Quelles solutions d'adaptation du ferroviaire face au changement climatique ? Éléments d'analysesocio-économique
LAGARDÈRE, Benoît ;RANNOU, Félix
Auteur moral
France. Commissariat général au développement durable. Service de l'économie verte et solidaire
Auteur secondaire
Résumé
"Les conditions climatiques extrêmes survenues en France en 2022 ont entraîné des perturbations majeures sur le réseau ferroviaire national. Elles se sont traduites par des retards, des annulations de services et des surcoûts de maintenance, pour des coûts socio-économiques estimés à plusieurs dizaines de millions d'euros. Dans un contexte d'intensification attendue de ces aléas, et d'efficacité de la dépense publique, l'adaptation du ferroviaire est un impératif. Cette étude constitue une première étape dans l'élaboration d'une méthodologie d'évaluation des coûts et bénéfices des solutions d'adaptation en dressant et analysant un catalogue de 59 solutions d'adaptation, avec une forte représentation des mesures visant les fortes chaleurs et les inondations. L'analyse multicritère menée sur ce catalogue et l'évaluation socio-économique de certaines solutions mettent en évidence : l'efficacité élevée des solutions relevant de la maintenance et de la surveillance, tout en présentant des coûts et un horizon temporel relativement faibles ; le besoin d'anticipation, avec la prise en compte de l'adaptation dès la phase de planification des investissements pour diminuer les coûts ; la nécessaire élaboration de stratégies intégrées et territorialisées pour l'efficacité de l'adaptation." Source CGDD
Editeur
Ministères Transition écologique, Aménagement du territoire, Transports, Ville et Logement
Descripteur Urbamet
climat
;changement climatique
;transport ferroviaire
;adaptation
;évaluation
;coût
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
Quelles solutions d?adaptation
duferroviaire face au changement
climatique ? Éléments d?analyse
socio-économique
Les conditions climatiques extrêmes survenues en
France en 2022 ont entraîné des perturbations majeures
sur le réseau ferroviaire national. Elles se sont traduites
par des retards, des annulations de services et des
surcoûts de maintenance, pour des coûts socio-
économiques estimés à plusieurs dizaines de millions
d?euros. Dans un contexte d?intensification attendue de
ces aléas, et d?efficacité de la dépense publique,
l?adaptation du ferroviaire est un impératif.
Cette étude constitue une première étape dans
l?élaboration d?une méthodologie d?évaluation des coûts
et bénéfices des solutions d?adaptation en dressant et
analysant un catalogue de 59solutions d?adaptation, avec
une forte représentation des mesures visant les fortes
chaleurs et les inondations. L?analyse multicritère menée
sur ce catalogue et l?évaluation socio-économique de
certaines solutions mettent en évidence: l?efficacité
élevée des solutions relevant de la maintenance et de la
surveillance, tout en présentant des coûts et un horizon
temporel relativement faibles ; le besoin d?anticipation,
avec la prise en compte de l?adaptation dès la phase de
planification des investissements pour diminuer les
coûts; la nécessaire élaboration de stratégies intégrées
et territorialisées pour l?efficacité de l'adaptation.
Les engagements actuels des États en matière d?atténuation
mèneraient à un réchauffement moyen d?environ +4°C en
France d?ici 2100 [1]. En France, l?année 2022 a été marquée
par une sécheresse historique, des feux de forêt record, des
épisodes multiples de pluies diluviennes, des vagues de
chaleur intenses et répétées [2] et une température annuelle
supérieure de +2,9°C par rapport à la période 1900-
1930[3]. Le Giec jugeant comme probable une augmentation
de la fréquence et de l?intensité de ces événements [4],
untel climat pourrait devenir la norme dans les prochaines
décennies [5], selon les trajectoires d?émissions suivies
aujourd?hui.
De manière directe ou à travers des catastrophes
associées, ces épisodes ont un impact sur le vivant et sur
les activités humaines. Il est donc essentiel ? en plus des
efforts d?atténuation ? d?anticiper les impacts d?un
réchauffement climatique de cette ampleur afin de
minimiser les risques et les coûts associés. Entre autres,
l? intégration des projections climatiques dans la
planification des investissements et des infrastructures
apparaît comme une condition nécessaire pour éviter la
création d?actifs échoués1 à moyen et long terme. Cette
exigence, nécessaire à la résilience, est particulièrement
critique pour les investissements visant des infrastructures
qui sont coûteuses et ont une durée de vie longue, comme
dans le domaine du ferroviaire.
