Requalification des quartiers anciens dégradés, perspectives européennes : Brasov, Bristol, Halle, Porto.

GARCIA, Lucie

Auteur moral
Auteur secondaire
Résumé
Après une présentation du contexte français à travers le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés ou PNRQAD (problématique de la restauration immobilière à la rénovation des quartiers, objectifs et financements, mise en oeuvre, financeurs, questions soulevées), ce rapport rend compte de l'étude de quatre cas de villes européennes de taille moyenne (Brasov, Bristol, Halle et Porto) et aux trajectoires variées (décroissance, attractivité ou réhabilitation). L'auteur examine la place et la stratégie de la puissance publique dans la réhabilitation des quartiers anciens, les pratiques de destruction ou de patrimonialisation, les approches concernant les populations modestes et la mixité.
Descripteur Urbamet
rénovation ; quartier ancien ; réhabilitation ; réhabilitation de bâtiment ; financement ; ville moyenne ; centre-ville ; politique publique ; forme urbaine ; démolition ; patrimoine architectural ; mixité sociale ; comparaison ; expérimentation ; recherche
Descripteur écoplanete
Thème
Aménagement urbain
Texte intégral
REQUALIFICATION DES QUARTIERS ANCIENS DEGRADES : PERSPECTIVES EUROPEENNES BRASOV / BRISTOL / HALLE / PORTO Lucie Garcia Janvier 2011 Mes remerciements vont d'abord à l'ensemble des membres du Puca, pour leur accueil si chaleureux, leur générosité et pour tous les moments passés à discuter et débattre autour d'un café ou autre gourmandise rapportée des quatre coins du monde. Je remercie tout particulièrement Nicole Rousier pour avoir accepté de partager avec moi ce bureau et pour avoir toujours su me donner les bons conseils au bon moment , Marie-Flore Mattei pour nos discussions « à l'échelle européenne » et pour avoir partagé avec moi quelques petits moments de folie, Hervé Trancart pour ses récits passionnants et son écoute sans faille, Patrice Aubertel pour les échanges que nous avons pu avoir sur des sujets aussi variés que le dernier documentaire sur un artiste originaire de Bristol ou un château près de Brasov. Les rencontres que j'ai pu faire avec l'ensemble des interlocuteurs français ou européens ont toutes été un succès et à chaque fois les échanges ont été très riches; sans eux, cette étude n'aurait pas pu être menée. Cette étude n'aurait pas non plus été possible sans le soutien et l'aide de Jean-Loup Drubigny, qui m'a ouvert l'accès à son réseau européen et qui m'a permis de rentrer en contact avec des personnes clefs sur chaque site. Merci à Maud, Arnaud, Louise, Martine et Jean pour leur soutien à toute épreuve et leur appui « logistique » qui m'a permis de ne jamais rater un départ d'avion, si matinal soit-il. Enfin, je remercie mon trio, si complémentaire, de tuteurs, Olivier Gaudron, François Ménard et Bertrand Vallet, pour la confiance qu'ils m'ont accordée, leurs conseils avisés et les longues discussions que nous avons pu avoir pendant ces quatre mois. J'ai beaucoup appris à leurs côtés et j'espère avoir été à la hauteur de leurs attentes. 2 Sommaire I) Introduction ........................................................................................................................................... 7 II) Contexte français : le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés : ambitions et moyens d'action ........................................................................................................................ 9 1) La problématique des quartiers anciens en France: de la restauration immobilière à la rénovation des quartiers anciens dégradés ....................................................................................................... 9 a. Définition et contexte ........................................................................................................... 9 b. Des interventions publiques anciennes .................................................................................. 9 c. Le lancement du PNRQAD ................................................................................................. 11 2) Objectifs et financements du PNRQAD ................................................................................... 11 a. Une problématique nouvelle ? ............................................................................................ 11 b. Des objectifs quantitatifs ciblés... ........................................................................................ 12 c. ..avec un budget limité ....................................................................................................... 13 3) Une mise en oeuvre multiscalaire et en deux temps.................................................................. 14 a. Une procédure en entonnoir ............................................................................................... 14 b. Des critères de sélection très larges .................................................................................... 14 4) Trois financeurs au plan national ............................................................................................ 15 5) Questions et problématiques soulevées .................................................................................. 16 a. Quel partenariat entre l'ANRU et l'ANAH ?........................................................................... 16 b. Lancement du programme ou phase préliminaire ? .............................................................. 16 c. Des projets urbains intégrés? ............................................................................................. 16 d. Quel impact des mesures coercitives sur le terrain ? ............................................................ 17 e. Risque de gentrification ? ................................................................................................... 17 III) Eléments de méthode......................................................................................................................... 19 1) Ambitions et limites de l'étude ................................................................................................ 19 a. Perspectives européennes...sans monographie ni prétention d'exhaustivité ........................... 19 b. Théorie, discours et réalité ................................................................................................. 19 2) Critères de sélection des sites ................................................................................................ 20 a. Accès aux données ........................................................................................................... 20 b. Présence d'un projet de requalification en cours ou récent .................................................... 20 c. Villes de taille moyenne ..................................................................................................... 20 d. Quartiers centraux ............................................................................................................. 20 IV) Sites ................................................................................................................................................... 22 1) Grille d'analyse pour une perspective européenne ................................................................... 22 2) Contextes locaux .................................................................................................................. 25 a. Halle ................................................................................................................................ 25 b. Porto ................................................................................................................................ 27 c. Bristol ............................................................................................................................... 29 d. Brasov .............................................................................................................................. 30 V) Gestion de la décroissance, attractivité et réhabilitation ..................................................................... 41 1) Des trajectoires de villes variées dans un contexte européen de décroissance urbaine ............... 41 2) La gestion des shrinking cities: le cas de Halle ........................................................................ 45 3) Réhabilitation, adaptation à la demande et image du quartier : le cas de Porto ........................... 54 4) Marché tendu et forte attractivité de la ville : le cas de Bristol .................................................... 56 3 VI) Place et stratégie de la puissance publique dans la réhabilitation des quartiers anciens................58 1) De l'intervention en régie au laissez-faire : un spectre large de positionnement du secteur public . 58 2) Accompagner et attirer l'investissement privé : le cas de Porto .................................................. 59 3) Des structures complémentaires pour aider l'action publique : le cas de Brasov ......................... 65 4) Bristol : le levier du logement social ........................................................................................ 67 VII) Résilience des formes urbaines : destruction ou patrimonialisation ................................................... 71 1) Valeur du patrimoine et nécessité d'adapter les formes urbaines : des situations contrastées ...... 71 2) Classement Unesco : opportunités et limites: le cas de Porto .................................................... 72 3) Financements de la réhabilitation et implication d'acteurs privés: le cas de Brasov ..................... 77 VIII) Populations modestes et objectifs de mixités: impératifs économiques, considérations sociales et prise en compte des usages ....................................................................................................................... 79 1) Approches opérationnelles de la mixité : du social à l'usage...................................................... 79 2) Volonté claire de mixité sociale et d'usages : le cas de Porto .................................................... 80 3) Mixités et animation du quartier : le cas de Bristol .................................................................... 81 IX) Conclusion .......................................................................................................................................... 83 X) Bibliographie ....................................................................................................................................... 86 4 5 6 I) Introduction Les quartiers anciens renvoient une image ambivalente. En effet, ils peuvent être valorisés, parfois à l'extrême, ou dégradés, parfois de façon indigne. Des éléments architecturaux considérés comme remarquables, car datés et représentatifs d'une époque, sont opposés à des immeubles menaçant ruine ou insalubres. Le terme de quartier ancien, à la définition pourtant simple (quartier regroupant une part majoritaire de logements construits avant 1948) englobe donc des situations très variées. Cette étude s'intéresse aux quartiers anciens dégradés. Initialement voués à l'éradication, ces quartiers ont fait l'objet depuis les années 60 de nombreuses politiques en faveur de leur réhabilitation, avec plus ou moins de succès et aux envergures plus ou moins grandes. La difficulté est que les quartiers anciens dégradés représentent eux aussi une réalité très diverse et une simple réhabilitation des logements ne suffit pas. Aujourd'hui, avec le lancement du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD), l'échelle de réflexion est plus large (au niveau de l'îlot et du quartier dans son ensemble) et les acteurs qui financent le programme se sont diversifiés. Ainsi, sous l'égide du Ministère chargé du logement, l'ANAH (Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat), pionnière en matière de réhabilitation de l'habitat privé, est désormais épaulée par l'ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) spécialisée dans la restructuration urbaine. Les objectifs généraux de ce programme sont assez clairs : répondre aux enjeux du développement urbain durable dans ces quartiers au potentiel très fort, notamment du fait de leur localisation souvent centrale avec pour but d'éradiquer les situations de logements indignes. Cependant, des interrogations demeurent concernant la mise en oeuvre de ce programme, que ce soit sur les périmètres considérés, le rôle de la puissance publique dans ces quartiers où la propriété privée est souvent majoritaire, sur les stratégies de gestion des espaces collectifs, sur les conceptions de la mixité sociale ou fonctionnelle, ou sur la valorisation du patrimoine historique, quand il existe. En réponse à ces questions est née l'idée d'examiner la façon dont d'autres pays européens traitaient leurs quartiers anciens dégradés. Certains n'ont-ils pas abordé ce problème avec une relative antériorité par rapport à la France, laquelle était aux prises avec ses grands ensembles ? D'autres, au contraire ne connaissent-ils pas des problèmes émergents encore peu marqués en France mais qui risquent de s'imposer avec force dans certains territoires ? Afin de mener à bien cette réflexion au-delà de la simple recension documentaire, il a été choisi de se rendre dans quatre villes européennes pour y étudier les pratiques de réhabilitation des quartiers anciens dégradés et ainsi jouer du dépaysement pour mieux percevoir ce que ces situations pourraient nous apprendre. Pour autant, nous le verrons, il ne s'agit nullement d'une observation exhaustive, ce que notre calendrier serré ne nous permettait pas. Nous avons en effet tenté d'analyser ces pratiques et ces situations à l'aide d'une grille de lecture reprenant pour partie des problématiques rencontrées en France. Ce rapport est issu d'une étude de quatre mois menée au cours d'un stage au PUCA (Plan Urbanisme Construction et Architecture). Il constitue un fragment d'un ensemble de réflexions menées actuellement sur les quartiers anciens et s'organisent autour de sept parties. 7 La première partie présente le contexte français en lien avec la question de la réhabilitation des quartiers anciens dégradés. Ensuite, les six autres parties développent une thématique de la grille de lecture, appliquée à chaque ville. 8 II) Contexte français : le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés : ambitions et moyens d'action 1) La problématique des quartiers anciens en France: de la restauration immobilière à la rénovation des quartiers anciens dégradés a. Définition et contexte Une définition claire et précise des quartiers anciens dégradés est difficile tant les situations sur le territoire sont diverses. Néanmoins, pour mettre en place et comprendre un programme comme le PNRQAD, il est indispensable de tenter de cerner les périmètres concernés et les principales caractéristiques des secteurs sélectionnés. En 2002, la DGUHC (Direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction) définissait les quartiers anciens comme : « tous les types de quartiers dont le tissu urbain s'est forgé avant 1945, qu'ils soient de centre-ville ou non, et quelle que soit par ailleurs leur physionomie »1. Cette définition plutôt large se centre sur le bâti et prend uniquement en compte son ancienneté. Elle ne préjuge pas de l'état d'obsolescence de l'espace considéré. Afin de préciser la nature des enjeux en termes d'action publique, d'autres critères y ont depuis été annexés, notamment par l'ancienne ministre en charge du logement et de la ville, Christine Boutin. Ainsi, un quartier ancien dégradé doit comporter, entre autres, un habitat identifié par l'indicateur « parc privé potentiellement indigne »2 ou est concerné par une vacance importante malgré un marché du logement tendu. On estimait ainsi en 2007 à 500 000 le nombre de logements privés indignes occupés3 (terme explicité par la suite) en France. b. Des interventions publiques anciennes Si la terminologie est récente, l'attention aux problématiques qu'elle recouvre n'est pas nouvelle. De nombreux dispositifs, antérieurs au PNRQAD, ont été conçus et mis en oeuvre afin de lutter contre la dégradation de l'habitat dans les quartiers anciens. Les premières initiatives portaient uniquement sur le bâti. C'est le cas des PRI (périmètre de restauration immobilière) créés en 1962 en opposition à la politique de rénovation urbaine menée jusqu'alors (qui avait consisté essentiellement en des opérations d'expropriations, de démolitions et de reconstructions). Il s'agissait ici de remettre en état d'habitabilité des immeubles. Ces PRI ont été simplifiés en 2007 avec l'instauration des ORI (opérations de restauration immobilière) qui ne comportent plus de notions de périmètres mais dont l'objectif reste le même : contraindre les propriétaires privés à réaliser des travaux, sous peine d'expropriation par la collectivité. Conseil Economique et Social, (2008), avis et rapports, programme de requalification des quartiers anciens dégradés (article 12 du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion) 2 L'indicateur « parc privé potentiellement indigne » (PPPI) est déterminé par le croisement des données concernant les ressources des occupants des logements et l'état de ce dernier. Il part du principe qu'une personne en situation précaire habitant un logement dégradé a un risque important de connaître une situation de logement indigne (entretien, M.Polge) 3 Pôle de lutte contre l'habitat indigne, (2007), Fiche n°4, L'action contre le logement indigne: quelques résultats et chiffres 1 9 Les opérations de RHI (résorption de l'habitat insalubre)4 agissent quant à elles de façon assez radicale pour résoudre le problème de l'insalubrité. Ainsi, elles ont pour but l'acquisition publique (sous forme de DUP essentiellement) de terrains ou d'immeubles concernés par l'insalubrité irrémédiable. Cette caractérisation permet d'exproprier les immeubles dans le but de les assainir et le déficit de ces opérations sont fortement financées par l'Anah (jusqu''à 70 %). Cette procédure a été réformée en 2003 afin de prendre en compte l'évolution des pratiques urbaines et des moyens d'action (en permettant notamment de financer les restructurations lourdes et non plus uniquement les démolitions). Ces démarche peinent toutefois à s'inscrire dans un véritable projet urbain et ce sont les pouvoirs publics qui, le plus souvent, se substituent à des propriétaires défaillants. Ce sont les OPAH (opération programmée d'amélioration de l'habitat) créées en 1977 qui seront de ce point de vue véritablement pionnières en la matière. Elles ont été lancées pour traiter du problème d'insalubrité dans l'habitat privé et ont pour ambition de mettre en place un projet d'ensemble d'évolution du quartier. Les OPAH constituent une avancée significative dans la réhabilitation des quartiers anciens car elles instaurent un nouveau modèle d'action. En effet, avec les OPAH, une démarche incitative vers les propriétaires privés est mise en place et entraîne la reconnaissance du rôle de ces propriétaires dans l'aménagement. Etat, Anah et collectivités locales conduisent ces opérations de manière partenariale. Néanmoins, il demeure difficile de mener conjointement des actions incitatives qui relèvent du « cousu-main » et des opérations plus lourdes sur des périmètres parfois plus vastes. Dans certains territoires relevant plus particulièrement du renouvellement urbain, des OPAH-RU ont ainsi été mises en place, dans un second temps, afin de les faire bénéficier d'aides majorées de l'Etat et de l'Anah. Une action volontariste des acteurs publics rend possible l'utilisation d'outils coercitifs (comme par exemple les déclarations d'utilité publique) pour régler les problèmes d'insalubrité mais aussi de dysfonctionnement de ces quartiers aux problèmes souvent très lourds. Les OPAH-RU concernent les quartiers où l'habitat est le plus insalubre (en nombre mais aussi relativement) mais également les quartiers qui concentrent d'autres signes de dégradations (comme des friches urbaines, une morphologie qui pose problème ou encore une vacance importante). N'ouvrant pas droit à des subventions pour les aménagements et équipements publics et renvoyant ces opérations au financement des collectivité, peu d'OPAH RU ont permis la mise en oeuvre d'un projet d'ensemble sur ces quartiers. De nombreux dispositifs ont donc été mis en place pour résoudre le problème de l'insalubrité du bâti des quartiers anciens, inscrivant peu à peu la démarche initiale dans un projet plus vaste se rapprochant de véritables opérations de renouvellement urbain. Dans un mouvement inverse, les programmes lancés par l'ANRU (dans le cadre du Programme National de Rénovation Urbaine ou PNRU) centrés essentiellement sur les grands ensembles, intègrent des quartiers anciens sans aller jusqu'à en proposer un traitement spécifique. La grande majorité des actions concerne en effet un bâti construit plus tardivement, notamment dans les années 60 et si elles concernent des 4 Instaurée par la loi Vivien en 1970, dans le but d'éliminer les bidonvilles 10 copropriétés, la dégradation de leur situation est relativement récente, même si elle est spectaculaire et provient davantage de leur défaut de gestion que de l'obsolescence de leur bâti. Ainsi, sur plus de 300 projets du PNRU, seule une vingtaine concerne des quartiers anciens dégradés. c. Le lancement du PNRQAD Face à ces besoins d'interventions urbaines globales sur les quartiers anciens dégradés, la ministre alors en charge du Logement et de la Ville, Christine Boutin, adresse une lettre de mission datée du 7 février 2008 au directeur général et au président de l'ANRU dans laquelle elle demande de « conduire dans ces quartiers une action globale et intégrée de transformation durable ». C'est la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (MOLLE) qui constitue l'aboutissement de cette réflexion en jetant les bases du PNRQAD : « le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés vise à engager les actions nécessaires à une requalification globale de ces quartiers tout en favorisant la mixité sociale, en recherchant un équilibre entre habitat et activités et en améliorant la performance énergétique des bâtiments » (art 25) On note au passage que les grands principes du développement durable sont ici repris (mixité sociale et fonctionnelle, qualité environnementale) mais il s'agit ici, d'abord et avant tout, de regrouper l'ensemble des dispositifs préexistants et de mettre les mesures coercitives au service d'un projet urbain qui, dans ce type de quartier, bute sur des problèmes « de dégradation avancée du bâti, des dysfonctionnements du marché et de problématiques spécifiques liées aux acteurs locaux »5. En effet, le principal problème des procédures OPAH et OPAH-RU réside dans le déficit de coordination (entre les différentes OPAH et entre les OPAH et les mesures de police ou RHI par exemple) et dans le manque de globalité des actions (les OPAH concernant essentiellement l'amélioration des immeubles et non la morphologie urbaine). 2) Objectifs et financements du PNRQAD a. Une problématique nouvelle ? Avec le PNRQAD, ce n'est pas que la manière d'aborder la réhabilitation des quartiers anciens qui est renouvelée, c'est aussi la nature des problèmes à traiter. En effet, si les procédures initiées dans les années 60 visaient à éliminer les logements insalubres, l'objectif est désormais de s'attaquer à de l'habitat qualifié « d'indigne ».Cette notion mérite qu'on s'y arrête. 5 ANRU, (2008), PNRQAD, rapport au ministre du logement et de la ville. 11 Le concept d'habitat indigne fut, à l'origine de l'action du Pôle national de lutte contre l'habitat indigne6, un concept plus politique que juridique. C'est, aujourd'hui, en application de l'article 84 de la loi MOLLE, une notion juridique introduite à l'article 4 de la loi du 31 mai 1990, dite « loi Besson ». Est ainsi défini l'habitat indigne : « Constituent un habitat indigne les locaux ou installations utilisés aux fins d'habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l'état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé. » Cette définition concerne tous types de locaux et tous types d'occupation ; elle s'applique à tous locaux utilisés, de fait, aux fins d'habitation et à tous types d'occupation quels que soient leurs statuts, dès lors que les locaux présentent des risques7. Plus concrètement, l'habitat indigne regroupe les « logements, immeubles et locaux insalubres, locaux où le plomb est accessible (saturnisme), immeubles menaçant ruine, hôtels meublés dangereux, habitats précaires, et dont la suppression ou la réhabilitation relève des pouvoirs de police administrative exercés par les maires et les préfets »8. La portée politique de ce terme est donc grande et la responsabilité de la réhabilitation relève des pouvoirs de police administrative exercés par les maires ou les préfets. Par ailleurs, l'habitat indigne se distingue des logements vétustes (qui se réfèrent essentiellement à des notions d'entretien) et des logements inconfortables (qui sont définis par les critères de confort de l'INSEE). L'utilisation du terme d'habitat indigne permet de s'intéresser à des problématiques liées au bâtiment lui-même à travers l'arrêté de péril (pour un bâtiment menaçant ruine9) et les questions liées à l'insalubrité (en rapport avec la santé des occupants). Le PNRQAD a pour ambition de traiter, sous la forme de projet urbain, à la fois des problèmes techniques (par exemple en lien avec le saturnisme), des considérations sociales et des enjeux architecturaux. b. Des objectifs quantitatifs ciblés... Les objectifs PNRQAD sont chiffrés. L'article 25 de la loi MOLLE prévoit 60 000 logements privés à réhabiliter dont au moins 20 000 devront être conventionnés. Il est également question de produire 25 000 logements sociaux nouveaux et 5 000 places d'hébergement ou logements de transition. Ce pôle est un organisme placé sous la tutelle de quatre ministères (la santé, le logement, l'intérieur et la justice). C'est le lieu de la capitalisation des expériences, des manières de faire et des connaissances en ce qui concerne la lutte contre l'habitat indigne. Il sert également de relais entre l'administration centrale, les préfectures et l'échelle locale. http://www.habitatindigne.logement.gouv.fr/article.php3?id_article=12 7 « Qu'est-ce que l'habitat indigne », http://www.habitatindigne.logement.gouv.fr/article.php3?id_article=13 8 Définition donnée par le Pôle de lutte contre l'habitat indigne 9 « Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique » Code de la construction et de l'habitation 6 12 Objectifs de constructions et réhabilitations de logements pour le PNRQAD 10 L'effort, tel qu'il est formulé, porte donc essentiellement sur le bâti. Cette action doit néanmoins avoir des effets indirects : permettre de remettre sur le marché des logements vacants et de redynamiser des quartiers en perte de vitesse économique et sociale. Elle doit également être à l'origine d'une rénovation énergétique importante en lien avec les objectifs du Grenelle de l'environnement. Enfin, le dernier objectif phare de cette politique est de mettre en place de la mixité sociale en offrant un parc de logements diversifié pour répondre aux demandes des habitants sur place mais également à celles des nouveaux arrivants potentiels. c. ..avec un budget limité Ce programme fait suite à celui mis en place par l'ANRU pour les quartiers de la politique de la ville. Face aux montants financiers du PNRU, le budget disponible pour le PNRQAD paraît assez limité. Pourtant, au départ, 2 milliards d'euros étaient prévus pour financer ce programme. Impacté par la politique de réduction des déficits publics, le budget est ensuite passé à 380 millions d'euros (150 fournis par l'ANRU, 150 par l'ANAH et 80 par l'Etat) avec l'optique d'une démarche expérimentale. Dans ce budget, seuls les 150 millions issus de l'ANRU ont été spécialement fournis pour le PNRQAD, le reste étant du redéploiement de crédits préexistants. En effet, les 230 millions restants représentent de l'argent qui était déjà investi dans les domaines du logement social et de la réhabilitation. Ce budget sera désormais attribué de façon plus spécifique au PNRQAD. 10 ANRU, (2008), PNRQAD, rapport au ministre du logement et de la ville 13 L'effet de levier recherché doit permettre un budget total de travaux de 1,5 milliards d'euros11. Pour le Conseil économique et social, ce budget est insuffisant puisqu'il faudrait, selon lui, un budget de 6 milliards d'euros pour les 7 ans du programme12. Le financement sera modulé en fonction des ressources des communes ou EPCI. Par ailleurs, l'avantage fiscal Malraux sera octroyé pour les travaux rendus obligatoires par les ORI. Il permet des déductions d'impôts pouvant aller jusqu'à 40% des investissements privés13. 3) Une mise en oeuvre multiscalaire et en deux temps a. Une procédure en entonnoir La mise en place du PNRQAD reprend dans les grandes lignes celle du PNRU. L'approche est d'abord nationale avec un programme global national d'une durée de 7 ans (2009-2016) et une convention pluriannuelle par site d'une durée de 5 à 7 ans constitue l'aboutissement de l'application à l'échelle locale du programme. La démarche de sélection des quartiers concernés par le programme s'est effectuée en deux temps. En premier lieu, afin de tester les critères d'éligibilité (part des logements vacants construits avant 1948 et taux de PPPI)., un test a été effectué et a permis de dresser une liste de 150 sites potentiellement éligibles situés dans des villes de plus de 10 000 habitants. L'idée était de garantir une cohérence nationale pour le programme en délimitant au préalable les territoires potentiellement concernés. Ensuite, un appel à candidatures auprès des collectivités territoriales concernées a été lancé en avril 2009. 87 dossiers de candidature ont été reçus. Après réunion de la commission consultative, 25 dossiers ont été retenus par le décret du 31 décembre 2009 au titre du programme et 15 dossiers retenus pour un accompagnement en ingénierie (liste des quartiers en annexe). b. Des critères de sélection très larges Il est très difficile d'effectuer une typologie claire de ces quartiers tant leur diversité est grande. Il s'agit même d'un des objectifs du PNRQAD : traiter un grand panel de situations et contextes dans une optique d'expérimentation 14(« Dans le souci de développer une démarche innovante pour la ville, le choix s'est attaché à promouvoir une large PNRQAD, (2009), Dossier de presse Conseil Economique et Social, (2008), avirs et rapports, programme de requalification des quartiers anciens dégradés (article 12 du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion) 13 Selon la loi des finances de 2009, la loi Malraux comporte plusieurs conditions. Elle s'applique ainsi uniquement dans les secteurs sauvegardés et dans les ZPPAUP sous réserve de déclaration d'utilité publique. Elle concerne à la fois les logements et les immeubles professionnels et le propriétaire qui en bénéficie doit s'engager à louer son bien pendant une durée minimale de neuf ans. Cette location doit prendre effet dans les douze mois qui suivent l'achèvement des travaux et cette aide est de 30% d'un montant de travaux plafonné à 100 000 euros (40% en secteur sauvegardé) 14 Cette notion d'expérimentation a été confirmée par les acteurs français rencontrés même si elle est à relativiser car il n'est pas certain que le PNRQAD débouchera sur un projet plus global regroupant un nombre de quartiers plus importants. 11 12 14 variété de situations »15). Ce choix expérimental peut surprendre étant donné l'ambition nationale de ce programme mais a été contraint par le budget affecté. On retrouve néanmoins quelques caractéristiques communes à l'ensemble des quartiers comme un bâti plutôt mixte et dégradé. Ce bâti est, dans la plupart des cas, très ancien. Par exemple, à Saint-Denis, 85% des bâtis du centre ancien sont antérieurs à 1915. Néanmoins, les situations varient du quartier d'époque médiévale avec la présence d'un château fort à proximité à l'époque industrielle de la fin du XIXe. Une autre caractéristique commune à l'ensemble des quartiers sélectionnés est le manque de lisibilité des différentes trames. La trame viaire est souvent inadaptée car peu lisible et ne permettant pas le partage de la voirie, les trames piétonnes peu accessibles et la trame verte quasi inexistante. Enfin, le troisième point commun est l'importance de la vacance, un des critères de sélection des sites pour le PNRQAD. Cette vacance illustre un dysfonctionnement de ces quartiers qui sont pourtant le plus souvent centraux et situés en secteur tendu. Les quartiers se distinguent sur certains points avec par exemple une emprise au sol plus ou moins forte (l'espace non bâti à Carpentras ne représentant que 8% de l'espace) et les projets sélectionnés présentent une cohérence plus ou moins grande avec les autres documents d'urbanisme. Les critères de sélection des dossiers apparaissent ainsi plutôt vagues, avec une entrée « logements dégradés » très forte. La maturité des projets représente également un critère important. Dans certains cas, le portage politique, nécessaire pour de nombreux projets d'urbanisme, a été un des éléments déterminants. 4) Trois financeurs au plan national Le programme est mis en oeuvre conjointement par le ministère (DGALN), l'ANRU et l'Anah. L'ANRU apporte son expertise en termes d'ingénierie et de pilotage de projet ainsi que son expérience dans le recyclage foncier et immobilier. L'agence finance les opérations portées par les collectivités locales, les EPCI et les organismes publics ou privés qui conduisent les opérations des projets locaux de requalification (comme par exemple la restructuration d'immeubles, des équipements publics...). L'ANRU se positionne donc davantage sur le processus de requalification, c'est à dire, tout ce qui concerne le recyclage du foncier. L'Anah finance, quant à elle, les opérations d'amélioration de l'habitat privé nécessaires à la réalisation du projet. Elle participe également à des opérations d'ingénieries préalables. Elle prend donc en charge les opérations de réhabilitations et traite avec le secteur privé. Avec la loi Boutin, la gestion opérationnelle de l'habitat indigne revient à l'Anah qui devra gérer également la question de la précarité énergétique avec le programme Habiter Mieux. 15 PNRQAD, (2009), Dossier de presse 15 Le troisième acteur de ce programme est le MEDDTL16 à travers la direction de l'habitat, de l'urbanisme et du paysage. L'Etat participe directement à la mise en oeuvre du PNRQAD en finançant notamment les opérations de construction de logements sociaux. D'autres acteurs sont également mobilisés, comme le FISAC17 ou l'EPARECA18 pour la question de la revitalisation commerciale et de la mixité fonctionnelle. 5) Questions et problématiques soulevées Ce programme ambitieux soulève quelques questionnements, tant sur le fond que sur la forme. a. Quel partenariat entre l'ANRU et l'ANAH ? Le dispositif OPAH RU préexistant n'a pas été étendu et on a choisi de reconnaître l'ANRU comme légitime sur les opérations lourdes d'aménagement dans les quartiers anciens. Pourtant, les domaines d'intervention de l'ANRU ne s'étendent aujourd'hui que très peu à ces quartiers et l'agence devra tirer partie de l'expérience de l'Anah en ce qui concerne les démarches de réhabilitation incitatives. De même, l'Anah pourra bénéficier de l'expérience de l'ANRU en termes de financement des bilans et de suivi de planning. Connaissance du sujet pour l'Anah et expertise des processus de mise en place et d'application à grande échelle pour l'ANRU sont les deux composantes principales de ce partenariat inédit. L'application concrète de ce partenariat et les conditions de pilotage du PNRQAD restent à examiner. b. Lancement du programme ou phase préliminaire ? Les moyens budgétaires consacrés au programme ainsi que les critères de sélection des quartiers sont également à questionner étant donné le peu de quartiers retenus face à l'ampleur du problème et le manque d'homogénéité des territoires. Il semble qu'il s'agisse plutôt d'une « phase d'expérimentation »19 pour un programme qui a pour ambition de mener une lutte contre l'habitat indigne. c. Des projets urbains intégrés? Un projet urbain intégré comprend « des actions territorialisées, combinant investissements physiques, sur le bâti et les infrastructures, et mesures en faveur du développement économique et de l'inclusion sociale 20». L'approche 16 17 Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce 18 Etablissement public d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux 19 http://www.anru.fr/IMG/pdf/PNRQAD_Presentation_fevrier_2010.pdf 20 Comprendre le développement urbain intégré, Jean-Loup Drubigny, Urbact, http://urbact.eu/fr/header-main/developpement-urbainintegre/comprendre-le-developpement-urbain-integre/ 16 globale s'effectue à la fois entre les différents secteurs (social, économique, environnemental..) et entre les différents niveaux de gouvernance. Il s'agit également d'intégrer à la réflexion les principes du développement urbain durable. A la lecture des premiers documents de communication du PNRQAD, il semble que l'accent soit mis sur l'habitat. Le programme se présente davantage comme une gestion plus globale du problème immobilier. Le volet aménagement apparaît ainsi de façon très inégale dans les différents quartiers retenus. De plus, l'aspect social est peut-être un peu négligé par rapport aux critères morphologiques des quartiers21. Quelles fonctions occupent ces quartiers dans le parc de logement des villes et agglomérations auxquelles ils appartiennent ? Quelle sera demain leur place dans la dynamique de l'agglomération ? d. Quel impact des mesures coercitives sur le terrain ? Le PNRQAD a pour ambition de s'appuyer sur des mesures coercitives afin d'inciter les propriétaires à effectuer des travaux sur leur bien immobilier. Il sera intéressant de voir jusqu'à quel point ce type de mesures peut être appliqué sur le terrain dans un calendrier somme toute relativement serré, notamment en regard du coût électoral possible de ces mesures pour les élus locaux22. e. Risque de gentrification ? Le questionnement de fond qu'il est difficile d'occulter concerne le risque de gentrification de ces quartiers aux localisations le plus souvent attrayantes dans des contextes de marché du logement parfois tendus. La volonté de mettre en place une mixité sociale importante dans ces quartiers est donc en jeu. Si l'arrivée de populations plus aisées peut redynamiser le quartier, le risque est d'évincer petit à petit du quartier les populations les plus modestes. Pour résoudre ce problème, les promoteurs du programme mettent en avant un conventionnement important des logements réhabilités ou construits (sur la base, au minimum, du 1 pour 1 pour les démolitions/reconstructions). Ce conventionnement important pourra par ailleurs permettre par la suite un partenariat avec le DALO23 pour loger des populations en grande difficulté. Ainsi, en créant une offre de logement diversifiée, le PNRQAD souhaite encourager la mixité sociale. Il reste néanmoins une zone d'ombre quant au caractère temporaire du conventionnement par l'intermédiaire de l'ANAH. En effet, ce conventionnement dure entre six et neuf ans (lorsque des travaux ont été faits). Que se passera-t-il une fois la durée de ce conventionnement terminée ? Le processus est aujourd'hui enclenché et les premières conventions ont été signées avec les villes de Saint-Denis, Aubervilliers et Sète. La question de l'insalubrité des quartiers anciens n'est pas nouvelle et de nombreuses politiques publiques s'y sont intéressées, essentiellement depuis les années 60. Avec le PNRQAD, deux glissements s'opèrent. Le premier Conseil Economique et Social, op. cit Les prochaines élections municipales auront lieu en 2014. 