Effets sanitaires du bruit

Auteur moral
France. Conseil national du bruit
Auteur secondaire
Résumé
<span style="color: rgb(17, 17, 17); font-family: -apple-system, Roboto, SegoeUI, "Segoe UI", "Helvetica Neue", Helvetica, "Microsoft YaHei", "Meiryo UI", Meiryo, "Arial Unicode MS", sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: left; text-indent: 0px; text-transform: none; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; white-space: normal; background-color: rgb(243, 243, 243); text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial; display: inline !important; float: none;">Ce document traite des effets du bruit sur la santé, incluant les troubles auditifs et extra-auditifs, et souligne l'importance de la prévention et de la réglementation du bruit.</span>
Descripteur Urbamet
nuisance
Descripteur écoplanete
Thème
Ressources - Nuisances
Texte intégral
1 Les effets sanitaires du bruit Introduction Tout phénomène acoustique se caractérise par son intensité (en décibels - dB), sa répartition fréquentielle aussi appelée spectre (caractérisé par un ensemble de fréquences exprimées en hertz, Hz), ainsi que sa distribution temporelle et sa durée. Le champ auditif humain s?étend approximativement de 20 à 20 000 Hz et de 0 dB à 120 dB (cf. figure 1). Dans la gamme des niveaux sonores de la vie courante (30 à 80 dB), l?oreille est moins sensible aux sons graves et aigus qu?aux sons mediums (500-2000 Hz) qui correspondent aux fréquences conversationnelles. Pour tenir compte de cette sensibilité différente de l?oreille selon les fréquences, une unité physiologique de mesure du niveau sonore a été créée : le décibel A ou dB(A) qui intègre une pondération des niveaux de bruit par bandes de fréquence (cf. figure 2). Dans les niveaux les plus élevés (> 80 dB), à l?inverse, l?oreille est davantage sensible aux sons graves. Des courbes de pondération spécifiques (fi ltre C) peuvent être utilisées. Il existe en outre une grande variabilité interindividuelle quant à la perception du bruit. Figure 1 : Champ auditif humain (crédits : P. Minary) Figure 2 : Courbes de pondération A et C 2 Les impacts sanitaires de l?exposition au bruit sont divers, comprenant l?impact sur l?audition (effets auditifs), les effets extra auditifs subjectifs (gêne, effets du bruit sur les attitudes et le comportement social) ainsi que les effets extra auditifs dits objectifs (effets sur le sommeil, sur le système endocrinien, sur le système cardio-vasculaire, sur le système immunitaire, sur les apprentissages et sur la santé mentale). Les effets liés aux multi-expositions au bruit (expositions cumulées à plusieurs sources de bruit) et aux co- expositions au bruit et à d?autres pollutions ou nuisances (bruit et agents ototoxiques, bruit et pollution atmosphérique, bruit et chaleur) demeurent mal connus. Certaines populations présentent une vulnérabilité particulière à l?exposition au bruit : enfants en milieu scolaire en phase d?apprentissage, travailleurs exposés simultanément à différents types de nuisances ou substances, personnes âgées et personnes touchées par une déficience auditive, appareillées ou non. Effets auditifs Les effets du bruit sur l?audition sont généralement le fait d?expositions en milieu professionnel ou lors des loisirs, à des doses de bruit qui dépassent un niveau équivalent de 80 dB(A) sur 8 heures. Les conséquences fonctionnelles d?une exposition excessive au bruit vont de la fatigue auditive réversible qui se traduit par une élévation temporaire du seuil de l?audition à la perte auditive définitive qui est quant à elle irréversible. L?oreille humaine L?oreille est constituée de trois parties : externe, moyenne et interne. L?oreille externe débute par le pavillon qui capte l?onde sonore qui est ensuite canalisée par le conduit auditif externe jusqu?au tympan, fine membrane qui marque la fin de l?oreille externe et le début de l?oreille moyenne. L?oreille moyenne : l?onde sonore est une vibration aérienne qui va mobiliser la membrane du tympan et les osselets (marteau, enclume, étrier). La membrane du tympan et les osselets transportent et amplifient la vibration sonore jusqu?