La notion de résilience varie selon les acteurs et leurs
priorités. Par exemple, pour SNCFRéseau, elle renvoie à
la préservation de l?intégrité des infrastructures, tandis
que, pour les entreprises ferroviaires, elle se traduit par la
fiabilité et la régularité des circulations. Ainsi, avoir une
vision claire et détaillée des solutions d?adaptation
possibles, et en particulier de leurs coûts et de leurs
bénéfices socio-économiques respectifs, apparaît comme
une première étape indispensable pour alimenter le débat
public et éclairer la décision, pour ensuite dimensionner
de façon optimale les investissements et politiques
publiques. Une telle approche permet de sortir d?une
logique réactive et de limiter autant que possible les pertes
économiques associées aux événements climatiques
extrêmes, tout en évitant des dépenses excessives dans
des mesures d?adaptation dont la rentabilité économique
ne serait pas démontrée. Actuellement, la littérature
existante sur ces points peut être qualifiée d?émergente
[6] et doit être consolidée.
Cette étude vise, sous l?angle socio-économique, à
analyser la nature des coûts engendrés et à estimer
certains d?entre eux pour l?année 2022, puis à apporter un
éclairage sur les avantages et inconvénients associés aux
NOVEMBRE 2025
AÉ MT H Essentiel
1 Se dit d?un investissement qui perdrait de sa valeur en raison de l?impact du changement climatique ou des politiques associées.
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/publications/catalogue_solutions_adaptation_ferroviaire_francais.xlsx
Quelles solutions d?adaptation duferroviaire face au changement climatique ?
Éléments d?analyse socio-économique
solutions d?adaptation potentielles, de façon qualitative
dans un premier temps puis quantitative pour certaines
d?entre elles.
IMPACTS DES CONDITIONS CLIMATIQUES DE 2022
SUR LE FERROVIAIRE FRANÇAIS
Afin de permettre la mise en place de plans d?adaptation
cohérents et efficaces dans le secteur ferroviaire, il est
nécessaire d?évaluer les impacts des aléas climatiques.
L?outil socio-économique permet une mesure de ces
impacts à travers la monétarisation, avec l?avantage
d?adopter une métrique commune. La quantification de
certains de ces coûts pour l?année 2022 permet d?explorer
les ordres de grandeur en jeu sans pour autant préjuger des
investissements à réaliser dans un futur changeant.
L?impact du climat sur les services et les infrastructures
ferroviaires peut être représenté sous forme d?une chaîne
causale (figure1) allant de l?aléa climatique à l?origine de la
défaillance jusqu?au coût socio-économique. Ce dernier
chaînon représente le «coût résiduel» (dont l?ampleur
dépend du niveau d?adaptation du système ferroviaire) et
éclaire donc le dimensionnement des actions et
investissements à réaliser en amont dans la chaîne causale.
Les solutions d?adaptation viennent agir sur les liens entre
les différents blocs pour créer des ruptures dans la chaîne,
et donc éviter ou amoindrir les coûts sociaux en aval.
Figure 1 : chaîne causale de l?impact socio-économique du climat sur le système ferroviaire
Fortes
chaleurs
Incendies
Sécheresse
Fortes pluies,
inondations,
crues et
submersions
Vents
violents
Givre, froid
etneige
Pertes de temps
usagers
Pertes de temps
usagers
Pertes de temps
transport de
marchandises
Pertes de recettes
péages
Coûts
indemnisations pour
retards/annulations
Coûts de
renoncements au
déplacement usagers
Perte de confort et
de sécurité usagers
et personnel
Coûts d?exploitation
évités en cas
d?annulation
deservice
Coûts d?exploitation
d?un service de
remplacement
Effets négatifs sur
laréputation
del?exploitant
Coûts externes liés
aux reports modaux
vers des modes
plusintensifs
enexternalités
Sinistres/Coûts de
réfection avaries
infrastructure
etsystèmes
Coûts de
maintenance
additionnels
Limitations
temporaires
devitesse (LTV)
Annulations
etperturbations
decirculations
Inconfort
despassagers
etdu personnel
Altération (ou risque
d?altération) du
système ferroviaire
Accidents
Dilatation des rails (flambage)
etdéraillement
Dilatation des caténaires et ruptures
Dilatation des ouvrages d'art
Surchauffe des systèmes électriques
etélectroniques
Surchauffe des équipements embarqués
Destruction des installations
Effondrement des terrassements
dû à la dessiccation
Retraits-gonflements des argiles
Inondation des voies
Affaissement de talus et glissements
de terrain
Risque d?affouillement des ouvrages
Eau stagnante dans le ballast
Érosion des infrastructures côtières
Altération de l?infrastructure et des
ouvrages
Obstacles sur voie
Chute de végétation
Chute de structures verticales
Dommages sur les ouvrages
Morcellement et fissures de rails
Obstruction par la neige/le givre
Gel d?installations techniques
Mises en place
deservices
deremplacement
ALÉAS
CLIMATIQUES
IMPACTS SUR LE SERVICE
OU L?INFRASTRUCTURE
CONSÉQUENCES COÛTS SOCIO-
ÉCONOMIQUES
Source: CGDD
Quelles solutions d?adaptation duferroviaire face au changement climatique ?
