Avis délibéré de l'Autorité environnementale sur la programmation pluriannuelle de l'énergie de Wallis et Futuna (986) pour les périodes 2016-2018 et 2019-2023
Auteur moral
France. Conseil général de l'environnement et du développement durable
Auteur secondaire
Résumé
Avis délibéré de l'Autorité environnementale sur la programmation pluriannuelle de l'énergie de Wallis et Futuna (986) pour les périodes 2016-2018 et 2019-2023
Descripteur Urbamet
énergie
Descripteur écoplanete
Thème
Ressources - Nuisances
Texte intégral
CGEDD Avis délibéré du 7 février 2018 - Programmation pluriannuelle de l?énergie de Wallis et Futuna (986) pour les
périodes 2016 ? 2018 et 2019 ? 2023.
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Avis délibéré de l?Autorité environnementale
sur la programmation pluriannuelle de l?énergie
de Wallis et Futuna (986) pour les périodes
2016-2018 et 2019-2023
Avis délibéré n°2017-86 adopté lors de la séance du 7 février 2018
Formation d?Autorité environnementale du Conseil général de l?environnement et du développement durable
n°Ae : 2017-86
CGEDD Avis délibéré du 7 février 2018 - Programmation pluriannuelle de l?énergie de Wallis et Futuna (986) pour les
périodes 2016 ? 2018 et 2019 ? 2023.
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Préambule relatif à l?élaboration de l?avis
L?Autorité environnementale1 du Conseil général de l?environnement et du développement durable (CGEDD),
s?est réunie le 7 février 2018, à La Défense. L?ordre du jour comportait, notamment, l?avis sur le projet de
programmation pluriannuelle de l?énergie de Wallis-et-Futuna (986) pour les périodes 2016 ? 2018 et 2019 ?
2023.
Étaient présents et ont délibéré : Marie-Hélène Aubert, Barbara Bour-Desprez, Marc Clément, François Duval,
Sophie Fonquernie, Philippe Ledenvic, François Letourneux, Serge Muller, Thérèse Perrin, Eric Vindimian,
Michel Vuillot, Véronique Wormser.
En application de l?article 9 du règlement intérieur du CGEDD, chacun des membres délibérants cités ci-
dessus atteste qu?aucun intérêt particulier ou élément dans ses activités passées ou présentes n?est de
nature à mettre en cause son impartialité dans l?avis à donner sur le projet qui fait l?objet du présent avis.
Étaient absents ou excusés : Fabienne Allag-Dhuisme, Louis Hubert, Gabriel Ullmann
* *
L?Ae a été saisie par la directrice de l?énergie du ministère de la Transition énergétique et solidaire, pour le
compte du préfet, Administrateur Supérieur de Wallis-et-Futuna, le dossier ayant été reçu le 16 novembre
2017.
Cette saisine étant conforme à l?article R. 122-17 du code de l?environnement relatif à l?autorité
environnementale prévue à l?article L. 122-7 du même code, il en a été accusé réception. Conformément à
l?article R. 122-21 du même code, l?avis doit être fourni dans le délai de trois mois.
Conformément aux dispositions de ce même article, l?Ae a consulté par courriers en date du 20 novembre
2017 :
? le préfet, administrateur supérieur de Wallis-et-Futuna,
? le directeur général de l?Agence de Santé de Wallis-et-Futuna.
Sur le rapport de Marie-Hélène Aubert et Daniel Berthault, après en avoir délibéré, l?Ae rend l?avis qui suit,
dans lequel les recommandations sont portées en italique gras pour en faciliter la lecture.
Il est rappelé ici que pour tous les plans et documents soumis à évaluation environnementale, une
"autorité environnementale" désignée par la réglementation doit donner son avis et le mettre à
disposition du maître d?ouvrage et du public.
Cet avis ne porte pas sur l?opportunité du plan ou du document mais sur la qualité de
l?évaluation environnementale présentée par le maître d?ouvrage, et sur la prise en compte de
l?environnement par le plan ou document. Il n?est donc ni favorable, ni défavorable. Il vise à
permettre d?améliorer la conception du plan ou du document, et la participation du public à
l?élaboration des décisions qui portent sur celui-ci.
Il est recommandé à la personne publique responsable de rendre compte au public et à
l?autorité environnementale, lors de l?approbation du plan, de la manière dont elle a pris en
considération cet avis.
1 Désignée ci-après par Ae.
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Synthèse de l?avis
Dans un contexte de baisse progressive du prix de l'électricité jusqu?à 2020, due à l?instauration
de la péréquation tarifaire, qui devrait entraîner une augmentation des consommations
électriques, l?ordonnance n°2016-572 du 12 mai 2016 a soumis Wallis-et-Futuna à la réalisation
d?une programmation pluriannuelle de l?énergie (PPE) spécifique au territoire. L?ordonnance
prévoit notamment de réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 et de parvenir
à l?autonomie énergétique à l?horizon 2050.
Le présent avis porte sur la prise en compte de l?environnement par la PPE de Wallis-et-Futuna qui
a été soumise de manière volontaire à l?Ae et sur la qualité de son évaluation environnementale
stratégique.
L?Ae souligne d'entrée une difficulté dans la mise en oeuvre simultanée de la péréquation tarifaire,
qui entraînera rapidement une forte augmentation des consommations électriques, et d'une PPE
qui vise à assurer une meilleure adéquation entre la demande et l'offre d'énergie dans un contexte
de forte dépendance énergétique.
Le développement des énergies renouvelables sur ce territoire constitue sûrement une
opportunité, notamment pour faire face à l?augmentation prévisible des consommations
électriques. Néanmoins, vu les ressources mobilisables sur ce territoire isolé, l?Ae s?interroge sur
sa capacité à mener à bien un tel processus.
Pour l'Ae, les principaux enjeux environnementaux sont :
? l?extrême dépendance de Wallis-et-Futuna aux importations d?énergie fossile,
? l?ampleur des économies d?énergie et du développement des énergies renouvelables
nécessaires à l'atteinte des objectifs fixés par la loi de transition énergétique pour une
croissance verte, dans un contexte de moyens limités,
? la promotion des moyens de transport les plus efficaces et les plus propres, adaptés aux
spécificités du territoire.