à l?oreille interne par phénomène mécanique. L?oreille interne renferme l?organe de l?audition, la cochlée, qui a la forme d?un cône creux enroulé en limaçon. La vibration sonore mécanique se transforme en vibration liquidienne au niveau de la cochlée. Dans la cochlée, les vibrations liquidiennes sont transformées en influx nerveux par la mobilisation des cellules ciliées internes (phénomène de transduction). Les fibres du nerf auditif se chargent enfin de la transmission de l?information au cerveau. Figure 3 : Schéma de l'oreille humaine La surdité provoquée par le bruit en milieu professionnel ou lors des loisirs est une surdité de perception due à l'altération des cellules auditives de l'oreille interne. Celles-ci sont en effet fragiles et en nombre limité (nous n?en possédons qu?environ 15 000 par oreille). Une exposition prolongée à un niveau sonore élevé ou une exposition brève à un niveau sonore très élevé peut les altérer voire entraîner leur destruction définitive. Or, elles ne se renouvellent jamais ! 3 Les facteurs influençant la survenue de ces conséquences fonctionnelles sont le niveau et la durée (effet cumulatif) ainsi que la fréquence du bruit et son caractère impulsionnel. C?est pourquoi les normes sont exprimées en iso-énergie, c?est à dire en niveau sonore continu équivalent pendant une durée donnée. A partir d?une exposition à un niveau de 70 dB(A) pendant plusieurs heures, des signes de fatigue auditive peuvent apparaître. Les dangers pour l?audition sont avérés pour des expositions chroniques à des niveaux atteignant ou excédant 80 dB(A) sur 8 heures. En outre, un son très intense, autour de 120 dB(A) génère de la douleur et entraîne immédiatement des lésions importantes et irréversibles pour les tympans et les structures ciliaires de l?oreille interne. Des ruptures ciliaires définitives peuvent notamment se produire avec des sons de durée très brève appelés sons impulsionnels et d?intensité supérieure à 130 dB. Il est important de noter que le seuil d?apparition de la douleur est très supérieur aux niveaux d?apparition des premiers risques pour l?oreille (70-80 dB(A)), d?où l?importance de la mise en place de mesures préventives. Les principaux seuils réglementaires sont : ? En milieu professionnel, une exposition à des niveaux de 80 dB(A) pendant 8 heures par jour est considérée comme le seuil d?apparition de la fatigue auditive. En cas d?impossibilité d?éviter les risques dus à l?exposition au bruit par d?autres moyens, la réglementation prévoit alors la mise à disposition de protections individuelles (casque, bouchons d?oreille). Lorsque le niveau d'exposition dépasse 85 dB(A) pendant 8 heures, le travailleur a l'obligation de porter ces protections. Une valeur limite d?exposition de 87 dB(A) sur 8 heures a également été fixée : il s?agit du niveau d?exposition quotidienne, compte tenu de l?atténuation assurée par les protecteurs auditifs individuels, au-delà duquel un travailleur ne doit en aucun cas être exposé. Pour les sons impulsionnels (chute de tôle, tirs de mines, tirs,...), la mise à disposition de protecteurs est demandée à l?employeur à partir de 135 dB(C) et le port est obligatoire pour les travailleurs au-dessus de 137 dB(C). La valeur limite d?exposition professionnelles est quant à elle fixée à 140 dB(C). ? Pour les activités impliquant la diffusion de sons amplifiés, la réglementation a également édicté des dispositions destinées à protéger l?audition du public. En aucun endroit accessible au public, le niveau sonore ne doit ainsi excéder 102 dB(A) ou 118 dB(C) sur 15 minutes et des mesures de prévention des risques et d?information du public doivent être mises en place par les exploitants. Dans la vie de tous les jours, l?exposition à des sons intenses (musique amplifiée, explosions, tirs, sports