Éléments d?analyse socio-économique
La quantification intégrale de ces coûts socio-
économiques reste complexe. En effet, de nombreuses
conséquences sont difficilement monétarisables (perte de
confort passagers, effets négatifs sur la réputation de
l?exploitant, etc.). D?autres sont difficiles à isoler (perte
d?attractivité, caractère «stratégique» d?une liaison, report
modal, etc.) car les chaînes causales sont parfois complexes
à reconstituer. Enfin, les données permettant de les quantifier
demeurent encore lacunaires. Par conséquent, l?étude se
concentre sur une sélection de coûts qui se démarquent par
leur importance en termes de montant et pour lesquels il
existe des méthodologies d?estimation suffisamment
robustes (figure2).
En se fondant sur les événements survenus en 2022
(encadré1), le poste de coûts qui semble être le plus
important est le poste «pertes de temps de transport
usagers et fret». S?élevant à plusieurs dizaines de millions
d?euros sur l?année 2022, ces coûts sont proportionnels aux
retards accumulés lors d?incidents liés aux aléas climatiques,
notamment lors de la mise en place de limitations
temporaires de vitesse (LTV), et sont monétarisés via des
valeurs du temps caractérisées selon le type de train (ou le
type de marchandise). Ce coût est à mettre en face des
indemnisations versées aux usagers, comptabilisées ici avec
les pertes d?exploitation, à partir du détail des retards/
annulations de circulations et des politiques de
remboursements des différents services ferroviaires. Pour
ce poste, on estime à plusieurs millions d?euros les pertes
associées pour les entreprises ferroviaires (EF). Ce seul
poste peut s?élever à plus de 10millions d?euros en 2022
pour certains types d?aléas, ici les vents violents se
matérialisant en particulier à travers des incidents liés à des
obstacles sur les voies (trois quarts des incidents pour cet
aléa). Dans une moindre mesure (jusqu?à 5millions d?euros
selon l?aléa), les annulations de circulation impactent aussi
les transferts liés aux redevances de péages perçues par le
gestionnaire d?infrastructure (ou dépenses évitées pour les
EF, selon le point de vue).
Enfin, certains incidents nécessitent des opérations de
remise en état des infrastructures et des systèmes
ferroviaires afin de rétablir le service dans des conditions
nominales d?exploitation. Ces coûts sont ici partiellement
estimés en sefondant sur les sinistres déclarés par le
gestionnaire auxcompagnies d?assurance (non exhaustif,
Figure 2: coûts socio-économiques des aléas climatiques pour l?année 2022
En M¤2022
* Deux types d?incidents incendies : les incendies «intempéries» causés directement par les conditions climatiques (fortes chaleurs ou orage) et les incendies «autres»
déclenchés par d?autres causes (malveillances, défauts techniques?). Quelle que soit la cause identifiée du départ de feu, les conditions climatiques (sécheresses,
canicules?) agissent comme des catalyseurs (voir des prérequis selon les cas) de la propagation d?un feu.
Note : ces coûts étant supportés par différents acteurs, et certains prenant la forme de transferts interacteurs qui s?annuleraient au sein d?un bilan socio-économique global,
ces estimations doivent être utilisées avec précaution, et ne peuvent notamment pas être additionnées pour tenter de calculer un coût total.
Source: CGDD
25
20
15
10
5
0
Fortes chaleurs Fortes pluies
etinondations
Givre, froid
et neige
Orage et grêle Vents violents Incendies
« intempéries »*
Incendies
« autres »*
Coûts pertes de temps passagers et fret Coûts recettes perdues péages Coûts recettes perdues exploitation et indemnisations Coûts sinistres
ENCADRÉ 1
Le système de remontée des incidentsde circulation: outil nécessaire
mais encore perfectible
Les données mobilisées ici sont majoritairement extraites de la base de données Bréhat, issue du système de remontée
d?incidents dont est doté SNCFRéseau. Quelque 4500incidents liés aux conditions climatiques et aux incendies survenus en
2022 ont été sélectionnés et analysés. Les incidents y sont caractérisés (type, cause, localisation, etc.) et associés à un certain
nombre de quantifications (minutes perdues, circulations supprimées). Ce système, très utile au suivi des circulations et de leur
régularité, n?a cependant pas été conçu pour permettre de telles analyses et son usage présente par conséquent un certain
nombre de limites.