La quasi-absence du volet transport-mobilité entraîne un déséquilibre de la PPE au profit des
questions liées à l?électricité. L'Ae s?interroge sur les conséquences encore à venir de la
péréquation tarifaire du prix de l?électricité. L'Ae constate que cette première PPE est plutôt une
programmation des investissements électriques classiques à court terme (tant en production
qu?en distribution) qu?une véritable programmation d?investissements pour diminuer l?empreinte
énergétique et carbonée de l?île en phase avec les objectifs de l'ordonnance.
L'Ae recommande principalement, pour la suite du processus :
? de préciser les valeurs de consommation énergétique et d?émissions de gaz à effet de
serre qui serviront de référence pour quantifier les objectifs de réduction,
? de ne pas engager d?investissement qui se révélerait inutile ou contre-productif pour
atteindre les objectifs de la PPE (tel l?acquisition de nouveaux groupes électrogènes),
? de construire un plan d?action pour le déploiement des énergies renouvelables,
? de traiter le volet transport-mobilité dès la première révision du document,
? de préciser l?interprétation à donner de la notion d?autonomie énergétique à horizon
2050 applicable à Wallis-et-Futuna.
L'Ae émet par ailleurs d'autres recommandations dont la nature et les justifications sont précisées
dans l'avis détaillé.
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Avis détaillé
1 Contexte, présentation du projet de PPE de Wallis-et-Futuna et
enjeux environnementaux
En février 2016, le Président de la République lors de sa visite à Wallis-et-Futuna, territoire
fortement dépendant des énergies fossiles, a annoncé en mesure de solidarité nationale la baisse
du prix de l'électricité2 aujourd'hui cinq fois supérieur à celui de la métropole. Cette péréquation
est précisée par l?ordonnance n°2016-5723, qui prévoit diverses adaptations de la politique
électrique au contexte administratif de Wallis-et-Futuna. Elle étend à ce territoire l?obligation de
réalisation d?une programmation pluriannuelle de l?énergie (PPE).
L?Ae souligne d'entrée une difficulté dans la mise en oeuvre simultanée de la péréquation tarifaire,
qui entraînera rapidement une forte augmentation des consommations électriques, et d'une PPE,
qui vise à assurer une meilleure adéquation entre la demande et l'offre d'énergie dans un contexte
de forte dépendance énergétique.
L?Ae s?interroge par ailleurs sur la possibilité de mener à bien un tel processus, notamment du fait
des données encore à acquérir, y compris pour les futures révisions, au vu des ressources
mobilisables sur ce territoire isolé.
1.1 Programmation pluriannuelle de l'énergie de Wallis-et-Futuna
Le code de l?énergie prévoit que la France se dote d?une PPE pour « établir les priorités d?action
des pouvoirs publics pour la gestion de l?ensemble des formes d?énergie sur le territoire
métropolitain continental, afin d?atteindre les objectifs » fixés par la loi n°2015-992 du 17 août
2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV).
L?ordonnance 2016-572 adapte ces objectifs (article L. 100-4 du code de l?énergie) au territoire
de Wallis-et-Futuna, à savoir :
? « réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et diviser par
quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050,
? réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence
[fixée par la PPE4], en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030,
? réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 30 % en 2030 par
rapport à l'année de référence [fixée par la PPE] en modulant cet objectif par énergie
fossile en fonction du facteur d'émission de gaz à effet de serre de chacune,
2 Une première baisse du niveau des tarifs réglementés de vente de l?électricité est intervenue le 1er juillet 2016, sur les
premiers 50 kWh consommés chaque mois, puis le 1er janvier 2017 sur les 100 premiers kWh consommés chaque mois
et le 1er juillet 2017 sur les 150 premiers kWh consommés chaque mois. L?arrêté prévoit la poursuite de ce rythme
d?alignement jusqu?en 2019, puis l?alignement total au 1er janvier 2020.
3 Ordonnance n°2016-572 du 12 mai 2016 portant extension et adaptation aux îles Wallis et Futuna de diverses
dispositions du code de l?énergie.
4 L?ordonnance n°2016-572 prévoit que la mention à l?année de référence 2012 de l?article L. 100-4 du code de l?énergie
est « remplacée par la référence à la date fixée par la programmation pluriannuelle de l?énergie propre aux îles Wallis et
Futuna ».
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? dans le respect des compétences dévolues au territoire, parvenir à l?autonomie
énergétique à Wallis-et-Futuna à l?horizon 2050, avec, comme objectif intermédiaire,
50 % d?énergies renouvelables à l?horizon 2030 ».
La programmation pluriannuelle de l?énergie de Wallis-et-Futuna (986) a été élaborée par le
président de l?assemblée territoriale et le représentant de l?État conformément à ces dispositions.
Elle couvre les périodes 2016 ? 2018 et 2019 ? 2023. Pour l?Ae, vu le caractère tardif de
l?obligation de réaliser une PPE sur ce territoire, il aurait été préférable de retenir la période 2019-
2023 comme première échéance de cette PPE spécifique.
La PPE, si elle mentionne à plusieurs reprises l?objectif d?autonomie énergétique en 2050 prévue
au code de l?énergie, n?en précise pas néanmoins le contour, alors que celui-ci sera structurant
pour la suite du processus.
1.2 Le territoire de Wallis-et-Futuna
Situé dans l'hémisphère sud, l?archipel de Wallis-et-Futuna est composé de trois îles principales,
Uvea (Wallis) d?une part (77,9 km²), et Futuna et Alofi d?autre part (superficie totale de 64,3 km²),
séparées de 230 km. L?archipel est isolé : il est situé à 16 000 km de la métropole, 2 000 km de
la Nouvelle-Calédonie, et à 3 000 km de la Polynésie française. Les pays les plus proches sont les
îles Fidji au Sud-Ouest (à 280 km de Futuna) et les îles Samoa à l?Est (à 370 km de Wallis).
Figure 1: plans de situation (source http://www.wallis-et-futuna.pref.gouv.fr)
Le territoire comprend trois circonscriptions territoriales, correspondant chacune à un royaume
coutumier. Le chef-lieu du territoire est fixé à Mata-Utu, dans l'île de Wallis. L'exécutif est assuré
par le représentant de l'État, en sa qualité de chef du territoire. À cette fin, il est assisté par
l?assemblée territoriale.
La population du territoire, en diminution et vieillissante (en raison de la baisse de la natalité et de
l?émigration), est, au recensement INSEE de juillet 2013, de 12 197 habitants qui vivent pour les
deux tiers à Wallis et un tiers à Futuna (un seul habitant permanent à Alofi). En 2009, on
dénombrait en Nouvelle-Calédonie plus de 20 000 habitants se désignant comme étant wallisiens
ou futuniens.
