Sites (les) classés : protéger et transmettre notre patrimoine paysager
Auteur moral
République française
;France. Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature
Auteur secondaire
Résumé
"Ce guide présente la politique française des sites classés et inscrits, instaurée depuis 1906 pour protéger et transmettre des paysages remarquables. Plus de 2?700 sites couvrent 1,18?million d'hectares, soumis à des règles strictes et à l'accompagnement de l'État. Le classement assure une protection pérenne, valorise le patrimoine naturel et culturel, et favorise un tourisme durable conciliant préservation, attractivité et qualité de vie."
Editeur
Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature
Descripteur Urbamet
protection de l'environnement
;patrimoine naturel
;patrimoine culturel
Descripteur écoplanete
site classé
Thème
Environnement - Nature
;Environnement - Paysage
Texte intégral
LES SITES
CLASSÉS
PROTÉGER
ET TRANSMETTRE
NOTRE
PATRIMOINE
PAYSAGER
2
La politique des sites 04
Les sites classés 05
Plus d?un siècle de protection
au bénéfice de tous 08
Critères et procédure de classement 10
Les grands principes
de la protection des sites classés 12
Des projets respectueux des sites 14
La démarche Grand Site de France 24
Les sites inscrits 26SO
M
M
A
IR
E
3
Les caps Gris-Nez et Blanc-Nez, la baie de Wissant
et les dunes de la Manche (Pas-de-Calais),
site classé en 1987. © IStock
4
LA POLITIQUE
DES SITES
Les sites classés et inscrits font par-
tie de notre patrimoine. Chacun
connaît un site et y est attaché. Il
peut s?agir d?un paysage de grande
notoriété, comme la baie du Mont-
Saint-Michel, le massif du Mont-Blanc
ou les gorges du Tarn et de la Jonte. Il
peut aussi s?agir d?un site plus confi-
dentiel, près de chez soi ou d?un lieu
de vacances, par exemple. Ces sites
sont source de fierté et de bien-être,
et chacun apprécie de les découvrir
en tant qu?habitant ou visiteur.
Les sites témoignent de la beauté
et de la diversité de nos paysages
et contribuent au rayonnement et
à l?attractivité de la France, notam-
ment du point de vue touristique, et
de chaque région.
La politique des sites est mise en
oeuvre depuis 1906, au service de
l?intérêt général. Elle relève de la
responsabilité de l?État et fait partie
Les landes du Cap Fréhel et les abords
du Fort La Latte (Côtes-d?Armor),
site classé en 1967. © IStock
des missions du ministère en charge
de la Transition écologique.
Elle comprend deux niveaux :
? Le classement : une protection
pérenne, où toute modification
du site est soumise à autorisation
spéciale.
? L?inscription : une protection plus
légère, qui permet à l?État d?as surer
une veille sur l?évolution du site
et de sensibiliser les collectivités
territoriales.
Politique
des sites
Découvrir
l?ensemble
des sites
classés et
inscrits
Le littoral et les pentes nord-ouest
de la montagne Pelée (Martinique),
site classé en 1996. © DEAL Martinique
Repérage sur le terrain.
© Marine de Faup/DGALN
La politique des sites est destinée à protéger
et transmettre aux générations futures des paysages
remarquables et monuments naturels dont la beauté,
la singularité ou la valeur de mémoire justifient
une protection de niveau national.
5
Si le classement reste une distinc-
tion rare (environ 1,9 % de la super-
ficie du territoire national), près de
2 700 sites classés sont répartis sur
tout le territoire. Autant de trésors
à découvrir, à mettre en valeur et à
protéger.
L?objectif du classement est de préser-
ver le site de toute atteinte, de conser-
ver ce qui fait son identité et « l?esprit
des lieux ». La réalisation de travaux
en site classé est ainsi soumise à auto-
risation et chaque projet fait l?objet
d?une instruction par les services de
l?État, au regard des caractéristiques
propres à chaque site.
L?inspecteur des sites et l?architecte
des Bâtiments de France, garants du
respect du site, sont les premiers
interlocuteurs à mobiliser.
Les sites classés garantissent la pro-
tection sur le temps long de ces
espaces fragiles, qui réclament une
attention particulière et des pra-
tiques vertueuses. Plus largement,
ils contribuent à la qualité du cadre
de vie et à la protection de l?environ-
nement, aujourd?hui et pour les
générations futures.
LES SITES
CLASSÉS
Le cirque de Gavarnie et les cirques et
vallées avoisinants (Hautes-Pyrénées),
classés en 1941 et 1997. © IStock
Val de Loire, perspectives du château
à Chaumont-sur-Loire et Veuzain-sur-Loire
(Loir-et-Cher), site classé en 2023. © IStock
Un site classé constitue à la fois une reconnaissance
nationale de la valeur patrimoniale du site et une
garantie de protection de ce paysage remarquable
ou monument naturel, grâce au contrôle par l?État
des travaux susceptibles de le modifier.
C?est une montagne
et une muraille tout
à la fois ; c?est l?édifice
le plus mystérieux
du plus mystérieux
des architectes ; c?est
le colosseum de la nature ;
c?est Gavarnie. »
Victor Hugo, 1855
6
LES SITES CLASSÉS
EN CHIFFRES
AUVERGNE-RHÔNE-
ALPES
236 sites
128 884 ha
BRETAGNE
279 sites
52 285 ha
BOURGOGNE-
FRANCHE-COMTÉ
221 sites
49 105 ha
CENTRE-VAL
DE LOIRE
104 sites
19 599 ha
CORSE
26 sites
39 745 ha
GRAND EST
165 sites
17 397 ha
HAUTS-DE-FRANCE
110 sites
60 363 ha
ÎLE-DE-FRANCE
254 sites
96 847 ha
NOUVELLE-AQUITAINE
284 sites
137 257 ha
NORMANDIE
385 sites
60 738 ha
OCCITANIE
298 sites
250 693 ha
PAYS DE LA LOIRE
115 sites
59 284 ha
PROVENCE-ALPES-
CÔTE D?AZUR
222 sites
182 099 ha
MARTINIQUE
4 sites
8 902 ha
GUYANE
2 sites
16 580 ha
LA RÉUNION
5 sites
421 ha
MAYOTTE
0 site
PLUS DE 2 700 SITES CLASSÉS PROTÈGENT
LES PAYSAGES LES PLUS REMARQUABLES DU TERRITOIRE
Source : Bureau des sites et espaces protégés, DGALN.
GUADELOUPE
5 sites
2 060 ha
7
Superficie totale
au 31 décembre 2024 :
1 182 520 hectares
Un accompagnement
des porteurs de projet
par les agents de l?État
Près de 3 900
COMMUNES
ont un site classé
sur leur territoire. Environ 257 000 personnes
habitent dans un site classé
(0,4 % de la population).
