Etat des lieux du parc social : enquête. Dossier de presse
Auteur moral
Confédération de la consommation du logement et du cadre de vie
Auteur secondaire
Résumé
"Chaque année les bailleurs sociaux adressent une enquête de satisfaction aux locataires HLM. Si 74% se déclarent satisfaits de leur logement, 26% en sont mécontents, soit 2,86 millions de personnes. La CLCV a interrogé ses représentants et associations locales pour décrire l'état des lieux du parc social, alors que la situation financière des locataires continue de s'aggraver."
Editeur
CLCV
Descripteur Urbamet
sociologie de l'habitat
;bâtiment d'habitation collectif
Descripteur écoplanete
Thème
Habitat - Logement
Texte intégral
ENQUETE ETAT DES LIEUX DU PARC SOCIAL
1
Préambule
La CLCV est une association représentative des locataires au sein des logements sociaux.
Présente dans les instances de gouvernance de plus de 250 bailleurs sociaux avec 311
représentants élus des locataires, forte de 23 000 adhérents, nous défendons les intérêts des
locataires dans 70 départements. Nos actions s?organisent majoritairement autour des contrôles
de charges locatives dans les résidences, le respect par le bailleur des obligations de décence
des logements, le dialogue entre bailleur et locataires, et la bonne exécution des travaux. Ces
actions sont coordonnées avec nos 300 associations locales et 500 groupements de locataires.
Chaque année les bailleurs sociaux adressent aux locataires une enquête de satisfaction. Si 74%
des locataires se déclarent satisfaits de leur logement, il ne faut pas ignorer les 26% de
mécontents, soit 2,86 millions d?individus sur l?ensemble du territoire. Les problématiques sont
nombreuses (charges trop élevées, entretien des parties communes, pannes d?ascenseurs,
délinquance, troubles de voisinage). C?est dans ce cadre que la ministre chargée de la ville avait
interrogé par circulaire ministérielle les bailleurs sociaux concernant l?entretien des logements
dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV). Ces derniers bénéficient en effet d?un abattement
de taxe foncière afin d?améliorer l?entretien dans ces quartiers.
En complément de cette circulaire ministérielle, la CLCV a interrogé ses représentants et
bénévoles dans les HLM pour déterminer le ressenti des locataires quant à l?entretien du parc
social, indépendamment de son statut (QPV et hors-QPV).
Profil des répondants
Ces différents représentants agissent au quotidien pour les locataires sur l?ensemble du territoire.
Parmi les réponses, 98 proviennent de la région Ile-de-France, 22 de Nouvelle-Aquitaine, 18 de
PACA, 15 des Pays-de-la-Loire, et 38 des autres régions (dont Outre-Mer).
Cette enquête comprend des témoignages de locataires habitant chez 4 bailleurs sociaux au
profil distinct :
- Logirep, société anonyme HLM (SA HLM), membre du groupe Polylogis, dont le parc social
(45 000 logements) est localisé en Ile-de-France et en région Normandie. Il est
représentatif de certains bailleurs sociaux de la région francilienne.
- Erilia, SA HLM, membre du groupe Habitat en Région, dont le parc social (92 000
logements) se situe majoritairement en région PACA, ce qui en fait le principal bailleur
régional.
- 13 Habitat, office public de l?habitat (OPH), office départemental dont le parc social est
majoritairement situé à Marseille (43% des 33 000 logements du parc). Il est représentatif
du profil des offices publics, qui comportent un parc social ancien (logements construits
majoritairement avant 1960 selon les répondants).
- I3F, SA HLM, principal membre du groupe 3F, également membre du groupe Action
Logement. I3F constitue le principal bailleur social en région Ile-de-France, tandis
qu?Action Logement est l?un des principaux acteurs du logement social dans le pays, tant
par le nombre de logements sociaux (1,176 millions) que par son financement.
