Modèle(s) économique(s) d'un aménagement durable 2024-2024

Auteur moral
France.Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (2022-...)
Auteur secondaire
Résumé
<p class="MsoNormal">Le Lab2051, piloté par le Ministère de la Transition écologique, vise à promouvoir l'innovation urbaine durable en France. Il réunit divers acteurs pour surmonter les obstacles à l'aménagement durable. Entre 2023 et 2024, il a incubé des thématiques comme le bioclimatisme et l'économie circulaire, et prévoit de nouvelles incubations à l'automne 2024.<o:p></o:p></p>
Descripteur Urbamet
innovation
Descripteur écoplanete
Thème
Aménagement urbain
Texte intégral
2020 ! 2024 Modèle(s) économique(s) d?un aménagement durable Le Lab2051 2050 représente l?horizon de nos politiques publiques pour atteindre nos ambitions en faveur de la transition écologique des territoires, pour une France sobre, résiliente, inclusive et créatrice de valeurs. Le Lab2051 nous projette dans le monde d?après. Il s?adresse aux collectivités et aux aménageurs et vise à lever les obstacles à l?innovation urbaine et favoriser le passage à l?échelle. Piloté par la sous-direction de l?aménagement durable du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le Lab2051 réunit tous les acteurs nécessaires à la résolution d?une problématique donnée : les services de l?État concernés par les réglementations, les différents niveaux de collectivités, les établissements publics locaux, les aménageurs publics et privés, les opérateurs de l?État, le monde académique, les entreprises... Depuis 2023, il accompagne en particulier, au travers d?incubations de 6 à 12 mois, les programmes d?innovation Démonstrateurs de la ville durable (DVD) de France 2030 et Engagés pour la Qualité du Logement de Demain (EQLD). Dispositif apprenant, le Lab2051 se déploie de manière à la fois agile et structurée, dans une posture ! think tank - do tank ", en apportant une expertise ciblée au service des composantes innovantes de chaque projet et sur une mise en réseau des acteurs publics, privés et des usagers à toutes les échelles : bâtiment, quartier, ville et territoire. 7 thématiques déjà incubées entre 2018 et 2022 : autoconsommation collective, construction bois, habitat modulaire et transitoire, BIM-CIM, utilisation du standard international, ISO 37101, IBA en France, rénovation énergétique bâtiment basse consommation. 6 thématiques incubées entre 2023 et 2024 : bioclimatisme, nature en ville, communs et aménagement, mixité et réversibilité, économie circulaire dans l?aménagement, économie d?un aménagement durable, répondant ainsi aux besoins prioritaires identifiés dans les projets DVD et EQLD. Le lancement d?une nouvelle vague d?incubations du Lab2051 est prévue à l?automne 2024. L?intégralité des travaux du Lab2051 est disponible sur le site du ministère : www.ecologie.gouv.fr/lab2051 Juin 2024 Publié par la Direction générale de l?aménagement, du logement et de la nature (DGALN), la Direction de l?habitat, de l?urbanisme et des paysages (DHUP), la sous-direction de l?aménagement durable (AD), le bureau des opérations d?aménagement (AD5), Tour Séquoia - 92055 Paris La Défense CEDEX Directeur de la publication : Philippe Mazenc , Directeur général de l?aménagement, du logement et de la nature Rédaction et coordination éditoriale : Membres du groupement IULAB : Dominique RENAUDET ? Neoclide, Justine PESTRE ? 360 Merci à l?ensemble des participants aux ateliers qui ont contribué à la réalisation de ce rapport. Sous la direction d?Isabelle MORITZ, adjointe à la cheffe du bureau villes et territoires durables Contact : Lab2051@developpement-durable.gouv.fr RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 3 TABLE DES MATIÈRES Préambule : composition du rapport ............................................................................4 Glossaire..............................................................................................................................5 1 Introduction : Ambitions et mode opératoire de l?incubation ..................... 8 2 Diagnostic et enjeux .......................................................................................... 12 2.1 Une difficulté à financer des projets d?aménagement ! vertueux " ............... 12 2.2 ReconsidÉrer la valeur environnementale dans les projets d?amÉnagement 14 2.3 Continuité versus rupture avec les rÉfÉrentiels Économiques de l?amÉnagement urbain ....................................................................................................... 15 3 Panorama des pratiques pour appréhender la valeur environnementale des projets d?aménagement .................................. 17 3.1 Le bilan d?aménagement : un cadre ?trop étroit? pour Embrasser les enjeux environnementaux .............................................................................................................. 17 Structure actuelle et usages du bilan d?amÉnagement .................................................................................................. 17 Questionnements associÉs À un Élargissement de périmÈtre du bilan d?amÉnagement ......................................... 18 3.2 Panorama des bilans d?aménagement à périmètre élargi ................................ 18 Les outils fondÉs sur la comptabilitÉ carbone .................................................................................................................. 19 Concepts, mÉthodes, et outils de monÉtarisation des enjeux socio-environnementaux dans l?amÉnagement .. 21 Le budget coloré ................................................................................................................................................................... 21 L?approche en coût global : concept, méthode et outil appliquÉs À l?amÉnagement ............................................ 23 L?approche en coût global .................................................................................................................................................. 23 Une mÉthodologie pour apprÉhender le coÛt global en amÉNagement : l?Évaluation socio-Économique ......... 25 Un outil opÉrationnel d?Évaluation socio-économique : Bénéfriche ........................................................................... 29 3.3 Les approches économiques écocentrées .......................................................... 31 3.4 Synthèse : portée et limites des approches étudiées ...................................... 33 4 Recommandations pour l?utilisation éclairée des approches, méthodes et outils étudiés .......................................... 35 4.1 Quelles situations comparer ? .............................................................................. 36 4.2 Quels impacts prendre en compte et comment les mesurer ? ...................... 37 4.3 Comment mettre en perspective les impacts avec le bilan d?aménagement ? .................................................................. 39 4.4 Comment orienter la dÉcision ? .......................................................................... 40 5 Conclusion - économie de l?aménagement durable : tester de nouveaux leviers pour sortir de l?impasse ............................................ 41 Bibliographie et ressources mobilisées ................................................................. 45 RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 4 PRÉAMBULE : COMPOSITION DU RAPPORT La méthodologie originale du Lab repose sur plusieurs piliers : la définition collective d?une problématique ciblée sur le thème de l?incubation ; un panel de participants croisant opérationnalité, recherche et expertise métier ; des ateliers de travail et une première prise de recul théorique aboutissant à un livrable à destination des acteurs de la filière de l?aménagement.  La première partie de ce rapport présente les objectifs de l?incubation et le cadre dans laquelle elle s?est déroulée. La deuxième partie expose succinctement le cadre théorique dans lequel s?est déroulée l?incubation, en précisant notamment les concepts, le vocabulaire et les outils existants sur cette problématique... La troisième partie présente le panorama des méthodes et outils partagés lors des ateliers du Lab. Il couvrent le panel le plus large possible de situations et d?approches que le format - volontairement court - du Lab a permis d?aborder, et ne saurait donc être considéré comme exhaustif. Il s?agit néanmoins d?une photographie originale des pratiques d?aménagement durable en 2023, qui pourra utilement nourrir la poursuite des réflexions sur le sujet.  La quatrième partie émet des recommandations relatives à une utilisation éclairée des approches, méthodes et outils. Le Lab2051 à vocation non seulement à ! décortiquer " un sujet émergent dans le domaine de l?urbanisme et de l?aménagement, mais également d?identifier les freins opérationnels et les pistes de solutions, parmi lesquels  un outil aujourd?hui central : le bilan d?aménagement. Pour éprouver concrètement les difficultés des acteurs de terrain et tenter d?aller un cran plus loin dans les pratiques actuelles, une partie du Lab a été consacrée à la définition d?un système décisionnel permettant de mieux mettre en perspective le bilan économique d?une opération d?aménagement et son bilan écologique.  Enfin la cinquième et dernière partie du rapport tire le bilan de ce Lab et formule des propositions de méthode pour dépasser les limites ou sortir des impasses actuelles, en matière d?économie d?un aménagement durable, et de modélisation en découlant. RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 5 GLOSSAIRE Ce glossaire donne les définitions communément utilisées par les praticiens de l?aménagement opérationnel pour les concepts les plus fréquemment utilisés dans ce rapport. Ces définitions reposent elles-mêmes sur des termes dont les crises actuelles interrogent le sens : économie, société, environnement, rapport homme-nature. Un des apports de cette incubation a été de souligner l?importance de porter un regard critique sur ces termes, point de départ pour établir les bons diagnostics et proposer les bonnes solutions. Aménagement durable : La durabilité de l?aménagement a été prise dans ce Lab dans son sens général, se retrouvant dans les quatre défis de la démarche Habiter la France de demain lancées par le Gouvernement en faveur des villes sobres, inclusives, résilientes et créatrices de valeurs. Les participants du Lab retrouvaient dans cette définition leurs difficultés à équilibrer des opérations ambitieuses soit en termes énergétique, foncière, de matériaux, mais aussi de mixité sociale ou encore de dispositions visant à la résilience ou à la réimplantation d?activités et de filières productives. Charge foncière : Coût total associé à l'acquisition et à la préparation d'un terrain pour un projet immobilier, incluant les frais d'achat, les coûts juridiques, les travaux de viabilisation, les intérêts hypothécaires, et d'autres dépenses liées à la propriété foncière. Comptabilité écologique : Approche comptable qui vise à quantifier et à rendre compte de l'impact environnemental d?un projet pour inciter à une prise de décisions plus responsable. Économie de projet d?aménagement : Ensemble des pratiques visant à optimiser les coûts et les ressources d'un projet d?aménagement, dans le but de garantir son efficacité financière et sa rentabilité. Écologisation des pratiques urbaines : Intégration de préoccupations environnementales dans les pratiques de l?aménagement. RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 6 Effets socio-économiques : Conséquences d'une opération sur la société et l'économie, au regard par exemple de l'emploi, la qualité de vie, la croissance économique et d'autres indicateurs socio-économiques. Externalité : Effet involontaire d'une activité économique affectant des tiers qui ne sont pas directement impliqués dans cette activité. Indicateur : Elément d?