motorisés?), même sur des courtes durées, peut provoquer des traumatismes sonores aigus (TSA) qui se manifestent par une perte auditive passagère ou définitive, généralement accompagnée d?acouphènes (bourdonnements ou sifflements ressentis dans l?oreille ou la tête sans aucun stimulus sonore extérieur), voire d?hyperacousie (seuil de tolérance au bruit anormalement bas, les sons étant ressentis à des niveaux bien supérieurs à ce qu?ils sont). Le port de protections auditives est vivement recommandé lors de telles expositions. Interviennent également la vulnérabilité individuelle et la co-exposition à des substances chimiques. Ainsi l?âge (la détérioration de la fonction auditive due au vieillissement est nommée presbyacousie), les antécédents infectieux de la sphère ORL (otites), les antécédents de traumatisme crânien, la tension artérielle peuvent accroître les effets nocifs du bruit de même que l?alcool, l?exposition professionnelle (toluène, styrène, éthylbenzène) ou extra-professionnelle (certains antibiotiques, diurétiques, anti-tumoraux) à certaines substances toxiques appelées ototoxiques1. 1 Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET). Effets biologiques et sanitaires du bruit. Comment lutter contre le bruit ? Maisons-Alfort 2004. 4 Effets extra auditifs Les effets extra-auditifs du bruit peuvent se manifester lors d?expositions chroniques ou répétées à des niveaux sonores beaucoup plus faibles, comme c?est généralement le cas dans l?environnement. Les mécanismes d?action sont complexes. D?une part, une stimulation acoustique constitue une agression de l?organisme et engendre une réponse non spécifique, qui dépend des caractéristiques physiques du bruit (intensité, spectre en fréquence, durée). D?autre part, le bruit est une notion subjective et la réaction à une stimulation sonore est influencée par des représentations individuelles (utilité des sources, bruit choisi ou subi, contrôle des sources?). C?est pourquoi les effets extra-auditifs du bruit peuvent généralement être classés en deux catégories 2 : Effets subjectifs, pouvant entraîner une gêne, et donnant lieu à une perception individuelle. Effets objectifs, c?est-à-dire pouvant être mesurés selon des critères applicables à tous les individus : ? effets sur le sommeil ? effets sur le système endocrinien ? effets sur le système cardio-vasculaire ? effets sur le système immunitaire ? effets sur la cognition (données sur l?enfant) ? effets psychologiques. Mortalité Maladie (insomnie, pathologie cardiovasculaire) Facteurs de risque (pression artérielle, cholestérol, coagulation sanguine, glucose) Indicateurs de stress (réponse autonome, hormones de stress) Sensation d?inconfort (perturbation, gêne, troubles du sommeil) S é v é ri té c ro is sa n te d e s e ff e ts Population affectée Figure 4 : Schéma des effets extra auditifs du bruit selon W. Babish, 2002 3 Il est possible également de distinguer les effets selon qu?ils se manifestent à court terme ou à moyen/long terme. La gêne, les perturbations du sommeil et les difficultés de concentration sont considérées comme des effets de court terme car ils se manifestent immédiatement ou peu de temps à la suite de l?exposition au bruit. Les effets cardio-vasculaires et les effets sur les performances cognitives apparaissent dans le cadre d?une exposition chronique et sont donc considérés comme des effets de plus long terme. 2 Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET). Effets biologiques et sanitaires du bruit. Comment lutter contre le bruit ? Maisons-Alfort 2004. 3 Babisch W. The noise/stress concept, risk assessment and research needs. Noise Health. 