2 %
ZONES
URBANISÉES
DES SITES À
DOMINANTE
NATURELLE
44 %
FORÊT
26 %
ESPACES NATURELS
(PRAIRIES, MARAIS,
ZONES HUMIDES,
ROCHES, PLAGES,
DUNES, ETC.)
21 %
ESPACES
AGRICOLES
7 %
ESPACES MARITIMES
ET PLANS D?EAU
PLUSIEURS
NOUVEAUX
CLASSEMENTS
CHAQUE ANNÉE ? Environ 90 INSPECTEURS DES SITES
(au sein des directions régionales de l?environnement,
de l?aménagement et du logement - DREAL)
? Environ 190 ARCHITECTES
DES BÂTIMENTS DE FRANCE
(au sein des unités départementales de l?architecture
et du patrimoine - UDAP)
? Environ 15 AGENTS au sein des services
centraux du ministère en charge des sites
(Bureau des sites et espaces protégés et Inspection générale
de l?environnement et du développement durable)
UNE DISTINCTION RARE :
seulement
1,9 %
du territoire
national
8
Inspirée de la loi sur les monuments
historiques, adoptée en 1887, la
loi du 21 avril 1906 organise la pro-
tection des sites et monuments
naturels, et fonde la notion de pa-
trimoine naturel. Elle institue une
commission des sites dans chaque
département, chargée de réperto-
rier les « propriétés foncières dont la
conservation peut avoir, au point de
vue artistique ou pittoresque, un in-
térêt général ». Les propriétaires sont
invités à prendre l?engagement de ne
PLUS D?UN SIÈCLE
DE PROTECTION,
AU BÉNÉFICE DE TOUS
pas modifier les lieux, sauf à dispo-
ser d?une autorisation spéciale. Si cet
engagement est donné, la propriété
est classée.
En 24 années d?application, cette
loi a permis le classement de près
de 500 sites, dont une majorité de
propriétés publiques. La protec-
tion concerne principalement des
monuments naturels isolés et de
petits ensembles pittoresques
(arbres remarquables, rochers, cas-
cades, sources, bois, etc.).
« Ne devons-nous pas veiller à l?intégrité de nos beaux sites avec autant
de sollicitude, même avec une piété plus tendre encore, qu?à la conservation
de nos oeuvres d?art ? », interroge le poète Sully-Prudhomme lorsqu?il
devient, en 1901, le premier président de la Société pour la protection
des paysages de France, qui contribuera à l?adoption de la loi de 1906 sur
la protection des sites et des monuments naturels. De la naissance de la
notion de patrimoine naturel à l?intégration au code de l?environnement :
retour sur plus d?un siècle de protection.
LE RÔLE DÉTERMINANT
DES ARTISTES
ET ASSOCIATIONS POUR
LA PROTECTION DU
PATRIMOINE NATUREL
Au XIXe siècle, les peintres
de l?école de Barbizon,
qui peignent « sur le
motif » dans la forêt de
Fontainebleau, souhaitent
la mettre à l?abri de
l?exploitation forestière.
Napoléon III accède
à leur demande en 1853,
en instaurant une « série
forestière artistique » qui
en protège 624 hectares.
Par la suite, la mobilisation
des artistes et intellectuels
(peintres, poètes, écrivains,
etc.) ainsi que l?action des
associations de protection
et de promotion du voyage
seront à l?origine de la loi
de 1906.
1906 : NAISSANCE DE LA NOTION DE « PATRIMOINE NATUREL »
La forêt domaniale de Fontainebleau,
site classé en 1965. © Marie Lukasiewicz
9
QUELLE PLACE
DANS LE PANORAMA
DES PROTECTIONS ?
Si les sites classés ont pour
objectif principal la protection
du paysage et la valorisation
du patrimoine naturel et
culturel, ils contribuent aussi
à la lutte contre l?érosion de la
biodiversité et le changement
climatique. Ils font ainsi partie
des « aires protégées ».
En outre, les sites classés sont
des protections soeurs de celles
relevant du code du patrimoine
(monuments historiques, abords
de monuments historiques,
sites patrimoniaux
remarquables). De manière
schématique, ces dernières
portent sur des espaces
à dominante bâtie, tandis que
les sites classés concernent
des espaces à dominante
naturelle. Ces protections
sont complémentaires.
1930 : RENFORCEMENT
DE LA PROTECTION
Le 2 mai 1930, une nouvelle loi est
votée pour renforcer celle de
1906. Aux critères artistique et pit-
toresque, la nouvelle loi ajoute les
caractères historique, scientifique
et légendaire. Deux niveaux de pro-
tection sont distingués : l?inscription
et le classement. La loi donne la pos-
sibilité de passer outre le consen-
tement des propriétaires, avec un
classement prononcé par décret en
Conseil d?État.
Les protections se poursuivent
durant la Seconde Guerre mondiale
et, à partir des années 1950-1960,
les classements se diversifient pour
concerner plus fréquemment des
espaces plus vastes (vallons, lacs, mas-
sifs et cols, pointes et caps, îles, etc.).
1971 : PROTECTION DE GRANDS
ENSEMBLES PAYSAGERS
Avec la création du ministère de
l?Environnement, en 1971, auquel
sera confiée la politique des sites,
un changement d?échelle s?opère :
le classement porte de manière
plus systématique sur de grands en-
sembles paysagers, de plusieurs mil-
liers d?hectares.
2000 : LE CODE
DE L?ENVIRONNEMENT
La loi de 1930 est intégrée au code
de l?environnement, qui regroupe
toutes les lois relatives au droit de
l?environnement.
Les terrains communaux de l?île de Bréhat ont
été classés dès 1907, puis la protection a été
étendue à l?archipel en 1980. © Istock
Les glaciers, sommets et terrains domaniaux
formant le massif du Mont-Blanc ont été classés
en 1951 (26 000 ha). © Sylvain Magliocca
10
Le site des abattis et de la montagne Cottica,
en Guyane, a été classé en 2011 pour son intérêt
pittoresque, scientifique, historique et légendaire.
© Sébastien Linarès
LA COMMISSION SUPÉRIEURE DES SITES,
PERSPECTIVES ET PAYSAGES (CSSPP)
Cette commission, de niveau national, est
composée de représentants des ministères,
de députés, de sénateurs, de représentants
élus des collectivités territoriales et de
personnalités qualifiées. Par ses avis et travaux,
elle joue un rôle essentiel dans la promotion
des politiques de protection des sites
et des paysages. Elle est notamment consultée
sur les projets de classement, ainsi que sur
certains projets de travaux en site classé.
