Rapport d'enquête technique sur la collision des deux cabines avec les gares sur le téléphérique de La Saulire survenue le 29 septembre 2021 à Courchevel (Savoie)
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre
Auteur secondaire
Résumé
Le mercredi 29 septembre 2021, lors d'un essai sur le frein d'urgence, deux télécabines heurtent violemment leurs gares respectives. La cause première de cet accident est la perte d'efficacité du freinage de service et du frein de secours, due entre autres à la diminution de l'épaisseur des plaquettes de frein. S'ajoute une éventuelle inadéquation entre les nouvelles garnitures et le système de frein de La Saulire. A l'issue de son enquête, le BEA-TT émettait 5 recommandations et 4 invitations, portant principalement sur la vérification de l'adéquation des garnitures aux installations correspondantes, sur la gestion du risque de défaillance du frein d'urgence / de sécurité, sur l'amélioration de l'automatisme de contrôle, sur la conscience des enjeux de sécurité et leur gestion au cours d'une inspection annuelle, sur l'amélioration du système de gestion de la sécurité (traçabilité et formation) de l'exploitant.
Editeur
BEATT
Descripteur Urbamet
remontée mécanique
;TELEPHERIQUE
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
RAPPORT
D?ENQUÊTE TECHNIQUE
sur la collision des deux cabines
avec les gares
sur le téléphérique de La Saulire
survenue le 29 septembre 2021
à Courchevel (Savoie)
Juillet 2024
Avertissement
L?enquête technique faisant l?objet du présent rapport est réalisée dans le
cadre des articles L.1621-1 Ã 1622-2 et R.1621-1 Ã 1621-26 du Code
des transports relatifs, notamment, aux enquêtes techniques après
accident ou incident de transport terrestre.
Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents. Sans
préjudice, le cas échéant, de l?enquête judiciaire qui peut être ouverte, elle
consiste à collecter et analyser les informations utiles, à déterminer les
circonstances et les causes certaines ou possibles de l?évènement, de
l?accident ou de l?incident et, s?il y a lieu, à établir des recommandations
de sécurité. Elle ne vise pas à déterminer des responsabilités.
En conséquence, l?utilisation de ce rapport à d?autres fins que la
prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
Glossaire
? API: Automate Programmable Industriel
? APIdS: Automate Programmable Industriel de Sécurité
? BP: Bouton-Poussoir
? CETIM: Centre Technique des Industries Mécaniques
? GI: Grande Inspection
? IA: Inspection Annuelle
? RLFS: relais de relevage du frein de service
? RM: Remontées Mécaniques
? S3V: Société des Trois-Vallées
? SGS: Système de Gestion de la Sécurité
? STRMTG: Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés
? TIA: Technicien d?Inspection Annuelle
Bordereau documentaire
Organisme auteur: Bureau d?Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT)
Titre du document: Rapport d?enquête technique sur la collision des deux cabines avec les gares sur le
téléphérique de La Saulire survenue le 29septembre2021 à Courchevel (Savoie)
N°ISRN: EQ-BEAT?24-4--FR
Affaire n° BEATT-2021-10
Proposition de mots-clés: téléphérique, essais, freinage
Synthèse
Les 27 et 28septembre2021, en préparation de l?inspection annuelle prévue le
lendemain, l?exploitant de Courchevel effectue le chargement d?une cabine et réalise des
essais préalables sur le téléphérique de La Saulire. Le mercredi 29septembre2021,
l?inspection annuelle débute vers 9h et des essais en charge sont réalisés en présence
de cinq personnes: le technicien d?inspection annuelle, trois agents de l?exploitant et un
agent du Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés.
Lors d?un essai sur le frein d?urgence, Ã 12h10, les deux cabines arrivent dans leurs
gares respectives à la vitesse importante de 8m/s. Vides de passagers, elles entrent en
collision avec les structures des gares. Il n?y a pas de blessé mais de nombreux dégâts
matériels.
La cause première de l?accident est la capacité réduite de freinage de l?installation,
concernant autant le frein de service que le frein d?urgence. Il s?avère que cette capacité
de freinage s?est dégradée au fur et à mesure des essais, avec notamment l?avant-dernier
essai à 11h59 se déroulant de façon anormale.
Cette réduction de capacité s?explique par la diminution d?épaisseur des garnitures des
plaquettes de frein au cours des essais, cumulée à la mise en butée rapide des pinces de
frein en raison du réglage donné d?une cote ? situation qui existait depuis 1985. De plus,
un facteur contributif concerne les défaillances au niveau de l?identification, de l?utilisation
et de l?analyse des informations fournies par le système aux différents intervenants au
cours des essais, les empêchant de détecter le risque encouru et d?éviter l?accident. Les
multiples réglages de la cote du couple de freinage du frein de service n?ont pas amélioré
l?identification du comportement des freins.
Enfin, l?hypothèse d?une probable inadéquation de la nouvelle garniture avec le système
de frein de La Saulire est émise. Elle s?appuie sur le fait qu?il n?y a pas eu de calcul ni de
qualification/essais de la nouvelle garniture remplaçant l?ancienne vis-à -vis du
téléphérique de La Saulire. Par ailleurs, un déséquilibre existant entre les pinces du frein
F2, et potentiellement aussi entre les pinces du frein F1, combiné à l?usure non habituelle
des garnitures menant rapidement à la mise en butée, a possiblement pu contribuer à une
reprise des efforts sur une pince en priorité puis sur l?autre une fois les premières
garnitures trop sollicitées.
La recherche des causes sous-jacentes à l?origine de cette situation nous a conduit Ã
approfondir les investigations selon les thématiques suivantes:
? la compatibilité de nouvelles garnitures avec une installation et son système de
freinage;
? la conscience du risque au cours d?une inspection annuelle;
? la traçabilité (des documents et des produits) et la gestion des connaissances au sein
de l?exploitant.
Pour prévenir ce type d?accident, le BEA-TT émet 5recommandations et 4invitations,
portant principalement sur la vérification de l?adéquation des garnitures aux installations
correspondantes, sur la gestion du risque de défaillance du frein d?urgence/de sécurité,
sur l?amélioration de l?automatisme de contrôle, sur la conscience des enjeux de sécurité
et leur gestion au cours d?une inspection annuelle, sur l?amélioration du système de
gestion de la sécurité (traçabilité et formation) de l?exploitant.
1
SOMMAIRE
SYNTHÈSE.....................................................................................................................................1
1 - CONSTATS IMMÉDIATS ET ENGAGEMENT DE L?ENQUÊTE..............................................4
1.1 - Les circonstances de l?événement.....................................................................................4
1.2 - Le bilan matériel.................................................................................................................4
1.3 - Les mesures prises après l?évènement.............................................................................4
1.4 - L?engagement et l?organisation de l?enquête.....................................................................5
2 - CONTEXTE DE L?ACCIDENT..................................................................................................6
2.1 - La station de Courchevel...................................................................................................6
2.2 - L?organisation générale de l?exploitation et de la maintenance du téléphérique...............6
2.2.1 - L?organisation de l?exploitant.................................................................................................................. 6
2.2.2 - La maintenance réalisée par l?exploitant................................................................................................7
2.2.3 - L?Inspection Annuelle............................................................................................................................. 8
2.3 - Le téléphérique de La Saulire............................................................................................9
2.3.1 - L?ensemble des intervenants sur ce téléphérique..................................................................................9
2.3.2 - Les caractéristiques générales du téléphérique...................................................................................10
2.3.3 - L?automatisme de contrôle-commande................................................................................................14
2.3.4 - Le système de freinage.......................................................................................................................15
2.3.5 - Le système mécanique de détection de survitesse.............................................................................20
2.4 - Les conditions météorologiques......................................................................................20
3 - COMPTE RENDU DES INVESTIGATIONS EFFECTUÉES..................................................21
3.1 - Les résumés des déclarations.........................................................................................21
3.1.1 - Le conducteur du téléphérique de La Saulire......................................................................................21
3.1.2 - Le chef de secteur Remontées Mécaniques Ouest.............................................................................22
3.1.3 - Le technicien d?Inspection Annuelle de TranscableHalec...................................................................24
3.1.4 - Le technicien du Bureau de Savoie du STRMTG................................................................................25
3.1.5 - Le responsable électrique....................................................................................................................26
3.1.6 - Le responsable de la maintenance......................................................................................................27
3.1.7 - Le chef d?exploitation, responsable des Remontées Mécaniques Ouest.............................................27
3.1.8 - Synthèse des témoignages.................................................................................................................27
3.2 - Les dommages sur l?installation extérieure......................................................................28
3.3 - Les constats en machinerie.............................................................................................29
3.3.1 - Les constats sur les freins................................................................................................................... 29
3.3.2 - Les constats sur les poulies.................................................................................................................32
3.4 - Les données du Technicien d?Inspection Annuelle..........................................................32
3.5 - Les données de l?automate..............................................................................................36
3.5.1 - Les limites de l?automate..................................................................................................................... 36
3.5.2 - Les données de l?accident du 29/09/2021 à 12h10..............................................................................37
3.5.3 - Les données des essais du 29/09/2021, avec leurs temps d?arrêt associés et les réglages...............40
3.5.4 - La synthèse des données enregistrées par l?automate les jours ayant précédé l?IA du 29/09/2021....41
3.6 - Les conclusions sur les constats immédiats....................................................................43
3.7 - Les premières vérifications..............................................................................................46
3.8 - Les investigations sur les évolutions et les événements du téléphérique de La Saulire 47
3.9 - Les investigations sur les résultats des inspections annuelles des dix dernières années.49
3.9.1 - Les freinages au cours de l?inspection annuelle du 29/09/2021...........................................................49
3.9.2 - Les temps de freinage des inspections annuelles de 2020 et 2019.....................................................54
3.9.3 - L?évolution des temps de freinage au cours des inspections annuelles depuis 2010..........................55
3.10 - Les investigations sur les freins: les pinces et les garnitures.......................................56
3.10.1 - Le montage et le réglage des freins...................................................................................................56
3.10.2 - Les investigations sur les garnitures des freins.................................................................................61
3.10.3 - Une hypothèse explorée....................................................................................................................71
3.10.4 - Des éléments de clarification et autre hypothèse moins probable.....................................................72
3.11 - Les investigations sur les facteurs humains et organisationnels...................................73
3.11.1 - Le rôle du technicien d?inspection annuelle et le rôle de l?exploitant..................................................73
3.11.2 - La détection d?une situation à risque..................................................................................................75
3.11.3 - Les processus de maintenance, la traçabilité des produits et la gestion documentaire.....................77
3.12 - L?autre téléphérique français aux pinces de freins identiques: le téléphérique de
Chantemerle à Serre-Chevalier...............................................................................................80
4 - ANALYSE DU DÉROULEMENT DE L?ACCIDENT................................................................81
5 - ANALYSE DES CAUSES ET FACTEURS ASSOCIÉS, ORIENTATIONS PRÉVENTIVES..86
5.1 - L?arbre des causes...........................................................................................................86
5.2 - Les causes de l?événement.............................................................................................86
5.2.1 - La compatibilité de nouvelles garnitures avec une installation et son système de freinage.................87
5.2.2 - La conscience du risque au cours d?une inspection annuelle..............................................................89
5.2.3 - La traçabilité des documents et des produits, et la gestion des connaissances au sein de l?exploitant...89
Annexe: décision d?ouverture d?enquête................................................................................91
Règlement Général de Protection des Données.....................................................................92
1 - Constats immédiats et engagement de l?enquête
1.1 - Les circonstances de l?événement
Le mercredi 29septembre2021, au cours de l?inspection annuelle réglementaire
(opération de maintenance obligatoire) du téléphérique de La Saulire, des essais en
charge sont réalisés. Lors d?un essai sur le frein d?urgence, les deux cabines du
téléphérique arrivent en gare à une vitesse très importante. Vides de passagers, elles
entrent en collision avec les structures des gares.
Ces essais sont réalisés par trois techniciens de l?exploitant et un Technicien d?Inspection
Annuelle, en présence d?un agent du Bureau de Savoie du Service Technique des
Remontées Mécaniques et des Transports Guidés (STRMTG). Il n?y a pas eu de blessé.
1.2 - Le bilan matériel
Les deux cabines sont très endommagées: en gare inférieure, la cabine s?est encastrée
sur environ 1,50m dans la structure du quai et de la gare; en gare supérieure, l?autre
cabine est restée coincée dans la structure de la gare, pliant notamment sa suspente. Les
attaches au câble tracteur des deux cabines sont également abîmées.
Figure 1 - Cabinen°1 encastrée dans la structure
de la gare inférieure (photo S3V)
Figure 2 - Structure de la gare supérieure
avec la cabine n°2 (photo S3V)
1.3 - Les mesures prises après l?évènement
Sur proposition du STRMTG, le préfet de la Savoie prend le 8octobre2021 un arrêté
préfectoral suspendant l?exploitation du téléphérique de La Saulire. Il demande également
la mise en sécurité de l?installation. Les cabines et le câble tracteur sont alors démontés
par l?exploitant.
De plus, dans cet arrêté et en application de l?article R342-10 du Code du tourisme, il est
demandé que l?exploitant engage sans délai une analyse afin d?identifier les causes et les
conséquences sur le système de transport de cet accident. Cette analyse doit être portée
par un expert du domaine aussi indépendant que possible des acteurs ayant participé à la
conception ou aux modifications réalisées sur cet appareil. L?exploitant a ainsi commandé
une telle analyse à un bureau d?études spécialisé, dont le choix a été validé par le
STRMTG. À date de publication de ce rapport, cette analyse ne nous est pas parvenue.
4
1.4 - L?engagement et l?organisation de l?enquête
Le défaut de freinage d?un tel téléphérique constitue un évènement redouté pour la
sécurité de l?exploitation, et même si l?accident s?est produit hors exploitation
commerciale, il n?est pas exclu que ce défaut aurait pu survenir en exploitation avec des
passagers, ce qui a constitué un motif d?ouverture de l?enquête. Ainsi, au vu des
circonstances et du contexte de l?accident, le directeur du bureau d?enquêtes sur les
accidents de transport terrestre (BEA-TT) a ouvert le 13octobre2021 une enquête
technique en application de l?article L. 342-8 du Code du tourisme et des articles L.1621-1
à L.1622-2 et R.1621-1 à R.1621-26 du Code des transports relatifs, notamment, aux
enquêtes techniques après accident ou incident de transport terrestre.
L?enquêtrice technique du BEA-TT s?est rendue sur place. Elle a rencontré et interrogé les
représentants de l?exploitant de la station de Courchevel, ainsi que les agents
opérationnels en service le jour de l?accident. Elle a également rencontré les
représentants du constructeur du téléphérique ainsi que ceux du fournisseur de
plaquettes de frein, du fabricant de l?automatisme de contrôle-commande de l?appareil et
ceux du bureau d?études ? maître d?oeuvre lors de la modification de l?installation en 2010.
Elle a enfin rencontré les agents du service de l?État en charge du contrôle de
l?exploitation. Une procédure judiciaire a été ouverte le 11 janvier 2022 avec la nomination
d?un expert. L?enquêtrice a été associée aux travaux de l?expertise déployée dans ce
cadre. L?ensemble des pièces et documents nécessaires à l?enquête technique a été
communiqué au BEA-TT.
5
2 - Contexte de l?accident
2.1 - La station de Courchevel
Courchevel est une station de sports d?hiver et d?été située dans la vallée de la
Tarentaise, au sein du massif de la Vanoise, en Savoie. Elle fait partie du domaine skiable
des Trois Vallées. Son domaine skiable débute à 1100mètres d?altitude et est orienté au
nord. Le sommet de La Saulire, point culminant de la station, est à 2740mètres
d?altitude. Le parc des remontées mécaniques est constitué de 65installations
(téléphériques, télécabines, télésièges ? débrayables ou fixes, téléskis, tapis, fils neige).
Figure 3 - Plan de la station de Courchevel
et localisation du téléphérique de La Saulire (encadré jaune) (source S3V modifiée)
La Société des Trois Vallées est une société française d?exploitation des remontées
mécaniques. Elle gère les domaines, les pistes et les remontées mécaniques des stations
de Courchevel, Méribel-Mottaret et La Tania. La société emploie environ 170salariés
permanents, effectif complété par environ 450salariés saisonniers. Elle réalise
1,2millions de «journées skieurs» par an.
2.2 - L?organisation générale de l?exploitation et de la maintenance du
téléphérique
2.2.1 - L?organisation de l?exploitant
La Société des Trois Vallées (S3V) a un statut juridique de Société Anonyme d?Économie
Mixte à directoire. La S3V intervient dans le cadre de contrats de délégation de service
public conclus avec le département de la Savoie (échéance 2030), la commune de
Courchevel (échéance 2030) et la commune des Allues (échéance 2031). Ces contrats
définissent le périmètre des missions incombant à S3V qui portent sur: l?exploitation et
l?entretien courant des remontées mécaniques et des tapis roulants; la maintenance des
remontées mécaniques et des tapis roulants; et les investissements. L?exploitant S3V est
organisé avec une répartition des principales missions par services, sous la responsabilité
d?un Président du Directoire.
6
Figure 4 - Organigramme fonctionnel du site de Courchevel, en hiver (source S3V)
L?exploitation relève des services Remontées Mécaniques (RM) placés sous la
responsabilité de la Direction Opérationnelle de Courchevel. Les domaines skiables sont
découpés en secteurs géographiques qui regroupent chacun plusieurs installations. Les
Responsables de service RM et/ou leur adjoint sont chargés d?organiser l?exploitation
des remontées mécaniques du domaine. Ils sont appuyés dans cette mission par les
chefs de secteurs RM. Les services électriques interviennent en support pendant la
période d?exploitation pour réaliser certains contrôles, dépannages et opérations
spécifiques.
Conformément à l?article R342-121 du Code du tourisme, la S3V a élaboré un Système de
Gestion de la Sécurité (SGS) portant notamment sur l?organisation mise en place afin de
respecter la réglementation technique et de sécurité. Ce SGS prévoit les mesures de
maintenance et les règles d?exploitation nécessaires pour assurer la sécurité pendant
l?exploitation ainsi qu?un dispositif permanent de contrôle de leur respect. Il précise les
spécifications à mettre en oeuvre pour l?exécution des tâches de sécurité.
2.2.2 - La maintenance réalisée par l?exploitant
Tout téléphérique doit faire l?objet d?opérations de maintenance, de contrôles et de
réparations régulières, conformément aux dispositions de l?arrêté du 7août2009 relatif Ã
la conception, à la réalisation, à la modification, à l?exploitation et la maintenance des
téléphériques, et au guide Remontées Mécaniques RM1 du STRMTG «Exploitation,
modification et maintenance des téléphériques», rédigé en partenariat avec la profession.
Notamment, l?article26 de l?arrêté du 7août2009 indique:
«En complément des dispositions relatives aux systèmes de gestion de la sécurité, les
dispositions du présent chapitre fixent les conditions dans lesquelles les téléphériques
[?] sont exploités, maintenus, contrôlés, vérifiés et modifiés de façon à permettre le
maintien permanent de la sécurité des usagers, des personnes et des tiers, dans des
conditions normales d?utilisation ou dans d?autres conditions raisonnablement
prévisibles.
1 «L?exploitant veille à ce que, durant toute la durée de l?exploitation de ses installations, la sécurité des
usagers, des personnels et des tiers soit assurée. À cet effet, il élabore un système de gestion de la
sécurité de son exploitation [?]»
7
Les exploitants sont responsables du respect des exigences prévues à l?alinéa
précédent et de la mise en oeuvre des dispositions prévues dans le présent chapitre
fixant: [?]
? le contenu et les modalités de réalisation des contrôles et inspections périodiques
incombant à l?exploitant;
? le contenu et les modalités de réalisation des vérifications par les vérificateurs;
? les conditions de maintenance et d?entretien des installations; [?] »
La maintenance consiste à définir et réaliser les opérations relevant de:
? maintenance curative, qui consiste au dépannage, c?est-à -dire aux opérations de
maintenance qui permettent de revenir à un état d?exploitation normal.
? maintenance préventive ou prédictive, se déclinant en 3items: ?maintenance courante
(contrôles et entretien); ?gros entretien et mises en conformité (par exemple remplacement
de bagues, révision d?un moteur?); ?inspections périodiques réglementaires (pinces,
câble, inspections annuelles, grandes inspections2);
Le tout dans une démarche d?amélioration (sécurité du travail, confort, performance,
prise en compte du retour d?expérience).
La maintenance effectuée en dehors des périodes d?exploitation pour permettre le
maintien du niveau de sécurité consiste à élaborer les plans de maintenance; recruter le
personnel de maintenance en fonction du plan de charge et des compétences requises;
élaborer les plannings d?affectation des personnels de maintenance en fonction des
compétences; réaliser les travaux selon le savoir-faire et les modes opératoires
correspondants; tracer les inspections; communiquer au service de contrôle (préfet et
STRMTG) les informations requises.
2.2.3 - L?Inspection Annuelle
L?arrêté du 7août2009 impose à tout exploitant d?un téléphérique de soumettre son
installation à des inspections périodiques en tenant compte des indications du
constructeur et des règles techniques et de sécurité. Tout téléphérique3 est soumis au
moins une fois par an à une inspection complète comprenant des contrôles visuels sans
démontage et des essais. Les conclusions positives de l?inspection annuelle permettent
de valider la reprise de l?exploitation de l?installation. Seuls les vérificateurs agréés au titre
de technicien d?inspection annuelle (TIA) par le directeur du STRMTG, sont aptes Ã
réaliser ces inspections.
Plus précisément, l?article45 de l?arrêté du 7août2009 prévoit que:
«Les essais suivants sont réalisés par un vérificateur agréé au titre de technicien
d?inspection annuelle:
a?un essai fonctionnel de chaque mode d?entraînement;
b?un essai du moteur de secours destiné à vérifier sa capacité à entraîner et retenir la
charge dans les cas les plus défavorables;
c?un essai de chacun des modes de déclenchement des freins;
d?des essais représentatifs des différents cas d?exploitation de l?installation
pour chacun des freins de sécurité afin de vérifier que les décélérations
2 Une grande inspection correspond à une inspection réglementaire des téléphériques: «L?objectif de la
grande inspection d?un téléphérique est de soumettre ses principaux composants à un examen
approfondi et complet. Généralement, cet examen consiste en un contrôle non destructif à l?issue d?un
démontage. Sont concernés par les grandes inspections, tous les composants qui participent à une
fonction de sécurité, à l?exception des câbles et des architectures électriques et des équipements ou
constituants soumis à des réglementations spécifiques.» Article48 de l?arrêté du 7août2009 relatif à la
conception, à la réalisation, à la modification, à l?exploitation et à la maintenance des téléphériques.
3 Au sens d?une installation dans laquelle les usagers sont transportés dans des véhicules suspendus à un
ou plusieurs câbles.
8
engendrées respectent les limites réglementaires. Ces essais peuvent être
réalisés soit par des charges, soit par des moyens aptes à en vérifier les effets;
e?un essai à l?arrêt du déclenchement automatique pour les freins embarqués;
f?une vérification et un essai fonctionnel des détecteurs de défaut et des seuils sur les
circuits de surveillance et sur les dispositifs de signalisation et de télécommande, y
compris dans les véhicules;
g?un essai non destructif d?au moins une sécurité sur un pylône;
h?un essai fonctionnel et un contrôle du réglage des dispositifs de surveillance des
attaches et du dispositif de contrôle de la force de serrage des attaches découplables;
i?une vérification du dispositif de mesure de la charge des véhicules ou de comptage
des personnes quand il existe;
j?une vérification de la position du câble dans les voies d?embrayage et débrayage;
k?une vérification du système de tension comprenant le contrôle du libre fonctionnement
des parties mobiles, un essai des clapets, limiteurs de pression réglables et des vannes
parachutes si elles existent et un relevé des valeurs de pression.»
Par ailleurs, dans le guide Remontées Mécaniques RM1 du STRMTG «Exploitation,
modification et maintenance des téléphériques», l?arrêté du 7août2009 est explicité:
«Les essais de frein dans les différents cas de charge et les inspections des dispositifs
de sécurité doivent être réalisés selon une procédure pré-établie et donner lieu Ã
l?établissement d?un procès-verbal d?essais. [?]
Ces vérifications sont faites sous le contrôle du Technicien d?Inspection Annuelle.»
Lors d?une inspection annuelle, l?un des principaux objectifs est de tester le bon
fonctionnement des freins du téléphérique dans des conditions maximales de vitesse, de
poids et de freinage, les cabines étant lestées de charges (ici, de grands réservoirs d?eau)
simulant la capacité maximale de charge en passagers dans le cadre d?un fonctionnement
commercial. Pour cela, un organisme indépendant effectue des contrôles visuels sans
démontage et des essais en charge. L?intervenant de cet organisme, le technicien
d?inspection annuelle (TIA), rédige un rapport que l?exploitant transmet au STRMTG,
permettant la poursuite de l?exploitation de l?appareil en accord avec la réglementation en
vigueur.
L?inspection annuelle du téléphérique de La Saulire pour l?année 2021 a été planifiée au
29septembre2021. Afin de préparer cette inspection annuelle pour un déroulement
optimal, l?exploitant réalise deux jours de préparation du téléphérique, les 27 et
28septembre 2021, incluant vérifications, réglages et pré-essais.
2.3 - Le téléphérique de La Saulire
2.3.1 - L?ensemble des intervenants sur ce téléphérique
Outre l?exploitant S3V, plusieurs entreprises sont intervenues régulièrement ou
ponctuellement sur le téléphérique à des titres différents:
? Poma, en tant que constructeur du téléphérique en 1984;
? ATV, au titre de constructeur de la pince de frein ainsi que fournisseur des plaquettes
de frein Cosid132, fabriquées par TMDFriction;
? TranscableHalec, pour le contrôle des câbles et l?inspection annuelle réglementaire,
agréé au titre de technicien d?inspection annuelle selon l?article R342-15 du Code du
tourisme;
? SeirelAutomatismes et AixHydro, dans le cadre des opérations de rénovation
électrique en 2010;
9
? DCSA4, en tant que maître d?oeuvre lors de la rénovation de 2010;
? SavoyControl, pour les contrôles non destructifs lors de la grande inspection de 2019;
? GMSIndustrie, pour les travaux de réparation sur une poulie et certaines pinces de
frein en 2019.
2.3.2 - Les caractéristiques générales du téléphérique
Il s?agit d?un téléphérique à va-et-vient, bicâble porteur et monocâble tracteur.
Cet appareil a été construit en 1984 par un groupement d?entreprises mené par
Pomagalski5, sur le tracé d?un téléphérique précédent (1952-1984). Il fut inauguré le
13janvier1985.
Cet appareil est exploité par S3V lors de la saison hivernale de décembre à fin avril, ainsi
que deux mois pendant l?été. Il fonctionne environ 800heures par an.
Figure 5 - Gare inférieure et poste de commande à gauche, pylône et gare supérieure à droite
(photos S3V)
La gare inférieure motrice est à 2077m d?altitude. La gare supérieure, de renvoi et
tension du câble, est à 2699m d?altitude. C?est la remontée mécanique qui permet
d?atteindre le plus haut sommet skiable de la station de Courchevel, La Saulire. La ligne
est longue de 1658m. La pente maximale de cette remontée mécanique est de 65% et
sa pente moyenne de 39%. La vitesse maximale d?exploitation autorisée est de 11m/s
(soit 39,6km/h).
4 DCSA est une société de conseil et d?expertise en matière de transport par câble, qui intervient sur tout
type d?équipements et installations, standards ou personnalisés, nouveaux ou modifiés.
5 La société Poma, appelée auparavant Pomagalski et créée en 1947, est une entreprise française
spécialisée dans la fabrication de systèmes de transport par câble.
10
Le téléphérique de La Saulire est constitué:
? d?une gare inférieure (ou aval) (G1) dans
laquelle se trouve la machinerie
d?entraînement du câble tracteur: c?est la
gare motrice,
? d?un unique pylône intermédiaire,
? d?une gare supérieure (ou amont) (G2),
? de deux voies de circulation,
? et de deux cabines.
Figure 6 - Plan de la gare motrice (source S3V)
11
Figure 7 - Profil en long du téléphérique de La Saulire (source Poma modifiée)
12
Chacune des deux voies du téléphérique comporte deux câbles porteurs, sur lesquels
roulent les chariots des cabines et entre lesquels se trouve le câble tracteur. Pesant
chacune 10tonnes à vide et pouvant transporter 142personnes et un cabinier, les
cabines sont mues par le câble tracteur, auquel elles sont attachées par un double
chapeau de gendarme6. Les deux cabines sont liées au même câble tracteur (en une
boucle continue épissurée): ainsi lorsqu?on tire sur le câble tracteur pour en faire monter
une cabine, l?autre descend, les cabines arrivant en même temps dans les gares
opposées G1 et G2.
Figure 8 - Poulies et gare motrice à l?aval, avec câbles porteurs et câble tracteur (source Poma)
Le mouvement du câble tracteur est obtenu grâce aux moteurs permettent l?accélération
mais également la décélération de l?installation. Ceci est permis par le parcours du câble
tracteur dans deux poulies motrices de 3600mm de diamètre, à double gorge et
entraînées par les moteurs. Ces poulies motrices sont installées au sous-sol de la gare
motrice G1 de l?appareil.
Figure 9 - Plan de la salle des machines, incluant notamment poulies, moteurs et câble tracteur
(plan Poma)
6 Un chapeau de gendarme est système de coincement du câble, lui faisant faire une bosse, en forme de
chapeau de gendarme, afin d?éviter que le câble ne glisse.
13
2.3.3 - L?automatisme de contrôle-commande
Le système de contrôle-commande assure le fonctionnement, le contrôle et la sécurité de
l?installation. Un automate gère le contrôle-commande de l?installation. Le pilotage de la
vitesse de l?appareil est permis par des actions sur le pupitre de commande et/ou par
l?automate. L?asservissement de la vitesse du câble à la position des véhicules permet de
ralentir les cabines à l?approche des gares, puis de les arrêter. Le poste de commande est
unique, il se trouve en gare inférieure, au-dessus des quais, d?où la ligne du téléphérique
est visible dans son intégralité.
Figure 10 - Poste de commande du téléphérique de La Saulire (photo BEA-TT)
Dans l?armoire de commande, est installé l?automate de sécurité ? de marque PILZ ? utilisé
pour la gestion des sécurités et les fonctions d?automatisme courantes. L?automatisme de
contrôle-commande a été développé par la société SeirelAutomatismes7. L?Automate
Programmable Industriel (API) est composé:
? d?une partie standard, qui gère le fonctionnel et pilote le téléphérique;
? d?une partie sécuritaire (APIdS) qui effectue les surveillances et pilotages des actions
de sécurité. Le traitement des fonctions de sécurité réglementaires est assuré de façon
tri-redondante par l?APIdS;
? d?une supervision de l?ensemble qui permet une interface homme/machine, ayant pour
nom commercial SUPREME (supervision pour remontées mécaniques). Un écran est
visible en façade des armoires de l?automate.
Figure 11 - Armoire de l?automate ? fermée et ouverte (photos BEA-TT)
Plusieurs générateurs d?impulsions (capteurs de position par défilement des tours poulie)
donnent l?information de distance parcourue. La position des cabines est connue de
manière exacte. Les mesures de vitesses sont prises par l?automate directement sur les
poulies.
7 La société SeirelAutomatismes, créée en 1985, conçoit, fabrique, installe, met en service et assure la
maintenance d?équipements électriques notamment dans le domaine des automatismes de sécurité.
14
Une courbe-enveloppe vitesse/distance (ou rampe
de contrôle, à +10% de la vitesse cible) valide Ã
tout moment le parcours des cabines: si
l?installation sort de la courbe-enveloppe, cela
déclenche un défaut (??contrôle décélération?) et
commande un arrêt d?urgence.
Figure 12 - Contrôle de la décélération
en fonction la rampe théorique (source Seirel)
Des essais automatiques de freinage peuvent être commandés depuis le poste de
supervision du téléphérique avec différents choix sur le type d?essai, la position d?arrêt, le
type de frein (présentés plus précisément par la suite). L?ordre d?arrêt est donné par
l?automate8, à une distance prédéterminée (depuis 2010, au point effectif de plus forte
pente9 de l?installation). Par exemple, l?essai «F2MST» correspond au test du frein F2 au
point de plus forte pente et est équivalent à une commande manuelle depuis le
bouton-poussoir non capoté au pupitre: le frein F2 est immédiatement appliqué à 50% et
si dépassement de la courbe-enveloppe, à 100% (plein couple). L?essai F2MST est donc
un ordre d?arrêt qui remplace l?action humaine d?activation du bouton-poussoir au bon
moment. En l?absence de commande d?essai, les cabines poursuivent leur parcours
nominal grâce aux moteurs électriques: la vitesse est asservie au pilotage par l?automate,
en respectant le profil de mission enregistré ? comme entre autres la décélération
d?arrivée en gare.
2.3.4 - Le système de freinage
Les freins d?une remontée mécanique sont toujours à sécurité positive (c?est-à -dire que
sans énergie, les freins sont serrés): on utilise la pression hydraulique pour ouvrir les
freins et on chasse la pression pour freiner. La manière de chasser la pression du frein va
conditionner l?efficacité du freinage, ainsi que la sécurité et le confort des passagers.
Globalement, les différentes façons de freiner sont:
? Tout ou rien / plein couple: le frein tombe
instantanément et applique donc l?effort de
freinage maximum sans délai.
? Voie étagée ou 50%: le frein tombe jusqu?Ã
une pression préréglée, en appliquant
seulement une partie de la puissance de
freinage disponible.
? Voie progressive ou lente: le frein tombe
lentement et applique donc progressivement
l?effort jusqu?à l?arrêt complet du véhicule.
? Voie modulée: le freinage est asservi à une
consigne de décélération, le frein va s?adapter
automatiquement au cas de charge pour
décélérer, en serrant ou desserrant.
Figure 13 - Les différentes façons
de freiner une remontée mécanique
(source mémento AixHydro)
8 Les commandes de tests provenant de l?interface homme/machine à destination de l?automate API n?ont
aucun caractère sécuritaire. Ce ne sont que des données transmises par protocole Ethernet qui sont in
fine traitées dans l?automate. C?est ce dernier qui sera en charge de réellement appliquer la mise en
action du test. Une séquence de test ne supprime pas les sécurités en place, elle peut être comparée Ã
l?appui sur un bouton d?arrêt physique synchronisé à une position de l?installation.
9 Le «cas de plus forte pente» est le cas de déséquilibre le plus défavorable entre la cabine descendante
et la cabine montante.
15
De façon logique, un plein couple arrêtera l?appareil dans un temps plus court qu?un
freinage modulé et le comportement dynamique de l?installation sera différent.
- Les types de frein et leurs règles de fonctionnement
Les arrêts d?une installation peuvent avoir diverses causes (commande d?arrêt par le
conducteur via un bouton-poussoir, survitesse, surcharge, dysfonctionnement mécanique,
électrique, déraillement?) et des conséquences différentes:
? l?arrêt électrique consiste à asservir l?alimentation du moteur afin de lui faire suivre une
courbe de décélération définie. L?arrêt électrique n?utilise pas de frein mécanique, ce
dernier ne tombe qu?Ã vitesse nulle pour maintenir l?immobilisation.
? l?arrêt par frein de service F1 (frein mécanique, installé dans la gare motrice) permet
d?arrêter l?installation notamment dans les conditions normales d?exploitation et de la
maintenir immobile. Le frein F1 est modulé.
? l?arrêt par frein d?urgence (ou dit de sécurité) F2 (frein mécanique, installé dans la gare
motrice, placé obligatoirement sur la poulie du câble tracteur) permet d?obtenir
rapidement l?immobilisation de l?installation dans les situations potentiellement
dangereuses pour les personnes transportées, le personnel, les tiers ou le matériel, et
destiné à garantir l?arrêt de l?installation et de la maintenir immobile en cas de
défaillance des autres systèmes de freinage. Le frein F2 est étagé et/ou plein couple.
Ces deux systèmes de freinage mécanique F1 et F2 sont indépendants.
Le téléphérique a une vitesse maximale de 11m/s. Réglementairement, la décélération
doit être comprise10 entre 0,5 et 1,25m/s², soit des temps d?arrêt entre 8,8 et 22s.
Conformément à l?arrêté du 7août2009, le frein de service et le frein d?urgence/de
sécurité ne doivent pas intervenir simultanément, sauf à l?arrêt: c?est la règle
d?anti-cumul des efforts de freinage des différents freins. Le but est d?éviter un freinage
trop fort qui endommagerait l?installation. Une hiérarchisation est alors faite avec une
priorisation du frein d?urgence (F2) sur le frein de service (F1) lui-même prioritaire sur le
frein électrique. Ainsi, la gestion de l?anti-cumul consiste à pouvoir relever le frein F1 en
cas de tombée du frein F2 et/ou à appliquer le frein F1 après le F2 au bout d?une
temporisation. À une vitesse de 11m/s et une décélération minimale de 0,5m/s²,
l?installation doit s?arrêter en 22secondes. La temporisation doit correspondre environ Ã
cette durée avant de pouvoir supprimer la fonction d?anti-cumul. L?anti-cumul (et sa
temporisation) est géré d?une part en interne à l?automate et d?autre part de façon
indépendante par un relais de relevage du frein de service (RLFS), pour s?affranchir d?un
cumul de frein en cas de perte de l?automate. L?automate contrôle que les deux
temporisations sont respectées et quand le temps lié à la gestion de l?anti-cumul est
dépassé, le frein F1 s?applique.
L?arrêté du 7août2009 apporte en annexe des précisions sur la fonction anti-cumul des
freins: «Dans le cas où:
- la décélération suite à l?entrée en action simultanée des deux freins ne peut dépasser
2,5m/s²;
- et si l?on vérifie par des essais que dans ce cas les câbles ne se soulèvent pas des
appuis et que les véhicules ne heurtent ni les supports de ligne, ni les câbles,
la fonction empêchant le cumul des freins n?est pas exigée.»
Respectant ces conditions, il existe sur des téléportés en France des programmes
d?automatisme qui permettent un cumul des freins F1 et F2.
10 Exceptionnellement, dans certains cas de freinages brutaux (charge montante, panne de régulation des
freins), des décélérations supérieures aux valeurs indiquées ci-dessus pourront être admises, sans
toutefois dépasser 2,5m/s², sous réserve de satisfaire à certaines conditions concernant le gabarit
angulaire résultant entre véhicules et ouvrages de ligne.
16
- Les pinces de frein
Le freinage est assuré par 4pinces à rondelles ressort
maintenues ouvertes (non freinées) par piston hydraulique.
Elles sont toutes identiques, de type ST3SH. Leur
fonction est d?arrêter et de maintenir à l?arrêt l?appareil
dans tous les cas de charge. Elles ont été conçues et
fournies par ATV11.
Deux pinces correspondent au frein de service F1,
nommées pinces F1P1 et F1P2, et deux autres au frein
d?urgence F2, les pinces F2P1 et F2P2.
Figure 14 - Pince F2P1 avec les plaquettes en appui
sur la piste de freinage (photo BEA-TT)
Figure 15 - Pince de La Saulire: vue de face, arrière, profil et dessus ? plaquettes en vert (sources Poma et ATV)
Les pinces serrent les pistes de freinage des deux poulies motrices (en gare inférieure
G1) ? une pince de chaque frein est présente sur chaque poulie. La piste de freinage de
chaque poulie est située entre les deux gorges du passage du câble tracteur12.
Figure 16 - Poulies motrices voies 1 et 2, pistes de freinage et pinces de freins (source BEA-TT)
11 ATV Brakes, filiale du groupe Mécanéral, a été fondée en 1954. Devenue indépendante en 1993, la
société ATV fabrique des freins pour l?industrie (matériel portuaire, métallurgie / sidérurgie, énergie
nucléaire?).
12 La distance entre la zone d?application des plaquettes et la gorge où passe le câble est d?environ 20cm
(sur un diamètre de poulie de 3,6m): on considérera par la suite que la vitesse du câble équivaut à la
vitesse de frottement des plaquettes sur la piste de freinage.
17
La force de serrage des pinces est obtenue par un empilement de rondelles ressorts
(rondelles Belleville), le desserrage est réalisé par un vérin hydraulique qui viendra
contraindre les rondelles. Les quatre pinces de frein sont réglées de façon identique.
L?entrefer est identifié comme étant la distance entre deux axes de rotation permettant de
régler les garnitures par rapport à la piste de freinage. Des cotes sont mesurées et
réglées par l?exploitant (frein serré):
? a: cote de garde, qui traduit la position du piston dans le vérin hydraulique quand le
frein est fermé et donc le débattement possible du piston dans la chambre;
? h: cote de serrage des rondelles de la pince (ou cote de compression des rondelles),
qui traduit la précontrainte du paquet de rondelles. Cette cote est l?image de la valeur
de l?effort de serrage qui sera délivré. On ?remet du couple? en réduisant cette cote h.
Figure 17 - Prise de la cote de compression ? h (photo expert judiciaire)
Figure 18 - Plan d?une pince de frein en position fermée, avec les cotes a et h, et l?entrefer
(source Poma modifiée, plan version A ? 1984)
Figure 19 - Schéma d?une pince de frein en position ouverte (source ATV modifiée)
18
Les freins sont équipés des garnitures dont le coefficient de friction doit valoir ?13=0,3,
selon la note de calcul de Poma en 1984. Le jour de l?accident, les plaquettes installées
sont de type Cosid132, composées d?un support sur lequel est collée la garniture de
10mm d?épaisseur (épaisseur totale de 14 ±0,2mm). Selon son fournisseur
TMDFriction, la garniture est une matière standard, à forme spécifique pour La Saulire.
Figure 20 - Plan dimensionnel d?une plaquette (11,0cmx31,5mm)
(source TMDFriction)
Figure 21 - Plaquette Cosid132 neuve
(photo expert judiciaire)
Des capteurs d?usure des plaquettes sont installés, ils ont été ajoutés en décembre 1984.
Ils ne sont pas fonctionnels le jour de l?accident car déréglés.
- La centrale hydraulique
Une seule centrale hydraulique commande les quatre pinces de frein de La Saulire. Elle
est en sécurité positive: au repos, des rondelles Belleville viennent serrer les mâchoires
des freins et en fonctionnement, une pression hydraulique est nécessaire pour écarter les
mâchoires des pinces de frein, donc pour ouvrir les freins. Elle a été installée neuve par
AixHydro14 en 2010, en remplacement des centrales d?origine.
La centrale fait intervenir les freins de la façon suivante:
? Après commande du frein F1, les deux pinces entrent en
action. Le pilotage du frein F1 se fait par voie régulée 0-
100%, piloté par une vanne proportionnelle (F1 modulé).
? Par commande manuelle ou automatique, le frein F2
intervient avec les pinces F2P1 et F2P2. Le pilotage du frein
F2 se fait en «Voie étagée ou 50%», appliqué soit à 50%
soit à 100% immédiatement ou quand le freinage 50% est
insuffisant (F2 étagé et/ou plein couple).
Figure 22 - Schéma de la centrale hydraulique (source AixHydro)
13 Le coefficient de friction correspond au rapport entre l?effort de frottement et l?effort de compression des
deux surfaces en contact.
14 Créée en 1988, AixHydro est une société qui conçoit, produit et met en oeuvre des systèmes
hydrauliques, en particulier des systèmes de freinage de sécurité pour les remontées mécaniques, parcs
d?attraction et ascenseurs.
19
Le frein d?urgence peut être actionné de plusieurs manières: ?par appui sur un
bouton-poussoir d?arrêt au pupitre ou ?par l?automate (?si le frein de service ne freine
pas suffisamment ou ?si le capteur de position du frein est défaillant ou ?lorsque les
capteurs de surcourse sont actionnés ou ?en cas de dépassement de 10% de la vitesse
maximale admissible, etc.).
Chaque ensemble de frein (F1 et F2) est indépendant électriquement (relayage,
alimentation), hydrauliquement (deux blocs de régulation distincts) et dans leur contrôle
(deux contrôles de décélération, deux contrôles de couple, deux détections de vitesse
nulle). Si les pinces de frein F1 et F2 sont identiques, réglées identiquement et si les
pistes de freinage sont les mêmes, leurs contraintes de conception sont différentes. Le
frein d?urgence est piloté hydrauliquement par deux électrovannes en parallèle, alors que
le F1 est piloté par une vanne proportionnelle. Par ailleurs, lors d?une demande d?arrêt F1
ou F2, une coupure de la traction est faite.
À chaque demande de freinage, la centrale module (ou non) la pression pour réaliser le
serrage progressif (pour F1) ou par palier (pour F2) des pinces sur la piste de freinage. À
noter qu?en exploitation normale, le pilotage des moteurs peut faire réduire la vitesse de
l?installation: certains arrêts seront affectés sur ce mode, tels les ralentissements pour les
arrêts à quai assurés par l?asservissement des moteurs pilotés en décélération. Les freins
n?interviennent alors que dans la dernière phase de ralentissement quand la vitesse est
presque nulle, notamment pour éviter une oscillation des cabines. Par contre, ils
interviennent immédiatement en cas de sollicitation par l?automate ou le conducteur au
cours du trajet.
2.3.5 - Le système mécanique de détection de survitesse
Lorsque la vitesse dépasse 10% de la vitesse
maximale admissible, une masselotte sort sous
l?effet de la force centrifuge devenue plus forte que
l?effort d?un ressort qui la retient. Se déplaçant, cette
masselotte déverrouille alors un doigt qui bascule
une manette. Cela commande l?ouverture directe
d?un circuit hydraulique sur le frein F2
(fonctionnement d?origine) et déclenche une sécurité
traitée dans l?automate (depuis 2010), qui
commande aussi le frein F2. Cela redonde la
détection d?une survitesse par l?automate
(dépassement d?un seuil par la vitesse donnée par le
générateur d?impulsions).
Figure 23 - Système mécanique de détection de survitesse
sur la poulie de la voie 1 (photo BEA-TT)
Une partie du système mécanique de détection de la survitesse est testée annuellement
par l?exploitant, en dynamique sans les cabines ? au moment du contrôle du câble
tracteur, et une autre partie par le TIA, via les procédures électriques et à l?arrêt. Ces tests
ont été réalisés et furent positifs (déclenchement observé à 12,5m/s lors de la dernière
vérification en 2020).
2.4 - Les conditions météorologiques
La météo du 29septembre2021 était partiellement nuageuse avec des températures
entre 6 et 12°C et un peu de vent (environ 10km/h).
20
3 - Compte rendu des investigations effectuées
3.1 - Les résumés des déclarations
Les résumés présentés ci-dessous sont établis par l?enquêtrice technique sur la base des
déclarations, orales ou écrites, dont elle a eu connaissance. Elle ne retient que les
éléments qui paraissent utiles pour éclairer la compréhension et l?analyse des
évènements et pour formuler des recommandations. Il peut exister des divergences entre
les différentes déclarations recueillies avec les constats ou les analyses présentés par
ailleurs.
3.1.1 - Le conducteur du téléphérique de La Saulire
Entré à S3V en décembre 2004 comme cabinier au téléphérique de La Saulire, il en est
devenu conducteur adjoint en 2013 puis conducteur en 2017.
Le lundi 27septembre, avant-veille de l?accident, le conducteur réalise des pré-essais sur
le téléphérique de La Saulire avec deux autres collègues de S3V. Le but est de s?assurer
que l?installation est prête après avoir réalisé l?entretien annuel et d?effectuer des réglages
si besoin pour l?inspection annuelle prévue le 29septembre. Le remplissage des quatre
charges d?eau est effectué dans la matinée, pour un total de 11,4tonnes15. L?après-midi,
ils effectuent un contrôle visuel des pinces, les actionnent et les lubrifient. Ils vérifient le
couple des pinces et la cote de garde à 30mm16. En fin d?après-midi, ils effectuent 4 ou
5essais de freinage modulés à la montée et à la descente17. Les temps de freinage sont
dans les tolérances mais un peu courts lors des essais à la descente. À un moment, le
conducteur constate en machinerie que la piste de freinage des deux poulies est un peu
tiède ? en posant la main à côté des pinces. De plus, il y a une odeur de brûlé dans la
machinerie. Les plaquettes, installées depuis l?été 2019 et auparavant stockées en
machinerie, présentent un état de surface comme vitrifié, glacé. Mais elles n?ont pas de
problème d?usure. Comme il y a un jeu de plaquettes d?avance, le conducteur et ses
collègues remplacent alors toutes les plaquettes.
Le mardi 28septembre, ils sont deux agents S3V à poursuivre les pré-essais. Vers
9h30, les électriciens passent faire une opération de maintenance (sur des LEDs). Des
tests sont lancés: 4 à 5arrêts en freinage F1 et F2 sont effectués. Ce sont des freinages
légers à faible vitesse pour le rodage des plaquettes. Un dépôt noir est visible sur les
pistes de freinage des deux poulies et des deux côtés. Il appelle donc son chef de secteur
et le responsable des Remontées Mécaniques Ouest. Ils font une pause pour échanger,
tous se retrouvent en machinerie. Pince par pince, ils inspectent les plaquettes: elles
présentent également un dépôt noir mais sont moins ?vilaines? que celles enlevées la
veille. Ils toilent18 les huit plaquettes et réalisent un nettoyage complet des pistes de
freinage avec du nettoyant. Ils remettent les plaquettes, réglées aux mêmes valeurs [de la
cote h] que l?année précédente. Puis ils refont des freinages: les temps sont conformes et
le nettoyage a été a priori bénéfique: il n?y a plus d?odeur de brûlé, ni de dépôt, ni
d?échauffement.
Le mercredi 29septembre à 7h15, le conducteur se rend à la gare motrice de La Saulire
et remet sous tension l?installation. Il fait quelques parcours classiques. Quand le
technicien d?inspection annuelle (TIA) et le technicien du STRMTG arrivent, ils
15 Ces charges d?eau servent de lests pour simuler le poids maximal admissible par cabine, soit
142usagers et un cabinier.
16 Il s?agit de la cote h (couple) et cote a (de garde) présentées précédemment en page 18.
17 Cela signifie que le test est effectué avec la cabine chargée qui monte ou qui descend.
18 Le toilage a consisté à égrener à la main les garnitures avec une toile abrasive, type papier à poncer Ã
grain 180, puis à souffler dessus avec un compresseur et soufflette.
21
commencent par tous descendre en machinerie, afin d?effectuer le relevé du couple des
pinces [cote h freins serrés] et de la cote de garde. Les couples sont similaires à ceux de
2020, hormis une pince du frein F119. Puis, remontés au poste de pilotage de l?appareil, ils
commencent les essais en charge en suivant l?ordre du rapport d?inspection annuelle de
l?année précédente. Ils font des essais de freinage F1 (modulé) puis F2 et des arrêts
électriques, en montée et en descente. En freinage modulé, cela freine trop. Le frein F1
étant toujours trop court, le technicien d?inspection annuelle a des doutes quant à faire
réaliser un frein plein couple à la montée (risque de coup de fouet, balancement
important, déraillement possible). Descendu en machinerie, le conducteur desserre une
pince du frein F1 (initialement, cote h à 121mm20 au début des essais): il la desserre Ã
121,6mm ce qui donne un temps de freinage à 14secondes. Puis à l?essai suivant, il
desserre un peu plus, à 122,2mm pour un temps de freinage à 19secondes. Puis il
resserre à 121,5mm pour un temps de freinage de nouveau à 19secondes. Le dernier
réglage n?a pas eu d?action sur le temps de freinage. Le dépôt s?est reformé, l?odeur est
revenue. Le conducteur n?a effectué aucun réglage sur le frein F2.
Les cinq personnes présentes discutent de la situation: le constat est unanime, ils ne
vont pas arriver à solutionner dans l?immédiat, il faut arrêter les essais de l?inspection
annuelle. Ils se mettent d?accord pour effectuer un dernier essai sur le frein F2 Ã la
descente.
Le conducteur lance donc l?essai F2, il est 12h10. La cabinen°1 est positionnée en gare
amont. C?est un lancement semi-automatique: le conducteur coche le test sur l?ordinateur
puis valide et lance l?essai: la cabine doit parcourir 260 mètres puis le freinage sera
commandé automatiquement. La cabine franchit le point de lancement de l?essai. Le
conducteur regarde la courbe à l?ordinateur et voit que la vitesse s?emballe. Il entend le
système mécanique de détection de survitesse qui se déclenche. La cabine continue Ã
prendre de la vitesse. Il essaye d?arrêter en utilisant tous les boutons-poussoirs d?arrêt sur
le pupitre. L?électricien coupe l?armoire de commande derrière lui. La cabine approche du
pylône. Toutes les personnes présentes sortent du poste de pilotage. L?électricien
descend en machinerie par l?escalier, le conducteur le suit. Ils voient les freins qui sont
tombés [serrés], de la fumée s?échappe des quatre pinces. Ils coupent les armoires de
puissance. Aux bruits de l?installation, le conducteur entend que la cabine ralentit puis
accélère de nouveau. Au moment où ils sortent de la machinerie par l?arrière, ils
entendent le crash.
En machinerie, ils vont tous relever les cotes des pinces de frein: la cote de garde est
passée pour toutes les plaquettes de 30mm à 27mm. Puis ils font un état des lieux
global et balisent la gare.
3.1.2 - Le chef de secteur Remontées Mécaniques Ouest
Entré à l?hiver 2003-2004 à la S3V comme agent d?exploitation l?hiver et agent de
maintenance l?été. Il devient conducteur adjoint sur les télésièges débrayables et fixes
pendant cinq ans puis conducteur de la télécabine des Verdons pendant six ans. Il est
chef de secteur depuis 2018. En 2021, il est responsable de l?Inspection Annuelle de La
Saulire pour la première fois. Les pré-essais ont commencé lundi 27septembre avec des
collègues.
Mardi après-midi, alors que le chef de secteur termine des essais sur la télécabine des
Verdons, le conducteur de La Saulire l?appelle. La piste de freinage présente des traces
anormales. Il demande au conducteur de prévenir le responsable des RM Ouest. Ils
décident de nettoyer le devant et l?arrière des poulies avec du nettoyant frein et de gratter
19 Les mesures et la liste des essais de freinage réalisés seront fournies dans la suite du chapitre des
constats.
20 Il s?agit de la cote h (Figure 17).
22
les zones incrustées. À trois personnes, cela leur prend entre 1h30 et 2heures. Ils
nettoient aussi les huit plaquettes, neuves, qui étaient déjà sales: ils les nettoient au
nettoyant et les retoilent. Le chef d?exploitation est venu constater l?usure anormale des
plaquettes neuves et la matière collée sur la poulie. Le chef de secteur pense qu?il ne faut
pas s?interdire d?annuler les essais. Ils prennent des photos. Une fois tout nettoyé, ils
retentent des essais, avec des freins modulés ou des arrêts électriques mais ils ne
réalisent pas de plein couple. Après trois arrêts, l?appareil freine bien. Les cotes de garde
et les efforts de serrage sont aux cotes de l?inspection annuelle de 2020, dans les
tolérances à ±0,2/0,3mm. Tout est bon en partant mardi soir.
Le mercredi 29septembre, il effectue des tâches administratives en attendant le début
des essais. Le conducteur est déjà présent au pupitre. Puis tout le monde arrive: le TIA
installe son ordinateur et demande s?il y a eu des changements sur l?appareil depuis l?IA
de l?an dernier. Le chef de secteur lui parle des plaquettes changées. Puis ils déroulent la
procédure en commençant par la prise des valeurs en machinerie des cotes des quatre
pinces de frein: les cotes de compression des rondelles (aux cotes de 2020) et les cotes
de garde (à 30mm). Ils remontent au pupitre et commencent les tests (freins modulés,
inertie?). Le téléphérique freine bien voire un peu trop, comme toujours. Le chef de
secteur redescend dans la salle des machines, les freins n?ont pas eu besoin de
s?appliquer fort, il ne voit aucune trace ni matière sur la poulie. Il touche la piste de
freinage, qui n?est pas chaude.
Ils continuent avec des essais de frein plein couple et commencent par le frein F1 plein
couple à la descente. Le conducteur prépare le test sur l?ordinateur, le chef de secteur
entend claquer le relais dans l?armoire. L?appareil freine très bien avec 10,5secondes21 de
temps de freinage jusqu?à l?arrêt. Comme ce temps est court (le temps minimal est de
8,8secondes), le TIA estime que ça va freiner sec à la montée et qu?il y a un risque de
«taper le câble». En 2021, le temps de freinage était de 15secondes. Il va donc falloir
retoucher le couple du frein F1 sur les pinces P1 et P2. Le chef de secteur descend avec
le conducteur à la machinerie. La pince P1 du frein F1 est à 122mm, et non pas Ã
121,2mm comme mesuré à 9h20. Afin de rééquilibrer les valeurs des pinces P1 et P2,
une seule pince est réglée, celle tout à droite en descendant l?escalier [F1P2]. L?objectif
est de relâcher du couple pour allonger le temps de freinage du plein couple à la
descente. Ils revérifient la cote de garde qui est bien à 30mm. Ils remontent et informent
l?équipe de ce qu?ils ont fait. Le conducteur relance l?essai de frein F1 plein couple en
descente: le temps est de 12,5secondes. C?est encore trop court, l?objectif étant plutôt de
16secondes. Ils redescendent de nouveau et règlent F1P1 et F1P2: ils relâchent du
couple sur chacune des pinces en tournant d?environ un degré l?écrou visant à contraindre
l?empilement de rondelles. La cote de garde est toujours bonne. Ils remontent au pupitre.
L?essai suivant de frein F1 plein couple à la descente est de 14secondes. Ils
redescendent pour relâcher encore un peu. Le chef de secteur observe de petits dépôts
qui commencent à se former sous les plaquettes de frein. Ils relâchent sur les deux freins,
la cote de garde est toujours bonne. Ils remontent et un essai frein F1 plein couple en
descente est relancé: le temps est cette fois de 19secondes. C?est beaucoup,
relativement au faible tour de relâchement donné en machinerie. Après un temps
d?échange tous ensemble, il est décidé de remettre du couple. Le chef de secteur
redescend de nouveau pour remettre du couple. Ils reviennent alors aux valeurs de 2020
(environ 121mm). D?autres essais ont lieu puis le frein F1 plein couple en descente
donne de nouveau 19secondes, malgré le dernier réglage.
Collégialement, les cinq participants décident de ne plus toucher au frein F1 et se
préparent à arrêter les essais. Ils décident de réaliser un frein F2 plein couple à la
descente pour voir si le téléphérique réagit pareil qu?en F1, avant d?arrêter les essais. Le
21 Les temps sont ici donnés de mémoire: d?autres témoignages les préciseront et des graphes
temps/vitesse donneront les valeurs exactes.
23
chef de secteur sort du poste de commande pour appeler le chef d?exploitation. Il lui
explique la situation et obtient sa confirmation pour l?arrêt de l?inspection annuelle. Le chef
de secteur l?informe qu?un F2 va être réalisé pour sonder la réaction du F2 et si un réglage
est également nécessaire. Ensuite, ce sera fini et il faudra analyser. À ce moment-là de
son appel téléphonique, il est sur le quai du téléphérique. Il entend que l?essai commence,
l?appareil se met en route puis il entend qu?il s?emballe, notamment par le claquement de
la masselotte de survitesse. À ce bruit, il se demande ce qu?il se passe. Il voit le TIA sortir
en courant, lui disant de partir. Le chef de secteur voit le conducteur au pupitre s?agiter. Il
comprend que ça va être la catastrophe. Juste à côté de la gare de La Saulire, il y a un
chantier sur un bâtiment, avec des ouvriers et le chef de secteur va les prévenir
d?évacuer. Il entend que l?appareil ralentit, ça correspond à la cabine arrivant avant le
pylône. Puis l?appareil reprend de la vitesse. Il voit la cabine s?écraser en gare et une
pièce voler [le butoir].
Il n?a pas entendu de phase de décélération. Après la collision, ça sent le brûlé. Cette
odeur a commencé à être détectable à partir du troisième essai mais ne remontait pas
jusqu?au pupitre. La piste de la poulie lui semble moins sale après la collision.
Le chef d?exploitation, responsable des RM Ouest, arrive sur place un quart d?heure après
la collision. Ils sont tous sous le choc.
3.1.3 - Le technicien d?Inspection Annuelle de TranscableHalec
Le mercredi 29septembre, le TIA est arrivé à 8h30 à Courchevel et au téléphérique de
LaSaulire vers 9h. Il a branché son enregistreur sur la platine de l?automate de
LaSaulire. Les représentants de l?exploitant lui ont indiqué que les plaquettes de frein
avaient été changées et lui ont confirmé que la cabine est chargée à 11400kg.
Ils sont allés vérifier les cotes: la longueur d?empilement des rondelles et la garde.
Chacun mesure et compare sa mesure à celles des autres personnes présentes. Les
valeurs sont similaires à celles de 2020, à 1mm près: les quatre pinces présentent une
garde à 30mm. La pince 1 du frein F1 (F1P1) est à 121,1mm; la pince 2 du frein F1
(F1P2) est à 120,9mm; la pince 1 du frein F2 (F2P1) est à 121,1mm; la pince 2 du frein
F2 (F2P2) est à 121,2mm. Il demande si des travaux ont eu lieu depuis la dernière fois:
l?exploitant lui répond non, excepté le changement des 8plaquettes la veille et l?exploitant
lui parle des soucis qu?ils ont rencontrés, des traces noires apparues mais nettoyées puis
qui ne sont pas réapparues aux autres essais.
Pour étalonner, il fait faire un voyage aller-retour en mode automatique classique. Ils
commencent les essais. C?est lui qui indique quel essai faire. Il note les valeurs au fur et Ã
mesure et son ordinateur enregistre les courbes de vitesse en fonction du temps et
d?autres paramètres22. Plusieurs freinages sont réalisés: F1 modulé à la montée puis F1
modulé à la descente, F2 à la montée et F2 à la descente, un arrêt électrique à la montée
puis un autre à la descente, un arrêt sur inertie à la montée. Suite à cet essai sur inertie,
le TIA conclut que le chargement était bien conforme aux années précédentes. L?arrêt
suivant (10h26) est un frein de service plein couple à la descente, d?une durée de
10,6secondes, ce qui est beaucoup plus court que les années précédentes. Il demande
donc à faire desserrer le frein F1 pour la première fois. Deux personnes de l?exploitant
descendent en machinerie. L?arrêt suivant en frein de service plein couple à la descente
est de 14,5secondes. Avec le STRMTG et S3V, il en conclut que c?est encore court. Il faut
desserrer une seconde fois légèrement. L?arrêt suivant (11h09) en frein de service plein
couple à la descente est de 19,1secondes. L?essai suivant (11h21) est caduc: en effet,
l?arrêt en frein de service modulé à la descente, il y a un déclenchement d?un défaut
?contrôle décélération frein de service? ce qui a déclenché l?action du frein d?urgence F2.
Le TIA demande de resserrer le frein F1 de service [ce qui correspond à remettre du
22 L?ensemble de ces données seront exposées dans le rapport.
24
couple]. C?est fait. Un dernier essai de F1 modulé entre 11h21 et 12h10 est lui aussi
caduc. S3V indique qu?il faut re-nettoyer en machinerie. Comme il est midi, le TIA propose
d?aller manger et de réaliser ensuite l?inspection annuelle d?un autre appareil. La cabine
chargée étant en gare amont, l?exploitant veut refaire un frein d?urgence F2 plein couple,
afin d?observer si ce frein a également besoin de réglages.
À 12h10, le test frein d?urgence F2 plein couple à la descente est lancé. Le conducteur
actionne le bouton-poussoir quand il a au visuel x = 1490m. Le conducteur regarde donc
le compteur qui affiche la distance. Le BP d?urgence est déclenché par le conducteur, au
pupitre de commande, celui avec la collerette. L?appareil s?emballe et ça le surprend: la
vitesse augmente très fortement. Il a eu l?impression que la traction n?avait pas été
coupée. Ils se regardent tous. Quelqu?un appuie sur tous les boutons-poussoirs au
pupitre. Or le cumul de freins n?est pas possible. Il ne se passe rien. L?électricien tourne
sur ??zéro?? le sectionneur de l?armoire de commande, sans effet. L?électricien descend à la
machinerie couper les armoires de traction. Le TIA sort du poste de commande et regarde
la cabine, il la voit arriver au pylône puis sentant le danger, il s?éloigne de la gare. Quand il
revient, il voit la cabine écrasée.
Quand il remonte au poste de commande, il y a plein de défauts affichés: survitesse DT1,
survitesse DT2, survitesse DT3, etc. Pendant les essais, il y avait un peu de l?odeur mais
ça arrive souvent dans les essais d?IA. Après l?accident, il y avait une odeur très forte. Le
technicien du STRMTG et l?exploitant descendent en machinerie relever les cotes. Il
redescend plus tard avec le technicien du STRMTG. LÃ , il voit les copeaux sous un frein
F1 et les traces noires sur la piste d?une poulie.
Il indique que peu d?essais ont été réalisés par rapport à tout ce qui doit être fait pendant
une inspection annuelle.
3.1.4 - Le technicien du Bureau de Savoie du STRMTG
Le 29septembre matin, quand il arrive sur l?appareil avec le technicien d?Inspection
Annuelle (TIA) et l?électricien, sont déjà présents sur place le conducteur et le chef de
secteur. Dans le local commande en gare aval, le TIA se branche à l?automate de
l?appareil. Le TIA consulte le compteur horaire puis pose des questions sur des travaux
éventuels sur l?appareil et sur la maintenance en général. Les agents de l?exploitant
indiquent le changement des huit plaquettes de freins réalisé la veille et le poids des
bâches à eau atteignant 11,4tonnes comme nécessaire. Puis ils descendent ensemble Ã
la machinerie afin de, classiquement, vérifier les pinces et de prendre les valeurs de
réglage des freins, sur les quatre pinces (cotes des rondelles et cote de la garde). Ces
dernières sont réglées comme les années précédentes. L?état de la piste est propre. Avec
le TIA, le technicien observe également les vieilles plaquettes. Il ne constate pas de fuite,
la machinerie est très propre. L?exploitant indique que, la veille, ils ont vu des traces de
freinage sur les pistes et que pour les enlever, il a été nécessaire de nettoyer avec du
nettoyant frein [Berner] pendant 1h30 à 2heures. Après ces échanges en machinerie,
tous remontent au local commande et se mettent en position pour réaliser les essais.
Cette année, tous les essais seront faits sur la voie1: la cabine1 est donc chargée en
charge maximale. Sont tout d?abord réalisés des essais [modulés] des freins F1 et F2 à la
montée. Le freinage par inertie étant important sur cet appareil, l?effet du freinage est peu
visible à la montée. Le technicien du STRMTG note les valeurs qui sont mesurées et
enregistrées par le TIA. Les premiers essais à la descente sont trop forts, les temps
d?arrêt sont trop courts. C?est pourquoi le TIA ne prend pas le risque de faire les essais
plein couple à la montée [arrêt trop brutal, pouvant abîmer l?installation]. Tous en
concluent que les réglages des freins ne sont pas bons. Deux agents de l?exploitant
descendent en machinerie relâcher le frein F1 c?est-à -dire desserrer l?empilement des
rondelles du frein F1. Les essais suivants ne sont toujours pas concluants. Les agents de
25
l?exploitant redescendent de nouveau pour desserrer un peu plus le frein F1. Les temps
sont cette fois trop longs. Ils redescendent et resserrent les freins F1. Lorsqu?ils
remontent, ils l?informent lui et le TIA avoir vu des traces noires sur la poulie. Au cours des
premiers freinages, le technicien du STRMTG avait remarqué que ça sentait énormément
les plaquettes, au point qu?il a dû ouvrir la fenêtre du poste de pilotage.
À ce moment-là , tous savent que les essais sont finis pour aujourd?hui. La cabine 1,
toujours chargée, est en gare amont. Pour terminer, ils font un frein F2 plein couple,
100%, en pleine pente, en descente. C?est la première fois du jour qu?ils testent ce frein
F2 à 100% (ce sont tous des tests à déclenchements automatiques). Il est à côté du
conducteur lorsque le test est lancé. La cabine quitte la gare et commence sa descente.
Elle atteint sa vitesse nominale de 11m/s et à la distance 1490mètres, le frein est
déclenché automatiquement. Le technicien du STRMTG s?attend à ce que la machine
réagisse rapidement. Il n?est pas inquiet: le temps d?arrêt précédent étant de
11secondes, le réglage du frein F2 n?ayant pas été modifié, il s?attend donc à un temps
inférieur à 11secondes. Immédiatement, il se rend compte qu?il y a un problème: la
vitesse continue à augmenter, elle atteint rapidement le seuil maximal de 13,7m/s Ã
l?enregistrement sur le graphe du TIA. Il voit le conducteur appuyer sur au moins deux
boutons du pupitre: le bouton-poussoir à accrochage commandant le frein F2 et le
bouton-poussoir du frein F1. Lui-même appuie sur celui du frein F1. La machine ne
répond pas, la vitesse continue à augmenter. Il craint qu?ensuite le câble rompe. Des
vibrations se ressentent dans l?installation. Le conducteur et l?électricien sont descendus Ã
la machinerie pour couper l?alimentation électrique tandis que le TIA et lui-même, n?ayant
aucun moyen d?arrêter l?appareil, sortent du poste de commande et s?éloignent de la gare.
Il crie au chef de secteur en train de téléphoner de s?écarter de la gare. Il voit la cabine
arriver, sent que l?appareil décélère puis c?est l?impact contre la gare.
Choqué, il descend à la machinerie afin de voir les deux agents S3V, il y a de l?eau
partout. Par téléphone, il alerte le chef du bureau de Savoie du STRMTG. Deux dirigeants
de l?exploitant arrivent. Il demande à relever les valeurs des pinces de freins. Ils sont
quatre à regarder l?agent de l?exploitant effectuer les mesures et tous les notent.
3.1.5 - Le responsable électrique
Le mercredi 29septembre, il accompagne le TIA et le technicien du STRMTG Ã
l?inspection annuelle de La Saulire. Ayant préalablement une autre activité à mener Ã
proximité du téléphérique, il les rejoint quelques minutes plus tard dans le poste de
commande. Il n?intervient sur le téléphérique de La Saulire que pour les inspections
annuelles. Dans le poste de commande, le TIA est installé à gauche avec sa valise et son
ordinateur, le conducteur est face à l?ordinateur et à côté des commandes du
téléphérique, et le technicien du STRMTG est à droite. Lui est à l?arrière, vers l?armoire de
l?automate. Son objectif est d?être disponible pendant ces essais si une manipulation est
nécessaire sur l?automate ou s?il y a une panne.