évaluation des caractéristiques et effets d?un projet d?aménagement. Métrique : Combinaison d?une ou plusieurs mesures afin de déterminer l?atteinte d?un objectif (par exemple une quantité d?émissions de carbone d?un bâtiment, comportant sa construction et 50 ans d?usage). Certaines métriques, de par leur caractère essentiel vis à vis du pilotage d?une stratégie, vont être retenues comme indicateurs (par exemple les émissions de carbone d?un quartier, estimées sur 50 ans). Modèle économique de l?aménagement : Traduction mathématique d?une opération d?aménagement, mettant en perspective, sur la durée, ses coûts, ses recettes, pour un opérateur donné, souvent un aménageur. Il s?agit d?un outil d?aide à la décision qui obéit au formalisme des finances locales. Au-delà d?un modèle économique, il s?agit aussi d?une interface de dialogue avec les financeurs. Un des enjeux du Lab est d?examiner comment trouver de nouvelles recettes pour équilibrer des surcoûts liés à la préservation de l?environnement. A noter que cette notion de modèle économique porte en son sein des présupposés que les difficultés actuelles invitent à réinterroger : n?aurait de valeur que ce qui est monnayé, l?équilibre ne se calcule que dans les périmètres d?opérations qui pourtant dialoguent avec leurs territoires, uniquement dans la durée des projets alors que les externalités positives (et négatives) s?exercent sur le temps long? Monnayer : Tirer un profit monétaire d?une ressource ou d?une activité. Monétiser : Générer des profits à partir d'une ressource ou d'une activité qui n'était pas initialement conçue pour produire des gains financiers. RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 7 Monétariser : Traduire la valeur d?une ressource ou d?une activité selon une métrique monétaire sans générer de flux financiers. Services écosystémiques : Fonctions tangibles et intangibles des écosystèmes naturels . En langage courant, on dit que les écosystèmes ! rendent " ou ! produisent " des services " pour l?Homme, pour la société. Subvention d?équilibre : Soutien financier d?une autorité publique pour garantir l'équilibre budgétaire d?un projet et assurer sa réalisation. Valeur actuelle nette (VAN) : Mesure financière qui évalue la rentabilité d'un investissement en calculant la différence entre les flux de trésorerie futurs générés par l'investissement et le coût initial de l'investissement, le tout actualisé à un taux de rendement spécifique. Valeur actualisée nette socio-économique (VAN-SE) : Calcul de la VAN intégrant les coûts et bénéfices attendus des effets socio- économiques du projet d?aménagement. Valeur tutélaire du carbone : Mesure économique qui représente le coût estimé des dommages futurs associés aux émissions supplémentaires de gaz à effet de serre dans l'atmosphère en tenant compte de ses impacts potentiels sur le changement climatique, la santé publique et l'environnement. RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 8 1 INTRODUCTION : AMBITIONS ET MODE OPÉRATOIRE DE L?INCUBATION Le présent rapport fait état des échanges conduits dans le cadre d?une incubation portant sur le(s) modèle(s) économique(s) d?un aménagement durable. S?organisant autour de 4 séances de travail espacés chacune 6 semaines, l?incubation a réuni en majorité des acteurs de l?aménagement urbain opérationnel : en ce sens, le travail réalisé reflète l?état des représentations, raisonnements et pratiques des participants sur cette thématique et dans leurs contextes et positions (chef de projet ZAC chez un aménageur par exemple). La question de nouveau(x) modèle(s) économique(s) de l?aménagement a donc été pensée selon les ?règles du jeu? qui régissent l?acte d?aménager aujourd?hui : obligation d?équilibre des budgets des collectivités territoriales et des bilans d?aménagement, statut du foncier comme bien privé, etc. Ce travail a permis de verbaliser les difficultés rencontrées et d?identifier les marges de manoeuvres possibles dans le cadre actuel ; il a également révélé que celles-ci sont extrêmement restreintes pour les acteurs opérationnels, les invitant, au-delà des leviers d?optimisation,à réinterroger le sens de certaines de ces règles du jeu, établies alors que l?environnement menaçait l?homme, et non l?inverse. 1.1 MÉTHODOLOGIE DE TRAVAIL Un recensement des besoins auprès d?une diversité d?acteurs Ainsi que mentionné en introduction, l?analyse des axes d?innovation des 39 lauréats du programme Démonstrateurs de la Ville Durable (DVD) a abouti à la définition de 6 thématiques à fort enjeux pour la transition écologique des territoires : nature en ville, économie circulaire et construction, usages et communs, mixité fonctionnelle et réversibilité, bioclimatisme et modèle(s) économique(s) d?un aménagement durable. Le programme de travail pour l?incubation de chacune de ces thématiques a été annoncé le 15 novembre 2022 : un appel à manifestation d?intérêt complété d?un questionnaire auprès des acteurs de l?aménagement s?en est suivi afin de mobiliser les participants de chaque Lab. Pour aborder la thématique des modèle(s) économique(s) de l?aménagement durable, le Lab dédié a réuni aménageurs, collectivités territoriales, financeurs, mais également chercheurs et experts (voir la liste des participants au chapitre RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 9 suivant). La première étape a consisté à recueillir les besoins de ces acteurs dans le cadre des projets sur lesquels ils interviennent, avec une approche résolument opérationnelle : quelles sont les questions récurrentes de ces acteurs ? Quelles sont les difficultés opérationnelles rencontrées dans leurs projets ? Quels outils mobilisent-ils ? Cette première étape a permis de faire émerger trois principaux questionnements : Quelles solutions pour optimiser le ratio entre dépenses et bénéfices environnementaux dans les projets d?aménagement ? Comment retrouver des marges de manoeuvre financières en opérant des péréquations et en se ?déplaçant? dans la chaîne de valeur de l?aménagement ? Comment intégrer pleinement les dimensions environnementales dans l?économie des projets d?aménagement ? C?est cette dernière problématique qui a guidé le travail du Lab durant 6 mois. Un travail centré sur les opérations publiques d?aménagement La spécificité de la chaîne de valeur de l?aménagement est d?englober plusieurs échelles d?intervention: échelons territoriaux sur lesquels s?appliquent les documents de planification (régions, départements, intercommunalités, communes, ?) ; et par conséquent plusieurs objets : projets d?aménagement d?initiative publique ou privée ; opérations immobilières de réhabilitation ou de constructions ; programmes de réhabilitation ou création d?équipements et d?espaces publics ; ? Dans le cadre de ce Lab, il a été décidé de se concentrer sur un type d?objet en particulier : les opérations d?aménagement d?initiative publique au sens de l?article L300-1 du Code de l?Urbanisme, telles que visées par l? appel à manifestation d?intérêt Démonstrateur de la ville durable. 1.2 PROBLÉMATIQUE Le financement des opérations d?aménagement repose aujourd?hui en grande partie sur trois ressources : la vente de droits à construire, la participation aux équipements des opérateurs et la subvention publique. Les aménageurs et collectivités territoriales constatent que ces ressources ne parviennent pas à financer une ! écologisation " de leurs pratiques qui augmentent les coûts d?aménagement - ainsi que de fonctionnement, contrevenant ainsi au principe d?un bilan financier d?aménagement !à l?équilibre". Cette problématique donne actuellement lieu à des réflexions et travaux pour trouver des nouveaux modes de financement des investissements, mais également du fonctionnement et de l?entretien des réalisations. RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 10 Le fait de repenser des modèles !classiques" de l?aménagement s?avère particulièrement complexe dans la mesure où ils sont le résultat du bilan économique d?à minima cinq types d?acteurs : les collectivités territoriales, aménageurs, opérateurs immobiliers, auxquels s?ajoutent les intérêts des propriétaires et les capacités de financement des futurs usagers. Enfin, chaque opération d?aménagement, par sa nature (extension urbaine ou renouvellement urbain), son programme (part de construction neuve et de réhabilitation), son marché (détendu ou tendu) et ses modes de financement (cités plus haut) est unique, et par conséquent son modèle économique l?est aussi. Il ne s?agit donc pas de trouver un modèle économique unique, mais d?explorer des pistes permettant de mieux intégrer les dimensions environnementales dans l?économie des projets et de les financer, afin de privilégier des programmes vertueux. 1.3 PARTICIPANTS Le Lab a réuni une trentaine de participants. Parmi eux : Des collectivités : Bordeaux Métropole ; Commune de Tramayes ; Métropole Aix Marseille Provence ; Rennes Métropole ; Ville de Fontenay- sous-Bois ; Ville de Paris ; Ville de Sarcelles. Des aménageurs mandatés par les collectivités territoriales (SPL et SEM) : SPL Grand Ouest ; SPL Marne au Bois ; SERS ? ou par l?Etat (EPA) : EPA Bordeaux Euratlantique ; EPA EuroMéditerranée. Des bailleurs sociaux : I3F, Polylogis, Logirep . Ces participants, en grande partie de niveau technique (chefs de projet, responsable de service, directeur général adjoint) et certains élus sont intervenus en tant que porteurs de projets : Lauréats du dispositif Démonstrateurs de la Ville Durable (Décarboner Val de Fontenay / Val de Fontenay ; Grand ensemble de Lochères / Sarcelles ; Mérignac Soleil - Penser la ville, Panser les sols / Mérignac ; Ville durable, productive et inclusive en méditerranée / Marseille ; ZAC Cambrai-Oméga, démonstrateur de la ville durable insulaire et tropicale.) / Saint-Paul ; Lauréats du dispositif Engagés pour la Qualité du Logement de Demain : (I3F , Polylogis , AMPM) ; D?autres porteurs de projets volontaires pour participer au Lab (SERS - Les prairies du Canal ; ZAC Paris Rive Gauche - Ville de Paris). RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 11 1.4 DÉROULÉ L'atelier de lancement a permis de préciser le cadre de travail et les livrables attendus, s?attachant à répondre aux attentes et besoins opérationnels des participants. Trois ateliers complémentaires ont été programmés afin d?aborder successivement : Les approches monétarisées, suite à l?exposé du référentiel de l?