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2
Profil des répondants à l?enquête CLCV
Concernant le profil des logements, il est majoritairement composé de résidences construites
entre les années 1970 et 1990 (72 réponses), et entre les années 1945 et 1970 (62 réponses). Cet
âge correspond à la majorité des logements sociaux, les Trente Glorieuses pour loger une
population croissante dans les villes, et le renouvellement urbain des années 1980 et 1990 à la
suite de la démolition des grands ensembles.
Ces résidences sont majoritairement des petits collectifs, comportant moins de 100 logements
par résidence et moins de 10 étages par résidence. S?ajoutent également des maisons et autres
logements individuels, construits en majorité depuis les années 1980.
Nous avons également parmi les répondants des résidences plus grandes. Ainsi, 41 répondants
habitent dans des résidences de plus de 100 logements, dont 13 dans des résidences de plus de
500 logements. Ces logements se retrouvent majoritairement dans des villes comportant
d?importants QPV, telles que Marseille et des villes de la banlieue parisienne comme Tremblay-
en-France.
ANNEE DE CONSTRUCTION
AVANT 1945 7
ENTRE 1945 ET 1970 62
ENTRE 1970 ET 1990 72
DEPUIS 1990 45
NOMBRE DE BATIMENTS PAR RESIDENCE
MOINS DE 10 70
ENTRE 10 ET 20 30
PLUS DE 20 14
LOGEMENTS INDIVIDUELS 55
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3
NOMBRE D?ETAGES
MOINS DE 5 89
ENTRE 5 ET 10 44
PLUS DE 10 14
NOMBRE DE LOGEMENTS CONCERNES
MOINS DE 50 60
ENTRE 50 ET 100 30
DE 100 A 500 28
PLUS DE 500 13
Etat des résidences et principales difficultés
Seulement 21,5% des répondants considèrent que leur résidence est en bon état.
Parmi les répondants, la majorité des locataires (45,6% des répondants) considèrent que l?état
de leur résidence est « mauvais » (28,3%), voire très mauvais (17,3%). Moins de 21,5% des
locataires considèrent que leur résidence est en « bon état », et seulement 3,7% en « excellent
état ». Ces résultats démontrent une forte déception de l?état des résidences de la part des
locataires, et sont conformes aux enquêtes réalisées préalablement par l?Agence Nationale de
Contrôle du Logement Social (ANCOLS). En effet, dans son baromètre annuel1, réalisé auprès de
3988 ménages, 46% des ménages déclarent que le premier motif d?insatisfaction est le mauvais
état et la vétusté du logement, suivi par un mauvais isolement (34%). Cette question de la vétusté
est d?autant plus prévalente dans les logements construits avant 1972 selon l?ANCOLS, ce qui
démontre un manque d?entretien alors que les besoins sont plus importants.
Ce manque d?entretien se reflète directement dans les difficultés et attentes des locataires
auprès de leurs bailleurs. Ainsi, 73,8% des répondants estiment que l?entretien de leur résidence
est insuffisant, 66,5% ont des problèmes liés aux charges réclamées aux locataires (justifications
1 Enquête annuelle sur les ménages du parc social 2024
https://www.ancols.fr/publications/etudes/enquete-annuelle-sur-les-menages-du-parc-social-2024
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ou montants) dont celles liées à l?entretien, 61,8% ont des problèmes d?humidité dans leur
logement, 42,4% ont des problèmes d?insécurité ou de tranquillité, et 41,4% font face à la
présence de nuisibles dans leurs logements (cafards, punaises de lit, rats).
Les locataires dénoncent par exemple un entretien insuffisant chez le bailleur Logirep, dans la
ville de Tremblay-en-France, avec la forte présence d?humidité, une isolation phonique
inexistante, et des fuites d?eaux importantes. La fuite d?eau dans une résidence est généralisée à
l?ensemble de l?immeuble, or le bailleur a l?obligation, au titre de de la loi du 6 juillet 1989 :
« D'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les
réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des
locaux loués ». Il y a donc un manquement important chez ce bailleur.