Les incidents majeurs y sont partiellement invisibilisés s?ils s?étendent dans la durée et nécessitent par exemple des travaux.
Ils ne sont alors plus identifiés comme des incidents causés par un risque naturel, alors qu?ils peuvent individuellement peser
autant que des milliers d?incidents mineurs. De la même manière, les incidents pour lesquels les conditions climatiques ne sont
pas l?élément déclencheur ne sont pas identifiés comme corrélés à ces dernières. Cela est notamment vrai pour les incendies,
pour lesquels les conditions climatiques peuvent être une condition nécessaire sans en être le déclencheur.
De plus, la caractérisation des incidents ne permet pas une identification fine de la chaîne causale en action (figure1)
et n?inclut pas d?informations sur les caractéristiques du sous-système impacté. Enfin, les incidents sont difficilement appariables
aux actions de maintenances et sinistres additionnels, qui sont traités séparément.
Quelles solutions d?adaptation duferroviaire face au changement climatique ?
Éléments d?analyse socio-économique
comparer sur des critères objectifs afin de faire un premier
pas vers leur mobilisation. L?évaluation des solutions
effectuée ici, bien que basique car non contextualisée,
permet d?apprécier qualitativement les performances des
solutions ainsi que le niveau de connaissance existant à leur
sujet, afin d?orienter efficacement les axes de recherche
futurs.
Ce catalogue, élaboré principalement à partir
d?entretiens avec des experts, permet de dégager un certain
nombre d?enseignements génériques. Tout d?abord, il
apparaît que près de la moitié des solutions identifiées
traitent des aléas fortes chaleurs et un tiers des inondations.
De plus, de nombreuses solutions pour les fortes chaleurs
apparaissent comme « innovantes ». Le niveau de
connaissance associé à ces dernières est donc globalement
moindre que pour les solutions traitant des inondations.
Malgré une vingtaine de solutions traitant de l?adaptation de
la maintenance ou du service, les deux tiers des solutions
identifiées traitent de l?adaptation des actifs (matériel roulant
ou équipements fixes). Bien que généralement évaluées
comme efficaces, ces solutions ont aussi majoritairement
été évaluées comme présentant des coûts et des temps
d?implémentation élevés, contrairement aux solutions
traitant de l?adaptation de la maintenance et de la
surveillance, qui présentent une efficacité élevée malgré des
coûts et un horizon temporel relativement faibles.
Certaines solutions d?adaptation peuvent offrir des effets
positifs indirects, au-delà de l?adaptation (cobénéfices).
Àl?inverse, elles peuvent, si mal pensées, augmenter la
vulnérabilité de la société face au changement climatique
au lieu de la réduire (maladaptation). Ces dynamiques
doivent être étudiées au cas par cas, mais le catalogue
permet malgré tout de tirer quelques observations. Par
exemple, les solutions fondées sur la nature (SFN) s?y
démarquent logiquement par leur capacité à générer des
cobénéfices, là où aucune distinction ne semble se faire sur
les autres types de solutions étudiées. En termes de
maladaptation, le catalogue permet de conclure que ce sont
les solutions traitant de la maintenance et de la surveillance
qui présentent a priori un risque moindre.
le gestionnaire étant son propre assureur pour un certain
nombre d?événements) et ventilés selon les différents types
d?aléas et d?incidents, se comptant eux aussi en millions
d?euros par aléa.
Bien que tous les aléas semblent présenter des coûts
du même ordre de grandeur, les vents violents apparaissent
comme affectant le plus tous les postes. Il est cependant
important de souligner que, en cohérence avec les scénarios
adoptés par SNCFRéseau [7], il ne ressort pas de tendance
claire quant à l?évolution future de la fréquence des épisodes
de vents violents (et d?orages), alors qu?une augmentation
de la fréquence des phénomènes de fortes chaleurs et de
fortes pluies est désormais établie (ainsi qu?une diminution
des épisodes de neige et gel) [8].
CATALOGUE DE SOLUTIONS D?ADAPTATION
ETANALYSE MULTICRITÈRE
Si les impacts du climat sur les services et les infrastructures
ferroviaires sont relativement bien connus et documentés,
il existe à ce jour peu de travaux transversaux relatifs aux
solutions d?adaptation. Pour y contribuer, 59solutions
d?adaptation ont été compilées au sein d?un catalogue dans
le cadre de cette étude (encadré2).
