour autant il fait l'objet d'un Îritable développement économique articulé autour de trois pôles moteurs : le pôle de Roissy dont 40 % est en Seine et Marne (80 000 emplois sur potentiellement 160 000 dans les 10 ans qui viennent dont 14 % des salariés viennent de Seine et Marne) ; la ville nouvelle de Marne la Vallée et la ville nouvelle de Sénart (à une moindre échelle ); la ZAC du Val Bréon, enfin zone émergente d'activité logistique en fort développement le long de la RN4. Avec 600 000 habitants il y a 40 ans, un million trois aujourd'hui, la Seine et Marne connait la plus forte croissance démographique et économique de la région Ile de France (Insee). Cette croissance, amorcée avec l'émergence des villes nouvelles, touche dorénavant tout le territoire. Sur les 70 000 logements prévus par Christian Blanc, 9000 se situent en Seine et Marne. La croissance exogène jusqu'aux années 2000 devient après cette date endogène (les enfants des derniers arriÎs restent, la croissance est interne au territoire). 141 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Un département jugé en terme de dépendance, en proie à un problème d'identité La Seine et Marne est à la fois le département le plus étendu et le moins peuplé d'Ile de France. L'une des difficultés du département tiendrait, de l'avis de Daniel Béhar, à sa très grande taille, rendant difficile pour le Conseil Général la construction d'une unité interne. Pour autant le département s'est lui-même longtemps perçu à l'aune d'une seule et unique revendication : celle du nécessaire rééquilibrage de la région parisienne à l'Est. « Depuis le SDAU de 1965 qui alertait sur l'avance de développement prise par l'Ouest « le premier élément de risque est un glissement et un étirement trop prononcé vers l'Ouest du centre des grandes affaires ». Jusqu'au projet de SDRIF de 2008, dans lequel le même discours est porté : « il faut aider l'Est francilien à se mettre au niveau de l'Ouest, en y installant une dynamique similaire. » (p 19, ACADIE, conseil général de Seine et marne, Projet de territoire départemental, juin 2010). Et comme l'estime le SDRIF de 2008, « Pour satisfaire aux objectifs de rééquilibrage il s'agit de valoriser les attraits des pôles de l'ouest et de conforter de nouvelles polarités à l'Est, capables d'atteindre la masse critique et la notoriété que cherchent les grandes entreprises. Les acteurs publics locaux ont fait leur cette revendication de rééquilibrage, et, avec elle, l'image négative qui en découle, à savoir, celle d'un département jaugé à l'aune de sa seule dépendance à (à l'emploi) d'autres territoires. Or, cette image persiste alors même que la Seine et Marne acquiert une nouvelle position dans l'agglomération. Le projet territorial, confié au bureau Acadie, donne à voir le département au travers de ses dynamiques propres, de la nature des territoires qui le constituent. Il met en lumière l'existence de deux Seine et Marne. Une Seine et Marne qui, touchée par le desserrement résidentiel parisien, à l'Ouest du département et le long de deux vallées (vallées de la Seine, Vallée de la Marne), est en proie à un développement de type métropolitain, intensifiant ses relations avec la métropole parisienne. Une Seine et Marne qui couvre les territoires situés en frange Est de la Seine et Marne et jouxte le Bassin parisien dont elle en possède les caractéristiques tant paysagères que sociales et économiques : très rurale, elle avait été gagnée par l'ancienne industrie manufacturière, aujourd'hui en crise. Cette géographique économique et paysagère est encore agissante, les élus de ce département se pensent et pensent leurs actions dans une double dualité : ceux de l'Ouest en proie à une Îritable pression urbaine, se plaignent de ceux de l'est. Ceux du nord se plaignant d'un sud plus rural ou en économiquement en déclin... les territoires les mieux dotés accusant aux autres de « prendre leur argent ». Des difficultés sociales diffuses sur tout le département ; non pas une forme mais différentes formes de pauvreté 142 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Aux derniers recensements de l'INSEE, les nouveaux arrivants en Seine et Marne appartiendraient majoritairement à la catégorie des ménages modestes. Ainsi, au regard d'autres territoires de la région Ile de France, le département recèle peu de ménages pauvres (données INSEE 2006). Pour autant, comme ailleurs, on assiste à une certaine paupérisation des villes (Meaux, Melun, Chelles) dont la population tend à diminuer et qui font l'objet de politiques publiques (rénovation ANRU). La pauvreté selon les acteurs interrogés (au conseil général, par la voie de Pierre Mailliet ; au sein des maisons départementales de solidarité de Provins, Coulommiers) augmente mais de manière diffuse sur tout le territoire. Elle touche autant les centres villes que les bourgs ruraux du département. Les ménages quelque soit leur lieu d'habitation sont confrontées à des difficultés qui peuvent concerner toutes les catégories sociales à un moment de leur vie : difficultés familiales, divorces, chômage, maladies, surendettement. Pour les services sociaux, le fait saillant relève de la croissance des familles monoparentales, qui ne seraient donc plus l'apanage des seules banlieues parisiennes. Ils voient avec l'augmentation de ce type de ménage fragile, l'émergence d'une nouvelle pauvreté. Aujourd'hui en Seine et Marne, un ménage sur cinq avec enfants est monoparental. Dans les structures sociales tel que les associations d'accompagnement vers l'emploi, ce phénomène s'observe à partir de la fréquentation de leur structure par des femmes seules avec enfants, très nombreuses. Ces dernières peuvent même être - phénomène nouvellement obserÎ - très jeunes, lycéennes (17_20 ans). Les services sociaux voient aussi venir à eux des femmes plus âgées, la trentaine, sans expérience professionnelle, ayant pour avoir eu à élever leurs enfants, jusqu'alors très peu travaillé. Les ilots de pauvreté lorsqu'ils existent se situent autant dans des villes recelant des quartiers d'habitat social - Meaux, Torcy, quartiers qui peuvent y être importants comme à Montreaux - que dans des villes à priori plus aisées­ Fontainebleau ­ dotées de tel quartiers ou encore dans le rural profond. Les petites communes non concernées par la loi SRU peuvent être concernées : marquées par un déficit patent de logement social, elles n'en accueillent pas moins des pauvres, logés dans du locatif priÎ. Trois formes de pauvreté ont été mises en évidence, dans le diagnostic territorial de Daniel Behar. Une forme de pauvreté urbaine, concentrée dans les ZUS et urbaine, globalement assimilable aux grands ensembles de la région (Marne la Vallée, Meaux, Melun avec une série de plus petites villes) ; Une forme de pauvreté dite « héritée, ou installée », résultant du déclin du modèle industriel propre au bassin parisien, fermetures des petites usines à la campagne notamment de la frange Ouest de la Seine et Marne. Celle-ci est assez aisée à cerner dans la mesure où on la retrouve 143 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale sur les sites marqués par la désindustrialisation aux alentours de Provins, la Ferté Gaucher, Coulommiers. Le bassin de Coulommiers, hier domaine de grosses industries, est depuis les années 80 en crise. A la Ferté Gaucher, le site de Villeroy et Boch qui drainait 2000 emplois, n'en compte plus que 250. La précarité due à la crise industrielle touche une population locale de Seine et Marnais, au nombre desquels peut être comptée une population issue de l'immigration (tunisienne) aujourd'hui installée sur les lieux. Cette population ancienne a pour caractéristique d'être très peu mobile. La troisième forme de pauvreté, celle dite périurbaine, ou diffuse, est issue de l'endettement des ménages et des séparations. Son repérage est moins aisé car la paupérisation du desserrement urbain dans des trajectoires incertaines crée des situations différentes sur le territoire; cette forme de pauvreté se trouve de façon dispersée à contrario de la pauvreté concentrée dans les territoires de l'ancienne industrie manufacturière. L'observation de ces trois formes peut paraître banale. Ce qui l'est moins, et en fait la spécificité de la Seine et Marne, c'est que ces trois formes de pauvreté cohabitent les unes avec les autres. En effet, si la Seine Saint Denis est connue pour concentrer en son sol la pauvreté, cette pauvreté est assez homogène. Selon Daniel Béhar, c'est dans la combinaison de plusieurs formes de pauvreté que résiderait la difficulté qu'ont les instances sociales du conseil général de Seine et Marne à agir, car les acteurs locaux ont des instruments de politique publique calibrés pour l'une et l'autre pauvreté. La combinaison de ces trois figures de pauvreté est problématique pour ces instances qui nécessitent des formes d'intervention différentes. Un département précurseur en matière de politique de transport en commun, mais où la voiture occupe toujours une place centrale La Seine et Marne se démarque de bien des départements par le fait que les actions menées en matière transports qui relevaient jusqu'en 2004 du STIF. Dans le contexte d'une offre de transport ferré essentiellement tournée vers Paris, le Conseil général de Seine et Marne a profité d'un flou juridique en créant ou incitant à la création dans les secteurs non desservis ou insuffisamment desservis par les transports en commun de lignes de bus forcément déficitaires. Ceci de deux façons : en organisant la desserte du territoire, créant des lignes « express » de pôle à pôle complémentaires au réseau ferré ; et en accompagnant les collectivités dans le cadre de dispositifs de conventionnement tripartite (acteur local tel que syndicat ou communauté de communes / transporteurs/ conseil général), le Conseil Général finance 50 % du déficit d'exploitation des services de transport. Le réseau Seine et Marne Express a ainsi été mis en place à l'initiative du Conseil général si bien qu'en 15 ans des lignes ont été développées entre Meaux et Marne la Vallée, Melun et Provins - Melun et Château Landon. Ces lignes offre un service suffisamment cadencé pour bénéficier de la labélisation « mobilien » du Stif : 15mn 144 de transport l'ont été bien avant que le département ait acquis la compétence de l'organisation des Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale en heure de pointe, une heure en heure creuse (cf carte). Le conseil général se glorifie de gérer 17 réseaux conventionnés, 12 lignes Seine et Marne express, 5 partenariats sur les réseaux de transports à la demande. Parallèlement aux projets régionaux de métro automatique imaginés à l'horizon d'une trentaine d'année, le conseil général s'investit dans plusieurs projets : création d'une ligne une rocade de bus avec intégration de bornes d'arrêts d'urgence pour les bus de manière à les sortir de la circulation routière congestionnée ; ouverture d'une autre ligne de rocade qui suit le RN36 ­entre Melun et Meaux. Le Conseil général est investi dans le secteur Val d'Europe dans le cadre de la convention Disney. Vincent Eblé, président du conseil Général, en sa qualité de vice président du Stif et, membre du bureau de paris métropole, au conseil de surveillance de la Société du Grand Paris, s'intéresse comme tel à la prolongation du RER E. Nonobstant ces efforts, la voiture demeure le meilleur moyen de se déplacer : près de 80 % des déplacements se font en voiture, et « la voiture ­ estime, au Conseil général, Laurent Mailliet, directeur du service des Transport, reste encore un mode de transport sur lequel il faut encore compter et s'appuyer dans le cadre de notre politique de Transport ». Notons à ce sujet, que le conseil général de Seine et Marne se démarque de nombre de départements ayant mis eux l'accent sur le seul transport collectif. Il s'engage également du côté des nouvelles mobilités, en gérant un site du covoiturage, monté en partenariat avec la société du développement économique du département, et des acteurs économiques. Le site compte cependant à ce jour peu d'inscrits (600-700 déplacements non quotidiens), si bien que le conseil général envisage de mettre en place des avantages financiers pour rendre ce type de service plus attractif : réduction du nombre de places dans les parkings, avec offre des places les mieux placées à ceux qui covoiturent ; dans le cadre de la révision du PDU, création de mini parcs relais au sein de points d'arrêt en zones rurales qui assurent des correspondances. Un tel parc relais a été déjà réalisé à Chenoise : accueillant le bus il pourrait intégrer des places pour le covoiturage d'ici 5-10 ans. Les transports priÎs : l'émergence d'entreprises agiles et flexibles Les entreprises, d'une manière générale, sont peu présentes en matière de transport. Les plans de déplacements interentreprises ont par ailleurs du mal à se mettre en place, les entreprises, dont les horaires différent, peinant à s'entendre. Mais le priÎ n'est pas pour autant absent si l'on considère, c'est à noter, les initiatives locales. Depuis cinq ans, le Conseil général a vu le secteur des transports non formalisés exploser. Un certain nombre d'entreprises de services, souvent des entreprises multiservices, profitant de la formule juridique de 145 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale l'auto-entrepreneur nouvellement instituée, se sont mis à proposer du transport à la demande, notamment pour les personnes âgées. Le Conseil général aide ces entreprises à trouver des marchés de sous-traitance (Ratp,Transdev) ce qui permet de fournir une supplément d'offre aux heures de pointes, les zones reculées. Les taxis, intégrés dans le système comme sous traitants en tirent parti­ ils effectuent les courses non remboursées par la sécurité sociale. Le Conseil général a lui même monté un observatoire pour les transport à la demande pour les personnes handicapées (Pam 77): il propose des délégations de service public sur le sujet qui aujourd'hui propose 100 000 courses à des condition de prix très avantageuses. Le Conseil Général a repris à son compte la société Créabus (entreprise de transport à la demande créée par Véolia sur Saint-Fargeau), a déposé une marque Proxibus, ligne de transport à la demande qui dessert les zone rurales mais aussi urbaines, en prenant le relais la nuit des réseaux de transport traditionnel public. Les pédibus, montés par des associations, constituent selon Laurent Mailliet, directeur des transports au Conseil général des « feu de paille », même si les maires qui en ont la compétence, ont intérêt à développer un tel type de service. L'herbe est elle plus verte en Seine et Marne ? Ce qu'habiter loin veut dire du point de vue des acteurs sociaux Un desserrement résidentiel de ménages modestes à l'Est qui touche des secteurs non favorables à l'emploi La répartition géographique de la population n'est pas celle escomptée dans le SDRIF de 2004. Les nouveaux arrivants se sont en effet plutôt installés dans les cantons ruraux, c'est à dire à l'Est du département, que ce soit pour y acquérir une maison individuelle, essentiellement, mais aussi pour bénéficier de l'habitat social. La rénovation urbaine des quartiers sensibles des villes de Seine et Marne ou de la proche banlieue parisienne fait se déplacer les populations toujours plus à l'est, c'est à dire là où l'offre de logement social est plus abondante. Le bassin de Coulommiers, en l'occurrence, qui recouvre quatre sous territoires - les cantons de Coulommiers, Ferté-sous-Jouarre, la Ferté-Gaucher et Rebais - eu égard à un passé industriel -dispose d'un petit parc d'habitation social en cours aujourd'hui de rénovation : à Coulommiers, à la FertéSous-Jouarre, à la Ferté Gaucher, et dans une moindre mesure à Rebais. Ces communes, et ce malgré la volonté des maires de maintenir une certaine mixité sociale, accueillent une nouvelle population fragilisée venue de l'ouest, qui n'a pas les moyens d'habiter ailleurs, vit des minimas sociaux, et n'a pas d'attache localement. Cette population pose problème par le fait qu'elle est isolée, déracinée, et 146 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale précarisée. Elle a pu connaître différentes situations (expulsion, hébergement, séparation de couple, la nécessité de rechercher un logement moins cher). Peu doté toutefois en logement HLM, le bassin de Coulommiers se démarque par un fort pourcentage de propriétaires : 71 % des ménages sont des accèdants à la propriété (au regard du taux de 64 % sur le département). Ce desserrement résidentiel vers l'est touche des secteurs où pour reprendre l'expression des acteurs sociaux, « il n'y a rien », pas d'infrastructure, peu d'emplois. La main d'oeuvre locale est encore peu concernée par une reconversion qui se traduit autour de La Ferté Gaucher, par des actions en faveur de mise en valeur de la nature (considérée comme un des atours de la région), autour de l'eau, du sport mécanique, et de l'implantation de nouveaux services (maisons de retraites, entreprises de transport). Les trois quart des actifs Seine et Marnais se concentrent de fait au nord et à l'Ouest du département, en lisère de l'agglomération parisienne tandis que les plus forts taux de chômage se rencontrent à l'est et au sud du département, notamment dans les arrondissements de Provins et de Fontainebleau, territoires peu fournis en entreprises et industrie (Insee, 2006). Montevreau-Fault-Yonne, Provins et Nemours sont les plus touchés par le chômage, avec respectivement 21,7 %, 18,9% et 15,6% de chômeurs parmi la population active. Cette situation conduit à d'importants problèmes de déplacements quotidiens. Mais si le manque de transport est criant, le département connaît, en matière d'offre de transport et de difficulté de mobilité, des disparités. La Ferté sous Jouarre, est en matière d'infrastructure la mieux servie. Elle est la seule à être dotée d'une ligne de train (jusqu'à Meaux, Château Thierry), dispose d'une nationale (la 3), est accessible par l'autoroute A4. L'association d'insertion d'accompagnement vers l'emploi Réalité s'est attachée à étudier l'offre de transport dans les cantons de Coulommiers, La Ferté-sous-Jouarre, la Ferté-Gaucher et Rebais, confrontée au fait « qu'il devient de plus en plus difficile de trouver un emploi proche de son domicile et accessible par les transports en commun ». Il ressort de ses investigations, que « les solutions pour se déplacer existent mais sont compliquées : se déplacer relève Îritablement du parcours du combattant. « On fait trois heures de route, poireaute une heure à l'occasion d'un changement » résume Véronique Miossec, coordinatrice de l'association d'accompagnement vers l'emploi Réalité ; ce qui selon Véronique Miossec n'incite pas chômeurs et bénéficiaires du RSA à aller chercher du travail. 147 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale La difficile activité des femmes à l'Est du département : des transports publics jugés insécurisés la nuit Les problèmes que rencontrent la population pour se déplacer sont un frein pour accéder à l'emploicela a été mis en évidence à moult reprises (Massot 2008, Le Breton, 2005). Mais les employeurs de leur côté peuvent avoir du mal à trouver des salariés, du fait des difficultés que peuvent encourir la population sur le territoire. C'est le cas, en Seine et Marne, de la Zac du Val Bréon, parc logistique qui constitue l'une des plus grandes zones d'aménagement priÎ de l'Ile de France ayant su tirer parti de la présence d'infrastructures routières. Regroupant d'importantes surfaces commerciales pourvoyeuses d'emplois (Ikea, Conforama, Logistic, CENPAC, ect), elle peine à trouver la main d'oeuvre, faute de transport en commun la desservant. Dans les services sociaux des cantons de Coulommiers, La Ferté-sous-Jouarre, La Ferté-Gaucher et Rebais, l'on se préoccupe tout particulièrement de l'emploi des femmes. Le seul emploi qui s'offre aux non diplômées l'est dans les supermarchés : les supermarchés locaux reçoivent beaucoup de candidatures et ne peuvent répondre à toutes les demandes. Les femmes doivent donc pour travailler se rabattre sur les supermarchés situés à la Ferté Gaucher, Coulommiers, Lagny, Chelles. Et de fait, le développement de l'appareil commercial, vecteur d'emplois pour une population feminine non diplômée dans le département étroitement lié à l'extension de l'urbanisation, s'est développé sur les axes LagnyMeaux-La Ferté-sous-Jouarre, au nord, et Melun-Montereau-Moret, au sud ; les villes nouvelles de Sénart et surtout Marne-la-Vallée (en grande partie englobée dans le département), qui représente le troisième pôle tertiaire de d'Île-de-France, derrière Paris et La Défense. Mais l'accès à ces sites nécessite d'être motorisé, ce que les femmes sont loin de toutes être. En outre, le secteur commercial de Val d'Europe est peu accessible aux mères du fait des horaires tardifs, peu compatibles lorsqu'on a des enfants à aller chercher ou à faire garder, et qui pâtissent déjà de la concurrence des jeunes ou personnes qualifiées, qui sortent des écoles de vente. Les déplacements ­ lorsque les transports en commun existent - demeurent compliqués pour ceux travaillant en horaire décalé, ou dans le cas de situations d'urgence nécessitant de se déplacer rapidement, comme cela a été déjà mis en avant (Le Breton, 2005). Mais ce qui est à noter ici, c'est que cette situation tend à limiter la portée du partenariat qui a été mis en place entre Disney et le département pour pourvoir l'offre d'emploi sur ce site : Disney se heurte à la difficulté majeure que les gens ne peuvent se rendre à lui. Le résultat est donc qu'en dépit des offres d'emploi que Disney fournit 148 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale et sur lesquels on pourrait compter, « en général, explique Véronique Miossec, coordinatrice de l'association d'accompagnement vers l'emploi Réalité, on ne propose pas le boulot parce que si les gens peuvent aller Disney, ils ne peuvent revenir ». Dans le canton de Mitry Morry en périphérie immédiate de Paris, même bien desservis par les transports en commun, les services sociaux imputent la forte utilisation de la voiture pour aller travailler à ce qu'ils appellent « l'absence de culture dans le domaine en transport en commun ». Celle-ci serait visible au sein même de leurs administrations : les employés comme leur public semblent préférer la voiture aux transports en commun qui existent pourtant dans cette partie limitrophe à Paris du département. Ce faible recours aux transports publics serait renforcé par une moindre confiance en ce type de locomotion. Les femmes ­ de l'avis des services sociaux - notamment ne se sentent pas en sécurité de prendre les transports en commun la nuit. Cette insécurité du transport pendant la nuit est particulièrement ressentie pendant le temps d'attente des trains ou bus. Dans ce secteur traversé par la ligne D du RER, on peut ajouter la faible confiance que les populations peuvent avoir dans les transports en communs ­ la ligne D très syndiquée fait l'objet de grèves répétées qui ne sont pas sans conforter la moindre utilisation en transports en commun estime Mme Aubineau Hernandez, directrice de la Maison départementale de la solidarité Mitry Mory. L'image qui colle à cette ligne est qu'à la moindre palpitation de la SNCF, celle ci s'arrêterait de rouler ( elle en a en tous cas la réputation). Ce qui n'est pas sans contribuer à alimenter une autre figure du sentiment d'insécurité ­ celle d'une population pas toujours amenée à prendre les transports en commun, pour la raison régulièrement invoquée de ne pas être assuré d'arriver à l'heure. Une image de retard est associée aux transports publics - entretenue par des personnes qui en sont ou non utilisateurs- comme on a pu le remarquer dans d'autres enquêtes. Des difficultés financières imputées à de plus longs déplacements Les personnes modestes sont loin de toutes faire appel aux services sociaux. De fait, quand une personne a des difficultés, celle ci a souvent du mal à les accepter, et donc à les reconnaître. Il n'empêche, les Maisons de solidarité parviennent toutefois à identifier des demandes : même si elles ont du mal à les chiffrer et envisagent, pour ce faire, dans un proche avenir la création d'un observatoire départemental de la pauvreté. Et en l'occurrence, l'éloignement du lieu de travail conduirait bien selon les services sociaux à une réduction des entrées d'argent susceptibles de se traduire de différentes manières. Tout d'abord, les maisons de la solidarité le constatent, le nombre de familles accompagnées par des dispositifs sociaux augmente, notamment celles concernées par des aides ponctuelles (factures EDF, télé..). Les MDS auraient de plus en plus de familles salariées venant les voir pour une aide ponctuelle, 149 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale les aider à payer une facture. Cette demande d'aide ponctuelle croit en raison de la crise. « On a des Housson, directrice de la Maison départementale de la solidarité Provins. Ce qui conduit les salariés car le budget devient trop ric rac, on ne peut payer la facture EDF, témoigne Monique Le budget transport explose et fait croître une nouvelle clientèle ». maisons de solidarité à proposer des ateliers pour maîtriser l'énergie, à la maison et pour se déplacer. Ensuite, les services sociaux observent dans certains ménages, le cas du père, par exemple, contraint de rentrer tard dans son nouveau lieu d'habitation : il ne peut plus continuer à assurer les heures supplémentaires qu'ils faisaient auparavant, celles là même qui lui avaient permis de s'acheter le logement : ce qui conduit à une nouvelle forme d'appauvrissement, augmentée par le fait, que les nouveaux propriétaires n'avaient pas escompté que leur incombaient un certain nombre de charges supplémentaires (de la viabilisation, éclairage, réfection roue, déneigement). Les accédants à une propriété moins chère (mais néanmoins chère), tenus d'aller travailler dans les pôles d'emplois éloignés (Roissy, Paris) sont parfois obligés d'avoir deux voitures, ce qui coute cher. Deux habitants que nous avons interrogés pour leur statut de représentant des usagers au sein de la commission d'attribution des aides sociales à la Maison de la Solidarité de Provins rapportent le cas de familles qui, ayant acheté une maison dans la région de Provins, auraient a nouveau déménagé en des territoires plus proches de Paris. Il apparaît de fait que l'obtention d'un emploi plus aisé dans la banlieue proche de Paris nécessiterait ­ estime-t-on dans l'association Réalité - de se loger au plus près de ce dernier. Mais, selon les employés de cette association, le fait d'avoir déjà un logement, exclut totalement des dispositifs d'aide pour trouver et s'offrir un logement. C'est un cercle vicieux. Les services sociaux invalident, pour cette raison l'hypothèse, d'une mobilité résidentielle permettant de se rapprocher des lieux mieux dotés en emplois et services, notamment pour les ménages résidant dans un logement social. Le conseil général a enfin été interpellé il y quatre ans par une association d'insertion mettant en avant l'importance des questions de mobilité dans le renforcement de la précarité des populations. Il en ait résulté la création de groupe de travail sur la mobilité au sein des Maisons départementales de solidarité du département, encore à l'état d'ébauche. L'absence de services dans des communes d'accueil qui ne se vivent pas comme telles : le cas des communes d'accueil rurbaines qui se vivent comme rurales Le problème de la garde d'enfant ­ qui a un coût et se rajoute à celui occasionné par les déplacements se pose de manière cruciale en Seine et Marne pour les ménages modestes. Les ménages d'une manière 150 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale générale sont confrontés à l'absence d'offre de services à la petite enfance (crêche, halte garderie), de services parascolaires dans leur nouveau lieu d'habitation, et, ce quelque soit leur localisation. L'absence de services à la petite enfance se fait ressentir autant en lointaine périphérie urbaine, dans les régions plus excentrées et en crise (cantons de Provins et Coulommiers), que dans les zones plus urbanisées et concernées par le développement économique de Roissy. La canton de Vitry, qui bénéficie de la proximité de Roissy par exemple, a bien connu une augmentation de sa population de 10% ; 30% de celle ci a moins de 20 ans, 19,5% des ménages ont au moins 3 enfants (sur représentation statistique), les plus de 75 ans sont sous représentés statistiquement. Le canton de Vitry est une terre d'accueil, en somme, mais cette terre d'accueil a la caractéristique de ne pas s'identifier comme telle. Les communes comme Vitry-Mory ont beau se développer rapidement, connaître une forte croissance démographique, elles ont du mal à faire leur ce développement. Le territoire bien que rurbain tend à se vivre encore comme rural, selon la directrice de la maison de la solidarité de Vitry Mory. Ecartelé entre la banlieue parisienne et la zone de Roissy, il a du mal à se trouver une identité propre. Comme tel, il tend à se penser en réaction par rapport aux territoires qui les entourent. Il attribue au pôle de Roissy, auquel il a longtemps tourné le dos, les nuisances et les méfaits produits par ce dernier sur son environnement tout en profitant de la manne financière apportée par la plateforme aéroportuaire. Les communes, selon les services sociaux, se posent un peu en victimes des populations de la Seine Saint Denis qui arrivent, et ne voient pas forcément d'un bon oeil la population modeste de la banlieue parisienne venue habiter sur leurs terres (Mitry et Villeparisis....). Souhaitant préserver leur cadre de vie, elles se gèrent, se vivent, mais aussi s`identifient comme rurales sans proposer de services à la population venue sur ses terres... alors qu'estime t-on à la Maison de la solidarité, le canton, urbanisé, proche de Paris, de Roissy est bien loin d'être rural. Elles refusent en quelque sorte leur présent. Le problème de l'absence de services proposés à la population nouvellement résidente se pose également dans le lointain périurbain, tel que par exemple, dans le bassin de Coulommiers touché par le phénomène de la précarisation métropolitaine issue de l'étalement urbain. Les petits villages connaissent avec l'arriÎe de ces nouvelles populations « petits propriétaires » un nouveau dynamisme. Les promoteurs construisent des lotissements à la périphérie des villes bourgs, et ce avec l'aval des municipalités, ces dernières escomptant avec l'arriÎe de nouvelles populations ­ des familles avec enfants - trouver la possibilité de faire vivre leurs équipements (notamment l'école): tels qu'à Monroux, Boissy-le-Châtel... L'offre de transport scolaire y est correcte. De fait le département qui a acquis depuis 2010 la compétence du transport scolaire (qu'avaient le STIF en Ile-de-France, les conseils généraux en Province), intervient dans l'organisation des circuits spéciaux scolaires (13 000 enfants, 350 151 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale circuits) et le transports des élèves et étudiants handicapés; il finance la carte imaginaire, donne la gratuité sur les cartes Optiles destinée aux jeunes Seine et Marnais de moins de 21 ans scolarisés. La Seine et Marne est le seul département d'Ile de France a assurer la gratuité à près de 40 000 élèves pour le transport scolaire, participe à financement à hauteur de 50 % de l'abonnement des jeunes. Le transport scolaire est aussi utilisé par des non scolaires, adultes, dont la présence, à condition qu'ils ne soient trop nombreux est tolérée par les conducteurs. Le transport scolaire est un peu détourné de sa fonction initiale, dans le sens où, il office en quelque sorte de service de covoiturage pour la population non motorisée. Mais les élus dans le même temps sont confrontés à une demande d'équipements, cantines, services périscolaires dont les nouvelles populations ont d'autant plus besoin qu'elles travaillent loin de leur lieu d'habitation. Ce qui n'est pas sans poser des problèmes d'intégration au sein des anciennes populations peu amenées à accepter les nouvelles nécessitant aide ou équipement. La dissociation du lieu d'habitat et du lieu de travail ou d'enseignement se traduit également par un volume plus important d'aides à la restauration, portée par le conseil général du fait de la précarité de la population et de la vaste amplitude horaire qu'il fait vivre : les parents partent tôt le matin à 6h30 et reviennent tard le soir. Les maisons de solidarités sont aujourd'hui alertées par leurs services de protection de l'enfance mettant en avant une croissance des problèmes liés à la petite enfance; cette évolution est certes liée au fait que le cadre législatif a évolué depuis 2007 et que les services sociaux sont plus actifs dans le domaine. Il n'en demeure pas moins que le problème aujourd'hui constaté est celui d'enfants laissés à eux-mêmes, faute d'offre d'équipements de loisir proposés pour les jeunes ou de services pour la petite enfance. Et faute de pouvoir payer des gardes priÎes, les femmes comptent sur les solidarités familiales, l'enfant pouvant être gardé par un grand frère, ce qui n'est pas sans danger, et ne peux se faire de façon répétée. Les populations nouvellement arriÎes ne connaissant personne n'ont pas de réseau local sur lequel elles peuvent compter ou s'appuyer. En fait la présence de la famille dans la région ne détermine pas toujours contrairement à ce qu'avaient montré plusieurs études (Djefal, Eugène 2004, Massot 2010), le choix du lieu d'achat dans le périurbain. Selon Mme Aubineau Hernandez, directrice de la Maison départementale de la solidarité Mitry Mory, les personnes iraient là où le logement est moins cher. Le problème de la mobilité constitutive de l'identité, chez les jeunes, une classe d'âge qui plus est précaire. Les parents travaillant loin du lieu de résidence, contraints de rentrer tard le soir, les jeunes sont donc nombreux à être laissés à eux-mêmes. 152 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Les bourgs ruraux de la lointaine Seine et Marne sont affectés par le phénomène de l'errance des jeunes (selon Catherine Bogaert, directrice de la Maison départementale de la solidarité de Coulommiers, et Monsieur Chefrara, responsable de l`équipe de prévention Espoir), celui-là même que l'on tendait jusqu'ici à associer aux quartiers dits sensibles des grandes villes. Simplement ici, les regroupements sont un peu moins visibles ; les jeunes qui se retrouvent sous la forme microbandes dans des micro villages - stagnent moins dans les halls d'entrée - qu'un peu partout, dans les halls certes lorsqu'il existe du collectif comme à Coulommiers, sur les marches de la mairie (cas de la Ferté sous Jouarre), aux abords des terrains de sport (Chevreux), et surtout autour des infrastructures de transport scolaires, dans les abribus des cars scolaires. L'équipe de prévention (association Eclair) dont l'un des objectifs est de s'occuper des jeunes que les maisons de quartier n'arrivent pas à attirer, vont chercher cette jeunesse récalcitrante aux dispositifs publics, là où ils sont, c'est à dire aux arrêts de bus des transports scolaires, lieu de rencontre privilégié de la jeunesse désoeuvrée périrurbaine. Dans les réunions faites avec la population, le déficit d'accessibilité apparaît tout particulièrement pour les jeunes ; ce qui est mis en avant dans les revendications, et l'est autant par les parents que par les jeunes eux-mêmes, c'est bien le problème de la mobilité des jeunes. Les jeunes peu mobiles utilisent peu le Îlo. Certains ont recours au scooteur, qui est cher et que tous les parents n'autorisent pas (le scooteur, première cause de mortalité chez les jeunes, accidents sur routes). Le manque de transport pour les jeunes, non pensé lorsqu'ils ne sont pas scolarisés ou en dehors des temporalités scolaires, peut être d'autant plus ressenti qu'à cet âge, la mobilité, participe, en favorisant leur l'autonomie, à leur construction (Massot, Zaffran, 2007). Un jeune témoigne dans une réunion de concertation du fait qu'il est ravi de l'ouverture de la ligne 77 Express qui lui permet d'aller à Marne à Vallée. La création de cette ligne destinée à relier à priori le domicile et le travail s'est aÎrée de fait ­ comme on le remarque à la Direction des transports du Conseil Général- aussi très fréquentée le weekend et pour les loisirs. Le succès de cette ligne met en avant le problème de la mobilité des jeunes, ainsi que l'importance des loisirs pour ceux-ci comme pour les adultes, mais aussi le fait que les pôles centraux ne sont pas à voir du côté de Paris, mais de Disney, qui attire autant les touristes que les franciliens, Marne-la-Vallée ; Chelles. Les jeunes sont dans le département peu qualifiés (taux de chômage : 20 %). Or le coût du permis de conduire constitue un frein alors même que le fait d'être mobile se présente comme un moyen de lever l'handicap que constitue l'absence de formation (Le Breton, 2005). Et puis, le coût ou la difficulté de bouger conduit les jeunes de la région à choisir des formations de proximité. Le coût d'un logement pour faire ses études est prohibitif lorsque l'on ne peut se permettre de faire les allers retours dans la 153 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale journée. Ceci peut expliquer le fait que le taux des jeunes encore scolarisés après 16 ans, déjà faible dans le département (48 %), tombe à Coulommiers à 42 % et à 38% sur le secteur de la Ferté Gaucher. Fait notable, les villes dotées de gares disposeraient selon les services sociaux de plus de jeunes diplômés- niveau bac plus 2 - que les autres. Ainsi, le maire de la Ferté sous Jouarre, Marie Richard, (ancienne vice-présidente de la région) travaille avec l'université pour tenter de désenclaver son secteur, tout de même mieux lotie puisqu'en lien direct avec Meaux, que d'autres secteurs. Ce secteur bénéficie d'un faisceau d'infrastructures (une ligne directe de train importante, la nationale 3, l'autoroute A4) à la différence de Coulommiers, plus enclaÎe. Une voiture qui coûte chère mais dont a du mal à se dessaisir Les alternatives à la voiture proposées par le Conseil général et la plateforme aéroportuaire de Roissy (dispositif de transports à la demande Allo bus, Philéo), sur lesquelles une abondante publicité a été faite, demeurent sous utilisées. Le faible recours à ces offres comme au transport public serait, selon les acteurs sociaux, à mettre en relation avec le fait que certains ont du mal à se dessaisir d'une voiture ou de l'idée d'en posséder. Ici, il semblerait, si l'on en croit les personnes continuant à prendre leur voiture alors qu'elles n'ont pas forcément les moyens de l'utiliser ou d'en posséder une, remplit toujours le rôle de promotion sociale qu'on tend aujourd'hui à moins lui concéder ailleurs, en d'autres lieux ou milieux plus privilégiés et urbains (Orfeuil, 2004). Au regard du parcours du combattant que l'utilisation des transports publics sous tend en certains endroits, nombre de personnes pense que le fait de pouvoir disposer d'une voiture et d'un permis permettrait de trouver immédiatement un travail alors que ce n'est pas toujours le cas, estime Véronique Miossec de l'association d'accompagnement vers l'emploi Réalité. En 2008, ont été ainsi mis en place (via les associations d'accompagnement vers l'emploi) des Ateliers Permis de conduire. Ces ateliers s'appuyaient sur la demande de personnes qui annonçaient ne pas trouver de travail en raison d'une absence de moyens de transport ou de permis de conduire. Pour ceux qui avaient échoué plusieurs fois au code de la route dans le cadre du permis, il a été mis en place une structure d'apprentissage spéciale, avec une auto école. Les MDS et associations d'accompagnement par l'emploi ont beaucoup de demandes d'aides au financement de permis de conduire, demandes qu'elles ne considèrent pas toutes comme légitimes : selon les acteurs sociaux, tous ceux demandant de telles aides ne peuvent assumer le coût d'usage d'une voiture. La MDS de Mitry Mory a décidé, elle, de ne plus dispenser cette action. Plus simplement elle conditionne l'obtention de l'aide au financement du permis à l'existence d'un projet 154 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale conduisant à « Îritable emploi ». Mais le permis et son obtention est important, estime, à contrario Monique Housson, directrice de la Maison départementale de la solidarité Provins et Isabelle Chatère, en charge du Développement social local sur les cantons de Tournans en Brie et Provins : cela donne aux jeunes un projet, et est un premier pas vers une sortie du territoire, cela les conduit à voire d'autres horizons. Peut-être d'autant plus, ajouterions nous, que l'on est dépendant déjà du service public par l'aide (au logement, RSA, CMU) que celui ci accorde pour vivre ? La voiture de fait renvoie dans les classes populaires voire moyennes à la libre entreprise. La voiture est non seulement un capital qui permet d'accéder à l'emploi mais elle est également associée à l'auto entreprise, qui, elle, comme le rappellent les travaux des sociologues (Weber, 2001), est valorisée dans les milieux populaires. Elle bénéficie aussi des symboliques associées la maison, la protection. Et puis, pour le jeune, l'obtention du permis renvoie à l'âge adulte. Ce qui nous amène à penser que le permis de conduire serait, autant sinon plus, lié à une demande d'autonomie qu'à un réel souhait ou besoin de mobilité ? Autonomie des adultes et des plus jeunes que d'autres travaux ont montré autant soucieux de bouger que de rester chez eux, ou d'autonomie d'autant plus désirée par l'adulte qu'il se sent lui dépendant d'aides publiques. Le conseil général a créé depuis 2006 sous forme d'atelier, une formation « se déplacer c'est possible ». Cette formation propose deux jours de cours « théoriques » et une journée sur le terrain dans le métro parisien. Elle informe sur les offres, montre comment chercher l'information, s'orienter dans l'espace, lire un plan, un panneau, utiliser un automate de vente, elle propose une sensibilisation à la sécurité routière, renseigne sur les modes de transport alternatif, le covoiturage, le Îlo. L'atelier, animé par la Direction de l'insertion et de l'habitat, introduit à d'autres types d'ateliers « place et sens du travail », qui creuse diverses problématiques avant de proposer un atelier lié à la recherche d'emploi proprement dit. Cette formation, à la surprise des acteurs sociaux, n'attire personne. Si les demandes pour l'aide à l'obtention du permis étaient nombreuses (venant des jeunes comme de leurs parents), dans les faits, peu sont venus aux ateliers « formations à la mobilité », ceux qui suivaient ces formations n'étaient pas assidus. Les personnes contactées ont dit qu'elles n'en avaient pas besoin, qu'elles savent prendre les transports en commun, les problèmes rencontrés de mobilité tiennent à une question d'horaire, de transport inexistant ... Mais la motivation pour l'association est un peu différente, l'atelier servirait à telles offres auprès de populations de quartiers excentrés et sensibles (Sinigaglia-Amadio, 2011). Il réactiver les réflexes de Mobilité. On trouve là les motifs invoqués à Strasbourg pour promouvoir de s'agirait d'apprivoiser « l'espace de l'autre », cet espace, pouvons nous ajouter vers lequel l'on n'ose 155 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale pas toujours aller quand on vient de quartiers à la fois stigmatisés et discriminés, ou dans le cas de la Seine et Marne, très reculés, loin des flux métropolitains. La difficulté pour la population de faire le deuil d'un territoire hier prospère ; La mobilité s'apprend-elle ? Ces actions font débat chez les acteurs sociaux. Sont-elles adaptées à la problématique de la mobilité ? « Bouger » - est, selon Monique Housson, aussi une affaire de « mentalité ». Si certains ont du mal à quitter leur village, d'autres, à l'inverse, sont plus nomades comme l'a montré notamment Tarrius (2010), et le sont dès leur plus jeune âge. C'est le cas de cette femme Martiniquaise (au Rsa, proche de l'âge de la retraite) qui profite pleinement du Pass navigo lui permettant de se déplacer gratuitement en transport en commun dans la région parisienne ; habitant Provins, elle va fréquemment à Paris, Fontainebleau, n'hésite pas à aller à l'Ouest de la région parisienne, la Défense, que ce soit pour faire des courses dans des centres commerciaux ou marchés moins chers, aller à des fêtes, musées, ect. Ceux qui bougent peuvent être au chômage, au RSA, appartenir à des populations dites marginalisées ? Certaines, parmi elles, savent même très bien bouger. Mieux même comme l'a montré Tarrius que des populations parfois ayant des revenus très supérieurs. Les actions de mobilité cherchant à enseigner aux individus la manière de lire les panneaux, les cartes semblent peu adaptées au problème qu'elles doivent résoudre. A la MDS de Provins, où l'on est plutôt critique quand à l'intérêt d'une formation à la mobilité, l'on donne l'exemple des éboueurs de Paris ­ maliens analphabètes- : habitant en très grande couronne, ils savent partout se repérer. Même si ils ne savent pas lire, ils parviennent très bien à bouger, se mouvoir un peu partout, utiliser les transports. « L'instinct de survie se pose en évidence pour eux, ils y vont » estime Monique Husson. A contrario, la population dans le bassin de Coulommiers hier dominé par une industrie déclinante aujourd'hui, a pour caractéristique d'être très peu mobile. Le paternalisme, qui fournissait parfois avec l'emploi, le loisir et le logement, a contribué à ancrer une population qui aujourd'hui a du mal à sortir d'un territoire hier porteur d'avenir. Le simple fait d'accéder au centre administratif de Coulommiers est perçu par certains, jeunes ou moins jeunes, comme déjà difficile. Les acteurs sociaux parlent d'une réelle difficulté à faire le deuil d'un territoire hier prospère aujourd'hui en déclin : Provins, Coulommiers ne sont plus les pôles d'emplois attractifs qu'ils étaient autrefois. Est donné l'exemple de cet homme dont l'entreprise s'est délocalisée à Fontainebleau et qui ne peut se résoudre à l'idée de ne plus avoir d'emploi à Provins. 156 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Faute de moyen de locomotion, l'on pourrait avoir recours au Îlo. Mais ce dernier ne semble pas trop pratiqué en Seine et Marne, et ce à la différence du département limitrophe de l'Yonne, remarque Isabelle Chatère, chargée du développement social dans les cantons de Tournans en Brie et Provins. Celui-ci plus rural autorise une pratique qu'en ce territoire périurbain de la région parisienne, l'on n'ose faire ; car si les villes et bourgs semblent plantés en pleine campagne, les routes, elles, sont de larges départementales métropolitaines, en lesquels l'on ose s'avancer en bicyclette. Le département est un espace circulatoire par lequel transitent de grands courants de circulation. Le trafic des villes en inhibe aussi plus d'un. Une enquête qualitative avait été amorcée par quatre maisons de la solidarité auprès de personnes en insertion suivies par leur service dans le but d'apprécier comment ces populations se repèrent dans l'espace à partir du « magma institutionnel et technique du monde du transport » et se déplacent en situation de déficit d'offre. Il résulte de l'analyse que cette population n'avait pas plus de méconnaissance que les autres populations de ce qui existait en matière de transport dans la région. Les blocages repérés sont de trois ordres: l'absence de l'offre est synonyme d'un blocage technique ; le coût financier du déplacement est synonyme de blocage économique (difficulté de se payer une carte orange nécessitant six zones pour aller à Paris, payer le ticket des enfants, de la famille) ; les freins psychologique au déplacement. Le fait par exemple d'aller travailler à Val d'Europe (secteur bien desservi par la ligne de bus Marne Express faisant 25 allers retours par jour, avec la possibilité si on est employé de bénéficier de 50 % de la carte orange) pouvait être jugé difficile du fait de la vision du territoire hérité du au 19 e siècle, où les déplacements se faisaient à petite échelle, que pouvaient encore avoir certaines personnes. La facilité à se mouvoir serait-elle une affaire de génération ? Les jeunes eux semblent savoir bouger, ou tout au moins savent comment aller à Disney. Ce qui ne les empêche pas, pour certains, quand qu'il s'agit d'aller chercher ailleurs un travail, d'être enfermés dans leur territoire, de ne pas pouvoir voir les opportunités plus lointaines. Le transport et la notion d'enfermement dans un territoire ne seraient, semble t-il pas des problèmes strictement liés à l'âge mais à lié à un état, une situation de blocage psychologique (Jouffe, 2007). Quand la question de la mobilité rencontre celle de l'isolement : les personnes vieillissantes, propriétaires, précarisées, et peu mobiles ; Les personnes âgées sont nombreuses dans le département, le pourcentage des plus de 75 % dépasse de deux points la moyenne nationale. Se pose à leur sujet la question de leur isolement, dû à leur âge, et au contexte rural malgré leur insertion dans des réseaux sociaux du fait de leur ancienneté sur le territoire (mais il n'existe pas de club de 3 âge), et à leur faible mobilité. 157 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Les personnes âgées peuvent aussi éprouver des difficultés pour entretenir leur maison (ne serait ce que pour se chauffer, changer une ampoule), ne bénéficiant pour certaines que des minimas retraite, la maison ayant été acquise après un long travail et effort, à l'issue de toute une vie. Les collectivités territoriales (bientôt dans le cadre de l'intercommunalité) regardent du côté du transport à la demande ; elles réfléchissent à la possibilité de développer des aides (médicales, ménagères), des services de portage à domicile de repas, courses, médicaments. Mais leur offrir de telles aides conduit à renforcer leur isolement, puisqu'en apportant tout ce dont elles ont besoin chez elles, elles ne sortent plus de chez elles. En outre, les aides apportées peuvent faire les frais de l'absence d'infrastructure de transport ou du cout que la mobilité peut représenter. Ce sont autant de frais que ne peuvent s'autoriser les bénévoles du réseau porté par Famille rurale ­ on compte notamment sur le bénévolat pour accompagner les personnes âgées pour faire leur courses, aller chez le médecin... De même, la colocation ­ la possibilité susceptible d'être offerte à un jeune ou un actif, de louer une pièce au sein de la maison d'une personne retraitée est confrontée au même problème de l'isolement de la maison. Car si l'idée aujourd'hui est de ne pas déraciner, de laisser la personne le plus longtemps dans son logement, la « collectivisation des maisons », reste chère ou difficile à mettre en place pour des raisons d'absence de transport. Ainsi les problèmes de mobilité conduisent (les personnes âgées, les mères de famille sans travail et assignées leur pavillon) à un problème d'isolement. Conclusion Les difficultés de mobilité affectent différemment des populations : du problème financier à la demande d'autonomie Le poids de la dépendance à l'automobile des territoires de vie se manifeste de différentes manières selon les individus ou groupes d'individus. Les acteurs sociaux s'inquiètent aujourd'hui de la venue dans leur service d'un nouveau type de population que sont les ménages modestes à la recherche d'une aide financière ponctuelle pour leur permettre de faire face à certaines factures (EDF, assurance) qui hier étaient assumées sans problème, les ménages en proie à des situations de surendettement et ou face à des frais de transport ou de garde d'enfants non escomptés et croissants. Plus généralement, et au-delà des problèmes de ressources financières des ménages, trois types de population des territoires soumis à notre analyse, présentant des difficultés de se bouger sont repérés et pris en compte par les acteurs sociaux de ces territoires : les jeunes, les femmes, les personnes âgées. La pléthore d'ouvrages récemment parus sur le sujet des jeunes rappelle que cette classe d'âge existe avant tout comme une catégorie à problème (la jeunesse est pensée à l'aune de la délinquance, de la déviance à certaines normes sociales, ou de la crise d'adolescence, sans que l'on ne s'arrête 158 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale suffisamment sur leurs besoins et desideratas propres (Mauger, 2006). A ce titre, les jeunes et adolescents laissés à eux-mêmes le sont par des parents - en ces lointaines contrées de la région parisienne­ qui, en ajoutant à leur journée de travail un temps de transport important, sont amenés à vivre de longues et tardives heures loin de leur domicile. L'ennui, l'errance, susceptibles de conduire à des méfaits, sévit autant dans les villages de la grande couronne parisienne sans service ou activité que dans les banlieues HLM. Pour autant, la fréquentation importante des jeunes des services actuels de transport conduisant à des pôles de loisirs comme Disney dans notre analyse - ce qu'on tend à oublier en se préoccupant du seul transport scolaire des plus jeunes ­ est à noter. Elle réÏle que les jeunes ont une connaissance et une représentation de leur territoire dans lesquelles le centre parisien joue un rôle beaucoup moins important que ce dont la littérature rend compte. Pour ceux qui vivent dans des villages éloignés de tout ou presque, le pôle de Disney, par exemple, avec ses commerces et ses cinémas fait office de centralité. Elle réÏle aussi que l'autobus est un mode de transport dont ils se satisfont tout à fait dès lors qu'il leur permet de rencontrer leurs pairs et donc que la fréquence de service est satisfaisante. Ce que montre le succès de la ligne express de bus desservant le pôle de Disney, très fréquentée par les jeunes et par des personnes, alors même qu'elle n'avait été pensée que dans le cadre d'un accès à l'emploi. La demande d'aide financière à l'obtention du permis, qui ouvre ou élargit le potentiel d'accès à la mobilité, évoque également le fait que la demande d'autonomie est tout aussi importante pour ces jeunes, si ce n'est plus forte que celle d'une demande de services de mobilité. Le lien obserÎ entre la présence d'une gare dans la ville et le niveau plus éleÎ de formation de sa population juÎnile est à plus amplement étudier, et ce d'autant plus quand on sait que le chômage des jeunes concerne plus particulièrement les non diplômés, lesquels sont nombreux en lointaine Seine et Marne. La croissance des familles monoparentales dans ces territoires donnerait à voir une forme de précarité émergente qui toucherait les femmes. Pour un certain nombre d'entre elles en effet, deux handicaps se conjuguent pour trouver et exercer une activité professionnelle : l'absence d'expériences professionnelles et l'importance de la durée et du coût des trajets que certaines ne peuvent assumer. La mobilité de personnes âgées est une donnée importante dans des lieux périurbains gagnés par la croissance de cette tranche d'âge. La population du périurbain vieillit. La preuve en est du taux important de personnes recensées mais également de l'importance du secteur du troisième âge sur ce territoire, terre d'accueil de nombreuses maisons de retraite, secteur vecteur d'emplois en des lieux où celui ci fait défaut. A condition toutefois que les difficultés de déplacements que peuvent rencontrer leurs employés, déjà bien mal rémunérés, ou les personnes bénévoles ou retraitées soient leÎes. L'aide à la mobilité des personnes âgées ­ est pensée dans le cadre d'un maintien au domicile et d'une aide à l'autonomie qui peut réduire un certain temps leur dépendance, la reculant dans le temps. Cette posture fait débat dans la Belgique Flamande où les transports sont gratuits pour les plus de 65 ans, tout comme dans les environs de Coulommiers. En effet pour certains le développement des services à 159 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale la personne (courses faites par d'autres pour les personnes âgées) tendrait à renforcer la dépendance de personnes à autrui alors que pour d'autres il conviendrait, à contrario, de favoriser leur mobilité et indépendance. En tous cas, la gratuité des transports publics en Flandres a contribué à faire sortir un très grand nombre de personnes âgées de chez elles. Les transports publics fonctionnent comme des espaces de rencontre pour les personnes âgées, dont l'un des problèmes est aussi qu'elles se sentent esseulées, (LEFRANCOIS, 2012) ou isolées dès lors qu'elles résident en lointaine périphérie urbaine. Venir les visiter, il est vrai, demande soit une aptitude à la mobilité réÎlée soit une disponibilité temporelle importante dès lors que le transport public s'impose : certains ne peuvent mobiliser ni l'un ni l'autre. Les freins psychologiques, un effet de territoire avant tout Les freins à la mobilité, dont l'inaccessible usage de la voiture pour raisons financières fait partie, renvoient le plus souvent à l'absence de service de transports. Pour autant, ces freins peuvent renvoyer à des psychologiques. La voiture sert bien plus qu'à bouger, raison pour laquelle on a du mal à s'en dessaisir. Cet objet renvoie à un statut social à laquelle certains cherchent à appartenir et à une mobilité rapide souhaitée par le plus grand nombre : le fait est connu et relaté par les services sociaux. Cependant ces derniers parlent aussi d'une image de la voiture renvoyant à la libre entreprise et à l'autonomie de décision, fortement valorisées dans les milieux modestes. Cette valorisation d'un objet qu'ils n'ont pas toujours les moyens d'utiliser et d'entretenir, nous paraît pouvoir être vue en quelque sorte comme un contrepoids à une dépendance aux pouvoirs publics fournissant allocations ­ ­ pas forcément bien Îcue par les personnes au chômage ou RSA accusés d'assistanat. Celle ci ouvre les champs du possible, ce qui est une première forme de mobilité susceptible d'en induire d'autres... Les difficultés que l'on peut avoir ou non de bouger ne seraient pas forcément induites par un effet de génération : si l'on en croit le cas de jeunes peu mobiles dans le lointain bassin périurbain de Coulommiers, attachés à un territoire où ils ont grandi, ont encore leur famille, tandis que les personnes ayant eu à déménager plusieurs fois dans leur vie continuent, l'âge venant, même dans des lieux très reculés comme les environs de Provins, encore à bouger. L'on trouverait là plutôt un effet de territoire dans le sens qu'en donne Bourdieu (1993), sachant que cet effet ne joue pas forcément pour tous. L'on peut être nomade de manière héréditaire, le fait de bouger pouvant être un trait de culture que toutes les sociétés n'ont, comme l'a déjà montré Tarrius à propos de populations maghrébines transhumantes, mobiles depuis des générations. Pour autant ces mêmes populations, comme c'est le cas des immigrés tunisiens installés à la Ferté Gaucher, peuvent être peu mobiles. Les gens, tenus par leur territoire, peuvent avoir du mal à faire le deuil du lieu de leur enfance, d'un territoire hier autonome, auto subsistant. Le Îlo est un mode de locomotion très utilisé dans les « vraies campagnes » provinciales », ce qu'il n'est pas en lointaine Seine et Marne; on ne s'y sent pas à l'aise 160 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale dans ces territoires hybrides et périurbains plus urbains que ruraux de la métropole parisienne, mais néanmoins très ruraux. Les problèmes de mobilité en somme peuvent à être dus pour une bonne part à des questions de représentations de territoire. En l'occurrence, le périurbain ­ est Îcu par certaines communes comme rural, ce qui constitue une manière de se distinguer des territoires limitrophes, alors même que la ville est proche, le territoire industrialisé ; en conséquence de quoi, les personnes nouvellement venues, faute d'y trouver des services publics et urbains, sont tenus de se débrouiller. Selon les acteurs locaux, les personnes pour se déplacer comptent peu sur les solidarités locales, de voisinage. Sont invoquées plusieurs raisons : la mentalité rurale ou traditionnelle de territoires ruraux hier industrieux mais en crise, repliés sur eux-mêmes; la difficile entente de populations nouvelles et anciennes qui ne se connaissent pas, l'autostop en campagne pour les jeunes n'est ici pas une pratique courante, au même titre que le service rendu au voisin pour se rendre dans la ville la plus proche ( selon les acteurs publics). Par contre, à défaut de pouvoir compter sur leur voisin, les gens tendent à tirer parti de l'offre publique qu'ils utilisent de manière ponctuelle: les services des bus scolaires ­ utilisés par tous - remplissent en quelque sorte le service de covoiturage que les institutions publiques peinent à développer. Des offres et des difficultés plurielles A défaut des hommes, les commerces et équipements bougent : le retour de l'ambulance. Les solutions pour permettre la mobilité seraient non pas une mais plurielles - comme on tend à le promouvoir aujourd'hui - ceci que soit par l'offre de nouvelles lignes, la création de services de mobilité alternatifs à la voiture ; de mesures sociales connexes (aides à la petites enfance, d'enseignement à la mobilité, ect) Le sentiment d'insécurité ­ traditionnellement fort dans les transports publics (cf les études de l'Institut nationale des hautes études de la sécurité et de la justice) l'est notamment, on omets de le préciser, au final peut être pas tant dans le Îhicule, où il y a des gens, que là on l'attend. Aussi promouvoir l'utilisation des transports en commun pas toujours utilisés lorsqu'ils existent, c'est aussi, selon nous, urbaniser les lieux de mobilité. L'enquête auprès des acteurs nous invite à penser, qu'à défaut de toujours pouvoir impliquer dans l'offre de mobilité les entreprises peinant à s'organiser lorsqu'elles sont plusieurs, il convient de regarder l'émergence d'initiatives individuelles, en fait d'entrepreneurs cherchant à mettre en place et vendre ce qu'il manque. Parmi les mesures prônées par le conseil général, on note le retour des services ambulants, très à même à répondre à la ville d'aujourd'hui distendue, périurbaine? Ceux-là même qu'on voit déjà sur les lieux ne sont ils pas des modes (ou services) de déplacement durable ? Des offres et des difficultés plurielles mais un secteur du logement social ou aidé toujours en dehors de la question sociale de la mobilité. Alors même que les difficultés économiques croissent et avec elles les coûts de la mobilité et que se durcissent les difficultés sociales, cette analyse montre qu'en Seine et Marne les acteurs publics locaux 161 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale se sont organisés pour être attentifs et réactifs aux problèmes des plus modestes d'entre nous. Le regard des acteurs sociaux du département est désormais transversal (santé, petite enfance, fins de mois difficiles, insertion à l'emploi, mobilité, accès à la culture) et modelé par des enjeux et des actions propres aux différents territoires et différentes populations qui relèvent de leurs compétences. La décentralisation des politiques publiques est ici à l'oeuvre dans le cadre d'une organisation territoriale, anticipant en cela la législation. Le constat de réalisme et de dynamisme politique de ce département est aussi bâti sur la capacité qu'il a montré à initier et créer les conditions de partenariats publics-priÎs originaux pour aligner des services publics notamment de transport. Quels qu'aient été les ressorts de ce dynamisme et de la transversalité sectorielle des politiques mises en oeuvre sur les différents territoires, il reste que le logement, clé de voûte d'un rapprochement aux emplois pour ceux qui le désirent, est aujourd'hui comme partout ailleurs non pensé. Le secteur du logement social et aidé tout comme le secteur de la construction neuve individuelle et collective restent le réceptacle des problèmes de logement de populations fragiles ou des demandes de maisons individuelles. Le secteur du logement aidé et social, dont le fonctionnement est affecté par la rigidité du parc en termes des flux n'est pas associé à la mise en transversalité de question sociale dans ce département. Dès lors la problématique de la transition énergétique et des coûts de déplacements qu'elle implique pour les ménages modestes est priÎe d'un levier d'action important mais il est vrai difficile à actionner. Aucun des acteurs publics de ce département interrogés n'a imaginé ou imagine aujourd'hui l'actionner pour lever certaines difficultés des ménages modestes. Et ce d'autant moins qu'a priori certains candidats potentiels à la relocalisation montrent de vrais réticences à s'éloigner de leur base affective dans ces temps difficiles, ce que d'autres travaux ont bien montré (Cécile Vignal, 2003, Yves Jouffe, 2007). Bibliographie ACADIE, Conseil général de Seine et Marne, 2010, Seine et Marne en projet : Projet de territoire départemental. BAUD Marielle, 2006, Etude sur l'offre de transport, rapport, Association Relais d'activités Locales pour l'Insertion, le Travail et l'Emploi. BOURDIEU Pierre, 1993, La misère du monde, Editions du Seuil. COUTARD O, DUPUY G, FOL S, 2002, La pauvreté périurbaine : dépendance locale ou dépendance automobile ? Espaces et Sociétés. DJEFAL Sabrina, EUGENE Sonia, 2004, Etre propriétaire de son logement, un rêve largement partagé, quelques risques ressentis, Etude CREDOC. GROSJEAN Bénédicte, 2010, Urbanisation sans urbanisme, une histoire de la ville diffuse, Mardaga. 