Adapter le système assurantiel français face à l'évolution des risques climatiques

LANGRENNEY, (Thierry)

Auteur moral
Auteur secondaire
Résumé
<span style="color: rgb(17, 17, 17); font-family: -apple-system, Roboto, SegoeUI, "Segoe UI", "Helvetica Neue", Helvetica, "Microsoft YaHei", "Meiryo UI", Meiryo, "Arial Unicode MS", sans-serif; font-size: 14px; font-style: normal; font-variant-ligatures: normal; font-variant-caps: normal; font-weight: 400; letter-spacing: normal; orphans: 2; text-align: left; text-indent: 0px; text-transform: none; widows: 2; word-spacing: 0px; -webkit-text-stroke-width: 0px; white-space: normal; background-color: rgb(243, 243, 243); text-decoration-thickness: initial; text-decoration-style: initial; text-decoration-color: initial; display: inline !important; float: none;">Ce document examine les impacts du changement climatique sur les risques assurés en France, soulignant une augmentation des sinistres et des coûts. Il propose des adaptations pour le système assurantiel, incluant des stratégies de prévention et d'adaptation, pour renforcer la résilience face aux risques climatiques.</span>
Descripteur Urbamet
risques naturels ; assurance
Descripteur écoplanete
Thème
Ressources - Nuisances
Texte intégral
Table des matières Introduction ................................................................................................... 7 Synthèse des recommandations .................................................................... 10 CHAPITRE 1. Les effets du changement climatique sur les périls assurés en France ........................................................................................................... 16 1.1. ? Le changement climatique a engendré, sur les dernières décennies, une hausse sensible de la sinistralité en France .................................................... 16 1.1.1. Sécheresse (retrait-gonflement des argiles) ........................................................................ 16 1.1.2. Inondations .......................................................................................................................... 17 1.1.3. Submersions marines .......................................................................................................... 18 1.1.4. Cyclones ............................................................................................................................... 20 1.1.5. Tempêtes non couvertes par le régime Cat Nat (hors vents cycloniques) .......................... 21 1.1.6. Grêle .................................................................................................................................... 21 1.1.7. Pertes agricoles liées à des aléas climatiques ..................................................................... 22 1.2. ? Le changement climatique va prolonger la hausse de la sinistralité à horizon 2050 et au-delà ................................................................................. 23 1.2.1. Sécheresses (retrait-gonflement des argiles) ...................................................................... 28 1.2.2. Inondations .......................................................................................................................... 29 1.2.3. Submersions marines .......................................................................................................... 29 1.2.4. Cyclones ............................................................................................................................... 30 1.2.5. Tempêtes non couvertes dans le régime Cat Nat (hors vents cycloniques) ........................ 31 1.2.6. Grêle .................................................................................................................................... 31 1.2.7. Pertes agricoles et sylvicoles liées à des aléas climatiques ................................................. 32 1.3. ? Le changement climatique implique une dérive des coûts des sinistres, estimée autour de 1% pour le régime CatNat jusqu?à 2050 ......................... 34 1.3.1. Implications sur les coûts des sinistres, le régime d?indemnisation des catastrophes naturelles et les stratégies de modélisation .................................................................................. 34 1.3.2. Il existe des opportunités pour améliorer la modélisation des risques .............................. 36 1.3.3. Les interactions entre risques climatiques sont un facteur supplémentaire d?augmentation des coûts des sinistres ................................................................................................................... 37 1.3.4. Des efforts de recherche et de développement permettront de mieux quantifier les bénéfices de l?adaptation et les effets négatifs des pratiques mal-adaptatives ............................ 37 1.3.5 Des points de bascule climatiques ou sociétaux peuvent être franchis. Les conséquences d?un tel scénario pour l?assurance ne sont pas caractérisées de manière suffisante. .................. 38 CHAPITRE 2. ADAPTER LE SYSTEME ASSURANTIEL FACE AUX RISQUES PHYSIQUES POSES PAR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE .................................. 39 2.1. ? Le système assurantiel français fait coexister des modèles de liberté de marché et un Régime encadré par l?État ........................................................ 39 2.2. ? État des lieux des modèles actuariels et des politiques de souscription d?assureurs du marché français de l?assurance de dommages aux biens ........ 41 2.2.1. Les deux grandes approches actuarielles de modélisation des risques climatiques .......... 41 2.2.2. Un paysage de modélisation influencé par la prédominance du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles ........................................................................................................... 42 2.2.3. Les risques de modèles des assureurs et réassureurs dans le contexte du changement climatique ...................................................................................................................................... 43 2.3. ? Le déséquilibre du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles à climat actuel doit être corrigé à court terme, et sa résistance au changement climatique renforcée ..................................................................................... 44 2.3.1. Un déséquilibre du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles estimé à 1 200 M¤ par an à climat actuel .................................................................................................................... 44 2.3.2. Une hausse à court terme et une indexation de la surprime catastrophes naturelles incontournables pour rééquilibrer le Régime dans la durée ......................................................... 46 2.3.3. L?indexation des franchises, classique en assurance, est adaptée au contexte du Régime 47 2.4. ? Consolider les zones d?exposition majeure aux principaux risques climatiques pour renforcer la responsabilisation des assureurs et assurés .... 48 2.4.1. Consolider la cartographie des zones d?exposition aux principaux risques naturels majeurs, de manière partagée entre l?État, la CCR et les acteurs assurantiels ............................................ 48 2.4.2. Renforcer l?incitation à la prévention des biens professionnels de haute valeur, des résidences secondaires et des biens locatifs localisés en zone d?exposition forte (orange) et très forte (rouge), en instaurant pour ces seuls cas la liberté de fixation des primes et franchises d?assurance du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles .......................................... 50 2.4.3. Adapter et uniformiser les modalités de réassurance de la CCR pour les assureurs opérant dans les départements ultramarins ............................................................................................... 51 2.5. ? Préserver la mutualisation de la prise en charge des risques garantis par le régime d?indemnisation des catastrophes naturelles sur l?ensemble du territoire ....................................................................................................... 52 2.5.1. Développer un mécanisme de nivellement des marges techniques entre zones à faible et forte exposition via la modulation du prélèvement additionnel sur les surprimes Cat Nat ......... 53 2.5.2. Développer et diffuser dès 2024, notamment via la CCR, un comparatif des parts de marché en assurance habitation au niveau national, d?une part, et dans les zones d?exposition forte (orange) et très forte (rouge) d?autre part ............................................................................ 53 2.5.3. Défendre auprès des instances européennes chargées de superviser le projet de règlement visant à règlementer l?accès, l?utilisation et le partage des données financières dans l'UE les spécificités du modèle français d?indemnisation des catastrophes naturelles afin d?éviter un effet de démutualisation au détriment des zones d?exposition climatique fortes .................. 54 2.6. ? La gestion des risques de la CCR et de l?État liés aux évènements climatiques extrêmes .................................................................................... 55 2.6.1. Un risque global évalué à 5,2 milliards d?euros tous les 10 ans et à 12 milliards d?euros tous les 50 ans ....................................................................................................................................... 55 2.6.2. Un risque pour l?État et la CCR évalué à 2,4 milliards d?euros tous les 10 ans et 9,2 milliards d?euros tous les 50 ans .................................................................................................................. 56 2.6.3. Les lignes de défense actuelles de la CCR et de l?État face aux évènements extrêmes ...... 57 2.6.4. Pistes de réduction supplémentaire du risque porté par la CCR et l?État ........................... 58 CHAPITRE 3. RENFORCER LE ROLE DU SYSTEME ASSURANTIEL DANS LA PREVENTION ET L?ADAPTATION AUX RISQUES CLIMATIQUES ......................... 62 3.1. ? Le rôle de la prévention des risques dans le rééquilibrage du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles ................................................ 62 3.1.1. Le rôle de la prévention des risques majeurs corrélés aux évènements climatiques dans le rééquilibrage du régime d?indemnisation des catastrophes naturelle ......................................... 62 3.1.2. Etat des lieux des actions et financements existants dédiés à la prévention et à l?adaptation face aux risques climatiques ..................................................................................... 63 3.2. ? Élaborer un catalogue d?actions d?adaptation appropriées au contexte français pour orienter les actions de prévention des assureurs ...................... 68 3.3. ? Renforcer le financement des leviers publics et privés de prévention des risques naturels et rehausser la contribution du secteur assurantiel ............. 69 3.3.1. Renforcer le financement de la prévention individuelle des risques naturels majeurs, y compris pour le RGA et anticiper le financement de l?adaptation côtière .................................... 69 3.3.2. Investir pour développer la connaissance des risques et les mesures de prévention appropriées ................................................................................................................................... 74 3.3.3. Consolider une association nationale de prévention des risques naturels avec la contribution des assureurs ............................................................................................................ 75 3.4. ? Développer et accompagner l?investissement dans la résilience du bâti ..................................................................................................................... 76 3.4.1. Renforcer les lois Élan et ZAN pour sécuriser l?équilibre du régime à moyen et long terme ....................................................................................................................................................... 76 3.4.2. Rendre obligatoire l?assurance dommages-ouvrage en cas de souscription d?un crédit immobilier ou de revente sur les zones à forte exposition ........................................................... 78 3.4.3. Renforcer le contrôle du respect de la prise en compte du règlement des plans de prévention des risques majeurs dans les plans locaux d?urbanisme et dans les schémas de cohérence territoriale .................................................................................................................... 78 3.4.4. Développer un dispositif de cofinancement des diagnostics de résilience par le nouveau fonds pour la prévention individuelle et les assureurs .................................................................. 79 3.4.5. Imposer la réalisation d?un diagnostic de résilience post-sinistre dans les zones d?exposition forte .......................................................................................................................... 79 3.4.6. Envisager le déploiement d?un prêt à taux nul pour les particuliers réalisant des travaux de prévention des risques naturels en zone rouge ou orange ainsi qu?une avance des aides publiques par leur versement direct auprès des entrepreneurs ................................................... 80 3.4.7. Envisager le déploiement d?un crédit d?impôt pour les particuliers à moyens et faibles revenus réalisant des travaux de prévention des risques naturels ............................................... 80 3.4.8. Imposer et contrôler l?obligation de travaux de réduction de la vulnérabilité dans les zones d?exposition très forte aux risques naturels après un sinistre ....................................................... 80 3.4.9. En cas de sinistre grave en zone d?exposition très forte (rouge), permettre une indemnisation assurantielle à la valeur vénale du bien augmentée d?une prime à la relocalisation, et organiser la reprise du bien gravement endommagé par la collectivité ........... 81 CHAPITRE 4. LA CONTRIBUTION DU SYSTEME ASSURANTIEL AU FINANCEMENT DE L?ATTENUATION DES EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE .................... 84 4.1. ? Les assureurs ont, par des plans de transition ambitieux, l?opportunité de contribuer fortement à l?atteinte des objectifs de l?Accord de Paris ........... 84 4.1.1. Défendre une position d?évolution et d?application de la directive Solvabilité 2 à hauteur de l?exigence de CRD6/CRR3 sur les plans de transition ............................................................... 84 4.1.2. Assurer la lisibilité et la cohérence des plans de transition des assureurs en traitant de manière adaptée le scope 3 aval ................................................................................................... 86 4.1.3. Renforcer le rôle de recommandations de l?ACPR sur les plans de transition climatique et élargir son action de contrôle au-delà des bancassureurs qui seront contraints dans le cadre de CRD6/CRR3 .................................................................................................................................... 88 4.2. ? Développer des politiques ambitieuses de décarbonation des portefeuilles d'assurances dommages ........................................................... 89 4.2.1. Inciter les entreprises d?assurance et d?assistance à développer l?adoption des véhicules de remplacement électriques en cas de sinistre ................................................................................ 89 4.2.2. Systématiser les clauses « vertes » en matière d?indemnisation ........................................ 90 Annexe 1 : Compte d?exploitation du Régime après rééquilibrage sur base des paramètres climatiques et économiques de 2022 ............................................ 97 Annexe 2 : Illustration d?évènements extrêmes ................................................ 99 Annexe 3 : L?assurance des panneaux photovoltaïques sur toitures ............... 102 Annexe 4 : Banques ? Textes prévus pour la révision de la CRD ...................... 104 Annexe 5 : Eléments de synthèse de l?étude comparative internationale ....... 106 Annexe 6 : Liste des auditions menées dans le cadre de la mission ................ 109 Annexe 7 : Bibliographie indicative ................................................................. 113 Annexe 8 : Lettre de mission des ministres Bruno LE MAIRE et Christophe BECHU ............................................................................................................ 115 Introduction Au cours des deux dernières décennies, le climat a évolué et on observe une dérive importante de la sinistralité. Les observations et les modélisations disponibles montrent que cette dérive est cohérente avec les effets attendus du changement climatique. D?ici à 2050, le changement climatique aggravera encore davantage les aléas climatiques, et ainsi plus largement aura une incidence notable sur les sécheresses, les inondations, les submersions marines et les aléas cycloniques notamment. Cette augmentation de la sinistralité sera d?autant plus importante que le niveau de réchauffement sera élevé. La Caisse centrale de réassurance ? entreprise à capitaux publics proposant une réassurance, avec la garantie publique, des risques de catastrophes naturelles ? estime ainsi que la hausse de la sinistralité du seul fait du climat serait comprise entre 27% (scénario RCP 4.5) et 62% (scénario RCP 8.5) en moyenne à horizon 2050. L?accroissement des enjeux assurés dans les zones à risques, les pressions inflationnistes et les améliorations apportées à la couverture des assurés seront des causes supplémentaires d?inflation des dommages climatiques. Tous les territoires ne sont pas exposés de manière homogène aux aléas naturels, et tous les aléas ne connaîtront pas une évolution comparable en termes de fréquence, d?intensité et de cinétique. Pour le régime d?indemnisation des catastrophes naturelles, le retrait-gonflement des argiles apparaît comme un péril particulièrement préoccupant actuellement compte-tenu du montant des dommages qu?il engendre et de leur forte évolution récente. Les risques naturels dépendent non seulement du climat et de son évolution, mais aussi de l?exposition et de la vulnérabilité des populations, des biens, des activités et des écosystèmes aux catastrophes naturelles, de la capacité à prévenir et à protéger de ces catastrophes, et des moyens déployés pour la prévention et l?adaptation. Dans ce contexte, le redressement à court et moyen termes du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles implique de rehausser rapidement le prélèvement sur le produit des primes additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophe naturelle. La mission estime à 1 300 millions d?euros par an les besoins financiers additionnels nécessaires pour permettre le rééquilibrage du Régime, sans tenir compte des effets futurs du changement climatique sur la hausse de la sinistralité. D?autres mesures complémentaires pourraient également être envisagées pour soutenir le rééquilibrage du Régime. Par ailleurs, les risques cycloniques, sismiques et d?inondations majeures posent la question de protéger l?Etat et la Caisse centrale de réassurance face aux conséquences d?un évènement extrême. Cette mission défend la conviction que la mutualisation entre tous les assurés des périls climatiques couverts par le régime d?indemnisation des catastrophes naturelles constitue un modèle très protecteur ? et donc précieux ? pour garantir une couverture assurantielle large, y compris dans les zones les plus exposées aux périls climatiques. Les exemples de modèles assurantiels fondés sur la liberté de marché, qui se traduisent par une liberté de souscription de l?assuré et une tarification des risques en fonction de l?exposition climatique, peuvent générer un phénomène de non-assurance de nombreux ménages, collectivités et entreprises et une instabilité de l?offre assurantielle. Les limites de ces modèles dans une situation de forte sinistralité se sont traduites par une intervention fréquente des États en dernier ressort, soit pour subventionner l?offre assurantielle, soit pour soutenir l?accès à l?assurance, soit en soutien budgétaire d?urgence post-catastrophe. Le modèle assurantiel « Cat Nat » français, fondé sur la distinction des régimes en fonction des aléas, l?encadrement par l?État des conditions d?exercice du marché, un contrôle de la tarification et des ressources en réassurance, a démontré une certaine efficacité pour contenir les risques de non-assurance ou d?intervention de l?Etat. Ce modèle présente l?avantage de mutualiser, au moins en partie, le niveau des primes pour rendre l?assurance accessible dans les zones les plus exposées aux aléas. Il doit être renforcé et mieux financé pour demeurer efficace. Le désengagement constaté d?assureurs dans les zones très exposées aux risques climatiques constitue un risque stratégique majeur, tant pour les assurés et l?