Les essais commencent. Sont réalisés un essai F1 à la montée puis un à la descente,
puis un F2 à la montée puis un à la descente. Ils constatent que l?installation freine trop
fort à la descente, les temps sont trop courts. Ensuite plusieurs freins F1 sont réalisés. Il
descend en machinerie débrancher la borne 13RV0F [relais vitesse nulle frein, qui
shunté, permet de garantir la réalisation de l?essai F1 plein couple]. Il voit descendre le
conducteur et le chef de secteur, car l?appareil freine trop court. Ceux-ci règlent les freins
F1P2 et F1P1. Il les voit faire ce réglage plusieurs fois de suite. Il reste un moment en bas
et voit le câble tourner puis il observe des arrêts, dont un essai de l?inertie. Il remonte au
pupitre. Les collègues n?ont plus de valeurs cohérentes sur le frein F1. Ils veulent nettoyer
la piste mais cela prendra une demi-journée. Ils conviennent d?appeler le chef
d?exploitation en parallèle. Ils décident d?effectuer un F2 plein couple afin de voir s?il y a
besoin de le retoucher lui aussi. Il pense que l?appareil va encore freiner court. Le plein
26
couple se fait au bouton, par le conducteur qui regarde le compteur de distance et
déclenche à x = 1490m. Quand le conducteur appuie sur le bouton de l?essai, le bruit de
l?installation reste le même, la charpente ne fait aucun bruit particulier. La survitesse s?est
déclenchée rapidement. Le technicien du STRMTG fait remarquer que la vitesse atteint
13,7m/s. Le conducteur appuie sur tous les boutons-poussoirs. Une temporisation de
30secondes dans les relais doit se mettre en place mais l?appareil ne freine toujours pas.
Afin d?être sûr que la traction a été coupée, le responsable électrique a coupé le
sectionneur derrière lui. Il descend à la machinerie, il voit les freins serrés, de la fumée
s?échappe des quatre pinces de frein. Il coupe les puissances dans les armoires puis il
sort de la machinerie. Soudainement, c?est l?accident, de l?eau s?écoule de partout puis il
n?y a plus aucun bruit. Il fait avec les autres le tour de l?installation et les constats.
3.1.6 - Le responsable de la maintenance
Le lundi 27septembre matin, il participe au chargement de la cabine. L?après-midi, il
revient à la gare amont de La Saulire vers 15h pour assister aux pré-essais. Quand il
arrive, ses collègues venaient de changer les plaquettes de frein. Il n?a pas connaissance
des essais réalisés au préalable. Deux aspects le surprennent: l?odeur de chaud et un
bruit inhabituel au freinage, au niveau du contact entre les plaquettes et la piste de
freinage. Trois ou quatre essais sont réalisés. Tous donnent des temps similaires aux
temps de 2020, à une seconde près. Il est tard, ils ne font pas plus d?essais.
Il ne participe pas aux pré-essais du mardi 28septembre, ni à l?inspection annuelle du
29septembre conduisant à l?accident.
3.1.7 - Le chef d?exploitation, responsable des Remontées Mécaniques Ouest
Le mardi 28septembre matin vers 11h, le chef de secteur l?appelle pour l?informer qu?il y
a quelque chose de bizarre: il y a un dépôt noir sur les pistes de la poulie, et il lui
demande de venir. Le chef de secteur commence à nettoyer. Le responsable prend le
devis du constructeur de la pince des freins pour vérifier la référence. Arrivé au
téléphérique de La Saulire, il constate également les traces noires sur la poulie. Le chef
de secteur lui montre les plaquettes. Elles sont ??glacées??. Il en prend une en photo Ã
13h45. Il a déjà vu un état comme celui-ci: quand les plaquettes ont été sollicitées
fortement. Il vérifie la référence des plaquettes neuves, elle est bonne. Le chef de secteur
poursuit le nettoyage. Le conducteur lui précise que ces traces noires ont déjà été
observées avec les plaquettes datant de 2019, celles qui étaient en place c?est-à -dire
pendant l?exploitation estivale 202123. Dans l?après-midi, à 16h, le chef de secteur
l?informe que les poulies sont nettoyées.
Le mercredi 29septembre matin, les essais démarrent. Après une réunion, le responsable
passe à la gare motrice et l?équipe l?informe qu?ils ont fait un frein F1 qui freinait trop court.
Le frein F1 modulé sortait de la courbe de contrôle gamma à la descente: ils ont touché
au réglage du frein F1 pour remettre du couple de freinage. Il repart. Le chef de secteur
l?appelle à 12h13, l?accident ayant eu lieu: il monte en urgence et constate sur place les
dégâts. Il note avec le STRMTG les cotes des freins et fait des photos de l?écran
d?affichage de l?automate.
3.1.8 - Synthèse des témoignages
Les personnes présentes aux différentes journées sont:
? Lundi 27septembre: le conducteur de La Saulire, un agent d?entretien/maintenance
RM et le responsable maintenance.
23 Les installations de remontées mécaniques n?ont pas fonctionné à l?hiver 2020-2021 suite à la décision
gouvernementale du fait de la crise sanitaire du Covid-19.
27
? Mardi 28septembre: le conducteur, l?agent d?entretien RM et sur la fin de la journée le
chef de secteur RM Ouest et le chef d?exploitation.
? Mercredi 29septembre: le conducteur, le chef de secteur RM Ouest, l?électricien, le
technicien d?inspection annuelle et le technicien du STRMTG.
Tous les témoignages concordent sur le fait que le mercredi 29septembre, des réglages
ont été effectués sur les pinces du frein F1 et qu?aucun réglage n?a été réalisé sur
celles du frein F2.
Une divergence dans les témoignages existe sur le jour du changement des plaquettes
(1erjeu de plaquettes) par des neuves (2?jeu) mais la majorité des témoignages directs
s?accorde sur le lundi 27septembre après-midi.
Suite aux difficultés rencontrées, le toilage des plaquettes du 2? jeu et leur nettoyage
ainsi que le nettoyage des pistes de freinage des poulies a nécessairement eu lieu
après le remplacement des plaquettes. Tous s?accordent à ce que ces deux actions aient
eu lieu en même temps: le mardi 28septembre. La photo du 28/09/2021 à 13h45 prise
par le chef d?exploitation permet d?entériner la date et heure.
3.2 - Les dommages sur l?installation extérieure
Les deux cabines, ainsi que leurs chariots et suspentes, sont fortement abîmées. La gare
aval G1 présente des endommagements au niveau des structures de quai. La gare G2
présente des déplacements des sabots des deux voies et des cornières sont déformées.
Figure 24 - Cornières déformées en gare G2 (source Poma)
Suite aux chocs, les butoirs de G1-voie1 et G2-voie2 ont cassé et ont été éjectés.
Figure 25 - Butoir de la voie 1 en gare G1
(photo BEA-TT)
Figure 26 - Butoir de la voie 2 en gare G1 intact
car non impacté par l?accident (photo STRMTG)
Le pylône présente un léger désaxement mais pas nécessairement dû à l?accident. Il n?a
pas été constaté de déformation géométrique majeure pouvant nuire à la stabilité statique
des ouvrages. Le câble tracteur, en limite de critère de dépose avant l?accident, est hors
service. Les câbles porteurs présentent de légères rayures.
L?installation a été sécurisée fin octobre 2021, conformément à la demande du préfet, par
démontage des cabines et du câble tracteur.
28
3.3 - Les constats en machinerie
La machinerie, située en dessous des quais du téléphérique en gare G1, ne présente pas
de dégâts hormis l?eau (11,4tonnes utilisées pour charger la cabine) qui s?est déversée Ã
travers le passage du câble, au niveau de la voie1 (gauche). L?eau s?est évacuée de la
machinerie mais a laissé des traces sur la poulie de gauche et sur le sol.
3.3.1 - Les constats sur les freins
Les cotes des freins sont notées par le technicien d?inspection annuelle en début de
matinée le 29septembre 2021, mesures corroborées par les notes du STRMTG (prises Ã
9h20). Elles sont complétées par les mesures prises après l?accident, à 13h23.
Synthèse comparative F1P1 F1P2 F2P1 F2P2
(29/09/2021: 9h20 / 13h23)
cote de garde (a)
avec plaquettes en place*
30mm /
27,2mm
30mm /
27,8mm
30mm /
27,6mm
30mm /
26,9mm
cote de garde sans plaquette*
delta cotes avec/sans plaquette
limite de butée ou non
27,2mm
? = 0mm
en butée
27,4mm
? = 0,4mm
pas en butée
27,2mm
? = 0,4mm
pas en butée
27,1mm
? = -0,2mm
butée
cote de compression
des rondelles (h)
121,1mm /
123,9mm
120,9mm /
123,0mm
121,1mm /
123,7mm
121,2mm /
124,3mm
*la prise de mesures physiques au pied à coulisse inclue nécessairement une incertitude. Des
mesures plus précises seront faites ultérieurement lors de la vérification des valeurs de pressions
et cotes correspondantes.
Sous certaines pinces de frein (F1P1 et F1P2) ou sur le dessus de pinces (F2P2), on peut
observer des résidus noirs. La pince F2P1 ne présente pas de résidu.
Figure 27 - Résidus sous la pince F1P1 (photo BEA-TT) et zoom (photo STRMTG)
Figure 28 - Résidus sur le dessus de la garniture de la pince F2P2 (photo STRMTG du 29/09/2021)
29
Les résidus sous les pinces ainsi que certaines garnitures ont été analysés par le
CETIM24. Les résultats seront exposés et étudiés dans le chapitre des investigations.
Après l?accident, on constate qu?une feuille de papier ne
passe pas entre les pinces et les pistes de freinage: les
freins sont serrés.
Figure 29 - Feuille de papier ne passant pas
entre la garniture et la piste de freinage sur la pince F2P1
(photo STRMTG du 19/10/2021)
Pour chacune des pinces, les rondelles Belleville sont
toutes visuellement intègres. Ultérieurement, le CETIM a
vérifié 10rondelles de la pince F1P2 ainsi que
10rondelles de la pince F2P2: aucun dommage n?a été
constaté.
Les plaquettes déposées au cours des pré-essais le lundi 27/09/2021 (1erjeu) présentent
un état de surface «glacé». Au dos, il est indiqué qu?elles ont été fabriquées en 2018
(S37). Les lignes de sciage sont remplies et certaines plaquettes présentent des éclats.
Figure 30 - Les huit plaquettes enlevées des freins le lundi 27 septembre 2021 ? 1erjeu (photo BEA-TT)
Figure 31 - Zoom sur deux plaquettes déposées le 27 septembre 2021 ? 1erjeu (photos BEA-TT)
Ce 1er jeu ne présente pas de faciès anormal en ce qui concerne la ?vitrification? selon le
fournisseur de plaquettes. Mais les incrustations de métal dans certaines plaquettes
constituent une anomalie et singularité significative.
24 Le Centre technique des industries mécaniques (CETIM) est un centre technique industriel français créé
en 1965 qui emploie environ 1100personnes. Il propose aux entreprises mécaniciennes des moyens et
des compétences pour accroître leur compétitivité, il participe à la normalisation et il lie la recherche
scientifique et l?industrie.
30
Une plaquette du 2?jeu a été extraite
par l?exploitant pour observer son état
le mardi 28septembre2021 dans
l?après-midi. Elle présente de larges
traces grises et des éclats au niveau
des lignes de sciage. Selon le
fournisseur de plaquettes, ce 2?jeu
présente un aspect de surface
clairement inhabituel et un
endommagement anormal.
Figure 32 - Plaquette extraite le mardi 28/09/2021 Ã 13h45,
avant toilage et nettoyage puis remise en place (photo S3V)
Après cette extraction, toutes les plaquettes du 2?jeu ont été toilées, nettoyées et
remontées. Puis, après l?accident, l?état des plaquettes du 2?jeu est le suivant:
Figure 33 - Plaquettes F1P1
(extraites en mars 2022, photo BEA-TT)
Figure 34 - Plaquettes F2P1
(extraites en mars 2022, photo BEA-TT)
L?épaisseur de chacune a été mesurée et des traces blanches sont observées sur la
tranche de garnitures, que ce soit du 1er ou du 2? jeu de garnitures. Nous détaillerons les
épaisseurs et analyserons ces constats plus précisément dans la partie Investigations.
Figure 35 - Traces blanches sur des garnitures du 2? jeu
(photo STRMTG Ã gauche)
et 1er jeu (photo TMDFriction ci-dessus)
31
Dans la gare motrice de La Saulire, sur
l?établi, ont pu être observés trois lots de
garnitures usagées. L?un, avec une écriture
rouge au dos, correspond à des garnitures
de type G95. Les deux autres lots sont des
Cosid132. L?un des deux correspond aux
plaquettes en place lors des pré-essais du
27septembre2021. L?usage du 3ejeu n?a
pas pu être déterminé.
Figure 36 - Lots de plaquettes,
sur l?établi de La Saulire, le 7/10/2021
(photo BEA-TT)
3.3.2 - Les constats sur les poulies
Le mardi 28/09/2021, avant nettoyage, les pistes de freinage présentent de nombreuses
traces noires. Après l?accident, des traces noires similaires sont de nouveau présentes.
Figure 37 - Traces noires sur la poulie voie 1
le mardi 28/09/2021 avant nettoyage (photo S3V)
Figure 38 - Traces noires sur la poulie voie 1
après l?accident (photo BEA-TT)
Ces résidus collés à la piste de freinage ont été analysés par le CETIM. Ils sont de deux
natures différentes: soit sous forme de copeaux métalliques en acier non allié (et trop
grands (200µm) pour venir des garnitures), soit organiques avec une composition
similaire à celle des plaquettes (avec toutefois une teneur en aluminium plus forte). La
piste de freinage de la poulie est quant à elle en acier non allié.
Ainsi, les résidus proviennent à la fois de matières issues de la poulie et des garnitures.
3.4 - Les données du Technicien d?Inspection Annuelle
Au cours des essais, afin de récupérer les données nécessaires à la vérification de
l?atteinte des objectifs de l?appareil, le Technicien d?Inspection Annuelle branche son
ordinateur de mesures sur trois des sorties dédiées de l?armoire de commande. À noter
que la mesure de la pression du frein d?urgence F2 n?a pas été prise par le TIA du fait du
nombre limité d?entrées sur son outil.
32
Ces mesures ont permis l?obtention du graphe suivant. Le signal de sortie est calibré
(0-10V), aussi la plage d?enregistrement du TIA est adaptée en conséquence.
L?observation du graphe permet de décrire le déroulement temporel suivant:
a. 12:10:35 (t=0) = le frein F1 est relâché (courbe verte) et les moteurs entrent en
action: le téléphérique démarre. Sa vitesse se stabilise à 0,5m/s.
b. 12:10:53 (18s) = la vitesse commence à augmenter, de façon constante.
c. 12:11:07 (32s) = la vitesse se stabilise à 5,5m/s pendant 5secondes puis reprend
son augmentation constante. A priori, pour ce faire il faut que le potentiomètre soit
manuellement activé à 100% pour atteindre les 11m/s.
d. 12:11:27 (52s) = la vitesse est de 11m/s et se maintient pendant 2secondes.
e. 12:11:29 (54s) = la traction (courbe rouge) devient nulle. La coupure de la traction
correspond au début de l?essai de freinage. La vitesse augmente.
f. 12:11:33 (58s) = un palier de vitesse très léger est observable, 4secondes après le
début de l?essai de freinage.
g. 12:11:36 (61s) = le graphe écrête la valeur de la vitesse à partir de 13,75m/s (8V
correspondant à 11m/s, la limite de 10V du signal de sortie correspond donc bien Ã
13,75m/s).
h. 12:12:02 (87s) = le frein F1 s?active, 33secondes après la coupure de la traction.
i. 12:12:13 (98s) = la valeur de la vitesse n?est plus écrêtée, elle est en train de
décroître, sans savoir quand cette diminution a commencé.
j. 12:12:15 (100s) = on observe une fluctuation de la vitesse.
k. 12:12:20 (105s) = on observe un creux de vitesse: elle diminue jusqu?Ã 10,25m/s
et recommence à augmenter en oscillant.
l. 12:12:47 (132s) = la vitesse atteint un nouveau maximum à 13,75m/s. Puis
globalement la vitesse recommence à décroître.
m. 12:13:16 (161s) = une chute brutale de vitesse est enregistrée. C?est le choc des
cabines avec les gares, Ã la vitesse de 8m/s soit environ 29km/h.
Entre la coupure de la traction et le choc, il s?écoule 107secondes.
À partir de la coupure de traction et jusqu?à la vitesse écrêtée à 13,75m/s,
l?accélération est quasi constante et en moyenne, est égale à 0,38m/s².
[gamma = (v2-v1) / (t2-t1) = (13.75-11) / 7,3].
Après le creux de vitesse, soit 54secondes avant le choc ? ou 51secondes après le début
du F2MST, on constate le début d?une oscillation de la vitesse.
33
Figure 39 - Courbe au long de l?essai accidentel, produite par le logiciel du Technicien d?Inspection Annuelle
(en bleu la vitesse du câble, en rouge le couple de traction ? intensité moteur, en vert la pression du frein de service F1) (source TranscableHalec)
34
Après calcul rapide par incrémentation à partir de la courbe de vitesse fonction du temps,
l?oscillation commence environ 695mètres avant le point de choc. Or le pylône est
635mètres avant la gare inférieure. Cette oscillation de vitesse est donc certainement
due à l?oscillation physique de la cabine après son passage du pylône. De plus, le
passage du pylône correspond à un changement de pente, entraînant l?augmentation de
la vitesse sans que rien ne change par ailleurs.
Figure 40 - Cabinen°1 (chargée) approchant la gare inférieure peu avant le choc
(extrait du film réalisé par l?agent du STRMTG lors de l?accident, environ 12secondes avant l?impact)
Au début du freinage, le frein F2 est étagé à 50% puis du fait de la vitesse inadéquate,
l?automate génère un ordre de tombée du F2 à 100%. Ceci doit engendrer un couple plus
important de freinage, mais il semble encore insuffisant à enrayer l?accélération et freiner
les cabines. Cela correspondrait au palier de vitesse très léger ayant lieu 4secondes
après le début du freinage. Le second zoom présente un léger pallier, qui étant donné la
ligne, correspondrait au passage sur le pylône de l?autre cabine ? celle montante.
Figure 41 - Zooms sur la courbe d?essai F2 en descente de 12h10
Dans l?hypothèse maximale où la cabine a
accéléré de façon constante selon la courbe
initiale visible puis décéléré de façon
également constante selon la pente visible,
la vitesse maximale ?théoriquement? atteinte
serait alors de 21,5m/s (soit 77km/h).
Figure 42 - Estimation de la vitesse maximale
atteinte par l?installation lors de l?accident
35
Plus finement, le début du freinage
F2 est à 230m du sommet, le
pylône se trouve à 955m du
sommet et la distance entre les
deux points est parcourue en
51secondes: la vitesse moyenne
est donc d?environ 14m/s. En
supposant que la vitesse présente
une courbe de type parabolique, la
partie écrêtée pourrait ressembler
au graphe ci-contre, où le pic de
vitesse se situerait vers 16-17m/s.
Ainsi, au cours de l?événement, la
vitesse du téléphérique était bien
au-delà de la vitesse maximale de
11m/s, à un maximum estimé Ã
environ 16,5m/s.
Figure 43 - Seconde estimation de la vitesse maximale
atteinte par l?installation lors de l?accident
Le ralentissement de l?installation semble s?initier au début de la tombée du frein F1
(chute de la courbe verte) mais serait lié toutefois à la conjonction des (faibles) effets du
frein F1 et de la remontée des câbles porteurs jusqu?au pylône. Les essais précédant
l?essai fatidique seront importants pour estimer l?état des freins et la capacité résiduelle
de freinage de F1 et de F2.
3.5 - Les données de l?automate
3.5.1 - Les limites de l?automate
Quand ils sont historisés dans l?automate Pilz et sa supervision, les défauts et alarmes
sont enregistrés avec les indications suivantes: intitulé du défaut, date, heure25, numéro
unique du défaut, durée. L?automate stocke 10000 défauts.
La mise en historique des alarmes et défauts ne s?effectue qu?après disparition de ceux-ci
et acquittement (validation) par l?opérateur via une sollicitation manuelle du bouton
physique de réarmement. Ce bouton-poussoir est directement relié à une entrée
sécuritaire de l?automate. A contrario, les défauts non acquittés n?apparaissent pas dans
l?historique. Et l?automate n?affiche sur son écran de supervision que 32événements. Si
une coupure d?alimentation a lieu, il y a perte des défauts en cours non acquittés, car ils
n?étaient présents que dans la mémoire vive. Comme au moment des constats, le
téléphérique a été éteint puis rallumé plusieurs fois depuis l?accident, les défauts relatifs Ã
l?accident ont été «écrasés». Ceci explique l?absence d?enregistrement de certains
évènements dans le fichier relevé tel que l?enclenchement du BP Arrêt Électrique le
29/09/2021 (non réarmé après l?accident) comme nous le verrons ci-dessous dans les
données. Pour prendre connaissance de ces informations, il aurait fallu les lire sur l?écran
de supervision de l?automate et ce, avant la première extinction de l?automate. Ceci
n?ayant pas été fait, les données concernant l?appui sur les boutons au pupitre sont
perdues, ainsi que d?autres défauts que nous ignorons.
Par ailleurs, la supervision communique de manière cyclique avec l?automate et récupère
une table correspondant aux défauts présents toutes les 500millisecondes. Deux
évènements donnés dans la même seconde dans l?historique ne sont donc pas forcément
concomitants mais sont apparus dans la même seconde. Des défauts ayant le même
horodatage peuvent ne pas s?afficher dans l?ordre chronologique.
25 L?automate présente un écart de 1min10s environ avec l?enregistreur de TranscableHalec.
36
3.5.2 - Les données de l?accident du 29/09/2021 à 12h10
Les étapes dans les événements enregistrés par l?automate sont les suivantes:
(1)Lancement du test automatique d?arrêt dans la plus forte pente par frein F2 (F2MST)
(2)Dépassement de la vitesse
(3)Évènement isolé de surveillance fonctionnelle
(4)Fin de l?anti-cumul par relayage (F1 demandé en plus de F2)
(5)Fin de la durée maximale de freinage prévue
(6)Temps long du fonctionnement de la pompe de la centrale de frein
(7)Impact des véhicules dans les stations d?extrémité
Figure 44 - Historique des alarmes du 29/09/2021 Ã partir de 12h10:19 jusqu?Ã la fin (source automate)
Entre le lancement du test F2MST et les alarmes identifiant le choc en gare, il s?écoule
1minute et 48secondes. On retrouve bien la durée mesurée sur le graphe du TIA.
37
Lancement du test automatique d?arrêt par frein F2? : 12:10:19
Le principe du test est le suivant: via la supervision, une demande de test est transmise
vers l?API standard. Ce dernier génère un top d?arrêt au point exact où doit être provoqué
l?arrêt, via un défaut simulé. Cela a lieu à une position prédéterminée, à 230m de la gare
±5m. L?APIdS prend en compte le défaut simulé et lance la séquence d?arrêt. La
demande de test automatique a donc généré une demande d?arrêt au frein d?urgence
étagé. La traction doit alors être coupée. Lors de ce test, aucune dégradation ou
modification de surveillance n?a lieu. À noter que ce message a été acquitté 356secondes
plus tard, soit à 12:15:15.
Dépassement de la vitesse?
On observe que:
? La survitesse 110% est détectée dès 12:10:22. C?est un dépassement absolu de la
vitesse nominale majorée de 9% soit une vitesse atteinte égale à 11,99m/s après
environ 3 secondes du début du test.
Nota: il n?y a pas d?information quant à la survitesse mécanique par la masselotte,
puisque celle-ci n?a pas été réarmée (le défaut spécifique survitesse mécanique qui doit
alors s?afficher n?a pas été historisé du fait de la coupure d?alimentation ? les défauts en
cours non acquittés sont perdus, car ils n?étaient présents que dans la mémoire vive).
? Le défaut ?entrée en gare? correspond au dépassement absolu de la vitesse nominale
majorée de 10% soit 12,1m/s. Ce défaut commande le frein F1 mais ce dernier n?est
pas activé, du fait de l?anti-cumul avec le F2 déjà tombé.
? Suite à une demande d?arrêt au frein électrique (BP au pupitre), le ?contrôle
décélération arrêt électrique? correspond à la surveillance de la bonne décélération de
celui-ci: or l?alimentation du moteur est déjà coupée suite au frein F2 déjà commandé.
? L? ?écart vitesse? correspond à un écart de valeur supérieur à 5% entre deux points de
mesure vitesse. Cela pourrait correspondre à la saturation des informations de vitesse.
? Enfin le ?contrôle point fixe? est une vérification et un recalage entre la mesure de
position interne automate et une donnée ponctuelle issue d?un capteur indépendant de
l?automate (compteur pupitre pris sur une mesure de position indépendante). Ici il
indique une incohérence entre ces deux données. L?automate a dépassé la capacité de
comptage et ses limites d?acquisition, car le téléphérique va trop vite.
Évènement isolé de surveillance fonctionnelle?
Ce défaut correspond à une incohérence entre l?appui par le conducteur sur la pédale
homme mort et/ou le relâchement de celle-ci par rapport à l?état attendu. Cette
surveillance fonctionnelle se fait en marche manuelle uniquement (accélération de
l?appareil pilotée par le potentiomètre au pupitre). Ce défaut demande la tombée du
frein1, mais la chaîne d?anti-cumul l?interdit encore. L?apparition de ce défaut dans cette
38
séquence confirme que la montée en vitesse de l?appareil a été réalisée manuellement et
que le ressaut visible sur le graphe du TIA à 12:11:12 relève bien d?une action manuelle.
Fin de l?anti? - cumul par relayage
L?anti-cumul est géré par l?automate et par une chaîne à relais indépendante pour laquelle
des temporisations pneumatiques assurent la fonctionnalité de non-cumul. La valeur de
temporisation relevée par le TIA en 2020 était de 21secondes (nous garderons cette
valeur pour la suite du rapport). La surveillance d?état du relais RLFS (relevage frein de
service) lié à l?anti-cumul, a lieu à 12:10:38 soit environ 20secondes après l?activation du
frein F2, ce qui confirme le bon réglage de la temporisation RLFS.
Le défaut ci-dessus traduit qu?une incohérence est détectée par l'APIdS: la fin de la
temporisation (donc bascule à 0 du relais RLFS, ce qui engage l?ordre de tombée du
freinF1) alors que l?automate de sécurité continue à voir une vitesse sur l?appareil et que
la durée maximale de freinage prévue par l?automate n?a pas encore été atteinte. L?APIdS
considère donc que l?anti-cumul est encore nécessaire et il maintient le F1 relevé.
Or l?activation du F1, en cumul du F2, va se produire au bout de 33secondes. Ce délai de
13secondes supplémentaires correspondrait: ?soit à des composants de l?automate qui
ont saturé face à la vitesse élevée (lecture maximale à 10V), ?soit à la coupure du
sectionneur 400V. Cette coupure entraîne une perte de l?acquisition du signal vitesse par
la carte de régulation du frein F1. Cette absence d?acquisition est considérée comme une
vitesse nulle. Une action complémentaire sur la carte de régulation du frein via une chaîne
relayée temporisée permet un pilotage direct du F1 plein couple. Au vu des schémas
transmis, cette sollicitation est calibrée 15secondes après la demande par l?automate
principal et expliquerait la tombée du F1 plein couple 33secondes après la tombée du F2.
Cette seconde hypothèse semble la plus probable.
Fin de la durée maximale de freinage?
Le temps maximal d?arrêt est atteint dans l?automate de sécurité: le dévirage26 statique
correspond à un mouvement observé alors que l?automate considère que l?appareil
devrait être arrêté.
Temps long du fonctionnement de la pompe de la centrale de frein?
Une alarme de surveillance d?état de la pression basse dans la centrale de frein apparaît.
L?automate considère que la pompe de frein fonctionne depuis trop longtemps,
l?installation aurait dû s?arrêter.
Impact des véhicules?
À 12:12:07, toutes les portes des cabines envoient des messages de défaut de fermeture.
Cela correspond à l?impact des cabines avec les gares.
Il y a eu un réarmement 248secondes plus tard soit à 12:16:15 donc, la vitesse est bien
nulle, et une personne acquitte des défauts sur l?automate. Pour rappel, les défauts non
??levés?? (toujours actifs) ne sont pas acquittés et donc pas enregistrés dans l?automate.
26 Le contrôle de dévirage est un dispositif permettant de détecter l?inversion intempestive du sens
d?entraînement du câble: le câble part en marche arrière alors que l?appareil est en marche avant.
39
En synthèse:
? Les évènements enregistrés par l?automate sont cohérents avec la courbe enregistrée
par le TIA.
? Le non-ralentissement du téléphérique (??contrôle décélération?) et la survitesse ont été
détectés.
? Aucune anomalie de fonctionnement de la commande et du pilotage des freins, ni
d?anomalie de réponse des pinces de freins n?est enregistrée, alors qu?elles sont
surveillées par l?automate.
? Le décalage de la tombée du frein F1 à 33secondes au lieu de 21secondes est lié soit
à une saturation de la carte d?acquisition de la vitesse, soit plus probablement à une
coupure de l?alimentation électrique de la carte pouvant induire une information vitesse
nulle de l?installation à destination de la carte de régulation du frein de service F1.
3.5.3 - Les données des essais du 29/09/2021, avec leurs temps d?arrêt associés et
les réglages
Les courbes du TIA pour chaque essai du 29/09/2021 nous ont été fournies et permettent
de regrouper les valeurs des temps obtenus dans le tableau ci-dessous. Nous y avons
introduit des mentions sur les réglages réalisés selon les témoignages.
Heure (automate) Type d?essai Temps d?arrêt (TIA)
Réglage initial des cotes: F1P1 = 121,1mm et F1P2 = 120,9mm
9h36 F1 par BP (modulé), à la montée 9,1s
9h43 F1 par BP (modulé), à la descente 12,4s
9h47 F2 (frein d?urgence étagé), à la montée 8,2s
9h53 F2 par BP, Ã la descente 11,0s
10h03 Arrêt électrique, à la montée 14,5s
10h11 Arrêt électrique, à la descente 14,8s
10h14 Arrêt sur inertie, à la montée 9,8s
10h26 F1 plein couple, Ã la descente 10,6s
Réduction du couple du frein F1: F1P2 réglée à 121,6mm (F1P1 trouvée à 122,0mm)
10h52 F1 plein couple, Ã la descente 14s
Réduction du couple du frein F1: F1P1 et F1P2 réglées à 122,2mm
11h10 F1 plein couple, Ã la descente 19,1s
Remise de couple du frein F1: F1P1 et F1P2 réglées à 121,5mm
11h22 F1 plein couple, Ã la descente Essai caduc, 20s
11h53 F1 plein couple, à la montée 9s
11h59 F1 plein couple, Ã la descente Essai caduc, 30s
12h06 F2 plein couple, Ã la descente Accident (107s)
On constate que les trois derniers essais à la descente avant le test fatidique donnent des
temps très longs, les deux derniers essais sont mêmes considérés caducs par le TIA et
les graphes montrent que le frein F2 a pris le relais du frein F1. Les essais seront
analysés finement dans la partie Investigations, avec les courbes du TIA à l?appui.
40
3.5.4 - La synthèse des données enregistrées par l?automate les jours ayant
précédé l?IA du 29/09/2021
Pour rappel, l?outil de supervision de l?automate présente une liste d?enregistrements avec
date, heure, numéro de l?alarme, son intitulé, la durée avant son acquittement. Ici, les
essais F1MST et F2MST seront systématiquement listés, les autres remontées
d?informations seront mentionnées quand pertinentes.
Avant la date du 27/09/2021, on observe des essais F1MST (30/11/2020, 16/08/2021 et 2le
23/09/2021) et des F2MST (30/11/2020, 16/08/2021 et 6 le 23/09/2021), sans connaître leur
vitesse et le lieu du début du freinage. Des ouvertures des pinces sont également indiquées
(3 en novembre 2020, 4 en mai 2021, 2 en août 2021 et 2 le 23septembre2021). Elles
correspondent probablement à des opérations de maintenance ou de vérification. Deux
défauts de dévirage statique sont listés le 21/06/2021.
Mais en l?absence d?enregistrements de vitesse et de la distance parcourue par une
cabine, les défauts enregistrés jusqu?en novembre 2020 ne sont pas interprétables. Nous
nous focalisons donc sur les trois jours de pré-essais et essais de l?Inspection Annuelle.
- Historique du lundi 27/09/2021
De nombreuses informations sont données par l?automate le 27/09/2021 (265lignes).
L?installation est mise en marche à 8h11.
? À13h24, le premier test F1MST est déclenché: le chargement de la cabine est
terminé. Les réglages du téléphérique commencent. Il sera suivi de 3 autres F1MST
(13h35, 13h57 et 14h02). Les tests de 13h35 et 13h57 sont suivis d?un défaut
pressostat: le temps de freinage est trop long. Sinon, aucun autre défaut ne remonte.
? À14h15, un verrouillage ouvert F2 est indiqué. Son réarmement est fait 80s après. Il
sera suivi de 4 F2MST: 14h27, 14h42, 14h59 et 15h11.
? À15h23, on observe un verrouillage ouvert F2 (159secondes) et à 15h32, un
verrouillage ouvert F1 (47secondes).
? Des BP arrêt frein 1 pupitre sont activés. Puis 2 F1MST ont lieu (16h08 et 16h29),
deux BP arrêt frein 2 pupitre/extérieur et un F2MST à 16h36.
? La journée se termine avec une dernière remontée d?information à 16h44.
En synthèse, lundi après-midi, de multiples tests de freinage sont engagés et deux font
remonter un défaut ??temps long?? (F1MST de 13h35 et 13h57). Il est constaté un
verrouillage ouvert de F1 et deux de F2: cela indique l?ouverture des pinces des freins.
Cela correspondrait à un changement des garnitures, a priori pour les deux freins en
même temps, entre 15h23 et 15h33.
- Historique du mardi 28/09/2021
L?installation est mise en marche à 8h09. De nombreuses informations sont données par
l?automate le 28/09/2021 (325lignes).
? Les premiers tests du mardi après la préparation font remonter 3F2MST (9h17 suivi
d?un défaut pressostat, 9h23 et 9h28) puis de 2 F1MST (9h32 suivi d?un défaut
pressostat, et 9h36). À 9h53, un verrouillage ouvert F1 (acquitté après 289s) est suivi
la seconde suivante d?alarmes de ??Non tombée pince2 frein1?? et ??Non tombée pince1
frein1??. À 10h08, un verrouillage ouvert frein de sécurité/d?urgence (274secondes) est
indiqué.
? À 10h14, un test F1MST est lancé. À 10h47, l?alarme ?verrouillage ouvert frein1? est
remontée (acquittée après 152s), suivi la seconde suivante de ?Non tombée pince2
frein1? et ?Non tombée pince1 frein1?. À 11h25, un ?verrouillage ouvert frein1?
41
(durée avant acquittement de 25s) est suivi la seconde suivante de ?Non tombée
pince2 frein1? et ?Non tombée pince1 frein1?. Puis 7secondes plus tard, apparaît un
?verrouillage ouvert frein de sécurité? (18s).
? Une pause a lieu de 11h25 Ã 12h59.
? À 13h05, de nouveau un verrouillage ouvert frein1 (durée avant acquittement de
217s) a lieu, suivi la seconde suivante de ?Non tombée pince2 frein1? et ?Non tombée
pince1 frein1?. À 13h42, on constate un verrouillage ouvert frein de sécurité (durée
149s) ? cet horaire correspond à celui de la photo prise par S3V (voir Figure 32 -).
? De 14h11 à 15h08, de très nombreux BP arrêt frein2 pupitre/extérieur et BP arrêt
frein1 pupitre ont lieu. Ces nombreuses activations de BP pourraient correspondre au
nettoyage des poulies bout par bout, en tournant petit à petit les poulies pour faciliter
l?accès aux agents S3V. Les garnitures auraient également été nettoyées dans cette
plage horaire, voire à partir de 13h05.
? Le test suivant a lieu à 15h15: c?est un F1MST suivi d?alarmes ?surveillance sens de
marche? et d?alarmes ??dévirage statique?? (temps maximal atteint). Cette information
confirme un freinage non conforme à l?attente. De nouveau à 15h32, le test F1MST est
suivi d?alarmes ?surveillance sens de marche?. À 15h37, un test F2MST est effectué
sans difficulté. À 15h48, un F1MST est suivi d?alarmes ?surveillance sens de marche?.
Puis à 15h56, un F1MST est effectué sans difficulté.
? À 16h06, on observe le verrouillage ouvert du frein 1 (durée 84s) suivi la seconde
suivante de ??Non tombée pince2 frein1?? et ??Non tombée pince1 frein1??. Puis Ã
16h13, le verrouillage ouvert du frein 2 (durée 48s). Ces deux verrouillages pourraient
correspondre à une vérification visuelle par les agents quant à l?état des garnitures des
freins F1 et F2 après ces derniers essais. La journée se finit à 16h30.
Ainsi, après 3F2MST et 2F1MST, plusieurs verrouillages ouverts du F1 ou F2 ont eu lieu,
jusqu?à 13h42. Les nombreux arrêts au BP indiquent que le nettoyage des pistes de
freinage est effectué entre 14h11 et 15h08. Ensuite 4F1MST et 1F2MST sont réalisés:
les premiers déclenchent des alarmes dans l?automate et les derniers F1 et F2 sont bons.
- Historique du 29/09/2021 avant l?essai final de 12h10
L?installation est mise en marche à 7h40. Les arrêts demandés et les défauts notables
observés au cours de la matinée sont en adéquation à ceux listés et décrits via les
courbes du TIA (chapitre 3.9.1 -).
À noter en sus qu?à 11h41, l?alarme ?Verrouillage ouvert frein 1?, avec la non-tombée de
P1F1 et P2F1, est notifiée et acquittée après 9minutes. Non identifié dans les
témoignages, cela pourrait correspondre à une vérification visuelle par les agents quant Ã
l?état des garnitures des freins F1. Il y a un test de F1 à la montée à 11h53 puis un test
de F1 à la descente à 11h59.
À 12h10, a lieu le F2MST ?Test automatique: Arrêt F2? qui mène à l?accident.
En conclusion, sur les deux jours de pré-essais, nous comptabilisons 13tests F1MST et
9tests F2MST. Sur les trois derniers jours, l?ensemble des données de l?automate
corrobore les témoignages ainsi que les courbes du TIA, et confirme que le système de
freinage a présenté quelques difficultés avant (défauts, verrouillage pinces de frein) et
évidemment pendant l?IA.
42
3.6 - Les conclusions sur les constats immédiats
Le lundi 27 septembre 2021 , des agents de l?exploitant S3V réalisent des pré-essais sur
le téléphérique de La Saulire afin de préparer son inspection annuelle, prévue deux jours
plus tard ? le mercredi 29septembre. Le matin est dédié au chargement (11,4tonnes
d?eau) de la cabinen°1. L?après-midi, un certain nombre d?essais ont lieu. Au cours de
ces essais, la piste de freinage devient tiède et une odeur de brûlé se fait sentir. Les
pinces de frein sont alors ouvertes par les agents S3V et les plaquettes (1erjeu) sont
observées. Ces dernières sont retirées étant donné qu?elles sont ?glacées?, même si elles
ne présentent pas d?usure de leur garniture. Elles sont remplacées par des plaquettes
neuves (2?jeu). Ce remplacement pourrait avoir lieu entre 15h23 et 15h55 selon les
témoignages et l?historique de l?automate. Deux tests du frein F1 et un test du frein F2
sont effectués, puis la journée se termine.
Le mardi 28 septembre , les essais de préparation se poursuivent. Des tests sont lancés:
4 à 5arrêts en freinage F1 et F2 sont effectués ? des freinages légers à faible vitesse
pour le rodage des plaquettes. Un dépôt noir est visible sur les deux côtés des pistes de
freinage des deux poulies. Les plaquettes présentent un état de surface jugé anormal par
l?exploitant: elles sont glacées, avec de larges traces grises. À 13h45, une des plaquettes
du 2?jeu est prise en photo. Les agents S3V toilent les huit plaquettes et réalisent un
nettoyage complet des pistes de freinage avec du nettoyant Berner. Ils remettent les
plaquettes du 2?jeu, réglées aux mêmes cotes (de garde et de compression) que l?année
précédente. Puis ils refont des essais de freinage: les temps sont en adéquation avec
leurs attentes et il n?y a plus d?odeur de brûlé, plus de dépôt, plus d?échauffement. La
journée se termine sur trois arrêts considérés comme bons.
Au cours de ces deux jours, les tests F1MST (test frein F1 dans la plus forte pente) et
F2MST (test frein F2 dans la plus forte pente) auraient été réalisés étagés (pas à plein
couple) et certains à vitesse réduite (donc inférieure à 11m/s).
Au matin du mercredi 29 septembre , avant de commencer l?inspection annuelle, il n?y a
pas de traces sur les pistes de freinage. Le technicien d?inspection annuelle arrive au
téléphérique de La Saulire. Les mesures de cotes de garde et des cotes de compression
sur les 4 pinces de frein sont réalisées et notées. Puis, remontés au poste de pilotage de
l?appareil, les agents de S3V et le TIA, sous le regard de l?agent du STRMTG,
commencent les phases d?essais en charge en suivant l?ordre du rapport d?inspection
annuelle de l?année précédente. Ils font des essais de freinage F1 puis F2 (étagés) et des
arrêts électriques, en montée et en descente. En freinage F1 modulé, cela freine trop.
Descendu en machinerie, le conducteur desserre une pince du frein F1, ce qui donne un
temps de freinage à 14secondes. Puis à l?essai suivant, il desserre un peu plus les deux
pinces de frein F1, donnant ensuite un temps de freinage à 19secondes. Puis il resserre
pour un temps de freinage de nouveau à 19secondes. Ce dernier réglage n?a pas eu
d?action sur le temps de freinage. Le dépôt s?est reformé, l?odeur est revenue. Les cotes
de garde sont à chaque fois contrôlées et égales à 30mm. Aucun réglage n?est effectué
sur les pinces du frein F2. L?entrefer n?est pas contrôlé.
Les trois derniers essais à la descente avant le test fatidique donnent des temps très
longs, les deux derniers sont mêmes considérés caducs par le TIA, avec entrée en action
du frein F2 du fait d?un frein F1 insuffisant.
L?ensemble des participants conclut de reporter l?inspection annuelle. Un dernier essai est
demandé par les agents S3V pour vérifier le frein F2 à la descente. Aucune objection
n?est émise, le câblage de l?ordinateur du TIA sur l?armoire de commande du téléphérique
est maintenu en place.
43
Le conducteur lance donc l?essai F2MST, il est 12 h 10 . La cabinen°1 est positionnée en
gare amont. Elle descend, l?accélération de l?appareil est pilotée manuellement via le
potentiomètre disponible au pupitre, l?installation atteint la vitesse de 11m/s, la cabine
chargée franchit le point de lancement de l?essai, la traction est coupée et le pilotage de la
tombée du frein est engagé mais au lieu de réduire, la vitesse augmente. Des défauts et
alarmes sont enregistrés par l?automate. Le système mécanique de détection de
survitesse se déclenche, la survitesse est également détectée par l?automate ainsi que le
non-ralentissement du téléphérique (??contrôle décélération?). L?installation continue Ã
prendre de la vitesse. Le conducteur essaye de l?arrêter en utilisant tous les
boutons-poussoirs d?arrêt sur le pupitre. L?électricien coupe l?armoire de commande derrière
lui par le biais d?un sectionneur. Cette coupure n?a pas d?effet sur les enregistrements par
l?outil du TIA. La vitesse atteint probablement les 16,5m/s. À partir de la coupure de
traction, l?accélération est quasi constante et en moyenne, est égale à 0,38m/s². La
cabinen°1 descendante croise la cabinen°2 montante et approche du pylône. La
vitesse décroît jusqu?à l?arrivée de la cabine descendante vers le pylône puis augmente
de nouveau par oscillations. Les participants sortent tous du poste de commande. Le
responsable électrique descend en machinerie par l?escalier, le conducteur le suit. Ils
voient que les plaquettes des freins sont en appui, de la fumée s?échappe des quatre
pinces. Ils coupent les armoires de puissance. L?installation ralentit et la cabinen°1,
chargée de 11,4tonnes d?eau, heurte la gare aval à une vitesse d?environ 8m/s. Le
téléphérique s?arrête de fait. Entre la coupure de la traction et le choc, il s?est écoulé
1minute et 47secondes (107secondes).
Il n?y a pas de blessés.
Les cabines sont fortement abîmées, le câble tracteur a subi des dommages et quelques
dégâts sont visibles sur les deux gares. Le butoir de la gare aval a été cassé et projeté en
arrière-gare dans le choc.
En machinerie, le TIA, S3V et le STRMTG relèvent les cotes des pinces de frein: les
cotes de garde sont passées de 30mm à 27mm pour toutes les pinces. Et les cotes de
compression des rondelles ont augmenté de 2 à 3mm. Les plaquettes (2? jeu) présentent
une usure de la garniture. Des résidus sont observés sous les pinces du frein F1, moins
sous celles du F2. Les deux pistes de freinage des deux poulies présentent des traces
noires.
L?automate et les graphes du TIA sont concordants dans les informations qu?ils ont
enregistrées ? aux limites près de l?archivage et de la surveillance des grandeurs
physiques. Aucune anomalie de fonctionnement de la commande et du pilotage des
freins, ni d?anomalie de réponse des pinces de freins n?est enregistrée, alors qu?elles sont
surveillées par l?automate.
Le décalage de la tombée du frein F1 à 33secondes au lieu de 21secondes est liée soit
à une saturation de la carte d?acquisition de la vitesse, soit plus probablement à une
coupure de l?alimentation électrique de la carte pouvant induire une information vitesse
nulle de l?installation à destination de la carte de régulation de F1.
Le graphe ci-après reprend la courbe de la vitesse de l?installation en fonction du temps,
en identifiant quelques événements et mesures.
44
Figure 45 - Courbe vitesse/temps de l?essai fatidique avec annotations (source TranscableHalec modifiée)
45
3.7 - Les premières vérifications
Le 4mars2022, des observations et vérifications ont été réalisées dans le cadre des
opérations d?expertise judiciaire.
? La commande d?ouverture et de fermeture des freins depuis l?armoire de contrôle
conduit à l?ouverture et la fermeture des pinces. Ainsi, la chaîne de relayage des freins
entre la commande à l?armoire jusqu?aux pinces fonctionne bien.
? La gorge des poulies ne présente pas de défaut apparent.
De plus, le coefficient de frottement d?une poulie caoutchoutée (0,3 est trois fois
supérieur au coefficient de frottement minimum nécessaire (0,1 selon la note de calcul
de Poma): il est donc très improbable qu?il y ait eu perte d?adhérence du câble ayant
conduit à un glissement.
? Les trois fissures (sur deux mâchoires de frein ainsi qu?une au niveau d?un rayon d?une
poulie motrice) signalées lors de la grande inspection de 2019 ont bien été réparées et
ne présentent pas de désordre.
Figure 46 - Fissure sur poulie voie 1 ayant été réparée (photo expert judiciaire)
? Les poulies ont été vérifiées et présentent un voile léger, un peu plus important sur la
poulien°1. La piste de freinage de la poulien°2 présente une épaisseur moindre que
celle de la poulien°1. Pour précision, ces poulies ont été rectifiées (rabotées) in situ au
début de l?exploitation du téléphérique.
? L?épaisseur des pistes de freinage est de 22,2mm pour la voie1 et entre 21,0 et
21,1mm pour la voie2.
? Ultérieurement, deux pinces (F1P2 et F2P2) ont subi des contrôles métrologiques par le
CETIM et n?ont pas montré de différence dimensionnelle significative entre elles.
46
3.8 - Les investigations sur les évolutions et les événements du
téléphérique de La Saulire
À son installation en 1984, l?appareil connaît des difficultés de réglages de la cote de
garde qui est finalement réglée à 30mm (au lieu de 40mm) pour permettre un bon
fonctionnement des pinces et donner des temps de freinage satisfaisants. En mai1985,
les pistes de freinage des poulies ont été rectifiées sur place. Le directeur d?exploitation
de l?époque ajoute que «les axes de frein qui étaient grippés ont été remplacés et
éventuellement les plaquettes changées». En juillet1985, les pinces de frein ont été
modifiées suite à des problèmes rencontrés au cours de la première année d?exploitation:
une plaque d?arrêt est ajoutée afin d?immobiliser mécaniquement la vis de réglage du jeu
entre garnitures et disque (entrefer) et des bagues sont remplacées par des rotules suite
au grippage d?une pince.
Le 9janvier1987, une coupure de la télétransmission déclenche un arrêt d?urgence sur
l?installation, stoppant brutalement cette dernière. La cabine descendante a été projetée
contre un élément du pylône et a subi d?importants dégâts matériels. Les 5voyageurs
présents dans cette cabine n?ont pas été blessés et le cabinier a subi des blessures
légères. Suite à cet événement, des essais dynamiques montrent que la puissance de
freinage a augmenté sans que le réglage du couple n?ait été, à la connaissance du
directeur d?exploitation, modifié. En octobre1987, la situation s?est inversée: le BDARM
(bureau de contrôle qui fusionnera avec le STRMTG en 2011) remarque que l?action d?un
frein est insuffisante pour arrêter la cabine en entrée de gare. Des essais sont réalisés sur
les freins: leur efficacité mécanique n?est pas en cause ni le réglage du couple de
freinage. En janvier1988, le BDARM rappelle la nécessité de vérifier lors des visites
mensuelles et annuelles le réglage des freins de façon à ce que les décélérations ne
s?écartent pas des valeurs obtenues lors des essais dynamiques de janvier1987.
La grande inspection de 1999 met en évidence la rupture d?un bout de piston de frein sur
une pince: le piston de frein est remplacé. Selon le programme de grande inspection, les
rondelles de frein sont changées. Rien d?autre n?est constaté. La grande inspection est
validée, l?exploitation continue.
En 2010, a été réalisée la modification la plus conséquente à date sur La Saulire. Du fait
de l?obsolescence de certains composants et de la télétransmission, S3V décide de faire
rénover l?appareillage électrique et la partie contrôle-commande du téléphérique.
AixHydro et ATV ont proposé de réduire l?effort de freinage pour limiter les arrêts en
montée trop brusques avec une centrale sans contre-pression. Pour ce faire, S3V confie Ã
DCSA la maîtrise d?oeuvre des travaux. La centrale de frein et les blocs de distribution
sont remplacés par du matériel neuf, avec conservation du principe de fonctionnement du
frein de service F1 (modulé - voie régulée de 0 à 100%) et modification du
fonctionnement du frein urgence F2 en Tout ou Rien à 50% et 100% (cf. Figure 13 -).
Au cours des études sur cette rénovation, il est apparu qu?avec la nouvelle centrale et
avec les rondelles Belleville existantes réglées au minimum de force appliquée, le
fonctionnement était améliorable. En effet, le couple de serrage des pinces de frein était
trop important au vu des temps de réaction de la nouvelle centrale hydraulique et de
l?inertie de l?installation. La décision est prise de modifier le réglage des freins en
remplaçant les 11rondelles de 8mm par des 6mm permettant d?obtenir un détarage27
des freins. Cela permet de recentrer le réglage des freins et de retrouver une marge de
réglage, de choisir des rondelles permettant un recouvrement avec le fonctionnement
actuel et de conserver une centrale simple. Le changement des rondelles des 4pinces de
freins est donc effectué: le nombre de 11rondelles est maintenu mais d?une épaisseur de
6mm (au lieu de 8mm).
Lors des essais de réglage de l?installation en octobre 2010 et à la lecture des rapports de
27 Le détarage est le choix de conditions de fonctionnement d?un matériel largement en deçà des conditions
limites, de façon à réduire les contraintes et augmenter ainsi la fiabilité et la durée de vie.
47
visites annuelles réalisées les années précédentes, DCSA constate que les essais de
freinage n?étaient auparavant pas réalisés dans le cas le plus défavorable de plus forte
pente28. Afin d?améliorer le niveau de sécurité de l?installation, les essais sont désormais
faits à 230m de la gare amont (au lieu de 400m) pour la cabinen°2 chargée ou 1490m
de la gare aval (au lieu de 1315) pour la cabinen°1 chargée. Ces essais en charge
effectués dans la pente la plus défavorable ont conduit à réduire la capacité utile de la
cabine de 160 à 142personnes. La réduction de masse a été approchée par ratio puis
validée lors des pré-essais.
Un contrôle sur les documents de conception (analyse des dossiers techniques, du code
automate et de la procédure de réception) a été réalisé par un contrôleur technique
indépendant afin de vérifier la conformité du système à la législation en vigueur. Il n?a pas
révélé de point critique sous l?angle de la sécurité: le traitement des fonctions de sécurité
réglementaires est assuré de façon tri-redondante par un APIdS et l?écriture du code
automate ne présente pas d?anomalie. Le bon fonctionnement a été vérifié lors des essais
de réception.
En 2013, un problème est détecté en visite annuelle: les freins F1 et F2 ont une capacité
de freinage trop importante. Des réglages de pression et de cote de garde ont alors été
effectués par Seirel et AixHydro. Ces derniers identifient «un problème d?adhérence des
plaquettes» de freins sur les pistes de freinage qui pour eux provient du nettoyant frein
de marque Berner utilisé par l?exploitant, nettoyant qu?ils jugent comme «absolument pas
adapté» au système installé.
Des évolutions du logiciel ont eu lieu depuis la réception de l?appareil en 2010: aucune
évolution ne portait sur le programme de test du frein F2. La dernière version installée sur
l?automate de La Saulire date de juillet 2018.
Lors de la grande inspection (GI) de 2019, la boulonnerie de fixation a été remplacée et
les freins ont subi un contrôle magnétoscopique (mâchoires, supports, axes de tourillons).
Ont été détectées: une fissure de 20mm sur la mâchoire de frein n°2 pince2-B, une
fissure de 12mm sur la mâchoire n°2 de la pince1-B ainsi qu?une fissure de 25mm au
niveau du rayon n°9 de la poulie motrice voie1 en aval. Conformément aux exigences
réglementaires, le responsable de la GI a autorisé la réparation de ces fissures, effectuée
par l?entreprise GMS. Lors de l?expertise en avril2022, il a bien été constaté pour chacune
la présence de la recharge, de la nouvelle peinture et l?absence de fissure. À l?occasion
de cette GI, les plaquettes de frein ont toutes été changées.
Il n?a ensuite pas été remonté d?incident ou de modification jusqu?en septembre 2021.
En synthèse, le téléphérique a connu des débuts délicats quant au réglage de ses freins.
La modification de 2010 a fait évoluer le pilotage automatique et une partie du système
mécanique de freinage. En 2013, le nettoyant freins Berner est déconseillé par Seirel et
AixHydro. En 2019, la grande inspection du téléphérique s?est déroulée de façon
classique et les quelques désordres constatés ont été réparés. Aucune difficulté n?est
rencontrée jusqu?au 27/09/2021, aucune inspection annuelle précédente n?a révélé de
problème. Les résultats concluants ont été tracés dans les rapports d?inspection annuelle.
Une étude plus précise des résultats des inspections annuelles est réalisée dans le
paragraphe suivant.
28 Pour mémoire, lors de sa construction, le téléphérique relevait du règlement des remontées mécaniques
de 1969. Ce dernier n?imposait pas de faire les essais dans les pires conditions, mais des essais
représentatifs permettant de corroborer les résultats des calculs indiquant quelle est la situation qui
sollicite le plus l?appareil (sans risque de détériorer un de ses organes). La note de calcul de 1984
comporte un nombre limité de cas de charge par rapport à ce que l?on ferait aujourd?hui avec les
nouveaux moyens de calcul. À l?époque, le point d?essai est alors choisi à 400m, car en milieu de portée
entre la gare amont et le pylône, et un bon repère visuel pour lancer un arrêt de la cabine.
Le véritable point de plus forte pente de la ligne se trouve à 5mètres en dessous de la gare G2 mais
n?est pas exploitable, car la vitesse est faible à cet endroit.
48
3.9 - Les investigations sur les résultats des inspections annuelles des
dix dernières années
3.9.1 - Les freinages au cours de l?inspection annuelle du 29/09/2021
Des courbes vitesse/temps ont été produites par le logiciel du TIA lors de l?Inspection
Annuelle. Voici les principaux tests réalisés (et rédigés en vert, les réglages effectués):
? F1 modulé à la montée, initié à 9h36: à la montée, le frein F1 est aidé par l?inertie
de la cabine chargée pour ralentir et arrêter l?installation. Le temps de freinage est de
9secondes. La décélération est égale à 1,22m/s².
? F1 modulé à la descente, initié à 9h43: le temps de freinage est de 12,4s et la
décélération égale à 0,94m/s². Dans cet essai de F1 modulé, les freins F1 sont
appliqués presque au maximum tout au long de l?essai, il est quasiment équivalent à un
F1 plein couple.
Figure 47 - Essai freinage F1 modulé à la descente ? 9h43
? F2 à la montée, initié à 9h47: à la montée, le frein F2 (plein couple) est aidé par
l?inertie pour ralentir et arrêter l?installation. Le temps de freinage est de 8secondes. La
décélération est de 1,36m/s².
? F2 à la descente, initié à 9h53: les freins F2 sont appliqués tout du long de l?essai de
freinage et comme F2 est étagé, il peut être appliqué à 50% tout du long ou si besoin Ã
100% dès que nécessaire. La décélération lors de cet essai est égale à 1,05m/s². La
courbe de l?essai de 12h10 aurait dû ressembler à celle-ci si tout s?était bien passé.
Figure 48 - Essai freinage F2 Ã la descente ? 9h53
49
? F1 plein couple à la descente, initié à 10h27: le temps de freinage est de
10,6secondes. La décélération vaut 1,04m/s². Cette valeur est meilleure que l?essai de
9h43 car le F1 est appliqué à 100% immédiatement.
Puis, la cote de compression de F1P1 est mesurée à 122mm (versus 121,1mm Ã
9h20) et seul un réglage de F1P2 est effectué par S3V: diminution du couple de
serrage via la relaxation de la compression des rondelles (cote h).
? F1 à la descente, initié à 10h53: les freins F1 sont appliqués tout du long. Le temps
de freinage est de 14secondes. La décélération vaut 0,78m/s².
Un réglage du frein F1 est effectué par S3V: diminution du couple de serrage via la
relaxation de la compression des rondelles sur F1P1 et F1P2.
? F1 en descente, initié à 11h10: les freins F1 sont appliqués tout du long. Le temps
de freinage est de 19secondes. La décélération est égale à 0,58m/s².
Un réglage du frein F1 est effectué par S3V: augmentation du couple sur F1P1 et
F1P2.
? F1 à la descente, initié à 11h23: le frein de service F1 s?applique (serrage) puis se
relève (desserre) moins de 5secondes après sa tombée pour permettre l?engagement
du frein F2, ce qui signifie donc que le frein F1 n?était plus efficace. Il s?agit ici de
l?activation de la fonction de sécurité ??F2M ? contrôle décélération frein de service
DTC2??. L?arrêt a lieu en 20secondes.
? Gamma de décélération de F1 (attention, calcul sur 4secondes) = 0,21m/s².
? Gamma de décélération de F2 (enclenché à 10m/s et la cabine n?est plus au point
de plus forte pente) = 0,625m/s².
Figure 49 - Essai freinage F1 à la descente (avec entrée en action de F2) ? 11h23
À la fin de ce test de 11h23, les freins F1 et F2 sont dans l?état dans lequel
commencera le test de 11h59.
? F1 à la montée, initié à 11h53: le temps de freinage est de 9secondes, comme pour
l?essai de 9h36. Ce temps est quasi égal à celui de l?essai par inertie (9,8s), ce qui
indique que le frein F1 est à peine sollicité. F2 n?est pas actif.
? F1 à la descente, initié à 11h59: au début de ce test, les freins F1 et F2 sont dans
l?état où ils ont fini le test de 11h23.
À x=230, le frein F1 s?applique ? puis au bout de 4,5secondes, le frein F1 est desserré
et le F2 est appliqué ?. Puis 22secondes plus tard, au bout de la temporisation
d?anti-cumul, le F1 modulé ? agit en complément du F2 pendant quelques autres
secondes. Le temps total d?arrêt de l?installation est 30secondes.
50
Dans cet essai, le F1 n?agit pas comme attendu, tout comme le F2 car un cumul des
freins (et le profil de la ligne qui s?aplatit) est nécessaire pour arrêter l?installation. On a
vu que des défauts sont apparus sur l?automate lors de cet essai. L?essai est considéré
comme ?non valide? par le technicien d?inspection annuelle. C?est à l?issue de cet essai
qu?il est décidé de faire une pause dans l?IA de La Saulire.
Figure 50 - Essai freinage F1 Ã la descente ? 11h59
Lors de cet essai, les décélérations obtenues sont très faibles:
1. Gamma de décélération F1 seul = 0,27m/s².
À 11h23, la décélération de F1, au même endroit29, était de 0,21m/s².
Gamma de décélération F2 sans F1 = 0,35m/s².
À 11h23, la décélération de F2, au même endroit, était de 0,625m/s².
2. Gamma de décélération F2 + F1 modulé = 1,12m/s².
La perte d?efficacité entre l?essai de 11h23 et celui de 11h59 concerne surtout le frein F2.
? F2 en descente, initié à 12h10: dans le cadre des vérifications des décélérations,
nous zoomons sur les premières secondes de l?essai du frein F2 de 12h10.
Figure 51 - Zoom sur les premières secondes de l?essai
ayant conduit à l?accident ? 12h10
Passé les 1 ou 2millisecondes nécessaires
à l?application des freins, l?installation subit
une accélération, calculée à 0,18m/s². Puis
un palier où la vitesse reste constante 1 Ã
2secondes et enfin une pente de 0,33m/s²
avant l?écrêtage de la valeur de la vitesse.
Or l?accélération sans freinage a été
calculée30 à 0,426m/s². Au début du test
fatidique, la décélération du F2 peut donc
être déduite comme valant environ
0,25m/s².
Il y a eu une très faible action du frein F2 sur l?installation, réduisant un peu la
montée en vitesse par rapport à ce que l?accélération aurait été si l?installation
n?avait pas subi de freinage.
29 Attention, la délicatesse des mesures prises sur les graphes influe sur le résultat du gamma. Et attention
au fait que les pistes de freinage s?échauffent petit à petit: les conditions entre deux essais varient.
30 Avant que les garnitures n?arrivent sur la piste, il n?y a aucun freinage: l?accélération pendant ce temps
est de 0,426m/s² d?après l?essai 20096MINERTI, cité dans le dossier de la modification de 2010, en
supposant que cette valeur soit bien pour x=230.
51
Bilan des valeurs de décélération du F1
Les éléments retranscrits ci-après sont à prendre comme des tendances approximatives,
car les points de déclenchements ou de l?activation de ces freins ne sont pas situés au
point pénalisant de la plus forte pente. Par ailleurs le comportement de la cabine opposée
peut également influer sur ces valeurs.
Pour le F1: ? 9h36 à la montée: ? = -1,22 m/s²
? 9h43 à la descente: ? = -0,94 m/s²
Diminution/relâche du couple de serrage
? 10h53 à la descente31: ? = -0,78 m/s²
Seconde diminution/relâche du couple de serrage
? 11h10 à la descente: ? = -0,58 m/s²
Remise de couple de freinage
? 11h23 Ã la descente: essai caduc, F1 pas efficace, il sort des courbes
de tolérance de l?automate: ? = -0,21m/s² (sur 4 secondes)
? 11h59 Ã la descente: essai caduc, F1 pas efficace, sort des courbes de
tolérance de l?automate: ? = -0,27m/s²
? Lors de l?accident: ? = inconnu
Le frein F1 voit ses capacités de freinage diminuer au fur et à mesure des essais. Mais
les réglages entrant en jeu, il est normal que le gamma diminue excepté pour le dernier
réglage où l?on revient à la cote de compression initiale. Il est alors acceptable de
comparer le premier et le dernier essai du F1MST: la décélération au point de plus forte
pente en descente passe de 0,94m/s² à 0,27m/s² en 5 essais de F1.
Bilan des valeurs de décélération du F2
Pour le F2: ? 9h47 à la montée: ? = -1,36m/s²
? 9h53 à la descente: ? = -1,05m/s²
? 11h23 à la descente: ? = -0,62m/s² (en rattrapage de F1)
? 11h59 à la descente: ? = -0,35m/s² (en rattrapage de F1)
? Puis l?accident: ? = -0,25m/s²
Ainsi, le jour de l?accident, 3essais ont sollicité le F2 à la descente (en montée, étant
donné qu?il y a peu de sollicitation du frein du fait de l?inertie et du freinage à seulement
50%, l?effet de ces essais est considéré ici comme négligeable). Le gamma de
décélération du F2 diminue, sans que le réglage des pinces du frein F2 ne soit modifié par
les agents S3V.
En conclusion, au cours de la matinée du 29/09/2021, une évolution décroissante des
décélérations est observable, avec des réglages manuels concernant uniquement la
cote de compression des rondelles du frein F1. Cette dérive de la capacité de freinage de
l?installation est constatée sur les deux freins, F1 et F2. Lors du dernier test fatidique de
12h10 avec F2, on constate l?incapacité de l?installation à arrêter les cabines avant les
butoirs situés au bout des quais.
31 La note de calcul de 2010 concernant la modification fournie par Seirel indique, à un freinage à 100%, un
gamma calculé de 0,709m/s² à la descente pour des temps d?arrêt de 15,5secondes.
52
Il n?est pas possible d?identifier la contribution de F1 au ralentissement de l?installation,
faute de données de vitesse disponibles à 12:02:02. Ainsi, il paraît difficile de déterminer
l?impact sur les conséquences de l?accident qu?aurait eu la tombée du frein F1, s?il avait
été appliqué 13secondes plus tôt ? sachant que la dynamique de l?installation est
différente selon le point de départ d?un freinage.
Les garnitures à l?issue de l?accident sont dans un état qui peut être:
1- soit la conséquence de la perte de maîtrise du freinage (contraintes mécaniques et
thermiques anormales et exceptionnelles auxquelles ont été soumises les plaquettes du
fait de la vitesse atteinte par l?appareil sur ce dernier test de freinage) conduisant Ã
l?accident;
2- soit la conséquence d?une dégradation apparue avant l?engagement du test fatidique;
3- soit les deux cumulés.
Étant donné que les performances de freinages du F1 et du F2 se dégradent au fur et Ã
mesure de la matinée jusqu?à être inacceptables lors des tests de 11h23 et 11h59, la
seconde hypothèse est très probable.
Lors des pré-essais de l?IA de 2021, les capacités de freinage des garnitures du 1erjeu ne
sont pas mesurables, en l?absence de courbes de vitesse selon le temps. On peut
simplement noter qu?elles ont été extraites entre deux essais puis remplacées et que leur
état de surface était ?glacé?.
53
3.9.2 - Les temps de freinage des inspections annuelles de 2020 et 2019
TranscableHalec, ayant réalisé les Inspections Annuelles précédentes, a transmis les
courbes des essais de 2020 et de 2019: nous présentons ici uniquement les essais de
frein F1 et F2 plein couple à la descente.
? En 2019, l?essai de frein F2 plein couple à la descente débute à une vitesse de 11m/s.
Le temps de freinage est égal à 13,3s. La décélération totale est de 0,85m/s².
? En 2020, l?essai de frein F2 plein couple à la descente débute à une vitesse de
10,95m/s. Le temps de freinage est de 13,5s. La décélération totale est de 0,81m/s².
Figure 52 - Courbe de l?essai de F2 plein couple à la descente (IA 2020) (source Transcable Halec)
? En 2019, l?essai de frein F1 plein couple à la descente commence à la vitesse de
11m/s. Le temps de freinage est égal à 15s. La décélération totale est de 0,73m/s².
? En 2020, l?essai de frein F1 plein couple à la descente commence à la vitesse de
11m/s. Le temps de freinage est de 15s, la décélération totale est de 0,73m/s².
Figure 53 - Courbe de l?essai de frein F1 plein couple à la descente (IA 2020) (source Transcable Halec)
En conclusion, lors de ces deux IA, les temps de freinage F1 et F2 Ã la descente sont
entre 13 et 15secondes, les décélérations se situent entre 0,73m/s² et 0,85m/s². Ces
inspections annuelles sont conclusives, tracées dans un rapport du TIA et ont permis la
poursuite de l?exploitation du téléphérique de La Saulire en accord avec la réglementation
en vigueur. Les comptes rendus de ces deux inspections annuelles n?indiquent pas de
54
réglage du frein F1 ou du frein F2 pendant l?inspection annuelle (alors que, le cas ayant
été rencontré en 2017, cela a été écrit dans le compte rendu correspondant, réalisé et
rédigé ici aussi par TranscableHalec).
3.9.3 - L?évolution des temps de freinage au cours des inspections annuelles
depuis 2010
Lors des inspections annuelles sur le téléphérique de LaSaulire, la série d?essais de
freinage pour vérifier les capacités de l?installation est similaire d?une année sur l?autre
(excepté l?ordre de réalisation des essais). Le rapport de chaque IA depuis 2010 a été
étudié, année de la modification d?une partie des freins et des premiers essais au point de
plus forte pente x=230. Les valeurs antérieures à 2010 ne sont donc pas comparables.
Le tableau ci-dessous présente les données pour l?IA de 2010 puis celles de 2013, 2016
et les trois dernières avant l?accident en 2021.
IA 2010 IA 2013 IA 2016 IA 2018 IA 2019 IA 2020 Accident 2021
Cabine chargée à 11,4T n°2 n°2 n°1 n°2 n°2 n°2 n°1
Inertie ? montée (secondes) 9,4 9,3 9,8 9,8 9,8 9,2 9,83
F1 plein couple descente
(sec)
18,8 18,2 16,86 17,4 14,9 15,04 12,4 (9h43)
10,6 (10h26)
14 (10h52)
19,1 (11h10)
F1 modulé descente (sec) X 19,94 19,18 20,10 16,6 15,58 11,4 (9h42)
F1 plein couple montée (sec) 4,9 4,76 4,8 4,3 4,8 4,77 X
F1 modulé montée (sec) 8 8,95 9,15 7,6 9,1 9,15 9,1 (9h35)
F2 plein couple descente
(sec)
X 16,78 18,96 19,4 13,3 13,5 11,0 (9h53)
accident (12h10)
F2 étagé descente (sec) 19,8 20,14 18,8 20,10 13,7 14,09 11,0 (9h56)
F2 plein couple montée (sec) 4,9 4,82 4,86 4,2 4,6 4,54 X
F2 étagé montée (sec) 8,8 8,9 8,0 7,7 7,5 7,82 8,20 (9h46)
Relevés cotes de
compression
? en mm
(F1P1, F1P2, F2P1, F2P2)
X 121,5
122,0
122,4
121,5
121,4
121,2
121,0
121,0
121,3
121,3
119,9
120,7
120,3
121,3
120,3
120,7
121,2
122,0
121,2
121,2
121,1 / 123,9mm
120,9 / 123,0mm
121,1 / 123,7mm
121,2 / 124,3mm
Relevés cotes de garde
? en mm
(F1P1, F1P2, F2P1, F2P2)
x 30
30
30
30
30
29,7
30
29,5
29,8
30
30
30
30
30
30
30
30
30
30
30
30 / 26,9mm
30 / 27,2mm
30 / 27,6mm
30 / 27,8mm
? L?IA 2017 a été réalisée avec une seule cabine et ne peut donc être comparée. À noter
toutefois que seul le rapport de 2017 indique un réglage du F1 (desserrage du couple)
pendant l?inspection annuelle: aucune mention n?est faite dans les autres rapports.