162 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale JOUFFE Y. (2007) : Précaires mais mobiles : tactiques de mobilité des travailleurs précaires flexibles et nouveaux services de mobilité. UMR-LVMT. Thèse de l'ENPC sous la direction de F. Godart et M.H. Massot ; Champs-sur-Marne LEFRANCOIS Dominique , ORILLARD Clément, in MVRDV, Paris Plus Petit, Le Grand Pari de GrandParis, chantier 1, diagnostic, « Hubs et mobilités alternatives pour horizons métropolitains », 2009. LEFRANCOIS Dominique, 2008, « La mobilité des salariées, une question sociale autant qu'urbaine » ? in Urbanisme n°258. LEFRANCOIS Dominique, 2012, Une ethnographie du tram, bus, train en Flandres, rapport intermédiaire, Lab'Urba, Université Paris Est Créteil, Osa, Université de Leuven . LE BRETON Eric, 2005, Mobilité quotidienne et intégration sociale, Armand Colin. MASSOT Marie Hélène, MOTTE-BAUMVOL Benjamin, et al., 2010, "Escaping car dependence in the outer suburbs of Paris", Urban Studies, Vol.47, No.8. MASSOT Marie Hélènz, AGUILERA Anne, 2008, « Recompositions urbaines et distance à l'emploi », in Etalement urbain et ségrégations socio-spatiales, in LACOUR C. (dir.), Etalement urbain et ségrégation socio-spatiale. : Presses Universitaires de Bordeaux. MASSOT Marie Hélène, ZAFFRAN Joel. 2007, "Automobilité urbaine des adolescents franciliens", In Espaces, Populations, Sociétés, Presse Universitaire de Lille. MAUGER G, 2006, Les bandes, le milieu et la bohème populaire. Études de sociologie de la déviance des jeunes des classes populaires, Paris, Éditions Belin, Coll. "Sociologiquement ". ORFEUIL Jean-Pierre, 2004, Transports, pauvreté, exclusion. Bouger pour s'en sortir, Éditions de MOREL BROCHET Annabelle, 2007« A la recherche des spécificités du mode de vie d'habiter l'Aube, La Tour-d'Aigues. MOTTE-BAUMVOL Benjamin, 2008, "L'accès des ménages aux services dans l'espace périurbain francilien", Strates, Vol.14, 149-164 MOTTE-BAUMVOL Benjamin 2007, "Les populations périurbaines face à l'automobile en grande couronne francilienne", NOROIS, Vol.205, 53-66. SINIGAGLIA-AMADIO, Sabrina, 2010, « Les quartiers dits sensibles, des espaces spécifiques de discrimination socio-spatiales, pp159-174, in Hamman Philippe, Le tramway dans la ville, le projet urbain négocié à l'aune des déplacements, Presses universitaires de Rennes. TARRIUS Alain, 2010, Les nouveaux cosmopolismes migratoires d'une mondialisation par le bas, La Découverte. périurbain dans les représentations et les sensibilités habitantes », NOROIS, Vol.205, p 23-35. 163 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale VIGNAL Cecile, 2003, Ancrages et mobilités de salariés de l'industrie à l'épreuve de la délocalisation de l'emploi. Configurations résidentielles, logiques familiales et logiques professionnelles, Thèse de doctorat en urbanisme, Université de Paris EST Créteil, sous la direction de Férial Drosso. WEBER Florence, 2001, Le travail à côté. Etude d'ethnographie ouvrière, Editions de l'EHESS, (1989, Ière édition, INRA/EHESS). 164 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Annexes Tableau 15 : Les ménages qui vivent dans une commune périurbaine dépendante de l'automobile Nota Bene : Les personnes dont les prénoms sont en italique sont celles qui ont participé à l'entretien Situation professionnelle Vincente 1 57 ans Daniel 58 ans Giliane 2 37 ans Mari de Giliane 50 ans Bernard 3 60 ans Catherine 50 ans 4 Carlos 42 ans Elle : Ouvrière à Dijon (CDI ­ en arrêt maladie longue durée) Lui : ETAM à Chevigny-Saint-Sauveur (CDI) Elle : Au chômage après une longue période d'inactivité Lui : Plaquiste sur chantiers (à Quiberon) Lui : Ouvrier à Genlis A la retraite depuis 1 an Elle : Contremaître à Couchey au 3*8 (CDI) Enseignant dans un lycée technique à Gray (Doubs) Séparé depuis 2008 Mariés Situation conjugale 1. Tableaux descriptifs des ménages rencontrés pour les entretiens Situation familiale Commune actuelle Longchamp Propriétaires depuis 1983 (prêt remboursé) Commune précédente Mariés 1 fils, 28 ans et 1 fille, 26 ans 3 petits-enfants de 3 ans et 9 mois Chenôve Location HLM Mariés 1 fille, 11 ans, en établissement spécialisé sur Dijon Longchamp Propriétaires depuis 2003 Dôle Location HLM (petit collectif) 2 fils, 26 (ouvrier à Genlis) et 20 ans (en études à Nevers et à charge de ses parents) Longchamp Propriétaires depuis 1985 (prêt remboursé) Longchamp Genlis Location HLM 1 fils, 8 ans, en garde partagée Genlis Location HLM Propriétaire depuis 2009 165 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Longchamp Elle : Au chômage depuis 6 mois. Etait ouvrière à Dijon Lui : Cariste à Chevigny-Saint-Sauveur (CDI) Vivent en concubinage Locataires d'un logement social (maison individuelle) Depuis 2009 Lui : Magasinier à Genlis En cessation progressive d'activité depuis 2010 Elle : Assistante familiale pour le CG Elle : Inactive depuis la naissance de ces filles. Anciennement clerc de notaire Lui : Responsable d'une chaufferie à Quetigny (CDI) Elle : Conseillère financière dans une banque à Genlis (CDI) Lui : Electromécanicien à ChevignySaint-Sauveur en 2*8 et travail de nuit 3 fois par an (CDI) Mariés 1 fille et 1 garçon, 11 ans (des jumeaux) Mariés 2 garçons, 38 et 30 ans, 1 fille, 29 ans 5 petits-enfants 2 enfants, 20 et 16 ans, placés chez eux depuis 10 ans Longchamp Propriétaires depuis 1982 (prêt remboursé) Genlis Location HLM Ont toujours Îcu à Longchamp Séverine 5 38 ans Antoine 38 ans Didier 6 58 ans Annie 56 ans Sonia 43 ans 7 Mari de Sonia 45 ans 2 fils, 13 et 9 ans, et 1 fille, 6 ans Mariés 1 fils, 16 ans, et 2 filles, 12 ans (des jumelles) Longchamp Propriétaires depuis 1993 Genlis Location priÎe Graziella 8 37 ans Mari de Graziella 41 ans Chambeire Propriétaires depuis 1997 (prêt remboursé) Saulon-la-Rue Hébergés chez les parents 9 Laurence 41 ans Ouvrière à la chaîne à Couchey Horaires décalés (4h45-14h) Intérim depuis 8 ans Séparée 1 fille, 24 ans, qui fait ses études en Angleterre (boursière) Longchamp Locataire en logement social (appartement dans un petit collectif) Depuis 2002 Genlis avec sa mère en arrivant du Nord après le divorce de ses parents 166 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Elle : Assistante maternelle à domicile ­ 6 enfants en garde Lui : Conducteur routier en national (CDI) Horaires variables d'une semaine sur l'autre Lui : Technicien dans les machines à café basé à Genlis (CDI) Elle : Aide à domicile sur Dijon à temps partiel (CDD) Mariés 2 garçons, 12 et 8 ans, et 1 fille, 11 ans Stéphanie 10 34 ans Yannick 35 ans Nicolas 49 ans 11 Femme de Nicolas 47 ans Longchamp Propriétaires depuis 2003 Chevigny Location priÎe Fontaine d'Ouche Longchamp Mariés 2 filles, 19 et 15 ans Propriétaires depuis 2005 Location HLM (lui avait déjà été propriétaire sur Lyon) Lui : Bray-sur-Seine (propriétaire avec sa précédente femme) Elle : Provins (propriétaire avec son précédent mari) Trélazé (près d'Angers) Chez ses parents (locataires) Savins Chez ses parents (propriétaires depuis 27 ans) Adbel 12 39 ans Elodie 26 ans Lui : Eboueur à la Mairie de Paris (18 arrondissement). Horaires décalés (matin ou AM) e Sainte-Colombe En concubinage Lui : 1 fille, 19 ans, et 1 fils, 10 ans, tous les deux de précédents mariages Locataires dans le parc priÎ depuis 2010 Elle : Temporairement sans emploi et bientôt chef de rang dans un restaurant sur Provins Aide-soignante en maison de retraite à Provins (CDI) Horaires décalés. Matin : 7h-14h15 ou AM : 14h15-21h15 + week-end. Agent administratif dans une coopérative céréalière à Jouy-le-Châtel (CDI) Horaires standards Sainte-Colombe Célibataire Sans enfant Locataire dans le parc priÎ depuis 2009 Sainte-Colombe Célibataire Sans enfant Locataire dans le parc priÎ depuis 2011 13 Mélanie 21 ans 14 Christelle 24 ans 167 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Mortery 1 fille, 19 ans, et 2 garçons, 16 et 14 ans, issus d'un précédent mariage Garde alternée Sainte-Colombe Propriétaires depuis 2011 Location dans le parc priÎ (Elle était propriétaires avec son précédent conjoint à Bannost) Troyes Location HLM Karine 15 41 ans Mari de Karine 40 ans Elle : Conductrice de bus basée à Provins et Villiers Saint Georges (CDI). Horaires complexe et déléguée du personnel Lui : Technicien SAV basé à Marne-laVallée mais se déplace en France entière (CDI) Chef d'équipe en optique à Poigny (CDI) Horaires décalés en 2*8 Lui : Militaire (administratif) sur Paris 7e Elle : Assistante de puériculture à Villiers-sur-Marne, en congé parental depuis quelques mois En concubinage 16 Vanessa G. 31 ans Lionel 34 ans Célibataire Sans enfant Sainte-Colombe depuis 2004 Locataire dans le parc priÎ Saint-Brice Mariés 1 fils, 7 ans, et 1 fille, 1 an Propriétaires depuis 2009 Le Plessis-Trévise Propriétaires d'un appartement 17 Edwige 34 ans Longueville 18 Cyril 41 ans A la recherche d'un emploi en tant que technicien chimiste RSA Célibataire Sans enfant Hébergé à titre gratuit par ses parents (propriétaires) Orsay Logement étudiant Trajectoire difficile à reconstituer Roger 54 ans 19 Femme de Roger 56 ans Lui : Employé de banque dans Paris 9e Elle : Femme au foyer Saint-Loup de Naud Mariés 2 fils, 23 ans et 18 ans, 1 fille, 20 ans Propriétaires depuis 1996 Clichy-sous-Bois Propriétaires d'un F3 (qu'ils ont toujours) 168 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Sandrine 30 ans 20 Mari de Sandrine 31 ans Elle : Assistante commerciale dans une agence immobilière à Provins Lui : Gardien de la paix à Vincennes Mariés à Eric, gardien de la paix Chenoise 2 fils, 7 et 4 ans Locataires en parc priÎ (maison) depuis 2007 Vannes Locataires dans le parc priÎ Bruno 21 40 ans Femme de Bruno 39 ans Virginie 22 45 ans Illidio 48 ans Solveig 23 41 ans Olivier 43 ans Lui : Gardien de la Paix à Paris (13 ). Horaires de nuit Elle : Gardien de la paix à Coulommiers. Horaires de jour e Mariés 1 fille de 19 ans 2 fils de 12 et 11 ans Crèvecoeur-en-Brie Propriétaires depuis 1998 Paris 13 e Location dans le parc priÎ Elle : Assistante maternelle à domicile Lui : Conducteur super poids-lourds Mariés 2 filles, 18 et 7 ans 1 fils, 13 ans Crèvecoeur-en-Brie Propriétaires depuis 1998 Ozoir-la-Ferrière Locataires en HLM Elle : Mère au foyer Lui : Ingénieur en informatique sur Paris Mariés 2 fils, 12 et 10 ans Crèvecoeur-en-Brie Propriétaires depuis 1998 Maisons-Alfort Locataires dans le parc priÎ 1 fille, 16 ans 24 Patrick 42 ans Miguel 25 37 ans Nathalie 35 ans Menuisier au Ministère des Armées à e Paris (8 ) Séparée Vit avec sa maman à Puiseux-en-France (95) Garde conventionnelle Lui : Plombier sur Paris Prochainement au chômage Elle : Agent administratif à la CPAM à Bussy-Saint-Georges Mariés 2 fils, 10 ans et 7 ans Pommeuse Propriétaire depuis 2003 Coulommiers Location dans le parc priÎ Pommeuse Propriétaires depuis 2011 Chelles En location-vente 169 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Saints Propriétaire depuis 2006 Mauperthuis Mariés 2 fils, 6 ans et 9 mois Propriétaires depuis 2009 26 Bernadette 47 ans Vanessa D. Responsable d'agence intérim, au chômage Elle : Hôtesse de caisse, en congé parental Lui : Magasinier à Coulommiers (horaires décalés), arrêt maladie longue durée Aide médico-psychologique en hôpital à Coulommiers Séparée 1 fille, 21 ans Vit à Noisy-le-Grand pour ses études Allier Propriétaire 27 26 ans Mari de Vanessa 28 ans Claude 49 ans Coulommiers Locataires en parc priÎ Célibataire 28 A une petite amie à Villeparisis Pas d'enfants Beautheil Logé à titre gratuit chez sa mère N'a jamais habité ailleurs 170 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Tableau 16 : Description économique des ménages rencontrés (PCS, revenu par unité de consommation et perception du niveau de vie) dans le chantier 1 En italique, les personnes rencontrées en Côte-d'Or. PCS Ménage (niv. 3) 63 (AM) 48 85 (C/68) 68 78 (62) 48 Activité du ménage Revenus nets par mois (R)* U.C. R/UC Perception de leur niveau de vie Vincente Daniel Biactif 3000 1,5 2000 Confortable depuis que les enfants sont partis et que la maison est remboursée Giliane Mari Monoactif 2000 1,8 1100 Conditions de vie difficiles Bernard Catherine Monoactif 2700 2 1350 Budget encore serré du fait qu'ils aient leur fils aîné à charge Carlos 42 Actif 1800 1,3 1385 Fait attention car vient d'acheter sa maison Séverine Antoine 67 (C) 65 Biactif avec inoccupée 2500 2,4 1042 Pas de difficultés exprimées mais peu d'activités, pas de vacances Didier Annie 66 (C) 52 Biactif 2400 2 1200 Pas de difficultés exprimées Sonia Mari 85 36 Monoactif 4000 2,6 1538 Confortable même s'ils font attention Graziella Mari 46 62 Biactif 3000 2,1 1430 Confortable du fait des avantages sociaux liés à leurs entreprises respectives Laurence 67 Actif 1300 1 1300 Conditions de vie difficiles Stéphanie Yannick 52 64 Biactif 2600 2,4 1083 Ils font très attention à leurs dépenses et ne partent pas en vacances 171 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Nicolas Femme 47 56 68 56 (NTP) Biactif 3000 2,5 1200 Ils font attention même s'ils bénéficient de bourses d'études pour leurs 2 filles Conditions de vie jugées trop justes d'où reprise du travail pour Mme Adbel Elodie Monoactif (bientôt biactif) 1500 (+1400) 1,5 (+0,8) Entre 652 et 1933 Mélanie 52 Actif 1300 1 1300 Niveau de vie jugé suffisant mais un peu juste Christelle 54 Actif 1300 1 1300 Niveau de vie jugé correct Karine Mari de Karine Vanessa G. 64 47 Conditions de vie confortables Biactif 3400 3 1133 Les avantages sociaux de Karine y participent 48 Actif 1700 1 1700 Conditions de vie confortables Lionel Edwige 53 52 (CP ) Monoactif 2800 2,1 1330 Ils font très attention et leur budget est un peu juste à leurs dires Situation de pauvreté Cyril 47 (RSA) Actif inoccupé 480 1 480 Faute d'emploi stable et d'un meilleur revenu, il reste hébergé chez ses parents Situation budgétaire très juste qui s'est un peu améliorée avec un regroupement de ses crédits Roger Femme 46 85 Monoactif 2300 3 767 Sandrine Mari 54 53 Biactif 3300 2,1 1571 Conditions de vie jugées satisfaisantes Conditions de vie jugées satisfaisantes mais chasse permanente aux bonnes affaires (réduction, etc.) Budget serré Font attention Bruno Femme 53 53 Biactif 4000 2,6 1538 Virginie Illidio 52 64 Biactif 3000 3 1000 172 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Conditions de vie jugées confortables mais elle travaille de temps à autre en intérim pour arrondir les fins de mois Niveau de vie satisfaisant mais travaux au fur et à mesure en fonction des finances disponibles Niveau de vie satisfaisant mais peur pour l'avenir avec le chômage de Miguel Solveig Olivier 85 38 Monoactif 3500 2,1 1667 Patrick 63 Actif 1500 1 1500 Miguel Nathalie 63 (C) 52 Biactif avec inoccupé 2700 2,1 1290 Bernadett e 46 Actif inoccupé 1200 1 1200 Situation budgétaire juste Vanessa D. Mari 55 (CP) 66 (AM) Monoactif 2000 2,1 952 Situation budgétaire très juste Claude 52 Actif 1500 1 1500 Conditions de vie confortables mais ne paye pas de loyer * Revenus nets déclarés ou estimés par mois, comprenant salaires et autres revenus (allocations chômage, pensions alimentaires, aides sociales, bourses d'études, APL, etc.) C : chômage ; AM : arrêt maladie ; CP : congé parental ; RSA : revenu de solidarité active ; TP : temps partiel 173 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Tableau 17 : Les ménages qui ont quitté une commune périurbaine dépendante de l'automobile Nota Bene : Les personnes dont les prénoms sont en italique sont celles qui ont participé à l'entretien Situation professionnelle Christine 44 ans Séverine P. 2 31 ans Jonathan 30 ans Stéphane 42 ans Situation conjugale Situation familiale Commune actuelle Dijon Secrétaire médicale à Dijon Divorcée 2 garçons, 14 et 8 ans En location priÎe depuis 2004 Commune périurbaine précédente Francheville Propriétaire avec son ex-mari Y a Îcu de 1997 à 2004 1 Elle : Assistante de direction dans une PME à Fontaine-LèsDijon Lui : Moniteur d'autoécole salarié à Longvic Agent de service hospitalier à Dijon. Prochainement à la recherche d'un emploi Mariés 1 garçon, 2 ans et demi Dijon Propriétaires depuis 2005 Gemeaux Locataires jusqu'en 2004 Dijon Séparation Pas d'enfant Locataire dans le parc priÎ depuis 2010 Rouvres-en-Plaine Hébergé par son conjoint de 1996 à 2008 3 Séverine Y. 4 33 ans Grégory 37 ans Elle : Opératrice PAO (publication assistée par ordinateur) salariée dans l'entreprise de son mari Lui : Chef d'une entreprise d'impression à SaintApollinaire Mariés 2 garçons, 9 et 8 ans Dijon Locataires en HLM depuis 2006 Quemigny-Poisot Locataires priÎs de 2004 à 2006 5 Laurent V. 32 ans Paysagiste pour la mairie de Longvic Divorcé officiellement mais a une nouvelle compagne Dijon 2 filles, 7 et 5 ans Locataire en HLM depuis 2009 Saint-Victor sur Ouche Propriétaire avec son exfemme de 2007 à 2009 174 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Elle : Perrigny-lès-Dijon Elle : Assistante commerciale, à la recherche d'un emploi Lui : Propriétaire d'un petit restaurant dans Dijon Elle : Agent contractuel dans les administrations. CDD terminé et congé maternité Lui : Mécanicien dans un garage à Dijon Mariés 1 fils, 2 ans et demi Dijon Propriétaires depuis 2008 Locataire priÎe de 2001 à 2003 Lui : Cirey-lès-Pontailler Chez ses parents Dijon Locataires dans le parc priÎ depuis 2009 Prenois Locataires priÎs De 2007 à 2009 Katarzyna 6 31 ans Cédric 33 ans Ludivine 7 24 ans Perceval 27 ans Charline 22 ans 8 Compagnon de Charline 25 ans En concubinage Pas d'enfant (au moment de l'entretien) Elle : Collaboratrice en assurances à Dijon Lui : Coursier dans un hôpital à Dijon Dijon En concubinage Pas d'enfant Locataires dans le parc priÎ depuis 2010 Asnières-Lès-Dijon Colocataires dans le parc priÎ de 2009 à 2010 9 Isabelle 45 ans Adjoint administratif en préfecture à Dijon Hôtesse de caisse à temps partiel à ? A la retraite de la fonction publique Plombières-lès-Dijon Séparée 1 garçon, 14 ans Locataire HLM depuis 2003 Soirans Locataire HLM de 2001 à 2003 1 fille, 13 ans Divorcée 2 garçons d'une précédente union et qui ne vivent plus avec elle Longvic Locataire HLM depuis ? Binge Propriétaires 10 Agnès 51 ans 11 Redouane 27 ans Paris Gardien de la Paix à Paris (13 ) e Maincy Location priÎe de 2005 à 2008 Célibataire Pas d'enfant Locataire HLM (par la préfecture) depuis 2008 175 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Fromont Hébergée par ses anciens beaux-parents de 2003 à 2008 Egreville Chez ses parents Lorrez le Bocage En location priÎe Paris 14 Laurence B. 22 ans Danielle 36 ans 15 Compagne de Danielle ? Christelle 34 ans 16 Compagnon de Christelle 34 ans Elle : Gardien de la Paix à Paris e (16 ) Lui : Cuisinier salarié dans un e restaurant sur Paris (11 ) En concubinage 1 fils, 13 ans, issu d'une précédente union qui vit avec les parents de Christelle à Troyes Hébergent la soeur et la nièce du conjoint Boulogne-Billancourt - 92 Locataires en HLM (logements réserÎs par le travail de Christelle) depuis 2009 Gouvernes En location priÎe de 2004 à 2009 D. : Formatrice en assurance à Puteaux C. : Caviste dans Paris (6 ) e 12 Anita 27 ans Claire 27 ans Biologiste. A la recherche d'un emploi Paris 18 Séparée 1 fils de 13 mois e Locataire HLM depuis 2009 Elle : Assistante de direction à Paris Lui : Responsable en recouvrement de créances à Saint-Quentin en Yvelines En concubinage Pas d'enfant Paris 12 e 13 Compagnon de Claire ? En location HLM depuis 2005 Vendeuse en prêt-à-porter Emploi étudiant en complément Nanteuil les Meaux Chez ses parents jusqu'en 2008 Célibataire Pas d'enfant En colocation avec une camarade d'école depuis 2010 Paris 19 En concubinage Pas d'enfant e D. : Villevaudé Propriétaire de 2005 à 2010 C. : Nantes D. propriétaire depuis 2010 176 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Célibataire 17 Laurence L. 35 ans Gestionnaire clientèle à la Banque Postale Mais a un petit ami avec qui elle projette de s'installer Bondy ­ 93 Pas d'enfant Locataire HLM (bailleur priÎ) depuis 2006 Villeparisis Compan Location priÎe de 2001 à 2006 Villiers-sous-Gretz 18 Francine 60 ans Commerciale dans l'électronique Célibataire Mais a un petit copain 1 fille, 30 ans qui vit à Pavillon-sous-Bois Vit avec sa mère, 83 ans Drancy ­ 93 Propriétaire de son appartement depuis 1999 Avec ses parents jusque 1999 Mais a fait beaucoup d'allerretour entre la banlieue-est et Villiers Tigeaux Noisy-le-Sec ­ 93 Propriétaires depuis 1981 Chez ses parents, en alternance jusqu'en 2001 (décès) Monique 19 67 ans Mari de Monique ? Elle : Retraitée, comptable à Paris Lui : Retraité, ouvrier dans la métallurgie à Bagnolet Mariés 1 fils, 47 ans, et 2 petits enfants Résident au Raincy 6 enfants entre 41 et 30 ans issues d'une précédente union Vit avec 2 de ses enfants et deux petites filles (11 et 10 ans) 20 Martine 61 ans Elle : Ouvrière en logistique au chômage - retraite En couple mais ne vit pas avec son conjoint Champigny-sur-Marne - 94 En location HLM depuis 2004 Maincy En location HLM de 1994 à 2004 Séparée 21 Nelly G. 26 ans Secrétaire en intérim dans Paris A un petit ami mais ne vit pas avec 1 fils, 14 mois Ivry-sur-Seine ­ 94 Locataire HLM depuis 2010 Sucy-en-Brie ­ 94 Sainte-Colombe Location priÎe avec son ex de 2005 à 2008 Yèbles Propriétaire avec son ancien mari de 2000 à 2010 22 Patricia 32 ans Factrice à La Poste à Draveil Divorcée 3 enfants de 13, 8 et 7 ans Hébergée par sa soeur depuis 2010 177 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Abdel E. 23 30 ans Femme d'Abdel ?? Lui : Educateur spécialisé à Créteil Elle : Rédactrice en droit en ministère à Paris Villejuif - 94 Mariés 1 fils, 2 ans Locataire dans le parc priÎ depuis 2004 Dammartin-sur-Tigeaux Avec ses parents (propriétaires d'une maison) jusqu'en 2002 Soignolles et Emerainville 24 Edwige 45 ans Pigiste à mi-temps pour plusieurs auteurs (travaille à domicile) Divorcée 1 fils, 5 ans (issue d'une union après divorce) Vincennes - 94 Propriétaire depuis 2004 Propriétaires avec son précédent mari (pas le père de son enfant) jusqu'en 2003 (1 an à Soignolle et 3 ans à Emerainville) 25 Julie 22 ans Le Plessis Bouchard - 95 A la recherche d'un emploi Célibataire Pas d'enfant Locataire HLM Depuis 2009 Juilly Vivait chez les parents de son petit ami Samia 42 ans 26 Compagnon de Samia 50 ans Nastassia 23 ans 27 Compagnon de Nastassia 23 ans Elle : Apprentie dans la communication éÎnementielle (école à Nogent-sur-Marne, entreprise à Marne-la-Vallée) Lui : Apprenti en ressources humaines (école à Paris, entreprise à Bondoufle) Férolles-Attily Ozoir-la-Ferrière ­ 77 En concubinage Pas d'enfant En location priÎe depuis 2010 Avec son père et sa bellemère (propriétaires) de 2004 à 2010 (en intermittence avec des locations priÎes) Elle : Secrétaire à mi-temps dans une TPD à Favières Lui : Serrurier poseur dans le 77 En concubinage Précédemment divorcés Elle : 2 filles, 19 et 14 ans Lui : plusieurs enfants qui ont tous quitté le domicile parental Serris ­ 77 En location HLM depuis 2007 Favières Propriétaires avec son ancien mari de 2001 à 2007 178 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Pontcarré Location priÎe de 2003 à 2006 Marles-en-Brie Location priÎe de 1988 à 1996 28 Stéphane 31 ans Fabienne Agent administratif dans l'immobilier à Paris Elle : Assistante maternelle à domicile Lui : Artisan dans le BTP sur l'Île-de-France Elle : Documentaliste dans une banque à Paris Lui : Electronicien salarié sur l'Île-de-France Artisan dans le BTP dans l'entreprise familiale à Jouysur-Morin Célibataire Pas d'enfant Ferté-sous-Jouarre ­ 77 Propriétaire depuis 2006 29 49 ans Marc ? Sylvie Mariés 2 filles, 22 ans et 15 ans Fontenay-Trésigny ­ 77 Propriétaires depuis 1996 30 47 ans Mari de Sylvie ? Coulommiers ­ 77 Mariés 1 fils, 19 ans et 1 fille, 13 ans Location priÎe depuis 2007 Villiers-sur-Morin ­ 77 Divorcé 1 fils, 5 ans en garde alternée Location priÎe depuis 2009 Pommeuse Location priÎe de 2004 à 2007 31 Julien 29 ans Jouy-sur-Morin Propriétaire jusqu'en 2008 179 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Tableau 18 : Description économique des ménages rencontrés (PCS, revenu par unité de consommation et perception du niveau de vie) En italique, les personnes rencontrées en Côte-d'Or. PCS (niv. 3) Activité du ménage Revenus nets par mois (R)* Christine Séverine P Jonathan Stéphane Séverine Y Grégory Laurent Katarzyna Cédric Ludivine Perceval Charline Compagnon Isabelle 45 46 42 52 (C) 62 21 63 45 (C) 22 52 (CM) 62 46 64 52 Actif 1700 1,8 945 Perception de leur niveau de vie (au moment de l'enquête) Budget pas toujours évident à tenir notamment par absence de pension alimentaire Niveau de vie satisfaisant Ménage U.C. R/UC Biactif 2900 1,8 1610 Actif inoccupé 1200 1 1200 Budget serré Biactif 2400 2,1 1150 Budget serré lié au lancement de leur entreprise Actif 1260 1,6 800 Niveau de vie jugé satisfaisant Biactif avec inoccupée Biactif avec inoccupée 2300 1,8 1280 Niveau de vie plutôt confortable 2000 1,5 1330 Niveau de vie jugé satisfaisant Biactif 2400 1,5 1600 Niveau de vie plutôt confortable Actif 1500 1,5 1000 Niveau de vie considéré comme satisfaisant Agnès 55 (TP) Actif 1200 1,5 800 Budget serré Redouane 53 Actif 2300 1 2300 Niveau de vie confortable Anita 47 (C) Actif inoccupé 1300 1,3 1000 Budget plutôt serré 181 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Claire Compagnon Laurence B. Danielle Compagne Christelle Compagnon Laurence L. 46 46 55 (TP) 42 46 53 63 45 Biactif 3600 1,5 2400 Niveau de vie satisfaisant Active 1100 1 1100 Budget serré Biactif 4000 1,5 2660 Niveau de vie confortable Biactif 4500 2,3 1950 Niveau de vie satisfaisant Actif 1800 1 1800 Niveau de vie confortable Francine Monique Mari Martine 46 76 (54) 76 (48) 76 (C) Actif 1800 1,5 1200 Niveau de vie satisfaisant Inactif 2500 1,5 1660 Niveau de vie satisfaisant Active inoccupée 2000 3,1 645 Niveau de vie satisfaisant Nelly G. 54 Actif 2100 1, 3 1610 Budget serré Patricia Abdel Epouse Edwige 52 43 33 35 (TP) Actif 1800 1,9 950 Budget pas toujours évident à tenir Biactif 2900 1,8 1610 Niveau de vie satisfaisant Actif 1500 1,3 1150 Budget considéré comme serré Julie Samia Compagnon Nastassia Compagnon Stéphane 55 (C) 54 (TP) 68 46 (TP) 46 (TP) 54 Actif inoccupé 1300 1 1300 Budget serré Biactif 3600 2,5 1440 Niveau de vie satisfaisant Biactif 2100 1,5 1400 Niveau de vie satisfaisant Actif 1500 1 1500 Niveau de vie satisfaisant 182 2. Méthodologie des enquêtes qualitatives Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Les études qualitatives du chantier 1 et du chantier ont pour but de comprendre comment se déplacent les ménages modestes qui vivent ou on Îcu dans le périurbain dépendant de l'automobile. L'hypothèse généralement admise est que, compte tenu de leur niveau de revenus (ou de niveaux de vie) et de leur lieu de résidence, ces ménages ont plus de difficultés à se déplacer, sont isolés dans leurs communes de résidence et qu'ils peuvent être amenés à les quitter. Ce raisonnement repose sur une conception unique du périurbain alors que ce dernier comporte plusieurs degrés d'urbanité. Selon ces degrés d'urbanité, les mobilités des ménages modestes peuvent donc différer. Ensuite, les enquêtes qualitatives déjà réalisées ne permettent que très partiellement d'identifier comment les ménages modestes se déplacent dans le périurbain. Il est donc très difficile de savoir quelles sont les stratégies mises en place pour compenser cet éloignement supposément subi avec l'hypercentre. Dans quelle mesure le périurbain est-il un choix ou une contrainte résidentielle imposée ? Du moins, comment les individus le vivent-ils ? Outre le coût du foncier ou l'accès à des logements sociaux, les ménages ont-ils d'autres arguments pour justifier leur localisation résidentielle ? Ces questions supposent donc de comprendre les mobilités des individus, des ménages dans leur contexte territorial. Pour quelles raisons se déplacent-ils ? Où vont-ils ? Pour quelles raisons opèrent-ils telles activités à tel ou tel endroit ? Comment s'y rendent-ils ? Avec ou grâce à qui ? Se limitent-ils à leur périurbain de résidence ? Ont-ils un territoire plus diversifié ? Comment compensent ils l'éloignement à certaines aménités urbaines (aides informelles, sous-traitance, livraison à domicile) ? Pour répondre à toutes ces questions, nous avons eu recours à des entretiens basés sur des récits biographiques plus poussés dans le chantier 2 et la mise en récit par les individus de leurs quotidiens dans les territoires dépendants de l'automobile, partie plus poussée dans le chantier 1. Un déroulement en deux principales étapes La liste de questions ci-dessus (non exhaustive par définition) débouche sur une conduite d'entretien en 2 temps principaux et, éventuellement, un 3e temps complémentaire. Après un passage introductif (présentation de l'enquêteur, de l'étude en cours et du déroulement de l'entretien), une première partie de l'entretien se concentrera sur l'obtention de renseignements généraux sur l'individu interrogé (année de naissance, situation professionnelle éventuelle), le ménage (composition, âges, activités des autres membres du ménage, nombre de Îhicules) et la trajectoire résidentielle et le rapport au territoire (ancienneté résidentielle, lieu de résidence précédent, motifs de la localisation actuelle, présence de réseaux sociaux éventuels, etc.). Ces renseignements ont pour objectif de cadrer le déroulement de l'entretien par la suite (pas la peine de demander comment le ménage gère l'accompagnement des enfants si il n'en comporte pas). Ils ont aussi pour vocation de « mettre en jambe » la personne enquêtée, de la mettre à l'aise. Enfin, ils visent à connaître l'enquêté, son passé et ses aspirations, dimensions qui permettront en phase d'analyse de développer une interprétation plus pertinente de ses mobilités et de ses choix. 183 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale La seconde partie de l'entretien a pour objectif de comprendre les mobilités hebdomadaires des personnes interrogées et de l'ensemble de leur ménage. Par le remplissage d'un semainier (avant ou pendant l'entretien), la personne enquêtée expliquera les conditions de déroulement de l'ensemble des activités effectuées hors du domicile de la semaine précédant l'entretien (week-end inclus). Par conditions, sont entendues autant la nature de ces activités, leurs lieux, le mode choisi pour s'y rendre, avec qui elles ont été effectuées, leur périodicité, leur caractère récurrent ou inhabituel que les motivations de tous ces choix. Le semainier rempli devra être analysé aussi bien à travers les mobilités effectuées que celles non réalisées (exemple : pas de sortie culturelle type aller au cinéma reportée sur le semainier. Demander pour quelles raisons). Une liste d'activités types permettra aux enquêtrices de cadrer les activités considérées afin d'. Dans l'explicitation de ces choix, il sera nécessaire de focaliser notre regard sur les caractéristiques, ressources ou contraintes du territoire de résidence, des territoires qu'ils parcourent plus généralement pour in fine avoir une « cartographie » de ce qu'ils considèrent comme leur territoire, leur bassin de vie. Ce faisant, nous pourrons confronter ces représentations avec les résultats quantitatifs obtenus. Les mobilités hebdomadaires constituent un point d'entrée pour interroger les territoires et le Îcu de ces derniers dans leur dimension régulière ou habituelle mais aussi dans leur dimension plus exceptionnelle, plus lointaine (week-end, vacances). Les individus surestiment-ils leurs possibilités de mobilités ou les sous-estiment-ils compte tenu de leurs programmes d'activités hebdomadaires vus auparavant ? Un risque de halo ou de contamination est à envisager et à neutraliser. Une série de questions intermédiaires sur les vacances et les activités effectuées à domicile (les deux vont probablement se recouper si on en croît la corrélation entre niveau de revenu et probabilité de départ en vacances ­ enquêtes emplois du temps). Certaines activités à domicile ou à sa proximité immédiate (exemple : Internet, téléphone) peuvent être un moyen de « compenser » les difficultés à accéder à certaines ressources. Trame d'entretien Introduction par l'enquêteur « Comme je vous l'ai dit, je suis chercheur en sociologie / géographie à l'université de Marne-laVallée et je suis là aujourd'hui parce que je fais une étude sur la vie quotidienne des Seine-etMarnais, où ils habitent, comment ils vivent, où est-ce qu'ils vont quand ils se déplacent en dehors de chez eux... [tout en parlant, on sort notre petit matos d'enregistrement] alors, j'enregistre avec ça parce que ça me permet d'avoir une trace pour travailler. J'utilise ça parce que même si je prends des notes, vu que je ne suis pas « sténo », ça me permet de ne pas déformer votre propos par exemple et de me souvenir de ce que vous avez dit. De toute façon, il n'y a que moi qui écoute la bande, c'est pour retravailler ? Ça ne vous embête pas ? De toute façon, vous resterez strictement anonyme. Alors, d'abord je vais vous poser des questions assez générales sur vous, votre famille, l'endroit où vous vivez, votre parcours. Ensuite, comme on parlera de vos déplacements et de l'organisation de votre vie quotidienne et de celle de votre famille. Pour ça, on essaiera de remplir ensemble un petit tableau sur les différents endroits où vous êtes allés la semaine dernière. Vous êtes d'accord ? On y va ? » 184 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Questions de « cadrage » et premier(s) rapport au(x) territoire(s) Auto-portrait par l'enquêté Une fois qu'on s'est présenté (souplement et brièvement), on demande à l'enquêté de se présenter « comme il a envie de se présenter ». S'il manque des choses parmi nom, prénom, âge, profession, situation de famille et âges des enfants, on lui dit : « et.... Vous êtes nés en ... ? Et vos enfants, ils ont quel âge ? Et votre femme, elle fait quoi comme travail ? Elle travaille où ? Et vous ? ». Parcours et trajectoires Par ailleurs, on peut leur demander (c'est très utile pour comprendre pourquoi ils sont arriÎs dans ce type d'endroits et comment ils se sentent sur place) d'où leur famille est originaire (et savoir s'ils ont des frères et soeurs ? et eux-mêmes ? est-ce que vous pouvez me dire rapidement les différents endroits dans lesquels vous avez Îcu depuis votre naissance jusqu'à aujourd'hui ? Essayer de leur faire dire la commune, appart ou maison, propriétaire, locataire avec bailleur priÎ ou locataire avec un bailleur social, les raisons pour lesquels ils ont quitté le logement pour un autre et si on peut s'ils étaient bien / s'ils aimaient un peu, beaucoup ou pas du tout ce logement et son environnement. Pour le conjoint, essayer que l'enquêté nous dise si grosso modo leur conjoint a le même parcours résidentiel que lui, dans quel contexte résidentiel il a grandi (enfant et adolescent). Choix du logement actuel Évidemment, il faut en savoir plus sur les conditions d'arriÎe dans le logement actuel, comment ça s'est passé ? Où est-ce qu'ils ont cherché au départ ? Qu'est-ce qu'il recherchait ? Ce que cette maison (si c'est une primo-accession) a représenté pour eux ? Demander également de manière factuelle (c'est-à-dire sans rentrer trop dans les détails) la trajectoire résidentiel d'Ego (commune, type de logement). Réseaux sociaux et intégration locale Pour la présence de réseaux sociaux éventuels, on peut présenter les choses par exemple en demandant : et votre frère, lui, il habite où ? vos parents sont toujours à ... ? Et est-ce que certains de vos amis habitent dans les environs ? Est-ce que parmi les gens de la commune, il y en a avec qui ils sont amis ou presque amis ? Par quel biais ils les ont rencontrés ? Ne pas oublier de poser la même question pour le conjoint. Check liste pour cadrer la narration de l'enquêté (Phase 1) Situation géo-démographique · · · Statut marital, Nombre et âge des enfants, Est-ce qu'ils vivent tous ici avec vous ? Lieu de résidence des enfants s'ils sont grands 185 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale · · Date de naissance du conjoint et d'Ego Famille plus particulièrement fratrie d'Ego et du conjoint avec localisation même approximative. Situation professionnelle · Métier de chacun (éventuellement : et ça consiste en quoi rapidement ?), Si actif occupé, faire décrire emploi, nature du travail. Si actif inoccupé, se renseigner depuis combien de temps, profession occupée avant, raisons (si l'enquêté n'est pas trop « sensible ») Lieu de travail, Est-ce qu'ils travaillent là depuis longtemps ? · · Trajectoire résidentielle complète d'Ego et type de trajectoire du conjoint avant qu'ils vivent ensemble. Repères cycle de vie : · · · · · · avant la décohabitation parentale jeunesse couple famillle parents sans enfants à domicile retraite Situation résidentielle actuelle : · · · · · Depuis quand vivent ils dans ce logement ? Pour quelles raisons ? Question large qui englobe les raisons de départ et d'arriÎe. Méthodologiquement parlant, il est assez difficile de répondre à une question qui commence par pourquoi. Critères et périmètre de la recherche ? Qu'est-ce qu'ils souhaitaient ? Demander s'ils connaissaient déjà la commune ou des gens dans les environs quand ils sont arriÎs ? Est-ce que je peux vous demander combien vous avez acheté la maison (prix) ? Est-ce que vous aviez un petit apport ? Est-ce que vous avez pu avoir des prêts intéressants (PEL, Prêt à taux zero, ou autre) ? S'ils ont fait construire ou sont les 1ers occupants, comment ça s'est passé ? Promoteurs constructeurs, achat sur catalogue ou sur plan ? Construction par des artisans ? Questions modes de transport, TIC et dépendance automobile · · · · Avez-vous un téléphone portable ? Accès à Internet ? Qui a le permis de conduire chez vous ? Combien y a-t-il de Îhicules (voiture, moto, autre) à disposition dans le ménage ? Motorisés ou non ? En disposez vous d'un (ou plus) pour votre usage personnel ? Dans quel cadre ? Arrêt de TC le plus proche ? Autres TC accessibles à proximité ? Emploi du temps hebdomadaire · · · Grille à remplir et à commenter (cf. exemple ci-joint). Modalité de remplissage : Distribution de la grille avant l'entretien Compléments et éventuellement remplissage avec la personne pendant l'entretien 186 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Ce qu'on leur demande : d'indiquer précisément l'ensemble des activités qu'ils ont effectués en dehors de chez eux en précisant les lieux, la nature exacte des activités effectuées (courses, cinéma, etc.), les modes de transport utilisés, les temps de déplacements (et les éventuelles difficultés rencontrées type bouchons, pannes, retards, et autres). Faire décrire et expliquer par la personne interrogée en insistant sur : · · · · Les raisons des choix effectués (en termes de modes, de localisation) La périodicité des activités effectuées (habitudes, routines vs aléas ou exception), leur planification, les raisons de cette planification ou absence de planification, le changement éventuel d'activités en cours de route et les raisons de ces modifications. Les stratégies mises en place pour faire exister ces activités (expérience du territoire) Ce qui n'a pas été dit par l'enquêté, c'est-à-dire les activités qu'il n'a éventuellement pas faîtes (demander pour quelles raisons : trop loin, autre façon de le faire, trop cher, etc.), les modes qu'il ne prend pas (idem), les endroits où il n'a pas été (ce qui suppose de connaître les lieux a minima), les activités faites à domicile, etc. Ce qu'ont fait ou non les autres membres du ménage en dehors des activités réalisées en commun. · ACTIVITES TYPE (POUR MEMOIRE) Ci-dessous figure une liste non exhaustive des activités dont on pourra Îrifier qu'elles ont pu être faites ou non par le ménage interrogé dans la semaine. Le but n'est pas de donner cette liste à la personne comme exemple ou lui montrer si on remplie le semainier avec elle pour ne pas le limiter dans ses réponses. Par contre, pour l'enquêteur, la liste d'activités est utile pour baliser l'ensemble des activités susceptibles d'être réalisées au sein du ménage, de voir si elles ont été réalisées ou non, etc. · Travail o Travail fixe habituel o Rendez-vous professionnel (travail mobile) o Recherche d'un emploi (visite à l'ANPE) o Petits boulots (baby-sitting, ménages, etc.) Loisirs o Restaurants, o Cinéma, o Concerts et spectacles, o Dîner chez des amis/famille ou recevoir des amis / famille, o Activités sportives ou assimilés des adultes et des enfants, o Cours ou groupe de musique, o Musées et exposition, o Pratique du jardinage / bricolage / déco / activités manuelles Courses et services o Grosses courses et supermarchés, o Epicerie / dépannage, o Boulangerie, o Pharmacie, o Coiffeur, o Médecins, o Jardinerie / magasins de bricolage o Formalités administratives o Aides à un membre de la famille ou à des amis o Garagiste o Banque · · 187 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale o La Poste Questions complémentaires On aura pu les aborder avant selon le déroulement de l'entretien et le rapport noué avec l'enquêté. Dans le doute, pour éviter les effets de contaminations ou que les personnes interrogées se braquent, mieux vaut les faire figurer à la fin. La perception du périurbain · · · Qu'est ce qui vous a plu à l'époque dans le fait de vivre dans cette commune ? ce quartier ? cette maison ? Pourquoi ? Et au contraire, qu'est ce qui ne vous plaît pas ? Pourquoi ? Et Aujourd'hui... ? Projets · Auriez-vous envie de vivre ailleurs ? Si oui, où ? Est-ce que vous avez déjà envisagé de partir, de vendre ? Sérieusement ou comme ça ? Ou au contraire pas du tout et que vous aimeriez rester là aussi longtemps que possible ? Si tout était possible, soyons fous !, où est-ce que vous préféreriez vivre ? Pourquoi ? Et votre mari / femme, c'est pareil ou pas ?, où souhaiteriez vous vivre ? Pour quelles raisons ? · Les vacances (attention le sujet peut être délicat, il ne faut pas les mettre mal à l'aise) Et pour sortir du très quotidien, est-ce que vous partez parfois en week-end ou en vacances, je sais pas chez des gens que vous connaissez ou alors... ? Où ? C'était quand la dernière fois (vacances et WE) ? En famille, entre amis ? etc. Ca fait longtemps que vous allez là ? En général, vous êtes plutôt du genre à bouger, à changer tout le temps ou alors est-ce qu'il y a un endroit où ... ? Vous y allez comment, en voiture, en train... ? Et les enfants pendant les vacances scolaires quand vous n'êtes pas vous-même en congés...(centre aéré, grands-parents et famille, colo...) ? Et quand vous ne partez pas, parce qu'on n'est pas obligé de toujours partir, sous prétexte qu'on a des congés ou du temps libre ? (Le manque de revenus peut être une raison mais pas nécessairement la seule ? Se sentir bien chez soi, là où on vit. ) Et dans ces cas-là, vous faites quoi en général ? (Territoire de vie quotidienne propice aux vacances ? Activités ludiques à proximité ? etc.) Le Îcu des déplacements au quotidien · · · · Difficultés de déplacements liées et ressenties (si pas abordé dans la description du semainier) Obligation de planification, marges temporelles, etc. Accès aux commerces et services (si pas abordé dans la description du semainier) Accessibilité ressentie ? Est-ce Îcu comme un problème ? 188 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Table des figures Figure 1 : Les communes de forte dépendance automobile enquêtées dans l'Aire Urbaine Dijonnaise ________________________________________________________________ 18 Figure 2 : Les communes de forte dépendance automobile enquêtées en Ile-de-France __ 19 Figure 3 : Communes d'origine et de destinations des ménages de migrants enquêtés dans l'Aire Urbaine Dijonnaise ____________________________________________________ 52 Figure 4 : Communes d'origine des ménages de migrants enquêtés en Grande Couronne Francilienne _______________________________________________________________ 52 Figure 5 : Communes d'origine des ménages de migrants enquêtés en Grande Couronne Francilienne _______________________________________________________________ 53 Figure 6 : Niveaux de dépendance à l'automobile des communes de Grande Couronne Francilienne ______________________________________________________________ 106 Figure 7 : Niveaux de dépendance à l'automobile des communes de l'aire urbaine dijonnaise _______________________________________________________________ 107 Figure 8 : Effectifs et pourcentages de ménages selon la trajectoire résidentielle et le niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine____________________ 110 Figure 9 : Distribution des ménages ayant effectué une migration résidentielle à partir de la grande couronne par niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine et type de la commune de destination___________________________________________ 111 Figure 10 : Effectifs et pourcentages de ménages selon la trajectoire résidentielle et le niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine dans l'aire urbaine dijonnaise (hors Dijon) _____________________________________________________ 118 Figure 11 : Distribution des ménages ayant effectué une migration résidentielle à partir de l'aire urbaine dijonnaise (hors Dijon) par niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine et type de la commune de destination ________________________ 119 189 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Table des tableaux Tableau 1 : Statuts d'occupation avant et pendant la localisation résidentielle périurbaine dépendante de l'automobile _________________________________________________ 21 Tableau 2 : Statut d'occupation des résidences principales dans les territoires de l'étude 27 Tableau 3 : Les ménages non propriétaires de leur résidence principale dans les communes du chantier 1 ______________________________________________________________ 27 Tableau 4 : Statuts d'occupation pendant et après la localisation résidentielle périurbaine et dépendante de l'automobile _______________________________________________ 75 Tableau 5 : Eloignement des ménages interviewées par rapport au centre et à leurs lieux de travail (moyennes des distances minimales entre chaque lieu calculées via Googlemap) _________________________________________________________________________ 84 Tableau 6 : Professions des actifs dans les ménages des chantiers 1 et 2 ______________ 90 Tableau 7 : Proportion de natifs d'un territoire dépendant de l'automobile au sein de chaque zone géographique et de chaque chantier (en effectifs et en pourcentages en ligne) _________________________________________________________________________ 95 Tableau 8 : Distances parcourues en voiture et niveaux de motorisation des ménages en fonction du niveau de dépendance à l'automobile de la commune de résidence en grande couronne francilienne ______________________________________________________ 107 Tableau 9 : Descriptif des variables explicatives utilisées dans la modélisation en Grande Couronne Francilienne _____________________________________________________ 112 Tableau 10 : Résultats du premier modèle : probabilité de sortir d'une commune de Grande Couronne Francilienne _____________________________________________________ 113 Tableau 11 : Résultats du second modèle : probabilité pour les ménages ayant déménager de s'orienter vers une commune de forte dépendance automobile en Grande Couronne Francilienne ______________________________________________________________ 115 Tableau 12 : Descriptif des variables explicatives utilisées dans la modélisation dans l'Aire Urbaine Dijonnaise ________________________________________________________ 120 Tableau 13 : Résultats du premier modèle : probabilité de sortir d'une commune de l'Aire Urbaine Dijonnaise (hors Dijon) ______________________________________________ 121 Tableau 14 : Résultats du second modèle : probabilité pour les ménages ayant déménagé de s'orienter vers une commune de forte dépendance automobile dans l'Aire Urbaine Dijonnaise _______________________________________________________________ 123 191 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Tableau 15 : Les ménages qui vivent dans une commune périurbaine dépendante de l'automobile _____________________________________________________________ 165 Tableau 16 : Description économique des ménages rencontrés (PCS, revenu par unité de consommation et perception du niveau de vie) dans le chantier 1 __________________ 171 Tableau 17 : Les ménages qui ont quitté une commune périurbaine dépendante de l'automobile _____________________________________________________________ 174 Tableau 18 : Description économique des ménages rencontrés (PCS, revenu par unité de consommation et perception du niveau de vie) _________________________________ 181 192 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Table des matières Introduction _______________________________________________________________ 7 Revue de littérature _________________________________________________________ 9 1. La dépendance à l'automobile et le coût croissant des transports dans les territoires périurbains ____________________________________________________________________ 9 2. La menace d'une ségrégation sociospatiale accrue dans les espaces périurbains__________ 10 3. La mobilité résidentielle des ménages modestes et précaires _________________________ 12 Questions de recherche _____________________________________________________ 15 Partie 1 : Venir vivre dans un territoire périurbain dépendant de l'automobile : Une dépendance automobile sous-estimée _________________________________________ 18 1. La dépendance automobile, une contrepartie incontournable de l'accès à la propriété ____ 21 2. Les ménages non propriétaires dans le périurbain dépendant de l'automobile : une dépendance et ses conséquences moins occultées mais toujours sous-estimées____________ 26 2.1. Etre locataire dans un territoire dépendant de l'automobile : une situation temporaire dans son cycle de vie et son projet résidentiel ___________________________________________________________ 28 2.2. Renoncer à la propriété et rester dans la dépendance automobile : réseaux locaux et solidarités intergénérationnelles ___________________________________________________________________ 31 3. Vivre la dépendance au quotidien : la minimisation des déplacements témoin d'une vulnérabilité économique exacerbée ______________________________________________ 37 3.1. Des déplacements de loisirs faibles ou inexistants : un repli sur le lieu de résidence et sa proximité 38 3.2. Des mobilités contraintes réÎlatrices d'arbitrages intracouples entre mobilité et immobilité _____ 43 Partie 2 : Quitter le périurbain pour échapper à la dépendance automobile ___________ 51 1. Monoparentalité et célibat : la fin du couple comme moteur d'un départ du périurbain et de la dépendance automobile ________________________________________________________ 53 2. Prendre de la distance avec ses parents et la dépendance automobile : un choix moins définitif _____________________________________________________________________________ 57 3. Quitter le périurbain dépendant de l'automobile ou le signe plus profond d'un désenchantement du « tout automobile » __________________________________________ 67 3.1. Le rôle moteur de la pénibilité des déplacements dans le choix de quitter un territoire dépendant de l'automobile __________________________________________________________________________ 68 3.2. Le logement social comme accélérateur de relocalisation vers moins de dépendance ____________ 75 3.3. Quitter le périurbain dépendant de l'automobile sans renoncer pour autant à la voiture et à ses coûts _____________________________________________________________________________________ 78 Partie 3 : La construction socio-spatiale de la dépendance automobile ? Comparaisons entre l'aire urbaine dijonnaise et la Seine-et-Marne ______________________________ 83 193 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale 1. Des déplacements plus pénibles en Île-de-France, sources d'une plus grande propension à utiliser les transports collectifs ___________________________________________________ 85 2. Recourir au covoiturage : la force de l'ancrage dans des réseaux locaux dans le sud-est dijonnais _____________________________________________________________________ 90 3. Des socialisations à la dépendance automobile différentes d'un territoire à l'autre ? ______ 94 Partie 4 : Quitter le périurbain pour échapper à la dépendance automobile : approche à partir du recensement _____________________________________________________ 105 1. Hypothèses ________________________________________________________________ 105 2. Terrains ___________________________________________________________________ 105 3. Données et Méthode ________________________________________________________ 108 3.1. Etudier les migrations résidentielles des ménages à partir du recensement ___________________ 108 3.2. Des ménages modestes aux ménages précaires _________________________________________ 109 4. Résultats __________________________________________________________________ 110 4.1. Des sorties résidentielles faibles à partir des territoires de forte dépendance automobile _______ 110 4.2. Les ménages de chômeurs ont une plus forte probabilité de quitter les communes de forte dépendance en grande couronne francilienne ______________________________________________ 111 4.3. Chômeurs et familles monoparentales peinent à échapper à la forte dépendance à l'automobile de leur territoire de résidence _____________________________________________________________ 115 4.4. L'Aire Urbaine Dijonnaise affiche des tendances similaires à celles obserÎes en Ile-de-France ___ 118 4.4.1. Des sorties des territoires de forte dépendance automobile plus limitées à Dijon_______ 118 4.4.2. Une population moins qualifiée et plus souvent propriétaire d'une maison dans l'aire urbaine dijonnaise __________________________________________________________________ 119 4.4.1. Des résultats de modèles similaires à la situation francilienne ______________________ 121 5. Discussion - Conclusion_______________________________________________________ 124 Conclusion générale _______________________________________________________ 127 Bibliographie _____________________________________________________________ 131 Addenda : La question sociale de la mobilité dans le périurbain : le point de vue des acteurs institutionnels locaux de la Seine et Marne ____________________________________ 139 Annexes _________________________________________________________________ 165 1. Tableaux descriptifs des ménages rencontrés pour les entretiens ____________________ 165 2. Méthodologie des enquêtes qualitatives ________________________________________ 183 Table des figures __________________________________________________________ 189 Table des tableaux ________________________________________________________ 191 Table des matières ________________________________________________________ 193 194 INVALIDE) (ATTENTION: OPTION s modestes rencontrés ont souvent pointé les différences générées dans leurs pratiques de déplacements. Les différences sont à la fois liées au cycle de vie des personnes, à leur statut social et à leur choix de localisation, les 3 étant interdépendants. Nous allons ici examiner les différents motifs de déplacements (loisirs, travail et autres déplacements contraints) qui président l'orchestration du quotidien de ces ménages et voir en quoi celles-ci s'aÏrent réduites en vertu de la dépendance automobile des territoires considérés. 3. Vivre la dépendance au quotidien : la minimisation des déplacements témoin d'une vulnérabilité économique exacerbée 37 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale 3.1. Des déplacements de loisirs faibles ou inexistants : un repli sur le lieu de résidence et sa proximité L'installation dans les communes périurbaines correspond souvent à une étape du cycle de vie des ménages, l'arriÎe d'enfants. Peu importe la nature du territoire, l'arriÎe d'un enfant correspond de fait à une réduction de la sociabilité des ménages (Bidart et Pellissier 2002) et de leurs activités de loisirs (Herpin et Chenu 2002). Du coup, les pratiques de mobilités qui y sont associées tendent également à diminuer. En plus de l'effet du cycle de vie, la moindre sociabilité des ménages modestes rencontrés ainsi que leur moindre propension à réaliser des activités de loisirs hors du domicile et/ou marchandes tient aussi à leur éloignement et aux faibles niveaux d'équipements en la matière des communes environnantes (la leur ou les communes limitrophes). « Bon, donc, moi, je me... je me... j'étais dans un club de roller. Après, on est venu ici. J'ai continué et c'est vrai que d'un seul coup, et ben, moi, j'avais le... j'avais le... bon, la volonté et puis l'envie de continuer, donc, je faisais beaucoup, beaucoup de déplacements... pour aller... au sport, quoi. Hein, donc... parce que j'y allais... j'y allais pratiquement... pratiquement 4 fois par semaine, quoi. De venir parfois à l'entrainement, plus le samedi, on faisait du Îlo. Le dimanche, on allait rouler le dimanche matin au canal. Donc, bon voilà, quoi. C'était...Ah oui, c'était... c'était entre 4 à 5 fois, quoi. Je faisais des allers-retours et tout, quoi. Et puis, bon... Ben, moi, j'aurais continué mais je veux dire, mais c'est quand même, c'est... c'est prendre du temps, ça engage des frais, c'est... bon, ben... [...] Et... mais bon, pour moi, la maison, ce n'est pas tout, je veux dire. Oui, la maison, c'est oui... C'est... pour moi, c'est un lieu de vie sociale, culturel, c'est vraiment... OUI, L'IMPORTANT, C'EST AUSSI CE QU'IL Y A A COTE, QUOI. Voilà. Et... le sport aussi, bon, c'est bouger, quoi. Et donc, une maison, c'est aussi... mais c'est ce qu'il me manque ici. Donc, on est arriÎ ici et... bon, bon la maison, c'est bien et... moi, je me disais... bon...Oui, ce n'est pas... ce que je voulais. C'est pour ça que je disais, c'est vrai qu'on a le jardin, on... on est tranquille quand même, bon, on a la voisine qui est sympa et tout. Bon, c'est calme... bon... Mais... pour les... pour ce... pour ce qui est, bon, de... Pour le sport et tout ça, c'est vrai que... c'est vrai que tout de suite, c'est... un peu plus... OUI. C'EST UN PEU PLUS... COMPLIQUE ? Ah ben oui, parce que ça demande... dès qu'on veut faire quelque chose, il faut se déplacer. Même encore maintenant, je veux dire. Là, je veux dire... Moi, c'est vrai que, des fois, j'aime bien... j'aime bien aller faire du roller aux Allées du Parc, pour voir un peu de monde aussi. Pour discuter, pour voir les copains qui font du slalom ou... donc, ben voilà, plein, plein de potes. Donc, on... on discute. Mais si... je dirais que quelque part, si je veux... une vie sociale et culturelle... enfin, culturelle, comme je dis, il y a Genlis ou tout ça, et puis on peut arriver à avoir l'accès à Internet aussi et tout, mais une vie sociale, et puis... ben, je vais sur Dijon, quoi. Parce qu'ici, c'est... on a vite fait de tourner en rond, quoi. Donc, moi, je me suis... je me suis un peu contraint parce que bon, je ne veux pas abandonner le sport, donc, je cours ici... bon, l'hiver... l'hiver, c'est vrai que... ben, tout de suite, ici, il fait nuit tôt, donc... Ben, je... je prends mes baskets et je cours, ou... je fais un peu, ici, du trainer. Donc, comme ça, bon, c'est vrai que c'est assez... c'est... je ne perds pas de temps en déplacement, quoi. Mais... mais aussi, le 38 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale résultat, c'est que je fais beaucoup de sport tout seul, quoi. » Nicolas, 49 ans, marié, technicien SAV dans les distributeurs de boissons basé à Genlis, 2 filles de 19 et 15 ans, vit à Longchamp (propriétaire) depuis 2005, vivait avant à Fontaine d'Ouches (location HLM). « La gym où va Cassandra, c'est très, très cher, je paye 240 à l'année, pour 1 heure de gym par semaine. Je trouve que ça fait un peu cher. Alors que mon fils fait 5 heures de judo, je paie 180 , quoi. Ce n'est pas pareil. Si fallait qu'elle en fasse plus, mais... après il faut rajouter 120 à chaque fois qu'elle fait une activité en plus. Ça fait 360 pour 2 heures. Ça fait beaucoup. De toute façon, on n'a pas le choix, il n'y a que ça ici, donc... On l'a inscrite à la GRS à... Chevigny... Quetigny, donc, on s'était arrangé pour l'emmener et puis la ramener mais... parce que c'était le jeudi soir et le problème parce que son hip-hop, avant, c'était le jeudi soir et ils avaient décalé au samedi... en début d'après-midi, donc, du coup, je n'allais plus l'inscrire à la GRS et ils ont décalé le... son hip-hop le jeudi soir, donc, elle a dû arrêter la GRS. Mais en même temps, c'était loin, donc, c'est vrai que ça faisait un peu... C'ETAIT UN PEU COMPLIQUE ? Ben, c'est-à-dire qu'elle prenait à 6 h 30, donc, moi, je finissais à 6 h, il fallait que je les emmène, bon, c'était un copain qui les ramenait, mais... c'était un peu compliqué aussi, quoi. On n'a rien ici, comme choix... bon, rien... c'est cher, quoi. Ce n'était pas évident et c'était très cher. » Graziella, 37 ans, mariée, conseiller clientèle dans une banque à Genlis, 2 enfants de 11 ans, vit à Chambeire (propriétaire) depuis 1993, a Îcu à Genlis (location priÎe) jusqu'en 1993. Pour beaucoup de ménages rencontrés, les pratiques de loisirs extérieures au domicile et payantes sont faibles ou quasi-inexistantes. Ces comportements sont d'abord liés à leur niveau de revenus qui les limite dans la réalisation d'activités extérieures. Certains comme Bernard ou Vincente disposent de tarifs préférentiels compte tenu de leurs âges et connaissent les opportunités à proximité. Ils n'ont plus de jeunes enfants à charge et profitent du surcroît de temps disponible pour effectuer plus d'activités de loisirs que des ménages ayant de plus jeunes enfants. D'autres disposent de nombreux avantages par leurs employeurs et leurs comités d'entreprises. C'est notamment le cas de Graziella, salariée d'une banque, ou de la femme de Bernard qui travaille pour un grand groupe industriel. Pour ceux qui travaillent dans des entreprises de plus petites tailles ou qui n'ont tout simplement pas accès à des tels avantages sociaux compte tenu de leurs statuts précaires (Laurence L. qui est intérimaire par exemple), l'accès à des activités de loisirs hors domicile est plus complexe et plutôt réserÎ aux enfants. De fait, ces derniers sont souvent prioritaires pour les dépenses superflues parmi lesquelles les loisirs à l'extérieur (Lionel) mais aussi à l'intérieur (consoles, télévision, ordinateur, jeux de jardin, etc.) pour les situations les plus tendues (Giliane) : « Lionel : Pour l'instant, financièrement parlant, on va dire que non, on ne fait pas beaucoup de sorties. C'est parce que Madame n'est pas souvent là... bon, elle est en congé parental, mais bon, ce n'est pas évident. Financièrement, on ne fait pas de sorties, malheureusement. On essaie... on essaie, hein. 39 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Edwige : Quelles sortes de sorties ? N'IMPORTE. ÇA PEUT ETRE, ALLER SE PROMENER EN FORET, ALLER AU CINE, VOIR UN SPECTACLE... Lionel : Ciné, malheureusement, jamais, spectacles, jamais... Disneyland, si, parce qu'on a les pass. On va de temps en temps à Disney. Edwige : On va à Disney. Ben si, j'ai déjà emmené les enfants au parc. Lionel : Oui, après, les petits trucs... on parle surtout pour les enfants, là. Mais pour les parents, il n'y a pas de sorties pour les parents, en fait. On essaie pour les enfants plus que pour les parents, en fait » Lionel (34 ans) et Edwige (34 ans), mariés, militaire sur Paris et assistante de puéricultrice à Villiers-sur-Marne (congé parental), vivent à Saint-Brice (propriétaires) depuis 2009, vivaient précédemment au Plessis-Trévise (propriétaires). « Bon, je ne veux pas dire qu'on vit mal. La petite, elle a tout ce qu'il lui faut, hein, on a quand même 2 télés, la petite, elle, dans sa chambre, elle a sa télé, son DVD. Donc, lecteur DVD qui fait la musique aussi. Elle à la Wii, elle a la DS. On arrive quand même à acheter des trucs high-tech pour la gosse... On sacrifie beaucoup plus pour la gamine que pour nous deux. On est relegué au deuxième plan. Quand on est parents, c'est comme ça. » Giliane, 37 ans, mariée, sans activité, 1 fille de 11 ans, vit à Longchamp (propriétaire) depuis 2003, vivait avant à Dôle (HLM). Au-delà de leurs niveaux de revenus, un effet de classe propre aux ménages modestes et populaires qui ont des pratiques de loisirs plus généralement tournées vers le foyer est à l'oeuvre. Télévision, jardinage, bricolage sont structurellement plus pratiqués par des ménages modestes (Lemel et Coulangeon 2009; Roharik, Menger, et Coulangeon 2002) et supposent un investissement sur lequel les ménages préfèrent miser au détriment de loisirs extérieurs payants ou d'un départ en vacances : « Les vacances ? On ne peut pas se le permettre entre les impôts et tout le reste [...] Les vacances, on n'en a pas. C'est soit dans la famille, encore, à la rigueur, si on nous loge et puis les repas sont... qu'on arrive à faire des repas aux même prix que nous [...] Et puis, les vacances, vous rentrez, il reste quoi ? Des souvenirs ? C'est bien beau les souvenirs mais moi je préfère que ma fille, elle ait sa console, ses jouets, qu'elle puisse jouer toute l'année ici. » (Giliane). Le sacrifice des mobilités de loisirs ou non contraintes (vacances) est le résultat de l'investissement effectué dans la maison vu précédemment. Beaucoup prévoient d'importants travaux à réaliser par eux-mêmes et passent donc leurs week-ends et vacances à réaliser ces travaux plutôt que de partir en vacances ou de faire des activités de loisirs. « Vanessa : Ben, on n'est jamais parti en vacances. Ah, ah ! Depuis qu'on s'est rencontré. Depuis 8 ans, c'est ça ! Mari : On est parti 3 jours. Vanessa : On est parti 3 jours, oui. On devait partir 2 semaines, on est parti 3 jours. POUR QUELLES RAISONS VOUS... PARCE QUE VOUS PARTEZ SEPAREMENT ? 40 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Vanessa : Ben, question financière. [...] On préférait les choses importantes avant la... avant de partir en vacances. Comme la maison, le mariage, les enfants. DONC, TOUT ÇA, ENTRE LA MAISON, LE MARIAGE ET LES ENFANTS, TOUT ÇA FAIT QUE LES VACANCES, CE N'EST PAS PRIORITAIRE, QUOI ? Vanessa : Non. Le petit, ça va, il a de la chance. Lui, il part, mais...Oui, en Vendée [chez ses grands-parents] [...] D'ACCORD. ET DU COUP, PENDANT LES VACANCES SCOLAIRES, VOUS FAITES DES ACTIVITES EN PARTICULIER, OU... JE NE SAIS... ? Vanessa : Oh, on va dans des parcs d'attractions. On fait quoi d'autre ? Mari : On fait des travaux. Vanessa : Ben, c'est vrai que cette année, on a fait quoi, le parc d'attractions, l'aquarium. Mari : Oui. Vanessa : Ben, après, on voulait faire plein d'autres choses, mais avec les travaux, on n'avançait pas. » Vanessa (26 ans) et son mari (28 ans), mariés, hôtesse de caisse en congé parental et magasinier en arrêt maladie à Coulommiers (tous les deux), 2 fils de 6 ans et 9 mois, vivent à Mauperthuis (propriétaires) depuis 2009, vivait auparavant à Coulommiers (location priÎe). « Ah, je fais les randos aussi... Alors, à Fontaines d'Ouche, quand j'étais à Fontaines d'Ouche... euh... j'ai encadré... j'ai encadré les Dijon Roller... Pendant.. ben, pendant 4 ans, et on faisait des randos. Voilà, donc... Bon, après, j'y allais moins parce que... donc, il y avait des travaux, ici, donc...