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1.3 Le contexte énergétique sur le territoire des îles Wallis-et-Futuna
La gouvernance des politiques énergétiques repose, à Wallis-et-Futuna :
? sur l'État qui est l'autorité organisatrice de la distribution publique de l'électricité5 et
l'autorité concédante de la distribution publique d'électricité6,
? sur l?Assemblée territoriale qui « détermine la structure des prix des produits
pétroliers »,
? sur Eau et Électricité de Wallis-et-Futuna (EEWF), filiale du groupe Engie, qui assure à la
fois la production7, le transport et la distribution de l'électricité dans le cadre de son
contrat de concession8,
? sur la SWAFEPP, filiale de Total, en charge de l?activité de stockage et de distribution des
hydrocarbures à Wallis-et-Futuna.
Le territoire d?intervention de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) a
été étendu au territoire de Wallis-et-Futuna par l?ordonnance n°2016-572. En l?absence
d?observatoire de l?énergie et de capacité d?expertise de l?ADEME sur ce territoire, EEWF a réalisé
le diagnostic "électrique" de la PPE.
Wallis-et-Futuna est très fortement dépendant des importations de combustibles fossiles
(essence, gazole, kérosène (jet A1) et butane), depuis les îles Fidji ou l?Australie, à près de 99 % en
2015, soit 10,3 ktep9. Ces combustibles fossiles servent pour 54 % à la mobilité et pour 46 % à la
production électrique.
À Wallis, la capacité de stockage en hydrocarbures est de 2 680 m³ (dont 1 000 m³ de gazole
dédiée à la centrale EEWF) et à Futuna de 470 m³.
Figure 2: sources d'énergies primaires et usages (source dossier).
5 Article L. 152-3 du code de l?énergie.
6 Article L. 152-1 du code de l?énergie.
7 L?article L. 152-5 du code de l?énergie prévoit néanmoins que « l?autorité concédante de la distribution d?électricité
peut, [?], choisir d?aménager, d?exploiter directement ou de faire exploiter par des concessionnaires toute installation
de production d?électricité de proximité d?une puissance inférieure à un seuil fixé par décret, lorsque cette installation
est de nature à éviter, dans de bonnes conditions économiques, de qualité, de sécurité et de sûreté de l?alimentation
électrique, l?extension ou le renforcement des réseaux publics de distribution d?électricité relevant de sa compétence ».
8 Le contrat de concession a été signé en 1997. L?article L. 152-4 du code de l?énergie prévoit que « les droits et
obligations impartis dans les zones non interconnectées du territoire métropolitain à la société Electricité de France
sont conférés, à Wallis et Futuna, à la société concessionnaire de la distribution publique d?électricité désignée
conformément aux compétences dévolues aux îles Wallis et Futuna ».
9 Un kilo tonne d?équivalent pétrole (ktep) est la masse de pétrole contenant 11 630 MWh d?énergie.
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Les consommations d?essence et de gazole connaissent une baisse régulière : respectivement de
1960 à 1 642 m3 et de 7 879 à 7 261 m3 entre 2011 et 2015 alors que celle de jet A1 connaît une
augmentation passant de 994 à 1 182 m3 durant la même période.
Les îles Wallis et Futuna sont électrifiées mais non interconnectées.
La production d?électricité repose principalement sur des centrales thermiques d?une puissance
installée totale de 6,78 MW à Wallis (puissance garantie de 4,28 MW10) et de 1,72 MW (puissance
garantie de 0,66 MW) à Futuna. Plusieurs installations photovoltaïques sont réparties sur les îles
d?une puissance totale de 128 kWc11 à Wallis et de 51 kWc à Futuna. Enfin, à Futuna, une centrale
hydroélectrique de 200 kW complète ce parc.
La production électrique, en baisse moyenne de 1 % par an sur les dix dernières années, s'est
élevée à 18,5 GWh en 2015. La consommation moyenne par client est en baisse de 0,6 %/an sur
les dix dernières années. Le dossier précise que cette baisse résulte sans doute du prix de
l?électricité12, et sans doute aussi du fait que les "gros consommateurs" produisent eux-mêmes
leur électricité suite au blocage de la centrale de production pendant plusieurs jours en 2009.
En matière de fiabilité, le temps moyen de coupure annuel par client, pour les incidents de
distribution et de production, est, sur la période 2007 à 2015, d?environ 11 heures. Les centrales
de production électrique sont dimensionnées pour tenir la pointe de consommation et pallier une
défaillance des deux groupes électrogènes.
L?ordonnance de 2016 a intégré Wallis-et-Futuna dans les zones non interconnectées (ZNI), qui
désignent notamment les îles françaises dont l?éloignement géographique empêche ou limite une
connexion au réseau électrique continental : les surcoûts de production de l?électricité y sont
financés par la contribution au service public de l?électricité (CSPE)13. Du fait de l?alignement
progressif d?ici à 2020 des tarifs de vente de l'électricité sur les tarifs réglementés en vigueur en
métropole, ce qui revient à diviser le prix de vente par cinq, par similitude avec les observations
faites à Mayotte14, une augmentation importante de la consommation électrique est attendue. Le
dossier, pour établir un état initial projeté15, fait trois scénarios d?évolution de la demande à
horizon 2022 par rapport à 2015 : la consommation y serait multipliée par un coefficient compris
entre 1,4 et 2,2 et la puissance multipliée par un coefficient compris entre 1,5 et 2,4 par rapport à
l?année 2015.
10 La différence entre la puissance installée et la puissance garantie est expliquée par le fait que puisque les délais
d?acheminement par bateau sont relativement importants, il est pris pour hypothèse l?éventuelle défaillance
concomitante de deux groupes électrogènes.
11 Page 27 de la PPE, il est indiqué 158 kWc.
12 Le cahier des charges de concession d?énergie électrique prévoit la répercussion au réel et de manière transparente des
coûts supportés par l?achat des combustibles utilisés pour la production thermique. Les tarifs de l?énergie électrique
variant en fonction de l?évolution des prix du gazole et de la parité euro/dollar ont connu une progression de plus de
34 % entre 2009 et 2013.
13 Prélèvement de nature fiscale sur les consommateurs d'électricité en France, destiné à dédommager les opérateurs des
surcoûts engendrés par les obligations qui leur sont imposées par la loi sur le service public de l'électricité.