LA PROCÉDURE
La protection porte sur des monuments
naturels et des sites dont la conservation
ou la préservation présente un intérêt général
au point de vue pittoresque, historique,
scientifique, légendaire ou artistique :
PITTORESQUE : « qui frappe l?attention
par sa beauté, son agrément, qui est digne
d?être peint ». Par exemple, la montagne
Sainte-Victoire, en Provence.
HISTORIQUE : « associé à un événement
marquant », tel que le champ de bataille de
Verdun, ou « qui porte la marque d?activités
socio-économiques ayant contribué à la
création de paysages remarquables », à l?image
des terrils du bassin minier du nord de la France.
ARTISTIQUE : « lié à la vie et à l?oeuvre
d?un artiste », comme Les Madères,
lieu de création et d?inspiration du peintre
Olivier Debré dans le Val de Loire.
SCIENTIFIQUE : « dont l?intérêt scientifique
égale ou dépasse la valeur esthétique », à l?instar
de la chaîne des Puys, ensemble de volcans
au sein du Massif central.
LÉGENDAIRE : « lorsque le lieu est associé
à une légende », tel que le tombeau de Merlin
l?Enchanteur, dans la forêt de Paimpont,
en Bretagne.
Le critère pittoresque est le plus utilisé. Il est
toutefois fréquent qu?un même site cumule
plusieurs critères.
La proposition de classement peut émaner
des services de l?État, d?une collectivité territoriale,
d?une association, d?un propriétaire, etc.
Si l?opportunité est confirmée, la procédure est
pilotée par les services de l?État, en associant les élus
et acteurs locaux. Elle comprend plusieurs étapes :
Une étude est réalisée pour définir
les caractéristiques paysagères, le(s) critère(s)
de protection et proposer un périmètre.
Une concertation est menée avec les collectivités
et acteurs du territoire.
Une mission d?inspection générale permet
d?expertiser la proposition, avec une visite sur site.
Une consultation officielle des collectivités
est effectuée. Une enquête publique est ouverte,
pour une durée d?environ un mois.
La commission départementale de la nature,
des paysages et des sites (CDNPS) donne son avis
sur le projet de classement.
Le dossier complet, transmis au ministre,
est analysé par les services centraux du ministère.
Sur la base d?un rapport de l?inspection générale,
la commission supérieure des sites, perspectives
et paysages (CSSPP) donne son avis sur le projet
de classement.
Après formalisation du projet de décret
et des cartes associées, le dossier est présenté
au Conseil d?État (cette étape n?est pas nécessaire
si tous les propriétaires ont donné leur accord).
La décision de classement est promulguée
par décret en Conseil d?État (ou par arrêté ministériel
si tous les propriétaires ont donné leur accord).
CRITÈRES ET
PROCÉDURES
DE CLASSEMENT
11
DES ACTEURS LOCAUX ENGAGÉS :
Pourquoi la commune a-t-elle
souhaité le classement de ce site ?
Stéphane Martin : En 1988, paral-
lèlement à la réalisation de l?auto-
route A31, la Haute vallée et les gorges
de la Vingeanne ont bénéficié d?une
inscription au titre des sites. Ces
dernières années, la question d?une
protection plus forte de ce patri-
moine paysager remarquable, qui
comprend le seul canyon calcaire du
Grand Est, s?est posée, notamment
dans un contexte de dévelop pement
de l?éolien. En 2018, lors d?une réunion
de terrain avec dif férents services en
charge de l?environnement, Hélène
Gaudin m?a indiqué qu?il était pos-
sible d?en renforcer la protection par
un classement.
Comment s?est déroulée
la procédure de classement ?
Hélène Gaudin : Je suis allée expli-
quer la démarche au Conseil muni-
cipal qui a ensuite voté à l?unanimité
le lancement de la procédure. De
nombreuses rencontres avec les
acteurs du territoire ont abouti à la
définition d?un périmètre distinct de
celui du site inscrit antérieurement,
avec une plus grande cohérence pay-
sagère. Une enquête publique, avec
une permanence d?un mois en mairie
d?Aprey, a permis à tous ceux qui le
souhaitaient de faire part de leurs
observations.
S. M. : Les visites sur le terrain ont
été déterminantes pour expliquer
le projet et dissiper les fantasmes.
Nous avons aussi organisé des sorties
scolaires : les enfants ont pu rassurer
leurs parents.
Quelles sont les prochaines
étapes ?
H. G. : Le site se trouve dans une
zone Natura 2000 dont le docu-
ment d?objectif constitue en partie
le cahier de gestion du site classé :
les mesures de protection de la bio-
diversité vont également préserver le
paysage. Je vais continuer à expliquer
aux agriculteurs, aux promeneurs et
aux propriétaires ce qu?implique
le classement du site afin que tous
prennent part à la protection de ce
patrimoine commun.
S. M. : Nous allons valoriser ce
site pour en faire un lieu de tou-
risme durable, dans le respect du
milieu naturel. Nous souhaitons
sa connexion avec les chemins de
randonnée du plateau de Langres,
ainsi qu?un balisage des parcours
et la création d?accès. Enfin, nous
nous attachons à conserver le
linéaire arboré le long de la rivière,
aujourd?hui mis en péril par le chan-
gement climatique. Nous travail-
lons avec l?Office français de la
biodiversité (OFB) et les proprié-
taires concernés pour replanter des
espèces résilientes et cohérentes
avec l?ensemble forestier.
LA HAUTE VALLÉE
ET LES GORGES DE LA VINGEANNE
À l?initiative de la commune d?Aprey, en Haute-Marne,
les 200 hectares du site de la Haute vallée et des gorges de la Vingeanne
ont été classés par décret en Conseil d?État, le 15 mai 2024.
Entretien croisé avec Hélène Gaudin, inspectrice des sites de la DREAL Grand Est,
et Stéphane Martin, premier adjoint au maire d?Aprey.
La roche et les à-pics des falaises, la forêt
et son sous-bois à la saisonnalité marquée,
et l?eau vive qui jaillit de la source offrent,
en toute saison, un paysage pittoresque.
© Sébastien Gigon
12
Une instruction sur mesure
Le classement d?un site est une ser-
vitude d?utilité publique qui apporte
une garantie de protection : les sites
classés ne peuvent être modifiés
dans leur état ou leur aspect sauf
autorisation spéciale, délivrée par
l?État. Chaque demande fait l?objet
d?une instruction « sur mesure ».
Le projet est analysé au regard des
caractéristiques du site, de ce qui fait
sa valeur patrimoniale.
La décision est prise :
? soit par le ministre en charge des
sites, après avis du service des sites
(inspecteur des sites), de l?archi-
tecte des Bâtiments de France et de
la commission départementale de
la nature, des paysages et des sites
(CDNPS) ;
? soit, pour certains travaux de faible
ampleur, par le préfet de départe-
ment, après avis de l?architecte des
Bâtiments de France.