2002;4(16 ):1?11. http://rh-sem.edf.fr/data/dossiers-thematiques/bruit/le-dossier-en-bref/donnees-sanitaires-effets-extra-auditifs/#effets-subjectifs 5 Figure 5 : Schéma des effets extra auditifs court et long terme selon l?OMS, 2017 Au cours des deux dernières décennies, de nombreuses publications ont établi un lien entre exposition au bruit dans l?environnement et problèmes de santé. A noter toutefois que les études ont essentiellement été réalisées sur des populations soumises au bruit des transports et qu?aucune n?a été référencée concernant les bruits de comportements ou de loisirs bruyants. Les impacts sanitaires qui sont aujourd'hui les mieux documentés et reconnus sont les suivants : la gêne, les effets sur le sommeil, sur le système cardio-vasculaire ainsi que les troubles dans les apprentissages. Ces effets sont particulièrement enchevêtrés, comme l?illustre la figure 6. Figure 6 : Imbrication des principaux effets extra-auditifs du bruit entre eux (d?après Y. Remvikos) 6 Il est important de noter que pour caractériser les effets du bruit non auditifs, il faut prendre en compte la situation individuelle et l'activité perturbée. La gêne Selon l?OMS, la gêne peut se définir comme « une sensation de désagrément, de déplaisir provoquée par un facteur de l?environnement dont l?individu (ou le groupe) reconnaît ou imagine le pouvoir d?affecter sa santé.» 4 . Appelé couramment « gêne sonore », le trouble dû au bruit est une sensation de désagrément venant perturber les activités de tous les jours et entraînant rapidement irritation, fatigue puis épuisement et souffrances psychophysiologiques pouvant à leur tour susciter des réponses négatives telles que la colère, l?agressivité. Chaque individu a sa propre perception du bruit. Le trouble qu'il ressent est le résultat de facteurs liés au bruit enduré (intensité sonore, émergence par rapport au bruit de fond, répétitivité du bruit, spectre, durée) mais également de facteurs contextuels et individuels tels que la période de la journée pendant laquelle le bruit survient, le caractère subi ou choisi du bruit, l'image positive ou non que la personne a de la source sonore, son histoire personnelle et ses habitudes socio-culturelles, son âge... Le bruit non choisi engendre, chez celui qui le subit sans pouvoir le faire cesser, un état hautement perturbant. S?il se prolonge, il devient une source de stress important qui entraîne, chez la plupart des individus, une dégradation rapide du comportement et de leur santé physique et mentale à plus ou moins long terme. Afin de caractériser la gêne, les études sont effectuées à l?aide de questionnaire à la fois en laboratoire et en situation réelle. Les nombreuses enquêtes réalisées « ont montré pour la plupart qu?il est difficile de fixer le niveau précis où commence l?inconfort et ont souligné le caractère variable du lien existant entre les indicateurs de gêne et l?intensité physique du son » 5,6 . Figure 7 : Relations dose-réponse entre exposition au bruit (indicateur Lden) et gêne de long terme (% de personnes se déclarant hautement gênées par le bruit ? HA : highly annoyed) (source : Europe position paper WG2 7 , Miediema 2001 5 ) 4 Berglund, B. and T. Lindvall (1995). Community Noise. Archives of the center for sensory research Copenhagen. 2: 195. 5 Miedema H, Oudshoorn C. Annoyance from transportation noise: relationships with exposure metrics DNL and DENL and their confidence intervals. Environ Health Perspect. 2001;109(4):409. 6 Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail (ANSES). Évaluation des impacts sanitaires extra-auditifs du bruit environnemental. Maisons-Alfort 2013. 7 European Commission Position paper on dose response relationships between transportation noise and annoyance. Luxembourg: Office for Official Publications of the European Communities; 2002. 