23 Droit au logement opposable 21 22 17 concerne la terminologie utilisée. Le logement insalubre est ainsi remplacé par le logement indigne, terme plus englobant. De plus, le pilotage des opérations inclus désormais l'ANRU, agence qui s'intéressait jusqu'à présent essentiellement aux quartiers de la politique de la ville. Si les objectifs du PNRQAD sont clairs, la concrétisation de ce programme interroge les modalités de mise en oeuvre et les effets sociaux-urbains des projets (risque de gentrification...). C'est pourquoi, il est apparu intéressant de se rendre dans quatre villes européennes pour y étudier les pratiques quant à la réhabilitation des quartiers anciens, prendre du recul par rapport à la situation en France et éventuellement en tirer des enseignements utiles pour le cas français. Cette étude européenne a été menée en suivant une méthodologie établie en amont. 18 III) Eléments de méthode 1) Ambitions et limites de l'étude a. Perspectives européennes...sans monographie ni prétention d'exhaustivité L'étude menée ici n'a pas ambition de dresser des portraits de villes européennes. En effet, en si peu de temps, il est impossible d'effectuer des monographies sérieuses, dont l'intérêt, pour l'analyse transversale que nous proposons ne s'impose pas. L'idée n'est pas de pouvoir comparer des villes, qui sont, quel que soit le niveau de détail atteint, toutes dépendantes de leur contexte (géographique, historique, politique..). La comparaison entre elles et des villes françaises semble donc très ardue. Pour autant, un simple examen de la littérature sur l'ensemble des villes européennes aurait toutes les chances d'être superficiel surtout s'il est réalisé, encore une fois, dans un temps aussi contraint. L'idée a donc été d'alimenter ce travail par de courtes enquêtes de terrain dans un nombre limité de villes. L'ambition est de pouvoir, par des rencontres avec les différents acteurs et par des visites sur le terrain, récolter des perspectives et des manières de faire dans d'autres villes en Europe. Ces aperçus sont intéressants à rapporter car ils permettent dans un premier temps de prendre du recul par rapport à la situation française, et dans un second temps de prendre à son compte des idées et des manières de faire novatrices. Cette démarche a pour intérêt non seulement de permettre de tirer profit des expériences, des succès et des échecs d'autres villes en Europe en ce qui concerne la régénération des quartiers anciens dégradés, mais également, en donnant à voir d'autres approches, d'inspirer des initiatives qui n'auraient peut-être pas vu le jour autrement. b. Théorie, discours et réalité Pour réaliser cette étude, trois outils ont été utilisés, à savoir une lecture préalable de la bibliographie en lien avec chaque ville (concernant la régénération urbaine à l'échelle nationale et son application locale), des entretiens sur place avec les différents acteurs du renouvellement urbain et des visites de terrain. Il est donc clair qu'il existe un biais dans l'analyse, ne serait-ce que par l'interprétation des acteurs sur le développement de leur ville (analyse des discours) et par les visites de sites qui ne sont jamais exhaustives. Dans certains cas, les discours des différents acteurs rencontrés ont été contradictoires. Cela constitue une limite claire de cette étude, qui repose en partie sur l'analyse et l'interprétation des propos tenus par les interlocuteurs rencontrés. Néanmoins, dans la majorité des cas, la théorie, les discours et la réalité se sont dans l'ensemble accordés. 19 2) Critères de sélection des sites a. Accès aux données Le présupposé de départ pour les villes retenues est la présence de données fiables, accessibles et pertinentes en ce qui concerne la réhabilitation des quartiers anciens. Ainsi, les villes investies dans un réseau tel qu'URBACT24 ont été privilégiées, au même titre que des villes ayant reçu des fonds européens dans le cadre des programmes URBAN. Le recours à un réseau de chercheurs en lien avec le PUCA ou les différents acteurs français rencontrés a également été utilisé. b. Présence d'un projet de requalification en cours ou récent Dans l'intérêt de cette étude, les villes choisies sont le lieu d'un projet de requalification d'un quartier ancien dégradé en cours, ou achevé récemment. La question de la temporalité est en effet importante à définir. Il serait très instructif de revenir sur un projet achevé depuis plusieurs dizaines d'années afin d'avoir un retour sur expérience sur le long terme. Néanmoins, il est alors difficile de rencontrer l'ensemble des acteurs qui ont été concernés et la compréhension globale du projet est plus ardue, d'autant plus que le contexte dans lequel se met en place le projet est important et une étude de cas trop dispersée dans le temps ne permet pas de tirer facilement des conclusions. Des projets en cours ou achevés récemment sont donc privilégiés. c. Villes de taille moyenne Par ailleurs, les villes étudiées sont de taille moyenne, et non pas des métropoles ou capitales. En effet, les quartiers retenus dans le PNRQAD sont, pour la plupart, issus de villes moyennes (la majorité des villes concernées ont une population inférieure à 50 000 habitants). Les problématiques rencontrées dans les grandes métropoles sont très spécifiques et peu applicables dans le contexte des villes moyennes françaises. De même, les villes de moins de 20 000 habitants se prêtent mal à cette étude car elle ne renvoie pas aux typologies de villes retenues dans le PNRQAD. d. Quartiers centraux A l'échelle du quartier, la localisation géographique est également importante. En effet, les quartiers anciens dégradés du PNRQAD se situent, pour la plupart, dans les centres historiques et occupent donc une position spatiale centrale. La requalification d'un quartier ancien en périphérie ne relève pas des mêmes enjeux notamment en termes d'accessibilité à la ville et d'attractivité économique. L'objectif est donc de se concentrer sur des quartiers aux localisations centrales. Cette centralité s'entend à l'échelle de l'agglomération et traduit l'existence d'un potentiel 24 http://urbact.eu/fr/homepage-2/ 20 significatif en regard des logiques de métropolisation. Elle ne se limite pas aux centres historiques à forte valeur patrimoniale et culturelle, quand bien même ces deux types de situation peuvent se recouvrir. En fonction de ces critères, quatre sites ont été retenus : Brasov en Roumanie, Bristol en Angleterre, Halle en Allemagne et Porto au Portugal. 21 IV) Sites 1) Grille d'analyse pour une perspective européenne Localisation des villes, échelle européenne Quatre villes ont servi de base à cette étude : Brasov, Bristol, Halle et Porto. Ces villes ont été choisies en fonction des critères explicités précédemment. Une grille de lecture comprenant trois thématiques principales a été établie au départ (après une revue bibliographique et des entretiens avec quelques acteurs français de la réhabilitation urbaine) et appliquée ensuite aux quatre villes, avec des mises en valeur plus ou moins importante en fonction des sites et des thèmes abordés. 22 Le premier thème est celui de la stratégie mise en place localement en réponse aux fluctuations du marché du logement. La situation des quartiers anciens face au marché du logement est diverse. Ainsi, certains quartiers se situent en secteur tendu et, souvent, présentent une vacance anormalement importante du fait de leur dégradation et de la mauvaise image qu'ils véhiculent. Dans ces secteurs, la réhabilitation est certes nécessaire mais la question de l'usage futur ne se pose pas dans les mêmes termes qu'en cas de marché du logement détendu. Ainsi, en région parisienne notamment, l'enjeu principal est de tenter de maintenir dans les quartiers anciens en réhabilitation les populations qui y habitent actuellement, autrement dit les populations les plus modestes pour la plupart. Ce défi est à mettre en parallèle avec le processus de gentrification en cours dans bon nombre de centre ville réhabilités. A l'inverse de cette situation de forte demande en logements et d'attractivité retrouvée pour les quartiers anciens, certains quartiers ne peuvent se satisfaire uniquement d'une résorption de l'habitat indigne pour redevenir attractif. En effet, dans des villes moyennes de province comme Sedan, la ville entière souffre de déclin démographique et d'attractivité et le centre ville perd des habitants. La population qui demeure préfère habiter en périphérie, dans du tissu pavillonnaire qui présente plus de qualité que le centre ancien souvent dégradé et en perte de vitesse. Dans ces villes, la requalification des logements ne sera pas suffisante. Comment faire face à ce déficit d'attractivité d'une ville entière et qui se manifeste de façon plus aiguë dans les centres anciens ? Existe-t-il ailleurs en Europe des solutions innovantes pour donner un second souffle à ces quartiers qui présentent pourtant l'avantage de se situer au coeur de la ville et donc, potentiellement, à proximité de la vie urbaine ? Le second thème de cette grille interroge la place de la puissance publique dans le processus. Ainsi, l'intervention en quartier ancien dégradé pose la question du partenariat entre le public et le privé, et plus largement, de la répartition des rôles entre ces deux secteurs. En effet, en France, les quartiers anciens ne possèdent que très peu de logements sociaux publics et le parc privé constitue bien souvent un parc social « de fait ». Lors des processus de réhabilitation, l'enjeu, en secteur où le marché du logement est tendu notamment, est de permettre aux populations les plus modestes de rester dans ces quartiers et de profiter des améliorations apportées. La réponse souvent adoptée est la régulation par l'implantation plus ou moins importante dans ces secteurs de logements sociaux « de droit ». Ce processus confie un rôle primordial à la puissance publique qui doit doser son intervention en fonction du risque de gentrification plus ou moins fort selon les quartiers. Existe-t-il dans d'autres pays européens des exemples de quartiers où une certaine mixité sociale a pu être maintenue par un autre moyen qu'en y implantant des logements sociaux ? Si oui, comment ? La question du manque d'argent public a-t-elle pu être résolue par des initiatives innovantes ? Une intervention forte de la puissance publique dans ces quartiers est-elle nécessairement synonyme de développement du logement social ? La résilience des formes urbaines des quartiers anciens et la question des mixités urbaines constituent un quatrième thème. Face à la dégradation des quartiers anciens, deux réponses extrêmes sont possibles. Ainsi, l'intervention peut se matérialiser en une patrimonialisation excessive en lien avec l'ancienneté de ces espaces et à la présence 23 d'éléments remarquables. Cette conservation à outrance se traduit par un espace figé, qui ne permet pas l'évolution des usages des espaces urbains. Cette pratique est d'autant plus dommageable que la notion de patrimoine est souvent subjective et qu'il est difficile dans le cas des quartiers anciens dégradés de trancher de façon claire entre ce qui relève du patrimoine commun et ce qui ne l'est pas. A l'opposé, la volonté de changer l'image d'un quartier peut consister en des opérations de démolitions/reconstructions massives. Cette option a été fortement utilisée notamment dans les opérations de rénovation d'après guerre. L'ambition du PNRQAD est de trouver un équilibre entre ces deux moyens d'action. Le postulat de départ est que ces quartiers anciens ne sont plus adaptés, pour la plupart, aux modes de vie contemporains. Ce constat entraîne la volonté de changer la typologie des logements (notamment en les agrandissant) mais également des espaces publics et des trames viaires. L'action se décompose alors entre une réhabilitation des façades et de certains logements et une requalification plus lourde des îlots qui se trouvent derrière. Ainsi la « requalification d'îlots dégradés » menée par l'ANRU se définit comme « l'acquisition, le relogement des occupants, le curetage et la démolition partielle ou totale d'immeubles ou d'îlots dégradés25 ». Pourtant, ces quartiers aux formes urbaines si particulières, présentent une résilience assez importante26. Composés de petites surfaces qui peuvent être utilisées à la fois pour du logement (une fois réhabilitées) ou des activités commerciales et de service, les quartiers anciens peuvent être le lieu de la mixité fonctionnelle. Leur localisation centrale renforce cette idée. L'évolutivité de la plasticité de ces quartiers est intéressante car elle permet de penser la ville mixte à la fois fonctionnelle, sociale et générationnelle (en jouant notamment sur la taille des logements proposés et en conservant des petites surfaces qui peuvent intéresser des personnes âgées mais aussi des étudiants)27. La marge de manoeuvre des différents acteurs du projet pour implanter cette mixité est assez grande au regard de la vacance importante dans ces quartiers. Ce travail sur les formes urbaines et les usages est-il réalisé dans un but de mixité plus affirmé ailleurs en Europe, sans passer par des opérations de démolitions à l'échelle de l'îlot ? Existe-t-il des villes européennes qui ont réussi à mettre en place dans ces quartiers anciens une diversité d'usages importante ? L'ensemble de ces questions a été repris pour mener cette étude qui a été effectuée de façon itérative, au fil des différents voyages, avec une mise en perspective par rapport au contexte français, sans pour autant avoir pour ambitions de hiérarchiser les pratiques. ANRU, (2010), Règlement général de l'ANRU Debaecque V., (2009) L'intervention publique sur le parc privé dégradé ou indigne, les raisons et les moyens pour agir, DHUP PH3 27 Le concept de mixité est bien présent dans le PNRQAD mais sa mise en oeuvre pose encore question pour les acteurs (notamment en ce qui concerne la mixité fonctionnelle qui est d'ailleurs moins mise en avant que la mixité sociale). 25 26 24 2) Contextes locaux a. Halle Halle est, avec Magdeburg, une des villes les plus importantes du Land de Saxony-Anhalt, situé au coeur de l'exRDA. Halle et la Saxony-Anhalt dans le contexte allemand La ville de Halle se compose de deux entités historiquement séparées qui sont la « vieille ville » et Neustadt (ville créée sous la RDA et qui applique les principes de l'urbanisme moderne). Ces deux espaces bien distincts ont été associés au sein d'une même ville en 1990 qui regroupait alors 300 000 habitants. 25 Tissus urbains et coupures La ville se caractérise par un tissu urbain très découpé, entre le quartier ancien et la ville moderne symbolisée par Neustadt, avec des coupures urbaines nettes qui sont l'autoroute urbaine, la voie ferrée et le cours d'eau. Néanmoins, les liens entre les espaces sont assez clairs, notamment grâce à un réseau de transports en commun bien développé. En 2009, la ville réunissait 232 323 habitants28 et la part de la population âgée de plus de 65 ans ne cesse de croître depuis 1989. Evolution de la population de Halle (Neustadt incluse)29 Bevölkerung der Gemeinden nach Landkreisen". Statistisches Landesamt Sachsen-Anhalt. 31 December 2009. http://www.statistik.sachsenanhalt.de/download/stat_berichte/6A102_hj_2009_02.pdf. 29 Rink D., Haase A., Bernt M., Arndt T., Ludwig J., (2010) Urban shrinkage in Leipzig and Halle, the Leipzig-Halle urban region, Germany, Research report, Shrink Smart 28 26 Vieillissement de la population30 Le déclin démographique et le vieillissement de la population sont deux des problématiques majeures de la ville. b. Porto Porto, 2e ville du Portugal 30Données chiffrées issues de : Rink D., Haase A., Bernt M., Arndt T., Ludwig J., op.cit 27 La ville de Porto est située au nord-ouest du pays, sur la rive droite de l'estuaire du Douro, à quelques kilomètres de l'océan Atlantique. Capitale de la région Nord, c'est la deuxième ville et l'un des principaux pôles économiques du pays. Aujourd'hui, la ville compte 263 131 habitants, chiffre qui atteint 1,5 million si l'on considère l'agglomération. La tendance va également vers un déclin de la population du centre ville qui est en cours de réhabilitation profonde (en lien notamment avec la conservation de l'héritage patrimonial important de ce secteur et reconnu par l'Unesco, comme nous le verrons par la suite). Au coeur du centre ancien, différents quartiers se juxtaposent, avec un quartier historique (le quartier de Sé) au tissu urbain moyenâgeux et aux rues très étroites. Ce quartier assez enclavé se positionne en hauteur par rapport aux autres quartiers (notamment Cardosas et Mouzinhos Flores) qui eux bénéficient d'infrastructures routières plus praticables mais qui ont également des façades dégradées. Localisation des différents secteurs de réhabilitation du centre ancien Les objectifs principaux du processus de réhabilitation sont la conservation du patrimoine ainsi que la dynamisation d'un quartier au fort potentiel mais à l'image très négative. 28 c. Bristol Bristol au Royaume-Uni Bristol est la sixième plus grande ville d'Angleterre et regroupait 393 900 habitants en 200632 (avec une région urbaine de 956 672 habitants en 200133). La ville centre a perdu des habitants jusque dans les années 2000, notamment à cause d'une péri-urbanisation massive. Ensuite, la tendance s'est inversée et entre 2001 et 2006 et l'augmentation de la population dans la ville s'élevait à + 0,57%, notamment en lien avec une politique en faveur d'un retour vers le centre. La ville n'a pas connu de période de crise car elle s'est appuyée sur deux secteurs économiques qui ont permis de maintenir des emplois et de la croissance : l'aérospatial et les services. Bristol est également une ville universitaire ce qui lui permet d'accueillir un nombre important d'étudiants qui rendent la ville plus vivante. Aujourd'hui, la ville de Bristol est considérée comme une des villes les plus dynamiques de l'Angleterre. Néanmoins, certains de ses quartiers sont parmi les plus pauvres du pays et la ségrégation socio-spatiale est très forte. 32 33 Eurostat Tallon, A.R. (2007) "City profile ­ Bristol", Cities 24: 74-88 29 Quartier aisé de Bristol (Clifton), vieille ville et quartiers en régénération Un grand nombre de projets de régénération urbaine sont en cours, notamment dans le centre ville (dans les quartiers de Broadmead et Harbourside notamment), avec l'objectif d'améliorer l'image de ce quartier et de le rendre encore plus attractif. L'ancienneté de certains projets dans le centre permet d'avoir un recul intéressant. La demande en logements est assez forte dans cette région de l'Angleterre et l'objectif de la ville est de parvenir à répondre à cette demande tout en ayant des impératifs sociaux importants (pour le logement des plus démunis notamment). d. Brasov Brasov et sa région 30 Brasov se situe au coeur de la Roumanie, dans la région de la Transylvanie. La ville comptait 278 712 habitants en 200834 et son tissu urbain morcelév reflète une histoire mouvementée. Ainsi, l'influence germanique est très forte dans la ville historique (notamment au niveau de l'architecture) et la période communiste a eu un impact très important sur la ville, avec des quartiers entiers répondant aux principes de l'urbanisme moderne. Juxtaposition de tissus urbains très différents Le XXe siècle a également été celui d'une industrialisation massive de la ville et d'un afflux important de population. Aujourd'hui, le nombre d'habitants stagne et la problématique principale de la ville réside dans la gestion des friches industrielles laissées par les entreprises qui sont depuis fermées et qui se situent à proximité immédiate du centre ville. Dans le centre ancien, la question de la conservation du patrimoine est également majeure. Nombre d'habitants (échelle de la ville) Brasov Bristol Halle Porto 278 712 (en 2008) 393 900 (en 2006) 232 323 (en 2009) 263 131 (en 2009) Problématique majeure Conservation du patrimoine et gestion de la réhabilitation Réponse à la demande en logements et gestion des relations entre la ville et les promoteurs Gestion du déclin démographique et du vieillissement Conservation du patrimoine et changement d'image du quartier Tableau de synthèse 34 Agence métropolitaine de Brasov, (2010), Key numbers in the Brasov Metropolitan Area 31 Ces quatre villes présentent donc des tissus urbains diversifiés ancrés dans des histoires et des contextes particuliers. Néanmoins, elles doivent toutes faire face aux fluctuations du marché du logement et de l'attractivité urbaine. Ces fluctuations entraînent des réponses différentes en fonction des villes, réponses qui vont être analysées dans la partie suivante. Dans un souci de clarté, chaque thème de la grille de lecture mentionnée précédemment va être appliqué séparément aux villes sélectionnées. 32 BRASOV Photos : Lucie Garcia 33 Photos : Lucie Garcia (sauf portes : Silvia S. Demeter-Lowe) 34 BRISTOL Photos : Lucie Garcia 35 Photos : Lucie Garcia 36 HALLE Photos : Lucie Garcia 37 Photos : Lucie Garcia 38 PORTO Photos : Lucie Garcia 39 Photos : Lucie Garcia 40 V) Gestion de la décroissance, attractivité et réhabilitation 1) Des trajectoires de villes variées dans un contexte européen de décroissance urbaine Le déclin urbain se manifeste aujourd'hui dans beaucoup de pays européens, en lien notamment avec la concentration des activités dans certaines régions (résultat de la mondialisation et de la métropolisation en cours) qui induit une attractivité plus faible des autres espaces35. La décroissance ne touche donc pas toutes les villes mais son impact sur les zones concernées est très fort (en ce qui concerne la gestion des équipements, la démographie, le dynamisme..). Si ce phénomène est surtout localisé dans les centres ville (en lien avec la péri-urbanisation et le vieillissement de la population), certaines entités urbaines connaissent une décroissance généralisée. Il s'agit des Shrinking cities (voir encadré 1). Ces villes ne diminuent pas nécessairement en taille mais leur population décroît fortement, laissant des espaces en friche. La vacance s'y développe et l'habitat est parfois laissé à l'abandon. Dans ces villes, le marché du logement est en déshérence et l'offre est nettement supérieure à la demande. Encadré 1 : les Shrinking cities 36 Les Shrinking cities ou Stadtschrumpfung sont un phénomène étudiés essentiellement aux Etats-Unis et en Allemagne, où son ampleur est la plus forte. En Europe, le cas de l'Allemagne est emblématique, mais il n'est pas isolé. Selon la Commission Européenne, à la fin des années 90, l'Europe avait plus d'agglomérations urbaines en déclin qu'en croissance démographique. Cependant, une grande diversité de situations est regroupée au sein de ce terme. Ainsi, aux Etats-Unis, ce phénomène est associé au déclin urbain37, et notamment à la paupérisation de quartiers entiers d'une ville. En Allemagne, la situation est tout autre et le terme renvoie essentiellement à un déclin démographique qui s'accompagne d'une perte des fonctions urbaines d'espaces entiers de la ville. Associé à une baisse importante de la fécondité et à une péri-urbanisation importante, le processus de « shrinkage » se traduit souvent par un fort déclin des centres ville qui se vident. La réalité est plus contrastée car les logements des centres ville, sujet à la désertification, peuvent paradoxalement attirer une nouvelle population (les étudiants ou les jeunes couples sans enfant à la recherche d'une urbanité importante). Le déclin, auparavant ignoré et sous estimé, est aujourd'hui mis en avant afin de trouver des solutions et des stratégies novatrices pour le gérer. De nombreux programmes se mettent en place pour étudier le processus de déclin et mutualiser les expériences et les recherches (comme par exemple le réseau international de recherche sur les villes en décroissance38). Or, l'attractivité du centre ancien est en grande partie liée à la situation locale du marché du logement. Un quartier où le marché du logement est très détendu est synonyme de déprise urbaine forte et l'image du quartier en est altérée. Cunningham-Sabot E. Fol, S. (2009), "Shrinking Cities in France and Great Britain: A Silent Process?" p. 17-27 in K. Pallagst, et al., The Future of Shrinking Cities, Center for Global Metropolitan Studies, Institute of Urban and Regional Development, and the Shrinking Cities International Research Network (SCiRN), IURD, Berkeley, University of California. 36 http://www.shrinkingcities.com/index.php?id=2&L=1, travaux de P.Oswalt 35 37 Florentin D., en collaboration avec Sylvie Fol et Hélène Roth, (2008) La « Stadtschrumpfung » ou « rétrécissement urbain » en Allemagne, un champ de recherches émergent, Cybergéo http://www.shrinkingcities.org/ 38 41 Pour des villes aux prétentions métropolitaines (comme Bristol et à terme, Porto), la gestion de l'attractivité est primordiale et la lutte contre la vacance trop élevée une nécessité. Phénomène de décroissance urbaine à l'échelle des LUZ (Large urban zones) et des régions39 En France, le phénomène de décroissance urbaine n'est pas encore une réalité aussi marquée qu'en Allemagne par exemple. Néanmoins, certains quartiers anciens centraux souffrent d'un déficit d'attractivité et voient leur population baisser, essentiellement dans des villes de moins de 50 000 habitants41. A l'échelle urbaine, des villes comme Le Havre ou Valenciennes, villes incluses dans le PNRQAD, peuvent être considérées comme des villes en décroissance42. 39 41 http://shrinking.ums-riate.fr/figures2.php Cunningham-Sabot E. Fol S., op cit 42 http://www.schader-stiftung.de/docs/fol_sabot.pdf 42 Les petites villes en décroissance en France Les changements démographiques des 361 aires urbaines en France : 1990-1999 source : http://www.schader-stiftung.de/docs/fol_sabot.pdf Il est alors apparu intéressant de se rendre dans des villes en situation extrême de déprise urbaine et de décroissance pour y étudier les stratégies mises en place. Le cas de Halle est dans cette optique exemplaire. En effet, depuis 1989, la ville connaît un déclin démographique brutal et le marché du logement y est très détendu. La vacance est très importante et la tendance continue, même si la décroissance de la population semble ralentir. Au départ, la puissance publique a ignoré le phénomène, dans l'euphorie de la réunification de l'Allemagne. Pourtant, dans les années 90, la péri-urbanisation accompagnée d'un exode massif de population vers l'ouest de l'Allemagne ont entraîné une véritable hémorragie du centre. Aujourd'hui, le terme de shrinking cities est reconnu et utilisé et les différentes stratégies mise en place permettent de tenter d'accompagner ce phénomène. 43 A Porto, la tendance est également à un marché du logement détendu (dans une moindre mesure par rapport à Halle). La vacance est assez forte, surtout dans le centre ancien, et la péri-urbanisation a été très importante. Pour faire face à cette situation de déficit d'attractivité du centre ancien, la puissance publique a mis en place une stratégie de développement urbain intégré, s'appuyant sur les équipements, les logements et l'espace public. L'enjeu est notamment de redynamiser ce quartier central, propice à l'accueil du tourisme. Si la vacance est quasiment absente du quartier historique de Brasov, la tension du marché du logement n'est pas extrême puisque la ville possède un tissu de logements collectifs très importants en périphérie. Dans les secteurs plus attractifs comme le quartier de Schei, la réhabilitation des logements est l'enjeu principal pour pouvoir permettre à de nouveaux ménages de s'y installer dans de meilleures conditions qu'actuellement. La demande y est assez importante, notamment dans la couche aisée de la population qui souhaite profiter du cadre du quartier et de la possibilité d'y construire des maisons individuelles de taille plutôt élevée par rapport aux maisons « typiques » roumaines. La situation à Bristol est différente, presqu'à l'opposé de Halle, puisqu'il s'agit d'un marché tendu dans un secteur attractif. La demande en logements est élevée et des impératifs nationaux de construction de logements obligent la collectivité à trouver du foncier libre pour construire. Dans le centre ville, les terrains libres sont peu nombreux et cela reporte la pression sur la banlieue proche, comme par exemple sur le quartier de Knowle West, au sud. Ce quartier est composé à l'origine selon les principes de la cité jardin. La densité y est donc relativement faible et l'un des enjeux est de densifier. Par ailleurs, l'image du centre ville a évolué depuis les années 90 et l'époque de la « Renaissance urbaine »43 théorisée par R.Rogers. Il est devenu un espace attractif où les entreprises et les commerces investissent. De nouveaux quartiers sont également créés suite à l'abandon des fonctions industrielles et portuaires (comme le quartier d'Harbourside). 43 Le New Labour et le discours de la renaissance urbaine au Royaume Uni. Vers une revitalisation durable ou une gentrification accélérée des centres-villes britanniques, Claire Colomb, Sociétés contemporaines (2006) n°63, pp15-37 44 Graphique de synthèse Ambitions et moyens d'actions par ville Les quatre villes se situent donc à des niveaux différents d'attractivité et mettent en place des stratégies adaptées à leurs ambitions. 2) La gestion des shrinking cities: le cas de Halle La ville de Halle réunit toutes les caractéristiques de la décroissance. Ainsi, entre 1990 et 1999, la ville a perdu 56 000 habitants, soit 20% de sa population. En moyenne les deux parties emblématiques de la ville, à savoir la vieille ville et la ville moderne (Neustadt) voient leur population diminuer depuis le début des années 90. Cependant, ce déclin n'est pas spatialement homogène. Ainsi, certains quartiers du centre ville, en gentrification, voient leur population augmenter tandis que Neustadt se vide progressivement. La deuxième caractéristique de la décroissance, en lien direct avec le déclin démographique, est la forte vacance à l'échelle de la ville. Ainsi, le parc de logement à Halle est marqué par une vacance autour de 16% (en 2007). Cette vacance a atteint un pic au début des années 2000 pour entamer depuis une baisse progressive liée essentiellement aux destructions de logements. 45 Evolution de la vacance à Halle, entre 1990 et 200744 Ce déclin démographique entraîne de graves problèmes de gestion pour la ville (notamment à cause de la surabondance d'équipements et d'une infrastructure de transport démesurée). Or, les démolitions coûtent parfois plus cher que la conservation en l'état. Pour faire face à cette problématique, la ville de Halle a adhéré à deux programmes principaux. Le programme majeur de gestion de la décroissance urbaine a été pensé à l'échelle nationale. Il s'agit du programme Stadtumbau Ost (Restructuration urbaine à l'est). Ce programme touche une grande partie des villes de l'est de l'Allemagne et dispose d'un budget total de 2,5 milliards d'euros (dont 1 milliard versé par l'Etat pour la période de 2002 à 2009 ; le reste provient des communes et des Länder)45. Rink D., Haase A., Bernt M., Arndt T., Ludwig J., op.cit DE GASPERIN Axelle, Rénovation et réhabilitation des grands ensembles dans les nouveaux Länder :quel avenir pour la ville socialiste ?; Revue géographique de l'est, numéro vol 46/3-4 (2006) 44 45 46 Communes inscrites au programme Stadtumbau Ost en 200746 Les 297 villes concernées47 par le programme sont essentiellement des villes de taille moyenne (avec 23% des villes ayant une population comprise entre 20 000 et 50 000 habitants). S'il s'agit d'un programme lancé à l'échelle nationale, ce sont les Länder qui effectuent la sélection des dossiers. Les villes choisies doivent présenter un taux de vacance important (essentiellement dans les grands ensembles issus de la période communiste en périphérie de la ville). Sur les 295 villes, seules 38 ont plus de 50% de leur parc de logement qui est antérieur à 1949 et 45 ont un parc de logement mixte (constitué de logements anciens et de logements issus de la période communiste). Ces chiffres montrent l'importance du bâti issu de la période socialiste dans les villes de l'est de l'Allemagne et l'ampleur du phénomène de la vacance dans ce type de tissu. 46 47 http://www.stadtumbau-ost.info/programm/SUO-Kommunen-2002-2007.gif DE GASPERIN Axelle, op.cit 47 Le principal objectif de ce programme est la destruction de l'habitat vacant48. Il représente la réponse donné par le gouvernement allemand à la crise du logement qui sévit à l'est de l'Allemagne depuis 1989 et il associe à la fois urbanisme et politique du logement. Les causes de cette vacance sont multiples. La forte migration des populations de l'est vers l'ouest suite à la chute du mur, le déclin démographique (dû à un vieillissement de la population) et le chômage qui frappe durement cette région font que l'attractivité des villes de l'est de l'Allemagne diminue fortement et rapidement. Le programme s'insère dans une politique plus large de rénovation urbaine menée par le gouvernement. L'ambition est « l'assainissement du marché immobilier, l'amélioration du cadre bâti, l'adaptation des structures à la nouvelle donne démographique, la revitalisation du centre ville, la lutte contre la désagrégation et la ségrégation ».49 Dans cet objectif, le programme souhaite encourager l'accession à la propriété dans le bâti existant et favoriser les investisseurs qui offrent du logement en location dans les quartiers centraux. Il s'agit donc à la fois de tenter de freiner le phénomène de la vacance dans ces villes tout en requalifiant certaines parties pour les rendre plus attractives (et notamment les centres ville). Néanmoins, l'évaluation de cette politique a montré que l'effet de report attendu (report de la périphérie vers les centres, suite au travail de démolition en périphérie) n'a pas eu lieu, ou très peu. La volonté de lutter contre la vacance par la démolition n'a pas enrayé le déclin démographique. En effet, peu d'argent a été investi dans la requalification des centres anciens qui se sont eux aussi dégradés et où la vacance est assez forte. L'attractivité de ces espaces n'est alors pas apparue comme évidente, même après les démolitions. Il semble que les communes aient sous évalué ce phénomène puisque seules 25% des zones d'actions du programme concernaient du tissu urbain d'avant 1948. Une des raisons de la dissymétrie d'investissement réside dans le statut de propriété des différents espaces. En effet, en périphérie, les grands ensembles sont de propriété publique et les démarches menant à leur destruction sont beaucoup plus simples que l'engagement de démolitions dans les centres anciens, où la propriété est morcelée et privée. Ainsi, peu de propriétaires privés dans les centres anciens se sont engagés dans des programmes de démolitions car l'investissement nécessaire était trop important. De plus, de nombreux propriétaires se sont placés en position d'attente50. Si d'autres propriétaires se résignent à démolir leur bien, la vacance diminue et l'attractivité du quartier sera certainement meilleur (il sera alors plus facile pour le propriétaire qui n'a pas démoli de trouver un locataire). ZEPF Marcus ; SCHERRER, Franck ; VERDEIL, Eric ; ROTH, Hélène ; GAMBERINI, Julia, Les services urbains en réseau à l'épreuve des villes rétrécissantes : l'évolution des réseaux d'eau et d'assainissement Berlin-Brandebourg 49 DE GASPERIN Axelle, op cit 48 50 Florentin D., Leipzig ou la ville perforée. Une « shrinking city » modèle ?, mémoire de master 48 Taux de vacance dans les quartiers de la ville en 1995, 2002 et 200951 Les cartes ci-dessus illustrent le phénomène de péri-urbanisation qui a eu lieu dans les années 90 avec une augmentation de la vacance dans le centre ancien et dans les grands ensembles issus de la période soviétique. Ensuite, dans les années 2000, les destructions massives dans les quartiers de grands ensembles ont artificiellement fait baisser la vacance et le début de retour au centre, notamment à travers la gentrification de quartiers au nord ont fait que la vacance du centre ville diminue lentement. La vacance en périphérie quant à elle augmente progressivement suite à la disparition des aides à l'accession à la propriété dans ces espaces et aux difficultés rencontrées par les ménages pour payer leurs emprunts. Le programme Stadtumbau Ost n'a donc pas permis de requalifier les centres anciens et de faire face à la problématique du morcellement de la propriété dans ces espaces. Il est désormais clair qu'il est nécessaire de requalifier en profondeur ces centres anciens afin d'espérer les rendre plus attractifs et de leur redonner vie. L'ensemble des acteurs rencontrés s'accorde pour dire qu'il était cependant nécessaire de détruire une partie du parc de logement car la ville ne pouvait plus gérer autant de logements vacants. L'avenir de ces villes en décroissance face à la gestion de la vacance reste néanmoins en suspens étant donné l'endettement profond auquel elles doivent faire face et au peu de ressources qu'elles récoltent. A Halle, la dette a atteint son maximum au début des années 2000. 51 Rink D., Haase A., Bernt M., Arndt T., Ludwig J., op.cit 49 Niveau de dette à Halle entre 1991 et 200852 En parallèle du programme Stadtumbau Ost, le Land de Saxony Anhalt a mis en place une IBA sur le thème de la décroissance urbaine. Encadré 2 : Qu'est ce qu'une IBA ? Historique La vocation des Internationale Bauausstellung (expositions internationales d'architecture) ou IBA a fortement évolué depuis ses débuts. A l'origine, l'IBA concentrait ses actions sur une problématique bien spécifique et sur un territoire assez restreint. Ainsi, la première IBA date de 1901 (à Darmstadt) et l'idée était de promouvoir l'architecture comme un art (« un document d'art allemand53 »), pour contrer l'urbanisme de masse de l'époque (qui était la réponse aux problèmes de surpeuplement et qui était plutôt dépourvu de qualités architecturales spécifiques). Ensuite, en 1927, l'IBA de Stuttgart (Weissenhofsiedlung) avait pour but de présenter de nouvelles façons de voir le logement54. Depuis, l'IBA a changé d'échelle pour progressivement passer du quartier à la ville, puis un ensemble de ville pour s'intéresser aujourd'hui à une région entière (avec l'eurorégion de Bâle). En 2000, la thématique des villes en décroissance a émergé (les « shrinking cities ») et cela a donné lieu à la première IBA qui englobe une région administrative entière : la Saxe-Anhalt. L'IBA Stadtumbau regroupe ainsi 19 villes autour de 19 thématiques spécifiques. L'ambition de cette IBA qui s'est achevée en 2010 est de devenir une sorte de plate-forme d'échanges entre les différents acteurs de la régénération urbaine afin de faire connaître les bonnes pratiques et les actions mises en oeuvre (actions sur le long terme ou éphémères). L'IBA permet aussi d'apporter une assistance technique aux villes présentes dans le programme. 