? Certaines IA se sont déroulées sur trois jours non concomitants, voire sur six jours en
trois séries (en 2020) alors qu?en moyenne une IA de La Saulire dure deux jours et peut
atteindre un seul jour lorsque les essais ne concernent qu?une cabine (2017). Toutefois,
les rapports ne tracent pas les raisons de l?étalement temporel de l?IA.
? Les temps liés à l?inertie sont constants, confirmant que le cas de charge et les
frottements étaient similaires.
55
Figure 54 - Évolutions des temps de freinage depuis 2010 jusqu?aux essais de 2021
Une variation dans les temps de freinage obtenus est constatée à partir de 2019. La
fluctuation du temps de freinage du F2 plein couple à la descente de 19,4s en 2018 Ã
13,3s en 2019 et à 11,0s en 2021 est importante, diminuant quasiment de moitié entre
2018 et 2021. Le 29/09/2021, les temps obtenus lors des tout premiers essais (F1 plein
couple 100% descente de 10h26 et F2 plein couple 100% descente) sont très courts:
respectivement 10,6s et 11,0s. Ces valeurs n?ont jamais été atteintes auparavant. Ainsi
le téléphérique de La Saulire freinait très fort en début d?IA et évidemment bien moins en
fin de matinée.
On observe que, de 2010 à 2020, les temps de freinage ont globalement diminué au fur et
à mesure des inspections annuelles. Principalement, les essais ??F1 plein couple
descente?? et ??F2 plein couple descente?? diminuent respectivement de 3,8 et 3,3s. Les
cotes de compression et les cotes de garde restent sensiblement les mêmes d?année en
année. Toutefois, une variation d?1mm peut avoir un impact notable sur le freinage. Il faut
également préciser que le réglage de l?entrefer est sensible et a un impact sur l?effort.
Le STRMTG a vérifié s?il existe une corrélation entre les résultats des freinages et les
réglages de l?empilement des rondelles Belleville. Pour F2 en 2019 et pour F1 et F2 en
2020, les cotes (notées dans les comptes rendus d?IA) donnent plus d?effort que pour
2018 ce qui peut expliquer pour partie les temps plus courts. Seul le cas du F1 plein
couple de 2019 permet une analyse plus approfondie en comparaison des résultats de
2018: pour F1P1, la variation de cote de compression (121,3mm à 120,3mm) induit une
diminution de 1500N sur l?effort de freinage. Or le temps de freinage diminue de 17,4s Ã
14,9s. De plus, le process de réglage de l?entrefer ne transparaît pas dans la traçabilité
de l?exploitant et ne semble pas identifié par les opérateurs en charge de cette opération:
si l?entrefer a été réglé de façon équivalente au cours des dernières années, il pourrait
alors être considéré que les (??nouvelles?) plaquettes Cosid132 ont présenté des
performances supérieures aux garnitures d?avant 2019.
3.10 - Les investigations sur les freins: les pinces et les garnitures
3.10.1 - Le montage et le réglage des freins
Une notice a été fournie par ATV via Poma en 1984. L?exploitant a en sa possession la
première version de 1984 mais cette notice apparaît peu consultée par l?exploitant.
En quelques pages, la notice présente les consignes de mise en place de la pince, de
réglage des garnitures, de purge du circuit hydraulique, de réglage du couple et de
56
remplacement des garnitures. Lors du remplacement des garnitures, la notice indique de
serrer à fond l?écrou de déblocage manuel, de desserrer la vis de blocage, de tourner la
vis à pas contraire pour obtenir le maximum de jeu entre les garnitures et la piste de
freinage. Puis il faut écarter la garniture du porte-garniture, pour la déboîter de son
logement et l?extraire parallèlement à la piste de freinage, mettre en place les plaquettes
neuves en s?assurant qu?elles soient bien emboîtées dans leur logement. Enfin, il faut
tourner la vis à pas contraire pour obtenir entre les garnitures et la piste de freinage un jeu
total compris entre 0,5 et 0,7mm (réglage de l?entrefer), bloquer la vis de blocage et
desserrer à fond l?écrou de déblocage manuel. Ce réglage donnerait une cote de garde Ã
37,9mm.
Une fois l?entrefer réglé, il n?est plus nécessaire d?y toucher ? excepté pour régler le jeu
entre plaquettes et piste de freinage suite à usure des garnitures (mais aucun témoignage
ne mentionne formellement ce réglage).
À noter la contrainte redonnée dans le dossier de la modification de 2010: pour
l?empilage, la course maximale des garnitures est de 1,5mm (<2019) et 1,66mm (2010).
Cette contrainte a été exportée et traduite dès l?édition 1984 de la notice d?entretien et de
réglage des freins: «IMPORTANT: Surveiller régulièrement le jeu entre garnitures et
disque qui ne doit jamais être supérieur à 1,5mm. (au-delà de cette cote, il y a risque de
perte de compte [couple])». Cette alerte qui existe depuis la mise en service de l?appareil
est liée à la technologie de ce frein pour lequel, un blocage mécanique (mise en butée de
la tige du vérin) peut rendre le freinage inopérant. Les témoignages ne mentionnent pas
cette surveillance et sa traçabilité ne nous a pas été présentée.
- Impact du réglage de la cote de garde à 30mm
En décembre1984, un courrier confirme la cote à 40mm comme indiqué dans la notice
d?ATV. Suite à des problèmes de réglages de l?appareil, ATV dans un courrier de
février1985 préconise que les réglages conduisent à une cote de garde maintenue Ã
31mm. Une note manuscrite ??29 Ã 33?? est inscrite en dessous de cette valeur. En
juin1985, un autre courrier d?ATV reprend la valeur de 40mm suite à des modifications
sur le frein. L?exploitant indique que le réglage de la cote à 30mm est la donnée retenue
par le fabricant des pinces et qui fut reprise ensuite lors de la rénovation en 2010.
La cote de garde systématiquement réglée à 30mm a un impact sur la course du piston.
Les plans détaillés de la pince permettent de calculer une course possible du vérin dans
la chambre (x+y) égale à 13mm. Dans la configuration de réglage de la cote de garde Ã
30mm (où maximum=40mm), le débattement maximum du vérin est alors de 3mm.
Sur site, les mesures effectuées par AixHydro lors de l?expertise indiquent une cote de
garde pince fermée, sans plaquette, qui est de 27,2 ou 27,3mm: le débattement réel est
donc plus exactement de 2,8mm voire 2,7mm.
Figure 55 - Course possible du vérin dans la chambre (plan ATV)
57
Le rapport entre le serrage des rondelles et le serrage au niveau des pinces est égal Ã
environ 3 (rapport de levier entre piston et garnitures = 281mm/92mm = 3,05). Le bras
de levier entre le vérin et les plaquettes étant donc d?un facteur3, le débattement
maximum de 2,8mm du vérin sous l?action de la libération de la pression hydraulique et
de la force des rondelles Belleville entraîne un déplacement de 0,9mm des plaquettes.
Comme il y a 2plaquettes, si l?usure est bien symétrique, la limite de la capacité des
plaquettes à être mises en contact normalement sur la piste de freinage est de
0,45mm: au-delà , le piston est en butée et aucun effort n?est appliqué sur les plaquettes.
Ici, il est important de noter que le réglage à la cote de 30mm a un impact direct et
notable sur le débattement possible du piston et donc sur l?usure maximale possible au
niveau des garnitures. Au-delà , l?effort de freinage n?est plus transmis correctement. Le
réglage de cette cote à 30mm est restée constant pendant de nombreuses années, la
traçabilité remontant au moins jusqu?en 2010.
- Effet des réglages de l?empilement des rondelles (cote de compression) lors de l?IA
Au cours de l?IA 2021, il y a eu diminution/relâche du couple sur les pinces de F1 pour
rechercher un freinage moins fort: de 121mm au début de l?IA, la cote est passée Ã
121,6mm puis à 122,2mm (avec cote de garde déclarée constante à 30mm). Puis du
couple est remis avec une cote à 121,5mm mais cela donne un essai avec un temps de
freinage (19secondes) aussi long qu?avec une cote relevée à 122,2mm.
Figure 56 - Extrait du dossier de validation des pinces de freins ST3 SH
(source Seirel)
Dans le dossier de validation de la
pince suite au remplacement de la
centrale hydraulique et l?évolution
du type de rondelles, l?effet de la
variation de la hauteur totale de
l?empilement sur le couple (image
du couple) est précisé. Cette
longueur d?empilement est égale Ã
la cote de compression des
rondelles moins la largeur d?un
écrou (pièce n°20) de 12mm.
Ainsi une cote de compression Ã
122,2mm équivaut à une hauteur
totale de 110,2mm, ce qui est au-
delà de la dernière valeur donnée
?26% du couple pour une hauteur
de 110mm.
À la cote de 122,2mm, puisqu?elle est en dehors du périmètre maîtrisé, nous n?avons
(dans le dossier de modification) pas d?information sur la valeur possible du couple
théorique: il n?y a pas de garantie du couple au-delà de 122,0mm mais la valeur reste
très proche de la limite. À noter qu?il est précisé que ces valeurs sont indicatives. Les
caractéristiques des rondelles sont données par leur fabricant Schnorr et l?effort fourni est
58
quasi linéaire en fonction de leur compression. De plus, à cette cote de compression, le
F1 plein couple à la descente permet un arrêt en 19secondes; un couple résiduel existe
puisqu?on a pu ralentir.
En synthèse, les réglages de la cote de compression lors de l?Inspection Annuelle
impactent directement le couple de serrage des rondelles transmis à la poulie (ici la
capacité de freinage est plus faible) ? sans le rendre nul. La limitation des capacités par la
butée n?était pas connue des agents S3V présents. De plus, une mise en garde sur cette
butée n?était pas explicitement apportée dans la notice de réglage des freins. Au
fondement, la lecture du plan de la pince permettait de détecter la possibilité de mise en
butée.
Considérant qu?à aucun moment un réglage de l?entrefer n?est évoqué, la cote de
compression évolue en fonction de l?évolution de l?épaisseur des garnitures. Le
témoignage du chef de secteur (p.23) éclaire la situation: «Le chef de secteur descend
avec le conducteur à la machinerie. La pince P1 du frein F1 est à 122mm, et non pas Ã
121,1mm comme mesuré à 9h20. Afin de rééquilibrer les valeurs des pinces P1 et P2,
une seule pince est réglée, celle tout à droite en descendant l?escalier [F1P2]». Le
passage de la cote de compression de 121,2 Ã 122mm indique d?une part que le couple
appliqué a diminué mais également que l?épaisseur totale des deux garnitures de cette
pince a réduit, alors qu?uniquement un F1 modulé en descente (quasi 100%) et un F1
plein couple descente ont eu lieu. Cette variation de cote traduit une usure cumulée des
garnitures de F1P1 égale à 0,9mm/3 soit 0,3mm pour les deux garnitures donc
150microns par garniture si l?usure est symétrique. Les deux freinages ayant eu lieu sur
11s pour le F1 modulé (appliqué au maximum) et 10,6s pour le F1 plein couple, le taux
d?usure vaut environ 7µm/s. Ainsi, l?évolution «spontanée» de la cote de compression
entre 9h20 et 10h30 ne peut que traduire l?usure des garnitures sur la pince F1P1,
d?une vitesse estimée à 7µm/s.
- Observations complémentaires sur l?activation des pinces de frein
Le circuit hydraulique a été vérifié: la mise en pression manuelle du circuit hydraulique a
été réalisée et pour chaque pince, une mesure du déplacement en fonction de la pression
a été effectuée. Cette activation a été réalisée à la montée en pression et à la redescente,
ce qui tracera les courbes ci-après présentant une hystérèse. L?évolution du déplacement
des quatre pinces en fonction de la pression est en adéquation à l?attendu.
Des variations entre les pinces du F2 sont observables: pour F2P1, Ã la cote de 3mm
(course du piston dans le vérin, en descente de pression) correspond une pression de
42,4bars alors que pour F2P2 elle est de 30bars. Cette variation de 25% entre les deux
pinces exprime un déséquilibre, une dissymétrie entre les deux pinces du frein F2: F2P1
freine plus fort que F2P2. Par contre, entre F1P1 et F1P2, les pressions sont similaires.
Figure 57 - Relevés des courses en fonction de la pression hydraulique pour chaque pince (source AixHydro)
59
Avec la traduction de ces pressions en effort, réalisée par le STRMTG, il est confirmé que
l?effort délivré par l?empilement des rondelles de la pince F2P2 est plus faible.
Effort de l?empilement de rondelles ressorts F1P1 F1P2 F2P1 F2P2
Pour la garde de réglage initial de 30mm 15625N 17601N 16908N 14606N
Juste avant mise en butée interne 12020N 13361N 13861N 9883N
Cette différence est plus marquée lorsqu?on s?approche de la fin de la force de serrage.
Figure 58 - Force de l?empilement des rondelles Belleville pour chaque frein
en fonction de la cote de garde (source STRMTG)
Trois causes peuvent expliquer ce déséquilibre: 1- le réglage n?est pas le même selon les
pinces, or les témoignages indiquent que les réglages sont toujours faits de la même
manière quelle que soit la pince; 2- la géométrie du piston et du vérin varie entre les
pinces; 3- une ou des rondelles sont abîmées sans que cela se voie forcément.
Concernant l?entrefer, pinces ouvertes, on
observe que les plaquettes ne sont pas
positionnées de façon parallèle à la piste de
freinage des poulies. Un écart de 0-0,3mm
en bas et de 0,2-0,75mm en haut est
observé. Mais frein fermé, les plaquettes se
réalignent et reviennent parallèles à la piste
? du fait que les pinces sont «flottantes»32.
Les axes de frein présentent un degré de
liberté permettant cet ajustement. L?effort
de poussée se répartit de manière uniforme
sur les deux plaquettes.
Figure 59 - Mesures des
distances entre plaquettes
de F1P2 et la piste de
freinage
Figure 60 - Supports
de plaquette vides
(photo expert judiciaire)
32 Un télex du 05/12/1984 précise que, du fait que les pinces sont flottantes, le voile des poulies peut être
plus important que précisé sur la notice ATV, et ce jusqu?à 2mm. Une note du 28/02/1985 d?ATV à Poma
donne la valeur de ±2,5mm de déplacement admissible. Le fait d?être flottantes permet aux pinces de
reprendre le voile de la poulie.
60
En synthèse, la pression hydraulique permet une ouverture et une fermeture de chacune
des pinces. Du fait du degré de liberté sur les axes de frein l?effort de poussée se répartit
sur les deux côtés de la pince, sur les deux garnitures. Un déséquilibre est constaté entre
les deux pinces de frein F2, mais les mesures ne montrent pas de déséquilibre sur le F1.
3.10.2 - Les investigations sur les garnitures des freins
- Les épaisseurs de plaquettes
L?épaisseur d?une plaquette neuve est 14mm dont 10mm de garniture Cosid132. Les
épaisseurs des plaquettes des deux freins F1 utilisées le 27/09/2021 lors des pré-essais
(plaquettes 1er jeu) ont été prises par l?exploitant, en 3points, avec un pied à coulisse et
avec une marge d?erreur estimée à 1/10mm. Les épaisseurs des deux plaquettes de
F1P1 ainsi que les deux de F1P2 sont mesurées à 14,0mm d?épaisseur (épaisseur totale
avec le support qui fait 4,2mm d?épaisseur). Puis le CETIM a effectué les mesures
suivantes en cinq points des garnitures qui lui ont été transmises:
Figure 61 - Synthèse des mesures d?épaisseur de garniture (source CETIM33)
La plaquette veille de l?incident 2019 n°1 correspond à une des plaquettes de la pince F2P1
Ainsi, une garniture neuve peut avoir une épaisseur moyenne entre 10,38mm et
10,07mm, et présenter une variation de 0,25mm d?épaisseur.
Le CETIM a également mesuré l?épaisseur de deux garnitures du 1er jeu: l?une fait en
moyenne 10,04mm (donc aucune usure) et l?autre 8,01mm (soit 2,0mm d?usure). Cette
plaquette a été usée de façon importante. N?ayant aucun élément sur les réglages de
l?entrefer et des cotes, toute analyse s?avère hasardeuse.
Pour les garnitures impliquées dans l?accident (2? jeu), les épaisseurs des plaquettes sont
mesurées sur site lors de l?expertise judiciaire:
Plaquettes neuves = 14mm F1P2 F1P1 F2P1 F2P2
Plaquette d?un côté 12,7mm 12,6mm 13,2mm 13,2mm
Plaquette de l?autre côté 12,6mm 12,6mm 13,0mm 13,0mm
Les mesures du CETIM (8,89mm pour une garniture 2? jeu et 9,59mm pour l?autre) ne
concordent pas avec les mesures de l?expert judiciaire. Nous garderons ici les valeurs
mesurées au contradictoire (lors de l?expertise) à savoir: quatre garnitures des freins F1
33 Il ne nous a pas été précisé la localisation des points de mesure.
61
présentent une usure homogène située entre 1,3 à 1,4mm, celles du frein F2 présentent
une usure de 0,8mm à 1,0mm.
Il est possible de comptabiliser les tests de freinages F2MST mais sans traçabilité de la
vitesse et le lieu de déclenchement du freinage, l?analyse reste peu pertinente pour
caractériser l?usure des garnitures. Selon les données issues de l?automate, le
27/09/2021, 5F2 ont été engagés. Le 28/09/2021, 4F2 ont été engagés. Le 29/09/2021,
le F2 a été commandé en test spécifique une fois à la descente avant celui ayant mené Ã
l?accident mais également il a été déclenché 2fois en ?rattrapage? du F1. En
comparaison, une inspection annuelle «classique» sollicite une fois le frein F2 en
descente à 100% et une autre fois en modulé, sachant que des pré-essais sont toujours
réalisés. Lors de l?IA 2021, le F2 semble donc avoir été sollicité de façon «usuelle» pour
une IA, par contre le F1 a été plus sollicité.
En synthèse, toutes les garnitures du 2? jeu ont perdu de l?épaisseur ? jusqu?à 1,4mm
soit 14%. Les garnitures du F1 sont plus usées que celles du F2, certainement du fait
d?un plus grand nombre de sollicitations dans la matinée qui précède ainsi que lors des
pré-essais (13F1 pour 9F2). Cette usure s?est effectuée en moins de 48heures. Et dans
le 1er jeu, on observe quatre garnitures présentant de l?usure oblique (dont l?une avec
l?usure la plus importante de toutes celles mesurées ? 2,0mm).
Les capteurs d?usure en place sont télémécaniques et même s?ils avaient été réglés lors
de l?IA, ils n?auraient pu mesurer un millimètre d?usure. Aujourd?hui, les remontées
mécaniques récentes sont soit équipées d?un rattrapage de jeu automatique permettant
de compenser l?usure des garnitures, soit d?une détection d?usure34.
- La matière des plaquettes
Les analyses effectuées montrent que:
? La surface des plaquettes est constituée de composés organiques ainsi que de
composés inorganiques. Toutefois, la présence d?inorganique en forte proportion
empêche l?identification stricte de ces composés.
? Aucune différence de nature, ni aucune pollution, n?a été mise en évidence par les
analyses directes sur les plaquettes.
? Le lavage des plaquettes a permis de mettre en évidence la présence d?un composé ou
d?un mélange de composé extractible par l?éthanol sur la surface des plaquettes du jour
de l?incident. Ce ou ces composés, vraisemblablement à base d?amide (ou d?amine),
d?ester et d?aliphatique (chaîne carbonée) sont présents en faible proportion. Les
signaux obtenus sont en effet (très) faibles. Ne connaissant pas l?historique des
plaquettes, il est impossible de conclure sur l?origine de ces produits.
? Ces résidus n?ont, cependant, pas été détectés sur les plaquettes neuves.
- Les particules sous les pinces
Les analyses par le CETIM des particules prélevées sous les pinces montrent que:
? les particules F1P1 peuvent s?apparenter avec celle des plaquettes mais sont d?aspect
beaucoup plus gras, avec une teneur associée en carbone importante;
? les particules F1P2 ont une composition similaire à celle des plaquettes avec un
enrichissement significatif en fer;
? les particules F2P1 sont très probablement issues des plaquettes (toutefois plus
grasses également);
34 La norme EN13223 (v.2004) demande à ce que: «9.2.6 L?usure des garnitures de frein doit pouvoir être
compensée par des réglages; dans le cas du frein de service, elle doit être surveillée. 9.2.7 La course
résiduelle qui doit subsister dans un frein fermé doit être contrôlable.»
62
? parmi les particules F2P2, sont observées des particules du même type que les
plaquettes et des particules organiques d?aspect marron.
Les particules récoltées et analysées proviennent probablement des plaquettes d?après
leur composition grandement similaire, avec pour certaines un enrichissement en fer
possiblement dû à un frottement sur la piste de freinage en acier.
- Une usure asymétrique des garnitures
Il a été constaté que les plaquettes ne sont pas positionnées de
façon parallèle mais inclinées par rapport à la piste de freinage
quand les freins sont ouverts. Si le jeu des plaquettes est réglé
comme sur la figure à droite lorsque le frein est ouvert, cela
entraîne un contact constant et ?en léchage? de la piste de
freinage avec une partie des plaquettes.
Figure 62 - Positionnement des plaquettes du frein F1P2
par rapport à la piste de freinage (frein ouvert)
De plus, une usure oblique est visible sur quatre plaquettes du 1er jeu.
Figure 63 - Garnitures de l?avant-veille (1er jeu de plaquettes) (photos TMDFriction)
Étant donné que cette usure est plane (pas de rupture de pente sur la surface de la
garniture), on considère que l?effort a été transmis de façon homogène à toute la surface
des plaquettes. Le léchage de la piste de freinage lorsque les freins sont ouverts peut ne
plus être visible après l?accident si une usure des garnitures a eu lieu et aplani la surface.
- L?usure de 1,4mm et réglages
L?usure des garnitures de F1 (1,4mm) est plus importante que celle des garnitures de F2
très probablement du fait que le F1 a été plus sollicité que le F2 pendant les 2jours qui
ont précédé l?accident. On a observé que la limite de la capacité des plaquettes à être
mises en contact normalement sur la piste de freinage est de 0,45mm (cf. débattement du
vérin maxi de 2,8mm). Le fait que 1,4mm ont été usés alors que le débattement possible
est de 0,5mm, est dû aux réglages de la pince qui ont permis de reprendre le jeu et
poursuivre l?usure. En effet, changer la cote de compression n?éloigne ni ne rapproche les
garnitures de la piste de freinage mais influe sur le couple appliqué. Et la cote de garde
est maintenue à 30mm. Donc c?est le réglage de l?entrefer qui permet de rapprocher les
garnitures de la piste et de poursuivre leur usure. Une intervention sur l?entrefer n?a lieu
qu?au changement de garnitures (cf. notice ATV de réglage des pinces). Or l?exploitant a
changé les garnitures lundi après-midi mais également le mardi après-midi lorsqu?il les
nettoie et les toile, il doit nécessairement les sortir de leur emplacement puis les remettre
et nécessairement effectuer le réglage de l?entrefer. L?analyse pour F1 vaut également
pour F2.
Ainsi le réglage de l?entrefer au moment de la dépose et repose des garnitures ? par deux
fois, permet d?expliquer que l?usure des garnitures de F1 relevée à 1,4mm est largement
supérieure à l?usure qui serait permise par le jeu du vérin et sa mise en butée (0,45mm).
63
- La température atteinte par les garnitures
Les différents témoignages recueillis suite à l?accident font état d?un dégagement de
fumée et d?odeur de brûlé. Pour la garniture Cosid132, les odeurs de brûlé sont
identifiées à partir d?une température de 160°C environ et les composants organiques
commencent à brûler à 250°C. Un dépôt blanchâtre sur les côtés des garnitures est
visible sur au moins une plaquette du 2?jeu, signe d?une contrainte excessive, d?une
surchauffe locale.
Les traces noires sur les pistes de freinage sont dues Ã
une température localement excessive, à partir de
200°C sur la zone de contact (entre la piste et une
garniture).
Figure 64 - Traces noires sur une poulie
(similaires sur l?autre poulie) (photo BEA-TT)
Avant l?accident, Ã 13h45, les larges traces grises sur
la garniture du 2djeu sont également le signe d?une
surchauffe locale.
Après l?accident, les garnitures présentent des zones
claires sur leur tranche:
Figure 65 - Photo du 4 mars 2022 des garnitures impliquées dans l?accident (photo TMDFriction)
Figure 66 - Garniture en place (photo STRMTG du 19/10/2021)
Si latéralement sur un revêtement utilisé, on constate des zones claires, notamment au
niveau des rainures, on peut en déduire qu?un dégazage sous une charge thermique
élevée est à l?origine d?une telle dégradation. Or selon leur constructeur, les plaquettes de
frein qui ont été soumises à des températures supérieures à leur plage de température de
fonctionnement, sont susceptibles de voir leurs propriétés modifiées lors des freinages
ultérieurs en raison de la forte sollicitation thermique. Il se forme une couche de «haute
température» dans laquelle les composants de réticulation du mélange sont fondus et
détruits. La cohésion des autres éléments de friction du mélange est donc diminuée dans
cette zone de fusion. Selon l?importance de la charge thermique, la plaquette de frein peut
présenter un coefficient de friction légèrement différent (plus élevé ou plus faible) lors des
freinages suivants. Cette couche soumise aux contraintes s?use aussi plus rapidement.
En effet, l?usure d?une garniture dépend de l?énergie apportée sur une matière, et cette
énergie dépend entre autres de la force appliquée, de la durée de l?application des forces,
de la température, de la matière et de l?état des surfaces en contact, etc.
64
Après l?usure de cette couche soumise aux contraintes thermiques, la garniture de friction
présente à nouveau les mêmes propriétés qu?une garniture de friction rodée non soumise
à la température ? si l?exposition aux contraintes thermiques cesse.
La température à la surface de la garniture de friction diminue très rapidement en raison
de la convection et de la dissipation de chaleur. Mais la température interne, mesurée Ã
côté de la zone de friction, s?accumule en raison des freinages répétés. Le fabricant de
garnitures ne peut indiquer d?intervalle entre chaque freinage permettant de revenir à une
température normale de fonctionnement, cela dépend de l?énergie apportée: si l?énergie
augmente ou si le temps est plus court, l?énergie introduite et absorbée augmente
également, ce qui entraîne une usure plus importante.
Un léger contact constant peut entraîner un échauffement non maîtrisé de la piste de
freinage, qui s?ajoute à l?échauffement lors du test suivant et conduit à une température
finale plus élevée. Une estimation de la montée en température à chaque freinage par
F1MST ou F2MST en descente, vue la masse freinée, serait d?environ +50°C. La notice
ATV d?entretien de la pince ST3SH rappelle le risque d?échauffement anormal et la
vérification puis le remède associé.
Figure 67 - Extrait de la notice ATV des pinces ST3SH (source Poma)
À noter que la question du rodage des garnitures du 2?jeu s?est posée. Toutefois, les
capacités de celles-ci auraient dû s?améliorer au fur et à mesure des essais et non se
dégrader. Le fabricant indique que les plaquettes sont rodées lorsqu?environ 65-70% de
leur surface de friction a été sollicitée et que le nombre de freinages nécessaires pour
obtenir un rodage optimal doit être déterminé sur place.
De plus, on a supposé que l?installation avait atteint 15-16m/s lors de l?accident. Comme
la vitesse influe de façon importante sur les forces applicables (ces dernières dépendent
du carré de la vitesse), l?augmentation de la vitesse entraîne une augmentation des forces
applicables. Il faut garder en mémoire que les plaquettes de freins ont donc
nécessairement été soumises à des contraintes excessives lors de la forte montée en
vitesse.
Concernant le 1erjeu de garnitures, on observe des incrustations dans la surface
(cf.Figure 31 -). Elles correspondraient à ce qui s?appelle des ?poissons?, incrustations
dures et magnétiques, se formant par une combinaison d?eau et de températures élevées
? bien au-delà de 100°C. En raison de ce que l?on appelle les températures flash du
disque de frein, celui-ci est modifié à quelques endroits de sa structure métallique.
L?abrasion de ces endroits s?accumule dans des incrustations métalliques de la plaquette
(le revêtement Cosid132 ne contient aucun composant magnétique). Ces ?poissons? ne
modifient pas les propriétés de la plaquette, mais sont un indicateur de températures
élevées. Par la suite, ils provoquent des stries dans le disque de frein. Ces ?poissons? du
1erjeu de garnitures indiquent qu?une augmentation de température était déjà à l?oeuvre
lors des freinages qui ont précédé leur changement le 27/09/2021 après-midi. En
65
l?absence de données enregistrées (a minima vitesse, temps, freins commandés), nous
ne pourrons effectuer d?analyse sur la montée en température du 1er jeu de garnitures.
- Les types de garniture
La notice ATV de 1984 indique que la pince ST3SH peut être équipée soit de «garnitures
de friction (retombée en marche)» (prévue pour des freinages avec une vitesse de
frottement élevée) de référence ?2.04?, soit de «garnitures de friction (retombée Ã
l?arrêt)» (prévue pour des freinages avec une vitesse de frottement très faible, type freins
de «parking») de référence ?2.05?. C?est la garniture à retombée en marche qui a été
sélectionnée par le constructeur Poma pour l?usage sur le téléphérique de La Saulire. La
notice présente bien un seul type de pièce de rechange pour les garnitures de friction,
celle à retombée en marche, la garniture ?M?. Elle présente un effort de retenue de
105000N (frein d?urgence dynamique) supérieur à la valeur admissible issue de la note
de calcul initiale (9144N nécessaires). Selon le plan ATV (11257-28 versionA), la
garniture est de qualité «394», sans fournir d?autre précision.
Figure 68 - Garniture G95
conservée à La Saulire (photos S3V)
Figure 69 - Comparaison entre garnitures
Cosid132 (gauche) et G95 (droite) (photo expert judiciaire)
Différents types de garnitures de garnitures se sont succédé:
? Au départ en 1984, les plaquettes installées étaient de type «665» livrées par ATV Ã
Poma (fournies par Flertex). Puis de qualité «G95» livrées par ATV à Poma (fournies
par Soleda). Les bons de livraison indiquent cinq dates (13/02/1984, 3/12/1984,
13/09/1985, 22/06/2004, 19/05/2005).
? En 2010, lors de la modification, il n?y a pas d?enregistrement des références des
garnitures installées mais il s?agissait très probablement de garnitures issues de la
dernière livraison ATV à Poma du 19/05/2005: à retombée en marche, probablement
de type G95. Les huit garnitures de type G95 stockées par S3V présentent une mention
manuscrite rajoutée «06/19». Cela correspondrait à juin2019, mois de la Grande
Inspection et donc à leur date de dépose.
? En 2013, dans le rapport d?IA, il est tracé le fait que l?exploitant a remplacé peu avant
les plaquettes du frein F2. Leur référence n?est pas indiquée.
? À partir de novembre 2010, des plaquettes en Cosid132 sont livrées à S3V par ATV,
pour un total de 8jeux (paires) de plaquettes (la première commande de plaquettes
Cosid132 par S3V date du 18/11/2010). Mais c?est en 2019, lors de la Grande
Inspection, que S3V trace le fait que des plaquettes Cosid132 sont installées sur
LaSaulire. Elles resteront sur le téléphérique jusqu?au 27septembre2021. La
référence 11257-28/CO132/37-18 permet de s?assurer que ce sont les garnitures
en place sur La Saulire le 14juin2019 (installées lors de la grande inspection)
jusqu?au 27septembre2021.
66
? Un troisième jeu, de Cosid132, est présent sur l?établi de La Saulire mais dont l?usage
(date, durée, exposition au freinage) est inconnu.
? De ce fait, une hypothèse probable est qu?il n?y a pas eu de changement de plaquettes
depuis 2010 pour F1 et 2013 pour F2, et ce jusqu?en 2019.
? Les plaquettes impliquées dans l?accident sont déposées dans le cadre de l?expertise
judiciaire: ce sont des Cosid132. Et au cours des pré-essais, les plaquettes installées
sont bien de type Cosid132 (installées lors de la Grande Inspection).
? Dans le but de trouver un moyen d?exploiter en sécurité avec une seule cabine l?été,
S3V commande 4 jeux de type CR-2M en 2010 et 2013. De coefficient de friction
inférieur à la qualité 132, elles sont utilisées pour des essais de freinage avec une seule
cabine. Ces essais n?étant pas concluants, le STRMTG n?autorise pas une telle
exploitation de l?appareil et la société S3V renoncera au projet et à ce type de
plaquettes.
Indépendamment de leur date d?installation sur les freins, les garnitures ont été fournies et
livrées selon les circuits suivants:
? Ã partir de 1985 = type 665: Flertex ? ATV ? Poma ? S3V
? Ã partir d?une date inconnue = G95: Sauleda ? ATV ? Poma ? S3V
et une dernière facture en 2005 pour des G95 indique: Sauleda ? ATV ? S3V
? Ã partir du 18/11/2010 = Cosid132: TMDFriction ? ATV ? S3V
La qualité «132» des garnitures ATV est celle mise dans 80% de leurs applications.
En2010, sur la grande majorité de ses applications, ATV a remplacé les plaquettes par
des types Cosid132. Courchevel, avec le téléphérique de La Saulire, est leur seul client
connu de garnitures dans le domaine des remontées mécaniques. Les garnitures sont
achetées (entre 100 à 200 par an) à TMDFriction. ATV a sélectionné la garniture de type
Cosid132 comme plaquette standard pour ses caractéristiques en statique ainsi qu?en
usage dynamique d?urgence.
Cette garniture est constituée d?un mélange de matières qui, d?un point de vue
microscopique, sont inhomogènes en raison des différentes tailles de particules des
différents composants. Jusqu?à 25matières peuvent être présentes dans la composition
de la garniture. Sans pour autant révéler la formule chimique exacte, TMDFriction
communique les principales matières: charges telles que oxyde de magnésium, oxyde
d?aluminium, silicate d?aluminium, barytine de l?ordre de 60% en poids, caoutchouc et
accélérateur de l?ordre de 21% en poids, fibres comme la cellulose et la laine de roche de
l?ordre de 19% en poids, composés carbonés comme la suie et le coke de l?ordre de
1,5% en poids.
TMDFriction précise que les données figurant sur la fiche technique des plaquettes, et
notamment celles concernant le coefficient de friction, sont données à titre purement
indicatif, selon des méthodes de laboratoires internes, et ne peuvent en aucun cas être
garanties comme des valeurs spécifiques ni des valeurs limites. TMDFriction rappelle
ainsi à ses clients que la qualification de la compatibilité des plaquettes de freins avec des
applications spécifiques, nécessite des données ou des vérifications supplémentaires.
Toutes leurs courbes de coefficient de friction se réfèrent expressément à leur frein
d?essai.
67
Figure 70 - Fiche technique du produit de la garniture (source TMDFriction)
La société ATV a mené des essais pour la qualification des garnitures Cosid132 avant de
les proposer à son client S3V. En effet, en 2006, ATV a demandé à TMDFriction la
transmission d?échantillons de garnitures Cosid132. ATV a réalisé des essais sur les
garnitures Cosid132 et ceux-ci répondaient à ses attentes. ATV a informé TMDFriction
avoir même réalisé des essais comparatifs avec les produits de quatre différents
fabricants de garnitures. ATV indiquait que les garnitures Cosid132 avaient des résultats
"en général légèrement au-dessus de la moyenne". Les essais par ATV consistent à la
mise sur banc dynamique d?un lot de plaquettes, afin de réaliser une mesure d?effort de
freinage (couple).
- Les tests in situ sur les plaquettes
En février 1985, ATV écrit à Poma qu?ils ont constaté que «les 4pinces avaient une
épaisseur de garniture comprise entre 9 et 10mm ce qui indique qu?après deux mois
d?exploitation, plus la période d?essais et de réception où les freins ont été très sollicités
avec des freinages en charge, les garnitures ne se sont pratiquement pas usées puisque
l?épaisseur initiale est de 10mm».
En avril1985, il a été réalisé plus de 200freinages pendant 7heures au bout desquels il
n?a pas été constaté d?usure des garnitures. Toutefois, le document n?indique pas qui les a
réalisés et comment, ni la référence des garnitures utilisées.
68
En septembre2010, lors de la mise en place de la modification, de très nombreux essais
de freinage dans le point de plus forte pente ont été réalisés pour les essais du maître
d?oeuvre puis des essais ont également été réalisés avec le service de contrôle. Aucune
usure particulière n?a été constatée par le maître d?oeuvre DCSA. Il devait ici s?agir
nécessairement des garnitures G95 ? les garnitures ne pouvaient être des Cosid132
puisque les premières ont été commandées par S3V à ATV en novembre2010.
Des essais d?IA ont eu lieu pendant 6ans probablement sans changement des plaquettes
G95. La mise en place des Cosid132 est certaine en juin2019. Hors inspections
annuelles, le nombre de freinages n?est pas connu, y compris à forte charge.
On a observé précédemment une diminution des temps de freinage lors des inspections
annuelles à partir de 2019. En les corrélant avec les valeurs des cotes de réglages
relevées lors de ces IA (cote de garde et cotes de compression), il n?est possible de tirer
de conclusion que pour le frein F1 en 2019. En effet, la cote de compression varie de
1mm pour F1P1. Or l?effort varie de 1500N selon les calculs du STRMTG35: le temps
diminue avec un effort moindre sur F1P1. Dans l?hypothèse où l?entrefer est toujours réglé
de la même manière, on pourrait dire que la garniture de type Cosid132 se freinait plus
fort que ses prédécesseures ? probablement aux dépens du coefficient de friction et de
l?usure.
Les autres variations de cote peuvent expliquer ? partiellement ? l?amélioration des temps
de freinage: par exemple en 2019, F2 donne un peu plus d?effort et le temps de freinage
est bien meilleur. Il n?est pas possible de déterminer la part de l?efficacité de la garniture
Cosid132 dans cette amélioration.
- Le produit Berner
Selon les témoignages, le mardi 28septembre2021, il est procédé au nettoyage des
pistes de freinage et de l?ensemble des garnitures (2djeu) avec le produit Berner.
En 2013, un problème de couple de freinage a été diagnostiqué par AixHydro comme
étant liée à l?utilisation de ce liquide nettoyant pour freins. AixHydro avait alors précisé
d?utiliser le dégraissant recommandé par ATV et non le Berner, dans la conclusion de son
compte rendu d?intervention transmis à Seirel: «Le fait d?apporter du couple aux pinces
n?apporte rien. Il y a un problème d?adhérence des plaquettes sur le disque. Le disque a
été nettoyé au printemps avec un nettoyant frein Berner. Ces produits ne sont pas faits
pour nettoyer des freins lents. Ils laissent un film gras qui sur une voiture est éliminé par la
montée en température forte et rapide des disques lors d?un freinage appuyé. Sur un
disque lent, cette combustion ne se produit pas et l?adhérence des plaquettes s?en trouve
fortement affectée. Il est donc nécessaire de nettoyer les pistes avec un produit adapté et
de remplacer les plaquettes par des neuves pour repartir avec le bon coefficient de
friction». Et Aix Hydro précise à Seirel en octobre2013: «ATV préconise l?utilisation de:
CRCKF dégraissant séchage rapide. Le produit existe en bombe ou en bidon de 5litres.
2applications avec essuyage chiffon propre. Ou alors au trichloréthylène, mais ce n?est
normalement plus autorisé. Changer absolument les plaquettes APRES nettoyage du
disque».
Il n?a pas été trouvé trace d?une transmission à l?exploitant de ce compte rendu.
Le fabriquant TMDFriction quant à lui déconseille par principe l?utilisation de nettoyants
pour freins pour nettoyer les plaquettes de frein.
Afin de vérifier l?impact du produit Berner, il a été demandé au CETIM de réaliser des
essais sur des plaquettes après dégraissage au nettoyant de frein Berner et séchage
35 Les valeurs pour F1P1 ont également été calculées par le STRMTG, de la même façon que pour F2P2 et
les valeurs sont 15625N Ã une cote de garde de 30mm et 14111N Ã 29mm.
69
simple de 2heures. Les performances mesurées sont similaires aux performances des
plaquettes pour lesquelles il n?y a pas eu d?application de Berner.
À noter que le liquide nettoyant pour freins Berner possède une date de péremption et
des consignes de températures de conservation: la première n?a pas été identifiée et les
secondes doivent être comprises entre +5° et +25°C. Or la machinerie où le stock de
bidons Berner est stocké subit des températures hivernales, n?étant pas chauffé. Bien que
ne connaissant pas la température de solidification du Berner, on peut supposer que
l?exploitant se serait rendu compte si les bidons avaient gelé. Par contre, les
caractéristiques et les propriétés du produit ont pu être modifiées. Une interrogation sur le
suivi des contraintes exportées de liquides sensibles peut également se poser. En outre,
le CETIM a effectué ses tests avec du Berner ??neuf?? et non avec celui stocké dans la
machinerie, interrogeant la représentativité des essais.
Enfin, l?application d?un produit sur les garnitures et les pistes de freinage induirait plutôt
des freinages longs juste après son application puis une amélioration du freinage au fur et
à mesure de sa vaporisation. Ce qui pourrait expliquer les alarmes de l?automate pour les
tests réalisés après le nettoyage le 28/09/2021. Mais pour le matin de l?accident, les
temps de freinage sont très courts en F1 à la descente (10,6secondes) puis augmentent
au fur et à mesure, à l?opposé de l?effet que pourrait donner le Berner. Cette hypothèse
d?un impact du produit Berner sur la dégradation des capacités de freinage pendant la
matinée du 29/09/2021 conduisant à l?accident semble improbable.
- Les comparaisons des caractéristiques des différentes garnitures par le CETIM
Des essais ont été réalisés par le CETIM sur des échantillons de: G95, Cosid132
neuves, Cosid132 du 1er jeu, Cosid132 de l?accident (2d jeu). Il s?agissait d?examens
micrographiques, de microanalyses, de spectroscopie infrarouge, de chromatographie
gazeuse et d?essais tribologiques sur un banc d?essai. Les graphes ci-dessous présentent
les résultats sur le taux d?usure, la température atteinte et le coefficient de friction obtenu.
Figure 71 - Résultats obtenus sur banc d?essai avec 4 types de garnitures à 5, 8 et 11m/s (source CETIM)
Les analyses effectuées sur les 6plaquettes mettent en évidence que toutes les
plaquettes sont de même nature et constituées de carbone, oxygène, magnésium,
70
aluminium, silicium et soufre en éléments majeurs, de baryum et de calcium en faible
teneur, et de zinc, de sodium, de potassium et de fer en faible teneur ou en traces.
Aucune différence de nature, ni aucune pollution, n?ont été mises en évidence par les
analyses directes sur les plaquettes.
En synthèse, le coefficient de friction est peu dépendant de la vitesse, du type et de l?état
des plaquettes. On note néanmoins des coefficients légèrement plus faibles pour la
plaquette de référence G95. Les vitesses d?usure étant très faible (<10?m/s), il est
considéré que l?influence du type et de l?état des plaquettes est négligeable. On notera
néanmoins des valeurs légèrement supérieures pour la plaquette de référence G95. Il n?y
a donc pas de différence significative dans le comportement tribologique (frottement,
usure et température de contact) entre les différentes plaquettes, ni en fonction de leur
état (brute, décapée, dégraissée).
Toutefois, les traces de surchauffe présentées précédemment remettent en question la
représentativité des résultats du CETIM par rapport au système réel: la température
maximale observée à 2MPa est de 48°C sur des essais de 65secondes alors que les
températures réelles rencontrées avant même l?accident sont a minima de 160°C. De
plus, le taux d?usure est en moyenne de 2microns selon les résultats du CETIM. Or
lorsque F1P1 passe de 121,1mm (9h23) à 122mm (vers 10h30), seuls un F1 modulé
(quasi à 100%) en descente de 11secondes et un F1 plein couple en descente de
12secondes ont été réalisés ? en ce qui concerne le F1. L?usure pour une garniture est
de 150microns ((122-121,1mm)/3 pour 2garnitures) donc le taux d?usure est de
150µm/23s = 6,5µm/s ce qui est 3fois plus important que les résultats du CETIM.
3.10.3 - Une hypothèse explorée
Sur ce téléphérique de La Saulire, les deux seuls changements notables sont la
modification de 2010 (donc suivie de 10inspections annuelles conclusives) et le
changement de type de garnitures en juin 2019. Malgré l?absence de traçabilité, nous
considérons probable que les premières garnitures Cosid132 ont été installées en 2019
après la Grande Inspection. En effet, l?installation des Cosid132 a été bien tracée en
2019 par l?exploitant et sur les G95 a été apposée la mention "06/2019" au dos,
probablement inscrite au moment de la dépose.
Les essais en 1984 et en 2010 avec d?autres types de garniture indiquent que leur usure
était très faible. Pour présenter une usure allant jusqu?à 1,4mm, le taux d?usure des
garnitures Cosid132 doit être largement supérieur aux quelques microns par seconde
mesurés par le CETIM. Ceci est très probablement dû aux températures subies par les
garnitures. Les constats physiques permettent d?estimer que les garnitures ont atteint des
températures d?au moins 160°C, voire localement un minimum de 200°C.
Le coefficient de friction en a certainement été impacté. Il dépend non seulement de la
garniture de frein en elle-même mais également du disque de frein et de la rugosité de la
surface, de la pression, de la vitesse, de la température, etc. C?est une force créée par
l?interaction de deux surfaces en contact qui glissent l?une sur l?autre et qui s?oppose au
mouvement. Il est donc impossible d?indiquer un coefficient de friction précis pour une
matière sans connaître la matière de la surface avec laquelle elle interagit ni le système
de freinage dans sa globalité. La valeur du fournisseur est indicative et le test du CETIM
sur son banc d?essai ne garantit pas la valeur du coefficient sur La Saulire.
Or il n?y a pas eu de vérification du comportement des garnitures de remplacement de la
G95 en rapport avec le téléphérique de La Saulire, tel qu?on peut le rencontrer en
homologation routière pour les plaquettes dites de ??remplacement?? ou homologation
ferroviaire. Il n?a pas été retrouvé trace de test réalisé in situ (alors que des tests ont été
réalisés et tracés avec la garniture CR-2M pour vérifier la faisabilité de l?exploitation en
cabine seule ? dans le cadre d?une demande par S3V auprès du STRMTG). Nous
71
n?avons pas de garantie quant au comportement des Cosid132 sur le système de frein de
La Saulire. C?est pourquoi nous émettons l?hypothèse d?une probable inadéquation de la
garniture Cosid132 avec le système de frein de La Saulire.
Au moment du changement du type de garnitures, des essais et mesures auraient permis
de quantifier l?efficacité des nouvelles garnitures, de vérifier à quel rythme elles s?usent et
ainsi pouvoir faire évoluer le processus de vérification régulière et de réglage des freins.
3.10.4 - Des éléments de clarification et autre hypothèse moins probable
- Usure du 1er jeu de garnitures
Les Cosid132 ont été mises en place sur les freins F1 et F2 de La Saulire en 2019. Elles
ont subi l?inspection annuelle de 2019 et celle de 2020, et possiblement quelques arrêts
en exploitation (probablement pas en pleine charge ni à la vitesse maximale):
? les rapports IA de 2019 et 2020 ne mentionnent pas de réglages ou de tests répétés
pour obtenir les temps corrects: on suppose qu?il n?y a eu que peu de freinages plein
couple à la descente (un de chaque frein à chaque IA, donc au total 2 F1 et 2 F2);
? l?exploitation était réduite du fait des restrictions sanitaires dues à l?épidémie de Covid
et globalement, l?usage du F2 est très rare en exploitation.
Le 27septembre2021, ces garnitures émettent une odeur de brûlé et sont comme
glacées avec des incrustations métalliques, preuve d?une augmentation locale de
température (mini 160°C). Les usures des garnitures du 1erjeu présentent une usure
oblique pour quatre d?entre elles. L?usure la plus importante de celles observées y compris
post-accident n?a pas trouvé d?explication à ce jour.
N?ayant pas de mesure d?épaisseur faite en 2019 et 2020, nous ne pouvons qu?avoir un
doute raisonnable sur le fait les garnitures Cosid132 se seraient usées différemment que
les G95 dans le système de freinage et qu?on aurait pu être sur la "sellette" pendant deux
ans sans s?en rendre compte.
- Déséquilibre entre les pinces d?un même frein
Le graphe d?AixHydro indique une dissymétrie entre la pince F2P1 et F2P2. Cette
dissymétrie de l?effort de freinage induit une sursollicitation de F2P1 aux dépens de F2P2.
Les efforts devaient donc être absorbés en grande partie par la pince F2P1 lors d?un
freinage: les garnitures équipant cette pince la plus contrainte s?échauffent plus que
celles de l?autre pince. Elles subissent une usure accrue en raison de cette charge
thermique anormalement élevée, tant que la couche endommagée est présente. Par la
suite, quand F2P1 atteindra la butée à force d?usure de ses garnitures, ce sera au tour
des garnitures de F2P2 de supporter la majorité des contraintes de freinage et de subir, Ã
leur tour un échauffement et donc une usure importante. Pendant ce temps, le frein F2P1
en butée sera en léchage par rapport à la piste de freinage. Il n?y a alors plus d?effort sur
cette pince de frein en butée. Un tel contact "caressant" entraîne une augmentation de la
température des garnitures.
Pour les freins F1, le témoignage du chef de secteur qui vers 10h30, en descendant la
première fois en machinerie pour régler l?empilement, trouve F1P1 à 122mm au lieu de
121,1mm à 9h23, indique que cette pince encaisse une partie de l?effort. Ce
déséquilibre est confirmé par les premiers constats où il restait 0,4mm de marge à la
pince F1P2. Toutefois la raison n?a pas pu être déterminée ? a minima, pas par un
déséquilibre au niveau de la pression/débattement.
La fragilité de cette hypothèse repose également sur le fait que nous n?identifions pas la
cause et la date de début de ce déséquilibre entre les pinces de F2.
72
3.11 - Les investigations sur les facteurs humains et organisationnels
La particularité de cet événement est qu?il concerne un groupe, en tant que somme
d?individus.
Nous ne recherchons pas ici qui aurait détenu l?autorité au sein de ce groupe pour stopper
les essais mais comment améliorer et éviter la reproduction d?un tel accident.
L?objectif est bien de comprendre pourquoi ces cinq personnes ont agi d?une telle façon
dans une situation qui va conduire à un accident, alors que leurs connaissances et leurs
compétences les rend chacun aptes à connaître les risques et détecter des situations
dangereuses sur ce type d?installation. Et de déterminer si des facteurs organisationnels
ont contribué également à l?accident.
3.11.1 - Le rôle du technicien d?inspection annuelle et le rôle de l?exploitant
Nous rappelons ici en préambule le guide RM1 du STRMTG «Exploitation, modification
et maintenance des téléphériques» explicitant l?arrêté du 7août2009: «Les essais de
frein dans les différents cas de charge et les inspections des dispositifs de sécurité
doivent être réalisés selon une procédure pré-établie et donner lieu à l?établissement d?un
procès-verbal d?essais. [?] Ces vérifications sont faites sous le contrôle du Technicien
d?Inspection Annuelle.»
En outre, TranscableHalec a formalisé son intervention en IA par une fiche mission,
fournie à la fin de l?acte d?engagement soumis à S3V lors de la consultation de 2018.
Cette fiche mission détaille entre autres le contenu des vérifications à réaliser par le TIA
(liste des essais, examens, relevés et vérifications à effectuer). Les vérifications du TIA
consistent principalement en la réalisation des essais et en un contrôle des valeurs
obtenues pour se conformer à la réglementation. Parmi la liste, seul l?«examen visuel des
freins et de leurs garnitures avec manoeuvre à l?arrêt et vérification des courses» n?a pas
été mentionné dans les témoignages excepté la mesure des deux cotes des freins.
Il est précisé dans la suite de la fiche que «Les vérifications sont effectuées dans la
configuration d?utilisation dans laquelle l?appareil est présenté. Les examens, mesures
effectués et les essais suivis sont ceux réalisables: ? sans démontage; ? sans
intervention nécessitant la modification ou le déréglage des circuits ou dispositifs de
sécurité; en utilisant les accès permanents ou spécialement aménagés, appropriés et
conformes à la réglementation.».
La fiche mission précise également les dispositions à prendre par le client (l?exploitant):
«Une personne compétente connaissant bien les installations, possédant les habilitations
électriques nécessaires et habilitée à la conduite de l?appareil sera désignée pour
accompagner l?intervenant Transcable Halec. Le client conserve la direction et la
responsabilité des installations et équipements sur lesquels Transcable Halec est appelé
à intervenir» et «la conduite des installations est sous la responsabilité du client qui
assurera lui-même les manoeuvres nécessaires».
Cela est corroboré par le SGS (système de gestion de la sécurité) de l?exploitant qui «a
pour objet d?une part, de décrire l?organisation mise en place par l?exploitant pour exploiter
et maintenir les installations, d?autre part, de démontrer sa capacité à maîtriser les risques
et à assurer une gestion sûre de ses installations».
Lors de l?IA de La Saulire, en se basant sur les différents témoignages, le jeu d?acteurs
entre les cinq personnes présentes peut être identifié comme suit:
? le TIA est dans un rôle de prise de mesures: il demande de réaliser les essais, en
suivant la procédure d?Inspection Annuelle, relève les données, il juge les temps de
freinage obtenus et selon, demande des modifications de réglage. Ultérieurement, il
aurait rédigé un rapport avec ses conclusions à destination de l?exploitant.
73
? le conducteur répond aux demandes du TIA et se place dans un rôle d?exécutant des
essais demandés, il effectue des réglages du couple si besoin.
? le responsable d?IA ? ici le chef de secteur Remontées Mécaniques Ouest ? est dans
un rôle de réglage de l?appareil et d?observation globale du déroulement.
? l?électricien est dans un rôle d?exécutant en attente de sollicitations très spécifiques et
ponctuelles.
? le technicien du STRMTG est dans un rôle d?observateur du TIA (évaluation des
pratiques) et d?observateur des résultats d?essais de cette installation.
L?objectif du groupe lors de l?IA est la réalisation des essais et l?obtention de temps de
freinage acceptables à la descente pour engager les essais à la montée. On constate que
la sécurité de l?installation au cours de l?inspection annuelle n?est pas surveillée par une
personne/entité identifiée, avec un manque de clarté entre le rôle du TIA et le rôle de
l?exploitant.
Concernant le positionnement physique de chacun dans le poste de pilotage du
téléphérique, tous les témoignages indiquent que: le TIA est à gauche avec son outil
branché sur une platine dédiée dans l?armoire de commande, le conducteur est au
pupitre, le chef de secteur RM à proximité du conducteur, le responsable électrique
derrière vers l?armoire électrique, l?agent du STRMTG observe depuis un angle de la
pièce.
Figure 72 - Reconstitution dans le poste de pilotage du téléphérique:
position du TIA (Ã gauche)
et du conducteur (Ã droite) (photo S3V)
Figure 73 - Écrans (en haut du TIA
et en bas du conducteur)
(photos S3V)
Sur son écran, le TIA peut visualiser les essais sous forme de courbes ? celles exposées
en amont dans ce rapport. Elles lui permettent d?interpréter l?essai et de le valider ou non.
Ces données lui sont ainsi nécessaires pour la réalisation de l?IA puis la rédaction de son
rapport incluant ses conclusions de l?IA, tel qu?en 2020 dans le rapport de
TranscableHalec sur l?IA de La Saulire: «Les résultats des essais et vérifications sont
satisfaisants. L?appareil peut assurer normalement son service, sous réserve d?obligations
techniques ou administratives dont nous n?aurions pas eu connaissance.»
De son côté, le conducteur dispose sur son poste d?un affichage permettant de visualiser
la courbe de freinage de l?essai (cf. photo ci-dessus). Il dispose de la courbe de vitesse, de
la courbe de contrôle de la décélération de l?essai, des mêmes données (heure de début
de l?essai, heure de fin, durée, distance d?arrêt, gamma de décélération) que le TIA et des
derniers défauts enregistrés par l?automate, affichés en bas de son écran. Ces défauts
74
sont également visibles, derrière, sur l?écran en façade de l?armoire de l?automate
(cf.Figure 11 -).
Ainsi, les courbes telles que nous avons pu les observer précédemment sont visibles au
fur et à mesure, sur l?écran du TIA ainsi que sur celui du conducteur.
3.11.2 - La détection d?une situation à risque
- Au cours de la matinée du 29 septembre 2021
Le moment de rupture dans la succession d?actions du 29/09/2021 est le lancement du
test F2MST à 12h10: à partir de là , la situation ne peut plus être rattrapée (comme nous
l?avons vu précédemment, F1 et F2 sont déjà en dessous de leurs capacités).
L?absence d?objection ? et même de doute ? par les 5 participants quant au lancement de
cet essai repose sur deux défaillances humaines antérieures: celle de la saisie
d?informations et celle du diagnostic de la situation36. Ces défaillances induiront
nécessairement la défaillance du pronostic, ainsi que celle de la décision d?engagement
de l?essai et des tentatives de rattrapage.
? Les défaillances au niveau de la saisie d?informations concernent l?absence de
lecture de certaines informations, Ã savoir:
? La lecture des graphes sur l?ordinateur du TIA ou sur l?écran du conducteur, pour au
moins les deux essais caducs précédant celui de l?accident. Sur la courbe de 11h23,
il est visible que le F1 s?est ouvert environ 4secondes après son application. Ce
dernier n?était donc pas assez efficace. Pour l?essai de 11h59, le F1 insuffisant ?
s?est ouvert pour permettre l?entrée en action du F2 ?. Le freinage du frein d?urgence
était alors en valeur inférieure à la limite réglementaire et s?était dégradé en
comparaison de l?essai précédent. Un cumul des deux freins est même nécessaire
pour arrêter la cabine ?.
Figure 74 - Essai de 11h59, dernier essai avant celui fatidique de 12h10
? La lecture des alarmes affichées sur la console de l?automate à la vue de tous et qui
nécessitaient un acquittement avant qu?il ne soit possible de relancer de nouvelles
séquences d?essais. Notamment la présence du défaut sur la supervision «F2M ?
contrôle décélération frein de service DTCx» à 11h22 et 11h59 indique que le
système est défaillant (F2 nécessaire pour aider F1): il aurait dû être lu et compris
par l?agent ayant acquitté ce défaut. A minima une discussion avec les autres
36 Pierre Van Eslande. L?erreur humaine dans les scénarios d?accident cause ou conséquence?
RechercheTransportsSécurité n°66, Janvier-Mars 2000
75
intervenants voire une action aurait dû être prise avant d?acquitter le défaut. Tous
connaissent le fonctionnement d?un automate, les défauts sont acquittés et aucun ne
s?interroge sur les implications de ces alertes/défauts.
? Le réglage de l?entrefer n?est pas évoqué dans les témoignages, interrogeant quant Ã
son réglage (ou son absence de réglage surtout) au cours des essais.
? Une information leur a totalement échappé: les témoignages indiquent que tous sont
persuadés que le F2 n?a pas ou peu été sollicité au cours de l?IA. Confirmant le fait
que les courbes n?ont pas été suffisamment observées ni que fut identifié le défaut
?temps d?arrêt trop long?? lors de l?essai précédent, c?est également une erreur de
diagnostic qui conduit à l?accident. En effet, puisque le F2 est censé avoir été peu
sollicité de la journée, ni réglé, il doit être efficace ? moyennant le doute de
l?exploitant qui s?interroge quant à son réglage. Il n?y a donc pas eu de perception du
F2 défaillant.
? Il n?est pas effectué de vérification quant à l?état des garnitures ni leur épaisseur
malgré l?odeur et les réglages de cotes.
? La saisie d?information est clairement focalisée sur l?obtention des temps de freinage
adéquats et sur les réglages pour améliorer ces temps par rapport aux attendus.
Toutefois, l?Inspection Annuelle est reportée parce que les temps de freinage à la
descente ne sont pas dans la fourchette attendue et ne permettront pas des essais en
sécurité à la montée.
Afin de tenter d?expliquer comment des individus ayant des connaissances sur un tel
appareil ? et loin d?être novices dans le domaine ? sont passés à côté de ces
informations, nous émettons l?hypothèse d?un cumul de facteurs humains: une
concurrence d?attention (leur préoccupation principale est d?obtenir des valeurs de
temps et ne prêtent pas attention aux autres informations), un biais d?habitude
(rappelons que cette installation est connue des intervenants pour freiner très fort et
être délicate à régler; les émissions d?odeur de freinage ne sont pas inhabituelles lors
d?IA) et une perte de repères du fait du téléphérique passant rapidement d?une situation
où il freine trop fort et donc les essais plein couple à la montée ne sont pas engagés
parce que risqués, à une situation où le téléphérique ne freine pas assez.
? Les défaillances au niveau du diagnostic porté sur la situation concernent
l?absence de réflexion quant au risque encouru:
? Tout d?abord, la conséquence des points précédents sur les défaillances de saisie
des informations induit nécessairement la réduction voire l?absence de
questionnements pouvant conduire à un diagnostic de la situation. Ces informations
non saisies n?ont donc pas pu leur ?mettre la puce à l?oreille? et enclencher une
réflexion au sein du groupe. En effet, il n?est pas fait mention par les agents présents
qu?ils se soient auto-restreints ou limités, ou aient été limités par leurs pairs, dans
l?expression d?un sentiment de danger.
? Certaines informations ont bien été saisies par les personnes présentes: une odeur
de brûlé importante jugée plus ou moins habituelle, des dépôts noirs revenus sur la
piste de freinage, le temps de freinage ne variant pas (19secondes ? entre 11h23
et 11h59) alors que l?empilement des rondelles des pinces de F1 est remis comme
initialement. Cela n?a pas provoqué de réflexion des participants et une interprétation
de ces données n?a pas été réalisée.
? Le diagnostic est biaisé par le fait que la situation de départ présente des conditions
initiales non identifiées ou inconnues/incomprises des acteurs: la course maximale
possible de la pince permise par les réglages (butée) et le changement du type de
garniture (G95 vers Cosid132).
76
La problématique ici repose sur la non-perception du danger via les anomalies de
comportement de l?installation par les participants (aucun doute n?a été mentionné dans
les témoignages, aucune hésitation ou auto-censure ? puisqu?on prend évidemment pour
acquis qu?aucun d?entre eux n?aurait laissé le téléphérique aller à sa perte).
Le groupe est en recherche d?une solution à un problème mais pas de recherche (donc
pas d?analyse et encore moins de résolution) d?un second problème plus important in fine.
La question de la sécurité ne se pose pas.
Attention, il n?est pas normal que de nombreux réglages de freins soient demandés et
réalisés lors d?une IA. Cela sous-entend que l?appareil n?est pas prêt. Pour rappel, l?IA est,
selon l?article45 de l?arrêté du 7août2009, une vérification par une personne
indépendante et agréée (TIA) des capacités de l?installation. Et modifier un couple de
freinage a un impact important. De plus, les essais ayant eu lieu avant les réglages
devraient être refaits puisque l?état de l?installation a évolué.
- Au cours des pré-essais du 27 et 28 septembre 2021
En amont de l?IA, les pré-essais réalisés afin d?effectuer des réglages de l?appareil et de
vérifier ses temps de freinage, sont émaillés d?incidents: une odeur de brûlé, la piste de
freinage qui chauffe puis les pistes qui présentent des dépôts noirs et les garnitures du
2djeu (neuf), qui voient leur surface se glacer.
Ces informations ont bien été saisies par les agents de S3V. Toutefois, comme des
corrections sont apportées et qu?elles sont conclusives (plus d?odeur, plus de dépôt noir,
certainement des temps de freinage satisfaisants), l?analyse de la situation n?est pas
poussée plus loin37. Étant donné l?absence d?information quant à l?évolution des
plaquettes, la non perception de la possible mise en butée, l?absence d?enregistrements
vitesse/temps et la supposée correction du problème des plaquettes, il n?y a pas eu de
détection d?une situation pouvant présenter un risque. Et donc l?inspection annuelle est
maintenue pour le lendemain.
Ignorant les valeurs de réglages des cotes le lundi et mardi, et sans graphes des essais
réalisés, il n?est pas possible de connaître le comportement de l?installation, d?identifier
des précurseurs et de ce fait, mener une analyse d?évitabilité est malheureusement ici
irréalisable.
En conclusion, on constate des défaillances au niveau de la saisie d?informations
notamment l?absence de lecture de certaines informations, défaillances qui impactent
pour partie les défaillances au niveau du diagnostic porté sur la situation et l?absence de
réflexion quant au risque encouru. L?accident aurait pu être évité mais ces défaillances ne
sont pas la cause de l?événement, elles y contribuent en n?ayant pas pu empêcher le
lancement de l?essai fatidique. Ceci conduit à qualifier ces facteurs humains comme
contributifs et à identifier un facteur organisationnel concernant la gestion de la sécurité
au cours d?une inspection annuelle.
3.11.3 - Les processus de maintenance, la traçabilité des produits et la gestion
documentaire
En préalable, il est à noter que la notice générale de réglages et entretien qui est en
possession de S3V au moment de l?accident, est celle du téléphérique de Vaujany. Or les
freins y sont très différents de La Saulire, il est évident que les pages correspondant Ã
l?entretien et réglages des pinces et des garnitures ne sont pas adéquates. La notice des
37 Étant donné la complexité de l?analyse post accident, nous jugeons cette réaction compréhensible.
77
pinces ST3SH est un autre document à part chez S3V, qui a indiqué n?avoir jamais été en
possession d?une notice générale de LaSaulire. Le manuel global dédié à LaSaulire,
daté de mars1987, a toutefois été transmis par Poma aux services de contrôle
(STRMTG) dans le cadre de la mise en service de l?appareil.
Plusieurs notices de la pince ont été présentées par les différentes parties au cours des
investigations: estampillée Poma ou pas, nous n?avons pas observé de gestion des
indices selon les évolutions (mineures) de la notice.
Concernant le stockage des plaquettes au magasin ou à la machinerie de La Saulire, la
différence va résider dans les températures subies: le magasin se trouve dans un
bâtiment chauffé regroupant tous les services techniques de S3V (serrurerie, magasin,
garage d?entretien des véhicules, etc.). La machinerie de La Saulire quant à elle, est
située dans la gare inférieure motrice à 2077m d?altitude et n?est pas chauffée. Cela peut
avoir un impact sur les produits (Berner, garnitures?).
Ensuite, il a été constaté l?absence de traçabilité des références des garnitures montées
sur l?installation avant 2019 puis que cela a été amélioré à partir de la grande inspection
de 2019. Cela ne permet pas d?être formel sur la chronologie de leurs mises en place et
durée de vie ? dans le cadre de l?enquête. De plus, cette absence de suivi par l?exploitant
de ses consommables entrants et de ce qui est mis en place entraîne une
méconnaissance de la réaction de son installation, ni d?une évolution possible.
Heureusement la confusion avec d?autres freins d?autres téléportés de la station de
Courchevel n?est pas possible étant donné la spécificité géométrique de ces plaquettes.
Nous attirons par ailleurs l?attention sur le risque de tomber sur un lot défectueux lors d?un
changement de 8plaquettes en même temps. Il n?a pas été retrouvé de consigne écrite
du constructeur (du téléphérique ou des garnitures) à ce sujet. Aujourd?hui, les
constructeurs de téléphériques déconseilleraient de changer les garnitures toutes en
même temps.
De plus, le changement de fournisseur et de produit a été réalisé sans suivi ni contrôle ni
qualification du nouveau produit. Les garnitures sont traitées comme un consommable ou
une pièce d?usure mais pas de sécurité. Pour autant, elles participent activement au
maintien du niveau de sécurité de l?installation.
Par ailleurs, les contrôles mensuels sont bien effectués par l?exploitant, en conformité
avec l?article42 de l?arrêté du 7août2009. Les valeurs des temps d?arrêt à vitesse
nominale des véhicules (à vide) sont enregistrées sur le registre de LaSaulire. Les agents
font une lecture directe sur l?outil Supreme pour noter les temps obtenus. Ils font aussi
une vérification physique sur les pinces de frein: cote garde, état des plaquettes, absence
de fuite, libre rotation des axes, etc. Comme LaSaulire n?a pas été exploitée durant l?hiver
2020/2021 du fait des restrictions sanitaires, les tests mensuels de cet hiver-là n?ont pas
été faits. Les dernières valeurs des temps d?arrêt sont donc:
? Décembre 2020 = F1 à 11,1s et F2 à 14,5s (en montée à x=230m).
? Mai 2021 = F1 à 11,1s et F2 à 14,0s (en descente à x=1490m).
? Juillet 2021 = F1 à 11,2s et F2 à 14,3s (en montée à x=230m).
? Août 2021 = F1 à 11,8s et F2 à 8,8s (en montée à x=230m).
Ces valeurs sont très proches ? excepté le F2 d?août 2021. Mais comme les cotes de
compression des pinces ne sont pas notées, il n?y aura pas de conclusion possible
concernant ces temps.
Lors de l?Inspection Annuelle, les réglages sur les organes de sécurité que sont les pinces
de frein ne sont pas notés de façon contradictoire après chaque modification des cotes.
De plus, les témoignages ne sont pas concordants quant au moyen de lancement des
78
essais (via ordinateur ou bouton-poussoir). Il n?existe pas de documentation ou de notice
à destination de l?exploitant ou du TIA décrivant ce fonctionnement.
Le jeu entre la piste de freinage et la garniture des plaquettes doit être vérifié
régulièrement conformément à la notice, que cela soit en fonctionnement normal ou
durant les essais réglementaires qui sollicitent fortement les garnitures, afin que
l?efficacité de freinage soit toujours assurée. Ce contrôle n?a jamais fait l?objet de relevé, y
compris lors de la rénovation de 2010.
Il s?est avéré impossible de mettre les plaquettes et garnitures parallèles à la piste de
freinage, ne permettant pas une prise de mesure fiable des cotes.
Or, la vérification de ce jeu aux pré-essais et essais de septembre 2021, a minima la
reprise de la cote, aurait permis à S3V de retrouver un jeu correct et s?assurer de
l?efficacité des freins, et la perception d?une possible usure rapide des garnitures.
Enfin, l?ensemble de ces observations sur la traçabilité perfectible, le stockage des
plaquettes et la gestion de ces stocks, la vérification du jeu entre piste et plaquettes,
s?applique aux agents d?exploitation sur le terrain mais également à l?encadrement, dans
son rôle de second regard. Le Système de Gestion de la Sécurité (SGS) de S3V en
précise les grandes lignes dans son chapitre concernant le dispositif permanent de
contrôle et d?évaluation du niveau de sécurité.
79
3.12 - L?autre téléphérique français aux pinces de freins identiques: le
téléphérique de Chantemerle à Serre-Chevalier
Également construit en 1984, ce téléphérique de Chantemerle est un téléphérique bicâble
à va-et-vient. D?une longueur de 2313m et de dénivelé de 576m, sa pente moyenne est
de 25,75% et sa pente maximale de 53%. Il possède 5pylônes. Le téléphérique est
équipé de deux cabines pouvant accueillir 40personnes debout et 1cabinier. Le modèle
de frein est ST3SH suivant le plan ATV de référence 11786, donc des pinces identiques Ã
celles de LaSaulire mais avec un empilage de 13rondelles de 6mm.