évaluation socio-économique par Sabine Baïetto-Beysson, ingénieure et économiste, Inspectrice Générale à l?Inspection Générale de l?Environnement et du Développement Durable (IGEDD), présidente de l?Observatoire Régional du Foncier d?Ile de France, qui a présidé le groupe de travail France Stratégie chargé de sa rédaction. Les approches intégrant de nouvelles métriques dans l?aménagement, au travers du projet de recherche Ecomodam, piloté par Daniel Florentin, Magali Castex et Agnès Bastin dans le cadre de l?Institut Supérieur d?Ingénierie et de Gestion de l?Environnement sous la direction de l?École Mines Paristech, et du budget coloré mis en place par Flore Scheurer, en tant que directrice du projet Brazza à la Métropole de Bordeaux. L'approche en coût global, présentée par Juliette Maître, directrice d?études au CEREMA. Le Lab a par ailleurs été nourri d?échanges bilatéraux avec des experts en complément des temps d?ateliers, afin d?approfondir les sujets abordés en séance : CEREMA, ADEME, Banque des Territoires, Ecole des Mines Paristech, Observatoire des loyers (OLAP), Société CO?MONE et Zefco. RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 12 2 DIAGNOSTIC ET ENJEUX 2.1 UNE DIFFICULTÉ À FINANCER DES PROJETS D?AMÉNAGEMENT ! VERTUEUX " Les projets sélectionnés dans le cadre de l?appel à projet ! Démonstrateurs de la Ville Durable " se caractérisent par leur forte ambition environnementale. Ils sont nombreux à mettre en avant dans leurs axes d?innovation des actions relevant de nouveaux modèles économiques et modes de financement autour de difficultés partagées. Un modèle historique fondé sur la revente de charges foncières ? En France, les opérations d?aménagement sont majoritairement financées par le mécanisme de la revente de charges foncières. L?aménageur, après avoir acquis un foncier qu?il a selon les cas libéré des fonctions qui s?y trouvaient précédemment, dépollué, terrassé et viabilisé, le cède à un ou plusieurs opérateurs immobiliers. Le prix de vente du foncier à un acquéreur est lié à la valeur de cession ou d?exploitation de ce qui y sera construit par ce dernier. La méthode du ! compte-à-rebours ", utilisée pour estimer certains biens par les services de Domaines et plus généralement par les acteurs de l?immobilier et de l?aménagement, illustre ce principe : partir de la valeur de cession et remonter ?à rebours? pour déduire le prix du foncier, en retranchant les coûts de travaux, les honoraires de conception, etc?. Pour l?aménageur, les recettes issues de la vente de charges foncières servent à couvrir les dépenses d?aménagement décrites plus haut, mais participent également à la réhabilitation ou création des aménités publiques, en complément des contributions aux équipements publics des acteurs compétents et de subventions. Lorsque l?ensemble de ces recettes ne suffisent à couvrir le coût des aménités, l?opération peut faire l?objet d?une subvention d?équilibre de la collectivité qui porte l?opération. ? ! déphasé " avec les impératifs environnementaux. La feuille de route de décarbonation de l?aménagement résume ainsi la situation actuelle : ! Il en résulte de ce modèle que les acteurs de la chaîne de valeur de l?aménagement ont intérêt, afin de générer des recettes, à ! édifier " de nouveaux bâtiments et infrastructures en mobilisant des espaces non construits, c?est-à-dire en ! détruisant " les espaces naturels, agricoles et forestiers ". Ce mode de faire va en effet à l?encontre des objectifs environnementaux fixés au niveau national , dont la diminution de 40% des constructions neuves entre 2015 et 2050 fixée par la Stratégie nationale bas carne - SNBC, et les récentes évolutions législatives, en particulier la loi Climat et Résilience de 2021 qui fixe un objectif de diminution par RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 13 deux du rythme d?artificialisation et atteinte du zéro artificialisation nette en 2050, dont les modalités sont décrites dans la Loi du 20 juillet 2023. Cette situation devrait privilégier le passage à un urbanisme du recyclage foncier beaucoup plus massif qu?il ne l?est actuellement . Or, pour ces opérations, la combinaison des trois sources de financement des opérations d?aménagement (vente de charges foncières, participation des opérateurs aux équipements et subvention publique) ne parvient pas toujours à proposer des projets qualitatifs dans le cadre du marché, notamment parce que l?aménagement en recyclage urbain est beaucoup plus long et coûteux que l?aménagement en extension urbaine. Cet état de fait est accentué par la tension sur le foncier disponible, et par conséquent le prix qui lui est consacré pour son acquisition dans les opérations d?aménagement. A cela s?ajoute une raréfaction de plus en plus forte des ressources physiques disponibles et utilisables, ce qui se traduit notamment par une augmentation du prix des matériaux et de l?énergie, et donc des travaux. Dans ce contexte, les mesures d?atténuation des causes et d?adaptation aux effets du changement climatique déclinées à l?échelle de l?aménagement (maintien d?espaces naturels, végétalisation, augmentation de la performance thermique du bâti, mobilisation de nouveaux types de matériaux bio-sourcés, ?) sont souvent appréhendées par les acteurs de la filière comme des coûts supplémentaires problématiques, en comparaison avec des pratiques immobilières et d?aménagement s?en affranchissant. Des approches économiques et fiscales à reconsidérer Au-delà du périmètre de l?opération d?aménagement en elle-même, les travaux menés dans le cadre de la feuille de route de décarbonation de l?aménagement ont mis en exergue l?existence de nombreuses règles et normes fiscales qui ne favorisent pas des opérations vertueuses sur le plan environnemental, voire ! encouragent les collectivités et les acteurs économiques à la mobilisation de nouvelles surfaces de terres. ". Le propos est illustré par l?exemple de la politique de transformation des bureaux vides en logements, ou encore de celui de la rénovation associée à la surélévation des bâtiments existants : ces politiques volontaristes ! trouvent leurs limites en raison des règles fiscales et/ou de normes distinctes applicables aux immeubles tertiaires et au logement. ". Le rapport insiste également sur l?absence de prise en compte ? dans le modèle économique actuel de l?aménagement ? d?un ensemble d?éléments qui ont pourtant une valeur : ! [la] valeur carbone de lutte contre le dérèglement climatique (stockage dans un sol naturel), une valeur de lutte contre les inondations grâce à l'absorption des pluies par un sol non imperméabilisé, une valeur de régulation des températures en cas de fortes chaleurs, [?] et surtout une valeur de lutte contre la disparition des espèces végétales et animales qui n?ont plus d?habitat. " RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 14 2.2 RECONSIDÉRER LA VALEUR ENVIRONNEMENTALE DANS LES PROJETS D?AMÉNAGEMENT Au coeur de l?équation entre le caractère vertueux des projets et l?économie des projets d?aménagement, la question est donc bien celle de la valeur accordée aux composantes environnementales et la manière de l?intégrer dans les modèles économiques des projets. Dans le cadre de la table ronde du 14 juin 2023 organisée par la Fondation Palladio sur la thématique ! Peut-on concevoir de nouvelles valeurs dans la fabrique de la ville ? Social, environnemental : explorer les nouveaux horizons de la valeur ", Alexandre Coulondre rappelle qu?historiquement, les économistes ont eu une approche de la valeur centrée sur le travail nécessaire pour produire un bien ou un service, à laquelle a été ajoutée la notion de profit généré, et enfin l?utilité du bien ou service produit, dont la valeur se traduit sur un marché où se rencontrent offre et demande. Dans notre système économique actuel, la valeur donnée à un bien ou un service est traduite par son prix : le montant qui est fixé est un résultat composite entre le travail fourni, le profit généré, l?utilité perçue, le positionnement sur un marché, des rapports de force entre acteurs ... Déclinée sur les questions foncières, immobilières et urbaines, l?appréhension de la valeur intègre une nouvelle dimension : l?espace. Les économistes ayant pris en compte cette composante ont donné naissance à de nouvelles théories de la valeur (telles que la rente foncière ou les prix hédoniques). Ces différentes approches ont généré des controverses chez les économistes, les politiques et les praticiens. Dans la pratique, cela se traduit par des politiques publiques qui divergent selon le cadre théorique qu?elles prennent comme référence, ainsi que l?existence et l?utilisation de méthodes différentes pour donner une valeur. Dans l?immobilier, on peut citer les méthodes reposant sur une logique de marché (méthode par comparaison), de coûts (bilan ou compte-à-rebours, reposant indirectement sur le marché puisque partant à rebours d?un ! prix de sortie " dans un marché immobilier donné), ou par les revenus générés (valeur actualisée nette). Cette lecture historique de la théorisation de la valeur, et le constat d?une diversité de pratiques rappellent que la valeur n?est pas une donnée naturelle mais une construction sociale, d?ordre culturel, variant selon l?époque, l?espace, les ! valeurs " morales ? entre autres. De manière corollaire, on observe dans le temps long une évolution de ce qui est compté pour qualifier la valeur : les heures de travail, la demande pour un bien, voire des éléments non quantifiables (comme par exemple l?attachement à un bien)... L?émergence d?une ! comptabilité écologique " reflète la valeur croissante accordée aux enjeux écologiques, et le besoin des acteurs de parvenir à les intégrer dans leur référentiel, dont ils sont aujourd?hui absents. https://fr.wikipedia.org/wiki/David_Ricardo RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 15 2.3 CONTINUITE VERSUS RUPTURE AVEC LES RÉFÉRENTIELS ÉCONOMIQUES DE L?AMÉNAGEMENT URBAIN Actant cette considération, le contexte actuel d?urgence climatique et de tension entre besoins sociétaux et ressources planétaires amène chercheurs et praticiens à interroger la valeur donnée aux dimensions environnementales des projets urbains et immobiliers, et la manière de l?intégrer dans les modèles économiques associés. Dans sa note de présentation, le projet de recherche Ecomodam (2023- 2027, financé par l?Agence Nationale de la Recherche - ANR) distingue deux types d?approches : Des approches qui abordent la question de la valeur des projets d?aménagement sous un prisme économique anthropocentré. Elle se traduit par une littérature qui se focalise sur les transformations des circuits de financement de l?aménagement, la capture 1de la valeur foncière, la diversification de certains acteurs dans la production urbaine. Dans ces travaux, toutes les composantes d?un projet d?aménagement (y compris les externalités environnementales) sont réductibles à une valeur monétaire; elles sont donc normées, ! aplaties " autour du seul indicateur monétaire, un équivalent euro. Les composantes économiques, sociales ou environnementales sont ainsi substituables. Dans cet esprit, des méthodes ont été mises au point pour donner une valeur monétaire aux services écosystémiques rendus par la nature, où ! la valeur de la nature est liée à son utilité pour les sociétés humaines ". Ces méthodes de monétisation permettent d?effectuer des calculs ! coûts-bénéfices ". A rebours, des approches économiques écocentrées se développent, se focalisant sur les écosystèmes sur le modèle de ce qui se pratique déjà sur la ressource en eau depuis la directive cadre européenne de 2000. La question n?est plus ! quel est le prix de la nature ? " mais ! combien coûte le maintien du bon fonctionnement des écosystèmes ? ". Dans ces approches, l?