52 53 Rink D., Haase A., Bernt M., Arndt T., Ludwig J., op.cit Iba meets Iba, (2009), Qu'est ce qu'une IBA ? Cent ans d'expositions internationales d'architecture 54 http://www.iba-hamburg.de/en/03_ausstellung/3_historie/historie.php 50 L'IBA d'Hambourg , centrée sur les nouvelles perspectives de la métropole (2006-2013) et l'IBA Fürst Pücker Land concernant le renouvellement des anciennes régions minières (2000-2010) sont les deux autres expositions en cours et la prochaine va se dérouler dans le district européen de Bâle à partir de 2020. Cette exposition donne une envergure internationale à l'IBA qui change à nouveau d'échelle. Objectifs L'ambition est de mettre en place des projets d'urbanisme innovants répondant à des problématiques ancrées dans les territoires concernés. Par exemple, l'IBA de Hambourg se concentre sur trois thématiques qui sont la ville cosmopolite, les métrozones (travail sur les franges) et le changement climatique. Pour ce dernier thème, des solutions innovantes et marquantes spatialement sont mises en place afin de lancer une dynamique et de rendre visibles et concrets les projets de l'IBA. Mais l'IBA est avant tout un centre d'échange et de mise en relation des différents acteurs. Elle est la structure qui promeut les projets et leur assure une visibilité à l'échelle internationale. Mode de fonctionnement L'IBA a une durée de vie officielle de 10 ans, même si l'ambition est que les effets de levier qu'elle entraîne permettent de perpétuer ses effets à plus long terme sur les territoires concernés. Cette durée de vie annoncée à l'avance est intéressante car elle permet de se projeter et de constater progressivement les évolutions concrètes réalisées grâce à l'IBA. La structure en tant que telle de l'IBA est assez souple et flexible puisqu'elle repose en grande partie sur un bureau qui permet de rassembler l'ensemble des projets, d'aider et de conseiller les porteurs des projets et d'assurer la promotion de ces projets à toutes les échelles. Pour l'IBA de Halle, ce bureau est localisé à Dessau et se compose de sept employés à temps plein qui gèrent les dossiers en relation étroite avec les villes. Ce bureau n'a pas de statut spécifique et il peut être considéré comme étant une agence sans fonction de maîtrise d'ouvrage55. Cette structure souple s'appuie sur un conseil d'administration (composé d'élus locaux, d'experts..) et de plusieurs maîtrises d'ouvrage (les collectivités locales mais aussi des associations..). Les moyens financiers de la structure sont faibles par rapport à l'ampleur des projets. Par exemple, la structure reçoit, en Saxony-Anhalt, 1 million d'euros par an pour financer son fonctionnement. En parallèle, 206,9 millions d'euros ont été fournis pour la réalisation des projets de l'IBA de ce Land, argent issu en grande partie de circuits de financements existants. La répartition des financements s'est effectuée de la manière suivante56 : En s'appuyant sur des projets phares (comme le bunker à Hambourg) et des slogans qui retiennent l'attention (comme « Less is future » pour l'IBA de Saxony-Anhalt), l'exposition lance une réelle dynamique de projets en attirant notamment un grand nombre d'architectes-urbanistes désireux de travailler sur le territoire concerné. Norman Foster a ainsi participé au renouveau de Ruhr avec l'IBA Emscher Park57, une des IBA les plus emblématiques étant donné le site concerné et la grande visibilité des opérations de mise en lumière de ces anciennes usines. 55 56 Apur, IAU, (2009), Initier des projets métropolitains, les enseignements des IBA en Allemagne, Conférence métropolitaine http://www.iba-stadtumbau.de/index.php?iba-compact-funding 57 Robischon C., Le miracle de Duisbourg, Traits Urbains n°33, sept-oct 2009, pp 35-38 51 Cette dynamique permet ensuite d'attirer des investissements privés, nécessaires à la réussite des projets. L'IBA est donc beaucoup plus qu'une simple exposition d'architecture puisqu'elle entraîne une mise en lumière de territoires souvent en perte de vitesse. La question de la pérennité des actions se pose néanmoins. Quel est l'impact sur la durée d'actions artistiques et culturelles du type de celles mises en place en Saxony-Anhalt ? Des projets avec des prétentions moins importantes que le saut par dessus l'Elbe ou la mise en lumière d'usines désaffectées aurontils un impact suffisant pour redynamiser l'espace concerné (comme par exemple la mise en place d'un skateparc sur une zone en déprise urbaine à Halle) ? A Halle, l'IBA a permis de faire prendre conscience aux différents acteurs de l'aménagement du territoire qu'il existe un phénomène de décroissance difficile à contrer58. Grâce à la mise en commun des expériences de l'ensemble des 19 villes concernées par l'IBA, la déprise urbaine a été en partie acceptée. Ce pas est important car il entraîne un changement de stratégie de la part de la ville, qui se concentre alors sur certains espaces. Outre cette prise de conscience, le mode opératoire de l'IBA a été d'être l'initiateur de petits projets d'aménagement, porteurs d'engagement pour la communauté, les habitants et la ville. Ainsi, le skatepark construit à Neustadt a permis de combler le manque flagrant d'infrastructures de rassemblement pour les jeunes du quartier. Cette infrastructure avait été demandée après consultation de la population et sa réalisation n'aurait pu se faire sans l'aide et l'appui des jeunes du quartier. Par ailleurs, installer une infrastructure destinée aux jeunes dans un quartier comme celui de Neustadt, où la décroissance est encore plus aiguë qu'ailleurs et où les destructions et l'abandon d'immeubles sont courants, donne un signal fort pour un changement de regard sur un quartier en déprise. Ce même changement de regard tente d'être opéré dans le quartier de Glaucha (situé au sud du centre ancien), à l'image également très négative. Les actions mises en place sont très diverses et reposent à la fois sur de l'éphémère (avec des journées portes ouvertes, l'organisation de la fête de la musique..) et sur des actions ancrées dans le long terme (avec la création de communautés de propriétaires qui s'unissent pour faciliter les travaux de réhabilitation)59. Il s'agit donc bien d'accepter la décroissance, la division et la fragmentation de la ville, tout en tentant d'y remédier par des petites touches. Une fois cette étape franchie, la ville peut réorienter ses projets et ses actions vers des secteurs à développer ou à renforcer, et trouver des alternatives aux friches urbaines qui se créent (comme par exemple la conversion d'une zone de logements en une forêt au sud de la ville). La question du financement de ces opérations est importante à prendre en compte puisque l'objectif de l'IBA est qu'à terme, les villes puissent se passer de la structure pour réaliser leurs projets. L'IBA ne distribue pas d'argent aux collectivités mais seulement un appui technique (notamment pour les villes de tailles moyennes qui sont bien souvent démunies face à la décroissance). L'argent utilisé pour les projets provient du programme Stadtumbau Ost Entretien B.Scurrell programme de communautés de propriétaires est suivi également par le BBSR, ou l'institut fédéral de recherche sur la construction, les affaires urbaines et le développement spatial http://www.bbsr.bund.de/cln_016/nn_340582/BBSR/DE/FP/ExWoSt/Forschungsfelder/2009/Eigentuemerstandortgemeinschaften/Modellvorha ben/Halle/MV__Halle.html?__nnn=true 58 59Ce 52 en partie. L'investissement privé est également sollicité ainsi que la participation des habitants, sous forme de réseaux associatifs par exemple. Un des enseignements de l'étude de la ville de Halle réside aussi dans l'analyse qu'on peut y faire concernant la ségrégation urbaine. Dans un contexte de forte vacance et d'offre en moyenne nettement supérieure à la demande de logements, il pourrait paraître contre intuitif de rencontrer des poches de gentrification et des processus de ségrégation socio-spatiale renforcés. En effet, les choix résidentiels sélectifs sont souvent étudiés en rapport avec un marché du logement tendu, où l'entre soi est renforcé par la pression foncière et les prix des logements60. A Halle, il n'y a en apparence aucune pression foncière et le marché du logement est très lâche. Pourtant, des poches de gentrification existe (comme dans le quartier de St Paulus) et l'ensemble des acteurs s'accordent à dire que depuis 1989, la ségrégation (sur des critères économiques uniquement) s'est renforcée. La question de la gentrification de certains secteurs est importante à prendre en compte dans un processus de réhabilitation d'un centre ancien dans un contexte de déprise urbaine. En effet, en lien avec la problématique des équipements, la gentrification provoque des situations paradoxales. L'exemple des équipements scolaires à Halle est intéressant dans ce sens. La ville a dû procéder à d'importantes destructions d'équipements scolaires qui étaient en large surabondance (suite au déclin et au vieillissement de la population). Or, aujourd'hui, dans les quartiers gentrifiés, la demande est plus importante que l'offre (notamment au niveau du lycée où il n'y a pas de carte scolaire en Allemagne). La liste d'attente est très importante autour du quartier de St Paulus par exemple alors que d'autres lycées (à Neustadt notamment) accueillent les élèves sans difficulté. Face à la déprise urbaine et à la décroissance, la ville de Halle a su tirer partie de deux programmes phares de la régénération urbaine allemande, à savoir le programme Stadtumbau Ost et l'IBA. Le résultat est la destruction très importante de logements, notamment dans les « Plattenbauten » (ou logements collectifs issus de la période communiste). Mais les différentes actions menées consistent aussi en une prise de conscience progressive et difficile du déclin pour les acteurs de l'aménagement et de l'urbanisme à l'est de l'Allemagne. Ce changement de paradigme revient à penser la ville sans croissance. Dans cette stratégie d'accompagnement de la décroissance, le centre ville joue un rôle majeur. Cet espace possède en effet tous les attributs liés à l'urbanité (commerces, services, transports, mixités..), ce qui n'est pas le cas des Plattenbauten. Dans ce contexte, la ville cherche à renforcer l'attractivité du centre ville via un « urbanisme à petits pas » qui consiste essentiellement à organiser des événements qui rassemblent l'ensemble de la population et qui valorise les atouts d'un quartier, à travailler avec les propriétaires à l'échelle d'un quartier pour les aider à réhabiliter leurs biens ou encore à implanter des petits équipements qui, à terme, vont aider à faire changer l'image du quartier. 60 Rink D., Haase A., Bernt M., Arndt T., Ludwig J., op.cit 53 3) Réhabilitation, adaptation à la demande et image du quartier : le cas de Porto Un autre cas de figure peut être symbolisé par la ville de Porto. En effet, si la ville a vu sa population décroître également (comme l'illustre le graphique ci-dessous61), la baisse n'a pas été aussi problématique qu'à Halle et l'ambition aujourd'hui est de tout mettre en oeuvre pour que l'attractivité du centre ancien augmente. Il s'agit en d'autres termes d'attirer la croissance et les investissements. Evolution démographique de Porto et de son centre ville 350 000 300 000 250 000 200 000 150 000 100 000 50 000 0 1940 1950 1960 1970 1981 1991 2001 Année Nombre d'habitants Porto Pour atteindre cet objectif, la ville a décidé de changer l'image du quartier.. Aujourd'hui, le quartier historique de la ville est peuplé essentiellement de personnes âgées et plutôt modestes. Il manque de dynamisme et sa réputation est plutôt liée à la criminalité (et au trafic de drogues) qu'à sa proximité avec la rivière Douro. La vacance est également un problème important. Ainsi, dans le quartier classé au patrimoine mondial de l'Unesco, 37% des logements sont vacants62. Pour redonner du dynamisme au quartier, la ville mise sur un développement urbain intégré, qui reprend l'ensemble des composantes de la vie urbaine. Ainsi, si la réhabilitation de logements est une part importante du programme, la diversification des usages et la mixité sociale et générationnelle de la population sont également recherchées, en implantant notamment de nouveaux équipements. L'exemple de la reconversion de l'ancienne halle de marché Ferreira Borges est intéressant puisqu'il renvoie à la composante culturelle de la réhabilitation urbaine du quartier ancien. Cette halle de marché implantée au coeur du quartier est aujourd'hui transformée en centre culturel63 notamment doté de plusieurs salles de spectacles et d'un restaurant. Ce centre est un des piliers de la stratégie de redynamisation du centre ancien de Porto, en lien avec la volonté d'attirer plus de jeunes et d'étudiants dans le Chiffres issus de Porto Vivo SRU, (2010), Présentation Urbact, Jessica for cities, Florence Porto Vivo SRU, (2010), Présentation Urbact, Jessica for cities, Florence 63 http://www.hard-club.com/#/en/hardclub 61 62 54 quartier. Avant 2000, les étudiants fréquentaient très peu ce secteur qui n'avait pas bonne réputation. Aujourd'hui, ils réinvestissent les rues et le centre culturel permet d'apporter une dimension ludique au quartier. Reconversion de l'ancien marché en centre culturel64 La réhabilitation du quartier est aussi composée de l'implantation d'un hôtel de luxe, d'une résidence de logements étudiants et de l'amélioration des conditions d'accueil dans la maison de retraite du quartier. Cette stratégie de retour vers la croissance pour le centre ancien s'appuie en grande partie sur le fait que malgré la forte vacance actuelle, la demande pour habiter dans le centre ville est plutôt importante. De nombreux jeunes couples, et même des ménages avec enfants, souhaiteraient vivre dans le centre ancien qui a pour principal atout sa proximité avec la vie urbaine65. Mais l'offre actuelle ne correspond pas à cette demande (les logements sont trop petits, trop délabrés et ne comportent pas assez de parking). Tout le travail des différents acteurs de la régénération urbaine est de corriger cette situation pour enrayer le déclin du centre ancien de Porto. Diversifier les usages et réhabiliter les logements dégradés semblent être les deux stratégies menées de front par l'autorité locale (en lien avec les acteurs privés) pour changer l'image, se servir de la vacance et s'adapter à la demande. Avec l'implantation d'un nouveau centre culturel et de logements étudiants, le quartier sera plus dynamique et deviendra, par la suite, plus attractif. 64 65 http://www.hard-club.com/#/en/hardclub/space/project/images_project Entretiens, Porto Vivo 55 4) Marché tendu et forte attractivité de la ville : le cas de Bristol A Bristol, la situation est très différente puisque le marché du logement est plutôt tendu (avec une offre qui ne satisfait pas la demande) et la ville doit trouver des terrains à bâtir pour répondre à cette demande. Pourtant, le centre ville n'a pas toujours été un lieu attractif et l'image de « l'idylle rurale » est encore très présente en Angleterre, pays où le taux de propriétaires est très élevé (70% de propriétaires occupants en 200866) et où l'image de la maison avec jardin est prépondérante. Néanmoins, avec l'arrivée au pouvoir du New Labour et la stratégie de la « Renaissance urbaine », le regain d'intérêt pour les centres ville est certain et les acteurs privés y ont beaucoup investis. Des quartiers entiers ont été réhabilités par les promoteurs, soucieux d'investir là où les profits seront les plus importants. Les quartiers d'Harbourside et de Broadmead sont, dans cette optique, exemplaires. L'intérêt est de pouvoir réhabiliter et construire de nouveaux logements sans argent public ou très peu. A terme, la ville de Bristol espère pouvoir s'appuyer sur ce centre réhabilité (le processus est en cours depuis plusieurs années déjà) pour promouvoir la ville et utiliser certains marqueurs du territoire comme image d'une ville moderne. Néanmoins, si l'intérêt est certain en termes financiers, le laissez-faire a ses limites et le secteur privé doit être encadré afin que d'autres dimensions s'intègrent au projet, et notamment la dimension sociale. La puissance publique dispose de deux outils principaux qui lui permettent d'exercer un contrôle sur les projets des promoteurs. Le premier est le Section 106 Agreement du Town and Country Planning Act 67 de 1990. Cette disposition permet à l'autorité publique locale d'exiger que le promoteur signe un accord pour compenser une partie des externalités négatives d'un projet. Par exemple, si le promoteur souhaite construire des logements dans un secteur, il peut être contraint de financer les équipements rendus nécessaires par l'arrivée d'une population nouvelle (comme une école). Mais cette obligation ne consiste pas nécessairement en un équipement lié à l'opération. Il peut aussi s'agir d'une réponse à une demande de la population locale, consultée préalablement. En ce qui concerne la réhabilitation de centres commerciaux, qui occupent une place très importante dans le centre ville de Bristol, l'ambition est de rénover, d'étendre et de diversifier l'offre. La mise en place d'un BID (Business Improvment district)68 est une des clés de ce projet. En effet, il permet de mettre en place une taxe supplémentaire payée par les commerçants du centre (après avoir obtenu l'accord de la majorité des propriétaires), pour améliorer l'environnement du centre commercial et pour le rendre plus accueillant. Il s'agit donc d'un partenariat public-privé où les investissements privés permettent de réhabiliter des espaces publics. Le deuxième volet de ce programme est l'expansion de l'offre commerciale à Broadmead, avec un budget de 500 millions de livres (provenant de fonds privés). L'idée est de diversifier l'offre commerciale en implantant notamment 1 million de m² supplémentaires de commerces et des zones de loisirs. Selon Hypostat http://www.legislation.gov.uk/ukpga/1990/8/contents 68 http://www.bristolbroadmead.co.uk/site/broadmead-bid 66 67 56 Si l'argent public est peu présent dans l'ensemble de ces projets, le risque qui en découle est une certaine privatisation de l'espace public. En effet, la réhabilitation par des fonds privés des espaces publics du centre commercial de Broadmead pose la question de leur gestion par la suite. Cette question n'a pas encore été résolue. Le deuxième risque d'un fort investissement du privé dans la réhabilitation dans un contexte de marché tendu est le délaissement d'espaces entiers considérés comme non attractifs. Ce fût le cas pendant longtemps du quartier Knowle West, quartier défavorisé situé au sud de la ville. Aujourd'hui, l'intérêt porté au quartier est dû à la pression foncière en cours à Bristol. Face à l'occupation du sol très faible de ce quartier (ancienne cité jardin), l'ambition des promoteurs est assez claire : il faut densifier. Reste à savoir si les volontés des habitants (largement impliqués dans un processus long de consultation avec par exemple la mise en place d'un groupe de travail qui a produit des cartes de scenarios possibles d'évolution pour le quartier69) seront prises en compte. A Bristol, l'implication du secteur privé dans la réhabilitation est très importante, en lien avec l'image dynamique et attractive du quartier. L'implication des habitants et le contrôle par l'autorité locale sont deux éléments qui peuvent permettre d'orienter quelque peu les investissements. Le marché du logement a donc un impact fort sur la gestion de la réhabilitation urbaine des quartiers anciens. Si le contexte est tendu, comme à Bristol, le maintien sur place des populations les plus en difficultés pose problème. Des solutions peuvent néanmoins être trouvées (comme nous le verrons dans la partie VII). En cas de forte déprise urbaine, la part importante du travail réside dans la prise de conscience des autorités locales et des opérateurs de ce manque d'attractivité qui pourront ensuite réorienter leurs stratégies. La gestion de la fluctuation du marché du logement repose donc en grande partie sur les stratégies mises en place par la puissance publique en charge. C'est elle qui va donner les orientations aux projets. En fonction des villes étudiées, la place de la puissance publique dans les processus de réhabilitation est plus ou moins importante. 69 http://www.knowlewest.co.uk/regeneration/kwrpg/ 57 VI) Place et stratégies de la puissance publique dans la réhabilitation des quartiers anciens 1) De l'intervention en régie au laissez-faire : un spectre large de positionnement du secteur public En France, l'implication du secteur public est très importante dans les processus de régénération urbaine en général, et notamment pour les quartiers anciens dégradés. Les deux agences (ANRU et ANAH) pilotent en partenariat avec le MEDDTL l'ensemble des opérations en lien avec le PNRQAD. Cependant, la part du logement social dans ces quartiers est assez faible et les acteurs publics doivent composer avec le morcellement de la propriété et les situations complexes liées à la copropriété. Les villes européennes étudiées connaissent des situations diversifiées quant à l'implication de la puissance publique dans le processus et ses relations avec le secteur privé. A Porto, la mise en place des projets s'effectuent sous l'impulsion de l'autorité publique locale, à travers un organisme public composé par l'Etat et la ville (représentant respectivement 60 et 40% de l'organisme). Cet organisme est Porto Vivo SRU70. Il est le chef d'orchestre de la régénération urbaine du centre ancien de Porto et l'objectif est de faciliter et d'organiser les investissements privés. La propriété est extrêmement morcelée dans ce quartier et il est difficile pour la puissance publique de pouvoir prétendre à la gestion de l'ensemble de la régénération. La réhabilitation du quartier ancien s'insère donc dans une action publique à l'échelle de la ville. En ex-Allemagne de l'est, les moyens de la puissance publique sont très faibles, surtout face à l'ampleur du problème. Halle ne fait pas figure d'exception et à l'échelle locale, le secteur public propose des actions et s'appuie sur des financements venus de programmes nationaux, régionaux et européens. La question du logement social ne se pose pas car le niveau des loyers privés est déjà très bas. La stratégie est depuis quelques années orientée vers la gestion de la décroissance et le recours à des investissements privés massifs devient de plus en plus limité face au manque d'attractivité de la ville. Le rôle de la péréquation financière entre les différentes régions d'Allemagne, et de projets nationaux essentiellement orientés vers des problématiques plus fréquemment rencontrées à l'est de l'Allemagne (comme une vacance très élevée par exemple) sont donc nécessaires. De plus, l'utilisation d'outils incitatifs (et notamment des avantages fiscaux pour les acteurs privés qui investiraient dans la réhabilitation de logements situés dans le centre ancien) a permis de réhabiliter des quartiers de la ville. Avec la crise, ces investissements ont augmenté et de nombreux allemands de l'ouest ont investi dans la réhabilitation de Halle, notamment dans le quartier de Glaucha. L'échelle de ces investissements est celle du logement, ou de l'immeuble. Bristol est la ville où la stratégie de la puissance publique diffère le plus de la situation en France. En effet, le secteur privé, et notamment les promoteurs, ont un rôle très important dans la réalisation des opérations de rénovation urbaine. Face au nombre élevé de propriétaires en Angleterre, la question du logement social est 70 http://www.portovivosru.pt/ 58 résiduelle mais permet à la mairie d'avoir un certain rapport de force avec les opérateurs. Rénover sans argent public est ici une stratégie clairement assumée mais aux effets contrastées et dont l'analyse diffère en fonction des interlocuteurs. A Brasov, la puissance publique est très démunie (financièrement mais également en termes de savoir-faire technique et d'application des règlements). Les attentes par rapport au soutien de l'Union Européenne sont grandes. Les procédures et l'ingénierie sont deux éléments qui manquent à la mise en place des projets. Pour pallier ce déficit de savoir-faire, des structures complémentaires se mettent en place, comme l'agence métropolitaine de Brasov. 2) Accompagner et attirer l'investissement privé : le cas de Porto A Porto, la régénération du centre ancien est pilotée par la structure publique Porto Vivo SRU. Cette structure (sous forme de société anonyme) a été créée par décret en 2004 et sert de médiateur entre les propriétaires et les investisseurs et entre les propriétaires bailleurs et les loueurs. Elle détermine aussi la stratégie et effectue si nécessaire les opérations de réhabilitation. Organigramme71 71 Document fourni par J.Sequeira 59 Le « management board » de la structure est constitué de trois personnes (issues de la mairie, des services de l'Etat et de Porto Vivo SRU). Ce bureau dirigeant est à la tête de deux services principaux qui regroupent l'ensemble des compétences de l'organisme. D'un côté, la branche opérationnelle qui met en place les plans stratégiques et les programmes pour chaque immeuble, après avoir établi un diagnostic précis. Porto Vivo SRU dispose d'une base de données très fournie, immeuble par immeuble, appartement par appartement, renseignant le niveau de dégradation du logement mais aussi des données socio-économiques sur les habitants du lieu. Cette branche opérationnelle est complétée par un service d'étude, de stratégie et de recherche de financements. C'est dans ce service que la recherche d'investissements privés notamment a lieu, mais également la résolution de toutes les questions juridiques liées à la réhabilitation. Pour l'ensemble de ces opérations, Porto Vivo peut avoir recours à un service de conseil constitué de 14 d'experts aux compétences diverses. Des professeurs de l'université de Porto y côtoient des avocats, des entrepreneurs et des anciens hommes politiques. Différents périmètres d'invervention72 72 Porto Vivo SRU, (2010), Présentation Urbact, Jessica for cities, Florence 60 Le territoire d'intervention de Porto Vivo SRU est la ZIP73 (car l'ACRRU74 est trop vaste). Cette zone englobe 500ha (comprenant le centre historique et une zone tampon). L'objectif est de redynamiser cet espace en perte de vitesse au moyen de cinq objectifs qui sont75 : réhabiliter le centre ville développer, revitaliser et promouvoir le commerce encourager le tourisme, la culture et les loisirs améliorer l'espace public Pour réaliser ces objectifs, Porto Vivo s'appuie sur un « management plan » qui se présente comme un document cadre de la réhabilitation, sans pour autant être aussi rigide qu'un plan d'aménagement. L'idée est dans un premier temps de focaliser les efforts sur des espaces spécifiques (les aires d'intervention prioritaires, au nombre de six) pour qu'ensuite les effets positifs liés à cette réhabilitation se diffusent au reste du quartier ancien. Localisation des six aires d'intervention prioritaires et stratégie de diffusion76 Porto Vivo ne se substitue pas aux opérateurs et a pour objectif premier d'encourager les investisseurs privés et les propriétaires à faire la réhabilitation de leur bien. Zone d'intervention prioritaire Aire critique de rénovation et la reconversion urbaine 75 Présentation Urbact, Porto Vivo SRU, Jessica for cities, 2010, Florence 76 Document fourni par J.Sequeira 73 74 61 L'action de Porto Vivo peut être résumée en quatre étapes principales qui s'étalent sur 4 années77. 1) Etablissement de plans d'actions et de documents stratégiques, suite à un travail important de terrain 2) Etude auprès des propriétaires et des habitants pour recevoir les suggestions et les critiques puis approbation du plan stratégique et notification auprès des propriétaires 3) Signature des contrats de réhabilitation et lancement des procédures d'expropriation si besoin ; sélection des partenaires privés 4) Délivrance des permis et supervision des travaux de réhabilitation par Porto Vivo Mode opératoire de Porto Vivo La structure est donc en relation directe avec les propriétaires privés du centre ancien et a pour but de faciliter les opérations de rénovation. Le diagramme ci-dessous montre l'implication importante des fonds privés dans les opérations menées par Porto Vivo. 77 Porto Vivo SRU, (2010), Présentation Urbact, Jessica for cities, Florence 62 Modèle d'investissement pour les actions de Porto Vivo, horizon 2012 (EIB : banque européenne d'investissement; ERDF : fonds européens de développement régional, IHRU : institut pour l'habitat et la réhabilitation urbaine)78 Ainsi, près de 80% des investissements nécessaires proviennent des fonds privés. Un exemple intéressant de l'implication du secteur privé dans les projets mis en place par Porto Vivo SRU est l'opération en cours dans le secteur de Corpo Da Guarda, le long de la rue Mouzinho da Silveira, au coeur du quartier ancien. 78 Document fourni par J.Sequeira, 63 Projet de Corpo Da Guarda79 Résultats et financements de l'opération de Corpo Da Guarda80 L'idée de ce projet était que les propriétaires s'associent pour mettre en place une offre qui corresponde à la demande. En mutualisant les surfaces, les appartements à la fin de l'opération sont agrandis et des espaces de parking ont été créés. 79 80 Document fourni par J.Sequeira Document fourni par J.Sequeira 64 Toutes ces évolutions ont été permises sans altérer la structure des bâtiments (auxquels il est très difficile de toucher étant donné le classement en patrimoine mondial de l'Unesco). Il est donc intéressant de voir qu'un changement d'usage est possible tout en conservant la trame préexistante à l'opération et que l'opérateur public peut assister une telle transformation, sans investir beaucoup d'argent (86% du coût des travaux ont été supportés par le secteur privé). La puissance publique prend également en considération les difficultés que peuvent rencontrer certains propriétaires dans le centre ancien pour faire face à la nécessaire réhabilitation de leur bien. Une des causes principales du manque de rénovation dans le centre ancien de la ville a été le blocage des loyers pendant des dizaines d'années (notamment sous la dictature de Salazar). Ce blocage, s'il a permis de loger dans le centre des personnes ayant peu de ressources, n'a pas rendu possible les travaux de rénovation nécessaires suite au vieillissement des logements. Les ressources en provenance des loyers n'était pas suffisants pour faire les travaux et certains propriétaires ont préféré laisser leur logement vacant. Aujourd'hui, les loyers sont progressivement actualisés (avec des situations où les loyers sont encore nettement en dessous des loyers de marché). Pour combler ce retard, Porto Vivo SRU a mis en place un programme pour aider les propriétaires qui sont restés sur les montants des loyers de 1948 (le programme RECRIA81). Ce programme a pour but d'encourager, par des incitations financières, les propriétaires modestes à effectuer des travaux. Par conséquent, Porto Vivo SRU, structure publique de rénovation urbaine, fait appel aux outils coercitifs et incitatifs pour encourager les propriétaires à rénover, mais l'organisme dispose également d'un rôle d'accompagnateur et de soutien pour les acteurs privés qui sont parfois démunis, notamment face au morcellement de la propriété et face aux coûts que les travaux peuvent représenter. 3) Des structures complémentaires pour aider l'action publique : le cas de Brasov A Brasov, la puissance publique manque de moyens et l'appui de structures annexes, plus ou moins indépendantes, est indispensable. La principale difficulté réside dans la mise oeuvre des plans et des règlements qui existent et qui sont assez détaillés (comme l'exemple du plan zonal de la zone historique présenté ci-dessous). 81 http://www.portovivosru.pt/sub_menu_9_3_6.php 65 Plan zonal de la zone historique82 Des organismes se sont alors créés pour assister les autorités locales, à la fois pour les projets locaux mais également pour la réflexion à l'échelle intercommunale et pour la recherche de financements. C'est le cas de l'agence métropolitaine de Brasov (agence qui a un statut d'association). Cette agence a été créée en 2006 en englobant 13 communes de tailles variables et ce sont ces communes qui financent en grande partie l'agence par leur adhésion. Ses objectifs sont notamment l'élaboration de plans stratégiques locaux ainsi que d'un plan stratégique pour l'aire métropolitaine de Brasov. La promotion de l'image de l'agglomération est également importante. Son rôle se rapproche donc de celui des agences d'urbanisme en France. Néanmoins, les responsabilités de cette agence aux 82 Document fourni par K.Creosteanu 66 moyens humains plutôt limités (avec 13 personnes qui travaillent pour cette agence, contre 44 par exemple pour l'agence de Nancy) sont plus larges. En parallèle de cette activité, l'agence est également la structure qui établit les dossiers pour les aides européennes et à destination des différents donneurs potentiels. Cette action est très importante étant donné l'impact des programmes et aides européens pour la ville. La ville fait ainsi partie du réseau Links (Urbact) et a participé au programme Jessica for cities . Les fonds de préadhésion ont également permis de rénover une partie des espaces publics de la ville (comme la zone autour des remparts) De plus, l'assistance technique fournie aux communes est accompagnée de formation en management public. Cette agence permet donc à l'aire métropolitaine d'accéder à des financements et des savoir-faire qui lui sont nécessaires pour pouvoir se développer et également réhabiliter les espaces dégradés ou peu mis en valeur, comme le centre ancien. Encadré 3: la réhabilitation des quartiers anciens et les programmes européens : Urbact et le programme Links A l'échelle européenne, la problématique des centres anciens est fédératrice puisqu'elle recoupe des thématiques transversales et rencontrées par un nombre important de villes. Le réseau Urbact83 réunit environ 300 villes (chiffre variable en fonction de la mise en place des programmes) qui se trouvent dans 29 pays et avec plus de 5 000 participants. Ce programme fédère des villes autour de thématiques très variées et a pour but une mutualisation des pratiques et un échange à l'échelle européenne. Le fil conducteur est le développement urbain durable. Au sein d'Urbact, un programme en particulier s'intéresse aux quartiers historiques et à leur développement. Il s'agit du programme Links84. L'objectif est d'envisager la ville historique comme le support du développement durable et en tant qu'éco-quartiers de demain. Le postulat de départ est que la ville historique réunit un ensemble de critères propres à la ville compacte et possède une urbanité intrinsèque (avec une densité importante, une qualité architecturale certaine, des commerces nombreux..). Pour faire face au déclin de ces centres (lié à la fuite de la population, la dégradation des bâtiments..), le programme se propose de mutualiser les expériences et de changer le regard sur ces espaces qui pourraient correspondre au modèle de la ville durable. Les villes qui font partie de ce programme dirigé par la ville de Bayonne sont Anderlecht (Belgique), Kilkenny (Irlande), Brasov (Roumanie), Freiberg (Allemagne), Budrio (Italie), Almeria (Espagne), Veria (Grèce) et Delft (Pays-Bas). A Brasov, l'action publique s'appuie en partie sur des structures qui gèrent à la fois des questions d'urbanisme (comme la collaboration à l'élaboration de documents stratégiques à l'échelle locale) et des questions de mise en oeuvre et de procédures (comme la recherche de financements européens par exemple). 4) Bristol : le levier du logement social A Bristol, l'action publique doit composer avec l'influence très importante des acteurs privés et notamment des promoteurs. 83 84 http://urbact.eu/fr/homepage-2/ http://urbact.eu/fr/projects/cultural-heritage-city-development/links/homepage/ 67 La réalisation d'un cadre de développement à l'échelle de la ville85 permet néanmoins à l'autorité locale de donner une orientation au développement des quartiers. Ce cadre définit un ensemble de politiques à respecter pour l'ensemble des acteurs de l'aménagement du territoire. L'exemple du « logement abordable » est intéressant. Ce logement est défini comme « un logement qui répond aux besoins de ménages dont les revenus ne leur permettent pas de louer ou d'acheter aux prix du marché local. Il peut concerner les logements sociaux locatifs comme les logements loués gérés par les autorités locales ou des loueurs sociaux enregistrés ou des logements intermédiaires où les prix du logement et des loyers sont au-dessus des loyers sociaux mais en-dessous des prix du marché86 ». Il s'agit donc d'une définition plus large que le logement social en France. Ce type de logement répond à un réel besoin puisqu'en 2006, les prix les plus bas pour les maisons étaient plus de huit fois supérieurs au plus bas niveau de revenus enregistré. Une part de la population de la ville rencontre donc de grandes difficultés pour se loger87. Pour répondre à cette problématique, qui n'intéresse pas a priori les investisseurs privés, la ville a mis en place une réglementation qui impose à tous les programmes résidentiels de plus de quinze logements de comporter au moins 30% de logements abordables (voire plus dans certains secteurs déficitaires de la ville). 85 http://www.bristol.gov.uk/ccm/content/Environment-Planning/Planning/planning-policy-documents/bristoldevelopment-framework/core-strategy.en 86 87 Bristol Citycouncil (2010), The Bristol development framework, Core strategy, p 95, traduit par l'auteur Ibid, p 95 68 Pourcentages exigés de logements abordables par zones stratégiques88 En théorie, la réglementation est donc utilisée par la puissance publique pour faire pression sur les promoteurs qui réalisent les programmes. Cependant, en pratique, il semble que la réalité soit plus contrastée et que les impératifs budgétaires des promoteurs prennent le pas sur les contraintes sociales. Le positionnement de la ville est difficile à tenir car peu d'argent public est investi pour la réhabilitation mais des contraintes assez fortes sont énoncées. Par exemple, dans l'opération de Canon's Marsh (qui se situe à proximité du port flottant) sur les 360 appartements construits, seuls 15% sont destinés à du logement abordable et le promoteur a fait savoir que sur chaque logement abordable, il perdait environ 80 000£89. A Bristol, le logement dit abordable est un des outils les plus contraignants à disposition de l'autorité publique pour orienter les projets vers une dimension plus sociale. Mais la stratégie semble difficile à implanter dans un contexte de marché tendu. Bristol Citycouncil, op.cit Bromley, R.D.F., Tallon, A.R. and Thomas, C.J. (2005) "City centre regeneration through residential development: contributing to sustainability", Urban Studies 42: 2407-2429 89 88 69 La puissance publique a donc un spectre d'intervention assez large. Dans tous les cas, son impact est important car il détermine l'orientation et la direction des projets de réhabilitation de quartiers centraux de la ville. Ces projets s'insèrent dans un tissu urbain spécifique, celui des quartiers anciens. L'enjeu est de faire correspondre l'offre à la demande actuelle, en partant d'un tissu existant ancien et donc pensé à une autre époque. La question de la résilience90 des formes urbaines, et donc de leur adaptabilité est posée. 