économie de ces territoires que pour l?équilibre du système assurantiel français, appelant à la mise en place rapide de mesures de péréquation. L?étendue de ce phénomène est encore difficile à estimer avec précision en l?absence de politique affichée et de par son caractère relativement récent. Le régime français d?indemnisation des catastrophes naturelles est fondé sur une solidarité dans la durée entre assurés. Or, le développement récent des outils de segmentation géographique pour orienter les politiques de sélection des risques peut mettre en péril le régime du fait des phénomènes d?antisélection qu?elles induisent sur les zones à plus forte exposition. Les conséquences potentiellement graves de cette démutualisation impliquent, d?une part, d?affiner la connaissance des décideurs politiques sur les zones géographiques marquées par l?existence d?un risque élevé, et d?autre part d?anticiper ce phénomène de sélection en prévoyant des mesures incitatives. Le rééquilibrage du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles est, à notre sens, une condition nécessaire pour éviter la dynamique de sélection des risques par les acteurs assurantiels. Dans l?optique de supprimer toute incitation économique à ce type de sélection, la mission a élaboré des propositions visant, notamment, à développer un mécanisme de modulation du taux du prélèvement sur le produit des cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophe naturelle en fonction de l?exposition aux aléas climatiques. Le renforcement des efforts de prévention individuelle et collective constitue un axe de progrès essentiel pour contenir la hausse projetée des coûts des sinistres. Cet effort doit impliquer plus étroitement les acteurs assurantiels et les décideurs publics. La sinistralité climatique revêt une dimension multifactorielle : elle est la conséquence de l?intensité et de la fréquence des aléas climatiques, de l?exposition et de la vulnérabilité des territoires et des assurés, de l'effectivité de la gouvernance des risques et des dispositifs de contrôle des acteurs, des politiques de sensibilisation à culture du risque, ainsi que de l?efficacité des mesures de prévention des risques. Sur ce dernier aspect, plusieurs études ont démontré, par exemple, l?efficacité du déploiement des mesures prescrites de prévention des risques d?inondations. Des travaux prometteurs sur des mesures dites « horizontales » de prévention pour le bâti existant face au retrait-gonflement des argiles mériteraient également d?être soutenus et accélérés. Dans le cadre de cette mission, centrée sur le rôle du système assurantiel pour la prévention des risques liés au changement climatique, une attention a été portée au développement des mesures de prévention individuelle. Ils portent sur la contribution possible du système assurantiel pour (i) sensibiliser les assurés, les élus, les experts de l?immobilier et du bâtiment aux risques naturels et à la prévention, à travers la consolidation d?une association nationale pour la prévention des risques associant les assureurs (ii) renforcer le financement de la prévention individuelle y compris face à certains périls non couverts à ce jour par le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) à travers un fonds dédié, (iii) faciliter l?accès à un ensemble d?actions de prévention à travers une plateforme du type MaPrimeRénov?. Cet ensemble de contributions nécessitera de disposer d?un catalogue d?actions d?adaptation appropriées au contexte français pour orienter les actions de prévention des acteurs assurantiels, que la mission propose de constituer. La mission a élaboré une proposition de démarche structurée d?intervention pour déployer à l?échelle ces efforts de prévention en associant les acteurs du système assurantiel, incluant (i) une cartographie territoriale harmonisée de l?exposition aux aléas climatiques, (ii) le déploiement de diagnostics de résilience individualisés, après un sinistre, dans les zones exposées aux aléas climatiques, (iii) une obligation de travaux de réduction de la vulnérabilité dans les zones d?exposition très forte après sinistre (iv) la mise en oeuvre de mesures d?accompagnement au financement individuel et collectif des efforts de prévention et (v) le renforcement de l?indemnisation assurantielle afin de faciliter la relocalisation des assurés sinistrés le désirant et organiser la reprise des biens fortement endommagés. En matière d?atténuation des effets du changement climatique, les assureurs ont, par des plans de transition ambitieux, l?opportunité de contribuer fortement à l?atteinte des objectifs de l?Accord de Paris. La mission recommande aux décideurs publics de défendre une position d?évolution de la directive Solvabilité II applicable au secteur assurantiel à la hauteur de l?exigence des directives du secteur bancaire (CRD6/CRR3) sur ces plans de transition. Ceux-ci devraient en outre prévoir un traitement distinct des objectifs et politiques de décarbonation relevant du scope 3 aval de leurs émissions afin d?assurer l?intégrité et la lisibilité des trajectoires de réduction des émissions de GES du secteur de l?assurance. L?autorité française de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui assure la supervision prudentielle du secteur des assurances, pourrait également être renforcée dans son rôle de recommandations et de contrôle sur les plans de transition climatique. En matière de politique de souscription favorisant la décarbonation des portefeuilles d'assurances dommages, la mission appelle à une action renforcée du secteur de l?assurance et de l?assistance pour faciliter le développement de véhicules électriques de remplacement en cas de sinistre. Un tel mouvement d?électrification des véhicules de remplacement peut résulter d?un engagement de place de l?ensemble des assureurs automobiles ou, à défaut, d?une règlementation contraignante, prenant en compte les contraintes opérationnelles notamment liées à la capacité du parc de location. En outre, la mission recommande d?accélérer la diffusion des clauses « vertes » en matière d?indemnisation. Le principe est simple : en cas de sinistre grave imposant le remplacement d?un véhicule ou d?un équipement, au-delà de l?indemnisation à la valeur avant sinistre ou correspondant à la valeur à neuf du bien sinistré, une participation aux efforts de décarbonation est allouée par l?assureur. Cela suppose, au plan juridique, un ajustement du principe indemnitaire et, d?autre part, la prise en compte dans les tarifs de ces majorations d?indemnité. Dans le domaine automobile, la mission constate que l?utilisation de pièces de réemploi fait désormais très régulièrement partie des objectifs stratégiques en gestion des sinistres automobiles et soutient la poursuite et la facilitation de ces efforts. En assurance habitation, l?utilisation de matériaux de construction de réemploi est en revanche très peu développée. La survenance d?un sinistre ? en automobile comme sur un bien immobilier ? constitue un moment adapté pour envisager l?utilisation de pièces ou matériaux de réemploi. Il reste un travail à réaliser conjointement par les filières de recyclage des matériaux de construction et les organismes de certification pour faire classer dans certaines conditions ces matériaux de réemploi parmi les matériaux courants. Cette mission portant sur l?assurabilité des risques climatiques, qui nous a été confiée par les ministres Bruno Le Maire et Christophe Béchu en mai 2023, s?appuie notamment sur les contributions d?environ 150 personnes représentant une soixantaine d?organisations professionnelles et de la société civile, du secteur assurantiel, de la recherche et des sciences du climat. La mission tient à remercier chaleureusement l?ensemble des contributeurs qui se sont mobilisés pour partager leur expérience, apporter leurs recommandations et enrichir nos réflexions. Elle adresse également ses très chaleureux remerciements à Jérémy Lauer-Stumm qui lui a fourni une aide inestimable. Nous nous sommes efforcés de donner suite aux attentes exprimées par les ministres à travers ce rapport que nous avons voulu empreint de pragmatisme et équilibré en termes d?efforts des parties prenantes et au plan financier. Nous espérons qu?il contribuera utilement aux travaux en cours en France pour atténuer le changement climatique et favoriser l?adaptation à ses impacts. * Synthèse des recommandations 11 objectifs majeurs appelant 37 recommandations Politiques assurantielles de souscription OBJECTIF N°1 : ASSURER LE REDRESSEMENT DU RÉGIME D?INDEMNISATION DES CATASTROPHES NATURELLES A COURT TERME ET SA PERENNITE A MOYEN ET LONG TERMES 1.1. Rehausser rapidement les taux de la surprime Cat Nat afin de renforcer les ressources financières du régime à hauteur de 1.300 M¤ par an (sur base des paramètres économiques et climatiques de 2022) 1.2. Instaurer un mécanisme d?indexation automatique du taux de surprime Cat Nat afin de prendre en compte les effets du changement climatique, en fixant la réévaluation annuelle initiale à 1% des taux de surprime (soit 0,2 point de %) par an à compter de 2023. Prévoir une clause de revoyure quinquennale, et accompagner tout changement des conditions d?indemnisation par le Régime d?un ajustement correspondant et simultané de la surprime. 1.3. Indexer les franchises légales du régime sur l?indice du coût de la construction. OBJECTIF N°2 : CONSOLIDER LES ZONES D?EXPOSITION MAJEURE AUX PRINCIPAUX RISQUES CLIMATIQUES POUR RENFORCER LA RESPONSABILISATION 2.1. Consolider une cartographie des zones d?exposition élevée aux principaux aléas naturels majeurs, de manière partagée entre l?État, la CCR et les acteurs assurantiels. 2.2. Renforcer l?incitation à la prévention des risques professionnels de haute valeur, des résidences secondaires et des biens locatifs localisés en zone d?exposition forte (orange) et très forte (rouge), en instaurant pour ces seuls cas la liberté de fixation des primes et franchises d?assurance du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles 2.3. Adapter et uniformiser les modalités de réassurance de la CCR pour les assureurs opérant dans les zones ultramarines Politiques assurantielles d?adaptation et de prévention OBJECTIF N°3 : PRÉSERVER LA MUTUALISATION DES RISQUES GARANTIS PAR LE RÉGIME « CAT NAT » SUR L?ENSEMBLE DU TERRITOIRE 3.1. Développer un mécanisme de nivellement des marges techniques entre zones à faible et forte exposition via la modulation du prélèvement additionnel sur le régime Cat Nat au titre de la prévention. 3.2. Développer et diffuser dès 2024, notamment via la CCR, un comparatif des parts de marché en assurance habitation au niveau national, d?une part, et dans les zones d?exposition forte (orange) et très forte (rouge) d?autre part. 3.3. Rendre lisible, en vue de de l?appuyer auprès des instances européennes chargées de superviser le projet de règlement visant à règlementer l?accès, l?utilisation et le partage des données financières dans l'UE (Framework for Financial Data Access) les spécificités du modèle français d?indemnisation des catastrophes naturelles afin d?éviter un effet de démutualisation au détriment des zones d?exposition climatique fortes OBJECTIF N°4 : PROTÉGER L?ÉTAT ET LA CCR FACE AUX CONSÉQUENCES D?UN ÉVENEMENT CLIMATIQUE EXTREME 4.1. Envisager la rétrocession auprès de réassureurs privés d?une partie des risques de pointe (inondations, cyclones, séismes, voire RGA avec des mécanismes paramétriques) dans le respect de la gouvernance relative à la convention entre la CCR et l?État? ? 4.2. Rehausser les plafonds réglementaires en durée et en montant relatifs à la provision d?égalisation OBJECTIF N°5 : ORIENTER LES ACTIONS DE PREVENTION DES ASSUREURS PAR UN CATALOGUE D?ACTIONS D?ADAPTATION APPROPRIEES AU CONTEXTE FRANÇAIS OBJECTIF N°6 : RENFORCER LE FINANCEMENT DE LA PREVENTION DES RISQUES NATURELS MAJEURS, Y COMPRIS LE RETRAIT-GONFLEMENT DES ARGILES ET ANTICIPER LE FINANCEMENT DE L?ADAPTATION COTIERE 6.1. Maximiser le retour sur investissements et subventions du FPRNM pour le Régime en établissant une priorisation liée aux économies attendues et en adoptant une démarche pro-active en direction des acteurs-clés 6.2. Créer un nouveau Fonds dédié au financement des mesures de prévention individuelle et le doter par le prélèvement de 12% sur la hausse des cotisations additionnelles relatives à la garantie catastrophes naturelles 6.3. Étendre le périmètre d?intervention du Fonds à la Prévention individuelle des risques naturels au financement de la R&D et des diagnostics de résilience liés au RGA. 6.4 Étudier la création d?un fonds pouvant contribuer au financement de la relocalisation des biens fortement exposés à l?érosion du trait de côte sableux.? 6.5. Soutenir l?investissement public et privé assurantiel dans l?expertise, la R&D et les bonnes pratiques sur le phénomène RGA, aux périls côtiers ainsi que sur les solutions d?adaptation telles que les mécanismes dits « solutions fondées sur la nature ». OBJECTIF N°7 : INVESTIR POUR DEVELOPPER LA CONNAISSANCE DES RISQUES ET LES MESURES DE PREVENTION APPROPRIEES 7.1. Renforcer les parcours de formation à la prévention des risques naturels et de catas- trophe pour l?ensemble des élus locaux, des professionnels et des services déconcentrés de l?Etat en début et tout au long de l?exercice de leur mandat ou de leur fonction. 7.2. Renforcer les parcours de formation technique des professionnels de l?immobilier, des syndicats ainsi que des notaires afin d?améliorer la sensibilisation aux risques naturels et de catastrophe lors du transfert de propriété ou lors de la location d?un bien immobilier. 7.3. Renforcer le partage des données et la sensibilisation aux risques de catastrophe en améliorant la granularité de l?information, l?ergonomie et les recommandations en matière de prévention et de résilience sur la plateforme Géorisques. OBJECTIF N°8 : CONSOLIDER UNE ASSOCIATION NATIONALE DE PREVENTION DES RISQUES NATURELS AVEC LA CONTRIBUTION DES ASSUREURS 8.1. Renforcer et élargir l?AFPCNT, voire impulser une initiative de place des assureurs afin de consolider une association sur la prévention des risques naturels menant des opérations de proximité, avec l?appui de bénévoles, notamment sur le modèle de l?association Préven- tion Routière 8.2. Faciliter via une plateforme de gestion de type «?MaPrimeRénov?», gérée par cette as- sociation, l?accès des particuliers aux diagnostics de risques intégrés et de résilience, aux aides publiques et aux solutions intégrées de financement (crédit à taux nul, avances de trésorerie) et de gestion des travaux de prévention/remédiation?? 8.3. Renforcer via cette association les dispositifs en faveur de l?acculturation et de la forma- tion aux risques climatiques et à la résilience. OBJECTIF N°9 : DEVELOPPER ET ACCOMPAGNER L?INVESTISSEMENT DANS LA RESILIENCE DU BATI 9.1. Renforcer les lois Élan et ZAN pour sécuriser l?équilibre du régime à moyen et long terme :? - imposer la réalisation d?une étude géotechnique approfondie (G2 PRO), d?études d?interac- tion sols-structures ou à défaut, la réalisation de conditions constructives allant au-delà de celles prévues dans la loi Élan. - renforcer les DTU en conséquence - renforcer les contrôles sur l?application de la loi 9.2. Rendre obligatoire l?assurance dommages-ouvrage en cas de souscription à un crédit immobilier ou de revente sur les zones à forte exposition. 9.3 Renforcer le contrôle du respect de la prise en compte du règlement des plans de pré- vention des risques majeurs dans les plans locaux d?urbanisme et dans les schémas de co- hérence territoriale. 9.4. Développer un dispositif de cofinancement de diagnostics de résilience par le FPRNM et les assureurs 9.5. Imposer la réalisation d?un diagnostic de résilience (conditions d?implantation et mé- thodes de reconstruction adaptées) post-sinistre dans les zones d?exposition fortes (rouge et orange) 9.6. Envisager le déploiement d?un prêt à taux nul pour les particuliers réalisant des travaux de prévention des risques naturels en zone rouge ou orange ainsi qu?une avance des aides publiques par leur versement direct auprès des entrepreneurs. 9.7. Envisager le déploiement d?un crédit d?impôt pour les particuliers à moyens et faibles revenus (critères ANAH) réalisant des travaux de prévention des risques naturels qu?une taxe départementale de type GEMAPI permettant l?octroi de subventions dans cette optique. 9.8. Imposer et contrôler l?obligation de travaux de réduction de la vulnérabilité dans les zones d?exposition très forte aux risques naturels (rouges ou passibles d?un PPR) après un sinistre ou avant la réalisation de travaux de rénovation énergétique bénéficiant d?une aide publique au titre du dispositif « MaPrimeRénov ». A défaut de réalisation des travaux, ins- taurer le triplement des franchises légales pour les sinistres ultérieurs. 9.9. En cas de sinistre grave en zone d?exposition très forte (rouge), permettre une indemnisation assurantielle à la valeur vénale du bien augmentée d?une prime à la relocalisation (à définir) pour les ménages souhaitant déménager. Organiser dans ce scénario la reprise du bien gravement endommagé par la collectivité en vue de sa transformation en un projet d?intérêt collectif, ce qui favorisera la densification dans le contexte de la mise en oeuvre de la loi ZAN Politiques en faveur de l?atténuation OBJECTIF N°10 : ALIGNER LES (RE)ASSUREURS SUR L?EXIGENCE DE LA DIRECTIVE CRD6 D?UN PLAN DE TRANSITION DE LEURS PORTEFEUILLES D?INVESTISSEMENT ET D?ASSURANCE COHERENT AVEC LA TRAJECTOIRE CIBLE DE L?ACCORD DE PARIS A HORIZON 2030 10.1. Défendre une position d?évolution et d?application de la directive Solvabilité 2 à hauteur de l?exigence de CRD6/CRR3 sur les plans de transition 10.2. Assurer la lisibilité et la cohérence des plans de transition des assureurs en traitant de manière adaptée le scope 3 aval 10.3. Renforcer le rôle de recommandations de l?ACPR sur les plans de transition climatique et élargir son action de contrôle au-delà des bancassureurs qui seront contraints dans le cadre de CRD6/CRR3 OBJECTIF N°11 : VERDIR LES OFFRES D?ASSURANCE DOMMAGES 11.1. Inciter les entreprises d?assurance et d?assistance à développer l?adoption des véhicules de remplacement électriques en cas de sinistre. 11.2. Systématiser les clauses « vertes » en matière d?indemnisation?: - en automobile, par l?indemnisation en valeur à neuf augmentée pour remplacer un véhi- cule thermique par un véhicule électrique (VE) et en favorisant l?utilisation de pièces de ré- emploi ; - en assurance multirisques des particuliers et des entreprises, en favorisant la réparation plutôt que le remplacement des équipements, en augmentant l?indemnisation pour inclure la mise en conformité aux meilleures normes d?efficacité énergétique (Isolation, remplacement de PAC/chaudières?) et en développant des filières de réemploi des matériaux de construction. Synthèse des tendances actuelles et projetées des coûts des sinistres et causes principales de l?évolution (Table 1) Péril assuré Coût des sinistres : Tendance des 20 dernières années Causes principales de l?évolution des 20 dernières années Coût projeté des sinistres en 2050, par rapport à 2020 Facteurs principaux de l?évolution projetée Confiance Sécheresse géotechnique De l?ordre de +50% Changement climatique et effet des réformes De +50% à +200% Changement climatique Bonne Inondations Stable - De +25% à +80% Changement climatique, exposition et vulnérabilité Moyenne (résolution des modèles de climat) Submersions marines Pas de tendance détectée - De +200% à +300% (jusqu?à +1 000%) Changement climatique Moyenne (résolution des modèles d?impacts) Cyclones (vents) Pas de tendance détectée - Augmentation, mais non quantifiée Changement climatique, vulnérabilité du bâti Moyenne (résolution des modèles) Tempêtes (vents) Pas de tendance détectée - Autour de +50% Exposition et vulnérabilité Moyenne (manque d?études) Grêle En augmentation importante Changement climatique +20% Changement climatique, exposition et vulnérabilité Faible à moyenne (résolution des modèles de climat) Récoltes1 En augmentation Changement climatique : exemple: floraison précoce, sécheresse, pluie intenses... De stable à +200% selon les scénarios Changement climatique, adaptation, y compris pratiques agricoles et vulnérabilité Faible (modèles d?impacts, interactions entre risques) (sources: CCR, 2023, Covéa, 2022, FA, 2022, GIEC, 2022, PESETA IV) 1 La liste des aléas climatiques couverts par l?assurance multirisques climatiques (MRC) est fixée par arrêté fixant les critères permettant de caractériser les phénomènes climatiques défavorables reconnus officiellement comme tels. L?assurance MRC s?appuie sur un dispositif à trois « étages » de couverture des pertes de récolte résultant d?aléas climatiques, partagés entre l?