économie est un instrument au service du maintien ou de la restauration du ! bon état " des écosystèmes : la qualification de ce ! bon " niveau est définie collectivement, autour de données écologiques. Dans cette approche, la valeur monétaire est conditionnée par l?accession à la bonne santé de l?écosystème, et les différents capitaux qui animent un projet d?aménagement (sociaux, naturels, économiques) ne sont pas substituables entre eux. Les travaux de ce Lab ! Modèle(s) économique(s) de l?aménagement durable " ont eu pour objectif d?aborder ces deux types d?approches, pour en apprécier les concepts, les méthodes, les outils ainsi que leurs apports et limites en réponse aux difficultés rencontrées par les participants. 1 le verbe capturer (la valeur) a pris le dessus sur celui de capter, ce qui traduit une évolution dans la posture revendiquée de certains opérateurs, aujourd?hui plus ouvertement proche de la chasse RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 16 Ces approches reposant sur des fondamentaux différents, il ne s?agit pas de montrer comment ils peuvent être (ré)conciliés, mais plutôt de donner à voir la subordination des pratiques actuelles à des systèmes de pensée, ouvrant un chantier de nature épistémologique : comment la ! nouvelle " donne des limites planétaires peut amener à remettre en cause certaines modalités de l?approche anthropocentrée jusqu?à présent considérée comme vraie ? RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 17 3 PANORAMA DES PRATIQUES POUR APPRÉHENDER LA VALEUR ENVIRONNEMENTALE DES PROJETS D?AMÉNAGEMENT 3.1 LE BILAN D?AMÉNAGEMENT : UN CADRE ?TROP ETROIT? POUR EMBRASSER LES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX STRUCTURE ACTUELLE ET USAGES DU BILAN D?AMÉNAGEMENT Les arbitrages relatifs à un projet d?aménagement sont aujourd?hui en partie fondés sur le résultat de son bilan financier. Ce document à caractère financier recense les dépenses nécessaires à la réalisation de l?opération du point de vue de l?aménageur ou de la collectivité locale (acquisitions foncières, mise en état des sols, aménagement des espaces publics, réalisations des équipements, ?) et les recettes (pour la plupart issues de la vente de droits à construire). Or, ce cadre de référence présente plusieurs limites pour mieux prendre en compte les dimensions environnementales. D?une part, le bilan d?aménagement repose sur le simple indicateur monétaire : dans ce référentiel, les dispositions environnementales représentent parfois des coûts plus élevés (dépollution, construction bois, performance thermique du bâti dépassant les cibles de la réglementation ?). Or, les bénéfices associés à ces choix programmatiques ou de conception sont représentés par d?autres indicateurs (chiffrés ou non), sans forme d?équivalence. A travers ce prisme, les mesures environnementales sont perçues comme des ! surcoûts ", sans que les bénéfices associés ? à court ou moyen terme ? soient mis en perspective. Des travaux de recherche tentent à l?heure actuelle de donner une valeur monétaire à ces services écosystémiques rendus par la nature à l?homme, afin de monétiser l?intérêt des mesures écologiques. D?autre part, le périmètre spatial et temporel d?un bilan d?aménagement est circonscrit à la livraison d?ouvrages bâtis : les dépenses et recettes correspondent respectivement à celles nécessaires pour réaliser ces ouvrages et céder des droits à construire, mais ne prennent pas en compte celles issues de l?exploitation des infrastructures, qui sont portées par d?autres acteurs que l?aménageur. Or, l?intérêt des mesures environnementales ont des impacts après la livraison (efficacité énergétique du bâti, restauration des écosystèmes, ?). Pour autant, le terme ?bilan d?aménagement? demeure adapté dans son RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 18 acception large, puisqu?il s?agit bien de prévoir puis de piloter un équilibre 2entre des actions humaines et des effets sur l?environnement. Une des conclusions du Lab a été de mettre en lumière la nécessité de redonner son sens véritable au bilan d?aménagement. QUESTIONNEMENTS ASSOCIÉS À UN ÉLARGISSEMENT DE PERIMÈTRE DU BILAN D?AMÉNAGEMENT Plusieurs approches ont été développées pour mesurer les impacts des choix de programmation et de conception des projets urbains dans un périmètre élargi. Celles-ci amènent différents questionnements, notamment au regard de : Le périmètre : Quelles causes prendre en considération (la seule viabilisation, la construction permise par cette viabilisation, l?utilisation des constructions pour produire, l?incidence de cette production sur l?écosystème?), et quels effets mesurer : le carbone, la biodiversité?? La méthode : Comment mesurer des choses qui ne sont pas comptabilisées aujourd?hui et qui qui par ailleurs sont systémiques et diffuses (effets de long terme sur la santé et sur la biodiversité, sur le changement climatique?) ? La valeur : Comment donner une juste valeur aux impacts? Faut-il favoriser une approche monétaire ou non-monétaire ? Les bénéficiaires et payeurs concernés : Dans le cas de pratiques non durables et de l?application du principe "pollueur-payeur" : à qui est reversé le montant correspondant ? Inversement, dans le cas de pratiques vertueuses d'aménagement, qui est le bénéficiaire associé aux externalités positives et comment cela est-il compté (réduction des dépenses de santé...)? 3.2 PANORAMA DES BILANS D?AMÉNAGEMENT À PÉRIMÈTRE ÉLARGI La nécessité de dépasser les difficultés et insuffisances actuelles a amené à développer de nouvelles méthodes et de nouveaux outils, mais aussi à repenser le cadre conceptuel et épistémologique dans lequel ils s?appliquent. Le Lab a permis d?aborder la plupart de ces nouvelles manières d?aider à l'élaboration de bilan d?aménagement prenant mieux en compte les enjeux socio- environnementaux, que nous avons organisé selon la structure suivante : Outils de comptabilité carbone 2 Le mot bilan venant du latin bilanx, désignant une balance à deux (bi) plateaux (lanx), associée à la recherche d?équilibre. RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 19 Concepts, méthodes, et outils de monétarisation des enjeux socio- environnementaux dans l?aménagement Création de modèles économiques éco-centrés LES OUTILS FONDÉS SUR LA COMPTABILITÉ CARBONE Aujourd?hui, le carbone est utilisé comme indicateur privilégié pour quantifier l?impact du projet sur son environnement3. Différents outils permettent de traduire les choix de conception d?un projet d?aménagement en valeur carbone. A l?heure actuelle, les outils disponibles permettent de répondre aux questions suivantes : . Où se situe le projet par rapport aux ambitions carbone nationales ? La Boussole Carbone est un outil de quantification carbone créé par Zefco, en cours de tests et de développement au moment de l?incubation du Lab. Il vise à situer le bilan carbone d?un projet par rapport aux courbes de trajectoires SNBC et aux seuils règlementaires (RE2020). Pour aligner le bilan carbone avec les ambitions nationales, il fournit à l?utilisateur (le plus souvent, le porteur de projet) des leviers de décarbonation sur le plan de la programmation et de la conception sur les aspects énergie (pour le tertiaire), construction, mobilité et usage. A ce stade, il ne fournit pas d'indications quant aux coûts associés. Quels sont les leviers de décarbonation d?un projet ? UrbanPrint est un logiciel d?aide à la conception des projets autour de l?analyse enCycle de Vie (ACV) d?un projet d?aménagement, en application de la méthodeQuartier énergie carbone? élaborée par l?ADEME, Efficacity, le CSTB dans le cadre d?un consortium d?acteurs. Il permet de comparer un scénario de référence à un scénario alternatif, activant des leviers de sobriété. Selon une décomposition en consommation d?énergie, produits de construction, eau, déchets, mobilité et chantier, il fournit des leviers de décarbonation et des prescriptions constructeurs pour optimiser le bilan ACV. Néanmoins, en l?état actuel des développements de l?outil (qui se perfectionne régulièrement), les choix de scénarios ne prennent pas en compte la biodiversité et peu en compte les usages induits (mobilité, gestion de l?eau, etc). Un participant du Lab, Quentin Duret de la SERS, nous a partagé son retour d?expérience : 3 L?indicateur carbone, s?il ne rend pas compte de tous les impacts environnementaux d?un projet (biodiversité, eau?), est toutefois essentiel dans la mesure où il permet de rendre compte de nombreux impacts de l?activité humaine sur le phénomène de changement climatique. RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 20 Les prairies du Canal - SERS Le projet des Prairies du Canal, porté par la SERS, a fait le choix d?une programmation ambitieuse sur le volet environnemental : obligations contractuelles dans le cahier des prescriptions architecturales, incitation financière par réduction de la charge foncière si atteinte d?un label spécifique, expérimentation bilan carbone avec UrbanPrint, etc. Quentin Duret (SERS) témoigne des limites de l?approche : l'analyse en matière de bilan carbone constitue un outil d'aide à la décision intéressant, bien que des concessions soient parfois nécessaires face aux réalités économiques. Par ailleurs, certaines externalités positives du projet, telles que la préservation de la biodiversité ou l?amélioration du cadre de vie, n?étaient pas visibles dans le bilan carbone réalisé par l?outil UrbanPrint. Le graphe illustre les données de sortie de cet outil qui compare l?impact carbone de deux scénarios (scénario retenu et scénario de base respectant les réglementations) sur les volets énergies, construction, eau, déchet, chantier et mobilité. Quel est le prix de la tonne de carbone économisée ? EuroCO2 est un outil de couplage pré-bilans financiers et bilan carbone simplifié créé par Une Autre Ville et AMOES, permettant d?obtenir le coût d?une tonne carbone économisée. Il fournit des arguments d?aide à la décision pour la programmation (immobilier, aménagement, énergie et mobilité) et le montage financier d?un projet en comparant un scénario ! classique " et un scénario ! optimisé ". Il permet de mettre en avant les co-bénéfices environnementaux et économiques d?un projet dit décarboné. RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 21 CONCEPTS, MÉTHODES, ET OUTILS DE MONÉTARISATION DES ENJEUX SOCIO-ENVIRONNEMENTAUX DANS L?AMÉNAGEMENT La présentation de ces outils aux participants du Lab leur ont permis de (re)découvrir des solutions pour mieux appréhender la question du carbone dans leurs projets, et, pour EuroCO2, de la mettre en perspective avec l?