14 Alors que les prix de l?électricité ont été divisés par 2,5 de 2001 à 2009, sur la même période, la consommation globale
a été multipliée par 2,4 et la consommation des particuliers a été multipliée par 2,6. Le dossier précise que ces
augmentations s?expliquent par l?augmentation du nombre de clients et un rattrapage sur les usages.
15 C?est sur cet état initial projeté que doivent s?appliquer les objectifs de réduction de la consommation (article L. 100-4
du code de l?énergie dans sa version applicable à Wallis-et-Futuna).
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Figure 3: hypothèses en matière de consommation électrique en MWh (à gauche) et de besoin en puissance
en MW (à droite) à échéance 2022 (source dossier).
1.4 Procédures relatives à la PPE et à son évaluation environnementale
stratégique
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, avec ses adaptations au
territoire de Wallis-et-Futuna, précise que la PPE doit être approuvée par décret, après mise à
disposition du public pendant au moins un mois et approbation par l?Assemblée territoriale.
Le territoire de Wallis-et-Futuna, situé en dehors de l?Union européenne, est régi par le principe
de spécialité législative (les dispositions législatives et réglementaires doivent comporter une
mention expresse d?application à la collectivité pour y être applicables). Le droit relatif à
l?évaluation environnementale ne s?y applique pas. La PPE fait l?objet d?une soumission volontaire
à l?Ae.
L?évaluation environnementale stratégique (EES) de la PPE est réalisée en référence à l'article
R. 122-17 8°) du code de l'environnement.
L?avis de l?Ae porte sur l?évaluation environnementale stratégique de la PPE (§ 2) et sur la prise en
compte de l?environnement par la PPE (§ 3).
1.5 Principaux enjeux environnementaux relevés par l?Ae
Pour l?Ae, les principaux enjeux environnementaux du programme portent sur :
? l?extrême dépendance de Wallis-et-Futuna, territoire isolé, aux importations d?énergie
fossile ;
? l?ampleur des économies d?énergie et du développement des énergies renouvelables
nécessaires à l'atteinte des objectifs fixés par la loi de transition énergétique pour une
croissance verte, dans un contexte de moyens limités sur ce territoire ;
? la promotion des moyens de transport les plus efficaces et les plus propres, adaptés aux
spécificités du territoire.
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2 Analyse de l?évaluation environnementale stratégique (EES)
2.1 État initial
Même si elle est relativement exhaustive en termes de thématiques abordées, la description de
l'état initial reste essentiellement constituée d?une succession d?appréciations qualitatives ou de
monographies des différents milieux (physiques, naturels terrestres et aquatiques, humains) qui
mériteraient d?être précisées.
L?estimation des émissions de gaz à effet de serre est renvoyée en annexe.
L?état initial identifie de façon synthétique des zones d?enjeux pour la biodiversité (zones de
nidification d?oiseaux marins, de pontes de tortues, mangroves, récifs). Du fait de l?insularité et de
l?exiguïté du territoire, les milieux naturels sont sous pression (urbanisation, défrichement, mise
en culture (vivrière, forestière), pollutions). Alofi est préservé de ces pressions. La pénurie de main
d?oeuvre entraîne une déprise agricole (elle concerne par exemple l?abandon de terres irriguées).
En matière de gestion forestière, la production concerne principalement le pin des Caraïbes. Il
existe une scierie en exploitation.
En ce qui concerne les ressources en eau, des enjeux quantitatifs sont mentionnés (conflit entre
différents usages : eau potable, irrigation, hydroélectricité), ainsi que des enjeux qualitatifs
(pollutions liées à l?élevage de porcs, très important sur le territoire, et aux débordements des
fosses septiques en saisons de pluie). De plus, sont mentionnées des difficultés en matière
d?alimentation en eau potable à Futuna (qualité de l?eau distribuée, fuites des réseaux).
Sur le territoire, du fait de l?émigration, le taux de vacance des habitations augmente (15 % en
2013). En parallèle, le confort de ces habitations s?améliore : habitat en dur avec accès aux
réseaux de télécommunications, électrification, accès à l?eau courante, développement des
équipements sanitaires. Aucune information sur la qualité et le besoin éventuel d?isolation
thermique des bâtiments, notamment en matière de climatisation, n?est disponible. Les
prélèvements importants de sable sur les plages, en particulier pour la construction des
habitations, ont entraîné une forte érosion littorale et la disparition de plages.
Du fait de la faible densité de population, il n?y a pas d?enjeux de bruit ou de pollution de l?air.
Wallis-et-Futuna est concerné par les risques naturels (séismes, tsunamis, cyclones et tempêtes et
érosion littorale) et technologiques (stockage et transport d?hydrocarbures notamment).
L?état initial se conclut par une synthèse et une hiérarchisation de tous les enjeux présentés sous
la forme d?un tableau, sans argumentaire relatif à la notation de la sensibilité (trois classes de
faible à forte). Selon l'EES, celle-ci est la plus forte pour les paysages, la biodiversité, la qualité de
l?eau de mer, et les sols. Bien que cela ne soit pas un enjeu environnemental, et que les surcoûts
soient financés par la CSPE, l?état initial mentionne le fait que la PPE pèsera fortement sur les
dépenses publiques locales.
L?EES présente très succinctement le scénario de référence sans PPE (« schéma au fil de l?eau »),
qui prévoit une tendance à la diminution de la population, et « montre une légère augmentation
de la production d?énergie à l?horizon 2023 par rapport à l?année de référence 2015 [?] ». Les
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conséquences à court terme des effets de la péréquation tarifaire sur les consommations
d'énergie ne sont pas prises en compte alors que l?EES la considère comme non modulable.
L'Ae recommande :
? pour les principaux enjeux environnementaux susceptibles d'être affectés par la PPE,
de décrire plus finement l'état initial, y compris par des données chiffrées permettant
de les qualifier objectivement,
? de reprendre le scénario de référence en prenant en compte les effets de la
péréquation tarifaire, y compris ses effets sur l?environnement,
? d?expliciter les modalités de construction des hypothèses de l?évolution des
consommations électriques en absence de PPE.
2.2 Justification environnementale du projet de PPE
Le dossier reçu ne présente pas de variante. Il précise que la tarification n?est pas modulable.
Néanmoins, en face de chaque solution, il présente une appréciation de sa faisabilité (maîtrise
technologique, difficulté administrative d?implantation). Il en ressort que les solutions retenues
par la PPE sont les seules à être considérées comme envisageables.