La décision ministérielle s?appuie sur
une instruction menée d?abord au
niveau local puis par les services cen-
traux du ministère en charge des sites,
qui garantissent une analyse distan-
ciée par rapport aux enjeux locaux et
une harmonisation nationale.
Trois règles sont communes à tous
les sites : l?interdiction de la publicité,
l?obligation d?enfouissement des
nouveaux réseaux électriques et de
communication, et l?interdiction de
la création de terrains de camping et
du camping pratiqué isolément (sauf
dérogation).
Les opérations d?entretien cou-
rant (taille des végétaux, entretien
d?une construction ou d?une voirie
sans modification d?aspect, rem-
placement à l?identique de mobi-
lier, exploitation normale de terres
agricoles, certaines opérations sylvi-
coles, etc.), définies par les services
de l?État en fonction des caractéris-
tiques de chaque site, ne nécessitent
pas d?autorisation particulière.
Un accompagnement sur le terrain
L?inspecteur des sites et l?architecte
des Bâtiments de France accom-
pagnent les particuliers, collectivités
territoriales et entreprises qui envi-
sagent des travaux en site classé. Ils
étudient les projets d?aménagement
et donnent leurs avis et recomman-
dations. Ils s?assurent du respect de
la réglementation relative à la pro-
tection des sites classés.
LES GRANDS PRINCIPES
DE LA PROTECTION
DES SITES CLASSÉS
Au sein d?un site classé, une autorisation est nécessaire pour effectuer
des travaux. Les services de l?État accompagnent les porteurs
de projet pour trouver des solutions respectueuses du site.
LA COMMISSION
DÉPARTEMENTALE
DE LA NATURE, DES PAYSAGES
ET DES SITES (CDNPS)
Dans chaque département, la
formation « sites et paysages »
de la CDNPS est chargée de
rendre des avis sur les travaux en
site classé soumis à autorisation
ministérielle, en se prononçant
sur l?impact du projet sur le site.
Son avis peut être sollicité pour
les travaux soumis à autorisation
préfectorale.
La commission est également
consultée sur les projets
de classement de site.
Elle est composée
de représentants des services de
l?État (comprenant notamment
le directeur régional
de l?environnement),
de représentants élus
des collectivités territoriales,
de personnalités qualifiées
en matière de protection
des sites et représentants
d?associations agréées de
protection de l?environnement,
et de personnes compétentes
en matière d?urbanisme,
de paysage, d?architecture
et d?environnement.
LE PLAN DE GESTION
Certains sites classés font l?objet d?un plan de gestion pour partager,
au niveau local, une vision future du site et la trajectoire à suivre.
Les principes d?intervention et orientations de gestion sont définis,
dans le respect de l?identité du site. Ce document est réalisé
en concertation avec l?ensemble des partenaires concernés, souvent
avec l?appui d?un bureau d?étude (paysagistes concepteurs
et/ou architectes). Il n?a pas de portée juridique mais définit un cadre
qui permet aux porteurs de projet d?être informés en amont
et aux services instructeurs de mieux appréhender les demandes
d?autorisation de travaux.
13
LE SITE CLASSÉ : UNE
PROTECTION RECONNUE
AU NIVEAU INTERNATIONAL
Les « Climats du vignoble
de Bourgogne » ont été inscrits
en 2015 sur la liste des biens du
patrimoine mondial. Pour être
inscrit sur cette liste établie par
l?Organisation des Nations unies
pour l?éducation, la science
et la culture (UNESCO, de son
acronyme anglais), un site
doit bénéficier de mesures
de protection nationales
fortes. Près de la moitié des
biens français inscrits sur la
liste du patrimoine mondial de
l?UNESCO bénéficient d?une
protection
en tant que site classé.
« Avec la Côte de Nuits et les Maranges,
nous arriverons à 14 000 hectares
classés, dont près de la moitié consti-
tuée de vignobles. Pour conserver
les vignes et leur écrin paysager, il est
impératif d?associer les acteurs du
territoire », explique Nicolas Drouhin,
inspecteur des sites de la DREAL
Bourgogne-Franche-Comté.
Les viticulteurs ont participé, dans
chacun des sites classés, à l?élabora-
tion du cahier de gestion qui définit
ce qui relève de l?entretien courant
et ce qui est soumis à autorisation.
« Les grands principes sont assez sem-
blables d?un site à l?autre et pourraient
converger un jour vers un cahier de
gestion commun », relève l?inspec-
teur, soucieux que cette vision
d?ensemble soit compatible avec la
grande diversité des terroirs.
Une approche qui s?appuie sur
une présence sur le terrain et une
TRAVAILLER DANS UN SITE CLASSÉ :
LES VIGNOBLES
DE BOURGOGNE
coordination avec la
Confédération des
appellations et des
vignerons de Bour-
gogne (CAVB). Cette
dernière regroupe
les 52 organismes
de défense et de
gestion (ODG) qui
rédigent les cahiers
des charges des di-
verses appellations
d?origine contrôlée
(AOC). « Ces cahiers
des charges dé-
taillent les pratiques
culturales autorisées
et stipulent que tous les travaux
susceptibles de modifier la mor-
phologie de la parcelle doivent faire
l?objet d?une déclaration à l?ODG
membre de notre confédération »,
précise Charlotte Huber, directrice
technique de la CAVB.
Pour chaque déclaration, cette
structure examine les servitudes
auxquelles est soumise la parcelle :
« Lorsque celle-ci est située en site
classé, nous informons toutes les
parties prenantes ? vigneron, ODG et
DREAL ? et organisons une visite du
site. Les échanges sont constructifs
et aboutissent le plus souvent à
une solution acceptable pour tous.
Les vignerons ont conscience du
caractère exceptionnel de leur
terroir et de la nécessité de le
protéger. »
« LA PROTECTION N?EST PAS
UNE MISE SOUS CLOCHE. GRÂCE
AU DIALOGUE, LES VIGNERONS
RÉALISENT DES TRAVAUX QUI
RÉPONDENT AUX EXIGENCES LIÉES
À LA PROTECTION DU SITE CLASSÉ,
À CELLES DE LEUR CAHIER DES
CHARGES ET À LA NÉCESSITÉ DE
FAIRE ÉVOLUER LEURS PRATIQUES. »
Charlotte Huber
directrice technique de
la Confédération des appellations
et des vignerons de Bourgogne
Côte nord de Beaune.
© Nicolas Drouhin
L?exceptionnelle mosaïque de parcelles de vignes entre Dijon, Beaune
et Santenay est protégée par trois sites classés : la Côte nord de Beaune,
la Côte méridionale de Beaune et la montagne des Trois Croix.