économie et le financement de l?aménagement. Ce dernier point étant prévalant dans les préoccupations des participants, ce sont d?autres approches introduisant la question financière qui ont été présentées, consistant soit à mettre en valeur les investissements les plus alignés avec les enjeux environnementaux (le budget coloré), soit à ?traduire? les enjeux environnementaux en monnaie, c?est à dire les monétariser (le concept de l?approche en coût global, décliné en méthode d'évaluation socio économique appliquée à l'aménagement, et en outil d?aide à la décision: Bénéfriche). LE BUDGET COLORE Brazza - Métropole de Bordeaux Le projet Brazza est un projet de renouvellement de friches urbaines d?une cinquantaine d?hectares délaissées depuis 20 ans. L?opération, réalisée sous forme d?urbanisme négocié (maîtrise foncière privée), répond à une charte de partenariat et d?engagement sur la qualité et l?innovation. Ainsi, sa programmation intègre les problématiques de mixité fonctionnelle, de performance énergétique, d?usage des sols et de mobilité. Outre les coûts de dépollution engagés par de telles opérations, la proximité avec le bord de la Garonne implique des risques importants d?inondabilité : pour y répondre sur le plan bâtimentaire, la solution retenue a été la construction sur pilotis. Par ailleurs, une volonté de désimperméabiliser la zone a permis la renaturation de ces friches en introduisant 20% d?espaces verts. Dans un souci d?évaluation, la métropole de Bordeaux a élaboré une première approche des coûts environnementaux du projet Brazza incluant des postes de dépollution des sols, de travaux d?assainissement, d?aménagements paysagers, de contraintes hydrauliques, de mesures écologiques de compensation et d?études préalables. RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 22 Mesure Coût estimatif (# TTC) Dépollution des sols (études, mesures) 27,1 M# (dont 11,7 M# sur les parcelles publiques) Travaux d?assainissement 36 M# Aménagements paysagers et espaces verts 33,5 M# (dont 19,4 M# sur les parcelles publiques) Surcoûts des contraintes hydrauliques (construction sur pilotis) 5 M# Etudes écologiques (4 ans) 30 000 # Mesures écologiques de réduction et d?accompagnement 54 000 # Mesures compensatoires (30 ans) 39 000 # Flore Scheurer constate que ces données n?ont pas fait l?objet d?une appropriation forte par les élus pour arbitrer aux étapes de conception du projet. Par ailleurs, elle relève que ! bien que des aides financières existent pour les projets de renaturation, elle n?a pas connaissance de subventions pour les projets de maintien de la nature en milieu urbain ". Depuis, la métropole teste la mise en place d?un outil de pilotage : le ! budget coloré ". Certaines composantes de l?opération d?aménagement (par exemple : normes en vigueur, mode de gestion des déchets, proximité avec les transports en commun...) - classées selon leur participation à l?atténuation ou à l?adaptation au changement climatique - font l?objet d?une notation selon leur impact (très favorable en vert foncé, favorable en vert clair, neutre en gris ou défavorable en rouge). L?objectif de cette grille est double : choisir ! le bon projet au bon endroit " pour optimiser les ressources - y compris financières - et flécher les financements vers les actions les plus vertueuses. RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 23 L?APPROCHE EN COUT GLOBAL : CONCEPT, METHODE ET OUTIL APPLIQUÉS À L?AMÉNAGEMENT Le bilan d'aménagement financier actuel indique les dépenses et les recettes d?un projet, de ses investissements jusqu?à sa commercialisation. Pourtant, certains coûts et bénéfices, tels que les frais opérationnels et les retours sur investissements, surviennent sur le temps long du projet et au-delà du périmètre du projet (ex : équipements publics non réalisés par l?aménageur). Comment valoriser une opération d?aménagement comme un levier de transformation à l?échelle de la ville, voire au-delà ? C?est ce qui appréhende l?approche en coût global. Elle trouve son application en aménagement par la méthodologie de l'évaluation socio-économique, et un outil d?aide à la décision avec Bénéfriche, développé par l?ADEME. L?APPROCHE EN COUT GLOBAL L'approche en coût global est mobilisée dans le domaine de l'aménagement pour évaluer l'ensemble des coûts associés à un projet tout au long de son cycle de vie, depuis la phase de conception jusqu'à la fin de sa vie utile. Cette approche vise à combiner aux coûts initiaux, les coûts de fonctionnement (exploitation, maintenance, remplacement) et de fin de vie (démolition, réhabilitation, etc) du projet. L?aménagement étant également source de recettes, l?approche en coût RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 24 global peut être remplacée par une approche en bilan global. A ces considérations, peuvent être combinées les retombées des aspects environnementaux et socio-économiques des projets d?aménagement (approches en coût global ! élargi " et/ou ! généralisé "). Type bilan Coût global élargi Coût global généralisé Contenu Niveau des équipements urbains ; Paysage urbain ; Confort des espaces ouverts et des circulations ; Qualité de l?air et de l?eau ; Gestion des déchets ; Nature en ville ; Sécurité ; etc Climat ; Biodiversité ; Pollution marine ; Potentiel agricole ; Ressources en eau ; Risques ; etc Echelle Quartier Planète Impacts Externalités de type socio-économiques Externalités environnementales Groupes impactés Habitants, usagers et entreprises Humanité Niveau et type de régulation Intercommunalité : documents de planification (PDU, PLH, SCoT, etc) Etats, institutions internationales : normes internationales, objectifs globaux, etc Temps de rétroaction Moyen terme Long terme Quantification Valeurs foncières ! ex post " Valeurs ! ex ante " : valeurs tutélaires, coûts d?évitement, de réparation, etc Cette méthode est mieux appréhendée dans le domaine du bâtiment que celui de l?aménagement qui fait intervenir une pluralité d?objets, d?acteurs et d?échelles. Pourtant, elle permet aux décideurs d'avoir une vision plus complète de la viabilité économique d?un projet en vue de prendre des décisions d?investissement éclairées et durables sur le plan financier. RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 25 Bien que ce type d?approche apporte un éclairage utile sur l?impact des choix d?investissement - à la fois pour ceux qui les payent, les gèrent et les utilisent - il ne permet pas de dépasser certaines réalités opérationnelles qui orientent la prise de décision : celui qui paie l?infrastructure n?est pas forcément celui supportera les coûts de gestion et / ou d?utilisation (ex : un promoteur qui réalise un bâtiment et le revend à des particuliers). UNE MÉTHODOLOGIE POUR APPRÉHENDER LE COÛT GLOBAL EN AMÉNAGEMENT : L?ÉVALUATION SOCIO-ÉCONOMIQUE L?évaluation socio-économique (ESE) consiste à intégrer des considérations sociales, économiques et environnementales d?un projet aux enjeux financiers et techniques. Cette méthode est un cas particulier de l?approche en coût global. Le référentiel de l?ESE décrit une méthode d?évaluation visant à faciliter l?application des concepts et méthodes de l?évaluation socio-économique au domaine de l?aménagement en comparant l?ensemble des coûts (d?investissement, d?entretien, de gestion) avec les bénéfices attendus (monétarisés ou non) pour un projet d?aménagement urbain. Ces bénéfices portent sur les dimensions environnementales, mais également sociales (emplois, santé, logement, ?). Pour réaliser cette évaluation, un indicateur synthétique, la Valeur Actualisée Nette Socio-Économique (VAN-SE) permet d?apprécier le rendement global de l?investissement. Ce type d?approche permet aux acteurs publics de se positionner sur l?intérêt d?investir et/ou subventionner une opération d?aménagement au regard des bénéfices attendus sur le long terme, et de justifier ces choix auprès des citoyens. Les principes de l?évaluation peuvent être synthétisés de la manière suivante : Définition de la situation existante (périmètres spatiaux, temporels, fonctionnels et parties concernées) ; Définition d'un cadre de référence sur 30 ans (croissance démographique, croissance économique, hypothèses climatiques retenues, etc) ; Définition d'une option de référence (par exemple, l'état du territoire dans 30 ans sans opération d'aménagement) ; Définition d'une option d'investissement (par exemple, l'état du territoire dans 30 ans si l'opération d'aménagement est réalisée) ; Comparaison des deux options à partir de critères thématiques choisis préalablement, grâce au calcul de la VAN-SE pour les critères monétarisés, avec d'autres méthodes pour les autres critères. RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 26 Méthodologie d?évaluation socio-économique des projets d?aménagement Pour les projets financés par l'Etat ou ses établissements publics à hauteur de 20 millions d?euros minimum, l?évaluation socio-économique est obligatoire et est soumise à une contre-expertise indépendante si elle excède 100 millions d?euros de subventions publiques. Un exemple est donné sur le projet du Cluster des Médias dans l?encadré ci-dessous. RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 27 Un exemple d?évaluation socio-économique pour un projet d?aménagement : Le Cluster des Médias - SOLIDEO Le site du Cluster des médias (site des JO 2024) a servi de projet test à l?évaluation socio-économique conduite par la SOLIDEO avant d?être soumise à une contre-expertise. Ce projet vise à transformer le village des médias des JO en un quartier résidentiel moderne et durable, tout en développant des espaces verts, des infrastructures de transport, des équipements publics et des activités économiques pour améliorer la qualité de vie et la connectivité du territoire. L?intérêt de l?ESE appliquée à ce projet était de deux ordres : objectiver et partager ses ambitions environnementales en termes de neutralité carbone, de confort urbain adapté au réchauffement climatique et de préservation de la biodiversité. démontrer la pérennité du projet sur le plan économique : coût des infrastructures de transport, création de logements et d?emplois. Les résultats présentés dans le tableau ci-dessous montrent un bilan globalement positif, avec une VAN-SE de 123 M#, calculée depuis la date de démarrage du projet jusqu?à la fin de vie des immeubles4. Ce cas d?étude démontre la nécessité d?évaluer les coûts et bénéfices sociaux et économiques sur un temps long, en tenant compte du projet sur toute sa durée : phase chantier, phase JO et phase post-JO. Bien que les contre-experts questionnent la méthodologie de calcul employée (hypothèses de gain de temps jugées trop optimistes, coûts d?entretien sous-estimés), ils concluent finalement que les sous- estimations de certains coûts seraient compensées par des effets positifs non pris en compte. Le groupe de travail présidé par Sabine Baïetto- Beysson invite les opérateurs à se saisir de la méthode proposée et à l?adapter si besoin en dehors du simple cadre réglementaire. 4 https://www.info.gouv.fr/upload/media/organization/0001/01/sites_default_files_contenu_piece- jointe_2021_04_rapport_ce_cluster_medias.pdf RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 28 Bénéfices socio-économiques répartis par acteurs VAN-SE 2023 (M#) Résidents Gain de temps de déplacement Gain de pouvoir d?achat (accès à des logements moins coûteux) Amélioration de la sécurité Amélioration du confort Amélioration de la santé (présence d?espaces verts, pratique sportive, logements salubres) 138 Riverains Décongestion Diminution de la pollution locale 24 Emploi Pendant la phase chantier Valorisation d?un tiers des emplois pendant 20 ans 21 Promoteurs Non détaillé 3 Puissance publique Économie d?