90 La résilience des formes urbaines se caractérise par le maintien d'une certaine stabilité dans le changement, il s'agit d'une « aptitude d'un ensemble de formes à maintenir sa structure alors que les formations sociales ont changé et se transforment, jusqu'à un point de rupture », Morphologie dynamique des réseaux viaires.L'exemple du Val d'Oise étudié par S. Robert www.archeogeographie.org/formation/sorbonne/.../viaires.pps 70 VII) Résilience des formes urbaines : destruction ou patrimonialisation 1) Valeur du patrimoine et nécessité d'adapter les formes urbaines : des situations contrastées La notion de patrimoine est difficile à définir car il s'agit d'une construction collective. Si certains critères objectifs peuvent être utilisés pour la définition d'un élément patrimonial (comme par exemple l'ancienneté d'un bâtiment), le classement du tissu urbain est souvent opéré de façon subjective, en fonction des représentations que la collectivité a d'une époque, d'un bâtiment. Cette question du patrimoine est importante à prendre en compte dans la réhabilitation des centres anciens puisqu'elle conditionne en partie les formes urbaines qu'un projet peut envisager. Elle questionne également la résilience des formes urbaines caractéristiques d'un quartier ancien historique. Diversifier les usages tout en tentant de conserver les formes est un des enjeux de la réhabilitation des centres anciens dégradés. La ville la plus emblématique de cette absence apparente de résilience des formes urbaines dans le centre ancien est Porto. En effet le classement au patrimoine mondial de l'Unesco d'une partie de son centre a figé les formes et les structures. Aujourd'hui, la tâche des opérateurs de la rénovation est donc plus ardue et ils sont contraints de trouver des astuces pour conserver le tissu urbain actuel tout en les adaptant aux usages modernes et à la demande. A Halle, cette notion de conservation du patrimoine est au second plan, notamment face à l'importance du tissu hérité de la période communiste qui n'est pas considéré comme étant un patrimoine valorisable. L'image qui en ressort est assez négative et cette architecture a été rejetée massivement après la chute du mur. Aujourd'hui, les regards évoluent progressivement. Néanmoins, ce sont ces formes urbaines associées à cet urbanisme de barres qui sont majoritairement détruites aujourd'hui à cause du déclin démographique de la ville. Les structures pensées pour une ville en croissance ne sont plus adaptées à la décroissance actuelle. Dans le centre ancien, la situation inverse se produit. Si pendant la période communiste, le centre ancien a été délaissé, la stratégie d'aujourd'hui est de valoriser ce centre qui possède les équipements et les infrastructures nécessaires aux habitants. La question des formes urbaines n'est que très peu prise compte car, une fois encore, la question du patrimoine n'est pas la question principale. Il faut rénover pour rendre plus attractif. Une certaine continuité du bâti est néanmoins maintenue. Le tissu urbain actuel de Bristol sert de base pour de nouveaux projets et de nouveaux usages. Par exemple, à Harbourside, une partie du patrimoine (ou des espaces considérés comme tels) est conservé afin de garder une atmosphère en lien avec l'ancienne activité portuaire. Une certaine mise en scène est opérée par les promoteurs (avec la conservation des rails et d'anciens wagons par exemple à Harbourside). Dans le quartier de Knowle West, la structure est conservée mais face à la pression foncière, le choix va à la densification de l'espace. L'ancienne cité jardin risque donc de perdre de son caractère pour devenir un quartier plus urbain. Néanmoins, peu de destructions sont à prévoir. 71 La résilience des formes urbaines à Brasov est en question devant le manque d'application des réglementations, qui pourtant existent. La notion de patrimoine se concrétise par un classement des bâtiments (notamment en fonction de leur ancienneté). L'héritage est très présent dans cette ville aux influences culturelles diverses (allemandes, hongroises, turques..). Cependant, la prise de conscience de cet héritage est encore faible et l'action d'acteurs privés est un des moteurs de sa préservation. 2) Classement Unesco : opportunités et limites: le cas de Porto Le centre historique de Porto est classé au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1996. Encadré 4 : le classement au patrimoine mondial de l'Unesco Le rôle de l'Unesco dans le classement au patrimoine mondial est essentiellement d'accompagner les villes dans leur décision de protéger leur héritage. L'initiative provient dans la majorité des cas de la ville elle-même qui peut ainsi obtenir un label valorisable pour le tourisme et l'image de la ville. Ce label permet également de protéger un patrimoine qui pourrait disparaître, sous la pression foncière ou par manque d'adaptation aux besoins actuels. L'Unesco ne fournit pas d'argent mais elle peut apporter une assistance technique aux villes et elle constitue une plate-forme d'échanges à l'échelle mondiale entre les villes. Les conséquences d'un classement au patrimoine mondial sont assez lourdes car les sites sont ensuite soumis à des règles strictes pour leur développement et leur réhabilitation. A Porto, le classement Unesco du centre historique a contraint la ville à revoir son règlement pour la zone historique (avec des réglementations pour la publicité par exemple ou les usages des espaces publics).91 Si de nombreux centres historiques sont classés, d'autres espaces plus ou moins urbains le sont également, comme c'est le cas des anciens sites industriels allemands. La ville moderne est quant à elle très peu présente dans ce classement et cela illustre le manque de considération à l'égard de ces constructions qui façonnent pourtant encore beaucoup de villes. « L'héritage » soviétique est ainsi omniprésent dans des villes comme Halle ou même Brasov mais absent de la liste de l'Unesco. Ce classement a permis d'opérer un changement de regard sur cette partie de la ville. En effet, elle est aujourd'hui considérée comme un patrimoine à valoriser, et son état de délabrement actuel doit être modifié. Des contraintes quant à la conservation des structures et des façades accompagnent ce classement Unesco. L'intérêt majeur pour la ville est de pouvoir ensuite promouvoir ce label pour attirer le tourisme dans cette ville qui se tourne de plus en plus vers la culture pour devenir attractive (avec également la célébration en 2001 de Porto comme capitale européenne de la culture et la construction pour cette occasion de bâtiments emblématiques comme la Casa da Musica construite par Rem Koolhass). Pour le centre ancien, ce recours à des bâtiments modernes phares ne peut être utilisé car les façades doivent être conservées. La stratégie est donc de miser sur le caractère historique de ce lieu. Pour pouvoir conserver une atmosphère « authentique » dans le quartier historique de Porto, il a été nécessaire de le connaître de façon plus précise. En effet, les formes ont dû être répertoriées et étudiées et les conditions de vie des habitants analysées. Ce travail de repérages et de connaissance du quartier était d'autant plus nécessaire que 91 http://whc.unesco.org/archive/periodicreporting/EUR/cycle01/section2/755-summary.pdf 72 les limites choisies par l'Unesco ne correspondent pas aux limites administratives des quartiers de la ville. Les données par quartier dont la collectivité disposait ne pouvaient donc pas être utilisées. Les différents périmètres de protection du patrimoine dans le centre ville 92 (en vert : périmètre Unesco, en bleu : zone de protection délimitée par la mairie) Cet aspect est intéressant car il a mené Porto Vivo SRU à réaliser une enquête de terrain approfondie pour nourrir une base de données regroupant des informations sur le bâti, sur les habitants actuels et les travaux en cours ou prévus. Cette base a pris une année à être finalisée par les membres de Porto Vivo SRU et son objectif est d'être actualisée au fur et à mesure du processus de requalification du quartier. A terme, l'ambition est de rendre accessible à tous les acteurs de la réhabilitation ces informations qui permettent ensuite de rendre compte à l'Unesco des travaux accomplis mais également de mener un projet cohérent, qui prend en compte le contexte dans lequel il s'inscrit. En effet, plusieurs échelles d'analyse sont utilisées, du quartier dans son ensemble à l'immeuble. 92 Carte issue de la base de données bâtie par Porto Vivo SRU 73 Les opérations de réhabilitation urbaine93 A l'échelle du quartier, l'ensemble des opérations de réhabilitation sont répertoriées (comme sur la carte ci-dessus). Le nombre de m², le périmètre concerné ainsi que le nom du quartier sont mentionnés. 93 Carte issue de la base de données bâtie par Porto Vivo SRU 74 Informations par immeuble94 Ensuite, par immeuble, une série d'informations sont notifiées, comme par exemple des photos (à mettre ensuite en regard avec l'état futur), une description de l'état actuel de l'immeuble et l'occupation. 94 Carte issue de la base de données bâtie par Porto Vivo SRU 75 Localisation des industries créatives95 Mais l'état des logements n'est pas la seule information répertoriée. La localisation des différentes entreprises est notifiée, comme par exemple les entreprises créatives sur la carte ci-dessus. La connaissance du quartier s'étend donc aux différentes fonctions urbaines. En parallèle, Porto Vivo SRU effectue un suivi de l'évolution des prix du marché du logement (pour la location et la vente) dans le quartier central. Cette connaissance du quartier est un atout très important qui peut être vu comme une conséquence de la labellisation Unesco. La réhabilitation des immeubles est cependant conditionnée par la conservation des structures et des façades. Si cela permet de conserver cet héritage construit au fil des années, les coûts de la réhabilitation sont beaucoup plus élevés (car les travaux sont techniquement plus difficiles).Les prix des logements à la sortie sont donc parfois trop hauts pour que la population locale puisse se permettre d'acquérir ces nouveaux logements. Ce phénomène explique aussi pourquoi, en moyenne, les logements en centre ville coûtent plus cher que les logements en périphérie, malgré leur taille moindre96. Outre cette élévation des prix des logements, la réhabilitation sous le contrôle de l'Unesco entraîne parfois les opérateurs à faire du « façadisme », c'est-à-dire à conserver la façade et ensuite démolir ce qu'il y a derrière. Dans d'autres cas, et surtout lorsque c'est la ville qui se charge de la réhabilitation, l'ensemble de la structure doit être impérativement conservée et les travaux sont rendus très difficiles. 95 96 Carte issue de la base de données bâtie par Porto Vivo SRU Urban Audit 76 Qui plus est, une fois ces travaux effectués, l'offre qui sera proposée ne correspond pas nécessairement à la demande actuelle (les logements étant souvent trop exigus). Le classement au patrimoine mondial de l'Unesco a donc permis à la ville de Porto de faire connaître son centre ville mais surtout de le mettre en valeur en le réhabilitant en conservant les structures et les formes urbaines. La très bonne connaissance de la réalité urbaine et sociale du centre ancien permet aux différents projets en cours de répondre à des besoins actuels tout en tentant de satisfaire une demande latente et de développer de nouveaux usages. Par ailleurs, l'exemple de Porto illustre la grande résilience des centres anciens. En effet, grâce à leur forte urbanité et à la concentration d'infrastructures et d'équipements, un même quartier peut accueillir des fonctions et des populations différentes. La patrimonialisation est certes un risque mais l'enjeu réside avant tout dans les opportunités d'appropriation de l'espace offerte par le quartier (au travers d'équipements structurants, d'espaces publics et de diversité de types de logement notamment). 3) Financements de la réhabilitation et implication d'acteurs privés: le cas de Brasov La notion de patrimoine est, comme mentionnée précédemment, une question de construction collective. Dans certains cas, l'héritage conservé est important, mais la population n'y prête pas une grande attention, par manque de moyens ou par manque d'intérêt. C'est le cas à Brasov. Cette ville a pu conserver une grande partie de son tissu historique, issu de la période germanique (et notamment le quartier de la citadelle et celui de Schei). Pourtant, une part importante de cet héritage a été détruit pendant la période communiste (notamment à Bucarest avec la construction du palais du peuple de Ceausescu). Aujourd'hui, il existe à Brasov un règlement assez fourni pour la protection du patrimoine et principalement de la vieille ville (avec notamment la présence d'une législation spécifique à cet espace). Mais sa mise en oeuvre pose des problèmes car la sensibilisation des habitants est encore en cours et le pouvoir des investissements privés dépassent parfois ces contraintes. Par exemple, dans le quartier de Schei, la conservation du style architectural « typique roumain » est un enjeu fort. Face à la pression d'acheteurs privés avec des moyens financiers assez importants, certaines concessions sont faites et des logements modernes sont construits. Ces logements sont souvent plus grands et ne prennent pas en compte le contexte dans lequel ils s'inscrivent. Sans classement UNESCO comme à Porto et sans applications des règles précises concernant la préservation du patrimoine, la solution trouvée est l'implication forte d'acteurs privés qui entraîne ensuite une série d'actions en faveur de la conservation de cet héritage historique. Elles constituent la base d'un réseau associatif qui gère la réhabilitation d'éléments ponctuels et les retombées bénéficient à la fois aux habitants et à l'image de la ville. L'exemple de la réhabilitation des portes du centre historique est intéressant. Au départ, des propriétaires se sont mobilisés et ont sollicité l'appui d'une architecte spécialisée dans la question du patrimoine pour l'alerter de l'état défectueux de la porte d'entrée de leur cour. Cette porte est un des éléments constituant l'ensemble architectural du centre historique et un bon nombre de ces portes sont dégradées. Après une recherche de fonds, la réhabilitation a 77 été réalisée par une équipe dirigée par cette architecte, avec le soutien de la fondation ProPatrimonio97. Le succès de cette réhabilitation a permis aux différents acteurs de se faire connaître et de promouvoir leur projet (à travers notamment des articles de presse). Grâce à cette publicité, d'autres personnes se sont intéressées au sort de ces portes et plusieurs projets ont pu être financés. Cet exemple illustre le fait qu'une initiative individuelle peut déboucher sur la réhabilitation d'un ensemble d'éléments constituant la ville historique et éveiller l'intérêt pour la sauvegarde d'un patrimoine architectural emblématique du lieu. L'exemple de Brasov permet de réaliser qu'une construction collective patrimoniale peut se former par le haut (comme à Porto avec le classement Unesco) ou en partant des citoyens eux-mêmes. Il semble donc que la résilience des quartiers anciens soit intéressante à prendre en compte dans les projets de réhabilitation. Il est possible dans certains cas de partir de la morphologie urbaine existante pour s'adapter à la demande actuelle. Mais le bâti n'est pas le seul élément préexistant à une opération de réhabilitation. La question de la population résidante est également importante à prendre en compte et les quatre villes étudiées n'ont pas la même approche sur ce sujet. 97 http://www.propatrimonio.org/en/index.html 78 VIII) Populations modestes et objectifs de mixités: impératifs économiques, considérations sociales et prise en compte des usages 1) Approches opérationnelles de la mixité : du social à l'usage La mixité est un des concepts phare de la ville durable. Il englobe des réalités et des problématiques diverses, que ce soit concernant la population (avec la mixité sociale et générationnelle) ou en lien avec les usages (mixité fonctionnelle). Le postulat de départ est qu'une ville aux fonctions variées, avec une population mélangée, est plus vivante, plus urbaine et plus respectueuse des impératifs liés au développement durable (en termes sociaux, environnementaux et économiques). Ainsi, la mixité sociale est une des entrées majeures des programmes de rénovation urbaine en France. L'enjeu est de parvenir à gérer à la fois le relogement des habitants tout en parvenant à attirer une certaine mixité dans le quartier. En Europe, le relogement est également une problématique, plus ou moins aiguë en fonction des villes et des situations du marché du logement. Les approches opérationnelles de la mixité sont quant à elles variées et les objectifs multiples. La forte vacance du quartier historique de Porto est vécue comme une chance pour la gestion de la réhabilitation. En effet, elle permet d'envisager la question du relogement de la population résidante sans trop de difficulté pendant les opérations de réhabilitations lourdes qui exigent le départ temporaire des habitants. La vacance est aussi une opportunité pour mettre en place une offre variée de logements qui a pour objectif une mixité sociale et surtout générationnelle importante. A Halle, l'enjeu majeur est de parvenir à maintenir la population actuelle en place, face au processus de déclin démographique. La question du logement social ne se pose pas dans les mêmes termes que dans les quartiers anciens inscrits dans un marché du logement tendu. En effet, la déprise urbaine entraîne une chute globale des prix des logements et le logement des populations les plus modestes est moins problématique. Le logement social n'est pas une question à Halle où le prix moyen de location se situe entre 5 et 5,50 euros par m²98. Néanmoins, la crise économique et le chômage très élevé dans la ville font qu'une partie de la population ne parvient plus à payer son loyer. La question du logement des populations les plus modestes est abordée d'une façon un peu différente à Bristol. En effet, si le pourcentage de logements dits abordables est imposé, il n'est pas toujours respecté et l'équilibre des opérations est souvent mis en avant par les promoteurs pour diminuer le nombre de logements abordables. Mais l'approche des acteurs de la réhabilitation concernant la mixité sociale est aussi liée à la vie du quartier. En effet, des études ont été menées pour analyser l'impact d'une population mixte sur les usages du quartier (de jour comme de 98 Selon S.Fliegner 79 nuit). Cette approche originale et très statistique plaide pour une diversité plus grande des habitants dans les quartiers centraux. La mixité sociale n'est pas la préoccupation première de la réhabilitation du centre ancien de la ville de Brasov. En effet, la population résidente est âgée (dans une ville où l'âge médian est de 40 ans99) et la question principale est la pérennité de la fonction résidentielle dans le centre. En effet, étant donné les loyers élevés exigés dans le centre ville (dus à la localisation avantageuse et à la pression des commerces et des services comme les banques), de plus en plus de logements disparaissent au profit de bureaux. Aujourd'hui, la fonction résidentielle occupe encore plus de 50% de l'espace dans le centre ancien100. Par ailleurs, le logement social ne représente qu'une infime partie du parc de logement. Il est géré en régie par la ville (à travers une administration spécifique) et concerne les populations les plus démunies. 2) Volonté claire de mixité sociale et d'usages : le cas de Porto L'objectif affiché du programme de réhabilitation urbaine du quartier historique de Porto est de diversifier les usages et d'obtenir une mixité sociale et générationnelle importante. L'approche opérationnelle du projet va donc dans ce sens et les partenariats avec le privé s'orientent notamment vers la construction d'une résidence étudiante et la réhabilitation d'une maison de retraite dans le quartier de Sé. Localisation des différents projets, quartier de Sé101 Agence métropolitaine de Brasov, (2010), Key numbers in the Brasov Metropolitan Area Selon L. Bartha 101 Documents fournis par Porto Vivo SRU 99 100 80 Répartition des fonctions (en m²) dans le quartier de Sé (après réhabilitation)102 Le tableau ci-dessus illustre le fait qu'une part importante des m² construits dans le quartier est occupée par des équipements qui vont dans le sens de la mixité urbaine. Entre la résidence étudiante, l'hôtel et la résidence pour personnes âgées, 23% des m² (soit environ 9000 m²) sont utilisés. La population actuelle du quartier ne sera pas contrainte au départ dans l'immédiat car la vacance importante actuelle permet aux opérateurs du projet d'utiliser des espaces vides pour la réalisation de leurs programmes. Par ailleurs, l'implantation de logements sociaux est prévue dans le quartier par l'autorité locale. La question se pose néanmoins à plus long terme, notamment en lien avec la hausse irrémédiable des prix dans le quartier. En effet, comme mentionné précédemment, certains loyers sont bien plus bas que les prix du marché. La solution trouvée a été d'actualiser très progressivement ces loyers pour permettre aux locataires de s'adapter et aux propriétaires de récupérer plus d'argent et d'être en possession d'un bien plus rentable. Une fois les loyers actualisés, reste à savoir si le profil socio-économique du quartier va rester le même. A Porto, le maintien dans le quartier de la population actuelle est permis par la forte vacance, l'actualisation progressive des loyers actuels qui sont très bas et ponctuellement par l'implantation de logements sociaux. L'approche opérationnelle se base sur une mixité permise par une diversification des équipements et des types de logements. 3) Mixités et animation du quartier : le cas de Bristol A Bristol, l'approche de la mixité sociale s'appuie en apparence sur le même système de pourcentage de logements sociaux qu'en France. Néanmoins, l'idée de mixité n'est pas seulement liée à des critères sociaux. L'ambition est aussi de dynamiser le quartier et d'en favoriser les usages multiples. Pour ce faire, des études ont été menées sur les fréquentations des différents lieux du centre ville de Bristol, de jour comme de nuit103. La conclusion principale est que la mixité sociale peut « être le support d'usages variés des fonctions traditionnelles du centre ville »104 Documents fournis par Porto Vivo SRU Bromley, R.D.F., Tallon, A.R. and Thomas, C.J. (2005) "City centre regeneration through residential development: contributing to sustainability", Urban Studies 42: 2407-2429 104 Ibid, traduit par l'auteur 102 103 81 En parallèle de cet intérêt pour la mixité sociale, la stratégie de la « résidentialisation »105 du centre ville est présente à Bristol. Cette stratégie consiste à encourager le développement de la fonction résidentielle dans le centre ville en accord avec l'idée de mixité fonctionnelle. En effet, avant le retour vers le centre engendré par la politique du New Labour, les logements étaient peu présents et peu mis en valeur dans un bon nombre de centres ville anglais. Aujourd'hui, cette fonction est encouragée afin de diversifier les usages du centre, pour répondre à une demande forte de logements et également pour participer à la reconversion d'espaces en déshérence. La concrétisation de cette volonté de mixités n'est pour autant pas évidente, que ce soit concernant la mixité fonctionnelle ou la mixité sociale. Ainsi, le quartier commercial de Broadmead, s'il a été rénové et est aujourd'hui attractif, n'accueille que très peu de logements et est désert la nuit. En ce qui concerne la mixité sociale, l'exemple de Knowle West est lui aussi révélateur de la difficulté de développer des quartiers mixtes. Le quartier est un des plus pauvres de la ville et sa situation est assez enclavée. La majorité de la population est constituée par des familles (souvent monoparentales)106. La densité y est très faible (30 logements à l'hectare). Pour répondre à l'impératif de constructions (selon le Bristol City Council's affordable housing delivery plan for 2006-2010, 400 nouvelles maisons devaient être construites par an), le quartier de Knowle West a attiré les convoitises. L'objectif est aujourd'hui de passer à une densité de 50 logements à l'hectare. Or, l'ensemble des projets en cours prennent en compte la volonté de mixité sociale107 mais sa réalisation à terme n'est pas encore certaine. Ce quartier est un des plus défavorisé de la ville et les promoteurs consentent aujourd'hui à y investir car la pression foncière dans le centre est forte. Néanmoins, le mélange avec la population actuelle du quartier n'est pas une priorité et les développements futurs, sans intervention de la mairie, auraient tendance à s'implanter en périphérie du quartier, à proximité des axes de transport. A Bristol, la mixité est perçue comme un outil de revitalisation du centre mais aussi et surtout comme un support de rationalisation de l'usage de l'espace. Les temporalités liées aux différentes fonctions et aux populations sont variées et permettent ainsi d'avoir un espace central urbain et animé. Bromley, R.D.F., Tallon, A.R. and Thomas, C.J., op.cit Knowle West Regeneration Framework Baseline Briefing, 2009 107 « Maintain, provide or contribute to a mix of housing tenure types and sizes to help support the creation of mixed, balanced and inclusive communities », Knowle West Regeneration Framework Baseling Briefing, 2009 105 106 82 IX) Conclusion Ce tour d'horizon a donc permis de recueillir des manières de faire, des impressions et des avis en lien avec la requalification des quartiers anciens dégradés. Qu'en retenir ? Tout d'abord une grande diversité de situations et d'approches avec dans chaque ville des particularités. A Porto, le projet urbain intégré, en lien avec un classement au patrimoine mondial de l'Unesco, se base sur une très bonne connaissance du quartier, un organisme public aux compétences plurielles et une implication du secteur privé. A Brasov, le secteur privé est également très présent (notamment concernant la réhabilitation des éléments patrimoniaux), mais la collectivité locale s'organise, tant à l'échelle de la ville que celle de la métropole. L'importance de l'Union européenne y est également claire. L'exemple de Halle illustre le fait qu'un urbanisme à petit pas, centré sur des espaces choisis permet en partie de prévenir les conséquences d'une forte déprise urbaine, même si les destructions massives de logements vacants restent nécessaires. A Bristol, l'implication du secteur privé est forte et des outils spécifiques sont mis en place pour la gestion de la réhabilitation des espaces par ce secteur. Avec le recul, ces outils, s'ils présentent une bonne base d'action dans un contexte de réduction des subventions publiques, exigent un contrôle encore incertain à ce jour. Au-delà de ce constat qui invite à aller étudier de façon plus approfondie chacune des expériences ou à s'inspirer de celle(s) correspondant le mieux au contexte urbain considéré, nous pouvons présenter quelques pistes de portée plus générale, celles-là même qui permettront, nous l'espérons, d'enrichir le débat public et d'éclairer les décideurs108. Le potentiel de métropolisation élément discriminant des conceptions de l'intervention ? L'examen des situations confirme l'intuition de départ que plus encore que la centralité géographique ou fonctionnelle, le contexte métropolitain et le potentiel que recèle le quartier ancien au regard de celui-ci constitue un élément décisif de l'intervention. Une chose est de réhabiliter un quartier que seuls des obstacles matériels et juridiques maintiennent à l'écart d'un marché de l'immobilier porté par une attractivité globale de l'aire urbaine, une autre est de le rendre attractif alors même que la déprise, nourrie par l'écart de l'agglomération des territoires économiquement productifs ou de la manne touristique, affecte le centre, comme la périphérie. Dans un cas, c'est le contrôle des flux (de capitaux, de véhicules, d'habitants) qui va s'avérer l'enjeu essentiel de l'intervention publique, dans l'autre, c'est la capacité à redonner à l'espace sa faculté de répondre aux besoins et aux aspirations d'une population qui n'a d'autres droits à faire valoir et d'autres opportunités à saisir que ceux « d'être là ». Une gouvernance publique agencialisée, gage de souplesse... sans garantie de succès Nous notons le recours systématique à des instruments spécifiques pour mener à bien les projets de renouvellement urbain, qu'ils soient dédiés exclusivement au projet d'une ville ou qu'ils concernent l'ensemble des quartiers anciens 108 Les éléments qui suivent sont le produit d'un échange avec les chargés de mission du PUCA en charge du suivi de l'étude. 83 au sein d'une politique nationale. Ce recours à des instruments qui ont en commun un agencement spécifique de moyens financiers, d'expertise et de pilotage, se rapproche de l'agencialisation des politiques publiques impulsée par la diffusion du « new public management » dans les villes européennes. Au-delà de cette lecture « politiste » des observations menées, force est de constater que ces instruments présentent l'avantage d'intégrer et de mutualiser en leur sein, et à des échelles permettant leur mobilisation rapide, des moyens correspondant à l'enchevêtrement des problèmes que posent les quartiers anciens dégradés et que des approches sectorielles où trop « administratives » ne parviendraient pas à démêler aussi efficacement. Pour autant, l'observation montre que ces instruments ne sont pas la panacée que l'on attendait d'eux. L'état du marché et les dynamiques urbaines sont en effet plus structurants que les instruments ainsi conçus. Une mobilisation croisée des ressources publiques/privées pour quelles finalités ? Dans la plupart des cas, on remarque des tentatives plus ou moins abouties de mobilisation de ressources privées afin de compléter ou de se substituer à des financements publics insuffisants ou incertains. Nous sommes tentés toutefois de distinguer les logiques d'action en fonction des fins recherchées. La première est celle de la substitution : la collectivité et l'État cherchent un tiers investisseur pour des opérations d'ensemble dans un contexte de fort différentiel entre les ressources publiques et les prix du marché. La puissance publique use d'un cadre réglementaire pour obtenir des contreparties (pourcentage de logements sociaux, ou équipements publics...). La seconde est celle de la mobilisation : la collectivité publique incite les propriétaires individuels à réaliser les travaux et leur offre un complément de moyens. Les prix de sortie des logements restant inférieurs à ceux du marché, les investisseurs institutionnels et les banques sont moins spontanément mobilisables; c'est la puissance publique qui met en relation les propriétaires impécunieux avec des acheteurs prêts à revaloriser le bien. La voirie et les équipements restant eux aussi d'initiative et de financement publics. La troisième enfin, est celle du découplage. La puissance publique, locale, régionale ou nationale-fédérale intervient quasiment seule. L'idée n'est pas d'attirer des investisseurs dont on sait qu'ils ne viendront pas avant longtemps ni même d'aider les propriétaires à engager des travaux mais d'impulser une dynamique communautaire autochtone qui en dépit des départs et des démolitions donne à travers des équipements modestes et des évènements festifs une nouvelle image du quartier. Sous réserve d'inventaire complémentaire, ce sont les trois principales logiques qui nous ont semblé baliser les situations étudiées. Des espaces publics et équipements au service de l'image du quartier Il ressort également de l'examen des projets de requalification la nécessité de dépasser les seules actions sur le logement. Dans des contextes de marchés du logement détendus, le retour de la périphérie vers le centre ne peut s'opérer qu'à la suite d'un « changement d'image » des quartiers anciens. Si l'attractivité ne se décrète pas, il est clair que seule une action fine sur les équipements et les espaces publics peut ­ en lien avec l'intervention sur le logement ­ permettre de redynamiser un centre dégradé. Dans ce cadre, la fonction des équipements ne se limite pas à une satisfaction de besoins (immédiats ou projetés), mais à un outil de « marketing urbain » permettant de faire évoluer le regard des citadins sur le quartier. Ainsi, ces équipements culturels, qui sont supposés répondre aux aspirations de la population attendue, servent d'abord à symboliser la reconquête du quartier ainsi qu'une centralité 84 retrouvée. Ailleurs, l'implantation d'un équipement sportif semble redonner confiance en la capacité de l'action publique à agir sur un territoire, dans un contexte de déprise urbaine. L'enjeu est bien de changer l'image de ces territoires. La redécouverte du caractère pittoresque d'une trame viaire étroite montre combien, dans ces quartiers, la mise en scène des lieux est centrale. Il en va de même de toutes les réflexions autour de la notion de patrimoine entendu comme construction collective. Villes abordables, villes praticables Enfin, la question de la place des populations aux ressources modestes demeure l'une des plus délicates à restituer. Dans les contextes qui ont été présentés comme à fort potentiel, c'est par le logement social, souvent interprété dans son acception « résiduelle » - c'est-à-dire réservé aux plus pauvres ­ que le processus de gentrification sera combattu, qu'il soit mis en oeuvre au moyen d'opérateurs spécifiques ou qu'il repose sur un conventionnement plus diffus. Ailleurs, c'est la préservation d'un tissu de petits propriétaires, bailleurs ou occupants, qui constitue la préoccupation centrale des autorités locales. Dans les zones de forte déprise, ce sont les conditions du maintien d'une population modeste sans réelle concurrence, mais qui pâtit d'une dégradation générale de son environnement, qu'il s'agit d'assurer. Dans tous les cas de figure, ces opérations n'apparaissent pas être des leviers de déségrégation mais bien plus un moyen de replacer des quartiers dégradés dans une dynamique d'ensemble dont les tendances ségrégatives seront au mieux atténuées. Reste que l'accès aux centralités recréées et les possibilités pratiques qui y sont offertes pour s'y inscrire, en tant qu'habitant, passant, touriste ou citadin, semblent peser d'un poids au moins aussi lourd que l'accessibilité financière au logement dans l'urbanité des quartiers traités. La requalification des quartiers anciens dégradés reste une entreprise complexe, fortement ancrée dans son contexte local et qui nécessite un savoir-faire important. En France, ce savoir-faire se construit progressivement et les échanges avec le reste de l'Europe représentent une ouverture intéressante. 85 X) Bibliographie Agence métropolitaine de Brasov, (2010), Key numbers in the Brasov Metropolitan Area Apur, IAU, (2009), Initier des projets métropolitains, les enseignements des IBA en Allemagne, Conférence métropolitaine ANRU, (2008), PNRQAD, rapport au ministre du logement et de la ville ANRU, (2010), Règlement général de l'ANRU Bristol Citycouncil (2010), The Bristol development framework, Core strategy Bromley, R.D.F., Tallon, A.R. and Thomas, C.J. (2005) "City centre regeneration through residential development: contributing to sustainability", Urban Studies 42: 2407-2429 Code de la construction et de l'habitation (2010), Article L511-1 Colomb C., (2006), Le New Labour et le discours de la renaissance urbaine au Royaume Uni. Vers une revitalisation durable ou une gentrification accélérée des centres-villes britanniques, Claire Colomb, Sociétés contemporaines, n°63, pp15-37 Conseil Economique et Social, (2008), avirs et rapports, programme de requalification des quartiers anciens dégradés (article 12 du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion) Cunningham-Sabot E., Fol S., (2009), Shrinking Cities in France and Great Britain: A silent process?, p.17-27 in K.Pallagst, et al, The Future of Shrinking Cities, Center for Global Metropolitan Studies, Institute of Urban and Regional Development, and the Shrinking cities International Research Network (SCiRN), IURD Berkeley, University of California Debaecque V., (2009) L'intervention publique sur le parc privé dégradé ou indigne, les raisons et les moyens pour agir, DHUP PH3 De Gasperin A., (2006), Rénovation et réhabilitation des grands ensembles dans les nouveaux Länder :quel avenir pour la ville socialiste ?; Revue géographique de l'est, numéro vol 46/3-4 Florentin D., Leipzig ou la ville perforée. 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Dresde, Chemnitz et Magdebourg comme miroirs de l'urbanisme contemporain ?". Zepf M., Scherrer, F., Verdeil, E., Roth, H., Gamberini J., (2008), Les services urbains en réseau à l'épreuve des villes rétrécissantes : l'évolution des réseaux d'eau et d'assainissement Berlin-Brandebourg 87 ANNEXES 88 Annexe 1 : Liste des personnes rencontrées Brasov Lorant Bartha Kristina Creosteanu Silvia S. Demeter-Lowe Dania Sfarghiu Tudor Sfarghiu Liviu Zarnoveanu Bristol Sarah O'Driscoll Jawahar de Sousa Andrew Tallon Jason Thorne Halle Steffen Fliegner Klaus Friedrich Guido Schwarzendahl Babette Scurell Paris Guillaume Bourlier Didier Bravaccini Jean-Loup Drubigny Anne Grangé Michel Polge Porto Isabel Carvalho Alves Ana Delgado: Paulo Pinho Paulo Ponte Jose Sequeira Architecte, membre de l'ordre des architectes Membre de l'agence métropolitaine de Brasov Architecte, membre de l'ordre des architectes Architecte Architecte de la ville Architecte, membre de l'ordre des architectes Chargée de la planification stratégique, mairie de Bristol, Aménagement communautaire, mairie de Bristol Senior lecturer en politiques urbaines, université de West England, faculté de l'environnement naturel et construit Chargé du développement économique et culturel, mairie de Bristol, Service d'urbanisme, mairie de Halle Professeur, Institut des sciences de la Terre, géographie sociale, université de Halle Conseiller, Bauverein Halle & Leuna eG Sociologue, membre du bureau de l'IBA Chargé de projet, ANRU Chargé de projet, ANAH Directeur, Urbact Chargée de mission, bureau du parc privé et de la lutte contre l'habitat indigne Directeur, pôle de lutte contre l'habitat indigne Historienne, mairie de Porto Directrice, Porto Vivo SRU Professeur d'aménagement, directeur de CITTA (centre de recherché pour les Territoires, les transports et l'environnement, faculté d'ingénierie de Porto Relations publiques, Hard Club Service d'études et de planification urbaine, Porto Vivo SRU 89 Annexe 2 : Liste des projets retenus dans le cadre du PNRQAD 25 candidatures retenues : · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · Annonay : centre-ville Aubervilliers : centre-ville Bastia : centre ancien Béziers : centre-ville Bayonne : Petit et Grand Bayonne Bordeaux : coeur de ville Calais : Vauxhall-Fontinettes Carpentras : centre ancien Fort-de-France : Porte Caraïbe Le Havre : centre ancien Le Puy-en-Velay : centre-ville Lille métropole (cinq quartiers) Marignane : centre historique Meaux : centre historique et Saint-Nicolas Montreuil et Bagnolet : Bas Montreuil et Coutures Nices Côté d'Azur : Vernier-Thiers Perpignan : quartier de la gare Saint-Denis : centre-ville Sète : Révolution, Ile Sud et Quartier Haut Nîmes métropole (sur la commune de Saint-Gilles) : centre ancien Saint-Quentin : Faubourg d'Isle Sedan : centre ancien Troyes : Bouchon-de-Champagne Valenciennes métropole (cinq quartiers) Villeneuve-Saint-Georges : centre-ville 15 candidatures retenues, limitées à un accompagnement en ingénierie : · · · · · · · · · · · · · · · Aix-en-Provence : quartier ancien Carcassonne : bastide Saint-Louis Châtellerault : centre-ville et Châteauneuf Elbeuf : centre-ville Juvisy-sur-Orge : Pasteur La Seyne-sur-Mer : centre historique Maubeuge et Val de Sambre: Sous-le-Bois Montauban : Villebourbon et Sapiac Orléans : Carmes-Bannier Rennes : centre ancien Saint-Dizier : La Noue Saint-Étienne : Saint-Just-Pareille-Rondet et Chappe-République-Neyron Saint-Ouen : Rosiers-Debain Vienne : vallée de la Gère Vierzon : centre-ville 90 Annexe 3: Résumé en anglais Rehabilitation of deprived inner city areas European perspectives Brasov // Bristol // Halle // Porto Introduction In France, a new program concerning the rehabilitation of deprived inner city areas was launched in 2009. Indeed, in spite of decades of urban policies aimed at eradicating deprived housing, there are still nowadays districts where the situation remained unimproved. With this program, the idea is to develop an integrated urban development, steered at a national level (through the incentives of two agencies, Anah and ANRU and the ministry in charge of housing) and applied at a local level (at the municipality or metropolitan level). The implementation of this program is still in process and the idea arose that it would be interesting to go to other European cities and see how the rehabilitation of deprived inner city areas is done abroad. The aim was to come back with some good practices and ways of dealing with deprived inner city areas. To realize this report, a methodology was set up beforehand. For each site, a review of the main documents and articles related to our issues was made before going abroad. In addition to this theoretical approach, visits on sites and meetings with the important stakeholders were conducted in each city. It is important to notice that there are some limitations of this study, first of all because of the short period of time it covered. Indeed, in four months, it was impossible to build monographs of all the cities. Therefore, this study gives us perspectives on each city, through a prism that is altered by my point of view and the stakeholder's discourses too. Since it is not aimed to be a monograph of each city, it was compulsory to establish a reading grid. This grid was a result from the interviews I made in France. The idea was to start from the issues faced in France and build general questions from them. Four main themes were then selected: the relationship between the housing market and the strategies implemented (in situation of tensed housing market or not), the different strategies of the public sector, the attitude regarding the resilience of urban forms in these particular districts, ways of dealing with the current inhabitants of the area, linked to the goal of urban diversity. The sites were also selected thanks to specific criteria that are mainly the availability of data, the presence of a recent rehabilitation project in the inner city area and the size of the city. At the end, four cities were selected: Brasov in Romania, Bristol in England, Halle in Germany and Porto in Portugal. 