Ça aussi, ça, au départ, c'était un peu dur parce que... je me disais... c'était la torture : « Ah, j'ai envie d'y aller ! » Mais non, il y avait du boulot à avancer, ici. Parce que c'est ça aussi, surtout, quand on a eu le chantier, bon, ben... on ne peut pas tout faire. » Nicolas, 49 ans, marié, technicien SAV dans les distributeurs de boissons basé à Genlis, 2 filles de 19 et 15 ans, vit à Longchamp (propriétaire) depuis 2005, vivait avant à Fontaine d'Ouches (location HLM). « Oui, parce que déjà, ça m'enquiquine de... de faire... de faire 10 kilomètres et de sortir, exprès. J'aime bien ma maison, je m'y sens bien, j'ai du travail, euh... aussi bien travaux que... que... mon boulot, sur Internet, aussi. Donc... je n'ai pas envie de... de... sortir toutes les 5 minutes » Bernadette, 48 ans, ancienne responsable d'agence d'interim (alterne entre chômage et intérim), célibataire, vit à Saints (propriétaire) depuis 2006, a Îcu dans l'Allier (propriétaire) et à Chelles (propriétaire) auparavant. Si les ménages avaient été moins modestes, ils auraient peut-être acheté des biens en meilleur état avec moins de travaux à réaliser. La possession d'une maison avec jardin caractéristique des territoires investigués aurait donc tendance à renforcer la survalorisation du domicile et de son environnement immédiat dans la réalisation des activités. Les activités de loisirs hors domicile sont avant tout non marchandes ou peu onéreuses et se déroulent à proximité immédiate du domicile 41 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale (ballades à pied en forêt ou dans la campagne, Îlo, cueillette de champignon, etc.). Il en va de même pour les activités de sociabilité qui soit disparaissent, soit restent tournées vers des éÎnements ou un réseau familial et amical locaux. Dès lors que ce réseau est éloigné, les déplacements sont plus rares ou plus raisonnés compte tenu du coût des déplacements. « POUR REVENIR SUR LE PRIX DE L'ESSENCE, VOUS M'AVEZ DIT QUE SUR LE BUDGET, ÇA JOUE. EST-CE QUE ÇA A CHANGE QUELQUE CHOSE A VOS... A VOS DEPLACEMENTS, EST-CE QUE VOUS VOUS DEPLACEZ DIFFEREMMENT, EST-CE QU'IL Y A DES TRUCS QUE VOUS NE FAITES PAS ? Il y a des impératifs, enfin, qu'on est obligé de... Les trajets du boulot. Oui. Enfin, moi, je trouve... je trouve que l'on va moins... je vais moins voir ma mère, en tout cas. Enfin, si je n'ai pas d'intérêt à y aller, en tout cas, on n'ira pas, quoi, juste pour dire : « on va se promener ». Si c'est pour faire d'autres trajets. OUI, IL FAUT VRAIMENT QUE VOUS AYEZ DES COURSES A FAIRE EXPRES ? Oui, ou un souci, voilà. On a un souci à traiter ou quelque chose comme ça, on va le faire, mais... voilà. Si c'est pour dire... voilà, prendre la voiture pour sortir, parce qu'on veut juste sortir, on ne va pas non plus le faire, quoi. IL FAUT VRAIMENT QU'IL Y AIT UNE OCCASION... Humm. Particulière, quoi. ÇA PEUT VOUS ARRIVER AUSSI D'ALLER CHEZ DES AMIS OU DES AMIS VIENNENT ICI ? Oui... en fait, on n'a pas trop de cercles d'amis dans le coin, enfin, on en a quelques-uns à droite, à gauche... Les collègues qui ne sont pas là. Moi, c'est plus avec les collègues... pour le boulot, qui sont plus proches... Donc, des fois, ça nous arrive d'avoir des... des soirées, des trucs comme ça... Mais ça reste sur le secteur, donc, c'est vrai que dans le pire des cas, on est à 20 minutes de trajet, quoi. » Sandrine, 30 ans, mariée, assistante commerciale dans une agence immobilière à Provins, 2 fils (7 et 4 ans), vit à Chenoise (location priÎe) depuis 2007, vivait auparavant à Vannes (location priÎe). Ainsi, en plus d'un effet lié au cycle de vie et un effet de classe, se dégage un effet propre à la nature des territoires investigués et à leur dépendance automobile. Pour les ménages modestes, ces territoires se caractérisent généralement par la présence d'un réseau social fort et/ou d'une valorisation de la nature ou de la campagne qui autorisent des loisirs non marchands : visites à des amis ou de la famille, ballades (à Îlo ou à pied), entretien du jardin, etc. Ces deux attraits se retrouvent dans les activités de loisirs effectuées par les ménages interviewés qui valorisent des activités de loisirs hors domicile à proximité et celles en lien avec leur réseau social (lorsqu'il est présent sur le même territoire). Plus généralement, vivre dans ces territoires rend plus coûteux en temps, en pénibilité et dans une moindre mesure en argent les déplacements pour motifs de loisirs ou de sociabilité. Aussi, ces déplacements tendent à disparaître ou à être plus réduits en distance dès lors que les ménages se sont installés dans une commune dépendante de l'automobile. L'effet territoire est aussi lié au Îcu et à la pénibilité subie des autres déplacements, ceux qui ont lieu au cours de la semaine, à savoir les déplacements contraints (travail, écoles) ou qui peuvent être 42 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale considérés comme tels (approvisionnement principalement). La pénibilité des déplacements dits contraints contribue à valoriser des activités de loisirs de proximité avec peu ou sans déplacement. En effet, les déplacements liés à des activités de loisirs ne sont pas censés être pénibles et les individus préfèrent les réaliser à proximité plutôt que de subir le désagrément d'ores et déjà Îcu des déplacements contraints. Au final, la faible propension des ménages modestes à effectuer des déplacements de loisirs tient tant à des facteurs économiques (des revenus peu suffisants), sociaux (effet de classe) que territoriaux (spécificité du périurbain), les trois étant, dans une certaine mesure, interdépendants. Ces mobilités du temps libre tendent aussi à s'opposer aux mobilités plus contraintes ou qui s'inscrivent dans des temps contraints (Barrère-Maurisson et al. 2001; Kaufmann 2000), à savoir les déplacements liés au travail et les déplacements domestiques (notamment pour approvisionnement). A la fois pénibles et incontournables (Enaux et al. 2011), les déplacements contraints et leur répartition au sein des ménages éclairent à quel point les ménages modestes du périurbain sont économiquement vulnérables face à la dépendance automobile. 3.2. Des mobilités contraintes réÎlatrices d'arbitrages intracouples entre mobilité et immobilité Si les déplacements de loisirs sont minimisées ou faibles, l'explication réside en partie par le choix des ménages d'accéder à la propriété et le surcroît de temps de travail qu'il engendre (et donc mécaniquement un temps moindre pour les activités de loisir). En effet, les contraintes financières qui découlent de l'obtention d'un crédit rendent incontournable le travail, voire la recherche d'heures supplémentaires ou d'emplois secondaires, pour faire face aux remboursements de l'emprunt contracté. Le premier arbitrage possible consiste effectivement à travailler plus pour gagner en rémunération via les heures supplémentaires. De tels arbitrages sont plus difficiles aujourd'hui mais étaient largement envisageables dans les années 1980. Pour les propriétaires anciens comme Daniel ou Bernard, la maison a pu être remboursée par anticipation en faisant beaucoup d'heures supplémentaires et en renégociant périodiquement leurs emprunts. Ouvriers tous les deux, ils ont profité d'une période où les conditions économiques étaient bonnes et les besoins en main d'oeuvre importants. Toutefois, en faisant le choix de travailler plus, ils ont aussi sacrifié pendant de nombreuses années leurs déplacements de loisirs et leurs vacances pour pouvoir rembourser la maison. Pour certains, la nécessité de travailler plus est aussi liée aux aléas propres à la maison qu'ils peuvent connaître. Les travaux lourds non anticipés comme le changement d'une chaudière peuvent fortement grever des budgets déjà tendus et faire basculer les ménages d'une de modestie économique à une situation de pauvreté qui ne leur permet plus faire face à leurs dépenses. Aujourd'hui, pour gagner plus, plusieurs individus tendent à accepter des missions de longue durée avec des déplacements lointains (Ortar et Legrand 2011, 2008a, 2008b) afin de toucher des primes de déplacements. Professions de plus en plus mobiles (Crague 2003), ce sont essentiellement des hommes ouvriers dans le BTP ou dans les transports qui acceptent ces missions longues et lointaines contre une source de revenus supplémentaires (Yannick, Ilidio, Carlos, le mari de Giliane, etc.). Cette source de revenus est d'autant plus nécessaire que leurs compagnes n'ont pas de revenus ou ne peuvent facilement les augmenter. L'absence ou la faiblesse des revenus féminins 43 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale est liée au fait que les ménages choisissent souvent de ne conserver qu'une seule source de revenus afin d'éviter les dépenses liées à la garde des enfants qui tendraient à engloutir à elles seules le surplus de revenus généré par la biactivité (Lionel et Edwige). Pour certains ménages, l'absence d'activité professionnelle féminine est liée à une image traditionnelle où la femme n'est pas censée travailler (Giliane) et rester à la maison s'occuper des enfants. Pour la plupart, le fait que les femmes restent à la maison est aussi lié aux représentations de leur rôle au sein de la famille. Ces dernières sont les gardiennes du domicile et ont plus particulièrement en charge l'éducation des enfants. Dans les ménages rencontrés, plusieurs femmes ont pris des congés parentaux ou n'ont pas travaillé (voire ne travaillent toujours pas) pour élever les leurs : « J'ai arrêté de travailler à la naissance de mes filles. J'ai préféré privilégier mon... ma famille que... ben, que de continuer à travailler avec des horaires pas possibles et de laisser mes enfants à garder... à d'autres personnes. » Sonia, 43 ans, mariée, femme au foyer, 3 enfants (un fils de 16 ans et des jumelles de 12 ans), vit à Longchamp depuis 1993 (propriétaire), a Îcu à Genlis (location priÎe). « En fait, je me suis arrêté de travailler pendant 9 ans pour élever mes enfants. Avant, je n'étais pas dans la région. J'étais dans le 94. J'étais assistante - commerciale, donc, rien à voir avec ce que je fais au jour d'aujourd'hui. [...] Et puis, ben ensuite, bon, ben ma fille, parce que j'étais enceinte de ma fille [qui a 19 ans]. Donc, on est retourné habiter 1 an dans le 94, en attendant que la maison se fasse construire, puisqu'on avait fait construire sur Bannost et c'est là qu'ensuite, on a navigué dans la région. [...] Donc, on cherchait à la campagne. Déjà pour les enfants, je trouve que c'était mieux aussi. Petite école de campagne, ça n'a rien à voir avec la ville. On voulait un petit peu les protéger par rapport à ça, quoi. Tout ce qui est criminalité en ville et tout. C'est ce qu'on voulait. Quand on est arriÎ sur Bannost, c'est vraiment la petite... il y avait trois classes, enfin, c'était le professeur qui faisait les trois classes en même temps. C'était vraiment, la petite école de campagne, voilà. Vachement sympa. » Karine, 41 ans, mariée, conductrice de bus, a 3 enfants issus d'une précédente union (19, 16 et 14 ans), vit à Sainte-Colombe depuis 2011 (propriétaire), a Îcu à Mortery (location) jusqu'en 2011 et à Bannost (propriété) jusqu'en 2004. Le choix de l'inactivité (temporaire ou durable) résulte de l'arriÎe d'enfants et en-cela est directement lié au fait de vivre dans un territoire périurbain dépendant de l'automobile. Si les ménages ont choisi de vivre dans ces territoires pour des raisons économiques, les motivations liées à un cadre de vie satisfaisant pour les enfants ressortent systématiquement du discours des ménages avec enfants. Pour eux, vivre dans le périurbain dépendant de l'automobile revient à vivre à la campagne (Sencébé 2006) qui est valorisée tant pour elle-même (nature, verdure, etc.) que par son opposition à la ville et ses dangers (insécurité, violence, etc.) qu'on ne veut pas faire subir à ses enfants. Le rôle des enfants dans le choix du lieu de résidence joue également dans le choix d'une monoactivité plus ou moins temporaire. Faire de ses enfants une priorité signifie s'y consacrer pleinement et suppose de renoncer à une activité professionnelle, décision exacerbée par le coût des frais de garde (notamment à l'arriÎe du 2e enfant) et la pénibilité subie des déplacements domiciletravail des femmes. Cependant, qu'elle soit temporaire ou plus durable, la monoactivité est source 44 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale de vulnérabilité économique. Si elle permet d'éviter les dépenses liées à la garde des enfants, elle limite les revenus du ménage à quelques sources : les revenus du conjoint et les éventuelles aides perçues. De fait, les ménages monoactifs sont mécaniquement plus modestes puisque leurs revenus disponibles sont moindres. Compte tenu du niveau de revenus des ménages rencontrés, la biactivité reste fréquente car la monoactivité n'est pas viable, notamment pour faire face aux dépenses liées au remboursement du crédit logement (Wenglenski 2001) et en cas d'aléas et de dépenses supplémentaires non prévues comme un déménagement (Abdel) ou la perte d'un permis (Giliane). Mais cette biactivité génère au quotidien des arbitrages intracouples plutôt classiques en termes de mobilités (Prédali 2005; Fagnani 2005; Brun & Fagnani 1994; Coutras 1989) et en lien avec la représentation du rôle plus global de la femme au foyer, dans la réalisation des activités domestiques, et de la mère dans la prise en charge des enfants (Brugeilles & Sébille 2009 ; Algava 2002 ; Badinter 2002). Soit elles optent pour des emplois relevant de l'économie résidentielle (assistantes maternelles comme Virginie ou Stéphanie, assistantes familiales comme Annie, auto-entrepreneurs comme Solveig), soit elles font le choix d'avoir un emploi localisé plus près de leur domicile que leur conjoint (Sandrine, Elodie) ou avec un aménagement horaire plus en phase avec les contraintes scolaires (Graziella, Nathalie, etc.). La présence d'un réseau familial local et notamment de grands-parents inactifs tend à relâcher ces contraintes et à procurer plus de flexibilité au quotidien (Annie qui sert de nourrice pour ses petitsenfants). Toutefois, il apparaît que les arbitrages au sein des couples avec enfants produit des polarités importantes entre des conjoints hommes qui se déplacent plus dans le cadre de leurs emplois que leurs conjointes qui se déplacent peu du fait de leur niveau d'activité et de la localisation de leur emploi (à domicile ou à proximité). Les déplacements importants des hommes découlent de leur statut de travailleurs mobiles ou du fait qu'ils aient des déplacements plus lointains dans le centre de l'aire urbaine par exemple. Ici encore, cette répartition des rôles et des pratiques de déplacement est directement liée à la nature des territoires dans lesquels ils ont choisi de résider et à leur statut modeste. En habitant dans le périurbain dépendant de l'automobile, les mobilités liées au travail deviennent plus pénibles et coûteuses car elles sous-tendent souvent un éloignement. Si la distance au lieu de travail joue un rôle dans les choix de localisation, nous avons bien vu que cette distance était finalement très relative et tendait à s'effacer au profit d'autres critères comme le prix et les caractéristiques du logement. L'éloignement engendre donc à termes des réajustements dans les pratiques de déplacements et leur répartition au sein des couples. Priorité est souvent donnée à celui dont le travail est plus rémunérateur et donc souvent à l'homme. Le surplus de revenus et la plus grande capacité à participer au remboursement de l'emprunt ou au niveau de vie du ménage justifie le fait que les distances parcourues soient plus importantes : « C'est, c'est surtout les déplacements, c'est pour ça qu'il a repris les déplacements... parce que... parce que c'étaient les déplacements qui nous permettent de faire toutes les choses extérieures, en fait. Nous, avec son salaire, on va payer les frais. Moi, avec le mien, c'est tout ce qui est nourriture. D'un autre côté, on a la maison, donc, on a d'autres frais. Il y a beaucoup de nourriture parce que voilà, je fais manger plein d'enfants ici, en plus, on est tout le temps là, donc, voilà. Euh... donc, il y a beaucoup de frais de nourriture plus tous les frais : ben... l'eau, l'électricité, on est tout le temps là, donc... Voilà. Le chauffage, on est tout le 45 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale temps là aussi, je veux dire... ce sont toutes les choses qui se calculent parce que sur l'année, ça commence à... à chiffrer. Et donc, lui, son salaire... nous paye tous nos prêts, nos machins, enfin, je veux dire, la maison, tous les trucs. Avec le mien, c'est tout ce qui est commissions, et puis tout ce qui est Ðture. Et après, avec les... avec les frais, ce sont les loisirs ou les travaux. OUI, QUAND... SELON CE QU'IL Y A A FAIRE... Voilà. On s'organise comme ça. Avant, quand... quand il n'avait pas ce travail, il était là tout le temps, il n'avait pas de frais. Ben, on était trop coupé à la gorge ; quoi, parce que nous, ben, déjà il y avait des frais de transport. Que là, il prenait son Îhicule tous les jours, et puis en plus de ça, ben, on ne pouvait pas... on ne pouvait pas sortir, on ne pouvait pas aller à droite, à gauche parce que voilà, on payait ce qu'on avait à payer et puis point. OUI, D'OU LE FAIT D'ETRE PARTIS SUR DES PLUS GRANDES DISTANCES AVEC DES PRIMES PLUS FACILEMENT, QUOI. Oui, je pense, voilà. Sachant que chaque nuit qu'il n'est pas à la maison, il gagne 30 , donc, voilà, donc... Comme il a des primes de panier, ceux qui travaillent, ils ont des primes de repas, ou voilà... Donc, prime de couchage... pour la semaine, il a ça. » Stéphanie, 34 ans, assistante maternelle à domicile, mariée à Yannick (35 ans) qui est conducteur routier sur la France entière, 3 enfants (12, 11 et 8 ans), vit à Longchamp (propriétaire) depuis 2003, vivait auparavant à Chevigny (location priÎe). Plus centrales ou plus mobiles, les hommes ont plus de facilités à se déplacer : soit ils ont recours à des transports collectifs (emplois plus distants mais centraux), soit leurs déplacements sont pris en charge par leurs employeurs (participation à l'abonnement de transports collectifs, mise à disposition de Îhicule, carte carburant, etc.). Les femmes sont contraintes à des mobilités plus locales, voire à une relative immobilité dès lors qu'elles restent travailler à domicile ou à sa proximité. La seule femme mobile dans le cadre de son activité que nous ayons rencontrée est celle de Nicolas qui est aide à domicile. D'autres femmes en recherche d'un emploi ont également envisagé cette profession. Au-delà des conditions de prises en charge des déplacements largement sous-évaluées de ces professions (Jany-Catrice 2007a; Jany-Catrice 2007b), les emplois féminins rencontrés sont souvent liés aux métiers du care (Benelli & Modak 2010 ; Laugier & Paperman 2006 ; Cresson & Gadrey 2004) La prépondérance de ce type d'emploi et la proximité féminine entre lieu de travail et lieu de résidence rendent compte d'une conception des rôles de genre au sein du couple qui apparaît typique du périurbain. Compte tenu de l'investissement réalisé pour acheter une maison individuelle et de la place prépondérante des enfants dans l'explication des choix de localisation, la maison et les activités qui s'y rattachent jouent un rôle central dans le mode de vie des ménages. Or, c'est encore et toujours la femme qui est supposée être la partie la plus compétente pour la prise en charge des activités domestiques ou liées aux enfants. La répartition des tâches est certes en train de changer mais reste profondément inégalitaire. A l'échelle du périurbain dépendant de l'automobile où le domestique est particulièrement valorisé, il apparaît que les femmes ont des programmes de mobilité plus locaux et plus centrés autour du domicile, alors que les hommes tendent à mettre plus de distance entre eux et leurs domiciles. 46 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale En dehors du travail et de l'accompagnement des enfants (pour loisirs ou autre), une tierce catégorie de déplacements apparaît régulièrement dans le discours des personnes interviewées: les déplacements pour approvisionnement. Considérés comme contraints, ces déplacements sont minimisés. Si les ménages ne disposent pas de commerces dans leurs communes, ils ont tendance à aller dans les grandes surfaces les plus proches (à Genlis pour Longchamp, à la zone industrielle de Champbenoist pour Sainte-Colombe, etc.). Rares sont ceux qui s'approvisionnent dans des centres commerciaux plus centraux ou plus importants. Aller dans de grands centres commerciaux ou dans des localisations hypercentrales comme Paris ou Dijon s'aÏre effectivement peu répandu. Outre le fait de ne pas vouloir revivre les déplacements pénibles (congestion, stationnement) qu'ils subissent au long de la semaine, beaucoup redoutent aussi les tentations. Seules des occasions particulières (fêtes de fin d'année, acheter des Ðtements) provoquent ce type de déplacements. Au-delà de la distance à parcourir, avoir un plus grand choix est synonyme de dépenses accrues. Ces déplacements pour achat supposent nécessairement l'usage de la voiture compte tenu des volumes achetés et permettent par la même occasion d'accéder à des prix du carburant avantageux. Régulièrement, les ménages en profitent également pour regrouper ce type de déplacements avec d'autres formalités (banque par exemple) ou pour faire des courses pour d'autres (voisine âgée, etc.). Il y a donc une minimisation des déplacements pour approvisionnement, d'autant plus importante que les ménages peuvent avoir recours à l'autoproduction (potagers, clapiers, etc.). Les pratiques quotidiennes de déplacements des ménages modestes qui vivent dans les territoires périurbains dépendants de l'automobile sont donc peu diversifiées (travail, accompagnement, approvisionnement). Elles peuvent être importantes en temps et en distance, mais elles restent spécialisées. Ainsi, les ménages rencontrés vivent certes dans des territoires périurbains dépendants de l'automobile mais n'entretiennent pas de relations fortes avec la villecentre. Cette tendance notable n'est pas spécifique aux périurbains les plus modestes. Cependant, plus les ménages sont modestes, plus leurs modes de vie sont locaux et ancrés dans le périurbain en tant que territoire distinct de l'urbain. En effet, leurs modes de vie n'impliquent toujours pas des allers retours constants entre un territoire périurbain où ils résideraient et un territoire urbain où ils pratiqueraient des activités (travail, approvisionnement, etc.). Alors que nous pourrions y voir les signes d'une importante captivité (Rougé 2010), ces pratiques et le mode de vie qui les accompagnent correspondent en réalité à un choix affirmé des ménages, en cohérence avec leurs stratégies résidentielle et de vie (élever ses enfants, avoir une maison avec jardin, etc.). Leur moindre mobilité quotidienne par rapport à des ménages plus aisés est certes le résultat de leurs conditions de revenu, de leur classe sociale d'appartenance et de leur cycle de vie. Mais elle est rarement considérée comme coûteuse. Se déplaçant finalement assez peu ou limitant leurs déplacements au strict nécessaire, les ménages ont tendance à ne pas considérer comme problématique l'augmentation du coût des carburants. Si certains décident ne plus faire le plein mais de mettre un montant fixe pour maîtriser davantage ce poste de dépense, ils considèrent ne pas avoir le choix et avoir besoin de leur voiture au quotidien. De plus, les dépenses liées au carburant ne sont pas Îcues comme problématiques car leur montant annuel est lissé tout au long de l'année par de petites dépenses régulières. Pour les ménages modestes que nous avons rencontrés, ce sont les dépenses considérées comme importantes qui posent plus souci : chauffage, vacances, réparation sur les Îhicules, etc. L'augmentation du prix des denrées alimentaires est également ressentie plus vivement que celle des carburants. Certaines dépenses comme le chauffage ou le gaz sont liées au 47 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale coût du carburant mais, si elles sont moins fréquentes, elles sont beaucoup plus importantes et à payer d'un coup ou rapidement. Pour les dépenses liées à l'entretien des Îhicules, ces dernières tendent à être diminuées en faisant appel à des connaissances ou en se débrouillant seuls. S'ils sont minimisés, les déplacements quotidiens n'en demeurent pas moins indispensables et découlent d'un usage intensif de la voiture (la sienne ou celle d'un autre). Plus que leur coût financier, la forte pénibilité des déplacements quotidiens est mise en avant, compte tenu des distances à parcourir et des inconÎnients qui peuvent l'accompagner (congestion, conditions météorologiques). Des ajustements permettent de réduire les contraintes liées à cette pénibilité et de minimiser plus globalement les dépenses : monoactivité, emploi résidentiel ou emploi local, déplacements locaux, peu de mobilités longues distances prises en charge par les ménages (pas ou peu de vacances), pas ou peu d'activités de loisirs hors domicile, etc. Cette minimisation des dépenses suffit tout juste à certains à tenir leurs budgets et/ou à rembourser leurs emprunts immobiliers. Les ménages modestes « se serrent la ceinture » dans l'espoir d'être un jour propriétaires à part entière de leur bien, de ne plus avoir de crédit sur le dos. Le terme du crédit de la maison, souvent associé à la décohabitation des enfants, améliorera significativement le niveau de revenu et le pouvoir d'achat de ces ménages comme ont pu en témoigner Vincente et Daniel ou Bernard, qui n'a plus qu'un enfant à charge. En attendant, leur situation actuelle reste précaire car ils sont très vulnérables au moindre aléa économique. Chômage, accident du travail, divorce, panne de Îhicule, etc. sont autant de risques susceptibles de faire basculer les ménages dans une situation de pauvreté plus ou moins durable. Cette vulnérabilité est d'autant plus importante qu'elle est directement liée au choix du territoire dans lequel ils ont élu domicile et qui génère des contraintes fortes sur leurs budgets (même si elles sont peu prises en compte). De plus, nous avons vu que leurs désirs de campagne et d'ascension sociale par la propriété pouvaient accentuer, par différents mécanismes, leur vulnérabilité et risquent de rendre difficile un retour vers moins de dépendance, qui sera associé à un échec et un déclassement. De fait, la plupart des ménages rencontrés dans le chantier 1 refusent d'envisager d'autres types de territoires, si ce n'est les ménages non propriétaires dont le but est de le devenir ou de partir loin, à l'étranger 5. Evidemment, leur façon d'appréhender et d'anticiper ces aléas potentiels est intimement liée à leur situation présente, à la sécurité symbolique qui lui est associée. Ils peuvent refuser de quitter un emploi pénible par peur de ne pouvoir en trouver un autre et de ne plus pouvoir rester dans le territoire dans lequel ils ont élus domicile. Cependant, les entretiens réalisés dans le cadre du chantier 2 montrent que tous ces éÎnements (aléas, bifurcations, évolutions du cycle de vie, etc.) et les éventuelles relocalisations qu'ils provoquent ne sont pas forcément Îcus de manière traumatisante lorsqu'ils surviennent effectivement. En effet, les ménages du chantier 2 ont Îcu ce que redoutent les ménages du chantier 1 et les craintes de ces derniers se retrouvent peu dans le discours formulé a posteriori par ceux qui ont quitté des territoires dépendants de l'automobile. 5 Le mythe de la cabane au canada est assez répandu parmi les ménages rencontrés. 48 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale En conclusion, pour les ménages qui résident dans des communes périurbaines dépendantes de l'automobile, il apparaît que : · La dépendance à l'automobile est rarement prise en compte dans le choix de localisation des ménages qu'ils soient devenus ou non propriétaires en s'installant dans une commune périurbaine dépendante de l'automobile. Pour les ménages devenus propriétaires, le réalisme économique du prix de l'immobilier impose souvent aux ménages de renoncer à une proximité avec des aménités urbaines et des modes de déplacements alternatifs qui pouvaient pourtant être recherchés à l'origine. Pour les ménages non propriétaires (locataires ou hébergés à titre gratuit), la situation est plus transitoire et le résultat d'un ancrage lié à la famille ou au travail eux-mêmes situés dans des territoires dépendants de l'automobile. Si la situation est vue comme temporaire, ces ménages n'en aspirent pas moins demeurer dans ce type de territoire. Dans les situations les plus modestes (locataires HLM et hébergés à titre gratuit), la vulnérabilité économique est source d'un ancrage plus durable dans leur commune de résidence. La dépendance à l'automobile n'est pas considérée comme problématique, même pour des personnes sans permis, au regard des avantages qu'ils voient à vivre dans cette commune, avantages considérés comme supérieurs (loyer avantageux, solidarité familiale, etc.). Pourtant, compte tenu de leur niveau de revenus, les ménages modestes procèdent souvent à des orchestrations spécifiques à leur quotidien pour faire face à la dépendance automobile et la minimiser : monoactivité, peu de mobilités de loisirs et de vacances, regroupement des déplacements, etc. Ayant une mobilité et des modes de vie très locaux, il apparaît difficile pour les ménages modestes de réduire leurs déplacements. L'orchestration des déplacements au sein ménages modestes (au sein du couple, entre les membres de la famille) conduit certes à leur minimisation mais est aussi le témoin de leur grande vulnérabilité économique face à des aléas. · · · · · 49 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Partie 2 : Quitter le périurbain pour échapper à la dépendance automobile Après avoir obserÎ comment les déplacements quotidiens et la dépendance automobile entraient en compte dans le choix d'élire domicile dans les territoires et les modes d'habiter, il s'agit à présent d'analyser l'autre versant de la question. Pour quelles raisons les ménages modestes quittent-ils les territoires dépendants de l'automobile ? Quel rôle joue la dépendance automobile dans cette décision ? Dans la première partie, nous avons vu que le choix de la propriété conduit les ménages modestes à opter pour des localisations certes périurbaines mais fortement dépendantes de l'automobile. La dépendance automobile apparaît comme un compromis acceptable au regard du maintien social que procure l'accès à la propriété de sa maison individuelle. Cette dépendance et ses conséquences en termes de déplacements quotidiens tendent à être sous-estimées par les ménages. Ex-ante, leurs coûts ne sont pas envisagés notamment parce que l'accès à l'emploi des ménages rencontrés suppose un usage incontournable de la voiture en raison de l'absence d'alternative modale pour se rendre sur leur lieu de travail (peu importe le point de départ). Les ménages non propriétaires prennent plus en compte la localisation relative de leur emploi et de leur résidence, en sont plus proches mais l'automobile reste le seul mode d'accès au lieu de travail actuel ou futur (pour les personnes sans emploi). A présent, nous allons apprécier dans quelle mesure les contraintes qui découlent de la dépendance automobile motivent des ménages modestes à quitter le périurbain. Ce sont les évolutions du cycle de vie professionnel et/ou personnel qui motivent le changement de localisation résidentielle en premier lieu. Quant au choix d'un moindre degré de dépendance, il est plus directement lié à l'expérience Îcue d'une précédente dépendance et à la volonté de ne pas la réitérer, que ce soit de manière temporaire ou permanente. En observant les raisons qui ont poussé les ménages rencontrés à quitter le périurbain dépendant de l'automobile, les évolutions liées à leurs cycles de vie en sont les principaux moteurs. Les bifurcations, entendues comme les évolutions non anticipées dans le déroulement de ce cycle de vie (Bidart 2006), jouent un rôle important dans le départ. En regardant les ménages en fonction des différentes évolutions et bifurcations qu'ils ont pu connaître dans leur cycle de vie, le choix d'une nouvelle localisation résidentielle apparaît fortement lié à leur volonté de retourner dans une moindre dépendance automobile. 51 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Figure 3 : Communes d'origine et de destinations des ménages de migrants enquêtés dans l'Aire Urbaine Dijonnaise Figure 4 : Communes d'origine des ménages de migrants enquêtés en Grande Couronne Francilienne Source : Typologie de l'auteur à partir de la base permanente des équipements 2007 52 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Figure 5 : Communes d'origine des ménages de migrants enquêtés en Grande Couronne Francilienne Source : Typologie de l'auteur à partir de la base permanente des équipements 2007 Parmi les 31 ménages du chantier 2, 8 ménages ont quitté un territoire périurbain dépendant de l'automobile suite à une séparation ou à un divorce. Ces ménages ont la particularité d'avoir été propriétaires à l'exception d'Anita (77) ou de Stéphane (21) hébergés respectivement par ses beauxparents et son ancien conjoint, eux-mêmes propriétaires, et d'Isabelle (21) qui était locataire HLM. Vécues plus ou moins violemment selon les situations, la séparation a engendré une relocalisation dans des espaces moins dépendants de l'automobile. Cette relocalisation est d'abord liée à la nécessité de trouver un autre hébergement. Les personnes se sont quasiment toutes tournées vers le locatif (pour 7 d'entre eux) ou l'hébergement chez des proches (Patricia encore aujourd'hui mais aussi Christine, Julien ou Agnès dans un premier temps). L'offre de location sociale et priÎe étant 53 1. Monoparentalité et célibat : la fin du couple comme moteur d'un départ du périurbain et de la dépendance automobile Source : Typologie de l'auteur à partir de la base permanente des équipements 2007 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale plus importante dans des territoires moins dépendants, les individus séparés ou divorcés, à la tête ou non d'une famille monoparentale, ont opté pour un territoire moins dépendant de l'automobile. Mais le choix de localisation n'est pas seulement fonction de l'offre. Il est aussi grandement déterminé par un relatif rejet de la vie périurbaine et des imaginaires qu'elle Îhicule chez ces personnes : la vie en couple, le conjoint, l'isolement et la dépendance automobile. Le choix du périurbain pour ces personnes a souvent été lié à leurs propres trajectoires résidentielles et à celle de leur conjoint. Parmi ces personnes, nombreuses sont celles issues de la ville ou d'autres territoires périurbains peu dépendants de l'automobile (ailleurs en France ou dans les agglomérations parisiennes et dijonnaises). Elles ont des cultures habitantes radicalement différentes de celles de leurs anciens conjoints (Bonvalet 1993). Ces personnes déclarent d'ailleurs toutes avoir eu du mal à s'adapter à la vie dans ces territoires mais y sont restées tant que leur couple tenait. La fin de ce dernier a donc entraîné la fin de leur vie dans un territoire périurbain et un retour vers des territoires plus conformes à leurs trajectoires originelles, c'est-à-dire des territoires peu dépendants de l'automobile. Le retour est d'autant plus souhaitable que la séparation met en exergue la difficulté de vivre seul(e) dans ce territoire, surtout en l'absence du permis. « Quand le père de mon fils est parti, me retrouver toute seule dans une maison, grande, avec plus de ménage, tondre la pelouse etc.... Moi je suis pas du tout, c'est pas du tout mon truc et en plus loin de Dijon, à 30 km... ça aussi, c'est ce qui m'a décidé à revenir plus près de Dijon. Tant que j'étais en couple, c'était différent car on n'a pas les mêmes loisirs, mais étant toute seule. Mon fils était petit à l'époque, il allait au centre de loisir après l'école, donc il fallait toujours que je regarde l'heure, c'était... Plus les frais d'essence, pas de transport en commun donc si j'avais pas eu de voiture, j'aurai été très ennuyée donc tout ça a fait que je voulais me rapprocher de Dijon. » Isabelle, 45 ans, employée en préfecture, séparée depuis 2002, 1 fils (14 ans), vit à Plombières-lès-Dijon (HLM) depuis 2003, a Îcu à Soirans (HLM) pendant 3 ans. « De toute façon, comme j'avais pas le permis quand je suis partie de là-bas, j'avais pas le choix, je pouvais pas y rester, car sans voiture, c'est impossible ! » Anita, 27 ans, biologiste à la recherche d'un emploi, séparée, 1 fils de 13 mois, vit à Paris (HLM) depuis 2009, a Îcu chez ses beaux-parents à Fromont jusqu'en 2009. Lorsqu'on est en couple, l'absence de permis de l'un est, en partie, compensée par le fait que l'autre conduit. Mais, dans les ménages de couples mono-motorisés, la séparation ou le divorce fait brutalement prendre conscience d'une dépendance automobile qui n'était pas forcément ressentie avant. De fait, le conjoint permettait et justifiait le fait de se passer de l'automobile et de ses usages en autonomie. De temps à autres, l'absence temporaire du conjoint pouvait même donner lieu à des mobilités alternatives : autostop, Îlo, covoiturage local et informel. Mais ces mobilités alternatives ne semblent viables que dans la mesure où elles sont temporaires et sélectives. Elles ne concernent que certains déplacements (formalités administratives, rendez-vous médicaux, shopping), ceux liés à la personne seule et qui ne sont pas quotidiens ou récurrents. Dès lors que des enfants sont impliqués, ces mobilités alternatives sont plus difficiles et ne permettent pas d'assumer l'ensemble 54 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale des mobilités nécessaires à la vie du ménage comme les courses. Ainsi la séparation des couples, notamment avec enfants, s'accompagne d'un éveil à la dépendance automobile ou plutôt à ses conséquences et sa pénibilité. Un besoin de mobilité autonome est d'autant plus important que la séparation est aussi synonyme de vulnérabilité économique et de recherche d'un emploi (Eydoux et al. 2007; Algava et al. 2005). Or, ces personnes étaient souvent inactives ou au chômage. Partie économiquement la plus faible du ménage (faute de revenus autonomes), les individus séparés se tournent alors vers des territoires urbains où les accès au logement et au travail apparaissent moins complexes. « Suite à mon départ de Rouvres-en-Plaine pour venir à Dijon ... pour avoir tous les services sous la main. Vivre à Dijon c'est plus sympa, enfin moi je préférais vivre à Dijon plutôt dans les petits villages [...] Au niveau de l'emploi et tout ça, il y a plus de choses à Dijon, c'est plus facile. » Stéphane, 42 ans, agent de service hospitalier (à la recherche d'un emploi), séparé, sans enfants, vit à Dijon (location priÎe) depuis 2010, a Îcu Rouvres-en-Plaine (hébergé à titre gratuit par son ex-conjoint) jusqu'en 2008. Au-delà de difficultés d'accès à l'emploi mais aussi au logement de personnes se retrouvant seules, partir du périurbain dépendant revient à matérialiser symboliquement la séparation avec le conjoint et son nouveau statut conjugal. C'est souvent ce dernier qui est le plus ancré dans les territoires concernées, soit par une « culture habitante » (Morel-Brochet 2007; Morel-Brochet 2006) favorable au périurbain (y a grandi, désire avoir sa maison indépendante), soit par la présence de son seul réseau social. Les personnes rencontrées ont plus une culture habitante plutôt urbaine, notamment parce qu'elles en sont issues (Edwige qui a grandi à Paris) ou qu'elles l'ont adopté (Christine qui a fait ses études à Dijon) en rejetant d'une certaine façon la culture habitante de leurs parents. « Et puis après, j'ai rencontré celui qui est maintenant mon ex-mari... qui, lui, voulait absolument acheter une maison. Vu qu'à l'époque, c'était très cher ... le prix des maisons sur Dijon était horriblement cher pour une masure, donc, on a trouÎ une ferme à Francheville, donc là on a déménagé en 1997 et moi la campagne je ne pouvais plus. » Christine, 44 ans, secrétaire médicale, divorcée, 2 enfants (14 et 9 ans), vit à Dijon (location priÎe), a Îcu jusqu'en 2004 à Francheville (toujours propriétaire avec son mari). « Lui [son ex-mari], il peut vivre dans un trou perdu, il s'en fout complètement. Bah maintenant qu'on s'est séparé, il s'est remis avec quelqu'un et il vit à côté de Meaux ou Melun. Lui, il est reparti et je lui disais au début « mais qu'est-ce que t'as comme transport » mais il s'en fiche ». Edwige, 45 ans, pigiste à mi-temps (autoentrepreneur), divorcée, 1 fils (5 ans), vit à Vincennes (propriétaire) depuis 2004, a Îcu à Soignolles et Emerainvilles avec son ex-mari jusqu'en 2003. Pour certains, le départ n'est pas évident puisqu'il suppose de renoncer à la propriété et de vivre une forme de déclassement social. Agnès, 51 ans, est divorcée et a Îcu douloureusement ce 55 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale déclassement. A la retraite de la fonction publique, elle a dû reprendre un emploi d'hôtesse de caisse pour subvenir à ses besoins et ceux de sa fille de 13 ans. Actuellement locataire en HLM à Longvic, commune limitrophe de Dijon, elle se souvient avec nostalgie de sa maison : « Ah oui oui, on était bien. On était au calme, on avait une belle maison, un beau potager, j'avais même une piscine derrière. Si si, on était bien. C'était bien, c'est vrai. » Mais le fait d'avoir renoncé à la propriété a été compensé par une localisation moins dépendante, plus pratique pour elle et sa fille compte tenu de la proximité des commerces et services: « Ah ici, ce qu'il y a de bien, c'est qu'il y a tout à proximité. Il y a les magasins, il y a les bus, les médecins etc. Pour ma fille, y a tout sur place aussi. Par contre, je ne suis pas chez moi car je suis en HLM, je suis en appartement, alors que j'aimais bien avoir la maison. Mais je m'ennuyais là-bas, alors je pense que je suis mieux ici. » Le départ est d'autant moins évident qu'il n'est pas forcément souhaité par les enfants qui ont grandi et ont leur réseau amical dans le territoire quitté. Cependant, le divorce ou la séparation s'accompagnent d'un nouveau statut matrimonial (célibataire avec ou sans enfants) ou/et économique (plus grande pauvreté) considéré comme moins compatible avec la vie périurbaine et la dépendance automobile : « Les ¾ du village, c'est des jeunes ménages, c'est hyper convivial donc mes enfants veulent qu'on y retourne. Mais dans le périurbain, il y a que des maisons, c'est fait pour les propriétaires, je pourrai rien trouver. Déjà. Et puis toute seule, ça coûte trop cher, il y a l'essence, la voiture, les cantines. Eux (ses enfants), ils veulent, et moi j'ai envie de leur faire plaisir, ma fille dit qu'elle prendrait en charge les petits le matin, mais c'est pareil, quand elle prend son bus à 7h30, elle peut pas les déposer à la garderie à 7h30. [...] Et donc Yèbles, je sais que demain on retourne à Yèbles, ils seraient fou de joie. Mais financièrement et au niveau de la sécurité, c'est non » Patricia, employée à La Poste, 32 ans, 3 enfants (13, 8 et 7 ans), vit chez sa soeur à Sucy-en-Brie depuis 2010, a Îcu à Yèbles de 2000 à 2010 où elle est encore propriétaire avec son ex-mari. « Le cinéma, ou le théâtre, par exemple, j'aime bien découvrir, j'avais pas le courage de prendre la voiture encore, c'était une contrainte et du coup, il y avait pas grand-chose à faire à Soirans à part désherber mon jardin donc ça m'a vite lassé et c'est pour ça que j'ai voulu revenir plus près de mon travail et plus près de la ville. A Dijon, après c'était différent, avec mon fils, on a pu aller au théâtre quand il était petit, il y avait de très beaux spectacles, et ça c'était pas possible à Soirans » Isabelle, 45 ans, employée en préfecture, séparée depuis 2002, 1 fils (14 ans), vit à Plombières-lès-Dijon (HLM) depuis 2003, a Îcu à Soirans (HLM) pendant 3 ans. « Quand tu te retrouves tout seul du jour au lendemain et qu'en plus t'es à la campagne. Tu sors : « qu'est-ce que je vais faire ? J'aimerais bien aller à Val d'Europe mais c'est à trois quart d'heures » alors qu'ici toute de suite, quand tu te dis, j'en ai pour cinq minutes, tu te dis, t'es tout seul mais c'est pas grave, t'es motiÎ. Tu voulais aller au cinéma, c'était galère.... » Julien, 29 ans, ouvrier en BTP, divorcé, 1 fils de 5 ans en garde alternée, vit à Villiers-surMorin (location priÎe) depuis 2009, a Îcu à Jouy-sur-Morin (propriétaire) jusqu'en 2008. 56 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Se séparer de son conjoint revient à s'éloigner du modèle dominant de conjugalité présent dans ces communes : le couple. Isabelle (Dijon) se souvient même avoir ressenti que ses voisines la considéraient comme « une cougar, une voleuse de mari » car elle était célibataire. La mise à distance se lit dans le regard d'autrui et enjoint à retrouver une sociabilité plus extérieure, plus en phase avec le célibat avec ou sans enfant (quand la personne n'en a pas ou que le conjoint en a la garde). Le regain d'activités de loisirs est en partie modéré par les ressources économiques des individus mais ces derniers apprennent aussi à connaître les opportunités que leur procure leur nouveau statut économique (réductions, aides de la mairie, etc.). Renoncer à la dépendance automobile est synonyme d'une ouverture de l'éventail des activités de loisirs, ces dernières étant plus proches et donc plus faciles à réaliser ou à organiser. La séparation ou le divorce conduit des ménages à quitter les territoires périurbains dépendants de l'automobile. Il est frappant de constater qu'aucun des ménages interrogés ici ne souhaite retourner dans ces territoires, qu'il en soit ou non originaire. Que ce soit suite au divorce ou avant ce dernier, ils ont pâti d'une localisation et de son niveau de dépendance automobile dans laquelle ils ne désirent pas retourner, du moins à ce stade de leur projet résidentiel. Véritable repoussoir, l'absence de commerces et de services ou la nécessité de prendre la voiture pour y accéder ont dégouté les individus séparés ou divorcés de ce type de territoires et des contraintes de mobilité qui l'accompagnent, d'autant plus quand ils étaient peu enclins à y habiter à l'origine (ne souhaitaient pas y vivre plus que ça) et par leur trajectoire résidentielle (enfance et/ou célibat dans des territoires plus urbains). Si le choix du périurbain était ici dépendant du conjoint, d'autres évolutions ou bifurcations pointent le rôle similaire de proches ou de liens sociaux dans le choix d'une localisation périurbain dépendante comme dans celui de la quitter. Deux éÏnements mettent en exergue le rôle des parents d'Ego dans sa trajectoire vers moins de dépendance : leur décès et la décohabitation. Nées dans le périurbain dépendant de l'automobile ou y ayant grandi, 10 des personnes rencontrées ont migré vers des territoires moins dépendants à cause ou grâce à leurs parents. Le rôle de ces derniers n'est pas univoque : leur décès, leur départ, la volonté de les quitter pour s'installer seul ou en couple, l'observation de leur propre expérience et des difficultés qu'ils ont pu connaître sont autant de raisons qui poussent ces individus à quitter des territoires périurbains dépendants de l'automobile dans lesquels ils ont passé une partie de leur vie. 2. Prendre de la distance avec ses parents et la dépendance automobile : un choix moins définitif Pour les plus âgés, le décès d'au moins un de leurs parents a mis fin à une localisation périurbaine déjà partielle. En effet, Monique et Francine ont Îcu par intermittence à Tigeaux pour la première et à Villiers-sous-Gretz pour la seconde. De fait, originaires toutes les deux de Paris et de la petite couronne, elles ont suivi leurs parents respectifs à l'adolescence. Ultérieurement elles se sont relocalisées dans des territoires moins dépendants, en petite couronne (en Seine-Saint-Denis, à 57 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Noisy-le-Sec et à Drancy). Mais elles ont toujours gardé un ancrage fort dans la commune de résidence de leurs parents. L'ancrage est matérialisé par une birésidentialité, une vie partagée entre leur commune officielle de résidence et celle de leurs parents. « On faisait la navette parce que mes parents, après bon, avaient besoin de quelqu'un, on avait ici mais... on était autant chez eux qu'ici en fait. Ils avaient besoin de quelqu'un, d'une aide tout le temps. [...] On a acheté cet appartement là mais on était moitié ici, en fait, moitié en Seine-et-Marne » Monique, comptable, mariée, 1 fils, vit à Noisy-le-Sec (propriétaire) depuis 1981, a Îcu à Tigeaux chez ses parents jusqu'en 2001. « Je n'ai jamais laissé ma mère, ni mon père d'ailleurs, tout seuls. J'étais..., moi j'avais un appartement, bon parce que ma fille, déjà d'une, là-bas ce n'était pas possible de la mettre à l'école, donc, en plus, je travaillais dans le 18e, donc il me fallait un pied à terre quelque part. [...] Donc ma fille, elle allait à l'école ici. Et donc moi tous les week-ends, les vacances, etc., c'était Villiers, Villiers, Villiers constamment hein » Francine, commerciale, célibataire, 1 fille (31 ans), vit à Drancy depuis 1983 et avec sa mère depuis 1999 (dans un autre appartement), a Îcu à Villiers-sous-Gretz avec ses parents jusqu'en 1999. Le cas de Francine est d'autant plus singulier que la birésidentialité est une option qu'avaient déjà retenue ses parents. Tant que sa mère a eu à travailler sur Paris, ils y ont gardé un appartement en location. Une fois à la retraite, ils ont migré définitivement. Son père est décédé en 1997. Sa mère est âgée (83 ans) et n'a jamais eu le permis. Il lui était donc impossible de rester dans une commune peu équipée en commerces ou services. Or, en parallèle, les commerces présents autrefois dans le village à l'arriÎe des parents de Francine ont fermé. Leur disparation a généré une augmentation drastique du degré de dépendance automobile de Villiers-sous-Gretz: la mère de Francine ne pouvait plus vivre seule dans ce type de territoire. Pour conclure, on notera que ces deux cas renvoient à une conception de la périurbanité où la birésidentialité prend une place importante, en partie parce que la deuxième résidence (celles des parents) est alors localisée dans un territoire vu comme rural, idéal dans le cadre d'une résidence secondaire. Dès lors qu'un des parents disparaît, les raisons de venir dans le territoire s'évanouissent. L'une comme l'autre ont cessé la birésidentialité dès lors que leurs parents sont décédés (les 2 pour Monique, son père pour Francine). Ce choix est lié au fait que ni Monique ni Francine ne pouvaient récupérer le logement de leurs parents par le biais d'un héritage. Elles n'avaient pas les moyens financiers ou la possibilité légale de le faire (les parents de Monique étaient locataires). Même si elles avaient pu conserver le logement de leurs parents, il est à parier qu'elles auraient maintenu l'alternance entre un logement en territoire indépendant, à proximité des transports collectifs et de leur travail, pendant la semaine et un logement en territoire dépendant le week-end ou pendant les vacances du fait même de leur socialisation primaire. La disparition des parents des territoires périurbains n'est pas uniquement le fait de leur décès. D'autres raisons sont à évoquer comme le départ en retraite et la migration vers d'autres régions qui peut l'accompagner. En l'occurrence, Danielle, 36 ans, formatrice en assurance en couple, a longtemps habité à Villevaudé, à proximité immédiate de ses parents. Née à Paris, Danielle a grandi 58 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale en petite banlieue puis en grande banlieue au gré des choix de localisation de ses parents. Elle a emménagé à 20 ans avec ses parents à Villevaudé où elle a elle-même fini par y acheter un F2 en 2005 bien qu'elle déclare ne s'y être jamais plu : « je n'aimais pas le 77, je n'y ai pas grandi, ce n'était pas mon trip ». D'abord propriétaire d'une librairie à Chelles, elle a revendu son commerce et est devenue formatrice en assurance dans les Hauts-de-Seine, ce qui a été assez difficile à vivre en termes de déplacements quotidiens : « Ah oui, oui. Mais, j'ai eu le problème de mobilité quand j'ai commencé à bosser sur la Défense, puisque j'étais toujours en Seine-et-Marne, là, parce que j'ai déménagé il n'y a pas longtemps, et ça fait 10 ans que je suis à la Défense. Et là, ça a été... et c'est là où ça a été l'angoisse, quoi. Là, ça a été vraiment... 5... 5 bonnes années de galère sur... sur le total, quoi. ET POURQUOI AVOIR... ENFIN... COMMENT VOUS AVEZ TENU OU POURQUOI... NE PAS AVOIR DEMENAGE AVANT... UN PEU PLUS TOT, EN FAIT ? Parce que mes parents étaient à côté et que je n'avais pas envie de... je n'avais pas envie de déménager à ce moment-là. Tant qu'ils étaient à côté... enfin, voilà... je ne sais pas pourquoi, en fait. C'est vraiment en plus pour eux, quoi. J'avais envie de partir depuis longtemps et puis ma mère me disait à chaque fois : « Oh, Paris, non, non, non, Paris, c'est trop cher, c'est Îtuste, c'est trop bruyant, c'est ceci », et puis... pff... voilà, quoi. J'étais restée vraiment plus pour eux parce que je me disais, le soir, quand, je rentrais du boulot... je passais les voir, je passais vite... enfin... même si je les voyais vite fait, je les voyais. Et puis mes parents ont vendu leur maison et sont partis au pays... enfin, en Serbie, se réinstaller. Et du coup, en fait, j'ai profité de ce moment-là, c'était le moment ou jamais, quoi. » Les difficultés quotidiennes de Danielle pour se rendre à son travail ne l'ont pas incité à se localiser rapidement vers un territoire moins dépendant. Elle a attendu le départ de ses parents, retournés vivre en Serbie d'où ils sont originaires, pour se décider à venir vivre dans Paris. La disparition du réseau social affinitaire (les parents ici mais il peut s'agir du reste de la famille, de la fratrie, d'amis, de ceux dont on se sent proche) conduit alors à faciliter le départ de territoires dans lesquels les individus ont pu rester parce que ce réseau y était présent. Cet argument tend à étayer l'hypothèse de la force des liens familiaux de proximité (Bonvalet & Lelièvre 2005) et des solidarités intergénérationnelles dans l'ancrage résidentiel au sein des territoires, plus particulièrement au sein des territoires dépendants de l'automobile. Il illustre cependant la dimension potentiellement subie de cet ancrage. Si les enfants quittent ces territoires, c'est qu'ils n'en sont pas forcément natifs et qu'ils ne souhaitent plus subir une localisation qui leur a été imposée par leurs parents (cas de Danielle). Au-delà d'un rejet du mode d'habiter périurbain incarné par leurs parents, le départ du domicile parental s'accompagnent d'une volonté de se rapprocher des aménités urbaines, des commerces et services mais aussi de l'usage de modes alternatifs à la voiture. Ainsi, les motifs de relocalisation vers moins de dépendance sont essentiellement liés à leur volonté de ne plus la subir. Leur volonté est d'autant plus forte que l'installation périurbaine de la famille a été mal Îcue. Tous les individus ayant décohabité du domicile parental et ayant progressivement opté pour des territoires à moindre dépendance automobile ne font pas tous ce choix par rejet du modèle parental. 59 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Ainsi les natifs qui disposent d'un réseau social plus ancré localement ou qui ont été socialisé à la dépendance automobile entendent souvent y retourner plus tard, quand ils pourront accéder à la propriété. Les ménages issus de la décohabitation parentale (même depuis plusieurs années) sont les plus jeunes rencontrés dans le cadre du chantier 2. Plusieurs éléments motivent leurs choix résidentiels : mise en couple, localisation du travail ou des études, etc. Dans tous les cas, leur socialisation à la dépendance automobile joue un rôle déterminant dans le choix de vivre dans des territoires moins dépendants. Par socialisation à la dépendance automobile, nous entendons le processus par lequel les individus intègrent la nécessité d'avoir recours à l'automobile pour se déplacer. Les individus natifs du périurbain ou dont le conjoint est natif ont un rapport ambivalent à leurs territoires périurbains d'origine. D'abord, ils y retournent régulièrement, y passent leurs week-ends, surtout lorsqu'ils sont localisés dans des territoires moins dépendants mais appartenant à la même aire urbaine (Charline, Julie, Nastassia). Pour certains comme Ludivine ou Redouane qui y ont grandi et qui ont changé d'aires urbaines, le choix d'une plus grande indépendance n'a pas été immédiat. Ils ont d'abord opté pour une localisation au degré de dépendance similaire ou perçue comme telle par rapport à leur territoire d'origine. Ludivine est originaire de Chaumont en Haute-Marne. Elle a suivi son petit ami et ses parents en Côte-d'Or. S'ils ont d'abord été hébergés par ses beaux-parents, leur objectif a très vite été de prendre leur propre logement « pour démarrer ». Ils se sont installés en location priÎe à Prenois, un village à l'ouest de Dijon pour rester dans une ambiance, un territoire aux caractéristiques similaires à ce qu'ils avaient pu connaître auparavant : « C'est parce qu'on avait trouÎ... bon après, on n'est pas spécialement des gens non plus de la ville. On craignait un petit peu Dijon parce que ça reste grand. Et puis c'était la distance, ce n'était pas très, très loin. » Les arguments de Redouane sont similaires à la différence qu'il s'est installé seul en région parisienne. Originaire de Lauzerte (82), « un petit patelin » (une commune isolée hors influence d'un pôle selon sa fiche communale INSEE 6) situé à 95 km de Toulouse, Redouane a préféré s'installer à Maincy (77) pas loin de Melun plutôt qu'à Paris où il a été nommé. Ces raisons étaient les suivantes : « En fait, j'avais un pote à moi qui habitait à Melun, quoi, il m'a dit... enfin, il m'a dit...j'ai découvert Melun, et puis il y avait un petit patelin qui' s'appelait Maincy, à côté. Bon, je trouvais ça assez sympa dans le sens où c'était ni Paris ou la profonde campagne, quoi. Et ça me permet d'évacuer un petit peu, quoi, parce que les débuts à Paris étaient pas trop évidents, donc, ça me permettait de faire une transition qui n'était pas trop violente, on va dire. D'ACCORD, MAIS VOUS POUVEZ ME PARLER DE PASSAGE DU SUD-OUEST A PARIS ? C'était une grosse gifle, quoi, c'est-à-dire l'individualiste... je pense que le plus dur, c'est au niveau population, quoi, c'est-à-dire l'indifférence des gens, les transports, les stress parisiens, c'est tout ça, quoi, plus m'acclimater à la ville puis au boulot que je venais d'intégrer, euh... ce n'était pas du tout évident, quoi. » 6 http://www.insee.fr/fr/methodes/nomenclatures/zonages/commune.asp?depcom=82094 60 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Une fois acclimatés, Ludivine et Redouane ont fait le choix de territoires moins dépendants car ils ont expérimenté une pénibilité particulièrement forte des navettes (dans le cas de Redouane notamment) et les coûts de mobilité qui en découlaient. Du coup, ils se sont relocalisés, respectivement, à Dijon et à Paris. S'ils se sont installés dans des territoires aux degrés de dépendance similaires, ils ne l'ont pas du tout Îcu de la même façon d'un territoire à l'autre et ont préféré se rapprocher de leur travail ou d'aménités urbaines. Le choix d'une localisation d'abord dépendante montre que la dépendance automobile est intériorisée et ne pose pas en soi problème même pour des individus sans permis (Ludivine). Cependant, à degré de dépendance équivalent, le Îcu du quotidien n'est pas nécessairement identique. Ce qui allait de soi auparavant ailleurs devient insupportable dans l'aire urbaine d'arriÎe. La raison est certes liées aux caractéristiques intrinsèques des territoires comparés, à la complexité et à la longueur des navettes, mais aussi à la situation personnelle des individus : la localisation de leur lieu de travail, ses caractéristiques, leur statut matrimonial ou familial, les niveaux de sociabilité qui les caractérisent, la présence de liens sociaux locaux, etc. La progressivité de l'indépendance automobile et le poids de la socialisation à la dépendance automobile sont communes aux ménages qui ont grandi dans l'aire urbaine et dans des territoires dépendants de l'automobile. Pour ces derniers, il s'agit également de trouver la bonne distance entre leurs réseaux amicaux et familiaux, leurs lieux de travail et/ou d'études ainsi que les aménités en phase avec leur âge (loisirs, sociabilité extérieure, etc.) et leur statut matrimonial. Leur tâtonnement est plus ou moins important selon leur autonomie financière par rapport à leurs parents, c'est-à-dire selon qu'ils sont sortis ou non des études, et par rapport au fait qu'ils soient ou non en couple. En effet, ces différentes situations correspondent à des différences de revenus non négligeables. Le fait d'être aidé par leurs parents rend certains d'entre eux beaucoup plus sujets à des aller-retours fréquents entre une résidence en période scolaire et celle de leurs parents. Toutefois, si ces personnes sont caractérisées de modestes à cette étape de leur cycle de vie, il est fort à parier qu'elles ne le resteront pas compte tenu de leur capital social. En effet, leurs parents ne sont pas eux-mêmes modestes, comme en témoignent l'aide financière qu'ils leur procurent. Si ces individus ont quitté le domicile parental, c'est d'abord pour se rapprocher de leur lieu de travail et parce que leur précédent domicile (celui de leurs parents ou le leur) était situé dans un territoire dépendant de l'automobile qui s'est aÎré incompatible avec leurs déplacements quotidiens à l'image de Claire qui a eu plusieurs emplois dont elle a du se rapprocher à court ou moyen termes selon les caractéristiques des territoires dans lesquels elle a travaillé (du périurbain dépendant puis de l'urbain). « Donc en fait, j'ai postulé [à un poste de surveillant dans un collège], ils m'ont pris, donc j'ai... je suis restée à peu près 8 mois, donc, c'est là que j'ai pris un logement seule à Lorrez-leBocage, donc à 7 km de chez mes parents. J'ai dû faire ça parce que je n'avais toujours pas le permis, et en fait, c'était trop compliqué pour m'emmener ou me déposer. Ben, avec mes parents qui travaillaient, c'était compliqué, et en fait, par un ami de mon père, on a trouÎ un petit logement pas cher du tout, donc ça m'a permis de... d'avoir un petit pied à terre en fait, en bas du collège, sachant que je devais être très tôt au collège parce que j'ouvrais les grilles 61 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale pour les premières arriÎes de cars. Donc, c'était assez contraignant, il fallait se lever quand même assez tôt parce que les premiers gamins devaient arriver vers 7 h 30 [...] Et en fait, j'avais eu des anciens boulots dans le public heu... des années auparavant, et en fait ils m'ont rappelé, j'avais été en poste d'été, ils m'ont rappelé pour un poste vraiment concret [localisé dans Paris intra-muros]. Et c'était... c'était heu... un des services du 1er Ministre sous... sous Raffarin à l'époque, donc, ce n'était pas quelque chose à louper et puis donc, j'ai accepté, du coup, j'ai rendu mon logement. OUI. LA, C'ETAIT UN TRAVAIL DE QUOI ? QUI CONSISTAIT EN QUOI ? Alors, c'était assistante dans une commission d'indemnisation des victimes de spoliation pendant la 2ème guerre mondiale, en fait c'est rembourser tous les juifs qui ont été espionnés pendant la guerre. Donc du coup, j'ai rendu mon logement à ce moment-là parce que je me suis dit : « je vais retourner chez mes parents » et j'ai fait la navette en fait, avec le train, pendant à peu près 7 - 8 mois, j'ai fait cette navette-là, je me suis dit : « je n'ai plus la contrainte du bus ou les gamins arrivent », j'avais pris le logement quand même par rapport à ça, ce n'était pas trop mon truc de vivre seule non plus. Donc du coup, j'ai lâché ça dès que le collège, ça c'est terminé, je suis retournée chez mes parents, et en fait, les heures de boulot de ma mère le matin, ça allait avec mon train, et le soir mon père me ramenait, c'était pareil. On mettait une heure, après, non, il n'y a pas de bus. Il y a des bus scolaires en fait, pour aller au lycée, par exemple, là où je prenais le train, il y a un lycée, donc, le lycée où j'étais, il y a un bus scolaire. Mais bon, c'était un le matin et puis bon, ça ne desservait pas la gare, donc, ce n'est pas possible, quoi, ce n'était pas du tout avec mes heures de train, c'était compliqué. DONC VOUS ALLIEZ EN VOITURE AVEC VOTRE MERE ? Voilà, parce qu'en fait, ça allait avec les horaires de ma mère, elle commençait tôt le matin, donc je partais avec elle et le soir, mon père me récupérait parce que c'était aussi ses horaires. Mais bon, là, ça a changé, mais heu... ça fait à peu près 5 ans maintenant, il y avait un train le matin pour aller à Paris, donc il ne fallait pas le louper, après, c'était terminé, et un train le soir, donc, c'était assez... il fallait jongler, quoi, après, j'étais dans le public, donc, je ne finissais pas tard, mais je me serais mal vu dans le priÎ quand même, parce qu'il y avait un train, je crois que c'était 5... 