émission carbone 29 Jeux Gain de temps de déplacement des médias Part des bénéfices JO 122 Coûts d?investissement et recettes des droits à construire - 215 Bilan Collectivité 123 La pratique de cette évaluation est bien appréhendée et codifiée en matière d?infrastructures de transport mais reste méconnue et peu mobilisée en matière d?aménagement. Bénéficiant d'un cadre théorique clair, sa mise en application se heurte pourtant à des difficultés. Pour cause, les variables sont plus importantes, parfois plus difficiles à saisir et à comparer. Des travaux conduits par le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires sont en cours autour de la déclinaison opérationnelle de l?évaluation socio-économique pour les opérations d?aménagement. Par ailleurs, certaines méthodes de quantification monétaire peuvent être RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 29 discutées. C?est le cas de la valeur tutélaire du carbone, qui, par définition, traduit un coût estimé des dommages futurs associés aux émissions supplémentaires de gaz à effet de serre, et tend à augmenter d?année en année, rendant obsolètes les prises de décision fondées sur sa valeur à l?année n. UN OUTIL OPÉRATIONNEL D?ÉVALUATION SOCIO-ECONOMIQUE : BENEFRICHE BENEFRICHES est un outil d'aide à la décision développé par l?ADEME fondé sur une approche multicritères qui permet de valoriser les bénéfices socio- économiques des projets de réhabilitation de friches urbaines en transférant une valeur monétaire sur les externalités positives (du fait de la remise en état, des aménités du projet etc.). Véritable frein au recyclage urbain, les coûts de remise en état (dépollution, déconstruction) dissuadent très souvent les acteurs de l?aménagement dans l?entreprise d?un projet de réhabilitation de friches. Aujourd?hui, certains des effets ne disposent pas encore de modélisation ou d?indicateur adapté. C?est notamment le cas des effets liés aux enjeux de mobilité (temps de parcours, coûts de déplacement, pollution locale, sécurité routière) dont la modélisation des parts modales est évaluée par les statistiques des Enquêtes Ménage Déplacement. Ces données, reposant sur les habitudes de déplacement d?une population déjà installée, ne permettent pas de rendre compte des changements de comportement de mobilité justifiés par des choix de programmation (linéaire de piste cyclables, réduction du nombre de places de stationnement, etc). A l?occasion du dernier atelier, nous avons testé cette base d?indicateurs sur le projet porté par la SERS (présenté plus haut). Celui-ci n?étant pas un projet de réhabilitation de friche, nous avons conduit un travail d?adaptation de l?outil pour permettre son utilisation. RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 30 Les prairies du Canal - SERS Dans cet exercice, nous avons comparé le scénario programmatique retenu par la SERS avec un scénario correspondant à l?absence de projet, afin de mieux caractériser ses impacts. Les résultats obtenus ont permis de mettre en valeur des effets de fiscalité associés à l?implantation du projet et la prévalence de la valeur tutélaire du carbone (cf. glossaire) par rapport aux autres externalités environnementales (sont ici sous-évaluées : la pollinisation et le risque d?inondation liés à une artificialisation des sols). Effets et leur bénéficiaire Coût en 2030 (k#/an) Intérêt général : effet de la pollinisation, du risque inondation et des fonctions de séquestration carbone par exemple - 363,2 (dont - 360 dû au carbone) Collectivité : effet sur la fiscalité 2 019 Usagers : effets sur le temps de parcours, les coûts de déplacement et la pollution locale (approximations) 270,5 Le cas d?étude des Prairies du Canal conduit aux conclusions suivantes : Certains indicateurs monétaires ne permettent pas de rendre compte de l?importance de certaines externalités. Les effets sur la biodiversité, représenté par l?indicateur de la pollinisation, sont négligeables face aux enjeux économiques d?un projet . Par ailleurs, le seul indicateur de pollinisation ne permet pas de rendre compte de l?ensemble des services écosystémiques rendus par la nature. A l?inverse, d?autres valeurs monétaires sont ! écrasantes ", comme la valeur tutélaire du carbone. En l?état actuel des connaissances, certains effets des projets d?aménagement ne sont pas suffisamment documentés pour permettre leur traduction en valeur monétaire, comme c?est le cas pour les externalités liées à la mobilité ou les enjeux sanitaires. Des recherches complémentaires permettraient d?étendre les connaissances de ces effets. Cette approche "à périmètre élargi", si elle fait l'objet d'expérimentations ou d'obligations sur des projets de montants exceptionnels, n'est, du fait notamment de sa complexité et de l'incertitude de ses conclusions, pas du tout rentrées dans RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 31 les pratiques de l'aménagement "commun". Ce constat mériterait une analyse plus approfondie, notamment pour déterminer ce qui, dans cette approche, mériterait d'être encouragé, facilité, voire réglementé. Le propos du Lab étant davantage d?exploration du champ des approches possibles face aux difficultés rencontrées par le participants, celui-ci s'est intéressé à des métriques alternatives à la seule lecture financière. 3.3 LES APPROCHES ÉCONOMIQUES ÉCOCENTRÉES Au-delà des approches monétaires, certaines métriques alternatives (et non monétaires) permettent de qualifier les effets environnementaux et socio- économiques d?un projet d?aménagement afin de conduire à une écologisation des pratiques opérationnelles. Le projet de recherche Ecomodam consiste à étudier les effets des relations entre activités humaines et les écosystèmes selon un principe d?écologie territoriale fondé sur une description matérielle du monde (flux physiques, ?). Il vise à questionner le modèle historique de l?aménagement (construit sur la revente de charge foncière, et favorisant l?artificialisation), aujourd?hui contredit par les obligations écologiques - en particulier de Zéro Artificialisation Nette - et plus largement la préservation du vivant et l?habitabilité de nos territoires. Le sujet est abordé selon 3 questionnements majeurs : Comment faire évoluer les métriques de l'aménagement pour intégrer des modèles alternatifs de comptabilité (physique, financière, ?) permettant de mieux prendre en compte les dimensions écologiques des projets d?aménagement, pour en faire des outils d?aide à la décision ? Ces modèles alternatifs reposent sur un principe de non-substituabilité entre les capitaux écologiques, humains et économiques : la perte du vivant est considérée comme ne pouvant être monétisée. Quelle transformation du rôle joué par les aménageurs pour l?articuler avec l'écologisation des pratiques ? Les questions d?écologisation amènent à repenser ce rôle parfois au-delà de la gestion des espaces publics. Quelles évolutions des pratiques opérationnelles ? La méthodologie suivie par le groupe de recherche consiste en une approche embarquée auprès des opérateurs (immersion pendant plusieurs jours). A cette occasion sont retracés les arbitrages pris sur un projet par le prisme du bilan financier (ethnocomptabilité). Dans le cadre de ce travail, l?équipe de recherche a d?ores et déjà qualifié la manière dont les ?pratiques écologiques? dans les opérations d?aménagement sont prises en compte et comptées. RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 32 Pour chaque objectif porté par le projet urbain (par exemple, le réemploi issu de démolition), des méthodes, outils, métriques et compétences nécessaires pour les produire sont identifiés. Ce principe est décliné pour identifier des métriques pour le rapport à la matière (ex : réutilisation des bâtiments), au vivant (ex : renaturation) et à l?énergie (ex : sobriété d?usage). Relation à La matière Le vivant L?énergie Catégorie Re-utilisation des bâtiments (Re)naturation Sobriété d?usage Outils et méthodes Analyse des usages et de la pertinence des besoins Analyse cycle de vie Création de continuités écologiques Désimperméabilisa- tion et pleine terre Animation de quartier Métriques disponibles Volume matière ou ressource évitée Carbone Coefficient de biotope Indicateur de chaleur urbaine Quantité de matière organique dans le sol Consommations exprimées en kWh/m!/pers ou kWh/pers/an Nombre de véhicule par foyer Compétence et expertises associées Architecture /programmation Maîtrise d?usage Réhabilitation Écologie scientifique et génie écologique Pédologie / hydrologie Naturaliste Animation/gestion espaces naturels Gestion RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 33 3.4 SYNTHESE : PORTÉE ET LIMITES DES APPROCHES ÉTUDIÉES Les échanges durant les ateliers ont permis d?apprécier les pratiques actuelles des acteurs opérationnels, la portée et les limites des approches et outils mobilisés. Le tableau ci-dessous, produit à posteriori, présente de manière synthétique ces conclusions. Il distingue notamment les concepts, méthodes, et outils. Concepts, méthodes, outils Niveau de maturité Portée et applications Limites vis-à-vis des modèle(s) économique(s) Outils de comptabilité carbone Boussole Carbone En développement Positionner un projet vis?à-vis des trajectoires nationales de réduction des émissions de carbone Pas de lecture économique et financière des mesures UrbanPrint Déployé, en amélioration continue Comparer l?impact carbone de deux scénarios d?aménagement Outils pertinents uniquement pour comparer deux options d?aménagement et optimiser un projet, mais pas pour évaluer l?impact de l?aménagement d?un site. EuroCO2 En déploiement Mettre en perspective les leviers pour réduire l?impact carbone du projet et les coûts évités ou supplémentaires associés à ces mesures Concepts, méthodes, et outils de monétarisation des enjeux socio-environnementaux dans l?aménagement Budget coloré En développement Piloter le budget d?une opération d?aménagement selon l?impact environnemental de chacune de ses mesures ?Scoring? des actions d?aménagement selon leur impact environnemental difficile à arrêter. Difficultés d?appropriation par les utilisateurs potentiels Coût global Intégrer les coûts de fonctionnement, voire les externalités environnementales Difficultés à estimer certains coûts de fonctionnement (pas de repères) Difficulté à modéliser les recettes, dépenses et flux à l?