État, les agriculteurs et les assureurs. CHAPITRE 1. Les effets du changement climatique sur les périls assurés en France Les auteurs du rapport remercient Valérie Masson-Delmotte, Patrick Josse, Gilles Grandjean et Sébastien Gourdier pour les éléments fournis pour ce chapitre. 1.1. ? Le changement climatique a engendré, sur les dernières décennies, une hausse sensible de la sinistralité en France 1.1.1. Sécheresse (retrait-gonflement des argiles) a. Les mécanismes physiques en jeu L?alternance de périodes sèches et de périodes humides a pour conséquence des variations de la teneur en eau des argiles de surfaces, dont le volume varie : les argiles se contractent en périodes sèches et se dilatent lors des périodes humides. Ce phénomène peut endommager des structures et des infrastructures telles que les routes ou des bâtiments dont les fondations sont peu profondes, notamment les maisons individuelles. Le changement climatique a pour conséquence une augmentation potentielle de l?humidité de l?atmosphère (loi de Clausius-Clapeyron) : pour chaque degré de réchauffement climatique, l?atmosphère peut transporter 7% d?humidité supplémentaire. Lors des périodes sèches, le phénomène de rétractation des argiles peut donc intervenir de manière plus fréquente, avec une cinétique plus rapide et une plus grande intensité, ayant une conséquence sur les interactions sols-structure. b. Observations Météo France constate une hausse continue des températures moyennes agrégées sur la France métropolitaine, spécialement depuis 1990, évaluée à 1,7°C de réchauffement sur la métropole en 2020 par rapport à 1900-1930 (Ribbes et al., 2022). Ceci a pour conséquence une augmentation de l?évapotranspiration. Par ailleurs, les précipitations ont baissé en automne sur près de la moitié du territoire. Ces nouvelles conditions climatiques favorisent des contrastes entre périodes humides et périodes sèches, et donc le retrait gonflement des argiles. De manière cohérente, le coût des sinistres liés au retrait gonflement des argiles a augmenté en France: l?historique de sinistralité de la sécheresse conduit à une moyenne sur 15 ans de 809 millions d?euros, et sur 10 ans de 1,049 milliards d?euros constants. Enfin, le seul événement de 2022 s?est traduit par une sécheresse exceptionnelle dont le coût est estimé à 3,5 milliards d?euros par la Caisse centrale de réassurance (CCR). Le péril sécheresse est ainsi devenu le plus coûteux pour le Régime CatNat depuis plusieurs années, devant les inondations, avec une dynamique de sinistralité importante. L?étude réalisée en septembre 2023 par la CCR sur les conséquences du changement climatique sur le coût des catastrophes naturelles en France à l?horizon 2050 estime que le changement climatique a pour conséquence d?augmenter de 23% les coûts des dommages actuellement par rapport à 2000, l?augmentation totale étant de 56% du fait de la réforme introduite par l?ordonnance du 8 février 2023 et d?un effet additionnel lié à une meilleure information des communes et des assurés sur le dispositif d?indemnisation des catastrophes naturelles, comme l?ont montré les auditions menées par la mission. c. Attribution au changement climatique Le sixième rapport du GIEC de 2021 montre que les sécheresses de type agricole et écologique ont augmenté en Europe de l?Ouest et du Sud. Il estime, avec un degré de confiance « faible » à « moyen », que cette tendance est induite par le réchauffement climatique. Depuis la parution de ces rapports, la science de l?attribution au changement climatique a progressé. A titre d?exemple, l?étude de Farranda et al. (2023) montre que si la probabilité de survenance des conditions atmosphériques à l?origine de la sécheresse 2022 n?a pas été modifiée significativement par le changement climatique, le changement climatique a bien contribué à aggraver cette sécheresse en accentuant les températures et les conditions anticycloniques. Cette étude et celle de Treydte et al. (2023) confirment que le changement climatique contribue bien à l?augmentation des coûts des sinistres liés au retrait-gonflement des argiles. La charge des sinistres s?accroit au fur et à mesure que les températures augmentent sur le territoire métropolitain. Lors des périodes où les précipitations sont en baisse, la hausse moyenne des températures accroît l?assèchement des sols, propice notamment au phénomène RGA dans les zones concernées. Encadré 1 ? Le retrait-gonflement des argiles : une spécificité française ? Le retrait-gonflement des argiles n?est pas, sur le plan géologique et météorologique, spécifique à la France. Les sols argileux expansifs représentent 32 % de l'étendue de l?Espagne, dont 67 % se trouvent sous des climats qui peuvent produire des changements significatifs d'humidité du sol. L?analyse comparative internationale réalisée sur sollicitation de la mission relève également l?existence de dommages liés à ce péril en Italie, sans que cela ne se soit à priori traduit par un renforcement du cadre réglementaire applicable au secteur assurantiel ou à la construction. L?intégration du retrait- gonflement des argiles dans le dispositif d?indemnisation des catastrophes naturelles en 1989, impliquant sa couverture assurantielle obligatoire dans le cadre de l?extension de garantie applicable aux biens particuliers et professionnels (hors pertes de récoltes), est une spécificité française dans le paysage international, où les dommages liés à ce péril peuvent être couverts par des régimes d?assurance privée. Une autre spécificité française est la vulnérabilité des maisons individuelles à ce phénomène. Cette vulnérabilité confère une dimension sociale au phénomène : les habitations exposées sont souvent en zones périurbaines. Pour répondre à cet enjeu, plusieurs rapports parlementaires et de la Cour des Comptes se sont penchés, ces dernières années, sur des évolutions possibles du régime pour améliorer la prise en charge des conséquences des sécheresses sur le bâti. 1.1.2. Inondations a. Mécanismes physiques en jeu Si l?on excepte le cas spécifique des submersions marines, les inondations peuvent être classées en trois grandes catégories : - Les inondations par ruissellement qui se produisent lorsque les précipitations ne s?infiltrent plus suffisamment dans le sol ; - Les inondations par débordement lorsqu?un cours d?eau sort de son lit ; - Les inondations par remontée de nappe lorsque leur niveau remonte à un point tel que la nappe devient affleurante et crée une inondation. Le changement climatique a des effets sur ces trois phénomènes d?inondation, les plus importants sur le plan assurantiel étant les deux premières catégories d?inondations. L?augmentation des précipitations intenses dans le climat actuel s?explique par le fait qu?une atmosphère plus chaude peut transporter davantage de vapeur d?eau. Ainsi, pour chaque degré de réchauffement, les couches basses de l?atmosphère peuvent transporter 7% de vapeur d?eau supplémentaire. Le résumé aux décideurs du rapport du groupe 1 du GIEC montre qu?à l?échelle mondiale, ?les précipitations journalières extrêmes s?intensifieront d?environ 7% pour chaque degré de réchauffement climatique (degré de confiance élevé)?. Ce phénomène favorise les inondations par ruissellement. Le changement climatique affecte les inondations par débordement non seulement via les changements de précipitations, mais également via les changements de régimes d?enneigement, de cumuls de précipitations saisonnières et l?augmentation de l?évapotranspiration. Ces facteurs, ainsi que les interventions humaines, peuvent donc soit aggraver, soit diminuer les inondations par débordement, mais avec un bilan à l?échelle de l?Europe qui reste en faveur d?une augmentation des coûts des sinistres. b. Observations Le rapport du Haut Conseil pour le Climat de 2022 rappelle que les ?records de précipitations extrêmes ont augmenté dans plusieurs régions françaises?, avec notamment une ?augmentation de 20% des records de précipitations en 60 ans dans la région méditerranéenne française. La tendance est donc bien à l?augmentation des facteurs climatiques à l?origine des inondations pluviales dans certaines régions métropolitaines, et tout particulièrement dans le sud de la France. L?augmentation des inondations par débordement est bien établie en Europe centrale (confiance haute), mais une diminution de ces inondations est au contraire observée en Europe du Sud (confiance moyenne). En France, l?étude de Blöschl et al. (2019) suggère une diminution des débits de crue notamment dans le sud-ouest de la France et une augmentation au nord et particulièrement dans le nord-ouest, des Pays de la Loire à la frontière Belge. Aujourd?hui, ces modifications de l?aléa ne se traduisent pas par une augmentation observée ou modélisée de la sinistralité due aux inondations en France métropolitaine (CCR, 2023). En d?autres termes, les précipitations intenses ont bien été affectées par le changement climatique, mais ces changements ne se traduisent pas à l?heure actuelle par une augmentation des coûts des sinistres liés aux inondations en métropole jusqu?en 2022. Ceci peut être lié au caractère aléatoire des inondations, au fait que les inondations par débordement et ruissellement ne suivent pas les mêmes tendances et à des effets de la prévention. Au total, cette sinistralité liée aux inondations se situe autour de 950 millions d?euros par an. c. Attribution au changement climatique Au cours des 10 dernières années, de plus en plus d?études sont venues attribuer des phénomènes de précipitations extrêmes au changement climatique en France. Par exemple, la période de retour des événements de précipitations intenses dans les Cévennes a déjà été sensiblement altérée par le changement climatique, la probabilité d?atteindre un événement centennal de 1971-2000 étant 2,5 fois plus importante actuellement (Luu et al., 2018). Dans le cas des précipitations du printemps 2016, les études d?attribution suggèrent que la probabilité de survenance de l?événement a été multipliée par deux depuis la période préindustrielle (Sjoukje et al., 2018). Le montant des dommages assurés s?était élevé alors à environ 1,4 milliard d?euros. Il est donc aujourd?hui faisable d?attribuer au changement climatique des événements d?inondations par ruissellement. Pour ce qui concerne les inondations par débordement, des changements de saisonnalité ont été attribué au changement climatique en Europe, en lien notamment avec les changements d?enneigement. Blöschl et al. (2019) suggèrent que l?augmentation de l?intensité des débits de crue dans l?Ouest de la France sont liés principalement à des changements de régimes des précipitations, et non à des variations de l?évapotranspiration et de l?humidité des sols. 1.1.3. Submersions marines a. Mécanismes physiques en jeu Les submersions marines interviennent typiquement au cours de tempêtes : la baisse de pression atmosphérique, les vents et le déferlement des vagues modifient le niveau marin moyen de la marée prédite. Le niveau d?eau maximal lors de chaque événement dépend de l?intensité de l?événement, de la direction des vents, de la configuration de la côte (topographie et bathymétrie ? carte des profondeurs), des mécanismes de submersion (franchissements de vagues, débordements et rupture de cordon dunaire ou de digue). Le réchauffement climatique d?origine anthropique a notamment pour conséquences un réchauffement de l?océan et son expansion thermique, une fonte des glaciers de montagne et de calottes de glace. Ces phénomènes sont la cause de l?essentiel de l?élévation du niveau de la mer observée actuellement, estimée à 20 cm (+/-5cm) en moyenne globale entre 1901 et 2018. Comme anticipé depuis les années 80, l?élévation du niveau de la mer est en accélération et est actuellement estimée à 4mm/an environ. Si le changement climatique peut avoir des effets sur les caractéristiques des tempêtes météorologiques, le phénomène le plus préoccupant en France métropolitaine en ce qui concerne l?aléa de submersion marine futur est l?élévation du niveau marin. b. Observations Les observations montrent clairement que les niveaux marins extrêmes (lors de tempêtes) augmentent de manière cohérente avec l?élévation du niveau de la mer au niveau de la plupart des marégraphes dans le monde, et en particulier en France. La variabilité climatique joue également un rôle en modulant légèrement ces variations de niveau marin au deuxième ordre. Cette élévation des niveaux marins extrêmes favorise des submersions marines lors des événements de tempête, dont les coûts peuvent être importants : André et al. (2013) rapportent que la tempête Xynthia a généré 2,5 milliards d?Euros de pertes économiques, dont 1,5 milliards d?Euros de dommages assurés, la moitié environ étant attribuable à la submersion marine et environ 745 millions d?Euros étant des indemnités versées au titre du régime Cat Nat. Au-delà de cet exemple illustrant l?importance des coûts potentiels de ces événements de submersion marine, la quantification précise de l?évolution des coûts des sinistres reste difficile à caractériser à partir d?observations : les événements liés aux submersions marines sont rares en métropole, les actions de prévention limitent les conséquences des événements et le niveau marin s?ajuste plus lentement aux nouvelles conditions climatiques que les températures ou les précipitations. Typiquement, il faudra compter plusieurs siècles pour que le niveau marin se stabilise à des niveaux qui seront nécessairement supérieurs d?au moins deux mètres aux niveaux actuels (Le Cozannet et al., 2023). Au-delà de la question des submersions marines lors de tempêtes, on observe de plus en plus de phénomènes de submersion à marée haute, par conditions météorologiques calmes, par simple superposition de l?élévation du niveau marin avec la marée (par exemple en France en Guyane). Ce type de phénomène est très étudié aux Etats-Unis, notamment sur la côte Est où la subsidence du sol (enfoncement du sol) aggrave l?élévation du niveau de la mer. Les retours d?expérience montrent que ces événements de submersions chroniques à marée haute génèrent des coûts indirects importants du fait de l?indisponibilité d?infrastructures portuaires ou de transport pendant ces événements. Les auditions ont montré que des produits assurantiels spécifiques commencent à se développer sur ce péril aux Etats-Unis. Dans son rapport de 2023 sur les conséquences du changement climatique sur le coût des catastrophes naturelles, la CCR estime que la sinistralité liée aux submersions marines est actuellement en légère augmentation depuis les années 2000, passant de 61 à 68 millions d?Euros par an (Euros 2023), incluant l?effet des réformes. L?élévation du niveau de la mer favorise les submersions marines, les niveaux marins moyens extrêmes évoluant de manière cohérente avec l?élévation du niveau marin moyen. L?effet de l?élévation du niveau de la mer n?est pas actuellement perceptible dans les comptes des assureurs en France métropolitaine du fait de l?absence d?événement majeur de submersion marine depuis Xynthia en 2010 et les tempêtes de l?hiver 2013/2014. Les tempêtes de fin octobre/début novembre 2023 sont survenues par chance par faibles marées. c. Attribution au changement climatique L?attribution formelle des dommages de submersions marines au changement climatique est actuellement du domaine de la recherche, notamment aux Etats-Unis. Ainsi, Strauss et al. (2021) estiment que sur les 60 milliards de pertes économiques de Sandy en 2012, environ 8 milliards de dollars sont attribuables à l?élévation du niveau de la mer. A défaut d?attribution formelle, il est possible d?estimer la dérive des couts induite par le changement climatique sur les submersions marines à partir de l?étude de 2023 de la CCR : celle-ci estime l?augmentation des dommages assurés moyens annuels dus aux submersions marines à 61 millions d?Euros en 2000 et à 68 millions d?Euros en 2023 (Euros constants 2023). Cette augmentation des couts annuels attendus n?est pas liée uniquement au changement climatique et inclut un effet des réformes. On peut noter que l?ordre de grandeur du coût des dommages annuels est cohérent avec celui de Vousdoukas et al. (2018) et des études qui ont suivi, reprises dans le 6e rapport du GEC. Cette étude propose une estimation des coûts actuels des dommages (assurés ou non) liés aux submersions marines en France métropolitaine de l?ordre de 100 Millions d?Euros par an, ce qui est assez proche de l?estimation de la CCR compte tenu des incertitudes de la modélisation de l?aléa submersion marine à ces échelles spatiales. Ces estimations sont à prendre avec prudence car la submersion marine est un aléa dont la modélisation précise requiert des données très précises de niveau marin, de vent, de topographie, de bathymétrie et des caractéristiques de systèmes de défense en place. En France, les modélisations les plus précises sont souvent réalisées dans le contexte des plans de prévention des risques littoraux ou des projets de recherche. A l'échelle nationale, des modèles moins précis doivent être utilisés. Ceci est bien reconnu et compris par les acteurs, qui ne disposent de toute manière d?aucune alternative actuellement. 1.1.4. Cyclones a. Mécanismes physiques en jeu Le changement climatique aggrave les risques cycloniques via des précipitations plus intenses, l?élévation du niveau de la mer et la force des vents. Cette section examine la question des vents cycloniques. b. Observations En France, la Guadeloupe est sans conteste l?archipel qui a payé le plus lourd tribut aux cyclones avec plusieurs cyclones de catégorie 4 en 1960 (DONNA), 1979 (DAVID) et 1995 (INES catégorie 3 proche 4). En 1989 le cyclone de catégorie 4 Hugo, dont les dommages totaux auraient représenté plus de 4 milliards de francs, suivi de INES en 1995 (catégorie 3 proche 4). En 2017, le cyclone de catégorie 5 IRMA, focalisé sur Saint Barthélémy et Saint Martin, causant près de 2 milliards d?euros de dommages matériels et pertes d?exploitation. Le péril cyclonique n?a été intégré au bénéfice du régime des Catastrophes Naturelles qu?en 1990, suite au cyclone Hugo. De ce fait, seul IRMA est venu impacter fortement les réserves de la CCR. Avec un volume de dommages assurés représentant 2 000 M¤, il constitue le second évènement le plus couteux pour le régime Cat Nat depuis 1982, alors que Saint Martin et Saint Barthelemy ne comptent que 40.000 habitants (incluant des constructions à forte valeur immobilière à Saint Barthelemy en particulier). c. Attribution au changement climatique Le rapport du GIEC montre qu?il est vraisemblable que la proportion de cyclones de catégories 3/4 à 5 ait augmenté en moyenne globale au cours des dernières 40 années. D?autres changements sont observés: intensification des précipitations lors des cyclones, et, dans certaines régions, une augmentation du nombre de cyclones à intensification rapide et un ralentissement de leurs vitesses de déplacement, notamment aux Etats-Unis. Ces conditions sont propices à des dommages plus importants. En Atlantique nord-ouest, l?ensemble des changements observés ne peuvent pas s?expliquer seulement par la variabilité climatique. Ils sont donc une manifestation du changement climatique d?origine anthropique. L?augmentation de la proportion de cyclones de catégories 3 à 5 peut avoir des conséquences pour le régime Cat Nat: les cyclones habituellement couverts par la garantie Cat Nat sont caractérisés par des vents cycloniques de vitesse supérieure à 145km/h en moyenne sur 10min et 215km/h en rafales. 1.1.5. Tempêtes non couvertes par le régime Cat Nat (hors vents cycloniques) a. Mécanismes physiques en jeu Cette section examine le cas des vents lors de tempêtes. Les sinistres liés à ces vents ne sont pas couverts par le régime CatNat, mais ils représentent un enjeu pour l?assurance. Le changement climatique peut, dans certaines régions, affecter les vents extrêmes via des changements de la circulation atmosphérique à l?échelle synoptique, des changements affectants les caractéristiques des tempêtes et des changements de l?usage des sols, dus ou non au changement climatique affectant les vents locaux. b. Observations Les observations ne révèlent pas d?effets majeurs du changement climatique sur les vents lors de tempêtes. Une baisse de ces événements est observée en Europe de l?Ouest, mais les données disponibles ne permettent pas de contextualiser cette tendance de manière satisfaisante. Ce signal pourrait être une manifestation du changement climatique ou de la variabilité climatique. c. Attribution au changement climatique Les observations n?