Il en est de même chez 13 Habitat, à Marseille. Dans ses résidences, les problèmes sont
multiples, avec un entretien insuffisant, une forte humidité et la présence moisissures, ainsi que
des nuisibles tels que des cafards. Or, selon l?article de loi précité, le bailleur a également
l?obligation « de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques
manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute
infestation d'espèces nuisibles et parasites ». Malgré les demandes répétées des locataires, le
bailleur n?a pas respecté ses obligations de décence, posant un risque pour la santé et la sécurité
des locataires. Toujours chez 13 Habitat, des garages sont régulièrement inondés du fait de fuites
d?eau, aggravant les risques pour la sécurité des locataires.
Les bailleurs sociaux, selon les répondants, ne sont pas également en capacité d?assurer la
sécurité physique des locataires. Chez le bailleur social I3F à Pantin, ces-derniers dénoncent, en
plus du manque d?entretien (canalisations vétustes entraînant des dégâts des eaux récurrents,
moisissures et infiltrations dans les parties communes), la présence de squats. Ces squats sont
liés à l?absence de résidentialisation des immeubles (absence de grille ou de digicode, portes
laissées ouvertes, absence de télésurveillance dans des zones confrontées au trafic). Ainsi, des
dealers occupent des logements vacants, ce qui impacte directement le quotidien des habitants.
Parmi les problématiques de sécurité, les locataires sont confrontés aux dépôts sauvages et
autres encombrants (62,8% des répondants), aux dégradations des parties communes (49,2%),
suivi des incivilités et des squats des caves (39,8%). Il est toutefois difficile de déterminer l?origine
Entretien insuffisant
Humidité
Nuisibles
Insécurité
Contrôle des charges
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du problème. Ainsi, selon les locataires du bailleur Erilia à Marseille, le manque d?entretien des
parties communes favorise les dépôts sauvages, ce qui aggravent les dégradations. L?accès laissé
libre à la résidence permet également aux personnes non-locataires de s?introduire dans les
parties communes plus aisément, et donc de squatter des caves et autres espaces communs.
La présence de dépôts sauvages, les dégradations et les incivilités demeurent trop fréquentes
dans le logement social.
Le bailleur doit pourtant garantir la jouissance paisible des lieux, soit directement grâce à ses
équipes sur place soit via les forces de police pour lutter contre les attroupements et autres
dégradations. Même si des progrès ont été faits en ce sens, avec la mise en place de gardiens
assermentés ou des groupements assurant la surveillance des résidences tels que le GPIS à
Paris, les locataires n?obtiennent pas des résultats suffisants.
La délinquance demeure selon l?ANCOLS le principal motif d?insatisfaction du quartier pour les
locataires du parc social (53%), suivi des problèmes de voisinage (46%), et du manque d?entretien
(23%). Les logements sociaux étant concentrés dans les zones urbaines denses (Ile-de-France et
PACA), l?absence d?actions de la part des bailleurs sociaux affecte tant la qualité des logements
(vétusté) que celle du quartier. Ainsi, seulement 34% des répondants à notre enquête bénéficient
d?un espace résidentialisé, garant de la tranquillité de leur immeuble, et seulement 41,9% ont un
gardien pour leur immeuble. Or les bailleurs sociaux ont une obligation d?employer à temps plein
au moins 1 gardien pour 100 logements dans les QPV, au titre de l?article R271-2 du code de la
sécurité intérieure. Malheureusement, cette obligation est de moins en moins respectée par les
bailleurs sociaux, du fait des difficultés de recrutement et d?un manque d?investissement.
Les équipements proposés dans les résidences par les bailleurs sociaux sont également limités.
Au-delà des places de stationnement (79,6% des répondants) et des espaces verts (72,8%), les
bailleurs proposent rarement des services dédiés aux locataires, alors que la population en
logement social est vieillissante. Plus de la moitié des locataires du parc social ont 53 ans selon
l?Insee, soit 11 ans de plus que le parc privé. L?accompagnement au vieillissement, à la perte de
mobilité, et au handicap reste ainsi très décevant. L?ANCOLS dénonçait déjà en 2024 l?absence
de prise en compte par les bailleurs sociaux de cette problématique, qu?il s?agisse de l?entretien
du parc existant, des travaux de réhabilitation ou de la construction de nouveaux logements
adaptés2.