Pour ce premier exercice, faute de connaissances suffisantes préalables, la PPE identifie
différentes études à planifier d?ici 2023 (modalité de stockage des énergies intermittentes,
développement de l?éolien en alternative au projet d?Alofi, potentiel de développement de la filière
de valorisation de l?huile de coco, des énergies des mers, etc?). Ni l?identification des porteurs de
ces études, ni leur coût, ne sont mentionnés.
2.3 Analyse des effets notables probables de la PPE
Le dossier présente dans un tableau de synthèse, pour chaque mesure de la PPE : sa qualification
globale (selon trois critères : « vertueuse » / « vicieuse 16» / « neutre »), ses effets attendus (selon
trois critères : positif, nul, négatif), déclinés selon les différentes composantes environnementales
et une appréciation globale de l?impact. La méthode de qualification de l?appréciation globale
n?est pas précisée, ce qui nuit à la compréhension du tableau.
L?Ae recommande de compléter le tableau par les éléments permettant de comprendre la
qualification des impacts des différentes mesures de la PPE.
2.4 Mesures d?évitement, de réduction de ces impacts
Chaque volet de la PPE, pour son analyse des effets, est accompagné de mesures qualifiées, dans
le document, sans distinction, de « mesures d?évitement, réduction, compensation ». Elles ne sont
pas toutes des mesures ERC au sens du code de l?environnement17.
16 Sans que soit défini ce que peut être une mesure « vicieuse ». La péréquation tarifaire, est qualifiée de « neutre » alors
que le dossier précise qu?elle aura « des effets préjudiciables sur l?environnement ».
17 Se référer au guide « Évaluation environnementale - Guide d?aide à la définition des mesures ERC », MTES ? CGDD,
janvier 2018.
CGEDD Avis délibéré du 7 février 2018 - Programmation pluriannuelle de l?énergie de Wallis et Futuna (986) pour les
périodes 2016 ? 2018 et 2019 ? 2023.
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On y retrouve par exemple : la révision régulière de la PPE, le besoin de développement des
énergies renouvelables, le développement d?une taxe locale en compensation des pertes
financières pour le territoire sur la taxation du gazole, la priorité accordée à l?eau potable vis-à-
vis des projets d?hydroélectricité, etc?
L?Ae recommande de reprendre la qualification des mesures en les différenciant entre mesures
d?évitement, de réduction, de compensation et d?accompagnement.
2.5 Indicateurs et mesures de suivi
Les premiers indicateurs proposés sont généraux, et ne permettent pas de s'assurer que les
objectifs de la PPE (§ 1.1) seront tenus, ni de rendre compte de ses impacts environnementaux. À
titre d?exemple et sans exhaustivité, aucun indicateur ne permet d?apprécier le degré d?atteinte de
l?objectif d?indépendance énergétique de l?île prévu pour 2050, ni de la diminution des émissions
de gaz à effet de serre.
En ce qui concerne les indicateurs, si la plupart ont une valeur initiale, la valeur à long terme n?est
pas précisée. Des objectifs intermédiaires à 2018 ou 2023 sont donnés pour certains indicateurs.
Tous les indicateurs, autres que ceux relatifs aux procédures administratives, n?ont pour seul
objectif que d?identifier un début de démarche de déploiement (satisfaction d?une valeur
différente de la valeur initiale).
L?objectif de maintien au niveau de 2015 de la quantité de carburants fossiles importés (gazole et
essence), dans le cadre des augmentations de consommation électrique attendu n?est pas réaliste
en l?absence de développement de nouvelles sources d?énergie.
L?Ae recommande de :
? fixer les valeurs d?émission de gaz à effet de serre et de consommation énergétique
(primaire mais aussi finale) qui serviront de base pour quantifier les objectifs à long
terme,
? reconsidérer les indicateurs et leurs cibles lors de la révision de la PPE pour qu?ils
puissent permettre de montrer le degré d?atteinte des objectifs fixés par le code de
l?énergie.
2.6 Résumé non technique
Le résumé non technique de l'évaluation environnementale, nécessaire à la bonne compréhension
par le public, est présenté sous la forme d?un descriptif de l?étude d?impact. Si la description de la
PPE et de ses effets est bien faite, le résumé ne rappelle pas les objectifs de la démarche de PPE.
Le résumé de l?état initial reste très général.
L?Ae recommande de rappeler les objectifs de la démarche de PPE et de prendre en compte les
conséquences des recommandations du présent avis dans le résumé non technique.
CGEDD Avis délibéré du 7 février 2018 - Programmation pluriannuelle de l?énergie de Wallis et Futuna (986) pour les
périodes 2016 ? 2018 et 2019 ? 2023.
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3 La prise en compte de l?environnement par la PPE
La PPE de Wallis-et-Futuna, prévue par l?ordonnance 2016-572, aborde quatre volets principaux
dans l'ordre suivant : la demande énergétique, le développement des énergies renouvelables, les
objectifs de sécurité d?approvisionnement, et les infrastructures énergétiques. Elle fait ensuite une
analyse rapide des besoins en compétences et en formation.
L'Ae constate que le choix de la péréquation tarifaire du prix de l'électricité et de ses effets encore
à venir entraînera de fait des conséquences majeures sur les consommations énergétiques et des
impacts indirects importants sur l'environnement, que la PPE parviendra difficilement à pallier. Elle
s'interroge donc principalement sur ces principaux impacts et sur les mesures les plus efficaces
pour les réduire.
L'Ae constate que la production en 2018 d?une première PPE dans le calendrier de la LTECV,
portant sur 2016-2018, était peu compatible avec la construction d?un document de planification
optimal, notamment du fait du peu de connaissance des besoins énergétiques, de la modification
récente du droit applicable en matière d?électricité introduite par l?ordonnance 2016-572 (dont
des conséquences sont encore à venir, notamment en matière de consommation) et du contexte
administratif particulier de Wallis-et-Futuna (en particulier sur l?accès au foncier18).
Même limitée au secteur électrique, cette première PPE est plutôt une programmation
d?investissements électriques classiques à court terme (enfouissement du réseau moyenne tension
pour sécuriser l?alimentation de l?aéroport et la production d?eau potable, et changement de 58
postes de transformation) que le dossier déclare « saturés », qu?une véritable programmation
d?investissements pour diminuer l?empreinte énergétique et carbonée de l?île en phase avec les
objectifs de l'ordonnance.
En ce qui concerne la maîtrise de la demande en électricité, la PPE ne fixe pas d?objectifs chiffrés.