étant pas complètes les changements observés étant faibles, l?attribution est d?autant plus difficile. Néanmoins, les études d?attribution commencent à être en mesure d?identifier comment le changement climatique affecte les caractéristiques de chaque tempête individuellement. Ainsi, le service d?attribution ClimateMeter de l?IPSL montre que la variabilité et le changement climatique ont eu une incidence sur la force des vents lors de la tempête Ciaran (Automne 2023). Il faut néanmoins rester très prudent concernant l?interprétation de ces résultats : le fait que des caractéristiques d?une tempête particulière ait été affecté par le changement climatique ne signifie pas qu?une tendance existe pour l?ensemble des tempêtes. 1.1.6. Grêle a. Mécanismes physiques en jeu Le changement climatique peut modifier les conditions dans lesquelles se forme la grêle : dans un climat plus chaud, les précipitations associées aux orages violents s?intensifient, en cohérence avec l?augmentation de 7% de la capacité de l?atmosphère à contenir de la vapeur d?eau par degré Celcius de température. L?augmentation de l?humidité de l?atmosphère près du sol et l?augmentation de l?instabilité convective conduit à la formation de grêlons à des altitudes plus élevées et augmente la formation de la taille des grêlons (Raupach et al., 2021). Les dommages observés lors des épisodes de grêle dépendent de la taille des grêlons : les plantes et les cultures peuvent être affectées pour des grêlons de plus de 5mm. Au-delà de 20mm, des structures légères peuvent être endommagées (vitres, plastiques), et au-delà de 25mm de diamètre, ce sont les personnes, les voitures et les toits en tuiles qui sont à risque. b. Observations En France, des grêlons jusqu?à 150mm ont été observés dans quelques cas extrêmes. En 2022, France Assureurs (sur la base de documents de la Mission Risques Naturels, de Keraunos et d?Anelfa) estime que 235 communes ont été impactées par des grêlons de plus de 5cm de diamètre, alors que le record sur la décennie 2010-2020 était de 48 communes en 2014. En termes de coût des sinistres, les tempêtes de grêle graves, notamment Felix (mai 2009), Andreas (juillet 2013) et Ela (juin 2014) ont engendré des dommages évalués entre plusieurs centaines de millions et plus d?un milliard d?Euros (Punge et Kunz, 2016). En 2022, France Assureurs a estimé les dommages assurés liés à la grêle (hors sinistres sur cultures) à environ 5,1 milliards d?Euros alors que les précédents records depuis 1984 n?avaient pas excédé 1,3 milliards d?Euros (euros constants 2022) (https://www.franceassureurs.fr/wp-content/uploads/booklet-conference-de-presse-2023_1.pdf). Ces 5,1 milliards d?Euros de coûts des sinistres en 2022 se répartissent de la manière suivante : environ 2,4 milliards d?Euros pour l?assurance habitation, 1,6 milliards pour l?assurance automobile, 0,7 milliards pour les biens professionnels et 0,4 milliards d?Euros pour les biens agricoles (hors sinistres sur cultures). Au-delà du caractère exceptionnel des pertes en 2022, on peut constater que les 5 années records (en Euros constants 2022) sont toutes postérieures à 2009 et approchent ou dépassent le milliard d?Euros de dommages, alors que la moyenne sur 1984-2021 est inférieure à 500 Millions d?Euros. Les observations montrent donc bien une augmentation claire du coût des sinistres de grêle. Swiss Re estime désormais que la période de retour d?un événement unique conduisant à des pertes de l?ordre de 600 à 700 millions d?Euros est inférieure à 10 ans (Severe 2022 hail damage in France sets new benchmarks, underscores shift of risk and calls for pricing adjustments | Swiss Re). c. Attribution au changement climatique Le rapport du groupe 1 du 6e rapport du GIEC de 2021 montre qu?en dépit de conditions atmosphériques à grande échelle davantage favorables à la grêle en Europe, le niveau de confiance dans l?attribution de cette augmentation au changement climatique sur la grêle demeure faible. Ce niveau de confiance faible est justifié par le manque d?observations, la résolution insuffisante des modèles et la représentation paramétrée de certains processus physiques dans les modèles. Les recherches effectuées depuis la publication du rapport du GIEC renforcent la confiance dans l?attribution de l?augmentation des tempêtes de grêle en Europe, et notamment en France : Battaglioli et al. (2023) attribuent ainsi l?augmentation des épisodes de grêle sur la période 1950-2021 à l?augmentation de l?humidité dans les couches basses de l?atmosphère pendant les épisodes orageux. En France métropolitaine, l?étude montre que la tendance à l?augmentation des épisodes avec grêlons de plus de 5cm est significative sur l?essentiel de la France métropolitaine. 1.1.7. Pertes agricoles liées à des aléas climatiques En France, un certain nombre de périls affectant les productions agricoles et les prairies sont assurés soit via l?assurance multirisques climatiques, soit via l?assurance grêle. L?assurance multirisques climatiques couvre notamment le gel, les sécheresses, les excès de température, les pluies intenses et la grêle. Les forêts sont assurées par ailleurs par des contrats spécifiques. Le changement climatique a des conséquences pour ces périls via la modification des saisons, l?augmentation des températures, l?extension de la période favorable aux incendies, l?altération du cycle de l?eau et l?augmentation de la taille des grêlons notamment (cf. supra). Le rapport du GIEC de 2021 montre que le réchauffement et les changements de précipitations depuis 1990 expliquent les baisses de rendement du blé et de l'orge à l'échelle du continent européen, ainsi que des augmentations pour le maïs et la betterave sucrière (degré de confiance élevé). En France métropolitaine, le rapport du Haut Conseil pour le Climat (HCC) présente un bilan de la sécheresse de 2022 pour le secteur agricole : avec un déficit de précipitations de 25% par rapport à la normale sur la période 1991-2020, des tensions ont été observées sur les ressources en eau, avec des conséquences à la fois pour les cultures pluviales et irriguées. Ceci a induit des baisses de productivité agricole importantes, par exemple de 10,5% pour les récoltes céréalières et de 29% pour le fourrage par rapport à la moyenne quinquennale. Le Haut Conseil pour le Climat rappelle que cette sécheresse de 2022 s?inscrit dans la continuité de la baisse tendancielle des flux d?eau douce vers le territoire métropolitain https://www.franceassureurs.fr/wp-content/uploads/booklet-conference-de-presse-2023_1.pdf https://www.swissre.com/risk-knowledge/mitigating-climate-risk/hail-damage-risk-france-2022.html https://www.swissre.com/risk-knowledge/mitigating-climate-risk/hail-damage-risk-france-2022.html de 14% entre 1990-2001 et 2002-2018, attribuée notamment à l?augmentation de l?évapotranspiration induite par le réchauffement climatique. Le marché national de l?assurance multirisques climatique et des contrats grêle en agriculture est évalué par la fédération France Assureurs à 653 M¤ de cotisations en 2022 contre 606 M¤ de sinistres. Entre 2016 et 2022, cinq années se sont soldées par un rapport de sinistres sur primes égal ou supérieur à 100% (source : France Assureurs, l?assurance agricole en 2022, juillet 2023) La mortalité des animaux d?élevage, quelle que soit la cause du décès, est couverte par l?assurance cheptel. Le rapport du GIEC de 2022 montre que le bétail est également affecté négativement par la modification des conditions de températures et d?humidité en Europe. D?autres risques climatiques s?exercent sur les agriculteurs sans pour autant être couverts par les trois mécanismes assurantiels récolte, grêle et bétail. En particulier, les agriculteurs, en tant que travailleurs exerçant une partie significative de leur activité professionnelle à l?extérieur, sont particulièrement exposés aux risques que font courir la multiplication des vagues de chaleur pour la santé. Les auditions ont montré que la réalité du changement climatique est bien perçue par les acteurs du monde agricole français, qui perçoivent les effets du changement climatique et s?adaptent ou s?assurent en réaction. Elle est également bien perçue par les acteurs de l?assurance récolte qui ont affiché des pertes depuis 2005, attribuées d?une part aux insuffisances des modélisations climatiques, et d?autre part aux conséquences du changement climatique. Par ailleurs, le rapport du HCC de 2023 rappelle que l?année 2022 a illustré le fait que les effets du changement climatique pour l?alimentation, l?agriculture et l?élevage interagissent avec de multiples autres facteurs économiques et environnementaux tels que la hausse des coûts de l?énergie ou des matières premières. Les auditions ont rappelé qu?il serait utile de disposer de modèles représentant ces interactions complexes entre changement climatique, biodiversité, usages de l?eau, agriculture, élevage, alimentation, y compris dans leurs dimensions économiques, afin de mieux appuyer la décision publique. Ce besoin est notamment identifié par l?INRAE. 1.2. ? Le changement climatique va prolonger la hausse de la sinistralité à horizon 2050 et au-delà Le secteur assurantiel est particulièrement sensible aux effets du changement climatique en tant qu?acteur de la protection face aux risques et de l?indemnisation des dommages résultant d?aléas climatiques. Au niveau mondial, le réassureur Swiss Re estime à 275 milliards de dollars les pertes économiques associées à des évènements climatiques extrêmes en 2022, dont seulement 45 % sont couverts par l?assurance. En France, les coûts d?indemnisation de dommages liés à des aléas climatiques s?élevaient à 10,6 milliards d?euros en 2022, soit 0,4 % du PIB (France Assureurs), sous l?effet conjugué de phénomènes intenses de grêle et d?une sécheresse d?ampleur inédite depuis 40 ans. En moyenne, la charge de sinistres du marché français a triplé depuis la fin des années 1980. Cette tendance peut s?observer dans la figure 1, qui présente les indemnisations versées par les assureurs à la suite d?aléas naturels. Figure 1 ? Historique des indemnisations versées par les assureurs à la suite d?aléas naturels. Source : France Assureurs, 2022 Les travaux réalisés par la CCR en septembre 2023 sur les conséquences du changement climatique sur le coût des catastrophes naturelles en France à horizon 2050 concluent à une hausse attendue de la sinistralité climatique comprise entre 47 % (scénario RCP4.5) et 85 % (scénario RCP8.5), en tenant compte de l?effet du climat et de l?impact de l?accroissement des valeurs assurées. Cette étude met en évidence une dérive constatée de la sinistralité climatique depuis le début des années 2000, avec une augmentation du niveau des dommages annuels particulièrement marquée du fait des mouvements de terrain différentiels induits par le retrait gonflement des argiles. Le dérèglement climatique se traduirait par un coût de dommages annuels moyens supérieur à 3 milliards d?euros à l?horizon 2050, au titre du seul régime d?indemnisation des catastrophes naturelles et quel que soit le scénario RCP du GIEC retenu. Ces travaux conduisent à estimer à 726 M¤ les dommages assurés moyens annuels dus à la sécheresse géotechnique dans la situation actuelle (2023). Ces estimations, fondées sur une modélisation, nous semblent sous-évaluées dans la mesure où la charge historique sécheresse sur le régime CatNat est de 809 M¤ sur 15 ans et de 1 049 M¤ sur 10 ans. L?étude présente également des projections à 2050 pour les scénarios RCP4.5 et RCP8.5. Les travaux de projection climatiques et hydro-climatiques à l?horizon 2050 réalisés par le groupe mutualiste Covéa sur quatre aléas (tempêtes, grêle, inondation et sécheresse) en retenant le scénario d?émissions de gaz à effet de serre RCP8.5 indiquent qu?au global, le changement climatique devrait contribuer à une augmentation de la sinistralité de +60 % dans les années à venir, en lien avec une hausse de la fréquence et de la sévérité des événements en inondation, sécheresse et grêle. Dans le détail, l?assureur présente les conclusions suivantes par péril couvert : ? Les inondations seront plus fréquentes sur l?ensemble du territoire français en raison de précipitations plus élevées sur les deux tiers nord du territoire en moyenne annuelle, et plus rares mais plus intenses sur un grand quart Sud-Est. Les événements de crues torrentielles seront donc plus nombreux et plus intenses ainsi que ceux de crues débordantes. La sinistralité liée aux risques d?inondation de plaine devrait augmenter de +110 %. Quant aux crues éclairs et au ruissellement associé, la hausse de la sinistralité attendue est de l?ordre de +130 %. ? Les sécheresses devraient également se renforcer et conduire à une hausse de la charge sinistre de l?ordre de +70 % sur l?ensemble du territoire métropolitain. ? Les orages de grêle devraient connaître une augmentation importante sur l?ensemble du territoire (+40 %) et toucher des secteurs actuellement épargnés. La moitié Nord de la France connaîtra la plus forte augmentation du nombre de chutes de grêle, mais les zones les plus fortement exposées actuellement resteront toujours les plus à risque. La charge sinistre devrait augmenter de +20 %. ? Concernant les tempêtes, aucune évolution significative n?est attendue dans les prochaines décennies, tant en termes de fréquence des jours tempétueux que d?intensité des rafales. Synthèse de l?évaluation des effets du changement climatique sur les différents périls assurés et du potentiel d?amélioration des modélisations à court, moyen et long terme (Table 2) Péril assuré Effets du changement climatique Tendances récentes des coûts des dommages Évolution projetée des dommages jusqu?à 2050 Potentiel d?amélioration des projections à court terme (1-5 ans) et à moyen terme 5-10 ans) Sécheresse (RGA) Augmentation de l?évaporation et des sécheresses des sols (bien établi) Augmentation du contraste entre période sèche et humide Expansion vers le nord et l?est des zones affectées par des sinistres (tendance cohérente avec le réchauffement climatique, mais non formellement attribuée). Forte augmentation des coûts des sinistres des sécheresses géotechnique (bien établi) Forte augmentation, d?autant plus forte que le changement climatique sera important (bien établi) A court terme : prise en compte explicite des incertitudes A moyen terme : nouveaux indices de sécheresse, approches multi-modèles Inondations Augmentation des précipitations intenses, modification de l?évapotranspiration et de l?humidité des sols conduisant à une hausse des inondations par ruissellement (bien établi) et à une augmentation ou diminution des inondations par débordement selon les régions Pas de tendance détectée actuellement Augmentation des couts des dommages des inondations par ruissellement (bien établi), dont l?ampleur exacte reste incertaine. Selon les régions, augmentation ou diminution des débits de crue et de l?aléa inondation par débordement. A moyen terme : modèles climatiques à plus haute résolution permettant de mieux représenter les précipitations extrêmes. Modèles d?impacts à maille plus fine, prenant en compte l?adaptation. Submersions marines Elévation du niveau de la mer (bien établi) ; changements de régimes de tempête (confiance faible) Légère augmentation des couts annuels attendus (selon les modélisations disponibles) Forte augmentation des couts (bien établi) mais dont l?ampleur varie selon les études, allant d?un facteur 2 à un facteur 10 en 2050. A court terme : prise en compte explicite des incertitudes, interactions avec les projets de recherche en cours A moyen terme : résolution des modèles (ex: en visant 5m pour le modèle numérique de terrain), prise en compte explicite de l?adaptation. Cyclones Cyclones plus intenses, sans être plus fréquent (bien établi)1 Davantage de cyclones à intensification rapide. Augmentation des coûts observée en Atlantique Nord-Ouest, mais pas spécifiquement Outre- mer français à ce stade. Augmentation des coûts des sinistres, du fait de l?augmentation de l?intensité des cyclones (bien établi). Les estimations de la dérive de ces couts font défaut. A moyen terme : modélisation climatique pour améliorer la caractérisation des effets du changement climatique sur la formation, l?intensification et d?autres caractéristiques des cyclones. Modèles d?impacts. Tempêtes hors CatNat Influence faible en France métropolitaine au moins jusqu?à des niveaux de réchauffement intermédiaires. Pas de tendance observée. Pas d?augmentation des coûts des dommages du fait du changement climatique, mais une augmentation anticipée du fait de l?augmentation de la vulnérabilité et de l?exposition (de l?ordre de +50% en 2050) Non évalué dans le cadre de cette mission. Péril assuré Effets du changement climatique Tendance récente des coûts des dommages Évolution projetée des dommages jusqu?à 2050 Potentiel d?amélioration des projections à court terme (1-5 ans) et à moyen terme 5-10 ans) Grêle Augmentation de la taille des grêlons Hausse importante des coûts des sinistres, cohérente avec les évidences émergentes sur l?impact du changement climatique sur la taille des grêlons. En hausse (évidences émergentes), les modélisations, dont l?ampleur est incertaine. A moyen terme : modèles climatiques à plus haute résolution permettant de mieux représenter les orages. Pertes agricoles Sécheresses agricoles, modification des saisons, vagues de chaleur et sécheresses estivales. Grêle associée aux floraisons précoce En hausse (cohérent avec le changement climatique) En hausse (Bien établi), avec des couts des dommages attendus qui peuvent être stabilisés à 1,5°C avec adaptation mais aussi augmenter d?un facteur 2 à 3 en 2100 du fait des sécheresses seules dans le scénario intermédiaire de la TRACC (3°C global en 2100). Non évalué dans le cadre de cette mission. Tous périls Tous périls confondus, les effets du changement climatique impliquent une hausse du coût des sinistres qui n?est pas compensée par les baisses anticipées par certaines modélisations pour le péril d?inondation par débordement. A court terme : présentation explicite des incertitudes des modélisations (ex. En propageant les incertitudes des paramètres d?entrée dans la modélisation). A long terme : interactions entre risques, prise en compte de l?adaptation et potentiellement de certains points de bascule (ex: effondrement Antarctique de l?Ouest). 1: les cyclones habituellement couverts par la garantie CatNat sont caractérisés par des vents cycloniques de vitesse supérieure à 145km/h en moyenne sur 10min et 215km/h en rafales. L?intensification projetée des cyclones implique donc une charge supplémentaire pour le régime CatNat. 1.2.1. Sécheresses (retrait-gonflement des argiles) a. Projections en Europe de l?Ouest Le 6ème rapport du GIEC (notamment le 6e rapport du groupe 1) confirme que les températures, et donc l?évapotranspiration, augmenteront tant que le réchauffement climatique n?aura pas été stabilisé, et ce d?autant plus que le changement climatique sera important. Il confirme qu?une augmentation des sécheresses agricoles et écologiques est projetée pour l?Europe Méditerranéenne et l?Europe centrale et de l?Ouest, dont fait partie la métropole française. Ces sécheresses agricoles et écologiques sont définies comme des périodes de déficit de l?humidité des sols, qui, en alternance à des périodes plus humides sont favorables à la survenance de phénomènes de retrait gonflement des argiles. Le chapitre 13 du groupe 2 évoque également les coûts de l?aléa de retrait gonflement des argiles et anticipe l?augmentation des coûts des dommages aux infrastructures au fur et à mesure que le climat se réchauffe. b. Projections en France En termes de coûts des dommages, l?étude 2023 de la CCR sur les conséquences du changement climatique sur le coût des catastrophes naturelles en France à l?horizon 2050 reflète cette augmentation des coûts : de 466 millions d?Euros annuels en 2000, les coûts annuels s?élèvent actuellement à 726 millions d?Euros du fait du changement climatique et des effets attendus de la réforme de la prise en charge des conséquences de ce péril à compter de 2024. En 2050, ils s?