Ce catalogue et l?analyse comparative multicritère qu?il
contient ont été construits en se concentrant sur les besoins
du cas français. La liste des solutions a été établie à partir
de ressources bibliographiques ainsi qu?au cours
d?entretiens avec plus de 20experts internationaux. À l?issue
de ces entretiens, les experts ont été invités à évaluer les
solutions de manière qualitative sur un certain nombre de
critères clés (figure 3). Enfin, des analyses bibliométriques
ont été effectuées afin de hiérarchiser les solutions
d?adaptation selon le nombre de publications académiques
et de brevets existants à leur sujet. Les enseignements
présentés dans cette partie sont l?interprétation ? par les
auteurs ? des résultats obtenus au travers de ces méthodes.
L?objectif de ce catalogue est de proposer un état des
lieux des solutions d?adaptation existantes à date et de les
ENCADRÉ 2
Contenu du catalogue et accès
Le catalogue est consultable sur le site internet du ministère de l?écologie.
Pour chacune des solutions d?adaptation, on retrouve des caractéristiques purement descriptives («type» de solution, aléa
climatique traité, etc.) et d?autres qui visent à les évaluer et les comparer (maturité technique, efficacité, coûts, etc.)- (figure3).
En particulier, les solutions y sont classifiées selon une typologie structurée en trois axes : l?adaptation des actifs, l?adaptation
desservices et de l?exploitation, et l?adaptation de la maintenance et de la surveillance.
Figure 3 : extrait du catalogue de solutions d?adaptation
Source: CGDD
Solution
Systèmes
d?arrosage
Aléa traité Entité traitée Type de stratégie SFN Description
Fortes chaleurs Voies
Structures
Adaptation
des infrastructures
et systèmes
Non
Utilisation de systèmes
d?arrosage pour refroidir
les éléments sensibles
à la chaleur (rails, ponts
en acier, etc.)
Publications
académiques
Brevets Experts Efficacité
en termes
d'adaptation
Coûts socio-
économiques
Horizon
temporel
Cobénéfices Inconvénients/
Risques de
maladaptation
Faible Moyen Moyen Faible Moyen Faible Non Oui
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/publications/catalogue_solutions_adaptation_ferroviaire_francais.xlsx
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/publications/catalogue_solutions_adaptation_ferroviaire_francais.xlsx
Quelles solutions d?adaptation duferroviaire face au changement climatique ?
Éléments d?analyse socio-économique
confort thermique. Ce type de mesure génère également des
cobénéfices climatiques: en réduisant le réchauffement des
rames, les toitures blanches diminuent la consommation en
énergie en minimisant le recours à la climatisation. Les
solutions apportant une redondance bénéfique ou des
synergies avec des objectifs transversaux devraient être
privilégiées lorsque cela est possible. À l?inverse, la mise en
place de solutions d?adaptation devrait être pensée de
manière à ne pas exacerber d?autres risques (par exemple,
l?ombrage végétal, bien qu?efficace pour limiter l?élévation
thermique, peut accroître le risque de feux de forêt, de chutes
d?arbres et de feuilles sur les voies).
Ainsi, une analyse rigoureuse des interactions entre
mesures d?adaptation et avec les risques est donc essentielle
afin d?éviter la maladaptation et d?optimiser la résilience du
système, tout en contribuant à des objectifs climatiques
transversaux.
COÛTS ET BÉNÉFICES DE CERTAINES STRATÉGIES
D?ADAPTATION FACE AUX VAGUES DE CHALEUR
Cette partie de l?étude n?a pas un objectif prospectif et
considère comme situation de référence l?année 2022 en
lacomparant à différents scénarios d?investissement en
adaptation, décrits ci-après (encadré 3). L?objectif est de
répondre à laquestion suivante: quels auraient été les coûts
et bénéfices associés à la mise en oeuvre de certaines
mesures d?adaptation face aux vagues de chaleur survenues
en 2022?
Intégrer de manière systématique des solutions d?adaptation
cohérentes au sein des programmes d?investissement et
les processus de modernisation existants et futurs
L?adaptation des actifs implique généralement des
investissements significatifs, pouvant entraîner des ratios
coûts-bénéfices en apparence peu favorables dans le cas où
les mesures d?adaptation sont implémentées de manière ad
hoc. Par exemple, le coût annuel lié à l?installation de
systèmes de régularisation des caténaires sur les axes
ferroviaires affectés, non équipés de cette technologie en
2022, est estimé entre 25M¤A et 305M¤B (encadré 3). Quant
à la substitution des traverses en bois par des traverses en
béton, son coût annuel est compris entre 10M¤A et 40M¤B.