91 Housing market and urban rehabilitation in inner city areas Even if these cities are really different and have specific contexts, they all have to deal with the fluctuations of the housing market. The extreme situation can be found in Halle. Indeed, this city is declining as a whole and it can be called a "shrinking city". This means that not only the number of inhabitants is decreasing, but also the ageing process is fast and job opportunities are lower. The impact on the housing market is very important since the level of vacancy is high and the attractiveness of the whole area is low. The inner city area suffers from this and the solution found in Halle was to take part in two programs ran at a national level ("Stadtumbau Ost"109) and at a regional level (the IBA110 of Saxony-Anhalt). The main strategies are to demolish quite a lot of buildings (more than 10 000 dwellings were demolished), to focus on specific areas by improving their image (by organizing events for example or by implementing a new equipment) and by raising the awareness of the stakeholders regarding the shrinking problem. The results are not always satisfactory but the main success is that, now, in Halle, almost everybody is convinced or at least aware that the city is not anymore in a growing process. In Bristol, which is almost the opposite of Halle regarding the state of the housing market, the issues are different and the concern is to put a frame to the private investments in order to finance equipments or social housing (which would not maybe be taken care of by developers). A wide range of public sector strategies The implication of the public sector in the process of rehabilitation of inner city areas is very different in each city. The relationship with the private sector is the main variable. In Porto, the rehabilitation is lead by a public organism called Porto Vivo SRU. The idea is to focus, at the beginning, on strategic areas and to improve the situation there, hopping it will spread the dynamic in the whole area. But Porto Vivo SRU does not work alone and rely a lot on private stakeholders. The partnership is based on the fact that Porto Vivo SRU can help them to rehabilitate their dwelling by having specific agreements with all sectors involved in the process (for example, banks or the construction sector) and by having a good knowledge of the dynamics of the area. The public organism is important because it gives a general strategy and view for the area, and then, the private stakeholders can develop their project, being more aware of what the demand is. For example, in some cases, the owners of several buildings joined and they managed to develop bigger flats with also the possibility of adding parking lots to their buildings, which is a good strategy to attract families in the area. In Brasov, the public sector relies also on private actors but Europe is important as well. Indeed, it can provide not only funding but also a participation to a network of European cities, which allows Brasov to exchange good practices and ways of doing the rehabilitation. In Bristol, the main idea is to cope with the influence of the private sector, especially regarding the social part of the project. Therefore, the public authority is setting up tools to orientate the projects, like for example the compulsory percentage of affordable housing in each new construction of group of housing. 109 110 Urban rehabilitation program in the Eastern part of Germany International exhibition of architecture 92 Resilience of urban forms and the role of heritage In historic areas, the pattern of urban fabric is often not considered to be suitable for the modern ways of living in a city. Therefore, the solution is sometimes to destroy buildings and to replace them by new ones, fitted with bigger apartments. The example of Porto is interesting regarding this issue of finding a balance between answering the demand and maintaining a certain atmosphere in an old district. Indeed, the question of heritage is striking in a lot of deprived inner city areas. In Porto, it has become even more important since the classification as a world heritage site by Unesco in 1996. The impact was positive because it shed some lights on a very deprived area of the city, but on the other hand, it made the rehabilitation process more difficult since the façades and the structure of the area have to be kept exactly the way they are. Nevertheless, solutions were found, (like the association of owners mentioned above). The resilience of forms is therefore possible in an area where, at a first glance, everything was supposed to stay untouched. The concept of heritage is a collective construction. It can come for the "top", like in Porto, but it can also start from the "bottom", as it is the case in Brasov. Over there, individuals and specialized architects decided to tackle the issue of ruined heritage step by step. They started with an old and emblematic door and they raised awareness of others (bigger associations). They have now rehabilitated several doors and their work has been promoted in the city (by the media essentially). Low income population and urban diversity Urban diversity is a main target of urban policies nowadays. Indeed, a diverse urban environment is considered to be more sustainable and vibrant. This concept encompasses urban function mix (housing, retail, services..) but also social and generational diversity. Nevertheless, in almost every city I visited, the means to prevent gentrification from spreading seemed a little bit weak. Most of the time (like in Bristol for example), social housing is implemented and sometimes, gentrification is almost welcomed, considering the high degree of deprivation of the area. In Porto, the idea is less to put an emphasis on social diversity and more about setting up an integrated urban development strategy. The objective is to attract the private sector, in an area which suffers from a very low image (due to the high crime rate, the degradation of the buildings and the poverty of the population essentially). The strategy is to work on the housing problems but also on the kind of equipments they want to implement in the district. The idea behind it is that specific equipment, like a cultural center settled in an old market hall or a student residence, will attract a targeted population and then participate in the diversity of uses of the area. Developing urban diversity can also mean adding more houses in the city center as it is the case in Bristol. The functional mix is there a goal. In Brasov, the question is more to manage to keep the housing function in an old attractive area where retail and banks are spreading. 93 Conclusions The contexts of the cities we got interested in are all very different and it is necessary to realize that the main objective was not to build comparisons with France or to consider the practices on a hierarchical basis. Thanks to this study, we managed to gather ways of dealing with the rehabilitation of deprived inner city areas. What can we then keep in mind? First of all, it is important to notice that the reflection should be made at a local but also metropolitan level. Indeed, the strategy implemented in the inner city area is very different in a context were the city as a whole is competitive compared to a city which is declining. The second conclusion drawn is that the "new public management", based on specific agencies is efficient in terms of mobilization of people, knowledge and money for a particular project but it should not be considered as a perfect way of doing things. These agencies also have to deal with urban dynamics and the fluctuations of the housing market, which are often stronger. Thirdly, there is a wide range of relationships between the private and the public sectors in the four cities considered. We tried to synthesize them in three main categories: substitution, where the private sector supports most of the rehabilitation work and the public sector put frames to it; mobilization, in which the public authority fosters the private stakeholders to realize the work and steers the global strategy; decoupling, in which the public authority steps in because it would be almost impossible to attract private investments in the area. Lastly, it seems important to keep in mind that equipments and public spaces are as important as housing in the rehabilitation process, in the objective to change the image of a deprived area. The concept of urban marketing is then used. The rehabilitation of deprived inner city areas is a complex process, embedded in the whole city's context. Studying it at a European level can provide an interesting opening. 94 Le Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA), depuis sa création en 1998, développe à la fois des programmes de recherche incitative, des actions d'expérimentations et apporte son soutien à l'innovation et à la valorisation scientifique et technique dans les domaines de l'aménagement des territoires, de l'habitat, de la construction et de la conception architecturale et urbaine. Il est organisé selon quatre grands départements de capitalisation des connaissances : Société urbaines et habitat traite des politiques urbaines dans leurs fondements socio-économiques ; Territoires et aménagement s'intéresse aux enjeux du développement urbain durable et de la planification ; Villes et architecture répond aux enjeux de qualité des réalisations architecturales et urbaines ; Technologies et construction couvre les champs de l'innovation dans le domaine du bâtiment. Le PUCA développe une recherche incitative sur le futur des villes à l'impératif du développement durable. Ce plan 2007-2012 se décline selon huit programmes finalisés dont les objectifs de recherche répondent aux défis urbains de demain. Ces programmes sont accompagnés d'ateliers thématiques, de bilans de connaissances et de savoir-faire, ainsi que par des programmes transversaux à l'échelle des territoires et des villes et à l'échelle européenne, avec la participation du PUCA à des réseaux européens de recherche. Le PUCA, par ailleurs, assure le secrétariat permanent du programme de recherche et d'expérimentation sur l'énergie dans le bâtiment (PREBAT). Le gouvernement des villes et la fabrique du bien commun Planification sociale de l'urbain et des services publics Citoyenneté et décision urbaine Intercommunalité et métropolisation Normes et fabrique du bien commun Le renouveau urbain Rénovation urbaine et mixité sociale Renouvellement et recomposition des quartiers Créativité et attractivité des villes L'avenir des périphéries urbaines Qualité et sûreté des espaces urbains Architecture de la grande échelle Habitat pluriel : densité, urbanité, intimité Systèmes périurbains et coûts d'urbanisation Dynamiques et pratiques résidentielles Comportements résidentiels et défis démographiques Vieillissement de la population et choix résidentiels Habitat et services aux personnes âgées Evolutions démographiques et inégalités territoriales Accès au logement Trajectoires résidentielles Recompositions institutionnelles de l'offre de logement Modes et formes de l'hébergement Economie foncière et immobilière L'innovation dans l'architecture et la construction Logements optimisés : coûts, qualité, fiabilité, délai Concept qualité, habitat, énergie Logement design pour tous Evaluation énergétique du patrimoine existant (PREBAT) Bâtiments démonstrateurs (PREBAT) REHA (PREBAT) Territoires et acteurs économiques Espaces urbain et dynamiques économiques Lieux, flux, réseaux dans la ville des services Développement économique local et mondialisation Economie de l'aménagement Attractivité des territoires Vers des villes viables et acceptables Politiques territoriales et développement durable Risques technologiques : enjeux économiques et territoriaux Villa urbaine durable Quartiers durables Aménagement et démarches HQE Collectivités locales et politiques énergétiques (PREBAT) Collectivités locales et défi climatique (PREBAT) (ATTENTION: OPTION t organisme est Porto Vivo SRU70. Il est le chef d'orchestre de la régénération urbaine du centre ancien de Porto et l'objectif est de faciliter et d'organiser les investissements privés. La propriété est extrêmement morcelée dans ce quartier et il est difficile pour la puissance publique de pouvoir prétendre à la gestion de l'ensemble de la régénération. La réhabilitation du quartier ancien s'insère donc dans une action publique à l'échelle de la ville. En ex-Allemagne de l'est, les moyens de la puissance publique sont très faibles, surtout face à l'ampleur du problème. Halle ne fait pas figure d'exception et à l'échelle locale, le secteur public propose des actions et s'appuie sur des financements venus de programmes nationaux, régionaux et européens. La question du logement social ne se pose pas car le niveau des loyers privés est déjà très bas. La stratégie est depuis quelques années orientée vers la gestion de la décroissance et le recours à des investissements privés massifs devient de plus en plus limité face au manque d'attractivité de la ville. Le rôle de la péréquation financière entre les différentes régions d'Allemagne, et de projets nationaux essentiellement orientés vers des problématiques plus fréquemment rencontrées à l'est de l'Allemagne (comme une vacance très élevée par exemple) sont donc nécessaires. De plus, l'utilisation d'outils incitatifs (et notamment des avantages fiscaux pour les acteurs privés qui investiraient dans la réhabilitation de logements situés dans le centre ancien) a permis de réhabiliter des quartiers de la ville. Avec la crise, ces investissements ont augmenté et de nombreux allemands de l'ouest ont investi dans la réhabilitation de Halle, notamment dans le quartier de Glaucha. L'échelle de ces investissements est celle du logement, ou de l'immeuble. Bristol est la ville où la stratégie de la puissance publique diffère le plus de la situation en France. En effet, le secteur privé, et notamment les promoteurs, ont un rôle très important dans la réalisation des opérations de rénovation urbaine. Face au nombre élevé de propriétaires en Angleterre, la question du logement social est 70 http://www.portovivosru.pt/ 58 résiduelle mais permet à la mairie d'avoir un certain rapport de force avec les opérateurs. Rénover sans argent public est ici une stratégie clairement assumée mais aux effets contrastées et dont l'analyse diffère en fonction des interlocuteurs. A Brasov, la puissance publique est très démunie (financièrement mais également en termes de savoir-faire technique et d'application des règlements). Les attentes par rapport au soutien de l'Union Européenne sont grandes. Les procédures et l'ingénierie sont deux éléments qui manquent à la mise en place des projets. Pour pallier ce déficit de savoir-faire, des structures complémentaires se mettent en place, comme l'agence métropolitaine de Brasov. 2) Accompagner et attirer l'investissement privé : le cas de Porto A Porto, la régénération du centre ancien est pilotée par la structure publique Porto Vivo SRU. Cette structure (sous forme de société anonyme) a été créée par décret en 2004 et sert de médiateur entre les propriétaires et les investisseurs et entre les propriétaires bailleurs et les loueurs. Elle détermine aussi la stratégie et effectue si nécessaire les opérations de réhabilitation. Organigramme71 71 Document fourni par J.Sequeira 59 Le « management board » de la structure est constitué de trois personnes (issues de la mairie, des services de l'Etat et de Porto Vivo SRU). Ce bureau dirigeant est à la tête de deux services principaux qui regroupent l'ensemble des compétences de l'organisme. D'un côté, la branche opérationnelle qui met en place les plans stratégiques et les programmes pour chaque immeuble, après avoir établi un diagnostic précis. Porto Vivo SRU dispose d'une base de données très fournie, immeuble par immeuble, appartement par appartement, renseignant le niveau de dégradation du logement mais aussi des données socio-économiques sur les habitants du lieu. Cette branche opérationnelle est complétée par un service d'étude, de stratégie et de recherche de financements. C'est dans ce service que la recherche d'investissements privés notamment a lieu, mais également la résolution de toutes les questions juridiques liées à la réhabilitation. Pour l'ensemble de ces opérations, Porto Vivo peut avoir recours à un service de conseil constitué de 14 d'experts aux compétences diverses. Des professeurs de l'université de Porto y côtoient des avocats, des entrepreneurs et des anciens hommes politiques. Différents périmètres d'invervention72 72 Porto Vivo SRU, (2010), Présentation Urbact, Jessica for cities, Florence 60 Le territoire d'intervention de Porto Vivo SRU est la ZIP73 (car l'ACRRU74 est trop vaste). Cette zone englobe 500ha (comprenant le centre historique et une zone tampon). L'objectif est de redynamiser cet espace en perte de vitesse au moyen de cinq objectifs qui sont75 : réhabiliter le centre ville développer, revitaliser et promouvoir le commerce encourager le tourisme, la culture et les loisirs améliorer l'espace public Pour réaliser ces objectifs, Porto Vivo s'appuie sur un « management plan » qui se présente comme un document cadre de la réhabilitation, sans pour autant être aussi rigide qu'un plan d'aménagement. L'idée est dans un premier temps de focaliser les efforts sur des espaces spécifiques (les aires d'intervention prioritaires, au nombre de six) pour qu'ensuite les effets positifs liés à cette réhabilitation se diffusent au reste du quartier ancien. Localisation des six aires d'intervention prioritaires et stratégie de diffusion76 Porto Vivo ne se substitue pas aux opérateurs et a pour objectif premier d'encourager les investisseurs privés et les propriétaires à faire la réhabilitation de leur bien. Zone d'intervention prioritaire Aire critique de rénovation et la reconversion urbaine 75 Présentation Urbact, Porto Vivo SRU, Jessica for cities, 2010, Florence 76 Document fourni par J.Sequeira 73 74 61 L'action de Porto Vivo peut être résumée en quatre étapes principales qui s'étalent sur 4 années77. 1) Etablissement de plans d'actions et de documents stratégiques, suite à un travail important de terrain 2) Etude auprès des propriétaires et des habitants pour recevoir les suggestions et les critiques puis approbation du plan stratégique et notification auprès des propriétaires 3) Signature des contrats de réhabilitation et lancement des procédures d'expropriation si besoin ; sélection des partenaires privés 4) Délivrance des permis et supervision des travaux de réhabilitation par Porto Vivo Mode opératoire de Porto Vivo La structure est donc en relation directe avec les propriétaires privés du centre ancien et a pour but de faciliter les opérations de rénovation. Le diagramme ci-dessous montre l'implication importante des fonds privés dans les opérations menées par Porto Vivo. 77 Porto Vivo SRU, (2010), Présentation Urbact, Jessica for cities, Florence 62 Modèle d'investissement pour les actions de Porto Vivo, horizon 2012 (EIB : banque européenne d'investissement; ERDF : fonds européens de développement régional, IHRU : institut pour l'habitat et la réhabilitation urbaine)78 Ainsi, près de 80% des investissements nécessaires proviennent des fonds privés. Un exemple intéressant de l'implication du secteur privé dans les projets mis en place par Porto Vivo SRU est l'opération en cours dans le secteur de Corpo Da Guarda, le long de la rue Mouzinho da Silveira, au coeur du quartier ancien. 78 Document fourni par J.Sequeira, 63 Projet de Corpo Da Guarda79 Résultats et financements de l'opération de Corpo Da Guarda80 L'idée de ce projet était que les propriétaires s'associent pour mettre en place une offre qui corresponde à la demande. En mutualisant les surfaces, les appartements à la fin de l'opération sont agrandis et des espaces de parking ont été créés. 79 80 Document fourni par J.Sequeira Document fourni par J.Sequeira 64 Toutes ces évolutions ont été permises sans altérer la structure des bâtiments (auxquels il est très difficile de toucher étant donné le classement en patrimoine mondial de l'Unesco). Il est donc intéressant de voir qu'un changement d'usage est possible tout en conservant la trame préexistante à l'opération et que l'opérateur public peut assister une telle transformation, sans investir beaucoup d'argent (86% du coût des travaux ont été supportés par le secteur privé). La puissance publique prend également en considération les difficultés que peuvent rencontrer certains propriétaires dans le centre ancien pour faire face à la nécessaire réhabilitation de leur bien. Une des causes principales du manque de rénovation dans le centre ancien de la ville a été le blocage des loyers pendant des dizaines d'années (notamment sous la dictature de Salazar). Ce blocage, s'il a permis de loger dans le centre des personnes ayant peu de ressources, n'a pas rendu possible les travaux de rénovation nécessaires suite au vieillissement des logements. Les ressources en provenance des loyers n'était pas suffisants pour faire les travaux et certains propriétaires ont préféré laisser leur logement vacant. Aujourd'hui, les loyers sont progressivement actualisés (avec des situations où les loyers sont encore nettement en dessous des loyers de marché). Pour combler ce retard, Porto Vivo SRU a mis en place un programme pour aider les propriétaires qui sont restés sur les montants des loyers de 1948 (le programme RECRIA81). Ce programme a pour but d'encourager, par des incitations financières, les propriétaires modestes à effectuer des travaux. Par conséquent, Porto Vivo SRU, structure publique de rénovation urbaine, fait appel aux outils coercitifs et incitatifs pour encourager les propriétaires à rénover, mais l'organisme dispose également d'un rôle d'accompagnateur et de soutien pour les acteurs privés qui sont parfois démunis, notamment face au morcellement de la propriété et face aux coûts que les travaux peuvent représenter. 3) Des structures complémentaires pour aider l'action publique : le cas de Brasov A Brasov, la puissance publique manque de moyens et l'appui de structures annexes, plus ou moins indépendantes, est indispensable. La principale difficulté réside dans la mise oeuvre des plans et des règlements qui existent et qui sont assez détaillés (comme l'exemple du plan zonal de la zone historique présenté ci-dessous). 81 http://www.portovivosru.pt/sub_menu_9_3_6.php 65 Plan zonal de la zone historique82 Des organismes se sont alors créés pour assister les autorités locales, à la fois pour les projets locaux mais également pour la réflexion à l'échelle intercommunale et pour la recherche de financements. C'est le cas de l'agence métropolitaine de Brasov (agence qui a un statut d'association). Cette agence a été créée en 2006 en englobant 13 communes de tailles variables et ce sont ces communes qui financent en grande partie l'agence par leur adhésion. Ses objectifs sont notamment l'élaboration de plans stratégiques locaux ainsi que d'un plan stratégique pour l'aire métropolitaine de Brasov. La promotion de l'image de l'agglomération est également importante. Son rôle se rapproche donc de celui des agences d'urbanisme en France. Néanmoins, les responsabilités de cette agence aux 82 Document fourni par K.Creosteanu 66 moyens humains plutôt limités (avec 13 personnes qui travaillent pour cette agence, contre 44 par exemple pour l'agence de Nancy) sont plus larges. En parallèle de cette activité, l'agence est également la structure qui établit les dossiers pour les aides européennes et à destination des différents donneurs potentiels. Cette action est très importante étant donné l'impact des programmes et aides européens pour la ville. La ville fait ainsi partie du réseau Links (Urbact) et a participé au programme Jessica for cities . Les fonds de préadhésion ont également permis de rénover une partie des espaces publics de la ville (comme la zone autour des remparts) De plus, l'assistance technique fournie aux communes est accompagnée de formation en management public. Cette agence permet donc à l'aire métropolitaine d'accéder à des financements et des savoir-faire qui lui sont nécessaires pour pouvoir se développer et également réhabiliter les espaces dégradés ou peu mis en valeur, comme le centre ancien. Encadré 3: la réhabilitation des quartiers anciens et les programmes européens : Urbact et le programme Links A l'échelle européenne, la problématique des centres anciens est fédératrice puisqu'elle recoupe des thématiques transversales et rencontrées par un nombre important de villes. Le réseau Urbact83 réunit environ 300 villes (chiffre variable en fonction de la mise en place des programmes) qui se trouvent dans 29 pays et avec plus de 5 000 participants. Ce programme fédère des villes autour de thématiques très variées et a pour but une mutualisation des pratiques et un échange à l'échelle européenne. Le fil conducteur est le développement urbain durable. Au sein d'Urbact, un programme en particulier s'intéresse aux quartiers historiques et à leur développement. Il s'agit du programme Links84. L'objectif est d'envisager la ville historique comme le support du développement durable et en tant qu'éco-quartiers de demain. Le postulat de départ est que la ville historique réunit un ensemble de critères propres à la ville compacte et possède une urbanité intrinsèque (avec une densité importante, une qualité architecturale certaine, des commerces nombreux..). Pour faire face au déclin de ces centres (lié à la fuite de la population, la dégradation des bâtiments..), le programme se propose de mutualiser les expériences et de changer le regard sur ces espaces qui pourraient correspondre au modèle de la ville durable. Les villes qui font partie de ce programme dirigé par la ville de Bayonne sont Anderlecht (Belgique), Kilkenny (Irlande), Brasov (Roumanie), Freiberg (Allemagne), Budrio (Italie), Almeria (Espagne), Veria (Grèce) et Delft (Pays-Bas). A Brasov, l'action publique s'appuie en partie sur des structures qui gèrent à la fois des questions d'urbanisme (comme la collaboration à l'élaboration de documents stratégiques à l'échelle locale) et des questions de mise en oeuvre et de procédures (comme la recherche de financements européens par exemple). 4) Bristol : le levier du logement social A Bristol, l'action publique doit composer avec l'influence très importante des acteurs privés et notamment des promoteurs. 83 84 http://urbact.eu/fr/homepage-2/ http://urbact.eu/fr/projects/cultural-heritage-city-development/links/homepage/ 67 La réalisation d'un cadre de développement à l'échelle de la ville85 permet néanmoins à l'autorité locale de donner une orientation au développement des quartiers. Ce cadre définit un ensemble de politiques à respecter pour l'ensemble des acteurs de l'aménagement du territoire. L'exemple du « logement abordable » est intéressant. Ce logement est défini comme « un logement qui répond aux besoins de ménages dont les revenus ne leur permettent pas de louer ou d'acheter aux prix du marché local. Il peut concerner les logements sociaux locatifs comme les logements loués gérés par les autorités locales ou des loueurs sociaux enregistrés ou des logements intermédiaires où les prix du logement et des loyers sont au-dessus des loyers sociaux mais en-dessous des prix du marché86 ». Il s'agit donc d'une définition plus large que le logement social en France. Ce type de logement répond à un réel besoin puisqu'en 2006, les prix les plus bas pour les maisons étaient plus de huit fois supérieurs au plus bas niveau de revenus enregistré. Une part de la population de la ville rencontre donc de grandes difficultés pour se loger87. Pour répondre à cette problématique, qui n'intéresse pas a priori les investisseurs privés, la ville a mis en place une réglementation qui impose à tous les programmes résidentiels de plus de quinze logements de comporter au moins 30% de logements abordables (voire plus dans certains secteurs déficitaires de la ville). 85 http://www.bristol.gov.uk/ccm/content/Environment-Planning/Planning/planning-policy-documents/bristoldevelopment-framework/core-strategy.en 86 87 Bristol Citycouncil (2010), The Bristol development framework, Core strategy, p 95, traduit par l'auteur Ibid, p 95 68 Pourcentages exigés de logements abordables par zones stratégiques88 En théorie, la réglementation est donc utilisée par la puissance publique pour faire pression sur les promoteurs qui réalisent les programmes. Cependant, en pratique, il semble que la réalité soit plus contrastée et que les impératifs budgétaires des promoteurs prennent le pas sur les contraintes sociales. Le positionnement de la ville est difficile à tenir car peu d'argent public est investi pour la réhabilitation mais des contraintes assez fortes sont énoncées. Par exemple, dans l'opération de Canon's Marsh (qui se situe à proximité du port flottant) sur les 360 appartements construits, seuls 15% sont destinés à du logement abordable et le promoteur a fait savoir que sur chaque logement abordable, il perdait environ 80 000£89. A Bristol, le logement dit abordable est un des outils les plus contraignants à disposition de l'autorité publique pour orienter les projets vers une dimension plus sociale. Mais la stratégie semble difficile à implanter dans un contexte de marché tendu. Bristol Citycouncil, op.cit Bromley, R.D.F., Tallon, A.R. and Thomas, C.J. (2005) "City centre regeneration through residential development: contributing to sustainability", Urban Studies 42: 2407-2429 89 88 69 La puissance publique a donc un spectre d'intervention assez large. Dans tous les cas, son impact est important car il détermine l'orientation et la direction des projets de réhabilitation de quartiers centraux de la ville. Ces projets s'insèrent dans un tissu urbain spécifique, celui des quartiers anciens. L'enjeu est de faire correspondre l'offre à la demande actuelle, en partant d'un tissu existant ancien et donc pensé à une autre époque. La question de la résilience90 des formes urbaines, et donc de leur adaptabilité est posée. 90 La résilience des formes urbaines se caractérise par le maintien d'une certaine stabilité dans le changement, il s'agit d'une « aptitude d'un ensemble de formes à maintenir sa structure alors que les formations sociales ont changé et se transforment, jusqu'à un point de rupture », Morphologie dynamique des réseaux viaires.L'exemple du Val d'Oise étudié par S. Robert www.archeogeographie.org/formation/sorbonne/.../viaires.pps 70 VII) Résilience des formes urbaines : destruction ou patrimonialisation 1) Valeur du patrimoine et nécessité d'adapter les formes urbaines : des situations contrastées La notion de patrimoine est difficile à définir car il s'agit d'une construction collective. Si certains critères objectifs peuvent être utilisés pour la définition d'un élément patrimonial (comme par exemple l'ancienneté d'un bâtiment), le classement du tissu urbain est souvent opéré de façon subjective, en fonction des représentations que la collectivité a d'une époque, d'un bâtiment. Cette question du patrimoine est importante à prendre en compte dans la réhabilitation des centres anciens puisqu'elle conditionne en partie les formes urbaines qu'un projet peut envisager. Elle questionne également la résilience des formes urbaines caractéristiques d'un quartier ancien historique. Diversifier les usages tout en tentant de conserver les formes est un des enjeux de la réhabilitation des centres anciens dégradés. La ville la plus emblématique de cette absence apparente de résilience des formes urbaines dans le centre ancien est Porto. En effet le classement au patrimoine mondial de l'Unesco d'une partie de son centre a figé les formes et les structures. Aujourd'hui, la tâche des opérateurs de la rénovation est donc plus ardue et ils sont contraints de trouver des astuces pour conserver le tissu urbain actuel tout en les adaptant aux usages modernes et à la demande. A Halle, cette notion de conservation du patrimoine est au second plan, notamment face à l'importance du tissu hérité de la période communiste qui n'est pas considéré comme étant un patrimoine valorisable. L'image qui en ressort est assez négative et cette architecture a été rejetée massivement après la chute du mur. Aujourd'hui, les regards évoluent progressivement. Néanmoins, ce sont ces formes urbaines associées à cet urbanisme de barres qui sont majoritairement détruites aujourd'hui à cause du déclin démographique de la ville. Les structures pensées pour une ville en croissance ne sont plus adaptées à la décroissance actuelle. Dans le centre ancien, la situation inverse se produit. Si pendant la période communiste, le centre ancien a été délaissé, la stratégie d'aujourd'hui est de valoriser ce centre qui possède les équipements et les infrastructures nécessaires aux habitants. La question des formes urbaines n'est que très peu prise compte car, une fois encore, la question du patrimoine n'est pas la question principale. Il faut rénover pour rendre plus attractif. Une certaine continuité du bâti est néanmoins maintenue. Le tissu urbain actuel de Bristol sert de base pour de nouveaux projets et de nouveaux usages. Par exemple, à Harbourside, une partie du patrimoine (ou des espaces considérés comme tels) est conservé afin de garder une atmosphère en lien avec l'ancienne activité portuaire. Une certaine mise en scène est opérée par les promoteurs (avec la conservation des rails et d'anciens wagons par exemple à Harbourside). Dans le quartier de Knowle West, la structure est conservée mais face à la pression foncière, le choix va à la densification de l'espace. L'ancienne cité jardin risque donc de perdre de son caractère pour devenir un quartier plus urbain. Néanmoins, peu de destructions sont à prévoir. 71 La résilience des formes urbaines à Brasov est en question devant le manque d'application des réglementations, qui pourtant existent. La notion de patrimoine se concrétise par un classement des bâtiments (notamment en fonction de leur ancienneté). L'héritage est très présent dans cette ville aux influences culturelles diverses (allemandes, hongroises, turques..). Cependant, la prise de conscience de cet héritage est encore faible et l'action d'acteurs privés est un des moteurs de sa préservation. 2) Classement Unesco : opportunités et limites: le cas de Porto Le centre historique de Porto est classé au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1996. Encadré 4 : le classement au patrimoine mondial de l'Unesco Le rôle de l'Unesco dans le classement au patrimoine mondial est essentiellement d'accompagner les villes dans leur décision de protéger leur héritage. L'initiative provient dans la majorité des cas de la ville elle-même qui peut ainsi obtenir un label valorisable pour le tourisme et l'image de la ville. Ce label permet également de protéger un patrimoine qui pourrait disparaître, sous la pression foncière ou par manque d'adaptation aux besoins actuels. L'Unesco ne fournit pas d'argent mais elle peut apporter une assistance technique aux villes et elle constitue une plate-forme d'échanges à l'échelle mondiale entre les villes. Les conséquences d'un classement au patrimoine mondial sont assez lourdes car les sites sont ensuite soumis à des règles strictes pour leur développement et leur réhabilitation. A Porto, le classement Unesco du centre historique a contraint la ville à revoir son règlement pour la zone historique (avec des réglementations pour la publicité par exemple ou les usages des espaces publics).91 Si de nombreux centres historiques sont classés, d'autres espaces plus ou moins urbains le sont également, comme c'est le cas des anciens sites industriels allemands. La ville moderne est quant à elle très peu présente dans ce classement et cela illustre le manque de considération à l'égard de ces constructions qui façonnent pourtant encore beaucoup de villes. « L'héritage » soviétique est ainsi omniprésent dans des villes comme Halle ou même Brasov mais absent de la liste de l'Unesco. Ce classement a permis d'opérer un changement de regard sur cette partie de la ville. En effet, elle est aujourd'hui considérée comme un patrimoine à valoriser, et son état de délabrement actuel doit être modifié. Des contraintes quant à la conservation des structures et des façades accompagnent ce classement Unesco. L'intérêt majeur pour la ville est de pouvoir ensuite promouvoir ce label pour attirer le tourisme dans cette ville qui se tourne de plus en plus vers la culture pour devenir attractive (avec également la célébration en 2001 de Porto comme capitale européenne de la culture et la construction pour cette occasion de bâtiments emblématiques comme la Casa da Musica construite par Rem Koolhass). Pour le centre ancien, ce recours à des bâtiments modernes phares ne peut être utilisé car les façades doivent être conservées. La stratégie est donc de miser sur le caractère historique de ce lieu. Pour pouvoir conserver une atmosphère « authentique » dans le quartier historique de Porto, il a été nécessaire de le connaître de façon plus précise. En effet, les formes ont dû être répertoriées et étudiées et les conditions de vie des habitants analysées. Ce travail de repérages et de connaissance du quartier était d'autant plus nécessaire que 91 http://whc.unesco.org/archive/periodicreporting/EUR/cycle01/section2/755-summary.pdf 72 les limites choisies par l'Unesco ne correspondent pas aux limites administratives des quartiers de la ville. Les données par quartier dont la collectivité disposait ne pouvaient donc pas être utilisées. Les différents périmètres de protection du patrimoine dans le centre ville 92 (en vert : périmètre Unesco, en bleu : zone de protection délimitée par la mairie) Cet aspect est intéressant car il a mené Porto Vivo SRU à réaliser une enquête de terrain approfondie pour nourrir une base de données regroupant des informations sur le bâti, sur les habitants actuels et les travaux en cours ou prévus. Cette base a pris une année à être finalisée par les membres de Porto Vivo SRU et son objectif est d'être actualisée au fur et à mesure du processus de requalification du quartier. A terme, l'ambition est de rendre accessible à tous les acteurs de la réhabilitation ces informations qui permettent ensuite de rendre compte à l'Unesco des travaux accomplis mais également de mener un projet cohérent, qui prend en compte le contexte dans lequel il s'inscrit. En effet, plusieurs échelles d'analyse sont utilisées, du quartier dans son ensemble à l'immeuble. 