échelle de RAPPORT DU LAB2051 ? Modèle(s) économique(s) de l'aménagement durable page 34 Concepts, méthodes, outils Niveau de maturité Portée et applications Limites vis-à-vis des modèle(s) économique(s) Testée et éprouvée au bilan d?aménagement l?aménagement (par rapport à des objets très circonscrits). Peu de leviers pour orienter les choix d?investissement lorsque investissement et gestion ne sont pas portés par le même acteur. Evaluation socio-économique Testée et éprouvée Mettre en perspective les coûts liés à l?aménagement et les bénéfices socio- économiques, dont environnementaux. Valeurs données aux effets socio- économiques critiquables (ici : carbone). Peu de cas d?usages sur des opérations d?aménagement Les effets sur l?environnement sont mis au même niveau que d?autres effets sociaux économiques, du fait de leur transposition en un indicateur monétaire. En fonction des valeurs allouées à chacun des effets, les arbitrages peuvent être défavorables à certaines mesures environnementales. Bénéfriches Testé, en déploiement Monétariser les bénéfices de reconversion d?une friche Valeurs données aux effets socio- économiques critiquables (ici : biodiversité). De nombreux effets ne sont pas (encore ?) quantifiables et ni monétarisables. Création de modèles économiques éco-centrés Projet de recherche Ecomodam Approche conceptualisée, observation des pratiques Sortir des limites de la monétarisation des effets environnementaux. Pas encore d?outil opérationnel permettant d?éclairer les arbitrages En complément, les échanges avec les participants ont révélé que si ces outils et approches permettaient de mieux qualifier et objectiver l?impact des ?pratiques écologiques? d?aménagement, ils étaient rarement mobilisés par les décideurs (élus) dans une fonction d?aide à la décision, restant plutôt utilisés dans le cadre technique. Cette dernière considération appelle, au-delà de la mobilisation de ces approches, à une appropriation de ces questions par la sphère politique. RAPPORT DU LAB2051 ? Les communs dans la construction et l?aménagement page 35 4 RECOMMANDATIONS POUR L?UTILISATION ÉCLAIRÉE DES APPROCHES, MÉTHODES ET OUTILS ETUDIÉS Derrière la notion d?économie de l?aménagement se tiennent celles de la fiscalité et des financements. La définition du budget et, par conséquent, des investissements s?établit lors de processus de décision bien identifiés au travers du bilan d?aménagement financier, pilote économique des opérations. Les méthodes d'évaluation présentées proposent des approches de valorisation, qualitatives ou quantitatives, monétaires ou non monétaires, des effets environnementaux et socio-économiques d?un aménagement durable. Aujourd?hui, il semblerait qu?aucune d?entre elles ne parviennent entièrement à répondre au besoin des acteurs de l?aménagement interrogés éprouvant une incapacité à objectiver et orienter les investissements en faveur d?une écologisation de leurs pratiques dès les phases les plus amonts. Pourtant, elles sont des grilles de lecture complémentaires (et nécessaires, puisqu?elles adressent des enjeux cruciaux d?habitabilité) au bilan d'aménagement et au modèle économique actuel de l?aménagement. A posteriori des ateliers de travail du Lab sont proposées dans le présent rapport des recommandations pour utiliser ces outils avec un meilleur discernement, et la manière de les associer pour en tirer des résultats exploitables. Conformément à la vocation du Lab2051de répondre aux besoins de ces participants et d?éclairer plus largement la communauté des praticiens qu?ils représentent, ces recommandations s?adressent principalement aux ?techniciens? de l?aménagement urbain, en phase de définition des projets, pour explorer le champ des possibles et les implications de certains choix d?investissement, à porter à la connaissance des décideurs publics. L?objectif étant de mettre en regard les bénéfices environnementaux face à ce qui est aujourd?hui apprécié comme un surcoût. RAPPORT DU LAB2051 ? Les communs dans la construction et l?aménagement page 36 4.1 QUELLES SITUATIONS COMPARER ? Les différentes approches, méthodes et outils étudiées ont toutes pour fondement méthodologique la comparaison entre au moins deux scénarios de maintien d?un site versus son aménagement, ou entre deux scénarios d?aménagement. Les exemples d?applications discutées dans les ateliers de travail ont mis en exergue l?importance du choix des situations comparées. On peut distinguer principalement deux types d?analyse issues de ces comparaisons : L?impact de l?aménagement d?un site : dans ce cas de figure, sont comparés des scénarios de maintien d?un site en l?état sur une durée donnée, et celui de son aménagement. Les approches, méthodes et outils qui permettent d?analyser ces situations ont pour particularité de raisonner à une échelle qui dépasse celle de l?opération d?aménagement, afin de rendre compte des externalités permises par le projet (emploi, logement, etc.). Leurs résultats ont souvent pour conséquence de justifier la réalisation de l?opération d?aménagement : il est important de noter que ces résultats dépendent en majeure partie de la capacité à mesurer ces impacts et à la valeur qui leur est donnée. Trois limites majeures en ressortent : le caractère incomplet de ces modélisations (les corrélations et causalités sont difficilement modélisables car multi-factorielles); la difficulté à quantifier et monétariser des impacts essentiels comme la biodiversité ; la valeur accordée à chacun des impacts, discutable car faisant justement référence à des valeurs sociales, humaines, morales. Les optimisations possibles pour un programme donné afin de limiter son impact environnemental : les méthodes et outils les plus aboutis sont ceux qui comparent l?impact carbone de deux scénarios d?aménagement. Mis en perspective avec le coût des mesures pour réduire cet impact, ils sont reconnus comme utiles pour arbitrer sur les actions prioritaires pour réduire l?impact carbone. Pour autant, ces approches remettent rarement en question certains fondamentaux des projets - considérés comme des données d?entrées - (ex : artificialisation de terres, éléments de programme phares, ?) et dont l?impact environnemental peut se révéler conséquent. RAPPORT DU LAB2051 ? Les communs dans la construction et l?aménagement page 37 4.2 QUELS IMPACTS PRENDRE EN COMPTE ET COMMENT LES MESURER ? Afin de disposer d'arguments actant les choix de programmation lors des processus de décision, les participants évoquent le besoin de disposer de chiffres fiables illustrant les externalités positives attendues sur le long terme, justifiées par une pratique durable de l?aménagement. Pour répondre à ce besoin, des outils existants permettent d?objectiver de manière quantitative l?impact potentiel d?un projet sur son environnement, principalement selon une approche de comptabilité carbone, en fonction de ses caractéristiques programmatiques : UrbanPrint, la Boussole Carbone, EuroCO2, et d?autres. Chacun de ces outils assure une interface fonctionnelle entre des pratiques opérationnelles et l?application des préceptes de décarbonation du secteur en identifiant puis quantifiant (en carbone évité) certains leviers programmatiques. Une méthode d?activation des leviers de décarbonation du secteur l?aménagement (cf feuille de route de décarbonation) consiste schématiquement à : 1) Comprendre l?origine et l?impact environnemental de l?aménagement et de ses usages et s?y acculturer 2) Quantifier pour objectiver et hiérarchiser l?impact environnemental des différentes briques d?un projet d?aménagement 3) Identifier des leviers de décarbonation, leur échelle et leurs temporalités, dans la chaîne de valeur de l?aménagement Cette dernière étape est indispensable à l?évolution des modes et processus de décision. En raisonnant de manière similaire, il est essentiel de dépasser l?étape de quantification des externalités d?un projet d?aménagement en distribuant les coûts et bénéfices associés dans la chaîne de valeur du secteur. Basée sur le référentiel des effets socio-économiques et complétée au cours des échanges avec différents experts, nous avons établi une liste non-exhaustive des externalités qu?il serait pertinent d?intégrer aux processus de décision. Intervenant selon différentes échelles, elles sont classées au regard de leur impact sur, respectivement, l?intérêt général (impacts sur l?environnement), les habitants et les usagers (effets sur l?activité et les mobilités). RAPPORT DU LAB2051 ? Les communs dans la construction et l?aménagement page 38 Impact sur : Source d?impact L?intérêt général Le carbone Émissions de GES (matériaux de construction, consommations énergétiques, etc) Capacité de stockage carbone des sols Effet d'îlot de chaleur/fraîcheur L?environnement Dégradation/conservation de la biodiversité Gestion de l?eau Effet du bruit Patrimoine et paysage Risques naturels Les habitants Santé, confort et bien-être Pouvoir d?achat Effet sur l?éducation et la récréation Les usagers La mobilité Pollution locale de l?air Temps et coûts de déplacement Effet de congestion Sécurité Accès à l?emploi et aux transports L?activité Localisation de l?activité Emploi et compétence Ces effets peuvent être quantifiés par l?intermédiaire d?indicateurs, à faire figurer aux côtés de l?indicateur carbone largement exploité. L?outil BENEFRICHES est une première piste d?inspiration qui recense une quantité d?indicateurs monétaires associés aux externalités précédemment cités. RAPPORT DU LAB2051 ? Les communs dans la construction et l?aménagement page 39 4.3 COMMENT METTRE EN PERSPECTIVE LES IMPACTS AVEC LE BILAN D?AMÉNAGEMENT ? Les principales limites du bilan d?aménagement reposent sur son périmètre, délimité à la réalisation de l?opération. Les méthodes et outils de monétarisation des enjeux socio- environnementaux permettent d?élargir le périmètre considéré, et d?aborder l?économie du projet sur le temps long. Le schéma ci-dessous décrit le périmètre actuel des bilans d?aménagement (en vert), les recettes et dépenses générées par le projet sur son périmètre fonctionnel (en violet) et les effets du projet sur son environnement (en rouge), qui peuvent être pris en compte dans une logique de coût global. Les différents outils analysés (UrbanPrint, EuroCO2, Boussole Carbone, Bénéfriches ?) peuvent être mobilisés pour quantifier et qualifier les effets du projet sur son environnement. L?exercice de monétarisation (notamment possible via Bénéfriches) permet de mettre en regard ces effets au regard des recettes et dépenses inscrites au bilan, avec toutes les précautions liées à la limite de cet exercice (cf. partie 3). RAPPORT DU LAB2051 ? Les communs dans la construction et l?aménagement page 40 4.4 COMMENT ORIENTER LA DÉCISION ? S'ils parviennent à objectiver les gains à moyen-long terme et à identifier des leviers d?optimisation (CO2, biodiversité ?) non négigeables, les méthodes et outils abordés au cours des ateliers ne résolvent pas les déséquilibres dépenses / recettes de court terme pour les opérations qui ne présentent plus de marges de manoeuvre financières. A court terme, les dispositifs mis en place par la puissance publique ayant vocation à financer des déficits ultimes sont encore essentiels (Fonds Friches, etc.). A plus long terme, un changement de paradigme dans la production, la captation et la redistribution de la valeur créée par l?urbanisation ou le recyclage urbain sera nécessaire, mais ne pourra être opéré que par une refonte de certaines règles qui structurent actuellement les pratiques de l?aménagement. RAPPORT DU LAB2051 ? Les communs dans la construction et l?aménagement page 41 5 CONCLUSION - ÉCONOMIE DE L?AMÉNAGEMENT DURABLE : TESTER DE NOUVEAUX LEVIERS POUR SORTIR DE L?IMPASSE En conclusion à ce rapport, nous interrogerons dans un premier temps la manière dont cette incubation a répondu aux attentes des participants, telles que formulées lors de l?appel à manifestation d?intérêt qui a précédé les inscriptions, puis ce que l?incubation aura apporté, au-delà de ces attentes. Enfin nous proposerons des pistes d?approfondissements, possiblement à conduire dans le cadre du Lab2051 - ce qui permettrait de capitaliser sur les relations de travail établies. A défaut de résoudre les déficits d?opération, le Lab a permis de faire le point sur les apports et limites des approches et outils existants Sur les huit attentes formulées par écrit lors de l?appel à manifestation d?intérêt par les futurs participants, environ la moitié relevaient de la résolution des difficultés d?