élèvent à 1 156 millions d?euros pour un scénario RCP4.5 (cohérent avec la trajectoire nationale de réchauffement climatique) et à 2 108 millions d?euros pour un scénario à très fortes émissions RCP8.5 (euros constants 2023). Il est important de noter que les températures moyennes globales sont de 2.5°C environ en 2050 pour le scénario RCP8.5, ce qui signifie que des coûts annuels moyens supérieurs à 2 milliards d?euros seront dépassés dans la seconde partie du 21e siècle si les températures moyennes globales suivent la trajectoire proposée par le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires pour la France. c. Limites des projections et potentiel d?amélioration Les auditions ont montré que les sécheresses sont mieux modélisées au nord qu?au sud de la France. De plus, les usages des sols, qui auront des conséquences sur la survenue des sécheresses géotechniques, ne sont pas modélisées. Enfin, la base de données DRIAS n?intègre pas tout le spectre possible de la variabilité interne du climat. Cela induit des incertitudes importantes sur les précipitations. Plus généralement, la variabilité climatique s?ajoute aux tendances liées au changement climatique, et peut se traduire par des événements de sécheresse plus intenses ou pluriannuelle, dont les coûts fragiliseraient nécessairement le fond CatNat. Des recherches sont en cours pour proposer des indices de sécheresse, au-delà du Soil Wetness Index (SWI) permettant de caractériser plus précisément les seuils constitutifs d?une situation susceptible de résulter en une activation de la CatNat. Par ailleurs, les modèles utilisés ont une maille de 8km et ne prennent en compte qu?une typologie très simplifiée de sols et de végétation. Il serait possible d?intégrer, par exemple, 3 catégories de sol en fonction de la teneur plus ou moins forte en argiles. Néanmoins, à court terme, ces améliorations potentielles ne paraissent pas aisées à déployer dans une modélisation à échelle nationale. Par ailleurs, le bénéfice immédiat de telles améliorations des modèles de la CCR pour la prise de décision ne serait pas tout à fait évident : les incertitudes liées au niveau de réchauffement climatique (entre +40 à +160% d?inflation climatique selon les scénarios) demeureraient. Enfin, changer l?indicateur permettant de déclencher le mécanisme CatNat ne serait pas chose aisée car cela pourrait remettre en cause certaines procédures en cours. Pour toutes ces raisons, les performances actuelles des modèles semblent raisonnables au regard de l?utilisation qui en est faite actuellement. Il conviendra toutefois de surveiller d?éventuelles dérives par rapport à l?évolution des coûts des sinistres projetés et d?examiner la transportabilité des résultats en recherche vers les modèles de la CCR. 1.2.2. Inondations a. Projections en France et en Europe Les projections indiquent que les tendances observées concernant les précipitations et les débits de crue vont se poursuivre. Ceci implique que les inondations par ruissellement vont continuer à s?aggraver, avec des limites à l?adaptation qui pourraient être atteintes dans les communes qui n?auront pas les moyens de redimensionner leurs dispositifs d?évacuation des eaux. Pour ce qui concerne les inondations par débordement, la situation dépendra des régions : le projet Explore 2070 (actuellement en cours de mise à jour) anticipe une augmentation de l?intensité des crues dans les Cévennes, dans le Nord-Est de la France. Dans d?autres régions, notamment dans les Alpes, les Pyrénées, le Jura, dans certaines parties du bassin versant de la Garonne et de la Seine, l?aléa inondation par débordement pourrait au contraire diminuer. Ces deux évolutions contradictoires conduisent la CCR à anticiper une augmentation des coûts des sinistres pour les inondations allant de 6 à 19% selon les scénarios climatique, l?augmentation de l?exposition et de la vulnérabilité majorant ces valeurs d?environ 20%. Paradoxalement, c?est le scénario le plus favorable (RCP4.5, compatible avec la trajectoire à 3°C d?adaptation au changement climatique anticipée pour le PNACC3) qui serait associé aux coûts des dommages les plus faibles : ceci est dû au fait que l?aléa d?inondation par débordement diminuerait avec le scénario RCP8.5. Covéa, pour sa part, anticipe une multiplication par deux de la sinistralité pour l'aléa inondation. b. Limite des projections et pistes d?amélioration Les différences entre les modélisations de Covéa et de la CCR incitent à la prudence quant aux estimations des coûts des sinistres des inondations par ruissellement et par débordement. D?une manière générale, les inondations à cinétique lente sont mieux modélisables à partir de modèles de climat que celles qui sont associées à des précipitations intenses. Mieux modéliser les précipitations intenses nécessiterait des modèles à plus haute résolution, ce qui est une perspective atteignable du fait des travaux de recherche en cours, notamment à Météo-France. Enfin, une présentation des incertitudes associées aux estimations des coûts projetés permettrait de mieux discerner la significativité des différences entres scénarios climatiques pour la configuration de modèles utilisés par la CCR et Covéa. 1.2.3. Submersions marines a. Projections en France et en Europe de l?Ouest D?ici 2050, l?élévation du niveau de la mer est davantage déterminée par les émissions passées que par les émissions futures. Les projections indiquent une augmentation de 18cm (fourchette probable: 16 à 24cm) par rapport à la période 1995-2014 en 2050 pour un scénario de stabilisation à 1.5°C. Pour un scénario allant vers 3°C en 2100, les projections en 2050 sont de 22cm (fourchette probable: 18 à 27cm). Cette élévation du niveau marin se traduira par des niveaux d?eau extrêmes plus importants lors des tempêtes et des marées hautes, ainsi qu?une accentuation de l?érosion et de la salinisation. Après 2050, l'accélération de l?élévation du niveau de la mer dépendra des émissions de gaz à effets de serre et de la réponse de l?océan et de la cryosphère au réchauffement climatique d'origine anthropique. Dans son étude de 2023, la CCR estime les dommages assurés moyens annuels dus aux submersions marines à 145 Millions d?Euros (scénario RCP4.5) et 142 millions d?Euros (scénario RCP8.5). On peut noter que Vousdoukas et al. (2018) estiment les dommages annuels attendus des submersions marines en France à 2 à 7 milliards d?Euros en 2050 selon les scénarios, mais cette étude ne prend pas en compte les travaux qui seront sans doute effectués pour conserver les mêmes niveaux de protection qu?actuellement. b. Limites des projections et potentiel d?amélioration Si les écarts entre les deux études sont importants, ils ne constituent pas une surprise : le rapport du GIEC rappelle que si la tendance à l?augmentation du coût des submersions marines est claire, la confiance dans la quantification précise des impacts reste aujourd?hui faible. En particulier, comme le signale elle-même la CCR, les différences présentées entre les estimations pour le scénario RCP4.5 et RCP8.5 ne sont pas significatives. Il serait possible de restituer cette non-significativité en donnant une plage de valeur plutôt qu?une valeur unique pour les estimations des dommages assurés moyens annuels. Une autre approche, difficilement déployable à court terme, consisterait à évaluer les probabilités de dépassement de niveaux extrêmes le long de la côte dans le climat actuel et de superposer les scénarios de niveau de la mer, afin de s?affranchir des incertitudes concernant la trajectoire des tempêtes projetées. En termes d?améliorations potentielles des modèles, une meilleure résolution permettrait de réduire, ou tout au moins de mieux caractériser les incertitudes. Typiquement, une maille de modèle à 5m et une représentation explicite des défenses et de l?adaptation permettraient de mieux estimer les couts induits par la submersion. Il s?agit de développements importants, qui ne seraient pas immédiatement déployables. A relativement court terme, il semble raisonnable d?utiliser les projections de la CCR en 2050, tout en notant que des échanges avec les projets de recherche en cours pourraient permettre de fournir des estimations plus précises d?ici quelques années. c. Point de bascule potentiel : l?Antarctique Une limite des projections actuelles d?élévation du niveau de la mer est l?incertitude qui pèse sur la dynamique de fonte des calottes de glace de l?Antarctique et du Groenland. En particulier, il n?est pas possible actuellement d?exclure l?initiation d?effondrement de certains glaciers de l?Antarctique en contact direct avec l?Océan. Ceci conduirait à des élévations du niveau de la mer de plus d?un mètre dès 2100 et bien davantage ultérieurement (exemple : jusqu?à 15m en 2300). Néanmoins, dans l?état des connaissances scientifiques actuelles, ce point de bascule, s?il est atteint, ne surviendrait pas avant 2050 et serait annoncé par des phénomènes comme une accentuation de la fonte en surface en Antarctique. Continuer d?observer la fonte en surface en Antarctique pourrait permettre d?anticiper suffisamment cet événement, s?il se produit, pour prendre les mesures qui s?imposeront alors pour le système d?assurance de la submersion marine. Il est important de noter que cet événement créerait un besoin en financement pour la protection et la relocalisation beaucoup plus rapidement qu?anticipé actuellement. A titre d?exemple, sur la base de données des Pays-Bas, le coût d?une barrière estuarienne pour un grand fleuve peut représenter entre 1 et 5 milliards d?Euros, et leur durée de vie est d?autant plus courte que le niveau marin s?élèvera rapidement. 1.2.4. Cyclones a. Projections en Outre-mer Les modélisations actuellement disponibles n?anticipent pas de hausse de la fréquence des évènements cycloniques dans les Caraïbes, l?ouest de l?Océan Indien et le Pacifique sud. En effet la formation de cyclones serait en partie entravée par les vitesses en moyenne plus élevées des vents à la surface de océans avec le réchauffement climatique. Les modélisations prévoient en revanche une hausse de l?intensité moyenne de ces phénomènes, c?est-à-dire une proportion plus importante de cyclones de catégories 4 et 5, en moyenne plus puissants et destructeurs et s?accompagnant de précipitations plus intenses. Au-delà de l?intensité des cyclones, ce sont donc également les précipitations lors des cyclones qui augmentent. Le régime Cat Nat couvrant uniquement les cyclones de catégorie supérieure, il faut donc s?attendre à une augmentation de sa mise en jeu à ce titre. b. Limites des projections et potentiel d?amélioration A l?heure actuelle, les éléments quantifiés permettant de mesurer la progression des couts des sinistres liés aux cyclones dans les Outre-Mer manquent. La modélisation des effets du changement climatique sur les cyclones bénéficiera de progrès dans la modélisation climatique, mais ce sont surtout sur les impacts de ces événements, et notamment les effets en cascade des effets cumulés des vents, submersions marines et précipitations intenses que des progrès seront utiles. Les cyclones étant des événements rares et potentiellement extrêmement couteux, des tests de résistance sur des événements défavorables (cyclones à intensification rapide affectant des départements d?outre-mer vulnérables). 1.2.5. Tempêtes non couvertes dans le régime Cat Nat (hors vents cycloniques) a. Projections en Europe de l?Ouest et en France A des niveaux de réchauffement intermédiaires, tels que considérés par la Trajectoire Nationale d?Adaptation au changement climatique (TRACC), les projections n?indiquent pas de changements importants pour les vents lors de tempêtes en France Métropolitaine. Du côté des assureurs, l?analyse bibliographique et la modélisation de Covéa conclue également que le changement climatique n?affectera pas les vents forts lors de tempêtes. De manière cohérente, France Assureurs anticipe que les évolutions de coûts des sinistres de tempêtes (vents) seront essentiellement causés par l?évolution de l?exposition et de la vulnérabilité des biens assurés. Les modélisations des assureurs sont donc en cohérence avec l?état de l?art en ce qui concerne les vents lors de tempêtes en France métropolitaine. b. Limites des projections et potentiel d?amélioration Le rapport du GIEC de 2021 mentionne que des successions de tempêtes pourraient intervenir plus fréquemment en Europe du fait du changement climatique (niveau de confiance moyen). Par ailleurs l?évolution de la sinistralité liée à l?évolution de la vulnérabilité et à l?exposition des enjeux modélisée par France Assureurs est importante, de l?ordre de 50% en 2050. Des recherches dans ce domaine sont donc utiles pour confirmer la faible influence du changement climatique jusqu?à des niveaux de réchauffement intermédiaires et pour donner des pistes pour réduire les coûts des sinistres en agissant au niveau de la prévention. 1.2.6. Grêle a. Projections en Europe de l?Ouest et en France Le 6e rapport du GIEC est prudent quant aux projections de grêle en Europe, estimant, avec un niveau de confiance faible, que les épisodes de grêle pourraient augmenter vers la fin du siècle. Ce niveau faible de confiance s?explique notamment par le fait que les modèles n?avaient pas encore une résolution suffisante pour faire un diagnostic précis lors de l?évaluation du 6e rapport du GIEC. Les études publiées depuis la publication du rapport du GIEC proposent que les événements de grêles, notamment avec des grêlons de grande taille, seront en augmentation (Raupach et al., 2021). Cette tendance à l?augmentation de la taille des grêlons lors des événements est projetée notamment pour la France, mais également avec potentiellement une réduction des événements avec des grêlons plus petits dans certaines régions. Dans la mesure où, à enjeux exposés donnés, le cout des sinistres est très lié à la taille des grêlons, il est donc raisonnable d?anticiper que les coûts des sinistres liés à la grêle continueront à augmenter au cours des prochaines décennies tant que le réchauffement climatique n?aura pas été stabilisé. b. Limites des projections et potentiel d?amélioration Les auditions menées auprès de Météo-France et du Haut-Conseil pour le Climat confirment que les modèles climatiques régionaux EURO-CORDEX disponibles actuellement ne permettent pas de quantifier précisément les évolutions des régimes de grêle en Europe. En revanche, les modèles régionaux kilométriques développés par Météo-France en application de sa stratégie de recherche 2020-2030 donnent la perspective de mieux représenter les orages convectifs et les mécanismes de formation de grêle. 1.2.7. Pertes agricoles et sylvicoles liées à des aléas climatiques L?assurance récolte bénéficie de la solidarité nationale via la subvention de l?assurance multirisques climatiques et l?intervention de l?État pour les aléas exceptionnels. Comme évoqué dans la section 1.1.7, cette assurance couvre les aléas climatiques suivants : sécheresse, excès de température, coup de chaleur, coup de soleil, températures basses, manque de rayonnement solaire, coup de froid, gel, excès d'eau, pluies violentes, pluies torrentielles, humidité excessive, grêle, poids de la neige ou du givre, tempête, tourbillon, vent de sable (article D361-43 du code rural et de la pêche maritime). La plupart de ces aléas sont modifiés par le changement climatique, mais le rapport du GIEC alerte tout particulièrement sur les risques liés à la sécheresse et aux excès de température. Les modèles climatiques confirment l?augmentation projetée des températures moyennes et extrêmes ainsi que l?augmentation des sécheresses en Europe, et ce d?autant plus que le climat se réchauffera. Dans l?état des connaissances actuelles, évaluées dans le rapport du GIEC de 2022, ces deux phénomènes sont la cause principale de pertes de production agricoles d?origine climatique en l?Europe. Ces pertes ne seront pas uniformes sur le continent, avec des gains potentiels dans le nord de l?Europe jusqu?à 2°C de réchauffement climatique global, qui ne seront pas compensés par les pertes dans le sud de l?Europe (niveau de confiance très élevé). Dans ce paysage, la France est classifiée dans les pays d?Europe centrale et occidentale, où les pertes dominent sans nécessairement atteindre la situation critique du sud de l?Europe. Quelques chiffres cités dans le rapport du GIEC sont par exemple des pertes de rendement pour le maïs de l?ordre de 50% autour de 3°C de réchauffement climatique global, notamment dans le sud de l?Europe. Les pertes annuelles attendues peuvent être stabilisées dans le cas d?un scénario de stabilisation du climat à 1,5°C avec adaptation, mais aussi augmenter d?un facteur 2 à 4 vers 2100 selon les scénarios d?émissions de gaz à effets de serre du fait du seul effet des sécheresses (Naumann et al., 2021). La question des risques agricoles est intrinsèquement liée à celle de la gestion de la ressource en eau. Sur ce sujet, le GIEC présente une situation bien plus sévère dans le sud de l?Europe qu?en Europe de l?Ouest et centrale, la France se situant théoriquement dans la seconde région mais étant en pratique à cheval entre les deux. Sur ce sujet, les projections climatiques sont contrastées en ce qui concerne les précipitations, mais le signal concernant l?évapotranspiration est clair : l?élévation des températures aura pour conséquence une augmentation de l?évapotranspiration, favorisant les sécheresses hydrologiques, agricoles et écologiques en France métropolitaine et les régions insulaires d?outre-mer. Par ailleurs, l?analyse des documents et les auditions font ressortir qu?un événement déclencheur d?éventuels points de non-retour serait une sécheresse prolongée, pluriannuelle, au cours de laquelle les précipitations hivernales ne suffiraient pas à recharger les nappes et les réservoirs, compromettant l?accès à l?eau l?été suivant. En France métropolitaine l?impact du changement climatique a été évalué dans le cadre des projets Explore 2070, et sera à nouveau évalué dans le cadre du projet Explore 2, qui a vocation à fournir des données pour l?aide à l?adaptation. Le projet Explore 2070 présentait déjà des projections particulièrement préoccupantes, avec par exemple des baisses de la recharge des nappes de 30 à 50% dans le Sud-Ouest de la France et des baisses de niveaux piézométriques de l?ordre de 10m sur les plateaux du fait du forçage climatique seul, c?est-à-dire sans prise en compte de l?augmentation des besoins en irrigation (Explore 2070). Pour l?assurance récolte, deux types d?événements sont susceptibles de causer des difficultés majeures: - une sécheresse pluriannuelle, correspondant à un événement de type 2022 mais sur une durée de plusieurs années. Ce type d?événement est actuellement bien considéré dans les stress tests de l?Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) sur une durée de 3 ans. - une sécheresse pluriannuelle combinée avec d?autres événements (ravageurs, pathogènes, incendies de forêts, baisses ou hausses de prix), eux-mêmes induits par le changement climatique ou d?autres facteurs. Ce type d?événement n?est actuellement pas considéré dans les stress tests de l?ACPR. Les auditions ont montré que leurs conséquences peuvent être beaucoup plus importantes que la seule somme des effets de chacun de ces événements pris séparément. Caractériser les effets de ces risques composites pour l?assurance récolte nécessiterait des développements en modélisation. Concernant les risques de feux de forêts, les périodes favorables aux feux de forêts se sont allongées en Europe de l?Ouest (GIEC, 2022). La littérature scientifique disponible pour l?élaboration du rapport ne faisait pas état d?une augmentation des surfaces brulées, notamment en raison de l?amélioration des mesures de lutte contre les incendies. Néanmoins les conditions continueront à devenir de plus en plus propices aux feux de forêts, et la zone géographique concernée s?étend, y compris dans des régions où les services de lutte contre les incendies de forêt sont moins développés. En France métropolitaine, la majeure partie des produits d?assurance concerne le sud-ouest. L?augmentation prévisible des feux de forêts causera des difficultés pour les produits assurantiels concernés et pour la gestion des forêts exposées. 1.3. ? Le changement climatique implique une dérive des coûts des sinistres, estimée autour de 1% pour le régime CatNat jusqu?à 2050 1.3.1. Implications sur les coûts des sinistres, le régime d?indemnisation des catastrophes naturelles et les stratégies de modélisation Les implications pour les coûts des sinistres, sur la base des études de la CCR, de Covéa, de France Assureurs, de l?étude PESETA IV du Joint Research Center et d?études présentées dans le rapport du GIEC sont présentées dans le tableau X.1. Qualitativement, ces différentes études sont cohérentes entre elles en termes de direction des changements (augmentation ou stabilité des coûts des sinistres) et attribution des causes (changement climatique, exposition et vulnérabilité). Ce résumé montre qu?il faut anticiper une hausse importante des coûts des sinistres. Quantitativement, les estimations varient selon les études, avec par exemple des estimations qui varient d?un facteur 2 à un facteur 10 pour les submersions marines. Cette hausse des coûts impliquera une hausse de la charge au titre des catastrophes naturelles (Table 3). L?estimation de cette évolution des coûts selon la CCR permet d'évaluer le taux annuel de hausse de la surprime CatNat pour maintenir l?équilibre du régime jusqu?