En comparaison, les bénéfices en termes d?adaptation
attendus pour l?année 2022 peuvent atteindre 2M¤A,B pour
ces deux solutions. L?interprétation de ces résultats doit être
nuancée: en première analyse, l?évaluation pourrait conclure
à l?inopportunité d?adapter les actifs. Toutefois, dans de
nombreux cas, les solutions mises en oeuvre ne visent pas
uniquement à répondre aux enjeux climatiques. Elles
s?inscrivent bien souvent dans une logique plus large
d?amélioration des performances globales du système
ferroviairese justifiant en elles-mêmes : optimisation de
l?exploitation, renforcement de la sécurité, réduction de la
consommation énergétique, diminution des coûts de
maintenance, ou encore amélioration de la robustesse du
réseau. Le maintien d?investissements orientés vers la
modernisation et la régénération du système ferroviaire
constitue ainsi une première étape essentielle pour renforcer
la résilience du système ferroviaire face aux aléas climatiques.
Par ailleurs, l?intégration de solutions d?adaptation au sein de
processus de renouvellement des infrastructures ferroviaires
déjà engagés permet une réduction des coûts globaux
rapportés à un scénario alternatif fondé sur le retrofit2.
Des solutions d?adaptation pensées globalement
L?élaboration d?une stratégie d?adaptation efficace nécessite
une approche intégrée, plutôt qu?une analyse isolée des
solutions. Dans cette perspective, les solutions implémentées
s?inscrivent dans une cohérence d?ensemble, en tenant
compte de la vulnérabilité du système ferroviaire face aux
conditions climatiques futures, à partir de ses sensibilités
intrinsèques et de son exposition à ces aléas. Dans une
optique d?optimum technico-économique, leur sélection et
leur articulation reposent, dans la mesure du possible, sur une
approche visant à maximiser leur rentabilité socio-économique
tout en assurant leur compatibilité avec des objectifs
transversaux, notamment l?atténuation des émissions de gaz
à effet de serre et la protection de la biodiversité.
Identification des « sous-systèmes limitants »
L?identification des « sous-systèmes limitants » ? ceux qui
seraient les premiers à défaillir en cas d?aléa ? constitue une
première étape essentielle pour déployer une stratégie
d?adaptation efficace [9]. Par exemple, une solution qui
viserait uniquement à augmenter la température de
neutralisation des rails, sans traiter au préalable ou
simultanément la problématique de régularisation des
caténaires, peut s?avérer inefficace si la plage de
fonctionnement des caténaires se révélait être de toute
manière inférieure à celle des rails. Identifier et adapter ces
sous-systèmes au climat futur constituerait donc une
première étape minimale. Les sous-systèmes critiques des
lignes ferroviaires étant différents suivant de nombreux
facteurs (localisation géographique, âge des infrastructures,
etc.), cet exercice est à mener à l?échelle locale, à l?aide de
diagnostics de vulnérabilité, déjà initiés par la SNCF.
Une approche multirisque
Pour dimensionner efficacement les politiques d?adaptation
et les investissements associés, l?approche nécessite de
considérer l?intégralité des aléas pouvant survenir sur le
territoire étudié. Idéalement, l?évaluation socio-économique
des stratégies d?adaptation devrait suivre cette même
démarche, en considérant la totalité des coûts reliés à chacun
des aléas auxquels le système ferroviaire est exposé, ainsi
qu?à leurs effets combinés (par exemple l?augmentation du
risque de glissement de terrain lors d?alternance de périodes
de sécheresse et de fortes pluies). Dans les contextes où
plusieurs aléas se superposent, ilparaît pertinent de privilégier
des solutions offrant une protection contre plusieurs risques
simultanément: par exemple, l?utilisation de traverses en
béton (en remplacement de traverses en bois) réduisant le
risque de déformation du rail tout en améliorant la résilience
face aux inondations et aux incendies. Il conviendrait alors,
pour une évaluation complète, d?intégrer les coûts associés
hors adaptation (notamment l?empreinte matière et carbone
du béton dans notre exemple).
Compatibilité des solutions et synergie avec d?autres
objectifs climatiques
La compatibilité des solutions mises en oeuvre et leur
contribution au renforcement de la résilience globale du
système ferroviaire constituent des objectifs essentiels à
atteindre. Les entretiens menés dans le cadre de cette étude
mettent en avant que certaines solutions peuvent se renforcer
mutuellement, comme la combinaison de toitures blanches
pour le matériel roulant et de la climatisation à bord: limitant
à la fois l?absorption de chaleur tout en compensant les
élévations résiduelles de température, améliorant ainsi le
2 Installation ou modification de certains composants au sein d?actifs existants.
ENCADRÉ 3
Méthodologie d?évaluation des solutions d?adaptation
Deux scénarios d?adaptation sont considérés :
? Scénario A : gestionnaire disposant d?une connaissance fine et exhaustive des vulnérabilités de son réseau, associée
àdesprévisions météorologiques précises et pleinement intégrées dans les décisions d?investissement en adaptation.