7 Les effets sur le sommeil Le sommeil est une nécessité biologique pour maintenir le fonctionnement optimal du corps humain, son niveau de vigilance et le bien-être. Le bruit peut altérer tant la durée que la qualité du sommeil en générant différents troubles : retard à l?endormissement, augmentation du nombre et de la durée des éveils nocturnes conscients ou inconscients, réduction de la durée totale du sommeil, modifications des différentes phases du sommeil avec une diminution du sommeil lent profond qui est le plus réparateur et des phases de sommeil paradoxal (cf. figure 8). Les dernières études montrent que les bruits générés par les différents modes de transports (rail, route, aérien) génèrent les mêmes risques de perturbations du sommeil, pour un niveau d?exposition équivalent. Figure 8 : Illustration des effets du bruit nocturne sur la structure du sommeil Hypnogramme d?un jeune adulte lors d'une nuit perturbée par le bruit (l?efficacité du sommeil n?est ici que de 83%) Avec en ordonnées : REM : « rapid eye movements », abréviation pour REM sleep ou en français « sommeil avec mouvements oculaires rapides » souvent appelé « sommeil paradoxal » ; 1à 4 : stades 1 à 4 de sommeil lent. Un sommeil de mauvaise qualité peut avoir à court terme de graves répercussions sur la vie quotidienne en entraînant somnolence, baisse de l'attention et des performances et en exposant ainsi les personnes à des risques plus importants d'avoir un accident de la route ou du travail. Mais il a également des répercussions importantes sur le long terme. En effet, l?exposition nocturne au bruit provoque des réactions physiologiques d?activation du système nerveux autonome se traduisant par une accélération de la fréquence cardiaque, l?augmentation de la pression artérielle, des perturbat ions endocrines et métaboliques (diminution de la tolérance au glucose, augmentation de l?appétit et du cortisol) 8 . Ces anomalies aiguës peuvent, par leur répétition, avoir des conséquences chroniques sur le mécanisme métabolique (surpoids, diabète de type 2) ainsi que sur le système cardiovasculaire, et entraîner une élévation du risque de survenue d?infarctus du myocarde 9,10 . Il est important de noter que sur le plan des réponses autonomes biologiques du corps, il n?existe pas de phénomène d?habituation au bruit avec le temps, et ce, quel que soit le type de bruit. Le stress physiologique perdure de manière répétitive, même pour les individus qui déclarent s?y être accoutumés (exemple : riverains d?une voie ferrée ou d?une autoroute qui disent « ne plus entendre les bruits » au bout de quelques semaines). 8 Basner M, Babisch W, Davis A, Brink M, Clark C, Janssen S, et al. Auditory and non-auditory effects of noise on health. Lancet. 2014 Apr 12;383(9925):1325-32. 9 Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail (ANSES). Évaluation des impacts sanitaires extra-auditifs du bruit environnemental. Maisons-Alfort 2013. 10 Organisation Mondiale de la Santé. Night noise guideline for Europe. Geneva: WHO Regional Office for Europe; 2009. 8 Les effets sur les systèmes endocrinien, cardiovasculaire et immunitaire Les nuisances sonores peuvent provoquer des réactions non spécifiques de stress physiologique qui entraînent la libération excessive d?hormones telles que le cortisol ou les catécholamines (adrénaline, dopamine) ainsi que d?acides gras libres. L?augmentation de ces éléments entraîne à leur tour divers effets cardiovasculaires comme l?hypertension artérielle, le risque d?infarctus du myocarde, ainsi que des modifications du métabolisme pouvant engendrer des risques accrus de diabète de type 2 et d?obésité. Les effets à long terme de l'exposition chronique au bruit à des niveaux élevés ont été étudiés chez l'animal, montrant des changements permanents et des altérations vasculaires dans le muscle cardiaque, qui indiquent un risque accru de mortalité cardiovasculaire. Les études épidémiologiques menées sur l?exposition des travailleurs ont montré que les employés travaillant dans des environnements très bruyants ont un risque plus élevé d?avoir de l?hypertension et un infarctus du myocarde 11,12 . Ces études chez l?homme et l?animal sont concordantes et indiquent que l?élévation du taux nocturne de cortisol peut avoir des conséquences sur le système cardio-vasculaire, telles que l?