2 Rapport du 26 août 2024 relatif à l?adaptation du bâti au vieillissement et au handicap
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000028285473
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000028285473
https://www.insee.fr/fr/statistiques/8392029
https://www.insee.fr/fr/statistiques/8392029
https://www.ancols.fr/publications/etudes/ladaptation-du-bati-au-vieillissement-et-au-handicap
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De plus, face aux manques de moyens financiers dans un contexte budgétaire contraint, les
locataires constatent une baisse du nombre de réhabilitations et de travaux, avec seulement
18,3% des répondants indiquant la mise en oeuvre d?une réhabilitation récente pour leur
résidence.
Les répondants à notre enquête ont un constat similaire.
Malgré la demande importante de sécurité de la part des locataires, les bailleurs n?investissent
pas assez dans la résidentialisation des logements et la présence de gardiens sur site.
Relations entre bailleurs et locataires
Notre enquête dénombre plusieurs difficultés importantes dans les relations entre bailleurs
sociaux et locataires. Ces relations, regroupées sous le terme de concertation locative, visent à
déterminer les travaux communs entre les bailleurs sociaux et les représentants des locataires.
La concertation concerne la question des charges locatives, réclamées aux locataires contre des
services réalisés par le bailleur ou ses prestataires (entretien, maintenance, interventions dans
les logements), la bonne réalisation des prestations, la résolution des litiges individuels ou
collectifs liés à ces prestations, l?organisation des travaux et le cadre de vie global des locataires.
Parmi les répondants, beaucoup considèrent que les relations entre bailleur et locataires sont
mauvaises. Ainsi, 63,9% des répondants estiment que le bailleur ne répond pas aux demandes
des locataires émises via leurs comptes clients et par courriers (dont 23,6% n?obtiennent jamais
de réponses). Seulement 4,2% des répondants obtiennent toujours une réponse de la part de leur
bailleur. Ce manque de réponses prouve la mauvaise qualité des relations entre bailleurs sociaux
et locataires.
ENQUETE ETAT DES LIEUX DU PARC SOCIAL
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Seulement 4.2% obtiennent toujours des réponses de la part de leur bailleur social, tandis
qu?une large majorité (63,9%) n?obtient jamais ou très peu de réponses.
Les locataires déplorent également la mauvaise réactivité du bailleur social en cas de problème,
quel que soit sa nature (70,1% des répondants, dont 33,5% estiment que le bailleur a une
réactivité inexistance). Cette question de réactivité englobe des sujets divers, allant des pannes
d?ascenseurs aux fuites d?eaux, en passant par les questions d?insécurité, la présences de
nuisibles ou les pannes de chauffage.
Ce manque de réactivité s?estompe considérablement dès lors qu?un gardien est présent dans la
résidence. En effet, dans les résidences bénéficiant d?un gardien, les relations entre locataires et
gardiens sont bonnes voire très bonnes. La présence du gardien est donc un moyen idéal de
résoudre les problèmes dans une résidence, à travers une remontée rapide des informations
auprès du bailleur, facilitant les interventions.
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Les relations entre locataires et gardien, et participent à une bonne concertation locative
En comparaison, 41,9% des répondants ne bénéficient pas de gardiens, ce qui a un impact direct
sur la réactivité du bailleur en cas de difficulté, ainsi que la bonne information des locataires sur
la gestion de leur résidence et le suivi de leurs demandes.
Les répondants déplorent à ce titre un manque de suivi et de réactivité chronique chez les
bailleurs sociaux. 67,5% d?entre eux font face à un manque de réactivité (absence d?intervention
sous 48 heures), un manque de suivi dans l?intervention requise (56,5%), voire une absence de
réponse adéquate à la réclamation (45,5%).