La Côte de Nuits et les Maranges sont en cours de classement.
Comment la protection de ce paysage remarquable s?articule-t-elle
avec les enjeux économiques de ce terroir viticole ?
14
DES PROJETS
RESPECTUEUX
DES SITES
LA CONFLUENCE MAINE-LOIRE
ET LES COTEAUX ANGEVINS
(Maine-et-Loire)
Sur plus de 2 000 hectares aux portes d?Angers,
le site de « l?ensemble formé par la Confluence
Maine-Loire et les coteaux angevins », classé depuis
2010, présente un paysage composé d?îlots fluviaux
boisés, prairies inondables et coteaux viticoles, et
offre des panoramas remarquables, sur lesquels
s?ouvrent de nombreux châteaux, parcs et jardins.
Ces paysages emblématiques sont inclus
dans le périmètre du bien « Val de Loire entre
Sully-sur-Loire et Chalonnes » inscrit sur la liste
du patrimoine mondial de l?UNESCO.
© Thierry Degen/DREAL Pays de la Loire
15
QUAI DE LA NOË :
UNE MISE EN VALEUR DU SITE CLASSÉ,
AU PROFIT DE LA QUALITÉ DU CADRE DE VIE
À Bouchemaine, une des principales communes du site classé « La Confluence
Maine-Loire et les coteaux angevins », la municipalité a décidé de faire du quai
de la Noë un espace de circulation douce, en rétablissant sa valeur paysagère
ainsi que les fonctions de ses prairies inondables, qui protègent des crues
de la Maine et de la Loire. Une opération aux bénéfices multiples.
« Dès mon élection, en 2014, j?ai sou-
haité que la ville se réapproprie cet
espace dénaturé. Le quai est une véri-
table pépite qu?il fallait restaurer pour
en faire un véritable lieu de vie », se
souvient Véronique Maillet, maire de
Bouchemaine. « Se battre contre la
voiture n?a pas été simple », commente
Patrice Nunez, son adjoint en charge
de l?urbanisme, de la préservation du
patrimoine et de la mobilité.
Pour convaincre, les élus ont multi-
plié les rencontres avec les riverains,
les commerçants, la batellerie, les
pêcheurs, etc., avec le soutien de
l?architecte des Bâtiments de France
et de David Couzin, l?inspecteur des
sites. « Dans un contexte tendu, la
municipalité a tenu bon et a défendu
un projet ambitieux, qui reprofile
la rive et recrée un espace naturel
de divagation pour la rivière. Cette
intervention, qui supprime le station-
nement automobile et encadre l?em-
prise des terrasses des restaurants, a
permis la réouverture d?un panorama
remarquable sur la Maine », s?enthou-
siasme ce dernier, qui souligne la
ligne directrice du projet : ne rien
ajouter, aller vers l?épure.
Achevé en 2019, cet aménage-
ment contre lequel une pétition
avait recueilli 1 200 signatures
fait aujourd?hui l?unanimité. « Le
souhaiterions- nous que nous ne pour-
rions pas revenir en arrière », souligne
la maire. Bouchemainois et visiteurs
profitent désormais de cet espace
de promenade à l?occasion du mar-
ché dominical, en empruntant l?iti-
néraire cyclable de la Loire à vélo,
ou depuis les terrasses des restau-
rants. « Je me souviens avec émotion,
quelques jours après l?inauguration,
du moment où les patients du centre
de rééducation fonctionnelle voisin
ont pu évoluer librement sur le quai
en fauteuil roulant et profiter de la
vue retrouvée sur la rivière », témoigne
Patrice Nunez.
Avec ce projet emblématique de
mise en valeur de l?espace public en
site classé, le paysage des rives de
la Maine et le front bâti de Bouche-
maine ont retrouvé leur harmonie,
au profit d?une amélioration de la
qualité du cadre de vie de tous.
Après les travaux, le quai rendu à
la promenade et à la contemplation du site.
© Mairie de Bouchemaine
Le quai de la Noë avant les travaux :
un espace occupé par la voiture,
avec un parking masquant la vue,
et un mobilier disparate.
16
LE MONT BEUVRAY
(Nièvre et Saône-et-Loire)
Classé en 1990, le site du mont Beuvray,
à cheval sur la Nièvre et la Saône-
et-Loire, abrite, dans un paysage
remarquable et un écrin forestier,
les vestiges d?une cité gauloise
abandonnée.
Il constitue le coeur du Grand Site
de France « Bibracte - Morvan des
Sommets », dont le gestionnaire se
mobilise pour préserver la forêt mise
en péril par le changement climatique.
© Aurélien Ibanez/BourgogneLive
17
MONT BEUVRAY :
SAUVER LA FORÊT
« Le classement implique de préserver ce qui fait la valeur patrimoniale du site.
La forêt en est une composante essentielle parce qu?elle exprime l?ancienneté
des vestiges qu?elle recouvre. Or les arbres, notamment les résineux, souffrent
fortement du changement climatique : ainsi les épicéas sont ravagés par un
parasite, ce qui conduit à des coupes sur de grandes surfaces. Face aux dif-
ficultés à identifier le bon protocole de régénération, nous avons constitué un
laboratoire d?expérimentation avec le financement d?un fonds européen et de
la Région Bourgogne-Franche-Comté. Au-delà des aspects techniques, ce labo-
ratoire vivant joue le rôle d?espace de dialogue sur le devenir de la forêt, qui fait
l?objet de débats particulièrement âpres dans le Morvan. La protection du site
par la loi de 1930 est une contrainte stimulante qui relève le niveau d?exigence
et aide à conférer à nos actions un caractère d?exemplarité. »
Vincent Guichard, directeur général de l?établissement public
de coopération culturelle (EPCC) de Bibracte,
gestionnaire du Grand Site de France
Campagne de plantation avec un mélange
d?essences forestières : chêne sessile, érable
plane, châtaignier, pin laricio de Corse, pin
maritime, sorbier des oiseleurs.
© Antoine Maillier/Bibracte
Après la coupe des épicéas attaqués
par un parasite, le reboisement s?est
appuyé sur la régénération naturelle
et des plantations d?essences variées.