élévation de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle, ou encore des troubles du rythme cardiaque. Des études épidémiologiques en population générale (cf. figure 9) ont également montré que le risque de développer une hypertension artérielle est augmenté par une exposition importante aux bruits du trafic routier ou du trafic aérien 13,14 . A noter que peu d?études en la matière ont été réalisées sur des populations soumises au bruit du trafic ferroviaire. Figure 9 : Relations dose-réponse entre exposition au bruit routier (RTN) ou aérien (AN) et maladies cardiovasculaires (source : M. Basner et al. 2014 15 ) Les modifications induites par le bruit au niveau endocrinien peuvent entraîner également une atteinte des défenses immunitaires. Des études indiquent que le stress prolongé pourrait entraîner une atrophie de l?hippocampe, structure nerveuse d?importance majeure, du fait de la sécrétion excessive de cortisol. 11 Davies H, Teschke K, Kennedy S, Hodgson M, Hertzman C, Demers P. Occupational exposure to noise and mortality from acute myocardial infarction. Epidemiology 2008;16(25-32). 12 Sbihi H, Davies H, Demers P. Hypertension in noise-exposed sawmill workers: a cohort study. Occupational and Environmental Medicine. 2008;10(1136). 13 Organisation Mondiale de la Santé. Night noise guideline for Europ. Geneva: WHO Regional Office for Europe; 2009 14 Organisation Mondiale de la Santé Europe. Burden of disease from environmental noise -Quantification of healthy life years lost in Europe. Bern 2011 15 Basner M, Babisch W, Davis A, Brink M, Clark C, Janssen S, et al. Auditory and non-auditory effects of noise on health. Lancet. 2014 Apr 12;383(9925):1325-32. 9 Les effets sur la cognition Outre la fatigue et la perte de concentration, se pose la question de l?altération de la fonction cognitive. Des études épidémiologiques 16 ont montré qu?il existe une relation linéaire entre l?exposition des enfants au bruit d?avion et des troubles cognitifs dans la compréhension de la lecture et la mémoire. Les études expérimentales ont précisé comment les processus de mémorisation étaient altérés par le bruit. En effet, dans une salle de classe, il est vivement recommandé que le bruit de fond soit inférieur à 35 dB(A) pour que les élèves situés au fond de la classe puissent entendre avec une bonne intelligibilité la parole de l?enseignant et comprendre clairement les messages. Avant l?âge de dix ans les enfants sont en plein développement phonologique, surtout de trois à sept ans, où ils acquièrent les subtilités du vocabulaire, l?intelligibilité est donc primordiale à cette période. Figure 10 : Compréhension d?un message parlé en fonction du rapport Signal/Bruit et de la prévisibilité du message (d?après R. Gamba) Les effets psychologiques L?exposition au bruit a une influence sur la réponse au stress et le bien-être psychologique. En effet, différentes études 17 menées autour de l?aéroport de Schiphol au Pays-Bas suggèrent que le bruit influerait sur le développement ou la révélation de troubles mentaux. Le bruit est par ailleurs considéré comme la nuisance principale chez les personnes présentant un état anxiodépressif. La présence de ce facteur joue un rôle déterminant dans l?évolution et le risque d?aggravation du syndrome 18 . De nombreuses études ont montré une augmentation des consultations et des hospitalisations psychiatriques ainsi que de la consommation de médicaments à visée neuropsychiatrique parmi les riverains d?aéroports 19 . Stansfeld et Haines pensent que le bruit n?est probablement pas associé à l?existence de troubles mentaux marqués chez l?enfant, mais que celui-ci peut affecter son bien-être, contribuer à l?état de stress chez celui-ci et entraîner des niveaux plus élevés de détresse psychique 20 . Il convient toutefois de mentionner que ces études sont confrontées à la difficulté de dissocier les effets liés au statut socio-économique des populations exposées au bruit. 16 Stansfeld et al. Ranch study team, Aircraft and road traffic noise and children?s cognition and health: a cross-national study. Lancet. 