92 Carte issue de la base de données bâtie par Porto Vivo SRU 73 Les opérations de réhabilitation urbaine93 A l'échelle du quartier, l'ensemble des opérations de réhabilitation sont répertoriées (comme sur la carte ci-dessus). Le nombre de m², le périmètre concerné ainsi que le nom du quartier sont mentionnés. 93 Carte issue de la base de données bâtie par Porto Vivo SRU 74 Informations par immeuble94 Ensuite, par immeuble, une série d'informations sont notifiées, comme par exemple des photos (à mettre ensuite en regard avec l'état futur), une description de l'état actuel de l'immeuble et l'occupation. 94 Carte issue de la base de données bâtie par Porto Vivo SRU 75 Localisation des industries créatives95 Mais l'état des logements n'est pas la seule information répertoriée. La localisation des différentes entreprises est notifiée, comme par exemple les entreprises créatives sur la carte ci-dessus. La connaissance du quartier s'étend donc aux différentes fonctions urbaines. En parallèle, Porto Vivo SRU effectue un suivi de l'évolution des prix du marché du logement (pour la location et la vente) dans le quartier central. Cette connaissance du quartier est un atout très important qui peut être vu comme une conséquence de la labellisation Unesco. La réhabilitation des immeubles est cependant conditionnée par la conservation des structures et des façades. Si cela permet de conserver cet héritage construit au fil des années, les coûts de la réhabilitation sont beaucoup plus élevés (car les travaux sont techniquement plus difficiles).Les prix des logements à la sortie sont donc parfois trop hauts pour que la population locale puisse se permettre d'acquérir ces nouveaux logements. Ce phénomène explique aussi pourquoi, en moyenne, les logements en centre ville coûtent plus cher que les logements en périphérie, malgré leur taille moindre96. Outre cette élévation des prix des logements, la réhabilitation sous le contrôle de l'Unesco entraîne parfois les opérateurs à faire du « façadisme », c'est-à-dire à conserver la façade et ensuite démolir ce qu'il y a derrière. Dans d'autres cas, et surtout lorsque c'est la ville qui se charge de la réhabilitation, l'ensemble de la structure doit être impérativement conservée et les travaux sont rendus très difficiles. 95 96 Carte issue de la base de données bâtie par Porto Vivo SRU Urban Audit 76 Qui plus est, une fois ces travaux effectués, l'offre qui sera proposée ne correspond pas nécessairement à la demande actuelle (les logements étant souvent trop exigus). Le classement au patrimoine mondial de l'Unesco a donc permis à la ville de Porto de faire connaître son centre ville mais surtout de le mettre en valeur en le réhabilitant en conservant les structures et les formes urbaines. La très bonne connaissance de la réalité urbaine et sociale du centre ancien permet aux différents projets en cours de répondre à des besoins actuels tout en tentant de satisfaire une demande latente et de développer de nouveaux usages. Par ailleurs, l'exemple de Porto illustre la grande résilience des centres anciens. En effet, grâce à leur forte urbanité et à la concentration d'infrastructures et d'équipements, un même quartier peut accueillir des fonctions et des populations différentes. La patrimonialisation est certes un risque mais l'enjeu réside avant tout dans les opportunités d'appropriation de l'espace offerte par le quartier (au travers d'équipements structurants, d'espaces publics et de diversité de types de logement notamment). 3) Financements de la réhabilitation et implication d'acteurs privés: le cas de Brasov La notion de patrimoine est, comme mentionnée précédemment, une question de construction collective. Dans certains cas, l'héritage conservé est important, mais la population n'y prête pas une grande attention, par manque de moyens ou par manque d'intérêt. C'est le cas à Brasov. Cette ville a pu conserver une grande partie de son tissu historique, issu de la période germanique (et notamment le quartier de la citadelle et celui de Schei). Pourtant, une part importante de cet héritage a été détruit pendant la période communiste (notamment à Bucarest avec la construction du palais du peuple de Ceausescu). Aujourd'hui, il existe à Brasov un règlement assez fourni pour la protection du patrimoine et principalement de la vieille ville (avec notamment la présence d'une législation spécifique à cet espace). Mais sa mise en oeuvre pose des problèmes car la sensibilisation des habitants est encore en cours et le pouvoir des investissements privés dépassent parfois ces contraintes. Par exemple, dans le quartier de Schei, la conservation du style architectural « typique roumain » est un enjeu fort. Face à la pression d'acheteurs privés avec des moyens financiers assez importants, certaines concessions sont faites et des logements modernes sont construits. Ces logements sont souvent plus grands et ne prennent pas en compte le contexte dans lequel ils s'inscrivent. Sans classement UNESCO comme à Porto et sans applications des règles précises concernant la préservation du patrimoine, la solution trouvée est l'implication forte d'acteurs privés qui entraîne ensuite une série d'actions en faveur de la conservation de cet héritage historique. Elles constituent la base d'un réseau associatif qui gère la réhabilitation d'éléments ponctuels et les retombées bénéficient à la fois aux habitants et à l'image de la ville. L'exemple de la réhabilitation des portes du centre historique est intéressant. Au départ, des propriétaires se sont mobilisés et ont sollicité l'appui d'une architecte spécialisée dans la question du patrimoine pour l'alerter de l'état défectueux de la porte d'entrée de leur cour. Cette porte est un des éléments constituant l'ensemble architectural du centre historique et un bon nombre de ces portes sont dégradées. Après une recherche de fonds, la réhabilitation a 77 été réalisée par une équipe dirigée par cette architecte, avec le soutien de la fondation ProPatrimonio97. Le succès de cette réhabilitation a permis aux différents acteurs de se faire connaître et de promouvoir leur projet (à travers notamment des articles de presse). Grâce à cette publicité, d'autres personnes se sont intéressées au sort de ces portes et plusieurs projets ont pu être financés. Cet exemple illustre le fait qu'une initiative individuelle peut déboucher sur la réhabilitation d'un ensemble d'éléments constituant la ville historique et éveiller l'intérêt pour la sauvegarde d'un patrimoine architectural emblématique du lieu. L'exemple de Brasov permet de réaliser qu'une construction collective patrimoniale peut se former par le haut (comme à Porto avec le classement Unesco) ou en partant des citoyens eux-mêmes. Il semble donc que la résilience des quartiers anciens soit intéressante à prendre en compte dans les projets de réhabilitation. Il est possible dans certains cas de partir de la morphologie urbaine existante pour s'adapter à la demande actuelle. Mais le bâti n'est pas le seul élément préexistant à une opération de réhabilitation. La question de la population résidante est également importante à prendre en compte et les quatre villes étudiées n'ont pas la même approche sur ce sujet. 97 http://www.propatrimonio.org/en/index.html 78 VIII) Populations modestes et objectifs de mixités: impératifs économiques, considérations sociales et prise en compte des usages 1) Approches opérationnelles de la mixité : du social à l'usage La mixité est un des concepts phare de la ville durable. Il englobe des réalités et des problématiques diverses, que ce soit concernant la population (avec la mixité sociale et générationnelle) ou en lien avec les usages (mixité fonctionnelle). Le postulat de départ est qu'une ville aux fonctions variées, avec une population mélangée, est plus vivante, plus urbaine et plus respectueuse des impératifs liés au développement durable (en termes sociaux, environnementaux et économiques). Ainsi, la mixité sociale est une des entrées majeures des programmes de rénovation urbaine en France. L'enjeu est de parvenir à gérer à la fois le relogement des habitants tout en parvenant à attirer une certaine mixité dans le quartier. En Europe, le relogement est également une problématique, plus ou moins aiguë en fonction des villes et des situations du marché du logement. Les approches opérationnelles de la mixité sont quant à elles variées et les objectifs multiples. La forte vacance du quartier historique de Porto est vécue comme une chance pour la gestion de la réhabilitation. En effet, elle permet d'envisager la question du relogement de la population résidante sans trop de difficulté pendant les opérations de réhabilitations lourdes qui exigent le départ temporaire des habitants. La vacance est aussi une opportunité pour mettre en place une offre variée de logements qui a pour objectif une mixité sociale et surtout générationnelle importante. A Halle, l'enjeu majeur est de parvenir à maintenir la population actuelle en place, face au processus de déclin démographique. La question du logement social ne se pose pas dans les mêmes termes que dans les quartiers anciens inscrits dans un marché du logement tendu. En effet, la déprise urbaine entraîne une chute globale des prix des logements et le logement des populations les plus modestes est moins problématique. Le logement social n'est pas une question à Halle où le prix moyen de location se situe entre 5 et 5,50 euros par m²98. Néanmoins, la crise économique et le chômage très élevé dans la ville font qu'une partie de la population ne parvient plus à payer son loyer. La question du logement des populations les plus modestes est abordée d'une façon un peu différente à Bristol. En effet, si le pourcentage de logements dits abordables est imposé, il n'est pas toujours respecté et l'équilibre des opérations est souvent mis en avant par les promoteurs pour diminuer le nombre de logements abordables. Mais l'approche des acteurs de la réhabilitation concernant la mixité sociale est aussi liée à la vie du quartier. En effet, des études ont été menées pour analyser l'impact d'une population mixte sur les usages du quartier (de jour comme de 98 Selon S.Fliegner 79 nuit). Cette approche originale et très statistique plaide pour une diversité plus grande des habitants dans les quartiers centraux. La mixité sociale n'est pas la préoccupation première de la réhabilitation du centre ancien de la ville de Brasov. En effet, la population résidente est âgée (dans une ville où l'âge médian est de 40 ans99) et la question principale est la pérennité de la fonction résidentielle dans le centre. En effet, étant donné les loyers élevés exigés dans le centre ville (dus à la localisation avantageuse et à la pression des commerces et des services comme les banques), de plus en plus de logements disparaissent au profit de bureaux. Aujourd'hui, la fonction résidentielle occupe encore plus de 50% de l'espace dans le centre ancien100. Par ailleurs, le logement social ne représente qu'une infime partie du parc de logement. Il est géré en régie par la ville (à travers une administration spécifique) et concerne les populations les plus démunies. 2) Volonté claire de mixité sociale et d'usages : le cas de Porto L'objectif affiché du programme de réhabilitation urbaine du quartier historique de Porto est de diversifier les usages et d'obtenir une mixité sociale et générationnelle importante. L'approche opérationnelle du projet va donc dans ce sens et les partenariats avec le privé s'orientent notamment vers la construction d'une résidence étudiante et la réhabilitation d'une maison de retraite dans le quartier de Sé. Localisation des différents projets, quartier de Sé101 Agence métropolitaine de Brasov, (2010), Key numbers in the Brasov Metropolitan Area Selon L. Bartha 101 Documents fournis par Porto Vivo SRU 99 100 80 Répartition des fonctions (en m²) dans le quartier de Sé (après réhabilitation)102 Le tableau ci-dessus illustre le fait qu'une part importante des m² construits dans le quartier est occupée par des équipements qui vont dans le sens de la mixité urbaine. Entre la résidence étudiante, l'hôtel et la résidence pour personnes âgées, 23% des m² (soit environ 9000 m²) sont utilisés. La population actuelle du quartier ne sera pas contrainte au départ dans l'immédiat car la vacance importante actuelle permet aux opérateurs du projet d'utiliser des espaces vides pour la réalisation de leurs programmes. Par ailleurs, l'implantation de logements sociaux est prévue dans le quartier par l'autorité locale. La question se pose néanmoins à plus long terme, notamment en lien avec la hausse irrémédiable des prix dans le quartier. En effet, comme mentionné précédemment, certains loyers sont bien plus bas que les prix du marché. La solution trouvée a été d'actualiser très progressivement ces loyers pour permettre aux locataires de s'adapter et aux propriétaires de récupérer plus d'argent et d'être en possession d'un bien plus rentable. Une fois les loyers actualisés, reste à savoir si le profil socio-économique du quartier va rester le même. A Porto, le maintien dans le quartier de la population actuelle est permis par la forte vacance, l'actualisation progressive des loyers actuels qui sont très bas et ponctuellement par l'implantation de logements sociaux. L'approche opérationnelle se base sur une mixité permise par une diversification des équipements et des types de logements. 3) Mixités et animation du quartier : le cas de Bristol A Bristol, l'approche de la mixité sociale s'appuie en apparence sur le même système de pourcentage de logements sociaux qu'en France. Néanmoins, l'idée de mixité n'est pas seulement liée à des critères sociaux. L'ambition est aussi de dynamiser le quartier et d'en favoriser les usages multiples. Pour ce faire, des études ont été menées sur les fréquentations des différents lieux du centre ville de Bristol, de jour comme de nuit103. La conclusion principale est que la mixité sociale peut « être le support d'usages variés des fonctions traditionnelles du centre ville »104 Documents fournis par Porto Vivo SRU Bromley, R.D.F., Tallon, A.R. and Thomas, C.J. (2005) "City centre regeneration through residential development: contributing to sustainability", Urban Studies 42: 2407-2429 104 Ibid, traduit par l'auteur 102 103 81 En parallèle de cet intérêt pour la mixité sociale, la stratégie de la « résidentialisation »105 du centre ville est présente à Bristol. Cette stratégie consiste à encourager le développement de la fonction résidentielle dans le centre ville en accord avec l'idée de mixité fonctionnelle. En effet, avant le retour vers le centre engendré par la politique du New Labour, les logements étaient peu présents et peu mis en valeur dans un bon nombre de centres ville anglais. Aujourd'hui, cette fonction est encouragée afin de diversifier les usages du centre, pour répondre à une demande forte de logements et également pour participer à la reconversion d'espaces en déshérence. La concrétisation de cette volonté de mixités n'est pour autant pas évidente, que ce soit concernant la mixité fonctionnelle ou la mixité sociale. Ainsi, le quartier commercial de Broadmead, s'il a été rénové et est aujourd'hui attractif, n'accueille que très peu de logements et est désert la nuit. En ce qui concerne la mixité sociale, l'exemple de Knowle West est lui aussi révélateur de la difficulté de développer des quartiers mixtes. Le quartier est un des plus pauvres de la ville et sa situation est assez enclavée. La majorité de la population est constituée par des familles (souvent monoparentales)106. La densité y est très faible (30 logements à l'hectare). Pour répondre à l'impératif de constructions (selon le Bristol City Council's affordable housing delivery plan for 2006-2010, 400 nouvelles maisons devaient être construites par an), le quartier de Knowle West a attiré les convoitises. L'objectif est aujourd'hui de passer à une densité de 50 logements à l'hectare. Or, l'ensemble des projets en cours prennent en compte la volonté de mixité sociale107 mais sa réalisation à terme n'est pas encore certaine. Ce quartier est un des plus défavorisé de la ville et les promoteurs consentent aujourd'hui à y investir car la pression foncière dans le centre est forte. Néanmoins, le mélange avec la population actuelle du quartier n'est pas une priorité et les développements futurs, sans intervention de la mairie, auraient tendance à s'implanter en périphérie du quartier, à proximité des axes de transport. A Bristol, la mixité est perçue comme un outil de revitalisation du centre mais aussi et surtout comme un support de rationalisation de l'usage de l'espace. Les temporalités liées aux différentes fonctions et aux populations sont variées et permettent ainsi d'avoir un espace central urbain et animé. Bromley, R.D.F., Tallon, A.R. and Thomas, C.J., op.cit Knowle West Regeneration Framework Baseline Briefing, 2009 107 « Maintain, provide or contribute to a mix of housing tenure types and sizes to help support the creation of mixed, balanced and inclusive communities », Knowle West Regeneration Framework Baseling Briefing, 2009 105 106 82 IX) Conclusion Ce tour d'horizon a donc permis de recueillir des manières de faire, des impressions et des avis en lien avec la requalification des quartiers anciens dégradés. Qu'en retenir ? Tout d'abord une grande diversité de situations et d'approches avec dans chaque ville des particularités. A Porto, le projet urbain intégré, en lien avec un classement au patrimoine mondial de l'Unesco, se base sur une très bonne connaissance du quartier, un organisme public aux compétences plurielles et une implication du secteur privé. A Brasov, le secteur privé est également très présent (notamment concernant la réhabilitation des éléments patrimoniaux), mais la collectivité locale s'organise, tant à l'échelle de la ville que celle de la métropole. L'importance de l'Union européenne y est également claire. L'exemple de Halle illustre le fait qu'un urbanisme à petit pas, centré sur des espaces choisis permet en partie de prévenir les conséquences d'une forte déprise urbaine, même si les destructions massives de logements vacants restent nécessaires. A Bristol, l'implication du secteur privé est forte et des outils spécifiques sont mis en place pour la gestion de la réhabilitation des espaces par ce secteur. Avec le recul, ces outils, s'ils présentent une bonne base d'action dans un contexte de réduction des subventions publiques, exigent un contrôle encore incertain à ce jour. Au-delà de ce constat qui invite à aller étudier de façon plus approfondie chacune des expériences ou à s'inspirer de celle(s) correspondant le mieux au contexte urbain considéré, nous pouvons présenter quelques pistes de portée plus générale, celles-là même qui permettront, nous l'espérons, d'enrichir le débat public et d'éclairer les décideurs108. Le potentiel de métropolisation élément discriminant des conceptions de l'intervention ? L'examen des situations confirme l'intuition de départ que plus encore que la centralité géographique ou fonctionnelle, le contexte métropolitain et le potentiel que recèle le quartier ancien au regard de celui-ci constitue un élément décisif de l'intervention. Une chose est de réhabiliter un quartier que seuls des obstacles matériels et juridiques maintiennent à l'écart d'un marché de l'immobilier porté par une attractivité globale de l'aire urbaine, une autre est de le rendre attractif alors même que la déprise, nourrie par l'écart de l'agglomération des territoires économiquement productifs ou de la manne touristique, affecte le centre, comme la périphérie. Dans un cas, c'est le contrôle des flux (de capitaux, de véhicules, d'habitants) qui va s'avérer l'enjeu essentiel de l'intervention publique, dans l'autre, c'est la capacité à redonner à l'espace sa faculté de répondre aux besoins et aux aspirations d'une population qui n'a d'autres droits à faire valoir et d'autres opportunités à saisir que ceux « d'être là ». Une gouvernance publique agencialisée, gage de souplesse... sans garantie de succès Nous notons le recours systématique à des instruments spécifiques pour mener à bien les projets de renouvellement urbain, qu'ils soient dédiés exclusivement au projet d'une ville ou qu'ils concernent l'ensemble des quartiers anciens 108 Les éléments qui suivent sont le produit d'un échange avec les chargés de mission du PUCA en charge du suivi de l'étude. 83 au sein d'une politique nationale. Ce recours à des instruments qui ont en commun un agencement spécifique de moyens financiers, d'expertise et de pilotage, se rapproche de l'agencialisation des politiques publiques impulsée par la diffusion du « new public management » dans les villes européennes. Au-delà de cette lecture « politiste » des observations menées, force est de constater que ces instruments présentent l'avantage d'intégrer et de mutualiser en leur sein, et à des échelles permettant leur mobilisation rapide, des moyens correspondant à l'enchevêtrement des problèmes que posent les quartiers anciens dégradés et que des approches sectorielles où trop « administratives » ne parviendraient pas à démêler aussi efficacement. Pour autant, l'observation montre que ces instruments ne sont pas la panacée que l'on attendait d'eux. L'état du marché et les dynamiques urbaines sont en effet plus structurants que les instruments ainsi conçus. Une mobilisation croisée des ressources publiques/privées pour quelles finalités ? Dans la plupart des cas, on remarque des tentatives plus ou moins abouties de mobilisation de ressources privées afin de compléter ou de se substituer à des financements publics insuffisants ou incertains. Nous sommes tentés toutefois de distinguer les logiques d'action en fonction des fins recherchées. La première est celle de la substitution : la collectivité et l'État cherchent un tiers investisseur pour des opérations d'ensemble dans un contexte de fort différentiel entre les ressources publiques et les prix du marché. La puissance publique use d'un cadre réglementaire pour obtenir des contreparties (pourcentage de logements sociaux, ou équipements publics...). La seconde est celle de la mobilisation : la collectivité publique incite les propriétaires individuels à réaliser les travaux et leur offre un complément de moyens. Les prix de sortie des logements restant inférieurs à ceux du marché, les investisseurs institutionnels et les banques sont moins spontanément mobilisables; c'est la puissance publique qui met en relation les propriétaires impécunieux avec des acheteurs prêts à revaloriser le bien. La voirie et les équipements restant eux aussi d'initiative et de financement publics. La troisième enfin, est celle du découplage. La puissance publique, locale, régionale ou nationale-fédérale intervient quasiment seule. L'idée n'est pas d'attirer des investisseurs dont on sait qu'ils ne viendront pas avant longtemps ni même d'aider les propriétaires à engager des travaux mais d'impulser une dynamique communautaire autochtone qui en dépit des départs et des démolitions donne à travers des équipements modestes et des évènements festifs une nouvelle image du quartier. Sous réserve d'inventaire complémentaire, ce sont les trois principales logiques qui nous ont semblé baliser les situations étudiées. Des espaces publics et équipements au service de l'image du quartier Il ressort également de l'examen des projets de requalification la nécessité de dépasser les seules actions sur le logement. Dans des contextes de marchés du logement détendus, le retour de la périphérie vers le centre ne peut s'opérer qu'à la suite d'un « changement d'image » des quartiers anciens. Si l'attractivité ne se décrète pas, il est clair que seule une action fine sur les équipements et les espaces publics peut ­ en lien avec l'intervention sur le logement ­ permettre de redynamiser un centre dégradé. Dans ce cadre, la fonction des équipements ne se limite pas à une satisfaction de besoins (immédiats ou projetés), mais à un outil de « marketing urbain » permettant de faire évoluer le regard des citadins sur le quartier. Ainsi, ces équipements culturels, qui sont supposés répondre aux aspirations de la population attendue, servent d'abord à symboliser la reconquête du quartier ainsi qu'une centralité 84 retrouvée. Ailleurs, l'implantation d'un équipement sportif semble redonner confiance en la capacité de l'action publique à agir sur un territoire, dans un contexte de déprise urbaine. L'enjeu est bien de changer l'image de ces territoires. La redécouverte du caractère pittoresque d'une trame viaire étroite montre combien, dans ces quartiers, la mise en scène des lieux est centrale. Il en va de même de toutes les réflexions autour de la notion de patrimoine entendu comme construction collective. Villes abordables, villes praticables Enfin, la question de la place des populations aux ressources modestes demeure l'une des plus délicates à restituer. Dans les contextes qui ont été présentés comme à fort potentiel, c'est par le logement social, souvent interprété dans son acception « résiduelle » - c'est-à-dire réservé aux plus pauvres ­ que le processus de gentrification sera combattu, qu'il soit mis en oeuvre au moyen d'opérateurs spécifiques ou qu'il repose sur un conventionnement plus diffus. Ailleurs, c'est la préservation d'un tissu de petits propriétaires, bailleurs ou occupants, qui constitue la préoccupation centrale des autorités locales. Dans les zones de forte déprise, ce sont les conditions du maintien d'une population modeste sans réelle concurrence, mais qui pâtit d'une dégradation générale de son environnement, qu'il s'agit d'assurer. Dans tous les cas de figure, ces opérations n'apparaissent pas être des leviers de déségrégation mais bien plus un moyen de replacer des quartiers dégradés dans une dynamique d'ensemble dont les tendances ségrégatives seront au mieux atténuées. Reste que l'accès aux centralités recréées et les possibilités pratiques qui y sont offertes pour s'y inscrire, en tant qu'habitant, passant, touriste ou citadin, semblent peser d'un poids au moins aussi lourd que l'accessibilité financière au logement dans l'urbanité des quartiers traités. La requalification des quartiers anciens dégradés reste une entreprise complexe, fortement ancrée dans son contexte local et qui nécessite un savoir-faire important. En France, ce savoir-faire se construit progressivement et les échanges avec le reste de l'Europe représentent une ouverture intéressante. 85 X) Bibliographie Agence métropolitaine de Brasov, (2010), Key numbers in the Brasov Metropolitan Area Apur, IAU, (2009), Initier des projets métropolitains, les enseignements des IBA en Allemagne, Conférence métropolitaine ANRU, (2008), PNRQAD, rapport au ministre du logement et de la ville ANRU, (2010), Règlement général de l'ANRU Bristol Citycouncil (2010), The Bristol development framework, Core strategy Bromley, R.D.F., Tallon, A.R. and Thomas, C.J. (2005) "City centre regeneration through residential development: contributing to sustainability", Urban Studies 42: 2407-2429 Code de la construction et de l'habitation (2010), Article L511-1 Colomb C., (2006), Le New Labour et le discours de la renaissance urbaine au Royaume Uni. 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Demeter-Lowe Dania Sfarghiu Tudor Sfarghiu Liviu Zarnoveanu Bristol Sarah O'Driscoll Jawahar de Sousa Andrew Tallon Jason Thorne Halle Steffen Fliegner Klaus Friedrich Guido Schwarzendahl Babette Scurell Paris Guillaume Bourlier Didier Bravaccini Jean-Loup Drubigny Anne Grangé Michel Polge Porto Isabel Carvalho Alves Ana Delgado: Paulo Pinho Paulo Ponte Jose Sequeira Architecte, membre de l'ordre des architectes Membre de l'agence métropolitaine de Brasov Architecte, membre de l'ordre des architectes Architecte Architecte de la ville Architecte, membre de l'ordre des architectes Chargée de la planification stratégique, mairie de Bristol, Aménagement communautaire, mairie de Bristol Senior lecturer en politiques urbaines, université de West England, faculté de l'environnement naturel et construit Chargé du développement économique et culturel, mairie de Bristol, Service d'urbanisme, mairie de Halle Professeur, Institut des sciences de la Terre, géographie sociale, université de Halle Conseiller, Bauverein Halle & Leuna eG Sociologue, membre du bureau de l'IBA Chargé de projet, ANRU Chargé de projet, ANAH Directeur, Urbact Chargée de mission, bureau du parc privé et de la lutte contre l'habitat indigne Directeur, pôle de lutte contre l'habitat indigne Historienne, mairie de Porto Directrice, Porto Vivo SRU Professeur d'aménagement, directeur de CITTA (centre de recherché pour les Territoires, les transports et l'environnement, faculté d'ingénierie de Porto Relations publiques, Hard Club Service d'études et de planification urbaine, Porto Vivo SRU 89 Annexe 2 : Liste des projets retenus dans le cadre du PNRQAD 25 candidatures retenues : · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · Annonay : centre-ville Aubervilliers : centre-ville Bastia : centre ancien Béziers : centre-ville Bayonne : Petit et Grand Bayonne Bordeaux : coeur de ville Calais : Vauxhall-Fontinettes Carpentras : centre ancien Fort-de-France : Porte Caraïbe Le Havre : centre ancien Le Puy-en-Velay : centre-ville Lille métropole (cinq quartiers) Marignane : centre historique Meaux : centre historique et Saint-Nicolas Montreuil et Bagnolet : Bas Montreuil et Coutures Nices Côté d'Azur : Vernier-Thiers Perpignan : quartier de la gare Saint-Denis : centre-ville Sète : Révolution, Ile Sud et Quartier Haut Nîmes métropole (sur la commune de Saint-Gilles) : centre ancien Saint-Quentin : Faubourg d'Isle Sedan : centre ancien Troyes : Bouchon-de-Champagne Valenciennes métropole (cinq quartiers) Villeneuve-Saint-Georges : centre-ville 15 candidatures retenues, limitées à un accompagnement en ingénierie : · · · · · · · · · · · · · · · Aix-en-Provence : quartier ancien Carcassonne : bastide Saint-Louis Châtellerault : centre-ville et Châteauneuf Elbeuf : centre-ville Juvisy-sur-Orge : Pasteur La Seyne-sur-Mer : centre historique Maubeuge et Val de Sambre: Sous-le-Bois Montauban : Villebourbon et Sapiac Orléans : Carmes-Bannier Rennes : centre ancien Saint-Dizier : La Noue Saint-Étienne : Saint-Just-Pareille-Rondet et Chappe-République-Neyron Saint-Ouen : Rosiers-Debain Vienne : vallée de la Gère Vierzon : centre-ville 90 Annexe 3: Résumé en anglais Rehabilitation of deprived inner city areas European perspectives Brasov // Bristol // Halle // Porto Introduction In France, a new program concerning the rehabilitation of deprived inner city areas was launched in 2009. Indeed, in spite of decades of urban policies aimed at eradicating deprived housing, there are still nowadays districts where the situation remained unimproved. With this program, the idea is to develop an integrated urban development, steered at a national level (through the incentives of two agencies, Anah and ANRU and the ministry in charge of housing) and applied at a local level (at the municipality or metropolitan level). The implementation of this program is still in process and the idea arose that it would be interesting to go to other European cities and see how the rehabilitation of deprived inner city areas is done abroad. The aim was to come back with some good practices and ways of dealing with deprived inner city areas. To realize this report, a methodology was set up beforehand. For each site, a review of the main documents and articles related to our issues was made before going abroad. In addition to this theoretical approach, visits on sites and meetings with the important stakeholders were conducted in each city. It is important to notice that there are some limitations of this study, first of all because of the short period of time it covered. Indeed, in four months, it was impossible to build monographs of all the cities. Therefore, this study gives us perspectives on each city, through a prism that is altered by my point of view and the stakeholder's discourses too. Since it is not aimed to be a monograph of each city, it was compulsory to establish a reading grid. This grid was a result from the interviews I made in France. The idea was to start from the issues faced in France and build general questions from them. Four main themes were then selected: the relationship between the housing market and the strategies implemented (in situation of tensed housing market or not), the different strategies of the public sector, the attitude regarding the resilience of urban forms in these particular districts, ways of dealing with the current inhabitants of the area, linked to the goal of urban diversity. The sites were also selected thanks to specific criteria that are mainly the availability of data, the presence of a recent rehabilitation project in the inner city area and the size of the city. At the end, four cities were selected: Brasov in Romania, Bristol in England, Halle in Germany and Porto in Portugal. 91 Housing market and urban rehabilitation in inner city areas Even if these cities are really different and have specific contexts, they all have to deal with the fluctuations of the housing market. The extreme situation can be found in Halle. Indeed, this city is declining as a whole and it can be called a "shrinking city". This means that not only the number of inhabitants is decreasing, but also the ageing process is fast and job opportunities are lower. The impact on the housing market is very important since the level of vacancy is high and the attractiveness of the whole area is low. The inner city area suffers from this and the solution found in Halle was to take part in two programs ran at a national level ("Stadtumbau Ost"109) and at a regional level (the IBA110 of Saxony-Anhalt). The main strategies are to demolish quite a lot of buildings (more than 10 000 dwellings were demolished), to focus on specific areas by improving their image (by organizing events for example or by implementing a new equipment) and by raising the awareness of the stakeholders regarding the shrinking problem. The results are not always satisfactory but the main success is that, now, in Halle, almost everybody is convinced or at least aware that the city is not anymore in a growing process. In Bristol, which is almost the opposite of Halle regarding the state of the housing market, the issues are different and the concern is to put a frame to the private investments in order to finance equipments or social housing (which would not maybe be taken care of by developers). A wide range of public sector strategies The implication of the public sector in the process of rehabilitation of inner city areas is very different in each city. The relationship with the private sector is the main variable. In Porto, the rehabilitation is lead by a public organism called Porto Vivo SRU. The idea is to focus, at the beginning, on strategic areas and to improve the situation there, hopping it will spread the dynamic in the whole area. But Porto Vivo SRU does not work alone and rely a lot on private stakeholders. The partnership is based on the fact that Porto Vivo SRU can help them to rehabilitate their dwelling by having specific agreements with all sectors involved in the process (for example, banks or the construction sector) and by having a good knowledge of the dynamics of the area. The public organism is important because it gives a general strategy and view for the area, and then, the private stakeholders can develop their project, being more aware of what the demand is. For example, in some cases, the owners of several buildings joined and they managed to develop bigger flats with also the possibility of adding parking lots to their buildings, which is a good strategy to attract families in the area. In Brasov, the public sector relies also on private actors but Europe is important as well. Indeed, it can provide not only funding but also a participation to a network of European cities, which allows Brasov to exchange good practices and ways of doing the rehabilitation. In Bristol, the main idea is to cope with the influence of the private sector, especially regarding the social part of the project. Therefore, the public authority is setting up tools to orientate the projects, like for example the compulsory percentage of affordable housing in each new construction of group of housing. 