à 2050 à des niveaux situés entre 1,29% et 2,07%. Sur cette hausse annuelle, entre 0,80% et 1,62% sont attribuables aux effets du changement climatique. Cette estimation nous semble conservatrice, les estimations de la CCR de 2023 se situant dans la fourchette basse pour les submersions marines et les inondations. Synthèse de l?estimation de la hausse projetée de la sinistralité à 2050 (Table 3) Nature de l?aléa Sinistralité en 2000 Sinistralité en 2020 Evolution en 2020 par rapport à 2000 Evolution estimée en 2050 par rapport à 2020 (2°C) Evolution en 2050 par rapport à 2020 (2,5°) Sécheresses géotechniques 466M¤ 726M¤ 56%3 59%5 190%1 Inondations 943M¤ 979M¤ 4%2 43%4 27%4 Submersions marines 61M¤ 68M¤ 11%3 113%1 109%1 Tous périls CatNat (y-compris séismes et cyclones) 1757M¤ 2078M¤ 18%3 47%5 85%1 Taux annuel de hausse (tous périls CatNat) - - - 1,29% 2,07% Taux annuel de hausse lié à l?aléa seul (tous périls CatNat) - - - 0,80% (pour une hausse attribuée au changement climatique de 27% en 2050 par rapport à 2020) 1,62% (pour une hausse attribuée au changement climatique de 62% en 2050 par rapport à 2020) Source : données CCR, 2023 ? millions d?Euros Constants 2022 Attribution des évolutions selon l?étude CCR 2023: 1: Augmentation due principalement au changement climatique 2: Augmentation due principalement aux effets des réformes 3: Augmentation due au changement climatique et à l'effet des réformes 4: Augmentation due au changement climatique et à l?augmentation de l?exposition et de la vulnérabilité 5: Augmentation due au changement climatique et à l?augmentation de l?exposition et de la vulnérabilité, et à l?effet des réformes 36 1.3.2. Il existe des opportunités pour améliorer la modélisation des risques Les deux sections précédentes ont examiné les périls climatiques les plus significatifs pour le secteur assurantiel français. D?autres périls sont favorisés par le changement climatique, tels que les incendies de forêt ou des mouvements de terrain ou des effondrements de cavités dans certains secteurs exposés aux inondations. De manière globale, la mission a relevé trois catégories de limites des modèles utilisés par assureurs et réassureurs s?agissant de la sinistralité climatique : Des limites liées à la qualité des données : ? L?Incomplétude des données d?exposition, de vulnérabilité, de dommages en nature et sur une amplitude temporelle ; ? les limites de connaissance des caractéristiques du bâti à l?adresse, qui sont déterminantes pour l?évaluation de sa vulnérabilité (âge, existence d?un sous-sol, nature des fondations, etc.) ? les limites de résolution : selon les aléas, les modèles ont des granularités très variables, qui peuvent aller de la maille infra-communale pour les inondations (résolution entre 5 et 100 m) à la maille cantonale pour d?autres périls (pour le modèle RGA, le découpage du territoire hexagonal s?effectue en mailles géographiques de 8 km de côté, issues du modèle hydrométéorologue Safran-Isba-Modcou) ? L?Incomplétude des données relatives aux mesures de prévention collective mises en place par les collectivités, leur calendrier et leurs effets sur les risques. Des limites liées aux outils de modélisation de chaque péril ? l?incertitude liée au nombre relativement faible de sinistres graves servant à calibrer la partie extrême des lois relatives au cout des sinistres, ? l?incertitude sur les hypothèses de dérive climatique (dites incertitudes sur la connaissance) ? les limites des algorithmes : les formes et pratiques de croisement (ex. agrégation) des données issues des bases de données et celles issues de modélisation, les modalités de gestion de la complexité algorithmique et des temps de convergence par exemple. Des limites liées à la frontière du système Cat Nat / hors Cat Nat : ? les modèles sont influencés par les évolutions de nature décisionnelle (réglementaire, politique, etc.) pour les aléas couverts par le régime Cat Nat, telles que les évolutions réglementaires sur les critères de reconnaissance, l?effet « politique » lié à la connaissance du régime par les communes (qui influence le taux de déclaration et le coût des dommages indemnisés), etc. ? la couverture par le régime CatNat des tempêtes tropicales, ouragans et évènements cycloniques dans les DOM implique la nécessité que les modèles puissent distinguer les évènements susceptibles d?être couverts par une couverture de réassurance privée et ceux relevant du régime CatNat (selon des modalités encadrées par la loi, art. L. 122-7 du code des assurances). Le secteur de l?assurance et la réassurance est plutôt en avance par rapport à de nombreux autres secteurs en termes d?utilisation de modélisations climatiques, mais les investissements sont très variables selon les acteurs, la réassurance, publique notamment, restant l?utilisatrice la plus avancée de modèles de bonne qualité. Néanmoins, il existe des opportunités pour maîtriser ou mieux comprendre les incertitudes des modèles (cf. Table 2). Les développements de modèles haute résolution pour la grêle, les précipitations intenses et les cyclones, le développement de nouveaux indicateurs pour les sécheresses géotechniques, devraient permettre d?améliorer les estimations des risques à moyen terme (quelques années). Des collaborations sont déjà en cours. En revanche, les 37 progrès potentiels sur les estimations des submersions marines et des inondations par débordement sont limités par la résolution des modèles d?impacts, par les temps de calcul des modèles de submersion les plus précis et par les limites de la scénarisation de l?adaptation dans les modèles d?impacts. Dans ce domaine, c?est à plus long terme (au moins 10 ans) que des progrès pourraient voir le jour, via des collaborations avec les projets de recherche nationaux et européens du domaine. A court terme, une amélioration consisterait à présenter les simulations de coût avec leur incertitude statistique, en propageant par exemple les incertitudes des variables d?entrée dans les modèles. A plus long terme, des modèles d?impacts à plus haute résolution et prenant en compte l?adaptation amélioreraient la confiance dans la modélisation des submersions marines et les inondations. Une autre amélioration pourrait consister à utiliser plusieurs scénarios d?évolution des enjeux exposés, en utilisant par exemple les Socio-Economic Pathways 1 à 5. Lorsque les effets du changement climatique concernent des événements relativement rares (submersions marines, cyclones, sécheresses pluriannuelles et dans une certaine mesure inondations), il est à la fois difficile de confirmer, via des observations, les tendances modélisées ou anticipées d?augmentation des couts. En revanche, le risque qu?un événement unique extrêmement couteux survienne à n?importe quel moment existe bel et bien. Pour tous ces risques, la recommandation des experts du climat est de réaliser des tests de résistance. Pour l?assurance récolte, ce type de test de résistance existe déjà avec l?hypothèse d?une sécheresse de 3 ans dans les tests de l?ACPR. 1.3.3. Les interactions entre risques climatiques sont un facteur supplémentaire d?augmentation des coûts des sinistres Les interactions entre risques climatiques et non climatiques peuvent conduire à aggraver les coûts des catastrophes naturelles. Par exemple, dans le domaine de l?agriculture, le changement climatique augmente les risques pour la santé lors des canicules, peut causer des pertes de services écosystémiques et favoriser les ravageurs et les pathogènes sans que ces pertes ne soient nécessairement couvertes par le système assurantiel. Dans le domaine des inondations, le rapport du groupe 2 du GIEC présente des évidences émergentes que les pertes indirectes peuvent représenter jusqu?à 5 fois les pertes directes d?un événement de submersion marine ou d?inondation continentale vers 2100 en cas de faible adaptation et de réchauffement climatique élevé (supérieur à 3°C en 2100). D?une manière générale, les impacts sont mal quantifiés sur tout ce qui concerne les conséquences du changement climatique pour la santé humaine, les écosystèmes et les services associés. Dans ces domaines, des limites à l?adaptation sont parfois déjà atteintes ou proches d?être atteintes. Les effets des risques combinés et en cascade sont toujours plus importants que la somme de chaque risque pris isolément. Les coûts des sinistres présentés dans ce rapport constituent donc vraisemblablement une estimation basse. 1.3.4. Des efforts de recherche et de développement permettront de mieux quantifier les bénéfices de l?adaptation et les effets négatifs des pratiques mal-adaptatives Le coût des sinistres futurs dépendra non seulement du changement climatique, mais aussi de l?adaptation qui sera mise en oeuvre. Cette adaptation pourra modérer l?aléa (protection), la vulnérabilité (accommodation) ou l?exposition (relocalisation d?enjeu). Elle pourra aussi dans certains cas aggraver les risques (pratiques mal adaptatives), par exemple sur la question de la gestion quantitative et qualitative de l?eau. Aujourd?hui les outils de modélisation ne considèrent l?adaptation que de manière très simplifiée au mieux. Un intérêt d?intégrer davantage l?adaptation dans les modèles serait d?identifier ses bénéfices éventuels et de promouvoir les réponses d?adaptation en conséquence. Ceci nécessitera des efforts en recherche et développement, qui sont aujourd?hui seulement partiellement financés et financés. 38 1.3.5 Des points de bascule climatiques ou sociétaux peuvent être franchis. Les conséquences d?un tel scénario pour l?assurance ne sont pas caractérisées de manière suffisante. Les projections utilisées dans le domaine de l?assurance ne prennent pas en compte les points de bascule climatique, et encore moins dans les sociétés. Le rapport du GIEC donne quelques clés à cet égard, notamment dans les chapitres 16 à 18 du groupe 2. Les points de bascule climatiques sont les mieux caractérisés : ils concernent par exemple une initiation de l?effondrement de l?Antarctique, des dépérissements de forêts ou la circulation méridienne de retournement atlantique (AMOC). Ceux concernant la société concernent notamment un effondrement des services sociaux, de l?économie, des conflits sociaux, intra-Etats et inter-Etats. Tous ces points de bascule sont d?autant plus à risque d?être dépassés que le niveau de réchauffement sera élevé. S?ils venaient à être dépassés, les conséquences pour la société seraient telles que l?on peut se demander dans quelle mesure quel rôle jouerait l?assurance des biens au sein des mesures trans-sectorielles d?adaptation. Dans ce domaine, l?urgence serait de mieux comprendre les risques associés, en poursuivant par exemple les travaux effectués sur la question de l?élévation du niveau de la mer dans un contexte d?effondrement de l?Antarctique de l?Ouest. 39 CHAPITRE 2. ADAPTER LE SYSTEME ASSURANTIEL FACE AUX RISQUES PHYSIQUES POSES PAR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE 2.1. ? Le système assurantiel français fait coexister des modèles de liberté de marché et un Régime encadré par l?État À l?échelle internationale, deux grands modèles d?assurance existent en matière de risques climatiques, qui peuvent cohabiter en fonction des spécificités nationales : i) un modèle fondé sur la liberté de marché, dans lequel la concurrence entre acteurs privés est la principale force d?influence des équilibres d?offre et de demande, qui se traduit par une liberté de souscription de l?assuré, une tarification des risques en fonction de l?exposition et un signal-prix qui crée une incitation forte à la prévention et à la protection. En corollaire, ce modèle présente plusieurs inconvénients importants : - la fixation de primes et franchises strictement techniques pour les risques surexposés, pouvant dépasser la capacité économique de certains ménages ou professionnels et générer un phénomène de non-assurance ; - une instabilité de l?offre en cas d?incertitude excessive sur les modèles liée au changement climatique ou à l?antisélection des risques pesant sur les besoins en capital ; - une intervention fréquente des Etats en dernier ressort, soit pour subventionner l?offre, soit pour solvabiliser la demande et/ou l?offre, soit en soutien post-crise (par exemple en Allemagne après les inondations en 2021). L?augmentation de l?intensité et de la fréquence des aléas climatiques a montré les limites d?un système fondé sur la liberté de marché. Aux Etats-Unis, le cadre assurantiel très fragmenté selon les Etats fédérés et l?action très limitée de l?Etat fédéral (hors assurances récolte et inondations) se traduit par des difficultés croissantes d?assurabilité face aux catastrophes naturelles, auxquels les Etats ont répondu récemment par des lois visant à subventionner l?offre et/ou la demande assurantielle (notamment dans le cadre des programmes « Fair Access to Insurance Requirements »). ii) un modèle fondé sur l?encadrement par l?État des conditions d?exercice du marché, à travers des obligations d?assurance, un contrôle de la tarification et des ressources en réassurance/capital. Ce modèle présente l?avantage de mutualiser, au moins en partie, le niveau de primes pour rendre l?assurance accessible dans les zones les plus exposées aux aléas, et apporte une bonne stabilité de l?offre. En revanche, l?absence d?incitations limite les efforts de prévention (sauf à développer des incitations ou obligations réglementaires non fondées sur un signal-prix), expose les acteurs publics et se traduit par la fixation de primes minimales obligatoires pour les risques faiblement exposés. Le système assurantiel français fait coexister ces deux modèles : - le régime d?assurance récolte, réformé au 1er janvier 2023, est fondé sur le principe de marché (pas d?obligation d?assurances et liberté tarifaire), adossé à un mécanisme de soutien public important pour subventionner la demande. - le cadre d?indemnisation des tempêtes (non tropicales), des évènements grêligènes et de neige est également régi par les équilibres de marché, avec toutefois des obligations d?assurance en multirisques habitation pour certaines catégories d?assurés. 40 - l?indemnisation des conséquences des catastrophes naturelles est largement encadré par l?Etat, qui apporte en corollaire une offre de réassurance publique permettant une couverture large des périls climatiques adossée à une garantie illimitée de l?Etat. La réforme récente du régime d?assurances récolte doit s?achever sur la création d?un pool de co- assurance en cours de négociation. Nos auditions ont montré une satisfaction globale sur la réforme de 2023 et une forte hausse des souscriptions, témoignant d?une appétence accrue du marché. Faciliter davantage l?accès à cette assurance des producteurs les plus exposés, orienter les subventions relatives aux primes de manière cohérente avec les stratégies d?atténuation et d?adaptation nécessiterait des entorses à la règlementation européenne sur les modalités de subvention de cette assurance qui ne semblent pas envisageables à court terme. Dans ce contexte, et compte tenu de la priorité donnée à un meilleur équipement de la ferme France, la mission ne s?estime pas en mesure d?émettre de recommandation utile. L?assurance des tempêtes (non tropicales), des évènements grêligènes et de neige est une extension obligatoire de la garantie incendie au sein des contrats de particuliers comme de professionnels et de collectivités. Les questionnaires et auditions n?ont pas relevé de dysfonctionnement de marché, le vent et la neige étant des aléas largement diversifiés géographiquement. L?année 2022 a enregistré un évènement extrême en matière de grêle, qui a conduit l?ensemble des acteurs à réviser leurs modèles actuariels relatifs à cet aléa. Les réassureurs ont tenu compte de cette incertitude supplémentaire en 2023 en relevant leurs primes et seuils d?intervention à ce titre. Il nous semble prématuré de tirer d?une série aussi courte des conclusions sur l?assurabilité de ce péril grêle spécifique. Le régime français d?indemnisation des catastrophes naturelles se distingue clairement au niveau mondial 2 par l?efficacité de sa couverture, en termes géographique (Métropole et DOM), d?aléas, d?acteurs économiques, de pertes et dommages (sauf aux récoltes). Cette quasi-universalité apporte une contribution essentielle à la capacité d?adaptation de la France au réchauffement climatique, mais elle crée une grande complexité dans la gestion du risque par les assureurs et réassureurs, au premier rang desquels la CCR. A leur variété s?ajoute en effet une concentration géographique extrême et des dynamiques liées au changement climatique contrastées. La réassurance publique des risques liés aux catastrophes naturelles est devenue un quasi-monopole dans un contexte de durcissement durable du marché privé de la réassurance en 2023. Le retrait de la plupart des réassureurs privés des couvertures Cat Nat en sous-jacent de la CCR et la hausse de tarification des couvertures climatiques hors du régime Cat Nat est considéré comme étant un phénomène pérenne. Le durcissement des conditions d?accès au capital et de renforcement des exigences des agence de notation sur les points d?attachement se traduit par une aversion des réassureurs à proposer des couvertures sur des risques de fréquence (période de retour inférieure à 10 ans). Pour gérer les risques afférents à ces différents régimes, le système assurantiel français développe et utilise des approches actuarielles de plus en plus sophistiquées. 2 Rapport sénatorial de législation comparée « Les systèmes d?indemnisation des catastrophes naturelles », octobre 2017 41 2.2. ? État des lieux des modèles actuariels et des politiques de souscription d?assureurs du marché français de l?assurance de dommages aux biens Toute activité de transfert de risque en contrepartie d?une prime fixée d?avance exige d?en connaitre les caractéristiques-clé dont : - la moyenne, c?est-à-dire l?espérance mathématique de la charge découlant de la réalisation de ce risque, - la volatilité, pour appréhender le risque d?écartement par rapport à cette charge moyenne et dimensionner ainsi les fonds propres amortisseurs nécessaires pour rester solvable même dans les scénarios très adverses. Ce qui est dans l?intérêt d?une part, des assurés qui traitent alors avec une contrepartie solvable, et d?autre part des assureurs qui se forgent ainsi une réputation de solidité attrayante. Pour caractériser ainsi la sinistralité annuelle d?un péril, il est donc nécessaire de disposer d?une modélisation de cette variable aléatoire. Cette modélisation requiert des outils et des équipes dédiés de développement d?une part, de contrôle d?autre part. Conformément à notre lettre de mission, un état des lieux a été élaboré à travers l?audition de représentants des directions exécutives en France de treize sociétés d?assurance, en tenant compte de leur représentativité (part de marché), de leur profil (acteurs mutualistes, bancassureurs, sociétés anonymes) et de leurs spécificités de positionnement (présence significative dans les DOM, sur le marché agricole, l?assurance des collectivités et l?assurance construction). Chaque société auditionnée a également accepté de répondre de manière confidentielle à un questionnaire détaillé comportant 26 questions portant sur i) les politiques assurantielles de souscription et d?investissement de transition, ii) les actions entreprises en matière d?adaptation (prévention, protection) et iii) les travaux et outils de modélisation utilisés et développés en interne. En complément, des auditions collectives des acteurs assurantiels présents dans les zones ultramarines ont été organisées, respectivement avec le comité des Assureurs Antilles-Guyane et Réunion-Mayotte. Afin d?affiner la précision des informations relatives aux outils de modélisation actuarielle utilisés par le marché assurantiel, la mission a également organisé plusieurs ateliers avec les équipes de modélisation de la Caisse centrale de réassurance (CCR). Ces ateliers ont été complétés par des auditions ciblées d?acteurs de la réassurance privée, de fournisseurs de modèles de risques climatiques et de courtiers spécialisés dans les grands risques et la réassurance. La mission a également organisé une audition avec la direction de la climatologie de Météo-France et plusieurs spécialistes en sciences du climat (HCC, I4CE). 2.2.1. Les deux grandes approches actuarielles de modélisation des risques climatiques L?approche actuarielle la plus simple est celle des modèles dits « à l?expérience » : à partir de l?historique sur plusieurs années de la sinistralité observée sur des portefeuilles de contrats, sont calibrées des lois de probabilité permettant de modéliser la fréquence et le coût unitaire des sinistres. Une analyse de tendance des coûts moyens et de l?environnement guide la pente d?inflation annuelle à prendre en compte. Ces lois et ces paramètres d?inflation permettent de cerner la moyenne et la volatilité attendues de la charge annuelle de sinistres. L?avantage de cette méthode est sa simplicité, donc un faible coût de développement et d?actualisation. Son inconvénient est que l?historique disponible est généralement sur des séquences temporelles trop restreintes et hétérogènes pour fournir un large échantillon de sinistres extrêmes. Or, même associés à de faibles fréquences, ces sinistres très graves influencent significativement la moyenne et la volatilité 42 globale. Par ailleurs, basée sur le passé, cette méthode n?intègre pas par nature et de manière explicite certains paramètres comme le réchauffement climatique, l?