Suite à l?accident de LaSaulire, le STRMTG a effectué une
visite technique au téléphérique de Chantemerle. Il a constaté
que l?écrou de précontrainte des rondelles ressort est
pratiquement en butée sur l?extrémité du bras. La longueur de
sortie de tige du vérin a été mesurée sur site à l?aide d?un
réglet: pour le frein F2, la sortie de tige est d?environ 30mm et
pour le frein F1, d?environ 27,2mm. Ainsi selon le plan ATV, la
course encore disponible avant que le frein soit en butée
mécanique est de 2,9mm pour le frein F2 et 0,1mm pour le
frein F1.
Figure 75 - Écrou de précontrainte et limite de course sur une pince
du frein F1 du téléphérique de Chantemerle (photo STRMTG)
Le rapprochement des bras de levier côté garniture ayant un débattement d?un tiers de
l?écartement des bras côté vérin, le débattement restant peut être traduit par une usure
encore possible de chaque garniture avant que le frein ne soit en butée mécanique et soit
inhibé de: (2,9/3)/2 = 0,48mm pour F2 et de (0,1/3)/2 = 0,02mm pour F1.
L?exploitant a également constaté un défaut de parallélisme de plaquettes avec le plan de
freinage présent sur F1 (et absent sur F2).
En 2022, des plaquettes neuves ont été installées sur F1 et F2: le changement des
garnitures est fait par rechargement de leur support par une société extérieure. Il s?agit
d?un matériau de friction moulé, sans amiante, développé principalement pour des
utilisations industrielles. Ses constituants primaires sont des résines, des fibres courtes,
des modificateurs de friction et des particules métalliques. Son coefficient de friction µ
vaut 0,45±0,05. La température maximum d?utilisation recommandée par le fournisseur
est en application continue 250°C et en application intermittente 350°C. L?exploitant
indique que les garnitures font l?objet d?une usure relativement faible.
Ainsi, en France, un autre téléphérique est équipé de pinces ST3SH d?ATV: celui de
Chantemerle à Serre-Chevalier. Le réglage des cotes s?est avéré laisser aussi peu, voire
moins, de débattement du vérin donc des plaquettes. La notice n?était également pas Ã
disposition mais dans les archives de l?exploitant. L?exploitant a immédiatement apporté
les corrections nécessaires, notamment sur le réglage du frein F1. Puis il a mis en place
un suivi quotidien avec traçabilité des valeurs de réglage. À noter que le coefficient de
friction annoncé est plus élevé que celui des garnitures Cosid132 mais le système global
de freinage est différemment installé.
Des pinces ATV sont également en place en France sur des télésièges fixes et des
télécabines, mais elles sont de modèles différents (notamment avec de la technologie
électromécanique): la comparaison avec La Saulire n?est pas possible.
80
4 - Analyse du déroulement de l?accident
La collision du mercredi 29septembre2021 entre les cabines et les structures des gares
du téléphérique de La Saulire a eu lieu au cours de l?inspection annuelle (opération de
maintenance réglementairement obligatoire). Étaient présents trois techniciens de
l?exploitant S3V, un Technicien d?Inspection Annuelle de TranscableHalec et un agent du
STRMTG.
Les pré-essais de la veille et avant-veille ont présenté une succession d?écarts dans le
comportement attendu qui pourront être utiles à notre analyse de l?événement. Nous
commencerons donc le déroulement de l?accident et son analyse deux jours avant ladite
collision.
? Le lundi 27/09/2021, le matin, la cabine n°1 est chargée à 100% de sa capacité avec
des lests représentant 11,4tonnes ? la cabine n°2 restant à vide. L?après-midi, les pré-
essais ont lieu. Les tests de freinage ne font pas remonter de défaut particulier, hormis
lors des essais du frein F1 de 13h35 et 13h57 où un temps long de freinage (hors
limite) a été observé. À l?issue d?un certain nombre d?essais, la piste de freinage devient
tiède et une odeur de brûlé se fait sentir. Les agents de S3V ouvrent alors les pinces de
frein et observent l?état des plaquettes (1erjeu).
Ils les retirent étant donné qu?elles présentent une surface ?glacée??, même si elles ne
présentent pas d?usure de leur garniture. Les analyses ultérieures montreront que 4
garnitures sur les 8plaquettes du 1erjeu présentent une usure ? atteignant pour l?une
2,0mm. Les 8plaquettes (1erjeu) seront remplacées par un jeu neuf (2djeu), entre
15h23 et 15h55 selon les témoignages et l?historique de l?automate.
Deux tests du F1 et un test du F2 sont réalisés, puis la journée se termine.
? Le mardi 28/09/2021, les essais de préparation se poursuivent: 5arrêts en freinage F1
et F2 sont effectués. À leur issue, un dépôt noir est visible sur les deux côtés des pistes
de freinage de chaque poulie. Plusieurs alarmes ??verrouillages ouverts des pinces??
sont remontées sur les freins F1 et F2. Les plaquettes présentent un état de surface
jugé anormal par l?exploitant: elles sont ?glacées? avec de larges traces grises. Aussi
pour y remédier, les agents S3V toilent les huit plaquettes (2djeu) et réalisent un
nettoyage complet des pistes de freinage avec du nettoyant Berner. L?automate indique
que ceci a lieu entre 14h10 et 15h10. Ils remettent les garnitures en place en
conservant les côtes de réglage de l?année dernière.
Les essais de freinage reprennent: les premiers essais de freins F1 remontent des
alarmes de type ?surveillance sens de marche? par l?automate de sécurité, qui
apparaissent de façon normale à la fin d?un essai de freinage avec lancement
automatique du test. Une analyse ultérieure du produit Berner a été réalisé par le
CETIM, indiquant qu?il n?influence pas les caractéristiques des garnitures. Si le produit
Berner dégradait l?adhérence, son application aurait dû induire des freinages longs juste
après son application puis une amélioration du freinage au fur et à mesure de sa
vaporisation. Ceci pourrait expliquer les alarmes de l?automate pour les tests réalisés
après le nettoyage.
Puis un test de frein F2 et un dernier test de frein F1 sont réalisés et ne font pas
remonter d?alarme. Les temps sont jugés en adéquation avec leurs attentes. Les odeurs
de brûlé, des dépôts noirs et des échauffements ne sont plus observés. L?automate
indique un verrouillage de chaque frein (F1 et F2) qui pourrait correspondre à une
vérification visuelle par les agents quant à l?état des garnitures des freins F1 et F2
après ces derniers essais.
81
? Le mercredi 29/09/2021, à l?arrivée du TIA au téléphérique de La Saulire, les mesures
de cotes de garde et des cotes de compression sur les 4pinces de frein sont réalisées
en présence des participants (S3V, TranscableHalec et STRMTG).
Puis ils remontent tous au poste de pilotage de l?appareil. Le technicien TIA installe son
appareil de mesure et d?enregistrement sur l?interface de l?automate. Les phases
d?essais en charge sont lancées. Le TIA déroule ses essais dans l?ordre retenu lors de
la dernière inspection: il demande à ce que soient engagés des essais de freinage F1
(modulés) puis F2 (étagés) et des arrêts électriques, en montée et en descente.
Lors du test de freinage F1 modulé à la descente à 10h27, l?installation freine trop
fortement (temps de freinage de 10,6s). Pour remédier à cela, le conducteur descend
en machinerie. Il observe une pince (F1P1) desserrée à 122,0mm ? réglage qu?il ne
change pas ? et il desserre l?autre pince F1 (F1P2) à 121,6mm. Cette évolution de la
cote de compression, passant de 121,2 Ã 122,0mm sans intervention humaine, indique
d?une part que le couple appliqué a diminué mais également que l?épaisseur totale des
deux garnitures de cette pince a réduit.
Après cette reprise de réglage, un nouvel essai du frein F1 en descente débute Ã
10h53. Un temps de freinage de 14secondes est alors observé, ce qui est jugé
encore trop court. Le conducteur S3V, peut-être aidé du chef de secteur, desserre un
peu plus les freins F1 en réglant les cotes des deux pinces à 122,2mm et l?essai
suivant de 11h10 donne un temps de freinage égal à 19secondes.
Le dernier temps de freinage (19secondes) étant jugé trop long, l?agent redescend de
nouveau en machinerie et resserre toutes les cotes de compression des rondelles aux
mêmes valeurs que le matin, afin de remettre du couple de freinage. L?essai suivant Ã
11h23 donne un temps de freinage de nouveau à 19secondes.
Suite aux reprises de réglage des freins F1, les cotes de garde ont été à chaque fois
contrôlées à 30mm, les entrefers n?ont eux pas été contrôlés. Il est à noter qu?aucune
reprise de réglage n?a été effectuée sur les pinces du frein F2.
Des discussions ont certainement lieu entre les personnes présentes dans le poste de
pilotage. À 11h41, l?alarme ?Verrouillage ouvert frein 1?, acquittée après 9minutes,
pourrait correspondre à une vérification visuelle par les agents quant à l?état des
garnitures des freins F1. Un essai est engagé à 11h53 pour un frein F1 en montée,
jugé satisfaisant (essai en montée).
Un autre essai de F1 en descente est lancé à 11h59: le frein F1 s?applique puis au bout
de 4,5secondes, étant donné la faible décélération, le frein F1 est desserré et le F2 est
appliqué. Puis 22secondes plus tard, le F1 régulé agit automatiquement en complément
du F2. Le temps total d?arrêt de l?installation est 30secondes. Durant cet essai, le frein
F1 ne s?est pas comporté comme attendu, tout comme le frein F2 ? preuve en est le
cumul nécessaire des freins (aidés du profil de la ligne qui s?aplatit) pour arrêter les
cabines. Des alarmes sont émises par l?automate de sécurité lors de cet essai. L?essai
est considéré ?non valide? par le technicien d?inspection annuelle.
Le dépôt noir s?est reformé sur les pistes de freinage, l?odeur est revenue.
Au regard des résultats des essais des freins F1 lors de cette matinée du 29/09/2021,
l?ensemble des participants s?entend pour arrêter les essais et reporter l?inspection
annuelle.
? Suite aux résultats précédents et aux réglages sur les pinces de frein F1, l?exploitant
souhaite vérifier le réglage des pinces du frein F2, dont les capacités sont les plus
visibles en freinage à la descente: un dernier essai est demandé par les agents S3V.
Aucune objection n?est émise, le câblage de l?ordinateur du TIA sur l?armoire de
commande est maintenu en place.
82
À 12h10:19, le conducteur lance donc l?essai F2MST. La cabinen°1 est positionnée en
gare amont. Elle descend, l?accélération de l?appareil est pilotée manuellement via le
potentiomètre disponible au pupitre, l?installation atteint la vitesse de 11m/s.
La cabine chargée franchit le point de lancement de l?essai: la traction est coupée
automatiquement et le pilotage de la tombée du frein est engagé. Mais au lieu de réduire,
la vitesse augmente. Des défauts et alarmes sont enregistrés par l?automate. Le système
mécanique de détection de survitesse se déclenche, la survitesse est également
détectée par l?automate ainsi que le non-ralentissement du téléphérique (??contrôle
décélération?).
L?installation continue à prendre de la vitesse. Le conducteur essaye de l?arrêter en
utilisant tous les boutons-poussoirs d?arrêt sur le pupitre. Mais les investigations
montreront que le frein d?urgence était déjà commandé. L?électricien coupe
l?alimentation électrique de l?armoire de commande derrière lui par le biais d?un
sectionneur. La vitesse atteint probablement les 16,5m/s. Une partie des données de
vitesse est écrêtée du fait de la plage de mesure (acquisition de 0 à 10V) et la
saturation de certains composants.
À partir de la coupure de traction et jusqu?à l?écrêtage des données, l?accélération est
quasi constante et en moyenne est égale à 0,38m/s².
La cabinen°1 descendante croise la cabinen°2 montante et approche du pylône. La
vitesse décroît jusqu?à l?arrivée de la cabine descendante au niveau du pylône puis
augmente de nouveau par oscillations.
Les participants sortent tous du poste de commande. Le responsable électrique
descend en machinerie, le conducteur le suit. Ils voient les freins qui sont tombés
(serrés donc), de la fumée s?échappe des quatre pinces. Croyant que les moteurs sont
encore en action, raison de l?accélération des cabines au lieu de leur freinage, ils
coupent les armoires de puissance mais cela n?a pas d?effet.
L?installation ralentit un peu (possiblement du fait du profil de la ligne qui s?aplanit) et la
cabinen°1, chargée de 11,4tonnes d?eau, heurte la gare aval à une vitesse d?environ
8m/s soit 30km/h. Le téléphérique s?arrête de fait. Entre la coupure de la traction et le
choc, il s?est écoulé 1minute et 47secondes.
Il n?y a pas eu de blessé.
Les deux cabines sont très endommagées: en gare aval, la cabine s?est encastrée sur
environ 1,50m dans la structure du quai et de la gare; en gare amont, l?autre cabine est
restée coincée dans la structure de la gare, pliant son châssis et sa suspente. Les
attaches au câble tracteur des deux cabines sont également touchées.
On observe plusieurs éléments:
? Les freins sont plaqués sur les pistes de freinage.
? Les traces noires sont présentes de chaque côté des deux pistes de freinage.
? Les garnitures impliquées dans l?accident (2djeu) sont usées de 1,3mm à 1,4mm
pour les pinces de frein F1 et de 0,8 Ã 1,0mm pour les pinces de frein F2.
? Les cotes de garde sont passées de 30mm à ±27mm pour toutes les pinces de
frein. Les cotes de compression des rondelles ont augmenté de l?ordre de 3mm.
? Des résidus sont observés sous les pinces du frein F1, moins sous celles du F2.
Ils proviennent probablement des plaquettes d?après leur composition grandement
similaire, avec pour certaines un enrichissement en fer possiblement dû à un
frottement sur la piste de freinage en acier.
? Des garnitures présentent des traces de températures élevées, a minima 160°C.
83
? Aucune anomalie de fonctionnement de la commande et du pilotage des freins, ni
d?anomalie de réponses des pinces de freins n?est enregistrée.
? Le frein F1 vient en soutien du F2 après le délai d?anti-cumul et un temps
supplémentaire possiblement lié à la coupure de l?alimentation électrique via le
sectionneur dans le poste de commande.
Au fur et à mesure de la matinée du 29septembre2021, on observe globalement une
évolution décroissante des décélérations, avec des réglages manuels concernant
uniquement la cote de compression des rondelles du frein F1. Cette dérive de la capacité
de freinage de l?installation est observée sur les deux types de freins F1 et F2. Toutefois,
cette évolution des temps de freinage au regard des réglages n?est pas détectée par les
participants aux essais d?inspection annuelle.
Les analyses ont montré que:
? De 2010 à 2020, les temps de freinage ont globalement diminué au fur et à mesure des
inspections annuelles, en considérant un réglage de l?entrefer pérenne entre ces
inspections annuelles. Principalement, les essais ??F1 plein couple descente?? et
??F2plein couple descente?? diminuent respectivement de 3,8 et 3,3s. Une variation
dans les temps de freinage obtenus est observable à partir de 2019. Les cotes de
compression et les cotes de garde restent sensiblement les mêmes d?année en année.
Toutefois, une variation d?1mm peut avoir un impact notable sur le freinage.
? Les plaquettes ont été changées le 27/09/2021 au cours des pré-essais, les plaquettes
installées sont de type Cosid132 et celles démontées également de type Cosid132.
En2019, ce sont des plaquettes G95 qui sont démontées et 8 nouvelles plaquettes en
Cosid132 sont installées (très probablement pour la première fois sur le téléphérique).
Or le CETIM a comparé différentes garnitures (Cosid132 neuves, du 1erjeu, du 2djeu,
garnitures G95 en place avant les Cosid132) et aucune différence de nature, ni aucune
pollution, n?ont été mises en évidence par les analyses directes sur les plaquettes.
? Étant donné que les performances de freinages du F1 et du F2 se dégradent au fur et Ã
mesure de la matinée jusqu?à être inacceptables lors des tests de 11h23 et 11h59,
nous considérons probable l?hypothèse que les garnitures à l?issue de l?accident ont été
dégradées avant l?engagement du test fatidique.
Avec un tel réglage (cote de garde à 30mm), le plan des pinces montre que le
débattement maximum du vérin sous l?action de la libération de la pression hydraulique et
de la force des rondelles Belleville est de 2,8mm. Cela autorise un déplacement de0,9mm
des plaquettes. Comme il y a 2plaquettes, si l?usure est bien symétrique, la limite de la
capacité des plaquettes à être mises en contact normalement sur la piste de freinage est
de 0,45mm. Il est à préciser que cette information sur le débattement existe dans la
documentation depuis la mise en service de l?appareil et se trouve rappelée dans la
modification de 2010.
Lors de la vérification du circuit hydraulique, on observe une dissymétrie de l?effort de
freinage sur le frein F2, induisant une sursollicitation de F2P1 aux dépens de F2P2. Les
charges sont donc absorbées en grande partie par une seule pince lors d?un freinage.
Alors les garnitures équipant la pince la plus contrainte s?échauffent nettement plus que
celle de l?autre pince. Elles subissent une usure accrue en raison de cette charge
thermique anormalement élevée. Quand la première pince atteint la butée dans la
chambre du piston, Ã force d?usure de ses garnitures, ce sera au tour des garnitures de la
seconde pince de supporter la majorité des contraintes de freinage et de subir, à son tour
un échauffement et donc une usure importante.
84
Les pinces du frein F1 présentent également un déséquilibre ? sans en connaître la cause:
dans les constats, F1P1 s?use plus vite que F1P2 (cote de compression augmente de
9h20 à 10h30) et après l?accident F1P1 est en butée mais pas F1P2.
L?usure des garnitures de F1 (1,3-1,4mm) est plus importante que celle des garnitures de
F2 très probablement du fait que le F1 a été plus sollicité que le F2 pendant les 2jours qui
ont précédé l?accident.
Enfin, les réglages de la pince ont permis de reprendre le jeu et poursuivre l?usure jusqu?Ã
1,3-1,4mm pour F1 et 0,8-1,0mm pour F2.
La cause première de la collision des cabines contre les structures des gares est la
capacité réduite de freinage de l?installation. Cette capacité s?est dégradée dans la
matinée au cours des essais, avec le dernier essai avant l?accident se déroulant de
façon anormale.
Deux facteurs entrent en compte:
1- l?usure inhabituelle des garnitures Cosid132 ne correspondant pas à l?attendu sur
le téléphérique de La Saulire, dépassant ainsi l?usure admissible des plaquettes de
frein qui aurait dû rester limitée à 0,45mm; et
2- la mise en butée rapide des pinces de frein via un débattement réduit du piston
dans sa chambre, du fait du réglage de la cote de garde à 30mm. Cette contrainte
existant depuis 1985 était méconnue par les agents de S3V présents lors de l?IA.
L?absence de détection de ce risque de butée et l?absence de la détection de l?usure
par capteur ou mesure manuelle ont empêché un rattrapage possible de l?événement.
Bien que le temps supplémentaire avant l?entrée en action du F1 (et de ses capacités
restantes à ce moment-là ) ne peut pas être corrélé à une aggravation de l?accident, il
est dommage que le F1 ne soit pas entré en application plus tôt ? tout en respectant la
réglementation.
Le déséquilibre entre les pinces du frein F2, et potentiellement celui entre les pinces
du frein F1, a pu contribuer à une reprise des efforts sur une pince en priorité puis sur
l?autre une fois les premières garnitures trop sollicitées.
Un facteur contributif concerne les défaillances au niveau de l?identification, de
l?utilisation et de l?analyse des informations fournies par le système aux différents
intervenants au cours des essais, les empêchant de détecter le risque et d?éviter
l?accident. Les multiples réglages de la cote n?ont pas dû améliorer la visibilité sur le
comportement des freins.
Enfin, une hypothèse est proposée: sur ce téléphérique de La Saulire, les deux seuls
changements notables sont la modification de 2010 et le changement de type de
garnitures avec la mise en place de la garniture Cosid132 en juin 2019. L?usure des
garnitures Cosid132 sur La Saulire a été importante, très probablement du fait des
températures élevées subies par les garnitures. Le coefficient de friction en a
certainement été impacté, sachant que la valeur de ce coefficient sur le téléphérique
de La Saulire ne peut être garantie par le fournisseur puisque dépendante de la
matière de la surface avec laquelle elle interagit et du système de freinage dans sa
globalité. Or il n?y a pas eu de calcul ni de qualification/essais de la garniture
Cosid132 remplaçant la G95 vis-à -vis du téléphérique de La Saulire. C?est pourquoi
nous émettons l?hypothèse d?une probable inadéquation de la garniture Cosid132
avec le système de frein de La Saulire.
85
5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations
préventives
5.1 - L?arbre des causes
Les investigations permettent d?établir le schéma ci-après: il synthétise le déroulement de
l?accident et identifie les causes et les facteurs associés mis en évidence par le BEA-TT.
Figure 76 - Arbre des causes
5.2 - Les causes de l?événement
Le 29septembre2021 Ã 12h10, lors de l?inspection annuelle, un des essais de freinage
se déroule mal: au moment du déclenchement du test de frein d?urgence en descente, la
vitesse de l?installation ? 11m/s ? augmente au lieu de diminuer. Or un serrage des
pinces du frein d?urgence puis des pinces du frein de service 33secondes plus tard ont
bien eu lieu. La vitesse atteint un maximum puis, globalement, diminue ? mais
insuffisamment. Les cabines ne s?arrêtent pas et heurtent respectivement les gares amont
et aval à une vitesse de 8m/s.
86
La cause première de la collision des cabines contre les structures des gares est la
capacité réduite de freinage de l?installation. Cette capacité de freinage s?est dégradée
dans la matinée au cours des essais, avec les deux derniers essais avant l?accident se
déroulant de façon anormale.
Plusieurs facteurs techniques, organisationnels et humains ont contribué à l?événement:
? L?usure inhabituelle des garnitures et l?absence de vérification de la compatibilité des
garnitures Cosid132 avec le système de freinage de LaSaulire.
? La non-perception par les cinq participants à l?inspection annuelle de la dégradation de
capacité de freinage des deux freins.
? La méconnaissance par les acteurs de l?inspection annuelle, notamment chez
l?exploitant, quant à la mise en butée possible d?une pince de frein et de la marge
restante très faible du fait des réglages des cotes.
Les orientations préventives visant à éviter le renouvellement d?un tel événement sont Ã
rechercher dans les domaines suivants:
? la compatibilité de nouvelles garnitures avec une installation et son système de
freinage;
? la conscience du risque au cours d?une inspection annuelle;
? la traçabilité (des documents et des produits) et la gestion des connaissances au sein
de l?exploitant.
5.2.1 - La compatibilité de nouvelles garnitures avec une installation et son
système de freinage
À l?issue des investigations, nous avons émis l?hypothèse d?une probable inadéquation de
la garniture Cosid132 avec le système de frein de La Saulire. Quel que soit le degré de
certitude de cette hypothèse et de manière similaire aux homologations routière et
ferroviaire, au moment du changement du type de garnitures de la G95 vers la Cosid132,
des essais et mesures de vérification du comportement de la nouvelle garniture en
rapport avec le téléphérique de La Saulire auraient permis de quantifier l?efficacité de
cette nouvelle garniture, de vérifier à quel rythme elle s?use, d?enregistrer le
comportement de la garniture et ainsi pouvoir, le cas échéant, faire évoluer le processus
de vérification régulière et de réglage des freins.
En outre, nous avons constaté que la course réduite du frein (mise en butée rapide) est
un facteur contributif de l?accident, en lien étroit avec le degré d?usure des garnitures.
Avec le retour d?expérience de LaSaulire, le postulat que le frein d?urgence/desécurité
ne peut défaillir, a été mis à mal. L?accident du 29/09/2021 nous rappelle que l?ensemble
des éléments de cette fonction de sécurité participe à la maîtrise du risque.
À noter que les funiculaires peuvent avoir des systèmes de freinage concernés par la
problématique, de façon similaire aux téléphériques.
L?ensemble de ces éléments conduit le BEA-TT à émettre la recommandation suivante.
Recommandation R1 Ã l?attention du STRMTG
Afin de vérifier et d?améliorer la gestion des interfaces entre les garnitures et le
système de freinage, mener les actions suivantes sur les installations de
téléphériques et de funiculaires:
? Avec la profession, mettre en place un processus de vérification de l?adéquation
des garnitures des freins avec l?installation correspondante lors d?un
changement de référence des garnitures.
87
? Faire vérifier par les exploitants le risque d?atteinte d?une butée mécanique sur
les pinces de freins (identifier si butée, vérifier les réglages adéquats, couvrir le
risque le cas échéant).
? Enfin, lors d?une modification ou d?un remplacement d?un système de freinage
sur une installation existante, privilégier la mise en place d?un dispositif de
détection d?usure de plaquettes.
Le BEA-TT invite également l?ensemble des exploitants de téléphériques ? et de
funiculaires ? à vérifier la bonne surveillance (processus interne ou capteur) de
l?épaisseur des garnitures de frein de leurs installations.
Cet accident a permis de réaliser un focus sur les garnitures de frein. Toutefois, d?autres
éléments d?une remontée mécanique pourraient être concernés de façon similaire, en
étant considérés comme consommables ou pièces d?usure mais dont leur modification
aurait un potentiel impact sur la sécurité du système (exemple: garniture de bandage,
huile de centrale de frein, etc.).
C?est pourquoi le BEA-TT invite les exploitants de téléphériques et de funiculaires Ã
s?assurer lors d?un changement de matière, de fabrication ou toute autre évolution
d?un élément de sécurité ou pièce d?usure de leur.s installation.s, que l?impact de la
modification sur la sécurité est évalué.
L?accident a eu lieu alors qu?un outil de collecte d?informations était branché. Toutefois, les
investigations ont été limitées par le manque de données des jours précédant l?inspection
annuelle. Dans l?esprit des enregistreurs de paramètres d?exploitation présents sur les
matériels roulants métro et tramway, et celui du Guide technique relatif à la conception
générale et à la modification substantielle des téléphériques RM2 (version 2023), le
BEA-TT émet la recommandation suivante.
Recommandation R2 Ã l?attention du STRMTG
Pour les projets de téléphériques, imposer l?enregistrement de la vitesse de
l?installation, la date et heure, la distance parcourue ou localisation, l?état
(ouvert/fermé) des freins F1 et F2, et tout autre paramètre pertinent à déterminer
en plus des défauts et alarmes ? même lorsqu?ils ne sont pas encore acquittés.
Entre autres inconnues, le déséquilibre entre les pinces du frein F2 n?a aujourd?hui pas
trouvé d?explication. Or l?installation de La Saulire va être rénovée avec notamment un
nouveau câble tracteur, le remplacement des deux véhicules ainsi que de tout le système
de freinage, de toutes les armoires de puissance, auxiliaires et de commande, le
remplacement des trois moteurs principaux par des moteurs asynchrones avec ajout de
volants d?inertie, le remplacement des capteurs et codeurs, etc. Le calcul de ligne
d?origine n?est pas remis en cause et les gares ainsi que le pylône sont conservés. Cette
opération, réalisée avec le constructeur Poma et avec DCSA comme responsable de
modification, sera conforme à la réglementation technique et de sécurité en vigueur. Ainsi,
étant donné la rénovation importante prévue, le BEA-TT n?émet pas de
recommandation spécifique se rapportant au téléphérique de La Saulire.
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Un autre téléphérique français, Chantemerle, à Serre-Chevalier, est équipé de pinces
ST3SH d?ATV. Étant donné que l?exploitant a immédiatement apporté les corrections
nécessaires, notamment sur le réglage du frein F1, et mis en place un suivi quotidien
avec traçabilité des valeurs de réglage, le BEA-TT invite l?exploitant du téléphérique
Chantemerle, SCV Domaine Skiable, à poursuivre sa vigilance et sa traçabilité sur
le réglage des freins.
5.2.2 - La conscience du risque au cours d?une inspection annuelle
À l?issue des investigations sur les facteurs organisationnels et humains, la conscience du
risque encouru du fait des installations poussées à leurs limites au cours d?une inspection
annuelle n?apparaît pas ancrée dans l?esprit des participants. Les inspections annuelles
sont des essais réglementaires dont le but est de s?assurer du maintien de la sécurité de
l?installation. Ce sont des essais habituellement menés sous des contraintes temporelles
fortes et avec un objectif d?obtention de temps de freinage adéquats au regard de la
réglementation. Il semble pertinent de remettre la sécurité au coeur de ce contrôle
réglementaire. L?absence de détection du risque croissant de dégradation de la capacité
de freinage par les trois acteurs met également en exergue le manque de clarté entre le
rôle du TIA et le rôle de l?exploitant, donc l?absence d?identification d?un pilote ou chef
sécurité, dont l?une des missions serait de s?assurer que le niveau de sécurité est
maintenu à tout moment.
Par ailleurs, en temps normal, après une inspection annuelle, les garnitures de frein ne
sont pas remplacées, elles sont considérées/supposées encore bonnes. Dans le cas de
La Saulire, si les essais avaient été arrêtés après celui de 11h59, l?installation était dans
un état potentiellement à risque, ce sont ici quasiment des essais destructifs qui ont été
réalisés. À l?issue d?une Inspection Annuelle, le risque de garnitures dégradées n?est ainsi
pas à exclure. Et de façon générale, après toute IA aboutissant sans événement et de
façon conclusive, aucune vérification de l?état de l?appareil n?est aujourd?hui prévue. De
plus, lorsque des réglages sont effectués sur une installation au cours de son Inspection
Annuelle, il est pertinent de vérifier leurs impacts sur les essais et sur l?appareil. C?est
pourquoi le BEA-TT émet la recommandation suivante.
Recommandation R3 Ã l?attention du STRMTG
En coopération avec les exploitants de téléphériques et les techniciens
d?inspection annuelle, déterminer des règles organisationnelles et méthodologique
remettant la sécurité au centre de ces essais réglementaires, notamment en:
?entérinant clairement la répartition des rôles entre exploitant et technicien
d?inspection annuelle, notamment pour la maîtrise de la sécurité de l?installation,
?analysant tout réglage du système de freinage au cours de l?IA mais également au
cours des pré-essais et
?vérifiant à l?issue de l?inspection annuelle l?état des éléments qui ont pu être
modifiés ou impactés par les essais.
5.2.3 - La traçabilité des documents et des produits, et la gestion des
connaissances au sein de l?exploitant
Des problématiques liées à l?absence de traçabilité des documents et des garnitures ont
été soulevées au cours des investigations (références des garnitures achetées, stockées
et installées sur le téléphérique, surveillance régulière du jeu entre garnitures et disque,
notice du téléphérique, gestion des indices selon les évolutions de la notice des freins,
stockage adéquat des produits, gestion de l?alerte sur l?usage déconseillé du Berner
89
en2013). C?est pourquoi le BEA-TT émet une première recommandation concernant
l?amélioration du SGS de l?exploitant.
Recommandation R4 Ã l?attention de l?exploitant S3V
Dans le cadre du Système de Gestion de la Sécurité, améliorer la traçabilité des
documents, des produits et des actions réalisées sur l?ensemble de l?exploitation et
de la maintenance des remontées mécaniques sous sa responsabilité.
D?autre part, la présence de la butée dans le frein ? donc la sensibilité par rapport Ã
l?usure des plaquettes ? et la nécessité de surveiller le jeu aux garnitures n?étaient pas
connues par l?ensemble des agents de l?exploitant en charge de ce téléphérique.
De plus, sans pouvoir identifier si ce facteur a contribué à l?aggravation de l?accident étant
donné l?état des freins F1 avant même le lancement du test fatidique, les 15secondes
supplémentaires avant application du frein de service F1 sont dues à une action extérieure
à l?automatisme sur le sectionneur de l?armoire. Le sectionneur n?a pas pour but d?arrêter
au plus tôt l?installation mais de couper l?alimentation en cas d?incendie ou d?électrocution.
Par ailleurs, l?observation d?éléments (épaisseur des garnitures, différentes cotes dont
l?entrefer, température du disque de freinage, enregistrement des graphes sur l?outil
informatique Suprême) suite aux incidents lors des pré-essais et des essais avant
l?accident aurait peut-être permis à l?exploitant de détecter puis analyser la situation ou a
minima, de réaliser des mesures pour débuter une analyse interne de l?incident.
Le BEA-TT émet donc la recommandation suivante.
Recommandation R5 Ã l?attention de l?exploitant S3V
Améliorer la formation des agents, notamment concernant la bonne connaissance
des installations et de leurs limites; et améliorer l?analyse des incidents (détection
des précurseurs, perception des situations anormales, profondeur d?analyse,
évaluation des actions correctives).
Le téléphérique de La Saulire était certes un appareil de quarante ans et pour lequel la
mise en service n?a pas été simple, notamment le réglage initial des freins. Il y a un flou
sur l?applicabilité de la notice au début de l?exploitation. Le fait que l?exploitant n?effectue
pas le réglage à partir du jeu et d?une cote freins ouverts à 40mm, a réduit le débattement
possible du piston dans la chambre, rendant rapide une atteinte de la butée en cas
d?usure des garnitures. Aujourd?hui, des capteurs sont couramment installés pour ce faire,
voire des mécanismes de réglage automatique permettent de tenir compte de l?usure des
plaquettes de freins. Pour rappel, la norme EN13223 demande que «l?usure des
garnitures de frein doit pouvoir être compensée par des réglages; dans le cas du frein de
service, elle doit être surveillée» et que «la course résiduelle qui doit subsister dans un
frein fermé doit être contrôlable».
À la lumière de ce retour d?expérience, le BEA-TT invite les exploitants de
téléphériques ? et de funiculaires le cas échéant, si besoin appuyés par les
constructeurs, à veiller à ce que cette surveillance et contrôlabilité, si faite par des
agents, soient évidemment réalisables, et aisées.
90
Annexe: décision d?ouverture d?enquête
91
Règlement Général de Protection des Données
Le bureau d?enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) est investi d?une mission de service
public dont la finalité est la réalisation de rapports sur les accidents afin d?améliorer la sécurité des transports
terrestres (articles L. 1621-1 et 1621-2 du code des transports, voir la page de présentation de l?organisme).
Pour remplir cette mission, les personnes chargées de l?enquête, agents du BEA-TT habilités ainsi que
d?éventuels enquêteurs extérieurs spécialement commissionnés, peuvent rencontrer toute personne
impliquée dans un accident de transport terrestre (article L. 1621-14) et recueillir toute donnée utile.
Ils traitent alors les données recueillies dans le cadre de l?enquête dont ils ont la responsabilité uniquement
pour la seule finalité prédéfinie en garantissant la confidentialité des données à caractère personnel. Les
rapports d?enquêtes sont publiés sans le nom des personnes et ne font état que des informations
nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de l?accident. Les données personnelles
sont conservées pour une durée de 4 années à compter de la publication du rapport d?enquête, elles sont
ensuite détruites.
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que les traitements de données à caractère personnel dont il est le responsable de traitement soient mis en
oeuvre conformément au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016
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et à la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l?informatique, aux fichiers et aux libertés.
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Synthèse
1 - Constats immédiats et engagement de l?enquête
1.1 - Les circonstances de l?événement
1.2 - Le bilan matériel
1.3 - Les mesures prises après l?évènement
1.4 - L?engagement et l?organisation de l?enquête
2 - Contexte de l?accident
2.1 - La station de Courchevel
2.2 - L?organisation générale de l?exploitation et de la maintenance du téléphérique
2.2.1 - L?organisation de l?exploitant
2.2.2 - La maintenance réalisée par l?exploitant
2.2.3 - L?Inspection Annuelle
2.3 - Le téléphérique de La Saulire
2.3.1 - L?ensemble des intervenants sur ce téléphérique
2.3.2 - Les caractéristiques générales du téléphérique
2.3.3 - L?automatisme de contrôle-commande
2.3.4 - Le système de freinage
- Les types de frein et leurs règles de fonctionnement
- Les pinces de frein
- La centrale hydraulique
2.3.5 - Le système mécanique de détection de survitesse
2.4 - Les conditions météorologiques
3 - Compte rendu des investigations effectuées
3.1 - Les résumés des déclarations
3.1.1 - Le conducteur du téléphérique de La Saulire
3.1.2 - Le chef de secteur Remontées Mécaniques Ouest
3.1.3 - Le technicien d?Inspection Annuelle de TranscableHalec
3.1.4 - Le technicien du Bureau de Savoie du STRMTG
3.1.5 - Le responsable électrique
3.1.6 - Le responsable de la maintenance
3.1.7 - Le chef d?exploitation, responsable des Remontées Mécaniques Ouest
3.1.8 - Synthèse des témoignages
3.2 - Les dommages sur l?installation extérieure
3.3 - Les constats en machinerie
3.3.1 - Les constats sur les freins
3.3.2 - Les constats sur les poulies
3.4 - Les données du Technicien d?Inspection Annuelle
3.5 - Les données de l?automate
3.5.1 - Les limites de l?automate
3.5.2 - Les données de l?accident du 29/09/2021 à 12h10
3.5.3 - Les données des essais du 29/09/2021, avec leurs temps d?arrêt associés et les réglages
3.5.4 - La synthèse des données enregistrées par l?automate les jours ayant précédé l?IA du 29/09/2021
- Historique du lundi 27/09/2021
- Historique du mardi 28/09/2021
- Historique du 29/09/2021 avant l?essai final de 12h10
3.6 - Les conclusions sur les constats immédiats
3.7 - Les premières vérifications
3.8 - Les investigations sur les évolutions et les événements du téléphérique de La Saulire
3.9 - Les investigations sur les résultats des inspections annuelles des dix dernières années
3.9.1 - Les freinages au cours de l?inspection annuelle du 29/09/2021
3.9.2 - Les temps de freinage des inspections annuelles de 2020 et 2019
3.9.3 - L?évolution des temps de freinage au cours des inspections annuelles depuis 2010
3.10 - Les investigations sur les freins: les pinces et les garnitures
3.10.1 - Le montage et le réglage des freins
- Impact du réglage de la cote de garde à 30mm
- Effet des réglages de l?empilement des rondelles (cote de compression) lors de l?IA
- Observations complémentaires sur l?activation des pinces de frein
3.10.2 - Les investigations sur les garnitures des freins
- Les épaisseurs de plaquettes
- La matière des plaquettes
- Les particules sous les pinces
- Une usure asymétrique des garnitures
- L?usure de 1,4mm et réglages
- La température atteinte par les garnitures
- Les types de garniture
- Les tests in situ sur les plaquettes
- Le produit Berner
- Les comparaisons des caractéristiques des différentes garnitures par le CETIM
3.10.3 - Une hypothèse explorée
3.10.4 - Des éléments de clarification et autre hypothèse moins probable
- Usure du 1er jeu de garnitures
- Déséquilibre entre les pinces d?un même frein
3.11 - Les investigations sur les facteurs humains et organisationnels
3.11.1 - Le rôle du technicien d?inspection annuelle et le rôle de l?exploitant
3.11.2 - La détection d?une situation à risque
- Au cours de la matinée du 29 septembre 2021
- Au cours des pré-essais du 27 et 28 septembre 2021
3.11.3 - Les processus de maintenance, la traçabilité des produits et la gestion documentaire
3.12 - L?autre téléphérique français aux pinces de freins identiques: le téléphérique de Chantemerle à Serre-Chevalier
4 - Analyse du déroulement de l?accident
5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives
5.1 - L?arbre des causes
5.2 - Les causes de l?événement
5.2.1 - La compatibilité de nouvelles garnitures avec une installation et son système de freinage
5.2.2 - La conscience du risque au cours d?une inspection annuelle
5.2.3 - La traçabilité des documents et des produits, et la gestion des connaissances au sein de l?exploitant
Annexe: décision d?ouverture d?enquête
Règlement Général de Protection des Données
(ATTENTION: OPTION , a lieu à 12:10:38 soit environ 20secondes après l?activation du
frein F2, ce qui confirme le bon réglage de la temporisation RLFS.
Le défaut ci-dessus traduit qu?une incohérence est détectée par l'APIdS: la fin de la
temporisation (donc bascule à 0 du relais RLFS, ce qui engage l?ordre de tombée du
freinF1) alors que l?automate de sécurité continue à voir une vitesse sur l?appareil et que
la durée maximale de freinage prévue par l?automate n?a pas encore été atteinte. L?APIdS
considère donc que l?anti-cumul est encore nécessaire et il maintient le F1 relevé.
Or l?activation du F1, en cumul du F2, va se produire au bout de 33secondes. Ce délai de
13secondes supplémentaires correspondrait: ?soit à des composants de l?automate qui
ont saturé face à la vitesse élevée (lecture maximale à 10V), ?soit à la coupure du
sectionneur 400V. Cette coupure entraîne une perte de l?acquisition du signal vitesse par
la carte de régulation du frein F1. Cette absence d?acquisition est considérée comme une
vitesse nulle. Une action complémentaire sur la carte de régulation du frein via une chaîne
relayée temporisée permet un pilotage direct du F1 plein couple. Au vu des schémas
transmis, cette sollicitation est calibrée 15secondes après la demande par l?automate
principal et expliquerait la tombée du F1 plein couple 33secondes après la tombée du F2.
Cette seconde hypothèse semble la plus probable.
Fin de la durée maximale de freinage?
Le temps maximal d?arrêt est atteint dans l?automate de sécurité: le dévirage26 statique
correspond à un mouvement observé alors que l?automate considère que l?appareil
devrait être arrêté.
Temps long du fonctionnement de la pompe de la centrale de frein?
Une alarme de surveillance d?état de la pression basse dans la centrale de frein apparaît.
L?automate considère que la pompe de frein fonctionne depuis trop longtemps,
l?installation aurait dû s?arrêter.
Impact des véhicules?
À 12:12:07, toutes les portes des cabines envoient des messages de défaut de fermeture.
Cela correspond à l?impact des cabines avec les gares.
Il y a eu un réarmement 248secondes plus tard soit à 12:16:15 donc, la vitesse est bien
nulle, et une personne acquitte des défauts sur l?automate. Pour rappel, les défauts non
??levés?? (toujours actifs) ne sont pas acquittés et donc pas enregistrés dans l?automate.
26 Le contrôle de dévirage est un dispositif permettant de détecter l?inversion intempestive du sens
d?entraînement du câble: le câble part en marche arrière alors que l?appareil est en marche avant.
39
En synthèse:
? Les évènements enregistrés par l?automate sont cohérents avec la courbe enregistrée
par le TIA.
? Le non-ralentissement du téléphérique (??contrôle décélération?) et la survitesse ont été
détectés.
? Aucune anomalie de fonctionnement de la commande et du pilotage des freins, ni
d?anomalie de réponse des pinces de freins n?est enregistrée, alors qu?elles sont
surveillées par l?automate.
? Le décalage de la tombée du frein F1 à 33secondes au lieu de 21secondes est lié soit
à une saturation de la carte d?acquisition de la vitesse, soit plus probablement à une
coupure de l?alimentation électrique de la carte pouvant induire une information vitesse
nulle de l?installation à destination de la carte de régulation du frein de service F1.
3.5.3 - Les données des essais du 29/09/2021, avec leurs temps d?arrêt associés et
les réglages
Les courbes du TIA pour chaque essai du 29/09/2021 nous ont été fournies et permettent
de regrouper les valeurs des temps obtenus dans le tableau ci-dessous. Nous y avons
introduit des mentions sur les réglages réalisés selon les témoignages.
Heure (automate) Type d?essai Temps d?arrêt (TIA)
Réglage initial des cotes: F1P1 = 121,1mm et F1P2 = 120,9mm
9h36 F1 par BP (modulé), à la montée 9,1s
9h43 F1 par BP (modulé), à la descente 12,4s
9h47 F2 (frein d?urgence étagé), à la montée 8,2s
9h53 F2 par BP, Ã la descente 11,0s
10h03 Arrêt électrique, à la montée 14,5s
10h11 Arrêt électrique, à la descente 14,8s
10h14 Arrêt sur inertie, à la montée 9,8s
10h26 F1 plein couple, Ã la descente 10,6s
Réduction du couple du frein F1: F1P2 réglée à 121,6mm (F1P1 trouvée à 122,0mm)
10h52 F1 plein couple, Ã la descente 14s
Réduction du couple du frein F1: F1P1 et F1P2 réglées à 122,2mm
11h10 F1 plein couple, Ã la descente 19,1s
Remise de couple du frein F1: F1P1 et F1P2 réglées à 121,5mm
11h22 F1 plein couple, Ã la descente Essai caduc, 20s
11h53 F1 plein couple, à la montée 9s
11h59 F1 plein couple, Ã la descente Essai caduc, 30s
12h06 F2 plein couple, Ã la descente Accident (107s)
On constate que les trois derniers essais à la descente avant le test fatidique donnent des
temps très longs, les deux derniers essais sont mêmes considérés caducs par le TIA et
les graphes montrent que le frein F2 a pris le relais du frein F1. Les essais seront
analysés finement dans la partie Investigations, avec les courbes du TIA à l?appui.
40
3.5.4 - La synthèse des données enregistrées par l?automate les jours ayant
précédé l?IA du 29/09/2021
Pour rappel, l?outil de supervision de l?automate présente une liste d?enregistrements avec
date, heure, numéro de l?alarme, son intitulé, la durée avant son acquittement. Ici, les
essais F1MST et F2MST seront systématiquement listés, les autres remontées
d?informations seront mentionnées quand pertinentes.
Avant la date du 27/09/2021, on observe des essais F1MST (30/11/2020, 16/08/2021 et 2le
23/09/2021) et des F2MST (30/11/2020, 16/08/2021 et 6 le 23/09/2021), sans connaître leur
vitesse et le lieu du début du freinage. Des ouvertures des pinces sont également indiquées
(3 en novembre 2020, 4 en mai 2021, 2 en août 2021 et 2 le 23septembre2021). Elles
correspondent probablement à des opérations de maintenance ou de vérification. Deux
défauts de dévirage statique sont listés le 21/06/2021.
Mais en l?absence d?enregistrements de vitesse et de la distance parcourue par une
cabine, les défauts enregistrés jusqu?en novembre 2020 ne sont pas interprétables. Nous
nous focalisons donc sur les trois jours de pré-essais et essais de l?Inspection Annuelle.
- Historique du lundi 27/09/2021
De nombreuses informations sont données par l?automate le 27/09/2021 (265lignes).
L?installation est mise en marche à 8h11.
? À13h24, le premier test F1MST est déclenché: le chargement de la cabine est
terminé. Les réglages du téléphérique commencent. Il sera suivi de 3 autres F1MST
(13h35, 13h57 et 14h02). Les tests de 13h35 et 13h57 sont suivis d?un défaut
pressostat: le temps de freinage est trop long. Sinon, aucun autre défaut ne remonte.
? À14h15, un verrouillage ouvert F2 est indiqué. Son réarmement est fait 80s après. Il
sera suivi de 4 F2MST: 14h27, 14h42, 14h59 et 15h11.
? À15h23, on observe un verrouillage ouvert F2 (159secondes) et à 15h32, un
verrouillage ouvert F1 (47secondes).
? Des BP arrêt frein 1 pupitre sont activés. Puis 2 F1MST ont lieu (16h08 et 16h29),
deux BP arrêt frein 2 pupitre/extérieur et un F2MST à 16h36.
? La journée se termine avec une dernière remontée d?information à 16h44.
En synthèse, lundi après-midi, de multiples tests de freinage sont engagés et deux font
remonter un défaut ??temps long?? (F1MST de 13h35 et 13h57). Il est constaté un
verrouillage ouvert de F1 et deux de F2: cela indique l?ouverture des pinces des freins.
Cela correspondrait à un changement des garnitures, a priori pour les deux freins en
même temps, entre 15h23 et 15h33.
- Historique du mardi 28/09/2021
L?installation est mise en marche à 8h09. De nombreuses informations sont données par
l?automate le 28/09/2021 (325lignes).
? Les premiers tests du mardi après la préparation font remonter 3F2MST (9h17 suivi
d?un défaut pressostat, 9h23 et 9h28) puis de 2 F1MST (9h32 suivi d?un défaut
pressostat, et 9h36). À 9h53, un verrouillage ouvert F1 (acquitté après 289s) est suivi
la seconde suivante d?alarmes de ??Non tombée pince2 frein1?? et ??Non tombée pince1
frein1??. À 10h08, un verrouillage ouvert frein de sécurité/d?urgence (274secondes) est
indiqué.
? À 10h14, un test F1MST est lancé. À 10h47, l?alarme ?verrouillage ouvert frein1? est
remontée (acquittée après 152s), suivi la seconde suivante de ?Non tombée pince2
frein1? et ?Non tombée pince1 frein1?. À 11h25, un ?verrouillage ouvert frein1?
41
(durée avant acquittement de 25s) est suivi la seconde suivante de ?Non tombée
pince2 frein1? et ?Non tombée pince1 frein1?. Puis 7secondes plus tard, apparaît un
?verrouillage ouvert frein de sécurité? (18s).
? Une pause a lieu de 11h25 Ã 12h59.
? À 13h05, de nouveau un verrouillage ouvert frein1 (durée avant acquittement de
217s) a lieu, suivi la seconde suivante de ?Non tombée pince2 frein1? et ?Non tombée
pince1 frein1?. À 13h42, on constate un verrouillage ouvert frein de sécurité (durée
149s) ? cet horaire correspond à celui de la photo prise par S3V (voir Figure 32 -).
? De 14h11 à 15h08, de très nombreux BP arrêt frein2 pupitre/extérieur et BP arrêt
frein1 pupitre ont lieu. Ces nombreuses activations de BP pourraient correspondre au
nettoyage des poulies bout par bout, en tournant petit à petit les poulies pour faciliter
l?accès aux agents S3V. Les garnitures auraient également été nettoyées dans cette
plage horaire, voire à partir de 13h05.
? Le test suivant a lieu à 15h15: c?est un F1MST suivi d?alarmes ?surveillance sens de
marche? et d?alarmes ??dévirage statique?? (temps maximal atteint). Cette information
confirme un freinage non conforme à l?attente. De nouveau à 15h32, le test F1MST est
suivi d?alarmes ?surveillance sens de marche?. À 15h37, un test F2MST est effectué
sans difficulté. À 15h48, un F1MST est suivi d?alarmes ?surveillance sens de marche?.
Puis à 15h56, un F1MST est effectué sans difficulté.
? À 16h06, on observe le verrouillage ouvert du frein 1 (durée 84s) suivi la seconde
suivante de ??Non tombée pince2 frein1?? et ??Non tombée pince1 frein1??. Puis Ã
16h13, le verrouillage ouvert du frein 2 (durée 48s). Ces deux verrouillages pourraient
correspondre à une vérification visuelle par les agents quant à l?état des garnitures des
freins F1 et F2 après ces derniers essais. La journée se finit à 16h30.
Ainsi, après 3F2MST et 2F1MST, plusieurs verrouillages ouverts du F1 ou F2 ont eu lieu,
jusqu?à 13h42. Les nombreux arrêts au BP indiquent que le nettoyage des pistes de
freinage est effectué entre 14h11 et 15h08. Ensuite 4F1MST et 1F2MST sont réalisés:
les premiers déclenchent des alarmes dans l?automate et les derniers F1 et F2 sont bons.
- Historique du 29/09/2021 avant l?essai final de 12h10
L?installation est mise en marche à 7h40. Les arrêts demandés et les défauts notables
observés au cours de la matinée sont en adéquation à ceux listés et décrits via les
courbes du TIA (chapitre 3.9.1 -).
À noter en sus qu?à 11h41, l?alarme ?Verrouillage ouvert frein 1?, avec la non-tombée de
P1F1 et P2F1, est notifiée et acquittée après 9minutes. Non identifié dans les
témoignages, cela pourrait correspondre à une vérification visuelle par les agents quant Ã
l?état des garnitures des freins F1. Il y a un test de F1 à la montée à 11h53 puis un test
de F1 à la descente à 11h59.
À 12h10, a lieu le F2MST ?Test automatique: Arrêt F2? qui mène à l?accident.
En conclusion, sur les deux jours de pré-essais, nous comptabilisons 13tests F1MST et
9tests F2MST. Sur les trois derniers jours, l?ensemble des données de l?automate
corrobore les témoignages ainsi que les courbes du TIA, et confirme que le système de
freinage a présenté quelques difficultés avant (défauts, verrouillage pinces de frein) et
évidemment pendant l?IA.
42
3.6 - Les conclusions sur les constats immédiats
Le lundi 27 septembre 2021 , des agents de l?exploitant S3V réalisent des pré-essais sur
le téléphérique de La Saulire afin de préparer son inspection annuelle, prévue deux jours
plus tard ? le mercredi 29septembre. Le matin est dédié au chargement (11,4tonnes
d?eau) de la cabinen°1. L?après-midi, un certain nombre d?essais ont lieu. Au cours de
ces essais, la piste de freinage devient tiède et une odeur de brûlé se fait sentir. Les
pinces de frein sont alors ouvertes par les agents S3V et les plaquettes (1erjeu) sont
observées. Ces dernières sont retirées étant donné qu?elles sont ?glacées?, même si elles
ne présentent pas d?usure de leur garniture. Elles sont remplacées par des plaquettes
neuves (2?jeu). Ce remplacement pourrait avoir lieu entre 15h23 et 15h55 selon les
témoignages et l?historique de l?automate. Deux tests du frein F1 et un test du frein F2
sont effectués, puis la journée se termine.
Le mardi 28 septembre , les essais de préparation se poursuivent. Des tests sont lancés:
4 à 5arrêts en freinage F1 et F2 sont effectués ? des freinages légers à faible vitesse
pour le rodage des plaquettes. Un dépôt noir est visible sur les deux côtés des pistes de
freinage des deux poulies. Les plaquettes présentent un état de surface jugé anormal par
l?exploitant: elles sont glacées, avec de larges traces grises. À 13h45, une des plaquettes
du 2?jeu est prise en photo. Les agents S3V toilent les huit plaquettes et réalisent un
nettoyage complet des pistes de freinage avec du nettoyant Berner. Ils remettent les
plaquettes du 2?jeu, réglées aux mêmes cotes (de garde et de compression) que l?année
précédente. Puis ils refont des essais de freinage: les temps sont en adéquation avec
leurs attentes et il n?y a plus d?odeur de brûlé, plus de dépôt, plus d?échauffement. La
journée se termine sur trois arrêts considérés comme bons.
Au cours de ces deux jours, les tests F1MST (test frein F1 dans la plus forte pente) et
F2MST (test frein F2 dans la plus forte pente) auraient été réalisés étagés (pas à plein
couple) et certains à vitesse réduite (donc inférieure à 11m/s).
Au matin du mercredi 29 septembre , avant de commencer l?inspection annuelle, il n?y a
pas de traces sur les pistes de freinage. Le technicien d?inspection annuelle arrive au
téléphérique de La Saulire. Les mesures de cotes de garde et des cotes de compression
sur les 4 pinces de frein sont réalisées et notées. Puis, remontés au poste de pilotage de
l?appareil, les agents de S3V et le TIA, sous le regard de l?agent du STRMTG,
commencent les phases d?essais en charge en suivant l?ordre du rapport d?inspection
annuelle de l?année précédente. Ils font des essais de freinage F1 puis F2 (étagés) et des
arrêts électriques, en montée et en descente. En freinage F1 modulé, cela freine trop.
Descendu en machinerie, le conducteur desserre une pince du frein F1, ce qui donne un
temps de freinage à 14secondes. Puis à l?essai suivant, il desserre un peu plus les deux
pinces de frein F1, donnant ensuite un temps de freinage à 19secondes. Puis il resserre
pour un temps de freinage de nouveau à 19secondes. Ce dernier réglage n?a pas eu
d?action sur le temps de freinage. Le dépôt s?est reformé, l?odeur est revenue. Les cotes
de garde sont à chaque fois contrôlées et égales à 30mm. Aucun réglage n?est effectué
sur les pinces du frein F2. L?entrefer n?est pas contrôlé.
Les trois derniers essais à la descente avant le test fatidique donnent des temps très
longs, les deux derniers sont mêmes considérés caducs par le TIA, avec entrée en action
du frein F2 du fait d?un frein F1 insuffisant.
L?ensemble des participants conclut de reporter l?inspection annuelle. Un dernier essai est
demandé par les agents S3V pour vérifier le frein F2 à la descente. Aucune objection
n?est émise, le câblage de l?ordinateur du TIA sur l?armoire de commande du téléphérique
est maintenu en place.
43
Le conducteur lance donc l?essai F2MST, il est 12 h 10 . La cabinen°1 est positionnée en
gare amont. Elle descend, l?accélération de l?appareil est pilotée manuellement via le
potentiomètre disponible au pupitre, l?installation atteint la vitesse de 11m/s, la cabine
chargée franchit le point de lancement de l?essai, la traction est coupée et le pilotage de la
tombée du frein est engagé mais au lieu de réduire, la vitesse augmente. Des défauts et
alarmes sont enregistrés par l?automate. Le système mécanique de détection de
survitesse se déclenche, la survitesse est également détectée par l?automate ainsi que le
non-ralentissement du téléphérique (??contrôle décélération?). L?installation continue Ã
prendre de la vitesse. Le conducteur essaye de l?arrêter en utilisant tous les
boutons-poussoirs d?arrêt sur le pupitre. L?électricien coupe l?armoire de commande derrière
lui par le biais d?un sectionneur. Cette coupure n?a pas d?effet sur les enregistrements par
l?outil du TIA. La vitesse atteint probablement les 16,5m/s. À partir de la coupure de
traction, l?accélération est quasi constante et en moyenne, est égale à 0,38m/s². La
cabinen°1 descendante croise la cabinen°2 montante et approche du pylône. La
vitesse décroît jusqu?à l?arrivée de la cabine descendante vers le pylône puis augmente
de nouveau par oscillations. Les participants sortent tous du poste de commande. Le
responsable électrique descend en machinerie par l?escalier, le conducteur le suit. Ils
voient que les plaquettes des freins sont en appui, de la fumée s?échappe des quatre
pinces. Ils coupent les armoires de puissance. L?installation ralentit et la cabinen°1,
chargée de 11,4tonnes d?eau, heurte la gare aval à une vitesse d?environ 8m/s. Le
téléphérique s?arrête de fait. Entre la coupure de la traction et le choc, il s?est écoulé
1minute et 47secondes (107secondes).
Il n?y a pas de blessés.
Les cabines sont fortement abîmées, le câble tracteur a subi des dommages et quelques
dégâts sont visibles sur les deux gares. Le butoir de la gare aval a été cassé et projeté en
arrière-gare dans le choc.
En machinerie, le TIA, S3V et le STRMTG relèvent les cotes des pinces de frein: les
cotes de garde sont passées de 30mm à 27mm pour toutes les pinces. Et les cotes de
compression des rondelles ont augmenté de 2 à 3mm. Les plaquettes (2? jeu) présentent
une usure de la garniture. Des résidus sont observés sous les pinces du frein F1, moins
sous celles du F2. Les deux pistes de freinage des deux poulies présentent des traces
noires.
L?automate et les graphes du TIA sont concordants dans les informations qu?ils ont
enregistrées ? aux limites près de l?archivage et de la surveillance des grandeurs
physiques. Aucune anomalie de fonctionnement de la commande et du pilotage des
freins, ni d?anomalie de réponse des pinces de freins n?est enregistrée, alors qu?elles sont
surveillées par l?automate.
Le décalage de la tombée du frein F1 à 33secondes au lieu de 21secondes est liée soit
à une saturation de la carte d?acquisition de la vitesse, soit plus probablement à une
coupure de l?alimentation électrique de la carte pouvant induire une information vitesse
nulle de l?installation à destination de la carte de régulation de F1.
Le graphe ci-après reprend la courbe de la vitesse de l?installation en fonction du temps,
en identifiant quelques événements et mesures.
44
Figure 45 - Courbe vitesse/temps de l?essai fatidique avec annotations (source TranscableHalec modifiée)
45
3.7 - Les premières vérifications
Le 4mars2022, des observations et vérifications ont été réalisées dans le cadre des
opérations d?expertise judiciaire.
? La commande d?ouverture et de fermeture des freins depuis l?armoire de contrôle
conduit à l?ouverture et la fermeture des pinces. Ainsi, la chaîne de relayage des freins
entre la commande à l?armoire jusqu?aux pinces fonctionne bien.
? La gorge des poulies ne présente pas de défaut apparent.
De plus, le coefficient de frottement d?une poulie caoutchoutée (0,3 est trois fois
supérieur au coefficient de frottement minimum nécessaire (0,1 selon la note de calcul
de Poma): il est donc très improbable qu?il y ait eu perte d?adhérence du câble ayant
conduit à un glissement.
? Les trois fissures (sur deux mâchoires de frein ainsi qu?une au niveau d?un rayon d?une
poulie motrice) signalées lors de la grande inspection de 2019 ont bien été réparées et
ne présentent pas de désordre.
Figure 46 - Fissure sur poulie voie 1 ayant été réparée (photo expert judiciaire)
? Les poulies ont été vérifiées et présentent un voile léger, un peu plus important sur la
poulien°1. La piste de freinage de la poulien°2 présente une épaisseur moindre que
celle de la poulien°1. Pour précision, ces poulies ont été rectifiées (rabotées) in situ au
début de l?exploitation du téléphérique.
? L?épaisseur des pistes de freinage est de 22,2mm pour la voie1 et entre 21,0 et
21,1mm pour la voie2.
? Ultérieurement, deux pinces (F1P2 et F2P2) ont subi des contrôles métrologiques par le
CETIM et n?ont pas montré de différence dimensionnelle significative entre elles.
46
3.8 - Les investigations sur les évolutions et les événements du
téléphérique de La Saulire
À son installation en 1984, l?appareil connaît des difficultés de réglages de la cote de
garde qui est finalement réglée à 30mm (au lieu de 40mm) pour permettre un bon
fonctionnement des pinces et donner des temps de freinage satisfaisants. En mai1985,
les pistes de freinage des poulies ont été rectifiées sur place. Le directeur d?exploitation
de l?époque ajoute que «les axes de frein qui étaient grippés ont été remplacés et
éventuellement les plaquettes changées». En juillet1985, les pinces de frein ont été
modifiées suite à des problèmes rencontrés au cours de la première année d?exploitation:
une plaque d?arrêt est ajoutée afin d?immobiliser mécaniquement la vis de réglage du jeu
entre garnitures et disque (entrefer) et des bagues sont remplacées par des rotules suite
au grippage d?une pince.
Le 9janvier1987, une coupure de la télétransmission déclenche un arrêt d?urgence sur
l?installation, stoppant brutalement cette dernière. La cabine descendante a été projetée
contre un élément du pylône et a subi d?importants dégâts matériels. Les 5voyageurs
présents dans cette cabine n?ont pas été blessés et le cabinier a subi des blessures
légères. Suite à cet événement, des essais dynamiques montrent que la puissance de
freinage a augmenté sans que le réglage du couple n?ait été, à la connaissance du
directeur d?exploitation, modifié. En octobre1987, la situation s?est inversée: le BDARM
(bureau de contrôle qui fusionnera avec le STRMTG en 2011) remarque que l?action d?un
frein est insuffisante pour arrêter la cabine en entrée de gare. Des essais sont réalisés sur
les freins: leur efficacité mécanique n?est pas en cause ni le réglage du couple de
freinage. En janvier1988, le BDARM rappelle la nécessité de vérifier lors des visites
mensuelles et annuelles le réglage des freins de façon à ce que les décélérations ne
s?écartent pas des valeurs obtenues lors des essais dynamiques de janvier1987.
La grande inspection de 1999 met en évidence la rupture d?un bout de piston de frein sur
une pince: le piston de frein est remplacé. Selon le programme de grande inspection, les
rondelles de frein sont changées. Rien d?autre n?est constaté. La grande inspection est
validée, l?exploitation continue.
En 2010, a été réalisée la modification la plus conséquente à date sur La Saulire. Du fait
de l?obsolescence de certains composants et de la télétransmission, S3V décide de faire
rénover l?appareillage électrique et la partie contrôle-commande du téléphérique.
AixHydro et ATV ont proposé de réduire l?effort de freinage pour limiter les arrêts en
montée trop brusques avec une centrale sans contre-pression. Pour ce faire, S3V confie Ã
DCSA la maîtrise d?oeuvre des travaux. La centrale de frein et les blocs de distribution
sont remplacés par du matériel neuf, avec conservation du principe de fonctionnement du
frein de service F1 (modulé - voie régulée de 0 à 100%) et modification du
fonctionnement du frein urgence F2 en Tout ou Rien à 50% et 100% (cf. Figure 13 -).
Au cours des études sur cette rénovation, il est apparu qu?avec la nouvelle centrale et
avec les rondelles Belleville existantes réglées au minimum de force appliquée, le
fonctionnement était améliorable. En effet, le couple de serrage des pinces de frein était
trop important au vu des temps de réaction de la nouvelle centrale hydraulique et de
l?inertie de l?installation. La décision est prise de modifier le réglage des freins en
remplaçant les 11rondelles de 8mm par des 6mm permettant d?obtenir un détarage27
des freins. Cela permet de recentrer le réglage des freins et de retrouver une marge de
réglage, de choisir des rondelles permettant un recouvrement avec le fonctionnement
actuel et de conserver une centrale simple. Le changement des rondelles des 4pinces de
freins est donc effectué: le nombre de 11rondelles est maintenu mais d?une épaisseur de
6mm (au lieu de 8mm).
Lors des essais de réglage de l?installation en octobre 2010 et à la lecture des rapports de
27 Le détarage est le choix de conditions de fonctionnement d?un matériel largement en deçà des conditions
limites, de façon à réduire les contraintes et augmenter ainsi la fiabilité et la durée de vie.
47
visites annuelles réalisées les années précédentes, DCSA constate que les essais de
freinage n?étaient auparavant pas réalisés dans le cas le plus défavorable de plus forte
pente28. Afin d?améliorer le niveau de sécurité de l?installation, les essais sont désormais
faits à 230m de la gare amont (au lieu de 400m) pour la cabinen°2 chargée ou 1490m
de la gare aval (au lieu de 1315) pour la cabinen°1 chargée. Ces essais en charge
effectués dans la pente la plus défavorable ont conduit à réduire la capacité utile de la
cabine de 160 à 142personnes. La réduction de masse a été approchée par ratio puis
validée lors des pré-essais.
Un contrôle sur les documents de conception (analyse des dossiers techniques, du code
automate et de la procédure de réception) a été réalisé par un contrôleur technique
indépendant afin de vérifier la conformité du système à la législation en vigueur. Il n?a pas
révélé de point critique sous l?angle de la sécurité: le traitement des fonctions de sécurité
réglementaires est assuré de façon tri-redondante par un APIdS et l?écriture du code
automate ne présente pas d?anomalie. Le bon fonctionnement a été vérifié lors des essais
de réception.
En 2013, un problème est détecté en visite annuelle: les freins F1 et F2 ont une capacité
de freinage trop importante. Des réglages de pression et de cote de garde ont alors été
effectués par Seirel et AixHydro. Ces derniers identifient «un problème d?adhérence des
plaquettes» de freins sur les pistes de freinage qui pour eux provient du nettoyant frein
de marque Berner utilisé par l?exploitant, nettoyant qu?ils jugent comme «absolument pas
adapté» au système installé.
Des évolutions du logiciel ont eu lieu depuis la réception de l?appareil en 2010: aucune
évolution ne portait sur le programme de test du frein F2. La dernière version installée sur
l?automate de La Saulire date de juillet 2018.
Lors de la grande inspection (GI) de 2019, la boulonnerie de fixation a été remplacée et
les freins ont subi un contrôle magnétoscopique (mâchoires, supports, axes de tourillons).
Ont été détectées: une fissure de 20mm sur la mâchoire de frein n°2 pince2-B, une
fissure de 12mm sur la mâchoire n°2 de la pince1-B ainsi qu?une fissure de 25mm au
niveau du rayon n°9 de la poulie motrice voie1 en aval. Conformément aux exigences
réglementaires, le responsable de la GI a autorisé la réparation de ces fissures, effectuée
par l?entreprise GMS. Lors de l?expertise en avril2022, il a bien été constaté pour chacune
la présence de la recharge, de la nouvelle peinture et l?absence de fissure. À l?occasion
de cette GI, les plaquettes de frein ont toutes été changées.
Il n?a ensuite pas été remonté d?incident ou de modification jusqu?en septembre 2021.
En synthèse, le téléphérique a connu des débuts délicats quant au réglage de ses freins.
La modification de 2010 a fait évoluer le pilotage automatique et une partie du système
mécanique de freinage. En 2013, le nettoyant freins Berner est déconseillé par Seirel et
AixHydro. En 2019, la grande inspection du téléphérique s?est déroulée de façon
classique et les quelques désordres constatés ont été réparés. Aucune difficulté n?est
rencontrée jusqu?au 27/09/2021, aucune inspection annuelle précédente n?a révélé de
problème. Les résultats concluants ont été tracés dans les rapports d?inspection annuelle.
Une étude plus précise des résultats des inspections annuelles est réalisée dans le
paragraphe suivant.
28 Pour mémoire, lors de sa construction, le téléphérique relevait du règlement des remontées mécaniques
de 1969. Ce dernier n?imposait pas de faire les essais dans les pires conditions, mais des essais
représentatifs permettant de corroborer les résultats des calculs indiquant quelle est la situation qui
sollicite le plus l?appareil (sans risque de détériorer un de ses organes). La note de calcul de 1984
comporte un nombre limité de cas de charge par rapport à ce que l?on ferait aujourd?hui avec les
nouveaux moyens de calcul. À l?époque, le point d?essai est alors choisi à 400m, car en milieu de portée
entre la gare amont et le pylône, et un bon repère visuel pour lancer un arrêt de la cabine.
Le véritable point de plus forte pente de la ligne se trouve à 5mètres en dessous de la gare G2 mais
n?est pas exploitable, car la vitesse est faible à cet endroit.
48
3.9 - Les investigations sur les résultats des inspections annuelles des
dix dernières années
3.9.1 - Les freinages au cours de l?inspection annuelle du 29/09/2021
Des courbes vitesse/temps ont été produites par le logiciel du TIA lors de l?Inspection
Annuelle. Voici les principaux tests réalisés (et rédigés en vert, les réglages effectués):
? F1 modulé à la montée, initié à 9h36: à la montée, le frein F1 est aidé par l?inertie
de la cabine chargée pour ralentir et arrêter l?installation. Le temps de freinage est de
9secondes. La décélération est égale à 1,22m/s².
? F1 modulé à la descente, initié à 9h43: le temps de freinage est de 12,4s et la
décélération égale à 0,94m/s². Dans cet essai de F1 modulé, les freins F1 sont
appliqués presque au maximum tout au long de l?essai, il est quasiment équivalent à un
F1 plein couple.