« Le projet de reboisement est parti
d?un diagnostic de la régénération
naturelle. Il s?agit d?un travail très fin
où, pour chaque parcelle, il a été
évalué s?il valait mieux laisser faire
la nature, replanter des petits bou-
quets espacés ou tout reboiser avec
un mélange d?essences. La diversité
variétale augmente la résilience de la
forêt face au changement climatique,
tout en répondant aux enjeux paysa-
gers de chaque parcelle. Nous avons
ainsi replanté 16 espèces différentes,
un quart de résineux et trois quarts
de feuillus, avec une densité de 800 à
1 600 plants par hectare. Il faut désor-
mais prendre soin de ces plantations
pour s?assurer de transmettre la forêt
aux prochaines générations. »
Suzanne Thiéry, technicienne
forestière territoriale de l?Office
national des forêts (ONF)
« Ce projet de reboisement, après une
nécessaire coupe sanitaire, a été éla-
boré pour s?adapter au changement
climatique. La réflexion sur les choix
variétaux a permis de recomposer
le paysage en veillant à conserver
un couvert forestier avec des motifs
et des textures cohérents avec l?en-
semble du site. En s?appuyant, autant
qu?il est possible, sur la régénération
naturelle et la gestion irrégulière du
boisement, le projet est en cohérence
avec le caractère patrimonial et histo-
rique de la forêt du site classé du mont
Beuvray. »
Estelle Labbé-Bourdon,
inspectrice des sites, DREAL
Bourgogne-Franche-Comté
18
L?ARCHIPEL DES LAVEZZI
(Corse-du-Sud)
Classé en 1974, l?archipel des îles
Lavezzi, au sud-est de Bonifacio,
en Corse, constitue un ensemble
remarquable du point de vue
paysager, écologique et historique.
Intégré à la réserve naturelle des
Bouches de Bonifacio, ce patrimoine
fragile est menacé par son succès.
Les aménagements réalisés
sur Lavezzu, la plus fréquentée des îles
de l?archipel, ont vocation à améliorer
l?accueil des visiteurs et à en réguler
les flux.
© DREAL Corse
19
ACCUEILLIR LE PUBLIC SANS COMPROMETTRE
LA CONSERVATION DU PATRIMOINE NATUREL :
L?EXEMPLE DE LAVEZZU
« Outre sa beauté, l?île Lavezzu pré-
sente de très forts enjeux en matière
de biodiversité et abrite des espèces
endémiques remarquables, comme
le puffin de Scopoli. L?essor du tou-
risme ne doit pas se faire à leur détri-
ment », explique Jean-Michel Culioli,
chef du service aires protégées
de la mer, des îles et du littoral à
l?Office de l?environnement de
Corse. Dans les années 1970,
Lavezzu recevait 10 000 visiteurs
par an. En 2015, avec une moyenne
annuelle de 300 000 visiteurs, 4 000 à
5 000 person nes pouvaient être pré-
sentes simultanément sur l?île.
Des outils de suivi de la fréquen-
tation ont été mis en place et une
réflexion globale a été engagée au
sein de l?observatoire scientifique de
la réserve. Un programme d?action a
été intégré à son plan de gestion avec
un objectif précis : une fréquenta-
tion ramenée à moins de 2 000 per-
sonnes présentes simultanément sur
l?île et à 200 000 visiteurs à l?année,
puis 150 000 visiteurs après 2026.
Parmi les premières mesures mises
en oeuvre : la limitation des points
de débarquement et d?ancrage, le
ramassage quotidien des déchets et
papiers gras, l?information du public
et des compagnies de bateliers.
Enfin, un permis d?aménager dédié à
la réorganisation des cheminements
a reçu l?aval des services locaux de
l?État et a été autorisé par le ministre
de la Transition écologique.
Pour Caroline Thill, inspectrice des
sites de la Corse-du-Sud à la DREAL,
« ce projet est exemplaire. Les amé-
nagements améliorent l?accueil du
public et la gestion du site classé, tout
en préservant la biodiversité et en
valorisant les qualités paysagères de
l?île. Le recours à des matériaux natu-
rels ? comme le bois, le chanvre et la
pierre ? pour les aménagements aide à
les intégrer dans le paysage et à conser-
ver l?esprit des lieux ».
Outre le réaménagement de l?em-
barcadère, une grande partie du pro-
jet a conduit à supprimer des che-
mins. « Nous sommes passés de 27 km
à 3 km de sentiers balisés », souligne
Jean-Michel Culioli, qui se félicite des
premiers résultats : « Alors même que
les travaux ne sont pas terminés, la
communication autour de notre plan
d?action a conduit à une baisse de
fréquentation : en 2023, nous avions
207 000 visiteurs et nous anticipons
une baisse de 20 % en 2024. Au plus
haut du pic estival, nous n?avons pas
dépassé 1 700 personnes présentes
simultanément sur l?île. Les objectifs
ont été atteints en douceur. »
État avant intervention : le sentier
traverse une zone humide et des milieux
présentant une végétation fragile.
État projeté : les ganivelles barrent l?accès à la zone
humide et le sentier part à gauche au milieu
des chaos rocheux. © Office de l?environnement
de Corse ? Erba Barona Paysage
20
LE CIRQUE DE NAVACELLES
ET DES GORGES DE LA VIS
(Gard et Hérault)
Le cirque de Navacelles a été classé dès 1943.
Le périmètre du site a fait l?objet d?une extension en 2018
pour porter sur l?entité paysagère du cirque, des gorges
de la Vis et de leurs abords (5 257 hectares). Le label
Grand Site de France a été attribué en 2017 au syndicat
mixte du cirque de Navacelles qui en assure la gestion.
Le site classé est également inclus dans le bien inscrit sur
la liste du patrimoine mondial de l?UNESCO « Les Causses
et les Cévennes, paysage culturel de l?agropastoralisme
méditerranéen ». Ce cirque de 2 kilomètres de diamètre
et 300 mètres de profondeur attire chaque année
plus de 250 000 visiteurs.
© DREAL Occitanie
21
UNE ANTENNE RELAIS EN TOUTE DISCRÉTION,
DANS UN PANORAMA D?EXCEPTION
Comment concilier l?accès pour tous au réseau de téléphonie
et la préservation des qualités paysagères des espaces naturels protégés ?
C?est le défi qu?ont su relever ensemble, au coeur du site classé du cirque
de Navacelles, l?inspection des sites de la DREAL, l?architecte
des Bâtiments de France et un opérateur de téléphonie mobile.
« Notre mission consiste souvent à
composer avec des politiques qui
peuvent entrer en contradiction.
En l?occurrence : le déploiement du
réseau mobile dans le cadre du pro-
gramme ?zones blanches New Deal
Mobile? et la préservation d?un site
classé exceptionnel », explique Yoan
Cassar, chef de la division Sites et
paysages Est, à Direction de l?amé-
nagement de la DREAL Occitanie.
Les premiers projets soumis par
l?opérateur, en 2020, proposaient
de placer les antennes sur un pylône
treillis ou dans un pylône tube sur
un belvédère. Très visibles dans le
paysage, ils ont fait l?objet d?un avis
défavorable de l?inspecteur des sites
et de l?architecte des Bâtiments de
France, conduisant à revoir complè-
tement le projet.