évolution de l?exposition, ce qui exige des retraitements pouvant introduire des risques de modèle additionnels. L?alternative actuarielle est celle des modèles stochastiques, basés sur des données autres que la sinistralité rétrospective (par exemple des indicateurs climatiques pouvant eux-mêmes résulter de modèles climatiques prospectifs globaux ou régionaux, couplés à des modèles de destruction des biens en fonction de la nature et de l?intensité de l?aléa climatique). Ces modèles sont calibrés notamment par backtesting, consistant à comparer la pertinence des données de sortie d'une modélisation à des données historiques réelles de sinistralité. Ils s?appuient sur de la modélisation statistique et de la modélisation numérique. L?avantage de ces modèles est double : d?une part, ils permettent de capitaliser sur l?état de l?art en climatologie, en se basant le plus souvent sur plusieurs indicateurs (températures, précipitations, humidité, etc?). D?autre part, ces modèles stochastiques permettent de réaliser des tests de sensibilité à différents scénarios climatiques et aux climats futurs associés. L?inconvénient de ces modèles est une complexité sans commune mesure avec la catégorie précédente, qui se traduit par des coûts très importants d?investissement et de maintenance. Du point de vue des assureurs et réassureurs, de tels coûts doivent, pour être exposés, se justifier économiquement, par des perspectives solides de revenus et de marges. Tous ces modèles assurantiels couplent des données externes et internes d?aléa (issues d?organismes publics ou privés) et de sinistralité (vulnérabilité et dommages). En fonction de leurs expositions, de la nature et de la complexité des périls, et de leurs capacités d?expertise, les assureurs développent des modèles en interne ou utilisent des modèles externes, développés par des fournisseurs spécialisés, des sociétés de courtage en réassurance ou des réassureurs. 2.2.2. Un paysage de modélisation influencé par la prédominance du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles La France présente plusieurs spécificités qui influencent le paysage de la modélisation des périls climatiques : - En termes de couverture assurantielle, l?extension de garantie Catastrophes naturelles, obligatoire pour tous les contrats automobiles, d?habitation et professionnels voient leurs surprimes et franchises fixées par l?État, ce qui exonère l?assureur de toute tarification commerciale. - En termes de couverture de réassurance des catastrophes naturelles, la France présente la spécificité notable d?une intervention large et stable de la Caisse Centrale de Réassurance qui offre à toutes les compagnies Dommages opérant en France : o un transfert intégral de 50% des risques relevant du Régime, o sur la part de risques conservée par les compagnies, une protection complète et illimitée au-delà d?une rétention souvent fixé à 200% des primes conservées, ce qui réduit très fortement la volatilité restant à charge des assureurs, et donc leur exigence de fonds propres. - Le mécanisme d?arrêté ministériel reconnaissant l?état de catastrophes naturelles est spécifique à la France et génère, pour les réassureurs, un risque de modèle que seule la CCR semble capable d?assumer dans la durée. Ceci se traduit par une situation de quasi- monopole de la CCR sur cette branche. En effet, si certains réassureurs proposaient jusqu?à 43 récemment des traités en sous-jacent de ceux de la CCR sur des évènements couverts par le régime des catastrophes naturelles, ces couvertures ont quasiment disparu en 2023. Ce contexte comporte une double conséquence au plan des investissements de modélisation des réassureurs : - le développement depuis une vingtaine d?années par la CCR, en partenariat avec plusieurs instituts scientifiques publics de référence, de modèles internes robustes adaptés spécifiquement aux périls relevant du régime Cat Nat. L?internalisation des compétences en matière de modélisation stochastique implique, d?une part, de développer des capacités d?expertise pluridisciplinaire associant des climatologues, géographes, experts du bâtiment, data scientists et d?autre part de disposer de bases internes de sinistralité suffisamment profondes pour assurer la pertinence du calibrage du modèle. La CCR investit significativement dans ces domaines, et doit continuer à le faire du fait des défis de modèles que pose le changement climatique. - une faible appétence, de par l?absence de débouchés, de la réassurance privée et des fournisseurs spécialisés pour investir dans la modélisation de certains périls relevant du régime Cat Nat en France. Font toutefois exception les tremblements de terre, l?inondation (principalement pour le repérage des zones d?aléas très forts, sensibles pour les risques de particuliers mais aussi pour la perte d?exploitation des entreprises) et dans une certaine mesure les évènements cycloniques. S?agissant des assureurs, les entreprises auditionnées par la mission indiquent, s?agissant des périls relevant du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles, se reposer pour une majorité entièrement sur la CCR, pour des estimations de charge essentiellement. Une minorité d?entreprises d?assurances a commencé à investir dans la modélisation de certains périls, inondation, RGA, pour en affiner certaines dimensions (les primes et franchises étant d?ordre public, ceci vise essentiellement l?identification des zones à plus forte exposition aux aléas et les cumuls de capitaux assurés correspondants). S?agissant des évènements naturels hors du régime Cat Nat (tempêtes, cyclones de faible intensité, grêle), les entreprises d?assurances indiquent privilégier un mix de modélisation interne et de solutions externes, qui peuvent être retraitées pour s?adapter aux spécificités des expositions de chaque assureur. 2.2.3. Les risques de modèles des assureurs et réassureurs dans le contexte du changement climatique Il ressort des auditions menées et de l?analyse de ce panorama l?émergence de seulement deux risques de modèles impactant les acteurs de l?assurance des risques naturels?: i) s?agissant des périls du régime Cat Nat, le risque de modèle est, pour l?essentiel porté par la CCR, du fait du large transfert de risque dont bénéficient les cédantes et de l?absence de maitrise par la réassurance privée du processus de reconnaissance administrative. Ce risque nous semble, pour sa maîtrise, faire l?objet d?investissements satisfaisants de la part du réassureur public. Dans le contexte du changement climatique et vu la complexité des modèles bâtis en partenariat avec Météo France, il nous semble impératif de maintenir à un haut niveau la capacité interne de la CCR à développer, challenger et maintenir ses actifs de modélisation. ii) s?agissant des périls hors du régime Cat Nat, les risques de modèles sont maîtrisés sur les tempêtes, grâce à la relative stabilité de ce péril et à l?amélioration permanente des mo- dèles de marché. Ils sont, inversement, particulièrement marqués depuis quelques années 44 sur les périls dits «?secondaires?», à l?instar des phénomènes grêligènes et de sécheresse en France en 2022. Ce constat de risque de modèle s?illustre par exemple à travers l?incon- sistance de l?estimation de la période de retour de l?épisode exceptionnel de grêle en juin 2022 dont la fréquence de survenance est estimée, selon les acteurs interrogés par la mis- sion, entre 10 et 200 années. Certains acteurs soulignent que les modèles de marché peu- vent étendre cette plage jusqu?à 5?000 ans en relevant une forte incertitude. De la même manière, on note une forte variabilité de la période de retour estimée de la sécheresse estivale 2022, dans une fourchette de 15 à 100 ans selon les modèles. 2.3. ? Le déséquilibre du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles à climat actuel doit être corrigé à court terme, et sa résistance au changement climatique renforcée 2.3.1. Un déséquilibre du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles estimé à 1 200 M¤ par an à climat actuel La mission avait notamment pour objectif de formuler des recommandations de nature à sécuriser l?équilibre du régime assurantiel d?indemnisation des Catastrophes naturelles (ci-après dénommé le Régime). Dans cette optique, une revue ?exécutive? a été menée en juillet et août 2023 sur les approches et modèles actuariels de la Caisse Centrale de Réassurance relatifs aux différents périls couverts par le Régime. Cette revue a donné lieu à quatre ateliers nourris par plusieurs supports liés à ces modèles. Elle est qualifiée d?« exécutive » en ce sens qu?elle correspond au dialogue prévu par la réglementation Solvabilité 2 pour permettre au management exécutif d?une entité d?assurance de valider les modèles à enjeu stratégique présentés par ses équipes actuarielles (Modèles de tarification, de risque, de réassurance...). Soulignons qu?il ne s?agit ni d?une revue détaillée par la fonction actuarielle de la CCR qui n?a pas été sollicitée sur ces modèles, ni d?une revue approfondie d?auditeurs externes portant notamment sur la qualité des données. Elle nous permet de conclure, avec un niveau de confiance élevé3 , à une situation de déséquilibre structurel significatif entre les ressources du Régime (surprimes catastrophes naturelles nettes de prélèvement sur la surprime sur les cotisations Cat Nat4 plus produits financiers de la branche) et ses charges (sinistralité pure, frais de gestion des contrats et des sinistres, et coûts de la garantie d?État à la CCR et d?immobilisation des fonds propres nécessaires à la solvabilité des acteurs du régime). Ce déséquilibre peut être estimé à 1.200 M¤ par an, en intégrant : (i) Une évaluation raisonnablement conservatrice de la charge moyenne attendue des sinistres Cat Nat. Un minimum de prudence est indispensable pour la durabilité de toute entité d?assurance ou de réassurance dans un contexte d?incertitude classique des modèles. Cette évaluation est faite sur base du climat actuel et compte tenu des paramètres économiques de 2022 (exposition, valeurs, primes, coûts de réparation), (ii) 320 M¤ d?impact anticipés des évolutions réglementaires suivantes, applicables à compter de 2024 : 3 Nous estimons à +/- 100 M¤ l?intervalle de confiance à 85% de l?agrégat global de sinistralité. Par simplicité, cette synthèse reposera sur le niveau central de cet intervalle. 4 Pour un volume de primes Catastrophes naturelles 2022 de 1.900 M¤ (nettes de prélèvement de 12% au titre historiquement du FPRNM sur la surprime Cat Nat) 45 - Les nouveaux critères de reconnaissance des communes pour l?état de catastrophe naturelle suite à un événement sécheresse (circulaire 3DS en finalisation révisant les critères de reconnaissance applicables au phénomène RGA, dont l?impact est estimé à + 20,4% sur la charge annuelle de sinistres de cette nature), - Les dispositions supplémentaires prévues par la loi du 28 décembre 2021 (« loi BAUDU ») à effet du 1/1/24 (impact estimé de 6,5% sur la sinistralité totale du régime), (iii) Une évaluation aux conditions de marché du coût d?immobilisation des fonds propres nécessaires pour solvabiliser l?ensemble des acteurs, outre celui de la garantie d?État accordée à la CCR. Ces conditions doivent en particulier permettent à la CCR soit de reconstituer ses réserves nécessaires pour faire face aux sinistres très graves, soit de partager ses risques avec la réassurance privée, (iv) Une estimation relativement économe des charges de gestion opérationnelle des assureurs, basée sur une approche de coût marginal. Cette évaluation ne tient pas compte : - des effets futurs inéluctables du réchauffement climatique, - de la charge supplémentaire qu?entrainerait une couverture plus exhaustive des particuliers et acteurs professionnels établis dans les DOM, - de la charge supplémentaire qu?entraineraient des réformes supplémentaires au-delà des mesures prévues par la loi du 28 décembre 2021 et de la révision en cours des critères RGA et des mesures prises au titre de l?ordonnance du 8 février 2023, - de la rémunération de fonds propres supplémentaires nécessairement mobilisés dans un scénario de transfert partiel du risque de garantie de l?État vers la réassurance privée. Cette situation de déséquilibre a deux inconvénients majeurs au plan de l?intérêt général : D?une part les assureurs peuvent être tentés, pour se protéger, d?adopter des stratégies d?évitement des zones à plus forte exposition aux aléas naturels. D?autre part, ni la CCR ni l?État ne perçoivent les moyens de financer leur propre protection, interne ou externe, face aux évènements extrêmes. Un déséquilibre important et durable du Régime engendre inévitablement, chez un nombre croissant d?assureurs, des stratégies auto-protectrices d?évitement : - Les surprimes liées aux garanties Catastrophes naturelles représentent aujourd?hui 12% des primes des garanties dommages (hors responsabilité civile) des contrats multirisques des particuliers (habitation) et des professionnels. Le marché français étant parmi les plus concurrentiels en Europe et même dans le monde, les marges unitaires de ces contrats sont faibles (30¤/an environ sur un contrat multirisque habitation de 400¤ de prime annuelle HT) ; - Toute garantie déficitaire doit, pour répondre aux attentes des actionnaires, être compensée par d?autres, profitables. Ceci peut générer des tarifs excessifs pour ces autres garanties et nuire à leur compétitivité, donc à leur commercialisation ; - Si une compensation croisée entre les types de produits d?assurances apparaît comme illusoire du fait de trop faibles marges sur les autres garanties, les assureurs fuiront inévitablement les zones techniquement déficitaires, où le coût attendu des sinistres et de leur gestion est exorbitant par rapport au prix imposé au marché ; - Ce mouvement est inéluctablement renforcé quand, dans un marché concurrentiel, une partie des assureurs se retirent de zones structurellement déficitaires, augmentant la part de marché et la charge portée par les derniers présents ; - C?est ainsi que se concrétise le risque de retrait, comme pour tous les autres risques : du fait de résultats globaux déficitaires, certains puis la plupart des assureurs pourraient préférer fuir les zones génératrices de pertes trop lourdes. En France, un cas emblématique est celui des DOM du fait du péril cyclonique (1,5% des primes Cat Nat et 10% des sinistres du régime selon la CCR). 46 Octroyer à la CCR une marge lui permettant non seulement d?équilibrer la sinistralité mais aussi de rémunérer ses fonds propres aux conditions de marché est clé pour lui fournir, ainsi qu?à l?État, des marges de manoeuvre nécessaires pour la gestion des risques, à travers plusieurs options : (i) Reconstituer graduellement des réserves réduites ces dernières années, (ii) Se décharger, si elle le souhaite, de pans de risques vers la réassurance privée. Ce second sujet fait l?objet du développement en section 2.5 du présent rapport. L?importance de ce déséquilibre, dont la manifestation est visible dans l?évolution baissière des réserves de la CCR ces dernières années, appelle donc, dans l?intérêt de l?État, de la CCR et des acteurs privés du régime, une réaction rapide et vigoureuse. 2.3.2. Une hausse à court terme et une indexation de la surprime catastrophes naturelles incontournables pour rééquilibrer le Régime dans la durée Les leviers actionnables sont de deux natures : i) pour diminuer les charges : - Renforcer les investissements de prévention et d'adaptation pour baisser la survenance et le coût des sinistres, - Rehausser les franchises légales pour baisser le coût unitaire des événements catastro- phiques, - Prévoir un traitement différencié de certains biens en zone à surrisque (cf. ci-après). ii) pour augmenter les ressources?: - Rehausser les produits financiers, - Majorer les surprimes des contrats d?assurance, Seul ce dernier levier peut impacter significativement 2025, voire 2024, pour rééquilibrer rapidement le Régime. Notre meilleure estimation du niveau de primes nettes de prélèvement nécessaire et suffisant pour un équilibre durable du régime est de 3.200 M¤, comme le montre le compte de résultat figurant en annexe 1. En moyenne pour chaque contrat d?assurance habitation, la surprime Catastrophes Naturelles serait ainsi portée de 22¤ HT à 37¤ HT, soit une hausse de 15¤ HT par an. Les solutions pour rehausser de 1 300 M¤ les ressources du Régime (hors prélèvement sur la surprime Cat Nat) sont multiples. Si l?on écarte la piste des subventions d?un budget de l?État sous contrainte, l?univers des possibles est en théorie, l?ensemble des combinaisons faisant varier, d?une part, les taux de surprime Cat Nat, et d?autre part les assiettes de surprimes. Nous sommes favorables à un mix de critères permettant de concilier efficacité et acceptabilité, res- ponsabilité et solidarité et préconisons comme vecteurs des ressources supplémentaires : - En priorité les contrats multirisques habitation pour le critère d?efficacité (rééquilibrage des contrats) et d?acceptabilité (série quinquennale de sinistralité inédite notamment en séche- resse et cyclones), - Suivis des contrats automobiles pour le critère de responsabilité (véhicules thermiques sur- tout), - Suivis des multirisques professionnelles que les bons résultats historiques ne mettent pas à l?abri d?évènements majeurs avec des garanties pertes d?exploitations toujours très coûteuses, notamment en cas de sinistre touchant la chaine d?approvisionnement. 47 Notre préférence va donc à un scénario portant aux alentours de 21% la surprime du régime sur les dommages aux biens des particuliers et sur l?automobile, et aux alentours de 16% celle afférente aux dommages aux biens des professionnels. Ce supplément de primes nettes de prélèvement de 1 300 M¤ rehausse d?environ 1 480 M¤ la base du prélèvement additionnel de 12% sur la prime Cat Nat des contrats d'assurance habitation et automo- bile. Les ressources budgétaires au titre de ce prélèvement seraient relevées d?environ 180 M¤ par an dès la prise d?effet de la hausse du taux de surprime (soit 425 M¤ prélevés au lieu de 245 M¤ par an). Le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) devrait être de plus en plus sollicité au fur et à mesure que les particuliers et les collectivités renforceront leurs investissements de protection et de prévention. Des acteurs tels que le think tank I4CE ont fait plusieurs évaluations des besoins en investissement en faveur de l?adaptation aux niveaux national et régional depuis 2022. Nous préconi- sons donc de maintenir le prélèvement additionnel sur les surprimes Cat Nat, actuellement de 12%, afin de consolider le financement des actions individuelles de prévention à travers un second fonds dédié comme décrit au chapitre 3. Deux autres éléments prospectifs sont, enfin, à prendre en compte?: - D?une part, comme dit précédemment, ces niveaux se basent sur le contexte 2022, tant en termes de climat que d?exposition des biens et activités. Le réchauffement climatique génère, toutes choses égales par ailleurs (hausse des valeurs assurées, mobilité de la population, meil- leure assurance des DOM) une inflation climatiques « pure ». Une indexation des taux de sur- primes sur cette inflation sera la seule façon d?éviter des déficits techniques sévères pous- sant les assureurs à renforcer leur sélection des risques. Notre évaluation de cette inflation se situe à 1% de la surprime, tenant compte des incertitudes reflétées par les évaluations de la CCR et de Covéa?(cf. section 1.3). Nous recommandons par conséquent une hausse pro- grammée de 0,2% par an de la surprime Cat Nat avec une clause de rendez-vous quinquen- nale. - D?autre part toute modification du périmètre des périls ou des dommages indemnisables par le Régime devrait conduire sans délai à un ajustement de la surprime en conséquence. Il est important de rappeler que le respect de ce niveau d?équilibre est un élément critique pour la pérennité du régime. En effet, il est essentiel pour prévenir le risque de retrait d?acteurs essentiels de sa chaîne de valeur. En termes de calendrier, l?ajustement de prime d?un contrat d?assurance ne peut intervenir que lors de son renouvellement. La saisonnalité des échéances des contrats sur le marché est donc un élément clé à prendre en compte pour quantifier les effets en 2024 et/ou 2025 de toute décision de majoration. Or, les contrats des professionnels se renouvellent majoritairement au 1er janvier sur le marché des particuliers. Pour des raisons historiques liées à la préférence de certaines mutuelles, l?échéance du 1er avril est également significative. Pour conduire dès 2024 son redressement, les décisions tarifaires liées au Régime devaient donc in- tervenir courant septembre 2023. Nous comprenons que cette option, présentée dans notre premier pré-rapport de septembre, n?a pas pu être concrétisée. 