Figure 47 - Essai freinage F1 modulé à la descente ? 9h43
? F2 à la montée, initié à 9h47: à la montée, le frein F2 (plein couple) est aidé par
l?inertie pour ralentir et arrêter l?installation. Le temps de freinage est de 8secondes. La
décélération est de 1,36m/s².
? F2 à la descente, initié à 9h53: les freins F2 sont appliqués tout du long de l?essai de
freinage et comme F2 est étagé, il peut être appliqué à 50% tout du long ou si besoin Ã
100% dès que nécessaire. La décélération lors de cet essai est égale à 1,05m/s². La
courbe de l?essai de 12h10 aurait dû ressembler à celle-ci si tout s?était bien passé.
Figure 48 - Essai freinage F2 Ã la descente ? 9h53
49
? F1 plein couple à la descente, initié à 10h27: le temps de freinage est de
10,6secondes. La décélération vaut 1,04m/s². Cette valeur est meilleure que l?essai de
9h43 car le F1 est appliqué à 100% immédiatement.
Puis, la cote de compression de F1P1 est mesurée à 122mm (versus 121,1mm Ã
9h20) et seul un réglage de F1P2 est effectué par S3V: diminution du couple de
serrage via la relaxation de la compression des rondelles (cote h).
? F1 à la descente, initié à 10h53: les freins F1 sont appliqués tout du long. Le temps
de freinage est de 14secondes. La décélération vaut 0,78m/s².
Un réglage du frein F1 est effectué par S3V: diminution du couple de serrage via la
relaxation de la compression des rondelles sur F1P1 et F1P2.
? F1 en descente, initié à 11h10: les freins F1 sont appliqués tout du long. Le temps
de freinage est de 19secondes. La décélération est égale à 0,58m/s².
Un réglage du frein F1 est effectué par S3V: augmentation du couple sur F1P1 et
F1P2.
? F1 à la descente, initié à 11h23: le frein de service F1 s?applique (serrage) puis se
relève (desserre) moins de 5secondes après sa tombée pour permettre l?engagement
du frein F2, ce qui signifie donc que le frein F1 n?était plus efficace. Il s?agit ici de
l?activation de la fonction de sécurité ??F2M ? contrôle décélération frein de service
DTC2??. L?arrêt a lieu en 20secondes.
? Gamma de décélération de F1 (attention, calcul sur 4secondes) = 0,21m/s².
? Gamma de décélération de F2 (enclenché à 10m/s et la cabine n?est plus au point
de plus forte pente) = 0,625m/s².
Figure 49 - Essai freinage F1 à la descente (avec entrée en action de F2) ? 11h23
À la fin de ce test de 11h23, les freins F1 et F2 sont dans l?état dans lequel
commencera le test de 11h59.
? F1 à la montée, initié à 11h53: le temps de freinage est de 9secondes, comme pour
l?essai de 9h36. Ce temps est quasi égal à celui de l?essai par inertie (9,8s), ce qui
indique que le frein F1 est à peine sollicité. F2 n?est pas actif.
? F1 à la descente, initié à 11h59: au début de ce test, les freins F1 et F2 sont dans
l?état où ils ont fini le test de 11h23.
À x=230, le frein F1 s?applique ? puis au bout de 4,5secondes, le frein F1 est desserré
et le F2 est appliqué ?. Puis 22secondes plus tard, au bout de la temporisation
d?anti-cumul, le F1 modulé ? agit en complément du F2 pendant quelques autres
secondes. Le temps total d?arrêt de l?installation est 30secondes.
50
Dans cet essai, le F1 n?agit pas comme attendu, tout comme le F2 car un cumul des
freins (et le profil de la ligne qui s?aplatit) est nécessaire pour arrêter l?installation. On a
vu que des défauts sont apparus sur l?automate lors de cet essai. L?essai est considéré
comme ?non valide? par le technicien d?inspection annuelle. C?est à l?issue de cet essai
qu?il est décidé de faire une pause dans l?IA de La Saulire.
Figure 50 - Essai freinage F1 Ã la descente ? 11h59
Lors de cet essai, les décélérations obtenues sont très faibles:
1. Gamma de décélération F1 seul = 0,27m/s².
À 11h23, la décélération de F1, au même endroit29, était de 0,21m/s².
Gamma de décélération F2 sans F1 = 0,35m/s².
À 11h23, la décélération de F2, au même endroit, était de 0,625m/s².
2. Gamma de décélération F2 + F1 modulé = 1,12m/s².
La perte d?efficacité entre l?essai de 11h23 et celui de 11h59 concerne surtout le frein F2.
? F2 en descente, initié à 12h10: dans le cadre des vérifications des décélérations,
nous zoomons sur les premières secondes de l?essai du frein F2 de 12h10.
Figure 51 - Zoom sur les premières secondes de l?essai
ayant conduit à l?accident ? 12h10
Passé les 1 ou 2millisecondes nécessaires
à l?application des freins, l?installation subit
une accélération, calculée à 0,18m/s². Puis
un palier où la vitesse reste constante 1 Ã
2secondes et enfin une pente de 0,33m/s²
avant l?écrêtage de la valeur de la vitesse.
Or l?accélération sans freinage a été
calculée30 à 0,426m/s². Au début du test
fatidique, la décélération du F2 peut donc
être déduite comme valant environ
0,25m/s².
Il y a eu une très faible action du frein F2 sur l?installation, réduisant un peu la
montée en vitesse par rapport à ce que l?accélération aurait été si l?installation
n?avait pas subi de freinage.
29 Attention, la délicatesse des mesures prises sur les graphes influe sur le résultat du gamma. Et attention
au fait que les pistes de freinage s?échauffent petit à petit: les conditions entre deux essais varient.
30 Avant que les garnitures n?arrivent sur la piste, il n?y a aucun freinage: l?accélération pendant ce temps
est de 0,426m/s² d?après l?essai 20096MINERTI, cité dans le dossier de la modification de 2010, en
supposant que cette valeur soit bien pour x=230.
51
Bilan des valeurs de décélération du F1
Les éléments retranscrits ci-après sont à prendre comme des tendances approximatives,
car les points de déclenchements ou de l?activation de ces freins ne sont pas situés au
point pénalisant de la plus forte pente. Par ailleurs le comportement de la cabine opposée
peut également influer sur ces valeurs.
Pour le F1: ? 9h36 à la montée: ? = -1,22 m/s²
? 9h43 à la descente: ? = -0,94 m/s²
Diminution/relâche du couple de serrage
? 10h53 à la descente31: ? = -0,78 m/s²
Seconde diminution/relâche du couple de serrage
? 11h10 à la descente: ? = -0,58 m/s²
Remise de couple de freinage
? 11h23 Ã la descente: essai caduc, F1 pas efficace, il sort des courbes
de tolérance de l?automate: ? = -0,21m/s² (sur 4 secondes)
? 11h59 Ã la descente: essai caduc, F1 pas efficace, sort des courbes de
tolérance de l?automate: ? = -0,27m/s²
? Lors de l?accident: ? = inconnu
Le frein F1 voit ses capacités de freinage diminuer au fur et à mesure des essais. Mais
les réglages entrant en jeu, il est normal que le gamma diminue excepté pour le dernier
réglage où l?on revient à la cote de compression initiale. Il est alors acceptable de
comparer le premier et le dernier essai du F1MST: la décélération au point de plus forte
pente en descente passe de 0,94m/s² à 0,27m/s² en 5 essais de F1.
Bilan des valeurs de décélération du F2
Pour le F2: ? 9h47 à la montée: ? = -1,36m/s²
? 9h53 à la descente: ? = -1,05m/s²
? 11h23 à la descente: ? = -0,62m/s² (en rattrapage de F1)
? 11h59 à la descente: ? = -0,35m/s² (en rattrapage de F1)
? Puis l?accident: ? = -0,25m/s²
Ainsi, le jour de l?accident, 3essais ont sollicité le F2 à la descente (en montée, étant
donné qu?il y a peu de sollicitation du frein du fait de l?inertie et du freinage à seulement
50%, l?effet de ces essais est considéré ici comme négligeable). Le gamma de
décélération du F2 diminue, sans que le réglage des pinces du frein F2 ne soit modifié par
les agents S3V.
En conclusion, au cours de la matinée du 29/09/2021, une évolution décroissante des
décélérations est observable, avec des réglages manuels concernant uniquement la
cote de compression des rondelles du frein F1. Cette dérive de la capacité de freinage de
l?installation est constatée sur les deux freins, F1 et F2. Lors du dernier test fatidique de
12h10 avec F2, on constate l?incapacité de l?installation à arrêter les cabines avant les
butoirs situés au bout des quais.
31 La note de calcul de 2010 concernant la modification fournie par Seirel indique, à un freinage à 100%, un
gamma calculé de 0,709m/s² à la descente pour des temps d?arrêt de 15,5secondes.
52
Il n?est pas possible d?identifier la contribution de F1 au ralentissement de l?installation,
faute de données de vitesse disponibles à 12:02:02. Ainsi, il paraît difficile de déterminer
l?impact sur les conséquences de l?accident qu?aurait eu la tombée du frein F1, s?il avait
été appliqué 13secondes plus tôt ? sachant que la dynamique de l?installation est
différente selon le point de départ d?un freinage.
Les garnitures à l?issue de l?accident sont dans un état qui peut être:
1- soit la conséquence de la perte de maîtrise du freinage (contraintes mécaniques et
thermiques anormales et exceptionnelles auxquelles ont été soumises les plaquettes du
fait de la vitesse atteinte par l?appareil sur ce dernier test de freinage) conduisant Ã
l?accident;
2- soit la conséquence d?une dégradation apparue avant l?engagement du test fatidique;
3- soit les deux cumulés.
Étant donné que les performances de freinages du F1 et du F2 se dégradent au fur et Ã
mesure de la matinée jusqu?à être inacceptables lors des tests de 11h23 et 11h59, la
seconde hypothèse est très probable.
Lors des pré-essais de l?IA de 2021, les capacités de freinage des garnitures du 1erjeu ne
sont pas mesurables, en l?absence de courbes de vitesse selon le temps. On peut
simplement noter qu?elles ont été extraites entre deux essais puis remplacées et que leur
état de surface était ?glacé?.
53
3.9.2 - Les temps de freinage des inspections annuelles de 2020 et 2019
TranscableHalec, ayant réalisé les Inspections Annuelles précédentes, a transmis les
courbes des essais de 2020 et de 2019: nous présentons ici uniquement les essais de
frein F1 et F2 plein couple à la descente.
? En 2019, l?essai de frein F2 plein couple à la descente débute à une vitesse de 11m/s.
Le temps de freinage est égal à 13,3s. La décélération totale est de 0,85m/s².
? En 2020, l?essai de frein F2 plein couple à la descente débute à une vitesse de
10,95m/s. Le temps de freinage est de 13,5s. La décélération totale est de 0,81m/s².
Figure 52 - Courbe de l?essai de F2 plein couple à la descente (IA 2020) (source Transcable Halec)
? En 2019, l?essai de frein F1 plein couple à la descente commence à la vitesse de
11m/s. Le temps de freinage est égal à 15s. La décélération totale est de 0,73m/s².
? En 2020, l?essai de frein F1 plein couple à la descente commence à la vitesse de
11m/s. Le temps de freinage est de 15s, la décélération totale est de 0,73m/s².
Figure 53 - Courbe de l?essai de frein F1 plein couple à la descente (IA 2020) (source Transcable Halec)
En conclusion, lors de ces deux IA, les temps de freinage F1 et F2 Ã la descente sont
entre 13 et 15secondes, les décélérations se situent entre 0,73m/s² et 0,85m/s². Ces
inspections annuelles sont conclusives, tracées dans un rapport du TIA et ont permis la
poursuite de l?exploitation du téléphérique de La Saulire en accord avec la réglementation
en vigueur. Les comptes rendus de ces deux inspections annuelles n?indiquent pas de
54
réglage du frein F1 ou du frein F2 pendant l?inspection annuelle (alors que, le cas ayant
été rencontré en 2017, cela a été écrit dans le compte rendu correspondant, réalisé et
rédigé ici aussi par TranscableHalec).
3.9.3 - L?évolution des temps de freinage au cours des inspections annuelles
depuis 2010
Lors des inspections annuelles sur le téléphérique de LaSaulire, la série d?essais de
freinage pour vérifier les capacités de l?installation est similaire d?une année sur l?autre
(excepté l?ordre de réalisation des essais). Le rapport de chaque IA depuis 2010 a été
étudié, année de la modification d?une partie des freins et des premiers essais au point de
plus forte pente x=230. Les valeurs antérieures à 2010 ne sont donc pas comparables.
Le tableau ci-dessous présente les données pour l?IA de 2010 puis celles de 2013, 2016
et les trois dernières avant l?accident en 2021.
IA 2010 IA 2013 IA 2016 IA 2018 IA 2019 IA 2020 Accident 2021
Cabine chargée à 11,4T n°2 n°2 n°1 n°2 n°2 n°2 n°1
Inertie ? montée (secondes) 9,4 9,3 9,8 9,8 9,8 9,2 9,83
F1 plein couple descente
(sec)
18,8 18,2 16,86 17,4 14,9 15,04 12,4 (9h43)
10,6 (10h26)
14 (10h52)
19,1 (11h10)
F1 modulé descente (sec) X 19,94 19,18 20,10 16,6 15,58 11,4 (9h42)
F1 plein couple montée (sec) 4,9 4,76 4,8 4,3 4,8 4,77 X
F1 modulé montée (sec) 8 8,95 9,15 7,6 9,1 9,15 9,1 (9h35)
F2 plein couple descente
(sec)
X 16,78 18,96 19,4 13,3 13,5 11,0 (9h53)
accident (12h10)
F2 étagé descente (sec) 19,8 20,14 18,8 20,10 13,7 14,09 11,0 (9h56)
F2 plein couple montée (sec) 4,9 4,82 4,86 4,2 4,6 4,54 X
F2 étagé montée (sec) 8,8 8,9 8,0 7,7 7,5 7,82 8,20 (9h46)
Relevés cotes de
compression
? en mm
(F1P1, F1P2, F2P1, F2P2)
X 121,5
122,0
122,4
121,5
121,4
121,2
121,0
121,0
121,3
121,3
119,9
120,7
120,3
121,3
120,3
120,7
121,2
122,0
121,2
121,2
121,1 / 123,9mm
120,9 / 123,0mm
121,1 / 123,7mm
121,2 / 124,3mm
Relevés cotes de garde
? en mm
(F1P1, F1P2, F2P1, F2P2)
x 30
30
30
30
30
29,7
30
29,5
29,8
30
30
30
30
30
30
30
30
30
30
30
30 / 26,9mm
30 / 27,2mm
30 / 27,6mm
30 / 27,8mm
? L?IA 2017 a été réalisée avec une seule cabine et ne peut donc être comparée. À noter
toutefois que seul le rapport de 2017 indique un réglage du F1 (desserrage du couple)
pendant l?inspection annuelle: aucune mention n?est faite dans les autres rapports.
? Certaines IA se sont déroulées sur trois jours non concomitants, voire sur six jours en
trois séries (en 2020) alors qu?en moyenne une IA de La Saulire dure deux jours et peut
atteindre un seul jour lorsque les essais ne concernent qu?une cabine (2017). Toutefois,
les rapports ne tracent pas les raisons de l?étalement temporel de l?IA.
? Les temps liés à l?inertie sont constants, confirmant que le cas de charge et les
frottements étaient similaires.
55
Figure 54 - Évolutions des temps de freinage depuis 2010 jusqu?aux essais de 2021
Une variation dans les temps de freinage obtenus est constatée à partir de 2019. La
fluctuation du temps de freinage du F2 plein couple à la descente de 19,4s en 2018 Ã
13,3s en 2019 et à 11,0s en 2021 est importante, diminuant quasiment de moitié entre
2018 et 2021. Le 29/09/2021, les temps obtenus lors des tout premiers essais (F1 plein
couple 100% descente de 10h26 et F2 plein couple 100% descente) sont très courts:
respectivement 10,6s et 11,0s. Ces valeurs n?ont jamais été atteintes auparavant. Ainsi
le téléphérique de La Saulire freinait très fort en début d?IA et évidemment bien moins en
fin de matinée.
On observe que, de 2010 à 2020, les temps de freinage ont globalement diminué au fur et
à mesure des inspections annuelles. Principalement, les essais ??F1 plein couple
descente?? et ??F2 plein couple descente?? diminuent respectivement de 3,8 et 3,3s. Les
cotes de compression et les cotes de garde restent sensiblement les mêmes d?année en
année. Toutefois, une variation d?1mm peut avoir un impact notable sur le freinage. Il faut
également préciser que le réglage de l?entrefer est sensible et a un impact sur l?effort.
Le STRMTG a vérifié s?il existe une corrélation entre les résultats des freinages et les
réglages de l?empilement des rondelles Belleville. Pour F2 en 2019 et pour F1 et F2 en
2020, les cotes (notées dans les comptes rendus d?IA) donnent plus d?effort que pour
2018 ce qui peut expliquer pour partie les temps plus courts. Seul le cas du F1 plein
couple de 2019 permet une analyse plus approfondie en comparaison des résultats de
2018: pour F1P1, la variation de cote de compression (121,3mm à 120,3mm) induit une
diminution de 1500N sur l?effort de freinage. Or le temps de freinage diminue de 17,4s Ã
14,9s. De plus, le process de réglage de l?entrefer ne transparaît pas dans la traçabilité
de l?exploitant et ne semble pas identifié par les opérateurs en charge de cette opération:
si l?entrefer a été réglé de façon équivalente au cours des dernières années, il pourrait
alors être considéré que les (??nouvelles?) plaquettes Cosid132 ont présenté des
performances supérieures aux garnitures d?avant 2019.
3.10 - Les investigations sur les freins: les pinces et les garnitures
3.10.1 - Le montage et le réglage des freins
Une notice a été fournie par ATV via Poma en 1984. L?exploitant a en sa possession la
première version de 1984 mais cette notice apparaît peu consultée par l?exploitant.
En quelques pages, la notice présente les consignes de mise en place de la pince, de
réglage des garnitures, de purge du circuit hydraulique, de réglage du couple et de
56
remplacement des garnitures. Lors du remplacement des garnitures, la notice indique de
serrer à fond l?écrou de déblocage manuel, de desserrer la vis de blocage, de tourner la
vis à pas contraire pour obtenir le maximum de jeu entre les garnitures et la piste de
freinage. Puis il faut écarter la garniture du porte-garniture, pour la déboîter de son
logement et l?extraire parallèlement à la piste de freinage, mettre en place les plaquettes
neuves en s?assurant qu?elles soient bien emboîtées dans leur logement. Enfin, il faut
tourner la vis à pas contraire pour obtenir entre les garnitures et la piste de freinage un jeu
total compris entre 0,5 et 0,7mm (réglage de l?entrefer), bloquer la vis de blocage et
desserrer à fond l?écrou de déblocage manuel. Ce réglage donnerait une cote de garde Ã
37,9mm.
Une fois l?entrefer réglé, il n?est plus nécessaire d?y toucher ? excepté pour régler le jeu
entre plaquettes et piste de freinage suite à usure des garnitures (mais aucun témoignage
ne mentionne formellement ce réglage).
À noter la contrainte redonnée dans le dossier de la modification de 2010: pour
l?empilage, la course maximale des garnitures est de 1,5mm (<2019) et 1,66mm (2010).
Cette contrainte a été exportée et traduite dès l?édition 1984 de la notice d?entretien et de
réglage des freins: «IMPORTANT: Surveiller régulièrement le jeu entre garnitures et
disque qui ne doit jamais être supérieur à 1,5mm. (au-delà de cette cote, il y a risque de
perte de compte [couple])». Cette alerte qui existe depuis la mise en service de l?appareil
est liée à la technologie de ce frein pour lequel, un blocage mécanique (mise en butée de
la tige du vérin) peut rendre le freinage inopérant. Les témoignages ne mentionnent pas
cette surveillance et sa traçabilité ne nous a pas été présentée.
- Impact du réglage de la cote de garde à 30mm
En décembre1984, un courrier confirme la cote à 40mm comme indiqué dans la notice
d?ATV. Suite à des problèmes de réglages de l?appareil, ATV dans un courrier de
février1985 préconise que les réglages conduisent à une cote de garde maintenue Ã
31mm. Une note manuscrite ??29 Ã 33?? est inscrite en dessous de cette valeur. En
juin1985, un autre courrier d?ATV reprend la valeur de 40mm suite à des modifications
sur le frein. L?exploitant indique que le réglage de la cote à 30mm est la donnée retenue
par le fabricant des pinces et qui fut reprise ensuite lors de la rénovation en 2010.
La cote de garde systématiquement réglée à 30mm a un impact sur la course du piston.
Les plans détaillés de la pince permettent de calculer une course possible du vérin dans
la chambre (x+y) égale à 13mm. Dans la configuration de réglage de la cote de garde Ã
30mm (où maximum=40mm), le débattement maximum du vérin est alors de 3mm.
Sur site, les mesures effectuées par AixHydro lors de l?expertise indiquent une cote de
garde pince fermée, sans plaquette, qui est de 27,2 ou 27,3mm: le débattement réel est
donc plus exactement de 2,8mm voire 2,7mm.
Figure 55 - Course possible du vérin dans la chambre (plan ATV)
57
Le rapport entre le serrage des rondelles et le serrage au niveau des pinces est égal Ã
environ 3 (rapport de levier entre piston et garnitures = 281mm/92mm = 3,05). Le bras
de levier entre le vérin et les plaquettes étant donc d?un facteur3, le débattement
maximum de 2,8mm du vérin sous l?action de la libération de la pression hydraulique et
de la force des rondelles Belleville entraîne un déplacement de 0,9mm des plaquettes.
Comme il y a 2plaquettes, si l?usure est bien symétrique, la limite de la capacité des
plaquettes à être mises en contact normalement sur la piste de freinage est de
0,45mm: au-delà , le piston est en butée et aucun effort n?est appliqué sur les plaquettes.
Ici, il est important de noter que le réglage à la cote de 30mm a un impact direct et
notable sur le débattement possible du piston et donc sur l?usure maximale possible au
niveau des garnitures. Au-delà , l?effort de freinage n?est plus transmis correctement. Le
réglage de cette cote à 30mm est restée constant pendant de nombreuses années, la
traçabilité remontant au moins jusqu?en 2010.
- Effet des réglages de l?empilement des rondelles (cote de compression) lors de l?IA
Au cours de l?IA 2021, il y a eu diminution/relâche du couple sur les pinces de F1 pour
rechercher un freinage moins fort: de 121mm au début de l?IA, la cote est passée Ã
121,6mm puis à 122,2mm (avec cote de garde déclarée constante à 30mm). Puis du
couple est remis avec une cote à 121,5mm mais cela donne un essai avec un temps de
freinage (19secondes) aussi long qu?avec une cote relevée à 122,2mm.
Figure 56 - Extrait du dossier de validation des pinces de freins ST3 SH
(source Seirel)
Dans le dossier de validation de la
pince suite au remplacement de la
centrale hydraulique et l?évolution
du type de rondelles, l?effet de la
variation de la hauteur totale de
l?empilement sur le couple (image
du couple) est précisé. Cette
longueur d?empilement est égale Ã
la cote de compression des
rondelles moins la largeur d?un
écrou (pièce n°20) de 12mm.
Ainsi une cote de compression Ã
122,2mm équivaut à une hauteur
totale de 110,2mm, ce qui est au-
delà de la dernière valeur donnée
?26% du couple pour une hauteur
de 110mm.
À la cote de 122,2mm, puisqu?elle est en dehors du périmètre maîtrisé, nous n?avons
(dans le dossier de modification) pas d?information sur la valeur possible du couple
théorique: il n?y a pas de garantie du couple au-delà de 122,0mm mais la valeur reste
très proche de la limite. À noter qu?il est précisé que ces valeurs sont indicatives. Les
caractéristiques des rondelles sont données par leur fabricant Schnorr et l?effort fourni est
58
quasi linéaire en fonction de leur compression. De plus, à cette cote de compression, le
F1 plein couple à la descente permet un arrêt en 19secondes; un couple résiduel existe
puisqu?on a pu ralentir.
En synthèse, les réglages de la cote de compression lors de l?Inspection Annuelle
impactent directement le couple de serrage des rondelles transmis à la poulie (ici la
capacité de freinage est plus faible) ? sans le rendre nul. La limitation des capacités par la
butée n?était pas connue des agents S3V présents. De plus, une mise en garde sur cette
butée n?était pas explicitement apportée dans la notice de réglage des freins. Au
fondement, la lecture du plan de la pince permettait de détecter la possibilité de mise en
butée.
Considérant qu?à aucun moment un réglage de l?entrefer n?est évoqué, la cote de
compression évolue en fonction de l?évolution de l?épaisseur des garnitures. Le
témoignage du chef de secteur (p.23) éclaire la situation: «Le chef de secteur descend
avec le conducteur à la machinerie. La pince P1 du frein F1 est à 122mm, et non pas Ã
121,1mm comme mesuré à 9h20. Afin de rééquilibrer les valeurs des pinces P1 et P2,
une seule pince est réglée, celle tout à droite en descendant l?escalier [F1P2]». Le
passage de la cote de compression de 121,2 Ã 122mm indique d?une part que le couple
appliqué a diminué mais également que l?épaisseur totale des deux garnitures de cette
pince a réduit, alors qu?uniquement un F1 modulé en descente (quasi 100%) et un F1
plein couple descente ont eu lieu. Cette variation de cote traduit une usure cumulée des
garnitures de F1P1 égale à 0,9mm/3 soit 0,3mm pour les deux garnitures donc
150microns par garniture si l?usure est symétrique. Les deux freinages ayant eu lieu sur
11s pour le F1 modulé (appliqué au maximum) et 10,6s pour le F1 plein couple, le taux
d?usure vaut environ 7µm/s. Ainsi, l?évolution «spontanée» de la cote de compression
entre 9h20 et 10h30 ne peut que traduire l?usure des garnitures sur la pince F1P1,
d?une vitesse estimée à 7µm/s.
- Observations complémentaires sur l?activation des pinces de frein
Le circuit hydraulique a été vérifié: la mise en pression manuelle du circuit hydraulique a
été réalisée et pour chaque pince, une mesure du déplacement en fonction de la pression
a été effectuée. Cette activation a été réalisée à la montée en pression et à la redescente,
ce qui tracera les courbes ci-après présentant une hystérèse. L?évolution du déplacement
des quatre pinces en fonction de la pression est en adéquation à l?attendu.
Des variations entre les pinces du F2 sont observables: pour F2P1, Ã la cote de 3mm
(course du piston dans le vérin, en descente de pression) correspond une pression de
42,4bars alors que pour F2P2 elle est de 30bars. Cette variation de 25% entre les deux
pinces exprime un déséquilibre, une dissymétrie entre les deux pinces du frein F2: F2P1
freine plus fort que F2P2. Par contre, entre F1P1 et F1P2, les pressions sont similaires.
Figure 57 - Relevés des courses en fonction de la pression hydraulique pour chaque pince (source AixHydro)
59
Avec la traduction de ces pressions en effort, réalisée par le STRMTG, il est confirmé que
l?effort délivré par l?empilement des rondelles de la pince F2P2 est plus faible.
Effort de l?empilement de rondelles ressorts F1P1 F1P2 F2P1 F2P2
Pour la garde de réglage initial de 30mm 15625N 17601N 16908N 14606N
Juste avant mise en butée interne 12020N 13361N 13861N 9883N
Cette différence est plus marquée lorsqu?on s?approche de la fin de la force de serrage.
Figure 58 - Force de l?empilement des rondelles Belleville pour chaque frein
en fonction de la cote de garde (source STRMTG)
Trois causes peuvent expliquer ce déséquilibre: 1- le réglage n?est pas le même selon les
pinces, or les témoignages indiquent que les réglages sont toujours faits de la même
manière quelle que soit la pince; 2- la géométrie du piston et du vérin varie entre les
pinces; 3- une ou des rondelles sont abîmées sans que cela se voie forcément.
Concernant l?entrefer, pinces ouvertes, on
observe que les plaquettes ne sont pas
positionnées de façon parallèle à la piste de
freinage des poulies. Un écart de 0-0,3mm
en bas et de 0,2-0,75mm en haut est
observé. Mais frein fermé, les plaquettes se
réalignent et reviennent parallèles à la piste
? du fait que les pinces sont «flottantes»32.
Les axes de frein présentent un degré de
liberté permettant cet ajustement. L?effort
de poussée se répartit de manière uniforme
sur les deux plaquettes.
Figure 59 - Mesures des
distances entre plaquettes
de F1P2 et la piste de
freinage
Figure 60 - Supports
de plaquette vides
(photo expert judiciaire)
32 Un télex du 05/12/1984 précise que, du fait que les pinces sont flottantes, le voile des poulies peut être
plus important que précisé sur la notice ATV, et ce jusqu?à 2mm. Une note du 28/02/1985 d?ATV à Poma
donne la valeur de ±2,5mm de déplacement admissible. Le fait d?être flottantes permet aux pinces de
reprendre le voile de la poulie.
60
En synthèse, la pression hydraulique permet une ouverture et une fermeture de chacune
des pinces. Du fait du degré de liberté sur les axes de frein l?effort de poussée se répartit
sur les deux côtés de la pince, sur les deux garnitures. Un déséquilibre est constaté entre
les deux pinces de frein F2, mais les mesures ne montrent pas de déséquilibre sur le F1.
3.10.2 - Les investigations sur les garnitures des freins
- Les épaisseurs de plaquettes
L?épaisseur d?une plaquette neuve est 14mm dont 10mm de garniture Cosid132. Les
épaisseurs des plaquettes des deux freins F1 utilisées le 27/09/2021 lors des pré-essais
(plaquettes 1er jeu) ont été prises par l?exploitant, en 3points, avec un pied à coulisse et
avec une marge d?erreur estimée à 1/10mm. Les épaisseurs des deux plaquettes de
F1P1 ainsi que les deux de F1P2 sont mesurées à 14,0mm d?épaisseur (épaisseur totale
avec le support qui fait 4,2mm d?épaisseur). Puis le CETIM a effectué les mesures
suivantes en cinq points des garnitures qui lui ont été transmises:
Figure 61 - Synthèse des mesures d?épaisseur de garniture (source CETIM33)
La plaquette veille de l?incident 2019 n°1 correspond à une des plaquettes de la pince F2P1
Ainsi, une garniture neuve peut avoir une épaisseur moyenne entre 10,38mm et
10,07mm, et présenter une variation de 0,25mm d?épaisseur.
Le CETIM a également mesuré l?épaisseur de deux garnitures du 1er jeu: l?une fait en
moyenne 10,04mm (donc aucune usure) et l?autre 8,01mm (soit 2,0mm d?usure). Cette
plaquette a été usée de façon importante. N?ayant aucun élément sur les réglages de
l?entrefer et des cotes, toute analyse s?avère hasardeuse.
Pour les garnitures impliquées dans l?accident (2? jeu), les épaisseurs des plaquettes sont
mesurées sur site lors de l?expertise judiciaire:
Plaquettes neuves = 14mm F1P2 F1P1 F2P1 F2P2
Plaquette d?un côté 12,7mm 12,6mm 13,2mm 13,2mm
Plaquette de l?autre côté 12,6mm 12,6mm 13,0mm 13,0mm
Les mesures du CETIM (8,89mm pour une garniture 2? jeu et 9,59mm pour l?autre) ne
concordent pas avec les mesures de l?expert judiciaire. Nous garderons ici les valeurs
mesurées au contradictoire (lors de l?expertise) à savoir: quatre garnitures des freins F1
33 Il ne nous a pas été précisé la localisation des points de mesure.
61
présentent une usure homogène située entre 1,3 à 1,4mm, celles du frein F2 présentent
une usure de 0,8mm à 1,0mm.
Il est possible de comptabiliser les tests de freinages F2MST mais sans traçabilité de la
vitesse et le lieu de déclenchement du freinage, l?analyse reste peu pertinente pour
caractériser l?usure des garnitures. Selon les données issues de l?automate, le
27/09/2021, 5F2 ont été engagés. Le 28/09/2021, 4F2 ont été engagés. Le 29/09/2021,
le F2 a été commandé en test spécifique une fois à la descente avant celui ayant mené Ã
l?accident mais également il a été déclenché 2fois en ?rattrapage? du F1. En
comparaison, une inspection annuelle «classique» sollicite une fois le frein F2 en
descente à 100% et une autre fois en modulé, sachant que des pré-essais sont toujours
réalisés. Lors de l?IA 2021, le F2 semble donc avoir été sollicité de façon «usuelle» pour
une IA, par contre le F1 a été plus sollicité.
En synthèse, toutes les garnitures du 2? jeu ont perdu de l?épaisseur ? jusqu?à 1,4mm
soit 14%. Les garnitures du F1 sont plus usées que celles du F2, certainement du fait
d?un plus grand nombre de sollicitations dans la matinée qui précède ainsi que lors des
pré-essais (13F1 pour 9F2). Cette usure s?est effectuée en moins de 48heures. Et dans
le 1er jeu, on observe quatre garnitures présentant de l?usure oblique (dont l?une avec
l?usure la plus importante de toutes celles mesurées ? 2,0mm).
Les capteurs d?usure en place sont télémécaniques et même s?ils avaient été réglés lors
de l?IA, ils n?auraient pu mesurer un millimètre d?usure. Aujourd?hui, les remontées
mécaniques récentes sont soit équipées d?un rattrapage de jeu automatique permettant
de compenser l?usure des garnitures, soit d?une détection d?usure34.
- La matière des plaquettes
Les analyses effectuées montrent que:
? La surface des plaquettes est constituée de composés organiques ainsi que de
composés inorganiques. Toutefois, la présence d?inorganique en forte proportion
empêche l?identification stricte de ces composés.
? Aucune différence de nature, ni aucune pollution, n?a été mise en évidence par les
analyses directes sur les plaquettes.
? Le lavage des plaquettes a permis de mettre en évidence la présence d?un composé ou
d?un mélange de composé extractible par l?éthanol sur la surface des plaquettes du jour
de l?incident. Ce ou ces composés, vraisemblablement à base d?amide (ou d?amine),
d?ester et d?aliphatique (chaîne carbonée) sont présents en faible proportion. Les
signaux obtenus sont en effet (très) faibles. Ne connaissant pas l?historique des
plaquettes, il est impossible de conclure sur l?origine de ces produits.
? Ces résidus n?ont, cependant, pas été détectés sur les plaquettes neuves.
- Les particules sous les pinces
Les analyses par le CETIM des particules prélevées sous les pinces montrent que:
? les particules F1P1 peuvent s?apparenter avec celle des plaquettes mais sont d?aspect
beaucoup plus gras, avec une teneur associée en carbone importante;
? les particules F1P2 ont une composition similaire à celle des plaquettes avec un
enrichissement significatif en fer;
? les particules F2P1 sont très probablement issues des plaquettes (toutefois plus
grasses également);
34 La norme EN13223 (v.2004) demande à ce que: «9.2.6 L?usure des garnitures de frein doit pouvoir être
compensée par des réglages; dans le cas du frein de service, elle doit être surveillée. 9.2.7 La course
résiduelle qui doit subsister dans un frein fermé doit être contrôlable.»
62
? parmi les particules F2P2, sont observées des particules du même type que les
plaquettes et des particules organiques d?aspect marron.
Les particules récoltées et analysées proviennent probablement des plaquettes d?après
leur composition grandement similaire, avec pour certaines un enrichissement en fer
possiblement dû à un frottement sur la piste de freinage en acier.
- Une usure asymétrique des garnitures
Il a été constaté que les plaquettes ne sont pas positionnées de
façon parallèle mais inclinées par rapport à la piste de freinage
quand les freins sont ouverts. Si le jeu des plaquettes est réglé
comme sur la figure à droite lorsque le frein est ouvert, cela
entraîne un contact constant et ?en léchage? de la piste de
freinage avec une partie des plaquettes.
Figure 62 - Positionnement des plaquettes du frein F1P2
par rapport à la piste de freinage (frein ouvert)
De plus, une usure oblique est visible sur quatre plaquettes du 1er jeu.
Figure 63 - Garnitures de l?avant-veille (1er jeu de plaquettes) (photos TMDFriction)
Étant donné que cette usure est plane (pas de rupture de pente sur la surface de la
garniture), on considère que l?effort a été transmis de façon homogène à toute la surface
des plaquettes. Le léchage de la piste de freinage lorsque les freins sont ouverts peut ne
plus être visible après l?accident si une usure des garnitures a eu lieu et aplani la surface.
- L?usure de 1,4mm et réglages
L?usure des garnitures de F1 (1,4mm) est plus importante que celle des garnitures de F2
très probablement du fait que le F1 a été plus sollicité que le F2 pendant les 2jours qui
ont précédé l?accident. On a observé que la limite de la capacité des plaquettes à être
mises en contact normalement sur la piste de freinage est de 0,45mm (cf. débattement du
vérin maxi de 2,8mm). Le fait que 1,4mm ont été usés alors que le débattement possible
est de 0,5mm, est dû aux réglages de la pince qui ont permis de reprendre le jeu et
poursuivre l?usure. En effet, changer la cote de compression n?éloigne ni ne rapproche les
garnitures de la piste de freinage mais influe sur le couple appliqué. Et la cote de garde
est maintenue à 30mm. Donc c?est le réglage de l?entrefer qui permet de rapprocher les
garnitures de la piste et de poursuivre leur usure. Une intervention sur l?entrefer n?a lieu
qu?au changement de garnitures (cf. notice ATV de réglage des pinces). Or l?exploitant a
changé les garnitures lundi après-midi mais également le mardi après-midi lorsqu?il les
nettoie et les toile, il doit nécessairement les sortir de leur emplacement puis les remettre
et nécessairement effectuer le réglage de l?entrefer. L?analyse pour F1 vaut également
pour F2.
Ainsi le réglage de l?entrefer au moment de la dépose et repose des garnitures ? par deux
fois, permet d?expliquer que l?usure des garnitures de F1 relevée à 1,4mm est largement
supérieure à l?usure qui serait permise par le jeu du vérin et sa mise en butée (0,45mm).
63
- La température atteinte par les garnitures
Les différents témoignages recueillis suite à l?accident font état d?un dégagement de
fumée et d?odeur de brûlé. Pour la garniture Cosid132, les odeurs de brûlé sont
identifiées à partir d?une température de 160°C environ et les composants organiques
commencent à brûler à 250°C. Un dépôt blanchâtre sur les côtés des garnitures est
visible sur au moins une plaquette du 2?jeu, signe d?une contrainte excessive, d?une
surchauffe locale.
Les traces noires sur les pistes de freinage sont dues Ã
une température localement excessive, à partir de
200°C sur la zone de contact (entre la piste et une
garniture).
Figure 64 - Traces noires sur une poulie
(similaires sur l?autre poulie) (photo BEA-TT)
Avant l?accident, Ã 13h45, les larges traces grises sur
la garniture du 2djeu sont également le signe d?une
surchauffe locale.
Après l?accident, les garnitures présentent des zones
claires sur leur tranche:
Figure 65 - Photo du 4 mars 2022 des garnitures impliquées dans l?accident (photo TMDFriction)
Figure 66 - Garniture en place (photo STRMTG du 19/10/2021)
Si latéralement sur un revêtement utilisé, on constate des zones claires, notamment au
niveau des rainures, on peut en déduire qu?un dégazage sous une charge thermique
élevée est à l?origine d?une telle dégradation. Or selon leur constructeur, les plaquettes de
frein qui ont été soumises à des températures supérieures à leur plage de température de
fonctionnement, sont susceptibles de voir leurs propriétés modifiées lors des freinages
ultérieurs en raison de la forte sollicitation thermique. Il se forme une couche de «haute
température» dans laquelle les composants de réticulation du mélange sont fondus et
détruits. La cohésion des autres éléments de friction du mélange est donc diminuée dans
cette zone de fusion. Selon l?importance de la charge thermique, la plaquette de frein peut
présenter un coefficient de friction légèrement différent (plus élevé ou plus faible) lors des
freinages suivants. Cette couche soumise aux contraintes s?use aussi plus rapidement.
En effet, l?usure d?une garniture dépend de l?énergie apportée sur une matière, et cette
énergie dépend entre autres de la force appliquée, de la durée de l?application des forces,
de la température, de la matière et de l?état des surfaces en contact, etc.
64
Après l?usure de cette couche soumise aux contraintes thermiques, la garniture de friction
présente à nouveau les mêmes propriétés qu?une garniture de friction rodée non soumise
à la température ? si l?exposition aux contraintes thermiques cesse.
La température à la surface de la garniture de friction diminue très rapidement en raison
de la convection et de la dissipation de chaleur. Mais la température interne, mesurée Ã
côté de la zone de friction, s?accumule en raison des freinages répétés. Le fabricant de
garnitures ne peut indiquer d?intervalle entre chaque freinage permettant de revenir à une
température normale de fonctionnement, cela dépend de l?énergie apportée: si l?énergie
augmente ou si le temps est plus court, l?énergie introduite et absorbée augmente
également, ce qui entraîne une usure plus importante.
Un léger contact constant peut entraîner un échauffement non maîtrisé de la piste de
freinage, qui s?ajoute à l?échauffement lors du test suivant et conduit à une température
finale plus élevée. Une estimation de la montée en température à chaque freinage par
F1MST ou F2MST en descente, vue la masse freinée, serait d?environ +50°C. La notice
ATV d?entretien de la pince ST3SH rappelle le risque d?échauffement anormal et la
vérification puis le remède associé.
Figure 67 - Extrait de la notice ATV des pinces ST3SH (source Poma)
À noter que la question du rodage des garnitures du 2?jeu s?est posée. Toutefois, les
capacités de celles-ci auraient dû s?améliorer au fur et à mesure des essais et non se
dégrader. Le fabricant indique que les plaquettes sont rodées lorsqu?environ 65-70% de
leur surface de friction a été sollicitée et que le nombre de freinages nécessaires pour
obtenir un rodage optimal doit être déterminé sur place.
De plus, on a supposé que l?installation avait atteint 15-16m/s lors de l?accident. Comme
la vitesse influe de façon importante sur les forces applicables (ces dernières dépendent
du carré de la vitesse), l?augmentation de la vitesse entraîne une augmentation des forces
applicables. Il faut garder en mémoire que les plaquettes de freins ont donc
nécessairement été soumises à des contraintes excessives lors de la forte montée en
vitesse.
Concernant le 1erjeu de garnitures, on observe des incrustations dans la surface
(cf.Figure 31 -). Elles correspondraient à ce qui s?appelle des ?poissons?, incrustations
dures et magnétiques, se formant par une combinaison d?eau et de températures élevées
? bien au-delà de 100°C. En raison de ce que l?on appelle les températures flash du
disque de frein, celui-ci est modifié à quelques endroits de sa structure métallique.
L?abrasion de ces endroits s?accumule dans des incrustations métalliques de la plaquette
(le revêtement Cosid132 ne contient aucun composant magnétique). Ces ?poissons? ne
modifient pas les propriétés de la plaquette, mais sont un indicateur de températures
élevées. Par la suite, ils provoquent des stries dans le disque de frein. Ces ?poissons? du
1erjeu de garnitures indiquent qu?une augmentation de température était déjà à l?oeuvre
lors des freinages qui ont précédé leur changement le 27/09/2021 après-midi. En
65
l?absence de données enregistrées (a minima vitesse, temps, freins commandés), nous
ne pourrons effectuer d?analyse sur la montée en température du 1er jeu de garnitures.
- Les types de garniture
La notice ATV de 1984 indique que la pince ST3SH peut être équipée soit de «garnitures
de friction (retombée en marche)» (prévue pour des freinages avec une vitesse de
frottement élevée) de référence ?2.04?, soit de «garnitures de friction (retombée Ã
l?arrêt)» (prévue pour des freinages avec une vitesse de frottement très faible, type freins
de «parking») de référence ?2.05?. C?est la garniture à retombée en marche qui a été
sélectionnée par le constructeur Poma pour l?usage sur le téléphérique de La Saulire. La
notice présente bien un seul type de pièce de rechange pour les garnitures de friction,
celle à retombée en marche, la garniture ?M?. Elle présente un effort de retenue de
105000N (frein d?urgence dynamique) supérieur à la valeur admissible issue de la note
de calcul initiale (9144N nécessaires). Selon le plan ATV (11257-28 versionA), la
garniture est de qualité «394», sans fournir d?autre précision.
Figure 68 - Garniture G95
conservée à La Saulire (photos S3V)
Figure 69 - Comparaison entre garnitures
Cosid132 (gauche) et G95 (droite) (photo expert judiciaire)
Différents types de garnitures de garnitures se sont succédé:
? Au départ en 1984, les plaquettes installées étaient de type «665» livrées par ATV Ã
Poma (fournies par Flertex). Puis de qualité «G95» livrées par ATV à Poma (fournies
par Soleda). Les bons de livraison indiquent cinq dates (13/02/1984, 3/12/1984,
13/09/1985, 22/06/2004, 19/05/2005).
? En 2010, lors de la modification, il n?y a pas d?enregistrement des références des
garnitures installées mais il s?agissait très probablement de garnitures issues de la
dernière livraison ATV à Poma du 19/05/2005: à retombée en marche, probablement
de type G95. Les huit garnitures de type G95 stockées par S3V présentent une mention
manuscrite rajoutée «06/19». Cela correspondrait à juin2019, mois de la Grande
Inspection et donc à leur date de dépose.
? En 2013, dans le rapport d?IA, il est tracé le fait que l?exploitant a remplacé peu avant
les plaquettes du frein F2. Leur référence n?est pas indiquée.
? À partir de novembre 2010, des plaquettes en Cosid132 sont livrées à S3V par ATV,
pour un total de 8jeux (paires) de plaquettes (la première commande de plaquettes
Cosid132 par S3V date du 18/11/2010). Mais c?est en 2019, lors de la Grande
Inspection, que S3V trace le fait que des plaquettes Cosid132 sont installées sur
LaSaulire. Elles resteront sur le téléphérique jusqu?au 27septembre2021. La
référence 11257-28/CO132/37-18 permet de s?assurer que ce sont les garnitures
en place sur La Saulire le 14juin2019 (installées lors de la grande inspection)
jusqu?au 27septembre2021.
66
? Un troisième jeu, de Cosid132, est présent sur l?établi de La Saulire mais dont l?usage
(date, durée, exposition au freinage) est inconnu.
? De ce fait, une hypothèse probable est qu?il n?y a pas eu de changement de plaquettes
depuis 2010 pour F1 et 2013 pour F2, et ce jusqu?en 2019.
? Les plaquettes impliquées dans l?accident sont déposées dans le cadre de l?expertise
judiciaire: ce sont des Cosid132. Et au cours des pré-essais, les plaquettes installées
sont bien de type Cosid132 (installées lors de la Grande Inspection).
? Dans le but de trouver un moyen d?exploiter en sécurité avec une seule cabine l?été,
S3V commande 4 jeux de type CR-2M en 2010 et 2013. De coefficient de friction
inférieur à la qualité 132, elles sont utilisées pour des essais de freinage avec une seule
cabine. Ces essais n?étant pas concluants, le STRMTG n?autorise pas une telle
exploitation de l?appareil et la société S3V renoncera au projet et à ce type de
plaquettes.
Indépendamment de leur date d?installation sur les freins, les garnitures ont été fournies et
livrées selon les circuits suivants:
? Ã partir de 1985 = type 665: Flertex ? ATV ? Poma ? S3V
? Ã partir d?une date inconnue = G95: Sauleda ? ATV ? Poma ? S3V
et une dernière facture en 2005 pour des G95 indique: Sauleda ? ATV ? S3V
? Ã partir du 18/11/2010 = Cosid132: TMDFriction ? ATV ? S3V
La qualité «132» des garnitures ATV est celle mise dans 80% de leurs applications.
En2010, sur la grande majorité de ses applications, ATV a remplacé les plaquettes par
des types Cosid132. Courchevel, avec le téléphérique de La Saulire, est leur seul client
connu de garnitures dans le domaine des remontées mécaniques. Les garnitures sont
achetées (entre 100 à 200 par an) à TMDFriction. ATV a sélectionné la garniture de type
Cosid132 comme plaquette standard pour ses caractéristiques en statique ainsi qu?en
usage dynamique d?urgence.
Cette garniture est constituée d?un mélange de matières qui, d?un point de vue
microscopique, sont inhomogènes en raison des différentes tailles de particules des
différents composants. Jusqu?à 25matières peuvent être présentes dans la composition
de la garniture. Sans pour autant révéler la formule chimique exacte, TMDFriction
communique les principales matières: charges telles que oxyde de magnésium, oxyde
d?aluminium, silicate d?aluminium, barytine de l?ordre de 60% en poids, caoutchouc et
accélérateur de l?ordre de 21% en poids, fibres comme la cellulose et la laine de roche de
l?ordre de 19% en poids, composés carbonés comme la suie et le coke de l?ordre de
1,5% en poids.
TMDFriction précise que les données figurant sur la fiche technique des plaquettes, et
notamment celles concernant le coefficient de friction, sont données à titre purement
indicatif, selon des méthodes de laboratoires internes, et ne peuvent en aucun cas être
garanties comme des valeurs spécifiques ni des valeurs limites. TMDFriction rappelle
ainsi à ses clients que la qualification de la compatibilité des plaquettes de freins avec des
applications spécifiques, nécessite des données ou des vérifications supplémentaires.
Toutes leurs courbes de coefficient de friction se réfèrent expressément à leur frein
d?essai.
67
Figure 70 - Fiche technique du produit de la garniture (source TMDFriction)
La société ATV a mené des essais pour la qualification des garnitures Cosid132 avant de
les proposer à son client S3V. En effet, en 2006, ATV a demandé à TMDFriction la
transmission d?échantillons de garnitures Cosid132. ATV a réalisé des essais sur les
garnitures Cosid132 et ceux-ci répondaient à ses attentes. ATV a informé TMDFriction
avoir même réalisé des essais comparatifs avec les produits de quatre différents
fabricants de garnitures. ATV indiquait que les garnitures Cosid132 avaient des résultats
"en général légèrement au-dessus de la moyenne". Les essais par ATV consistent à la
mise sur banc dynamique d?un lot de plaquettes, afin de réaliser une mesure d?effort de
freinage (couple).
- Les tests in situ sur les plaquettes
En février 1985, ATV écrit à Poma qu?ils ont constaté que «les 4pinces avaient une
épaisseur de garniture comprise entre 9 et 10mm ce qui indique qu?après deux mois
d?exploitation, plus la période d?essais et de réception où les freins ont été très sollicités
avec des freinages en charge, les garnitures ne se sont pratiquement pas usées puisque
l?épaisseur initiale est de 10mm».
En avril1985, il a été réalisé plus de 200freinages pendant 7heures au bout desquels il
n?a pas été constaté d?usure des garnitures. Toutefois, le document n?indique pas qui les a
réalisés et comment, ni la référence des garnitures utilisées.
68
En septembre2010, lors de la mise en place de la modification, de très nombreux essais
de freinage dans le point de plus forte pente ont été réalisés pour les essais du maître
d?oeuvre puis des essais ont également été réalisés avec le service de contrôle. Aucune
usure particulière n?a été constatée par le maître d?oeuvre DCSA. Il devait ici s?agir
nécessairement des garnitures G95 ? les garnitures ne pouvaient être des Cosid132
puisque les premières ont été commandées par S3V à ATV en novembre2010.
Des essais d?IA ont eu lieu pendant 6ans probablement sans changement des plaquettes
G95. La mise en place des Cosid132 est certaine en juin2019. Hors inspections
annuelles, le nombre de freinages n?est pas connu, y compris à forte charge.
On a observé précédemment une diminution des temps de freinage lors des inspections
annuelles à partir de 2019. En les corrélant avec les valeurs des cotes de réglages
relevées lors de ces IA (cote de garde et cotes de compression), il n?est possible de tirer
de conclusion que pour le frein F1 en 2019. En effet, la cote de compression varie de
1mm pour F1P1. Or l?effort varie de 1500N selon les calculs du STRMTG35: le temps
diminue avec un effort moindre sur F1P1. Dans l?hypothèse où l?entrefer est toujours réglé
de la même manière, on pourrait dire que la garniture de type Cosid132 se freinait plus
fort que ses prédécesseures ? probablement aux dépens du coefficient de friction et de
l?usure.
Les autres variations de cote peuvent expliquer ? partiellement ? l?amélioration des temps
de freinage: par exemple en 2019, F2 donne un peu plus d?effort et le temps de freinage
est bien meilleur. Il n?est pas possible de déterminer la part de l?efficacité de la garniture
Cosid132 dans cette amélioration.
- Le produit Berner
Selon les témoignages, le mardi 28septembre2021, il est procédé au nettoyage des
pistes de freinage et de l?ensemble des garnitures (2djeu) avec le produit Berner.
En 2013, un problème de couple de freinage a été diagnostiqué par AixHydro comme
étant liée à l?utilisation de ce liquide nettoyant pour freins. AixHydro avait alors précisé
d?utiliser le dégraissant recommandé par ATV et non le Berner, dans la conclusion de son
compte rendu d?intervention transmis à Seirel: «Le fait d?apporter du couple aux pinces
n?apporte rien. Il y a un problème d?adhérence des plaquettes sur le disque. Le disque a
été nettoyé au printemps avec un nettoyant frein Berner. Ces produits ne sont pas faits
pour nettoyer des freins lents. Ils laissent un film gras qui sur une voiture est éliminé par la
montée en température forte et rapide des disques lors d?un freinage appuyé. Sur un
disque lent, cette combustion ne se produit pas et l?adhérence des plaquettes s?en trouve
fortement affectée. Il est donc nécessaire de nettoyer les pistes avec un produit adapté et
de remplacer les plaquettes par des neuves pour repartir avec le bon coefficient de
friction». Et Aix Hydro précise à Seirel en octobre2013: «ATV préconise l?utilisation de:
CRCKF dégraissant séchage rapide. Le produit existe en bombe ou en bidon de 5litres.
2applications avec essuyage chiffon propre. Ou alors au trichloréthylène, mais ce n?est
normalement plus autorisé. Changer absolument les plaquettes APRES nettoyage du
disque».
Il n?a pas été trouvé trace d?une transmission à l?exploitant de ce compte rendu.
Le fabriquant TMDFriction quant à lui déconseille par principe l?utilisation de nettoyants
pour freins pour nettoyer les plaquettes de frein.
Afin de vérifier l?impact du produit Berner, il a été demandé au CETIM de réaliser des
essais sur des plaquettes après dégraissage au nettoyant de frein Berner et séchage
35 Les valeurs pour F1P1 ont également été calculées par le STRMTG, de la même façon que pour F2P2 et
les valeurs sont 15625N Ã une cote de garde de 30mm et 14111N Ã 29mm.
69
simple de 2heures. Les performances mesurées sont similaires aux performances des
plaquettes pour lesquelles il n?y a pas eu d?application de Berner.
À noter que le liquide nettoyant pour freins Berner possède une date de péremption et
des consignes de températures de conservation: la première n?a pas été identifiée et les
secondes doivent être comprises entre +5° et +25°C. Or la machinerie où le stock de
bidons Berner est stocké subit des températures hivernales, n?étant pas chauffé. Bien que
ne connaissant pas la température de solidification du Berner, on peut supposer que
l?exploitant se serait rendu compte si les bidons avaient gelé. Par contre, les
caractéristiques et les propriétés du produit ont pu être modifiées. Une interrogation sur le
suivi des contraintes exportées de liquides sensibles peut également se poser. En outre,
le CETIM a effectué ses tests avec du Berner ??neuf?? et non avec celui stocké dans la
machinerie, interrogeant la représentativité des essais.
Enfin, l?application d?un produit sur les garnitures et les pistes de freinage induirait plutôt
des freinages longs juste après son application puis une amélioration du freinage au fur et
à mesure de sa vaporisation. Ce qui pourrait expliquer les alarmes de l?automate pour les
tests réalisés après le nettoyage le 28/09/2021. Mais pour le matin de l?accident, les
temps de freinage sont très courts en F1 à la descente (10,6secondes) puis augmentent
au fur et à mesure, à l?opposé de l?effet que pourrait donner le Berner. Cette hypothèse
d?un impact du produit Berner sur la dégradation des capacités de freinage pendant la
matinée du 29/09/2021 conduisant à l?accident semble improbable.
- Les comparaisons des caractéristiques des différentes garnitures par le CETIM
Des essais ont été réalisés par le CETIM sur des échantillons de: G95, Cosid132
neuves, Cosid132 du 1er jeu, Cosid132 de l?accident (2d jeu). Il s?agissait d?examens
micrographiques, de microanalyses, de spectroscopie infrarouge, de chromatographie
gazeuse et d?essais tribologiques sur un banc d?essai. Les graphes ci-dessous présentent
les résultats sur le taux d?usure, la température atteinte et le coefficient de friction obtenu.
Figure 71 - Résultats obtenus sur banc d?essai avec 4 types de garnitures à 5, 8 et 11m/s (source CETIM)
Les analyses effectuées sur les 6plaquettes mettent en évidence que toutes les
plaquettes sont de même nature et constituées de carbone, oxygène, magnésium,
70
aluminium, silicium et soufre en éléments majeurs, de baryum et de calcium en faible
teneur, et de zinc, de sodium, de potassium et de fer en faible teneur ou en traces.
Aucune différence de nature, ni aucune pollution, n?ont été mises en évidence par les
analyses directes sur les plaquettes.
En synthèse, le coefficient de friction est peu dépendant de la vitesse, du type et de l?état
des plaquettes. On note néanmoins des coefficients légèrement plus faibles pour la
plaquette de référence G95. Les vitesses d?usure étant très faible (<10?m/s), il est
considéré que l?influence du type et de l?état des plaquettes est négligeable. On notera
néanmoins des valeurs légèrement supérieures pour la plaquette de référence G95. Il n?y
a donc pas de différence significative dans le comportement tribologique (frottement,
usure et température de contact) entre les différentes plaquettes, ni en fonction de leur
état (brute, décapée, dégraissée).
Toutefois, les traces de surchauffe présentées précédemment remettent en question la
représentativité des résultats du CETIM par rapport au système réel: la température
maximale observée à 2MPa est de 48°C sur des essais de 65secondes alors que les
températures réelles rencontrées avant même l?accident sont a minima de 160°C. De
plus, le taux d?usure est en moyenne de 2microns selon les résultats du CETIM. Or
lorsque F1P1 passe de 121,1mm (9h23) à 122mm (vers 10h30), seuls un F1 modulé
(quasi à 100%) en descente de 11secondes et un F1 plein couple en descente de
12secondes ont été réalisés ? en ce qui concerne le F1. L?usure pour une garniture est
de 150microns ((122-121,1mm)/3 pour 2garnitures) donc le taux d?usure est de
150µm/23s = 6,5µm/s ce qui est 3fois plus important que les résultats du CETIM.
3.10.3 - Une hypothèse explorée
Sur ce téléphérique de La Saulire, les deux seuls changements notables sont la
modification de 2010 (donc suivie de 10inspections annuelles conclusives) et le
changement de type de garnitures en juin 2019. Malgré l?absence de traçabilité, nous
considérons probable que les premières garnitures Cosid132 ont été installées en 2019
après la Grande Inspection. En effet, l?installation des Cosid132 a été bien tracée en
2019 par l?exploitant et sur les G95 a été apposée la mention "06/2019" au dos,
probablement inscrite au moment de la dépose.
Les essais en 1984 et en 2010 avec d?autres types de garniture indiquent que leur usure
était très faible. Pour présenter une usure allant jusqu?à 1,4mm, le taux d?usure des
garnitures Cosid132 doit être largement supérieur aux quelques microns par seconde
mesurés par le CETIM. Ceci est très probablement dû aux températures subies par les
garnitures. Les constats physiques permettent d?estimer que les garnitures ont atteint des
températures d?au moins 160°C, voire localement un minimum de 200°C.
Le coefficient de friction en a certainement été impacté. Il dépend non seulement de la
garniture de frein en elle-même mais également du disque de frein et de la rugosité de la
surface, de la pression, de la vitesse, de la température, etc. C?est une force créée par
l?interaction de deux surfaces en contact qui glissent l?une sur l?autre et qui s?oppose au
mouvement. Il est donc impossible d?indiquer un coefficient de friction précis pour une
matière sans connaître la matière de la surface avec laquelle elle interagit ni le système
de freinage dans sa globalité. La valeur du fournisseur est indicative et le test du CETIM
sur son banc d?essai ne garantit pas la valeur du coefficient sur La Saulire.
Or il n?y a pas eu de vérification du comportement des garnitures de remplacement de la
G95 en rapport avec le téléphérique de La Saulire, tel qu?on peut le rencontrer en
homologation routière pour les plaquettes dites de ??remplacement?? ou homologation
ferroviaire. Il n?a pas été retrouvé trace de test réalisé in situ (alors que des tests ont été
réalisés et tracés avec la garniture CR-2M pour vérifier la faisabilité de l?exploitation en
cabine seule ? dans le cadre d?une demande par S3V auprès du STRMTG). Nous
71
n?avons pas de garantie quant au comportement des Cosid132 sur le système de frein de
La Saulire. C?est pourquoi nous émettons l?hypothèse d?une probable inadéquation de la
garniture Cosid132 avec le système de frein de La Saulire.
Au moment du changement du type de garnitures, des essais et mesures auraient permis
de quantifier l?efficacité des nouvelles garnitures, de vérifier à quel rythme elles s?usent et
ainsi pouvoir faire évoluer le processus de vérification régulière et de réglage des freins.
3.10.4 - Des éléments de clarification et autre hypothèse moins probable
- Usure du 1er jeu de garnitures
Les Cosid132 ont été mises en place sur les freins F1 et F2 de La Saulire en 2019. Elles
ont subi l?inspection annuelle de 2019 et celle de 2020, et possiblement quelques arrêts
en exploitation (probablement pas en pleine charge ni à la vitesse maximale):
? les rapports IA de 2019 et 2020 ne mentionnent pas de réglages ou de tests répétés
pour obtenir les temps corrects: on suppose qu?il n?y a eu que peu de freinages plein
couple à la descente (un de chaque frein à chaque IA, donc au total 2 F1 et 2 F2);
? l?exploitation était réduite du fait des restrictions sanitaires dues à l?épidémie de Covid
et globalement, l?usage du F2 est très rare en exploitation.
Le 27septembre2021, ces garnitures émettent une odeur de brûlé et sont comme
glacées avec des incrustations métalliques, preuve d?une augmentation locale de
température (mini 160°C). Les usures des garnitures du 1erjeu présentent une usure
oblique pour quatre d?entre elles. L?usure la plus importante de celles observées y compris
post-accident n?a pas trouvé d?explication à ce jour.
N?ayant pas de mesure d?épaisseur faite en 2019 et 2020, nous ne pouvons qu?avoir un
doute raisonnable sur le fait les garnitures Cosid132 se seraient usées différemment que
les G95 dans le système de freinage et qu?on aurait pu être sur la "sellette" pendant deux
ans sans s?en rendre compte.
- Déséquilibre entre les pinces d?un même frein
Le graphe d?AixHydro indique une dissymétrie entre la pince F2P1 et F2P2. Cette
dissymétrie de l?effort de freinage induit une sursollicitation de F2P1 aux dépens de F2P2.
Les efforts devaient donc être absorbés en grande partie par la pince F2P1 lors d?un
freinage: les garnitures équipant cette pince la plus contrainte s?échauffent plus que
celles de l?autre pince. Elles subissent une usure accrue en raison de cette charge
thermique anormalement élevée, tant que la couche endommagée est présente. Par la
suite, quand F2P1 atteindra la butée à force d?usure de ses garnitures, ce sera au tour
des garnitures de F2P2 de supporter la majorité des contraintes de freinage et de subir, Ã
leur tour un échauffement et donc une usure importante. Pendant ce temps, le frein F2P1
en butée sera en léchage par rapport à la piste de freinage. Il n?y a alors plus d?effort sur
cette pince de frein en butée. Un tel contact "caressant" entraîne une augmentation de la
température des garnitures.
Pour les freins F1, le témoignage du chef de secteur qui vers 10h30, en descendant la
première fois en machinerie pour régler l?empilement, trouve F1P1 à 122mm au lieu de
121,1mm à 9h23, indique que cette pince encaisse une partie de l?effort. Ce
déséquilibre est confirmé par les premiers constats où il restait 0,4mm de marge à la
pince F1P2. Toutefois la raison n?a pas pu être déterminée ? a minima, pas par un
déséquilibre au niveau de la pression/débattement.
La fragilité de cette hypothèse repose également sur le fait que nous n?identifions pas la
cause et la date de début de ce déséquilibre entre les pinces de F2.
72
3.11 - Les investigations sur les facteurs humains et organisationnels
La particularité de cet événement est qu?il concerne un groupe, en tant que somme
d?individus.
Nous ne recherchons pas ici qui aurait détenu l?autorité au sein de ce groupe pour stopper
les essais mais comment améliorer et éviter la reproduction d?un tel accident.
L?objectif est bien de comprendre pourquoi ces cinq personnes ont agi d?une telle façon
dans une situation qui va conduire à un accident, alors que leurs connaissances et leurs
compétences les rend chacun aptes à connaître les risques et détecter des situations
dangereuses sur ce type d?installation. Et de déterminer si des facteurs organisationnels
ont contribué également à l?accident.
3.11.1 - Le rôle du technicien d?inspection annuelle et le rôle de l?exploitant
Nous rappelons ici en préambule le guide RM1 du STRMTG «Exploitation, modification
et maintenance des téléphériques» explicitant l?arrêté du 7août2009: «Les essais de
frein dans les différents cas de charge et les inspections des dispositifs de sécurité
doivent être réalisés selon une procédure pré-établie et donner lieu à l?établissement d?un
procès-verbal d?essais. [?] Ces vérifications sont faites sous le contrôle du Technicien
d?Inspection Annuelle.»
En outre, TranscableHalec a formalisé son intervention en IA par une fiche mission,
fournie à la fin de l?acte d?engagement soumis à S3V lors de la consultation de 2018.
Cette fiche mission détaille entre autres le contenu des vérifications à réaliser par le TIA
(liste des essais, examens, relevés et vérifications à effectuer). Les vérifications du TIA
consistent principalement en la réalisation des essais et en un contrôle des valeurs
obtenues pour se conformer à la réglementation. Parmi la liste, seul l?«examen visuel des
freins et de leurs garnitures avec manoeuvre à l?arrêt et vérification des courses» n?a pas
été mentionné dans les témoignages excepté la mesure des deux cotes des freins.
Il est précisé dans la suite de la fiche que «Les vérifications sont effectuées dans la
configuration d?utilisation dans laquelle l?appareil est présenté. Les examens, mesures
effectués et les essais suivis sont ceux réalisables: ? sans démontage; ? sans
intervention nécessitant la modification ou le déréglage des circuits ou dispositifs de
sécurité; en utilisant les accès permanents ou spécialement aménagés, appropriés et
conformes à la réglementation.».
La fiche mission précise également les dispositions à prendre par le client (l?exploitant):
«Une personne compétente connaissant bien les installations, possédant les habilitations
électriques nécessaires et habilitée à la conduite de l?appareil sera désignée pour
accompagner l?intervenant Transcable Halec. Le client conserve la direction et la
responsabilité des installations et équipements sur lesquels Transcable Halec est appelé
à intervenir» et «la conduite des installations est sous la responsabilité du client qui
assurera lui-même les manoeuvres nécessaires».
Cela est corroboré par le SGS (système de gestion de la sécurité) de l?exploitant qui «a
pour objet d?une part, de décrire l?organisation mise en place par l?exploitant pour exploiter
et maintenir les installations, d?autre part, de démontrer sa capacité à maîtriser les risques
et à assurer une gestion sûre de ses installations».
Lors de l?IA de La Saulire, en se basant sur les différents témoignages, le jeu d?acteurs
entre les cinq personnes présentes peut être identifié comme suit:
? le TIA est dans un rôle de prise de mesures: il demande de réaliser les essais, en
suivant la procédure d?Inspection Annuelle, relève les données, il juge les temps de
freinage obtenus et selon, demande des modifications de réglage. Ultérieurement, il
aurait rédigé un rapport avec ses conclusions à destination de l?exploitant.
73
? le conducteur répond aux demandes du TIA et se place dans un rôle d?exécutant des
essais demandés, il effectue des réglages du couple si besoin.
? le responsable d?IA ? ici le chef de secteur Remontées Mécaniques Ouest ? est dans
un rôle de réglage de l?appareil et d?observation globale du déroulement.
? l?électricien est dans un rôle d?exécutant en attente de sollicitations très spécifiques et
ponctuelles.
? le technicien du STRMTG est dans un rôle d?observateur du TIA (évaluation des
pratiques) et d?observateur des résultats d?essais de cette installation.
L?objectif du groupe lors de l?IA est la réalisation des essais et l?obtention de temps de
freinage acceptables à la descente pour engager les essais à la montée. On constate que
la sécurité de l?installation au cours de l?inspection annuelle n?est pas surveillée par une
personne/entité identifiée, avec un manque de clarté entre le rôle du TIA et le rôle de
l?exploitant.
Concernant le positionnement physique de chacun dans le poste de pilotage du
téléphérique, tous les témoignages indiquent que: le TIA est à gauche avec son outil
branché sur une platine dédiée dans l?armoire de commande, le conducteur est au
pupitre, le chef de secteur RM à proximité du conducteur, le responsable électrique
derrière vers l?armoire électrique, l?agent du STRMTG observe depuis un angle de la
pièce.
Figure 72 - Reconstitution dans le poste de pilotage du téléphérique:
position du TIA (Ã gauche)
et du conducteur (Ã droite) (photo S3V)
Figure 73 - Écrans (en haut du TIA
et en bas du conducteur)
(photos S3V)
Sur son écran, le TIA peut visualiser les essais sous forme de courbes ? celles exposées
en amont dans ce rapport. Elles lui permettent d?interpréter l?essai et de le valider ou non.
Ces données lui sont ainsi nécessaires pour la réalisation de l?IA puis la rédaction de son
rapport incluant ses conclusions de l?IA, tel qu?en 2020 dans le rapport de
TranscableHalec sur l?IA de La Saulire: «Les résultats des essais et vérifications sont
satisfaisants. L?appareil peut assurer normalement son service, sous réserve d?obligations
techniques ou administratives dont nous n?aurions pas eu connaissance.»
De son côté, le conducteur dispose sur son poste d?un affichage permettant de visualiser
la courbe de freinage de l?essai (cf. photo ci-dessus). Il dispose de la courbe de vitesse, de
la courbe de contrôle de la décélération de l?essai, des mêmes données (heure de début
de l?essai, heure de fin, durée, distance d?arrêt, gamma de décélération) que le TIA et des
derniers défauts enregistrés par l?automate, affichés en bas de son écran. Ces défauts
74
sont également visibles, derrière, sur l?écran en façade de l?armoire de l?automate
(cf.Figure 11 -).
Ainsi, les courbes telles que nous avons pu les observer précédemment sont visibles au
fur et à mesure, sur l?écran du TIA ainsi que sur celui du conducteur.