5 h 45, après, c'est fini, quoi, c'était un peu compliqué. Enfin, mais je sais que ça a changé parce que là, il y en a un toutes les heures, donc ça... Et donc, au bout de 8 mois de faire les allers-retours, dans le cadre de mon boulot, je me suis rendu compte qu'on pouvait avoir une aide au logement et donc, je... j'ai atterri ici [à Paris], voilà » Claire, 27 ans, en couple, vit à Paris (HLM), a Îcu à Lorrez-le-Bocage (location priÎe) pendant 1 an puis est retournée vivre à Egreville (chez ses parents) pendant 8 mois. Une autre raison de la relocalisation et sa progressivité tient à l'offre de logements disponibles. Compte tenu de leur âge et de leur étape dans leur cycle de vie, ces ménages, célibataires ou en couple, sont modestes par construction. On se doute qu'ils ne le resteront pas toute leur vie mais, en l'état actuel, leurs ressources ne leur permettent pas forcément de se loger dans des territoires périurbains dépendantes de l'automobile où les logements sont grands et plus rares à la location. Les propriétaires préfèrent louer à des ménages avec enfants plutôt qu'un jeune couple qui n'est pas sûr de rester. Charline et son compagnon avaient contourné ce problème en proposant une colocation à leur ancien bailleur. Originaires tous les deux de Bellefon, au nord-est de Dijon, où ils ont grandi, ils 62 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale ont pris leur autonomie en s'installant à Asnières-lès-Dijon à quelques kilomètres de là : « je n'ai pas fait beaucoup de route, j'ai juste traversé la nationale » ironise d'ailleurs Charline. Leur particularité est qu'ils se sont d'abord installés en colocation pour payer moins cher tout en restant à proximité de Bellefon. Mais l'arrangement n'a pas fait long feu pour des raisons là encore financières: « Donc, on a fait un an en colocation dans une maison. Là, c'était un corps de ferme qui a été recoupé en trois. Donc, la maison jumelée, quoi, entre guillemets... toujours avec jardin, une vue magnifique, j'étais souvent derrière et puis toujours, ben, c'est vrai que l'esprit village, la proximité avec les champs, c'est vraiment, là, j'ai vraiment apprécié aussi. Bon, c'est le même type de village, un petit plus dynamique... un petit plus développé, je dirais, Asnières, il y a plus de commerces. A Bellefon, en commerce, il y a un bar, c'est tout. Sur Asnières, il y a un bar, il y a une boulangerie... il y a un pépiniériste, il y a... comment... une coopérative, il vend des légumes, etc., des produits de ferme et puis jusqu'à il n'y a pas longtemps, il y avait une petite boutique de fruits et légumes qui a fermé. Donc, visiblement, c'est un coiffeur qui va se mettre à la place. Donc, un village un peu plus dynamique, quoi, voilà. Un petit peu plus grand aussi, je crois. Mais toujours... toujours très sympa. On avait des voisins, vraiment génial... c'était vraiment sympa, quoi. Donc, moi, c'est vrai que j'appréciais beaucoup la campagne de par la population, mais aussi le fait... d'être au calme parce que c'est vraiment... ah, ah ! [...] Et puis, bon, on a la proximité avec les champs. On veut aller se promener avec les chiens, ben, on est à côté. On veut se promener tout court, on est à côté, on est vraiment... ce village d'Asnières étant à côté de Bellefon... c'est des villages qui sont tous intéressants, parce que vraiment très proches de la ville. C'est vrai que... bon, moi, j'étais au lycée en face, je mettais, allez, un quart d'heure, 20 minutes à venir, quoi. [...] Et puis, donc, en septembre 2010, donc, on a arrêté la... la colocation pour des raisons financières. Parce que l'un d'entre nous qui a... qui a eu un accident du travail, qui n'arrivait pas à se faire payer, etc., donc, soucis d'argent, donc forcément, quand on est 4 à payer et qu'on se retrouve à 3, ça va moins bien. Donc, sur une idée de tarif, on était à 900 de loyer pour la maison. Pour une maison, on avait 130 m² [...] Ah oui. C'était vraiment... on a eu vraiment de la chance parce que c'est le genre de maison en général, en colocation, ils ne lâchent pas trop, et c'est vrai qu'on a rencontré directement la propriétaire, et ben, l'agence n'a rien pu dire, quoi. Donc, vraiment de la chance parce que c'était vraiment une très, très belle maison. Ah, ah ! » Pour Charline et son ami, il est important de constater qu'ils sont restés vivre dans une commune dépendante de l'automobile tout en ayant l'impression de vivre une dépendance moindre par la présence de quelques commerces supplémentaires. Pour eux, la ville, Dijon, est très proche et son accès n'est donc pas compliqué. Cependant, ils dépendent toujours de la voiture ou tout autre mode motorisé individuel comme la moto (ils en ont une tous les deux). Ils n'envisagent d'ailleurs pas de se déplacer autrement encore aujourd'hui. Le choix de Dijon a été en partie le résultat d'un calcul de leurs dépenses mensuelles en incluant les frais liés à leurs déplacements. Ces derniers étant moindres en vivant à Dijon, ils ont décidé de s'y installer. Aujourd'hui, Charline a fini ses études en alternance (à Nevers) et gagne un salaire complet en tant que collaboratrice en assurances. Ce gain en termes de niveau de vie leur permet de moins compter leurs déplacements, d'aller plus souvent sur Bellefon où sont encore localisés leurs familles et leurs amis. Le partage d'une culture habitante 63 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale au sein du couple et la volonté de rester à proximité des siens amènent donc à des choix de localisation intermédiaire, c'est-à-dire à une localisation périurbaine mais perçue comme moins dépendante. Ainsi, Nastassia et son conjoint, après plusieurs expériences malheureuses sur Paris (17e) ou en proche banlieue (Asnières-sur-Seine) ont emménagé à Ozoir-la-Ferrière car « Ben, on s'est dit « Ozoir » parce que Ozoir, il y a la gare. C'est... la ville la plus proche de chez nos... deux parents... respectifs. ». Après avoir tenté une localisation plus urbaine, la distance à leurs proches a conduit des gens comme Nastassia à se relocaliser mais toujours à proximité d'un mode de déplacement alternatif à la voiture. Cependant, ils n'utilisent pas tous les deux le RER : seule Nastassia l'utilise pour se rendre à son entreprise située à Marne-la-Vallée, son conjoint préférant utiliser sa voiture pour se rendre à Bondoufle, de l'autre côté de Paris. Parce qu'ils partagent une même culture habitante ou un penchant affirmé pour le périurbain et les représentations qui y sont associées (campagne, calme, sécurité, famille), Charline, Ludivine, Séverine P., Nastassia ou Redouane n'ont pu adopter des localisations moins dépendantes et plus urbaines que progressivement, graduellement. Pour les 5 ménages (un peu moins pour Charline mais tout de même à travers le calcul des coûts mensuels), la dépendance automobile est devenue une contrainte importante à l'usage, à force d'expérimenter la pénibilité des déplacements nécessaires pour se rendre à leur travail, faire les courses, etc. Cependant, parmi eux, certains aspirent toujours habiter un jour une maison en périphérie, dans la mesure où les navettes quotidiennes seraient supportables. La progressivité de la relocalisation vers moins de dépendance n'est pas obserÎe pour tous les ménages. Pour les célibataires, la dépendance automobile Îcue, voire subie, joue un rôle moteur dans la volonté de quitter des territoires périurbains où vivent encore leurs propres parents. Laurence B., 22 ans, vit à Paris où elle travaille en tant que vendeuse et fait ses études de commerces. Sa propre expérience et celle de ses parents à Nanteuil-lès-Meaux fait en sorte qu'elle souhaite plutôt rester vivre, au moins pendant qu'elle est jeune, dans une localisation urbaine et hypercentrale comme Paris ou à proximité de cette dernière : « À Paris. Déjà, je dors plus... je dors plus et ça, c'est super important, je ne fais plus... je ne suis plus serrée dans le train heu... de Meaux - Gare de l'Est, parce que ce train-là le matin, il est horrible. [...] Eux [ses parents], dès qu'ils rentraient du travail, leur but, c'était d'aller se poser à la maison, alors que moi, je cherchais toujours à partir après les cours, le mercredi, le week-end, oui, moi, c'était tout le contraire et à chaque fois que je demandais à mon père « tu peux me déposer sur Paris quand tu vas travailler », il me disait « mais qu'est-ce que tu... enfin..., tu n'en as pas marre, c'est tout le temps... il y a tout le temps du bruit à Paris ». J'aime bien, ça bouge, il y a des gens, enfin, il y a de l'ambiance, quoi, je lui disais « j'ai envie de m'acheter une paire de baskets », à Meaux, le lundi je ne peux pas parce que tout est fermé, à 18 h, il n'y a plus rien, enfin, même, il n'y a pas de choix, il n'y a pas de magasins, il y a une rue piétonne et heu... il y a quoi... il y a... il n'y a rien... il n'y a rien... il y a un Sephora, donc, pour s'habiller, 64 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale c'est pas top, quoi, et c'est tout, donc voilà. C'était surtout le fait d'avoir tout à côté... tout à porter de... enfin, tout à disposition, le transport... [...] C'est par rapport au prix, quoi, moi, j'essaie... j'essaie de... de me renseigner quand même, voir si c'est possible d'avoir un appart toute seule sur Paris et heu... avec le salaire que j'ai, mais c'est... pff... c'est dur à trouver, bon, je ne suis pas en recherche non plus, mais heu... C'est vrai quand je vois des annonces ou des trucs, j'essaie de regarder, et si... si je ne trouve pas... enfin, plus tard, après l'école, si je ne trouve pas un appart toute seule, je suis prête à revenir sur Meaux juste à côté de la gare, comme là, pour pouvoir quand même être toute seule. Mais c'est vrai que... je le dis, mais vraiment comme ça... parce que... parce que maintenant, je suis habitué à l'ambiance de Paris, j'aime bien sortir quand j'ai envie, savoir que tout est toujours ouvert donc, voilà. [...] Ben, moi, c'est surtout pour les frais, mais... c'est vrai que j'ai voulu habiter sur Paris, c'est plus pour être proche de tout que pour heu... que pour heu... enfin, c'est plus pour l'ambiance et tout, que pour le transport, ça, ça ne me dérange pas d'être ici et d'aller sur Paris. Pour ça, je l'ai toujours compris parce qu'en fait, pour moi, c'était normal parce que mes parents le faisaient tous les matins, heu... même ici, les gens, ils vont tous... tout le monde fait ça, tous les gens de Meaux, enfin, je pense que, je dis peut-être n'importe quoi, mais je suis sûre que presque plus de 50 % des gens qui habitent à Meaux travaillent sur Paris, tout le monde le matin avec sa mallette... va prendre le train heu... Enfin, c'est vraiment le train blindé, quoi, donc, pour moi, c'est normal, même je fais beaucoup... [...] Humm. Non, non. Non, mais je ne veux pas compter sur une voiture pour, enfin... pff... je suis trop souvent en panne... enfin... quand on est toute seule, c'est vraiment chiant, parce que moi, ma mère, quand elle était en panne, mon père, il venait la chercher n'importe où elle était, mais bon... moi... enfin, j'ai toujours peur... de tomber en panne ou de... Donc, je préfère vraiment être à côté des transports, être libre de vouloir prendre ma voiture ou non, parce que là, j'aimerais bien m'acheter une petite voiture... parce que des fois... je n'aime pas rentrer tard toute seule, mais bon, je ne le fais pas parce que je ne saurais pas où la garer, etc. Mais non, en fait... ce qui... ce qui... me déplaisait vraiment ici, c'était Nanteuil, quoi, le fait d'avoir un bus, là, ici, ça va, voilà, après, il y a encore mieux là-bas. » Ces différents extraits pointent en quoi il est difficile de vivre dans une localisation dépendante de l'automobile. Attirée par Paris et ses activités, Laurence a fini par y vivre. Elle souhaiterait idéalement y rester mais ses revenus l'en empêchent. De même, elle n'envisage pas d'y élever des enfants. Même si ardemment souhaitée, l'urbain et plus précisément Paris sont avant tout des localisations propices à une étape de la vie : celle où on n'a pas encore d'enfants. On notera que la pénibilité des transports (le train bondé) ou le fait de dépendre d'autrui (ses parents) pour se déplacer ont conduit Laurence B. à préférer une destination moins dépendante de l'automobile. Si elle n'envisage pas de rester sur Paris par réalisme économique, elle entend plutôt habiter une ville comme Meaux, certes 65 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale moins animée que Paris mais plus propice à la verdure et où des alternatives modales à la voiture sont présentes pour se déplacer. Pour les jeunes couples, le décalage dans les cultures habitantes peut conduire une personne issue de ce périurbain à y renoncer plus définitivement. Avoir un conjoint natif de l'urbain ou dégouté du périurbain dépendant conduit à adopter un mode de vie et d'habiter plus urbain. Le refus d'une telle dépendance tient d'abord au fait que le conjoint dont la culture habitante n'est pas compatible ne dispose pas des instruments nécessaires pour faire face à la dépendance automobile, à savoir le permis. C'est notamment le cas d'Abdel (29 ans, 1 enfant) dont la femme n'a pas le permis. Elle a essayé de le passer plusieurs fois mais n'en a jamais eu besoin car elle a grandi à Bonneuil-sur-Marne (94), commune où se trouvent commerces et transports. Abdel et sa femme désirent acheter mais ne souhaitent pas s'éloigner de la petite couronne justement à cause des transports et du fait qu'ils travaillent tous les deux dans Paris. Claire (27 ans) est dans un cas de figure analogue : son conjoint n'a pas le permis car il a grandi dans Paris et n'a jamais éprouÎ le besoin de le passer. L'absence de permis est fortement liée à une volonté de rester habiter dans de l'urbain : « Mon ami, il a 29 ans, il n'est toujours pas Îhiculé parce que lui, il était en banlieue, il a toujours pris les transports. [...] Mon ami, lui, il est ville, ville. Il n'est pas du tout campagne. Ce n'est pas son truc, il n'a pas le permis... Enfin il n'a pas été éleÎ à la campagne. De toute manière quand on va chez mes parents [à Egreville], il s'embête, il ne reste pas 3 heures dans le jardin. » Claire, 27 ans, en couple, vit à Paris (HLM), a Îcu à Lorrez-le-Bocage (location priÎe) pendant 1 an et à Egreville (chez ses parents). En dehors de la question pratique de l'outillage nécessaire (nous avons vu que des personnes sans permis étaient tout à fait capables d'y résider), l'absence d'alternative pratique à la voiture, à savoir les transports collectifs, fait aussi office de repoussoir. Les personnes concernées refusent de vivre sans les modes de transports qui leur procurent une autonomie de déplacements. Une telle volonté alliée à des opportunités d'un logement dans une localisation plus centrale et à moindre coût (HLM) conduit alors l'autre partie du ménage, celle qui a Îcu dans les territoires périurbains dépendants de l'automobile, à adopter un autre regard sur les territoires dans lequel il a Îcu et où il aurait aimé rester initialement. Claire le reconnaît : « Au début, c'était un peu dur [de s'installer à Paris], mais finalement aujourd'hui j'aurai du mal à retourner en campagne. [...] Avant j'aurai voulu être à 5 km de mes parents. [...] Je préfère être là [à Paris]. Egreville, maintenant c'est fini. Alors que je n'aurai pas dit ça. Mais mon ami, lui, a été éleÎ à Paris jusqu'à ses 15 ans, dans le 12e. Il n'a pas du tout la même image que moi de l'enfance à Paris. Moi, je voyais plus le côté jardin, lui il me dit « tu ne restes pas enfermé, il y a des parcs, on visitait plein de musées ». Finalement je pense que j'arriverai à élever mes enfants ici, alors qu'il y a 1 an en arrière, je n'aurais pas dit ça. [...] J'aurai rencontré quelqu'un de la campagne, j'y serai restée, quoi, c'est bête à dire. Oui je travaillerai sur Paris et je ferais sûrement les aller-retour ». La perception négative de la dépendance automobile et de ses territoires peut être aussi antérieure à la mise en couple en fonction de sa propre expérience ou de celle de son réseau familial, plus particulièrement ses parents. Dans ce cas, la mise en couple ne fait que la renforcer. S'il désire accéder à la propriété, Adbel ne souhaite pas pour autant s'éloigner. Il est important pour lui de rester à proximité des transports. Il l'a mal Îcu et ne souhaite pas le revivre. En plus, il ne 66 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale souhaite pas que sa femme soit trop dépendante de lui pour se déplacer. Sa mère n'a pas le permis et, vivant à Dammartin, elle est fortement dépendante de son mari ou de ses enfants pour se déplacer. Au final, quitter le domicile parental localisé dans un territoire dépendant de l'automobile ou s'en éloigner participe à une relocalisation plus ou moins progressive vers des territoires moins périurbains du fait du Îcu de cette dépendance et de ses conséquences (pénibilité et coût des déplacements). Le référentiel parental est multiple. Il est un repoussoir (« on ne veut pas subir ce qu'ils ont subi ») ou un modèle (« ils sont partis, nous n'avons pas de raisons d'y rester »). Le terme de repoussoir ne doit pas non plus faire croire qu'il y a des antagonismes entre les individus et leurs parents. Leur expérience et leur Îcu sont vus comme aux antipodes des projets de vie ou d'une phase dans leur cycle de vie envisagés par leurs enfants. De même, le modèle parental d'habiter périurbain peut jouer dans un sens comme dans l'autre : modèle ou repoussoir. Un moindre degré de dépendance à l'automobile peut être Îcu comme temporaire, le temps de se mettre en couple, de pouvoir accéder à la propriété et de retourner vivre à la campagne, comme ses parents. De ce fait, ces deux référentiels, le repoussoir et la reproduction, se rencontrent en chacun. Ils représentent la dualité permanente entre la volonté d'une homogamie sociale (« faire pareil que ses parents ») et résidentielle tout en faisant mieux (« faire mieux que ses parents ») et en accord avec l'idéal ou l'illusion d'une identité propre et singulière (« faire pour moi en tant qu'être différent »). Si les mouvements résidentiels précédents étaient liés au cycle de vie des personnes, à ses évolutions et à ses bifurcations, les affres de la dépendance automobile ressortent très fréquemment dans leurs discours. Si cette dépendance n'est pas ou peu prise en compte au moment de l'installation, elle ressort beaucoup plus nettement dans le choix de quitter ces territoires. Pour plusieurs ménages, la difficulté à vivre dans ces territoires est telle qu'elle provoque un mouvement résidentiel vers des territoires moins dépendants indépendamment des évolutions ou bifurcations de leur cycle de vie. Dans ce cas, la dépendance automobile et les coûts des déplacements engendrés par cette dernière participent clairement à motiver le départ. Par coûts sont désignés les coûts économiques (dépenses liées à la voiture, à son fonctionnement et à son entretien) ainsi que la pénibilité des déplacements associée à la dimension incontournable de l'automobile ou de modes de transports motorisés individuels. 3. Quitter le périurbain dépendant de l'automobile ou le signe plus profond d'un désenchantement du « tout automobile » 67 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale 3.1. Le rôle moteur de la pénibilité des déplacements dans le choix de quitter un territoire dépendant de l'automobile Comme il a été vu précédemment, le choix d'un territoire indépendant de l'automobile est souvent lié à des considérations relatives aux transports, à leur pénibilité, à leurs coûts financiers. Si la relocalisation est progressive, les individus reconnaissent après coup le gain effectué en la matière. Dans de nombreux cas, l'objectif exprimé a clairement été de se rapprocher de leur lieu de travail situé dans des localisations plus centrales et moins dépendantes et/ou d'aménités urbaines qui permettent de se passer facilement de la voiture dans la vie de tous les jours. Le déménagement est donc doublement motiÎ par la dépendance automobile. Il est d'abord la résultante de la dépendance automobile envisagée comme absence d'alternative modale à la voiture (Coutard et al. 2002; Dupuy 1999). Il est ensuite lié à l'absence de commerces et de services dans la commune de résidence (Motte-Baumvol 2007). Dans le premier cas, se déplacer pour se rendre à son travail se réÏle coûteux à la fois en temps, en argent et en fatigue physique (bouchons en voiture, rames bondés en train, etc.) (Le Breton 2008). La pénibilité est d'autant plus vive que les ménages rencontrés sont modestes et présentent des horaires de travail dits atypiques (nuit, décalés, etc.). Leurs horaires de travail les empêchent de recourir à des alternatives modales comme les transports collectifs (modulo une partie du trajet en voiture). La pénibilité des déplacements est alors plus importante encore car ces horaires atypiques ne leur garantissent pas forcément d'éviter les encombrements sur la route. Ces encombrements sont d'autant plus difficiles à éviter que la grande majorité des personnes rencontrées avaient des lieux de travail localisés dans le centre de l'agglomération (Paris et la petite couronne ; Dijon et ses communes limitrophes). Avoir un mode de vie réellement périurbain (résider dans le périurbain dépendant, travailler et/ou faire ses activités dans des territoires plus denses) participerait alors à la pénibilité des déplacements automobiles pour les ménages modestes. « Mais ce qui me posait vraiment problème, c'est au niveau de la distance, quoi, c'est-à-dire que je mettais à peu près 3/4 d'heures, quoi, euh... c'était lourd, quoi. Le soir à la rigueur, j'étais frais mais le matin, quand il fallait que je prenne la route, quoi, c'était fatiguant. Donc, ça, au bout d'un moment... [...] Ce n'est pas du tout mon délire, quoi, à la rigueur je préfère être malgré moi, enfin, un pollueur, quoi, plutôt que de prendre le RER, je n'aime pas trop les transports en commun, je ne suis pas trop fan. Ben, c'est la population, quoi, disons que c'est... je compare à la voiture, quoi, on est dans son habitacle, on met la musique qu'on veut on est, entre guillemets, libre d'avoir le rythme qu'on a, quoi, tandis que le RER, on est là, speed, les horaires et tout, et puis une fois qu'on arrive là-bas, il faut marcher un petit peu, c'est ça, les bus et tout... HUMM, ÇA AURAIT PEUT-ETRE ETE MOINS FATIGANT DU COUP, POUR FAIRE LE TRAJET ? Moins fatigant, je ne sais pas parce que le problème, c'est que c'est vraiment au niveau... timing, quoi, c'est-à-dire le stress, en fait, ça rajoute du stress, c'est-à-dire, il faut qu'on se dépêche pour prendre le RER, faut qu'on voit les horaires euh... arriÎ sur place, pareil, enfin on n'est pas couché très tôt, quoi. Tandis que le Îhicule permet d'aller d'une porte à l'autre, quoi. Donc, c'est plus direct... mais ça aurait été aussi beaucoup plus économique parce que j'avais les transports gratuits et ça m'aurait permis de faire pas mal d'économies. 68 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale ET VOUS AVEZ FAIT LE CHOIX EN FAIT, ET ÇA REPRESENTAIT A PEU PRES COMBIEN, VOTRE BUDGET VOITURE ? C'était énorme. Ben, je faisais pratiquement un plein toutes les deux semaines, ça fait 120... à peu près 150 voire même un petit peu plus par mois rien que pour les petits déplacements entre le boulot et... Donc, c'était quand même conséquent donc... mais voilà, le point négatif, c'était la distance, quoi. Distance et puis un petit peu aussi au niveau sortie, quoi, ce n'était pas évident parce que...Bon, moi, j'étais Îhiculé, donc ce n'était pas un problème, mais disons que si je voulais sortir sur Paris, enfin sur Maincy, déjà, ce n'était même pas la peine, il fallait l'oublier ça, quoi, mais sur Paris, oui, le trajet, après.... » Redouane, 27 ans, gardien de la paix à Paris (13e), célibataire, sans enfant, vit à Paris (HLM) depuis 2008, a Îcy à Maincy (location priÎe) de 2005 à 2008. « Le problème que l'on ne rencontre pas à Paris, enfin, on s'en fiche de savoir à quelle heure on termine, à quelle heure on finit, il y a toujours un taxi, c'est jamais hyper cher, enfin, j'imagine qu'en tant qu'étudiant, ça doit être un peu plus cher, mais... enfin, il y a les Noctambus, enfin, il y a toujours un moyen de rentrer chez soi... sans trop se prendre la tête, quoi. En banlieue, on n'a pas tellement le choix, on est obligé d'avoir une voiture. Si on veut aller de banlieue à banlieue, c'est aussi... c'est épique, quoi. Il faut passer par Paris, pour revenir sur la banlieue, enfin, c'est... » Danielle, 36 ans, formatrice en assurance à Puteaux, en couple, sans enfant, vit à Paris 19e (propriétaire) depuis 2010, a Îcu à Villevaudé (propriétaire) de 2005 à 2010. « Mais ce n'est pas du tout la même chose, Gouvernes c'est un petit village... où il y a beaucoup de paysans... et c'est très mal desservi au niveau des transports en commun [...] Et donc après, j'ai fait une demande à la préfecture de police pour avoir un appartement pour me rapprocher de mon travail, parce que je mettais 1 heure, 1 h 30 pour aller travailler, aller, donc, la même chose au retour ! [...] Humm... des fois ça roulait, des fois ça ne roulait pas... la A4, le matin, c'est un peu... aléatoire... des fois, ça roule comme dans du beurre et vous arrivez, nickel. Et comme j'ai des horaires un peu atypiques... des fois, ben, je tombais dans les bouchons, surtout le soir quand je rentrais, quand je finissais... parce qu'avant, j'étais en cycle... 4 jours de travail, 2 jours de repos, mais je faisais 4 matinées ou 4 après-midis. Donc, quand j'étais du matin, je commençais à 6 h 30 jusqu'à 15 h, et à 15 h, quand vous prenez le périph, ben... vous rentrez chez vous, il est 4 h 30, 5 h. Donc... ça fait une peu... un peu beaucoup, quoi. Et les transports, c'est ça qui me cassait le plus parce que j'étais... je dormais dedans. Donc après, quand j'arrivais, j'étais lessiÎe, donc après, je me suis dit : « non, c'est bon » et puis là, d'ici, même en bus... en bus et en métro, j'y suis en... allez, on va dire en 15 minutes maximum. » Christelle, 34 ans, gardien de la paix à Paris (16e), en couple, 1 fils de 13 ans (issu d'une précédente union et qui vit avec ses grands-parents), vit à Boulogne (HLM) depuis 2009, a Îcu à Gouvernes (location priÎe) de 2004 à 2009. 69 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale « Et puis moi j'ai pris un appartement à moi, à St Colombe aussi en 2005. J'ai rencontré mon ex-compagnon là-bas. On y est resté trois ans à peu près pour ensuite aménager à Boulogne et de Boulogne j'ai emménagé ici. ET POURQUOI A BOULOGNE ? Pour le travail, car là-bas, les transports, c'est deux heures minimums et il y a toujours des retards, ça marche pas très bien, quoi mais sinon c'est plus pour le transport car le cadre de vie euh..c'est bien là-bas (rire).» Nelly, 26 ans, secrétaire en intérim, célibataire, 1 fils de 14 mois, vit à Ivry-sur-Seine (HLM) depuis 2010, a Îcu à Sainte-Colombe (location priÎe) de 2005 à 2008. « Il y avait 2 heures de transport [pour aller sur Paris], il fallait trouver déjà, demander à une de mes filles qui vienne qui nous emmène en voiture, ou quelqu'un qui nous dépose en voiture à la gare ou au car, parce qu'il y avait un car de Maincy à Melun, il y avait quoi ? 8 kilomètres, 7 kilomètres... euh... non, donc, du coup, on était content de quitter la Seine-et-Marne.» Martine, 61 ans, magasinière au chômage et bientôt à la retraite (ne recherche pas d'emploi), en couple (mais ne vivent pas ensemble), 6 enfants entre 41 et 30 ans, vit avec 2 d'entre eux à Champigny-sur-Marne (HLM) depuis 2004, a Îcu à Maincy (HLM) de 1994 à 2004. La pénibilité est telle qu'elle motive à elle-seule un retour de ménages modestes vers des territoires moins dépendants de l'automobile (urbains notamment) à condition que leurs revenus et/ou leur emploi leur donne accès à des logements privilégiés. Elle est d'autant plus déterminante dans les choix de localisation lorsqu'un éÎnement comme le chômage survient. Martine s'est retrouÎe licenciée pour motif économique de son emploi de magasinier à Vaux-le-Pénil. Avant elle travaillait à Sucy-en-Brie et, lorsque son entrepôt a été délocalisé en Seine-et-Marne, elle avait fait le choix de conserver son emploi. Chef d'une famille monoparentale nombreuse (6 enfants dont 4 qui vivaient encore avec elle), elle ne semblait pas particulièrement attachée à son territoire de résidence et a donc suivi son employeur plutôt que de partir au chômage (Vignal 2005). Elle a donc quitté Chennevières-sur-Marne (94) où elle résidait pour s'installer à Maincy et « pour ne pas faire 1h30 de transport aller ». Comme Martine n'a pas le permis, elle avait quelques difficultés à se déplacer mais ces difficultés étaient finalement supportables tant qu'elle avait son emploi sur place. Un système de covoiturage entre employés qui avaient les mêmes horaires était organisé au sein de l'entreprise. Pour les courses et autres déplacements, Martine reconnaît avoir dû faire appel à la solidarité familiale, à ses enfants : « on n'avait pas de transport, pas de voiture, on dépendait de quelqu'un, moi, je n'ai pas mon permis ». Une fois licenciée, Martine a préféré retourner dans le Val-de-Marne, à Champigny : « on est revenu sur Champigny pour la bonne et unique raison, c'est qu'on s'est retrouÎ au chômage ! La maison a fermé, donc on s'est dit, il n'y a plus rien qui nous attache ici [...]. ». La plupart de ses enfants ayant quitté le domicile parental, elle s'est retrouÎe seule et sans ressources pour faire face à la dépendance automobile de son lieu de résidence. N'étant pas originaire de Maincy, son réseau social local était limité à ses enfants qui ne sont pas restés y vivre quand ils ont décohabité. Plutôt que de passer le permis et d'acheter une voiture, elle a préféré retourner vivre dans le Val-de-Marne, où elle avait la possibilité d'être autonome pour ses déplacements et où elle pouvait accéder à un logement social à prix avantageux. 70 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale L'absence d'emploi et la difficulté à en retrouver sur place sans mode de locomotion autonome incite alors ceux qui vivaient dans le périurbain dépendant de l'automobile parce que leur travail s'y trouvait à retourner vers des localisations moins dépendantes de l'automobile, d'autant plus lorsqu'ils sont issus de territoires peu dépendants. Dans le chantier 1, nous avons vu que ces emplois (ouvriers pour beaucoup) étaient plus proches des territoires investigués. Les ménages restent dans ces territoires car leur ancrage familial local (Vignal 2005; Coutard et al. 2002) leur permet de compenser la dépendance automobile. Martine n'avait aucun réseau présent pour compenser et a donc tout naturellement choisi de revenir dans un territoire moins dépendant où elle n'aurait plus à être dépendante de l'automobile et de ceux qui peuvent la conduire. Ce choix était d'autant plus important que, se retrouvant inoccupée, elle a pu mesurer pleinement la difficulté à entreprendre des déplacements pour effectuer la moindre activité (aller se ballader dans Paris, faire des formalités, etc.). Au-delà de la pénibilité ressentie des déplacements et de leurs coûts, l'autre aspect de la dépendance automobile renvoie à l'accessibilité à des commerces et des services. Si les communes considérées ne sont pas desservies par les transports collectifs et ne présentent donc pas une alternative modale à la voiture pour effectuer de longues distances, elles ont été aussi étudiées pour leur absence de commerces et de services accessibles au moins à pied. Pour plusieurs personnes rencontrées, cette absence est perçue comme un isolement qui devient insupportable et nécessite une relocalisation vers plus d'aménités et donc plus d'urbanité. « Beaucoup transport, et aussi le fait est, que je m'ennuyais, en grande banlieue je m'ennuie. Je sais pas, y a, euh, je comprends complètement qu'il y ait des gens qui préférent faire une heure et demie de transport le matin et une heure et demie de transport le soir pour être à la campagne. Mais moi non, et y a pas que ça, il y a aussi le fait que j'ai, j'ai tendance à dire que j'aime bien être au centre du monde, je sais pas comment expliquer. Je comprends aussi qu'on soit stressé de vivre à Paris car regardez hier, j'étais coincé dans le rer, tout ça mais en même temps, si j'ai pas cette activité-là, je m'ennuie. Après j'aimerai bien que le RER arrive à l'heure tout ça, c'est pas qui me plaît, mais j'ai besoin que ça bouge, de ne pas me dire, mon Dieu, je suis isolée, c'est psychologique, heuin, je sais pas mais si j'ai rendez-vous avec une amie on se dit à bah tiens dans 20 min je suis à Opéra, ou je sais pas comment expliquer. » Edwige, 45 ans, pigiste à mi-temps, divorcée, 1 fils de 5 ans (issu d'une union après son divorce), vit à Vincennes (propriétaire) depuis 2004, a Îcu à Soignolles puis à Emerainville avec son ex-mari (propriétaires) jusqu'en 2003 (ils ont divorcé 1 an après leur retour). « Oui, c'était parce qu'on n'avait plus rien à faire en HLM, hein... on avait des revenus qui nous permettaient enfin de partir du HLM, on voulait un pavillon pour nos filles, un autre cadre de vie parce que bon, là où on vivait, ça s'est dégradé... [...] À Champ sur Marne. Donc... on voulait partir tout en restant proche de la famille. Parce que moi, j'ai toute ma famille ici, donc... on ne voulait pas trop partir loin. Enfin... Favières, on a eu un coup de coeur au départ. Normal, ben, ça nous changeait du béton, hein... c'était la campagne et puis... et puis au final, 71 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale les premières années ont été bien pour moi, au début, hein. Je veux dire, les deux premières années, ça va, je me sentais bien et puis après, non, je ne me sentais plus bien parce que c'était complètement isolé. [...] Donc, au début, c'était sympa et puis après, c'est devenu... après, l'isolement, c'était... même pour les enfants parce que la grande a grandi, et ben il n'y a pas d'activité. Il n'y a rien à faire... et puis c'est désert, hein, parce qu'en fait, les enfants, il n'y en a pas beaucoup dans les rues. De toute façon, il n'y a rien à faire là-bas, ce n'est qu'une rue, donc... HUMM. À PARTIR DE QUAND VOUS AVEZ CHANGE DE POINT DE VUE, FINALEMENT ? Ben, 2 ans après. Ça ne faisait que 2 ans que j'étais sur place et là, j'ai commencé à me dire : « non, ce n'est pas une vie, quoi ». [...] Ben pour moi... moi, peut-être que... moi seule sans enfant, j'y serais restée parce que le calme, tout ça, c'est bien, mais j'ai... mais c'est quand j'ai vue ma fille, la grande grandir... grandir, l'adolescence et elle était là à ne rien faire. Je me suis dit, ben, « elle ne peut pas aller avec ses autres amis », enfin, dans la rue, il n'y avait qu'une amie qui était avec elle au collège, enfin, bon, c'était restreint, mais bon. Ne serait-ce que d'aller au cinéma ou... enfin, faire des activités, des loisirs, des... culturels tout ça... c'est elle qui m'a... j'ai dit : « non, ce n'est pas possible. » [...] Donc, c'est la grande qui m'a... le facteur déclencheur, je me suis dit : « voilà, quoi, si jamais demain je tombe en panne de voiture, alors là, je suis isolée de tout ». » Samia, 42 ans, secrétaire à mi-temps à Favières, en couple (divorcée par ailleurs), 2 filles de 19 et 14 ans, vit à Serris (HLM) depuis 2007, a Îcu à Favières de 2001 à 2007. « C'était drôle parce que j'ai habité pendant 20... pendant plus de 20 ans à Noisiel, donc habituée à avoir tout à portée de main, c'est-à-dire un petit centre commercial, vous prenez 2 stations de RER, vous y êtes... sortir à droite à gauche... vous avez toujours quelque chose à proximité, alors qu'à Gouvernes, vous arrivez, il n'y a quasiment rien, il y a une boulangerie, il y a un garage, il n'y a pas grand-chose, quoi. Donc, ça été un peu difficile et puis, d'être un peu... même si on avait la voiture... enfin, lui, avait la voiture, on était un peu loin de ma grand-mère qui était encore là... et... ben, de sa famille à lui parce que sa famille habitait... enfin, habite toujours à Noisiel. C'est vrai que ce n'était pas... on était plus souvent à Noisiel que chez nous. Ben, chez nous, on ne rentrait que, quasiment que pour dormir, quoi. » Christelle, 34 ans, gardien de la paix à Paris (16e), en couple, 1 fils de 13 ans (issu d'une précédente union et qui vit avec ses grands-parents), vit à Boulogne (HLM) depuis 2009, a Îcu à Gouvernes (location priÎe) de 2004 à 2009. « Oui, 2004, oui, c'est ça. Et là, on a trouÎ... une petite maison... près de chez mes parents, parce que là... Là, en fait, c'est toujours pareil, j'avais enfin accepté de faire le trajet, mais je voulais quand même que ma fille... ne soit pas laissée à l'abandon. Mes parents ont repris le relais, ben, de la garde. Mais c'était une petite maison... qui était loin de tout. Loin des écoles, loin de la gare et c'était la période où les trains avaient toujours un problème. ET C'ETAIT QUOI COMME COMMUNE ? C'était à Pommeuse, enfin... à Saint-Augustin. C'était limite le... 72 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale LE VILLAGE A COTE, QUOI ? Voilà, un village à côté. Ce n'était quand même pas loin de chez mes parents, voilà. Et puis en fait, j'ai dit : « Mais ce n'est pas vrai ! Il n'y a rien, pas de commerce... » Et puis moi... moi, je voulais vivre à la campagne, mais dans une ville, toujours vivre à la campagne, mais dans une ville, avoir tout à côté. [...] Des commerces, mais pas... mais pas de transports, donc... En fait, c'est le mot village qui ne doit pas me plaire. Il faut que ça reste une ville, quand même. COMMENT VOUS LA DEFINISSEZ, LA DIFFERENCE ENTRE VILLAGE ET VILLE ? Pour moi, un village... c'est un petit centre-ville riquiqui où il y a un minimum de commerces... avec des maisons autour. Alors qu'une ville, on a tout ce qu'il faut, on a plusieurs boutiques de Ðtements, on a... une poissonnerie, on a... je ne sais pas... plusieurs coiffeurs, la Poste, des pharmacies. Enfin, on a le choix, quoi. » Sylvie, 47 ans, documentaliste dans une banque à Paris, mariée, 2 enfants de 19 et 13 ans, vit à Coulommiers (location priÎe) depuis 2007, a Îcu à Pommeuse (location priÎe) de 2004 à 2007. L'absence de services, de commerces ou d'activités dans la commune ou à proximité piétonne du domicile (les communes peuvent être étendues) rend difficile la vie exclusivement dans ces communes. La prise de conscience est plus ou moins longue. Elle est d'abord liée à la façon dont les individus avaient anticipé le degré de dépendance du territoire dans lequel ils se sont installés (Sylvie, Christine). Elle est aussi déterminée par la composition du foyer et l'exposition aux affres de la dépendance automobile de ses membres. Samia s'est rendu compte de son « isolement » à l'adolescence de sa fille aînée, cette dernière devant nécessairement être Îhiculée et ne pouvant se déplacer seule faute d'être en âge d'avoir le permis. Ce rôle de parent taxi a été endossé par Samia par peur que sa fille n'utilise des modes de transport comme un Îlo ou un scooter. De fait, tant que les enfants sont petits, vivre dans un territoire dépendant de l'automobile n'est pas tant problématique en dehors de la gestion des horaires de garde et de leur récupération à l'école. Avec l'adolescence et la quête d'autonomie dans les déplacements qui l'accompagne, la gestion des déplacements au sein de la famille tend à devenir plus complexe. Soit les parents à l'image de Samia décident de revenir dans un territoire moins dépendant, soit les enfants eux-mêmes finiront par se relocaliser pour leurs études ou leurs entrées dans la vie active (Abdel, Nastassia, Claire, les enfants de Martine, etc.). La relocalisation est d'autant plus recherchée que ces ménages sont modestes et n'ont pas forcément les moyens d'assurer les déplacements de l'ensemble de la famille. Abdel a grandi dans une fratrie de 10 frères et soeurs, Nastassia a cohabité avec sa soeur et ses 3 demi-soeurs. Par leur taille, ces ménages disposent forcément de revenus modestes. Dans les deux cas, ces ménages sont monoactifs. Avec un salaire et plusieurs aides sociales, ils ont néanmoins un niveau de vie qui est bas compte tenu du fait qu'ils comptent plus de 3 unités de consommation (au moins 4 pour les parents d'Abdel et 3.1 pour les parents de Nastassia). Les deux ont particulièrement mal Îcu leurs adolescences dans des territoires qui supposaient de redoubler d'inventivité pour s'en extraire car leurs parents ne pouvaient les accompagner (la mère d'Abdel n'avait pas le permis et son père travaillait ; la belle-mère de Nastassia ne pouvait se déplacer facilement avec 3 enfants en bas âge et son père travaillait). A l'inverse, au sein de ménages plus petits (couples), le désir de relocalisation face au Îcu de la dépendance est différemment ressenti d'une personne à l'autre. Christelle ne l'a pas éprouÎ immédiatement alors qu'elle n'avait pas le permis car son ami la conduisait partout, entre autres au 73 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale train pour aller travailler. Pour Edwige, qui travaillait à domicile, l'isolement a été difficile à vivre faute d'avoir le permis. Contrairement à Christelle, elle n'avait pas un travail qui lui permettait de sortir de ce territoire où il n'y avait rien. Cependant; se relocaliser dans l'urbain central, y compris lorsqu'on obtient un HLM, n'est pas pour autant toujours synonyme de confort et parfois si l'on perd en dépendance automobile, sur le plan du logement, le mieux n'est pas toujours au rendez-vous. Aujourd'hui, Christelle vit dans un 2 pièces en assez mauvais état avec son conjoint, la soeur de son conjoint et ses enfants. Au final, si les deux versants de la dépendance automobile (absence d'aménités et coûts au sens large des déplacements) motivent chacun des déménagements vers des territoires moins dépendants, ils se complètent et se renforcent l'un l'autre dans le choix de cette mobilité résidentielle. En effet, plusieurs extraits utilisés pour chacun des versants de la dépendance émanaient des mêmes personnes. Le cas de Séverine Y. illustre particulièrement bien le double impact de la dépendance automobile : « Mon mari, travaillant à Quétigny, il fallait trois quarts d'heure pour aller travailler et revenir. Donc... trois quarts d'heure, ça veut dire que, comme il prenait à 8 h, il partait... ben à 7 h 15. Euh... nous, on dormait à 7 h 15. Il rentrait le soir, donc, il finissait à 17 h... il rentrait, il était 18 h. En plus, le soir, ça roulait encore moins bien que le matin. Et puis, ben à 18 h, il n'avait qu'une seule envie, c'était de se poser et puis être calme... être au calme. Et comme moi, j'étais toute la journée enfermée, etc., j'avais qu'une envie quand il rentrait le soir, c'est de sortir. Donc, ben, c'était remonter dans la voiture vite, et puis partir vite, donc... donc, ben voilà, quoi. On restait dans les magasins jusqu'à 20 h... ben, jusqu'à limite la fermeture parce que c'était le seul moment, on va dire, social, de la... de la journée. Et puis, ben, un jour, j'ai dit : « ben, écoutes, c'est bien gentil tout ça, mais il n'y a plus trop de choix, il faut qu'on bouge, il faut bouger parce que ça ne va pas le faire, quoi. » [...] Et on est passé à un appartement qui est très lumineux parce qu'il y a des baies vitrées partout. Très grand, et formidable pour moi, en centre-ville, avec, ben, 2 systèmes de bus, parce que je n'ai pas de permis. Ce qui fait que ben... pas de vie et pas de contact. Je me suis retrouÎ ben... libre de... de pouvoir partir en pleine journée si j'en avais envie. De prendre mes enfants, de prendre le bus et puis d'aller et venir comme je voulais. » Séverine Y, 33 ans, opératrice en PAO, mariée, 2 garçons de 9 et 8 ans, vit à Dijon (HLM) depuis 2006, a Îcu à Quemigny-Poisot (location priÎe) de 2004 à 2006. Précédemment propriétaires d'un pavillon dans le périurbain nantais, Séverine et son mari Grégory (respectivement originaires de Châtellerault et de Normandie, ils se sont rencontrés à Tours) sont arriÎs sur Dijon pour trouver du travail, Grégory étant au chômage et n'arrivant pas à trouver sur Nantes (Séverine était en congé parental à l'époque). Il a été embauché rapidement et a dû chercher un logement en toute urgence. Vivant dans le périurbain nantais qu'ils appréciaient, ils se sont tout naturellement tournés vers un territoire aux caractéristiques similaires à leur arriÎe dans l'aire urbaine dijonnaise. Cependant, ils n'ont pas Îcu les choses de la même façon. Grégory a goûté à la pénibilité des déplacements pointés plus hauts et Séverine a subi de plein fouet l'isolement également décrit auparavant. Ils ont chacun Îcus les deux aspects de la dépendance automobile et 74 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale ces aspects ont renforcé naturellement leur désir rapide de quitter Quemigny-Poisot. Au final, la dépendance automobile est Îcue par l'ensemble du ménage. L'agrégation des préférences exprimées conduit à accélérer ou à ralentir la relocalisation de tout ou partie du ménage (en cas de divorce ou de décohabitation). Tableau 4 : Statuts d'occupation pendant et après la localisation résidentielle périurbaine et dépendante de l'automobile En italique, les personnes rencontrées en Côte-d'Or. Dans le périurbain dépendant de l'automobile Propriétaire Danielle Edwige Locataire Séverine P. (priÎ) Propriétaire Katarzyna (priÎ) Stéphane (priÎ) Fabienne (priÎ) Séverine Y (priÎ/HLM) Ludivine (priÎ/priÎ) Charline (priÎ/priÎ) Après le périurbain dépendant Locataire Christine (priÎ) Laurent (HLM) Agnès (HLM) Samia (HLM) Julien (priÎ) Isabelle (HLM/HLM) Redouane (priÎ/HLM) Claire (priÎ/HLM) Christelle (priÎ/HLM) Laurence L. (priÎ/HLM) Martine (HLM/HLM) Nelly (priÎ/HLM) Sylvie (priÎ/priÎ) Hébergé Total Patricia 8 15 8 1 31 Stéphane (priÎ) Anita (HLM) Laurence B. (priÎ) Abdel E. (priÎ) Julie (HLM) Nastassia (priÎ) 22 Francine Monique 8 Hébergé Tot. 3.2. Le logement social comme accélérateur de relocalisation vers moins de dépendance La relocalisation est d'autant plus rapide quand les ménages rencontrés n'étaient pas propriétaires dans le périurbain dépendant de l'automobile, ce qui est majoritairement le cas des personnes rencontrées dans le cadre du chantier 2. 23 ménages sur 30 rencontrés n'étaient pas propriétaires lorsqu'ils résidaient dans le périurbain dépendant de l'automobile : 15 étaient locataires et 8 hébergés à titre gratuit. Leur capacité à se relocaliser est plus importante que ceux qui étaient propriétaires car les locataires ne sont pas captifs d'une maison et du statut social qui l'accompagne. Elle l'est d'autant plus que ces ménages ont souvent accès par leurs ressources et leur 75 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale employeur à des logements aidés, en HLM. L'effet d'aubaine est donc déterminant et se cumule avec la dépendance automobile pour emporter la décision d'un déménagement vers plus de centralité. Ainsi, sur les 22 ménages devenus locataires après avoir quitté des territoires périurbains dépendants, 13 sont devenus locataires en HLM et 3 ont disposé d'aides de leur employeur pour trouver une location priÎe (cf. Tableau 4 ci-dessus). Le passage en HLM est d'abord motiÎ par la volonté d'avoir une localisation plus centrale ou mieux desservie. Mais ce ne sont pas là les seuls avantages constatés par les ménages qui en ont bénéficié. Le logement est souvent mieux équipé et en meilleur état du fait qu'il soit géré par un bailleur collectif. Le fait de ne plus avoir à gérer en tant que propriétaires ou à ne pas avoir à composer avec un propriétaire particulier pointilleux et peu arrangeant est vu comme un avantage qui vient nourrir le discours justificatif déployé par nos interviewés. D'autres évoquent le gain en termes de loyers qui s'aÏrent moins éleÎs (à nombre identique de m² ou compte tenu d'avantages supplémentaires comme une place réserÎe de stationnement). « Et puis, ben, on a contacté l'OPAC, euh... qui nous a donné le numéro direct du... du responsable, on va dire à qui j'ai... enfin, avec qui j'ai commencé à parler, j'ai fini par craquer au téléphone en disant que ce n'était plus possible, quoi. Et... il m'a trouÎ, enfin, il nous a trouÎ un logement sous 15 jours. Et là, c'était la première fois que Greg visitait un appartement, donc, sans moi, parce que ça, c'était entre midi et deux et il n'avait pas le temps de revenir de me redéposer, machin truc, etc. Il a pris la décision tout seul et puis on ne l'a pas regretté derrière, quoi. Parce que de 60 m², on est passé à un appartement de 100 m². Nettement mieux. » Séverine Y., 33 ans, opératrice en PAO, mariée, 2 garçons de 9 et 8 ans, vit à Dijon (HLM) depuis 2006, a Îcu à Quemigny-Poisot (location priÎe) de 2004 à 2006. « Alors, je paye beaucoup moins que je payais à Maincy, je paye 550 avec parking. D'ACCORD. ET A MAINCY, VOUS PAYIEZ COMBIEN ? Je payais 600... 100 de plus, je crois, 650, et c'était à peu près la même surface, mais je n'avais pas de parking. Il fallait que j'en prenne un... à part, quoi, et... il n'y avait pas autant qui rentre ici, voilà. » Redouane , 27 ans, gardien de la paix à Paris (13e), célibataire, sans enfant, vit à Paris (HLM) depuis 2008, a Îcu à Maincy (location priÎe) de 2005 à 2008. Ces avantages participent indirectement à la décision de se relocaliser vers des territoires moins dépendants. Si l'arriÎe en HLM peut être vue comme une forme de déclassement au sein des classes moyennes (Damon 2011), notons que les personnes concernées ici le perçoivent comme un avantage, une opportunité, notamment à l'heure où le logement pèse de plus en plus dans le budget des ménages (Bigot et al. 2012). Il peut être procuré soit par l'employeur (public comme priÎ), soit par la connaissance d'un réseau social. Ayant principalement habité dans du locatif en général et du locatif HLM en particulier, les ménages ne perçoivent pas le HLM comme un déclassement mais comme un réajustement logique et opportuniste de leur trajectoire résidentielle. Leurs collègues, d'autres membres de leur famille voir leurs parents y vivent ou y ont Îcu. Les ménages sont 76 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale d'autant plus satisfaits d'obtenir ce type de logement que leur accès au logement est de plus en plus difficile, quelle que soit la localisation (cf. Laurence dans le chantier 1). Dès lors que ces logements ne sont pas situés dans des territoires considérés comme inenvisageables (cités, sans transports, etc.), ils peuvent même être perçus comme un signe positif de distinction. En témoignent les discours des individus sur la façon dont ils ont obtenu ces logements : « Et ben écoutez, ce que j'ai fait, j'ai été assez intelligente, j'avais de contacts ici, je connais... je connaissais les gens du parti communiste. Donc... pas plus communiste que le beurre en tartine, ils m'ont dit : « tu prends une carte », j'ai pris une carte et j'ai insisté et on a eu ce logement très vite parce que... par rapport à ma fille qui est handicapée. Il y avait un logement au rez-de-chaussée qui était libre, on nous a demandé si on le voulait, quand on l'a visité, quand on a vu le coin, on dit : « on le prend tout de suite ». Donc, on a refait toutes les démarches que déjà, c'était pareil, ma fille, elle ne pouvait pas travailler à 9 h le matin parce que l'école là-bas ouvrait à 8 h 45, elle ne pouvait pas commencer à 7 h le matin comme moi, parce qu'il fallait qu'elle attende que l'école ouvre. Elle ne pouvait pas faire des heures supplémentaires le soir ou moi je ne pouvais pas en faire, parce qu'il fallait quelqu'un qui les récupère, il n'y avait pas de transport, on était toujours tributaire de quelqu'un. Donc, on s'est dit : « allez hop, qu'est-ce que tu fais, tu restes là-bas, tu ne restes pas là-bas », ben, elle me dit : « écoutes, je fais comme toi », donc, on a atterri ici. » Martine, 61 ans, magasinière au chômage et bientôt à la retraite (ne recherche pas d'emploi), en couple (mais ne vivent pas ensemble), 6 enfants entre 41 et 30 ans, vit avec 2 d'entre eux à Champigny-sur-Marne (HLM) depuis 2004, a Îcu à Maincy (HLM) de 1994 à 2004. « Au bout de 2 ans, moi, j'ai commencé un peu à réfléchir à tout ça. J'en ai parlé à mon exconjoint qui, lui... qui, lui, était bien, parce que lui, il bossait, il était en permanence en déplacement. Il ne voyait pas vraiment comment on vivait, nous, là, toute la semaine. Pendant les vacances, et puis... et puis au fur et à mesure, j'ai dit : « bon, ben, je vais faire une demande de logement », voilà, puisque si je ne prends pas d'initiative, on va rester là, donc... je vais faire une demande de logement et j'ai fait une demande de logement, préfecture et puis ici, après, sur la commune, puisque que j'avais déjà deux soeurs ici, sur la commune. C'était vraiment la ville la plus proche de là où on était. Donc... j'ai fait le... ça a mis... trois ans... trois ans d'attente. Et puis voilà, quoi, quand on a eu l'appartement et puis entre-temps, ça s'est un peu dégradé, les relations avec leur papa, donc, bon... ça fait qu'après, ben, j'ai pris l'appartement seule. » Samia, 42 ans, secrétaire à mi-temps à Favières, en couple (divorcée par ailleurs), 2 filles de 19 et 14 ans, vit à Serris (HLM) depuis 2007, a Îcu à Favières de 2001 à 2007. Redouane, Laurence L, Claire, Christelle ont mobilisé une énergie similaire pour obtenir leurs logements. Entente avec les locataires précédents, connaissance de personnes à la mairie ou aux services d'admission des dossiers, visites sauvages des lieux ou d'un appartement similaire pour se rendre compte de la superficie, etc. sont autant de moyens mis en oeuvre pour choisir son logement social dont l'intérêt premier est d'être localisé dans un territoire moins dépendant de l'automobile, plus proche du lieu de travail et d'aménités. 77 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Réduction de la pénibilité des déplacements et accès à un logement social à proximité d'aménités sont les maîtres mots qui permettent de comprendre pour quelles raisons les individus rencontrés ont choisi de se relocaliser dans des territoires moins dépendants. Ces deux éléments peuvent provoquer un usage plus important en proportion de modes alternatifs à la voiture, comme les transports en commun, le Îlo, la marche, des deux-roues motorisés comme les scooters qui sont finalement peu utilisés dans les territoires dépendants. Ceux amenés à se rendre dans des localisations plus centrales (pour le travail ou les loisirs) utilisaient certes ces modes quand ils étaient dans le périurbain dépendant de l'automobile mais toujours de façon multimodale, c'est-à-dire avec une partie réalisée nécessairement en voiture. L'omniprésence de la voiture et l'isolement qu'elle représente incite donc des ménages modestes à quitter les territoires périurbain dépendant de l'automobile pour élargir le champ des activités possibles à proximité de leur logement et en même temps le champ des opportunités modales qui s'offrent à eux. Toutefois nous allons voir à présent que si les individus aspirent s'affranchir du tout-automobile et quittent donc les territoires qui en sont totalement dépendants, ils n'envisagent cependant pas de renoncer à la voiture et à certains de ses usages. 3.3. Quitter le périurbain dépendant de l'automobile sans renoncer pour autant à la voiture et à ses coûts Au-delà du gain réalisé en termes de logement et de sa localisation, qu'en est-il en termes de déplacements ? Si ces derniers sont facilités, sont-ils nécessairement moins coûteux ? Assiste-t-on à un renoncement à l'automobile ? Précisons que les considérations ci-dessous sont indépendantes de tout statut d'occupation du logement. De fait, les réponses en la matière ne sont pas tranchées. Si on regarde en détail les ménages du chantier 2, ils déclarent pour beaucoup avoir économisé sur le coût du carburant même s'ils reconnaissent également avoir du mal à faire des comparaisons selon l'ancienneté de la localisation périurbaine dépendante de l'automobile. Ils font le plein moins souvent, utilisent plus souvent les transports collectifs de manière exclusive. De même, leurs territoires quotidiens d'activités se sont logiquement réduits. Toutefois, si réduction il y a, le renoncement à l'automobile reste partiel. Tous ceux qui en avaient une auparavant l'ont conserÎe et continuent à l'utiliser. Pour certains comme Samia ou le mari de Sylvie ou le compagnon de Christelle, ils l'utilisent même au quotidien, pour se rendre à leur travail, notamment quand ce dernier implique des lieux de travail variables. Ensuite, la voiture reste essentielle aux yeux des ménages pour l'approvisionnement hebdomadaire comme en témoigne Nelly. Si cette dernière devait systématiquement prendre sa voiture pour faire ses courses lorsqu'elle résidait à Sainte-Colombe, elle continue à l'utiliser encore aujourd'hui : « Bah, j'ai les petits magasins autour mais pour les plus grosses courses c'est en voiture aussi, c'est Leclerc Vitry ou Carrefour Ivry, je l'ai déjà fait à pied pour des bricoles mais c'est souvent en voiture ». La voiture reste le mode déplacement privilégié pour porter des charges lourdes et volumineuses. Elle permet aussi l'accès à des modes d'approvisionnement perçus comme moins coûteux par rapport aux petits commerces locaux. Offre plus en phase avec leurs revenus, les ménages modestes issus du périurbain dépendant de l'automobile continuent alors à utiliser leur voiture pour effectuer leurs 78 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale courses. La voiture reste l'instrument privilégié de la grande distance et la réduction des déplacements hebdomadaires se traduit souvent par des déplacements plus importants le week-end. Moins fatigués par des déplacements hebdomadaires, des déplacements plus liés aux loisirs sont alors envisageables. De plus, pour les ménages dont une partie du réseau est toujours localisé dans les territoires qu'ils ont quittés, la voiture est incontournable pour entretenir ces liens familiaux et amicaux. « A l'époque, l'essence était moins cher. Quand je mets en euro, à l'époque, on payait moins d'un euro. Là on est passé à 1,50. Donc c'était un peu différent [...] C'est plus difficile à comparer [...] Ça me faisait un gros budget essence à l'époque. Puisque maintenant, bon, paradoxalement, j'ai un abonnement pour le bus et j'utilise quand même la voiture. Je viens en voiture deux fois par semaine parce que le mercredi j'emmène mon fils au centre de loisirs. Donc là j'utilise la voiture parce que c'est un peu excentré ». Christine, 44 ans, secrétaire médicale, divorcée, 2 enfants (14 et 9 ans), vit à Dijon (location priÎe), a Îcu jusqu'en 2004 à Francheville (toujours propriétaire avec son mari). « Tous les week-ends on est en campagne de toutes façons, chez des amis. [...] D'une manière générale, on n'est jamais chez nous les week-ends. Parce que la famille habite loin alors on va les voir. Parce que les amis ont aussi déménagé loin. Ça peut faire Sologne, Paris, Bretagne, Grenoble, Chambéry... Bordeaux.... On n'est jamais là. Après nos amis qui sont en campagne à côté de nous, ben pareil, on est tout le temps chez eux l'été. L'hiver ils viennent ici et nous l'été on va chez eux. » Séverine P., 31 ans, assistante de direction à Fontaine-lès-Dijon, mariée, 1 fils de 2 an et demi, vit à Dijon (propriétaire) depuis 2005, a Îcu à Gemeaux (location priÎe) jusqu'en 2004. « D'UN POINT DE VUE FINANCIER, LE DEMENAGEMENT ? C'est pareil [elle réfléchit], je dirais que c'est pareil. Ici je paye 400 avec les aides, et là-bas je payais à peu près pareil parce que c'était plus petit à St Colombe, c'était un deux pièces mais comme on avait deux salaires, que là je suis toute seule mais j'ai les aides donc ça compense. ET APRES SUR LES AUTRES DEPENSES ? Bah là-bas, y avait plus de dépenses voitures, c'était au moins un plein, peut-être pas pour la semaine mais presque que ici c'est un plein pour 15 jours. A Part quand je descends évidemment pour le week-end là-bas, mais logiquement, un plein me fait plus longtemps ici car j'ai plus de transport. Je me sers moins de la voiture que là-bas non. C'est toujours la voiture car les trains il y en a pas beaucoup euh. » Nelly, 26 ans, secrétaire en intérim, célibataire, 1 fils de 14 mois, vit à Ivry-sur-Seine (HLM) depuis 2010, a Îcu à Sainte-Colombe (location priÎe) de 2005 à 2008. « Euh... il a explosé, mon budget voiture parce que.... déjà, j'en ai acheté une nouvelle et le 79 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale truc, c'est que.... et euh... c'est... par mois, je dirais... par mois... Ben, disons que ça va tout contrebalancer, parce que du coup, je ne fais plus de petites distances au quotidien, donc, du coup ça... ça a contrebalancé, je dirais que c'est... oui... c'est 150, 200 . PAR MOIS ? Oui, parce qu'en fait, c'est plus des longues distances. Avant, les... les petites distances quotidiennes me fatiguaient, donc du coup, je ne faisais pas des longues distances. Mais étant donné que je prends les transports, je me dis, bon, je me fais plaisir de l'autre côté puisque je ne fais pas tous les petits trajets aux quotidiens, quoi. TOUT CONFONDU, LE BUDGET VOITURE, IL EST PLUS ELEVE MAINTENANT ? C'est plus éleÎ. C'est plus éleÎ, oui. C'est dû 500, 550 , voilà. Avec... parce que vous ne m'avez pas dit les remboursements et tout ça, du coup, j'englobe ça et voilà. » Redouane , 27 ans, gardien de la paix à Paris (13e), célibataire, sans enfant, vit à Paris (HLM) depuis 2008, a Îcy à Maincy (location priÎe) de 2005 à 2008. Pour toutes ces raisons (non exhaustives), si le budget déplacement tend à diminuer au quotidien, la diminution n'est pas toujours drastique. Dans plusieurs cas, ce budget peut même augmenter : Redouane, qui a réduit ses navettes, a acheté une grosse cylindrée qui lui coûte cher (crédit, assurance, consommation, etc.). Tous ces exemples montrent que, si les ménages modestes vivent dans des territoires moins dépendants de l'automobile, moins coûteux au quotidien du point de vue de la mobilité, ces derniers ne renoncent pas définitivement à la voiture et conservent donc une partie des coûts fixes qui y sont associés : achat, assurances, une part incompressible de carburant, etc. La réduction des distances peut même provoquer un accroissement de la mobilité autonome en ayant recours à d'autres modes individuels motorisés comme les deux-roues (moto, scooter). Dans ce cas, les ménages ne renoncent pas à une mobilité autonome en changeant de territoires, ils renoncent juste à une voiture, pour éviter la congestion ou contourner l'absence de permis de conduire par exemple. Là encore, le calcul économique sur les gains d'une localisation moins dépendante n'est alors pas évident à réaliser. Enfin, si les ménages modestes perdent en pénibilité de déplacement, ils ont aussi plus d'opportunités pour sortir qu'ils n'avaient auparavant, ce qui n'est pas sans conséquence sur leurs dépenses dans d'autres postes que la mobilité. Plusieurs l'ont constaté telles Christine ou Laurence B. Certes plus locales, les activités et donc les déplacements n'en sont pas moins nombreux. L'effet de substitution peut donc avoir des conséquences négatives sur le niveau de vie des ménages et amènent à reconsidérer l'avantage économique d'une relocalisation vers plus d'urbanité des ménages modestes. Ce qu'ils gagnent d'un côté, ils peuvent être amenés à le perdre de l'autre sans pourtant renoncer à des déplacements automobiles ou motorisés individuels. En somme, en termes de déplacements, quitter le périurbain dépendant de l'automobile ne s'accompagne pas nécessairement d'un renoncement à l'automobile mais plutôt à un abandon du tout-automobile. Pour les ménages modestes, ce choix revient à accroître les opportunités d'alternatives modales à la voiture sans pour autant renoncer à un instrument qu'ils peuvent considérer comme étant indispensable et chargé d'un pouvoir symbolique. On pensera notamment à 80 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Redouane qui s'est acheté une grosse cylindrée. Toutefois, en cas d'aléas (panne, accident, coûts divers), les ménages rencontrés et leurs membres (parents et enfants) ne se retrouveront pas ou plus prisonniers d'un territoire dont ils ne peuvent s'échapper. 81 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale En somme, pour les ménages ayant quitté des territoires périurbains dépendants de l'automobile au profit de territoires moins dépendants, nous pouvons noter que plusieurs effet jouent dans le choix d'une relocalisation moins dépendante : · · Un effet HLM. La possibilité d'avoir un logement inférieur au prix du marché est un facteur déclencheur du départ de ces ménages de territoires dépendants de l'automobile, Un effet de statut matrimonial et de cycle de vie. Les motifs associés conduisent à quitter le périurbain (célibataire et divorcé, orientation sexuelle, jeunes couples ayant des activités de jeunes sans enfants plus facile en ville). Un effet d'hétérogamie résidentielle et de discordance des cultures habitants au sein des couples. Ces différences peuvent être un facteur de séparation, mais surtout impliquent ensuite une relocalisation vers l'urbain du plus citadin des deux. Un effet de culture habitante de la centralité (Paris, Petites couronne ou pole important de grande banlieues) qui joue à plein pour quitter une localisation résidentielle périurbaine dépendante qui est parfois le fruit du hasard ou d'une circonstance spécifique (centre de formation en lointaine banlieue). · · Pour l'essentiel des enquêtés du chantier 2, un Îcu négatif de la dépendance automobile dans le périurbain lointain a incontestablement joué dans leur décision de déménager vers plus de centralité et d'urbanité. Cependant, si la dépendance automobile est un facteur jouant à plein, la condition est nécessaire mais non suffisante. Pour qu'il y ait départ, il faut : une opportunité attrayante de logement, une absence de réseau périurbain et un réseau urbain, un conjoint de culture habitante citadine ou urbaine, une culture habitante d'Ego citadine ou urbaine, un statut matrimonial ou une situation affective qui pousse à s'orienter vers la ville (célibataire, divorcée, homo...), etc. Si les natifs du périurbain (ou assimilés) aspirent à vivre dans des espaces plus centraux et moins dépendants et sont plus conscients que les autres de la dépendance à l'automobile, leur localisation actuelle correspond aussi à une phase de leur cycle de vie plus favorable à la vie citadine. Cependant, leur culture habitante et leur socialisation primaire à la dépendance automobile sont susceptibles de jouer en faveur d'un retour vers le périurbain (peut-être pas aussi dépendant) à terme. Beaucoup ne sont pas dans le rejet du modèle d'habiter périurbain et la géographie du marché immobilier les incitera à cette démarche pour accéder à leur tour à la propriété pavillonnaire. Enfin, du point de vue des ressources économiques des enquêtés, si une relocalisation plus urbaine permet à coup sûr de réduire la pénibilité des déplacements et souvent les frais de carburant ou le nombre de voiture, elle ne se traduit pas toujours, si l'on considère l'ensemble du budget du ménage, par une amélioration du niveau de vie (commerces plus chers, plus de tentations notamment pour sortir et se divertir, parfois dépenses automobiles constante, voire plus éleÎes). Par ailleurs, malgré des opportunités de logements sociaux, la plus grande centralité implique des logements parfois exigus (surpopulation et/ou encombrement excessif du logement). 