2005 Jun 4-10 ;365(9475) :1942-9. 17 van Kempen EE, van Kamp I, Stellato RK, Lopez-Barrio I, Haines MM, Nilsson ME, et al. Children's annoyance reactions to aircraft and road traffic noise. J Acoust Soc Am. 2009 Feb;125(2):895-904. 18 Stansfeld SA. Noise, noise sensitivity and psychiatric disorder: epidemiological and psychophysiological studies. Psychol Med. 1992;Suppl 22:1-44. 19 Stansfeld SA, Shipley M. Noise sensitivity and future risk of illness and mortality. Sci Total Environ. 2015 Jul 01;520:114- 9. 20 Stansfeld SA, Haines MM, Berry B, Burr M. Reduction of road traffic noise and mental health: an intervention study. Noise Health. 2009 Jul-Sep;11(44):169-75. 10 Méthodologie d?évaluation des impacts sanitaires L?évaluation de l'impact sanitaire repose habituellement sur l?identification d?un effet critique (premier effet nocif qui survient dans la population d?individus exposés lorsqu?on accroît la dose, et jugé pertinent chez l?homme) et l?estimation de la relation dose-réponse provenant d?études épidémiologiques ou toxicologiques. Les indicateurs retenus pour quantifier l?exposition sont de deux types : ? Les indicateurs énergétiques intégrés prennent en compte le cumul des bruits sur une période donnée (le jour, la nuit, 24 heures) et permettent de caractériser une exposition moyenne dite de long terme. Par exemple : LAeq et ses dérivés comme le Lden (day, evening, night), Lnight, Lday, Levening. Le Lden est notamment préconisé pour la cartographie du bruit dans le cadre de la directive européenne sur la gestion du bruit dans l?environnement. Cet indicateur caractérise le bruit sur une journée en donnant plus de poids au bruit le soir et la nuit pour tenir compte de la sensibilité plus forte des personnes au bruit sur ces deux périodes. On ajoute ainsi 5 dB au niveau de bruit entre 18 et 22h et 10 dB au niveau de bruit entre 22h et 6h (cf. directive européenne 2002/49/CE). Figure 11 : Principe de calcul de l?indicateur Lden (Source : http://bruit.seine-et-marne.fr/indicateurs-lden-et-ln) ? Les descripteurs événementiels s?intéressent, quant à eux, aux pics de bruit. Ils permettent de mieux prendre en compte les impacts sanitaires associés au caractère émergent des événements sonores et à leur caractère répétitif (pics de bruit générés par le trafic aérien ou la circulation ferroviaire par exemple). Les indicateurs événementiels les plus utilisés sont la valeur LAmax qui correspond au niveau maximal atteint lors d?un pic de bruit ainsi que le nombre d?évènements dont le niveau maximal atteint dépasse un certain seuil (NAseuil) - (cf. rapport de l?ANSES 21 ). Figure 12 : Pic de bruit et exemples d?indicateurs événementiels associés (Source : Bruitparif) 21 Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail (ANSES). Évaluation des impacts sanitaires extra-auditifs du bruit environnemental. Maisons-Alfort 2013. 11 L?OMS ainsi que les agences sanitaires comme l?Anses s?appuient sur le corpus d?études épidémiologiques menées par diverses équipes de recherche pour évaluer les risques sanitaires du bruit et recommander des valeurs guide au-delà desquelles l?exposition répétée représente un risque pour la santé. Ces valeurs guides sont mises à jour régulièrement en fonction de l?avancée des connaissances. Tableau 1 : Principales valeurs guide concernant les effets sanitaires du bruit Effets sanitaires Valeurs guide relatives aux effets sanitaires Seuils retenus Effets mesurés Références Santé en général Lden = 50 dB(A) en extérieur (bruit incident) A confirmer Santé en général OMS 2017 (en cours de validation) Ln = 40 dB(A) en extérieur (bruit incident) Santé en général OMS 2009 Perturbation du sommeil Ln = 42 dB(A) en extérieur (bruit incident) Accroissement de l'activité motrice durant le sommeil OMS 2009 ANSES 2013 Perturbation du sommeil (autodéclaration) Insomnie environnementale LAmax = 35 dB(A) de nuit en intérieur Modification de la structure du sommeil OMS 2009 Activation de l?