3.11.2 - La détection d?une situation à risque
- Au cours de la matinée du 29 septembre 2021
Le moment de rupture dans la succession d?actions du 29/09/2021 est le lancement du
test F2MST à 12h10: à partir de là , la situation ne peut plus être rattrapée (comme nous
l?avons vu précédemment, F1 et F2 sont déjà en dessous de leurs capacités).
L?absence d?objection ? et même de doute ? par les 5 participants quant au lancement de
cet essai repose sur deux défaillances humaines antérieures: celle de la saisie
d?informations et celle du diagnostic de la situation36. Ces défaillances induiront
nécessairement la défaillance du pronostic, ainsi que celle de la décision d?engagement
de l?essai et des tentatives de rattrapage.
? Les défaillances au niveau de la saisie d?informations concernent l?absence de
lecture de certaines informations, Ã savoir:
? La lecture des graphes sur l?ordinateur du TIA ou sur l?écran du conducteur, pour au
moins les deux essais caducs précédant celui de l?accident. Sur la courbe de 11h23,
il est visible que le F1 s?est ouvert environ 4secondes après son application. Ce
dernier n?était donc pas assez efficace. Pour l?essai de 11h59, le F1 insuffisant ?
s?est ouvert pour permettre l?entrée en action du F2 ?. Le freinage du frein d?urgence
était alors en valeur inférieure à la limite réglementaire et s?était dégradé en
comparaison de l?essai précédent. Un cumul des deux freins est même nécessaire
pour arrêter la cabine ?.
Figure 74 - Essai de 11h59, dernier essai avant celui fatidique de 12h10
? La lecture des alarmes affichées sur la console de l?automate à la vue de tous et qui
nécessitaient un acquittement avant qu?il ne soit possible de relancer de nouvelles
séquences d?essais. Notamment la présence du défaut sur la supervision «F2M ?
contrôle décélération frein de service DTCx» à 11h22 et 11h59 indique que le
système est défaillant (F2 nécessaire pour aider F1): il aurait dû être lu et compris
par l?agent ayant acquitté ce défaut. A minima une discussion avec les autres
36 Pierre Van Eslande. L?erreur humaine dans les scénarios d?accident cause ou conséquence?
RechercheTransportsSécurité n°66, Janvier-Mars 2000
75
intervenants voire une action aurait dû être prise avant d?acquitter le défaut. Tous
connaissent le fonctionnement d?un automate, les défauts sont acquittés et aucun ne
s?interroge sur les implications de ces alertes/défauts.
? Le réglage de l?entrefer n?est pas évoqué dans les témoignages, interrogeant quant Ã
son réglage (ou son absence de réglage surtout) au cours des essais.
? Une information leur a totalement échappé: les témoignages indiquent que tous sont
persuadés que le F2 n?a pas ou peu été sollicité au cours de l?IA. Confirmant le fait
que les courbes n?ont pas été suffisamment observées ni que fut identifié le défaut
?temps d?arrêt trop long?? lors de l?essai précédent, c?est également une erreur de
diagnostic qui conduit à l?accident. En effet, puisque le F2 est censé avoir été peu
sollicité de la journée, ni réglé, il doit être efficace ? moyennant le doute de
l?exploitant qui s?interroge quant à son réglage. Il n?y a donc pas eu de perception du
F2 défaillant.
? Il n?est pas effectué de vérification quant à l?état des garnitures ni leur épaisseur
malgré l?odeur et les réglages de cotes.
? La saisie d?information est clairement focalisée sur l?obtention des temps de freinage
adéquats et sur les réglages pour améliorer ces temps par rapport aux attendus.
Toutefois, l?Inspection Annuelle est reportée parce que les temps de freinage à la
descente ne sont pas dans la fourchette attendue et ne permettront pas des essais en
sécurité à la montée.
Afin de tenter d?expliquer comment des individus ayant des connaissances sur un tel
appareil ? et loin d?être novices dans le domaine ? sont passés à côté de ces
informations, nous émettons l?hypothèse d?un cumul de facteurs humains: une
concurrence d?attention (leur préoccupation principale est d?obtenir des valeurs de
temps et ne prêtent pas attention aux autres informations), un biais d?habitude
(rappelons que cette installation est connue des intervenants pour freiner très fort et
être délicate à régler; les émissions d?odeur de freinage ne sont pas inhabituelles lors
d?IA) et une perte de repères du fait du téléphérique passant rapidement d?une situation
où il freine trop fort et donc les essais plein couple à la montée ne sont pas engagés
parce que risqués, à une situation où le téléphérique ne freine pas assez.
? Les défaillances au niveau du diagnostic porté sur la situation concernent
l?absence de réflexion quant au risque encouru:
? Tout d?abord, la conséquence des points précédents sur les défaillances de saisie
des informations induit nécessairement la réduction voire l?absence de
questionnements pouvant conduire à un diagnostic de la situation. Ces informations
non saisies n?ont donc pas pu leur ?mettre la puce à l?oreille? et enclencher une
réflexion au sein du groupe. En effet, il n?est pas fait mention par les agents présents
qu?ils se soient auto-restreints ou limités, ou aient été limités par leurs pairs, dans
l?expression d?un sentiment de danger.
? Certaines informations ont bien été saisies par les personnes présentes: une odeur
de brûlé importante jugée plus ou moins habituelle, des dépôts noirs revenus sur la
piste de freinage, le temps de freinage ne variant pas (19secondes ? entre 11h23
et 11h59) alors que l?empilement des rondelles des pinces de F1 est remis comme
initialement. Cela n?a pas provoqué de réflexion des participants et une interprétation
de ces données n?a pas été réalisée.
? Le diagnostic est biaisé par le fait que la situation de départ présente des conditions
initiales non identifiées ou inconnues/incomprises des acteurs: la course maximale
possible de la pince permise par les réglages (butée) et le changement du type de
garniture (G95 vers Cosid132).
76
La problématique ici repose sur la non-perception du danger via les anomalies de
comportement de l?installation par les participants (aucun doute n?a été mentionné dans
les témoignages, aucune hésitation ou auto-censure ? puisqu?on prend évidemment pour
acquis qu?aucun d?entre eux n?aurait laissé le téléphérique aller à sa perte).
Le groupe est en recherche d?une solution à un problème mais pas de recherche (donc
pas d?analyse et encore moins de résolution) d?un second problème plus important in fine.
La question de la sécurité ne se pose pas.
Attention, il n?est pas normal que de nombreux réglages de freins soient demandés et
réalisés lors d?une IA. Cela sous-entend que l?appareil n?est pas prêt. Pour rappel, l?IA est,
selon l?article45 de l?arrêté du 7août2009, une vérification par une personne
indépendante et agréée (TIA) des capacités de l?installation. Et modifier un couple de
freinage a un impact important. De plus, les essais ayant eu lieu avant les réglages
devraient être refaits puisque l?état de l?installation a évolué.
- Au cours des pré-essais du 27 et 28 septembre 2021
En amont de l?IA, les pré-essais réalisés afin d?effectuer des réglages de l?appareil et de
vérifier ses temps de freinage, sont émaillés d?incidents: une odeur de brûlé, la piste de
freinage qui chauffe puis les pistes qui présentent des dépôts noirs et les garnitures du
2djeu (neuf), qui voient leur surface se glacer.
Ces informations ont bien été saisies par les agents de S3V. Toutefois, comme des
corrections sont apportées et qu?elles sont conclusives (plus d?odeur, plus de dépôt noir,
certainement des temps de freinage satisfaisants), l?analyse de la situation n?est pas
poussée plus loin37. Étant donné l?absence d?information quant à l?évolution des
plaquettes, la non perception de la possible mise en butée, l?absence d?enregistrements
vitesse/temps et la supposée correction du problème des plaquettes, il n?y a pas eu de
détection d?une situation pouvant présenter un risque. Et donc l?inspection annuelle est
maintenue pour le lendemain.
Ignorant les valeurs de réglages des cotes le lundi et mardi, et sans graphes des essais
réalisés, il n?est pas possible de connaître le comportement de l?installation, d?identifier
des précurseurs et de ce fait, mener une analyse d?évitabilité est malheureusement ici
irréalisable.
En conclusion, on constate des défaillances au niveau de la saisie d?informations
notamment l?absence de lecture de certaines informations, défaillances qui impactent
pour partie les défaillances au niveau du diagnostic porté sur la situation et l?absence de
réflexion quant au risque encouru. L?accident aurait pu être évité mais ces défaillances ne
sont pas la cause de l?événement, elles y contribuent en n?ayant pas pu empêcher le
lancement de l?essai fatidique. Ceci conduit à qualifier ces facteurs humains comme
contributifs et à identifier un facteur organisationnel concernant la gestion de la sécurité
au cours d?une inspection annuelle.
3.11.3 - Les processus de maintenance, la traçabilité des produits et la gestion
documentaire
En préalable, il est à noter que la notice générale de réglages et entretien qui est en
possession de S3V au moment de l?accident, est celle du téléphérique de Vaujany. Or les
freins y sont très différents de La Saulire, il est évident que les pages correspondant Ã
l?entretien et réglages des pinces et des garnitures ne sont pas adéquates. La notice des
37 Étant donné la complexité de l?analyse post accident, nous jugeons cette réaction compréhensible.
77
pinces ST3SH est un autre document à part chez S3V, qui a indiqué n?avoir jamais été en
possession d?une notice générale de LaSaulire. Le manuel global dédié à LaSaulire,
daté de mars1987, a toutefois été transmis par Poma aux services de contrôle
(STRMTG) dans le cadre de la mise en service de l?appareil.
Plusieurs notices de la pince ont été présentées par les différentes parties au cours des
investigations: estampillée Poma ou pas, nous n?avons pas observé de gestion des
indices selon les évolutions (mineures) de la notice.
Concernant le stockage des plaquettes au magasin ou à la machinerie de La Saulire, la
différence va résider dans les températures subies: le magasin se trouve dans un
bâtiment chauffé regroupant tous les services techniques de S3V (serrurerie, magasin,
garage d?entretien des véhicules, etc.). La machinerie de La Saulire quant à elle, est
située dans la gare inférieure motrice à 2077m d?altitude et n?est pas chauffée. Cela peut
avoir un impact sur les produits (Berner, garnitures?).
Ensuite, il a été constaté l?absence de traçabilité des références des garnitures montées
sur l?installation avant 2019 puis que cela a été amélioré à partir de la grande inspection
de 2019. Cela ne permet pas d?être formel sur la chronologie de leurs mises en place et
durée de vie ? dans le cadre de l?enquête. De plus, cette absence de suivi par l?exploitant
de ses consommables entrants et de ce qui est mis en place entraîne une
méconnaissance de la réaction de son installation, ni d?une évolution possible.
Heureusement la confusion avec d?autres freins d?autres téléportés de la station de
Courchevel n?est pas possible étant donné la spécificité géométrique de ces plaquettes.
Nous attirons par ailleurs l?attention sur le risque de tomber sur un lot défectueux lors d?un
changement de 8plaquettes en même temps. Il n?a pas été retrouvé de consigne écrite
du constructeur (du téléphérique ou des garnitures) à ce sujet. Aujourd?hui, les
constructeurs de téléphériques déconseilleraient de changer les garnitures toutes en
même temps.
De plus, le changement de fournisseur et de produit a été réalisé sans suivi ni contrôle ni
qualification du nouveau produit. Les garnitures sont traitées comme un consommable ou
une pièce d?usure mais pas de sécurité. Pour autant, elles participent activement au
maintien du niveau de sécurité de l?installation.
Par ailleurs, les contrôles mensuels sont bien effectués par l?exploitant, en conformité
avec l?article42 de l?arrêté du 7août2009. Les valeurs des temps d?arrêt à vitesse
nominale des véhicules (à vide) sont enregistrées sur le registre de LaSaulire. Les agents
font une lecture directe sur l?outil Supreme pour noter les temps obtenus. Ils font aussi
une vérification physique sur les pinces de frein: cote garde, état des plaquettes, absence
de fuite, libre rotation des axes, etc. Comme LaSaulire n?a pas été exploitée durant l?hiver
2020/2021 du fait des restrictions sanitaires, les tests mensuels de cet hiver-là n?ont pas
été faits. Les dernières valeurs des temps d?arrêt sont donc:
? Décembre 2020 = F1 à 11,1s et F2 à 14,5s (en montée à x=230m).
? Mai 2021 = F1 à 11,1s et F2 à 14,0s (en descente à x=1490m).
? Juillet 2021 = F1 à 11,2s et F2 à 14,3s (en montée à x=230m).
? Août 2021 = F1 à 11,8s et F2 à 8,8s (en montée à x=230m).
Ces valeurs sont très proches ? excepté le F2 d?août 2021. Mais comme les cotes de
compression des pinces ne sont pas notées, il n?y aura pas de conclusion possible
concernant ces temps.
Lors de l?Inspection Annuelle, les réglages sur les organes de sécurité que sont les pinces
de frein ne sont pas notés de façon contradictoire après chaque modification des cotes.
De plus, les témoignages ne sont pas concordants quant au moyen de lancement des
78
essais (via ordinateur ou bouton-poussoir). Il n?existe pas de documentation ou de notice
à destination de l?exploitant ou du TIA décrivant ce fonctionnement.
Le jeu entre la piste de freinage et la garniture des plaquettes doit être vérifié
régulièrement conformément à la notice, que cela soit en fonctionnement normal ou
durant les essais réglementaires qui sollicitent fortement les garnitures, afin que
l?efficacité de freinage soit toujours assurée. Ce contrôle n?a jamais fait l?objet de relevé, y
compris lors de la rénovation de 2010.
Il s?est avéré impossible de mettre les plaquettes et garnitures parallèles à la piste de
freinage, ne permettant pas une prise de mesure fiable des cotes.
Or, la vérification de ce jeu aux pré-essais et essais de septembre 2021, a minima la
reprise de la cote, aurait permis à S3V de retrouver un jeu correct et s?assurer de
l?efficacité des freins, et la perception d?une possible usure rapide des garnitures.
Enfin, l?ensemble de ces observations sur la traçabilité perfectible, le stockage des
plaquettes et la gestion de ces stocks, la vérification du jeu entre piste et plaquettes,
s?applique aux agents d?exploitation sur le terrain mais également à l?encadrement, dans
son rôle de second regard. Le Système de Gestion de la Sécurité (SGS) de S3V en
précise les grandes lignes dans son chapitre concernant le dispositif permanent de
contrôle et d?évaluation du niveau de sécurité.
79
3.12 - L?autre téléphérique français aux pinces de freins identiques: le
téléphérique de Chantemerle à Serre-Chevalier
Également construit en 1984, ce téléphérique de Chantemerle est un téléphérique bicâble
à va-et-vient. D?une longueur de 2313m et de dénivelé de 576m, sa pente moyenne est
de 25,75% et sa pente maximale de 53%. Il possède 5pylônes. Le téléphérique est
équipé de deux cabines pouvant accueillir 40personnes debout et 1cabinier. Le modèle
de frein est ST3SH suivant le plan ATV de référence 11786, donc des pinces identiques Ã
celles de LaSaulire mais avec un empilage de 13rondelles de 6mm.
Suite à l?accident de LaSaulire, le STRMTG a effectué une
visite technique au téléphérique de Chantemerle. Il a constaté
que l?écrou de précontrainte des rondelles ressort est
pratiquement en butée sur l?extrémité du bras. La longueur de
sortie de tige du vérin a été mesurée sur site à l?aide d?un
réglet: pour le frein F2, la sortie de tige est d?environ 30mm et
pour le frein F1, d?environ 27,2mm. Ainsi selon le plan ATV, la
course encore disponible avant que le frein soit en butée
mécanique est de 2,9mm pour le frein F2 et 0,1mm pour le
frein F1.
Figure 75 - Écrou de précontrainte et limite de course sur une pince
du frein F1 du téléphérique de Chantemerle (photo STRMTG)
Le rapprochement des bras de levier côté garniture ayant un débattement d?un tiers de
l?écartement des bras côté vérin, le débattement restant peut être traduit par une usure
encore possible de chaque garniture avant que le frein ne soit en butée mécanique et soit
inhibé de: (2,9/3)/2 = 0,48mm pour F2 et de (0,1/3)/2 = 0,02mm pour F1.
L?exploitant a également constaté un défaut de parallélisme de plaquettes avec le plan de
freinage présent sur F1 (et absent sur F2).
En 2022, des plaquettes neuves ont été installées sur F1 et F2: le changement des
garnitures est fait par rechargement de leur support par une société extérieure. Il s?agit
d?un matériau de friction moulé, sans amiante, développé principalement pour des
utilisations industrielles. Ses constituants primaires sont des résines, des fibres courtes,
des modificateurs de friction et des particules métalliques. Son coefficient de friction µ
vaut 0,45±0,05. La température maximum d?utilisation recommandée par le fournisseur
est en application continue 250°C et en application intermittente 350°C. L?exploitant
indique que les garnitures font l?objet d?une usure relativement faible.
Ainsi, en France, un autre téléphérique est équipé de pinces ST3SH d?ATV: celui de
Chantemerle à Serre-Chevalier. Le réglage des cotes s?est avéré laisser aussi peu, voire
moins, de débattement du vérin donc des plaquettes. La notice n?était également pas Ã
disposition mais dans les archives de l?exploitant. L?exploitant a immédiatement apporté
les corrections nécessaires, notamment sur le réglage du frein F1. Puis il a mis en place
un suivi quotidien avec traçabilité des valeurs de réglage. À noter que le coefficient de
friction annoncé est plus élevé que celui des garnitures Cosid132 mais le système global
de freinage est différemment installé.
Des pinces ATV sont également en place en France sur des télésièges fixes et des
télécabines, mais elles sont de modèles différents (notamment avec de la technologie
électromécanique): la comparaison avec La Saulire n?est pas possible.
80
4 - Analyse du déroulement de l?accident
La collision du mercredi 29septembre2021 entre les cabines et les structures des gares
du téléphérique de La Saulire a eu lieu au cours de l?inspection annuelle (opération de
maintenance réglementairement obligatoire). Étaient présents trois techniciens de
l?exploitant S3V, un Technicien d?Inspection Annuelle de TranscableHalec et un agent du
STRMTG.
Les pré-essais de la veille et avant-veille ont présenté une succession d?écarts dans le
comportement attendu qui pourront être utiles à notre analyse de l?événement. Nous
commencerons donc le déroulement de l?accident et son analyse deux jours avant ladite
collision.
? Le lundi 27/09/2021, le matin, la cabine n°1 est chargée à 100% de sa capacité avec
des lests représentant 11,4tonnes ? la cabine n°2 restant à vide. L?après-midi, les pré-
essais ont lieu. Les tests de freinage ne font pas remonter de défaut particulier, hormis
lors des essais du frein F1 de 13h35 et 13h57 où un temps long de freinage (hors
limite) a été observé. À l?issue d?un certain nombre d?essais, la piste de freinage devient
tiède et une odeur de brûlé se fait sentir. Les agents de S3V ouvrent alors les pinces de
frein et observent l?état des plaquettes (1erjeu).
Ils les retirent étant donné qu?elles présentent une surface ?glacée??, même si elles ne
présentent pas d?usure de leur garniture. Les analyses ultérieures montreront que 4
garnitures sur les 8plaquettes du 1erjeu présentent une usure ? atteignant pour l?une
2,0mm. Les 8plaquettes (1erjeu) seront remplacées par un jeu neuf (2djeu), entre
15h23 et 15h55 selon les témoignages et l?historique de l?automate.
Deux tests du F1 et un test du F2 sont réalisés, puis la journée se termine.
? Le mardi 28/09/2021, les essais de préparation se poursuivent: 5arrêts en freinage F1
et F2 sont effectués. À leur issue, un dépôt noir est visible sur les deux côtés des pistes
de freinage de chaque poulie. Plusieurs alarmes ??verrouillages ouverts des pinces??
sont remontées sur les freins F1 et F2. Les plaquettes présentent un état de surface
jugé anormal par l?exploitant: elles sont ?glacées? avec de larges traces grises. Aussi
pour y remédier, les agents S3V toilent les huit plaquettes (2djeu) et réalisent un
nettoyage complet des pistes de freinage avec du nettoyant Berner. L?automate indique
que ceci a lieu entre 14h10 et 15h10. Ils remettent les garnitures en place en
conservant les côtes de réglage de l?année dernière.
Les essais de freinage reprennent: les premiers essais de freins F1 remontent des
alarmes de type ?surveillance sens de marche? par l?automate de sécurité, qui
apparaissent de façon normale à la fin d?un essai de freinage avec lancement
automatique du test. Une analyse ultérieure du produit Berner a été réalisé par le
CETIM, indiquant qu?il n?influence pas les caractéristiques des garnitures. Si le produit
Berner dégradait l?adhérence, son application aurait dû induire des freinages longs juste
après son application puis une amélioration du freinage au fur et à mesure de sa
vaporisation. Ceci pourrait expliquer les alarmes de l?automate pour les tests réalisés
après le nettoyage.
Puis un test de frein F2 et un dernier test de frein F1 sont réalisés et ne font pas
remonter d?alarme. Les temps sont jugés en adéquation avec leurs attentes. Les odeurs
de brûlé, des dépôts noirs et des échauffements ne sont plus observés. L?automate
indique un verrouillage de chaque frein (F1 et F2) qui pourrait correspondre à une
vérification visuelle par les agents quant à l?état des garnitures des freins F1 et F2
après ces derniers essais.
81
? Le mercredi 29/09/2021, à l?arrivée du TIA au téléphérique de La Saulire, les mesures
de cotes de garde et des cotes de compression sur les 4pinces de frein sont réalisées
en présence des participants (S3V, TranscableHalec et STRMTG).
Puis ils remontent tous au poste de pilotage de l?appareil. Le technicien TIA installe son
appareil de mesure et d?enregistrement sur l?interface de l?automate. Les phases
d?essais en charge sont lancées. Le TIA déroule ses essais dans l?ordre retenu lors de
la dernière inspection: il demande à ce que soient engagés des essais de freinage F1
(modulés) puis F2 (étagés) et des arrêts électriques, en montée et en descente.
Lors du test de freinage F1 modulé à la descente à 10h27, l?installation freine trop
fortement (temps de freinage de 10,6s). Pour remédier à cela, le conducteur descend
en machinerie. Il observe une pince (F1P1) desserrée à 122,0mm ? réglage qu?il ne
change pas ? et il desserre l?autre pince F1 (F1P2) à 121,6mm. Cette évolution de la
cote de compression, passant de 121,2 Ã 122,0mm sans intervention humaine, indique
d?une part que le couple appliqué a diminué mais également que l?épaisseur totale des
deux garnitures de cette pince a réduit.
Après cette reprise de réglage, un nouvel essai du frein F1 en descente débute Ã
10h53. Un temps de freinage de 14secondes est alors observé, ce qui est jugé
encore trop court. Le conducteur S3V, peut-être aidé du chef de secteur, desserre un
peu plus les freins F1 en réglant les cotes des deux pinces à 122,2mm et l?essai
suivant de 11h10 donne un temps de freinage égal à 19secondes.
Le dernier temps de freinage (19secondes) étant jugé trop long, l?agent redescend de
nouveau en machinerie et resserre toutes les cotes de compression des rondelles aux
mêmes valeurs que le matin, afin de remettre du couple de freinage. L?essai suivant Ã
11h23 donne un temps de freinage de nouveau à 19secondes.
Suite aux reprises de réglage des freins F1, les cotes de garde ont été à chaque fois
contrôlées à 30mm, les entrefers n?ont eux pas été contrôlés. Il est à noter qu?aucune
reprise de réglage n?a été effectuée sur les pinces du frein F2.
Des discussions ont certainement lieu entre les personnes présentes dans le poste de
pilotage. À 11h41, l?alarme ?Verrouillage ouvert frein 1?, acquittée après 9minutes,
pourrait correspondre à une vérification visuelle par les agents quant à l?état des
garnitures des freins F1. Un essai est engagé à 11h53 pour un frein F1 en montée,
jugé satisfaisant (essai en montée).
Un autre essai de F1 en descente est lancé à 11h59: le frein F1 s?applique puis au bout
de 4,5secondes, étant donné la faible décélération, le frein F1 est desserré et le F2 est
appliqué. Puis 22secondes plus tard, le F1 régulé agit automatiquement en complément
du F2. Le temps total d?arrêt de l?installation est 30secondes. Durant cet essai, le frein
F1 ne s?est pas comporté comme attendu, tout comme le frein F2 ? preuve en est le
cumul nécessaire des freins (aidés du profil de la ligne qui s?aplatit) pour arrêter les
cabines. Des alarmes sont émises par l?automate de sécurité lors de cet essai. L?essai
est considéré ?non valide? par le technicien d?inspection annuelle.
Le dépôt noir s?est reformé sur les pistes de freinage, l?odeur est revenue.
Au regard des résultats des essais des freins F1 lors de cette matinée du 29/09/2021,
l?ensemble des participants s?entend pour arrêter les essais et reporter l?inspection
annuelle.
? Suite aux résultats précédents et aux réglages sur les pinces de frein F1, l?exploitant
souhaite vérifier le réglage des pinces du frein F2, dont les capacités sont les plus
visibles en freinage à la descente: un dernier essai est demandé par les agents S3V.
Aucune objection n?est émise, le câblage de l?ordinateur du TIA sur l?armoire de
commande est maintenu en place.
82
À 12h10:19, le conducteur lance donc l?essai F2MST. La cabinen°1 est positionnée en
gare amont. Elle descend, l?accélération de l?appareil est pilotée manuellement via le
potentiomètre disponible au pupitre, l?installation atteint la vitesse de 11m/s.
La cabine chargée franchit le point de lancement de l?essai: la traction est coupée
automatiquement et le pilotage de la tombée du frein est engagé. Mais au lieu de réduire,
la vitesse augmente. Des défauts et alarmes sont enregistrés par l?automate. Le système
mécanique de détection de survitesse se déclenche, la survitesse est également
détectée par l?automate ainsi que le non-ralentissement du téléphérique (??contrôle
décélération?).
L?installation continue à prendre de la vitesse. Le conducteur essaye de l?arrêter en
utilisant tous les boutons-poussoirs d?arrêt sur le pupitre. Mais les investigations
montreront que le frein d?urgence était déjà commandé. L?électricien coupe
l?alimentation électrique de l?armoire de commande derrière lui par le biais d?un
sectionneur. La vitesse atteint probablement les 16,5m/s. Une partie des données de
vitesse est écrêtée du fait de la plage de mesure (acquisition de 0 à 10V) et la
saturation de certains composants.
À partir de la coupure de traction et jusqu?à l?écrêtage des données, l?accélération est
quasi constante et en moyenne est égale à 0,38m/s².
La cabinen°1 descendante croise la cabinen°2 montante et approche du pylône. La
vitesse décroît jusqu?à l?arrivée de la cabine descendante au niveau du pylône puis
augmente de nouveau par oscillations.
Les participants sortent tous du poste de commande. Le responsable électrique
descend en machinerie, le conducteur le suit. Ils voient les freins qui sont tombés
(serrés donc), de la fumée s?échappe des quatre pinces. Croyant que les moteurs sont
encore en action, raison de l?accélération des cabines au lieu de leur freinage, ils
coupent les armoires de puissance mais cela n?a pas d?effet.
L?installation ralentit un peu (possiblement du fait du profil de la ligne qui s?aplanit) et la
cabinen°1, chargée de 11,4tonnes d?eau, heurte la gare aval à une vitesse d?environ
8m/s soit 30km/h. Le téléphérique s?arrête de fait. Entre la coupure de la traction et le
choc, il s?est écoulé 1minute et 47secondes.
Il n?y a pas eu de blessé.
Les deux cabines sont très endommagées: en gare aval, la cabine s?est encastrée sur
environ 1,50m dans la structure du quai et de la gare; en gare amont, l?autre cabine est
restée coincée dans la structure de la gare, pliant son châssis et sa suspente. Les
attaches au câble tracteur des deux cabines sont également touchées.
On observe plusieurs éléments:
? Les freins sont plaqués sur les pistes de freinage.
? Les traces noires sont présentes de chaque côté des deux pistes de freinage.
? Les garnitures impliquées dans l?accident (2djeu) sont usées de 1,3mm à 1,4mm
pour les pinces de frein F1 et de 0,8 Ã 1,0mm pour les pinces de frein F2.
? Les cotes de garde sont passées de 30mm à ±27mm pour toutes les pinces de
frein. Les cotes de compression des rondelles ont augmenté de l?ordre de 3mm.
? Des résidus sont observés sous les pinces du frein F1, moins sous celles du F2.
Ils proviennent probablement des plaquettes d?après leur composition grandement
similaire, avec pour certaines un enrichissement en fer possiblement dû à un
frottement sur la piste de freinage en acier.
? Des garnitures présentent des traces de températures élevées, a minima 160°C.
83
? Aucune anomalie de fonctionnement de la commande et du pilotage des freins, ni
d?anomalie de réponses des pinces de freins n?est enregistrée.
? Le frein F1 vient en soutien du F2 après le délai d?anti-cumul et un temps
supplémentaire possiblement lié à la coupure de l?alimentation électrique via le
sectionneur dans le poste de commande.
Au fur et à mesure de la matinée du 29septembre2021, on observe globalement une
évolution décroissante des décélérations, avec des réglages manuels concernant
uniquement la cote de compression des rondelles du frein F1. Cette dérive de la capacité
de freinage de l?installation est observée sur les deux types de freins F1 et F2. Toutefois,
cette évolution des temps de freinage au regard des réglages n?est pas détectée par les
participants aux essais d?inspection annuelle.
Les analyses ont montré que:
? De 2010 à 2020, les temps de freinage ont globalement diminué au fur et à mesure des
inspections annuelles, en considérant un réglage de l?entrefer pérenne entre ces
inspections annuelles. Principalement, les essais ??F1 plein couple descente?? et
??F2plein couple descente?? diminuent respectivement de 3,8 et 3,3s. Une variation
dans les temps de freinage obtenus est observable à partir de 2019. Les cotes de
compression et les cotes de garde restent sensiblement les mêmes d?année en année.
Toutefois, une variation d?1mm peut avoir un impact notable sur le freinage.
? Les plaquettes ont été changées le 27/09/2021 au cours des pré-essais, les plaquettes
installées sont de type Cosid132 et celles démontées également de type Cosid132.
En2019, ce sont des plaquettes G95 qui sont démontées et 8 nouvelles plaquettes en
Cosid132 sont installées (très probablement pour la première fois sur le téléphérique).
Or le CETIM a comparé différentes garnitures (Cosid132 neuves, du 1erjeu, du 2djeu,
garnitures G95 en place avant les Cosid132) et aucune différence de nature, ni aucune
pollution, n?ont été mises en évidence par les analyses directes sur les plaquettes.
? Étant donné que les performances de freinages du F1 et du F2 se dégradent au fur et Ã
mesure de la matinée jusqu?à être inacceptables lors des tests de 11h23 et 11h59,
nous considérons probable l?hypothèse que les garnitures à l?issue de l?accident ont été
dégradées avant l?engagement du test fatidique.
Avec un tel réglage (cote de garde à 30mm), le plan des pinces montre que le
débattement maximum du vérin sous l?action de la libération de la pression hydraulique et
de la force des rondelles Belleville est de 2,8mm. Cela autorise un déplacement de0,9mm
des plaquettes. Comme il y a 2plaquettes, si l?usure est bien symétrique, la limite de la
capacité des plaquettes à être mises en contact normalement sur la piste de freinage est
de 0,45mm. Il est à préciser que cette information sur le débattement existe dans la
documentation depuis la mise en service de l?appareil et se trouve rappelée dans la
modification de 2010.
Lors de la vérification du circuit hydraulique, on observe une dissymétrie de l?effort de
freinage sur le frein F2, induisant une sursollicitation de F2P1 aux dépens de F2P2. Les
charges sont donc absorbées en grande partie par une seule pince lors d?un freinage.
Alors les garnitures équipant la pince la plus contrainte s?échauffent nettement plus que
celle de l?autre pince. Elles subissent une usure accrue en raison de cette charge
thermique anormalement élevée. Quand la première pince atteint la butée dans la
chambre du piston, Ã force d?usure de ses garnitures, ce sera au tour des garnitures de la
seconde pince de supporter la majorité des contraintes de freinage et de subir, à son tour
un échauffement et donc une usure importante.
84
Les pinces du frein F1 présentent également un déséquilibre ? sans en connaître la cause:
dans les constats, F1P1 s?use plus vite que F1P2 (cote de compression augmente de
9h20 à 10h30) et après l?accident F1P1 est en butée mais pas F1P2.
L?usure des garnitures de F1 (1,3-1,4mm) est plus importante que celle des garnitures de
F2 très probablement du fait que le F1 a été plus sollicité que le F2 pendant les 2jours qui
ont précédé l?accident.
Enfin, les réglages de la pince ont permis de reprendre le jeu et poursuivre l?usure jusqu?Ã
1,3-1,4mm pour F1 et 0,8-1,0mm pour F2.
La cause première de la collision des cabines contre les structures des gares est la
capacité réduite de freinage de l?installation. Cette capacité s?est dégradée dans la
matinée au cours des essais, avec le dernier essai avant l?accident se déroulant de
façon anormale.
Deux facteurs entrent en compte:
1- l?usure inhabituelle des garnitures Cosid132 ne correspondant pas à l?attendu sur
le téléphérique de La Saulire, dépassant ainsi l?usure admissible des plaquettes de
frein qui aurait dû rester limitée à 0,45mm; et
2- la mise en butée rapide des pinces de frein via un débattement réduit du piston
dans sa chambre, du fait du réglage de la cote de garde à 30mm. Cette contrainte
existant depuis 1985 était méconnue par les agents de S3V présents lors de l?IA.
L?absence de détection de ce risque de butée et l?absence de la détection de l?usure
par capteur ou mesure manuelle ont empêché un rattrapage possible de l?événement.
Bien que le temps supplémentaire avant l?entrée en action du F1 (et de ses capacités
restantes à ce moment-là ) ne peut pas être corrélé à une aggravation de l?accident, il
est dommage que le F1 ne soit pas entré en application plus tôt ? tout en respectant la
réglementation.
Le déséquilibre entre les pinces du frein F2, et potentiellement celui entre les pinces
du frein F1, a pu contribuer à une reprise des efforts sur une pince en priorité puis sur
l?autre une fois les premières garnitures trop sollicitées.
Un facteur contributif concerne les défaillances au niveau de l?identification, de
l?utilisation et de l?analyse des informations fournies par le système aux différents
intervenants au cours des essais, les empêchant de détecter le risque et d?éviter
l?accident. Les multiples réglages de la cote n?ont pas dû améliorer la visibilité sur le
comportement des freins.
Enfin, une hypothèse est proposée: sur ce téléphérique de La Saulire, les deux seuls
changements notables sont la modification de 2010 et le changement de type de
garnitures avec la mise en place de la garniture Cosid132 en juin 2019. L?usure des
garnitures Cosid132 sur La Saulire a été importante, très probablement du fait des
températures élevées subies par les garnitures. Le coefficient de friction en a
certainement été impacté, sachant que la valeur de ce coefficient sur le téléphérique
de La Saulire ne peut être garantie par le fournisseur puisque dépendante de la
matière de la surface avec laquelle elle interagit et du système de freinage dans sa
globalité. Or il n?y a pas eu de calcul ni de qualification/essais de la garniture
Cosid132 remplaçant la G95 vis-à -vis du téléphérique de La Saulire. C?est pourquoi
nous émettons l?hypothèse d?une probable inadéquation de la garniture Cosid132
avec le système de frein de La Saulire.
85
5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations
préventives
5.1 - L?arbre des causes
Les investigations permettent d?établir le schéma ci-après: il synthétise le déroulement de
l?accident et identifie les causes et les facteurs associés mis en évidence par le BEA-TT.
Figure 76 - Arbre des causes
5.2 - Les causes de l?événement
Le 29septembre2021 Ã 12h10, lors de l?inspection annuelle, un des essais de freinage
se déroule mal: au moment du déclenchement du test de frein d?urgence en descente, la
vitesse de l?installation ? 11m/s ? augmente au lieu de diminuer. Or un serrage des
pinces du frein d?urgence puis des pinces du frein de service 33secondes plus tard ont
bien eu lieu. La vitesse atteint un maximum puis, globalement, diminue ? mais
insuffisamment. Les cabines ne s?arrêtent pas et heurtent respectivement les gares amont
et aval à une vitesse de 8m/s.
86
La cause première de la collision des cabines contre les structures des gares est la
capacité réduite de freinage de l?installation. Cette capacité de freinage s?est dégradée
dans la matinée au cours des essais, avec les deux derniers essais avant l?accident se
déroulant de façon anormale.
Plusieurs facteurs techniques, organisationnels et humains ont contribué à l?événement:
? L?usure inhabituelle des garnitures et l?absence de vérification de la compatibilité des
garnitures Cosid132 avec le système de freinage de LaSaulire.
? La non-perception par les cinq participants à l?inspection annuelle de la dégradation de
capacité de freinage des deux freins.
? La méconnaissance par les acteurs de l?inspection annuelle, notamment chez
l?exploitant, quant à la mise en butée possible d?une pince de frein et de la marge
restante très faible du fait des réglages des cotes.
Les orientations préventives visant à éviter le renouvellement d?un tel événement sont Ã
rechercher dans les domaines suivants:
? la compatibilité de nouvelles garnitures avec une installation et son système de
freinage;
? la conscience du risque au cours d?une inspection annuelle;
? la traçabilité (des documents et des produits) et la gestion des connaissances au sein
de l?exploitant.
5.2.1 - La compatibilité de nouvelles garnitures avec une installation et son
système de freinage
À l?issue des investigations, nous avons émis l?hypothèse d?une probable inadéquation de
la garniture Cosid132 avec le système de frein de La Saulire. Quel que soit le degré de
certitude de cette hypothèse et de manière similaire aux homologations routière et
ferroviaire, au moment du changement du type de garnitures de la G95 vers la Cosid132,
des essais et mesures de vérification du comportement de la nouvelle garniture en
rapport avec le téléphérique de La Saulire auraient permis de quantifier l?efficacité de
cette nouvelle garniture, de vérifier à quel rythme elle s?use, d?enregistrer le
comportement de la garniture et ainsi pouvoir, le cas échéant, faire évoluer le processus
de vérification régulière et de réglage des freins.
En outre, nous avons constaté que la course réduite du frein (mise en butée rapide) est
un facteur contributif de l?accident, en lien étroit avec le degré d?usure des garnitures.
Avec le retour d?expérience de LaSaulire, le postulat que le frein d?urgence/desécurité
ne peut défaillir, a été mis à mal. L?accident du 29/09/2021 nous rappelle que l?ensemble
des éléments de cette fonction de sécurité participe à la maîtrise du risque.
À noter que les funiculaires peuvent avoir des systèmes de freinage concernés par la
problématique, de façon similaire aux téléphériques.
L?ensemble de ces éléments conduit le BEA-TT à émettre la recommandation suivante.
Recommandation R1 Ã l?attention du STRMTG
Afin de vérifier et d?améliorer la gestion des interfaces entre les garnitures et le
système de freinage, mener les actions suivantes sur les installations de
téléphériques et de funiculaires:
? Avec la profession, mettre en place un processus de vérification de l?adéquation
des garnitures des freins avec l?installation correspondante lors d?un
changement de référence des garnitures.
87
? Faire vérifier par les exploitants le risque d?atteinte d?une butée mécanique sur
les pinces de freins (identifier si butée, vérifier les réglages adéquats, couvrir le
risque le cas échéant).
? Enfin, lors d?une modification ou d?un remplacement d?un système de freinage
sur une installation existante, privilégier la mise en place d?un dispositif de
détection d?usure de plaquettes.
Le BEA-TT invite également l?ensemble des exploitants de téléphériques ? et de
funiculaires ? à vérifier la bonne surveillance (processus interne ou capteur) de
l?épaisseur des garnitures de frein de leurs installations.
Cet accident a permis de réaliser un focus sur les garnitures de frein. Toutefois, d?autres
éléments d?une remontée mécanique pourraient être concernés de façon similaire, en
étant considérés comme consommables ou pièces d?usure mais dont leur modification
aurait un potentiel impact sur la sécurité du système (exemple: garniture de bandage,
huile de centrale de frein, etc.).
C?est pourquoi le BEA-TT invite les exploitants de téléphériques et de funiculaires Ã
s?assurer lors d?un changement de matière, de fabrication ou toute autre évolution
d?un élément de sécurité ou pièce d?usure de leur.s installation.s, que l?impact de la
modification sur la sécurité est évalué.
L?accident a eu lieu alors qu?un outil de collecte d?informations était branché. Toutefois, les
investigations ont été limitées par le manque de données des jours précédant l?inspection
annuelle. Dans l?esprit des enregistreurs de paramètres d?exploitation présents sur les
matériels roulants métro et tramway, et celui du Guide technique relatif à la conception
générale et à la modification substantielle des téléphériques RM2 (version 2023), le
BEA-TT émet la recommandation suivante.
Recommandation R2 Ã l?attention du STRMTG
Pour les projets de téléphériques, imposer l?enregistrement de la vitesse de
l?installation, la date et heure, la distance parcourue ou localisation, l?état
(ouvert/fermé) des freins F1 et F2, et tout autre paramètre pertinent à déterminer
en plus des défauts et alarmes ? même lorsqu?ils ne sont pas encore acquittés.
Entre autres inconnues, le déséquilibre entre les pinces du frein F2 n?a aujourd?hui pas
trouvé d?explication. Or l?installation de La Saulire va être rénovée avec notamment un
nouveau câble tracteur, le remplacement des deux véhicules ainsi que de tout le système
de freinage, de toutes les armoires de puissance, auxiliaires et de commande, le
remplacement des trois moteurs principaux par des moteurs asynchrones avec ajout de
volants d?inertie, le remplacement des capteurs et codeurs, etc. Le calcul de ligne
d?origine n?est pas remis en cause et les gares ainsi que le pylône sont conservés. Cette
opération, réalisée avec le constructeur Poma et avec DCSA comme responsable de
modification, sera conforme à la réglementation technique et de sécurité en vigueur. Ainsi,
étant donné la rénovation importante prévue, le BEA-TT n?émet pas de
recommandation spécifique se rapportant au téléphérique de La Saulire.
88
Un autre téléphérique français, Chantemerle, à Serre-Chevalier, est équipé de pinces
ST3SH d?ATV. Étant donné que l?exploitant a immédiatement apporté les corrections
nécessaires, notamment sur le réglage du frein F1, et mis en place un suivi quotidien
avec traçabilité des valeurs de réglage, le BEA-TT invite l?exploitant du téléphérique
Chantemerle, SCV Domaine Skiable, à poursuivre sa vigilance et sa traçabilité sur
le réglage des freins.
5.2.2 - La conscience du risque au cours d?une inspection annuelle
À l?issue des investigations sur les facteurs organisationnels et humains, la conscience du
risque encouru du fait des installations poussées à leurs limites au cours d?une inspection
annuelle n?apparaît pas ancrée dans l?esprit des participants. Les inspections annuelles
sont des essais réglementaires dont le but est de s?assurer du maintien de la sécurité de
l?installation. Ce sont des essais habituellement menés sous des contraintes temporelles
fortes et avec un objectif d?obtention de temps de freinage adéquats au regard de la
réglementation. Il semble pertinent de remettre la sécurité au coeur de ce contrôle
réglementaire. L?absence de détection du risque croissant de dégradation de la capacité
de freinage par les trois acteurs met également en exergue le manque de clarté entre le
rôle du TIA et le rôle de l?exploitant, donc l?absence d?identification d?un pilote ou chef
sécurité, dont l?une des missions serait de s?assurer que le niveau de sécurité est
maintenu à tout moment.
Par ailleurs, en temps normal, après une inspection annuelle, les garnitures de frein ne
sont pas remplacées, elles sont considérées/supposées encore bonnes. Dans le cas de
La Saulire, si les essais avaient été arrêtés après celui de 11h59, l?installation était dans
un état potentiellement à risque, ce sont ici quasiment des essais destructifs qui ont été
réalisés. À l?issue d?une Inspection Annuelle, le risque de garnitures dégradées n?est ainsi
pas à exclure. Et de façon générale, après toute IA aboutissant sans événement et de
façon conclusive, aucune vérification de l?état de l?appareil n?est aujourd?hui prévue. De
plus, lorsque des réglages sont effectués sur une installation au cours de son Inspection
Annuelle, il est pertinent de vérifier leurs impacts sur les essais et sur l?appareil. C?est
pourquoi le BEA-TT émet la recommandation suivante.
Recommandation R3 Ã l?attention du STRMTG
En coopération avec les exploitants de téléphériques et les techniciens
d?inspection annuelle, déterminer des règles organisationnelles et méthodologique
remettant la sécurité au centre de ces essais réglementaires, notamment en:
?entérinant clairement la répartition des rôles entre exploitant et technicien
d?inspection annuelle, notamment pour la maîtrise de la sécurité de l?installation,
?analysant tout réglage du système de freinage au cours de l?IA mais également au
cours des pré-essais et
?vérifiant à l?issue de l?inspection annuelle l?état des éléments qui ont pu être
modifiés ou impactés par les essais.
5.2.3 - La traçabilité des documents et des produits, et la gestion des
connaissances au sein de l?exploitant
Des problématiques liées à l?absence de traçabilité des documents et des garnitures ont
été soulevées au cours des investigations (références des garnitures achetées, stockées
et installées sur le téléphérique, surveillance régulière du jeu entre garnitures et disque,
notice du téléphérique, gestion des indices selon les évolutions de la notice des freins,
stockage adéquat des produits, gestion de l?alerte sur l?usage déconseillé du Berner
89
en2013). C?est pourquoi le BEA-TT émet une première recommandation concernant
l?amélioration du SGS de l?exploitant.
Recommandation R4 Ã l?attention de l?exploitant S3V
Dans le cadre du Système de Gestion de la Sécurité, améliorer la traçabilité des
documents, des produits et des actions réalisées sur l?ensemble de l?exploitation et
de la maintenance des remontées mécaniques sous sa responsabilité.
D?autre part, la présence de la butée dans le frein ? donc la sensibilité par rapport Ã
l?usure des plaquettes ? et la nécessité de surveiller le jeu aux garnitures n?étaient pas
connues par l?ensemble des agents de l?exploitant en charge de ce téléphérique.
De plus, sans pouvoir identifier si ce facteur a contribué à l?aggravation de l?accident étant
donné l?état des freins F1 avant même le lancement du test fatidique, les 15secondes
supplémentaires avant application du frein de service F1 sont dues à une action extérieure
à l?automatisme sur le sectionneur de l?armoire. Le sectionneur n?a pas pour but d?arrêter
au plus tôt l?installation mais de couper l?alimentation en cas d?incendie ou d?électrocution.
Par ailleurs, l?observation d?éléments (épaisseur des garnitures, différentes cotes dont
l?entrefer, température du disque de freinage, enregistrement des graphes sur l?outil
informatique Suprême) suite aux incidents lors des pré-essais et des essais avant
l?accident aurait peut-être permis à l?exploitant de détecter puis analyser la situation ou a
minima, de réaliser des mesures pour débuter une analyse interne de l?incident.
Le BEA-TT émet donc la recommandation suivante.
Recommandation R5 Ã l?attention de l?exploitant S3V
Améliorer la formation des agents, notamment concernant la bonne connaissance
des installations et de leurs limites; et améliorer l?analyse des incidents (détection
des précurseurs, perception des situations anormales, profondeur d?analyse,
évaluation des actions correctives).
Le téléphérique de La Saulire était certes un appareil de quarante ans et pour lequel la
mise en service n?a pas été simple, notamment le réglage initial des freins. Il y a un flou
sur l?applicabilité de la notice au début de l?exploitation. Le fait que l?exploitant n?effectue
pas le réglage à partir du jeu et d?une cote freins ouverts à 40mm, a réduit le débattement
possible du piston dans la chambre, rendant rapide une atteinte de la butée en cas
d?usure des garnitures. Aujourd?hui, des capteurs sont couramment installés pour ce faire,
voire des mécanismes de réglage automatique permettent de tenir compte de l?usure des
plaquettes de freins. Pour rappel, la norme EN13223 demande que «l?usure des
garnitures de frein doit pouvoir être compensée par des réglages; dans le cas du frein de
service, elle doit être surveillée» et que «la course résiduelle qui doit subsister dans un
frein fermé doit être contrôlable».
À la lumière de ce retour d?expérience, le BEA-TT invite les exploitants de
téléphériques ? et de funiculaires le cas échéant, si besoin appuyés par les
constructeurs, à veiller à ce que cette surveillance et contrôlabilité, si faite par des
agents, soient évidemment réalisables, et aisées.
90
Annexe: décision d?ouverture d?enquête
91
Règlement Général de Protection des Données
Le bureau d?enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) est investi d?une mission de service
public dont la finalité est la réalisation de rapports sur les accidents afin d?améliorer la sécurité des transports
terrestres (articles L. 1621-1 et 1621-2 du code des transports, voir la page de présentation de l?organisme).
Pour remplir cette mission, les personnes chargées de l?enquête, agents du BEA-TT habilités ainsi que
d?éventuels enquêteurs extérieurs spécialement commissionnés, peuvent rencontrer toute personne
impliquée dans un accident de transport terrestre (article L. 1621-14) et recueillir toute donnée utile.
Ils traitent alors les données recueillies dans le cadre de l?enquête dont ils ont la responsabilité uniquement
pour la seule finalité prédéfinie en garantissant la confidentialité des données à caractère personnel. Les
rapports d?enquêtes sont publiés sans le nom des personnes et ne font état que des informations
nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de l?accident. Les données personnelles
sont conservées pour une durée de 4 années à compter de la publication du rapport d?enquête, elles sont
ensuite détruites.
Le traitement «Enquête accident BEA-TT» est mis en oeuvre sous la responsabilité du BEA-TT relevant du
ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT). Le MTECT s?engage à ce
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oeuvre conformément au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016
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à la libre circulation de ces données (ci-après, «règlement général sur la protection des données» ou RGPD)
et à la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l?informatique, aux fichiers et aux libertés.
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droits auprès du responsable de traitement: droit d?accès aux données, droit de rectification, droit à la
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- ou par courrier (avec copie de votre pièce d?identité en cas d?exercice de vos droits) à l?adresse:
Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires
À l?attention du Délégué à la protection des données
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Vous avez également la possibilité d?adresser une réclamation relative aux traitements mis en oeuvre à la
Commission nationale informatique et libertés(3 Place de Fontenoy - TSA 80715 - 75334 PARIS CEDEX 07).
92
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mailto:bea-tt@developpement-durable.gouv.fr
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GrandeArche -Paroi Sud
92055LaDéfensecedex
Téléphone : 01 40 81 21 83
bea-tt@developpement-durable.gouv.fr
www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr
Synthèse
1 - Constats immédiats et engagement de l?enquête
1.1 - Les circonstances de l?événement
1.2 - Le bilan matériel
1.3 - Les mesures prises après l?évènement
1.4 - L?engagement et l?organisation de l?enquête
2 - Contexte de l?accident
2.1 - La station de Courchevel
2.2 - L?organisation générale de l?exploitation et de la maintenance du téléphérique
2.2.1 - L?organisation de l?exploitant
2.2.2 - La maintenance réalisée par l?exploitant
2.2.3 - L?Inspection Annuelle
2.3 - Le téléphérique de La Saulire
2.3.1 - L?ensemble des intervenants sur ce téléphérique
2.3.2 - Les caractéristiques générales du téléphérique
2.3.3 - L?automatisme de contrôle-commande
2.3.4 - Le système de freinage
- Les types de frein et leurs règles de fonctionnement
- Les pinces de frein
- La centrale hydraulique
2.3.5 - Le système mécanique de détection de survitesse
2.4 - Les conditions météorologiques
3 - Compte rendu des investigations effectuées
3.1 - Les résumés des déclarations
3.1.1 - Le conducteur du téléphérique de La Saulire
3.1.2 - Le chef de secteur Remontées Mécaniques Ouest
3.1.3 - Le technicien d?Inspection Annuelle de TranscableHalec
3.1.4 - Le technicien du Bureau de Savoie du STRMTG
3.1.5 - Le responsable électrique
3.1.6 - Le responsable de la maintenance
3.1.7 - Le chef d?exploitation, responsable des Remontées Mécaniques Ouest
3.1.8 - Synthèse des témoignages
3.2 - Les dommages sur l?installation extérieure
3.3 - Les constats en machinerie
3.3.1 - Les constats sur les freins
3.3.2 - Les constats sur les poulies
3.4 - Les données du Technicien d?Inspection Annuelle
3.5 - Les données de l?automate
3.5.1 - Les limites de l?automate
3.5.2 - Les données de l?accident du 29/09/2021 à 12h10
3.5.3 - Les données des essais du 29/09/2021, avec leurs temps d?arrêt associés et les réglages
3.5.4 - La synthèse des données enregistrées par l?automate les jours ayant précédé l?IA du 29/09/2021
- Historique du lundi 27/09/2021
- Historique du mardi 28/09/2021
- Historique du 29/09/2021 avant l?essai final de 12h10
3.6 - Les conclusions sur les constats immédiats
3.7 - Les premières vérifications
3.8 - Les investigations sur les évolutions et les événements du téléphérique de La Saulire
3.9 - Les investigations sur les résultats des inspections annuelles des dix dernières années
3.9.1 - Les freinages au cours de l?inspection annuelle du 29/09/2021
3.9.2 - Les temps de freinage des inspections annuelles de 2020 et 2019
3.9.3 - L?évolution des temps de freinage au cours des inspections annuelles depuis 2010
3.10 - Les investigations sur les freins: les pinces et les garnitures
3.10.1 - Le montage et le réglage des freins
- Impact du réglage de la cote de garde à 30mm
- Effet des réglages de l?empilement des rondelles (cote de compression) lors de l?IA
- Observations complémentaires sur l?activation des pinces de frein
3.10.2 - Les investigations sur les garnitures des freins
- Les épaisseurs de plaquettes
- La matière des plaquettes
- Les particules sous les pinces
- Une usure asymétrique des garnitures
- L?usure de 1,4mm et réglages
- La température atteinte par les garnitures
- Les types de garniture
- Les tests in situ sur les plaquettes
- Le produit Berner
- Les comparaisons des caractéristiques des différentes garnitures par le CETIM
3.10.3 - Une hypothèse explorée
3.10.4 - Des éléments de clarification et autre hypothèse moins probable
- Usure du 1er jeu de garnitures
- Déséquilibre entre les pinces d?un même frein
3.11 - Les investigations sur les facteurs humains et organisationnels
3.11.1 - Le rôle du technicien d?inspection annuelle et le rôle de l?exploitant
3.11.2 - La détection d?une situation à risque
- Au cours de la matinée du 29 septembre 2021
- Au cours des pré-essais du 27 et 28 septembre 2021
3.11.3 - Les processus de maintenance, la traçabilité des produits et la gestion documentaire
3.12 - L?autre téléphérique français aux pinces de freins identiques: le téléphérique de Chantemerle à Serre-Chevalier
4 - Analyse du déroulement de l?accident
5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives
5.1 - L?arbre des causes
5.2 - Les causes de l?événement
5.2.1 - La compatibilité de nouvelles garnitures avec une installation et son système de freinage
5.2.2 - La conscience du risque au cours d?une inspection annuelle
5.2.3 - La traçabilité des documents et des produits, et la gestion des connaissances au sein de l?exploitant
Annexe: décision d?ouverture d?enquête
Règlement Général de Protection des Données
INVALIDE) (ATTENTION: OPTION ©e par l'APIdS: la fin de la
temporisation (donc bascule à 0 du relais RLFS, ce qui engage l?ordre de tombée du
freinF1) alors que l?automate de sécurité continue à voir une vitesse sur l?appareil et que
la durée maximale de freinage prévue par l?automate n?a pas encore été atteinte. L?APIdS
considère donc que l?anti-cumul est encore nécessaire et il maintient le F1 relevé.
Or l?activation du F1, en cumul du F2, va se produire au bout de 33secondes. Ce délai de
13secondes supplémentaires correspondrait: ?soit à des composants de l?automate qui
ont saturé face à la vitesse élevée (lecture maximale à 10V), ?soit à la coupure du
sectionneur 400V. Cette coupure entraîne une perte de l?acquisition du signal vitesse par
la carte de régulation du frein F1. Cette absence d?acquisition est considérée comme une
vitesse nulle. Une action complémentaire sur la carte de régulation du frein via une chaîne
relayée temporisée permet un pilotage direct du F1 plein couple. Au vu des schémas
transmis, cette sollicitation est calibrée 15secondes après la demande par l?automate
principal et expliquerait la tombée du F1 plein couple 33secondes après la tombée du F2.
Cette seconde hypothèse semble la plus probable.
Fin de la durée maximale de freinage?
Le temps maximal d?arrêt est atteint dans l?automate de sécurité: le dévirage26 statique
correspond à un mouvement observé alors que l?automate considère que l?appareil
devrait être arrêté.
Temps long du fonctionnement de la pompe de la centrale de frein?
Une alarme de surveillance d?état de la pression basse dans la centrale de frein apparaît.
L?automate considère que la pompe de frein fonctionne depuis trop longtemps,
l?installation aurait dû s?arrêter.
Impact des véhicules?
À 12:12:07, toutes les portes des cabines envoient des messages de défaut de fermeture.
Cela correspond à l?impact des cabines avec les gares.
Il y a eu un réarmement 248secondes plus tard soit à 12:16:15 donc, la vitesse est bien
nulle, et une personne acquitte des défauts sur l?automate. Pour rappel, les défauts non
??levés?? (toujours actifs) ne sont pas acquittés et donc pas enregistrés dans l?automate.
26 Le contrôle de dévirage est un dispositif permettant de détecter l?inversion intempestive du sens
d?entraînement du câble: le câble part en marche arrière alors que l?appareil est en marche avant.
39
En synthèse:
? Les évènements enregistrés par l?automate sont cohérents avec la courbe enregistrée
par le TIA.
? Le non-ralentissement du téléphérique (??contrôle décélération?) et la survitesse ont été
détectés.
? Aucune anomalie de fonctionnement de la commande et du pilotage des freins, ni
d?anomalie de réponse des pinces de freins n?est enregistrée, alors qu?elles sont
surveillées par l?automate.
? Le décalage de la tombée du frein F1 à 33secondes au lieu de 21secondes est lié soit
à une saturation de la carte d?acquisition de la vitesse, soit plus probablement à une
coupure de l?alimentation électrique de la carte pouvant induire une information vitesse
nulle de l?installation à destination de la carte de régulation du frein de service F1.
3.5.3 - Les données des essais du 29/09/2021, avec leurs temps d?arrêt associés et
les réglages
Les courbes du TIA pour chaque essai du 29/09/2021 nous ont été fournies et permettent
de regrouper les valeurs des temps obtenus dans le tableau ci-dessous. Nous y avons
introduit des mentions sur les réglages réalisés selon les témoignages.
Heure (automate) Type d?essai Temps d?arrêt (TIA)
Réglage initial des cotes: F1P1 = 121,1mm et F1P2 = 120,9mm
9h36 F1 par BP (modulé), à la montée 9,1s
9h43 F1 par BP (modulé), à la descente 12,4s
9h47 F2 (frein d?urgence étagé), à la montée 8,2s
9h53 F2 par BP, Ã la descente 11,0s
10h03 Arrêt électrique, à la montée 14,5s
10h11 Arrêt électrique, à la descente 14,8s
10h14 Arrêt sur inertie, à la montée 9,8s
10h26 F1 plein couple, Ã la descente 10,6s
Réduction du couple du frein F1: F1P2 réglée à 121,6mm (F1P1 trouvée à 122,0mm)
10h52 F1 plein couple, Ã la descente 14s
Réduction du couple du frein F1: F1P1 et F1P2 réglées à 122,2mm
11h10 F1 plein couple, Ã la descente 19,1s
Remise de couple du frein F1: F1P1 et F1P2 réglées à 121,5mm
11h22 F1 plein couple, Ã la descente Essai caduc, 20s
11h53 F1 plein couple, à la montée 9s
11h59 F1 plein couple, Ã la descente Essai caduc, 30s
12h06 F2 plein couple, Ã la descente Accident (107s)
On constate que les trois derniers essais à la descente avant le test fatidique donnent des
temps très longs, les deux derniers essais sont mêmes considérés caducs par le TIA et
les graphes montrent que le frein F2 a pris le relais du frein F1. Les essais seront
analysés finement dans la partie Investigations, avec les courbes du TIA à l?appui.
40
3.5.4 - La synthèse des données enregistrées par l?automate les jours ayant
précédé l?IA du 29/09/2021
Pour rappel, l?outil de supervision de l?automate présente une liste d?enregistrements avec
date, heure, numéro de l?alarme, son intitulé, la durée avant son acquittement. Ici, les
essais F1MST et F2MST seront systématiquement listés, les autres remontées
d?informations seront mentionnées quand pertinentes.
Avant la date du 27/09/2021, on observe des essais F1MST (30/11/2020, 16/08/2021 et 2le
23/09/2021) et des F2MST (30/11/2020, 16/08/2021 et 6 le 23/09/2021), sans connaître leur
vitesse et le lieu du début du freinage. Des ouvertures des pinces sont également indiquées
(3 en novembre 2020, 4 en mai 2021, 2 en août 2021 et 2 le 23septembre2021). Elles
correspondent probablement à des opérations de maintenance ou de vérification. Deux
défauts de dévirage statique sont listés le 21/06/2021.
Mais en l?absence d?enregistrements de vitesse et de la distance parcourue par une
cabine, les défauts enregistrés jusqu?en novembre 2020 ne sont pas interprétables. Nous
nous focalisons donc sur les trois jours de pré-essais et essais de l?Inspection Annuelle.
- Historique du lundi 27/09/2021
De nombreuses informations sont données par l?automate le 27/09/2021 (265lignes).
L?installation est mise en marche à 8h11.
? À13h24, le premier test F1MST est déclenché: le chargement de la cabine est
terminé. Les réglages du téléphérique commencent. Il sera suivi de 3 autres F1MST
(13h35, 13h57 et 14h02). Les tests de 13h35 et 13h57 sont suivis d?un défaut
pressostat: le temps de freinage est trop long. Sinon, aucun autre défaut ne remonte.
? À14h15, un verrouillage ouvert F2 est indiqué. Son réarmement est fait 80s après. Il
sera suivi de 4 F2MST: 14h27, 14h42, 14h59 et 15h11.
? À15h23, on observe un verrouillage ouvert F2 (159secondes) et à 15h32, un
verrouillage ouvert F1 (47secondes).
? Des BP arrêt frein 1 pupitre sont activés. Puis 2 F1MST ont lieu (16h08 et 16h29),
deux BP arrêt frein 2 pupitre/extérieur et un F2MST à 16h36.
? La journée se termine avec une dernière remontée d?information à 16h44.
En synthèse, lundi après-midi, de multiples tests de freinage sont engagés et deux font
remonter un défaut ??temps long?? (F1MST de 13h35 et 13h57). Il est constaté un
verrouillage ouvert de F1 et deux de F2: cela indique l?ouverture des pinces des freins.
Cela correspondrait à un changement des garnitures, a priori pour les deux freins en
même temps, entre 15h23 et 15h33.
- Historique du mardi 28/09/2021
L?installation est mise en marche à 8h09. De nombreuses informations sont données par
l?automate le 28/09/2021 (325lignes).
? Les premiers tests du mardi après la préparation font remonter 3F2MST (9h17 suivi
d?un défaut pressostat, 9h23 et 9h28) puis de 2 F1MST (9h32 suivi d?un défaut
pressostat, et 9h36). À 9h53, un verrouillage ouvert F1 (acquitté après 289s) est suivi
la seconde suivante d?alarmes de ??Non tombée pince2 frein1?? et ??Non tombée pince1
frein1??. À 10h08, un verrouillage ouvert frein de sécurité/d?urgence (274secondes) est
indiqué.
? À 10h14, un test F1MST est lancé. À 10h47, l?alarme ?verrouillage ouvert frein1? est
remontée (acquittée après 152s), suivi la seconde suivante de ?Non tombée pince2
frein1? et ?Non tombée pince1 frein1?. À 11h25, un ?verrouillage ouvert frein1?
41
(durée avant acquittement de 25s) est suivi la seconde suivante de ?Non tombée
pince2 frein1? et ?Non tombée pince1 frein1?. Puis 7secondes plus tard, apparaît un
?verrouillage ouvert frein de sécurité? (18s).
? Une pause a lieu de 11h25 Ã 12h59.
? À 13h05, de nouveau un verrouillage ouvert frein1 (durée avant acquittement de
217s) a lieu, suivi la seconde suivante de ?Non tombée pince2 frein1? et ?Non tombée
pince1 frein1?. À 13h42, on constate un verrouillage ouvert frein de sécurité (durée
149s) ? cet horaire correspond à celui de la photo prise par S3V (voir Figure 32 -).
? De 14h11 à 15h08, de très nombreux BP arrêt frein2 pupitre/extérieur et BP arrêt
frein1 pupitre ont lieu. Ces nombreuses activations de BP pourraient correspondre au
nettoyage des poulies bout par bout, en tournant petit à petit les poulies pour faciliter
l?accès aux agents S3V. Les garnitures auraient également été nettoyées dans cette
plage horaire, voire à partir de 13h05.
? Le test suivant a lieu à 15h15: c?est un F1MST suivi d?alarmes ?surveillance sens de
marche? et d?alarmes ??dévirage statique?? (temps maximal atteint). Cette information
confirme un freinage non conforme à l?attente. De nouveau à 15h32, le test F1MST est
suivi d?alarmes ?surveillance sens de marche?. À 15h37, un test F2MST est effectué
sans difficulté. À 15h48, un F1MST est suivi d?alarmes ?surveillance sens de marche?.
Puis à 15h56, un F1MST est effectué sans difficulté.
? À 16h06, on observe le verrouillage ouvert du frein 1 (durée 84s) suivi la seconde
suivante de ??Non tombée pince2 frein1?? et ??Non tombée pince1 frein1??. Puis Ã
16h13, le verrouillage ouvert du frein 2 (durée 48s). Ces deux verrouillages pourraient
correspondre à une vérification visuelle par les agents quant à l?état des garnitures des
freins F1 et F2 après ces derniers essais. La journée se finit à 16h30.
Ainsi, après 3F2MST et 2F1MST, plusieurs verrouillages ouverts du F1 ou F2 ont eu lieu,
jusqu?à 13h42. Les nombreux arrêts au BP indiquent que le nettoyage des pistes de
freinage est effectué entre 14h11 et 15h08. Ensuite 4F1MST et 1F2MST sont réalisés:
les premiers déclenchent des alarmes dans l?automate et les derniers F1 et F2 sont bons.
- Historique du 29/09/2021 avant l?essai final de 12h10
L?installation est mise en marche à 7h40. Les arrêts demandés et les défauts notables
observés au cours de la matinée sont en adéquation à ceux listés et décrits via les
courbes du TIA (chapitre 3.9.1 -).
À noter en sus qu?à 11h41, l?alarme ?Verrouillage ouvert frein 1?, avec la non-tombée de
P1F1 et P2F1, est notifiée et acquittée après 9minutes. Non identifié dans les
témoignages, cela pourrait correspondre à une vérification visuelle par les agents quant Ã
l?état des garnitures des freins F1. Il y a un test de F1 à la montée à 11h53 puis un test
de F1 à la descente à 11h59.
À 12h10, a lieu le F2MST ?Test automatique: Arrêt F2? qui mène à l?accident.
En conclusion, sur les deux jours de pré-essais, nous comptabilisons 13tests F1MST et
9tests F2MST. Sur les trois derniers jours, l?ensemble des données de l?automate
corrobore les témoignages ainsi que les courbes du TIA, et confirme que le système de
freinage a présenté quelques difficultés avant (défauts, verrouillage pinces de frein) et
évidemment pendant l?IA.
42
3.6 - Les conclusions sur les constats immédiats
Le lundi 27 septembre 2021 , des agents de l?exploitant S3V réalisent des pré-essais sur
le téléphérique de La Saulire afin de préparer son inspection annuelle, prévue deux jours
plus tard ? le mercredi 29septembre. Le matin est dédié au chargement (11,4tonnes
d?eau) de la cabinen°1. L?après-midi, un certain nombre d?essais ont lieu. Au cours de
ces essais, la piste de freinage devient tiède et une odeur de brûlé se fait sentir. Les
pinces de frein sont alors ouvertes par les agents S3V et les plaquettes (1erjeu) sont
observées. Ces dernières sont retirées étant donné qu?elles sont ?glacées?, même si elles
ne présentent pas d?usure de leur garniture. Elles sont remplacées par des plaquettes
neuves (2?jeu). Ce remplacement pourrait avoir lieu entre 15h23 et 15h55 selon les
témoignages et l?historique de l?automate. Deux tests du frein F1 et un test du frein F2
sont effectués, puis la journée se termine.
Le mardi 28 septembre , les essais de préparation se poursuivent. Des tests sont lancés:
4 à 5arrêts en freinage F1 et F2 sont effectués ? des freinages légers à faible vitesse
pour le rodage des plaquettes. Un dépôt noir est visible sur les deux côtés des pistes de
freinage des deux poulies. Les plaquettes présentent un état de surface jugé anormal par
l?exploitant: elles sont glacées, avec de larges traces grises. À 13h45, une des plaquettes
du 2?jeu est prise en photo. Les agents S3V toilent les huit plaquettes et réalisent un
nettoyage complet des pistes de freinage avec du nettoyant Berner. Ils remettent les
plaquettes du 2?jeu, réglées aux mêmes cotes (de garde et de compression) que l?année
précédente. Puis ils refont des essais de freinage: les temps sont en adéquation avec
leurs attentes et il n?y a plus d?odeur de brûlé, plus de dépôt, plus d?échauffement. La
journée se termine sur trois arrêts considérés comme bons.
Au cours de ces deux jours, les tests F1MST (test frein F1 dans la plus forte pente) et
F2MST (test frein F2 dans la plus forte pente) auraient été réalisés étagés (pas à plein
couple) et certains à vitesse réduite (donc inférieure à 11m/s).
Au matin du mercredi 29 septembre , avant de commencer l?inspection annuelle, il n?y a
pas de traces sur les pistes de freinage. Le technicien d?inspection annuelle arrive au
téléphérique de La Saulire. Les mesures de cotes de garde et des cotes de compression
sur les 4 pinces de frein sont réalisées et notées. Puis, remontés au poste de pilotage de
l?appareil, les agents de S3V et le TIA, sous le regard de l?agent du STRMTG,
commencent les phases d?essais en charge en suivant l?ordre du rapport d?inspection
annuelle de l?année précédente. Ils font des essais de freinage F1 puis F2 (étagés) et des
arrêts électriques, en montée et en descente. En freinage F1 modulé, cela freine trop.
Descendu en machinerie, le conducteur desserre une pince du frein F1, ce qui donne un
temps de freinage à 14secondes. Puis à l?essai suivant, il desserre un peu plus les deux
pinces de frein F1, donnant ensuite un temps de freinage à 19secondes. Puis il resserre
pour un temps de freinage de nouveau à 19secondes. Ce dernier réglage n?a pas eu
d?action sur le temps de freinage. Le dépôt s?est reformé, l?odeur est revenue. Les cotes
de garde sont à chaque fois contrôlées et égales à 30mm. Aucun réglage n?est effectué
sur les pinces du frein F2. L?entrefer n?est pas contrôlé.