Ainsi, à Tremblay-en-France chez Logirep, les locataires font face à des délais trop longs en cas
de panne d?ascenseurs, pouvant aller jusqu?à plusieurs semaines d?affilée.
A Gardanne chez le bailleur Erilia et à Choisy-le-Roi chez le bailleur I3F, les locataires indiquent
un manque de réactivité avec un manque de suivi des dossiers des demandes des locataires, et
l?absence d?information sur les actions prévues par le bailleur en cas de problème.
Le risque accru de contentieux
L?absence de réponse favorise la frustration des locataires, voire l?ouverture de contentieux.
L?exemple typique dans le logement social de ce manque de réactivité est le contrôle des charges
locatives. Les locataires peuvent en effet vérifier si les sommes réclamées par leur bailleur au
titre des charges sont justifiées. Cette conformité passe par l?accès aux factures, la réalisation
sous 3 ans de la régularisation annuelle pour compenser le paiement des provisions mensuelles,
et la légalité des postes de dépenses. Ce processus peut être particulièrement long selon la taille
des résidences et les types de prestations proposées (du fonctionnement des ascenseurs au
chauffage, en passant par l?entretien des espaces verts, le salaire du gardien, et le nettoyage des
parties communes). Malheureusement, les locataires constatent que les bailleurs sociaux
prennent un temps de plus en long à procéder aux régularisations de charges, entraînant le
paiement en une seule fois de plusieurs années de charges dues, ce qui fragilise leur pouvoir
d?achat.
Notre enquête constate que seulement 22% des répondants ont reçu leur régularisation de
charges pour l?année 2024. 48,2% ont reçu leur régularisation de charges pour l?année 2023, et
15,2% pour l?année 2022, soit presque trois ans après le paiement des provisions. Or les
régularisations de charges sont prescrites au bout de trois ans, que cette régularisation soit
PLUTOT MAUVAISE : 3,7%
MAUVAISE : 5,2%
TRES MAUVAISE : 6.3%
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créditrice ou débitrice pour le locataire. Un tel retard démontre donc de réels problèmes de
gestion des dépenses de la part des bailleurs sociaux.
Chez le bailleur Erilia, des résidences n?ont pas obtenu de régularisation de leurs charges depuis
2020, entraînant donc un déséquilibre majeur dans les dépenses du bailleur, sauf à réclamer
indument des sommes prescrites aux locataires, ce que nous dénonçons et entraînant ainsi des
contentieux judiciaires.
Du fait de ces régularisations tardives, il est fréquent pour les bailleurs sociaux de regrouper
plusieurs années de régularisations en une seule quittance. Avec la forte hausse des prix de
l?énergie, les sommes réclamées aux locataires peuvent atteindre plusieurs milliers d?euros.
Selon l?observatoire national des impayés de loyers et de charges, piloté par le ministère du
logement, les dettes locatives dans le parc social augmentent drastiquement du fait de l?inflation,
avec une moyenne autour de 3000 euros. Cette analyse est confirmée également par l?ANCOLS,
qui estime dans son baromètre annuel à 25% les ménages du parc social en difficulté financière
au cours des 12 derniers mois, et à 13% le nombre de ménages ayant été en situation d?impayés
au cours des 12 derniers mois. Le nombre de consultations pour impayés dans le parc social est
également en hausse selon l?Agence Nationale pour l?Information sur le Logement (ANIL),
représentant 25% des consultations totales.
Or des régularisations tardives peuvent aggraver cette situation. Plusieurs locataires interrogés
par notre enquête font face à des régularisations tardives pouvant aller de 2000 à 10 000 euros,
entraînant donc un impayé et une fragilisation des locataires. Des régularisations sont
majoritairement en cours (56% des répondants, indépendamment de l?année concernée) mais
elles révèlent les problèmes importants de gestion du parc social par les bailleurs.