? Scénario B : gestionnaire ayant une connaissance partielle des vulnérabilités de son réseau, ainsi que des prévisions
météorologiques limitées quant aux vagues de chaleur.
Les résultats, reposant sur une analyse des coûts sociaux estimés précédemment, sont présentés sous forme d?ordres
degrandeur et doivent être interprétés avec précaution. Laméthodologie d?évaluation des coûts et bénéfices
(coûts évités) d?une solution donnée repose sur une analyse SIG (système d?information géographique). Cette approche croise,
de manière géolocalisée, les caractéristiques du réseau ferroviaire avec la localisation des incidents liés aux vagues de chaleur
(figure 4). Dans le scénario B, du fait d?une moindre connaissance, les solutions d?adaptation sont moins précisément ciblées
géographiquement. On notera A et B pourindiquer le scénario auquel on fait référence.
Il est important de noter que les bénéfices considérés sont uniquement ceux associés à l?adaptation face aux vagues de chaleur
et ne captent pas l?intégralité des bénéfices générés par l?implémentation de ces solutions.
Quelles solutions d?adaptation duferroviaire face au changement climatique ?
Éléments d?analyse socio-économique
et aux services. Néanmoins, plusieurs solutions innovantes
mentionnées dans la littérature méritent d?être explorées.
C?est notamment le cas pour l?optimisation des systèmes
de fixation des rails, composants essentiels à la stabilisation
de la voie. Une étude allemande souligne, par exemple,
qu?un passage à un système simple mais innovant
permettrait d?augmenter significativement la température
critique du rail avant flambage [10]. Sous réserve de
validations expérimentales, cette solution aurait présenté
pour 2022 des coûts compris entre 5M¤A et 20M¤B, pour
des bénéfices potentiels de l?ordre de 10M¤A,B.
Favoriser une adaptation territorialisée, qui privilégie les
mesures liées aux services, à l?exploitation, ainsi qu?à la
surveillance et à la maintenance
De façon générale, la stratégie d?adaptation du ferroviaire
se définit à l?échelle des territoires, en cohérence avec les
risques auxquels ils feront face dans le futur. Les processus
de régénération ou de modernisation sont appelés à intégrer
les problématiques d?adaptation, en ajustant les procédés
en fonction des spécificités géographiques (une
différenciation de la température de pose des rails selon les
territoires pourrait par exemple être pertinente). Par ailleurs,
les solutions d?adaptation ne se limitent pas aux
infrastructures et aux systèmes. Elles concernent également
les services et l?exploitation ferroviaire. Ces solutions visent
à renforcer la résilience du système ferroviaire face aux aléas
climatiques en optimisant la gestion du trafic, la planification
des circulations et le confort des usagers. Les limitations
temporaires de vitesse (LTV), principale solution d?adaptation
Unexemple concerne la modification de la température de
pose des rails (température de neutralisation), qui définit la
plage de fonctionnement du rail. Son augmentation permet
d?adapter le réseau aux températures plus élevées et aux
vagues de chaleur qui devraient se multiplier à l?avenir. Mise
en place pour l?année 2022, en dehors d?un renouvellement
programmé, cette mesure aurait pu coûter annuellement entre
50M¤A et 145M¤B, pour un bénéfice potentiel de l?ordre de
10M¤A,B. En revanche, si elle est appliquée lors des opérations
de régénération des voies dans des territoires exposés, le
coût supplémentaire de cette mesure devient quasi nul, se
limitant à l?ajustement de la température de pose.
Certaines solutions d?adaptation des actifs, réalisées
adhoc, peuvent être évaluées plus aisément, sous réserve
d?avoir une connaissance fine de leur efficacité physique.
C?est le cas de l?application de peinture blanche pour réduire
la température des rails. Son déploiement, dans le cadre
des scénarios étudiés, aurait eu un coût annuel situé entre
400M¤A et 1200M¤B, pour des bénéfices pouvant s?élever
jusqu?à 10M¤A,B seulement, fortement dépendants de
l?usure de la peinture face au trafic ferroviaire. Ainsi, si un
déploiement à grande échelle semble peu pertinent, cette
solution pourrait être envisagée de manière ciblée dans des
cas particuliers: lignes avec courbes prononcées, ouvrages
d?arts identifiés comme sensibles, aiguillages, etc.