Elle mentionne diverses "pistes d?action", sans autre précision, comme la modulation de la fiscalité
en fonction des performances énergétiques des matériels (climatiseurs, frigidaires par exemple),
l?utilisation du dispositif de valorisation des économies de CSPE19, et la mise en oeuvre d'une
action coordonnée de communication et de diffusion des démarches de sobriété et d?efficacité
(recours à l?eau chaude sanitaire solaire (ECS) et au remplacement des ampoules à filament par
des diodes électroluminescentes (DEL)).
La PPE n'explicite pas l'interprétation à donner à la notion d'autonomie énergétique applicable au
territoire. Du fait de l?augmentation prévisible de la demande en électricité et de cet objectif, un
renforcement des capacités de production sera nécessaire. En matière de déploiement des
énergies renouvelables, la PPE qui propose d?étudier le recours à quatre types d?énergie
renouvelables (biomasse, photovoltaïque, hydraulique et éolien), présente moins un scénario de
déploiement qu?une simple énumération de projets potentiels devant permettre in fine une part
comprise, selon les hypothèses de consommation, allant de 30 à 70 %, sans mention des maîtrises
18 Le régime coutumier de la propriété familiale à Wallis et Futuna s?apparente à l'indivision : chaque membre d'une
famille est usufruitier d'une parcelle du patrimoine familial. Le droit qui est reconnu à la famille appartient au groupe
tout entier. La propriété familiale confère au groupe de la famille un droit perpétuel, exclusif et absolu sur le sol qu?il
exploite. (source : http://wallis-et-futuna.tribunal-administratif.fr/A-savoir/Lettre-de-la-jurisprudence/Regime-
coutumier-de-la-propriete-familiale-a-Wallis-et-Futuna).
19 Pour la promotion des climatiseurs économes en énergie, de l?isolation des logements, des chauffe-eau solaires et des
ampoules LED, le dossier ne précise pas les modalités de recours à la CSPE.
CGEDD Avis délibéré du 7 février 2018 - Programmation pluriannuelle de l?énergie de Wallis et Futuna (986) pour les
périodes 2016 ? 2018 et 2019 ? 2023.
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d?ouvrages envisagées, des échéances de réalisation, des faisabilités techniques, administratives
et financières.
Sont ainsi cités : une centrale électrique de 500 kW20 exploitant la biomasse dont les volumes
mobilisables doivent cependant être quantifiés21, un projet d?installation de 100 kW utilisant du
biogaz de récupération des déchets (déchets verts, lisiers et boues de vidanges de fosses
septiques), un projet hydroélectrique de 125 kW à Futuna, 3,5 MWc22 de photovoltaïque (dont un
projet individuel de 1 MWc). Pour l?alimentation de Futuna, un projet de 1 MW d?éolien localisé sur
Alofi doit être réactualisé pour le comparer à un projet photovoltaïque de capacité identique.
Selon le mode de production d?énergie retenu, le bilan en matière de gaz à effet de serre pourra
être très différent. Les choix des modes d?exploitation seront donc déterminants pour conforter
l?intérêt de chaque filière. La question de la valorisation des déchets posera la question des
impacts de leur collecte, notamment pour la valorisation des déchets domestiques. La
mobilisation du potentiel hydraulique, qui n?est pas important, est soumise à des arbitrages
locaux liés à la conciliation des usages, notamment en lien avec l?eau potable et l?irrigation.
Vu la configuration de Wallis et de Futuna, l?option d?un stockage d?énergie centralisé est
privilégiée par la PPE. Le développement des énergies renouvelables, prévu par la PPE, nécessitera
alors de réviser le seuil de déconnexion des énergies renouvelables intermittentes en puissance
instantanée fixée à 30 %. Pour cela, il est prévu qu?EEWF étudie le volume de stockage nécessaire
pour porter le seuil de déconnexion à 35 % en 2018 puis à 45 % en 2023.
Du fait de son isolement et de sa faible autonomie énergétique, Wallis-et-Futuna est
particulièrement sensible au risque de pénurie de ressources en hydrocarbures (le territoire
dispose d?une autonomie d?une centaine de jours) et de défaillance des groupes électrogènes. La
PPE ne prévoit ni extension des capacités de stockage d?hydrocarbures ni évolution du critère
objectif de défaillance de 3 heures.
Si à Wallis, les moyens de production actuels sont suffisants pour faire face à la demande et tenir
la pointe de puissance attendue en 2022, il n?en est pas de même à Futuna (puissance attendue
entre 0,7 et 1,2 MW pour une puissance garantie actuelle de 0.66 MW). La PPE mentionne que si
les projets d?énergie renouvelable sont en cours de réalisation fin 2017, les nouveaux groupes
électrogènes nécessaires pourront être installés temporairement par recours à la location. L?Ae
constate une incohérence dans la PPE qui mentionne d?une part qu?il « convient d?avoir une
approche progressive pour ne pas pénaliser les projets d?énergies renouvelables » et d?autre part
que « si les travaux des projets à base d?énergie renouvelable n?ont pas débuté fin 2017, les
groupes [?] obsolètes devront être remplacés ».
Dans l?hypothèse où l?électricité ne serait plus majoritairement produite à partir de ressources
fossiles), l?exiguïté de Wallis-et-Futuna pourrait être un argument en faveur du développement
des véhicules électriques et hybrides rechargeables. La PPE considère néanmoins que la présence
de nombreuses pistes en terre pourrait être un frein ce qui reste à vérifier. L?Ae constate une
incohérence dans la PPE qui prévoit d?une part une incorporation de 20 % de véhicules électriques
20 Le dossier mentionne que le projet pourrait se gréer progressivement, par unités de 100 à 150 kW afin de tester et
suivre l?évolution de la professionnalisation et la fiabilisation de la chaine logistique amont.
21 L?idée de la création d?une forêt dédiée à la biomasse (arbres à pousse rapide) et/ou la création d?une filière de
récupération des déchets verts chez les particuliers est citée.
22 Méga Watt crête (puissance maximale d?installations dépendantes de conditions climatiques).
CGEDD Avis délibéré du 7 février 2018 - Programmation pluriannuelle de l?énergie de Wallis et Futuna (986) pour les
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dans les flottes administratives avec installation de bornes de recharge, mais d?autre part ne fixe
pas d?objectifs de déploiement par ailleurs de ces mêmes véhicules à faibles émissions.