Les trois derniers essais à la descente avant le test fatidique donnent des temps très
longs, les deux derniers sont mêmes considérés caducs par le TIA, avec entrée en action
du frein F2 du fait d?un frein F1 insuffisant.
L?ensemble des participants conclut de reporter l?inspection annuelle. Un dernier essai est
demandé par les agents S3V pour vérifier le frein F2 à la descente. Aucune objection
n?est émise, le câblage de l?ordinateur du TIA sur l?armoire de commande du téléphérique
est maintenu en place.
43
Le conducteur lance donc l?essai F2MST, il est 12 h 10 . La cabinen°1 est positionnée en
gare amont. Elle descend, l?accélération de l?appareil est pilotée manuellement via le
potentiomètre disponible au pupitre, l?installation atteint la vitesse de 11m/s, la cabine
chargée franchit le point de lancement de l?essai, la traction est coupée et le pilotage de la
tombée du frein est engagé mais au lieu de réduire, la vitesse augmente. Des défauts et
alarmes sont enregistrés par l?automate. Le système mécanique de détection de
survitesse se déclenche, la survitesse est également détectée par l?automate ainsi que le
non-ralentissement du téléphérique (??contrôle décélération?). L?installation continue Ã
prendre de la vitesse. Le conducteur essaye de l?arrêter en utilisant tous les
boutons-poussoirs d?arrêt sur le pupitre. L?électricien coupe l?armoire de commande derrière
lui par le biais d?un sectionneur. Cette coupure n?a pas d?effet sur les enregistrements par
l?outil du TIA. La vitesse atteint probablement les 16,5m/s. À partir de la coupure de
traction, l?accélération est quasi constante et en moyenne, est égale à 0,38m/s². La
cabinen°1 descendante croise la cabinen°2 montante et approche du pylône. La
vitesse décroît jusqu?à l?arrivée de la cabine descendante vers le pylône puis augmente
de nouveau par oscillations. Les participants sortent tous du poste de commande. Le
responsable électrique descend en machinerie par l?escalier, le conducteur le suit. Ils
voient que les plaquettes des freins sont en appui, de la fumée s?échappe des quatre
pinces. Ils coupent les armoires de puissance. L?installation ralentit et la cabinen°1,
chargée de 11,4tonnes d?eau, heurte la gare aval à une vitesse d?environ 8m/s. Le
téléphérique s?arrête de fait. Entre la coupure de la traction et le choc, il s?est écoulé
1minute et 47secondes (107secondes).
Il n?y a pas de blessés.
Les cabines sont fortement abîmées, le câble tracteur a subi des dommages et quelques
dégâts sont visibles sur les deux gares. Le butoir de la gare aval a été cassé et projeté en
arrière-gare dans le choc.
En machinerie, le TIA, S3V et le STRMTG relèvent les cotes des pinces de frein: les
cotes de garde sont passées de 30mm à 27mm pour toutes les pinces. Et les cotes de
compression des rondelles ont augmenté de 2 à 3mm. Les plaquettes (2? jeu) présentent
une usure de la garniture. Des résidus sont observés sous les pinces du frein F1, moins
sous celles du F2. Les deux pistes de freinage des deux poulies présentent des traces
noires.
L?automate et les graphes du TIA sont concordants dans les informations qu?ils ont
enregistrées ? aux limites près de l?archivage et de la surveillance des grandeurs
physiques. Aucune anomalie de fonctionnement de la commande et du pilotage des
freins, ni d?anomalie de réponse des pinces de freins n?est enregistrée, alors qu?elles sont
surveillées par l?automate.
Le décalage de la tombée du frein F1 à 33secondes au lieu de 21secondes est liée soit
à une saturation de la carte d?acquisition de la vitesse, soit plus probablement à une
coupure de l?alimentation électrique de la carte pouvant induire une information vitesse
nulle de l?installation à destination de la carte de régulation de F1.
Le graphe ci-après reprend la courbe de la vitesse de l?installation en fonction du temps,
en identifiant quelques événements et mesures.
44
Figure 45 - Courbe vitesse/temps de l?essai fatidique avec annotations (source TranscableHalec modifiée)
45
3.7 - Les premières vérifications
Le 4mars2022, des observations et vérifications ont été réalisées dans le cadre des
opérations d?expertise judiciaire.
? La commande d?ouverture et de fermeture des freins depuis l?armoire de contrôle
conduit à l?ouverture et la fermeture des pinces. Ainsi, la chaîne de relayage des freins
entre la commande à l?armoire jusqu?aux pinces fonctionne bien.
? La gorge des poulies ne présente pas de défaut apparent.
De plus, le coefficient de frottement d?une poulie caoutchoutée (0,3 est trois fois
supérieur au coefficient de frottement minimum nécessaire (0,1 selon la note de calcul
de Poma): il est donc très improbable qu?il y ait eu perte d?adhérence du câble ayant
conduit à un glissement.
? Les trois fissures (sur deux mâchoires de frein ainsi qu?une au niveau d?un rayon d?une
poulie motrice) signalées lors de la grande inspection de 2019 ont bien été réparées et
ne présentent pas de désordre.
Figure 46 - Fissure sur poulie voie 1 ayant été réparée (photo expert judiciaire)
? Les poulies ont été vérifiées et présentent un voile léger, un peu plus important sur la
poulien°1. La piste de freinage de la poulien°2 présente une épaisseur moindre que
celle de la poulien°1. Pour précision, ces poulies ont été rectifiées (rabotées) in situ au
début de l?exploitation du téléphérique.
? L?épaisseur des pistes de freinage est de 22,2mm pour la voie1 et entre 21,0 et
21,1mm pour la voie2.
? Ultérieurement, deux pinces (F1P2 et F2P2) ont subi des contrôles métrologiques par le
CETIM et n?ont pas montré de différence dimensionnelle significative entre elles.
46
3.8 - Les investigations sur les évolutions et les événements du
téléphérique de La Saulire
À son installation en 1984, l?appareil connaît des difficultés de réglages de la cote de
garde qui est finalement réglée à 30mm (au lieu de 40mm) pour permettre un bon
fonctionnement des pinces et donner des temps de freinage satisfaisants. En mai1985,
les pistes de freinage des poulies ont été rectifiées sur place. Le directeur d?exploitation
de l?époque ajoute que «les axes de frein qui étaient grippés ont été remplacés et
éventuellement les plaquettes changées». En juillet1985, les pinces de frein ont été
modifiées suite à des problèmes rencontrés au cours de la première année d?exploitation:
une plaque d?arrêt est ajoutée afin d?immobiliser mécaniquement la vis de réglage du jeu
entre garnitures et disque (entrefer) et des bagues sont remplacées par des rotules suite
au grippage d?une pince.
Le 9janvier1987, une coupure de la télétransmission déclenche un arrêt d?urgence sur
l?installation, stoppant brutalement cette dernière. La cabine descendante a été projetée
contre un élément du pylône et a subi d?importants dégâts matériels. Les 5voyageurs
présents dans cette cabine n?ont pas été blessés et le cabinier a subi des blessures
légères. Suite à cet événement, des essais dynamiques montrent que la puissance de
freinage a augmenté sans que le réglage du couple n?ait été, à la connaissance du
directeur d?exploitation, modifié. En octobre1987, la situation s?est inversée: le BDARM
(bureau de contrôle qui fusionnera avec le STRMTG en 2011) remarque que l?action d?un
frein est insuffisante pour arrêter la cabine en entrée de gare. Des essais sont réalisés sur
les freins: leur efficacité mécanique n?est pas en cause ni le réglage du couple de
freinage. En janvier1988, le BDARM rappelle la nécessité de vérifier lors des visites
mensuelles et annuelles le réglage des freins de façon à ce que les décélérations ne
s?écartent pas des valeurs obtenues lors des essais dynamiques de janvier1987.
La grande inspection de 1999 met en évidence la rupture d?un bout de piston de frein sur
une pince: le piston de frein est remplacé. Selon le programme de grande inspection, les
rondelles de frein sont changées. Rien d?autre n?est constaté. La grande inspection est
validée, l?exploitation continue.
En 2010, a été réalisée la modification la plus conséquente à date sur La Saulire. Du fait
de l?obsolescence de certains composants et de la télétransmission, S3V décide de faire
rénover l?appareillage électrique et la partie contrôle-commande du téléphérique.
AixHydro et ATV ont proposé de réduire l?effort de freinage pour limiter les arrêts en
montée trop brusques avec une centrale sans contre-pression. Pour ce faire, S3V confie Ã
DCSA la maîtrise d?oeuvre des travaux. La centrale de frein et les blocs de distribution
sont remplacés par du matériel neuf, avec conservation du principe de fonctionnement du
frein de service F1 (modulé - voie régulée de 0 à 100%) et modification du
fonctionnement du frein urgence F2 en Tout ou Rien à 50% et 100% (cf. Figure 13 -).
Au cours des études sur cette rénovation, il est apparu qu?avec la nouvelle centrale et
avec les rondelles Belleville existantes réglées au minimum de force appliquée, le
fonctionnement était améliorable. En effet, le couple de serrage des pinces de frein était
trop important au vu des temps de réaction de la nouvelle centrale hydraulique et de
l?inertie de l?installation. La décision est prise de modifier le réglage des freins en
remplaçant les 11rondelles de 8mm par des 6mm permettant d?obtenir un détarage27
des freins. Cela permet de recentrer le réglage des freins et de retrouver une marge de
réglage, de choisir des rondelles permettant un recouvrement avec le fonctionnement
actuel et de conserver une centrale simple. Le changement des rondelles des 4pinces de
freins est donc effectué: le nombre de 11rondelles est maintenu mais d?une épaisseur de
6mm (au lieu de 8mm).
Lors des essais de réglage de l?installation en octobre 2010 et à la lecture des rapports de
27 Le détarage est le choix de conditions de fonctionnement d?un matériel largement en deçà des conditions
limites, de façon à réduire les contraintes et augmenter ainsi la fiabilité et la durée de vie.
47
visites annuelles réalisées les années précédentes, DCSA constate que les essais de
freinage n?étaient auparavant pas réalisés dans le cas le plus défavorable de plus forte
pente28. Afin d?améliorer le niveau de sécurité de l?installation, les essais sont désormais
faits à 230m de la gare amont (au lieu de 400m) pour la cabinen°2 chargée ou 1490m
de la gare aval (au lieu de 1315) pour la cabinen°1 chargée. Ces essais en charge
effectués dans la pente la plus défavorable ont conduit à réduire la capacité utile de la
cabine de 160 à 142personnes. La réduction de masse a été approchée par ratio puis
validée lors des pré-essais.
Un contrôle sur les documents de conception (analyse des dossiers techniques, du code
automate et de la procédure de réception) a été réalisé par un contrôleur technique
indépendant afin de vérifier la conformité du système à la législation en vigueur. Il n?a pas
révélé de point critique sous l?angle de la sécurité: le traitement des fonctions de sécurité
réglementaires est assuré de façon tri-redondante par un APIdS et l?écriture du code
automate ne présente pas d?anomalie. Le bon fonctionnement a été vérifié lors des essais
de réception.
En 2013, un problème est détecté en visite annuelle: les freins F1 et F2 ont une capacité
de freinage trop importante. Des réglages de pression et de cote de garde ont alors été
effectués par Seirel et AixHydro. Ces derniers identifient «un problème d?adhérence des
plaquettes» de freins sur les pistes de freinage qui pour eux provient du nettoyant frein
de marque Berner utilisé par l?exploitant, nettoyant qu?ils jugent comme «absolument pas
adapté» au système installé.
Des évolutions du logiciel ont eu lieu depuis la réception de l?appareil en 2010: aucune
évolution ne portait sur le programme de test du frein F2. La dernière version installée sur
l?automate de La Saulire date de juillet 2018.
Lors de la grande inspection (GI) de 2019, la boulonnerie de fixation a été remplacée et
les freins ont subi un contrôle magnétoscopique (mâchoires, supports, axes de tourillons).
Ont été détectées: une fissure de 20mm sur la mâchoire de frein n°2 pince2-B, une
fissure de 12mm sur la mâchoire n°2 de la pince1-B ainsi qu?une fissure de 25mm au
niveau du rayon n°9 de la poulie motrice voie1 en aval. Conformément aux exigences
réglementaires, le responsable de la GI a autorisé la réparation de ces fissures, effectuée
par l?entreprise GMS. Lors de l?expertise en avril2022, il a bien été constaté pour chacune
la présence de la recharge, de la nouvelle peinture et l?absence de fissure. À l?occasion
de cette GI, les plaquettes de frein ont toutes été changées.
Il n?a ensuite pas été remonté d?incident ou de modification jusqu?en septembre 2021.
En synthèse, le téléphérique a connu des débuts délicats quant au réglage de ses freins.
La modification de 2010 a fait évoluer le pilotage automatique et une partie du système
mécanique de freinage. En 2013, le nettoyant freins Berner est déconseillé par Seirel et
AixHydro. En 2019, la grande inspection du téléphérique s?est déroulée de façon
classique et les quelques désordres constatés ont été réparés. Aucune difficulté n?est
rencontrée jusqu?au 27/09/2021, aucune inspection annuelle précédente n?a révélé de
problème. Les résultats concluants ont été tracés dans les rapports d?inspection annuelle.
Une étude plus précise des résultats des inspections annuelles est réalisée dans le
paragraphe suivant.
28 Pour mémoire, lors de sa construction, le téléphérique relevait du règlement des remontées mécaniques
de 1969. Ce dernier n?imposait pas de faire les essais dans les pires conditions, mais des essais
représentatifs permettant de corroborer les résultats des calculs indiquant quelle est la situation qui
sollicite le plus l?appareil (sans risque de détériorer un de ses organes). La note de calcul de 1984
comporte un nombre limité de cas de charge par rapport à ce que l?on ferait aujourd?hui avec les
nouveaux moyens de calcul. À l?époque, le point d?essai est alors choisi à 400m, car en milieu de portée
entre la gare amont et le pylône, et un bon repère visuel pour lancer un arrêt de la cabine.
Le véritable point de plus forte pente de la ligne se trouve à 5mètres en dessous de la gare G2 mais
n?est pas exploitable, car la vitesse est faible à cet endroit.
48
3.9 - Les investigations sur les résultats des inspections annuelles des
dix dernières années
3.9.1 - Les freinages au cours de l?inspection annuelle du 29/09/2021
Des courbes vitesse/temps ont été produites par le logiciel du TIA lors de l?Inspection
Annuelle. Voici les principaux tests réalisés (et rédigés en vert, les réglages effectués):
? F1 modulé à la montée, initié à 9h36: à la montée, le frein F1 est aidé par l?inertie
de la cabine chargée pour ralentir et arrêter l?installation. Le temps de freinage est de
9secondes. La décélération est égale à 1,22m/s².
? F1 modulé à la descente, initié à 9h43: le temps de freinage est de 12,4s et la
décélération égale à 0,94m/s². Dans cet essai de F1 modulé, les freins F1 sont
appliqués presque au maximum tout au long de l?essai, il est quasiment équivalent à un
F1 plein couple.
Figure 47 - Essai freinage F1 modulé à la descente ? 9h43
? F2 à la montée, initié à 9h47: à la montée, le frein F2 (plein couple) est aidé par
l?inertie pour ralentir et arrêter l?installation. Le temps de freinage est de 8secondes. La
décélération est de 1,36m/s².
? F2 à la descente, initié à 9h53: les freins F2 sont appliqués tout du long de l?essai de
freinage et comme F2 est étagé, il peut être appliqué à 50% tout du long ou si besoin Ã
100% dès que nécessaire. La décélération lors de cet essai est égale à 1,05m/s². La
courbe de l?essai de 12h10 aurait dû ressembler à celle-ci si tout s?était bien passé.
Figure 48 - Essai freinage F2 Ã la descente ? 9h53
49
? F1 plein couple à la descente, initié à 10h27: le temps de freinage est de
10,6secondes. La décélération vaut 1,04m/s². Cette valeur est meilleure que l?essai de
9h43 car le F1 est appliqué à 100% immédiatement.
Puis, la cote de compression de F1P1 est mesurée à 122mm (versus 121,1mm Ã
9h20) et seul un réglage de F1P2 est effectué par S3V: diminution du couple de
serrage via la relaxation de la compression des rondelles (cote h).
? F1 à la descente, initié à 10h53: les freins F1 sont appliqués tout du long. Le temps
de freinage est de 14secondes. La décélération vaut 0,78m/s².
Un réglage du frein F1 est effectué par S3V: diminution du couple de serrage via la
relaxation de la compression des rondelles sur F1P1 et F1P2.
? F1 en descente, initié à 11h10: les freins F1 sont appliqués tout du long. Le temps
de freinage est de 19secondes. La décélération est égale à 0,58m/s².
Un réglage du frein F1 est effectué par S3V: augmentation du couple sur F1P1 et
F1P2.
? F1 à la descente, initié à 11h23: le frein de service F1 s?applique (serrage) puis se
relève (desserre) moins de 5secondes après sa tombée pour permettre l?engagement
du frein F2, ce qui signifie donc que le frein F1 n?était plus efficace. Il s?agit ici de
l?activation de la fonction de sécurité ??F2M ? contrôle décélération frein de service
DTC2??. L?arrêt a lieu en 20secondes.
? Gamma de décélération de F1 (attention, calcul sur 4secondes) = 0,21m/s².
? Gamma de décélération de F2 (enclenché à 10m/s et la cabine n?est plus au point
de plus forte pente) = 0,625m/s².
Figure 49 - Essai freinage F1 à la descente (avec entrée en action de F2) ? 11h23
À la fin de ce test de 11h23, les freins F1 et F2 sont dans l?état dans lequel
commencera le test de 11h59.
? F1 à la montée, initié à 11h53: le temps de freinage est de 9secondes, comme pour
l?essai de 9h36. Ce temps est quasi égal à celui de l?essai par inertie (9,8s), ce qui
indique que le frein F1 est à peine sollicité. F2 n?est pas actif.
? F1 à la descente, initié à 11h59: au début de ce test, les freins F1 et F2 sont dans
l?état où ils ont fini le test de 11h23.
À x=230, le frein F1 s?applique ? puis au bout de 4,5secondes, le frein F1 est desserré
et le F2 est appliqué ?. Puis 22secondes plus tard, au bout de la temporisation
d?anti-cumul, le F1 modulé ? agit en complément du F2 pendant quelques autres
secondes. Le temps total d?arrêt de l?installation est 30secondes.
50
Dans cet essai, le F1 n?agit pas comme attendu, tout comme le F2 car un cumul des
freins (et le profil de la ligne qui s?aplatit) est nécessaire pour arrêter l?installation. On a
vu que des défauts sont apparus sur l?automate lors de cet essai. L?essai est considéré
comme ?non valide? par le technicien d?inspection annuelle. C?est à l?issue de cet essai
qu?il est décidé de faire une pause dans l?IA de La Saulire.
Figure 50 - Essai freinage F1 Ã la descente ? 11h59
Lors de cet essai, les décélérations obtenues sont très faibles:
1. Gamma de décélération F1 seul = 0,27m/s².
À 11h23, la décélération de F1, au même endroit29, était de 0,21m/s².
Gamma de décélération F2 sans F1 = 0,35m/s².
À 11h23, la décélération de F2, au même endroit, était de 0,625m/s².
2. Gamma de décélération F2 + F1 modulé = 1,12m/s².
La perte d?efficacité entre l?essai de 11h23 et celui de 11h59 concerne surtout le frein F2.
? F2 en descente, initié à 12h10: dans le cadre des vérifications des décélérations,
nous zoomons sur les premières secondes de l?essai du frein F2 de 12h10.
Figure 51 - Zoom sur les premières secondes de l?essai
ayant conduit à l?accident ? 12h10
Passé les 1 ou 2millisecondes nécessaires
à l?application des freins, l?installation subit
une accélération, calculée à 0,18m/s². Puis
un palier où la vitesse reste constante 1 Ã
2secondes et enfin une pente de 0,33m/s²
avant l?écrêtage de la valeur de la vitesse.
Or l?accélération sans freinage a été
calculée30 à 0,426m/s². Au début du test
fatidique, la décélération du F2 peut donc
être déduite comme valant environ
0,25m/s².
Il y a eu une très faible action du frein F2 sur l?installation, réduisant un peu la
montée en vitesse par rapport à ce que l?accélération aurait été si l?installation
n?avait pas subi de freinage.
29 Attention, la délicatesse des mesures prises sur les graphes influe sur le résultat du gamma. Et attention
au fait que les pistes de freinage s?échauffent petit à petit: les conditions entre deux essais varient.
30 Avant que les garnitures n?arrivent sur la piste, il n?y a aucun freinage: l?accélération pendant ce temps
est de 0,426m/s² d?après l?essai 20096MINERTI, cité dans le dossier de la modification de 2010, en
supposant que cette valeur soit bien pour x=230.
51
Bilan des valeurs de décélération du F1
Les éléments retranscrits ci-après sont à prendre comme des tendances approximatives,
car les points de déclenchements ou de l?activation de ces freins ne sont pas situés au
point pénalisant de la plus forte pente. Par ailleurs le comportement de la cabine opposée
peut également influer sur ces valeurs.
Pour le F1: ? 9h36 à la montée: ? = -1,22 m/s²
? 9h43 à la descente: ? = -0,94 m/s²
Diminution/relâche du couple de serrage
? 10h53 à la descente31: ? = -0,78 m/s²
Seconde diminution/relâche du couple de serrage
? 11h10 à la descente: ? = -0,58 m/s²
Remise de couple de freinage
? 11h23 Ã la descente: essai caduc, F1 pas efficace, il sort des courbes
de tolérance de l?automate: ? = -0,21m/s² (sur 4 secondes)
? 11h59 Ã la descente: essai caduc, F1 pas efficace, sort des courbes de
tolérance de l?automate: ? = -0,27m/s²
? Lors de l?accident: ? = inconnu
Le frein F1 voit ses capacités de freinage diminuer au fur et à mesure des essais. Mais
les réglages entrant en jeu, il est normal que le gamma diminue excepté pour le dernier
réglage où l?on revient à la cote de compression initiale. Il est alors acceptable de
comparer le premier et le dernier essai du F1MST: la décélération au point de plus forte
pente en descente passe de 0,94m/s² à 0,27m/s² en 5 essais de F1.
Bilan des valeurs de décélération du F2
Pour le F2: ? 9h47 à la montée: ? = -1,36m/s²
? 9h53 à la descente: ? = -1,05m/s²
? 11h23 à la descente: ? = -0,62m/s² (en rattrapage de F1)
? 11h59 à la descente: ? = -0,35m/s² (en rattrapage de F1)
? Puis l?accident: ? = -0,25m/s²
Ainsi, le jour de l?accident, 3essais ont sollicité le F2 à la descente (en montée, étant
donné qu?il y a peu de sollicitation du frein du fait de l?inertie et du freinage à seulement
50%, l?effet de ces essais est considéré ici comme négligeable). Le gamma de
décélération du F2 diminue, sans que le réglage des pinces du frein F2 ne soit modifié par
les agents S3V.
En conclusion, au cours de la matinée du 29/09/2021, une évolution décroissante des
décélérations est observable, avec des réglages manuels concernant uniquement la
cote de compression des rondelles du frein F1. Cette dérive de la capacité de freinage de
l?installation est constatée sur les deux freins, F1 et F2. Lors du dernier test fatidique de
12h10 avec F2, on constate l?incapacité de l?installation à arrêter les cabines avant les
butoirs situés au bout des quais.
31 La note de calcul de 2010 concernant la modification fournie par Seirel indique, à un freinage à 100%, un
gamma calculé de 0,709m/s² à la descente pour des temps d?arrêt de 15,5secondes.
52
Il n?est pas possible d?identifier la contribution de F1 au ralentissement de l?installation,
faute de données de vitesse disponibles à 12:02:02. Ainsi, il paraît difficile de déterminer
l?impact sur les conséquences de l?accident qu?aurait eu la tombée du frein F1, s?il avait
été appliqué 13secondes plus tôt ? sachant que la dynamique de l?installation est
différente selon le point de départ d?un freinage.
Les garnitures à l?issue de l?accident sont dans un état qui peut être:
1- soit la conséquence de la perte de maîtrise du freinage (contraintes mécaniques et
thermiques anormales et exceptionnelles auxquelles ont été soumises les plaquettes du
fait de la vitesse atteinte par l?appareil sur ce dernier test de freinage) conduisant Ã
l?accident;
2- soit la conséquence d?une dégradation apparue avant l?engagement du test fatidique;
3- soit les deux cumulés.
Étant donné que les performances de freinages du F1 et du F2 se dégradent au fur et Ã
mesure de la matinée jusqu?à être inacceptables lors des tests de 11h23 et 11h59, la
seconde hypothèse est très probable.
Lors des pré-essais de l?IA de 2021, les capacités de freinage des garnitures du 1erjeu ne
sont pas mesurables, en l?absence de courbes de vitesse selon le temps. On peut
simplement noter qu?elles ont été extraites entre deux essais puis remplacées et que leur
état de surface était ?glacé?.
53
3.9.2 - Les temps de freinage des inspections annuelles de 2020 et 2019
TranscableHalec, ayant réalisé les Inspections Annuelles précédentes, a transmis les
courbes des essais de 2020 et de 2019: nous présentons ici uniquement les essais de
frein F1 et F2 plein couple à la descente.
? En 2019, l?essai de frein F2 plein couple à la descente débute à une vitesse de 11m/s.
Le temps de freinage est égal à 13,3s. La décélération totale est de 0,85m/s².
? En 2020, l?essai de frein F2 plein couple à la descente débute à une vitesse de
10,95m/s. Le temps de freinage est de 13,5s. La décélération totale est de 0,81m/s².
Figure 52 - Courbe de l?essai de F2 plein couple à la descente (IA 2020) (source Transcable Halec)
? En 2019, l?essai de frein F1 plein couple à la descente commence à la vitesse de
11m/s. Le temps de freinage est égal à 15s. La décélération totale est de 0,73m/s².
? En 2020, l?essai de frein F1 plein couple à la descente commence à la vitesse de
11m/s. Le temps de freinage est de 15s, la décélération totale est de 0,73m/s².
Figure 53 - Courbe de l?essai de frein F1 plein couple à la descente (IA 2020) (source Transcable Halec)
En conclusion, lors de ces deux IA, les temps de freinage F1 et F2 Ã la descente sont
entre 13 et 15secondes, les décélérations se situent entre 0,73m/s² et 0,85m/s². Ces
inspections annuelles sont conclusives, tracées dans un rapport du TIA et ont permis la
poursuite de l?exploitation du téléphérique de La Saulire en accord avec la réglementation
en vigueur. Les comptes rendus de ces deux inspections annuelles n?indiquent pas de
54
réglage du frein F1 ou du frein F2 pendant l?inspection annuelle (alors que, le cas ayant
été rencontré en 2017, cela a été écrit dans le compte rendu correspondant, réalisé et
rédigé ici aussi par TranscableHalec).
3.9.3 - L?évolution des temps de freinage au cours des inspections annuelles
depuis 2010
Lors des inspections annuelles sur le téléphérique de LaSaulire, la série d?essais de
freinage pour vérifier les capacités de l?installation est similaire d?une année sur l?autre
(excepté l?ordre de réalisation des essais). Le rapport de chaque IA depuis 2010 a été
étudié, année de la modification d?une partie des freins et des premiers essais au point de
plus forte pente x=230. Les valeurs antérieures à 2010 ne sont donc pas comparables.
Le tableau ci-dessous présente les données pour l?IA de 2010 puis celles de 2013, 2016
et les trois dernières avant l?accident en 2021.
IA 2010 IA 2013 IA 2016 IA 2018 IA 2019 IA 2020 Accident 2021
Cabine chargée à 11,4T n°2 n°2 n°1 n°2 n°2 n°2 n°1
Inertie ? montée (secondes) 9,4 9,3 9,8 9,8 9,8 9,2 9,83
F1 plein couple descente
(sec)
18,8 18,2 16,86 17,4 14,9 15,04 12,4 (9h43)
10,6 (10h26)
14 (10h52)
19,1 (11h10)
F1 modulé descente (sec) X 19,94 19,18 20,10 16,6 15,58 11,4 (9h42)
F1 plein couple montée (sec) 4,9 4,76 4,8 4,3 4,8 4,77 X
F1 modulé montée (sec) 8 8,95 9,15 7,6 9,1 9,15 9,1 (9h35)
F2 plein couple descente
(sec)
X 16,78 18,96 19,4 13,3 13,5 11,0 (9h53)
accident (12h10)
F2 étagé descente (sec) 19,8 20,14 18,8 20,10 13,7 14,09 11,0 (9h56)
F2 plein couple montée (sec) 4,9 4,82 4,86 4,2 4,6 4,54 X
F2 étagé montée (sec) 8,8 8,9 8,0 7,7 7,5 7,82 8,20 (9h46)
Relevés cotes de
compression
? en mm
(F1P1, F1P2, F2P1, F2P2)
X 121,5
122,0
122,4
121,5
121,4
121,2
121,0
121,0
121,3
121,3
119,9
120,7
120,3
121,3
120,3
120,7
121,2
122,0
121,2
121,2
121,1 / 123,9mm
120,9 / 123,0mm
121,1 / 123,7mm
121,2 / 124,3mm
Relevés cotes de garde
? en mm
(F1P1, F1P2, F2P1, F2P2)
x 30
30
30
30
30
29,7
30
29,5
29,8
30
30
30
30
30
30
30
30
30
30
30
30 / 26,9mm
30 / 27,2mm
30 / 27,6mm
30 / 27,8mm
? L?IA 2017 a été réalisée avec une seule cabine et ne peut donc être comparée. À noter
toutefois que seul le rapport de 2017 indique un réglage du F1 (desserrage du couple)
pendant l?inspection annuelle: aucune mention n?est faite dans les autres rapports.
? Certaines IA se sont déroulées sur trois jours non concomitants, voire sur six jours en
trois séries (en 2020) alors qu?en moyenne une IA de La Saulire dure deux jours et peut
atteindre un seul jour lorsque les essais ne concernent qu?une cabine (2017). Toutefois,
les rapports ne tracent pas les raisons de l?étalement temporel de l?IA.
? Les temps liés à l?inertie sont constants, confirmant que le cas de charge et les
frottements étaient similaires.
55
Figure 54 - Évolutions des temps de freinage depuis 2010 jusqu?aux essais de 2021
Une variation dans les temps de freinage obtenus est constatée à partir de 2019. La
fluctuation du temps de freinage du F2 plein couple à la descente de 19,4s en 2018 Ã
13,3s en 2019 et à 11,0s en 2021 est importante, diminuant quasiment de moitié entre
2018 et 2021. Le 29/09/2021, les temps obtenus lors des tout premiers essais (F1 plein
couple 100% descente de 10h26 et F2 plein couple 100% descente) sont très courts:
respectivement 10,6s et 11,0s. Ces valeurs n?ont jamais été atteintes auparavant. Ainsi
le téléphérique de La Saulire freinait très fort en début d?IA et évidemment bien moins en
fin de matinée.
On observe que, de 2010 à 2020, les temps de freinage ont globalement diminué au fur et
à mesure des inspections annuelles. Principalement, les essais ??F1 plein couple
descente?? et ??F2 plein couple descente?? diminuent respectivement de 3,8 et 3,3s. Les
cotes de compression et les cotes de garde restent sensiblement les mêmes d?année en
année. Toutefois, une variation d?1mm peut avoir un impact notable sur le freinage. Il faut
également préciser que le réglage de l?entrefer est sensible et a un impact sur l?effort.
Le STRMTG a vérifié s?il existe une corrélation entre les résultats des freinages et les
réglages de l?empilement des rondelles Belleville. Pour F2 en 2019 et pour F1 et F2 en
2020, les cotes (notées dans les comptes rendus d?IA) donnent plus d?effort que pour
2018 ce qui peut expliquer pour partie les temps plus courts. Seul le cas du F1 plein
couple de 2019 permet une analyse plus approfondie en comparaison des résultats de
2018: pour F1P1, la variation de cote de compression (121,3mm à 120,3mm) induit une
diminution de 1500N sur l?effort de freinage. Or le temps de freinage diminue de 17,4s Ã
14,9s. De plus, le process de réglage de l?entrefer ne transparaît pas dans la traçabilité
de l?exploitant et ne semble pas identifié par les opérateurs en charge de cette opération:
si l?entrefer a été réglé de façon équivalente au cours des dernières années, il pourrait
alors être considéré que les (??nouvelles?) plaquettes Cosid132 ont présenté des
performances supérieures aux garnitures d?avant 2019.
3.10 - Les investigations sur les freins: les pinces et les garnitures
3.10.1 - Le montage et le réglage des freins
Une notice a été fournie par ATV via Poma en 1984. L?exploitant a en sa possession la
première version de 1984 mais cette notice apparaît peu consultée par l?exploitant.
En quelques pages, la notice présente les consignes de mise en place de la pince, de
réglage des garnitures, de purge du circuit hydraulique, de réglage du couple et de
56
remplacement des garnitures. Lors du remplacement des garnitures, la notice indique de
serrer à fond l?écrou de déblocage manuel, de desserrer la vis de blocage, de tourner la
vis à pas contraire pour obtenir le maximum de jeu entre les garnitures et la piste de
freinage. Puis il faut écarter la garniture du porte-garniture, pour la déboîter de son
logement et l?extraire parallèlement à la piste de freinage, mettre en place les plaquettes
neuves en s?assurant qu?elles soient bien emboîtées dans leur logement. Enfin, il faut
tourner la vis à pas contraire pour obtenir entre les garnitures et la piste de freinage un jeu
total compris entre 0,5 et 0,7mm (réglage de l?entrefer), bloquer la vis de blocage et
desserrer à fond l?écrou de déblocage manuel. Ce réglage donnerait une cote de garde Ã
37,9mm.
Une fois l?entrefer réglé, il n?est plus nécessaire d?y toucher ? excepté pour régler le jeu
entre plaquettes et piste de freinage suite à usure des garnitures (mais aucun témoignage
ne mentionne formellement ce réglage).
À noter la contrainte redonnée dans le dossier de la modification de 2010: pour
l?empilage, la course maximale des garnitures est de 1,5mm (<2019) et 1,66mm (2010).
Cette contrainte a été exportée et traduite dès l?édition 1984 de la notice d?entretien et de
réglage des freins: «IMPORTANT: Surveiller régulièrement le jeu entre garnitures et
disque qui ne doit jamais être supérieur à 1,5mm. (au-delà de cette cote, il y a risque de
perte de compte [couple])». Cette alerte qui existe depuis la mise en service de l?appareil
est liée à la technologie de ce frein pour lequel, un blocage mécanique (mise en butée de
la tige du vérin) peut rendre le freinage inopérant. Les témoignages ne mentionnent pas
cette surveillance et sa traçabilité ne nous a pas été présentée.
- Impact du réglage de la cote de garde à 30mm
En décembre1984, un courrier confirme la cote à 40mm comme indiqué dans la notice
d?ATV. Suite à des problèmes de réglages de l?appareil, ATV dans un courrier de
février1985 préconise que les réglages conduisent à une cote de garde maintenue Ã
31mm. Une note manuscrite ??29 Ã 33?? est inscrite en dessous de cette valeur. En
juin1985, un autre courrier d?ATV reprend la valeur de 40mm suite à des modifications
sur le frein. L?exploitant indique que le réglage de la cote à 30mm est la donnée retenue
par le fabricant des pinces et qui fut reprise ensuite lors de la rénovation en 2010.
La cote de garde systématiquement réglée à 30mm a un impact sur la course du piston.
Les plans détaillés de la pince permettent de calculer une course possible du vérin dans
la chambre (x+y) égale à 13mm. Dans la configuration de réglage de la cote de garde Ã
30mm (où maximum=40mm), le débattement maximum du vérin est alors de 3mm.
Sur site, les mesures effectuées par AixHydro lors de l?expertise indiquent une cote de
garde pince fermée, sans plaquette, qui est de 27,2 ou 27,3mm: le débattement réel est
donc plus exactement de 2,8mm voire 2,7mm.
Figure 55 - Course possible du vérin dans la chambre (plan ATV)
57
Le rapport entre le serrage des rondelles et le serrage au niveau des pinces est égal Ã
environ 3 (rapport de levier entre piston et garnitures = 281mm/92mm = 3,05). Le bras
de levier entre le vérin et les plaquettes étant donc d?un facteur3, le débattement
maximum de 2,8mm du vérin sous l?action de la libération de la pression hydraulique et
de la force des rondelles Belleville entraîne un déplacement de 0,9mm des plaquettes.
Comme il y a 2plaquettes, si l?usure est bien symétrique, la limite de la capacité des
plaquettes à être mises en contact normalement sur la piste de freinage est de
0,45mm: au-delà , le piston est en butée et aucun effort n?est appliqué sur les plaquettes.
Ici, il est important de noter que le réglage à la cote de 30mm a un impact direct et
notable sur le débattement possible du piston et donc sur l?usure maximale possible au
niveau des garnitures. Au-delà , l?effort de freinage n?est plus transmis correctement. Le
réglage de cette cote à 30mm est restée constant pendant de nombreuses années, la
traçabilité remontant au moins jusqu?en 2010.
- Effet des réglages de l?empilement des rondelles (cote de compression) lors de l?IA
Au cours de l?IA 2021, il y a eu diminution/relâche du couple sur les pinces de F1 pour
rechercher un freinage moins fort: de 121mm au début de l?IA, la cote est passée Ã
121,6mm puis à 122,2mm (avec cote de garde déclarée constante à 30mm). Puis du
couple est remis avec une cote à 121,5mm mais cela donne un essai avec un temps de
freinage (19secondes) aussi long qu?avec une cote relevée à 122,2mm.
Figure 56 - Extrait du dossier de validation des pinces de freins ST3 SH
(source Seirel)
Dans le dossier de validation de la
pince suite au remplacement de la
centrale hydraulique et l?évolution
du type de rondelles, l?effet de la
variation de la hauteur totale de
l?empilement sur le couple (image
du couple) est précisé. Cette
longueur d?empilement est égale Ã
la cote de compression des
rondelles moins la largeur d?un
écrou (pièce n°20) de 12mm.
Ainsi une cote de compression Ã
122,2mm équivaut à une hauteur
totale de 110,2mm, ce qui est au-
delà de la dernière valeur donnée
?26% du couple pour une hauteur
de 110mm.
À la cote de 122,2mm, puisqu?elle est en dehors du périmètre maîtrisé, nous n?avons
(dans le dossier de modification) pas d?information sur la valeur possible du couple
théorique: il n?y a pas de garantie du couple au-delà de 122,0mm mais la valeur reste
très proche de la limite. À noter qu?il est précisé que ces valeurs sont indicatives. Les
caractéristiques des rondelles sont données par leur fabricant Schnorr et l?effort fourni est
58
quasi linéaire en fonction de leur compression. De plus, à cette cote de compression, le
F1 plein couple à la descente permet un arrêt en 19secondes; un couple résiduel existe
puisqu?on a pu ralentir.
En synthèse, les réglages de la cote de compression lors de l?Inspection Annuelle
impactent directement le couple de serrage des rondelles transmis à la poulie (ici la
capacité de freinage est plus faible) ? sans le rendre nul. La limitation des capacités par la
butée n?était pas connue des agents S3V présents. De plus, une mise en garde sur cette
butée n?était pas explicitement apportée dans la notice de réglage des freins. Au
fondement, la lecture du plan de la pince permettait de détecter la possibilité de mise en
butée.
Considérant qu?à aucun moment un réglage de l?entrefer n?est évoqué, la cote de
compression évolue en fonction de l?évolution de l?épaisseur des garnitures. Le
témoignage du chef de secteur (p.23) éclaire la situation: «Le chef de secteur descend
avec le conducteur à la machinerie. La pince P1 du frein F1 est à 122mm, et non pas Ã
121,1mm comme mesuré à 9h20. Afin de rééquilibrer les valeurs des pinces P1 et P2,
une seule pince est réglée, celle tout à droite en descendant l?escalier [F1P2]». Le
passage de la cote de compression de 121,2 Ã 122mm indique d?une part que le couple
appliqué a diminué mais également que l?épaisseur totale des deux garnitures de cette
pince a réduit, alors qu?uniquement un F1 modulé en descente (quasi 100%) et un F1
plein couple descente ont eu lieu. Cette variation de cote traduit une usure cumulée des
garnitures de F1P1 égale à 0,9mm/3 soit 0,3mm pour les deux garnitures donc
150microns par garniture si l?usure est symétrique. Les deux freinages ayant eu lieu sur
11s pour le F1 modulé (appliqué au maximum) et 10,6s pour le F1 plein couple, le taux
d?usure vaut environ 7µm/s. Ainsi, l?évolution «spontanée» de la cote de compression
entre 9h20 et 10h30 ne peut que traduire l?usure des garnitures sur la pince F1P1,
d?une vitesse estimée à 7µm/s.
- Observations complémentaires sur l?activation des pinces de frein
Le circuit hydraulique a été vérifié: la mise en pression manuelle du circuit hydraulique a
été réalisée et pour chaque pince, une mesure du déplacement en fonction de la pression
a été effectuée. Cette activation a été réalisée à la montée en pression et à la redescente,
ce qui tracera les courbes ci-après présentant une hystérèse. L?évolution du déplacement
des quatre pinces en fonction de la pression est en adéquation à l?attendu.
Des variations entre les pinces du F2 sont observables: pour F2P1, Ã la cote de 3mm
(course du piston dans le vérin, en descente de pression) correspond une pression de
42,4bars alors que pour F2P2 elle est de 30bars. Cette variation de 25% entre les deux
pinces exprime un déséquilibre, une dissymétrie entre les deux pinces du frein F2: F2P1
freine plus fort que F2P2. Par contre, entre F1P1 et F1P2, les pressions sont similaires.
Figure 57 - Relevés des courses en fonction de la pression hydraulique pour chaque pince (source AixHydro)
59
Avec la traduction de ces pressions en effort, réalisée par le STRMTG, il est confirmé que
l?effort délivré par l?empilement des rondelles de la pince F2P2 est plus faible.
Effort de l?empilement de rondelles ressorts F1P1 F1P2 F2P1 F2P2
Pour la garde de réglage initial de 30mm 15625N 17601N 16908N 14606N
Juste avant mise en butée interne 12020N 13361N 13861N 9883N
Cette différence est plus marquée lorsqu?on s?approche de la fin de la force de serrage.
Figure 58 - Force de l?empilement des rondelles Belleville pour chaque frein
en fonction de la cote de garde (source STRMTG)
Trois causes peuvent expliquer ce déséquilibre: 1- le réglage n?est pas le même selon les
pinces, or les témoignages indiquent que les réglages sont toujours faits de la même
manière quelle que soit la pince; 2- la géométrie du piston et du vérin varie entre les
pinces; 3- une ou des rondelles sont abîmées sans que cela se voie forcément.
Concernant l?entrefer, pinces ouvertes, on
observe que les plaquettes ne sont pas
positionnées de façon parallèle à la piste de
freinage des poulies. Un écart de 0-0,3mm
en bas et de 0,2-0,75mm en haut est
observé. Mais frein fermé, les plaquettes se
réalignent et reviennent parallèles à la piste
? du fait que les pinces sont «flottantes»32.
Les axes de frein présentent un degré de
liberté permettant cet ajustement. L?effort
de poussée se répartit de manière uniforme
sur les deux plaquettes.
Figure 59 - Mesures des
distances entre plaquettes
de F1P2 et la piste de
freinage
Figure 60 - Supports
de plaquette vides
(photo expert judiciaire)
32 Un télex du 05/12/1984 précise que, du fait que les pinces sont flottantes, le voile des poulies peut être
plus important que précisé sur la notice ATV, et ce jusqu?à 2mm. Une note du 28/02/1985 d?ATV à Poma
donne la valeur de ±2,5mm de déplacement admissible. Le fait d?être flottantes permet aux pinces de
reprendre le voile de la poulie.
60
En synthèse, la pression hydraulique permet une ouverture et une fermeture de chacune
des pinces. Du fait du degré de liberté sur les axes de frein l?effort de poussée se répartit
sur les deux côtés de la pince, sur les deux garnitures. Un déséquilibre est constaté entre
les deux pinces de frein F2, mais les mesures ne montrent pas de déséquilibre sur le F1.
3.10.2 - Les investigations sur les garnitures des freins
- Les épaisseurs de plaquettes
L?épaisseur d?une plaquette neuve est 14mm dont 10mm de garniture Cosid132. Les
épaisseurs des plaquettes des deux freins F1 utilisées le 27/09/2021 lors des pré-essais
(plaquettes 1er jeu) ont été prises par l?exploitant, en 3points, avec un pied à coulisse et
avec une marge d?erreur estimée à 1/10mm. Les épaisseurs des deux plaquettes de
F1P1 ainsi que les deux de F1P2 sont mesurées à 14,0mm d?épaisseur (épaisseur totale
avec le support qui fait 4,2mm d?épaisseur). Puis le CETIM a effectué les mesures
suivantes en cinq points des garnitures qui lui ont été transmises:
Figure 61 - Synthèse des mesures d?épaisseur de garniture (source CETIM33)
La plaquette veille de l?incident 2019 n°1 correspond à une des plaquettes de la pince F2P1
Ainsi, une garniture neuve peut avoir une épaisseur moyenne entre 10,38mm et
10,07mm, et présenter une variation de 0,25mm d?épaisseur.
Le CETIM a également mesuré l?épaisseur de deux garnitures du 1er jeu: l?une fait en
moyenne 10,04mm (donc aucune usure) et l?autre 8,01mm (soit 2,0mm d?usure). Cette
plaquette a été usée de façon importante. N?ayant aucun élément sur les réglages de
l?entrefer et des cotes, toute analyse s?avère hasardeuse.
Pour les garnitures impliquées dans l?accident (2? jeu), les épaisseurs des plaquettes sont
mesurées sur site lors de l?expertise judiciaire:
Plaquettes neuves = 14mm F1P2 F1P1 F2P1 F2P2
Plaquette d?un côté 12,7mm 12,6mm 13,2mm 13,2mm
Plaquette de l?autre côté 12,6mm 12,6mm 13,0mm 13,0mm
Les mesures du CETIM (8,89mm pour une garniture 2? jeu et 9,59mm pour l?autre) ne
concordent pas avec les mesures de l?expert judiciaire. Nous garderons ici les valeurs
mesurées au contradictoire (lors de l?expertise) à savoir: quatre garnitures des freins F1
33 Il ne nous a pas été précisé la localisation des points de mesure.
61
présentent une usure homogène située entre 1,3 à 1,4mm, celles du frein F2 présentent
une usure de 0,8mm à 1,0mm.
Il est possible de comptabiliser les tests de freinages F2MST mais sans traçabilité de la
vitesse et le lieu de déclenchement du freinage, l?analyse reste peu pertinente pour
caractériser l?usure des garnitures. Selon les données issues de l?automate, le
27/09/2021, 5F2 ont été engagés. Le 28/09/2021, 4F2 ont été engagés. Le 29/09/2021,
le F2 a été commandé en test spécifique une fois à la descente avant celui ayant mené Ã
l?accident mais également il a été déclenché 2fois en ?rattrapage? du F1. En
comparaison, une inspection annuelle «classique» sollicite une fois le frein F2 en
descente à 100% et une autre fois en modulé, sachant que des pré-essais sont toujours
réalisés. Lors de l?IA 2021, le F2 semble donc avoir été sollicité de façon «usuelle» pour
une IA, par contre le F1 a été plus sollicité.
En synthèse, toutes les garnitures du 2? jeu ont perdu de l?épaisseur ? jusqu?à 1,4mm
soit 14%. Les garnitures du F1 sont plus usées que celles du F2, certainement du fait
d?un plus grand nombre de sollicitations dans la matinée qui précède ainsi que lors des
pré-essais (13F1 pour 9F2). Cette usure s?est effectuée en moins de 48heures. Et dans
le 1er jeu, on observe quatre garnitures présentant de l?usure oblique (dont l?une avec
l?usure la plus importante de toutes celles mesurées ? 2,0mm).
Les capteurs d?usure en place sont télémécaniques et même s?ils avaient été réglés lors
de l?IA, ils n?auraient pu mesurer un millimètre d?usure. Aujourd?hui, les remontées
mécaniques récentes sont soit équipées d?un rattrapage de jeu automatique permettant
de compenser l?usure des garnitures, soit d?une détection d?usure34.
- La matière des plaquettes
Les analyses effectuées montrent que:
? La surface des plaquettes est constituée de composés organiques ainsi que de
composés inorganiques. Toutefois, la présence d?inorganique en forte proportion
empêche l?identification stricte de ces composés.
? Aucune différence de nature, ni aucune pollution, n?a été mise en évidence par les
analyses directes sur les plaquettes.
? Le lavage des plaquettes a permis de mettre en évidence la présence d?un composé ou
d?un mélange de composé extractible par l?éthanol sur la surface des plaquettes du jour
de l?incident. Ce ou ces composés, vraisemblablement à base d?amide (ou d?amine),
d?ester et d?aliphatique (chaîne carbonée) sont présents en faible proportion. Les
signaux obtenus sont en effet (très) faibles. Ne connaissant pas l?historique des
plaquettes, il est impossible de conclure sur l?origine de ces produits.
? Ces résidus n?ont, cependant, pas été détectés sur les plaquettes neuves.
- Les particules sous les pinces
Les analyses par le CETIM des particules prélevées sous les pinces montrent que:
? les particules F1P1 peuvent s?apparenter avec celle des plaquettes mais sont d?aspect
beaucoup plus gras, avec une teneur associée en carbone importante;
? les particules F1P2 ont une composition similaire à celle des plaquettes avec un
enrichissement significatif en fer;
? les particules F2P1 sont très probablement issues des plaquettes (toutefois plus
grasses également);
34 La norme EN13223 (v.2004) demande à ce que: «9.2.6 L?usure des garnitures de frein doit pouvoir être
compensée par des réglages; dans le cas du frein de service, elle doit être surveillée. 9.2.7 La course
résiduelle qui doit subsister dans un frein fermé doit être contrôlable.»
62
? parmi les particules F2P2, sont observées des particules du même type que les
plaquettes et des particules organiques d?aspect marron.
Les particules récoltées et analysées proviennent probablement des plaquettes d?après
leur composition grandement similaire, avec pour certaines un enrichissement en fer
possiblement dû à un frottement sur la piste de freinage en acier.
- Une usure asymétrique des garnitures
Il a été constaté que les plaquettes ne sont pas positionnées de
façon parallèle mais inclinées par rapport à la piste de freinage
quand les freins sont ouverts. Si le jeu des plaquettes est réglé
comme sur la figure à droite lorsque le frein est ouvert, cela
entraîne un contact constant et ?en léchage? de la piste de
freinage avec une partie des plaquettes.
Figure 62 - Positionnement des plaquettes du frein F1P2
par rapport à la piste de freinage (frein ouvert)
De plus, une usure oblique est visible sur quatre plaquettes du 1er jeu.
Figure 63 - Garnitures de l?avant-veille (1er jeu de plaquettes) (photos TMDFriction)
Étant donné que cette usure est plane (pas de rupture de pente sur la surface de la
garniture), on considère que l?effort a été transmis de façon homogène à toute la surface
des plaquettes. Le léchage de la piste de freinage lorsque les freins sont ouverts peut ne
plus être visible après l?accident si une usure des garnitures a eu lieu et aplani la surface.
- L?usure de 1,4mm et réglages
L?usure des garnitures de F1 (1,4mm) est plus importante que celle des garnitures de F2
très probablement du fait que le F1 a été plus sollicité que le F2 pendant les 2jours qui
ont précédé l?accident. On a observé que la limite de la capacité des plaquettes à être
mises en contact normalement sur la piste de freinage est de 0,45mm (cf. débattement du
vérin maxi de 2,8mm). Le fait que 1,4mm ont été usés alors que le débattement possible
est de 0,5mm, est dû aux réglages de la pince qui ont permis de reprendre le jeu et
poursuivre l?usure. En effet, changer la cote de compression n?éloigne ni ne rapproche les
garnitures de la piste de freinage mais influe sur le couple appliqué. Et la cote de garde
est maintenue à 30mm. Donc c?est le réglage de l?entrefer qui permet de rapprocher les
garnitures de la piste et de poursuivre leur usure. Une intervention sur l?entrefer n?a lieu
qu?au changement de garnitures (cf. notice ATV de réglage des pinces). Or l?exploitant a
changé les garnitures lundi après-midi mais également le mardi après-midi lorsqu?il les
nettoie et les toile, il doit nécessairement les sortir de leur emplacement puis les remettre
et nécessairement effectuer le réglage de l?entrefer. L?analyse pour F1 vaut également
pour F2.
Ainsi le réglage de l?entrefer au moment de la dépose et repose des garnitures ? par deux
fois, permet d?expliquer que l?usure des garnitures de F1 relevée à 1,4mm est largement
supérieure à l?usure qui serait permise par le jeu du vérin et sa mise en butée (0,45mm).
63
- La température atteinte par les garnitures
Les différents témoignages recueillis suite à l?accident font état d?un dégagement de
fumée et d?odeur de brûlé. Pour la garniture Cosid132, les odeurs de brûlé sont
identifiées à partir d?une température de 160°C environ et les composants organiques
commencent à brûler à 250°C. Un dépôt blanchâtre sur les côtés des garnitures est
visible sur au moins une plaquette du 2?jeu, signe d?une contrainte excessive, d?une
surchauffe locale.
Les traces noires sur les pistes de freinage sont dues Ã
une température localement excessive, à partir de
200°C sur la zone de contact (entre la piste et une
garniture).
Figure 64 - Traces noires sur une poulie
(similaires sur l?autre poulie) (photo BEA-TT)
Avant l?accident, Ã 13h45, les larges traces grises sur
la garniture du 2djeu sont également le signe d?une
surchauffe locale.
Après l?accident, les garnitures présentent des zones
claires sur leur tranche:
Figure 65 - Photo du 4 mars 2022 des garnitures impliquées dans l?accident (photo TMDFriction)
Figure 66 - Garniture en place (photo STRMTG du 19/10/2021)
Si latéralement sur un revêtement utilisé, on constate des zones claires, notamment au
niveau des rainures, on peut en déduire qu?un dégazage sous une charge thermique
élevée est à l?origine d?une telle dégradation. Or selon leur constructeur, les plaquettes de
frein qui ont été soumises à des températures supérieures à leur plage de température de
fonctionnement, sont susceptibles de voir leurs propriétés modifiées lors des freinages
ultérieurs en raison de la forte sollicitation thermique. Il se forme une couche de «haute
température» dans laquelle les composants de réticulation du mélange sont fondus et
détruits. La cohésion des autres éléments de friction du mélange est donc diminuée dans
cette zone de fusion. Selon l?importance de la charge thermique, la plaquette de frein peut
présenter un coefficient de friction légèrement différent (plus élevé ou plus faible) lors des
freinages suivants. Cette couche soumise aux contraintes s?use aussi plus rapidement.
En effet, l?usure d?une garniture dépend de l?énergie apportée sur une matière, et cette
énergie dépend entre autres de la force appliquée, de la durée de l?application des forces,
de la température, de la matière et de l?état des surfaces en contact, etc.
64
Après l?usure de cette couche soumise aux contraintes thermiques, la garniture de friction
présente à nouveau les mêmes propriétés qu?une garniture de friction rodée non soumise
à la température ? si l?exposition aux contraintes thermiques cesse.
La température à la surface de la garniture de friction diminue très rapidement en raison
de la convection et de la dissipation de chaleur. Mais la température interne, mesurée Ã
côté de la zone de friction, s?accumule en raison des freinages répétés. Le fabricant de
garnitures ne peut indiquer d?intervalle entre chaque freinage permettant de revenir à une
température normale de fonctionnement, cela dépend de l?énergie apportée: si l?énergie
augmente ou si le temps est plus court, l?énergie introduite et absorbée augmente
également, ce qui entraîne une usure plus importante.
Un léger contact constant peut entraîner un échauffement non maîtrisé de la piste de
freinage, qui s?ajoute à l?échauffement lors du test suivant et conduit à une température
finale plus élevée. Une estimation de la montée en température à chaque freinage par
F1MST ou F2MST en descente, vue la masse freinée, serait d?environ +50°C. La notice
ATV d?entretien de la pince ST3SH rappelle le risque d?échauffement anormal et la
vérification puis le remède associé.
Figure 67 - Extrait de la notice ATV des pinces ST3SH (source Poma)
À noter que la question du rodage des garnitures du 2?jeu s?est posée. Toutefois, les
capacités de celles-ci auraient dû s?améliorer au fur et à mesure des essais et non se
dégrader. Le fabricant indique que les plaquettes sont rodées lorsqu?environ 65-70% de
leur surface de friction a été sollicitée et que le nombre de freinages nécessaires pour
obtenir un rodage optimal doit être déterminé sur place.
De plus, on a supposé que l?installation avait atteint 15-16m/s lors de l?accident. Comme
la vitesse influe de façon importante sur les forces applicables (ces dernières dépendent
du carré de la vitesse), l?augmentation de la vitesse entraîne une augmentation des forces
applicables. Il faut garder en mémoire que les plaquettes de freins ont donc
nécessairement été soumises à des contraintes excessives lors de la forte montée en
vitesse.
Concernant le 1erjeu de garnitures, on observe des incrustations dans la surface
(cf.Figure 31 -). Elles correspondraient à ce qui s?appelle des ?poissons?, incrustations
dures et magnétiques, se formant par une combinaison d?eau et de températures élevées
? bien au-delà de 100°C. En raison de ce que l?on appelle les températures flash du
disque de frein, celui-ci est modifié à quelques endroits de sa structure métallique.
L?abrasion de ces endroits s?accumule dans des incrustations métalliques de la plaquette
(le revêtement Cosid132 ne contient aucun composant magnétique). Ces ?poissons? ne
modifient pas les propriétés de la plaquette, mais sont un indicateur de températures
élevées. Par la suite, ils provoquent des stries dans le disque de frein. Ces ?poissons? du
1erjeu de garnitures indiquent qu?une augmentation de température était déjà à l?oeuvre
lors des freinages qui ont précédé leur changement le 27/09/2021 après-midi. En
65
l?absence de données enregistrées (a minima vitesse, temps, freins commandés), nous
ne pourrons effectuer d?analyse sur la montée en température du 1er jeu de garnitures.
- Les types de garniture
La notice ATV de 1984 indique que la pince ST3SH peut être équipée soit de «garnitures
de friction (retombée en marche)» (prévue pour des freinages avec une vitesse de
frottement élevée) de référence ?2.04?, soit de «garnitures de friction (retombée Ã
l?arrêt)» (prévue pour des freinages avec une vitesse de frottement très faible, type freins
de «parking») de référence ?2.05?. C?est la garniture à retombée en marche qui a été
sélectionnée par le constructeur Poma pour l?usage sur le téléphérique de La Saulire. La
notice présente bien un seul type de pièce de rechange pour les garnitures de friction,
celle à retombée en marche, la garniture ?M?. Elle présente un effort de retenue de
105000N (frein d?urgence dynamique) supérieur à la valeur admissible issue de la note
de calcul initiale (9144N nécessaires). Selon le plan ATV (11257-28 versionA), la
garniture est de qualité «394», sans fournir d?autre précision.
Figure 68 - Garniture G95
conservée à La Saulire (photos S3V)
Figure 69 - Comparaison entre garnitures
Cosid132 (gauche) et G95 (droite) (photo expert judiciaire)
Différents types de garnitures de garnitures se sont succédé:
? Au départ en 1984, les plaquettes installées étaient de type «665» livrées par ATV Ã
Poma (fournies par Flertex). Puis de qualité «G95» livrées par ATV à Poma (fournies
par Soleda). Les bons de livraison indiquent cinq dates (13/02/1984, 3/12/1984,
13/09/1985, 22/06/2004, 19/05/2005).
? En 2010, lors de la modification, il n?y a pas d?enregistrement des références des
garnitures installées mais il s?agissait très probablement de garnitures issues de la
dernière livraison ATV à Poma du 19/05/2005: à retombée en marche, probablement
de type G95. Les huit garnitures de type G95 stockées par S3V présentent une mention
manuscrite rajoutée «06/19». Cela correspondrait à juin2019, mois de la Grande
Inspection et donc à leur date de dépose.
? En 2013, dans le rapport d?IA, il est tracé le fait que l?exploitant a remplacé peu avant
les plaquettes du frein F2. Leur référence n?est pas indiquée.
? À partir de novembre 2010, des plaquettes en Cosid132 sont livrées à S3V par ATV,
pour un total de 8jeux (paires) de plaquettes (la première commande de plaquettes
Cosid132 par S3V date du 18/11/2010). Mais c?est en 2019, lors de la Grande
Inspection, que S3V trace le fait que des plaquettes Cosid132 sont installées sur
LaSaulire. Elles resteront sur le téléphérique jusqu?au 27septembre2021. La
référence 11257-28/CO132/37-18 permet de s?assurer que ce sont les garnitures
en place sur La Saulire le 14juin2019 (installées lors de la grande inspection)
jusqu?au 27septembre2021.
66
? Un troisième jeu, de Cosid132, est présent sur l?établi de La Saulire mais dont l?usage
(date, durée, exposition au freinage) est inconnu.
? De ce fait, une hypothèse probable est qu?il n?y a pas eu de changement de plaquettes
depuis 2010 pour F1 et 2013 pour F2, et ce jusqu?en 2019.
? Les plaquettes impliquées dans l?accident sont déposées dans le cadre de l?expertise
judiciaire: ce sont des Cosid132. Et au cours des pré-essais, les plaquettes installées
sont bien de type Cosid132 (installées lors de la Grande Inspection).
? Dans le but de trouver un moyen d?exploiter en sécurité avec une seule cabine l?été,
S3V commande 4 jeux de type CR-2M en 2010 et 2013. De coefficient de friction
inférieur à la qualité 132, elles sont utilisées pour des essais de freinage avec une seule
cabine. Ces essais n?étant pas concluants, le STRMTG n?autorise pas une telle
exploitation de l?appareil et la société S3V renoncera au projet et à ce type de
plaquettes.
Indépendamment de leur date d?installation sur les freins, les garnitures ont été fournies et
livrées selon les circuits suivants:
? Ã partir de 1985 = type 665: Flertex ? ATV ? Poma ? S3V
? Ã partir d?une date inconnue = G95: Sauleda ? ATV ? Poma ? S3V
et une dernière facture en 2005 pour des G95 indique: Sauleda ? ATV ? S3V
? Ã partir du 18/11/2010 = Cosid132: TMDFriction ? ATV ? S3V
La qualité «132» des garnitures ATV est celle mise dans 80% de leurs applications.
En2010, sur la grande majorité de ses applications, ATV a remplacé les plaquettes par
des types Cosid132. Courchevel, avec le téléphérique de La Saulire, est leur seul client
connu de garnitures dans le domaine des remontées mécaniques. Les garnitures sont
achetées (entre 100 à 200 par an) à TMDFriction. ATV a sélectionné la garniture de type
Cosid132 comme plaquette standard pour ses caractéristiques en statique ainsi qu?en
usage dynamique d?urgence.
Cette garniture est constituée d?un mélange de matières qui, d?un point de vue
microscopique, sont inhomogènes en raison des différentes tailles de particules des
différents composants. Jusqu?à 25matières peuvent être présentes dans la composition
de la garniture. Sans pour autant révéler la formule chimique exacte, TMDFriction
communique les principales matières: charges telles que oxyde de magnésium, oxyde
d?aluminium, silicate d?aluminium, barytine de l?ordre de 60% en poids, caoutchouc et
accélérateur de l?ordre de 21% en poids, fibres comme la cellulose et la laine de roche de
l?ordre de 19% en poids, composés carbonés comme la suie et le coke de l?ordre de
1,5% en poids.
TMDFriction précise que les données figurant sur la fiche technique des plaquettes, et
notamment celles concernant le coefficient de friction, sont données à titre purement
indicatif, selon des méthodes de laboratoires internes, et ne peuvent en aucun cas être
garanties comme des valeurs spécifiques ni des valeurs limites. TMDFriction rappelle
ainsi à ses clients que la qualification de la compatibilité des plaquettes de freins avec des
applications spécifiques, nécessite des données ou des vérifications supplémentaires.
Toutes leurs courbes de coefficient de friction se réfèrent expressément à leur frein
d?essai.
67
Figure 70 - Fiche technique du produit de la garniture (source TMDFriction)
La société ATV a mené des essais pour la qualification des garnitures Cosid132 avant de
les proposer à son client S3V. En effet, en 2006, ATV a demandé à TMDFriction la
transmission d?échantillons de garnitures Cosid132. ATV a réalisé des essais sur les
garnitures Cosid132 et ceux-ci répondaient à ses attentes. ATV a informé TMDFriction
avoir même réalisé des essais comparatifs avec les produits de quatre différents
fabricants de garnitures. ATV indiquait que les garnitures Cosid132 avaient des résultats
"en général légèrement au-dessus de la moyenne". Les essais par ATV consistent à la
mise sur banc dynamique d?un lot de plaquettes, afin de réaliser une mesure d?effort de
freinage (couple).
- Les tests in situ sur les plaquettes
En février 1985, ATV écrit à Poma qu?ils ont constaté que «les 4pinces avaient une
épaisseur de garniture comprise entre 9 et 10mm ce qui indique qu?après deux mois
d?exploitation, plus la période d?essais et de réception où les freins ont été très sollicités
avec des freinages en charge, les garnitures ne se sont pratiquement pas usées puisque
l?épaisseur initiale est de 10mm».
En avril1985, il a été réalisé plus de 200freinages pendant 7heures au bout desquels il
n?a pas été constaté d?usure des garnitures. Toutefois, le document n?indique pas qui les a
réalisés et comment, ni la référence des garnitures utilisées.
68
En septembre2010, lors de la mise en place de la modification, de très nombreux essais
de freinage dans le point de plus forte pente ont été réalisés pour les essais du maître
d?oeuvre puis des essais ont également été réalisés avec le service de contrôle. Aucune
usure particulière n?a été constatée par le maître d?oeuvre DCSA. Il devait ici s?agir
nécessairement des garnitures G95 ? les garnitures ne pouvaient être des Cosid132
puisque les premières ont été commandées par S3V à ATV en novembre2010.
Des essais d?IA ont eu lieu pendant 6ans probablement sans changement des plaquettes
G95. La mise en place des Cosid132 est certaine en juin2019. Hors inspections
annuelles, le nombre de freinages n?est pas connu, y compris à forte charge.
On a observé précédemment une diminution des temps de freinage lors des inspections
annuelles à partir de 2019. En les corrélant avec les valeurs des cotes de réglages
relevées lors de ces IA (cote de garde et cotes de compression), il n?est possible de tirer
de conclusion que pour le frein F1 en 2019. En effet, la cote de compression varie de
1mm pour F1P1. Or l?effort varie de 1500N selon les calculs du STRMTG35: le temps
diminue avec un effort moindre sur F1P1. Dans l?hypothèse où l?entrefer est toujours réglé
de la même manière, on pourrait dire que la garniture de type Cosid132 se freinait plus
fort que ses prédécesseures ? probablement aux dépens du coefficient de friction et de
l?usure.
Les autres variations de cote peuvent expliquer ? partiellement ? l?amélioration des temps
de freinage: par exemple en 2019, F2 donne un peu plus d?effort et le temps de freinage
est bien meilleur. Il n?est pas possible de déterminer la part de l?efficacité de la garniture
Cosid132 dans cette amélioration.
- Le produit Berner
Selon les témoignages, le mardi 28septembre2021, il est procédé au nettoyage des
pistes de freinage et de l?ensemble des garnitures (2djeu) avec le produit Berner.
En 2013, un problème de couple de freinage a été diagnostiqué par AixHydro comme
étant liée à l?utilisation de ce liquide nettoyant pour freins. AixHydro avait alors précisé
d?utiliser le dégraissant recommandé par ATV et non le Berner, dans la conclusion de son
compte rendu d?intervention transmis à Seirel: «Le fait d?apporter du couple aux pinces
n?apporte rien. Il y a un problème d?adhérence des plaquettes sur le disque. Le disque a
été nettoyé au printemps avec un nettoyant frein Berner. Ces produits ne sont pas faits
pour nettoyer des freins lents. Ils laissent un film gras qui sur une voiture est éliminé par la
montée en température forte et rapide des disques lors d?un freinage appuyé. Sur un
disque lent, cette combustion ne se produit pas et l?adhérence des plaquettes s?en trouve
fortement affectée. Il est donc nécessaire de nettoyer les pistes avec un produit adapté et
de remplacer les plaquettes par des neuves pour repartir avec le bon coefficient de
friction». Et Aix Hydro précise à Seirel en octobre2013: «ATV préconise l?utilisation de:
CRCKF dégraissant séchage rapide. Le produit existe en bombe ou en bidon de 5litres.
2applications avec essuyage chiffon propre. Ou alors au trichloréthylène, mais ce n?est
normalement plus autorisé. Changer absolument les plaquettes APRES nettoyage du
disque».
Il n?a pas été trouvé trace d?une transmission à l?exploitant de ce compte rendu.
Le fabriquant TMDFriction quant à lui déconseille par principe l?utilisation de nettoyants
pour freins pour nettoyer les plaquettes de frein.
Afin de vérifier l?impact du produit Berner, il a été demandé au CETIM de réaliser des
essais sur des plaquettes après dégraissage au nettoyant de frein Berner et séchage
35 Les valeurs pour F1P1 ont également été calculées par le STRMTG, de la même façon que pour F2P2 et
les valeurs sont 15625N Ã une cote de garde de 30mm et 14111N Ã 29mm.
69
simple de 2heures. Les performances mesurées sont similaires aux performances des
plaquettes pour lesquelles il n?y a pas eu d?application de Berner.
À noter que le liquide nettoyant pour freins Berner possède une date de péremption et
des consignes de températures de conservation: la première n?a pas été identifiée et les
secondes doivent être comprises entre +5° et +25°C. Or la machinerie où le stock de
bidons Berner est stocké subit des températures hivernales, n?étant pas chauffé. Bien que
ne connaissant pas la température de solidification du Berner, on peut supposer que
l?exploitant se serait rendu compte si les bidons avaient gelé. Par contre, les
caractéristiques et les propriétés du produit ont pu être modifiées. Une interrogation sur le
suivi des contraintes exportées de liquides sensibles peut également se poser. En outre,
le CETIM a effectué ses tests avec du Berner ??neuf?? et non avec celui stocké dans la
machinerie, interrogeant la représentativité des essais.
Enfin, l?application d?un produit sur les garnitures et les pistes de freinage induirait plutôt
des freinages longs juste après son application puis une amélioration du freinage au fur et
à mesure de sa vaporisation. Ce qui pourrait expliquer les alarmes de l?automate pour les
tests réalisés après le nettoyage le 28/09/2021. Mais pour le matin de l?accident, les
temps de freinage sont très courts en F1 à la descente (10,6secondes) puis augmentent
au fur et à mesure, à l?opposé de l?effet que pourrait donner le Berner. Cette hypothèse
d?un impact du produit Berner sur la dégradation des capacités de freinage pendant la
matinée du 29/09/2021 conduisant à l?accident semble improbable.