82 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Partie 3 : La construction socio-spatiale de la dépendance automobile ? Comparaisons entre l'aire urbaine dijonnaise et la Seine-et-Marne Les entretiens effectués dans le cadre du chantier 1 et du chantier 2 ont été réalisés auprès de ménages vivant ou ayant Îcu dans des territoires dépendants de l'automobile. Pour mieux cerner la spécificité culturelle ou territoriale des comportements, ces ménages ont été choisis au sein de territoires géographiquement distincts : l'aire urbaine dijonnaise et la Seine-et-Marne. Ces zones géographiques diffèrent par leurs caractéristiques socio-spatiales, leurs aménagements, leurs historiques économiques, etc. A degré similaire de dépendance automobile, des ménages issus d'une même catégorie (les modestes) vivant dans des territoires différents n'ont pas forcément le même mode d'habiter, le même rapport à l'automobile et donc le même Îcu de la dépendance automobile périurbaine. Si des traits similaires se dégagent et ont largement été étudiés dans les précédentes parties, quelques spécificités locales méritent d'être examinées plus en détail. Si elles présentent des degrés identiques de dépendance à l'automobile, les communes des ménages rencontrés n'ont pas le même éloignement par rapport à l'urbain ou au centre d'une zone à l'autre (cf. Tableau 5 : ci-dessous). Ainsi, dans le chantier 1 (les ménages qui vivent toujours dans le périurbain dépendant), les ménages dijonnais sont situés plus près du centre de Dijon que les ménages seine-et-marnais du centre de Paris. Si la Seine-et-Marne se caractérise par la présence de petits pôles secondaires (Coulommiers, Provins), les ménages seine-et-marnais sont néanmoins plus éloignés des aménités urbaines que leurs homologues dijonnais. Dans le chantier 2 (les ménages relocalisés dans des territoires moins dépendants), lorsque les ménages vivaient dans le périurbain dépendant, le même constat peut être opéré. Ce résultat est logique à double titre : les ménages du chantier 2 ont été choisis pour avoir Îcu dans des communes ayant les mêmes caractéristiques que celles des ménages du chantier 1, et donc, a priori, des degrés similaires d'éloignement au sein de chaque zone. On notera cependant que les écarts étaient moins importants qu'ils ne le sont dans le chantier 1 que ce soit à Dijon ou en Seine-etMarne. Une des hypothèses envisageables seraient que les ménages plus âgés qui se sont installés dans le périurbain avaient moins loin à aller que les générations présentes pour accéder à un logement abordable dans le périurbain. Pour les plus jeunes de l'échantillon, le premier argument tient dans la mesure où ce sont alors leurs parents qui ont fait un tel choix. Enfin, pour les plus jeunes dans leur ensemble, leur statut d'occupation temporaire (location, hébergement) les rend plus aptes à se relocaliser vers des territoires plus denses 83 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale où l'offre de logements est plus conséquente et où les aménités correspondent mieux à leur âge et aux activités qu'il suppose. les différences d'éloignement entre les 2 zones tiennent principalement à l'importance économique et au périmètre des aires urbaines étudiées. La Seine-et-Marne fait partie de la plus grande aire urbaine hexagonale, celle de Paris, alors que l'aire urbaine de Dijon est plus modeste par composition. Tableau 5 : Eloignement des ménages interviewées par rapport au centre et à leurs lieux de travail (moyennes des distances minimales entre chaque lieu calculées via Googlemap) Chantier 1 Distance Distance au au centre Distance D-T centre 8 avant (km) 9 (km) (km) 10 Aire urbaine de Dijon Seine-etMarne Ensemble 26 73 52 13 39 29 20 50 38 Chantier 2 7 Distance Distance Variation Variation D-T avant D-T après distance D-T (%) 11 12 (km) (km) (km) 21 41 32 5 10 8 -15.5 -30.8 -24,2 -72% -64% -68% En plus de l'éloignement par rapport au centre, peut être considéré l'éloignement par rapport au lieu de travail, ce dernier étant fréquenté plus quotidiennement et systématiquement. Là encore, dans les 2 chantiers, la vie périurbaine à proximité de Dijon suppose un éloignement moindre vis-à-vis de son lieu de travail que la vie dans le périurbain seine-et-marnais. Dans le chantier 2, cette moindre distance entre travail et domicile à Dijon qu'en région parisienne est valable tant dans la localisation 7 Dans le cadre du chantier 2, ont seulement été pris en compte les individus du ménage qui ont effectivement résidés une commune périurbaine dépendante de l'automobile. Ainsi Claire a Îcu seule ou avec ses parents à Egreville et vit actuellement à Paris. Son conjoint est originaire de petite couronne et n'a jamais Îcu dans un territoire périurbain dépendant de l'automobile. Il n'est donc pas pris en compte ici. Moyenne des distances effectuées par les individus interrogés entre leur commune de résidence et le centre de l'aire urbaine dont leur commune de résidence dépend. Moyenne des distances effectuées par les individus interrogés entre leur commune de résidence et leur lieu de travail. Pour les travailleurs mobiles, la localisation de leur entreprise a été retenue. 8 9 Moyenne des distances effectuées par les individus interrogés entre leur précédente commune périurbaine de résidence et le centre de l'aire urbaine dont leur ancienne commune de résidence dépend. Moyenne des distances effectuées par les individus interrogés entre leur précédente commune périurbaine de résidence et leur lieu de travail à l'époque où ils résidaient dans le périurbain. Pour les actifs inoccupés à l'époque, le lieu actuel de travail a été pris en compte. 12 11 10 Moyenne des distances effectuées par les individus interrogés entre leur commune actuelle de résidence et leur lieu de travail actuel. 84 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale résidentielle périurbaine dépendante qu'après installation dans des territoires moins dépendants. Dans cet échantillon, que ce soit en Seine-et-Marne ou en Côte-d'Or, quitter la dépendance automobile s'accompagne d'une réduction drastique des distances entre domicile et travail. Toutefois cette réduction est plus importante en proportion dans l'aire urbaine dijonnaise qu'en Seine-et-Marne. De multiples considérations comme l'urbanisation, le prix du foncier ou la localisation des emplois expliqueraient ces différences d'éloignements (et de rapprochement) que connaissent les ménages périurbains. Cependant, ces différences se traduisent par des comportements de mobilités et des rapports à l'urbain qui sont distincts d'une zone étudiée à l'autre. Même s'ils ne peuvent se passer de la voiture pour s'y rendre, les ménages dijonnais semblent donc, à degré égal de dépendance automobile, moins éloignés d'aménités que leurs homologues seine-etmarnais. En termes de Îcu au quotidien, cette différence n'est pas neutre. De fait, la pénibilité des déplacements est moins ressentie en Bourgogne qu'en Île-de-France. Si plusieurs ménages franciliens se sont plaints de leurs conditions de déplacements, les ménages dijonnais l'ont rarement fait. Audelà d'un éloignement moindre et de déplacements moins chronophages, plusieurs facteurs expliquent ces différences dont le plus central est la congestion. La congestion apparaît moindre à Dijon qu'en Île-de-France. Plusieurs ménages franciliens ont eu occasion de se plaindre du niveau d'encombrement des structures routières : 1. Des déplacements plus pénibles en Île-de-France, sources d'une plus grande propension à utiliser les transports collectifs « Enfin, ça va au niveau de la route, je pars d'ici à 5 heures... je pars d'ici à 5 heures. Ça allait. C'est vrai que la nationale vers Pontault, tout ça, c'est un peu bouché. Mais quand je commence à 8 heures, 8 heures 45, là, après, je mettais une heure pour y aller, quoi, en voiture. [...] parce qu'au début, c'était super dur... quand je rentrais très tôt je... ça allait très vite, mais quand je tombais dans les bouchons à 8 h 30 et qu'on n'avançait pas sur la nationale...» Edwige, 34 ans, assistante puéricultrice à Villiers-sur-Marne en congé parental, mariée, 2 enfants de 7 ans et 1 an, propriétaire à Saint-Brice depuis 2009. « J'avais des horaires, quand même, qui étaient... qui étaient... qui n'étaient pas... on peut dire, qui n'étaient pas surveillés, quoi. Je veux dire... voilà. Théoriquement, c'était 8 heures. Moi, même avec la voiture, j'arrivais, rarement à 8 heures ! PARCE QU'AVEC LA VOITURE, ÇA VOUS PRENAIT COMBIEN DE TEMPS, A PEU PRES ? D'ici, je mettais... 1 h 30. Pour aller à Paris ! Ben, le matin, arriÎ après... après... comment ça s'appelle... Leroy Merlin, là... Lognes ! Après Lognes, ça y est, c'est le gros bordel ! ça bouchonne ! Ah oui ! De là, pour rentrer dans Paris, après. Ouille, ouille ! Ah ! Après Lognes, c'était foutu ! Ça y est ! Alors, moi, quand j'avais des réunions ou des choses comme ça avec 85 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale des chargés d'affaires, que je devais, vraiment, être à 8 heures, sur Paris... Je partais, d'ici... Bon, de Chelles... Parce qu'entre ici et Chelles, il y a quoi... il y a 20 minutes de différence ! Donc... Vous voyez, que ce soit d'ici ou de Chelles, je partais... Il devait être quoi, 6 heures ­ 6 h 30 ? Oh, oui, je décollais à cette heure-là, hein. Pas loin de 5 h 45... même, actuellement...5 h 45 ­ 5 h 40... » Miguel, 37 ans, plombier sur Paris, marié, 2 enfants de 10 et 7 ans, propriétaire à Pommeuse depuis 2011. Ces manifestations sont d'autant plus vives quand les ménages habitent dans des zones où le trajet le plus rapide suppose de passer par une barrière de péage comme Pommeuse ou Guérard. Pour ces communes, l'itinéraire le plus rapide en venant de Paris est de sortir à Crécy-la-Chapelle. Beaucoup de ménages préfèrent alors utiliser le réseau secondaire gratuit plutôt que le réseau autoroutier payant à l'image de Laurence qui déclare « 1,80 le matin et 1,80 le soir. À la fin du mois, ça fait de trop ». Pour continuer sur l'exemple de Miguel, ce dernier passe par le péage quand il dispose de la voiture de service et qu'il sait qu'il se fera rembourser les tickets en note de frais. Sinon, il n'emprunte pas le péage et passe par Villeneuve-le-Comte, la dernière sortie avant le péage, puis emprunte la nationale comme « pratiquement tout le monde, enfin les gens qui habitent ici et qui prennent l'A4, passent par là [Villeneuve-le-Comte]. Exceptionnellement on peut prendre le péage, enfin, je ne sais pas, bon, c'est une route qui est un peu dangereuse... en plein hiver quand il y a du verglas parce que... bon, moi, j'appelle ça la route de montagne parce qu'elle est très sinueuse, elle descend beaucoup donc, bon, c'est vrai quand c'est verglacé, on préfère prendre quand même le péage. » (Laurence 13, 40 ans, secrétaire à Noisy-le-Grand, mariée, 1 fils de 10 ans, vit chez son mari qui est propriétaire à Guérard depuis 1981). Ce report peut être générateur d'un sousdimensionnement des infrastructures locales et leur congestion fréquente aux heures de pointe comme ont pu en témoigner des élus locaux (le maire et un de ses adjoints) de la mairie de Crèvecoeur-en-Brie, commune située entre la sortie de Villeneuve-le-Comte (A4), la station RER de Tournan et la gare de Marles-en-Brie. Pour éviter la pénibilité associée aux déplacements automobiles qui semble plus fréquente en Île-deFrance, les ménages vivant ou ayant Îcu dans le périurbain francilien ont plus tendance à utiliser les transports collectifs que ceux qui vivent ou ont Îcu aux alentours de Dijon. En Seine-et-Marne, l'utilisation des transports collectifs est, au quotidien, plus importante qu'à Dijon. Dans le chantier 1, sur les 38 adultes qui composent les ménages rencontrées, 6 d'entre eux utilisent les transports collectifs pour se rendre sur leur lieu de travail et ils vivent tous en Île-de-France. En périphérie de Dijon, en dehors des enfants, aucun adulte n'utilise les transports collectifs pour aller travailler. Pour les déplacements de loisirs, le constat est similaire. Les ménages franciliens qui vont sur Paris ou dans des centres commerciaux périphériques (Val d'Europe par exemple) utilisent de temps à autre les transports collectifs pour s'y rendre. Les ménages en Côte-d'Or utilisent principalement la voiture pour se rendre à Dijon ou dans ses grands centres commerciaux (Chevigny-St Sauveur ou La Toison d'Or) alors qu'ils ont pourtant des transports collectifs à proximité (une gare TER à Genlis par exemple) qui leur permettrait des reports analogues à ceux pratiqués par les ménages seine-etmarnais. L'utilisation plus importante des transports collectifs en Île-de-France tient au fait que le Laurence n'a pas été comptabilité parmi les ménages rencontrés dans le cadre du chantier 1 car les revenus de son ménage sont trop éleÎs pour qu'il soit considéré comme modeste. Néanmoins, son témoignage est utilisé ici pour montrer les choix d'itinéraires effectués dans cette zone. 13 86 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale réseau est plus développé. Il évite la pénibilité associée à un déplacement en voiture, les encombrements, la difficulté à se garer et permet aussi de réduire les coûts financiers liés à des déplacements exclusivement en automobile (prise en charge des frais de transports, moindre usure de la voiture, etc.) : « Humm... ça dépend, des fois on y va en voiture, des fois, on y va... grâce au ticket Jeune, là, du train-bus. Donc, le Seine-et-Marne express. Et après, on prend le RER A. LE TICKET JEUNE ? Le ticket Jeune, en fait, c'est... un ticket qui... qui vaut 7 . C'est... jusqu'à 25 ans, en fait. Et on est illimité, en fait. C'est valable une journée... avec transports illimités. Du coup, si, après, on a envie d'aller sur Paris... et que... il n'y a pas besoin de rajouter, quoi, le ticket, il est toujours valable. ET QU'EST-CE QUI FAIT QUE VOUS CHOISISSEZ UN COUP LA VOITURE OU UN COUP LE TICKET JEUNE ? Ben, ça dépend. Si... parce qu'en fait, en voiture, on met beaucoup moins de temps, on gagne 40 minutes pour aller jusqu'au Val d'Europe, alors que... je veux dire, le bus qui met déjà une heure et quart pour aller jusqu'à... jusqu'à la gare ! Après, il faut prendre le RER. Donc, je pense qu'on en a pour 1 h 30, 1 h 40 pour aller au Val d'Europe. Du coup, quand on a le temps, on prend le bus. Sinon, quand on a envie d'aller vite, on prend la voiture. » Mélanie, 21 ans, aide-soignante à Provins, célibataire, vit à Sainte-Colombe (locataire). « JE NE VOUS AI PAS DEMANDE, ALLER AU TRAVAIL EN VOITURE, ÇA NE SERAIT PAS... ? Impossible. IMPOSSIBLE ? Oui, oui, impossible, 8 heures au travail. Commencer à 8 heures à Paris, il faudrait que je parte d'ici quand même à 6 heures, hein. Aller travailler aux Invalides, ah, ah, j'ai essayé une fois, quand j'étais à Ballard, non, impossible, si c'est pour rentrer le soir, partir à 17 heures des Invalides et rentrer ici à 21 heures, 22 heures. Parce que c'est en plein, Paris. Financièrement parlant, en plus, ce n'est pas intéressant. Non, après, non, pour moi, ce n'est pas possible. VOUS PREFEREZ PRENDRE LE TRAIN ? Oui, oui. Moins de stress, je me pose et voilà. Au moins, on peut travailler dans le tain, on peut se reposer. C'est peut-être 2 heures, comme je vous dis, après, c'est vrai, c'est une habitude, c'est 2 heures de transport, en plus, les Invalides, c'est un terminus, au moins, on peut se reposer, on est sûr, pas de soucis, on peut s'occuper si on veut. On a quand même 1 h 20 à tuer réellement. Ce n'est pas comme faire... vous voyez 20 minutes de ci, 20 minutes de ça. On a le temps de ne rien faire, là, au moins, j'ai le temps de m'occuper, de me reposer, dormir, même. » Lionel, 34 ans, marié, militaire sur Paris, 2 enfants de 4 ans et 1 an, vit à Saint-Brice (propriétaire) depuis 2009, vivait précédemment au Plessis-Trévise (propriétaire). 87 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale « Déjà, le temps... déjà, les embouteillages... l'embouteillage, on l'a... on l'a déjà à 15... à 20 km de Paris. ArriÎ sur place au travail, toutes les places non-payantes sont occupées. Et puis, il y a aussi l'usure de la voiture. Je mettrais beaucoup plus de temps en voiture que... en train. » Roger, 54 ans, marié, employé de banque sur Paris, 3 enfants de 23, 20 et 18 ans, propriétaire à Saint-Loup de Naud depuis 1996, vivait à Clichy-sous-Bois auparavant (propriétaire). Evidemment l'utilisation des transports collectifs est dépendante de la localisation et des horaires des activités réalisées, plus particulièrement lorsqu'il s'agit du travail. Pour peu que ce dernier soit mobile ou variable ou qu'il nécessite de réaliser une chaîne modale complexe (plus de 2 changements), la voiture lui ai préféré comme peuvent en témoigner Bernadette, Solveig ou le mari de Karine. Ce dernier est technicien SAV et est amené à se déplacer sur toute la France avec son matériel. Il peut donc difficilement se passer de son Îhicule qu'il considère comme un outil de travail. Bernadette a enchaîné plusieurs CDD et missions d'intérim dans des lieux différents, plus ou moins centraux (quartier de la Bastille à Paris, Saint-Maur des Fossés, etc.). Depuis Saints, où elle réside, ces lieux ne bénéficiaient pas de la même accessibilité en transports collectifs et ce qui l'a parfois amené à privilégié la voiture comme mode exclusif. Enfin, Solveig utilisait la voiture pour effectuer tous les jours le trajet entre Villiers-sur-Marne où elle travaillait et Saint-Brice où elle réside. Bien que pénible car passant par un axe encombré (l'A104), ses déplacements automobiles étaient deux fois moins chronophages que des déplacements en transports collectifs qui auraient nécessité un « détour » par Paris. Si l'usage des transports collectifs est subordonné à plusieurs contraintes, ces derniers n'en restent pas moins une alternative viable compte tenu des difficultés à circuler en voiture. En Côte-d'Or, la seule difficulté à stationner que les ménages rencontrent est dans Dijon même. Mais, elle est vite contournée par un stationnement dans les zones mieux dotées comme le parc de la Colombière au sud de la ville et une fin de parcours à pied. Comme ces déplacements sont principalement des déplacements de loisir, ils facilitent un usage plus important de la marche à pied en tant que mode et tant qu'activité en soi. On notera également que lorsque les entretiens ont été réalisés à Dijon, les travaux d'installation de deux lignes de tramway empêchaient l'accès au centre-ville et favorisaient ces pratiques de report vers la marche. Quand les individus choisissent d'utiliser les transports collectifs pour réduire la pénibilité Îcue des déplacements liée à la congestion, ce report modal peut être aussi synonyme de tensions. Compte tenu des distances à parcourir, de la centralité des lieux recherchés et des subventions accordées dans la prise en charge des frais de transport, les personnes qui vivent en Seine-et-Marne ont tendance à prendre les transports collectifs quand ils cherchent à se rendre à Paris ou en proche banlieue. Pour ceux qui y travaillent de manière fixe, leur usage est même quotidien. Toutefois, outre les grèves et les accidents divers, ils restent dépendants de l'automobile qui est encore utilisée pour se rendre à l'arrêt le plus proche. Du coup, les ménages considèrent qu'ils doivent faire face à une autre forme de congestion : celle nécessaire pour atteindre l'arrêt de RER ou de train et se garer à proximité. Ainsi, à Crèvecoeur-en-Brie, Olivier, le mari de Solveig, prenait le RER E à Tournan-en-Brie, le terminus, pour aller à son travail dans Paris. Mais, il a dû se résoudre à prendre le Transilien qui passe à Marles-en-Brie, un arrêt plus proche de leur domicile mais desservi moins souvent : 88 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale « Bon, il prenait le RER, après il allait jusqu'à Tournan et il prenait le RER E. Mais il y a un problème, c'est qu'il y a de moins en moins de place pour se garer, parce qu'il y a de plus en plus de personnes qui habitent la région, donc, ben les gares sont prises d'assaut, il n'y a plus de place pour se garer. Et quand ils ont ajouté des trains, ils n'ont pas forcément adapté les constructions en conséquence. Donc, le parking de Tournan, il est pris d'assaut, les rues aux alentours, elles sont prises d'assaut. D'ailleurs, ils ont mis de plus en plus de zones bleues et il y a de plus en plus de monde de la gendarmerie pour verbaliser. Donc, les gens ont reculé. Mais le problème, c'est que nous, on est à la station juste après et c'est pareil, c'est gaÎ. Et là, je vois, le mercredi, ça va parce qu'il y a beaucoup de gens qui ne travaillent pas le mercredi, mais quand il prend le train de 9 h en semaine, il n'y a pas toujours des places pour pouvoir se garer sur le parking. Les gens se garent sur les arrêts de bus, les gens se garent un peu là où ils peuvent, en fait, de façon à ne pas trop gêner le trafic mais bon, c'est un problème épineux en ce moment. » Ainsi, s'ils utilisent plus les transports collectifs, les ménages franciliens rencontrés font toujours face aux désagréments de la dépendance automobile dans la mesure où ils utilisent ce mode pour aller utiliser les transports collectifs, majoritairement le train et le RER. Seuls quelques cas (Abdel, Patrick) n'ont pas à utiliser la voiture dans la mesure où la gare Transilien, seul service de leur commune, est accessible à pied depuis chez eux. Les bus ou des modes de transports actifs (Îlo, marche) n'arrivent pas à se substituer à la voiture pour les derniers kilomètres à parcourir jusqu'au domicile. Pour le bus, l'offre présente est faible et adressée prioritairement à destination des scolaires. Des systèmes de transport à la demande existent (Mobiplaine à Longchamp et les autres communes de la communauté de la Plaine Dijonnaise, Proxybus à Crèvecoeur-en-Brie et dans les autres communes de la communauté du Val Bréon) mais ils sont méconnus et ciblent prioritairement les personnes âgées ou les étudiants, c'est-à-dire des personnes qui ne peuvent utiliser la voiture. Pour les modes de transports plus actifs, les conditions météorologiques, le manque d'équipements sécurisés (pistes cyclables par exemple) et les distances à parcourir freinent leur utilisation au quotidien. De fait, Îlo et marche sont essentiellement associés à des pratiques de loisirs effectuées le week-end. Le constat est le même sur les deux zones géographiques. Au final, en Île-de-France, l'alternative partielle à la voiture repose sur l'usage de modes de transports collectifs, principalement ferrés. En effet, à proximité de Dijon comme en Seine-et-Marne, les ménages que nous avons interviewés n'utilisent pas ou peu les bus qui desservent pourtant l'ensemble des communes parcourues. Les bus ou autocars restent le mode privilégié des plus jeunes, à travers le ramassage scolaire ou dans l'utilisation de transport à la demande (le Mobiplaine à Longchamp et ses alentours). En Côte-d'Or, les transports collectifs sont peu utilisés par les ménages dans les territoires périurbains dépendants de l'automobile, même à niveau d'équipement équivalent (ou presque). Par contre, nous allons voir que les ménages dijonnais se singularisent par un recours plus systématique au covoiturage qui n'existe pas ou peu chez les ménages franciliens. 89 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Plutôt que de renoncer à la voiture, l'alternative consiste à optimiser ses usages et son taux de remplissage en favorisant le covoiturage. De nombreuses initiatives tendent à le développer. Ainsi, depuis 2009, le département de Seine-et-Marne a mis en place un site internet dédié au covoiturage 14. En Côte-d'Or, le Conseil Général a aménagé 26 aires de covoiturage, dont 12 dans l'aire urbaine dijonnaise, et le Conseil Régional de Bourgogne a mis en place un onglet covoiturage sur sa centrale d'information multimodale en ligne 15. Au-delà de ses efforts et des autres incitations émanant des élus locaux, dans nos échantillons, le covoiturage est plus répandu au sein des ménages de Dijon et ses alentours que chez les ménages seine-et-marnais. L'explication tient, d'après nous, aux catégories de populations rencontrées et à l'histoire socio-économique des territoires investigués. En Seine-et-Marne, par rapport à la composition totale de nos échantillons, les employés sont surreprésentés. A Dijon, ce sont plutôt les ouvriers, notamment dans le chantier 1, comme en témoignent les tableaux ci-dessous : Tableau 6 : Professions des actifs dans les ménages des chantiers 1 et 2 Chantier 1 Aire urbaine de Dijon Seine-et-Marne Total général Chantier 2 Aire urbaine de Dijon Seine-et-Marne Total général Cadres et PI 31,6% 20,0% 25,0% Artisans et cadres 13,3% 13,3% 13,3% Employés 15,8% 52,0% 36,4% PI 33,3% 40,0% 37,8% Ouvriers 52,6% 28,0% 38,6% Employés 26,7% 33,3% 31,1% Ouvriers 26,7% 13,3% 17,8% Total général 100,0% 100,0% 100,0% Total général 100,0% 100,0% 100,0% Effectifs 19 25 44 Effectifs 15 30 45 2. Recourir au covoiturage : la force de l'ancrage dans des réseaux locaux dans le sud-est dijonnais En se concentrant sur le chantier 1, c'est-à-dire sur les ménages qui vivent encore dans les territoires périurbains dépendants de l'automobile, la pratique du covoiturage renvoie avant tout au fait que les personnes rencontrées sont ou ont été ouvrièr(e)s au sein de grands sites industriels situés à Genlis ou dans la périphérie est de Dijon. Avec les organisations en trois ou quatre huit, ces personnes disposent ou disposaient d'horaires communs avec leurs collègues qui habitent dans les mêmes communes ou des communes aux alentours. Par la possibilité de se synchroniser temporellement et, auparavant, sous l'impulsion du patron, le covoiturage est devenu une pratique institutionnalisée : « Parce que moi, l'essence... il me payait l'essence, le patron. IL VOUS PAYAIT L'ESSENCE ? 14 http://www.covoiturage77.fr/ http://www.covoiturage.mobigo-bourgogne.com/ 15 90 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Oui, j'avais l'essence pour ma semaine et pour mon week-end. Ça ne sortait pas de mon portefeuille. Ben, j'avais fait le calcul de ce qui me donnait, j'avais mon essence pour ma semaine et pour mon week-end. Et, si on n'était pas avec notre propre voiture, que c'était un copain qui nous emmenait, si le copain habitait le pays avant vous, il... il nous prenait, il nous payait pour qu'on lui donne en contrepartie. C'était que ça, c'était calculé, c'était dedans. Il nous demandait, bon, ben... « Vous êtes avec votre propre voiture ? », on disait « Oui ». Mais il le savait, ils ne sont pas cons, ou alors, « Vous vous faites emmener par qui ? ». Bon, il le savait, c'était noté « donc, c'est machin qui vous emmène », tac, « on vous donne tant par mois ». Alors, moi je vois, ça faisait un peu près, à cette époque-là en francs, je donnais 100 francs par mois. » Bernard, 60, ouvrier à la retraite qui a toujours travaillé à Genlis, 2 fils de 26 et 20 ans (le plus jeune est encore à sa charge), propriétaire à Longchamp depuis 1985. « ET VOUS FAISIEZ COMMENT, POUR Y ALLER ? Ben, avec quelqu'un de Longchamp. Il y a beaucoup de monde de Longchamp qui travaille làbas, donc... DONC, VOUS FAISIEZ DU COVOITURAGE ? Oui. VOUS AVEZ DEJA PRIS LES TRANSPORTS EN COMMUN, JUSTEMENT, QUI VOUS AMENENT DIRECTEMENT ? Non. JE PENSE AU TRAIN... D'ACCORD. ET POUR DES RAISONS PARTICULIERES ? Ben non. Voilà, je n'avais pas besoin. » Séverine, 38 ans, ouvrière au chômage depuis 6 mois, mariée, 3 enfants de 13, 9 et 6 ans, locataire HLM à Longchamp où elle a toujours Îcu. « Pendant au moins 15 ans que... quasiment 15 ans que je n'ai jamais roulé tout seul. Déjà, je savais qu'il y avait des... des gens de Longchamp, des jeunes de Longchamp qui trouvaient du boulot chez nous, en intérim... donc, ils venaient me voir : « Je travaille chez JTECH », « Je travaille chez Peugeot », à l'époque, c'était Peugeot... « Oh, tu peux m'emmener ? », « Ben oui, si tu n'as de Îhicule, suis-moi, je t'emmène avec moi. » Oh, j'ai emmené... j'ai emmené... Ben, j'ai roulé pendant un moment... avec un gars qui habite à Longchamp. On faisait les 3 x 8 à l'époque, j'ai roulé avec lui pendant... 7 - 8 ans, 9 ans, je ne sais pas combien. Moi, je partais avec le fils Bernard... Après je partais avec le Florian Dubon. Après je sortais avec le fils Barinco. Pendant au moins 15 ans, on a roulé à plusieurs... donc, on a fait du covoiturage jusqu'à... ce que le dernier que j'emmenais est parti à Chevigny avant moi. Il changeait d'équipe. Donc, j'ai arrêté de l'emmener. Ben moi, je suis parti à Chevigny, je me suis retrouÎ tout seul. » Daniel, 54 ans, marié, contremaître à Chevigny, propriétaire à Longchamp depuis 1985. La mise en place de ce covoiturage informel a ainsi permis à des personnes vivant des territoires périurbains dépendants de ne pas avoir besoin de passer leur permis pour se rendre à leur travail 91 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale comme c'est le cas pour Séverine. Si les entreprises ne participent plus aujourd'hui aux frais d'essence, les relocalisations et la concentration de l'appareil industriel autour de Dijon continuent à favoriser ces pratiques de covoiturage informel. En Seine-et-Marne, compte tenu des nombreuses opportunités d'emploi et de leur dispersion au sein de l'aire urbaine parisienne, la mise en place d'un tel covoiturage est plus difficile. Les synchronisations temporelles nécessaires pour covoiturer sont de fait peu aisées à mettre en place du fait de l'absence d'horaires communs et partagés comme en témoigne là encore Solveig (Crèvecoeur-en-Brie) : « Ben, ça complique... disons que les... oui, ça complique dans le sens où il n'y a pas... le transport... le transport en commun y est, mais il n'y a pas la branche, quoi. Donc du coup, il faut privilégier tout ce qui est... parce que là, il a eu un échange de courrier avec le maire de La Houssaye à ce propos, qui lui dit qu'il faut privilégier le covoiturage et tout, mais c'est vrai que c'est difficile de faire du covoiturage quand on n'a pas tous les mêmes horaires. Il y a l'horaire du train à l'aller mais il n'y a pas forcément le même train au retour, il n'y a pas forcément... » En Seine-et-Marne, les pratiques de covoiturage existent néanmoins mais sont plutôt liées à la prise en charge de l'accompagnement des enfants vers leurs lieux d'études ou leurs loisirs. Des systèmes d'accompagnement communalisés sont ainsi mis en place, principalement par les mères qui ne travaillent pas ou travaillent à domicile. Avec l'accès aux études supérieures, les enfants tendent à développer des pratiques de covoiturage avec leurs camarades qui habitent dans les mêmes zones qu'eux et qui ont là encore les mêmes horaires. Dans ces cas, on voit bien que la synchronie horaire est centrale dans la mise en place d'un tel covoiturage. Un autre élément à prendre en compte est la nécessaire proximité relationnelle qui la favorise : on covoiture plus aisément avec des gens qu'on connaît, qui partagent des pratiques communes (travail, loisirs, etc.). Au-delà des pratiques et activités communes liées à leurs conditions d'emploi, l'ancrage des populations dans les territoires étudiés jouent un rôle déterminant dans la communalisation des déplacements. De fait, pour les ménages dijonnais qui résident toujours dans le périurbain, le covoiturage est une forme d'expression d'une solidarité familiale, amicale ou professionnelle au sein d'un réseau ancré localement depuis plusieurs générations. Le passé industriel de Longchamp et de Genlis a ancré dans ces territoires des familles issues de milieux ouvriers et qui sont, pour certaines, encore ouvrières aujourd'hui. Par leur configuration spatiale (plusieurs ménages ont des enfants ou des parents qui vivent dans la même commune ou dans une commune de la plaine de la Saône), on peut y voir la persistance d'une valorisation de l'autochtonie (Renahy, Détang-Dessendre, et Gojard 2003), des ressources locales en termes de pratiques de déplacement. Cette valorisation du réseau local apparaît donc comme une ressource effective contre la dépendance automobile, comme ont pu déjà le souligner Coutard, Dupuy et Fol (2002). En effet, pour plusieurs ménages interrogés dans le cadre du chantier 1, se trouvaient des personnes qui ne savaient pas conduire et arrivaient néanmoins à se déplacer en voiture (Séverine, Annie, Laurence avant qu'elle obtienne son permis, etc.). Ces ménages autochtones ne sont jamais éloignés de leurs réseaux familiaux, et ont des trajectoires résidentielles très locales. De fait ces ménages sont devenus périurbains par un changement de classification de leur territoire résidentiel suite à l'installation de nouvelles populations, originaires de villes proches mais disposant souvent d'une culture ouvrière commune. 92 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Selon nous, ce seraient ces origines ouvrières communes et la permanence d'un réseau local qu'elle engendre qui favorisent les mécanismes d'entraide et de solidarité au sein de ce réseau (Sencébé 2007), dont le covoiturage est une forme d'expression. Ainsi, dans le chantier 2, les ménages rencontrés dans l'aire urbaine dijonnaise qui ne sont pas restés dans des territoires périurbains dépendants de l'automobile étaient originaires d'autres régions (Centre, Pays de Loire, Île-de-France, etc.) ou n'étaient pas issus de la même zone périurbaine de l'aire dijonnaise (à l'exception de Charline et de son compagnon). Ils n'avaient pas de réseau social local fort sur place et avaient donc moins de probabilité de s'ancrer dans ces territoires que des ménages en étant issus et disposant d'un tel réseau. Si la présence d'un réseau social fort explique en partie le maintien de ménages dans des territoires périurbains dépendants de l'automobile, l'absence d'ancrage local ne suffit pas à expliquer le départ de ces territoires. D'autres facteurs sont également à prendre en compte comme nous avons pu le voir en partie 2. Toutefois, nous avons également vu que la pénibilité liée aux déplacements est un facteur non négligeable dans les choix de relocalisation vers moins de dépendance. De fait, le covoiturage de solidarité au sein d'un réseau local contribue à réduire la pénibilité des déplacements et donc la nécessité d'une relocalisation. Le rôle du réseau social dans la mise en place de pratiques d'entraides comme le covoiturage est donc essentiel. Or, en observant plus en détail les trajectoires résidentielles des ménages rencontrés en Île-de-France, ces ménages installés dans le périurbain dépendant de l'automobile sont pour la plupart très éloignés de leurs réseaux familiaux, voire amicaux ou professionnels. Originaires d'autres régions, de Paris ou de la Petite Couronne, ils sont venus s'installer dans ces territoires pour accéder à la propriété à moindre coût (cf. parties 1 et 2). Les ménages franciliens ont des sphères de sociabilité plus disjointes spatialement que ne le sont celles des ménages ouvriers dijonnais. Du coup, les solidarités qui s'expriment sont plus rares ou moins « fortes » (si tant est qu'on puisse évaluer la force d'un lien à l'ampleur des aides rendues). Elles ne sont pas perçues comme automatiques ou normales par les ménages seine-et-marnais. Si ces derniers n'hésitent pas à s'emprunter du sel ou des oeufs à leurs voisins, ils sont plus réticents à solliciter une aide en cas de problème de déplacement comme en témoigne indirectement le cas de Samia qui a décidé de quitter Favières pour retourner à Serris, commune plus densément peuplée dans laquelle elle peut faire appel à son réseau familial et où elle dispose d'alternatives modales à la voiture : « Et oui, oui, avec le voisinage, comme c'est tout petit... non, c'était bien, c'est convivial... quand le car arrivait, c'est une grande rue... on faisait un relais, quoi, des fois, c'est moi qui allais chercher les enfants au car et hop, je les dispatchais dans les maisons, quoi. Enfin, c'était... non, c'était sympa... même, ils faisaient... on faisait... on faisait des apéros le weekend... tout en restant voisins... HUMM. D'ACCORD. DONC, UNE BONNE AMBIANCE, ET EST-CE QUE PAR EXEMPLE IL Y AVAIT DU DEPANNAGE UN PEU DE SOLIDARITE, JE DIRAIS... Si garde d'enfant. JUSTEMENT PAR RAPPORT AUX ENFANTS OU A LA VOITURE OU DES CHOSES COMME ÇA, DU DEPANNAGE DES GENS... ? De voiture ? DE VOITURE QUI NE DEMARRE PAS SUR LE MOMENT OU DES CHOSES COMME ÇA ? 93 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Non, peut-être ça c'est fait... je ne suis pas au courant... peut-être, c'est possible que ça s'est fait, oui. SI VOUS AVIEZ EU UN SOUCI, PAR EXEMPLE, VOUS N'AVIEZ PAS DE VOITURE, EST CE QUE VOUS AURIEZ... VOUS AURIEZ PEUT-ETRE PENSE A DES GENS... ? J'aurai pu, mais je ne l'aurais peut-être pas fait. Non, je ne l'aurais peut-être pas fait. PARCE QUE ? Ben, parce que... voilà, quoi... moi, ça m'aurait gêné, quoi. Voilà, on gardait des contacts voisins comme ça, mais sans plus. Pas de... il y avait une bonne ambiance, mais voilà... non, on se dépannait quand il y avait un enfant malade. Comme moi, je travaillais, le bureau, c'était là-bas, donc, j'étais là, je gardais les enfants qui étaient malades est qui ne pouvaient pas aller à l'école. Ça, ce n'était pas un problème, quand j'allais chercher ma fille à l'école, je récupérais les enfants du... du... de la rue, hop, comme ça... comme des fois, il y a des grèves de car, voilà, c'est indispensable, la voiture... quand il y a grève de car, voilà, ou l'hiver, il y a de la neige, là-bas... » Samia n'arrive pas à envisager la possibilité de demander un service en cas de panne sur sa voiture. Pour elle, le fait d'avoir sa voiture et de pouvoir se déplacer avec de façon autonome était une condition sine qua non de son choix résidentiel. Elle ne considérait pas ses voisins comme suffisamment proches pour leur demander un tel service alors qu'elle n'hésitait pourtant pas à faire la fête avec eux ou à leur confier ses enfants. Au final, au quotidien, vivre la dépendance automobile périurbaine dépend certes des ménages et de leurs caractéristiques, notamment leurs trajectoires résidentielles, mais aussi des territoires dans lesquels ils ont choisi d'élire domicile. Au-delà des caractéristiques intrinsèques de ces territoires (leur éloignement par rapport au centre, la distance des aménités, leur configuration géomorphologique, etc.), ils cristallisent un rapport à la dépendance automobile Îcu par les individus en eux-mêmes et leur réseau social. Ce rapport est donc nécessairement spatialement singulier. Il varie d'une localisation géographique à l'autre et ne se réplique jamais totalement à l'identique, même si des faits stylisés peuvent être mis en évidence. Dans la partie précédente, nous avons examiné l'impact de différents facteurs : distances par rapport aux centres et aux aménités, équipement des territoires, présence d'un réseau local, formes des entraides. Le développement de singularités spatiales dans le Îcu quotidien de la dépendance automobile mérite d'être obserÎ plus en détail. D'après nous, la dépendance automobile est le résultat d'une socialisation à l'usage exclusif de la voiture et elle peut varier d'une zone géographique à l'autre. Les territoires investigués dans la partie qualitative de notre étude se distinguent par des Îcus individuels différents de la dépendance automobile. Comme nous avons pu le voir, la présence d'un 94 3. Des socialisations à la dépendance automobile différentes d'un territoire à l'autre ? Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale ancrage local fort via leur réseau familial explique en quoi les ménages dijonnais ont plus recours au covoiturage, même si ce dernier est informel ou n'est pas organisé par des institutions extérieures (sites Internet dédiés par exemple). En tant qu'usage partagé de la voiture, le covoiturage contribue au maintien d'une dépendance socialement construite à l'automobile. De fait, pour les ménages dijonnais, il est difficile d'envisager d'utiliser des modes alternatifs de déplacements (transports collectifs, modes actifs). L'usage incontournable et exclusif de la voiture au quotidien apparaîtrait alors comme une norme sociale plus ou moins intégrée les individus et les territoires obserÎs. Pour continuer sur l'exemple dijonnais, il semblerait que cette norme y soit plus forte compte tenu des pratiques obserÎes et la quasi-exclusivité de la voiture dans le choix des modes de déplacement au quotidien. En tant que produit d'une socialisation à la fois primaire et secondaire à l'automobile, la norme d'un usage exclusif de la voiture serait issue de multiples facteurs et ne prendrait pas forcément les mêmes formes d'une zone géographique à l'autre. En Île-de-France, la voiture est certes un mode dominant compte tenu de la nature même des territoires investigués mais elle est plus souvent utilisée au sein de déplacements avec plusieurs modes (donc en intermodalité) qu'en Côte-d'Or. Au-delà des facteurs locaux déjà mentionnés dans les parties précédentes, ce recours à l'intermodalité est aussi le résultat de trajectoires résidentielles spécifiques. Qu'ils aient ou non quitté le périurbain dépendant de l'automobile, beaucoup de Franciliens rencontrés sont venus s'installer dans ces territoires dans le cadre d'une trajectoire résidentielle centrifuge (Bonvalet et Bringé 2010) en s'éloignant peu à peu du centre et des zones moins dépendantes de l'automobile. Cette trajectoire résidentielle est à la fois intra et intergénérationnelle. Elle est le résultat d'un choix propre au ménage rencontré et/ou des choix effectués par leurs parents et ascendants qui peuvent avoir initié ce mouvement. De fait, en Île-deFrance, nous n'avons pas rencontré de ménages autochtones, c'est-à-dire vivant dans les mêmes territoires dépendants de l'automobile depuis plusieurs générations. Les natifs, c'est-à-dire ceux qui ont grandi dans du périurbain dépendant de l'automobile, y sont également moins présents qu'en Côte-d'Or, et ce dans les deux chantiers (cf. Tableau 7 : ci-dessous). Tableau 7 : Proportion de natifs 16 d'un territoire dépendant de l'automobile au sein de chaque zone géographique et de chaque chantier (en effectifs et en pourcentages en ligne) Chantier 1 Non natifs 2 10 % 16 59 % 18 Chantier 2 Non natifs 4 27 % 20 67 % 24 Côte-d'Or Seine-et-Marne Ensemble Natifs 18 90 % 11 41 % 19 Total 20 100 % 27 100% 47 Natifs 11 73 % 10 33 % 21 Total 15 100% 30 100% 45 16 Par natifs, nous entendons des personnes qui ont grandi depuis leur prime enfance dans des territoires dépendants de l'automobile. Sont ainsi qualifiées les personnes qui sont nées dans ces territoires ou qui s'y sont installées depuis leur prime enfance. 95 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Quand les individus non natifs sont venus s'installer dans un territoire périurbain dépendant de l'automobile, ils avaient généralement passé une partie de leur trajectoire résidentielle dans des territoires non dépendants. Ils ont y pu apprendre à utiliser des alternatives modales à la voiture comme les transports collectifs (train, bus) ou les modes actifs. Plus l'installation a été tardive (adolescence, âge adulte), plus ils ont appris à utiliser ces modes de manière autonome et continuent à le faire aujourd'hui. Plus particulièrement, pour ceux qui sont arriÎs à l'adolescence, le passage de territoires peu dépendants à très dépendants ne s'est pas fait sans difficulté compte tenu du décalage entre le territoire de départ et le territoire d'arriÎe : « Au début, ça été très dur, quand... ben, j'ai Îcu, en fait, en appartement à RueilMalmaison, avec ma soeur, on a Îcu dans la même chambre, après, on s'est retrouÎ dans la maison à Juilly. Déjà, quand on passe du 92 au 77, c'est super dur, parce que déjà, on ne connaît personne et en plus de ça... et en plus de ça... comment dire, on a... je ne connaissais personne et on passait d'une grande ville à un petit village parce que Juilly, c'est quand même super petit, en plus, tout se touche, Saint Mard, Juilly, Thieux... euh... la gare, c'était une catastrophe, il fallait obligatoirement aller à... à Saint Mard, qui faisait Saint Mard ­ Juilly Dammartin, donc, très, très dur au début. Donc, ça va que j'allais au collège à Saint Mard, donc, ce n'était pas trop, trop loin. Il y avait des bus, je prenais le bus... le bus, alors attendez, c'était le numéro... ah, je ne me souviens plus. Je sais qu'il y avait un bus, il n'y en avait pas beaucoup, donc, il ne fallait pas... enfin bref. » Julie, 22 ans, à la recherche d'un emploi, célibataire, a Îcu à Juilly de 2000 (11 ans) à 2005 (16 ans) avant de revenir vivre avec ses parents au Plessis-Bouchard. « J'habitais à Lille, dans le Nord, jusqu'à l'âge de 21 ans. Ensuite, mes parents qui ont... enfin, ma mère et mon beau-père qui ont toujours été plus ou moins, enfin... surtout mon beaupère, ma mère enfin... elle est arriÎe plus tard, mais dans la restauration... ont décidé d'acheter un restaurant, qui s'est aÎré, donc... enfin, qui était en Seine et Marne, donc, à Marles en Brie... donc, j'ai arrêté mes études pour venir travailler avec eux. [...] C'était une ville, donc... [Elle parle de Lille] avec des commerçants... enfin, vraiment, enfin, surtout la maison, enfin, l'appartement, c'était aussi en plein centre, mais la maison était également, enfin, on habitait dans une rue adjacente, et après, c'était une grande artère... enfin, une grande, grande rue qui s'appelait la rue Gambetta, où il y avait toutes les boutiques possible et qui accédait, de toute façon, au centre-ville de Lille. ET PUIS VOUS ALLIEZ A L'ECOLE A PIED... Voilà, exactement, j'allais à l'école à pied, et ensuite, j'allais au lycée, ben, je prenais le bus qui... qui... on va dire l'arrêt de bus était à 5 minutes.... Toutes les commodités, comme on dit. [...] » Fabienne, 49 ans, assistante maternelle à domicile, mariée, 22 filles de 22 et 15 ans, a Îcu à Marles-en-Brie de 1998 à 1996, originaire de Lille où elle a grandi. Parmi les personnes arriÎes à l'adolescence dans un territoire périurbain dépendant, nous avons rencontré surtout des personnes qui étaient depuis venues s'installer dans des territoires moins dépendants et, ce de façon plutôt définitive. Généralement, ils avaient du mal à envisager un retour dans le périurbain peu dense compte tenu des difficultés qu'ils ont pu éprouÎes. Les premières 96 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale étapes de leur socialisation (primaire et secondaire) se sont déroulées dans des milieux urbains plus ou moins denses mais surtout peu dépendants de l'automobile. Par leurs trajectoires et leur socialisation précoce à d'autres modes que la voiture, ces individus non natifs avaient déjà adopté l'intermodalité, avec ou sans automobile. Il faut y voir ici l'influence des parents (socialisation primaire) mais aussi d'autres instances de socialisation plus secondaires comme les réseaux de pairs, l'école, etc. Du coup, pour ces individus non natifs qui ont intégrés et adoptés l'usage de modes alternatifs à l'automobile, la norme de déplacement est plutôt l'intermodalité que l'usage unique de la voiture. Le processus d'acquisition d'une norme ou du moins d'une possibilité de déplacement intermodal n'est pas antagoniste avec le développement du recours systématique à la voiture dans la mesure où cette dernière peut faire partie des modes utilisés au sein du même déplacement (originedestination). Grandir dans des territoires périurbains dépendants de l'automobile s'accompagne souvent d'une obligation sociale d'acquérir le permis de conduire, sésame de l'autonomie de déplacement et rite initiatique de passage à l'âge adulte (Masclet 2002). Dans les deux territoires investigués, une obligation sociale de passer le permis, fortement relayée par les parents, incitent les jeunes à passer leur permis dès qu'ils ont 18 ans, même s'ils n'en ont pas plus envie que cela : « Ben, adolescent, le problème, c'est qu'à partir de 18 ans et 1 jour, il faut passer le permis, quoi, parce que tu n'en peux plus, ça, 18 ans, tu n'as qu'une envie, c'est de bouger avec ta voiture, quoi, c'est vrai qu'il y a ce côté-là ou il faut être Îhiculé tout de suite, quoi. Mon ami, il a 29 ans il n'est toujours pas Îhiculé parce que lui, il était en banlieue, il a toujours pris les transports, nous, c'était infaisable, quoi, il fallait le permis, quoi, ce n'était pas possible, quoi. » Claire, 27 ans, en couple, vit à Paris (HLM), a grandi à Egreville. « Ben, moi, quand mes parents m'ont inscrite, clairement, ça me gonflait parce que je n'avais pas envie d'y aller. CE SONT VOS PARENTS QUI VOUS ONT INSCRITE ? Oui, je ne voulais pas y aller. Ben, d'une, j'allais faire une heure de Îlo pour y aller. Et... Ben, en hiver, c'est toujours pareil, faire du Îlo, quand il fait... moins cinq dehors, ce n'est pas cool. Et puis, non, je n'avais pas envie à l'époque, même si je me disais : « Bon, une fois que je l'aurai, je pourrai faire ce que je veux. » Mais après, il y avait l'histoire de la voiture. Donc, si j'avais le permis et le code, il fallait la voiture, donc pour moi, ça ne servait à rien, en fait ! ET VOUS NE PENSEZ PAS QUE VOS PARENTS, ILS VOUS AURAIENT ACHETE MEME UNE VOITURE PAS CHERE... UNE VIEILLE VOITURE... ? Non. Non, parce que mes parents... me l'avaient dit tout de suite, en fait. « On paye le permis, on ne paiera pas la voiture, parce que si on doit le faire pour toi, on est obligé de le faire pour les quatre derrière, donc... non. » Donc... voilà. Donc, je savais que je n'aurais pas ma voiture. MAIS IL Y EN A QUI ONT DES VOITURES PAS CHERES, APRES. Oui, donc moi, j'aurais peut-être pu, mais... 97 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale C'EST TOUJOURS MOINS CHER QUE LE PERMIS, DU MOINS. Oui, mais quand on a 16 ans, on dit : « Ah non, c'est chiant ! ». Je n'avais pas envie d'y aller, ah, ah ! Donc... j'y allais à reculons, en fait, et... c'est vrai qu'au début, j'y allais même, très rarement. Jusqu'à ce que je me fasse engueuler un bon coup, et que mes parents me disent : « Écoute, on a payé, donc, tu y vas maintenant. » Mais... c'est vrai que même en pensant... au fait que... mes parents auraient pu me prêter leurs voitures, ça, il n'y avait pas de problème, mais... non, je ne sais pas. Je n'avais pas envie d'y aller. Ah, ah ! DONC, FINALEMENT, QUAND ON HABITE DANS UN... DANS UNE PETITE VILLE COMME ÇA, OU ON A DES SOUCIS POUR SE DEPLACER, QU'ON N'EST PAS BEAUCOUP ACCOMPAGNE PAR SES PARENTS, JE ME DIS : « DES QU'ON DOIT AVOIR LA POSSIBILITE QU'ON PASSE LE PERMIS, ON LE PASSE, QUOI. ET ON EST PRESSE DE LE PASSER POUR... VITE ACHETER UNE VOITURE, ET POUVOIR... FAIRE CE QU'ON NE POUVAIT PAS FAIRE OU FAIRE... PLUS SIMPLEMENT LES CHOSES. » ? Oui, mais après, il y a d'autres choses. Moi, l'auto-école était très loin, le temps que j'ai mon permis, j'avais déménagé pour habiter à Paris donc... À Paris, je n'avais clairement pas besoin d'avoir une voiture. » Nastassia, 23 ans, en couple, a Îcu à Ferolles-Attilly avec ses parents de 13 à 21 ans. « Non, non, c'est moi qui ai voulu [que sa fille passe le permis]. Ce n'est pas elle. Pendant 18 ans, j'ai mis tous les mois de côté de l'argent sur un compte, en lui disant... en lui disant toujours : « c'est de l'argent pour ton permis. Ce n'est pas pour autre chose. Le permis c'est vachement important à 18 ans pour travailler, pour se bouger, pour bouger, le permis c'est indispensable ». Donc, voilà. C'est moi qui la... à ses 18 ans, paf, j'ai été l'inscrire au permis, j'ai dit : « il faut absolument que tu aies ton permis, et tu as la chance que... voilà, pendant des années ». Il y en a qui n'ont pas cette chance-là. Voilà, elle est au permis. » Samia, 42 ans, secrétaire à mi-temps à Favières, en couple (divorcée par ailleurs), 2 filles de 19 et 14 ans, vit à Serris (HLM) depuis 2007, a Îcu à Favières de 2001 à 2007. Compte tenu de leurs revenus plus ou moins modestes, l'obtention du permis n'a pas forcément lieu dès 18 ans, mais peut être plus longue le temps de réunir les économies nécessaires pour le passer et/ou acheter le Îhicule. Ainsi, pour les ménages modestes, ce retard dans l'obtention du « papier rose » conduit les jeunes adultes à être dépendants de l'accompagnement de leurs parents ou d'autres modes (notamment les transports collectifs) plus longtemps s'ils choisissent de rester vivre chez leurs parents comme c'est le cas pour les enfants respectifs de Bruno (77), Virginie (77) ou Laurence L. (21). D'autres préfèrent se relocaliser dans des territoires moins dépendants et abandonner l'usage de la voiture comme la fille de Bernadette (77) ou celle de Nicolas (21). Ces dernières se sont toutes les deux rapprochées de leurs lieux d'études en vivant, pour l'une, chez sa grand-mère et pour l'autre, en résidence étudiante (bourse sur critères sociaux). On notera que ces deux jeunes filles ne sont natives ni l'une, ni l'autre du périurbain dépendant dans lequel leurs parents sont venus s'installer tardivement. Une fois le permis obtenu et une voiture à disposition, assiste-t-on à une reconfiguration des déplacements au profit du tout-automobile ou les individus gardent-ils des pratiques multimodales ? De fait, la réponse à cette question dépend essentiellement des caractéristiques de déplacement des 98 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale jeunes considérés avant leur accès autonome et individuel à l'automobile. En l'occurrence, peu importe les territoires investigués, il est nécessaire de distinguer les enfants (moins de 11 ans) des adolescents (de 11 ans jusqu'à 18 ans). Durant l'enfance, dans le périurbain dépendant de l'automobile, les déplacements réalisés par les enfants sont essentiellement accompagnés et ont lieu en voiture, en bus scolaire ou à pied quand l'école maternelle ou primaire est présente dans la commune comme c'est notamment le cas à Crèvecoeur-en-Brie (77), Pommeuse (77) ou Longchamp (77). Les déplacements à Îlo ou piétons plus longs sont rares et essentiellement encadrés par les parents dans le cadre d'une activité de loisir spécifique. A l'adolescence, on assiste à une montée en autonomie des déplacements (ou du moins à la volonté d'une telle autonomie) qui change la perception du territoire comme peut en témoigner Virginie (77) qui a une fille de 16 ans : « Mais c'est vrai que quand ils sont petits, ils adorent Crèvecoeur et quand ils sont plus grands, ils détestent parce qu'il n'y a rien à faire, parce qu'on ne peut pas bouger. C'est vrai que pour les ados, il faut toujours les emmener à la gare, les emmener à droite à gauche, etc. ». Outre l'accompagnement, les adolescents tendent à avoir plus recours à d'autres modes comme le Îlo ou le scooter qui ont une portée supérieure à la marche et qui permettent d'avoir des déplacements autonomes des parents. L'utilisation de ces modes supplémentaire est variable et l'accompagnement parental demeure important. De fait, pour les personnes qui ont été adolescentes dans le périurbain dépendant de l'automobile ou pour les personnes qui sont parents de tels adolescents, cette étape du cycle de vie est celle où les pratiques de déplacements sont les plus diversifiées. Le résultat est valable aussi bien en Seine-et-Marne qu'en Côte-d'Or où ont été déclarées les pratiques modales suivantes : Îlo, marche à pied, bus scolaires, autres systèmes de transports collectifs, voiture en passager ou en conducteur accompagné, scooter, mobylette, covoiturage (camarades ou petits amis), autostop et même transport à la demande. Cette diversité modale tient essentiellement au fait que les ménages et individus rencontrés sont justement modestes et/ou issus de familles modestes. Les adolescents ne peuvent être forcément accompagnés car leurs parents travaillent ou n'ont pas les moyens de multiplier les déplacements : ils apprennent ainsi à se débrouiller autrement pour se déplacer. De plus, avec l'entrée au collège puis au lycée, leurs cercles amicaux s'agrandissent et se dispersent géographiquement. Pour se retrouver entre amis, il leur est alors nécessaire de quitter leur commune, de parcourir plus de kilomètres. Compte tenu de l'importance des alternatives modales à la voiture, on peut alors émettre l'hypothèse que peu importe le niveau de dépendance du territoire considéré, des pratiques modales alternatives à la voiture sont possibles. Si elles sont possibles et correspondent à une étape particulière de la trajectoire de vie des individus, elles ne survivent pas forcément au passage du permis et à l'acquisition d'une voiture du fait même de la socialisation à la voiture qu'expérimentent ces natifs. Aussi, en dehors des transports scolaires, les déplacements quotidiens supposent un usage quasiexclusif de la voiture via l'accompagnement parental et plus particulièrement maternel (Dowling 2000) pour l'école et/ou les autres activités. Quand certains parents restent à domicile, ils sont plus facilement disponibles pour pallier les inadéquations entre emplois du temps de l'école et du bus. Ces inadéquations tendent à s'accroître avec le niveau de scolarisation des enfants et l'arriÎe d'emplois du temps variables. Quand les deux parents travaillent, que la fratrie empêche de multiplier les déplacements d'accompagnement ou que les distances à parcourir deviennent plus importantes, ce dernier comptent d'autres modes comme la marche, le Îlo, le transport scolaire ou le scooter. Pour les plus jeunes, des parents tendent à refuser l'usage du Îlo ou de la marche (Samia à Favières, Sonia à Longchamp) qu'ils perçoivent comme dangereux et accidentogènes (HugueninRichard 2010; Depeau 2008). Le manque d'équipement adéquat et distinct du réseau routier est 99 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale souvent évoqué pour motiver ce choix. Ce faisant, les parents dissuadent les enfants de recourir à ces modes en préférant venir les chercher en voiture. Ils leur transmettent ainsi l'image de la voiture comme le mode le plus adapté et sécurisé pour se déplacer, préférables à d'autres modes. A l'adolescence, ces modes actifs de déplacement permettent une mobilité autonome mais cette dernière est considérée comme peu performante (Bachiri et Després 2008). Même s'ils ne sont pas toujours possible, leur sont généralement préférés l'accompagnement parental ou les scooters et mobylettes, premiers supports d'un déplacement autonomisé. Plus efficaces en portée que des modes actifs, ces Îhicules entretiennent l'image plus performative des modes motorisés individuels au détriment d'autres modes. Issus d'un milieu modeste, les adolescents n'ont pas forcément la possibilité d'en avoir un (s'ils en avaient eu l'autorisation) mais beaucoup de leurs camarades en possèdent, ce qu'ils envient souvent. Qu'ils soient possédés ou non, ces modes sont néanmoins considérés comme la possibilité d'un déplacement autonome anticipé ou un palliatif (plus ou moins) temporaire à la voiture comme témoigne Julie : « Après, là-bas, alors c'est bizarre parce que là-bas... comme c'est des gens... c'est des gens de la campagne... ils ont tous des scooters, c'est hyper impressionnant, c'est.... C'est même une des premières qui font... ils ne pensent pas à acheter... même quand c'est l'âge d'avoir le permis, ils préfèrent avoir des scooters... dernière mode et tout plutôt que de passer le permis. C'est vrai que John, il a eu... il a eu l'intelligence de passer le permis rapidement, mais ils ont tous eu des scooters, des moto-cross et tout. C'est tout ce qui était terrain, ici [au PlessisBouchard (95) où elle réside à présent] pas trop... ici, il n'y a pas trop de scooters, et quand j'étais à Rueil [Rueil-Malmaison dans les Hauts-de-Seine], le scooter, oui, ce n'était pas trop... Si, c'était pour les gens... comme ici, qui allaient travailler et qui prenaient... mais les gros scooters, avec John, on n'avait pas de scooter, quoi, et quand je suis arriÎ à Juilly, ça, ça m'avait impressionné, et je voulais un scooter, du coup, moi aussi, mais mes parents n'ont pas voulu. Ils avaient trop peur et... » Au final, par l'influence de leurs parents ou de leurs réseaux amicaux, les jeunes natifs du périurbain dépendant que nous avons rencontrés montrent qu'ils se projettent ou sont projetés dans la perspective d'un usage autonome de la voiture. Plus qu'autonome, cet usage devient souvent exclusif. S'ils utilisent d'autres modes au cours de leur enfance et de leur adolescence (transport scolaire, marche, Îlo, scooter, etc.), ils tendent à les substituer totalement à l'automobile comme en témoigne Charline, native du périurbain dijonnais : « DONC, FINALEMENT, VOUS PRENEZ, DEPUIS QUE VOUS AVEZ VOTRE PERMIS, VOUS PRENEZ ASSEZ PEU LES TRANSPORTS EN COMMUN ? C'est moins, voire plus du tout. Ça m'arrive, ça m'est arriÎ quelquefois de prendre le bus... de prendre le bus pour ne pas aller très loin au centre-ville, pour aller faire un tour sur le marché. Je sais que je ne vais avoir trente-six mille sacs à remonter et autres. Bon, ben oui, je vais prendre le bus. Parce que ça m'évite de me garer, etc. Mais ça reste très, très rare. C'est vraiment exceptionnel. » 100 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Pourtant, Charline travaille en plein centre-ville et réside à Dijon mais elle a grandi dans le périurbain dépendant de l'automobile. La voiture est alors un symbole : celui de la quête de liberté de déplacement, de l'indépendance et d'un gain substantiel de temps. Pour les ménages rencontrés, la symbolique est double : l'autonomie n'est pas seulement en termes de déplacement, elle est aussi financière. Pour pouvoir se déplacer en voiture, ces jeunes adultes ont dû se payer eux-mêmes leur permis de conduire ou/et leur Îhicule, en travaillant l'été ou au long de l'année, comme c'est le cas pour les filles de Laurence L. et de Nicolas qui vivent à Longchamp (Côte-d'Or). Cette socialisation primaire et secondaire à l'usage de la voiture est donc d'autant plus forte pour les individus qui ont grandi depuis leur prime enfance dans le périurbain contrairement à ceux qui ont appris à se déplacer sans ce mode avant ou après leur épisode résidentiel périurbain. Ainsi, à Dijon, où nous avons rencontré plus de natifs (cf. Tableau 7 : p. 95) ou de parents de natifs, cette socialisation est plus perceptible. Elle se poursuit aussi tout au long de la vie de l'individu, en fonction de sa propre trajectoire résidentielle mais aussi professionnelle. D'autres instances comme l'entreprise ou le Pôle Emploi jouent un rôle important dans la transmission de la norme du tout voiture. Ainsi, à Longchamp, Laurence L. a pu profiter de son licenciement pour obtenir des aides à la mobilité et passer son permis. Séverine aurait aimé faire de même mais le Pôle Emploi a refusé en lui conseillant d'acheter une voiture sans permis comme celle de Giliane. Cette dernière ne peut passer son permis pour des raisons de santé et a investi dans une voiture sans permis quand son mari a perdu le sien. Pour Giliane, il fallait conserver une voiture et un mode de déplacement autonome dans le foyer qui lui a permis en outre de sortir plus souvent de chez elle, n'étant plus limité par les horaires des bus Transo. En Seine-et-Marne, la seule personne qui s'est équipée d'une telle voiture est la compagne d'Abdel (Sainte-Colombe) pour pallier des difficultés administratives qui l'empêchent de passer son permis, pour pallier l'absence de voiture du foyer (panne durable) et améliorer ses conditions de déplacements actuels qui ont lieu en scooter. De fait, par la prise en charge partielle des frais de transport en commun, les entreprises franciliennes incitent plus à l'intermodalité voiture-TC qu'à un recours exclusif à la voiture. Toutefois, pour comprendre comment se développe la norme d'un recours exclusif à l'automobile (ou à d'autres modes individuels motorisés), il faut aussi comprendre comment se développe l'adoption d'une autre posture : celle du non usage des transports collectif. Nous avons vu qu'à l'adolescence, le recours à ce mode existe. Mais il est communément admis que ces derniers font preuve d'une moindre efficacité, car peu fréquents dans les territoires investigués. De fait, cette rareté est réelle. A l'adolescence, le transport scolaire qui est seulement réserÎ aux scolaires et ne peut pas être pris par d'autres catégories de population augmentent la fréquence de desserte des territoires dépendants de l'automobile. A Longchamp et Chambeire, le Transco (ligne 40 qui part de Dijon et est terminus à Soisson-sur-Nacey) est peu fréquent : il passe deux fois par jour dans chaque sens en privilégiant les flux pendulaires vers Dijon. De plus, ce bus ne s'arrête jamais à la gare de Genlis qui bénéficie pourtant d'une ligne TER entre Dijon et Besançon (20 arrêts par jour dans chaque sens). On notera que, malgré la plus grande diversité des horaires, le TER de Genlis n'est pas plus utilisé que le bus par nos enquêtés en dehors de quelques occasions exceptionnelles (prendre le train pour aller à Disneyland Paris par exemple). Pourtant, cette gare est à moins de 6 km de Longchamp. La raison tiendrait là encore à la localisation des lieux de destination situés plus en périphérie de Dijon (comme l'Université par exemple) ou des contraintes horaires des activités réalisées (horaires décalés des ouvriers par exemple). En Île-de-France, le maillage des transports collectifs est plus important et plus fréquent (un train par heure dans chaque sens pour Sainte-Colombe et Pommeuse 101 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale par exemple). Les distances à parcourir étant plus importantes et les destinations pouvant être plus centrales (pour le travail ou tout autre activités), donc moins facilement accessibles en voiture, les transports collectifs sont plus souvent utilisés en Seine-et-Marne qu'en Côte-d'Or. Toutefois un rejet conscient des transports collectifs est plus palpable. De fait, ces modes de transports peuvent être considérés comme bondés, dangereux, mal fréquentés : « Ben, les transports, en fait, c'était fatigant, et puis ma mère, enfin, mes parents avaient peur, quoi, ce n'est pas que ça craint mais le RER B, ce n'est pas ça, enfin, ça craignait un petit peu quand même, du coup... du coup, c'était plus John [son ancien petit ami] qui se déplaçait et puis, voilà, quoi. [...] Ma soeur a Îcu sa primaire, et ses amis d'enfance sont là-bas. Elle s'est refait des copines ici, mais... ça reste... moi, c'était mon année de collège, donc, c'est vrai que c'était super intéressant, quoi, mais elle, la primaire, du coup, elle a développé de belles amitiés et du coup, elle y va très, très souvent. ELLE AUSSI, EN VOITURE, NON, EN TRANSPORTS ? Non, elle y va en transport, ça fait chier mes parents, mais du coup... du coup, là, elle passe son permis. » Julie, 22 ans, à la recherche d'un emploi, célibataire, a Îcu à Juilly de 2000 (11 ans) à 2005 (16 ans) avant de revenir vivre avec ses parents au Plessis-Bouchard. « C'est une des raisons pour lesquelles je ne vais plus non plus au travail, en transports, même si au début je le voulais pour... parce qu'on a une démarche aussi assez écologique, et que je ne voulais pas non plus faire trop de pleins. Et, j'ai commencé à faire des crises d'angoisse... donc... je suis tombée plusieurs fois... j'ai fait des malaises dans les transports en été, donc, ce n'était plus possible, en fait. À CAUSE DE LA FOULE OU A CAUSE DE LA CHALEUR ? À cause des deux. » Nastassia, 23 ans, en couple, a Îcu à Ferolles-Attilly avec ses parents de 13 à 21 ans. « Mais quand je rentrais, des fois, le soir... aux heures de pointe... LA, IL Y A BEAUCOUP PLUS DE MONDE ? Ah, c'était chaud ! C'est ce que je reproche, aujourd'hui, aux transports en commun... Je trouve que c'est le manque de sécurité. Il y a trop... trop d'insécurité ! Ah oui. MEME SUR UNE PETITE LIGNE COMME ÇA... ? PARCE QUE LA, C'EST QUOI, C'EST LA LIGNE QUI VA DE LA GARE DE L'EST A COULOMMIERS, C'EST ÇA ? Oui. Encore ici, ça va... ça va. Mais quand vous chopez les autres lignes, là-bas, du côté où estce que j'étais avant, à Chelles... Oh, la, la ! Le E, c'est le train qui va de la Gare de l'Est à Meaux. Oh, la, la ! Toute la racaille, là ! Oh... oh ! C'est... c'est malheureux à dire, mais... ça ne va pas en s'améliorant, et ça n'ira pas en s'améliorant ! Malencontreusement, c'est... Malheureusement, on ne peut rien faire. On ne peut faire que subir ! Mais, enfin, il y a beaucoup... Moi, je voyais... Les gens... Et même ! Vous êtes dans un transport, vous avez l'impression que tout le monde fait la tronche ! Et puis... Hein, c'est vrai ? Personne ne fait un 102 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale sourire, personne... Oh, la, la ! Oh, la, la ! Moi, c'est pour ça. Je mettais mon walkman, là... Allez, hop, là ! » Miguel, 37 ans, plombier sur Paris, marié, 2 enfants de 10 et 7 ans, propriétaire à Pommeuse depuis 2011. Les personnes qui utilisent ces arguments tendent à avoir uniquement recours à la voiture pour se déplacer ou du moins à préférer la voiture aux TC dès lors qu'ils considèrent ces derniers dangereux (cas du RER pour se rendre à Juilly). Pour ces personnes, certains transports collectifs comme le RER fait écho aux raisons premières qui ont poussé les personnes à s'éloigner de l'urbain pour atterrir dans des territoires dépendants de l'automobile, à savoir le rejet de la ville et de ses dangers. Pour les natifs, ceux dont les parents ont fait le choix, cette image a été intériorisée depuis l'enfance à travers le discours de leurs parents. A l'adolescence puis à l'âge adulte, ils peuvent cependant prendre ce discours à leur compte ou, au contraire, le rejeter en fonction de leurs propres expériences et/ou trajectoires résidentielles. Ainsi Claire est une native du périurbain et vit depuis plusieurs années avec son compagnon à Paris. Elle n'envisage plus de retourner vivre dans de tels territoires et se passe allègrement de sa voiture, qui est restée chez ses parents. Même si le permis représente une forme d'autonomie de déplacement, elle reconnaît se contenter du métro. Ainsi, au gré de leurs propres expériences résidentielles, les individus se détachent de la norme d'un usage exclusif de la voiture. C'est notamment le cas en Île-de-France où les distances à parcourir rendent les transports collectifs parfois plus performants pour parcourir de grandes distances. Pour les nonnatifs, ce rejet est moins fort mais on peut cependant noter que l'usage de la voiture fait malgré tout partie de la norme dans la mesure où elle est une contrepartie nécessaire à l'installation dans un territoire périurbain dépendant de l'automobile, c'est-à-dire dans un territoire sans ou avec peu de services et commerces à proximité. L'usage de la voiture est généralement tenu pour aller de soi. Son usage exclusif permet néanmoins de différencier les individus selon leurs trajectoires personnelles (résidentielle, professionnelle, etc.) et leurs zones géographiques, c'est-à-dire en fonction des équipements et alternatives modales présentes dans ces zones. De plus, comme les trajectoires personnelles se sont aÎrées géographiquement spécifiques au sein des deux enquêtes, la dépendance automobile et son Îcu sont le résultat d'une socialisation géographiquement spécifique. 