109 110 Urban rehabilitation program in the Eastern part of Germany International exhibition of architecture 92 Resilience of urban forms and the role of heritage In historic areas, the pattern of urban fabric is often not considered to be suitable for the modern ways of living in a city. Therefore, the solution is sometimes to destroy buildings and to replace them by new ones, fitted with bigger apartments. The example of Porto is interesting regarding this issue of finding a balance between answering the demand and maintaining a certain atmosphere in an old district. Indeed, the question of heritage is striking in a lot of deprived inner city areas. In Porto, it has become even more important since the classification as a world heritage site by Unesco in 1996. The impact was positive because it shed some lights on a very deprived area of the city, but on the other hand, it made the rehabilitation process more difficult since the façades and the structure of the area have to be kept exactly the way they are. Nevertheless, solutions were found, (like the association of owners mentioned above). The resilience of forms is therefore possible in an area where, at a first glance, everything was supposed to stay untouched. The concept of heritage is a collective construction. It can come for the "top", like in Porto, but it can also start from the "bottom", as it is the case in Brasov. Over there, individuals and specialized architects decided to tackle the issue of ruined heritage step by step. They started with an old and emblematic door and they raised awareness of others (bigger associations). They have now rehabilitated several doors and their work has been promoted in the city (by the media essentially). Low income population and urban diversity Urban diversity is a main target of urban policies nowadays. Indeed, a diverse urban environment is considered to be more sustainable and vibrant. This concept encompasses urban function mix (housing, retail, services..) but also social and generational diversity. Nevertheless, in almost every city I visited, the means to prevent gentrification from spreading seemed a little bit weak. Most of the time (like in Bristol for example), social housing is implemented and sometimes, gentrification is almost welcomed, considering the high degree of deprivation of the area. In Porto, the idea is less to put an emphasis on social diversity and more about setting up an integrated urban development strategy. The objective is to attract the private sector, in an area which suffers from a very low image (due to the high crime rate, the degradation of the buildings and the poverty of the population essentially). The strategy is to work on the housing problems but also on the kind of equipments they want to implement in the district. The idea behind it is that specific equipment, like a cultural center settled in an old market hall or a student residence, will attract a targeted population and then participate in the diversity of uses of the area. Developing urban diversity can also mean adding more houses in the city center as it is the case in Bristol. The functional mix is there a goal. In Brasov, the question is more to manage to keep the housing function in an old attractive area where retail and banks are spreading. 93 Conclusions The contexts of the cities we got interested in are all very different and it is necessary to realize that the main objective was not to build comparisons with France or to consider the practices on a hierarchical basis. Thanks to this study, we managed to gather ways of dealing with the rehabilitation of deprived inner city areas. What can we then keep in mind? First of all, it is important to notice that the reflection should be made at a local but also metropolitan level. Indeed, the strategy implemented in the inner city area is very different in a context were the city as a whole is competitive compared to a city which is declining. The second conclusion drawn is that the "new public management", based on specific agencies is efficient in terms of mobilization of people, knowledge and money for a particular project but it should not be considered as a perfect way of doing things. These agencies also have to deal with urban dynamics and the fluctuations of the housing market, which are often stronger. Thirdly, there is a wide range of relationships between the private and the public sectors in the four cities considered. We tried to synthesize them in three main categories: substitution, where the private sector supports most of the rehabilitation work and the public sector put frames to it; mobilization, in which the public authority fosters the private stakeholders to realize the work and steers the global strategy; decoupling, in which the public authority steps in because it would be almost impossible to attract private investments in the area. Lastly, it seems important to keep in mind that equipments and public spaces are as important as housing in the rehabilitation process, in the objective to change the image of a deprived area. The concept of urban marketing is then used. The rehabilitation of deprived inner city areas is a complex process, embedded in the whole city's context. Studying it at a European level can provide an interesting opening. 94 Le Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA), depuis sa création en 1998, développe à la fois des programmes de recherche incitative, des actions d'expérimentations et apporte son soutien à l'innovation et à la valorisation scientifique et technique dans les domaines de l'aménagement des territoires, de l'habitat, de la construction et de la conception architecturale et urbaine. Il est organisé selon quatre grands départements de capitalisation des connaissances : Société urbaines et habitat traite des politiques urbaines dans leurs fondements socio-économiques ; Territoires et aménagement s'intéresse aux enjeux du développement urbain durable et de la planification ; Villes et architecture répond aux enjeux de qualité des réalisations architecturales et urbaines ; Technologies et construction couvre les champs de l'innovation dans le domaine du bâtiment. Le PUCA développe une recherche incitative sur le futur des villes à l'impératif du développement durable. Ce plan 2007-2012 se décline selon huit programmes finalisés dont les objectifs de recherche répondent aux défis urbains de demain. Ces programmes sont accompagnés d'ateliers thématiques, de bilans de connaissances et de savoir-faire, ainsi que par des programmes transversaux à l'échelle des territoires et des villes et à l'échelle européenne, avec la participation du PUCA à des réseaux européens de recherche. Le PUCA, par ailleurs, assure le secrétariat permanent du programme de recherche et d'expérimentation sur l'énergie dans le bâtiment (PREBAT). Le gouvernement des villes et la fabrique du bien commun Planification sociale de l'urbain et des services publics Citoyenneté et décision urbaine Intercommunalité et métropolisation Normes et fabrique du bien commun Le renouveau urbain Rénovation urbaine et mixité sociale Renouvellement et recomposition des quartiers Créativité et attractivité des villes L'avenir des périphéries urbaines Qualité et sûreté des espaces urbains Architecture de la grande échelle Habitat pluriel : densité, urbanité, intimité Systèmes périurbains et coûts d'urbanisation Dynamiques et pratiques résidentielles Comportements résidentiels et défis démographiques Vieillissement de la population et choix résidentiels Habitat et services aux personnes âgées Evolutions démographiques et inégalités territoriales Accès au logement Trajectoires résidentielles Recompositions institutionnelles de l'offre de logement Modes et formes de l'hébergement Economie foncière et immobilière L'innovation dans l'architecture et la construction Logements optimisés : coûts, qualité, fiabilité, délai Concept qualité, habitat, énergie Logement design pour tous Evaluation énergétique du patrimoine existant (PREBAT) Bâtiments démonstrateurs (PREBAT) REHA (PREBAT) Territoires et acteurs économiques Espaces urbain et dynamiques économiques Lieux, flux, réseaux dans la ville des services Développement économique local et mondialisation Economie de l'aménagement Attractivité des territoires Vers des villes viables et acceptables Politiques territoriales et développement durable Risques technologiques : enjeux économiques et territoriaux Villa urbaine durable Quartiers durables Aménagement et démarches HQE Collectivités locales et politiques énergétiques (PREBAT) Collectivités locales et défi climatique (PREBAT) INVALIDE) (ATTENTION: OPTION iété est extrêmement morcelée dans ce quartier et il est difficile pour la puissance publique de pouvoir prétendre à la gestion de l'ensemble de la régénération. La réhabilitation du quartier ancien s'insère donc dans une action publique à l'échelle de la ville. En ex-Allemagne de l'est, les moyens de la puissance publique sont très faibles, surtout face à l'ampleur du problème. Halle ne fait pas figure d'exception et à l'échelle locale, le secteur public propose des actions et s'appuie sur des financements venus de programmes nationaux, régionaux et européens. La question du logement social ne se pose pas car le niveau des loyers privés est déjà très bas. La stratégie est depuis quelques années orientée vers la gestion de la décroissance et le recours à des investissements privés massifs devient de plus en plus limité face au manque d'attractivité de la ville. Le rôle de la péréquation financière entre les différentes régions d'Allemagne, et de projets nationaux essentiellement orientés vers des problématiques plus fréquemment rencontrées à l'est de l'Allemagne (comme une vacance très élevée par exemple) sont donc nécessaires. De plus, l'utilisation d'outils incitatifs (et notamment des avantages fiscaux pour les acteurs privés qui investiraient dans la réhabilitation de logements situés dans le centre ancien) a permis de réhabiliter des quartiers de la ville. Avec la crise, ces investissements ont augmenté et de nombreux allemands de l'ouest ont investi dans la réhabilitation de Halle, notamment dans le quartier de Glaucha. L'échelle de ces investissements est celle du logement, ou de l'immeuble. Bristol est la ville où la stratégie de la puissance publique diffère le plus de la situation en France. En effet, le secteur privé, et notamment les promoteurs, ont un rôle très important dans la réalisation des opérations de rénovation urbaine. Face au nombre élevé de propriétaires en Angleterre, la question du logement social est 70 http://www.portovivosru.pt/ 58 résiduelle mais permet à la mairie d'avoir un certain rapport de force avec les opérateurs. Rénover sans argent public est ici une stratégie clairement assumée mais aux effets contrastées et dont l'analyse diffère en fonction des interlocuteurs. A Brasov, la puissance publique est très démunie (financièrement mais également en termes de savoir-faire technique et d'application des règlements). Les attentes par rapport au soutien de l'Union Européenne sont grandes. Les procédures et l'ingénierie sont deux éléments qui manquent à la mise en place des projets. Pour pallier ce déficit de savoir-faire, des structures complémentaires se mettent en place, comme l'agence métropolitaine de Brasov. 2) Accompagner et attirer l'investissement privé : le cas de Porto A Porto, la régénération du centre ancien est pilotée par la structure publique Porto Vivo SRU. Cette structure (sous forme de société anonyme) a été créée par décret en 2004 et sert de médiateur entre les propriétaires et les investisseurs et entre les propriétaires bailleurs et les loueurs. Elle détermine aussi la stratégie et effectue si nécessaire les opérations de réhabilitation. Organigramme71 71 Document fourni par J.Sequeira 59 Le « management board » de la structure est constitué de trois personnes (issues de la mairie, des services de l'Etat et de Porto Vivo SRU). Ce bureau dirigeant est à la tête de deux services principaux qui regroupent l'ensemble des compétences de l'organisme. D'un côté, la branche opérationnelle qui met en place les plans stratégiques et les programmes pour chaque immeuble, après avoir établi un diagnostic précis. Porto Vivo SRU dispose d'une base de données très fournie, immeuble par immeuble, appartement par appartement, renseignant le niveau de dégradation du logement mais aussi des données socio-économiques sur les habitants du lieu. Cette branche opérationnelle est complétée par un service d'étude, de stratégie et de recherche de financements. C'est dans ce service que la recherche d'investissements privés notamment a lieu, mais également la résolution de toutes les questions juridiques liées à la réhabilitation. Pour l'ensemble de ces opérations, Porto Vivo peut avoir recours à un service de conseil constitué de 14 d'experts aux compétences diverses. Des professeurs de l'université de Porto y côtoient des avocats, des entrepreneurs et des anciens hommes politiques. Différents périmètres d'invervention72 72 Porto Vivo SRU, (2010), Présentation Urbact, Jessica for cities, Florence 60 Le territoire d'intervention de Porto Vivo SRU est la ZIP73 (car l'ACRRU74 est trop vaste). Cette zone englobe 500ha (comprenant le centre historique et une zone tampon). L'objectif est de redynamiser cet espace en perte de vitesse au moyen de cinq objectifs qui sont75 : réhabiliter le centre ville développer, revitaliser et promouvoir le commerce encourager le tourisme, la culture et les loisirs améliorer l'espace public Pour réaliser ces objectifs, Porto Vivo s'appuie sur un « management plan » qui se présente comme un document cadre de la réhabilitation, sans pour autant être aussi rigide qu'un plan d'aménagement. L'idée est dans un premier temps de focaliser les efforts sur des espaces spécifiques (les aires d'intervention prioritaires, au nombre de six) pour qu'ensuite les effets positifs liés à cette réhabilitation se diffusent au reste du quartier ancien. Localisation des six aires d'intervention prioritaires et stratégie de diffusion76 Porto Vivo ne se substitue pas aux opérateurs et a pour objectif premier d'encourager les investisseurs privés et les propriétaires à faire la réhabilitation de leur bien. Zone d'intervention prioritaire Aire critique de rénovation et la reconversion urbaine 75 Présentation Urbact, Porto Vivo SRU, Jessica for cities, 2010, Florence 76 Document fourni par J.Sequeira 73 74 61 L'action de Porto Vivo peut être résumée en quatre étapes principales qui s'étalent sur 4 années77. 1) Etablissement de plans d'actions et de documents stratégiques, suite à un travail important de terrain 2) Etude auprès des propriétaires et des habitants pour recevoir les suggestions et les critiques puis approbation du plan stratégique et notification auprès des propriétaires 3) Signature des contrats de réhabilitation et lancement des procédures d'expropriation si besoin ; sélection des partenaires privés 4) Délivrance des permis et supervision des travaux de réhabilitation par Porto Vivo Mode opératoire de Porto Vivo La structure est donc en relation directe avec les propriétaires privés du centre ancien et a pour but de faciliter les opérations de rénovation. Le diagramme ci-dessous montre l'implication importante des fonds privés dans les opérations menées par Porto Vivo. 77 Porto Vivo SRU, (2010), Présentation Urbact, Jessica for cities, Florence 62 Modèle d'investissement pour les actions de Porto Vivo, horizon 2012 (EIB : banque européenne d'investissement; ERDF : fonds européens de développement régional, IHRU : institut pour l'habitat et la réhabilitation urbaine)78 Ainsi, près de 80% des investissements nécessaires proviennent des fonds privés. Un exemple intéressant de l'implication du secteur privé dans les projets mis en place par Porto Vivo SRU est l'opération en cours dans le secteur de Corpo Da Guarda, le long de la rue Mouzinho da Silveira, au coeur du quartier ancien. 78 Document fourni par J.Sequeira, 63 Projet de Corpo Da Guarda79 Résultats et financements de l'opération de Corpo Da Guarda80 L'idée de ce projet était que les propriétaires s'associent pour mettre en place une offre qui corresponde à la demande. En mutualisant les surfaces, les appartements à la fin de l'opération sont agrandis et des espaces de parking ont été créés. 79 80 Document fourni par J.Sequeira Document fourni par J.Sequeira 64 Toutes ces évolutions ont été permises sans altérer la structure des bâtiments (auxquels il est très difficile de toucher étant donné le classement en patrimoine mondial de l'Unesco). Il est donc intéressant de voir qu'un changement d'usage est possible tout en conservant la trame préexistante à l'opération et que l'opérateur public peut assister une telle transformation, sans investir beaucoup d'argent (86% du coût des travaux ont été supportés par le secteur privé). La puissance publique prend également en considération les difficultés que peuvent rencontrer certains propriétaires dans le centre ancien pour faire face à la nécessaire réhabilitation de leur bien. Une des causes principales du manque de rénovation dans le centre ancien de la ville a été le blocage des loyers pendant des dizaines d'années (notamment sous la dictature de Salazar). Ce blocage, s'il a permis de loger dans le centre des personnes ayant peu de ressources, n'a pas rendu possible les travaux de rénovation nécessaires suite au vieillissement des logements. Les ressources en provenance des loyers n'était pas suffisants pour faire les travaux et certains propriétaires ont préféré laisser leur logement vacant. Aujourd'hui, les loyers sont progressivement actualisés (avec des situations où les loyers sont encore nettement en dessous des loyers de marché). Pour combler ce retard, Porto Vivo SRU a mis en place un programme pour aider les propriétaires qui sont restés sur les montants des loyers de 1948 (le programme RECRIA81). Ce programme a pour but d'encourager, par des incitations financières, les propriétaires modestes à effectuer des travaux. Par conséquent, Porto Vivo SRU, structure publique de rénovation urbaine, fait appel aux outils coercitifs et incitatifs pour encourager les propriétaires à rénover, mais l'organisme dispose également d'un rôle d'accompagnateur et de soutien pour les acteurs privés qui sont parfois démunis, notamment face au morcellement de la propriété et face aux coûts que les travaux peuvent représenter. 3) Des structures complémentaires pour aider l'action publique : le cas de Brasov A Brasov, la puissance publique manque de moyens et l'appui de structures annexes, plus ou moins indépendantes, est indispensable. La principale difficulté réside dans la mise oeuvre des plans et des règlements qui existent et qui sont assez détaillés (comme l'exemple du plan zonal de la zone historique présenté ci-dessous). 81 http://www.portovivosru.pt/sub_menu_9_3_6.php 65 Plan zonal de la zone historique82 Des organismes se sont alors créés pour assister les autorités locales, à la fois pour les projets locaux mais également pour la réflexion à l'échelle intercommunale et pour la recherche de financements. C'est le cas de l'agence métropolitaine de Brasov (agence qui a un statut d'association). Cette agence a été créée en 2006 en englobant 13 communes de tailles variables et ce sont ces communes qui financent en grande partie l'agence par leur adhésion. Ses objectifs sont notamment l'élaboration de plans stratégiques locaux ainsi que d'un plan stratégique pour l'aire métropolitaine de Brasov. La promotion de l'image de l'agglomération est également importante. Son rôle se rapproche donc de celui des agences d'urbanisme en France. Néanmoins, les responsabilités de cette agence aux 82 Document fourni par K.Creosteanu 66 moyens humains plutôt limités (avec 13 personnes qui travaillent pour cette agence, contre 44 par exemple pour l'agence de Nancy) sont plus larges. En parallèle de cette activité, l'agence est également la structure qui établit les dossiers pour les aides européennes et à destination des différents donneurs potentiels. Cette action est très importante étant donné l'impact des programmes et aides européens pour la ville. La ville fait ainsi partie du réseau Links (Urbact) et a participé au programme Jessica for cities . Les fonds de préadhésion ont également permis de rénover une partie des espaces publics de la ville (comme la zone autour des remparts) De plus, l'assistance technique fournie aux communes est accompagnée de formation en management public. Cette agence permet donc à l'aire métropolitaine d'accéder à des financements et des savoir-faire qui lui sont nécessaires pour pouvoir se développer et également réhabiliter les espaces dégradés ou peu mis en valeur, comme le centre ancien. Encadré 3: la réhabilitation des quartiers anciens et les programmes européens : Urbact et le programme Links A l'échelle européenne, la problématique des centres anciens est fédératrice puisqu'elle recoupe des thématiques transversales et rencontrées par un nombre important de villes. Le réseau Urbact83 réunit environ 300 villes (chiffre variable en fonction de la mise en place des programmes) qui se trouvent dans 29 pays et avec plus de 5 000 participants. Ce programme fédère des villes autour de thématiques très variées et a pour but une mutualisation des pratiques et un échange à l'échelle européenne. Le fil conducteur est le développement urbain durable. Au sein d'Urbact, un programme en particulier s'intéresse aux quartiers historiques et à leur développement. Il s'agit du programme Links84. L'objectif est d'envisager la ville historique comme le support du développement durable et en tant qu'éco-quartiers de demain. Le postulat de départ est que la ville historique réunit un ensemble de critères propres à la ville compacte et possède une urbanité intrinsèque (avec une densité importante, une qualité architecturale certaine, des commerces nombreux..). Pour faire face au déclin de ces centres (lié à la fuite de la population, la dégradation des bâtiments..), le programme se propose de mutualiser les expériences et de changer le regard sur ces espaces qui pourraient correspondre au modèle de la ville durable. Les villes qui font partie de ce programme dirigé par la ville de Bayonne sont Anderlecht (Belgique), Kilkenny (Irlande), Brasov (Roumanie), Freiberg (Allemagne), Budrio (Italie), Almeria (Espagne), Veria (Grèce) et Delft (Pays-Bas). A Brasov, l'action publique s'appuie en partie sur des structures qui gèrent à la fois des questions d'urbanisme (comme la collaboration à l'élaboration de documents stratégiques à l'échelle locale) et des questions de mise en oeuvre et de procédures (comme la recherche de financements européens par exemple). 4) Bristol : le levier du logement social A Bristol, l'action publique doit composer avec l'influence très importante des acteurs privés et notamment des promoteurs. 83 84 http://urbact.eu/fr/homepage-2/ http://urbact.eu/fr/projects/cultural-heritage-city-development/links/homepage/ 67 La réalisation d'un cadre de développement à l'échelle de la ville85 permet néanmoins à l'autorité locale de donner une orientation au développement des quartiers. Ce cadre définit un ensemble de politiques à respecter pour l'ensemble des acteurs de l'aménagement du territoire. L'exemple du « logement abordable » est intéressant. Ce logement est défini comme « un logement qui répond aux besoins de ménages dont les revenus ne leur permettent pas de louer ou d'acheter aux prix du marché local. Il peut concerner les logements sociaux locatifs comme les logements loués gérés par les autorités locales ou des loueurs sociaux enregistrés ou des logements intermédiaires où les prix du logement et des loyers sont au-dessus des loyers sociaux mais en-dessous des prix du marché86 ». Il s'agit donc d'une définition plus large que le logement social en France. Ce type de logement répond à un réel besoin puisqu'en 2006, les prix les plus bas pour les maisons étaient plus de huit fois supérieurs au plus bas niveau de revenus enregistré. Une part de la population de la ville rencontre donc de grandes difficultés pour se loger87. Pour répondre à cette problématique, qui n'intéresse pas a priori les investisseurs privés, la ville a mis en place une réglementation qui impose à tous les programmes résidentiels de plus de quinze logements de comporter au moins 30% de logements abordables (voire plus dans certains secteurs déficitaires de la ville). 85 http://www.bristol.gov.uk/ccm/content/Environment-Planning/Planning/planning-policy-documents/bristoldevelopment-framework/core-strategy.en 86 87 Bristol Citycouncil (2010), The Bristol development framework, Core strategy, p 95, traduit par l'auteur Ibid, p 95 68 Pourcentages exigés de logements abordables par zones stratégiques88 En théorie, la réglementation est donc utilisée par la puissance publique pour faire pression sur les promoteurs qui réalisent les programmes. Cependant, en pratique, il semble que la réalité soit plus contrastée et que les impératifs budgétaires des promoteurs prennent le pas sur les contraintes sociales. Le positionnement de la ville est difficile à tenir car peu d'argent public est investi pour la réhabilitation mais des contraintes assez fortes sont énoncées. Par exemple, dans l'opération de Canon's Marsh (qui se situe à proximité du port flottant) sur les 360 appartements construits, seuls 15% sont destinés à du logement abordable et le promoteur a fait savoir que sur chaque logement abordable, il perdait environ 80 000£89. A Bristol, le logement dit abordable est un des outils les plus contraignants à disposition de l'autorité publique pour orienter les projets vers une dimension plus sociale. Mais la stratégie semble difficile à implanter dans un contexte de marché tendu. Bristol Citycouncil, op.cit Bromley, R.D.F., Tallon, A.R. and Thomas, C.J. (2005) "City centre regeneration through residential development: contributing to sustainability", Urban Studies 42: 2407-2429 89 88 69 La puissance publique a donc un spectre d'intervention assez large. Dans tous les cas, son impact est important car il détermine l'orientation et la direction des projets de réhabilitation de quartiers centraux de la ville. Ces projets s'insèrent dans un tissu urbain spécifique, celui des quartiers anciens. L'enjeu est de faire correspondre l'offre à la demande actuelle, en partant d'un tissu existant ancien et donc pensé à une autre époque. La question de la résilience90 des formes urbaines, et donc de leur adaptabilité est posée. 90 La résilience des formes urbaines se caractérise par le maintien d'une certaine stabilité dans le changement, il s'agit d'une « aptitude d'un ensemble de formes à maintenir sa structure alors que les formations sociales ont changé et se transforment, jusqu'à un point de rupture », Morphologie dynamique des réseaux viaires.L'exemple du Val d'Oise étudié par S. Robert www.archeogeographie.org/formation/sorbonne/.../viaires.pps 70 VII) Résilience des formes urbaines : destruction ou patrimonialisation 1) Valeur du patrimoine et nécessité d'adapter les formes urbaines : des situations contrastées La notion de patrimoine est difficile à définir car il s'agit d'une construction collective. Si certains critères objectifs peuvent être utilisés pour la définition d'un élément patrimonial (comme par exemple l'ancienneté d'un bâtiment), le classement du tissu urbain est souvent opéré de façon subjective, en fonction des représentations que la collectivité a d'une époque, d'un bâtiment. Cette question du patrimoine est importante à prendre en compte dans la réhabilitation des centres anciens puisqu'elle conditionne en partie les formes urbaines qu'un projet peut envisager. Elle questionne également la résilience des formes urbaines caractéristiques d'un quartier ancien historique. Diversifier les usages tout en tentant de conserver les formes est un des enjeux de la réhabilitation des centres anciens dégradés. La ville la plus emblématique de cette absence apparente de résilience des formes urbaines dans le centre ancien est Porto. En effet le classement au patrimoine mondial de l'Unesco d'une partie de son centre a figé les formes et les structures. Aujourd'hui, la tâche des opérateurs de la rénovation est donc plus ardue et ils sont contraints de trouver des astuces pour conserver le tissu urbain actuel tout en les adaptant aux usages modernes et à la demande. A Halle, cette notion de conservation du patrimoine est au second plan, notamment face à l'importance du tissu hérité de la période communiste qui n'est pas considéré comme étant un patrimoine valorisable. L'image qui en ressort est assez négative et cette architecture a été rejetée massivement après la chute du mur. Aujourd'hui, les regards évoluent progressivement. Néanmoins, ce sont ces formes urbaines associées à cet urbanisme de barres qui sont majoritairement détruites aujourd'hui à cause du déclin démographique de la ville. Les structures pensées pour une ville en croissance ne sont plus adaptées à la décroissance actuelle. Dans le centre ancien, la situation inverse se produit. Si pendant la période communiste, le centre ancien a été délaissé, la stratégie d'aujourd'hui est de valoriser ce centre qui possède les équipements et les infrastructures nécessaires aux habitants. La question des formes urbaines n'est que très peu prise compte car, une fois encore, la question du patrimoine n'est pas la question principale. Il faut rénover pour rendre plus attractif. Une certaine continuité du bâti est néanmoins maintenue. Le tissu urbain actuel de Bristol sert de base pour de nouveaux projets et de nouveaux usages. Par exemple, à Harbourside, une partie du patrimoine (ou des espaces considérés comme tels) est conservé afin de garder une atmosphère en lien avec l'ancienne activité portuaire. Une certaine mise en scène est opérée par les promoteurs (avec la conservation des rails et d'anciens wagons par exemple à Harbourside). Dans le quartier de Knowle West, la structure est conservée mais face à la pression foncière, le choix va à la densification de l'espace. L'ancienne cité jardin risque donc de perdre de son caractère pour devenir un quartier plus urbain. Néanmoins, peu de destructions sont à prévoir. 71 La résilience des formes urbaines à Brasov est en question devant le manque d'application des réglementations, qui pourtant existent. La notion de patrimoine se concrétise par un classement des bâtiments (notamment en fonction de leur ancienneté). L'héritage est très présent dans cette ville aux influences culturelles diverses (allemandes, hongroises, turques..). Cependant, la prise de conscience de cet héritage est encore faible et l'action d'acteurs privés est un des moteurs de sa préservation. 2) Classement Unesco : opportunités et limites: le cas de Porto Le centre historique de Porto est classé au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1996. Encadré 4 : le classement au patrimoine mondial de l'Unesco Le rôle de l'Unesco dans le classement au patrimoine mondial est essentiellement d'accompagner les villes dans leur décision de protéger leur héritage. L'initiative provient dans la majorité des cas de la ville elle-même qui peut ainsi obtenir un label valorisable pour le tourisme et l'image de la ville. Ce label permet également de protéger un patrimoine qui pourrait disparaître, sous la pression foncière ou par manque d'adaptation aux besoins actuels. L'Unesco ne fournit pas d'argent mais elle peut apporter une assistance technique aux villes et elle constitue une plate-forme d'échanges à l'échelle mondiale entre les villes. Les conséquences d'un classement au patrimoine mondial sont assez lourdes car les sites sont ensuite soumis à des règles strictes pour leur développement et leur réhabilitation. A Porto, le classement Unesco du centre historique a contraint la ville à revoir son règlement pour la zone historique (avec des réglementations pour la publicité par exemple ou les usages des espaces publics).91 Si de nombreux centres historiques sont classés, d'autres espaces plus ou moins urbains le sont également, comme c'est le cas des anciens sites industriels allemands. La ville moderne est quant à elle très peu présente dans ce classement et cela illustre le manque de considération à l'égard de ces constructions qui façonnent pourtant encore beaucoup de villes. « L'héritage » soviétique est ainsi omniprésent dans des villes comme Halle ou même Brasov mais absent de la liste de l'Unesco. Ce classement a permis d'opérer un changement de regard sur cette partie de la ville. En effet, elle est aujourd'hui considérée comme un patrimoine à valoriser, et son état de délabrement actuel doit être modifié. Des contraintes quant à la conservation des structures et des façades accompagnent ce classement Unesco. L'intérêt majeur pour la ville est de pouvoir ensuite promouvoir ce label pour attirer le tourisme dans cette ville qui se tourne de plus en plus vers la culture pour devenir attractive (avec également la célébration en 2001 de Porto comme capitale européenne de la culture et la construction pour cette occasion de bâtiments emblématiques comme la Casa da Musica construite par Rem Koolhass). Pour le centre ancien, ce recours à des bâtiments modernes phares ne peut être utilisé car les façades doivent être conservées. La stratégie est donc de miser sur le caractère historique de ce lieu. Pour pouvoir conserver une atmosphère « authentique » dans le quartier historique de Porto, il a été nécessaire de le connaître de façon plus précise. En effet, les formes ont dû être répertoriées et étudiées et les conditions de vie des habitants analysées. Ce travail de repérages et de connaissance du quartier était d'autant plus nécessaire que 91 http://whc.unesco.org/archive/periodicreporting/EUR/cycle01/section2/755-summary.pdf 72 les limites choisies par l'Unesco ne correspondent pas aux limites administratives des quartiers de la ville. Les données par quartier dont la collectivité disposait ne pouvaient donc pas être utilisées. Les différents périmètres de protection du patrimoine dans le centre ville 92 (en vert : périmètre Unesco, en bleu : zone de protection délimitée par la mairie) Cet aspect est intéressant car il a mené Porto Vivo SRU à réaliser une enquête de terrain approfondie pour nourrir une base de données regroupant des informations sur le bâti, sur les habitants actuels et les travaux en cours ou prévus. Cette base a pris une année à être finalisée par les membres de Porto Vivo SRU et son objectif est d'être actualisée au fur et à mesure du processus de requalification du quartier. A terme, l'ambition est de rendre accessible à tous les acteurs de la réhabilitation ces informations qui permettent ensuite de rendre compte à l'Unesco des travaux accomplis mais également de mener un projet cohérent, qui prend en compte le contexte dans lequel il s'inscrit. En effet, plusieurs échelles d'analyse sont utilisées, du quartier dans son ensemble à l'immeuble. 92 Carte issue de la base de données bâtie par Porto Vivo SRU 73 Les opérations de réhabilitation urbaine93 A l'échelle du quartier, l'ensemble des opérations de réhabilitation sont répertoriées (comme sur la carte ci-dessus). Le nombre de m², le périmètre concerné ainsi que le nom du quartier sont mentionnés. 93 Carte issue de la base de données bâtie par Porto Vivo SRU 74 Informations par immeuble94 Ensuite, par immeuble, une série d'informations sont notifiées, comme par exemple des photos (à mettre ensuite en regard avec l'état futur), une description de l'état actuel de l'immeuble et l'occupation. 94 Carte issue de la base de données bâtie par Porto Vivo SRU 75 Localisation des industries créatives95 Mais l'état des logements n'est pas la seule information répertoriée. La localisation des différentes entreprises est notifiée, comme par exemple les entreprises créatives sur la carte ci-dessus. La connaissance du quartier s'étend donc aux différentes fonctions urbaines. En parallèle, Porto Vivo SRU effectue un suivi de l'évolution des prix du marché du logement (pour la location et la vente) dans le quartier central. Cette connaissance du quartier est un atout très important qui peut être vu comme une conséquence de la labellisation Unesco. La réhabilitation des immeubles est cependant conditionnée par la conservation des structures et des façades. Si cela permet de conserver cet héritage construit au fil des années, les coûts de la réhabilitation sont beaucoup plus élevés (car les travaux sont techniquement plus difficiles).Les prix des logements à la sortie sont donc parfois trop hauts pour que la population locale puisse se permettre d'acquérir ces nouveaux logements. Ce phénomène explique aussi pourquoi, en moyenne, les logements en centre ville coûtent plus cher que les logements en périphérie, malgré leur taille moindre96. Outre cette élévation des prix des logements, la réhabilitation sous le contrôle de l'Unesco entraîne parfois les opérateurs à faire du « façadisme », c'est-à-dire à conserver la façade et ensuite démolir ce qu'il y a derrière. Dans d'autres cas, et surtout lorsque c'est la ville qui se charge de la réhabilitation, l'ensemble de la structure doit être impérativement conservée et les travaux sont rendus très difficiles. 95 96 Carte issue de la base de données bâtie par Porto Vivo SRU Urban Audit 76 Qui plus est, une fois ces travaux effectués, l'offre qui sera proposée ne correspond pas nécessairement à la demande actuelle (les logements étant souvent trop exigus). Le classement au patrimoine mondial de l'Unesco a donc permis à la ville de Porto de faire connaître son centre ville mais surtout de le mettre en valeur en le réhabilitant en conservant les structures et les formes urbaines. La très bonne connaissance de la réalité urbaine et sociale du centre ancien permet aux différents projets en cours de répondre à des besoins actuels tout en tentant de satisfaire une demande latente et de développer de nouveaux usages. Par ailleurs, l'exemple de Porto illustre la grande résilience des centres anciens. En effet, grâce à leur forte urbanité et à la concentration d'infrastructures et d'équipements, un même quartier peut accueillir des fonctions et des populations différentes. La patrimonialisation est certes un risque mais l'enjeu réside avant tout dans les opportunités d'appropriation de l'espace offerte par le quartier (au travers d'équipements structurants, d'espaces publics et de diversité de types de logement notamment). 3) Financements de la réhabilitation et implication d'acteurs privés: le cas de Brasov La notion de patrimoine est, comme mentionnée précédemment, une question de construction collective. Dans certains cas, l'héritage conservé est important, mais la population n'y prête pas une grande attention, par manque de moyens ou par manque d'intérêt. C'est le cas à Brasov. Cette ville a pu conserver une grande partie de son tissu historique, issu de la période germanique (et notamment le quartier de la citadelle et celui de Schei). Pourtant, une part importante de cet héritage a été détruit pendant la période communiste (notamment à Bucarest avec la construction du palais du peuple de Ceausescu). Aujourd'hui, il existe à Brasov un règlement assez fourni pour la protection du patrimoine et principalement de la vieille ville (avec notamment la présence d'une législation spécifique à cet espace). Mais sa mise en oeuvre pose des problèmes car la sensibilisation des habitants est encore en cours et le pouvoir des investissements privés dépassent parfois ces contraintes. Par exemple, dans le quartier de Schei, la conservation du style architectural « typique roumain » est un enjeu fort. Face à la pression d'acheteurs privés avec des moyens financiers assez importants, certaines concessions sont faites et des logements modernes sont construits. Ces logements sont souvent plus grands et ne prennent pas en compte le contexte dans lequel ils s'inscrivent. Sans classement UNESCO comme à Porto et sans applications des règles précises concernant la préservation du patrimoine, la solution trouvée est l'implication forte d'acteurs privés qui entraîne ensuite une série d'actions en faveur de la conservation de cet héritage historique. Elles constituent la base d'un réseau associatif qui gère la réhabilitation d'éléments ponctuels et les retombées bénéficient à la fois aux habitants et à l'image de la ville. L'exemple de la réhabilitation des portes du centre historique est intéressant. Au départ, des propriétaires se sont mobilisés et ont sollicité l'appui d'une architecte spécialisée dans la question du patrimoine pour l'alerter de l'état défectueux de la porte d'entrée de leur cour. Cette porte est un des éléments constituant l'ensemble architectural du centre historique et un bon nombre de ces portes sont dégradées. Après une recherche de fonds, la réhabilitation a 77 été réalisée par une équipe dirigée par cette architecte, avec le soutien de la fondation ProPatrimonio97. Le succès de cette réhabilitation a permis aux différents acteurs de se faire connaître et de promouvoir leur projet (à travers notamment des articles de presse). Grâce à cette publicité, d'autres personnes se sont intéressées au sort de ces portes et plusieurs projets ont pu être financés. Cet exemple illustre le fait qu'une initiative individuelle peut déboucher sur la réhabilitation d'un ensemble d'éléments constituant la ville historique et éveiller l'intérêt pour la sauvegarde d'un patrimoine architectural emblématique du lieu. L'exemple de Brasov permet de réaliser qu'une construction collective patrimoniale peut se former par le haut (comme à Porto avec le classement Unesco) ou en partant des citoyens eux-mêmes. Il semble donc que la résilience des quartiers anciens soit intéressante à prendre en compte dans les projets de réhabilitation. Il est possible dans certains cas de partir de la morphologie urbaine existante pour s'adapter à la demande actuelle. Mais le bâti n'est pas le seul élément préexistant à une opération de réhabilitation. La question de la population résidante est également importante à prendre en compte et les quatre villes étudiées n'ont pas la même approche sur ce sujet. 