Le territoire ne propose aujourd?hui aucune formation aux métiers de l?électricité. Afin de
répondre aux besoins (multiplication par un facteur supérieur à dix du parc photovoltaïque en
toiture par exemple) par des emplois principalement locaux, il convient de mettre en place le
développement des compétences de la main d?oeuvre, notamment par des formations de
techniciens, dans les domaines du photovoltaïque, de l?eau chaude sanitaire solaire et de
l?isolation. Ces compétences seront nécessaires pour la mise en place et l?entretien ensuite des
installations. Il sera nécessaire de prendre en compte la taille réduite du marché qui reste encore à
émerger.
Hormis pour le remplacement des 58 postes de transformation arrivés à saturation (montant de
près de 1,2 million d'euros), les investissements mentionnés dans la PPE ne sont pas chiffrés.
Hormis en matière de déploiement d?énergies renouvelables, la PPE ne montre pas en quoi elle
permet, y compris avec ses révisions à venir, d?atteindre sa cible mentionnée au § 1.1.
Pour l?Ae, le respect de l?obligation législative de produire une PPE pour la période 2016-2018 ne
saurait justifier la prise de décisions, anticipées, notamment en matière d?investissement, qui
obéreraient l?avenir.
L?Ae recommande :
? de ne pas engager d'investissement de court terme (tel l'acquisition de nouveaux
groupes électrogènes) qui se révélerait inutile ou contre-productif,
? d?évaluer le coût des mesures de la PPE et de proposer une répartition des coûts
d?investissement et de fonctionnement entre les intervenants participants à sa mise
en oeuvre et leurs modalités de répercussion de ces coûts sur les usagers,
? d?établir un plan d?action pour le déploiement des énergies renouvelables
(identification des projets et des maîtres d?ouvrages, réalisation des études
préliminaires, élaboration d?un plan de formation aux métiers locaux nécessaires,
encadrement des obligations d?EEWF),
? de préciser l'interprétation à donner de la notion d?autonomie énergétique à horizon
2050 prévue par l?ordonnance 2016-572,
? de s?organiser dès à présent pour prendre en compte le volet transport-mobilité dès
la première révision du document,
? de clarifier l?engagement prévu à l?article L. 224-7 du code de l?environnement en
matière de renouvellement des véhicules à faibles émissions (véhicules électriques ou
véhicules produisant de faibles niveaux d'émissions de gaz à effet de serre et de
polluants atmosphériques),
? pour la révision de la PPE, de compléter, en lien avec l?ADEME, le recensement des
habitudes de consommations en énergie, par secteur d?activité.
1
Délibération n°2018-xx : avis sur le projet de Programmation pluriannuelle de l'énergie de
Wallis-et-Futuna
Adopté le 8 février 2018
Le Conseil national de la transition écologique,
Saisi par le ministre d?État, ministre de la transition écologique et solidaire d'un projet de
programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) pour le territoire des îles Wallis et Futuna pour les
périodes de 2016-2018 et 2019-2023, composé d?un rapport et d?un projet de décret reprenant les
principales dispositions, de l?évaluation environnementale stratégique et de sa synthèse, d?une étude
d?impact économique et sociale ainsi que de l?avis de l?Autorité environnementale ;
Prenant note de l'avis du 7 février 2018 de l'Autorité environnementale sur le projet de PPE pour les
îles Wallis-et-Futuna ;
Prend note de la situation particulière de ce territoire clarifiée par l'ordonnance n° 2016-572 du 12
mai 2016 portant extension et adaptation aux îles Wallis-et-Futuna de diverses dispositions du code
de l'énergie et le 13 mai 2016 au Journal officiel ;
Soutient qu?il est nécessaire de favoriser toutes les solutions qui permettent l'autonomie énergétique
de la collectivité compatibles avec la préservation du patrimoine naturel ;
Salue le développement des énergies renouvelables électriques de 5% en 2015 à 32% en 2023
malgré la hausse de la consommation ;
Recommande que l?ambition forte du territoire, notamment en matière de développement des
énergies renouvelables intermittentes, s?accompagne de l?étude prévue quant à l?analyse des
impacts sur le réseau électrique et sa capacité à supporter l?ensemble des nouveaux moyens
programmés ;
Se félicite de la mise en place d'un observatoire entre la Collectivité, Eau et électricité de Wallis-et-
Futuna (EEWF) et l?ADEME pour analyser les consommations d?électricité et connaître les usages ;
Souhaite qu'un programme ambitieux de la maîtrise de la demande permette de limiter la hausse des
consommations liées à l'alignement tarifaire tout en prenant acte de la nécessité d'assurer l'équilibre
offre-demande ;
Prend note des demandes de dérogations jusqu'en 2023 sur les objectifs de déploiement des
2
dispositifs de charge pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables et les objectifs de
déploiement des véhicules à faible émission dans les flottes de véhicules publiques ;
Recommande la mise en place d?indicateurs de suivi de mise en oeuvre de cette programmation ;
Demande que les travaux se poursuivent et soient approfondis dans les domaines des énergies
renouvelables, de l?efficacité énergétique, du stockage et de la gestion de la demande électrique, des
transports afin d?être en mesure de proposer pour la prochaine révision de la PPE des mesures
permettant d?atteindre les objectifs d?autonomie énergétique prévus pour 2050 par le code de
l?Énergie ;
Rappelle que la question de l?impact de la PPE en termes de coûts pour les ménages et les
entreprises est décisive et doit être précisée ;
Recommande une évolution des droits de douane qui favoriserait les ENR et la maîtrise de la
demande, dans le cadre de la prochaine PPE ;
Encourage à ce que ce territoire devienne un lieu d?innovation pour la transition écologique.
Avis certifié conforme par la Commissaire générale au développement durable.
Avis du CETE
sur le projet de Programmation Pluriannuelle de l?Energie pour les îles Wallis et Futuna
20156 ? 2018 et 2019 ? 2023
Notons en préambule que le « projet » de PPE qui nous est soumis ici couvre de façon prescriptive la
période 2016-2018, puis la période 2018-2023, et doit être renouvelé à l?issue de la première période.
Il est donc surprenant qu?il nous soit soumis en 2018, plus surprenant encore que cette soumission
tardive ne s?accompagne d?aucune explication sur le statut du document soumis, les raisons du délai,
la procédure envisagée désormais, ou une note d?actualisation de considérations qui datent déjà de 3,
voire 4 ans.