- Les comparaisons des caractéristiques des différentes garnitures par le CETIM
Des essais ont été réalisés par le CETIM sur des échantillons de: G95, Cosid132
neuves, Cosid132 du 1er jeu, Cosid132 de l?accident (2d jeu). Il s?agissait d?examens
micrographiques, de microanalyses, de spectroscopie infrarouge, de chromatographie
gazeuse et d?essais tribologiques sur un banc d?essai. Les graphes ci-dessous présentent
les résultats sur le taux d?usure, la température atteinte et le coefficient de friction obtenu.
Figure 71 - Résultats obtenus sur banc d?essai avec 4 types de garnitures à 5, 8 et 11m/s (source CETIM)
Les analyses effectuées sur les 6plaquettes mettent en évidence que toutes les
plaquettes sont de même nature et constituées de carbone, oxygène, magnésium,
70
aluminium, silicium et soufre en éléments majeurs, de baryum et de calcium en faible
teneur, et de zinc, de sodium, de potassium et de fer en faible teneur ou en traces.
Aucune différence de nature, ni aucune pollution, n?ont été mises en évidence par les
analyses directes sur les plaquettes.
En synthèse, le coefficient de friction est peu dépendant de la vitesse, du type et de l?état
des plaquettes. On note néanmoins des coefficients légèrement plus faibles pour la
plaquette de référence G95. Les vitesses d?usure étant très faible (<10?m/s), il est
considéré que l?influence du type et de l?état des plaquettes est négligeable. On notera
néanmoins des valeurs légèrement supérieures pour la plaquette de référence G95. Il n?y
a donc pas de différence significative dans le comportement tribologique (frottement,
usure et température de contact) entre les différentes plaquettes, ni en fonction de leur
état (brute, décapée, dégraissée).
Toutefois, les traces de surchauffe présentées précédemment remettent en question la
représentativité des résultats du CETIM par rapport au système réel: la température
maximale observée à 2MPa est de 48°C sur des essais de 65secondes alors que les
températures réelles rencontrées avant même l?accident sont a minima de 160°C. De
plus, le taux d?usure est en moyenne de 2microns selon les résultats du CETIM. Or
lorsque F1P1 passe de 121,1mm (9h23) à 122mm (vers 10h30), seuls un F1 modulé
(quasi à 100%) en descente de 11secondes et un F1 plein couple en descente de
12secondes ont été réalisés ? en ce qui concerne le F1. L?usure pour une garniture est
de 150microns ((122-121,1mm)/3 pour 2garnitures) donc le taux d?usure est de
150µm/23s = 6,5µm/s ce qui est 3fois plus important que les résultats du CETIM.
3.10.3 - Une hypothèse explorée
Sur ce téléphérique de La Saulire, les deux seuls changements notables sont la
modification de 2010 (donc suivie de 10inspections annuelles conclusives) et le
changement de type de garnitures en juin 2019. Malgré l?absence de traçabilité, nous
considérons probable que les premières garnitures Cosid132 ont été installées en 2019
après la Grande Inspection. En effet, l?installation des Cosid132 a été bien tracée en
2019 par l?exploitant et sur les G95 a été apposée la mention "06/2019" au dos,
probablement inscrite au moment de la dépose.
Les essais en 1984 et en 2010 avec d?autres types de garniture indiquent que leur usure
était très faible. Pour présenter une usure allant jusqu?à 1,4mm, le taux d?usure des
garnitures Cosid132 doit être largement supérieur aux quelques microns par seconde
mesurés par le CETIM. Ceci est très probablement dû aux températures subies par les
garnitures. Les constats physiques permettent d?estimer que les garnitures ont atteint des
températures d?au moins 160°C, voire localement un minimum de 200°C.
Le coefficient de friction en a certainement été impacté. Il dépend non seulement de la
garniture de frein en elle-même mais également du disque de frein et de la rugosité de la
surface, de la pression, de la vitesse, de la température, etc. C?est une force créée par
l?interaction de deux surfaces en contact qui glissent l?une sur l?autre et qui s?oppose au
mouvement. Il est donc impossible d?indiquer un coefficient de friction précis pour une
matière sans connaître la matière de la surface avec laquelle elle interagit ni le système
de freinage dans sa globalité. La valeur du fournisseur est indicative et le test du CETIM
sur son banc d?essai ne garantit pas la valeur du coefficient sur La Saulire.
Or il n?y a pas eu de vérification du comportement des garnitures de remplacement de la
G95 en rapport avec le téléphérique de La Saulire, tel qu?on peut le rencontrer en
homologation routière pour les plaquettes dites de ??remplacement?? ou homologation
ferroviaire. Il n?a pas été retrouvé trace de test réalisé in situ (alors que des tests ont été
réalisés et tracés avec la garniture CR-2M pour vérifier la faisabilité de l?exploitation en
cabine seule ? dans le cadre d?une demande par S3V auprès du STRMTG). Nous
71
n?avons pas de garantie quant au comportement des Cosid132 sur le système de frein de
La Saulire. C?est pourquoi nous émettons l?hypothèse d?une probable inadéquation de la
garniture Cosid132 avec le système de frein de La Saulire.
Au moment du changement du type de garnitures, des essais et mesures auraient permis
de quantifier l?efficacité des nouvelles garnitures, de vérifier à quel rythme elles s?usent et
ainsi pouvoir faire évoluer le processus de vérification régulière et de réglage des freins.
3.10.4 - Des éléments de clarification et autre hypothèse moins probable
- Usure du 1er jeu de garnitures
Les Cosid132 ont été mises en place sur les freins F1 et F2 de La Saulire en 2019. Elles
ont subi l?inspection annuelle de 2019 et celle de 2020, et possiblement quelques arrêts
en exploitation (probablement pas en pleine charge ni à la vitesse maximale):
? les rapports IA de 2019 et 2020 ne mentionnent pas de réglages ou de tests répétés
pour obtenir les temps corrects: on suppose qu?il n?y a eu que peu de freinages plein
couple à la descente (un de chaque frein à chaque IA, donc au total 2 F1 et 2 F2);
? l?exploitation était réduite du fait des restrictions sanitaires dues à l?épidémie de Covid
et globalement, l?usage du F2 est très rare en exploitation.
Le 27septembre2021, ces garnitures émettent une odeur de brûlé et sont comme
glacées avec des incrustations métalliques, preuve d?une augmentation locale de
température (mini 160°C). Les usures des garnitures du 1erjeu présentent une usure
oblique pour quatre d?entre elles. L?usure la plus importante de celles observées y compris
post-accident n?a pas trouvé d?explication à ce jour.
N?ayant pas de mesure d?épaisseur faite en 2019 et 2020, nous ne pouvons qu?avoir un
doute raisonnable sur le fait les garnitures Cosid132 se seraient usées différemment que
les G95 dans le système de freinage et qu?on aurait pu être sur la "sellette" pendant deux
ans sans s?en rendre compte.
- Déséquilibre entre les pinces d?un même frein
Le graphe d?AixHydro indique une dissymétrie entre la pince F2P1 et F2P2. Cette
dissymétrie de l?effort de freinage induit une sursollicitation de F2P1 aux dépens de F2P2.
Les efforts devaient donc être absorbés en grande partie par la pince F2P1 lors d?un
freinage: les garnitures équipant cette pince la plus contrainte s?échauffent plus que
celles de l?autre pince. Elles subissent une usure accrue en raison de cette charge
thermique anormalement élevée, tant que la couche endommagée est présente. Par la
suite, quand F2P1 atteindra la butée à force d?usure de ses garnitures, ce sera au tour
des garnitures de F2P2 de supporter la majorité des contraintes de freinage et de subir, Ã
leur tour un échauffement et donc une usure importante. Pendant ce temps, le frein F2P1
en butée sera en léchage par rapport à la piste de freinage. Il n?y a alors plus d?effort sur
cette pince de frein en butée. Un tel contact "caressant" entraîne une augmentation de la
température des garnitures.
Pour les freins F1, le témoignage du chef de secteur qui vers 10h30, en descendant la
première fois en machinerie pour régler l?empilement, trouve F1P1 à 122mm au lieu de
121,1mm à 9h23, indique que cette pince encaisse une partie de l?effort. Ce
déséquilibre est confirmé par les premiers constats où il restait 0,4mm de marge à la
pince F1P2. Toutefois la raison n?a pas pu être déterminée ? a minima, pas par un
déséquilibre au niveau de la pression/débattement.
La fragilité de cette hypothèse repose également sur le fait que nous n?identifions pas la
cause et la date de début de ce déséquilibre entre les pinces de F2.
72
3.11 - Les investigations sur les facteurs humains et organisationnels
La particularité de cet événement est qu?il concerne un groupe, en tant que somme
d?individus.
Nous ne recherchons pas ici qui aurait détenu l?autorité au sein de ce groupe pour stopper
les essais mais comment améliorer et éviter la reproduction d?un tel accident.
L?objectif est bien de comprendre pourquoi ces cinq personnes ont agi d?une telle façon
dans une situation qui va conduire à un accident, alors que leurs connaissances et leurs
compétences les rend chacun aptes à connaître les risques et détecter des situations
dangereuses sur ce type d?installation. Et de déterminer si des facteurs organisationnels
ont contribué également à l?accident.
3.11.1 - Le rôle du technicien d?inspection annuelle et le rôle de l?exploitant
Nous rappelons ici en préambule le guide RM1 du STRMTG «Exploitation, modification
et maintenance des téléphériques» explicitant l?arrêté du 7août2009: «Les essais de
frein dans les différents cas de charge et les inspections des dispositifs de sécurité
doivent être réalisés selon une procédure pré-établie et donner lieu à l?établissement d?un
procès-verbal d?essais. [?] Ces vérifications sont faites sous le contrôle du Technicien
d?Inspection Annuelle.»
En outre, TranscableHalec a formalisé son intervention en IA par une fiche mission,
fournie à la fin de l?acte d?engagement soumis à S3V lors de la consultation de 2018.
Cette fiche mission détaille entre autres le contenu des vérifications à réaliser par le TIA
(liste des essais, examens, relevés et vérifications à effectuer). Les vérifications du TIA
consistent principalement en la réalisation des essais et en un contrôle des valeurs
obtenues pour se conformer à la réglementation. Parmi la liste, seul l?«examen visuel des
freins et de leurs garnitures avec manoeuvre à l?arrêt et vérification des courses» n?a pas
été mentionné dans les témoignages excepté la mesure des deux cotes des freins.
Il est précisé dans la suite de la fiche que «Les vérifications sont effectuées dans la
configuration d?utilisation dans laquelle l?appareil est présenté. Les examens, mesures
effectués et les essais suivis sont ceux réalisables: ? sans démontage; ? sans
intervention nécessitant la modification ou le déréglage des circuits ou dispositifs de
sécurité; en utilisant les accès permanents ou spécialement aménagés, appropriés et
conformes à la réglementation.».
La fiche mission précise également les dispositions à prendre par le client (l?exploitant):
«Une personne compétente connaissant bien les installations, possédant les habilitations
électriques nécessaires et habilitée à la conduite de l?appareil sera désignée pour
accompagner l?intervenant Transcable Halec. Le client conserve la direction et la
responsabilité des installations et équipements sur lesquels Transcable Halec est appelé
à intervenir» et «la conduite des installations est sous la responsabilité du client qui
assurera lui-même les manoeuvres nécessaires».
Cela est corroboré par le SGS (système de gestion de la sécurité) de l?exploitant qui «a
pour objet d?une part, de décrire l?organisation mise en place par l?exploitant pour exploiter
et maintenir les installations, d?autre part, de démontrer sa capacité à maîtriser les risques
et à assurer une gestion sûre de ses installations».
Lors de l?IA de La Saulire, en se basant sur les différents témoignages, le jeu d?acteurs
entre les cinq personnes présentes peut être identifié comme suit:
? le TIA est dans un rôle de prise de mesures: il demande de réaliser les essais, en
suivant la procédure d?Inspection Annuelle, relève les données, il juge les temps de
freinage obtenus et selon, demande des modifications de réglage. Ultérieurement, il
aurait rédigé un rapport avec ses conclusions à destination de l?exploitant.
73
? le conducteur répond aux demandes du TIA et se place dans un rôle d?exécutant des
essais demandés, il effectue des réglages du couple si besoin.
? le responsable d?IA ? ici le chef de secteur Remontées Mécaniques Ouest ? est dans
un rôle de réglage de l?appareil et d?observation globale du déroulement.
? l?électricien est dans un rôle d?exécutant en attente de sollicitations très spécifiques et
ponctuelles.
? le technicien du STRMTG est dans un rôle d?observateur du TIA (évaluation des
pratiques) et d?observateur des résultats d?essais de cette installation.
L?objectif du groupe lors de l?IA est la réalisation des essais et l?obtention de temps de
freinage acceptables à la descente pour engager les essais à la montée. On constate que
la sécurité de l?installation au cours de l?inspection annuelle n?est pas surveillée par une
personne/entité identifiée, avec un manque de clarté entre le rôle du TIA et le rôle de
l?exploitant.
Concernant le positionnement physique de chacun dans le poste de pilotage du
téléphérique, tous les témoignages indiquent que: le TIA est à gauche avec son outil
branché sur une platine dédiée dans l?armoire de commande, le conducteur est au
pupitre, le chef de secteur RM à proximité du conducteur, le responsable électrique
derrière vers l?armoire électrique, l?agent du STRMTG observe depuis un angle de la
pièce.
Figure 72 - Reconstitution dans le poste de pilotage du téléphérique:
position du TIA (Ã gauche)
et du conducteur (Ã droite) (photo S3V)
Figure 73 - Écrans (en haut du TIA
et en bas du conducteur)
(photos S3V)
Sur son écran, le TIA peut visualiser les essais sous forme de courbes ? celles exposées
en amont dans ce rapport. Elles lui permettent d?interpréter l?essai et de le valider ou non.
Ces données lui sont ainsi nécessaires pour la réalisation de l?IA puis la rédaction de son
rapport incluant ses conclusions de l?IA, tel qu?en 2020 dans le rapport de
TranscableHalec sur l?IA de La Saulire: «Les résultats des essais et vérifications sont
satisfaisants. L?appareil peut assurer normalement son service, sous réserve d?obligations
techniques ou administratives dont nous n?aurions pas eu connaissance.»
De son côté, le conducteur dispose sur son poste d?un affichage permettant de visualiser
la courbe de freinage de l?essai (cf. photo ci-dessus). Il dispose de la courbe de vitesse, de
la courbe de contrôle de la décélération de l?essai, des mêmes données (heure de début
de l?essai, heure de fin, durée, distance d?arrêt, gamma de décélération) que le TIA et des
derniers défauts enregistrés par l?automate, affichés en bas de son écran. Ces défauts
74
sont également visibles, derrière, sur l?écran en façade de l?armoire de l?automate
(cf.Figure 11 -).
Ainsi, les courbes telles que nous avons pu les observer précédemment sont visibles au
fur et à mesure, sur l?écran du TIA ainsi que sur celui du conducteur.
3.11.2 - La détection d?une situation à risque
- Au cours de la matinée du 29 septembre 2021
Le moment de rupture dans la succession d?actions du 29/09/2021 est le lancement du
test F2MST à 12h10: à partir de là , la situation ne peut plus être rattrapée (comme nous
l?avons vu précédemment, F1 et F2 sont déjà en dessous de leurs capacités).
L?absence d?objection ? et même de doute ? par les 5 participants quant au lancement de
cet essai repose sur deux défaillances humaines antérieures: celle de la saisie
d?informations et celle du diagnostic de la situation36. Ces défaillances induiront
nécessairement la défaillance du pronostic, ainsi que celle de la décision d?engagement
de l?essai et des tentatives de rattrapage.
? Les défaillances au niveau de la saisie d?informations concernent l?absence de
lecture de certaines informations, Ã savoir:
? La lecture des graphes sur l?ordinateur du TIA ou sur l?écran du conducteur, pour au
moins les deux essais caducs précédant celui de l?accident. Sur la courbe de 11h23,
il est visible que le F1 s?est ouvert environ 4secondes après son application. Ce
dernier n?était donc pas assez efficace. Pour l?essai de 11h59, le F1 insuffisant ?
s?est ouvert pour permettre l?entrée en action du F2 ?. Le freinage du frein d?urgence
était alors en valeur inférieure à la limite réglementaire et s?était dégradé en
comparaison de l?essai précédent. Un cumul des deux freins est même nécessaire
pour arrêter la cabine ?.
Figure 74 - Essai de 11h59, dernier essai avant celui fatidique de 12h10
? La lecture des alarmes affichées sur la console de l?automate à la vue de tous et qui
nécessitaient un acquittement avant qu?il ne soit possible de relancer de nouvelles
séquences d?essais. Notamment la présence du défaut sur la supervision «F2M ?
contrôle décélération frein de service DTCx» à 11h22 et 11h59 indique que le
système est défaillant (F2 nécessaire pour aider F1): il aurait dû être lu et compris
par l?agent ayant acquitté ce défaut. A minima une discussion avec les autres
36 Pierre Van Eslande. L?erreur humaine dans les scénarios d?accident cause ou conséquence?
RechercheTransportsSécurité n°66, Janvier-Mars 2000
75
intervenants voire une action aurait dû être prise avant d?acquitter le défaut. Tous
connaissent le fonctionnement d?un automate, les défauts sont acquittés et aucun ne
s?interroge sur les implications de ces alertes/défauts.
? Le réglage de l?entrefer n?est pas évoqué dans les témoignages, interrogeant quant Ã
son réglage (ou son absence de réglage surtout) au cours des essais.
? Une information leur a totalement échappé: les témoignages indiquent que tous sont
persuadés que le F2 n?a pas ou peu été sollicité au cours de l?IA. Confirmant le fait
que les courbes n?ont pas été suffisamment observées ni que fut identifié le défaut
?temps d?arrêt trop long?? lors de l?essai précédent, c?est également une erreur de
diagnostic qui conduit à l?accident. En effet, puisque le F2 est censé avoir été peu
sollicité de la journée, ni réglé, il doit être efficace ? moyennant le doute de
l?exploitant qui s?interroge quant à son réglage. Il n?y a donc pas eu de perception du
F2 défaillant.
? Il n?est pas effectué de vérification quant à l?état des garnitures ni leur épaisseur
malgré l?odeur et les réglages de cotes.
? La saisie d?information est clairement focalisée sur l?obtention des temps de freinage
adéquats et sur les réglages pour améliorer ces temps par rapport aux attendus.
Toutefois, l?Inspection Annuelle est reportée parce que les temps de freinage à la
descente ne sont pas dans la fourchette attendue et ne permettront pas des essais en
sécurité à la montée.
Afin de tenter d?expliquer comment des individus ayant des connaissances sur un tel
appareil ? et loin d?être novices dans le domaine ? sont passés à côté de ces
informations, nous émettons l?hypothèse d?un cumul de facteurs humains: une
concurrence d?attention (leur préoccupation principale est d?obtenir des valeurs de
temps et ne prêtent pas attention aux autres informations), un biais d?habitude
(rappelons que cette installation est connue des intervenants pour freiner très fort et
être délicate à régler; les émissions d?odeur de freinage ne sont pas inhabituelles lors
d?IA) et une perte de repères du fait du téléphérique passant rapidement d?une situation
où il freine trop fort et donc les essais plein couple à la montée ne sont pas engagés
parce que risqués, à une situation où le téléphérique ne freine pas assez.
? Les défaillances au niveau du diagnostic porté sur la situation concernent
l?absence de réflexion quant au risque encouru:
? Tout d?abord, la conséquence des points précédents sur les défaillances de saisie
des informations induit nécessairement la réduction voire l?absence de
questionnements pouvant conduire à un diagnostic de la situation. Ces informations
non saisies n?ont donc pas pu leur ?mettre la puce à l?oreille? et enclencher une
réflexion au sein du groupe. En effet, il n?est pas fait mention par les agents présents
qu?ils se soient auto-restreints ou limités, ou aient été limités par leurs pairs, dans
l?expression d?un sentiment de danger.
? Certaines informations ont bien été saisies par les personnes présentes: une odeur
de brûlé importante jugée plus ou moins habituelle, des dépôts noirs revenus sur la
piste de freinage, le temps de freinage ne variant pas (19secondes ? entre 11h23
et 11h59) alors que l?empilement des rondelles des pinces de F1 est remis comme
initialement. Cela n?a pas provoqué de réflexion des participants et une interprétation
de ces données n?a pas été réalisée.
? Le diagnostic est biaisé par le fait que la situation de départ présente des conditions
initiales non identifiées ou inconnues/incomprises des acteurs: la course maximale
possible de la pince permise par les réglages (butée) et le changement du type de
garniture (G95 vers Cosid132).
76
La problématique ici repose sur la non-perception du danger via les anomalies de
comportement de l?installation par les participants (aucun doute n?a été mentionné dans
les témoignages, aucune hésitation ou auto-censure ? puisqu?on prend évidemment pour
acquis qu?aucun d?entre eux n?aurait laissé le téléphérique aller à sa perte).
Le groupe est en recherche d?une solution à un problème mais pas de recherche (donc
pas d?analyse et encore moins de résolution) d?un second problème plus important in fine.
La question de la sécurité ne se pose pas.
Attention, il n?est pas normal que de nombreux réglages de freins soient demandés et
réalisés lors d?une IA. Cela sous-entend que l?appareil n?est pas prêt. Pour rappel, l?IA est,
selon l?article45 de l?arrêté du 7août2009, une vérification par une personne
indépendante et agréée (TIA) des capacités de l?installation. Et modifier un couple de
freinage a un impact important. De plus, les essais ayant eu lieu avant les réglages
devraient être refaits puisque l?état de l?installation a évolué.
- Au cours des pré-essais du 27 et 28 septembre 2021
En amont de l?IA, les pré-essais réalisés afin d?effectuer des réglages de l?appareil et de
vérifier ses temps de freinage, sont émaillés d?incidents: une odeur de brûlé, la piste de
freinage qui chauffe puis les pistes qui présentent des dépôts noirs et les garnitures du
2djeu (neuf), qui voient leur surface se glacer.
Ces informations ont bien été saisies par les agents de S3V. Toutefois, comme des
corrections sont apportées et qu?elles sont conclusives (plus d?odeur, plus de dépôt noir,
certainement des temps de freinage satisfaisants), l?analyse de la situation n?est pas
poussée plus loin37. Étant donné l?absence d?information quant à l?évolution des
plaquettes, la non perception de la possible mise en butée, l?absence d?enregistrements
vitesse/temps et la supposée correction du problème des plaquettes, il n?y a pas eu de
détection d?une situation pouvant présenter un risque. Et donc l?inspection annuelle est
maintenue pour le lendemain.
Ignorant les valeurs de réglages des cotes le lundi et mardi, et sans graphes des essais
réalisés, il n?est pas possible de connaître le comportement de l?installation, d?identifier
des précurseurs et de ce fait, mener une analyse d?évitabilité est malheureusement ici
irréalisable.
En conclusion, on constate des défaillances au niveau de la saisie d?informations
notamment l?absence de lecture de certaines informations, défaillances qui impactent
pour partie les défaillances au niveau du diagnostic porté sur la situation et l?absence de
réflexion quant au risque encouru. L?accident aurait pu être évité mais ces défaillances ne
sont pas la cause de l?événement, elles y contribuent en n?ayant pas pu empêcher le
lancement de l?essai fatidique. Ceci conduit à qualifier ces facteurs humains comme
contributifs et à identifier un facteur organisationnel concernant la gestion de la sécurité
au cours d?une inspection annuelle.
3.11.3 - Les processus de maintenance, la traçabilité des produits et la gestion
documentaire
En préalable, il est à noter que la notice générale de réglages et entretien qui est en
possession de S3V au moment de l?accident, est celle du téléphérique de Vaujany. Or les
freins y sont très différents de La Saulire, il est évident que les pages correspondant Ã
l?entretien et réglages des pinces et des garnitures ne sont pas adéquates. La notice des
37 Étant donné la complexité de l?analyse post accident, nous jugeons cette réaction compréhensible.
77
pinces ST3SH est un autre document à part chez S3V, qui a indiqué n?avoir jamais été en
possession d?une notice générale de LaSaulire. Le manuel global dédié à LaSaulire,
daté de mars1987, a toutefois été transmis par Poma aux services de contrôle
(STRMTG) dans le cadre de la mise en service de l?appareil.
Plusieurs notices de la pince ont été présentées par les différentes parties au cours des
investigations: estampillée Poma ou pas, nous n?avons pas observé de gestion des
indices selon les évolutions (mineures) de la notice.
Concernant le stockage des plaquettes au magasin ou à la machinerie de La Saulire, la
différence va résider dans les températures subies: le magasin se trouve dans un
bâtiment chauffé regroupant tous les services techniques de S3V (serrurerie, magasin,
garage d?entretien des véhicules, etc.). La machinerie de La Saulire quant à elle, est
située dans la gare inférieure motrice à 2077m d?altitude et n?est pas chauffée. Cela peut
avoir un impact sur les produits (Berner, garnitures?).
Ensuite, il a été constaté l?absence de traçabilité des références des garnitures montées
sur l?installation avant 2019 puis que cela a été amélioré à partir de la grande inspection
de 2019. Cela ne permet pas d?être formel sur la chronologie de leurs mises en place et
durée de vie ? dans le cadre de l?enquête. De plus, cette absence de suivi par l?exploitant
de ses consommables entrants et de ce qui est mis en place entraîne une
méconnaissance de la réaction de son installation, ni d?une évolution possible.
Heureusement la confusion avec d?autres freins d?autres téléportés de la station de
Courchevel n?est pas possible étant donné la spécificité géométrique de ces plaquettes.
Nous attirons par ailleurs l?attention sur le risque de tomber sur un lot défectueux lors d?un
changement de 8plaquettes en même temps. Il n?a pas été retrouvé de consigne écrite
du constructeur (du téléphérique ou des garnitures) à ce sujet. Aujourd?hui, les
constructeurs de téléphériques déconseilleraient de changer les garnitures toutes en
même temps.
De plus, le changement de fournisseur et de produit a été réalisé sans suivi ni contrôle ni
qualification du nouveau produit. Les garnitures sont traitées comme un consommable ou
une pièce d?usure mais pas de sécurité. Pour autant, elles participent activement au
maintien du niveau de sécurité de l?installation.
Par ailleurs, les contrôles mensuels sont bien effectués par l?exploitant, en conformité
avec l?article42 de l?arrêté du 7août2009. Les valeurs des temps d?arrêt à vitesse
nominale des véhicules (à vide) sont enregistrées sur le registre de LaSaulire. Les agents
font une lecture directe sur l?outil Supreme pour noter les temps obtenus. Ils font aussi
une vérification physique sur les pinces de frein: cote garde, état des plaquettes, absence
de fuite, libre rotation des axes, etc. Comme LaSaulire n?a pas été exploitée durant l?hiver
2020/2021 du fait des restrictions sanitaires, les tests mensuels de cet hiver-là n?ont pas
été faits. Les dernières valeurs des temps d?arrêt sont donc:
? Décembre 2020 = F1 à 11,1s et F2 à 14,5s (en montée à x=230m).
? Mai 2021 = F1 à 11,1s et F2 à 14,0s (en descente à x=1490m).
? Juillet 2021 = F1 à 11,2s et F2 à 14,3s (en montée à x=230m).
? Août 2021 = F1 à 11,8s et F2 à 8,8s (en montée à x=230m).
Ces valeurs sont très proches ? excepté le F2 d?août 2021. Mais comme les cotes de
compression des pinces ne sont pas notées, il n?y aura pas de conclusion possible
concernant ces temps.
Lors de l?Inspection Annuelle, les réglages sur les organes de sécurité que sont les pinces
de frein ne sont pas notés de façon contradictoire après chaque modification des cotes.
De plus, les témoignages ne sont pas concordants quant au moyen de lancement des
78
essais (via ordinateur ou bouton-poussoir). Il n?existe pas de documentation ou de notice
à destination de l?exploitant ou du TIA décrivant ce fonctionnement.
Le jeu entre la piste de freinage et la garniture des plaquettes doit être vérifié
régulièrement conformément à la notice, que cela soit en fonctionnement normal ou
durant les essais réglementaires qui sollicitent fortement les garnitures, afin que
l?efficacité de freinage soit toujours assurée. Ce contrôle n?a jamais fait l?objet de relevé, y
compris lors de la rénovation de 2010.
Il s?est avéré impossible de mettre les plaquettes et garnitures parallèles à la piste de
freinage, ne permettant pas une prise de mesure fiable des cotes.
Or, la vérification de ce jeu aux pré-essais et essais de septembre 2021, a minima la
reprise de la cote, aurait permis à S3V de retrouver un jeu correct et s?assurer de
l?efficacité des freins, et la perception d?une possible usure rapide des garnitures.
Enfin, l?ensemble de ces observations sur la traçabilité perfectible, le stockage des
plaquettes et la gestion de ces stocks, la vérification du jeu entre piste et plaquettes,
s?applique aux agents d?exploitation sur le terrain mais également à l?encadrement, dans
son rôle de second regard. Le Système de Gestion de la Sécurité (SGS) de S3V en
précise les grandes lignes dans son chapitre concernant le dispositif permanent de
contrôle et d?évaluation du niveau de sécurité.
79
3.12 - L?autre téléphérique français aux pinces de freins identiques: le
téléphérique de Chantemerle à Serre-Chevalier
Également construit en 1984, ce téléphérique de Chantemerle est un téléphérique bicâble
à va-et-vient. D?une longueur de 2313m et de dénivelé de 576m, sa pente moyenne est
de 25,75% et sa pente maximale de 53%. Il possède 5pylônes. Le téléphérique est
équipé de deux cabines pouvant accueillir 40personnes debout et 1cabinier. Le modèle
de frein est ST3SH suivant le plan ATV de référence 11786, donc des pinces identiques Ã
celles de LaSaulire mais avec un empilage de 13rondelles de 6mm.
Suite à l?accident de LaSaulire, le STRMTG a effectué une
visite technique au téléphérique de Chantemerle. Il a constaté
que l?écrou de précontrainte des rondelles ressort est
pratiquement en butée sur l?extrémité du bras. La longueur de
sortie de tige du vérin a été mesurée sur site à l?aide d?un
réglet: pour le frein F2, la sortie de tige est d?environ 30mm et
pour le frein F1, d?environ 27,2mm. Ainsi selon le plan ATV, la
course encore disponible avant que le frein soit en butée
mécanique est de 2,9mm pour le frein F2 et 0,1mm pour le
frein F1.
Figure 75 - Écrou de précontrainte et limite de course sur une pince
du frein F1 du téléphérique de Chantemerle (photo STRMTG)
Le rapprochement des bras de levier côté garniture ayant un débattement d?un tiers de
l?écartement des bras côté vérin, le débattement restant peut être traduit par une usure
encore possible de chaque garniture avant que le frein ne soit en butée mécanique et soit
inhibé de: (2,9/3)/2 = 0,48mm pour F2 et de (0,1/3)/2 = 0,02mm pour F1.
L?exploitant a également constaté un défaut de parallélisme de plaquettes avec le plan de
freinage présent sur F1 (et absent sur F2).
En 2022, des plaquettes neuves ont été installées sur F1 et F2: le changement des
garnitures est fait par rechargement de leur support par une société extérieure. Il s?agit
d?un matériau de friction moulé, sans amiante, développé principalement pour des
utilisations industrielles. Ses constituants primaires sont des résines, des fibres courtes,
des modificateurs de friction et des particules métalliques. Son coefficient de friction µ
vaut 0,45±0,05. La température maximum d?utilisation recommandée par le fournisseur
est en application continue 250°C et en application intermittente 350°C. L?exploitant
indique que les garnitures font l?objet d?une usure relativement faible.
Ainsi, en France, un autre téléphérique est équipé de pinces ST3SH d?ATV: celui de
Chantemerle à Serre-Chevalier. Le réglage des cotes s?est avéré laisser aussi peu, voire
moins, de débattement du vérin donc des plaquettes. La notice n?était également pas Ã
disposition mais dans les archives de l?exploitant. L?exploitant a immédiatement apporté
les corrections nécessaires, notamment sur le réglage du frein F1. Puis il a mis en place
un suivi quotidien avec traçabilité des valeurs de réglage. À noter que le coefficient de
friction annoncé est plus élevé que celui des garnitures Cosid132 mais le système global
de freinage est différemment installé.
Des pinces ATV sont également en place en France sur des télésièges fixes et des
télécabines, mais elles sont de modèles différents (notamment avec de la technologie
électromécanique): la comparaison avec La Saulire n?est pas possible.
80
4 - Analyse du déroulement de l?accident
La collision du mercredi 29septembre2021 entre les cabines et les structures des gares
du téléphérique de La Saulire a eu lieu au cours de l?inspection annuelle (opération de
maintenance réglementairement obligatoire). Étaient présents trois techniciens de
l?exploitant S3V, un Technicien d?Inspection Annuelle de TranscableHalec et un agent du
STRMTG.
Les pré-essais de la veille et avant-veille ont présenté une succession d?écarts dans le
comportement attendu qui pourront être utiles à notre analyse de l?événement. Nous
commencerons donc le déroulement de l?accident et son analyse deux jours avant ladite
collision.
? Le lundi 27/09/2021, le matin, la cabine n°1 est chargée à 100% de sa capacité avec
des lests représentant 11,4tonnes ? la cabine n°2 restant à vide. L?après-midi, les pré-
essais ont lieu. Les tests de freinage ne font pas remonter de défaut particulier, hormis
lors des essais du frein F1 de 13h35 et 13h57 où un temps long de freinage (hors
limite) a été observé. À l?issue d?un certain nombre d?essais, la piste de freinage devient
tiède et une odeur de brûlé se fait sentir. Les agents de S3V ouvrent alors les pinces de
frein et observent l?état des plaquettes (1erjeu).
Ils les retirent étant donné qu?elles présentent une surface ?glacée??, même si elles ne
présentent pas d?usure de leur garniture. Les analyses ultérieures montreront que 4
garnitures sur les 8plaquettes du 1erjeu présentent une usure ? atteignant pour l?une
2,0mm. Les 8plaquettes (1erjeu) seront remplacées par un jeu neuf (2djeu), entre
15h23 et 15h55 selon les témoignages et l?historique de l?automate.
Deux tests du F1 et un test du F2 sont réalisés, puis la journée se termine.
? Le mardi 28/09/2021, les essais de préparation se poursuivent: 5arrêts en freinage F1
et F2 sont effectués. À leur issue, un dépôt noir est visible sur les deux côtés des pistes
de freinage de chaque poulie. Plusieurs alarmes ??verrouillages ouverts des pinces??
sont remontées sur les freins F1 et F2. Les plaquettes présentent un état de surface
jugé anormal par l?exploitant: elles sont ?glacées? avec de larges traces grises. Aussi
pour y remédier, les agents S3V toilent les huit plaquettes (2djeu) et réalisent un
nettoyage complet des pistes de freinage avec du nettoyant Berner. L?automate indique
que ceci a lieu entre 14h10 et 15h10. Ils remettent les garnitures en place en
conservant les côtes de réglage de l?année dernière.
Les essais de freinage reprennent: les premiers essais de freins F1 remontent des
alarmes de type ?surveillance sens de marche? par l?automate de sécurité, qui
apparaissent de façon normale à la fin d?un essai de freinage avec lancement
automatique du test. Une analyse ultérieure du produit Berner a été réalisé par le
CETIM, indiquant qu?il n?influence pas les caractéristiques des garnitures. Si le produit
Berner dégradait l?adhérence, son application aurait dû induire des freinages longs juste
après son application puis une amélioration du freinage au fur et à mesure de sa
vaporisation. Ceci pourrait expliquer les alarmes de l?automate pour les tests réalisés
après le nettoyage.
Puis un test de frein F2 et un dernier test de frein F1 sont réalisés et ne font pas
remonter d?alarme. Les temps sont jugés en adéquation avec leurs attentes. Les odeurs
de brûlé, des dépôts noirs et des échauffements ne sont plus observés. L?automate
indique un verrouillage de chaque frein (F1 et F2) qui pourrait correspondre à une
vérification visuelle par les agents quant à l?état des garnitures des freins F1 et F2
après ces derniers essais.
81
? Le mercredi 29/09/2021, à l?arrivée du TIA au téléphérique de La Saulire, les mesures
de cotes de garde et des cotes de compression sur les 4pinces de frein sont réalisées
en présence des participants (S3V, TranscableHalec et STRMTG).
Puis ils remontent tous au poste de pilotage de l?appareil. Le technicien TIA installe son
appareil de mesure et d?enregistrement sur l?interface de l?automate. Les phases
d?essais en charge sont lancées. Le TIA déroule ses essais dans l?ordre retenu lors de
la dernière inspection: il demande à ce que soient engagés des essais de freinage F1
(modulés) puis F2 (étagés) et des arrêts électriques, en montée et en descente.
Lors du test de freinage F1 modulé à la descente à 10h27, l?installation freine trop
fortement (temps de freinage de 10,6s). Pour remédier à cela, le conducteur descend
en machinerie. Il observe une pince (F1P1) desserrée à 122,0mm ? réglage qu?il ne
change pas ? et il desserre l?autre pince F1 (F1P2) à 121,6mm. Cette évolution de la
cote de compression, passant de 121,2 Ã 122,0mm sans intervention humaine, indique
d?une part que le couple appliqué a diminué mais également que l?épaisseur totale des
deux garnitures de cette pince a réduit.
Après cette reprise de réglage, un nouvel essai du frein F1 en descente débute Ã
10h53. Un temps de freinage de 14secondes est alors observé, ce qui est jugé
encore trop court. Le conducteur S3V, peut-être aidé du chef de secteur, desserre un
peu plus les freins F1 en réglant les cotes des deux pinces à 122,2mm et l?essai
suivant de 11h10 donne un temps de freinage égal à 19secondes.
Le dernier temps de freinage (19secondes) étant jugé trop long, l?agent redescend de
nouveau en machinerie et resserre toutes les cotes de compression des rondelles aux
mêmes valeurs que le matin, afin de remettre du couple de freinage. L?essai suivant Ã
11h23 donne un temps de freinage de nouveau à 19secondes.
Suite aux reprises de réglage des freins F1, les cotes de garde ont été à chaque fois
contrôlées à 30mm, les entrefers n?ont eux pas été contrôlés. Il est à noter qu?aucune
reprise de réglage n?a été effectuée sur les pinces du frein F2.
Des discussions ont certainement lieu entre les personnes présentes dans le poste de
pilotage. À 11h41, l?alarme ?Verrouillage ouvert frein 1?, acquittée après 9minutes,
pourrait correspondre à une vérification visuelle par les agents quant à l?état des
garnitures des freins F1. Un essai est engagé à 11h53 pour un frein F1 en montée,
jugé satisfaisant (essai en montée).
Un autre essai de F1 en descente est lancé à 11h59: le frein F1 s?applique puis au bout
de 4,5secondes, étant donné la faible décélération, le frein F1 est desserré et le F2 est
appliqué. Puis 22secondes plus tard, le F1 régulé agit automatiquement en complément
du F2. Le temps total d?arrêt de l?installation est 30secondes. Durant cet essai, le frein
F1 ne s?est pas comporté comme attendu, tout comme le frein F2 ? preuve en est le
cumul nécessaire des freins (aidés du profil de la ligne qui s?aplatit) pour arrêter les
cabines. Des alarmes sont émises par l?automate de sécurité lors de cet essai. L?essai
est considéré ?non valide? par le technicien d?inspection annuelle.
Le dépôt noir s?est reformé sur les pistes de freinage, l?odeur est revenue.
Au regard des résultats des essais des freins F1 lors de cette matinée du 29/09/2021,
l?ensemble des participants s?entend pour arrêter les essais et reporter l?inspection
annuelle.
? Suite aux résultats précédents et aux réglages sur les pinces de frein F1, l?exploitant
souhaite vérifier le réglage des pinces du frein F2, dont les capacités sont les plus
visibles en freinage à la descente: un dernier essai est demandé par les agents S3V.
Aucune objection n?est émise, le câblage de l?ordinateur du TIA sur l?armoire de
commande est maintenu en place.
82
À 12h10:19, le conducteur lance donc l?essai F2MST. La cabinen°1 est positionnée en
gare amont. Elle descend, l?accélération de l?appareil est pilotée manuellement via le
potentiomètre disponible au pupitre, l?installation atteint la vitesse de 11m/s.
La cabine chargée franchit le point de lancement de l?essai: la traction est coupée
automatiquement et le pilotage de la tombée du frein est engagé. Mais au lieu de réduire,
la vitesse augmente. Des défauts et alarmes sont enregistrés par l?automate. Le système
mécanique de détection de survitesse se déclenche, la survitesse est également
détectée par l?automate ainsi que le non-ralentissement du téléphérique (??contrôle
décélération?).
L?installation continue à prendre de la vitesse. Le conducteur essaye de l?arrêter en
utilisant tous les boutons-poussoirs d?arrêt sur le pupitre. Mais les investigations
montreront que le frein d?urgence était déjà commandé. L?électricien coupe
l?alimentation électrique de l?armoire de commande derrière lui par le biais d?un
sectionneur. La vitesse atteint probablement les 16,5m/s. Une partie des données de
vitesse est écrêtée du fait de la plage de mesure (acquisition de 0 à 10V) et la
saturation de certains composants.
À partir de la coupure de traction et jusqu?à l?écrêtage des données, l?accélération est
quasi constante et en moyenne est égale à 0,38m/s².
La cabinen°1 descendante croise la cabinen°2 montante et approche du pylône. La
vitesse décroît jusqu?à l?arrivée de la cabine descendante au niveau du pylône puis
augmente de nouveau par oscillations.
Les participants sortent tous du poste de commande. Le responsable électrique
descend en machinerie, le conducteur le suit. Ils voient les freins qui sont tombés
(serrés donc), de la fumée s?échappe des quatre pinces. Croyant que les moteurs sont
encore en action, raison de l?accélération des cabines au lieu de leur freinage, ils
coupent les armoires de puissance mais cela n?a pas d?effet.
L?installation ralentit un peu (possiblement du fait du profil de la ligne qui s?aplanit) et la
cabinen°1, chargée de 11,4tonnes d?eau, heurte la gare aval à une vitesse d?environ
8m/s soit 30km/h. Le téléphérique s?arrête de fait. Entre la coupure de la traction et le
choc, il s?est écoulé 1minute et 47secondes.
Il n?y a pas eu de blessé.
Les deux cabines sont très endommagées: en gare aval, la cabine s?est encastrée sur
environ 1,50m dans la structure du quai et de la gare; en gare amont, l?autre cabine est
restée coincée dans la structure de la gare, pliant son châssis et sa suspente. Les
attaches au câble tracteur des deux cabines sont également touchées.
On observe plusieurs éléments:
? Les freins sont plaqués sur les pistes de freinage.
? Les traces noires sont présentes de chaque côté des deux pistes de freinage.
? Les garnitures impliquées dans l?accident (2djeu) sont usées de 1,3mm à 1,4mm
pour les pinces de frein F1 et de 0,8 Ã 1,0mm pour les pinces de frein F2.
? Les cotes de garde sont passées de 30mm à ±27mm pour toutes les pinces de
frein. Les cotes de compression des rondelles ont augmenté de l?ordre de 3mm.
? Des résidus sont observés sous les pinces du frein F1, moins sous celles du F2.
Ils proviennent probablement des plaquettes d?après leur composition grandement
similaire, avec pour certaines un enrichissement en fer possiblement dû à un
frottement sur la piste de freinage en acier.
? Des garnitures présentent des traces de températures élevées, a minima 160°C.
83
? Aucune anomalie de fonctionnement de la commande et du pilotage des freins, ni
d?anomalie de réponses des pinces de freins n?est enregistrée.
? Le frein F1 vient en soutien du F2 après le délai d?anti-cumul et un temps
supplémentaire possiblement lié à la coupure de l?alimentation électrique via le
sectionneur dans le poste de commande.
Au fur et à mesure de la matinée du 29septembre2021, on observe globalement une
évolution décroissante des décélérations, avec des réglages manuels concernant
uniquement la cote de compression des rondelles du frein F1. Cette dérive de la capacité
de freinage de l?installation est observée sur les deux types de freins F1 et F2. Toutefois,
cette évolution des temps de freinage au regard des réglages n?est pas détectée par les
participants aux essais d?inspection annuelle.
Les analyses ont montré que:
? De 2010 à 2020, les temps de freinage ont globalement diminué au fur et à mesure des
inspections annuelles, en considérant un réglage de l?entrefer pérenne entre ces
inspections annuelles. Principalement, les essais ??F1 plein couple descente?? et
??F2plein couple descente?? diminuent respectivement de 3,8 et 3,3s. Une variation
dans les temps de freinage obtenus est observable à partir de 2019. Les cotes de
compression et les cotes de garde restent sensiblement les mêmes d?année en année.
Toutefois, une variation d?1mm peut avoir un impact notable sur le freinage.
? Les plaquettes ont été changées le 27/09/2021 au cours des pré-essais, les plaquettes
installées sont de type Cosid132 et celles démontées également de type Cosid132.
En2019, ce sont des plaquettes G95 qui sont démontées et 8 nouvelles plaquettes en
Cosid132 sont installées (très probablement pour la première fois sur le téléphérique).
Or le CETIM a comparé différentes garnitures (Cosid132 neuves, du 1erjeu, du 2djeu,
garnitures G95 en place avant les Cosid132) et aucune différence de nature, ni aucune
pollution, n?ont été mises en évidence par les analyses directes sur les plaquettes.
? Étant donné que les performances de freinages du F1 et du F2 se dégradent au fur et Ã
mesure de la matinée jusqu?à être inacceptables lors des tests de 11h23 et 11h59,
nous considérons probable l?hypothèse que les garnitures à l?issue de l?accident ont été
dégradées avant l?engagement du test fatidique.
Avec un tel réglage (cote de garde à 30mm), le plan des pinces montre que le
débattement maximum du vérin sous l?action de la libération de la pression hydraulique et
de la force des rondelles Belleville est de 2,8mm. Cela autorise un déplacement de0,9mm
des plaquettes. Comme il y a 2plaquettes, si l?usure est bien symétrique, la limite de la
capacité des plaquettes à être mises en contact normalement sur la piste de freinage est
de 0,45mm. Il est à préciser que cette information sur le débattement existe dans la
documentation depuis la mise en service de l?appareil et se trouve rappelée dans la
modification de 2010.
Lors de la vérification du circuit hydraulique, on observe une dissymétrie de l?effort de
freinage sur le frein F2, induisant une sursollicitation de F2P1 aux dépens de F2P2. Les
charges sont donc absorbées en grande partie par une seule pince lors d?un freinage.
Alors les garnitures équipant la pince la plus contrainte s?échauffent nettement plus que
celle de l?autre pince. Elles subissent une usure accrue en raison de cette charge
thermique anormalement élevée. Quand la première pince atteint la butée dans la
chambre du piston, Ã force d?usure de ses garnitures, ce sera au tour des garnitures de la
seconde pince de supporter la majorité des contraintes de freinage et de subir, à son tour
un échauffement et donc une usure importante.
84
Les pinces du frein F1 présentent également un déséquilibre ? sans en connaître la cause:
dans les constats, F1P1 s?use plus vite que F1P2 (cote de compression augmente de
9h20 à 10h30) et après l?accident F1P1 est en butée mais pas F1P2.
L?usure des garnitures de F1 (1,3-1,4mm) est plus importante que celle des garnitures de
F2 très probablement du fait que le F1 a été plus sollicité que le F2 pendant les 2jours qui
ont précédé l?accident.
Enfin, les réglages de la pince ont permis de reprendre le jeu et poursuivre l?usure jusqu?Ã
1,3-1,4mm pour F1 et 0,8-1,0mm pour F2.
La cause première de la collision des cabines contre les structures des gares est la
capacité réduite de freinage de l?installation. Cette capacité s?est dégradée dans la
matinée au cours des essais, avec le dernier essai avant l?accident se déroulant de
façon anormale.
Deux facteurs entrent en compte:
1- l?usure inhabituelle des garnitures Cosid132 ne correspondant pas à l?attendu sur
le téléphérique de La Saulire, dépassant ainsi l?usure admissible des plaquettes de
frein qui aurait dû rester limitée à 0,45mm; et
2- la mise en butée rapide des pinces de frein via un débattement réduit du piston
dans sa chambre, du fait du réglage de la cote de garde à 30mm. Cette contrainte
existant depuis 1985 était méconnue par les agents de S3V présents lors de l?IA.
L?absence de détection de ce risque de butée et l?absence de la détection de l?usure
par capteur ou mesure manuelle ont empêché un rattrapage possible de l?événement.
Bien que le temps supplémentaire avant l?entrée en action du F1 (et de ses capacités
restantes à ce moment-là ) ne peut pas être corrélé à une aggravation de l?accident, il
est dommage que le F1 ne soit pas entré en application plus tôt ? tout en respectant la
réglementation.
Le déséquilibre entre les pinces du frein F2, et potentiellement celui entre les pinces
du frein F1, a pu contribuer à une reprise des efforts sur une pince en priorité puis sur
l?autre une fois les premières garnitures trop sollicitées.
Un facteur contributif concerne les défaillances au niveau de l?identification, de
l?utilisation et de l?analyse des informations fournies par le système aux différents
intervenants au cours des essais, les empêchant de détecter le risque et d?éviter
l?accident. Les multiples réglages de la cote n?ont pas dû améliorer la visibilité sur le
comportement des freins.
Enfin, une hypothèse est proposée: sur ce téléphérique de La Saulire, les deux seuls
changements notables sont la modification de 2010 et le changement de type de
garnitures avec la mise en place de la garniture Cosid132 en juin 2019. L?usure des
garnitures Cosid132 sur La Saulire a été importante, très probablement du fait des
températures élevées subies par les garnitures. Le coefficient de friction en a
certainement été impacté, sachant que la valeur de ce coefficient sur le téléphérique
de La Saulire ne peut être garantie par le fournisseur puisque dépendante de la
matière de la surface avec laquelle elle interagit et du système de freinage dans sa
globalité. Or il n?y a pas eu de calcul ni de qualification/essais de la garniture
Cosid132 remplaçant la G95 vis-à -vis du téléphérique de La Saulire. C?est pourquoi
nous émettons l?hypothèse d?une probable inadéquation de la garniture Cosid132
avec le système de frein de La Saulire.
85
5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations
préventives
5.1 - L?arbre des causes
Les investigations permettent d?établir le schéma ci-après: il synthétise le déroulement de
l?accident et identifie les causes et les facteurs associés mis en évidence par le BEA-TT.
Figure 76 - Arbre des causes
5.2 - Les causes de l?événement
Le 29septembre2021 Ã 12h10, lors de l?inspection annuelle, un des essais de freinage
se déroule mal: au moment du déclenchement du test de frein d?urgence en descente, la
vitesse de l?installation ? 11m/s ? augmente au lieu de diminuer. Or un serrage des
pinces du frein d?urgence puis des pinces du frein de service 33secondes plus tard ont
bien eu lieu. La vitesse atteint un maximum puis, globalement, diminue ? mais
insuffisamment. Les cabines ne s?arrêtent pas et heurtent respectivement les gares amont
et aval à une vitesse de 8m/s.
86
La cause première de la collision des cabines contre les structures des gares est la
capacité réduite de freinage de l?installation. Cette capacité de freinage s?est dégradée
dans la matinée au cours des essais, avec les deux derniers essais avant l?accident se
déroulant de façon anormale.
Plusieurs facteurs techniques, organisationnels et humains ont contribué à l?événement:
? L?usure inhabituelle des garnitures et l?absence de vérification de la compatibilité des
garnitures Cosid132 avec le système de freinage de LaSaulire.
? La non-perception par les cinq participants à l?inspection annuelle de la dégradation de
capacité de freinage des deux freins.
? La méconnaissance par les acteurs de l?inspection annuelle, notamment chez
l?exploitant, quant à la mise en butée possible d?une pince de frein et de la marge
restante très faible du fait des réglages des cotes.
Les orientations préventives visant à éviter le renouvellement d?un tel événement sont Ã
rechercher dans les domaines suivants:
? la compatibilité de nouvelles garnitures avec une installation et son système de
freinage;
? la conscience du risque au cours d?une inspection annuelle;
? la traçabilité (des documents et des produits) et la gestion des connaissances au sein
de l?exploitant.
5.2.1 - La compatibilité de nouvelles garnitures avec une installation et son
système de freinage
À l?issue des investigations, nous avons émis l?hypothèse d?une probable inadéquation de
la garniture Cosid132 avec le système de frein de La Saulire. Quel que soit le degré de
certitude de cette hypothèse et de manière similaire aux homologations routière et
ferroviaire, au moment du changement du type de garnitures de la G95 vers la Cosid132,
des essais et mesures de vérification du comportement de la nouvelle garniture en
rapport avec le téléphérique de La Saulire auraient permis de quantifier l?efficacité de
cette nouvelle garniture, de vérifier à quel rythme elle s?use, d?enregistrer le
comportement de la garniture et ainsi pouvoir, le cas échéant, faire évoluer le processus
de vérification régulière et de réglage des freins.
En outre, nous avons constaté que la course réduite du frein (mise en butée rapide) est
un facteur contributif de l?accident, en lien étroit avec le degré d?usure des garnitures.
Avec le retour d?expérience de LaSaulire, le postulat que le frein d?urgence/desécurité
ne peut défaillir, a été mis à mal. L?accident du 29/09/2021 nous rappelle que l?ensemble
des éléments de cette fonction de sécurité participe à la maîtrise du risque.
À noter que les funiculaires peuvent avoir des systèmes de freinage concernés par la
problématique, de façon similaire aux téléphériques.
L?ensemble de ces éléments conduit le BEA-TT à émettre la recommandation suivante.
Recommandation R1 Ã l?attention du STRMTG
Afin de vérifier et d?améliorer la gestion des interfaces entre les garnitures et le
système de freinage, mener les actions suivantes sur les installations de
téléphériques et de funiculaires:
? Avec la profession, mettre en place un processus de vérification de l?adéquation
des garnitures des freins avec l?installation correspondante lors d?un
changement de référence des garnitures.
87
? Faire vérifier par les exploitants le risque d?atteinte d?une butée mécanique sur
les pinces de freins (identifier si butée, vérifier les réglages adéquats, couvrir le
risque le cas échéant).
? Enfin, lors d?une modification ou d?un remplacement d?un système de freinage
sur une installation existante, privilégier la mise en place d?un dispositif de
détection d?usure de plaquettes.
Le BEA-TT invite également l?ensemble des exploitants de téléphériques ? et de
funiculaires ? à vérifier la bonne surveillance (processus interne ou capteur) de
l?épaisseur des garnitures de frein de leurs installations.
Cet accident a permis de réaliser un focus sur les garnitures de frein. Toutefois, d?autres
éléments d?une remontée mécanique pourraient être concernés de façon similaire, en
étant considérés comme consommables ou pièces d?usure mais dont leur modification
aurait un potentiel impact sur la sécurité du système (exemple: garniture de bandage,
huile de centrale de frein, etc.).
C?est pourquoi le BEA-TT invite les exploitants de téléphériques et de funiculaires Ã
s?assurer lors d?un changement de matière, de fabrication ou toute autre évolution
d?un élément de sécurité ou pièce d?usure de leur.s installation.s, que l?impact de la
modification sur la sécurité est évalué.
L?accident a eu lieu alors qu?un outil de collecte d?informations était branché. Toutefois, les
investigations ont été limitées par le manque de données des jours précédant l?inspection
annuelle. Dans l?esprit des enregistreurs de paramètres d?exploitation présents sur les
matériels roulants métro et tramway, et celui du Guide technique relatif à la conception
générale et à la modification substantielle des téléphériques RM2 (version 2023), le
BEA-TT émet la recommandation suivante.
Recommandation R2 Ã l?attention du STRMTG
Pour les projets de téléphériques, imposer l?enregistrement de la vitesse de
l?installation, la date et heure, la distance parcourue ou localisation, l?état
(ouvert/fermé) des freins F1 et F2, et tout autre paramètre pertinent à déterminer
en plus des défauts et alarmes ? même lorsqu?ils ne sont pas encore acquittés.
Entre autres inconnues, le déséquilibre entre les pinces du frein F2 n?a aujourd?hui pas
trouvé d?explication. Or l?installation de La Saulire va être rénovée avec notamment un
nouveau câble tracteur, le remplacement des deux véhicules ainsi que de tout le système
de freinage, de toutes les armoires de puissance, auxiliaires et de commande, le
remplacement des trois moteurs principaux par des moteurs asynchrones avec ajout de
volants d?inertie, le remplacement des capteurs et codeurs, etc. Le calcul de ligne
d?origine n?est pas remis en cause et les gares ainsi que le pylône sont conservés. Cette
opération, réalisée avec le constructeur Poma et avec DCSA comme responsable de
modification, sera conforme à la réglementation technique et de sécurité en vigueur. Ainsi,
étant donné la rénovation importante prévue, le BEA-TT n?émet pas de
recommandation spécifique se rapportant au téléphérique de La Saulire.
88
Un autre téléphérique français, Chantemerle, à Serre-Chevalier, est équipé de pinces
ST3SH d?ATV. Étant donné que l?exploitant a immédiatement apporté les corrections
nécessaires, notamment sur le réglage du frein F1, et mis en place un suivi quotidien
avec traçabilité des valeurs de réglage, le BEA-TT invite l?exploitant du téléphérique
Chantemerle, SCV Domaine Skiable, à poursuivre sa vigilance et sa traçabilité sur
le réglage des freins.
5.2.2 - La conscience du risque au cours d?une inspection annuelle
À l?issue des investigations sur les facteurs organisationnels et humains, la conscience du
risque encouru du fait des installations poussées à leurs limites au cours d?une inspection
annuelle n?apparaît pas ancrée dans l?esprit des participants. Les inspections annuelles
sont des essais réglementaires dont le but est de s?assurer du maintien de la sécurité de
l?installation. Ce sont des essais habituellement menés sous des contraintes temporelles
fortes et avec un objectif d?obtention de temps de freinage adéquats au regard de la
réglementation. Il semble pertinent de remettre la sécurité au coeur de ce contrôle
réglementaire. L?absence de détection du risque croissant de dégradation de la capacité
de freinage par les trois acteurs met également en exergue le manque de clarté entre le
rôle du TIA et le rôle de l?exploitant, donc l?absence d?identification d?un pilote ou chef
sécurité, dont l?une des missions serait de s?assurer que le niveau de sécurité est
maintenu à tout moment.
Par ailleurs, en temps normal, après une inspection annuelle, les garnitures de frein ne
sont pas remplacées, elles sont considérées/supposées encore bonnes. Dans le cas de
La Saulire, si les essais avaient été arrêtés après celui de 11h59, l?installation était dans
un état potentiellement à risque, ce sont ici quasiment des essais destructifs qui ont été
réalisés. À l?issue d?une Inspection Annuelle, le risque de garnitures dégradées n?est ainsi
pas à exclure. Et de façon générale, après toute IA aboutissant sans événement et de
façon conclusive, aucune vérification de l?état de l?appareil n?est aujourd?hui prévue. De
plus, lorsque des réglages sont effectués sur une installation au cours de son Inspection
Annuelle, il est pertinent de vérifier leurs impacts sur les essais et sur l?appareil. C?est
pourquoi le BEA-TT émet la recommandation suivante.
Recommandation R3 Ã l?attention du STRMTG
En coopération avec les exploitants de téléphériques et les techniciens
d?inspection annuelle, déterminer des règles organisationnelles et méthodologique
remettant la sécurité au centre de ces essais réglementaires, notamment en:
?entérinant clairement la répartition des rôles entre exploitant et technicien
d?inspection annuelle, notamment pour la maîtrise de la sécurité de l?installation,
?analysant tout réglage du système de freinage au cours de l?IA mais également au
cours des pré-essais et
?vérifiant à l?issue de l?inspection annuelle l?état des éléments qui ont pu être
modifiés ou impactés par les essais.
5.2.3 - La traçabilité des documents et des produits, et la gestion des
connaissances au sein de l?exploitant
Des problématiques liées à l?absence de traçabilité des documents et des garnitures ont
été soulevées au cours des investigations (références des garnitures achetées, stockées
et installées sur le téléphérique, surveillance régulière du jeu entre garnitures et disque,
notice du téléphérique, gestion des indices selon les évolutions de la notice des freins,
stockage adéquat des produits, gestion de l?alerte sur l?usage déconseillé du Berner
89
en2013). C?est pourquoi le BEA-TT émet une première recommandation concernant
l?amélioration du SGS de l?exploitant.
Recommandation R4 Ã l?attention de l?exploitant S3V
Dans le cadre du Système de Gestion de la Sécurité, améliorer la traçabilité des
documents, des produits et des actions réalisées sur l?ensemble de l?exploitation et
de la maintenance des remontées mécaniques sous sa responsabilité.
D?autre part, la présence de la butée dans le frein ? donc la sensibilité par rapport Ã
l?usure des plaquettes ? et la nécessité de surveiller le jeu aux garnitures n?étaient pas
connues par l?ensemble des agents de l?exploitant en charge de ce téléphérique.
De plus, sans pouvoir identifier si ce facteur a contribué à l?aggravation de l?accident étant
donné l?état des freins F1 avant même le lancement du test fatidique, les 15secondes
supplémentaires avant application du frein de service F1 sont dues à une action extérieure
à l?automatisme sur le sectionneur de l?armoire. Le sectionneur n?a pas pour but d?arrêter
au plus tôt l?installation mais de couper l?alimentation en cas d?incendie ou d?électrocution.
Par ailleurs, l?observation d?éléments (épaisseur des garnitures, différentes cotes dont
l?entrefer, température du disque de freinage, enregistrement des graphes sur l?outil
informatique Suprême) suite aux incidents lors des pré-essais et des essais avant
l?accident aurait peut-être permis à l?exploitant de détecter puis analyser la situation ou a
minima, de réaliser des mesures pour débuter une analyse interne de l?incident.
Le BEA-TT émet donc la recommandation suivante.
Recommandation R5 Ã l?attention de l?exploitant S3V
Améliorer la formation des agents, notamment concernant la bonne connaissance
des installations et de leurs limites; et améliorer l?analyse des incidents (détection
des précurseurs, perception des situations anormales, profondeur d?analyse,
évaluation des actions correctives).
Le téléphérique de La Saulire était certes un appareil de quarante ans et pour lequel la
mise en service n?a pas été simple, notamment le réglage initial des freins. Il y a un flou
sur l?applicabilité de la notice au début de l?exploitation. Le fait que l?exploitant n?effectue
pas le réglage à partir du jeu et d?une cote freins ouverts à 40mm, a réduit le débattement
possible du piston dans la chambre, rendant rapide une atteinte de la butée en cas
d?usure des garnitures. Aujourd?hui, des capteurs sont couramment installés pour ce faire,
voire des mécanismes de réglage automatique permettent de tenir compte de l?usure des
plaquettes de freins. Pour rappel, la norme EN13223 demande que «l?usure des
garnitures de frein doit pouvoir être compensée par des réglages; dans le cas du frein de
service, elle doit être surveillée» et que «la course résiduelle qui doit subsister dans un
frein fermé doit être contrôlable».
À la lumière de ce retour d?expérience, le BEA-TT invite les exploitants de
téléphériques ? et de funiculaires le cas échéant, si besoin appuyés par les
constructeurs, à veiller à ce que cette surveillance et contrôlabilité, si faite par des
agents, soient évidemment réalisables, et aisées.
90
Annexe: décision d?ouverture d?enquête
91
Règlement Général de Protection des Données
Le bureau d?enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) est investi d?une mission de service
public dont la finalité est la réalisation de rapports sur les accidents afin d?améliorer la sécurité des transports
terrestres (articles L. 1621-1 et 1621-2 du code des transports, voir la page de présentation de l?organisme).
Pour remplir cette mission, les personnes chargées de l?enquête, agents du BEA-TT habilités ainsi que
d?éventuels enquêteurs extérieurs spécialement commissionnés, peuvent rencontrer toute personne
impliquée dans un accident de transport terrestre (article L. 1621-14) et recueillir toute donnée utile.
Ils traitent alors les données recueillies dans le cadre de l?enquête dont ils ont la responsabilité uniquement
pour la seule finalité prédéfinie en garantissant la confidentialité des données à caractère personnel. Les
rapports d?enquêtes sont publiés sans le nom des personnes et ne font état que des informations
nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de l?accident. Les données personnelles
sont conservées pour une durée de 4 années à compter de la publication du rapport d?enquête, elles sont
ensuite détruites.
Le traitement «Enquête accident BEA-TT» est mis en oeuvre sous la responsabilité du BEA-TT relevant du
ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT). Le MTECT s?engage à ce
que les traitements de données à caractère personnel dont il est le responsable de traitement soient mis en
oeuvre conformément au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016
relatif à la protection des personnes physiques à l?égard du traitement des données à caractère personnel et
à la libre circulation de ces données (ci-après, «règlement général sur la protection des données» ou RGPD)
et à la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l?informatique, aux fichiers et aux libertés.
Les personnes concernées par le traitement, conformément à la législation en vigueur, peuvent exercer leurs
droits auprès du responsable de traitement: droit d?accès aux données, droit de rectification, droit à la
limitation, droit d?opposition.
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À l?attention du directeur du BEA-TT
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2- Le délégué à la protection des données(DPD) du MTECT:
- par mail à l?adresse: dpd.daj.sg@developpement-durable.gouv.fr ;
- ou par courrier (avec copie de votre pièce d?identité en cas d?exercice de vos droits) à l?adresse:
Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires
À l?attention du Délégué à la protection des données
SG/DAJ/AJAG1-2
92055 La Défense cedex
Vous avez également la possibilité d?adresser une réclamation relative aux traitements mis en oeuvre à la
Commission nationale informatique et libertés(3 Place de Fontenoy - TSA 80715 - 75334 PARIS CEDEX 07).
92
mailto:dpd.daj.sg@developpement-durable.gouv.fr
mailto:bea-tt@developpement-durable.gouv.fr
Bureaud?Enquêtessur lesAccidentsdeTransport Terrestre
?
GrandeArche -Paroi Sud
92055LaDéfensecedex
Téléphone : 01 40 81 21 83
bea-tt@developpement-durable.gouv.fr
www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr
Synthèse
1 - Constats immédiats et engagement de l?enquête
1.1 - Les circonstances de l?événement
1.2 - Le bilan matériel
1.3 - Les mesures prises après l?évènement
1.4 - L?engagement et l?organisation de l?enquête
2 - Contexte de l?accident
2.1 - La station de Courchevel
2.2 - L?organisation générale de l?exploitation et de la maintenance du téléphérique
2.2.1 - L?organisation de l?exploitant
2.2.2 - La maintenance réalisée par l?exploitant
2.2.3 - L?Inspection Annuelle
2.3 - Le téléphérique de La Saulire
2.3.1 - L?ensemble des intervenants sur ce téléphérique
2.3.2 - Les caractéristiques générales du téléphérique
2.3.3 - L?automatisme de contrôle-commande
2.3.4 - Le système de freinage
- Les types de frein et leurs règles de fonctionnement
- Les pinces de frein
- La centrale hydraulique
2.3.5 - Le système mécanique de détection de survitesse
2.4 - Les conditions météorologiques
3 - Compte rendu des investigations effectuées
3.1 - Les résumés des déclarations
3.1.1 - Le conducteur du téléphérique de La Saulire
3.1.2 - Le chef de secteur Remontées Mécaniques Ouest
3.1.3 - Le technicien d?Inspection Annuelle de TranscableHalec
3.1.4 - Le technicien du Bureau de Savoie du STRMTG
3.1.5 - Le responsable électrique
3.1.6 - Le responsable de la maintenance
3.1.7 - Le chef d?exploitation, responsable des Remontées Mécaniques Ouest
3.1.8 - Synthèse des témoignages
3.2 - Les dommages sur l?installation extérieure
3.3 - Les constats en machinerie
3.3.1 - Les constats sur les freins
3.3.2 - Les constats sur les poulies
3.4 - Les données du Technicien d?Inspection Annuelle
3.5 - Les données de l?automate
3.5.1 - Les limites de l?automate
3.5.2 - Les données de l?accident du 29/09/2021 à 12h10
3.5.3 - Les données des essais du 29/09/2021, avec leurs temps d?arrêt associés et les réglages
3.5.4 - La synthèse des données enregistrées par l?automate les jours ayant précédé l?IA du 29/09/2021
- Historique du lundi 27/09/2021
- Historique du mardi 28/09/2021
- Historique du 29/09/2021 avant l?essai final de 12h10
3.6 - Les conclusions sur les constats immédiats
3.7 - Les premières vérifications
3.8 - Les investigations sur les évolutions et les événements du téléphérique de La Saulire
3.9 - Les investigations sur les résultats des inspections annuelles des dix dernières années
3.9.1 - Les freinages au cours de l?inspection annuelle du 29/09/2021
3.9.2 - Les temps de freinage des inspections annuelles de 2020 et 2019
3.9.3 - L?évolution des temps de freinage au cours des inspections annuelles depuis 2010
3.10 - Les investigations sur les freins: les pinces et les garnitures
3.10.1 - Le montage et le réglage des freins
- Impact du réglage de la cote de garde à 30mm
- Effet des réglages de l?empilement des rondelles (cote de compression) lors de l?IA
- Observations complémentaires sur l?activation des pinces de frein
3.10.2 - Les investigations sur les garnitures des freins
- Les épaisseurs de plaquettes
- La matière des plaquettes
- Les particules sous les pinces
- Une usure asymétrique des garnitures
- L?usure de 1,4mm et réglages
- La température atteinte par les garnitures
- Les types de garniture
- Les tests in situ sur les plaquettes
- Le produit Berner
- Les comparaisons des caractéristiques des différentes garnitures par le CETIM
3.10.3 - Une hypothèse explorée
3.10.4 - Des éléments de clarification et autre hypothèse moins probable
- Usure du 1er jeu de garnitures
- Déséquilibre entre les pinces d?un même frein
3.11 - Les investigations sur les facteurs humains et organisationnels
3.11.1 - Le rôle du technicien d?inspection annuelle et le rôle de l?exploitant
3.11.2 - La détection d?une situation à risque
- Au cours de la matinée du 29 septembre 2021
- Au cours des pré-essais du 27 et 28 septembre 2021
3.11.3 - Les processus de maintenance, la traçabilité des produits et la gestion documentaire
3.12 - L?autre téléphérique français aux pinces de freins identiques: le téléphérique de Chantemerle à Serre-Chevalier
4 - Analyse du déroulement de l?accident
5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives
5.1 - L?arbre des causes
5.2 - Les causes de l?événement
5.2.1 - La compatibilité de nouvelles garnitures avec une installation et son système de freinage
5.2.2 - La conscience du risque au cours d?une inspection annuelle
5.2.3 - La traçabilité des documents et des produits, et la gestion des connaissances au sein de l?exploitant
Annexe: décision d?ouverture d?enquête
Règlement Général de Protection des Données
INVALIDE)