ENQUETE ETAT DES LIEUX DU PARC SOCIAL
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A cela se rajoutent les difficultés pour nos représentants à contrôler effectivement les charges
locatives. Les bailleurs sont de plus en plus réticents à permettre la vérification des pièces
justificatives, malgré leurs obligations légales en la matière. Les charges sont par conséquent la
principale source de litiges entre bailleurs et locataires (87 réponses), suivi du manque
d?entretien des résidences (25 réponses), et un chauffage défectueux (13 réponses). Ce dernier
est à lier à des problématiques de décence, le bailleur ayant obligation d?assurer, en période de
chauffe, une température de 18°C au centre de la pièce à vivre, au titre de l?article R171-11 du
Code de la Construction et de l?Habitation.
Parmi les litiges relatifs aux charges, on dénombre la facturation erronée de certaines dépenses
restant à la charge du bailleur, l?absence de pièces justificatives, des modes de calculs incorrects
ou des estimations sans lien avec les justificatifs présentés, notamment sur les fluides (eau
froide, eau chaude sanitaire, chauffage). Ces litiges sont sources importantes de contentieux
entre bailleurs sociaux et locataires, pouvant aller jusqu?aux procédures judiciaires. C?est
notamment le cas chez le bailleur Erilia à Marseille, avec plus de 40 locataires devant le tribunal
judiciaire du fait de l?absence de transmission des justificatifs de charges et des régularisations
non réalisées depuis 2019.
LITIGES PRINCIPAUX
CHARGES 87
MANQUE D'ENTRETIEN 25
CHAUFFAGE DEFECTUEUX 13
CONSO EAU 5
HUMIDITE 4
TELEALARME/INTERPHONE 3
Les locataires estiment également que les prestations réalisées au regard des charges locatives
payées sont généralement mauvaises, voire très mauvaises (27,2% et 37,7% des répondants
respectivement). A peine 1% des locataires considèrent que les prestations sont d?excellente
qualité. Cela favorise aussi des incompréhensions, lorsque des locataires constatent des pannes
régulières de chauffage, une faible maintenance des équipements communs, des fuites d?eau,
ou l?absence d?entretien des parties communes (nettoyage des halls, sorties des poubelles,
désinsectisation, etc.).
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Organisation des travaux et réalisation des prestations
Notre enquête relate une mauvaise appréciation de la part des répondants quant à la qualité
globale du bâti, avant et après travaux.
Ainsi, avant travaux, seulement 2,1% des locataires estiment que leur logement est en
excellent état, avec un entretient constant dans les parties communes. A contrario, 66%
des répondants considèrent que l?état du bâti est mauvais (31,9% des répondants), voire
très mauvais (24,1% des répondants).
A ceci se rajoute un manque important de mis en sécurité des logements. Seulement la moitié
(48,7%) des logements bénéficient d?une résidentialisation, de la présence d?interphone ou de
portails électriques. En laissant un accès libre et non sécurisé aux immeubles, les bailleurs
sociaux favorisent l?apparition d?attroupements dans les parties communes de personnes
extérieures, des squats dans les logements vacants, et plus généralement des dégradations
(boîtes aux lettres, portes d?entrée abimées, déchets divers).
ENQUETE ETAT DES LIEUX DU PARC SOCIAL
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Lorsque des travaux sont réalisés, de l?embellissement à la réhabilitation énergétique en passant
par le renouvellement urbain, les locataires ont un regard critique quant à leur organisation. Pour
66,5% des répondants, les travaux ont été réalisés dans de mauvaises conditions, dont 31,4%
estimant que les conditions ont été très mauvaises. Ces mauvaises conditions concernent le
résultat des travaux (peinture s?écaillant rapidement, isolants peu efficaces, améliorations
faiblement ressenties), mais aussi les méthodes d?information et de concertation du bailleur
envers les locataires, et le suivi des chantiers.
Le bailleur a l?obligation d?informer les locataires de la réalisation future de travaux dès lors qu?ils
auront un impact sur les loyers ou les charges. En plus d?une réunion d?information, il doit
organiser une concertation avec les associations et groupements de locataires présents dans la
résidence afin d?établir les besoins en travaux, leur coût, l?impact sur les loyers et charges et les
conditions de relogement.