1. Le projet de Programmation Pluriannuelle de l?Energie pour les îles Wallis et Futuna devait en
théorie s?appliquer en 2016. Par conséquent, et plus encore que pour les autres PPEs sur lesquels il a
eu à se prononcer, le présent avis du CETE doit surtout s?entendre comme des recommandations pour
la rédaction de la prochaine PPE 2019 ? 2028.
2. Situé dans le Pacifique Sud, l?archipel de Wallis et Futuna est réparti en deux groupes d?îles
indépendantes sur le plan énergétique. Leur superficie totale est de l?ordre de 270 km², et elles
comptaient 12 197 habitants au dernier recensement (2013). Cette échelle de population pour une PPE
ne se retrouve qu?à St Pierre et Miquelon.
3. A une échelle géographique aussi limitée, mais aussi compte tenu des fortes particularités
institutionnelles locales et de l?éloignement, les choix retenus dans la PPE ne peuvent qu?être très
fortement contingents aux réalités et aux contraintes locales. Le CETE n?est pas compétent sur ces
réalités et contraintes.
4. Ces réserves étant posées, le projet de PPE pour les îles Wallis et Futuna pour les périodes 2016 ?
2018 et 2019 ? 2023 appelle quatre commentaires principaux. (Lorsque aucune confusion n?est
possible, on utilise dans la suite de cet avis l?expression projet de PPE Wallis et Futuna, ou
simplement du projet de PPE pour désigner le projet de PPE pour les îles Wallis et Futuna pour les
périodes 2016 ? 2018 et 2019 ? 2023).
Les scénarios démographiques retenus sont mal justifiés
5. Le territoire a connu une forte baisse de sa population (-18,6%) entre 2003 et 2013 (date du dernier
recensement). Le projet de PPE nous apprend que cette diminution traduit une forte émigration des
jeunes adultes. Or les scénarios d'évolution de la population entre 2015 et 2022 retenus par la PPE (et
résumés dans la Figure 13 p.23) font apparaître une baisse du nombre d'abonnés d'au pire 3,2% en
2022 relativement à 2015, soit à peine 0,5% de baisse par an contre près de 2% par an au cours des
années précédentes.
6. Cette rupture de pente ne peut pas s?expliquer par une augmentation de l?électrification, puisque le
territoire l?est déjà en totalité aujourd?hui. Elle pourrait peut-être traduire le fait que la baisse du
nombre d?individus n?entraîne pas nécessairement une baisse aussi rapide du nombre de ménages?
qui sont les abonnés. Mais on peut aussi se demander si les scénarios démographiques "bas" retenus
par la PPE pour les îles Wallis et Futuna ne sont pas trop conservateurs. Ce point mérite a minima
d?être discuté dans le document.
L?utilisation des prix de l?électricité métropolitain à Wallis et Futuna à partir de 2018 est une mesure
de solidarité qui a des implications très fortes pour l?équilibre énergétique du territoire
7. L?ordonnance 2016-572 du 12 mai 2016 dispose que les tarifs de l'électricité à Wallis et Futuna
seront totalement alignés sur les tarifs règlementés de l'électricité de métropole en 2020 (et
partiellement avant). Le prix de l'électricité pour les consommateurs devrait ainsi être divisé par 5 par
rapport à 2015. Par conséquent, il est attendu une augmentation rapide et massive de la demande
d?électricité. L?augmentation retenue dans les scénarios (au maximum +24% entre 2015 et 2022)
apparaît même conservatrice au vu de la diminution drastique du prix.
8. La péréquation tarifaire ainsi mise en place fonctionne comme un transfert vers les entreprises et les
ménages de Wallis et Futuna. Le surcroît de revenu explique en partie l?augmentation de la demande
en énergie. Cependant, contrairement à d?autres formes de transfert, la péréquation tarifaire a pour
conséquence de modifier les prix relatifs. Le prix de l?électricité baisse relativement au prix des autres
biens et services, ce qui crée un appel d?air supplémentaire vers les biens et services intensifs en
électricité.
9. Ce biais est problématique car il entraîne un surcroît de demande électrique, et oblige donc à réaliser
l?objectif de maîtrise de la demande en énergie dans un contexte plus difficile, et a developper des
moyens de production supplementaires. Il n?est vraiment pas certain que ce soit le meilleur usage
redistributif de l?argent qui sera consacré, ni l?effet le plus efficace sur le developpement economique
de l?archipel.
La question des ENR intermittentes est évoquée de manière trop rapide
10. Au vu du climat très nuageux tout au long de l'année et de la surface limitée de chacune des îles,
qui n?autorise pas ou très peu de décorrélation spatiale, le risque d?intermittence associé aux panneaux
photo voltaïques semble important. Les conséquences pour l?équilibre offre demande sur le réseau
semblent importants, en particulier si le plan de développement de la capacité ENR (Figure 20, p.31)
est mené à bien (le parc PV représenterait 6000 MWh de production annuelle).
11. La question du stockage est évacuée dans le projet de PPE en section V.2.2 (p.34), mais d?une
manière très rapide. Une discussion des risques d?intermittence spécifiques au territoire, et les
solutions envisageables compte tenu des spécificités de Wallis et Futuna gagneraient à être décrites.
La partie mobilité semble ouvrir trop d?options
12. La partie "mobilité" du projet de PPE envisage à la fois le développement du véhicule électrique et
le développement d'une filière biocarburant locale. Développer ces deux approches en même temps
sur un territoire aussi petit semble néanmoins peu pertinent, du moins vu de l'extérieur. A minima, ce
choix devrait être argumenté.
Remarques conclusives
13. Le projet de PPE est clair et bien écrit. Comme pour les autres projets de PPE que le CETE a déjà
eu l?occasion d?examiner, il serait utile d?intégrer dans le prochain exercice une vision d?ensemble du
système énergétique via des bilans. En outre, plus d?éléments de comparaison permettraient de mieux
comprendre le contexte. Par exemple, le prix de vente des carburants à la pompe n'est pas donné en
section II.3.2, alors qu?il serait très utile pour se faire une idée des conditions locales.
14. S?agissant de la prospective sur la demande, il serait utile d?avoir dans le prochain exercice une
meilleure vision de la manière dont le futur énergétique qui est dessiné par le présent projet de PPE
s?articule avec les stratégies et priorités de développement de l?archipel. A ce niveau de finesse
géographique et spatial, en effet, le développement d?une seule activité (par exemple le tourisme) peut
avoir des conséquences majeures pour la demande énergétique.
A Paris, le 02 / 06 / 2018
Michel Colombier
Président du CETE