équilibrer les bilans sans renoncer aux ambitions socio-environnementales, tandis que l?autre moitié faisaient le constat de l?absence de solution globale et attendaient de l?incubation de trouver des leviers d?optimisation, notamment par le partage de pratiques entre aménageurs. En réponse à la première famille d?attentes, l?incubation a permis de partager le constat du manque de marges de manoeuvre activables opérationnellement, et de faire une revue complète des approches objectivant la valeur des externalités des projets d?aménagement, mais aussi de la difficulté à les conduire - du fait de leur complexité, et à les exploiter dans les prises de décision. Ce constat, pour décevant qu?il puisse être pour ceux qui attendaient de pouvoir lever leurs difficultés de financement, est toutefois une étape obligée pour envisager d?autres solutions. En réponse à la seconde famille d?attentes, les échanges nourris entre participants et les illustrations apportées par les experts, ont permis aux participants d?apprendre de nouvelles notions, de renforcer leur discernement, de faire le tri dans les hypothèses et de se concentrer sur les leviers les plus efficaces, en connaissant leurs limites. Ce que révèle le panorama des approches et des outils, et de leurs limites Plus généralement, ce panorama des approches de l?économie d?un aménagement durable a ainsi permis de conforter le raisonnement suivant : RAPPORT DU LAB2051 ? Les communs dans la construction et l?aménagement page 42 Les grands enjeux environnementaux sont déjà largement intégrés à l?économie de l?aménagement : gestion de l?eau, de l?air, de la mobilité (transports en commun), biodiversité, moindre artificialisation,... Mais ils ne permettent pas de limiter suffisamment les émissions de carbone, l?érosion de la biodiversité : il faut donc accélérer et amplifier les changements des pratiques d?aménagement, et aussi - voire surtout - de la décarbonation des modes de vie dont l?aménagement est le support, et qui représentent la majeure partie des émissions, Or l?économie de l?aménagement est tributaire, en bout de chaîne, de la capacité d?investissement des acquéreurs, qui ne saurait se maintenir avec des modes de vie décarbonés (en comptant les émissions importées). Ainsi il y a une contradiction structurelle entre des surcoûts imposés par un aménagement durable et des recettes qui ne pourront que baisser dans la perspective de neutralité carbone, Des mesures de compensation sont mises à en place dans des situations sigulières: quartiers politique de la ville, depuis 2003, et plus récemment avec le Fonds Vert pour débloquer des opérations en situation de déficit utilme; ces mesures de compensation décisives sont nécessaires, mais pas suffisantes pour assurer le ?grand équilibre? ville / environnement, Le lab a montré comment objectiver et optimiser la prise de décision, et ces outils doivent autant que possible être utilisés, mais ils ne suffiront pas à réaliser globalement le saut nécessaire, ni à l?atténuation, ni à l?adaptation. Ce raisonnement est très général, et doit bien sûr être nuancé en fonction des territoires de projets, de leur histoire, et en particulier de la manière dont les acteurs publics se sont organisés pour capter la rente foncière en amont, par la constitution de réserves foncières notamment. En tout état de cause, de manière macroscopique, et selon les termes de la comptabilité des entreprises à laquelle se réfère historiquement la notion de modèle économique, une forme de dépôt de bilan parait inévitable, et s?est déjà malheureusement produit en 2023 pour les acteurs les plus vulnérables de la filière (entreprises de la promotion immobilière et de construction?). Et à moins de sacrifier les exigences environnementales, la situation ne devrait pas s'améliorer, ce que les premiers chiffres de 2024 laissent augurer. L?économie de l?aménagement durable cessera-t-elle pour autant d?avoir un sens ? À l?évidence non, car la bonne allocation de l?espace devra toujours être pensée et organisée au sein de la société pour répondre à ses besoins : les limites d?un modèle ne sont pas celles du monde qu?il représente. Cette considération invite également à développer une posture critique et constructive vis à vis de ?règles du jeu? qui structurent les relations entre individus et leurs lieux de vie, aujourd?hui considérées comme naturelles et universelles, alors qu?elles sont essentiellement culturelles et instituées par l?homme. RAPPORT DU LAB2051 ? Les communs dans la construction et l?aménagement page 43 Les difficultés actuelles, points d?appui pour explorer de nouveaux horizons Selon quels nouveaux modèles économiques l?aménagement de demain pourrait-il s'épanouir ? Et comment passer du système actuel à un système prenant en compte les enjeux environnementaux dans l?équation globale ? Plusieurs chantiers conduits par le Ministère de la Transition écologique prévoient d?explorer des leviers concrets répondant à cet enjeu : La feuille de route de décarbonation de l?aménagement, publiée en 2023, verra en 2024 le lancement d?un groupe de travail ayant pour objet de préciser ses modalités de mise en oeuvre. Parmi les 12 leviers de la feuille de route, 7 permettent de retrouver des marges de manoeuvre financières sur les projets d?aménagement, au bénéfice de leur vertu environnementale : Levier 3 : Accompagner la mutation des zones d?activité économique par des mesures qui introduisent la mixité fonctionnelle et facilitent leurs évolutions tout en préservant la capacité de développement de l?activité économique. Levier 4 : Établir un scoring des opérations d?aménagement selon leur degré de contribution à la décarbonation (rapport impacts /bénéfices) et adapter en conséquence les conditions d?application du droit de l?environnement. Levier 5 : Ajuster la fiscalité en faveur de la décarbonation de la filière. créer une taxe additionnelle à la taxe foncière dans le périmètre des infrastructures de transports en commun pour dégager de nouvelles ressources visant à intensifier l?aménagement décarboné. Levier 8 : Introduire les opérations d?aménagement sur le marché du carbone en rémunérant le carbone stocké pour contribuer au financement de l?opération d?aménagement. Levier 10 : Intéresser les opérateurs d?aménagement à des actions de décarbonation dans les contrats passés avec les collectivités (PUP, ZAC), en modulant leur participation aux équipements publics selon leur performance environnementale. Levier 11 : Introduire une approche en coût global de la programmation urbaine en généralisant les analyses en cycle de vie et en fixant l?obligation d?un diagnostic des ressources et le respect d?un taux minimal de recours aux matériaux de réemploi. RAPPORT DU LAB2051 ? Les communs dans la construction et l?aménagement page 44 Et de manière transversale, le Levier 6 permettant de créer les conditions de la captation de la rente foncière par la puissance publique : inciter les communes et leurs groupements à mettre en oeuvre une stratégie foncière, appuyée notamment sur un renforcement et une généralisation des établissements publics fonciers, et sur la création de foncières. Ce groupe de travail pourra utilement se nourrir du présent rapport, voire mobiliser le Lab2051 et inviter ses participants à tester des hypothèses sur leurs projets. Sur la thématique de la biodiversité, les travaux en cours sur la nature en ville pourront, selon le même principe, explorer et tester des voies nouvelles. En tout état de cause, ces travaux en cours nourriront la réflexion en matière de politique publique d?aménagement durable, au service de la relance de projets ambitieux en termes sociaux et environnementaux, par des nouvelles mesures de captation et de redistribution de la valeur. RAPPORT DU LAB2051 ? Les communs dans la construction et l?aménagement page 45 BIBLIOGRAPHIE ET RESSOURCES MOBILISÉES Les ateliers du Lab ont été l?occasion d?échanger les ressources suivantes entre les participants, qui ont inspiré voire structuré les réflexions : Articles scientifiques et projets de recherche BARDET, Fabrice ; SHIMBO, Lucia ; CARVALHO Huana (dir.). Valua terra ? Faire valeur des environnements. Lyon : éditions 205, (2022) 376p. FLORENTIN, Daniel ; BASTIN, Agnès ; CASTEX, Magali ; COUTARD, Olivier ; MEULEMANS, Germain ; PERRET-BLOIS, Marine ; SOUVIRON, Jean. Écologisation du modèle économique des aménageurs ? Présentation du projet de recherche (2023). Études CEREMA. Approche en coût global de la gestion intégrée des eaux pluviales dans les opérations d'aménagement durable [page internet]. Cerema.fr, 17 septembre 2019 [vue le 15 janvier 2023] https://www.cerema.fr/fr/actualites/approche-cout-global-gestion-integree- eaux-pluviales Ibicity ; Espelia ; Acadie Coopérative. Qui paiera la ville (de) demain ? Etude sur les nouveaux modèles économiques urbains saison 1, Janvier 2017 Ibicity ; Espelia ; Acadie Coopérative. Quels seront les opérateurs de services urbains de la ville de demain ? Etude sur les nouveaux modèles économiques urbains saison 2, Septembre 2018 Ibicity ; Espelia ; Acadie Coopérative. Les métropoles au défi des nouveaux modèles économiques urbains, Etude sur les nouveaux modèles économiques urbains saison 3, Printemps 2020 Ibicity ; Espelia ; Acadie Coopérative. Les modèles économiques des services urbains au défi de la sobriété, Etude sur les nouveaux modèles économiques urbains saison 4, Septembre 2022 Rapports Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires ? Direction générale de l?aménagement, du logement et de la nature. Feuille de route de décarbonation de l?aménagement ? Article 301 loi ! climat et résilience ". (2023) France Stratégie ; Ministère de la transition écologique ; Premier Ministre ? Secrétariat général pour l?investissement. Référentiel méthodologique de l?évaluation socioéconomique des opérations d?aménagement urbain (2023). https://www.cerema.fr/fr/actualites/approche-cout-global-gestion-integree-eaux-pluviales https://www.cerema.fr/fr/actualites/approche-cout-global-gestion-integree-eaux-pluviales RAPPORT DU LAB2051 ? Les communs dans la construction et l?aménagement page 46 Presse Cadre de Ville Aménageurs : l?année 2022 marque la fin du modèle ancien, Décembre 2022 Fondation Palladio. 6e petit-déjeuner du Connecteur innovation-recherche Palladio [vidéo en ligne]. YouTube, 16 juin 2023 [vue le 15 juillet 2023] https://www.youtube.com/watch?v=l3OblfbO2ho https://www.youtube.com/watch?v=l3OblfbO2ho

puce  Accés à la notice sur le site du portail documentaire du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires

  Liste complète des notices publiques