97 http://www.propatrimonio.org/en/index.html 78 VIII) Populations modestes et objectifs de mixités: impératifs économiques, considérations sociales et prise en compte des usages 1) Approches opérationnelles de la mixité : du social à l'usage La mixité est un des concepts phare de la ville durable. Il englobe des réalités et des problématiques diverses, que ce soit concernant la population (avec la mixité sociale et générationnelle) ou en lien avec les usages (mixité fonctionnelle). Le postulat de départ est qu'une ville aux fonctions variées, avec une population mélangée, est plus vivante, plus urbaine et plus respectueuse des impératifs liés au développement durable (en termes sociaux, environnementaux et économiques). Ainsi, la mixité sociale est une des entrées majeures des programmes de rénovation urbaine en France. L'enjeu est de parvenir à gérer à la fois le relogement des habitants tout en parvenant à attirer une certaine mixité dans le quartier. En Europe, le relogement est également une problématique, plus ou moins aiguë en fonction des villes et des situations du marché du logement. Les approches opérationnelles de la mixité sont quant à elles variées et les objectifs multiples. La forte vacance du quartier historique de Porto est vécue comme une chance pour la gestion de la réhabilitation. En effet, elle permet d'envisager la question du relogement de la population résidante sans trop de difficulté pendant les opérations de réhabilitations lourdes qui exigent le départ temporaire des habitants. La vacance est aussi une opportunité pour mettre en place une offre variée de logements qui a pour objectif une mixité sociale et surtout générationnelle importante. A Halle, l'enjeu majeur est de parvenir à maintenir la population actuelle en place, face au processus de déclin démographique. La question du logement social ne se pose pas dans les mêmes termes que dans les quartiers anciens inscrits dans un marché du logement tendu. En effet, la déprise urbaine entraîne une chute globale des prix des logements et le logement des populations les plus modestes est moins problématique. Le logement social n'est pas une question à Halle où le prix moyen de location se situe entre 5 et 5,50 euros par m²98. Néanmoins, la crise économique et le chômage très élevé dans la ville font qu'une partie de la population ne parvient plus à payer son loyer. La question du logement des populations les plus modestes est abordée d'une façon un peu différente à Bristol. En effet, si le pourcentage de logements dits abordables est imposé, il n'est pas toujours respecté et l'équilibre des opérations est souvent mis en avant par les promoteurs pour diminuer le nombre de logements abordables. Mais l'approche des acteurs de la réhabilitation concernant la mixité sociale est aussi liée à la vie du quartier. En effet, des études ont été menées pour analyser l'impact d'une population mixte sur les usages du quartier (de jour comme de 98 Selon S.Fliegner 79 nuit). Cette approche originale et très statistique plaide pour une diversité plus grande des habitants dans les quartiers centraux. La mixité sociale n'est pas la préoccupation première de la réhabilitation du centre ancien de la ville de Brasov. En effet, la population résidente est âgée (dans une ville où l'âge médian est de 40 ans99) et la question principale est la pérennité de la fonction résidentielle dans le centre. En effet, étant donné les loyers élevés exigés dans le centre ville (dus à la localisation avantageuse et à la pression des commerces et des services comme les banques), de plus en plus de logements disparaissent au profit de bureaux. Aujourd'hui, la fonction résidentielle occupe encore plus de 50% de l'espace dans le centre ancien100. Par ailleurs, le logement social ne représente qu'une infime partie du parc de logement. Il est géré en régie par la ville (à travers une administration spécifique) et concerne les populations les plus démunies. 2) Volonté claire de mixité sociale et d'usages : le cas de Porto L'objectif affiché du programme de réhabilitation urbaine du quartier historique de Porto est de diversifier les usages et d'obtenir une mixité sociale et générationnelle importante. L'approche opérationnelle du projet va donc dans ce sens et les partenariats avec le privé s'orientent notamment vers la construction d'une résidence étudiante et la réhabilitation d'une maison de retraite dans le quartier de Sé. Localisation des différents projets, quartier de Sé101 Agence métropolitaine de Brasov, (2010), Key numbers in the Brasov Metropolitan Area Selon L. Bartha 101 Documents fournis par Porto Vivo SRU 99 100 80 Répartition des fonctions (en m²) dans le quartier de Sé (après réhabilitation)102 Le tableau ci-dessus illustre le fait qu'une part importante des m² construits dans le quartier est occupée par des équipements qui vont dans le sens de la mixité urbaine. Entre la résidence étudiante, l'hôtel et la résidence pour personnes âgées, 23% des m² (soit environ 9000 m²) sont utilisés. La population actuelle du quartier ne sera pas contrainte au départ dans l'immédiat car la vacance importante actuelle permet aux opérateurs du projet d'utiliser des espaces vides pour la réalisation de leurs programmes. Par ailleurs, l'implantation de logements sociaux est prévue dans le quartier par l'autorité locale. La question se pose néanmoins à plus long terme, notamment en lien avec la hausse irrémédiable des prix dans le quartier. En effet, comme mentionné précédemment, certains loyers sont bien plus bas que les prix du marché. La solution trouvée a été d'actualiser très progressivement ces loyers pour permettre aux locataires de s'adapter et aux propriétaires de récupérer plus d'argent et d'être en possession d'un bien plus rentable. Une fois les loyers actualisés, reste à savoir si le profil socio-économique du quartier va rester le même. A Porto, le maintien dans le quartier de la population actuelle est permis par la forte vacance, l'actualisation progressive des loyers actuels qui sont très bas et ponctuellement par l'implantation de logements sociaux. L'approche opérationnelle se base sur une mixité permise par une diversification des équipements et des types de logements. 3) Mixités et animation du quartier : le cas de Bristol A Bristol, l'approche de la mixité sociale s'appuie en apparence sur le même système de pourcentage de logements sociaux qu'en France. Néanmoins, l'idée de mixité n'est pas seulement liée à des critères sociaux. L'ambition est aussi de dynamiser le quartier et d'en favoriser les usages multiples. Pour ce faire, des études ont été menées sur les fréquentations des différents lieux du centre ville de Bristol, de jour comme de nuit103. La conclusion principale est que la mixité sociale peut « être le support d'usages variés des fonctions traditionnelles du centre ville »104 Documents fournis par Porto Vivo SRU Bromley, R.D.F., Tallon, A.R. and Thomas, C.J. (2005) "City centre regeneration through residential development: contributing to sustainability", Urban Studies 42: 2407-2429 104 Ibid, traduit par l'auteur 102 103 81 En parallèle de cet intérêt pour la mixité sociale, la stratégie de la « résidentialisation »105 du centre ville est présente à Bristol. Cette stratégie consiste à encourager le développement de la fonction résidentielle dans le centre ville en accord avec l'idée de mixité fonctionnelle. En effet, avant le retour vers le centre engendré par la politique du New Labour, les logements étaient peu présents et peu mis en valeur dans un bon nombre de centres ville anglais. Aujourd'hui, cette fonction est encouragée afin de diversifier les usages du centre, pour répondre à une demande forte de logements et également pour participer à la reconversion d'espaces en déshérence. La concrétisation de cette volonté de mixités n'est pour autant pas évidente, que ce soit concernant la mixité fonctionnelle ou la mixité sociale. Ainsi, le quartier commercial de Broadmead, s'il a été rénové et est aujourd'hui attractif, n'accueille que très peu de logements et est désert la nuit. En ce qui concerne la mixité sociale, l'exemple de Knowle West est lui aussi révélateur de la difficulté de développer des quartiers mixtes. Le quartier est un des plus pauvres de la ville et sa situation est assez enclavée. La majorité de la population est constituée par des familles (souvent monoparentales)106. La densité y est très faible (30 logements à l'hectare). Pour répondre à l'impératif de constructions (selon le Bristol City Council's affordable housing delivery plan for 2006-2010, 400 nouvelles maisons devaient être construites par an), le quartier de Knowle West a attiré les convoitises. L'objectif est aujourd'hui de passer à une densité de 50 logements à l'hectare. Or, l'ensemble des projets en cours prennent en compte la volonté de mixité sociale107 mais sa réalisation à terme n'est pas encore certaine. Ce quartier est un des plus défavorisé de la ville et les promoteurs consentent aujourd'hui à y investir car la pression foncière dans le centre est forte. Néanmoins, le mélange avec la population actuelle du quartier n'est pas une priorité et les développements futurs, sans intervention de la mairie, auraient tendance à s'implanter en périphérie du quartier, à proximité des axes de transport. A Bristol, la mixité est perçue comme un outil de revitalisation du centre mais aussi et surtout comme un support de rationalisation de l'usage de l'espace. Les temporalités liées aux différentes fonctions et aux populations sont variées et permettent ainsi d'avoir un espace central urbain et animé. Bromley, R.D.F., Tallon, A.R. and Thomas, C.J., op.cit Knowle West Regeneration Framework Baseline Briefing, 2009 107 « Maintain, provide or contribute to a mix of housing tenure types and sizes to help support the creation of mixed, balanced and inclusive communities », Knowle West Regeneration Framework Baseling Briefing, 2009 105 106 82 IX) Conclusion Ce tour d'horizon a donc permis de recueillir des manières de faire, des impressions et des avis en lien avec la requalification des quartiers anciens dégradés. Qu'en retenir ? Tout d'abord une grande diversité de situations et d'approches avec dans chaque ville des particularités. A Porto, le projet urbain intégré, en lien avec un classement au patrimoine mondial de l'Unesco, se base sur une très bonne connaissance du quartier, un organisme public aux compétences plurielles et une implication du secteur privé. A Brasov, le secteur privé est également très présent (notamment concernant la réhabilitation des éléments patrimoniaux), mais la collectivité locale s'organise, tant à l'échelle de la ville que celle de la métropole. L'importance de l'Union européenne y est également claire. L'exemple de Halle illustre le fait qu'un urbanisme à petit pas, centré sur des espaces choisis permet en partie de prévenir les conséquences d'une forte déprise urbaine, même si les destructions massives de logements vacants restent nécessaires. A Bristol, l'implication du secteur privé est forte et des outils spécifiques sont mis en place pour la gestion de la réhabilitation des espaces par ce secteur. Avec le recul, ces outils, s'ils présentent une bonne base d'action dans un contexte de réduction des subventions publiques, exigent un contrôle encore incertain à ce jour. Au-delà de ce constat qui invite à aller étudier de façon plus approfondie chacune des expériences ou à s'inspirer de celle(s) correspondant le mieux au contexte urbain considéré, nous pouvons présenter quelques pistes de portée plus générale, celles-là même qui permettront, nous l'espérons, d'enrichir le débat public et d'éclairer les décideurs108. Le potentiel de métropolisation élément discriminant des conceptions de l'intervention ? L'examen des situations confirme l'intuition de départ que plus encore que la centralité géographique ou fonctionnelle, le contexte métropolitain et le potentiel que recèle le quartier ancien au regard de celui-ci constitue un élément décisif de l'intervention. Une chose est de réhabiliter un quartier que seuls des obstacles matériels et juridiques maintiennent à l'écart d'un marché de l'immobilier porté par une attractivité globale de l'aire urbaine, une autre est de le rendre attractif alors même que la déprise, nourrie par l'écart de l'agglomération des territoires économiquement productifs ou de la manne touristique, affecte le centre, comme la périphérie. Dans un cas, c'est le contrôle des flux (de capitaux, de véhicules, d'habitants) qui va s'avérer l'enjeu essentiel de l'intervention publique, dans l'autre, c'est la capacité à redonner à l'espace sa faculté de répondre aux besoins et aux aspirations d'une population qui n'a d'autres droits à faire valoir et d'autres opportunités à saisir que ceux « d'être là ». Une gouvernance publique agencialisée, gage de souplesse... sans garantie de succès Nous notons le recours systématique à des instruments spécifiques pour mener à bien les projets de renouvellement urbain, qu'ils soient dédiés exclusivement au projet d'une ville ou qu'ils concernent l'ensemble des quartiers anciens 108 Les éléments qui suivent sont le produit d'un échange avec les chargés de mission du PUCA en charge du suivi de l'étude. 83 au sein d'une politique nationale. Ce recours à des instruments qui ont en commun un agencement spécifique de moyens financiers, d'expertise et de pilotage, se rapproche de l'agencialisation des politiques publiques impulsée par la diffusion du « new public management » dans les villes européennes. Au-delà de cette lecture « politiste » des observations menées, force est de constater que ces instruments présentent l'avantage d'intégrer et de mutualiser en leur sein, et à des échelles permettant leur mobilisation rapide, des moyens correspondant à l'enchevêtrement des problèmes que posent les quartiers anciens dégradés et que des approches sectorielles où trop « administratives » ne parviendraient pas à démêler aussi efficacement. Pour autant, l'observation montre que ces instruments ne sont pas la panacée que l'on attendait d'eux. L'état du marché et les dynamiques urbaines sont en effet plus structurants que les instruments ainsi conçus. Une mobilisation croisée des ressources publiques/privées pour quelles finalités ? Dans la plupart des cas, on remarque des tentatives plus ou moins abouties de mobilisation de ressources privées afin de compléter ou de se substituer à des financements publics insuffisants ou incertains. Nous sommes tentés toutefois de distinguer les logiques d'action en fonction des fins recherchées. La première est celle de la substitution : la collectivité et l'État cherchent un tiers investisseur pour des opérations d'ensemble dans un contexte de fort différentiel entre les ressources publiques et les prix du marché. La puissance publique use d'un cadre réglementaire pour obtenir des contreparties (pourcentage de logements sociaux, ou équipements publics...). La seconde est celle de la mobilisation : la collectivité publique incite les propriétaires individuels à réaliser les travaux et leur offre un complément de moyens. Les prix de sortie des logements restant inférieurs à ceux du marché, les investisseurs institutionnels et les banques sont moins spontanément mobilisables; c'est la puissance publique qui met en relation les propriétaires impécunieux avec des acheteurs prêts à revaloriser le bien. La voirie et les équipements restant eux aussi d'initiative et de financement publics. La troisième enfin, est celle du découplage. La puissance publique, locale, régionale ou nationale-fédérale intervient quasiment seule. L'idée n'est pas d'attirer des investisseurs dont on sait qu'ils ne viendront pas avant longtemps ni même d'aider les propriétaires à engager des travaux mais d'impulser une dynamique communautaire autochtone qui en dépit des départs et des démolitions donne à travers des équipements modestes et des évènements festifs une nouvelle image du quartier. Sous réserve d'inventaire complémentaire, ce sont les trois principales logiques qui nous ont semblé baliser les situations étudiées. Des espaces publics et équipements au service de l'image du quartier Il ressort également de l'examen des projets de requalification la nécessité de dépasser les seules actions sur le logement. Dans des contextes de marchés du logement détendus, le retour de la périphérie vers le centre ne peut s'opérer qu'à la suite d'un « changement d'image » des quartiers anciens. Si l'attractivité ne se décrète pas, il est clair que seule une action fine sur les équipements et les espaces publics peut ­ en lien avec l'intervention sur le logement ­ permettre de redynamiser un centre dégradé. Dans ce cadre, la fonction des équipements ne se limite pas à une satisfaction de besoins (immédiats ou projetés), mais à un outil de « marketing urbain » permettant de faire évoluer le regard des citadins sur le quartier. Ainsi, ces équipements culturels, qui sont supposés répondre aux aspirations de la population attendue, servent d'abord à symboliser la reconquête du quartier ainsi qu'une centralité 84 retrouvée. Ailleurs, l'implantation d'un équipement sportif semble redonner confiance en la capacité de l'action publique à agir sur un territoire, dans un contexte de déprise urbaine. L'enjeu est bien de changer l'image de ces territoires. La redécouverte du caractère pittoresque d'une trame viaire étroite montre combien, dans ces quartiers, la mise en scène des lieux est centrale. Il en va de même de toutes les réflexions autour de la notion de patrimoine entendu comme construction collective. Villes abordables, villes praticables Enfin, la question de la place des populations aux ressources modestes demeure l'une des plus délicates à restituer. Dans les contextes qui ont été présentés comme à fort potentiel, c'est par le logement social, souvent interprété dans son acception « résiduelle » - c'est-à-dire réservé aux plus pauvres ­ que le processus de gentrification sera combattu, qu'il soit mis en oeuvre au moyen d'opérateurs spécifiques ou qu'il repose sur un conventionnement plus diffus. Ailleurs, c'est la préservation d'un tissu de petits propriétaires, bailleurs ou occupants, qui constitue la préoccupation centrale des autorités locales. Dans les zones de forte déprise, ce sont les conditions du maintien d'une population modeste sans réelle concurrence, mais qui pâtit d'une dégradation générale de son environnement, qu'il s'agit d'assurer. Dans tous les cas de figure, ces opérations n'apparaissent pas être des leviers de déségrégation mais bien plus un moyen de replacer des quartiers dégradés dans une dynamique d'ensemble dont les tendances ségrégatives seront au mieux atténuées. Reste que l'accès aux centralités recréées et les possibilités pratiques qui y sont offertes pour s'y inscrire, en tant qu'habitant, passant, touriste ou citadin, semblent peser d'un poids au moins aussi lourd que l'accessibilité financière au logement dans l'urbanité des quartiers traités. La requalification des quartiers anciens dégradés reste une entreprise complexe, fortement ancrée dans son contexte local et qui nécessite un savoir-faire important. En France, ce savoir-faire se construit progressivement et les échanges avec le reste de l'Europe représentent une ouverture intéressante. 85 X) Bibliographie Agence métropolitaine de Brasov, (2010), Key numbers in the Brasov Metropolitan Area Apur, IAU, (2009), Initier des projets métropolitains, les enseignements des IBA en Allemagne, Conférence métropolitaine ANRU, (2008), PNRQAD, rapport au ministre du logement et de la ville ANRU, (2010), Règlement général de l'ANRU Bristol Citycouncil (2010), The Bristol development framework, Core strategy Bromley, R.D.F., Tallon, A.R. and Thomas, C.J. (2005) "City centre regeneration through residential development: contributing to sustainability", Urban Studies 42: 2407-2429 Code de la construction et de l'habitation (2010), Article L511-1 Colomb C., (2006), Le New Labour et le discours de la renaissance urbaine au Royaume Uni. 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Demeter-Lowe Dania Sfarghiu Tudor Sfarghiu Liviu Zarnoveanu Bristol Sarah O'Driscoll Jawahar de Sousa Andrew Tallon Jason Thorne Halle Steffen Fliegner Klaus Friedrich Guido Schwarzendahl Babette Scurell Paris Guillaume Bourlier Didier Bravaccini Jean-Loup Drubigny Anne Grangé Michel Polge Porto Isabel Carvalho Alves Ana Delgado: Paulo Pinho Paulo Ponte Jose Sequeira Architecte, membre de l'ordre des architectes Membre de l'agence métropolitaine de Brasov Architecte, membre de l'ordre des architectes Architecte Architecte de la ville Architecte, membre de l'ordre des architectes Chargée de la planification stratégique, mairie de Bristol, Aménagement communautaire, mairie de Bristol Senior lecturer en politiques urbaines, université de West England, faculté de l'environnement naturel et construit Chargé du développement économique et culturel, mairie de Bristol, Service d'urbanisme, mairie de Halle Professeur, Institut des sciences de la Terre, géographie sociale, université de Halle Conseiller, Bauverein Halle & Leuna eG Sociologue, membre du bureau de l'IBA Chargé de projet, ANRU Chargé de projet, ANAH Directeur, Urbact Chargée de mission, bureau du parc privé et de la lutte contre l'habitat indigne Directeur, pôle de lutte contre l'habitat indigne Historienne, mairie de Porto Directrice, Porto Vivo SRU Professeur d'aménagement, directeur de CITTA (centre de recherché pour les Territoires, les transports et l'environnement, faculté d'ingénierie de Porto Relations publiques, Hard Club Service d'études et de planification urbaine, Porto Vivo SRU 89 Annexe 2 : Liste des projets retenus dans le cadre du PNRQAD 25 candidatures retenues : · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · Annonay : centre-ville Aubervilliers : centre-ville Bastia : centre ancien Béziers : centre-ville Bayonne : Petit et Grand Bayonne Bordeaux : coeur de ville Calais : Vauxhall-Fontinettes Carpentras : centre ancien Fort-de-France : Porte Caraïbe Le Havre : centre ancien Le Puy-en-Velay : centre-ville Lille métropole (cinq quartiers) Marignane : centre historique Meaux : centre historique et Saint-Nicolas Montreuil et Bagnolet : Bas Montreuil et Coutures Nices Côté d'Azur : Vernier-Thiers Perpignan : quartier de la gare Saint-Denis : centre-ville Sète : Révolution, Ile Sud et Quartier Haut Nîmes métropole (sur la commune de Saint-Gilles) : centre ancien Saint-Quentin : Faubourg d'Isle Sedan : centre ancien Troyes : Bouchon-de-Champagne Valenciennes métropole (cinq quartiers) Villeneuve-Saint-Georges : centre-ville 15 candidatures retenues, limitées à un accompagnement en ingénierie : · · · · · · · · · · · · · · · Aix-en-Provence : quartier ancien Carcassonne : bastide Saint-Louis Châtellerault : centre-ville et Châteauneuf Elbeuf : centre-ville Juvisy-sur-Orge : Pasteur La Seyne-sur-Mer : centre historique Maubeuge et Val de Sambre: Sous-le-Bois Montauban : Villebourbon et Sapiac Orléans : Carmes-Bannier Rennes : centre ancien Saint-Dizier : La Noue Saint-Étienne : Saint-Just-Pareille-Rondet et Chappe-République-Neyron Saint-Ouen : Rosiers-Debain Vienne : vallée de la Gère Vierzon : centre-ville 90 Annexe 3: Résumé en anglais Rehabilitation of deprived inner city areas European perspectives Brasov // Bristol // Halle // Porto Introduction In France, a new program concerning the rehabilitation of deprived inner city areas was launched in 2009. Indeed, in spite of decades of urban policies aimed at eradicating deprived housing, there are still nowadays districts where the situation remained unimproved. With this program, the idea is to develop an integrated urban development, steered at a national level (through the incentives of two agencies, Anah and ANRU and the ministry in charge of housing) and applied at a local level (at the municipality or metropolitan level). The implementation of this program is still in process and the idea arose that it would be interesting to go to other European cities and see how the rehabilitation of deprived inner city areas is done abroad. The aim was to come back with some good practices and ways of dealing with deprived inner city areas. To realize this report, a methodology was set up beforehand. For each site, a review of the main documents and articles related to our issues was made before going abroad. In addition to this theoretical approach, visits on sites and meetings with the important stakeholders were conducted in each city. It is important to notice that there are some limitations of this study, first of all because of the short period of time it covered. Indeed, in four months, it was impossible to build monographs of all the cities. Therefore, this study gives us perspectives on each city, through a prism that is altered by my point of view and the stakeholder's discourses too. Since it is not aimed to be a monograph of each city, it was compulsory to establish a reading grid. This grid was a result from the interviews I made in France. The idea was to start from the issues faced in France and build general questions from them. Four main themes were then selected: the relationship between the housing market and the strategies implemented (in situation of tensed housing market or not), the different strategies of the public sector, the attitude regarding the resilience of urban forms in these particular districts, ways of dealing with the current inhabitants of the area, linked to the goal of urban diversity. The sites were also selected thanks to specific criteria that are mainly the availability of data, the presence of a recent rehabilitation project in the inner city area and the size of the city. At the end, four cities were selected: Brasov in Romania, Bristol in England, Halle in Germany and Porto in Portugal. 91 Housing market and urban rehabilitation in inner city areas Even if these cities are really different and have specific contexts, they all have to deal with the fluctuations of the housing market. The extreme situation can be found in Halle. Indeed, this city is declining as a whole and it can be called a "shrinking city". This means that not only the number of inhabitants is decreasing, but also the ageing process is fast and job opportunities are lower. The impact on the housing market is very important since the level of vacancy is high and the attractiveness of the whole area is low. The inner city area suffers from this and the solution found in Halle was to take part in two programs ran at a national level ("Stadtumbau Ost"109) and at a regional level (the IBA110 of Saxony-Anhalt). The main strategies are to demolish quite a lot of buildings (more than 10 000 dwellings were demolished), to focus on specific areas by improving their image (by organizing events for example or by implementing a new equipment) and by raising the awareness of the stakeholders regarding the shrinking problem. The results are not always satisfactory but the main success is that, now, in Halle, almost everybody is convinced or at least aware that the city is not anymore in a growing process. In Bristol, which is almost the opposite of Halle regarding the state of the housing market, the issues are different and the concern is to put a frame to the private investments in order to finance equipments or social housing (which would not maybe be taken care of by developers). A wide range of public sector strategies The implication of the public sector in the process of rehabilitation of inner city areas is very different in each city. The relationship with the private sector is the main variable. In Porto, the rehabilitation is lead by a public organism called Porto Vivo SRU. The idea is to focus, at the beginning, on strategic areas and to improve the situation there, hopping it will spread the dynamic in the whole area. But Porto Vivo SRU does not work alone and rely a lot on private stakeholders. The partnership is based on the fact that Porto Vivo SRU can help them to rehabilitate their dwelling by having specific agreements with all sectors involved in the process (for example, banks or the construction sector) and by having a good knowledge of the dynamics of the area. The public organism is important because it gives a general strategy and view for the area, and then, the private stakeholders can develop their project, being more aware of what the demand is. For example, in some cases, the owners of several buildings joined and they managed to develop bigger flats with also the possibility of adding parking lots to their buildings, which is a good strategy to attract families in the area. In Brasov, the public sector relies also on private actors but Europe is important as well. Indeed, it can provide not only funding but also a participation to a network of European cities, which allows Brasov to exchange good practices and ways of doing the rehabilitation. In Bristol, the main idea is to cope with the influence of the private sector, especially regarding the social part of the project. Therefore, the public authority is setting up tools to orientate the projects, like for example the compulsory percentage of affordable housing in each new construction of group of housing. 109 110 Urban rehabilitation program in the Eastern part of Germany International exhibition of architecture 92 Resilience of urban forms and the role of heritage In historic areas, the pattern of urban fabric is often not considered to be suitable for the modern ways of living in a city. Therefore, the solution is sometimes to destroy buildings and to replace them by new ones, fitted with bigger apartments. The example of Porto is interesting regarding this issue of finding a balance between answering the demand and maintaining a certain atmosphere in an old district. Indeed, the question of heritage is striking in a lot of deprived inner city areas. In Porto, it has become even more important since the classification as a world heritage site by Unesco in 1996. The impact was positive because it shed some lights on a very deprived area of the city, but on the other hand, it made the rehabilitation process more difficult since the façades and the structure of the area have to be kept exactly the way they are. Nevertheless, solutions were found, (like the association of owners mentioned above). The resilience of forms is therefore possible in an area where, at a first glance, everything was supposed to stay untouched. The concept of heritage is a collective construction. It can come for the "top", like in Porto, but it can also start from the "bottom", as it is the case in Brasov. Over there, individuals and specialized architects decided to tackle the issue of ruined heritage step by step. They started with an old and emblematic door and they raised awareness of others (bigger associations). They have now rehabilitated several doors and their work has been promoted in the city (by the media essentially). Low income population and urban diversity Urban diversity is a main target of urban policies nowadays. Indeed, a diverse urban environment is considered to be more sustainable and vibrant. This concept encompasses urban function mix (housing, retail, services..) but also social and generational diversity. Nevertheless, in almost every city I visited, the means to prevent gentrification from spreading seemed a little bit weak. Most of the time (like in Bristol for example), social housing is implemented and sometimes, gentrification is almost welcomed, considering the high degree of deprivation of the area. In Porto, the idea is less to put an emphasis on social diversity and more about setting up an integrated urban development strategy. The objective is to attract the private sector, in an area which suffers from a very low image (due to the high crime rate, the degradation of the buildings and the poverty of the population essentially). The strategy is to work on the housing problems but also on the kind of equipments they want to implement in the district. The idea behind it is that specific equipment, like a cultural center settled in an old market hall or a student residence, will attract a targeted population and then participate in the diversity of uses of the area. Developing urban diversity can also mean adding more houses in the city center as it is the case in Bristol. The functional mix is there a goal. In Brasov, the question is more to manage to keep the housing function in an old attractive area where retail and banks are spreading. 93 Conclusions The contexts of the cities we got interested in are all very different and it is necessary to realize that the main objective was not to build comparisons with France or to consider the practices on a hierarchical basis. Thanks to this study, we managed to gather ways of dealing with the rehabilitation of deprived inner city areas. What can we then keep in mind? First of all, it is important to notice that the reflection should be made at a local but also metropolitan level. Indeed, the strategy implemented in the inner city area is very different in a context were the city as a whole is competitive compared to a city which is declining. The second conclusion drawn is that the "new public management", based on specific agencies is efficient in terms of mobilization of people, knowledge and money for a particular project but it should not be considered as a perfect way of doing things. These agencies also have to deal with urban dynamics and the fluctuations of the housing market, which are often stronger. Thirdly, there is a wide range of relationships between the private and the public sectors in the four cities considered. We tried to synthesize them in three main categories: substitution, where the private sector supports most of the rehabilitation work and the public sector put frames to it; mobilization, in which the public authority fosters the private stakeholders to realize the work and steers the global strategy; decoupling, in which the public authority steps in because it would be almost impossible to attract private investments in the area. Lastly, it seems important to keep in mind that equipments and public spaces are as important as housing in the rehabilitation process, in the objective to change the image of a deprived area. The concept of urban marketing is then used. The rehabilitation of deprived inner city areas is a complex process, embedded in the whole city's context. Studying it at a European level can provide an interesting opening. 94 Le Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA), depuis sa création en 1998, développe à la fois des programmes de recherche incitative, des actions d'expérimentations et apporte son soutien à l'innovation et à la valorisation scientifique et technique dans les domaines de l'aménagement des territoires, de l'habitat, de la construction et de la conception architecturale et urbaine. Il est organisé selon quatre grands départements de capitalisation des connaissances : Société urbaines et habitat traite des politiques urbaines dans leurs fondements socio-économiques ; Territoires et aménagement s'intéresse aux enjeux du développement urbain durable et de la planification ; Villes et architecture répond aux enjeux de qualité des réalisations architecturales et urbaines ; Technologies et construction couvre les champs de l'innovation dans le domaine du bâtiment. Le PUCA développe une recherche incitative sur le futur des villes à l'impératif du développement durable. Ce plan 2007-2012 se décline selon huit programmes finalisés dont les objectifs de recherche répondent aux défis urbains de demain. Ces programmes sont accompagnés d'ateliers thématiques, de bilans de connaissances et de savoir-faire, ainsi que par des programmes transversaux à l'échelle des territoires et des villes et à l'échelle européenne, avec la participation du PUCA à des réseaux européens de recherche. Le PUCA, par ailleurs, assure le secrétariat permanent du programme de recherche et d'expérimentation sur l'énergie dans le bâtiment (PREBAT). Le gouvernement des villes et la fabrique du bien commun Planification sociale de l'urbain et des services publics Citoyenneté et décision urbaine Intercommunalité et métropolisation Normes et fabrique du bien commun Le renouveau urbain Rénovation urbaine et mixité sociale Renouvellement et recomposition des quartiers Créativité et attractivité des villes L'avenir des périphéries urbaines Qualité et sûreté des espaces urbains Architecture de la grande échelle Habitat pluriel : densité, urbanité, intimité Systèmes périurbains et coûts d'urbanisation Dynamiques et pratiques résidentielles Comportements résidentiels et défis démographiques Vieillissement de la population et choix résidentiels Habitat et services aux personnes âgées Evolutions démographiques et inégalités territoriales Accès au logement Trajectoires résidentielles Recompositions institutionnelles de l'offre de logement Modes et formes de l'hébergement Economie foncière et immobilière L'innovation dans l'architecture et la construction Logements optimisés : coûts, qualité, fiabilité, délai Concept qualité, habitat, énergie Logement design pour tous Evaluation énergétique du patrimoine existant (PREBAT) Bâtiments démonstrateurs (PREBAT) REHA (PREBAT) Territoires et acteurs économiques Espaces urbain et dynamiques économiques Lieux, flux, réseaux dans la ville des services Développement économique local et mondialisation Economie de l'aménagement Attractivité des territoires Vers des villes viables et acceptables Politiques territoriales et développement durable Risques technologiques : enjeux économiques et territoriaux Villa urbaine durable Quartiers durables Aménagement et démarches HQE Collectivités locales et politiques énergétiques (PREBAT) Collectivités locales et défi climatique (PREBAT) INVALIDE)

puce  Accés à la notice sur le site du portail documentaire du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires

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