103 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale · Pour la plupart des ménages interrogés, l'usage de la voiture est peu remis en question : il relève donc d'une norme car la voiture va de soi et est tenue pour aller de soi. Cela peut paraître logique compte tenu des territoires investigués. Mais, les pratiques modales varient d'un territoire à l'autre. L'intermodalité (TC, Îlo, etc.) est bien moins pratiquée en Côte-d'Or qu'en Seine-et-Marne. A l'inverse, le système collectif majoritaire utilisé autour de Dijon est surtout le covoiturage qui est très peu utilisé au quotidien par les ménages franciliens. Les différences géographiques dans l'appréhension de la dépendance automobile sont le résultat de compositions socioéconomiques différenciées (plutôt des employés en Seine-etMarne, plutôt des ouvriers dans l'Est de Dijon). Outre les caractéristiques des territoires et leur Îcu quotidien, la dimension normative du tout-automobile repose avant tout sur la socialisation des individus dans des territoires analogues : natifs et non natifs se distinguent par un usage exclusif ou non de la voiture quand ils vivent dans les territoires périurbains dépendants de l'automobile. Quand ils ont quitté ces territoires, les natifs tendent à conserver des pratiques de déplacement dominées par l'automobile même si ces pratiques deviennent plus multimodales. · · · 104 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Partie 4 : Quitter le périurbain pour échapper à la dépendance automobile : approche à partir du recensement 1. Hypothèses La question que nous nous posons ici est d'identifier si la mobilité résidentielle constitue une échappatoire pour les ménages modestes face à la dépendance automobile dans les espaces périurbains, face à un coût de la mobilité auquel ils font difficilement face. Notre première hypothèse est que les ménages ayant des revenus limités ont une probabilité plus forte de quitter les territoires les plus dépendants de l'automobile. La seconde hypothèse est que ces ménages quittent les communes fortement dépendante de l'automobile ont une plus forte probabilité de s'orienter alors vers un territoire où cette dépendance est plus faible. Enfin, la troisième hypothèse postule que l'accès à un logement social dans le territoire de destination constitue un ressort pour ce type de trajectoires résidentielles. Pour répondre à ce questionnement et tester les trois hypothèses présentées, une analyse multivariée à partir du recensement de la population de 2006 sera effectuée sur deux terrains d'études, la grande couronne francilienne et l'aire urbaine dijonnaise. Le premier territoire d'étude de cette recherche porte sur la région Ile-de-France. Pour autant, elle ne porte pas sur l'ensemble de ce territoire administratif, nous nous sommes limités à ses quatre départements périphériques, soit la grande couronne francilienne où une partie substantielle des espaces périurbains franciliens. En effet, la définition du périurbain que nous avons retenu dans ce travail est celle d'un « ensemble de zones où l'on observe des phénomènes de croissance démographique... où l'on enregistre une production de logements neufs sous des formes variées » (Jalabert, 1985). Selon cette définition, qui n'est pas si loin de celle de M.C. Jaillet (1985) pour qui le périurbain est « une fraction de l'espace sur laquelle se localise... une nouvelle phase de la croissance urbaine, plus adaptée à l'état du système socio-économique... », le périurbain francilien déborde donc de l'Ile-de-France, mais couvre dans la région la majeure partie des territoires de grande couronne. Ce sont ces espaces où les dynamiques des populations et des activités sont particulièrement fortes (Massot et Roy, 2004). Ils absorbent la quasi-totalité de la croissance démographique et la majeure partie de celle du parc de logements entre 1990 et 1999 (Carre, 2005), tandis que dans les autres départements la population reste 105 2. Terrains Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale relativement stable, la construction de logements est moins vive et la croissance urbaine y est plus ancienne. Notre acception large des espaces périurbains, nous invite à ne pas les considérer comme des espaces homogènes. Ainsi, en termes de mobilité et de dépendance à l'automobile les contextes territoriaux en grande couronne sont fortement contrastés, comme l'ont montré Wenglenski (2003) pour l'accès à l'emploi et Motte (2006) pour l'accès aux commerces. La première étape de notre travail empirique a donc consisté à différencier les territoires périurbains en fonction des coûts de la mobilité automobile inhérents à ces localisations résidentielles (Motte-Baumvol, 2007 ; Dodson et Sipe, 2007). Nous avons caractérisé ces degrés d'intensités de la dépendance automobile au travers d'une typologie des communes de la couronne extérieure de l'agglomération francilienne, distinguant deux types de territoires à partir de leur équipement en commerces déterminé à partir de la Base Permanente des Equipements (BPE) de l'INSEE (Figure 6 et Figure 7). Cette classification est le résultat d'un travail préalable qui a montré que la présence de commerces dans un territoire tendait, en fonction de leurs natures, à moduler l'intensité de la dépendance subie par les ménages en jouant sur leur niveau de motorisation et sur les distances parcourues quotidiennement (Motte, 2006). Figure 6 : Niveaux de dépendance à l'automobile des communes de Grande Couronne Francilienne Source : Typologie de l'auteur à partir de la base permanente des équipements 2006 106 Figure 7 : Niveaux de dépendance à l'automobile des communes de l'aire urbaine dijonnaise Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Source : Typologie de l'auteur à partir de la base permanente des équipements 2006 Tableau 8 : Distances parcourues en voiture et niveaux de motorisation des ménages en fonction du niveau de dépendance à l'automobile de la commune de résidence en grande couronne francilienne Distance en voiture d'un ménage d'actif Forte dépendance Faible dépendance 65,8 42,0 Distance en voiture de la personne de référence d'un ménage d'actif 43,2 30,6 Nb de voitures par ménage (tous les ménages) 1,6 1,3 Source : Calculs de l'auteur à partir de la BPE 2007, l'EGT 2001, et le Recensement 2006 Le premier niveau correspond ainsi aux communes qui ne disposent d'aucun commerce ou dans un tiers des cas d'une épicerie, voir d'une boulangerie ou d'un marchand de journaux. Dès lors que la commune dispose d'un supermarché, elle appartient au second niveau d'équipement commercial. En général, cette grande surface à dominante alimentaire a un effet puissant d'agrégation d'autres commerces. On y retrouve souvent en plus de commerces de proximité une pharmacie, un bureau de poste, une banque, des magasins spécialisés et au moins une grande surface spécialisée. Cette typologie définie par Motte (2006) à cette fin a démontré sa pertinence. Ainsi, les communes ne disposant pas ou de peu de commerces de proximité sont considérées comme les plus fortement dépendantes de l'automobile car les ménages qui y résident sont systématiquement contraints de se 107 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale déplacer dans les communes voisines pour s'approvisionner en nourriture et biens anomaux. D'autre part l'absence de services de proximité traduit également le peu d'opportunités locales d'emploi impliquant de plus longues navettes pour les ménages qui y résident. Enfin, les faibles densités et les discontinuités du bâtit nuisant à la marche, ainsi que la faiblesse de l'offre de transport en commun n'y offrent que peu d'alternatives à l'automobile. De ce fait le recours plus important à l'automobile se traduit par une motorisation et un kilométrage en automobile plus importants que dans les autres communes de la couronne externe francilienne (Tableau 8). A l'inverse dans cette typologie, les communes disposant d'un ensemble élargi de services offrent à leurs habitants des opportunités d'approvisionnement et d'emplois locales qui tendent à minimiser leur mobilité automobile. La mobilité automobile y est la plus faible. 3. Données et Méthode 3.1. Etudier les migrations résidentielles des ménages à partir du recensement La partie quantitative de cette étude repose principalement sur l'exploitation des données du recensement de la population de 2006 et en particulier sur le fichier détail portant sur les « Migrations résidentielles des individus entre communes » (MIGCOM). Le fichier détail comporte un enregistrement par individu recensé permettant de dresser des profils individuels, à la différence des autres types de données du recensement agrégées par territoire. Pour répondre aux exigences du secret statistiques, les différents fichiers détails contiennent un nombre limité de variables et certaines variables sont peu détaillées. Dans le fichier MIGCOM, la PCS n'est détaillée qu'en 8 postes et ne dispose pas de variable décrivant le niveau de motorisation des ménages ou la taille du logement, pourtant utile dans le cadre de cette étude. Toutefois, le fichier MIGCOM permet de connaitre le dernier déménagement au cours des cinq dernières années 17 et indique à la fois son origine et sa destination en utilisant le maillage communal. Ce maillage territorial n'est pas le plus fin offert par l'INSEE. Mais un fichier avec un maillage plus fin à l'IRIS dispose d'un nombre de variable beaucoup plus réduit, offrant un profil sociodémographique des individus trop partiel au regard de notre questionnement. Au regard de notre échelle d'étude, celle de la grande couronne francilienne, soit un territoire comprenant près de 1 200 commune, ce maillage parait un compromis acceptable pour approcher les effets de la dépendance sur la mobilité résidentielle. L'utilisation des fichiers détails du recensement pour étudier les migrations résidentielles souffre d'une limite importante dans la mesure ou les caractéristiques des individus, de leur ménage ou celle du logement ne sont connues qu'à la destination et pas à l'origine. Il n'est pas possible à partir de ce Avec l'annualisation des résultats du recensement à partir du recensement de 2005, les migrations résidentielles correspondent au dernier déménagement connu effectué au cours des cinq années précédentes. Auparavant, le dernier déménagement connu pouvait avoir été effectué durant l'ensemble de la période intercensitaire soit 9 années pour le recensement de 1999, le précédent ayant été effectué en 1990. 17 108 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale seul fichier de lier un déménagement à la recherche d'un logement plus grand, l'arriÎe d'un enfant ou bien un changement d'emploi. Dans le cadre de cette étude lorsqu'il sera fait mention d'une situation de chômage, d'une famille monoparentale ou encore d'un logement en HLM, cela s'entend à la date du recensement soit en fin de période, sans qu'il soit possible de dire si c'était déjà le cas à l'origine du dernier déménagement connu. L'analyse des trajectoires résidentielles est menée au niveau des ménages, unités de base de la mobilité résidentielle, de la consommation et de la reproduction, pesant sur le niveau de revenu et de bien-être social des populations (Wallerstein et Smith 1992). Par ailleurs, cette étude n'a pris en compte que les ménages dont la personne de référence est un actif (occupé ou non), principaux animateurs de la dynamique résidentielle en Grande Couronne. L'objectif est de travailler sur un groupe de ménages suffisamment homogènes pour pouvoir étudier et comparer selon les territoires les effets des différentes variables explicatives. Par ailleurs, il est nécessaire que ces ménages soient potentiellement concernés par des situations de fragilités économiques et des ruptures dans le cycle de vie : le chômage ou la monoparentalité par exemple. Ainsi, d'une part les ménages de retraités ont été exclus de notre échantillon parce qu'ils ne connaissent généralement pas les dernières situations. D'autre part les inactifs ont été écartés parce leurs situations sont très hétérogènes en termes de revenus ou de mobilités quotidiennes rendant les comparaisons entre eux, par rapports aux ménages d'actifs et entre territoires particulièrement difficiles. 3.2. Des ménages modestes aux ménages précaires On retrouve deux types de définitions du ménage modeste dans les publications de l'INSEE. La première reconnait les ménages modestes comme les 25% de ménages ayant le plus faible niveau de vie (Devalière et al., 2011). La seconde plus précise définit les ménages modestes comme ceux ayant un niveau de vie supérieur au seuil de pauvreté et inférieur au troisième décile des individus de la France (Chéron, 2008). Par extension dans le cadre de cette étude, les ménages d'actifs modestes peuvent être définis comme ceux ayant un niveau de vie supérieur au seuil de pauvreté et inférieur au troisième décile des niveaux de vie des ménages de la France dont la personne de référence est un actif. Toutefois, comme la variable de niveau de vie ne figure pas dans les données du recensement, la PCS est souvent utilisée pour approcher le niveau de vie d'un ménage. Pour autant, si un découpage de la PCS en 24, 31 ou 48 postes peut donner des résultats jugés satisfaisants, un découpage 8 postes comme celui offert par le fichier détail MIGCOM ne l'est pas (Préteceille, 2006). De fait, les résultats obtenus en opposant les ouvriers et les employés, en tant que ménages modestes, aux cadres et aux professions intermédiaires, en tant que ménages aisés vont s'aÎrer ambiguës, au regard du questionnement et des hypothèses posées. Cette ambiguïté dépend pour partie de l'imprécision de l'approche du caractère modeste des ménages à partir du recensement. Face à ces limites, nous nous sommes appuyés sur des catégories de ménages qui ne sont pas nécessairement modestes mais dont le niveau de vie a été ou est fragilisé par une bifurcation dans le cycle de vie, il s'agit des familles monoparentales et des ménages dont la personne de référence est au chômage. On fait le postulat que tout comme les ménages modestes, ces deux catégories de ménages voient le coût de la mobilité automobile compromettre leurs localisations résidentielles dans des communes de forte dépendance automobile. Plus encore parce que le chômage et la 109 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale monoparentalité sont issus de ruptures dans le cycle de vie et remettent ainsi en cause le niveau de vie des individus et parfois les mobilités et les localisations résidentielles qui en dépendent. Pour chacun des terrains, les différentes trajectoires résidentielles des ménages et leurs caractéristiques sociodémographiques seront décrites dans un premier temps. Les variables ainsi décrites seront ensuite intégrées dans un modèle logistique permettant d'expliquer les déménagements pour chacun des terrains étudiés 4. Résultats 4.1. Des sorties résidentielles faibles à partir des territoires de forte dépendance automobile La part des sorties résidentielles dans la population des ménages des communes de forte dépendance automobile n'est pas plus importante que dans les communes de faible dépendance. Il n'y a donc pas de sorties massives des communes les plus dépendantes de l'automobile. Au contraire, la part des ménages sortants dans les communes de forte dépendance est plus faible que dans les communes de faible dépendance, -5,5 points (Figure 8). Par ailleurs lorsqu'un ménage sort d'une commune de forte dépendance automobile, l'une de ses destinations privilégiées reste une autre commune de forte dépendance automobile (Figure 9). Alors que pour les ménages sortants d'une commune de faible dépendance automobile, les communes de forte dépendance sont la destination la moins fréquente (Figure 9). Figure 8 : Effectifs et pourcentages de ménages selon la trajectoire résidentielle et le niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine Source: Calculs de l'auteur à partir du fichier détail « MIGCOM » du recensement de la population 2006 110 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Ainsi d'une part, s'il y a sorties de ménages modestes fragilisés par la dépendance à l'automobile des territoires où ils résident, ces sorties ne sont pas massives. D'autre part, les sorties résidentielles des communes de forte dépendance ne sont pas orientés fortement vers les communes de faible dépendance automobile en grande couronne ou de l'espace central régional. Ainsi, les hypothèses qui sont à la base de ce travail semblent immédiatement infirmées par ces résultats sur l'ensemble de la population des ménages. Il convient désormais de travailler de façon désagrégée sur la population des ménages en fonction de ses principales caractéristiques sociodémographiques, afin d'aller au-delà de l'effet de structure que suggère ces premiers résultats. Figure 9 : Distribution des ménages ayant effectué une migration résidentielle à partir de la grande couronne par niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine et type de la commune de destination Source: Calculs de l'auteur à partir du fichier détail « MIGCOM » du recensement de la population 2006 4.2. Les ménages de chômeurs ont une plus forte probabilité de quitter les communes de forte dépendance en grande couronne francilienne Une limite forte des résultats présentés ci-dessus est leur caractère binomial alors que la propension à déménager dépend fortement de plusieurs caractéristiques des ménages. C'est pourquoi nous avons construit un modèle cherchant à expliquer la décision de déménager hors de sa commune. Ce modèle est une régression logistique intégrant les principales variables explicatives des déménagements, telles l'âge, le statut d'occupation du logement et le type de logement, comme l'a montré l'étude de la bibliographie sur la mobilité résidentielle. D'autres variables explicatives ont également été intégrées, tel le niveau de dépendance du territoire d'origine et de destination, ainsi que type d'activité du chef du ménage permettant de voir si elle est au chômage. Ces dernières 111 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale variables ont un pouvoir explicatif bien inférieur dans le modèle mais sont cruciales pour discuter l'hypothèse au coeur de cette recherche. Tableau 9 : Descriptif des variables explicatives utilisées dans la modélisation en Grande Couronne Francilienne Variable Age de 20 à 24 de 25 à 39 de 40 à 54 55 et plus 10 808 214 469 431 324 144 876 220 164 225 184 160 315 195 815 746 780 54 697 420 476 128 000 253 001 615 768 185 709 160 140 52 550 37 552 13 668 6 108 115 041 130 598 178 761 107 059 407 969 388 750 4 758 479 425 95 899 198 466 6 204 1,3 26,8 53,8 18,1 27,5 28,1 20,0 24,4 93,2 6,8 52,5 16,0 31,6 76,8 23,2 20,0 6,6 4,7 1,7 0,8 14,4 16,3 22,3 13,4 50,9 48,5 0,6 59,8 12,0 24,8 0,8 34 645 244 089 118 515 21 205 114 459 127 756 91 395 84 845 387 131 31 324 157 099 83 639 177 716 303 144 115 310 121 577 21 078 13 946 4 209 1 490 86 150 68 318 67 972 33 714 170 382 243 953 4 119 188 198 143 074 59 607 11 741 8,3 58,3 28,3 5,1 27,4 30,5 21,8 20,3 92,5 7,5 37,5 20,0 42,5 72,4 27,6 29,1 5,0 3,3 1,0 0,4 20,6 16,3 16,2 8,1 40,7 58,3 1,0 45,0 34,2 14,2 2,8 45 453 458 558 549 839 166 081 334 622 352 940 251 710 280 660 1 133 911 86 021 577 575 211 640 430 717 918 913 301 019 281 717 73 629 51 498 17 877 7 598 201 190 198 917 246 733 140 773 578 352 632 703 8 877 667 623 238 973 258 073 17 946 3,7 37,6 45,1 13,6 27,4 28,9 20,6 23,0 92,9 7,1 47,3 17,3 35,3 75,3 24,7 23,1 6,0 4,2 1,5 0,6 16,5 16,3 20,2 11,5 47,4 51,9 0,7 54,7 19,6 21,2 1,5 Stables N % Migrants N % Ensemble N % PCS Cadres Professions Intermédiaires Employés Ouvriers Type d'activité Actifs occupé Chômeur Niveau de diplôme Inférieur au Baccalauréat Baccalauréat Supérieur au baccalauréat Lieu de naissance dans la région Non Oui Type de famille Célibataire Famille monoparentale avec 1 enfant Famille monoparentale avec 2 enfants Famille monoparentale avec 3 enfants et plus Famille monoparentale avec 4 enfants et plus Couple sans enfants Couple avec un enfant Couple avec 2 enfants Couple avec 3 enfants et plus Type de logement Maison Appartement Autre Statut d'occupation du logement Propriétaire Locataire Locataire HLM Meublé 112 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Autre Dépendance automobile à l'origine Faible Forte Dépendance automobile à la destination Faible Forte 663 424 138 054 82,8 17,2 323 947 94 508 77,4 22,6 987 371 232 561 80,9 19,1 663 424 138 054 82,8 17,2 342 764 75 691 81,9 18,1 1 006 188 213 744 82,5 17,5 21 483 2,7 15 834 3,8 37 317 3,1 A partir du Tableau 9 : ci-dessus, décrivant les variables utilisés dans le modèle, on observe la forte représentation dans la population des ménages de couples et propriétaires caractéristique des espaces périurbains, mais pas de l'ensemble des ménages actifs d'Ile-de-France. Le territoire d'étude se caractérise également par une plus grande jeunesse de la population et le faible pourcentage de ménage résidant dans le parc locatif priÎ, conséquence de la forte proportion de propriétaire et d'un parc social qui reste conséquent dans ces territoires. Les familles monoparentales et les chômeurs comptent respectivement pour 12,3 % et 7,1 % de la population confirmant que les populations et les trajectoires résidentielles au coeur de notre analyse sont en nombre limité parmi l'ensemble de la population. D'autant plus que les ménages résidant dans les communes de forte dépendance automobile représentent moins de 20 % de l'ensemble des ménages. Tableau 10 : Résultats du premier modèle : probabilité de sortir d'une commune de Grande Couronne Francilienne Estimate Std. Error (Intercept) Age (ref.: de 20 à 24) de 25 à 39 de 40 à 54 55 et plus 0.676 -0.587 -1.894 -2.770 0.026 0.078 -0.043 0.114 0.286 0.392 -0.096 -0.254 -0.431 -0.575 -0.689 0.286 -0.051 -0.418 0.016 0.013 0.014 0.016 0.007 0.008 0.008 0.009 0.007 0.007 0.006 0.011 0.013 0.022 0.034 0.008 0.008 0.008 z value 41.197 -44.384 -139.144 -177.797 3.817 9.645 -5.141 12.254 41.694 59.891 -16.929 -22.887 -32.828 -26.571 -20.356 36.910 -6.470 -52.756 Pr(>|z|) < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 *** *** *** *** *** *** *** PCS (ref.: Cadres) Professions intermédiaires Employés Ouvriers Type d'activité (ref. : Actif occupé) Chômeur Diplôme le plus éleÎ (ref.: Pas de scolarité) Inférieur au baccalauréat Baccalauréat Lieu de naissance en Grande Couronne (ref.: Non) Oui Type de famille (ref: Célibataire) Monoparentale avec 1 enfant Monoparentale avec 2 enfants Monoparentale avec 3 enfants Monoparentale avec 4 enfants et plus Couple sans enfant Couple avec 1 enfant Couple avec 2 enfants 113 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Couple avec 3 enfants et plus -0.474 -0.388 -0.335 0.934 -0.334 1.069 0.412 -0.295 -0.236 -0.126 -0.018 -0.030 0.023 -0.015 0.168 0.009 -0.014 -0.020 0.161 0.384 0.420 0.420 -0.005 0.026 0.091 0.242 1.287 0.132 0.063 0.076 0.106 -0.330 0.009 0.006 0.029 0.007 0.008 0.020 0.013 0.043 0.037 0.037 0.041 0.016 0.020 0.020 0.024 0.017 0.016 0.013 0.028 0.031 0.053 0.094 0.020 0.020 0.020 0.023 0.016 0.072 0.017 0.022 0.058 0.032 -50.457 -62.240 -11.672 138.283 -43.851 53.521 30.784 -6.781 -6.462 -3.406 -0.438 -1.889 1.119 -0.727 6.873 0.542 -0.849 -1.514 5.716 12.255 7.912 4.487 -0.248 1.307 4.617 10.333 80.852 1.844 3.716 3.434 1.824 -10.320 < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 *** *** *** *** Type de logement (ref.: Maison) Appartement Autre Locataire Locataire HLM Meublé Autre Forte de 25 à 39 / Forte de 40 à 54 / Forte 55 et plus / Forte Professions intermédiaires / Forte Employés / Forte Ouvriers / Forte Chômeur / Forte Inférieur au baccalauréat / Forte Baccalauréat / Forte Natif Grande Couronne / Forte Monoparentale avec 1 enfant / Forte Monoparentale avec 2 enfants / Forte Monoparentale avec 3 enfants / Forte Monoparentale avec 4 enfants et plus / Forte Couple sans enfant / Forte Couple avec 1 enfant / Forte Couple avec 2 enfants / Forte Couple avec 3 enfants et plus / Forte Appartement / Forte Autre / Forte Locataire / Forte Locataire HLM / Forte Meublé / Forte Autre / Forte Statut d'occupation du logement (ref.: Propriétaire) Dépendance à l'automobile de la commune d'origine (ref.: Faible) < 0.001 *** < 0.001 < 0.001 0.661 0.059 0.263 0.467 < 0.001 0.588 0.396 0.130 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 0.804 0.191 < 0.001 < 0.001 < 0.001 0.065 < 0.001 < 0.001 0.068 < 0.001 *** *** . Combinaison caractéristique du ménage / Dépendance à l'automobile de la commune d'origine *** *** *** *** *** *** *** *** . *** *** . *** Pseudo-R2 de McFadden : 0.176 Pour le premier modèle expliquant les déménagements hors de sa commune, les résultats s'interprètent relativement à un individu âgé de moins de 25 ans, occupé, cadre, vivant seul, propriétaire de sa maison, résidant dans une commune rurale et fortement dépendante à l'automobile. Les tendances générales du modèle sont sans surprise. On constate que la probabilité de déménager diminue avec l'âge, augmente avec le niveau de diplôme, diminue avec le nombre d'enfants, les familles monoparentales étant moins mobiles que les autres. La probabilité de déménager est la plus faible pour les locataires HLM, et plus importante pour les locataires que les propriétaires, et pour ceux qui résident en appartement plutôt qu'en maison. On observe enfin que globalement, les individus habitant les communes à forte dépendance de l'automobile sont 114 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale extrêmement moins mobiles que ceux habitant des communes à plus faible dépendance. Les natifs de grande couronne sont moins mobiles que les autres. Il s'agit de ménages qui bénéficient généralement de compétence de mobilité et d'un réseau de proches à même de compenser leurs éventuelles fragilités face à la dépendance automobile (Morel-Broche et Motte-Baumvol, 2010). Le modèle permet de Îrifier certaines des hypothèses de notre recherche. Les ménages tendent à quitter de manière plus importante les communes fortement dépendantes de l'automobile lorsqu'ils sont en situation de chômage. De même, les familles monoparentales tendent à plus quitter les communes fortement dépendantes de l'automobile. On a mis en évidence le fait que les chômeurs et les familles monoparentales soumis à la dépendance automobile ont tendance à migrer : la relation de cause à effet semble probable dans ce cas. L'effet du logement social sur la probabilité qu'ont les ménages à quitter les territoires de forte dépendance automobile. L'effet est significatif mais de faible ampleur. Ainsi, la probabilité de déménager est plus forte à partir des communes de forte dépendance automobile lorsque c'est pour accéder à un logement social. Il est difficile ici de déterminer si c'est un effet de la faible présence de logement social dans les communes fortement dépendantes de l'automobile, si il correspond à un changement de commune d'un ménage disposant déjà d'un logement HLM ou s'il s'agit bien d'un ménage échappant à la dépendance automobile parce qu'il a la possibilité d'accéder à un logement social. 4.3. Chômeurs et familles monoparentales peinent à échapper à la forte dépendance à l'automobile de leur territoire de résidence Nous allons plus loin dans notre analyse en nous intéressant à la destination des individus lorsqu'ils choisissent de déménager. Dans ce but, nous considérons uniquement à la population des individus de grande couronne qui déménagent, et nous cherchons à déterminer s'ils le font pour s'installer dans une commune fortement dépendante de l'automobile ou non. Nous modélisons donc la probabilité de s'installer dans une commune fortement dépendante de l'automobile lors d'un déménagement. Nous supposons alors que les communes de Paris et de la petite couronne, de même que le reste de la France, ne sont pas fortement dépendantes à l'automobile. Tableau 11 : Résultats du second modèle : probabilité pour les ménages ayant déménager de s'orienter vers une commune de forte dépendance automobile en Grande Couronne Francilienne Estimate (Intercept) Age (ref.: de 20 à 24) de 25 à 39 de 40 à 54 55 et plus Std. Error 0.029 0.022 0.023 0.029 0.012 0.015 0.015 0.018 z value -25.402 5.501 -4.726 -2.988 19.051 11.662 16.710 6.318 Pr(>|z|) < 0.001 < 0.001 < 0.001 0.003 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 *** *** *** ** *** *** *** *** 115 -0.735 0.122 -0.111 -0.086 0.233 0.177 0.256 0.113 PCS (ref.: Cadres) Professions intermédiaires Employés Ouvriers Type d'activité (ref. : Actif occupé) Chômeur Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Diplôme le plus éleÎ (ref.: Pas de scolarité) -0.003 0.013 -0.261 0.794 -0.189 0.012 -15.433 < 0.001 *** Lieu de naissance en Grande Couronne (ref.: Non) Oui 0.207 0.010 20.608 < 0.001 *** Type de famille (ref: Célibataire) Monoparentale avec 1 enfant -0.092 0.025 -3.711 < 0.001 *** Monoparentale avec 2 enfants -0.276 0.029 -9.525 < 0.001 *** Monoparentale avec 3 enfants -0.438 0.047 -9.235 < 0.001 *** Monoparentale avec 4 enfants et plus -0.683 0.084 -8.112 < 0.001 *** Couple sans enfant 0.078 0.015 5.285 < 0.001 *** Couple avec 1 enfant -0.055 0.015 -3.545 < 0.001 *** Couple avec 2 enfants -0.232 0.016 -14.941 < 0.001 *** Couple avec 3 enfants et plus -0.324 0.018 -17.799 < 0.001 *** Type de logement (ref.: Maison) Appartement -2.076 0.012 -172.144 < 0.001 *** Autre -1.211 0.050 -24.329 < 0.001 *** Statut d'occupation du logement (ref.: Propriétaire) Locataire -0.036 0.012 -3.126 0.002 ** Locataire HLM -0.834 0.019 -42.849 < 0.001 *** Meublé -0.352 0.039 -9.042 < 0.001 *** Autre -0.251 0.026 -9.742 < 0.001 *** Dépendance à l'automobile de la commune d'origine (ref.: Faible) Forte 0.832 0.052 16.012 < 0.001 *** Combinaison caractéristique du ménage / Dépendance à l'automobile de la commune d'origine Inférieur au baccalauréat Baccalauréat de 25 à 39 / Forte de 40 à 54 / Forte 55 et plus / Forte Professions intermédiaires / Forte Employés / Forte Ouvriers / Forte Chômeur / Forte Inférieur au baccalauréat / Forte Baccalauréat / Forte Natif Grande Couronne / Forte Monoparentale avec 1 enfant / Forte Monoparentale avec 2 enfants / Forte Monoparentale avec 3 enfants / Forte Monoparentale avec 4 enfants et plus / Forte Couple sans enfant / Forte Couple avec 1 enfant / Forte Couple avec 2 enfants / Forte Couple avec 3 enfants et plus / Forte Appartement / Forte Autre / Forte Locataire / Forte Locataire HLM / Forte Meublé / Forte 0.158 0.328 0.250 -0.073 0.031 0.097 -0.187 -0.246 -0.182 0.007 0.296 0.333 0.689 0.809 -0.099 0.182 0.377 0.474 0.552 0.657 -0.136 0.875 -0.057 0.037 0.040 0.052 0.024 0.030 0.030 0.035 0.024 0.024 0.019 0.043 0.049 0.085 0.153 0.028 0.030 0.030 0.036 0.023 0.094 0.023 0.034 0.070 4.273 8.223 4.805 -2.980 1.045 3.212 -5.392 -10.155 -7.645 0.385 6.852 6.752 8.126 5.297 -3.585 6.129 12.544 13.086 24.199 6.953 -6.031 25.685 -0.812 < 0.001 < 0.001 < 0.001 0.003 0.296 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 0.700 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 < 0.001 0.417 *** *** *** ** ** *** *** *** *** *** *** *** *** *** *** *** *** *** *** *** 116 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Autre / Forte 0.037 0.048 0.762 0.446 Pseudo-R2 de McFadden : 0.196 Le modèle nous montre que globalement, les individus qui déménagent vers des communes fortement dépendantes de l'automobile sont âgés de 25 à 40 ans, natifs de grande couronne, sans enfant, n'étant pas cadre pour y être propriétaire d'une maison. Il s'agit donc comme attendu de jeunes ménages d'actifs cherchant à accéder à la propriété dans des territoires où les prix de l'immobilier sont les moins éleÎs. Ils correspondent à la figure type du ménage périurbain s'installant dans des localisations périurbaines périphériques telle que décrite dans la littérature (Berger, 2004; Cavailhès et Selod, 2003; Jaillet, 2004). Pour les ménages avec une forte dépendance automobile à l'origine, la probabilité est plus éleÎe de s'installer à nouveau dans une commune de forte dépendance automobile à la destination. La dépendance à l'automobile est donc probablement en grande partie choisie en connaissance de cause. Pour autant, pour ce qui concerne les ménages sortant des communes de forte dépendance, les comportements sont un peu différents des autres ménages ayant effectué un déménagement. En particulier, les familles en situation de précarité ou de fragilité telles que les familles monoparentales sont plus enclins à déménager vers d'autres communes fortement dépendantes. Ces ménages en situation de précarité semblent donc avoir du mal à échapper à la dépendance à l'automobile, probablement parce que les familles monoparentales parviennent difficilement à accéder à l'offre et aux niveaux de prix des logements dans les communes de faible dépendance automobile. Aussi bien que ces ménages cherchent la proximité dans leurs déménagements pour ne pas ajouter à une séparation un déracinement d'un territoire, de réseaux sociaux et amicaux, affectant aussi bien la mère que les enfants (Minodier, 2006). On fait ici l'hypothèse que les communes de forte dépendance automobile ont une forte probabilité d'avoir comme voisines des communes avec un même niveau de dépendance. De fait, les territoires de forte dépendance automobile sont rarement isolés et forment plutôt un ensemble d'un seul tenant maillé de quelques rares enclaves de faible dépendance automobile (Figure 6 : ci-dessus). A l'inverse des familles monoparentales, les chômeurs sortants d'une commune de forte dépendance automobile déménagent moins vers une commune aussi dépendante de l'automobile. Probablement parce que la forte dépendance à l'automobile est généralement un obstacle à la recherche d'un nouvel emploi et qu'en connaissance de cause, ils cherchent à s'orienter vers d'autres territoires mieux dotés en emplois. Pour autant, les territoires de forte dépendance automobile continuent d'être attractifs pour les chômeurs, à priori ceux qui n'y étaient pas déjà installés, et qui y trouvent des logements à moindre coût mieux adapté à leur situation. Ainsi, si le modèle précédent a mis en évidence que les chômeurs et les familles monoparentales migrent pour échapper à la dépendance à l'automobile, les communes fortement dépendantes à l'automobile continuent d'accueillir ces familles en situation de fragilité et de précarité, sans doute du fait de leur attractivité en termes de budget logement. Les communes dépendantes à l'automobile sont marquées par ce double mouvement à la fois d'attrait et de répulsion des ménages précaires. 117 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale 4.4. L'Aire Urbaine Dijonnaise affiche des tendances similaires à celles obserÎes en Ile-de-France 4.4.1. Des sorties des territoires de forte dépendance automobile plus limitées à Dijon A Dijon comme en grande couronne francilienne, on n'observe pas un niveau supérieur de ménages sortants des communes de forte dépendance. Ils y comptent pour moins de 40 % des ménages soit moins qu'en grande couronne francilienne. Par ailleurs, le centre de l'aire urbaine dijonnaise ou les communes de faible dépendance ne constituent pas des destinations privilégiées pour les ménages sortants des communes de forte dépendance (Figure 11 : ci-dessous), à l'inverse de l'Île-de-France. Ainsi, les trajectoires résidentielles qui sont au coeur de notre questionnement sont peu représentées dans l'aire urbaine dijonnaise, traduisant très probablement le faible enjeu que constitue la mobilité résidentielle comme adaptation aux coûts induits par la dépendance automobile dans le périurbain dijonnais. Figure 10 : Effectifs et pourcentages de ménages selon la trajectoire résidentielle et le niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine dans l'aire urbaine dijonnaise (hors Dijon) Source: Calculs de l'auteur à partir du fichier détail « MIGCOM » du recensement de la population 2006 118 Figure 11 : Distribution des ménages ayant effectué une migration résidentielle à partir de l'aire urbaine dijonnaise (hors Dijon) par niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine et type de la commune de destination Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Source: Calculs de l'auteur à partir du fichier détail « MIGCOM » du recensement de la population 2006 4.4.2. Une population moins qualifiée et plus souvent propriétaire d'une maison dans l'aire urbaine dijonnaise La composition sociodémographique de l'ensemble des ménages résidant ou sortant des communes de forte dépendance automobile de l'aire urbaine dijonnaise (hors commune de Dijon) un peu différente de celle obserÎe en Grande Couronne Francilienne. La population des ménages du territoire dijonnais a un niveau d'étude moindre et comporte une part de cadre moins importe et inversement une part d'ouvriers plus importante. Ces différences se fondent notamment sur un marché de l'emploi faisant la part belle aux actifs avec des niveaux de qualifications supérieurs. L'âge des ménage est plus éleÎ à Dijon tandis que la taille des ménages y est également un peu moins importante, notamment parce que la part des célibataires est plus faible et celle des couples avec plusieurs enfants plus forte. Ce qui s'explique par un environnement francilien plus attractifs pour les jeunes actifs en début de carrière tandis que les familles avec enfants se trouvent souvent à l'étroit dans les très chers logements d'Ile-de-France. Enfin, une forte différenciation entre les deux terrains est fortement marquée quant à la part des célibataires et celle de ceux qui occupent une maison individuelle, ces deux caractéristiques étant souvent liées. Cette différenciation atteint environ 10 points pour ces deux caractéristiques au profit du terrain dijonnais par rapport à celui francilien. Ces différenciations entre l'Ile-de-France et les autres aires urbaines sont bien connues, bien documentées et expliquées, notamment dans les publications de l'INSEE, nationales et régionales. 119 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Quant aux particularités des migrants ou des stables par rapport au profil général de l'ensemble des ménages, on ne constate pas de différences significatives entre le terrain dijonnais et celui d'Ile-deFrance. En effet, ici aussi les migrants sont bien plus jeunes et plus diplômés que les stables. Les migrants sont également des ménages de plus petite taille, sont plutôt des employés, voir des professions intermédiaires que des ouvriers. Enfin, parmi les ménages de migrants on compte une minorité de propriétaire et d'occupants de maisons individuelles. Tableau 12 : Descriptif des variables explicatives utilisées dans la modélisation dans l'Aire Urbaine Dijonnaise Variable Age de 20 à 24 ans de 25 à 39 ans de 40 à 54 ans 55 ans et plus 275 5 925 16 044 4 439 5 025 7 969 4 575 9 113 25 386 1 297 16 074 4 085 6 523 4 490 1 544 909 389 5 082 4 813 9 456 18 526 8 059 98 19 266 2 214 4 579 160 463 1,0 22,2 60,1 16,6 18,8 29,9 17,1 34,2 95,1 4,9 60,2 15,3 24,4 16,8 5,8 3,4 1,5 19,0 18,0 35,4 69,4 30,2 0,4 72,2 8,3 17,2 0,6 1,7 1 855 7 207 4 074 624 2 410 4 387 2 916 4 048 13 036 725 5 773 2 926 5 062 4 553 748 355 138 2 834 1 882 3 252 5 891 7 790 80 5 992 5 335 1 551 406 477 13,5 52,4 29,6 4,5 17,5 31,9 21,2 29,4 94,7 5,3 42,0 21,3 36,8 33,1 5,4 2,6 1,0 20,6 13,7 23,6 42,8 56,6 0,6 43,5 38,8 11,3 2,9 3,5 2 130 13 132 20 119 5 063 7 435 12 356 7 491 13 161 38 422 2 022 21 847 7 012 11 585 9 043 2 292 1 264 527 7 916 6 695 12 708 24 416 15 849 179 25 259 7 549 6 130 566 941 5,3 32,5 49,7 12,5 18,4 30,6 18,5 32,5 95,0 5,0 54,0 17,3 28,6 22,4 5,7 3,1 1,3 19,6 16,6 31,4 60,4 39,2 0,4 62,5 18,7 15,2 1,4 2,3 Stables N % Migrants N % Ensemble N % PCS Cadres Professions Intermédiaires Employés Ouvriers Type d'activité Actifs occupé Chômeur Niveau de diplôme Inférieur au Baccalauréat Baccalauréat Supérieur au baccalauréat Type de famille Célibataire Famille monoparentale avec 1 enfant Famille monoparentale avec 2 enfants Famille monoparentale avec 3 enfants et plus Couple sans enfants Couple avec un enfant Couple avec 2 enfants et plus Type de logement Maison Appartement Autre Statut d'occupation du logement Propriétaire Locataire Locataire HLM Meublé Autre 120 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Dépendance automobile à l'origine Faible Forte 15 450 11 233 15 450 11 233 57,9 42,1 57,9 42,1 8 141 5 620 9 575 4 186 59,2 40,8 69,6 30,4 23 591 16 853 25 025 15 419 58,3 41,7 61,9 38,1 Dépendance automobile à la destination Faible Forte 4.4.1. Des résultats de modèles similaires à la situation francilienne Dans le Tableau 13 :, nous présentons les résultats de la régression logistique qui modélise la probabilité pour un ménage de sortir d'une commune de l'aire urbaine dijonnais (hors commune de Dijon). Les variables ayant le pouvoir explicatif le plus important sont les même que pour le modèle appliqué à la grande couronne francilienne, avec par ordre décroissant : l'âge, le statut d'occupation du logement et le type de ménage. Tableau 13 : Résultats du premier modèle : probabilité de sortir d'une commune de l'Aire Urbaine Dijonnaise (hors Dijon) Estimate (Intercept) Age (ref.: de 20 à 24) de 25 à 39 de 40 à 54 55 et plus 1,032 -0,876 -2,367 -3,046 0,105 0,005 -0,001 -0,199 0,173 0,329 -0,277 -0,444 -0,638 0,044 -0,240 -0,308 -0,117 0,524 1,178 -0,771 Std. Error 0,112 0,088 0,090 0,104 0,050 0,061 0,059 0,072 0,046 0,046 0,074 0,100 0,158 0,052 0,055 0,051 0,043 0,227 0,047 0,054 z value 9,193 -9,913 -26,237 -29,429 2,111 0,075 -0,025 -2,758 3,729 7,167 -3,734 -4,458 -4,039 0,849 -4,385 -6,091 -2,735 2,304 24,882 -14,311 Pr(>|z|) < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** 0,035 * 0,940 0,980 0,006 ** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** 0,396 < 0.001 *** < 0.001 *** 0,006 ** 0,021 * < 0.001 *** < 0.001 *** PCS (ref.: Cadres) Professions intermédiaires Employés Ouvriers Type d'activité (ref. : Actif occupé) Chômeur Diplôme le plus éleÎ (ref.: Pas de scolarité) Baccalauréat Supérieur au baccalauréat Type de famille (ref: Célibataire) Monoparentale avec 1 enfant Monoparentale avec 2 enfants Monoparentale avec 3 enfants et plus Couple sans enfant Couple avec 1 enfant Couple avec 2 enfants et plus Type de logement (ref.: Maison) Appartement Autre Statut d'occupation du logement (ref.: Propriétaire) Locataire Locataire HLM 121 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Meublé Autre Forte de 25 à 39 ans / Forte de 40 à 54 ans / Forte 55 ans et plus / Forte Professions intermédiaires / Forte Employés / Forte Ouvriers / Forte Chômeur / Forte Baccalauréat / Forte Supérieur au baccalauréat / Forte Monoparentale avec 1 enfant / Forte Monoparentale avec 2 enfants / Forte Monoparentale avec 3 enfants et plus / Forte Couple sans enfant / Forte Couple avec 1 enfant / Forte Couple avec 2 enfants et plus / Forte Appartement / Forte Autre / Forte Locataire / Forte Locataire HLM / Forte Meublé / Forte Autre / Forte 0,674 0,718 -0,590 0,051 0,376 0,391 -0,297 -0,195 -0,322 0,599 0,343 0,194 0,104 -0,165 0,423 -0,390 -0,200 -0,234 2,004 -1,038 -0,142 0,959 0,813 -0,215 pseudo-R2 : 0.2634 0,134 0,097 0,201 0,168 0,169 0,190 0,080 0,103 0,095 0,135 0,075 0,076 0,128 0,162 0,247 0,090 0,093 0,085 0,081 0,380 0,078 0,111 0,270 0,161 5,034 7,435 -2,929 0,304 2,218 2,061 -3,731 -1,891 -3,402 4,422 4,549 2,550 0,818 -1,020 1,712 -4,361 -2,155 -2,761 24,888 -2,733 -1,818 8,640 3,012 -1,331 < 0.001 *** < 0.001 *** 0,003 ** 0,761 0,027 * 0,039 * < 0.001 *** 0,059 . < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** 0,011 * 0,413 0,308 0,087 . < 0.001 *** 0,031 * 0,006 ** < 0.001 *** 0,006 ** 0,069 . < 0.001 *** 0,003 ** 0,183 Dépendance à l'automobile de la commune d'origine (ref.: Faible) Combinaison caractéristique du ménage / Dépendance à l'automobile de la commune d'origine Les résultats généraux du modèle sont identiques à ceux obserÎes en grande couronne francilienne. C'est-à-dire que les ménages qui ont la plus forte probabilité de déménager sont les ménages jeunes, de petite taille, les plus diplômés, actifs occupés, locataires (hors parc HLM) d'un appartement dans une commune faiblement dépendante de l'automobile. A partir des territoires de forte dépendance automobile, le profil du migrant est différent comme obserÎ pour le terrain francilien. Ce la concerne des ménages plus âgés, plutôt de petite taille, notamment des cadres mais aussi des chômeurs. Si la propension des chômeurs à sortir des communes de forte dépendance automobile est forte, les familles monoparentales semblent suivre le même chemin sans que les résultats soient très significatifs. On notera tout de même qu'à partir des communes de forte dépendance automobile les familles monoparentales n'aient pas une plus faible propension à déménager comme c'est le cas en général pour ces ménages. Il nous semble donc que les familles monoparentales aient bien une probabilité plus forte de déménager à partir des communes de forte dépendance automobile. Les tendances mise en évidence dans ce premier modèle prédisant la probabilité d'un ménage de déménager sont équivalents pour l'Ile-de-France et l'Aire Urbaine Dijonnaise. A peu de choses près, il en est de même concernant le second modèle cherchant à prédire la probabilité pour un ménage déménageant de s'orienter vers une commune de forte dépendance automobile. Les tendances 122 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale mises en évidences pour le terrain parisien sont relativement similaires à celles obserÎes pour le terrain dijonnais. Tableau 14 : Résultats du second modèle : probabilité pour les ménages ayant déménagé de s'orienter vers une commune de forte dépendance automobile dans l'Aire Urbaine Dijonnaise Estimate (Intercept) Age (ref.: de 20 à 24) de 25 à 39 de 40 à 54 55 et plus PCS (ref.: Cadres) Professions intermédiaires Employés Ouvriers Type d'activité (ref. : Actif occupé) Chômeur Diplôme le plus éleÎ (ref.: Pas de scolarité) Baccalauréat Supérieur au baccalauréat Type de famille (ref: Célibataire) Monoparentale avec 1 enfant Monoparentale avec 2 enfants Monoparentale avec 3 enfants et plus Couple sans enfant Couple avec 1 enfant Couple avec 2 enfants et plus Type de logement (ref.: Maison) Appartement Autre Statut d'occupation du logement (ref.: Propriétaire) Locataire Locataire HLM Meublé Autre 0,026 -1,266 0,400 0,439 0,078 0,148 0,217 0,150 0,248 0,341 -8,578 1,839 2,926 1,789 0,733 < 0.001 *** 0,066 . 0,003 ** 0,074 . -3,027 -1,556 0,086 0,344 -34,997 -4,523 < 0.001 *** < 0.001 *** 0,098 -0,098 -0,141 -1,237 -0,192 -0,121 0,240 -0,026 -0,292 0,144 0,081 0,080 0,219 0,212 0,337 0,094 0,104 0,096 0,679 -1,217 -1,762 -5,643 -0,906 -0,360 2,555 -0,247 -3,046 0,497 0,224 0,078 . < 0.001 *** 0,365 0,719 0,011 * 0,805 0,002 ** 0,538 0,446 0,589 0,087 0,108 0,100 6,196 4,138 5,865 < 0.001 *** < 0.001 *** < 0.001 *** -0,076 -0,643 -0,725 0,126 0,135 0,175 -0,602 -4,756 -4,136 0,547 < 0.001 *** < 0.001 *** -0,012 Std. Error 0,178 z value -0,066 Pr(>|z|) 0,947 Dépendance à l'automobile de la commune d'origine (ref.: Faible) 0,444 Forte Combinaison caractéristique du ménage / Dépendance à l'automobile de la commune d'origine de 25 à 39 / Forte 0,427 0,167 2,555 0,011 * 0,511 0,182 2,802 0,005 ** de 40 à 54 / Forte 55 et plus / Forte 0,664 0,256 2,597 0,009 ** Professions intermédiaires / Forte -0,090 0,130 -0,690 0,490 Employés / Forte Ouvriers / Forte Chômeur / Forte 0,022 0,359 -0,597 0,162 0,152 0,219 0,134 2,363 -2,726 0,894 0,018 * 0,006 ** 123 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Baccalauréat / Forte Supérieur au baccalauréat / Forte Monoparentale avec 1 enfant / Forte Monoparentale avec 2 enfants / Forte Monoparentale avec 3 enfants et plus / Forte Couple sans enfant / Forte Couple avec 1 enfant / Forte Couple avec 2 enfants et plus / Forte Appartement / Forte Autre / Forte Locataire / Forte Locataire HLM / Forte Meublé / Forte Autre / Forte -0,325 -0,052 1,535 0,101 0,571 0,023 -0,174 0,173 0,361 0,753 -0,158 1,552 -0,373 -0,674 pseudo-R2 : 0.3039 0,118 0,119 0,260 0,289 0,435 0,133 0,151 0,138 0,124 0,487 0,112 0,193 0,299 0,237 -2,767 -0,438 5,905 0,349 1,313 0,173 -1,154 1,254 2,911 1,546 -1,410 8,045 -1,249 -2,840 0,006 ** 0,662 < 0.001 *** 0,727 0,189 0,862 0,249 0,210 0,004 ** 0,122 0,159 < 0.001 *** 0,212 0,005 ** Le modèle nous montre que globalement, comme en Ile-de-France, les individus qui déménagent vers des communes fortement dépendantes de l'automobile sont âgés de 25 à 40 ans, sans enfant, n'étant pas cadre pour y être propriétaire d'une maison. Il s'agit donc comme attendu de jeunes ménages d'actifs cherchant à accéder à la propriété dans des territoires où les prix de l'immobilier sont les moins éleÎs. Enfin, on observe également que les chômeurs ont une probabilité plus faible de s'orienter vers une commune fortement dépendante de l'automobile lorsqu'ils en sont déjà issus, alors que pour les familles monoparentales, au contraire, cette probabilité tend à être plus éleÎe. Ainsi, dans l'Aire Urbaine Dijonnaise comme en grande Couronne Francilienne, les modèles précédents ont mis en évidence que les chômeurs et les familles monoparentales migrent pour échapper à la dépendance à l'automobile, les communes fortement dépendantes à l'automobile continuent d'accueillir ces familles en situation de fragilité et de précarité, sans doute du fait de leur attractivité en termes de budget logement, alors même que les méchés immobiliers parisiens et dijonnais s'ils ont une structure relativement similaires n'ont pas les mêmes niveaux de prix. Par ailleurs les distances parcourues par les ménages de l'aire urbaine dijonnaise sont bien moindres allégeant d'autant le coût de leur mobilité. Dans les espaces périurbains, en particulier ceux les plus périphériques, le coût moyen de la mobilité plus éleÎ pèse fortement sur le budget de ménages modestes qui y résident. Parmi ces ménages, les plus exposés d'entre eux, les chômeurs et les familles monoparentales, parce que ce type d'épisode dans le cycle de vie entamme durablement leur niveau de revenu, connaissent une mobilité résidentielle accrue comme une conséquence au coût d'une telle localisation résidentielle (logement + transport) auquel ils peinent à faire face. Ainsi, nos résultats mettent clairement en évidence la plus forte probabilité qu'ont ces deux types de ménages à sortir d'une commune de forte dépendance automobile. 5. Discussion - Conclusion 124 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Pour autant, si les familles monoparentales ont une probabilité plus forte de quitter une commune de forte dépendance automobile c'est souvent pour s'orienter vers une autre aussi dépendante. Ces territoires continuent d'être attractif probablement en raison du coût du logement et aussi pour ne pas ajouter à cet épisode difficile dans le cycle de vie un déracinement d'un territoire souvent au centre des réseaux sociaux et amicaux du parent et de ses enfants. Pour les chômeurs le constat est différent. S'il sortent d'une commune de forte dépendance, c'est pour s'orienter plus résolument vers une commune de faible dépendance. L'attrait du prix du logement est probablement éclipsé par leur connaissance et leur expérience du marché de l'emploi local et de ses opportunités. A l'inverse, les ménages de chômeurs dont l'étape résidentielle précédente ne s'est pas faite dans ces territoires sont plus enclins à s'y installer. L'abitrage entre prix des logements et opportunités d'emplois ne serait pas évaluée de la même façon par ces ménages en raison de leurs expériences respectives. Le logement social est un facteur significatif pour expliquer les déménagement à partir des communes de forte dépendance. Quelque soit le statut d'occupation antérieur, la probabilité de déménager est plus forte pour les ménages qui ont accès à un logement social à destination, quelque qu'en soit la localisation et son niveau de dépendance. A l'inverse le logement social est plutôt associé à un moindre niveau de déménagement à partir des communes de faible dépendance. Pour autant, si le logement social conduit les ménages à sortir d'une commune de forte dépendance, c'est pour se diriger vers une autre commune tout aussi dépendante. Ce résultat est contre-intuitif et montre qu'il existe une offre de logement social dans les communes de forte dépendance qui contribue à orienter et conserver une population de ménages modestes, notamment des familles monoparentales et des ménages de chômeur, dans des territoires de forte dépendance. Ces résultats montrent que la mobilité résidentielle consitue un moyen de réguler le nombre des ménages dont le niveau de vie est fortement contraint par le coût éleÎ des transports dans les territoires de forte dépendance automobile. Pour autant, les tendances obserÎes ne sont pas totalement satisfaisantes dans la mesure ou de nombreuses relocalisations se font dans d'autres communes où les coûts de la mobilité reste très éleÎs. Les déménagements ne permettent dans ces cas là que des allègements partiels et/ou temporaires du budget transport avec un rapprochement géographique du lieu d'emploi, des réseaux sociaux, familiaux et amicaux, qui restent sous la menace d'un renchérissement du coût de l'énergie. Toutefois, dans les facteurs qui participent à maintenir les ménages dans une situation de forte dépendance automobile malgré un déménagement, on trouve en bonne place le logement social. Or, le parc social permet généralement de diminiuer substantiellement le budget logement des ménages leur permettant de compenser un coût de la mobilité plus éleÎ. Cet instrument pourrait être utilisé de façon plus efficace et plus durable pour agir sur les situations de dépendance automobile, en orientant plutôt la contruction de nouveaux logements dans des communes faiblement dépendante de l'automobile. Cela permettrait d'ajouter à l'allègement du budget logement celui du budget transport qui peut rester problématique. Les mesures incitant à la mobilité résidentielle paraissent particulièrement pertinentes, parce qu'elles permettent de réduire(mais pas d'éliminer) le besoin pour des aides à la mobilité quotidienne.Ces dernières ont un plus faible coût d'investissement, mais un coût de fonctionnement particulièrement éleÎes dans les espaces périurbains. Lorsque la France, comme de nombreux autres pays) a été confrontée à une rapide et forte augmentation des prix de l'essence en 2008, les mesures proposées ont été la mise en place de chèques transport et le renforcement des transports publics. Alors que l'on connaît la faible efficacité et le coût éleÎ des transports publics dans les espaces périurbains et que Fol et al. (2007,p. 813) mettent en avant que bien souvent les 125 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale programmes visant à "subventionner" la mobilité automobile sont trop coûteux pour être généralisés et menacent nécessairement la part modale des transports en commun. 126 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Conclusion générale Dans cette conclusion générale, nous commencerons tout d'abord par replacer notre étude dans un contexte large reprenant les enjeux de la présence de populations modestes dans les espaces périurbains notamment aux travers d'un rappel des apports de la littérature scientifique. Puis nous rappellerons nos principaux résultats empiriques que nous mettrons en perspective en termes d'aménagement. La présence croissante de ménages modestes dans les espaces périurbains des aires urbaines françaises ne manque pas d'inquiéter dans un contexte d'augmentation et/ou de forte variabilité des coûts du carburant. Le niveau de vie de ces ménages pourraient se trouver entamé par un budget transport mal anticipé dans des territoires fortement dépendants de l'automobile qui leur ont permis l'accession à la propriété. Sortir de ces teritoires impliquerait, pour nombre d'entre eux, la perte de leur statut de propriétaire d'une maison individuelle, pour lequel ils sont prêt à faire d'importants sacrifices, et l'arriÎe dans un logement plus petit, probablement en appartement, notamment dans le parc social en banlieue, soit l'anti-modèle du projet résidentiel périurbain dans laquelle ils se sont investis. Dans ce contexte, plusieurs auteurs, au travers d'essais, ont postulés le développement de territoires d'exclusions et d'assignation territoriale pour les ménages modestes dans les espaces périurbains périphériques. Il s'agit d'un côté de territoires périurbains attirant les ménages modestes par une offre de maison individuelles en accession à la propriété abordable et de l'autre côté fragilisant le niveau de vie ces ménages par des injonctions à une mobilité automobile très couteuse. Outre des situations individuelles difficiles qui se multiplieraient dans ces territoires, ces auteurs évoquent également le développement d'une ségrégation sociospatiale accrue dans les espaces périurbains les plus périphériques. Celle-ci serait le fait de la multiplication des situations individuelles de fragilité dans certains territoires entrainant le départ ou l'évitement des ménages plus aisés face à cet environnement social dégradé à l'image et avec l'intensité que l'on connait dans certains quartiers urbains. Les tendances mises en avant par ces auteurs paraissent toutefois contestables. En effet, le développement de territoires périurbains périphériques comportant une population croissante de ménages modestes susceptibles d'être fragilisés par le coût de la mobilité peine à être identifié (Beaucire et Berger, 2002). Plusieurs éléments constitutifs de la ségrégation sociospatiale permettent de l'expliquer : Tout d'abord par le fait que la ségrégation sociospatiale est avant tout portée par les choix de localisation des populations les plus aisées (Preteceille, 2006). Ce sont pour ces ménages que l'univers de choix est le plus ouvert. Leurs niveaux de concentration sont souvent déterminants sur le niveau global de la ségrégation sociospatiale dans un territoire. Or, on observe que les populations les plus aisées sont relativement peu représentées dans les 127 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale espaces périurbains, contrairement aux centres des pôles urbains et qu'elles y affichent des niveaux de concentration peu éleÎs. De plus, la ségrégation sociospatiale est liée, le plus souvent, à une exclusion par les prix de ceux qui n'ont pas les moyens de payer (Galster et Cutsinger, 2005). Or, la périurbanisation entraîne l'intégration dans le marché immobilier de nombreux terrains auparavant nonurbanisé, ce qui à pour effet une tendance à la baisse ou à la modération des prix, alors que les territoires périurbains ont déjà des niveaux de prix inférieurs à ceux de centres. L'exclusion par les prix à donc toutes les chances d'être moins important dans les espaces périurbains et en particulier ceux les plus périphériques. Subséquemment, la constitution de poches de pauvreté dans les espaces périurbains pourrait être le résultat de la sécession des classes moyennes des territoires où la concentration de ménages en difficulté est la plus forte. Si ce type de processus est parfois évoqué pour expliquer une ségrégation sociospatiale accrue en France, Preteceille (2006) réfute cet argument dans le cas de l'Ile-de-France en mettant en avant la très forte dispersion des classes moyennes et leur présence toujours forte dans les quartiers les plus pauvres. Il est peu probable que les espaces périurbains échappent à cette tendance. Ensuite, dans un modèle de ségrégation sociospatiale urbaine classique, les populations les plus pauvres sont également marquées par de hauts niveaux de concentration. En France une forte concentration de ménages pauvres est souvent liée à des localisations comportant des ensembles de copropriétés dégradées ou de logements sociaux. Ce type de configuration est peu fréquente voir inexistant dans les espaces périurbains. Enfin, un dernier facteur peut expliquer l'absence de formation de territoires périurbains de relégation, il s'agit des trajectoires résidentielles des ménages modestes. Ces trajectoires sont réputées bloquées en raison de la structure du marché immobilier. Les espaces périurbains périphériques sont les seuls abordables pour les ménages modestes qui ne peuvent ensuite s'en extirper sous peine de déclassement social et de dégradation de leurs conditions de logement. Ces ménages sont donc « relégués » dans ces espaces. Or MotteBaumvol et al. (2010) ont mis en évidence que cette relégation ne pourrait être que relative puisqu'ils ont identifié une surreprésentation des ménages modestes parmi les ménages sortant des territoires périurbains périphériques. - - - Ce sont aux trajectoires résidentielles des ménages modestes à partir des espaces périurbains que nous nous sommes intéressés dans ce travail de recherche, pour identifier s'ils sont susceptibles de contribuer ou non à la constitution de territoires périurbains de relégation, sous quelles conditions et avec quelle intensité. Il s'agit de renouveler, assoir, préciser et approfondir les résultats exploratoires de Motte et al. (2010). Nous nous sommes appuyés pour cela à la fois sur des analyses quantitatives multivariées et sur des analyses qualitatives à partir d'entretiens. L'enquête qualitative auprès des ménages met en évidence de fortes tensions sur les budgets des ménages modestes résidants dans des territoires fortement dépendant de l'automobile. Le coût de la mobilité dans ces espaces est mal anticipé par ces ménages et souvent occulté. Ces ménages évoquent souvent la pénibilité des déplacements quotidiens, en particuliers ceux liés au travail, mais ne voient pas le coût comme un problème important même lorsqu'on les interroge à ce sujet. Cela se 128 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale traduit par une vulnérabilité économique exacerbée notamment face aux aléas que tous redoutent et se traduisant par des économies d'ampleur en particulier sur les loisirs marchands et sur les vacances compensés par la mobilisation des ressources de naturelles de proximités comme les forêts, les espaces ouverts ou les jardins où l'on pratique des actiÎes récréatives et sportives. Si les ménages peuvent faire des économies sur les dépenses liées à l'automobile que ce soit sur l'entretien, les réparations, le renouvellement ou l'usage, ils ne peuvent y renoncer. Toutefois, leurs marges de manoeuvre y sont bien étroites. Ainsi plusieurs femmes n'ayant pas le permis et ayant la volonté de le passer, aussi bien célibataires, qu'à la tête de familles monoparentales ou qu'en couple y ont renoncé en raison de son coût et malgré les nombreux désagréments que cela leurs occasionnent. Pour autant, malgré les multiples et importantes concessions en termes de niveau de vie, les ménages modestes sont attachés à leurs localisations résidentielles et à leur statut d'accédant à la propriété d'une maison individuelle. Ceux qui y renoncent s'orientent souvent vers des logements en location dans les espaces urbains. Mais ils ne le font que lorsqu'au coût de la mobilité dans ces espaces s'ajoutent des évolutions du cycle de vie professionnel et/ou personnel qui motivent le changement de localisation résidentielle en premier lieu. La séparation d'un couple ou le changement de lieu de travail sont les principaux facteurs qui conduisent à une sortie des territoires périurbains les plus dépendants de l'automobile. Dans ces cas là, une dépendance automobile mal Îcue, en premier lieu en raison de la pénibilité des déplacements et éventuellement en raison de son coût, incite les ménages à s'orienter vers des territoires urbains ou périurbains dans lesquelles les alternatives à l'automobile et les aménités urbaines locales sont plus nombreuses. Bien souvent, les ménages modestes qui renoncent à la propriété dans les espaces périurbains périphériques sont ceux qui ont des liens privilégiées avec les espaces urbains, notamment, que ce soit la localisation de leur emploi, leurs réseau familial et/ou amical, ainsi que d'expériences personnelles et familiales passées. A l'inverse, les ménages qui paraissent tout particulièrement attachés à une localisation résidentielle périurbaine le sont pour les mêmes raisons relativement aux espaces périurbains. Les résultats obtenus par les analyses quantitatives à partir du recensement de la population mettent en perspectives ces observations et viennent confirmer les résultats obtenus précédemment par Motte-Baumvol et al. (2010). Ainsi, deux catégories de ménages ont une propension supérieur à quitter les territoires les plus dépendants de l'automobile. Il s'agit des familles monoparentales et des ménages dont la personne de référence est au chômage. L'idée d'une relégation et de trajectoires résidentielles en cul de sac des ménages modestes dans les territoires les plus dépendants de l'automobile semble remise en cause par ces résultats. Toutefois, lorsque l'on examine leurs destinations on s'aperçoit que c'est souvent pour aller à nouveau vers un autre territoire aussi dépendant de l'automobile. C'est le cas pour les familles monoparentales. Ces territoires continuent d'être attractif probablement en raison du coût du logement et aussi pour ne pas ajouter à cet épisode difficile dans le cycle de vie un déracinement d'un territoire souvent au centre des réseaux sociaux et amicaux du parent et de ses enfants. Pour les chômeurs le constat est différent. S'ils sortent d'une commune de forte dépendance, c'est pour s'orienter plus résolument vers une commune de faible dépendance. L'attrait du prix du logement est probablement éclipsé par leur connaissance et leur expérience du marché de l'emploi local et de ses opportunités. Dans ces trajectoires résidentielles le logement social est un facteur significatif pour expliquer les déménagements à partir des communes de forte dépendance. Quelque soit le statut d'occupation antérieur, la probabilité de déménager est plus forte pour les ménages qui ont accès à un logement 129 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale social à destination, quelque qu'en soit la localisation et son niveau de dépendance. A l'inverse le logement social est plutôt associé à un moindre niveau de déménagement à partir des communes de faible dépendance. Pour autant, si le logement social conduit les ménages à sortir d'une commune de forte dépendance, c'est pour se diriger vers une autre commune tout aussi dépendante. Ce résultat est contre-intuitif et montre qu'il existe une offre de logement social dans les communes de forte dépendance qui contribue à orienter et conserver une population de ménages modestes, notamment des familles monoparentales et des ménages de chômeur, dans des territoires de forte dépendance. La mise en perspective de la situation parisienne par rapport à celle de l'aire urbaine dijonnaise laisse apparaitre une culture du tout-automobile bien supérieure dans les espaces périurbains dijonnais où les pratiques alternatives à l'automobile sont bien moins développées. Toutefois, la dépendance automobile fait plus question pour les ménages modestes de l'aire urbaine parisienne dans la mesure où l'éloignement au lieu de travail et aux aménités urbaines est souvent supérieure renforçant d'autant le coût de leur mobilité. Par ailleurs, l'ancrage parait plus faible dans le périurbain francilien, alors qu'il permet de compenser, par une meilleure connaissance des territoires et un réseau social plus fourni, l'absence d'alternative à l'automobile et la faiblesse des aménités urbaines. 