En cas de travaux de rénovation énergétique, les locataires peuvent subir une hausse de leur loyer
de 5%, en plus de l?indice de référence des loyers annuel calculé sur l?inflation. En 2025, cette
hausse pouvait donc atteindre jusqu?à 8,26%. A ceci se rajoute la contribution des locataires au
partage des économies de charges, appelée également troisième ligne de quittance. Cette
ENQUETE ETAT DES LIEUX DU PARC SOCIAL
13
troisième ligne de quittance est une contribution forfaitaire allant de 5 à 20 euros par mois
pendant une durée allant jusqu?à 15 ans. Il s?agit donc d?un effort conséquent pour les locataires
du parc social, alors que 34% d?entre veux vivent sous le seuil de pauvreté selon l?Insee. Il est
donc raisonnable qu?ils soient pleinement impliqués dans les travaux et leur organisation.
Malheureusement, selon notre enquête, il apparaît que la majorité des locataires ne bénéficie
pas de cette concertation, et que les travaux sont imposés par les bailleurs sociaux, qui se
limitent à la seule réunion d?information auprès des locataires, sans autre détail.
Pour 74,9% des répondants, leurs résidences nécessitent des travaux lours, compte tenu de la
qualité du bâti. Cela implique donc de fortes nuisances liées à des chantiers longs et ayant un
impact direct sur l?occupation des logements.
Or, du fait des contraintes budgétaires et du surcoût des programmes de rénovation (matériaux
plus chers, taux d?intérêts élevés), ces travaux ont lieu de plus en plus tardivement. Seulement
27% des répondants bénéficieront de travaux lourds sous 6 mois et 18,9% sous un an. En
comparaison, 32,4% des répondants indiquent que les travaux n?auront pas lieu avant 3 ans ou
plus. Or, les bailleurs sociaux devront d?ici 2028 réhabiliter l?ensemble des logements
énergivores, dits passoires thermiques, classés F selon le diagnostic de performance
énergétique. Cela correspond à 6% du parc social en France, soit 300 000 logements selon une
étude de l?ANCOLS.
Les locataires expriment une forte inquiétude de ne jamais pouvoir bénéficier de ces
réhabilitations longtemps promises.
https://www.ancols.fr/publications/etudes/la-renovation-des-passoires-thermiques-dans-le-logement-social
https://www.ancols.fr/publications/etudes/la-renovation-des-passoires-thermiques-dans-le-logement-social
ENQUETE ETAT DES LIEUX DU PARC SOCIAL
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Lorsque les travaux sont réalisés, les résultats sont peu satisfaisants. Alors que les locataires du
parc vieillissent, seulement 31,9% des résidences interrogées ont bénéficié d?une adaptation au
handicap (normes PMR). Les travaux sont également de plus en plus long, engendrant des
problèmes de nuisances liées aux chantiers. Dans 59% des cas, les travaux ont duré plus d?un an,
dont 29,5% plus de 3 ans. Dans l?Oise, à Montataire, un groupement de locataires subit des
travaux, avec condamnation d?une partie de leurs logements depuis 6 ans. Cela provoque des
colères et des frustrations pour les locataires concernés.
Relations avec les associations de locataires et vie collective
Ces nombreuses difficultés, retards dans la réalisation des prestations, du suivi des demandes,
et le nombre de contentieux, se reflètent dans la qualité des relations entre les associations de
locataires et les bailleurs sociaux.
Parmi nos répondants, 67% considèrent que leurs bailleurs ont une mauvaise écoute des
demandes des locataires, ne recherchent pas des solutions et ne répondent pas à leurs besoins.