« Chacun a accepté de faire un pas
vers l?autre. D?emblée, la préserva-
tion de ce paysage d?exception pour
les générations futures a été mise
au coeur du débat : des paysagistes
ont été mandatés par les services de
l?État, avec un rôle de conseil, et l?opé-
rateur s?est adjoint les compétences
d?un paysagiste concepteur et d?un
L?antenne relais a été implantée dans une
fausse cheminée sur un bâtiment existant.
© Yoan Cassar/DREAL Occitanie
architecte. Sur place, un drone nous a
aidés à visualiser différentes hauteurs
pour cette antenne. Plusieurs options
ont été étudiées et il a finalement
été décidé de la dissimuler dans une
cheminée factice sur le bâtiment du
belvédère de la Baume Auriol », décrit
Yoan Cassar.
Cette agilité a abouti à une solu-
tion sur mesure, élaborée sur le ter-
rain, avec un résultat visuellement
et techniquement satisfaisant. « La
cheminée se fond dans le décor, sans
dénaturer le site », salue le chef de
division. Si son intégration architectu-
rale pourrait être encore améliorée,
l?intégration dans le paysage, en
évitant la création d?un pylône, est
réussie. « C?est un modèle en matière
d?ouverture d?esprit de l?ensemble
des intervenants pour rechercher
des solutions non conventionnelles »,
résume Yoan Cassar.
Après la suppression programmée
des paraboles restantes, le dispositif
sera très peu perceptible.
LE TRAVAIL EN AMONT
ET LA CONCERTATION SONT,
SANS NUL DOUTE, LE MEILLEUR
MOYEN D?ARRIVER À UN RÉSULTAT
SATISFAISANT POUR TOUS »
Yoan Cassar
chef de la division Sites et paysages Est,
à la Direction de l?aménagement
de la DREAL Occitanie
22
LE VILLAGE DE COLLONGES-LA-ROUGE,
SON VALLON ET LES COLLINES
AVOISINANTES
(Corrèze)
Classé depuis 1996, le village de Collonges-
la-Rouge doit son nom au grès rouge avec
lequel il a été bâti. En lisière des plateaux
limousins, nichée dans un vallon verdoyant
constellé de vergers, de noyers et de taillis
de châtaigniers, la petite ville rouge aux
ruelles ornées de treilles attire chaque année
plus de 600 000 visiteurs.
C?est dans ce bourg médiéval qu?est né
le label des « Plus beaux villages de France ».
© IStock
23
COLLONGES-LA-ROUGE :
LA DEUXIÈME VIE DU CAFÉ DE LA GARE
Pour réaliser son nouvel office du tourisme à Collonges-la-Rouge,
le pôle d?équilibre territorial et rural (PETR) Vallée de la Dordogne
Corrézienne s?est appuyé sur les recommandations du duo constitué
par l?architecte des Bâtiments de France et l?inspecteur des sites.
Résultat : un projet qui préserve l?esprit des lieux et offre
aux visiteurs une qualité d?accueil renforcée.
L?histoire commence par un coup
de tonnerre. Le 28 décembre 2020,
le ministre de la Transition écolo-
gique refuse le permis de construire
du nouvel office de tourisme de la
Vallée de la Dordogne. Motif : le
projet prévoit la démolition d?une
grange du xviiie siècle, qui présente
une façade en pierre de taille de grès
rouge et une couverture en ardoise
de pays, caractéristiques du village
de Collonges-la-Rouge ; sa démoli-
tion porterait atteinte au site classé.
« Nous avons demandé à notre
cabinet d?architectes de refondre
entièrement son projet. Il fallait pro-
céder rapidement pour ne pas perdre
les financements qui nous avaient
été accordés », raconte Jean-Pierre
Lasserre, président du PETR Vallée
de la Dordogne Corrézienne. « Tout
le monde a repris sa copie », se sou-
vient Élisabeth
Pérot, architecte
des Bâtiments de
France. Avec l?ins-
pecteur des sites,
elle s?est appuyée
sur ce refus pour
faire émerger
un projet qui
aujourd?hui fait
l?unanimité.
« La décision minis-
térielle a aidé à
dépassionner les
débats et a permis de rassembler tout
le monde autour d?un projet qui pré-
serve l?existant », relève Jean- François
Puymérail, inspecteur des sites,
de la DREAL Nouvelle- Aquitaine.
Ensemble, architecte des Bâtiments
de France et inspecteur des sites
ont su conseiller maître d?oeuvre
et maître d?ouvrage. « Nous aidons
à construire un projet de qualité qui
soit recevable, en orientant sans pres-
crire », précise l?inspecteur des sites.
Le projet a profité de la complé-
mentarité des regards de ces deux
garants de la protection des sites
classés. « Ensemble, nous travaillons
comme un peintre, l?architecte est au
pied du bâtiment, l?inspecteur dans
le grand paysage, nous articulons vue
d?ensemble et souci du détail, hié-
rarchie des volumes et intégration
dans le décor », décrit Élisabeth Pérot.
« En acceptant quelques concessions,
nous avons réussi à satisfaire tout le
monde : habitants, élus, associations et
visiteurs. Aujourd?hui, nous disposons, à
la porte d?entrée de la vallée de la Dor-
dogne, d?un équipement moderne,
qui se fond dans le décor et respecte
le patrimoine, en offrant un accueil de
qualité aux 600 000 visiteurs annuels »,
conclut Jean-Pierre Lasserre.
L?ancien Café de la Gare, restauré pour accueillir
l?Office du tourisme. © Jean-François Puymérail
Une extension relie le bâtiment principal
à la grange ancienne restaurée, dont la maçonnerie
de grès rouge est typique de Collonges-la-Rouge.
24
Certains sites classés bénéficient
d?une grande notoriété et sont sou-
mis à une forte fréquentation. La
démarche Grand Site de France est
proposée par l?État, depuis 1980,
aux collectivités territoriales pour
répondre aux difficultés que posent
l?accueil des visiteurs et l?entretien
dans ces sites.
Cette démarche permet aux
collectivités de définir et mettre en
oeuvre, en partenariat avec l?État et
les acteurs locaux, un projet de ter-
ritoire au service de la préservation
du site classé et du paysage, d?un
accueil et d?un développement
compatibles avec les qualités patri-
moniales du site.
Plus de 50 territoires se sont engagés
dans cette voie d?excellence, avec
l?ambition de placer la préservation
des paysages remarquables au coeur
de leur action. Ils accueillent chaque
année environ 40 millions de visi-
teurs, en quête d?authenticité, dans
des paysages façonnés au fil des
siècles par la nature
et les habitants qui
s?y sont succédé. Ces
territoires proposent
un tourisme adapté à
leurs caractéristiques
patrimoniales, loin de
toute standardisation.