130 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Bibliographie Aguilera, A., Massot, M.H., Proulhac, L., 2006. 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Il tend à rendre compte de la manière dont les acteurs, notamment sociaux appréhendent les questions de mobilité, les difficultés financières et sociales que celles-ci génèrent, l'impact que veut avoir le coût de sociologique que géographique. L'on s'est en effet attaché à recueillir la vision que ces acteurs espaces périurbains et le sens que recouvrait pour eux le qualificatif de périurbain mobilisé souvent la mobilité et la dépendance automobile sur le quotidien des gens. L'angle d'approche est ici plus publics avaient de leur territoire et de la pauvreté dont on suppose aujourd'hui qu'elle gagne les pour parler de leur département. Le terme périurbain de fait est large et peu défini comme cela a été dit dans les réunions organisés par le PUCA dans le cadre de l'appel à proposition « La mobilité et le périurbain à l'impératif de la ville durable, ménager les territoires de vie des périurbains ». Ceci, en dépit de la maturité d'un phénomène, celui-ci est aujourd'hui assorti de jugements de valeurs dont les chercheurs ne se sont pas exempts, comme le rappellent Bénédicte Grosjean (2010) : la partie diffuse ou périurbaine de la ville est perçue moins pour ses caractéristiques propres qu'au travers du modèle urbain qu'est la ville centre dont elle serait, elle, le revers. Et à ce titre, les acteurs locaux, victime de cette image, ne sont pas en reste. Dans ce département où la dépendance à l'automobile est forte, les difficultés pour se mouvoir, nonobstant les actions menées par le conseil général pour désenclaver son territoire, sont ressenties comme majeures. Ces difficultés peuvent être aussi lues à la lumière des représentations : représentations du territoire « périurbain »­du point de vue ceux qui le gèrent et orientent les politiques publiques et tendent à penser le territoire comme un entre deux ou un territoire très rural ; représentations du point de vue de la population que son rapport à l'histoire ou aux lieux incite ou non à bouger et à déménager ; représentations quand aux objets de la mobilité qui, d'un lieu ou d'une population à l'autres peuvent être plus ou moins utilisés, appréciés. C'est ce que nous verrons dans la deuxième partie de ce texte, la première, tendant à esquisser les grandes caractéristiques socio 139 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale spatiales du département, du point de vue des acteurs, les solutions étudiées pour faciliter la mobilité, qui comme on tend à le promouvoir aujourd'hui, tendraient être non pas une mais plurielles. Outre la consultation des documents et études stratégiques sur le département, nous avons rencontré 17 acteurs, dans le domaine des transports, de l'urbanisme, du social. Les entretiens que nous avons menés l'ont été en face à face, seul ou en groupe. L'entretien en groupe a pour avantage de faire se rencontrer et dialoguer les points de vues des personnes responsables de services à ceux de personnes particulièrement investi le champ des Maisons Départementales de la Solidarité, MDS, lieux où prévention de l'enfance, au soutien à la parenté et aux personnes âgées, ect. Sur les treize Maisons département étant l'échelon par lequel la politique d'aide sociale est impulsée, nous avons engagées sur le terrain, et pour nous d'être témoin des débats menés au sein même des services. Le sont déclinées les politiques départementales de solidarité, d'actions relatives à l'insertion (RSA), à la Départementales de la Solidarité (MDS) que compte la Seine et Marne, nous en avons approchés trois. Les MDS choisies l'ont été, avec les services du département, en fonction des territoires qui sur le plan tant social que spatial différaient. Celle de Mitry Mory supervise une région proche de Paris, dynamique sur le plan économique, assez bien desservie en transport en commun ; celles en charge des canton de Provins, Coulommiers recouvrent des territoires plus ruraux, parfois très excentrés en perte de vitesse sur le plan économique. Les MDS se sont aÎrées être une clé d'entrée pertinente pour entrer en contact avec un pan de la population dite modeste. Nous avons travaillé avec plusieurs de leurs services pour constituer un premier échantillon de personnes en difficulté (au chômage, salariée, avec ou sans enfants, célibataires ayant ou non fait demandes des aides ponctuelles) tenant compte de la diversité territoriale de la Seine et Marne (cf. l'enquête auprès de la population de ce rapport). La plupart des associations d'insertion sont partenaires du département dans sa compétence sociale, RMI-RSA. Ces associations ont un rôle important, elles permettent bien souvent de repérer les besoins, de mettre en place des formations...Nous nous sommes donc entretenues avec les représentants d'associations travaillant dans ce domaine et notamment : les coordinatrices de l'association d'accompagnement vers l'emploi (AVE) « Réalité, Relais d'Activités Locales pour l'Insertion, le Travail et l'Emploi » située à la Ferté Gaucher et couvrant un territoire Îritablement en crise ; plusieurs animateurs de l'association Espoir de Coulommiers s'occupant de l'insertion de jeunes. Enfin, deux personnes bénéficiaires du RSA siégeant dans les commissions d'attribution des prestations sociales dans le canton de Provins ont été interrogées. Nous avons ainsi rencontré dans le monde opérationnel de l'urbanisme et des transports, Pierre Mailliet, directeur des transports, à la Direction générale adjointe des déplacements et de l'aménagement du territoire, au Conseil général de Seine et Marne. 140 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale L`urbaniste Daniel Behar, du cabinet ACADIE a été également approché pour avoir assuré une mission d'expertise à la maitrise d'ouvrage pour le conseil de Seine et Marne et avoir rédigé un projet territorial les acteurs politiques, économiques, sociaux et associatifs autour d'une ambition et de grands projets partagés pour l'avenir de la Seine et Marne. Fabriqué au fur et à mesure avec différents acteurs, dans le cadre d'une consultation dite continue, ce projet territorial définit la stratégie du département à moyen terme et constitue une ligne d'intervention construite sur des chantiers prospectifs. Ces différents entretiens ont été construits et menés dans un souci explicite de travailler et de coproduire à terme avec le monde opérationnel un corpus de connaissance utile pour mener leurs actions. Il s'agissait pour nous, non pas tant de leur faire valider des informations que de faire approprier et développer des acquis d'expériences complémentaires, ceux des chercheurs. Cette ambition est restée en-deçà de ce qui aurait pu être fait. Ce n'est qu'une partie remise à demain. Le département en bref Forte croissance démographique et émergence de pôles économiques : le nouveau dessein pour la Seine Marne ... Les acteurs institutionnels font face à une situation qu'ils considèrent comme nouvelle. La Seine et Marne, qui n'avait pas connu de modifications majeures depuis sa création, semblait toujours pouvoir se définir par une certaine unité ­ selon Daniel Béhar-. Or cette unité est aujourd'hui mise en cause par les mutations socioéconomiques qui la touchent de plein fouet. La Seine et Marne, dont la plus grande partie du appartient à la Brie, est le département le plus agricole et rural de l'Ile de France. Pour autant il fait l'objet d'un Îritable développement économique articulé autour de trois pôles moteurs : le pôle de Roissy dont 40 % est en Seine et Marne (80 000 emplois sur potentiellement 160 000 dans les 10 ans qui viennent dont 14 % des salariés viennent de Seine et Marne) ; la ville nouvelle de Marne la Vallée et la ville nouvelle de Sénart (à une moindre échelle ); la ZAC du Val Bréon, enfin zone émergente d'activité logistique en fort développement le long de la RN4. Avec 600 000 habitants il y a 40 ans, un million trois aujourd'hui, la Seine et Marne connait la plus forte croissance démographique et économique de la région Ile de France (Insee). Cette croissance, amorcée avec l'émergence des villes nouvelles, touche dorénavant tout le territoire. Sur les 70 000 logements prévus par Christian Blanc, 9000 se situent en Seine et Marne. La croissance exogène jusqu'aux années 2000 devient après cette date endogène (les enfants des derniers arriÎs restent, la croissance est interne au territoire). 141 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Un département jugé en terme de dépendance, en proie à un problème d'identité La Seine et Marne est à la fois le département le plus étendu et le moins peuplé d'Ile de France. L'une des difficultés du département tiendrait, de l'avis de Daniel Béhar, à sa très grande taille, rendant difficile pour le Conseil Général la construction d'une unité interne. Pour autant le département s'est lui-même longtemps perçu à l'aune d'une seule et unique revendication : celle du nécessaire rééquilibrage de la région parisienne à l'Est. « Depuis le SDAU de 1965 qui alertait sur l'avance de développement prise par l'Ouest « le premier élément de risque est un glissement et un étirement trop prononcé vers l'Ouest du centre des grandes affaires ». Jusqu'au projet de SDRIF de 2008, dans lequel le même discours est porté : « il faut aider l'Est francilien à se mettre au niveau de l'Ouest, en y installant une dynamique similaire. » (p 19, ACADIE, conseil général de Seine et marne, Projet de territoire départemental, juin 2010). Et comme l'estime le SDRIF de 2008, « Pour satisfaire aux objectifs de rééquilibrage il s'agit de valoriser les attraits des pôles de l'ouest et de conforter de nouvelles polarités à l'Est, capables d'atteindre la masse critique et la notoriété que cherchent les grandes entreprises. Les acteurs publics locaux ont fait leur cette revendication de rééquilibrage, et, avec elle, l'image négative qui en découle, à savoir, celle d'un département jaugé à l'aune de sa seule dépendance à (à l'emploi) d'autres territoires. Or, cette image persiste alors même que la Seine et Marne acquiert une nouvelle position dans l'agglomération. Le projet territorial, confié au bureau Acadie, donne à voir le département au travers de ses dynamiques propres, de la nature des territoires qui le constituent. Il met en lumière l'existence de deux Seine et Marne. Une Seine et Marne qui, touchée par le desserrement résidentiel parisien, à l'Ouest du département et le long de deux vallées (vallées de la Seine, Vallée de la Marne), est en proie à un développement de type métropolitain, intensifiant ses relations avec la métropole parisienne. Une Seine et Marne qui couvre les territoires situés en frange Est de la Seine et Marne et jouxte le Bassin parisien dont elle en possède les caractéristiques tant paysagères que sociales et économiques : très rurale, elle avait été gagnée par l'ancienne industrie manufacturière, aujourd'hui en crise. Cette géographique économique et paysagère est encore agissante, les élus de ce département se pensent et pensent leurs actions dans une double dualité : ceux de l'Ouest en proie à une Îritable pression urbaine, se plaignent de ceux de l'est. Ceux du nord se plaignant d'un sud plus rural ou en économiquement en déclin... les territoires les mieux dotés accusant aux autres de « prendre leur argent ». Des difficultés sociales diffuses sur tout le département ; non pas une forme mais différentes formes de pauvreté 142 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Aux derniers recensements de l'INSEE, les nouveaux arrivants en Seine et Marne appartiendraient majoritairement à la catégorie des ménages modestes. Ainsi, au regard d'autres territoires de la région Ile de France, le département recèle peu de ménages pauvres (données INSEE 2006). Pour autant, comme ailleurs, on assiste à une certaine paupérisation des villes (Meaux, Melun, Chelles) dont la population tend à diminuer et qui font l'objet de politiques publiques (rénovation ANRU). La pauvreté selon les acteurs interrogés (au conseil général, par la voie de Pierre Mailliet ; au sein des maisons départementales de solidarité de Provins, Coulommiers) augmente mais de manière diffuse sur tout le territoire. Elle touche autant les centres villes que les bourgs ruraux du département. Les ménages quelque soit leur lieu d'habitation sont confrontées à des difficultés qui peuvent concerner toutes les catégories sociales à un moment de leur vie : difficultés familiales, divorces, chômage, maladies, surendettement. Pour les services sociaux, le fait saillant relève de la croissance des familles monoparentales, qui ne seraient donc plus l'apanage des seules banlieues parisiennes. Ils voient avec l'augmentation de ce type de ménage fragile, l'émergence d'une nouvelle pauvreté. Aujourd'hui en Seine et Marne, un ménage sur cinq avec enfants est monoparental. Dans les structures sociales tel que les associations d'accompagnement vers l'emploi, ce phénomène s'observe à partir de la fréquentation de leur structure par des femmes seules avec enfants, très nombreuses. Ces dernières peuvent même être - phénomène nouvellement obserÎ - très jeunes, lycéennes (17_20 ans). Les services sociaux voient aussi venir à eux des femmes plus âgées, la trentaine, sans expérience professionnelle, ayant pour avoir eu à élever leurs enfants, jusqu'alors très peu travaillé. Les ilots de pauvreté lorsqu'ils existent se situent autant dans des villes recelant des quartiers d'habitat social - Meaux, Torcy, quartiers qui peuvent y être importants comme à Montreaux - que dans des villes à priori plus aisées­ Fontainebleau ­ dotées de tel quartiers ou encore dans le rural profond. Les petites communes non concernées par la loi SRU peuvent être concernées : marquées par un déficit patent de logement social, elles n'en accueillent pas moins des pauvres, logés dans du locatif priÎ. Trois formes de pauvreté ont été mises en évidence, dans le diagnostic territorial de Daniel Behar. Une forme de pauvreté urbaine, concentrée dans les ZUS et urbaine, globalement assimilable aux grands ensembles de la région (Marne la Vallée, Meaux, Melun avec une série de plus petites villes) ; Une forme de pauvreté dite « héritée, ou installée », résultant du déclin du modèle industriel propre au bassin parisien, fermetures des petites usines à la campagne notamment de la frange Ouest de la Seine et Marne. Celle-ci est assez aisée à cerner dans la mesure où on la retrouve 143 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale sur les sites marqués par la désindustrialisation aux alentours de Provins, la Ferté Gaucher, Coulommiers. Le bassin de Coulommiers, hier domaine de grosses industries, est depuis les années 80 en crise. A la Ferté Gaucher, le site de Villeroy et Boch qui drainait 2000 emplois, n'en compte plus que 250. La précarité due à la crise industrielle touche une population locale de Seine et Marnais, au nombre desquels peut être comptée une population issue de l'immigration (tunisienne) aujourd'hui installée sur les lieux. Cette population ancienne a pour caractéristique d'être très peu mobile. La troisième forme de pauvreté, celle dite périurbaine, ou diffuse, est issue de l'endettement des ménages et des séparations. Son repérage est moins aisé car la paupérisation du desserrement urbain dans des trajectoires incertaines crée des situations différentes sur le territoire; cette forme de pauvreté se trouve de façon dispersée à contrario de la pauvreté concentrée dans les territoires de l'ancienne industrie manufacturière. L'observation de ces trois formes peut paraître banale. Ce qui l'est moins, et en fait la spécificité de la Seine et Marne, c'est que ces trois formes de pauvreté cohabitent les unes avec les autres. En effet, si la Seine Saint Denis est connue pour concentrer en son sol la pauvreté, cette pauvreté est assez homogène. Selon Daniel Béhar, c'est dans la combinaison de plusieurs formes de pauvreté que résiderait la difficulté qu'ont les instances sociales du conseil général de Seine et Marne à agir, car les acteurs locaux ont des instruments de politique publique calibrés pour l'une et l'autre pauvreté. La combinaison de ces trois figures de pauvreté est problématique pour ces instances qui nécessitent des formes d'intervention différentes. Un département précurseur en matière de politique de transport en commun, mais où la voiture occupe toujours une place centrale La Seine et Marne se démarque de bien des départements par le fait que les actions menées en matière transports qui relevaient jusqu'en 2004 du STIF. Dans le contexte d'une offre de transport ferré essentiellement tournée vers Paris, le Conseil général de Seine et Marne a profité d'un flou juridique en créant ou incitant à la création dans les secteurs non desservis ou insuffisamment desservis par les transports en commun de lignes de bus forcément déficitaires. Ceci de deux façons : en organisant la desserte du territoire, créant des lignes « express » de pôle à pôle complémentaires au réseau ferré ; et en accompagnant les collectivités dans le cadre de dispositifs de conventionnement tripartite (acteur local tel que syndicat ou communauté de communes / transporteurs/ conseil général), le Conseil Général finance 50 % du déficit d'exploitation des services de transport. Le réseau Seine et Marne Express a ainsi été mis en place à l'initiative du Conseil général si bien qu'en 15 ans des lignes ont été développées entre Meaux et Marne la Vallée, Melun et Provins - Melun et Château Landon. Ces lignes offre un service suffisamment cadencé pour bénéficier de la labélisation « mobilien » du Stif : 15mn 144 de transport l'ont été bien avant que le département ait acquis la compétence de l'organisation des Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale en heure de pointe, une heure en heure creuse (cf carte). Le conseil général se glorifie de gérer 17 réseaux conventionnés, 12 lignes Seine et Marne express, 5 partenariats sur les réseaux de transports à la demande. Parallèlement aux projets régionaux de métro automatique imaginés à l'horizon d'une trentaine d'année, le conseil général s'investit dans plusieurs projets : création d'une ligne une rocade de bus avec intégration de bornes d'arrêts d'urgence pour les bus de manière à les sortir de la circulation routière congestionnée ; ouverture d'une autre ligne de rocade qui suit le RN36 ­entre Melun et Meaux. Le Conseil général est investi dans le secteur Val d'Europe dans le cadre de la convention Disney. Vincent Eblé, président du conseil Général, en sa qualité de vice président du Stif et, membre du bureau de paris métropole, au conseil de surveillance de la Société du Grand Paris, s'intéresse comme tel à la prolongation du RER E. Nonobstant ces efforts, la voiture demeure le meilleur moyen de se déplacer : près de 80 % des déplacements se font en voiture, et « la voiture ­ estime, au Conseil général, Laurent Mailliet, directeur du service des Transport, reste encore un mode de transport sur lequel il faut encore compter et s'appuyer dans le cadre de notre politique de Transport ». Notons à ce sujet, que le conseil général de Seine et Marne se démarque de nombre de départements ayant mis eux l'accent sur le seul transport collectif. Il s'engage également du côté des nouvelles mobilités, en gérant un site du covoiturage, monté en partenariat avec la société du développement économique du département, et des acteurs économiques. Le site compte cependant à ce jour peu d'inscrits (600-700 déplacements non quotidiens), si bien que le conseil général envisage de mettre en place des avantages financiers pour rendre ce type de service plus attractif : réduction du nombre de places dans les parkings, avec offre des places les mieux placées à ceux qui covoiturent ; dans le cadre de la révision du PDU, création de mini parcs relais au sein de points d'arrêt en zones rurales qui assurent des correspondances. Un tel parc relais a été déjà réalisé à Chenoise : accueillant le bus il pourrait intégrer des places pour le covoiturage d'ici 5-10 ans. Les transports priÎs : l'émergence d'entreprises agiles et flexibles Les entreprises, d'une manière générale, sont peu présentes en matière de transport. Les plans de déplacements interentreprises ont par ailleurs du mal à se mettre en place, les entreprises, dont les horaires différent, peinant à s'entendre. Mais le priÎ n'est pas pour autant absent si l'on considère, c'est à noter, les initiatives locales. Depuis cinq ans, le Conseil général a vu le secteur des transports non formalisés exploser. Un certain nombre d'entreprises de services, souvent des entreprises multiservices, profitant de la formule juridique de 145 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale l'auto-entrepreneur nouvellement instituée, se sont mis à proposer du transport à la demande, notamment pour les personnes âgées. Le Conseil général aide ces entreprises à trouver des marchés de sous-traitance (Ratp,Transdev) ce qui permet de fournir une supplément d'offre aux heures de pointes, les zones reculées. Les taxis, intégrés dans le système comme sous traitants en tirent parti­ ils effectuent les courses non remboursées par la sécurité sociale. Le Conseil général a lui même monté un observatoire pour les transport à la demande pour les personnes handicapées (Pam 77): il propose des délégations de service public sur le sujet qui aujourd'hui propose 100 000 courses à des condition de prix très avantageuses. Le Conseil Général a repris à son compte la société Créabus (entreprise de transport à la demande créée par Véolia sur Saint-Fargeau), a déposé une marque Proxibus, ligne de transport à la demande qui dessert les zone rurales mais aussi urbaines, en prenant le relais la nuit des réseaux de transport traditionnel public. Les pédibus, montés par des associations, constituent selon Laurent Mailliet, directeur des transports au Conseil général des « feu de paille », même si les maires qui en ont la compétence, ont intérêt à développer un tel type de service. L'herbe est elle plus verte en Seine et Marne ? Ce qu'habiter loin veut dire du point de vue des acteurs sociaux Un desserrement résidentiel de ménages modestes à l'Est qui touche des secteurs non favorables à l'emploi La répartition géographique de la population n'est pas celle escomptée dans le SDRIF de 2004. Les nouveaux arrivants se sont en effet plutôt installés dans les cantons ruraux, c'est à dire à l'Est du département, que ce soit pour y acquérir une maison individuelle, essentiellement, mais aussi pour bénéficier de l'habitat social. La rénovation urbaine des quartiers sensibles des villes de Seine et Marne ou de la proche banlieue parisienne fait se déplacer les populations toujours plus à l'est, c'est à dire là où l'offre de logement social est plus abondante. Le bassin de Coulommiers, en l'occurrence, qui recouvre quatre sous territoires - les cantons de Coulommiers, Ferté-sous-Jouarre, la Ferté-Gaucher et Rebais - eu égard à un passé industriel -dispose d'un petit parc d'habitation social en cours aujourd'hui de rénovation : à Coulommiers, à la FertéSous-Jouarre, à la Ferté Gaucher, et dans une moindre mesure à Rebais. Ces communes, et ce malgré la volonté des maires de maintenir une certaine mixité sociale, accueillent une nouvelle population fragilisée venue de l'ouest, qui n'a pas les moyens d'habiter ailleurs, vit des minimas sociaux, et n'a pas d'attache localement. Cette population pose problème par le fait qu'elle est isolée, déracinée, et 146 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale précarisée. Elle a pu connaître différentes situations (expulsion, hébergement, séparation de couple, la nécessité de rechercher un logement moins cher). Peu doté toutefois en logement HLM, le bassin de Coulommiers se démarque par un fort pourcentage de propriétaires : 71 % des ménages sont des accèdants à la propriété (au regard du taux de 64 % sur le département). Ce desserrement résidentiel vers l'est touche des secteurs où pour reprendre l'expression des acteurs sociaux, « il n'y a rien », pas d'infrastructure, peu d'emplois. La main d'oeuvre locale est encore peu concernée par une reconversion qui se traduit autour de La Ferté Gaucher, par des actions en faveur de mise en valeur de la nature (considérée comme un des atours de la région), autour de l'eau, du sport mécanique, et de l'implantation de nouveaux services (maisons de retraites, entreprises de transport). Les trois quart des actifs Seine et Marnais se concentrent de fait au nord et à l'Ouest du département, en lisère de l'agglomération parisienne tandis que les plus forts taux de chômage se rencontrent à l'est et au sud du département, notamment dans les arrondissements de Provins et de Fontainebleau, territoires peu fournis en entreprises et industrie (Insee, 2006). Montevreau-Fault-Yonne, Provins et Nemours sont les plus touchés par le chômage, avec respectivement 21,7 %, 18,9% et 15,6% de chômeurs parmi la population active. Cette situation conduit à d'importants problèmes de déplacements quotidiens. Mais si le manque de transport est criant, le département connaît, en matière d'offre de transport et de difficulté de mobilité, des disparités. La Ferté sous Jouarre, est en matière d'infrastructure la mieux servie. Elle est la seule à être dotée d'une ligne de train (jusqu'à Meaux, Château Thierry), dispose d'une nationale (la 3), est accessible par l'autoroute A4. L'association d'insertion d'accompagnement vers l'emploi Réalité s'est attachée à étudier l'offre de transport dans les cantons de Coulommiers, La Ferté-sous-Jouarre, la Ferté-Gaucher et Rebais, confrontée au fait « qu'il devient de plus en plus difficile de trouver un emploi proche de son domicile et accessible par les transports en commun ». Il ressort de ses investigations, que « les solutions pour se déplacer existent mais sont compliquées : se déplacer relève Îritablement du parcours du combattant. « On fait trois heures de route, poireaute une heure à l'occasion d'un changement » résume Véronique Miossec, coordinatrice de l'association d'accompagnement vers l'emploi Réalité ; ce qui selon Véronique Miossec n'incite pas chômeurs et bénéficiaires du RSA à aller chercher du travail. 147 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale La difficile activité des femmes à l'Est du département : des transports publics jugés insécurisés la nuit Les problèmes que rencontrent la population pour se déplacer sont un frein pour accéder à l'emploicela a été mis en évidence à moult reprises (Massot 2008, Le Breton, 2005). Mais les employeurs de leur côté peuvent avoir du mal à trouver des salariés, du fait des difficultés que peuvent encourir la population sur le territoire. C'est le cas, en Seine et Marne, de la Zac du Val Bréon, parc logistique qui constitue l'une des plus grandes zones d'aménagement priÎ de l'Ile de France ayant su tirer parti de la présence d'infrastructures routières. Regroupant d'importantes surfaces commerciales pourvoyeuses d'emplois (Ikea, Conforama, Logistic, CENPAC, ect), elle peine à trouver la main d'oeuvre, faute de transport en commun la desservant. Dans les services sociaux des cantons de Coulommiers, La Ferté-sous-Jouarre, La Ferté-Gaucher et Rebais, l'on se préoccupe tout particulièrement de l'emploi des femmes. Le seul emploi qui s'offre aux non diplômées l'est dans les supermarchés : les supermarchés locaux reçoivent beaucoup de candidatures et ne peuvent répondre à toutes les demandes. Les femmes doivent donc pour travailler se rabattre sur les supermarchés situés à la Ferté Gaucher, Coulommiers, Lagny, Chelles. Et de fait, le développement de l'appareil commercial, vecteur d'emplois pour une population feminine non diplômée dans le département étroitement lié à l'extension de l'urbanisation, s'est développé sur les axes LagnyMeaux-La Ferté-sous-Jouarre, au nord, et Melun-Montereau-Moret, au sud ; les villes nouvelles de Sénart et surtout Marne-la-Vallée (en grande partie englobée dans le département), qui représente le troisième pôle tertiaire de d'Île-de-France, derrière Paris et La Défense. Mais l'accès à ces sites nécessite d'être motorisé, ce que les femmes sont loin de toutes être. En outre, le secteur commercial de Val d'Europe est peu accessible aux mères du fait des horaires tardifs, peu compatibles lorsqu'on a des enfants à aller chercher ou à faire garder, et qui pâtissent déjà de la concurrence des jeunes ou personnes qualifiées, qui sortent des écoles de vente. Les déplacements ­ lorsque les transports en commun existent - demeurent compliqués pour ceux travaillant en horaire décalé, ou dans le cas de situations d'urgence nécessitant de se déplacer rapidement, comme cela a été déjà mis en avant (Le Breton, 2005). Mais ce qui est à noter ici, c'est que cette situation tend à limiter la portée du partenariat qui a été mis en place entre Disney et le département pour pourvoir l'offre d'emploi sur ce site : Disney se heurte à la difficulté majeure que les gens ne peuvent se rendre à lui. Le résultat est donc qu'en dépit des offres d'emploi que Disney fournit 148 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale et sur lesquels on pourrait compter, « en général, explique Véronique Miossec, coordinatrice de l'association d'accompagnement vers l'emploi Réalité, on ne propose pas le boulot parce que si les gens peuvent aller Disney, ils ne peuvent revenir ». Dans le canton de Mitry Morry en périphérie immédiate de Paris, même bien desservis par les transports en commun, les services sociaux imputent la forte utilisation de la voiture pour aller travailler à ce qu'ils appellent « l'absence de culture dans le domaine en transport en commun ». Celle-ci serait visible au sein même de leurs administrations : les employés comme leur public semblent préférer la voiture aux transports en commun qui existent pourtant dans cette partie limitrophe à Paris du département. Ce faible recours aux transports publics serait renforcé par une moindre confiance en ce type de locomotion. Les femmes ­ de l'avis des services sociaux - notamment ne se sentent pas en sécurité de prendre les transports en commun la nuit. Cette insécurité du transport pendant la nuit est particulièrement ressentie pendant le temps d'attente des trains ou bus. Dans ce secteur traversé par la ligne D du RER, on peut ajouter la faible confiance que les populations peuvent avoir dans les transports en communs ­ la ligne D très syndiquée fait l'objet de grèves répétées qui ne sont pas sans conforter la moindre utilisation en transports en commun estime Mme Aubineau Hernandez, directrice de la Maison départementale de la solidarité Mitry Mory. L'image qui colle à cette ligne est qu'à la moindre palpitation de la SNCF, celle ci s'arrêterait de rouler ( elle en a en tous cas la réputation). Ce qui n'est pas sans contribuer à alimenter une autre figure du sentiment d'insécurité ­ celle d'une population pas toujours amenée à prendre les transports en commun, pour la raison régulièrement invoquée de ne pas être assuré d'arriver à l'heure. Une image de retard est associée aux transports publics - entretenue par des personnes qui en sont ou non utilisateurs- comme on a pu le remarquer dans d'autres enquêtes. Des difficultés financières imputées à de plus longs déplacements Les personnes modestes sont loin de toutes faire appel aux services sociaux. De fait, quand une personne a des difficultés, celle ci a souvent du mal à les accepter, et donc à les reconnaître. Il n'empêche, les Maisons de solidarité parviennent toutefois à identifier des demandes : même si elles ont du mal à les chiffrer et envisagent, pour ce faire, dans un proche avenir la création d'un observatoire départemental de la pauvreté. Et en l'occurrence, l'éloignement du lieu de travail conduirait bien selon les services sociaux à une réduction des entrées d'argent susceptibles de se traduire de différentes manières. Tout d'abord, les maisons de la solidarité le constatent, le nombre de familles accompagnées par des dispositifs sociaux augmente, notamment celles concernées par des aides ponctuelles (factures EDF, télé..). Les MDS auraient de plus en plus de familles salariées venant les voir pour une aide ponctuelle, 149 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale les aider à payer une facture. Cette demande d'aide ponctuelle croit en raison de la crise. « On a des Housson, directrice de la Maison départementale de la solidarité Provins. Ce qui conduit les salariés car le budget devient trop ric rac, on ne peut payer la facture EDF, témoigne Monique Le budget transport explose et fait croître une nouvelle clientèle ». maisons de solidarité à proposer des ateliers pour maîtriser l'énergie, à la maison et pour se déplacer. Ensuite, les services sociaux observent dans certains ménages, le cas du père, par exemple, contraint de rentrer tard dans son nouveau lieu d'habitation : il ne peut plus continuer à assurer les heures supplémentaires qu'ils faisaient auparavant, celles là même qui lui avaient permis de s'acheter le logement : ce qui conduit à une nouvelle forme d'appauvrissement, augmentée par le fait, que les nouveaux propriétaires n'avaient pas escompté que leur incombaient un certain nombre de charges supplémentaires (de la viabilisation, éclairage, réfection roue, déneigement). Les accédants à une propriété moins chère (mais néanmoins chère), tenus d'aller travailler dans les pôles d'emplois éloignés (Roissy, Paris) sont parfois obligés d'avoir deux voitures, ce qui coute cher. Deux habitants que nous avons interrogés pour leur statut de représentant des usagers au sein de la commission d'attribution des aides sociales à la Maison de la Solidarité de Provins rapportent le cas de familles qui, ayant acheté une maison dans la région de Provins, auraient a nouveau déménagé en des territoires plus proches de Paris. Il apparaît de fait que l'obtention d'un emploi plus aisé dans la banlieue proche de Paris nécessiterait ­ estime-t-on dans l'association Réalité - de se loger au plus près de ce dernier. Mais, selon les employés de cette association, le fait d'avoir déjà un logement, exclut totalement des dispositifs d'aide pour trouver et s'offrir un logement. C'est un cercle vicieux. Les services sociaux invalident, pour cette raison l'hypothèse, d'une mobilité résidentielle permettant de se rapprocher des lieux mieux dotés en emplois et services, notamment pour les ménages résidant dans un logement social. Le conseil général a enfin été interpellé il y quatre ans par une association d'insertion mettant en avant l'importance des questions de mobilité dans le renforcement de la précarité des populations. Il en ait résulté la création de groupe de travail sur la mobilité au sein des Maisons départementales de solidarité du département, encore à l'état d'ébauche. L'absence de services dans des communes d'accueil qui ne se vivent pas comme telles : le cas des communes d'accueil rurbaines qui se vivent comme rurales Le problème de la garde d'enfant ­ qui a un coût et se rajoute à celui occasionné par les déplacements se pose de manière cruciale en Seine et Marne pour les ménages modestes. Les ménages d'une manière 150 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale générale sont confrontés à l'absence d'offre de services à la petite enfance (crêche, halte garderie), de services parascolaires dans leur nouveau lieu d'habitation, et, ce quelque soit leur localisation. L'absence de services à la petite enfance se fait ressentir autant en lointaine périphérie urbaine, dans les régions plus excentrées et en crise (cantons de Provins et Coulommiers), que dans les zones plus urbanisées et concernées par le développement économique de Roissy. La canton de Vitry, qui bénéficie de la proximité de Roissy par exemple, a bien connu une augmentation de sa population de 10% ; 30% de celle ci a moins de 20 ans, 19,5% des ménages ont au moins 3 enfants (sur représentation statistique), les plus de 75 ans sont sous représentés statistiquement. Le canton de Vitry est une terre d'accueil, en somme, mais cette terre d'accueil a la caractéristique de ne pas s'identifier comme telle. Les communes comme Vitry-Mory ont beau se développer rapidement, connaître une forte croissance démographique, elles ont du mal à faire leur ce développement. Le territoire bien que rurbain tend à se vivre encore comme rural, selon la directrice de la maison de la solidarité de Vitry Mory. Ecartelé entre la banlieue parisienne et la zone de Roissy, il a du mal à se trouver une identité propre. Comme tel, il tend à se penser en réaction par rapport aux territoires qui les entourent. Il attribue au pôle de Roissy, auquel il a longtemps tourné le dos, les nuisances et les méfaits produits par ce dernier sur son environnement tout en profitant de la manne financière apportée par la plateforme aéroportuaire. Les communes, selon les services sociaux, se posent un peu en victimes des populations de la Seine Saint Denis qui arrivent, et ne voient pas forcément d'un bon oeil la population modeste de la banlieue parisienne venue habiter sur leurs terres (Mitry et Villeparisis....). Souhaitant préserver leur cadre de vie, elles se gèrent, se vivent, mais aussi s`identifient comme rurales sans proposer de services à la population venue sur ses terres... alors qu'estime t-on à la Maison de la solidarité, le canton, urbanisé, proche de Paris, de Roissy est bien loin d'être rural. Elles refusent en quelque sorte leur présent. Le problème de l'absence de services proposés à la population nouvellement résidente se pose également dans le lointain périurbain, tel que par exemple, dans le bassin de Coulommiers touché par le phénomène de la précarisation métropolitaine issue de l'étalement urbain. Les petits villages connaissent avec l'arriÎe de ces nouvelles populations « petits propriétaires » un nouveau dynamisme. Les promoteurs construisent des lotissements à la périphérie des villes bourgs, et ce avec l'aval des municipalités, ces dernières escomptant avec l'arriÎe de nouvelles populations ­ des familles avec enfants - trouver la possibilité de faire vivre leurs équipements (notamment l'école): tels qu'à Monroux, Boissy-le-Châtel... L'offre de transport scolaire y est correcte. De fait le département qui a acquis depuis 2010 la compétence du transport scolaire (qu'avaient le STIF en Ile-de-France, les conseils généraux en Province), intervient dans l'organisation des circuits spéciaux scolaires (13 000 enfants, 350 151 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale circuits) et le transports des élèves et étudiants handicapés; il finance la carte imaginaire, donne la gratuité sur les cartes Optiles destinée aux jeunes Seine et Marnais de moins de 21 ans scolarisés. La Seine et Marne est le seul département d'Ile de France a assurer la gratuité à près de 40 000 élèves pour le transport scolaire, participe à financement à hauteur de 50 % de l'abonnement des jeunes. Le transport scolaire est aussi utilisé par des non scolaires, adultes, dont la présence, à condition qu'ils ne soient trop nombreux est tolérée par les conducteurs. Le transport scolaire est un peu détourné de sa fonction initiale, dans le sens où, il office en quelque sorte de service de covoiturage pour la population non motorisée. Mais les élus dans le même temps sont confrontés à une demande d'équipements, cantines, services périscolaires dont les nouvelles populations ont d'autant plus besoin qu'elles travaillent loin de leur lieu d'habitation. Ce qui n'est pas sans poser des problèmes d'intégration au sein des anciennes populations peu amenées à accepter les nouvelles nécessitant aide ou équipement. La dissociation du lieu d'habitat et du lieu de travail ou d'enseignement se traduit également par un volume plus important d'aides à la restauration, portée par le conseil général du fait de la précarité de la population et de la vaste amplitude horaire qu'il fait vivre : les parents partent tôt le matin à 6h30 et reviennent tard le soir. Les maisons de solidarités sont aujourd'hui alertées par leurs services de protection de l'enfance mettant en avant une croissance des problèmes liés à la petite enfance; cette évolution est certes liée au fait que le cadre législatif a évolué depuis 2007 et que les services sociaux sont plus actifs dans le domaine. Il n'en demeure pas moins que le problème aujourd'hui constaté est celui d'enfants laissés à eux-mêmes, faute d'offre d'équipements de loisir proposés pour les jeunes ou de services pour la petite enfance. Et faute de pouvoir payer des gardes priÎes, les femmes comptent sur les solidarités familiales, l'enfant pouvant être gardé par un grand frère, ce qui n'est pas sans danger, et ne peux se faire de façon répétée. Les populations nouvellement arriÎes ne connaissant personne n'ont pas de réseau local sur lequel elles peuvent compter ou s'appuyer. En fait la présence de la famille dans la région ne détermine pas toujours contrairement à ce qu'avaient montré plusieurs études (Djefal, Eugène 2004, Massot 2010), le choix du lieu d'achat dans le périurbain. Selon Mme Aubineau Hernandez, directrice de la Maison départementale de la solidarité Mitry Mory, les personnes iraient là où le logement est moins cher. Le problème de la mobilité constitutive de l'identité, chez les jeunes, une classe d'âge qui plus est précaire. Les parents travaillant loin du lieu de résidence, contraints de rentrer tard le soir, les jeunes sont donc nombreux à être laissés à eux-mêmes. 152 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Les bourgs ruraux de la lointaine Seine et Marne sont affectés par le phénomène de l'errance des jeunes (selon Catherine Bogaert, directrice de la Maison départementale de la solidarité de Coulommiers, et Monsieur Chefrara, responsable de l`équipe de prévention Espoir), celui-là même que l'on tendait jusqu'ici à associer aux quartiers dits sensibles des grandes villes. Simplement ici, les regroupements sont un peu moins visibles ; les jeunes qui se retrouvent sous la forme microbandes dans des micro villages - stagnent moins dans les halls d'entrée - qu'un peu partout, dans les halls certes lorsqu'il existe du collectif comme à Coulommiers, sur les marches de la mairie (cas de la Ferté sous Jouarre), aux abords des terrains de sport (Chevreux), et surtout autour des infrastructures de transport scolaires, dans les abribus des cars scolaires. L'équipe de prévention (association Eclair) dont l'un des objectifs est de s'occuper des jeunes que les maisons de quartier n'arrivent pas à attirer, vont chercher cette jeunesse récalcitrante aux dispositifs publics, là où ils sont, c'est à dire aux arrêts de bus des transports scolaires, lieu de rencontre privilégié de la jeunesse désoeuvrée périrurbaine. Dans les réunions faites avec la population, le déficit d'accessibilité apparaît tout particulièrement pour les jeunes ; ce qui est mis en avant dans les revendications, et l'est autant par les parents que par les jeunes eux-mêmes, c'est bien le problème de la mobilité des jeunes. Les jeunes peu mobiles utilisent peu le Îlo. Certains ont recours au scooteur, qui est cher et que tous les parents n'autorisent pas (le scooteur, première cause de mortalité chez les jeunes, accidents sur routes). Le manque de transport pour les jeunes, non pensé lorsqu'ils ne sont pas scolarisés ou en dehors des temporalités scolaires, peut être d'autant plus ressenti qu'à cet âge, la mobilité, participe, en favorisant leur l'autonomie, à leur construction (Massot, Zaffran, 2007). Un jeune témoigne dans une réunion de concertation du fait qu'il est ravi de l'ouverture de la ligne 77 Express qui lui permet d'aller à Marne à Vallée. La création de cette ligne destinée à relier à priori le domicile et le travail s'est aÎrée de fait ­ comme on le remarque à la Direction des transports du Conseil Général- aussi très fréquentée le weekend et pour les loisirs. Le succès de cette ligne met en avant le problème de la mobilité des jeunes, ainsi que l'importance des loisirs pour ceux-ci comme pour les adultes, mais aussi le fait que les pôles centraux ne sont pas à voir du côté de Paris, mais de Disney, qui attire autant les touristes que les franciliens, Marne-la-Vallée ; Chelles. Les jeunes sont dans le département peu qualifiés (taux de chômage : 20 %). Or le coût du permis de conduire constitue un frein alors même que le fait d'être mobile se présente comme un moyen de lever l'handicap que constitue l'absence de formation (Le Breton, 2005). Et puis, le coût ou la difficulté de bouger conduit les jeunes de la région à choisir des formations de proximité. Le coût d'un logement pour faire ses études est prohibitif lorsque l'on ne peut se permettre de faire les allers retours dans la 153 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale journée. Ceci peut expliquer le fait que le taux des jeunes encore scolarisés après 16 ans, déjà faible dans le département (48 %), tombe à Coulommiers à 42 % et à 38% sur le secteur de la Ferté Gaucher. Fait notable, les villes dotées de gares disposeraient selon les services sociaux de plus de jeunes diplômés- niveau bac plus 2 - que les autres. Ainsi, le maire de la Ferté sous Jouarre, Marie Richard, (ancienne vice-présidente de la région) travaille avec l'université pour tenter de désenclaver son secteur, tout de même mieux lotie puisqu'en lien direct avec Meaux, que d'autres secteurs. Ce secteur bénéficie d'un faisceau d'infrastructures (une ligne directe de train importante, la nationale 3, l'autoroute A4) à la différence de Coulommiers, plus enclaÎe. Une voiture qui coûte chère mais dont a du mal à se dessaisir Les alternatives à la voiture proposées par le Conseil général et la plateforme aéroportuaire de Roissy (dispositif de transports à la demande Allo bus, Philéo), sur lesquelles une abondante publicité a été faite, demeurent sous utilisées. Le faible recours à ces offres comme au transport public serait, selon les acteurs sociaux, à mettre en relation avec le fait que certains ont du mal à se dessaisir d'une voiture ou de l'idée d'en posséder. Ici, il semblerait, si l'on en croit les personnes continuant à prendre leur voiture alors qu'elles n'ont pas forcément les moyens de l'utiliser ou d'en posséder une, remplit toujours le rôle de promotion sociale qu'on tend aujourd'hui à moins lui concéder ailleurs, en d'autres lieux ou milieux plus privilégiés et urbains (Orfeuil, 2004). Au regard du parcours du combattant que l'utilisation des transports publics sous tend en certains endroits, nombre de personnes pense que le fait de pouvoir disposer d'une voiture et d'un permis permettrait de trouver immédiatement un travail alors que ce n'est pas toujours le cas, estime Véronique Miossec de l'association d'accompagnement vers l'emploi Réalité. En 2008, ont été ainsi mis en place (via les associations d'accompagnement vers l'emploi) des Ateliers Permis de conduire. Ces ateliers s'appuyaient sur la demande de personnes qui annonçaient ne pas trouver de travail en raison d'une absence de moyens de transport ou de permis de conduire. Pour ceux qui avaient échoué plusieurs fois au code de la route dans le cadre du permis, il a été mis en place une structure d'apprentissage spéciale, avec une auto école. Les MDS et associations d'accompagnement par l'emploi ont beaucoup de demandes d'aides au financement de permis de conduire, demandes qu'elles ne considèrent pas toutes comme légitimes : selon les acteurs sociaux, tous ceux demandant de telles aides ne peuvent assumer le coût d'usage d'une voiture. La MDS de Mitry Mory a décidé, elle, de ne plus dispenser cette action. Plus simplement elle conditionne l'obtention de l'aide au financement du permis à l'existence d'un projet 154 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale conduisant à « Îritable emploi ». Mais le permis et son obtention est important, estime, à contrario Monique Housson, directrice de la Maison départementale de la solidarité Provins et Isabelle Chatère, en charge du Développement social local sur les cantons de Tournans en Brie et Provins : cela donne aux jeunes un projet, et est un premier pas vers une sortie du territoire, cela les conduit à voire d'autres horizons. Peut-être d'autant plus, ajouterions nous, que l'on est dépendant déjà du service public par l'aide (au logement, RSA, CMU) que celui ci accorde pour vivre ? La voiture de fait renvoie dans les classes populaires voire moyennes à la libre entreprise. La voiture est non seulement un capital qui permet d'accéder à l'emploi mais elle est également associée à l'auto entreprise, qui, elle, comme le rappellent les travaux des sociologues (Weber, 2001), est valorisée dans les milieux populaires. Elle bénéficie aussi des symboliques associées la maison, la protection. Et puis, pour le jeune, l'obtention du permis renvoie à l'âge adulte. Ce qui nous amène à penser que le permis de conduire serait, autant sinon plus, lié à une demande d'autonomie qu'à un réel souhait ou besoin de mobilité ? Autonomie des adultes et des plus jeunes que d'autres travaux ont montré autant soucieux de bouger que de rester chez eux, ou d'autonomie d'autant plus désirée par l'adulte qu'il se sent lui dépendant d'aides publiques. Le conseil général a créé depuis 2006 sous forme d'atelier, une formation « se déplacer c'est possible ». Cette formation propose deux jours de cours « théoriques » et une journée sur le terrain dans le métro parisien. Elle informe sur les offres, montre comment chercher l'information, s'orienter dans l'espace, lire un plan, un panneau, utiliser un automate de vente, elle propose une sensibilisation à la sécurité routière, renseigne sur les modes de transport alternatif, le covoiturage, le Îlo. L'atelier, animé par la Direction de l'insertion et de l'habitat, introduit à d'autres types d'ateliers « place et sens du travail », qui creuse diverses problématiques avant de proposer un atelier lié à la recherche d'emploi proprement dit. Cette formation, à la surprise des acteurs sociaux, n'attire personne. Si les demandes pour l'aide à l'obtention du permis étaient nombreuses (venant des jeunes comme de leurs parents), dans les faits, peu sont venus aux ateliers « formations à la mobilité », ceux qui suivaient ces formations n'étaient pas assidus. Les personnes contactées ont dit qu'elles n'en avaient pas besoin, qu'elles savent prendre les transports en commun, les problèmes rencontrés de mobilité tiennent à une question d'horaire, de transport inexistant ... Mais la motivation pour l'association est un peu différente, l'atelier servirait à telles offres auprès de populations de quartiers excentrés et sensibles (Sinigaglia-Amadio, 2011). Il réactiver les réflexes de Mobilité. On trouve là les motifs invoqués à Strasbourg pour promouvoir de s'agirait d'apprivoiser « l'espace de l'autre », cet espace, pouvons nous ajouter vers lequel l'on n'ose 155 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale pas toujours aller quand on vient de quartiers à la fois stigmatisés et discriminés, ou dans le cas de la Seine et Marne, très reculés, loin des flux métropolitains. La difficulté pour la population de faire le deuil d'un territoire hier prospère ; La mobilité s'apprend-elle ? Ces actions font débat chez les acteurs sociaux. Sont-elles adaptées à la problématique de la mobilité ? « Bouger » - est, selon Monique Housson, aussi une affaire de « mentalité ». Si certains ont du mal à quitter leur village, d'autres, à l'inverse, sont plus nomades comme l'a montré notamment Tarrius (2010), et le sont dès leur plus jeune âge. C'est le cas de cette femme Martiniquaise (au Rsa, proche de l'âge de la retraite) qui profite pleinement du Pass navigo lui permettant de se déplacer gratuitement en transport en commun dans la région parisienne ; habitant Provins, elle va fréquemment à Paris, Fontainebleau, n'hésite pas à aller à l'Ouest de la région parisienne, la Défense, que ce soit pour faire des courses dans des centres commerciaux ou marchés moins chers, aller à des fêtes, musées, ect. Ceux qui bougent peuvent être au chômage, au RSA, appartenir à des populations dites marginalisées ? Certaines, parmi elles, savent même très bien bouger. Mieux même comme l'a montré Tarrius que des populations parfois ayant des revenus très supérieurs. Les actions de mobilité cherchant à enseigner aux individus la manière de lire les panneaux, les cartes semblent peu adaptées au problème qu'elles doivent résoudre. A la MDS de Provins, où l'on est plutôt critique quand à l'intérêt d'une formation à la mobilité, l'on donne l'exemple des éboueurs de Paris ­ maliens analphabètes- : habitant en très grande couronne, ils savent partout se repérer. Même si ils ne savent pas lire, ils parviennent très bien à bouger, se mouvoir un peu partout, utiliser les transports. « L'instinct de survie se pose en évidence pour eux, ils y vont » estime Monique Husson. A contrario, la population dans le bassin de Coulommiers hier dominé par une industrie déclinante aujourd'hui, a pour caractéristique d'être très peu mobile. Le paternalisme, qui fournissait parfois avec l'emploi, le loisir et le logement, a contribué à ancrer une population qui aujourd'hui a du mal à sortir d'un territoire hier porteur d'avenir. Le simple fait d'accéder au centre administratif de Coulommiers est perçu par certains, jeunes ou moins jeunes, comme déjà difficile. Les acteurs sociaux parlent d'une réelle difficulté à faire le deuil d'un territoire hier prospère aujourd'hui en déclin : Provins, Coulommiers ne sont plus les pôles d'emplois attractifs qu'ils étaient autrefois. Est donné l'exemple de cet homme dont l'entreprise s'est délocalisée à Fontainebleau et qui ne peut se résoudre à l'idée de ne plus avoir d'emploi à Provins. 156 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Faute de moyen de locomotion, l'on pourrait avoir recours au Îlo. Mais ce dernier ne semble pas trop pratiqué en Seine et Marne, et ce à la différence du département limitrophe de l'Yonne, remarque Isabelle Chatère, chargée du développement social dans les cantons de Tournans en Brie et Provins. Celui-ci plus rural autorise une pratique qu'en ce territoire périurbain de la région parisienne, l'on n'ose faire ; car si les villes et bourgs semblent plantés en pleine campagne, les routes, elles, sont de larges départementales métropolitaines, en lesquels l'on ose s'avancer en bicyclette. Le département est un espace circulatoire par lequel transitent de grands courants de circulation. Le trafic des villes en inhibe aussi plus d'un. Une enquête qualitative avait été amorcée par quatre maisons de la solidarité auprès de personnes en insertion suivies par leur service dans le but d'apprécier comment ces populations se repèrent dans l'espace à partir du « magma institutionnel et technique du monde du transport » et se déplacent en situation de déficit d'offre. Il résulte de l'analyse que cette population n'avait pas plus de méconnaissance que les autres populations de ce qui existait en matière de transport dans la région. Les blocages repérés sont de trois ordres: l'absence de l'offre est synonyme d'un blocage technique ; le coût financier du déplacement est synonyme de blocage économique (difficulté de se payer une carte orange nécessitant six zones pour aller à Paris, payer le ticket des enfants, de la famille) ; les freins psychologique au déplacement. Le fait par exemple d'aller travailler à Val d'Europe (secteur bien desservi par la ligne de bus Marne Express faisant 25 allers retours par jour, avec la possibilité si on est employé de bénéficier de 50 % de la carte orange) pouvait être jugé difficile du fait de la vision du territoire hérité du au 19 e siècle, où les déplacements se faisaient à petite échelle, que pouvaient encore avoir certaines personnes. La facilité à se mouvoir serait-elle une affaire de génération ? Les jeunes eux semblent savoir bouger, ou tout au moins savent comment aller à Disney. Ce qui ne les empêche pas, pour certains, quand qu'il s'agit d'aller chercher ailleurs un travail, d'être enfermés dans leur territoire, de ne pas pouvoir voir les opportunités plus lointaines. Le transport et la notion d'enfermement dans un territoire ne seraient, semble t-il pas des problèmes strictement liés à l'âge mais à lié à un état, une situation de blocage psychologique (Jouffe, 2007). Quand la question de la mobilité rencontre celle de l'isolement : les personnes vieillissantes, propriétaires, précarisées, et peu mobiles ; Les personnes âgées sont nombreuses dans le département, le pourcentage des plus de 75 % dépasse de deux points la moyenne nationale. Se pose à leur sujet la question de leur isolement, dû à leur âge, et au contexte rural malgré leur insertion dans des réseaux sociaux du fait de leur ancienneté sur le territoire (mais il n'existe pas de club de 3 âge), et à leur faible mobilité. 