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Alors que les bailleurs sociaux ont une obligation légale d?échanger avec les associations
représentatives des locataires, avec une instance dédiée (conseil de concertation locative ou
CCL), au titre des articles 44 à 44 ter de la loi du 23 décembre 1986, notre enquête démontre un
soutien très relatif aux associations locales. Dans 62,8% des cas, le bailleur met à disposition un
espace d?affichage dans les halls, soit une simple obligation légale. Seulement 32,5% des
répondants bénéficient d?un local commun pour échanger avec les locataires et organiser une
concertation. Moins de 25% des répondants ont bénéficié d?une collaboration ponctuelle avec
les équipes des bailleurs sociaux, de travaux communs pour sensibiliser les locataires à la vie
collective (tri des déchets, animations), voire de financements à des projets impliquant
directement les locataires tels que des jardins partagés ou des activités éducatives.
Pour la CLCV, compte tenu des résultats de cette enquête auprès de ses représentants, il est
nécessaire que les bailleurs sociaux s?impliquent davantage dans l?entretien courant de leurs
résidences, améliorent sensiblement leur communication à l?attention des locataires en
diversifiant les modes d?information, participent davantage à la concertation avec les
associations locales dans un objectif de transparence, de suivi des demandes des locataires, et
de meilleure gestion de leurs résidences.
A défaut, la CLCV craint une aggravation des conditions de vie des locataires du parc social, une
multiplication des contentieux, et une dégradation du fonctionnement de leurs logements,
malgré la hausse continue des besoins en logements abordables sur l?ensemble du terrritoire.
22 septembre 2025
Enquête sur l?état des lieux du parc social
Chaque année les bailleurs sociaux adressent une enquête de satisfaction aux
locataires HLM. Si 74% se déclarent satisfaits de leur logement, 26% en sont
mécontents, soit 2,86 millions de personnes. La CLCV a interrogé ses représentants
et associations locales pour décrire l?état des lieux du parc social, alors que la situation
financière des locataires continue de s?aggraver.
Notre enquête au sein des 250 bailleurs sociaux où nous représentons les locataires
dénombre de nombreux manquements concernant les obligations de décence des
logements (humidité, présence de nuisibles), la gestion des charges locatives
(montants trop élevés, régularisations tardives, difficultés pour contrôler les dépenses),
les problèmes d?entretien des résidences (vétusté, absence de nettoyage), et
d?insécurité (dépôts sauvages, dégradations, squats). Les témoignages de locataires
chez les bailleurs Logirep, Erilia, 13 Habitat et I3F illustrent ces problèmes récurrents
et sont concordants avec les enquêtes annuelles réalisées par l?ANCOLS.
Malgré les alertes et demandes répétées des associations de locataires, nous
constatons chez plusieurs bailleurs un manque d?investissement dans les relations
locatives, notamment l?absence de gardiens dans les résidences, une mauvaise
réactivité en cas de problème (fuite d?eau, pannes), et des prestations toujours plus
chères et de qualité relative. La flambée des charges, liée en partie à la hausse des
prix de l?énergie, n?explique pas les retards des régularisations de plusieurs années et
les difficultés des locataires pour contrôler les montants réclamés. Certains bailleurs
réclament plusieurs milliers d?euros à des ménages en une seule fois, alors que 34%
des locataires HLM vivent sous le seuil de pauvreté et que les impayés se multiplient
sur l?ensemble du territoire.
La rénovation énergétique des logements est également source de contentieux
répétés. La concertation des travaux entre bailleur et locataires, pourtant obligatoire
dans la loi, est peu respectée, alors que les locataires contribuent directement à leur
financement via des hausses de loyers. Ces travaux souffrent également de délais de
plus en plus longs, alors que le parc social nécessite un investissement important pour
les résidences les plus anciennes. Ils sont également souvent inadaptés aux besoins
des ménages, alors que les locataires HLM sont vieillissants (53 ans en moyenne
selon l?Insee). Des solutions existent toutefois, avec une présence locale des bailleurs,
un renforcement du suivi des demandes et propositions des locataires, et un soutien
aux associations locales.
Dans un contexte budgétaire contraint, la CLCV appelle les bailleurs sociaux et l?État
à oeuvrer au bénéfice des locataires, en renforçant enfin la concertation locative et à
investir davantage dans la qualité des services, pour qu?un logement social de qualité
soit disponible à l?ensemble des locataires.