Pour de nombreuses solutions d?adaptation, l?évaluation
socio-économique reste cependant impossible en raison
d?une efficacité physique encore mal établie. C?est
particulièrement le cas pour les solutions d?adaptation
associées à la surveillance, à la maintenance, à l?exploitation
Figure 4: illustration de la méthodologie d?évaluation utilisée sur le cas du système de régularisation de la caténaire
Source: CGDD
1. Collecte des données
etcartographie SIG
Géolocalisation des incidents
caténaires
Identification des tronçons ferroviaires
dépourvus d?un système
derégularisation moderne
2. Croisement spatial
(analyse SIG)
Identification des sections
nonrégularisées ayant subi
un incident caténaire
3. Évaluation des coûts
etdes bénéfices de la
mise en place du
système derégularisation
Calcul des coûts
selon le ciblage
des scénarios
A et B
Estimation
desbénéfices
potentiels
en termes
d?adaptation
www.ecologie.gouv.fr
Commissariat général au développement durable
Service de l?économie verte et solidaire (SEVS)
Sous-direction de l?économie et de l?évaluation
Tour Séquoia - 92055 La Défense cedex
Courriel : diffusion.cgdd@developpement-durable.gouv.fr
Dépôt légal: novembre 2025
ISSN: 2555-493X (en ligne)
Directeur de publication: Brice Huet
Rédacteur en chef: François Leray
Coordination éditoriale: Amélie Glorieux-Freminet
Maquettage et réalisation: Agence Efil, Tours
mise en place dans le monde [11], tombent dans cette
catégorie. En France, ces dernières sont imposées lorsque
la température du rail est susceptible de dépasser une
certaine valeur (45°C dans de nombreux cas). SNCFRéseau
estime qu?entre2011 et 2021 la mise en place de LTV a
constitué près de la moitié des retards dus aux fortes
chaleurs sur le réseau ferroviaire [12]. Dans le cas de cet
aléa, les LTV permettent notamment de prévenir des
accidents graves tels que des déraillements. À titre indicatif,
aux États-Unis, le coût moyen financier d?un déraillement
lié au flambage des voies et/ou aux déformations dues à la
chaleur est évalué à un peu moins de 1M¤ sur la période
2017-2022 [13]. Cette solution relative à l?exploitation
pourrait être optimisée avec une meilleure territorialisation
des consignes pour la mise en place des LTV, rendue
possible grâce à une augmentation de l?investissement en
matière de surveillance et de suivi. En effet, un suivi plus
précis des températures des sous-systèmes limitants
permettrait par exemple d?optimiser l?application des LTV à
une échelle plus fine : l?installation de capteurs de
température des rails (solution actuellement déployée à titre
expérimental par SNCF Réseau) favoriserait une gestion plus
ciblée des LTV, améliorant ainsi leur efficacité, générant pour
l?année 2022 des bénéfices pouvant atteindre 5M¤A,B, pour
des coûts situés entre 1M¤A et 2M¤B. Le renforcement des
capacités de surveillance et d?alerte ainsi que la hausse des
moyens relatifs à la maintenance et à l?entretien pourraient
s?avérer être la dimension de l?adaptation la plus efficiente.
RÉFÉRENCES
[1] DGEC (2023), TRACC-Document de référence [Rapport].
[2] Météo-France (2022), 2022 : les bilans climatiques [Article
en ligne].
[3] Haut conseil pour le climat (2023), Acter l?urgence,
engager les moyens [Rapport].
[4] Giec (2023), Rapport de synthèse du sixième rapport
d?évaluation (AR6) : Changement climatique [Rapport].
[5] Vie publique (2022), Réchauffement climatique : 2022,
année la plus chaude jamais enregistrée en France [Article
en ligne].
[6] I4CE (2023), Implications économiques des trajectoires
d?adaptation [Rapport].
[7] Cour des comptes (2024), L?adaptation du réseau
ferroviaire national au changement climatique [Rapport].
[8] Soubeyroux J.-M. et al. (2023), À quel climat s?adapter
en France selon la TRACC ? [Article scientifique].
[9] OCDE (2024), Infrastructure foraClimate-Resilient Future
[Rapport].
[10] Wastlhuber J. et al. (2024), Verbesserte horizontale
Gleislagestabilität durch erhöhte Rahmensteifigkeit [Article
scientifique].
[11] JRC (2012), Impacts of Climate Change on Transport:
A focus on road and rail transport infrastructures [Rapport].
[12] Onerc (2023), Les vagues de chaleur dans un contexte
de changement climatique, section «Impacts des vagues
de chaleur sur les transports et infrastructures de transport»
(pp. 105-113) coproduite par la DGITM. [Rapport].
[13] Federal Railroad Administration: Office of Safety
Analysis, Données en libre accès [Plateforme en ligne].
Consulté début 2024.
Benoît LAGARDÈRE, SEVS
Félix RANNOU, SEVS