Le label « Grand Site
de France » est attri-
bué par le ministre
chargé des sites lors-
qu?un projet de pré-
LA DÉMARCHE
GRAND SITE
DE FRANCE
servation, de gestion et de mise
en valeur du site classé, répondant
aux principes du développement
durable, est mis en oeuvre. Il est
attribué à la structure gestionnaire
du Grand Site de France pour une
durée de 8 ans.
Depuis la création du label en 2002,
22 territoires l?ont reçu et sont ainsi
reconnus comme « Grand Site de
France ». Tous ceux au stade « Projet
Grand Site de France » ont vocation
à l?obtenir à terme. Les territoires
sont fédérés au sein du Réseau des
Grands Sites de France, associa-
tion nationale qui anime le partage
d?expérience entre les collectivités
engagées dans cette démarche.
L?ensemble formé par la montagne Sainte-Victoire a été
classé en 1983. Le territoire a obtenu en 2004 le label
Grand Site de France, qui a été renouvelé par la suite et
élargi au massif du Concors, classé en 2013. © DREAL PACA
Grands
Sites de
France
À la Hague, temps d?échanges sur site pour
s?accorder sur des objectifs communs dans
le cadre de la démarche Grand Site de France.
© Nour Hachimi - La Hague
25
« Pour un élu, la démarche Grand
Site de France est l?occasion de
rassembler autour d?un projet d?amé-
nagement du territoire l?ensemble des
acteurs qui façonnent le paysage :
agriculteurs, industriels, gestionnaires
d?espaces naturels, habitants, repré-
sentants de l?État et associations, pour
s?accorder sur des objectifs communs
et des moyens afin de garantir que la
valeur patrimoniale du site classé, et
de l?environnement plus large dans
lequel il s?inscrit, perdure.
Le Grand Site permet de prolonger la
logique de protection, dont est garant
le classement, par une logique de ges-
tion et d?aménagement concertés, en
particulier pour répondre à des pro-
blématiques de fréquentation tou-
ristique et pour soutenir le dévelop-
pement d?activités économiques
durables, en cohérence avec la pré-
servation des paysages au sens large.
En parallèle de la démarche Grand
Site, nous sommes engagés dans
une labellisation Géoparc mondial
de l?UNESCO pour valoriser notre
patrimoine géologique unique. Ces
deux démarches lancées de front
contribuent, chacune à leur niveau,
à des objectifs communs : partager,
valoriser et transmettre notre patri-
moine paysager exceptionnel, dans le
respect de l?esprit des lieux. »
Manuela Mahier,
maire de La Hague
Le Nez de Jobourg, au sein de la zone côtière
de la Hague. Depuis les falaises, des à-pics
vertigineux sur de petites criques et les landes
rases que les ajoncs, genêts ou bruyères
colorent, s?offrent à la vue. © IStock
À la pointe nord-ouest de la presqu?île du Cotentin, le site de la zone côtière
de la Hague et du domaine public maritime a été classé en 1992. La commune
de La Hague est engagée dans une démarche Grand Site de France, dont le projet
de gestion a été validé par le ministère en charge des sites. La démarche porte
sur 16 133 hectares, incluant le site classé, qui en constitue le coeur.
LA HAGUE :
LA CONCERTATION AU COEUR DE LA
DÉMARCHE GRAND SITE DE FRANCE
Un exemple d?intervention
réalisée dans le cadre de
la démarche Grand Site
de France à La Hague : les
murets de pierres sèches,
composante essentielle
du bocage lithique
caractéristique du site classé,
ont fait l?objet d?un inventaire
et d?un plan d?actions
défini en concertation avec
la profession agricole et
l?État. Des murets ont été
restaurés et des ouvertures
entre parcelles créées pour
les adapter aux impératifs
des exploitations agricoles
d?aujourd?hui.© Jean Luc Cabrit/IGEDD
26
Elle constitue également une recon-
naissance de la valeur patrimoniale
d?un site. Elle permet à l?État d?as-
surer une veille sur son évolution et
de sensibiliser les collectivités ter-
ritoriales, responsables de l?instruc-
tion des autorisations d?urbanisme.
En site inscrit, les travaux doivent
ainsi faire l?objet d?une déclara-
tion préalable, soumise à l?avis de
l?architecte des Bâtiments de France
ou à son accord pour les travaux de
démolition (dans ce cas, l?autorisa-
tion d?urbanisme doit se conformer
à cet accord). Les travaux d?entretien
des constructions ou d?exploitation
courante des fonds ruraux ne sont
pas concernés.
La protection en tant que site inscrit
permet d?instaurer un dialogue avec
les collectivités sur les qualités du site
et l?intérêt de sa préservation, et de
bénéficier d?un accompagnement
par l?architecte des Bâtiments de
France.
Environ 4 000 sites inscrits existent
sur le territoire national. Il s?agit en
majorité de sites naturels, agricoles
et de petits ensembles bâtis (village,
hameau ou élément ponctuel).
Les sites inscrits recouverts par
une autre mesure de protection de
niveau au moins équivalent ont été
désinscrits afin d?éviter les superposi-
tions. Les sites inscrits de forte valeur
patrimoniale ont été identifiés et ont
vocation à évoluer vers une protec-
tion plus forte : site classé pour les
sites à dominante naturelle ou site
patrimonial remarquable pour les
sites à dominante bâtie.
LES SITES
INSCRITS
Complémentaire au classement,
protection pérenne où toute modi-
fication du site est soumise à autori-
sation spéciale, l?inscription est une
protection plus légère.
27
Le bois de Cise, dans la Somme, lotissement
de style balnéaire « Belle Époque » dans une
valleuse boisée, inscrit en 1959. © Vanina
Browaeys/DGALN
La cascade du bassin des Aigrettes,
dans le site de la ravine Saint-Gilles
à La Réunion, inscrit en 1980. © IStock
Le site du Vexin français, dans le
Val-d?Oise, inscrit en 1972. © Istock
Le village de Lavardin, dans le Loir-et-Cher,
inscrit en 1944. © Jean-Paul Brillard
Conception éditoriale et rédaction :
Bureau des sites et espaces protégés, direction générale
de l?aménagement, du logement et de la nature
Conception graphique et mise en page : Citizen Press
Crédits photos couverture :
La vallée de la Clarée et la vallée Étroite (Hautes-Alpes),
site classé en 1992 © IStock
La Chaîne des Puys (Puy-de-Dôme), site classé en 2000
© CD63 - Valentin Uta
La baie du Mont-Saint-Michel (Manche et Ille-et-Vilaine),
site classé en 1987 © IStock
L?ensemble formé par la Grande Anse et le Gros Morne
(Guadeloupe), site classé en 1980 © IStock
2025