électro-encéphalogramme («arousal») LAmax = 42 dB(A) de nuit en intérieur Eveil durant la nuit OMS 2009 Gêne LAeq 6-22h = 50/55 dB(A) en extérieur (bruit incident) Gêne exprimée modérée/sérieuse OMS 1999 Lden = 42 dB(A) en extérieur (bruit incident) Gêne exprimée OMS 2011 LAmax = 65 dB(A) en extérieur (bruit incident) Gêne exprimée Martin, Tarrero et al. 2006 22 Effets sur le système cardiovasculaire Ld = 57,5 dB(A) en extérieur (bruit incident) Risques d'accidents cardiovasculaires OMS 2011 Ln = 50 dB(A) en extérieur (bruit incident) Risques d'hypertension OMS 2009 Risques d'infarctus du myocarde Ln = 55 dB(A) en extérieur (bruit incident) Effets cardiovasculaires OMS 2009 Diminution des performances scolaires Ldn = 50 dB(A) en extérieur (bruit incident) Diminution des performances cognitives OMS 2011 Bruit de fond durant la classe (intérieur) = 35 dB(A) Perturbation de l?intelligibilité de la parole Ziegler J.C. et al. 2005 23 LAmax = 50 dB(A) de jour en intérieur Intelligibilité de la parole à 1 m Afnor NF S31047 Effets sur l?audition LAeq 24h = 70 dB(A) en intérieur comme en extérieur Risques auditifs OMS 1999 (en cours de réactualisation) LAeq 1h = 85 dB(A) pour écoute de musique au casque ou dans lieux publics Moins de 5 événements festifs par an avec LAeq 4h = 100 dB(A) LAmax = 110 dB(A) L?OMS a proposé en 2011 une méthodologie 24 pour estimer la morbidité liée au bruit de l?environnement. Celle-ci repose sur l?utilisation de l?indicateur synthétique des années de vie en bonne santé perdues (DALY en anglais pour « disability adjusted life years ») du fait de l?incapacité ou de la mortalité prématurée. Selon cette méthodologie, plus d?un million d?années de vie en bonne santé seraient perdues chaque année en Europe sous l?effet du bruit causé par les infrastructures de transport, principalement en raison des troubles du sommeil (903 000 DALY) et de la gêne (587 000 DALY). Le bruit des transports y serait également responsable de plus de 10 000 cas de mortalité prématurée et de 43 000 hospitalisations par an. 25 22 Martín MA, Tarrero A, González J, Machimbarrena M (2006) Exposure?effect relationships between road traffic noise annoyance and noise cost valuations in Valladolid, Spain. Applied Acoustics 67(10), 945-958. 23 Ziegler JC, Pech-Georgel C, George F, Alario FX, Lorenzi C. Deficits in speech perception predict language learning impairment. Proc Natl Acad Sci U S A. 2005 Sep 27;102(39):14110-5. 24 Organisation Mondiale de la Santé Europe. Burden of disease from environmental noise -Quantification of healthy life years lost in Europe. Bern 2011. 25 Noise in Europe 2014, EEA report, 2014. 12 Pour aller plus loin - Quelques ouvrages de référence Organisation Mondiale de la Santé (OMS) Ecouter sans risque. OMS. 2015. Agence nationale de sécurité sanitaire, alimentation, environnement, travail (Anses). Evaluation des impacts sanitaires extra-auditifs du bruit environnemental. Avis de l?Anses et Rapport d?expertise collective. Anses, 2013. Centre d?Information et de Documentation sur le Bruit (CIDB). Bruit et santé. CIDB. 2013. Organisation Mondiale de la Santé (OMS) La charge de la morbidité imputable au bruit environnemental. Quantification du nombre d?années de vie en bonne santé perdues en Europe. OMS. 2011. European Environment Agency (EEA). Good practice guide on noise exposure and potential health effects. EEA Technical report n°11, 2010. Organisation Mondiale de la Santé (OMS) Valeurs guides concernant le bruit nocturne en Europe. OMS. 2009. Agence française de sécurité sanitaire, de l?environnement et du travail (Afsset). Impact sanitaire du bruit. Etat des lieux. Indicateurs bruit-santé. Afsse, 2004. Organisation Mondiale de la Santé (OMS) Valeurs guides pour le bruit communautaire. OMS. 1999. Brochure « Les effets sanitaires du bruit » réalisée par le Conseil National du Bruit Commission Santé Environnement ? Septembre 2017 Crédits : fotolia.com

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