157 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Les personnes âgées peuvent aussi éprouver des difficultés pour entretenir leur maison (ne serait ce que pour se chauffer, changer une ampoule), ne bénéficiant pour certaines que des minimas retraite, la maison ayant été acquise après un long travail et effort, à l'issue de toute une vie. Les collectivités territoriales (bientôt dans le cadre de l'intercommunalité) regardent du côté du transport à la demande ; elles réfléchissent à la possibilité de développer des aides (médicales, ménagères), des services de portage à domicile de repas, courses, médicaments. Mais leur offrir de telles aides conduit à renforcer leur isolement, puisqu'en apportant tout ce dont elles ont besoin chez elles, elles ne sortent plus de chez elles. En outre, les aides apportées peuvent faire les frais de l'absence d'infrastructure de transport ou du cout que la mobilité peut représenter. Ce sont autant de frais que ne peuvent s'autoriser les bénévoles du réseau porté par Famille rurale ­ on compte notamment sur le bénévolat pour accompagner les personnes âgées pour faire leur courses, aller chez le médecin... De même, la colocation ­ la possibilité susceptible d'être offerte à un jeune ou un actif, de louer une pièce au sein de la maison d'une personne retraitée est confrontée au même problème de l'isolement de la maison. Car si l'idée aujourd'hui est de ne pas déraciner, de laisser la personne le plus longtemps dans son logement, la « collectivisation des maisons », reste chère ou difficile à mettre en place pour des raisons d'absence de transport. Ainsi les problèmes de mobilité conduisent (les personnes âgées, les mères de famille sans travail et assignées leur pavillon) à un problème d'isolement. Conclusion Les difficultés de mobilité affectent différemment des populations : du problème financier à la demande d'autonomie Le poids de la dépendance à l'automobile des territoires de vie se manifeste de différentes manières selon les individus ou groupes d'individus. Les acteurs sociaux s'inquiètent aujourd'hui de la venue dans leur service d'un nouveau type de population que sont les ménages modestes à la recherche d'une aide financière ponctuelle pour leur permettre de faire face à certaines factures (EDF, assurance) qui hier étaient assumées sans problème, les ménages en proie à des situations de surendettement et ou face à des frais de transport ou de garde d'enfants non escomptés et croissants. Plus généralement, et au-delà des problèmes de ressources financières des ménages, trois types de population des territoires soumis à notre analyse, présentant des difficultés de se bouger sont repérés et pris en compte par les acteurs sociaux de ces territoires : les jeunes, les femmes, les personnes âgées. La pléthore d'ouvrages récemment parus sur le sujet des jeunes rappelle que cette classe d'âge existe avant tout comme une catégorie à problème (la jeunesse est pensée à l'aune de la délinquance, de la déviance à certaines normes sociales, ou de la crise d'adolescence, sans que l'on ne s'arrête 158 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale suffisamment sur leurs besoins et desideratas propres (Mauger, 2006). A ce titre, les jeunes et adolescents laissés à eux-mêmes le sont par des parents - en ces lointaines contrées de la région parisienne­ qui, en ajoutant à leur journée de travail un temps de transport important, sont amenés à vivre de longues et tardives heures loin de leur domicile. L'ennui, l'errance, susceptibles de conduire à des méfaits, sévit autant dans les villages de la grande couronne parisienne sans service ou activité que dans les banlieues HLM. Pour autant, la fréquentation importante des jeunes des services actuels de transport conduisant à des pôles de loisirs comme Disney dans notre analyse - ce qu'on tend à oublier en se préoccupant du seul transport scolaire des plus jeunes ­ est à noter. Elle réÏle que les jeunes ont une connaissance et une représentation de leur territoire dans lesquelles le centre parisien joue un rôle beaucoup moins important que ce dont la littérature rend compte. Pour ceux qui vivent dans des villages éloignés de tout ou presque, le pôle de Disney, par exemple, avec ses commerces et ses cinémas fait office de centralité. Elle réÏle aussi que l'autobus est un mode de transport dont ils se satisfont tout à fait dès lors qu'il leur permet de rencontrer leurs pairs et donc que la fréquence de service est satisfaisante. Ce que montre le succès de la ligne express de bus desservant le pôle de Disney, très fréquentée par les jeunes et par des personnes, alors même qu'elle n'avait été pensée que dans le cadre d'un accès à l'emploi. La demande d'aide financière à l'obtention du permis, qui ouvre ou élargit le potentiel d'accès à la mobilité, évoque également le fait que la demande d'autonomie est tout aussi importante pour ces jeunes, si ce n'est plus forte que celle d'une demande de services de mobilité. Le lien obserÎ entre la présence d'une gare dans la ville et le niveau plus éleÎ de formation de sa population juÎnile est à plus amplement étudier, et ce d'autant plus quand on sait que le chômage des jeunes concerne plus particulièrement les non diplômés, lesquels sont nombreux en lointaine Seine et Marne. La croissance des familles monoparentales dans ces territoires donnerait à voir une forme de précarité émergente qui toucherait les femmes. Pour un certain nombre d'entre elles en effet, deux handicaps se conjuguent pour trouver et exercer une activité professionnelle : l'absence d'expériences professionnelles et l'importance de la durée et du coût des trajets que certaines ne peuvent assumer. La mobilité de personnes âgées est une donnée importante dans des lieux périurbains gagnés par la croissance de cette tranche d'âge. La population du périurbain vieillit. La preuve en est du taux important de personnes recensées mais également de l'importance du secteur du troisième âge sur ce territoire, terre d'accueil de nombreuses maisons de retraite, secteur vecteur d'emplois en des lieux où celui ci fait défaut. A condition toutefois que les difficultés de déplacements que peuvent rencontrer leurs employés, déjà bien mal rémunérés, ou les personnes bénévoles ou retraitées soient leÎes. L'aide à la mobilité des personnes âgées ­ est pensée dans le cadre d'un maintien au domicile et d'une aide à l'autonomie qui peut réduire un certain temps leur dépendance, la reculant dans le temps. Cette posture fait débat dans la Belgique Flamande où les transports sont gratuits pour les plus de 65 ans, tout comme dans les environs de Coulommiers. En effet pour certains le développement des services à 159 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale la personne (courses faites par d'autres pour les personnes âgées) tendrait à renforcer la dépendance de personnes à autrui alors que pour d'autres il conviendrait, à contrario, de favoriser leur mobilité et indépendance. En tous cas, la gratuité des transports publics en Flandres a contribué à faire sortir un très grand nombre de personnes âgées de chez elles. Les transports publics fonctionnent comme des espaces de rencontre pour les personnes âgées, dont l'un des problèmes est aussi qu'elles se sentent esseulées, (LEFRANCOIS, 2012) ou isolées dès lors qu'elles résident en lointaine périphérie urbaine. Venir les visiter, il est vrai, demande soit une aptitude à la mobilité réÎlée soit une disponibilité temporelle importante dès lors que le transport public s'impose : certains ne peuvent mobiliser ni l'un ni l'autre. Les freins psychologiques, un effet de territoire avant tout Les freins à la mobilité, dont l'inaccessible usage de la voiture pour raisons financières fait partie, renvoient le plus souvent à l'absence de service de transports. Pour autant, ces freins peuvent renvoyer à des psychologiques. La voiture sert bien plus qu'à bouger, raison pour laquelle on a du mal à s'en dessaisir. Cet objet renvoie à un statut social à laquelle certains cherchent à appartenir et à une mobilité rapide souhaitée par le plus grand nombre : le fait est connu et relaté par les services sociaux. Cependant ces derniers parlent aussi d'une image de la voiture renvoyant à la libre entreprise et à l'autonomie de décision, fortement valorisées dans les milieux modestes. Cette valorisation d'un objet qu'ils n'ont pas toujours les moyens d'utiliser et d'entretenir, nous paraît pouvoir être vue en quelque sorte comme un contrepoids à une dépendance aux pouvoirs publics fournissant allocations ­ ­ pas forcément bien Îcue par les personnes au chômage ou RSA accusés d'assistanat. Celle ci ouvre les champs du possible, ce qui est une première forme de mobilité susceptible d'en induire d'autres... Les difficultés que l'on peut avoir ou non de bouger ne seraient pas forcément induites par un effet de génération : si l'on en croit le cas de jeunes peu mobiles dans le lointain bassin périurbain de Coulommiers, attachés à un territoire où ils ont grandi, ont encore leur famille, tandis que les personnes ayant eu à déménager plusieurs fois dans leur vie continuent, l'âge venant, même dans des lieux très reculés comme les environs de Provins, encore à bouger. L'on trouverait là plutôt un effet de territoire dans le sens qu'en donne Bourdieu (1993), sachant que cet effet ne joue pas forcément pour tous. L'on peut être nomade de manière héréditaire, le fait de bouger pouvant être un trait de culture que toutes les sociétés n'ont, comme l'a déjà montré Tarrius à propos de populations maghrébines transhumantes, mobiles depuis des générations. Pour autant ces mêmes populations, comme c'est le cas des immigrés tunisiens installés à la Ferté Gaucher, peuvent être peu mobiles. Les gens, tenus par leur territoire, peuvent avoir du mal à faire le deuil du lieu de leur enfance, d'un territoire hier autonome, auto subsistant. Le Îlo est un mode de locomotion très utilisé dans les « vraies campagnes » provinciales », ce qu'il n'est pas en lointaine Seine et Marne; on ne s'y sent pas à l'aise 160 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale dans ces territoires hybrides et périurbains plus urbains que ruraux de la métropole parisienne, mais néanmoins très ruraux. Les problèmes de mobilité en somme peuvent à être dus pour une bonne part à des questions de représentations de territoire. En l'occurrence, le périurbain ­ est Îcu par certaines communes comme rural, ce qui constitue une manière de se distinguer des territoires limitrophes, alors même que la ville est proche, le territoire industrialisé ; en conséquence de quoi, les personnes nouvellement venues, faute d'y trouver des services publics et urbains, sont tenus de se débrouiller. Selon les acteurs locaux, les personnes pour se déplacer comptent peu sur les solidarités locales, de voisinage. Sont invoquées plusieurs raisons : la mentalité rurale ou traditionnelle de territoires ruraux hier industrieux mais en crise, repliés sur eux-mêmes; la difficile entente de populations nouvelles et anciennes qui ne se connaissent pas, l'autostop en campagne pour les jeunes n'est ici pas une pratique courante, au même titre que le service rendu au voisin pour se rendre dans la ville la plus proche ( selon les acteurs publics). Par contre, à défaut de pouvoir compter sur leur voisin, les gens tendent à tirer parti de l'offre publique qu'ils utilisent de manière ponctuelle: les services des bus scolaires ­ utilisés par tous - remplissent en quelque sorte le service de covoiturage que les institutions publiques peinent à développer. Des offres et des difficultés plurielles A défaut des hommes, les commerces et équipements bougent : le retour de l'ambulance. Les solutions pour permettre la mobilité seraient non pas une mais plurielles - comme on tend à le promouvoir aujourd'hui - ceci que soit par l'offre de nouvelles lignes, la création de services de mobilité alternatifs à la voiture ; de mesures sociales connexes (aides à la petites enfance, d'enseignement à la mobilité, ect) Le sentiment d'insécurité ­ traditionnellement fort dans les transports publics (cf les études de l'Institut nationale des hautes études de la sécurité et de la justice) l'est notamment, on omets de le préciser, au final peut être pas tant dans le Îhicule, où il y a des gens, que là on l'attend. Aussi promouvoir l'utilisation des transports en commun pas toujours utilisés lorsqu'ils existent, c'est aussi, selon nous, urbaniser les lieux de mobilité. L'enquête auprès des acteurs nous invite à penser, qu'à défaut de toujours pouvoir impliquer dans l'offre de mobilité les entreprises peinant à s'organiser lorsqu'elles sont plusieurs, il convient de regarder l'émergence d'initiatives individuelles, en fait d'entrepreneurs cherchant à mettre en place et vendre ce qu'il manque. Parmi les mesures prônées par le conseil général, on note le retour des services ambulants, très à même à répondre à la ville d'aujourd'hui distendue, périurbaine? Ceux-là même qu'on voit déjà sur les lieux ne sont ils pas des modes (ou services) de déplacement durable ? Des offres et des difficultés plurielles mais un secteur du logement social ou aidé toujours en dehors de la question sociale de la mobilité. Alors même que les difficultés économiques croissent et avec elles les coûts de la mobilité et que se durcissent les difficultés sociales, cette analyse montre qu'en Seine et Marne les acteurs publics locaux 161 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale se sont organisés pour être attentifs et réactifs aux problèmes des plus modestes d'entre nous. Le regard des acteurs sociaux du département est désormais transversal (santé, petite enfance, fins de mois difficiles, insertion à l'emploi, mobilité, accès à la culture) et modelé par des enjeux et des actions propres aux différents territoires et différentes populations qui relèvent de leurs compétences. La décentralisation des politiques publiques est ici à l'oeuvre dans le cadre d'une organisation territoriale, anticipant en cela la législation. Le constat de réalisme et de dynamisme politique de ce département est aussi bâti sur la capacité qu'il a montré à initier et créer les conditions de partenariats publics-priÎs originaux pour aligner des services publics notamment de transport. Quels qu'aient été les ressorts de ce dynamisme et de la transversalité sectorielle des politiques mises en oeuvre sur les différents territoires, il reste que le logement, clé de voûte d'un rapprochement aux emplois pour ceux qui le désirent, est aujourd'hui comme partout ailleurs non pensé. Le secteur du logement social et aidé tout comme le secteur de la construction neuve individuelle et collective restent le réceptacle des problèmes de logement de populations fragiles ou des demandes de maisons individuelles. Le secteur du logement aidé et social, dont le fonctionnement est affecté par la rigidité du parc en termes des flux n'est pas associé à la mise en transversalité de question sociale dans ce département. Dès lors la problématique de la transition énergétique et des coûts de déplacements qu'elle implique pour les ménages modestes est priÎe d'un levier d'action important mais il est vrai difficile à actionner. Aucun des acteurs publics de ce département interrogés n'a imaginé ou imagine aujourd'hui l'actionner pour lever certaines difficultés des ménages modestes. Et ce d'autant moins qu'a priori certains candidats potentiels à la relocalisation montrent de vrais réticences à s'éloigner de leur base affective dans ces temps difficiles, ce que d'autres travaux ont bien montré (Cécile Vignal, 2003, Yves Jouffe, 2007). Bibliographie ACADIE, Conseil général de Seine et Marne, 2010, Seine et Marne en projet : Projet de territoire départemental. BAUD Marielle, 2006, Etude sur l'offre de transport, rapport, Association Relais d'activités Locales pour l'Insertion, le Travail et l'Emploi. BOURDIEU Pierre, 1993, La misère du monde, Editions du Seuil. COUTARD O, DUPUY G, FOL S, 2002, La pauvreté périurbaine : dépendance locale ou dépendance automobile ? Espaces et Sociétés. DJEFAL Sabrina, EUGENE Sonia, 2004, Etre propriétaire de son logement, un rêve largement partagé, quelques risques ressentis, Etude CREDOC. GROSJEAN Bénédicte, 2010, Urbanisation sans urbanisme, une histoire de la ville diffuse, Mardaga. 162 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale JOUFFE Y. (2007) : Précaires mais mobiles : tactiques de mobilité des travailleurs précaires flexibles et nouveaux services de mobilité. UMR-LVMT. Thèse de l'ENPC sous la direction de F. Godart et M.H. Massot ; Champs-sur-Marne LEFRANCOIS Dominique , ORILLARD Clément, in MVRDV, Paris Plus Petit, Le Grand Pari de GrandParis, chantier 1, diagnostic, « Hubs et mobilités alternatives pour horizons métropolitains », 2009. LEFRANCOIS Dominique, 2008, « La mobilité des salariées, une question sociale autant qu'urbaine » ? in Urbanisme n°258. LEFRANCOIS Dominique, 2012, Une ethnographie du tram, bus, train en Flandres, rapport intermédiaire, Lab'Urba, Université Paris Est Créteil, Osa, Université de Leuven . LE BRETON Eric, 2005, Mobilité quotidienne et intégration sociale, Armand Colin. MASSOT Marie Hélène, MOTTE-BAUMVOL Benjamin, et al., 2010, "Escaping car dependence in the outer suburbs of Paris", Urban Studies, Vol.47, No.8. MASSOT Marie Hélènz, AGUILERA Anne, 2008, « Recompositions urbaines et distance à l'emploi », in Etalement urbain et ségrégations socio-spatiales, in LACOUR C. (dir.), Etalement urbain et ségrégation socio-spatiale. : Presses Universitaires de Bordeaux. MASSOT Marie Hélène, ZAFFRAN Joel. 2007, "Automobilité urbaine des adolescents franciliens", In Espaces, Populations, Sociétés, Presse Universitaire de Lille. MAUGER G, 2006, Les bandes, le milieu et la bohème populaire. Études de sociologie de la déviance des jeunes des classes populaires, Paris, Éditions Belin, Coll. "Sociologiquement ". ORFEUIL Jean-Pierre, 2004, Transports, pauvreté, exclusion. Bouger pour s'en sortir, Éditions de MOREL BROCHET Annabelle, 2007« A la recherche des spécificités du mode de vie d'habiter l'Aube, La Tour-d'Aigues. MOTTE-BAUMVOL Benjamin, 2008, "L'accès des ménages aux services dans l'espace périurbain francilien", Strates, Vol.14, 149-164 MOTTE-BAUMVOL Benjamin 2007, "Les populations périurbaines face à l'automobile en grande couronne francilienne", NOROIS, Vol.205, 53-66. SINIGAGLIA-AMADIO, Sabrina, 2010, « Les quartiers dits sensibles, des espaces spécifiques de discrimination socio-spatiales, pp159-174, in Hamman Philippe, Le tramway dans la ville, le projet urbain négocié à l'aune des déplacements, Presses universitaires de Rennes. TARRIUS Alain, 2010, Les nouveaux cosmopolismes migratoires d'une mondialisation par le bas, La Découverte. périurbain dans les représentations et les sensibilités habitantes », NOROIS, Vol.205, p 23-35. 163 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale VIGNAL Cecile, 2003, Ancrages et mobilités de salariés de l'industrie à l'épreuve de la délocalisation de l'emploi. Configurations résidentielles, logiques familiales et logiques professionnelles, Thèse de doctorat en urbanisme, Université de Paris EST Créteil, sous la direction de Férial Drosso. WEBER Florence, 2001, Le travail à côté. Etude d'ethnographie ouvrière, Editions de l'EHESS, (1989, Ière édition, INRA/EHESS). 164 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Annexes Tableau 15 : Les ménages qui vivent dans une commune périurbaine dépendante de l'automobile Nota Bene : Les personnes dont les prénoms sont en italique sont celles qui ont participé à l'entretien Situation professionnelle Vincente 1 57 ans Daniel 58 ans Giliane 2 37 ans Mari de Giliane 50 ans Bernard 3 60 ans Catherine 50 ans 4 Carlos 42 ans Elle : Ouvrière à Dijon (CDI ­ en arrêt maladie longue durée) Lui : ETAM à Chevigny-Saint-Sauveur (CDI) Elle : Au chômage après une longue période d'inactivité Lui : Plaquiste sur chantiers (à Quiberon) Lui : Ouvrier à Genlis A la retraite depuis 1 an Elle : Contremaître à Couchey au 3*8 (CDI) Enseignant dans un lycée technique à Gray (Doubs) Séparé depuis 2008 Mariés Situation conjugale 1. Tableaux descriptifs des ménages rencontrés pour les entretiens Situation familiale Commune actuelle Longchamp Propriétaires depuis 1983 (prêt remboursé) Commune précédente Mariés 1 fils, 28 ans et 1 fille, 26 ans 3 petits-enfants de 3 ans et 9 mois Chenôve Location HLM Mariés 1 fille, 11 ans, en établissement spécialisé sur Dijon Longchamp Propriétaires depuis 2003 Dôle Location HLM (petit collectif) 2 fils, 26 (ouvrier à Genlis) et 20 ans (en études à Nevers et à charge de ses parents) Longchamp Propriétaires depuis 1985 (prêt remboursé) Longchamp Genlis Location HLM 1 fils, 8 ans, en garde partagée Genlis Location HLM Propriétaire depuis 2009 165 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Longchamp Elle : Au chômage depuis 6 mois. Etait ouvrière à Dijon Lui : Cariste à Chevigny-Saint-Sauveur (CDI) Vivent en concubinage Locataires d'un logement social (maison individuelle) Depuis 2009 Lui : Magasinier à Genlis En cessation progressive d'activité depuis 2010 Elle : Assistante familiale pour le CG Elle : Inactive depuis la naissance de ces filles. Anciennement clerc de notaire Lui : Responsable d'une chaufferie à Quetigny (CDI) Elle : Conseillère financière dans une banque à Genlis (CDI) Lui : Electromécanicien à ChevignySaint-Sauveur en 2*8 et travail de nuit 3 fois par an (CDI) Mariés 1 fille et 1 garçon, 11 ans (des jumeaux) Mariés 2 garçons, 38 et 30 ans, 1 fille, 29 ans 5 petits-enfants 2 enfants, 20 et 16 ans, placés chez eux depuis 10 ans Longchamp Propriétaires depuis 1982 (prêt remboursé) Genlis Location HLM Ont toujours Îcu à Longchamp Séverine 5 38 ans Antoine 38 ans Didier 6 58 ans Annie 56 ans Sonia 43 ans 7 Mari de Sonia 45 ans 2 fils, 13 et 9 ans, et 1 fille, 6 ans Mariés 1 fils, 16 ans, et 2 filles, 12 ans (des jumelles) Longchamp Propriétaires depuis 1993 Genlis Location priÎe Graziella 8 37 ans Mari de Graziella 41 ans Chambeire Propriétaires depuis 1997 (prêt remboursé) Saulon-la-Rue Hébergés chez les parents 9 Laurence 41 ans Ouvrière à la chaîne à Couchey Horaires décalés (4h45-14h) Intérim depuis 8 ans Séparée 1 fille, 24 ans, qui fait ses études en Angleterre (boursière) Longchamp Locataire en logement social (appartement dans un petit collectif) Depuis 2002 Genlis avec sa mère en arrivant du Nord après le divorce de ses parents 166 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Elle : Assistante maternelle à domicile ­ 6 enfants en garde Lui : Conducteur routier en national (CDI) Horaires variables d'une semaine sur l'autre Lui : Technicien dans les machines à café basé à Genlis (CDI) Elle : Aide à domicile sur Dijon à temps partiel (CDD) Mariés 2 garçons, 12 et 8 ans, et 1 fille, 11 ans Stéphanie 10 34 ans Yannick 35 ans Nicolas 49 ans 11 Femme de Nicolas 47 ans Longchamp Propriétaires depuis 2003 Chevigny Location priÎe Fontaine d'Ouche Longchamp Mariés 2 filles, 19 et 15 ans Propriétaires depuis 2005 Location HLM (lui avait déjà été propriétaire sur Lyon) Lui : Bray-sur-Seine (propriétaire avec sa précédente femme) Elle : Provins (propriétaire avec son précédent mari) Trélazé (près d'Angers) Chez ses parents (locataires) Savins Chez ses parents (propriétaires depuis 27 ans) Adbel 12 39 ans Elodie 26 ans Lui : Eboueur à la Mairie de Paris (18 arrondissement). Horaires décalés (matin ou AM) e Sainte-Colombe En concubinage Lui : 1 fille, 19 ans, et 1 fils, 10 ans, tous les deux de précédents mariages Locataires dans le parc priÎ depuis 2010 Elle : Temporairement sans emploi et bientôt chef de rang dans un restaurant sur Provins Aide-soignante en maison de retraite à Provins (CDI) Horaires décalés. Matin : 7h-14h15 ou AM : 14h15-21h15 + week-end. Agent administratif dans une coopérative céréalière à Jouy-le-Châtel (CDI) Horaires standards Sainte-Colombe Célibataire Sans enfant Locataire dans le parc priÎ depuis 2009 Sainte-Colombe Célibataire Sans enfant Locataire dans le parc priÎ depuis 2011 13 Mélanie 21 ans 14 Christelle 24 ans 167 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Mortery 1 fille, 19 ans, et 2 garçons, 16 et 14 ans, issus d'un précédent mariage Garde alternée Sainte-Colombe Propriétaires depuis 2011 Location dans le parc priÎ (Elle était propriétaires avec son précédent conjoint à Bannost) Troyes Location HLM Karine 15 41 ans Mari de Karine 40 ans Elle : Conductrice de bus basée à Provins et Villiers Saint Georges (CDI). Horaires complexe et déléguée du personnel Lui : Technicien SAV basé à Marne-laVallée mais se déplace en France entière (CDI) Chef d'équipe en optique à Poigny (CDI) Horaires décalés en 2*8 Lui : Militaire (administratif) sur Paris 7e Elle : Assistante de puériculture à Villiers-sur-Marne, en congé parental depuis quelques mois En concubinage 16 Vanessa G. 31 ans Lionel 34 ans Célibataire Sans enfant Sainte-Colombe depuis 2004 Locataire dans le parc priÎ Saint-Brice Mariés 1 fils, 7 ans, et 1 fille, 1 an Propriétaires depuis 2009 Le Plessis-Trévise Propriétaires d'un appartement 17 Edwige 34 ans Longueville 18 Cyril 41 ans A la recherche d'un emploi en tant que technicien chimiste RSA Célibataire Sans enfant Hébergé à titre gratuit par ses parents (propriétaires) Orsay Logement étudiant Trajectoire difficile à reconstituer Roger 54 ans 19 Femme de Roger 56 ans Lui : Employé de banque dans Paris 9e Elle : Femme au foyer Saint-Loup de Naud Mariés 2 fils, 23 ans et 18 ans, 1 fille, 20 ans Propriétaires depuis 1996 Clichy-sous-Bois Propriétaires d'un F3 (qu'ils ont toujours) 168 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Sandrine 30 ans 20 Mari de Sandrine 31 ans Elle : Assistante commerciale dans une agence immobilière à Provins Lui : Gardien de la paix à Vincennes Mariés à Eric, gardien de la paix Chenoise 2 fils, 7 et 4 ans Locataires en parc priÎ (maison) depuis 2007 Vannes Locataires dans le parc priÎ Bruno 21 40 ans Femme de Bruno 39 ans Virginie 22 45 ans Illidio 48 ans Solveig 23 41 ans Olivier 43 ans Lui : Gardien de la Paix à Paris (13 ). Horaires de nuit Elle : Gardien de la paix à Coulommiers. Horaires de jour e Mariés 1 fille de 19 ans 2 fils de 12 et 11 ans Crèvecoeur-en-Brie Propriétaires depuis 1998 Paris 13 e Location dans le parc priÎ Elle : Assistante maternelle à domicile Lui : Conducteur super poids-lourds Mariés 2 filles, 18 et 7 ans 1 fils, 13 ans Crèvecoeur-en-Brie Propriétaires depuis 1998 Ozoir-la-Ferrière Locataires en HLM Elle : Mère au foyer Lui : Ingénieur en informatique sur Paris Mariés 2 fils, 12 et 10 ans Crèvecoeur-en-Brie Propriétaires depuis 1998 Maisons-Alfort Locataires dans le parc priÎ 1 fille, 16 ans 24 Patrick 42 ans Miguel 25 37 ans Nathalie 35 ans Menuisier au Ministère des Armées à e Paris (8 ) Séparée Vit avec sa maman à Puiseux-en-France (95) Garde conventionnelle Lui : Plombier sur Paris Prochainement au chômage Elle : Agent administratif à la CPAM à Bussy-Saint-Georges Mariés 2 fils, 10 ans et 7 ans Pommeuse Propriétaire depuis 2003 Coulommiers Location dans le parc priÎ Pommeuse Propriétaires depuis 2011 Chelles En location-vente 169 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Saints Propriétaire depuis 2006 Mauperthuis Mariés 2 fils, 6 ans et 9 mois Propriétaires depuis 2009 26 Bernadette 47 ans Vanessa D. Responsable d'agence intérim, au chômage Elle : Hôtesse de caisse, en congé parental Lui : Magasinier à Coulommiers (horaires décalés), arrêt maladie longue durée Aide médico-psychologique en hôpital à Coulommiers Séparée 1 fille, 21 ans Vit à Noisy-le-Grand pour ses études Allier Propriétaire 27 26 ans Mari de Vanessa 28 ans Claude 49 ans Coulommiers Locataires en parc priÎ Célibataire 28 A une petite amie à Villeparisis Pas d'enfants Beautheil Logé à titre gratuit chez sa mère N'a jamais habité ailleurs 170 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Tableau 16 : Description économique des ménages rencontrés (PCS, revenu par unité de consommation et perception du niveau de vie) dans le chantier 1 En italique, les personnes rencontrées en Côte-d'Or. PCS Ménage (niv. 3) 63 (AM) 48 85 (C/68) 68 78 (62) 48 Activité du ménage Revenus nets par mois (R)* U.C. R/UC Perception de leur niveau de vie Vincente Daniel Biactif 3000 1,5 2000 Confortable depuis que les enfants sont partis et que la maison est remboursée Giliane Mari Monoactif 2000 1,8 1100 Conditions de vie difficiles Bernard Catherine Monoactif 2700 2 1350 Budget encore serré du fait qu'ils aient leur fils aîné à charge Carlos 42 Actif 1800 1,3 1385 Fait attention car vient d'acheter sa maison Séverine Antoine 67 (C) 65 Biactif avec inoccupée 2500 2,4 1042 Pas de difficultés exprimées mais peu d'activités, pas de vacances Didier Annie 66 (C) 52 Biactif 2400 2 1200 Pas de difficultés exprimées Sonia Mari 85 36 Monoactif 4000 2,6 1538 Confortable même s'ils font attention Graziella Mari 46 62 Biactif 3000 2,1 1430 Confortable du fait des avantages sociaux liés à leurs entreprises respectives Laurence 67 Actif 1300 1 1300 Conditions de vie difficiles Stéphanie Yannick 52 64 Biactif 2600 2,4 1083 Ils font très attention à leurs dépenses et ne partent pas en vacances 171 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Nicolas Femme 47 56 68 56 (NTP) Biactif 3000 2,5 1200 Ils font attention même s'ils bénéficient de bourses d'études pour leurs 2 filles Conditions de vie jugées trop justes d'où reprise du travail pour Mme Adbel Elodie Monoactif (bientôt biactif) 1500 (+1400) 1,5 (+0,8) Entre 652 et 1933 Mélanie 52 Actif 1300 1 1300 Niveau de vie jugé suffisant mais un peu juste Christelle 54 Actif 1300 1 1300 Niveau de vie jugé correct Karine Mari de Karine Vanessa G. 64 47 Conditions de vie confortables Biactif 3400 3 1133 Les avantages sociaux de Karine y participent 48 Actif 1700 1 1700 Conditions de vie confortables Lionel Edwige 53 52 (CP ) Monoactif 2800 2,1 1330 Ils font très attention et leur budget est un peu juste à leurs dires Situation de pauvreté Cyril 47 (RSA) Actif inoccupé 480 1 480 Faute d'emploi stable et d'un meilleur revenu, il reste hébergé chez ses parents Situation budgétaire très juste qui s'est un peu améliorée avec un regroupement de ses crédits Roger Femme 46 85 Monoactif 2300 3 767 Sandrine Mari 54 53 Biactif 3300 2,1 1571 Conditions de vie jugées satisfaisantes Conditions de vie jugées satisfaisantes mais chasse permanente aux bonnes affaires (réduction, etc.) Budget serré Font attention Bruno Femme 53 53 Biactif 4000 2,6 1538 Virginie Illidio 52 64 Biactif 3000 3 1000 172 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Conditions de vie jugées confortables mais elle travaille de temps à autre en intérim pour arrondir les fins de mois Niveau de vie satisfaisant mais travaux au fur et à mesure en fonction des finances disponibles Niveau de vie satisfaisant mais peur pour l'avenir avec le chômage de Miguel Solveig Olivier 85 38 Monoactif 3500 2,1 1667 Patrick 63 Actif 1500 1 1500 Miguel Nathalie 63 (C) 52 Biactif avec inoccupé 2700 2,1 1290 Bernadett e 46 Actif inoccupé 1200 1 1200 Situation budgétaire juste Vanessa D. Mari 55 (CP) 66 (AM) Monoactif 2000 2,1 952 Situation budgétaire très juste Claude 52 Actif 1500 1 1500 Conditions de vie confortables mais ne paye pas de loyer * Revenus nets déclarés ou estimés par mois, comprenant salaires et autres revenus (allocations chômage, pensions alimentaires, aides sociales, bourses d'études, APL, etc.) C : chômage ; AM : arrêt maladie ; CP : congé parental ; RSA : revenu de solidarité active ; TP : temps partiel 173 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Tableau 17 : Les ménages qui ont quitté une commune périurbaine dépendante de l'automobile Nota Bene : Les personnes dont les prénoms sont en italique sont celles qui ont participé à l'entretien Situation professionnelle Christine 44 ans Séverine P. 2 31 ans Jonathan 30 ans Stéphane 42 ans Situation conjugale Situation familiale Commune actuelle Dijon Secrétaire médicale à Dijon Divorcée 2 garçons, 14 et 8 ans En location priÎe depuis 2004 Commune périurbaine précédente Francheville Propriétaire avec son ex-mari Y a Îcu de 1997 à 2004 1 Elle : Assistante de direction dans une PME à Fontaine-LèsDijon Lui : Moniteur d'autoécole salarié à Longvic Agent de service hospitalier à Dijon. Prochainement à la recherche d'un emploi Mariés 1 garçon, 2 ans et demi Dijon Propriétaires depuis 2005 Gemeaux Locataires jusqu'en 2004 Dijon Séparation Pas d'enfant Locataire dans le parc priÎ depuis 2010 Rouvres-en-Plaine Hébergé par son conjoint de 1996 à 2008 3 Séverine Y. 4 33 ans Grégory 37 ans Elle : Opératrice PAO (publication assistée par ordinateur) salariée dans l'entreprise de son mari Lui : Chef d'une entreprise d'impression à SaintApollinaire Mariés 2 garçons, 9 et 8 ans Dijon Locataires en HLM depuis 2006 Quemigny-Poisot Locataires priÎs de 2004 à 2006 5 Laurent V. 32 ans Paysagiste pour la mairie de Longvic Divorcé officiellement mais a une nouvelle compagne Dijon 2 filles, 7 et 5 ans Locataire en HLM depuis 2009 Saint-Victor sur Ouche Propriétaire avec son exfemme de 2007 à 2009 174 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Elle : Perrigny-lès-Dijon Elle : Assistante commerciale, à la recherche d'un emploi Lui : Propriétaire d'un petit restaurant dans Dijon Elle : Agent contractuel dans les administrations. CDD terminé et congé maternité Lui : Mécanicien dans un garage à Dijon Mariés 1 fils, 2 ans et demi Dijon Propriétaires depuis 2008 Locataire priÎe de 2001 à 2003 Lui : Cirey-lès-Pontailler Chez ses parents Dijon Locataires dans le parc priÎ depuis 2009 Prenois Locataires priÎs De 2007 à 2009 Katarzyna 6 31 ans Cédric 33 ans Ludivine 7 24 ans Perceval 27 ans Charline 22 ans 8 Compagnon de Charline 25 ans En concubinage Pas d'enfant (au moment de l'entretien) Elle : Collaboratrice en assurances à Dijon Lui : Coursier dans un hôpital à Dijon Dijon En concubinage Pas d'enfant Locataires dans le parc priÎ depuis 2010 Asnières-Lès-Dijon Colocataires dans le parc priÎ de 2009 à 2010 9 Isabelle 45 ans Adjoint administratif en préfecture à Dijon Hôtesse de caisse à temps partiel à ? A la retraite de la fonction publique Plombières-lès-Dijon Séparée 1 garçon, 14 ans Locataire HLM depuis 2003 Soirans Locataire HLM de 2001 à 2003 1 fille, 13 ans Divorcée 2 garçons d'une précédente union et qui ne vivent plus avec elle Longvic Locataire HLM depuis ? Binge Propriétaires 10 Agnès 51 ans 11 Redouane 27 ans Paris Gardien de la Paix à Paris (13 ) e Maincy Location priÎe de 2005 à 2008 Célibataire Pas d'enfant Locataire HLM (par la préfecture) depuis 2008 175 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Fromont Hébergée par ses anciens beaux-parents de 2003 à 2008 Egreville Chez ses parents Lorrez le Bocage En location priÎe Paris 14 Laurence B. 22 ans Danielle 36 ans 15 Compagne de Danielle ? Christelle 34 ans 16 Compagnon de Christelle 34 ans Elle : Gardien de la Paix à Paris e (16 ) Lui : Cuisinier salarié dans un e restaurant sur Paris (11 ) En concubinage 1 fils, 13 ans, issu d'une précédente union qui vit avec les parents de Christelle à Troyes Hébergent la soeur et la nièce du conjoint Boulogne-Billancourt - 92 Locataires en HLM (logements réserÎs par le travail de Christelle) depuis 2009 Gouvernes En location priÎe de 2004 à 2009 D. : Formatrice en assurance à Puteaux C. : Caviste dans Paris (6 ) e 12 Anita 27 ans Claire 27 ans Biologiste. A la recherche d'un emploi Paris 18 Séparée 1 fils de 13 mois e Locataire HLM depuis 2009 Elle : Assistante de direction à Paris Lui : Responsable en recouvrement de créances à Saint-Quentin en Yvelines En concubinage Pas d'enfant Paris 12 e 13 Compagnon de Claire ? En location HLM depuis 2005 Vendeuse en prêt-à-porter Emploi étudiant en complément Nanteuil les Meaux Chez ses parents jusqu'en 2008 Célibataire Pas d'enfant En colocation avec une camarade d'école depuis 2010 Paris 19 En concubinage Pas d'enfant e D. : Villevaudé Propriétaire de 2005 à 2010 C. : Nantes D. propriétaire depuis 2010 176 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Célibataire 17 Laurence L. 35 ans Gestionnaire clientèle à la Banque Postale Mais a un petit ami avec qui elle projette de s'installer Bondy ­ 93 Pas d'enfant Locataire HLM (bailleur priÎ) depuis 2006 Villeparisis Compan Location priÎe de 2001 à 2006 Villiers-sous-Gretz 18 Francine 60 ans Commerciale dans l'électronique Célibataire Mais a un petit copain 1 fille, 30 ans qui vit à Pavillon-sous-Bois Vit avec sa mère, 83 ans Drancy ­ 93 Propriétaire de son appartement depuis 1999 Avec ses parents jusque 1999 Mais a fait beaucoup d'allerretour entre la banlieue-est et Villiers Tigeaux Noisy-le-Sec ­ 93 Propriétaires depuis 1981 Chez ses parents, en alternance jusqu'en 2001 (décès) Monique 19 67 ans Mari de Monique ? Elle : Retraitée, comptable à Paris Lui : Retraité, ouvrier dans la métallurgie à Bagnolet Mariés 1 fils, 47 ans, et 2 petits enfants Résident au Raincy 6 enfants entre 41 et 30 ans issues d'une précédente union Vit avec 2 de ses enfants et deux petites filles (11 et 10 ans) 20 Martine 61 ans Elle : Ouvrière en logistique au chômage - retraite En couple mais ne vit pas avec son conjoint Champigny-sur-Marne - 94 En location HLM depuis 2004 Maincy En location HLM de 1994 à 2004 Séparée 21 Nelly G. 26 ans Secrétaire en intérim dans Paris A un petit ami mais ne vit pas avec 1 fils, 14 mois Ivry-sur-Seine ­ 94 Locataire HLM depuis 2010 Sucy-en-Brie ­ 94 Sainte-Colombe Location priÎe avec son ex de 2005 à 2008 Yèbles Propriétaire avec son ancien mari de 2000 à 2010 22 Patricia 32 ans Factrice à La Poste à Draveil Divorcée 3 enfants de 13, 8 et 7 ans Hébergée par sa soeur depuis 2010 177 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Abdel E. 23 30 ans Femme d'Abdel ?? Lui : Educateur spécialisé à Créteil Elle : Rédactrice en droit en ministère à Paris Villejuif - 94 Mariés 1 fils, 2 ans Locataire dans le parc priÎ depuis 2004 Dammartin-sur-Tigeaux Avec ses parents (propriétaires d'une maison) jusqu'en 2002 Soignolles et Emerainville 24 Edwige 45 ans Pigiste à mi-temps pour plusieurs auteurs (travaille à domicile) Divorcée 1 fils, 5 ans (issue d'une union après divorce) Vincennes - 94 Propriétaire depuis 2004 Propriétaires avec son précédent mari (pas le père de son enfant) jusqu'en 2003 (1 an à Soignolle et 3 ans à Emerainville) 25 Julie 22 ans Le Plessis Bouchard - 95 A la recherche d'un emploi Célibataire Pas d'enfant Locataire HLM Depuis 2009 Juilly Vivait chez les parents de son petit ami Samia 42 ans 26 Compagnon de Samia 50 ans Nastassia 23 ans 27 Compagnon de Nastassia 23 ans Elle : Apprentie dans la communication éÎnementielle (école à Nogent-sur-Marne, entreprise à Marne-la-Vallée) Lui : Apprenti en ressources humaines (école à Paris, entreprise à Bondoufle) Férolles-Attily Ozoir-la-Ferrière ­ 77 En concubinage Pas d'enfant En location priÎe depuis 2010 Avec son père et sa bellemère (propriétaires) de 2004 à 2010 (en intermittence avec des locations priÎes) Elle : Secrétaire à mi-temps dans une TPD à Favières Lui : Serrurier poseur dans le 77 En concubinage Précédemment divorcés Elle : 2 filles, 19 et 14 ans Lui : plusieurs enfants qui ont tous quitté le domicile parental Serris ­ 77 En location HLM depuis 2007 Favières Propriétaires avec son ancien mari de 2001 à 2007 178 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Pontcarré Location priÎe de 2003 à 2006 Marles-en-Brie Location priÎe de 1988 à 1996 28 Stéphane 31 ans Fabienne Agent administratif dans l'immobilier à Paris Elle : Assistante maternelle à domicile Lui : Artisan dans le BTP sur l'Île-de-France Elle : Documentaliste dans une banque à Paris Lui : Electronicien salarié sur l'Île-de-France Artisan dans le BTP dans l'entreprise familiale à Jouysur-Morin Célibataire Pas d'enfant Ferté-sous-Jouarre ­ 77 Propriétaire depuis 2006 29 49 ans Marc ? Sylvie Mariés 2 filles, 22 ans et 15 ans Fontenay-Trésigny ­ 77 Propriétaires depuis 1996 30 47 ans Mari de Sylvie ? Coulommiers ­ 77 Mariés 1 fils, 19 ans et 1 fille, 13 ans Location priÎe depuis 2007 Villiers-sur-Morin ­ 77 Divorcé 1 fils, 5 ans en garde alternée Location priÎe depuis 2009 Pommeuse Location priÎe de 2004 à 2007 31 Julien 29 ans Jouy-sur-Morin Propriétaire jusqu'en 2008 179 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Tableau 18 : Description économique des ménages rencontrés (PCS, revenu par unité de consommation et perception du niveau de vie) En italique, les personnes rencontrées en Côte-d'Or. PCS (niv. 3) Activité du ménage Revenus nets par mois (R)* Christine Séverine P Jonathan Stéphane Séverine Y Grégory Laurent Katarzyna Cédric Ludivine Perceval Charline Compagnon Isabelle 45 46 42 52 (C) 62 21 63 45 (C) 22 52 (CM) 62 46 64 52 Actif 1700 1,8 945 Perception de leur niveau de vie (au moment de l'enquête) Budget pas toujours évident à tenir notamment par absence de pension alimentaire Niveau de vie satisfaisant Ménage U.C. R/UC Biactif 2900 1,8 1610 Actif inoccupé 1200 1 1200 Budget serré Biactif 2400 2,1 1150 Budget serré lié au lancement de leur entreprise Actif 1260 1,6 800 Niveau de vie jugé satisfaisant Biactif avec inoccupée Biactif avec inoccupée 2300 1,8 1280 Niveau de vie plutôt confortable 2000 1,5 1330 Niveau de vie jugé satisfaisant Biactif 2400 1,5 1600 Niveau de vie plutôt confortable Actif 1500 1,5 1000 Niveau de vie considéré comme satisfaisant Agnès 55 (TP) Actif 1200 1,5 800 Budget serré Redouane 53 Actif 2300 1 2300 Niveau de vie confortable Anita 47 (C) Actif inoccupé 1300 1,3 1000 Budget plutôt serré 181 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Claire Compagnon Laurence B. Danielle Compagne Christelle Compagnon Laurence L. 46 46 55 (TP) 42 46 53 63 45 Biactif 3600 1,5 2400 Niveau de vie satisfaisant Active 1100 1 1100 Budget serré Biactif 4000 1,5 2660 Niveau de vie confortable Biactif 4500 2,3 1950 Niveau de vie satisfaisant Actif 1800 1 1800 Niveau de vie confortable Francine Monique Mari Martine 46 76 (54) 76 (48) 76 (C) Actif 1800 1,5 1200 Niveau de vie satisfaisant Inactif 2500 1,5 1660 Niveau de vie satisfaisant Active inoccupée 2000 3,1 645 Niveau de vie satisfaisant Nelly G. 54 Actif 2100 1, 3 1610 Budget serré Patricia Abdel Epouse Edwige 52 43 33 35 (TP) Actif 1800 1,9 950 Budget pas toujours évident à tenir Biactif 2900 1,8 1610 Niveau de vie satisfaisant Actif 1500 1,3 1150 Budget considéré comme serré Julie Samia Compagnon Nastassia Compagnon Stéphane 55 (C) 54 (TP) 68 46 (TP) 46 (TP) 54 Actif inoccupé 1300 1 1300 Budget serré Biactif 3600 2,5 1440 Niveau de vie satisfaisant Biactif 2100 1,5 1400 Niveau de vie satisfaisant Actif 1500 1 1500 Niveau de vie satisfaisant 182 2. Méthodologie des enquêtes qualitatives Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Les études qualitatives du chantier 1 et du chantier ont pour but de comprendre comment se déplacent les ménages modestes qui vivent ou on Îcu dans le périurbain dépendant de l'automobile. L'hypothèse généralement admise est que, compte tenu de leur niveau de revenus (ou de niveaux de vie) et de leur lieu de résidence, ces ménages ont plus de difficultés à se déplacer, sont isolés dans leurs communes de résidence et qu'ils peuvent être amenés à les quitter. Ce raisonnement repose sur une conception unique du périurbain alors que ce dernier comporte plusieurs degrés d'urbanité. Selon ces degrés d'urbanité, les mobilités des ménages modestes peuvent donc différer. Ensuite, les enquêtes qualitatives déjà réalisées ne permettent que très partiellement d'identifier comment les ménages modestes se déplacent dans le périurbain. Il est donc très difficile de savoir quelles sont les stratégies mises en place pour compenser cet éloignement supposément subi avec l'hypercentre. Dans quelle mesure le périurbain est-il un choix ou une contrainte résidentielle imposée ? Du moins, comment les individus le vivent-ils ? Outre le coût du foncier ou l'accès à des logements sociaux, les ménages ont-ils d'autres arguments pour justifier leur localisation résidentielle ? Ces questions supposent donc de comprendre les mobilités des individus, des ménages dans leur contexte territorial. Pour quelles raisons se déplacent-ils ? Où vont-ils ? Pour quelles raisons opèrent-ils telles activités à tel ou tel endroit ? Comment s'y rendent-ils ? Avec ou grâce à qui ? Se limitent-ils à leur périurbain de résidence ? Ont-ils un territoire plus diversifié ? Comment compensent ils l'éloignement à certaines aménités urbaines (aides informelles, sous-traitance, livraison à domicile) ? Pour répondre à toutes ces questions, nous avons eu recours à des entretiens basés sur des récits biographiques plus poussés dans le chantier 2 et la mise en récit par les individus de leurs quotidiens dans les territoires dépendants de l'automobile, partie plus poussée dans le chantier 1. Un déroulement en deux principales étapes La liste de questions ci-dessus (non exhaustive par définition) débouche sur une conduite d'entretien en 2 temps principaux et, éventuellement, un 3e temps complémentaire. Après un passage introductif (présentation de l'enquêteur, de l'étude en cours et du déroulement de l'entretien), une première partie de l'entretien se concentrera sur l'obtention de renseignements généraux sur l'individu interrogé (année de naissance, situation professionnelle éventuelle), le ménage (composition, âges, activités des autres membres du ménage, nombre de Îhicules) et la trajectoire résidentielle et le rapport au territoire (ancienneté résidentielle, lieu de résidence précédent, motifs de la localisation actuelle, présence de réseaux sociaux éventuels, etc.). Ces renseignements ont pour objectif de cadrer le déroulement de l'entretien par la suite (pas la peine de demander comment le ménage gère l'accompagnement des enfants si il n'en comporte pas). Ils ont aussi pour vocation de « mettre en jambe » la personne enquêtée, de la mettre à l'aise. Enfin, ils visent à connaître l'enquêté, son passé et ses aspirations, dimensions qui permettront en phase d'analyse de développer une interprétation plus pertinente de ses mobilités et de ses choix. 183 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale La seconde partie de l'entretien a pour objectif de comprendre les mobilités hebdomadaires des personnes interrogées et de l'ensemble de leur ménage. Par le remplissage d'un semainier (avant ou pendant l'entretien), la personne enquêtée expliquera les conditions de déroulement de l'ensemble des activités effectuées hors du domicile de la semaine précédant l'entretien (week-end inclus). Par conditions, sont entendues autant la nature de ces activités, leurs lieux, le mode choisi pour s'y rendre, avec qui elles ont été effectuées, leur périodicité, leur caractère récurrent ou inhabituel que les motivations de tous ces choix. Le semainier rempli devra être analysé aussi bien à travers les mobilités effectuées que celles non réalisées (exemple : pas de sortie culturelle type aller au cinéma reportée sur le semainier. Demander pour quelles raisons). Une liste d'activités types permettra aux enquêtrices de cadrer les activités considérées afin d'. Dans l'explicitation de ces choix, il sera nécessaire de focaliser notre regard sur les caractéristiques, ressources ou contraintes du territoire de résidence, des territoires qu'ils parcourent plus généralement pour in fine avoir une « cartographie » de ce qu'ils considèrent comme leur territoire, leur bassin de vie. Ce faisant, nous pourrons confronter ces représentations avec les résultats quantitatifs obtenus. Les mobilités hebdomadaires constituent un point d'entrée pour interroger les territoires et le Îcu de ces derniers dans leur dimension régulière ou habituelle mais aussi dans leur dimension plus exceptionnelle, plus lointaine (week-end, vacances). Les individus surestiment-ils leurs possibilités de mobilités ou les sous-estiment-ils compte tenu de leurs programmes d'activités hebdomadaires vus auparavant ? Un risque de halo ou de contamination est à envisager et à neutraliser. Une série de questions intermédiaires sur les vacances et les activités effectuées à domicile (les deux vont probablement se recouper si on en croît la corrélation entre niveau de revenu et probabilité de départ en vacances ­ enquêtes emplois du temps). Certaines activités à domicile ou à sa proximité immédiate (exemple : Internet, téléphone) peuvent être un moyen de « compenser » les difficultés à accéder à certaines ressources. Trame d'entretien Introduction par l'enquêteur « Comme je vous l'ai dit, je suis chercheur en sociologie / géographie à l'université de Marne-laVallée et je suis là aujourd'hui parce que je fais une étude sur la vie quotidienne des Seine-etMarnais, où ils habitent, comment ils vivent, où est-ce qu'ils vont quand ils se déplacent en dehors de chez eux... [tout en parlant, on sort notre petit matos d'enregistrement] alors, j'enregistre avec ça parce que ça me permet d'avoir une trace pour travailler. J'utilise ça parce que même si je prends des notes, vu que je ne suis pas « sténo », ça me permet de ne pas déformer votre propos par exemple et de me souvenir de ce que vous avez dit. De toute façon, il n'y a que moi qui écoute la bande, c'est pour retravailler ? Ça ne vous embête pas ? De toute façon, vous resterez strictement anonyme. Alors, d'abord je vais vous poser des questions assez générales sur vous, votre famille, l'endroit où vous vivez, votre parcours. Ensuite, comme on parlera de vos déplacements et de l'organisation de votre vie quotidienne et de celle de votre famille. Pour ça, on essaiera de remplir ensemble un petit tableau sur les différents endroits où vous êtes allés la semaine dernière. Vous êtes d'accord ? On y va ? » 184 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Questions de « cadrage » et premier(s) rapport au(x) territoire(s) Auto-portrait par l'enquêté Une fois qu'on s'est présenté (souplement et brièvement), on demande à l'enquêté de se présenter « comme il a envie de se présenter ». S'il manque des choses parmi nom, prénom, âge, profession, situation de famille et âges des enfants, on lui dit : « et.... Vous êtes nés en ... ? Et vos enfants, ils ont quel âge ? Et votre femme, elle fait quoi comme travail ? Elle travaille où ? Et vous ? ». Parcours et trajectoires Par ailleurs, on peut leur demander (c'est très utile pour comprendre pourquoi ils sont arriÎs dans ce type d'endroits et comment ils se sentent sur place) d'où leur famille est originaire (et savoir s'ils ont des frères et soeurs ? et eux-mêmes ? est-ce que vous pouvez me dire rapidement les différents endroits dans lesquels vous avez Îcu depuis votre naissance jusqu'à aujourd'hui ? Essayer de leur faire dire la commune, appart ou maison, propriétaire, locataire avec bailleur priÎ ou locataire avec un bailleur social, les raisons pour lesquels ils ont quitté le logement pour un autre et si on peut s'ils étaient bien / s'ils aimaient un peu, beaucoup ou pas du tout ce logement et son environnement. Pour le conjoint, essayer que l'enquêté nous dise si grosso modo leur conjoint a le même parcours résidentiel que lui, dans quel contexte résidentiel il a grandi (enfant et adolescent). Choix du logement actuel Évidemment, il faut en savoir plus sur les conditions d'arriÎe dans le logement actuel, comment ça s'est passé ? Où est-ce qu'ils ont cherché au départ ? Qu'est-ce qu'il recherchait ? Ce que cette maison (si c'est une primo-accession) a représenté pour eux ? Demander également de manière factuelle (c'est-à-dire sans rentrer trop dans les détails) la trajectoire résidentiel d'Ego (commune, type de logement). Réseaux sociaux et intégration locale Pour la présence de réseaux sociaux éventuels, on peut présenter les choses par exemple en demandant : et votre frère, lui, il habite où ? vos parents sont toujours à ... ? Et est-ce que certains de vos amis habitent dans les environs ? Est-ce que parmi les gens de la commune, il y en a avec qui ils sont amis ou presque amis ? Par quel biais ils les ont rencontrés ? Ne pas oublier de poser la même question pour le conjoint. Check liste pour cadrer la narration de l'enquêté (Phase 1) Situation géo-démographique · · · Statut marital, Nombre et âge des enfants, Est-ce qu'ils vivent tous ici avec vous ? Lieu de résidence des enfants s'ils sont grands 185 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale · · Date de naissance du conjoint et d'Ego Famille plus particulièrement fratrie d'Ego et du conjoint avec localisation même approximative. Situation professionnelle · Métier de chacun (éventuellement : et ça consiste en quoi rapidement ?), Si actif occupé, faire décrire emploi, nature du travail. Si actif inoccupé, se renseigner depuis combien de temps, profession occupée avant, raisons (si l'enquêté n'est pas trop « sensible ») Lieu de travail, Est-ce qu'ils travaillent là depuis longtemps ? · · Trajectoire résidentielle complète d'Ego et type de trajectoire du conjoint avant qu'ils vivent ensemble. Repères cycle de vie : · · · · · · avant la décohabitation parentale jeunesse couple famillle parents sans enfants à domicile retraite Situation résidentielle actuelle : · · · · · Depuis quand vivent ils dans ce logement ? Pour quelles raisons ? Question large qui englobe les raisons de départ et d'arriÎe. Méthodologiquement parlant, il est assez difficile de répondre à une question qui commence par pourquoi. Critères et périmètre de la recherche ? Qu'est-ce qu'ils souhaitaient ? Demander s'ils connaissaient déjà la commune ou des gens dans les environs quand ils sont arriÎs ? Est-ce que je peux vous demander combien vous avez acheté la maison (prix) ? Est-ce que vous aviez un petit apport ? Est-ce que vous avez pu avoir des prêts intéressants (PEL, Prêt à taux zero, ou autre) ? S'ils ont fait construire ou sont les 1ers occupants, comment ça s'est passé ? Promoteurs constructeurs, achat sur catalogue ou sur plan ? Construction par des artisans ? Questions modes de transport, TIC et dépendance automobile · · · · Avez-vous un téléphone portable ? Accès à Internet ? Qui a le permis de conduire chez vous ? Combien y a-t-il de Îhicules (voiture, moto, autre) à disposition dans le ménage ? Motorisés ou non ? En disposez vous d'un (ou plus) pour votre usage personnel ? Dans quel cadre ? Arrêt de TC le plus proche ? Autres TC accessibles à proximité ? Emploi du temps hebdomadaire · · · Grille à remplir et à commenter (cf. exemple ci-joint). Modalité de remplissage : Distribution de la grille avant l'entretien Compléments et éventuellement remplissage avec la personne pendant l'entretien 186 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Ce qu'on leur demande : d'indiquer précisément l'ensemble des activités qu'ils ont effectués en dehors de chez eux en précisant les lieux, la nature exacte des activités effectuées (courses, cinéma, etc.), les modes de transport utilisés, les temps de déplacements (et les éventuelles difficultés rencontrées type bouchons, pannes, retards, et autres). Faire décrire et expliquer par la personne interrogée en insistant sur : · · · · Les raisons des choix effectués (en termes de modes, de localisation) La périodicité des activités effectuées (habitudes, routines vs aléas ou exception), leur planification, les raisons de cette planification ou absence de planification, le changement éventuel d'activités en cours de route et les raisons de ces modifications. Les stratégies mises en place pour faire exister ces activités (expérience du territoire) Ce qui n'a pas été dit par l'enquêté, c'est-à-dire les activités qu'il n'a éventuellement pas faîtes (demander pour quelles raisons : trop loin, autre façon de le faire, trop cher, etc.), les modes qu'il ne prend pas (idem), les endroits où il n'a pas été (ce qui suppose de connaître les lieux a minima), les activités faites à domicile, etc. Ce qu'ont fait ou non les autres membres du ménage en dehors des activités réalisées en commun. · ACTIVITES TYPE (POUR MEMOIRE) Ci-dessous figure une liste non exhaustive des activités dont on pourra Îrifier qu'elles ont pu être faites ou non par le ménage interrogé dans la semaine. Le but n'est pas de donner cette liste à la personne comme exemple ou lui montrer si on remplie le semainier avec elle pour ne pas le limiter dans ses réponses. Par contre, pour l'enquêteur, la liste d'activités est utile pour baliser l'ensemble des activités susceptibles d'être réalisées au sein du ménage, de voir si elles ont été réalisées ou non, etc. · Travail o Travail fixe habituel o Rendez-vous professionnel (travail mobile) o Recherche d'un emploi (visite à l'ANPE) o Petits boulots (baby-sitting, ménages, etc.) Loisirs o Restaurants, o Cinéma, o Concerts et spectacles, o Dîner chez des amis/famille ou recevoir des amis / famille, o Activités sportives ou assimilés des adultes et des enfants, o Cours ou groupe de musique, o Musées et exposition, o Pratique du jardinage / bricolage / déco / activités manuelles Courses et services o Grosses courses et supermarchés, o Epicerie / dépannage, o Boulangerie, o Pharmacie, o Coiffeur, o Médecins, o Jardinerie / magasins de bricolage o Formalités administratives o Aides à un membre de la famille ou à des amis o Garagiste o Banque · · 187 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale o La Poste Questions complémentaires On aura pu les aborder avant selon le déroulement de l'entretien et le rapport noué avec l'enquêté. Dans le doute, pour éviter les effets de contaminations ou que les personnes interrogées se braquent, mieux vaut les faire figurer à la fin. La perception du périurbain · · · Qu'est ce qui vous a plu à l'époque dans le fait de vivre dans cette commune ? ce quartier ? cette maison ? Pourquoi ? Et au contraire, qu'est ce qui ne vous plaît pas ? Pourquoi ? Et Aujourd'hui... ? Projets · Auriez-vous envie de vivre ailleurs ? Si oui, où ? Est-ce que vous avez déjà envisagé de partir, de vendre ? Sérieusement ou comme ça ? Ou au contraire pas du tout et que vous aimeriez rester là aussi longtemps que possible ? Si tout était possible, soyons fous !, où est-ce que vous préféreriez vivre ? Pourquoi ? Et votre mari / femme, c'est pareil ou pas ?, où souhaiteriez vous vivre ? Pour quelles raisons ? · Les vacances (attention le sujet peut être délicat, il ne faut pas les mettre mal à l'aise) Et pour sortir du très quotidien, est-ce que vous partez parfois en week-end ou en vacances, je sais pas chez des gens que vous connaissez ou alors... ? Où ? C'était quand la dernière fois (vacances et WE) ? En famille, entre amis ? etc. Ca fait longtemps que vous allez là ? En général, vous êtes plutôt du genre à bouger, à changer tout le temps ou alors est-ce qu'il y a un endroit où ... ? Vous y allez comment, en voiture, en train... ? Et les enfants pendant les vacances scolaires quand vous n'êtes pas vous-même en congés...(centre aéré, grands-parents et famille, colo...) ? Et quand vous ne partez pas, parce qu'on n'est pas obligé de toujours partir, sous prétexte qu'on a des congés ou du temps libre ? (Le manque de revenus peut être une raison mais pas nécessairement la seule ? Se sentir bien chez soi, là où on vit. ) Et dans ces cas-là, vous faites quoi en général ? (Territoire de vie quotidienne propice aux vacances ? Activités ludiques à proximité ? etc.) Le Îcu des déplacements au quotidien · · · · Difficultés de déplacements liées et ressenties (si pas abordé dans la description du semainier) Obligation de planification, marges temporelles, etc. Accès aux commerces et services (si pas abordé dans la description du semainier) Accessibilité ressentie ? Est-ce Îcu comme un problème ? 188 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Table des figures Figure 1 : Les communes de forte dépendance automobile enquêtées dans l'Aire Urbaine Dijonnaise ________________________________________________________________ 18 Figure 2 : Les communes de forte dépendance automobile enquêtées en Ile-de-France __ 19 Figure 3 : Communes d'origine et de destinations des ménages de migrants enquêtés dans l'Aire Urbaine Dijonnaise ____________________________________________________ 52 Figure 4 : Communes d'origine des ménages de migrants enquêtés en Grande Couronne Francilienne _______________________________________________________________ 52 Figure 5 : Communes d'origine des ménages de migrants enquêtés en Grande Couronne Francilienne _______________________________________________________________ 53 Figure 6 : Niveaux de dépendance à l'automobile des communes de Grande Couronne Francilienne ______________________________________________________________ 106 Figure 7 : Niveaux de dépendance à l'automobile des communes de l'aire urbaine dijonnaise _______________________________________________________________ 107 Figure 8 : Effectifs et pourcentages de ménages selon la trajectoire résidentielle et le niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine____________________ 110 Figure 9 : Distribution des ménages ayant effectué une migration résidentielle à partir de la grande couronne par niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine et type de la commune de destination___________________________________________ 111 Figure 10 : Effectifs et pourcentages de ménages selon la trajectoire résidentielle et le niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine dans l'aire urbaine dijonnaise (hors Dijon) _____________________________________________________ 118 Figure 11 : Distribution des ménages ayant effectué une migration résidentielle à partir de l'aire urbaine dijonnaise (hors Dijon) par niveau de dépendance à l'automobile de la commune d'origine et type de la commune de destination ________________________ 119 189 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Table des tableaux Tableau 1 : Statuts d'occupation avant et pendant la localisation résidentielle périurbaine dépendante de l'automobile _________________________________________________ 21 Tableau 2 : Statut d'occupation des résidences principales dans les territoires de l'étude 27 Tableau 3 : Les ménages non propriétaires de leur résidence principale dans les communes du chantier 1 ______________________________________________________________ 27 Tableau 4 : Statuts d'occupation pendant et après la localisation résidentielle périurbaine et dépendante de l'automobile _______________________________________________ 75 Tableau 5 : Eloignement des ménages interviewées par rapport au centre et à leurs lieux de travail (moyennes des distances minimales entre chaque lieu calculées via Googlemap) _________________________________________________________________________ 84 Tableau 6 : Professions des actifs dans les ménages des chantiers 1 et 2 ______________ 90 Tableau 7 : Proportion de natifs d'un territoire dépendant de l'automobile au sein de chaque zone géographique et de chaque chantier (en effectifs et en pourcentages en ligne) _________________________________________________________________________ 95 Tableau 8 : Distances parcourues en voiture et niveaux de motorisation des ménages en fonction du niveau de dépendance à l'automobile de la commune de résidence en grande couronne francilienne ______________________________________________________ 107 Tableau 9 : Descriptif des variables explicatives utilisées dans la modélisation en Grande Couronne Francilienne _____________________________________________________ 112 Tableau 10 : Résultats du premier modèle : probabilité de sortir d'une commune de Grande Couronne Francilienne _____________________________________________________ 113 Tableau 11 : Résultats du second modèle : probabilité pour les ménages ayant déménager de s'orienter vers une commune de forte dépendance automobile en Grande Couronne Francilienne ______________________________________________________________ 115 Tableau 12 : Descriptif des variables explicatives utilisées dans la modélisation dans l'Aire Urbaine Dijonnaise ________________________________________________________ 120 Tableau 13 : Résultats du premier modèle : probabilité de sortir d'une commune de l'Aire Urbaine Dijonnaise (hors Dijon) ______________________________________________ 121 Tableau 14 : Résultats du second modèle : probabilité pour les ménages ayant déménagé de s'orienter vers une commune de forte dépendance automobile dans l'Aire Urbaine Dijonnaise _______________________________________________________________ 123 191 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Tableau 15 : Les ménages qui vivent dans une commune périurbaine dépendante de l'automobile _____________________________________________________________ 165 Tableau 16 : Description économique des ménages rencontrés (PCS, revenu par unité de consommation et perception du niveau de vie) dans le chantier 1 __________________ 171 Tableau 17 : Les ménages qui ont quitté une commune périurbaine dépendante de l'automobile _____________________________________________________________ 174 Tableau 18 : Description économique des ménages rencontrés (PCS, revenu par unité de consommation et perception du niveau de vie) _________________________________ 181 192 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale Table des matières Introduction _______________________________________________________________ 7 Revue de littérature _________________________________________________________ 9 1. La dépendance à l'automobile et le coût croissant des transports dans les territoires périurbains ____________________________________________________________________ 9 2. La menace d'une ségrégation sociospatiale accrue dans les espaces périurbains__________ 10 3. La mobilité résidentielle des ménages modestes et précaires _________________________ 12 Questions de recherche _____________________________________________________ 15 Partie 1 : Venir vivre dans un territoire périurbain dépendant de l'automobile : Une dépendance automobile sous-estimée _________________________________________ 18 1. La dépendance automobile, une contrepartie incontournable de l'accès à la propriété ____ 21 2. Les ménages non propriétaires dans le périurbain dépendant de l'automobile : une dépendance et ses conséquences moins occultées mais toujours sous-estimées____________ 26 2.1. Etre locataire dans un territoire dépendant de l'automobile : une situation temporaire dans son cycle de vie et son projet résidentiel ___________________________________________________________ 28 2.2. Renoncer à la propriété et rester dans la dépendance automobile : réseaux locaux et solidarités intergénérationnelles ___________________________________________________________________ 31 3. Vivre la dépendance au quotidien : la minimisation des déplacements témoin d'une vulnérabilité économique exacerbée ______________________________________________ 37 3.1. Des déplacements de loisirs faibles ou inexistants : un repli sur le lieu de résidence et sa proximité 38 3.2. Des mobilités contraintes réÎlatrices d'arbitrages intracouples entre mobilité et immobilité _____ 43 Partie 2 : Quitter le périurbain pour échapper à la dépendance automobile ___________ 51 1. Monoparentalité et célibat : la fin du couple comme moteur d'un départ du périurbain et de la dépendance automobile ________________________________________________________ 53 2. Prendre de la distance avec ses parents et la dépendance automobile : un choix moins définitif _____________________________________________________________________________ 57 3. Quitter le périurbain dépendant de l'automobile ou le signe plus profond d'un désenchantement du « tout automobile » __________________________________________ 67 3.1. Le rôle moteur de la pénibilité des déplacements dans le choix de quitter un territoire dépendant de l'automobile __________________________________________________________________________ 68 3.2. Le logement social comme accélérateur de relocalisation vers moins de dépendance ____________ 75 3.3. Quitter le périurbain dépendant de l'automobile sans renoncer pour autant à la voiture et à ses coûts _____________________________________________________________________________________ 78 Partie 3 : La construction socio-spatiale de la dépendance automobile ? Comparaisons entre l'aire urbaine dijonnaise et la Seine-et-Marne ______________________________ 83 193 Les territoires périurbains entre dépendance automobile et ségrégation sociospatiale 1. Des déplacements plus pénibles en Île-de-France, sources d'une plus grande propension à utiliser les transports collectifs ___________________________________________________ 85 2. Recourir au covoiturage : la force de l'ancrage dans des réseaux locaux dans le sud-est dijonnais _____________________________________________________________________ 90 3. Des socialisations à la dépendance automobile différentes d'un territoire à l'autre ? ______ 94 Partie 4 : Quitter le périurbain pour échapper à la dépendance automobile : approche à partir du recensement _____________________________________________________ 105 1. Hypothèses ________________________________________________________________ 105 2. Terrains ___________________________________________________________________ 105 3. Données et Méthode ________________________________________________________ 108 3.1. Etudier les migrations résidentielles des ménages à partir du recensement ___________________ 108 3.2. Des ménages modestes aux ménages précaires _________________________________________ 109 4. Résultats __________________________________________________________________ 110 4.1. Des sorties résidentielles faibles à partir des territoires de forte dépendance automobile _______ 110 4.2. Les ménages de chômeurs ont une plus forte probabilité de quitter les communes de forte dépendance en grande couronne francilienne ______________________________________________ 111 4.3. Chômeurs et familles monoparentales peinent à échapper à la forte dépendance à l'automobile de leur territoire de résidence _____________________________________________________________ 115 4.4. L'Aire Urbaine Dijonnaise affiche des tendances similaires à celles obserÎes en Ile-de-France ___ 118 4.4.1. Des sorties des territoires de forte dépendance automobile plus limitées à Dijon_______ 118 4.4.2. Une population moins qualifiée et plus souvent propriétaire d'une maison dans l'aire urbaine dijonnaise __________________________________________________________________ 119 4.4.1. Des résultats de modèles similaires à la situation francilienne ______________________ 121 5. Discussion - Conclusion_______________________________________________________ 124 Conclusion générale _______________________________________________________ 127 Bibliographie _____________________________________________________________ 131 Addenda : La question sociale de la mobilité dans le périurbain : le point de vue des acteurs institutionnels locaux de la Seine et Marne ____________________________________ 139 Annexes _________________________________________________________________ 165 1. Tableaux descriptifs des ménages rencontrés pour les entretiens ____________________ 165 2. Méthodologie des enquêtes qualitatives ________________________________________ 183 Table des figures __________________________________________________________ 189 Table des tableaux ________________________________________________________ 191 Table des matières ________________________________________________________ 193 194 INVALIDE)

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