2.3.3. L?indexation des franchises, classique en assurance, est adaptée au contexte du Régime Les franchises réglementaires du régime sont actuellement sans indexation. Cela revient à une diminution en euros constants puisque que l?inflation des sinistres est portée par quatre facteurs : (i) une accumulation de valeur avec l?accroissement des capitaux assurés, 48 (ii) le déplacement relatif de la population vers les zones à risques comme le pourtour méditerranéen et les DOM, (iii) une hausse des coûts de réparation et de reconstruction surtout depuis 2020, et (iv) une inflation climatique intrinsèque liée au réchauffement climatique. De nombreuses entreprises d?assurances de dommages pratiquent l?indexation des franchises en multirisque habitation et multirisque professionnelle sur l?indice du coût de la construction établi par la Fédération Française du Bâtiment afin de les maintenir stables en euros constants. Ceci participe à la maîtrise des coûts des sinistres et donc des primes futures. Il nous semblerait légitime de pratiquer de la même manière pour le dispositif Cat Nat compte-tenu de ces sur-pressions inflationnistes. OBJECTIF N°1 : ASSURER LE REDRESSEMENT DU RÉGIME D?INDEMNISATION DES CATASTROPHES NATURELLES A COURT TERME ET SA PERENNITE A MOYEN ET LONG TERMES 1.1. Rehausser rapidement les taux de la surprime Cat Nat afin de renforcer les ressources financières du régime à hauteur de 1 300 M¤ par an (sur base des paramètres économiques et climatiques de 2022) 1.2. Instaurer un mécanisme d?indexation automatique du taux de surprime Cat Nat afin de prendre en compte les effets du changement climatique, en fixant la réévaluation annuelle initiale à 1% des taux de surprime (soit 0,2 point de %) par an à compter de 2023. Prévoir une clause de revoyure quinquennale, et accompagner tout changement des conditions d?indemnisation par le Régime d?un ajustement correspondant et simultané de la surprime. 1.3. Indexer les franchises légales du régime sur l?indice du coût de la construction. 2.4. ? Consolider les zones d?exposition majeure aux principaux risques climatiques pour renforcer la responsabilisation des assureurs et assurés 2.4.1. Consolider la cartographie des zones d?exposition aux principaux risques naturels majeurs, de manière partagée entre l?État, la CCR et les acteurs assurantiels Tout dispositif de gestion des risques a pour point de départ un inventaire et une évaluation de ces risques sur base de critères essentiellement de fréquence et d?impacts potentiels. Cette évaluation permet de hiérarchiser les priorités et les plans d?action pouvant comprendre une amélioration des connaissances, une surveillance (donner l?alerte), la préparation à la gestion de crise, la prévention (protection, réduction de la vulnérabilité des enjeux ou relocalisation), et le transfert, dans la mesure du possible, du risque résiduel, notamment par l?assurance. Nous considérons qu?une cartographie consolidée des zones les plus exposées aux aléas couverts par le régime d?indemnisation des catastrophes naturelles sera un préalable indispensable à tout dispositif de responsabilisation équilibrée des assureurs et des assurés. La logique de nos recommandations est donc d?instaurer ou de renforcer : 49 - L?identification des zones à plus forte exposition aux aléas couverts par le régime, faisant l?objet d?un Plan de Prévention des Risques, - La responsabilisation accrue des catégories d?assurés les mieux placés pour mettre en oeuvre les mesures de prévention adéquates sur ces zones, - Une exigence de présence pérenne sur ces zones pour tous les assureurs (cf. section 2.3), - L?accompagnement par la CCR des assureurs sur les DOM, dont le déséquilibre technique pour le Régime est supérieur. La source la plus simple pour une telle cartographie consolidée est celle des plans de prévention des risques naturels (PPRN). Dans le domaine des aléas climatiques, « Faire connaitre le risque et l?aléa » est une des missions régaliennes essentielles de l?État au service des ménages, des collectivités et des entreprises. Encadré 2 ? Les Plans de Prévention des Risques Naturels Les Plans de Prévention des Risques (PPR) sont des documents d?urbanisme élaborés à l?échelle d?une ou de plusieurs communes par les services de l'État, en collaboration avec les collectivités locales et les autres acteurs concernés, notamment via une enquête publique. Ils cartographient un certain nombre d?aléas tels que les inondations ou les retraits gonflement des argiles, dont ils caractérisent l?intensité, et prescrivent des mesures pour l?utilisation des sols (non constructibilité, prescription sur le bâti). Ces documents sont prescrits par les Préfet. Une fois approuvé, le PPR est annexé au plan local d?urbanisme (PLU). Les PPR peuvent concerner différents risques naturels : inondations, risques littoraux, mouvements de terrain, séismes, tempêtes, cyclones, feux de forêts? Les cartographies issues des phases dites tech- niques et réglementaires de ces PPR présentent une relative hétérogénéité, tant en termes de grada- tion que de fréquence de mise à jour, certains PPR n?ayant pas toujours franchi le stade d?approbation. Le PPR délimite d?une part ?les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'inten- sité du risque encouru?, d?autre part ?les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions(...) pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux?. Il définit ?les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises? dans ces zones (Article L562-1 du code de l?environnement). Les PPRI (inondations) peuvent compter jusqu?à quatre niveaux d?aléa (faible, modéré, fort, très fort ; R-562-11-4 du code de l?Environnement). La carte d?exposition au retrait gonflement des argiles, dis- ponible sur toute la métropole, sauf Paris, comprend quatre niveaux d?exposition (nul ou négligeable, faible, moyen, fort), en fonction de la probabilité de survenance de sinistres et de leur intensité. https://www.ecologie.gouv.fr/prevention-des-risques-naturels S?agissant des assureurs, la modélisation à fine échelle des périls climatiques couverts par le régime d?indemnisation des catastrophes naturelles a longtemps été délaissée compte tenu de l?absence d?en- jeu lié à la mutualisation qu?impose le régime : l?assureur n?ayant aucun levier de tarification, des mo- dèles de prime pure ont moins d?utilité que les nombreuses branches où le levier tarifaire existe. Toutefois, le déséquilibre du régime devenant significatif, comme démontré au chapitre précédent, du fait de la relative stabilité5 des primes Cat Nat face à une hausse de la sinistralité cohérente avec les 5 Le taux de surprime Catastrophes Naturelles étant inchangée depuis 2000, seule l?assiette applicable à cette surprime augmente, de manière relativement linéaire, le niveau global des primes Cat Nat collectées. https://www.ecologie.gouv.fr/prevention-des-risques-naturels 50 effets attendus du changement climatique, une nouvelle piste d?action séduit certains assureurs : la discrimination géographique. Si, pour réduire leurs foyers de perte, certains assureurs s?autorisent une liberté de sélection plus ou moins déclarée, l?investissement dans un outil de modélisation à maille géographique fine s?avère rentable. De ce fait, les cartographies des PPR alimentent désormais, parmi d?autres outils, l?arsenal de modèles d?un nombre croissant d?assureurs. La réaction à ce phénomène d?esquive, toxique à long terme pour l?universalité du régime, fait l?objet des recommandations con- tenues ci-après. Une cartographie partagée et harmonisée des zones à plus forte exposition pour le régime devrait ainsi être réalisée afin d?identifier sur notre territoire les zones : - A aléa très élevé, dites « zones ROUGES », c?est-à-dire se situant au niveau maximum de la cartographie PPR pour au moins l?un des périls couverts par le régime Cat Nat, - A aléa élevé, dites « zones ORANGES », c?est-à-dire se situant au 2e niveau de la cartographie PPR d?un au moins des périls couverts par le régime Cat Nat, - A aléa faible, dites « zones VERTES ». Les zones baptisées « ROUGES et « ORANGES » à ce stade dans le seul but de faciliter notre présenta- tion, seront le socle de plusieurs mesures d?intérêt général prescrivant de manière équilibrée des ef- forts supplémentaires aux assureurs, aux assurés et la CCR. L?importance de cette cartographie nationale harmonisée et orientée sur les périls couverts par le ré- gime Cat Nat justifie que la CCR, investie de missions d?intérêt général, en soit maitre d?oeuvre, en concertation notamment avec les autorités ministérielles compétentes (notamment la DGPR) et France Assureurs. La CCR réunit en outre, selon nous, les meilleures expertises internes et externes et la profondeur statistique la plus importante sur la sinistralité de l?ensemble du marché français. 2.4.2. Renforcer l?incitation à la prévention des biens professionnels de haute valeur, des résidences secondaires et des biens locatifs localisés en zone d?exposition forte (orange) et très forte (rouge), en instaurant pour ces seuls cas la liberté de fixation des primes et franchises d?assurance du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles En conséquence de ses avantages d?universalité et d?accessibilité, il faut admettre que le régime Cat Nat ne favorise pas, au contraire, les efforts individuels de prévention. En effet, aucun bénéfice de prime d?assurance ne découle, formellement, d?un quelconque investissement pour lutter contre les inondations, cyclones ou le RGA. Même dans les zones les plus fortement exposées aux aléas, le signal prix envoyé aux assurés au titre de la garantie Cat Nat est insuffisant pour susciter des mesures de prévention appropriées. La franchise applicable aux sinistres Cat Nat étant fixée par arrêté ministériel 6 , aucune responsabilisation liée aux efforts individuels de prévention n?est possible pour les assureurs. Dans ce contexte, quelques-uns se risquent à une formulation responsabilisante, dont la conformité avec la réglementation reste à démontrer, telles que la clause suivante : « Si vous êtes propriétaire de biens immobiliers exposés à des risques naturels, vous devez mettre en oeuvre les moyens de prévention et de protection définis par les lois et règlements en vigueur, en particulier par les plans de prévention des risques naturels. Ces plans sont annexés aux plans locaux d?urbanisme (anciennement plans d?occupation des sols) et font l?objet d?un affichage en mairie et d?une publicité par voie de presse locale. En cas de manquement de votre 6 L?arrêté du 30 décembre 2022 fixe les niveaux de franchise applicables à compter du 1er janvier 2024. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000046884229/2024-01-01 51 part à ces obligations, [l?Assureur] est fondé à vous réclamer ou à retenir sur les sommes dues l?indemnité correspondant au préjudice qui en a résulté pour elle. » La communauté des assurés finance donc, pour les zones les plus à risque, la réparation des dommages qu?auraient pu éviter certaines mesures de prévention prises par les ménages ou les entreprises, prescrites ou non par les PPR. Cette situation peut paraître légitime pour la grande majorité des assurés qui n?ont pas nécessairement eu le temps et ou les moyens financiers de tels investissements. Il en va autrement de certaines situations ciblées. Il nous semble en effet possible et souhaitable de l'assurance contribue à rehausser l?exigence de travaux de prévention qui incombe aux individus, aux entreprises comme aux collectivités en direction de ceux qui réunissent à la fois (i) une exposition forte ou très forte, et (ii) les moyens financiers permettant de financer les mesures de prévention adaptées, en ciblant en particulier trois catégories de biens assurés : - Les résidences secondaires, - Les biens à usage locatif, - les biens professionnels à forte valeur assurée (supérieure par exemple à 20 M¤ en bâtiment, contenu et perte d?exploitation assurés). Une manière simple de rehausser fortement l?incitation à investir est de maintenir l?obligation d?assurer au bénéfice de ces catégories, tout en libérant les tarifs (c?est-à-dire le niveau de la surprime Cat Nat) et les franchises, donc l?intégralité du signal-prix que peut recevoir l?assuré. Un dialogue de progrès devrait alors pouvoir s?établir entre l?assuré et son assureur pour fixer les contours d?un dispositif adapté au contexte et un délai de réalisation des travaux raisonnables. Ce type de mécanisme d?incitation se pratique déjà pour une part des risques professionnels proportionnelle aux capitaux assurés. Bien entendu, les mesures de prévention résultant du dialogue entre assureur et assuré doivent s?appuyer sur les prescriptions des PPR et des autres documents réglementaires en donnant aux assureurs, pour ces seules catégories de biens assurés, des latitudes supplémentaires de responsabilisation et le cas échéant d?adaptation des mesures au contexte spécifique. S?agissant des résidences principales et des autres catégories de biens assurés situés dans des zones où les PPR prescrivent des travaux de prévention individuelle dans des délais impartis, une responsabilisation des assurés par le moyen de la franchise parait également possible et souhaitable. Une orientation possible serait de la rehausser, en cas de non-respect des prescriptions du PPR dans les délais, à un niveau tel que l?investissement dans ces travaux soit rentable dès la survenance d?un premier sinistre. Le triplement, dans ce seul cas, des franchises légales pourrait constituer un niveau raisonnablement incitatif. 2.4.3. Adapter et uniformiser les modalités de réassurance de la CCR pour les assureurs opérant dans les départements ultramarins Les départements d?outre-mer cumulent une très forte exposition aux cyclones tropicaux ? et pour les Antilles, aux séismes ? et une pénétration de l?assurance habitation très inférieure à celle de la métro- pole. A ces faiblesses s?ajoutent une menace : la sensibilité croissante des assureurs présents dans ces départements à la suite : - d?évènements cycloniques d?ampleur, tel que le cyclone IRMA, 52 - de l?assèchement, récent mais sans doute durable, de la réassurance privée qui permettait aux assureurs de protéger leurs fonds propres en couvrant une partie de la rétention restant à leur charge (c?est-à-dire la rétention en-deçà du seuil de réassurance de la CCR), - un rehaussement des seuils de réassurance par la CCR des portefeuilles des compagnies ba- sées dans les DOM, - d?une remise en cause par le changement climatique des modèles permettant d?estimer la distribution des sinistres, donc la volatilité de cette charge et le besoin en capital correspon- dant. Un surcroît de volatilité est donc prévisible, dans un contexte de déficit technique durable pour le régime puisque les primes Cat Nat des DOM représentent moins de 2% de ses primes France et la sinistralité moyenne attendue environ 10% de sa charge. Pour éviter un retrait de compagnies d?assurances, dans un contexte d?offre assurantielle déjà limitée par rapport à la métropole, un réexamen des conditions de réassurance parait nécessaire pour réduire l?amplitude possible de variation de la sinistralité, par conséquent la volatilité des résultats et le besoin en capital des assureurs. Ce réexamen devrait concerner les compagnies d?assurance basées en métro- pole comme aux Antilles ou à la Réunion, l?option de retrait étant ouverte pour toutes ces entités. OBJECTIF N°2 : CONSOLIDER LES ZONES D?EXPOSITION MAJEURE AUX PRINCIPAUX RISQUES CLIMATIQUES POUR RENFORCER LA RESPONSABILISATION 2.1. Consolider une cartographie des zones d?exposition élevée aux principaux aléas naturels majeurs, de manière partagée entre l?État, la CCR et les acteurs assurantiels. 2.2. Renforcer l?incitation à la prévention des risques professionnels de haute valeur, des résidences secondaires et des biens locatifs localisés en zone d?exposition forte (orange) et très forte (rouge), en instaurant pour ces seuls cas la liberté de fixation des primes et franchises d?assurance du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles 2.3. Adapter et uniformiser les modalités de réassurance de la CCR pour les assureurs opérant dans les zones ultramarines. 2.5. ? Préserver la mutualisation de la prise en charge des risques garantis par le régime d?indemnisation des catastrophes naturelles sur l?ensemble du territoire La contrepartie des efforts demandés aux ménages, aux entreprises et à la CCR pour rééquilibrer durablement le Régime doit évidemment être un engagement pérenne de tous les assureurs afin de garantir l?accessibilité de la garantie Catastrophes Naturelles, même dans les zones génératrices de pertes en raison de leur plus forte exposition. Les questionnaires et auditions de nombreux acteurs du marché ont mis en lumière le mouvement de retrait de plusieurs acteurs, soit par des pratiques tarifaires dissuasives, soit par des politiques d?exclusion. Souvent de dimension internationale, ces acteurs reproduisent des politiques de 53 souscription classiques dans d?autres géographies où seul fonctionne un système d?assurance de marché libre, donc fortement discriminant. De tels mouvements sont à l?évidence toxiques pour le régime à moyen et long terme, pour plusieurs raisons : - Les assureurs restant sur les zones à plus forte exposition voient leurs pertes se creuser avec l?augmentation de leurs parts de marché, - Les assureurs « vertueux » pour le régime qui campent sur leur position dans les zones sur exposées n?ont d?autre choix pour équilibrer leurs résultats que de rehausser leurs primes sur l?ensemble du territoire, perdant ainsi en compétitivité sur les zones à plus faible aléa. - La pression concurrentielle sur ces zones « vertes » des assureurs n?ayant pas à financer les pertes des zones rouges induit inévitablement des pertes de parts de marche, ce qui réduit leur capacité de subvention croisée, poussant vers la dernière issue, - Des décisions de sortie doivent être prises par les assureurs ainsi concurrencés, amenant un assèchement de l?offre sur les zones rouges, alimentant ainsi le cercle vicieux. 2.5.1. Développer un mécanisme de nivellement des marges techniques entre zones à faible et forte exposition via la modulation du prélèvement additionnel sur les surprimes Cat Nat La stratégie de certains assureurs de fuir les zones surexposées, génératrices de perte pour mieux exploiter celles à faible exposition, génératrices de profit, est basée sur la disparité de marge technique entre ces différentes zones. La solution la plus prometteuse pour prévenir cette tentation nous semble donc celle d?un rééquilibrage des marges d?assurance entre les zones, sans modification de la surprime Cat Nat pour les assurés. Le levier du prélèvement additionnel sur la surprime Cat Nat nous parait l?outil optimal dans la mesure où, s?agissant d?une mesure tarifaire, il concerne toutes les entreprises intervenant en France, même celles établies avec un passeport européen (Libre Prestation de Service). Nous avons envisagé puis écarté la piste des circuits financiers via la CCR, car ce réassureur peut être arbitré au profit de la réassurance privée. Cela reviendrait à faire de ce prélèvement un bonus-malus fiscal pour les assureurs basé sur le niveau d?exposition de la zone à laquelle se rattache le contrat d?assurance concerné. Ainsi, au lieu d?un taux de prélèvement unique de 12% applicable aux cotisations Cat Nat, ce taux pourrait par exemple varier : - de 0% voire devenir négatif pour les zones rouges, - à 5 % pour les zones oranges, - et jusqu?à 30% voire 50% pour les zones vertes faiblement exposées, - Tout en maintenant un niveau moyen de prélèvement moyen de 12% pour l?ensemble du territoire. Ce mécanisme de péréquation réduirait ainsi fortement l?écart de marges qui constitue une incitation financière à fuir les zones à plus forte exposition. 2.5.2. Développer et diffuser dès 2024, notamment via la CCR, un comparatif des parts de marché en assurance habitation au niveau national, d?une part, et dans les zones d?exposition forte (orange) et très forte (rouge) d?autre part L?accessibilité du Régime est, comme on l?a dit, sérieusement menacée en cas de mouvement de retrait des zones à plus forte exposition. 54 Pour objectiver ce phénomène, il est recommandé d?établir chaque année un comparatif des parts de marché relatives à l?assurance habitation, principal foyer de perte du régime : - au niveau national, - au global dans les zones d?exposition très forte (rouge), - au global dans les zones d?exposition forte (orange). Une telle objectivation est de nature, tout d?abord, à lever les soupçons infondés. Dans un second temps, la communication de telles informations entre assureurs et auprès des autorités ministérielles compétentes est sans doute de nature à nourrir des dialogues certes animés, mais probablement aussi de responsabilisation et de progrès, dans le cadre de politiques RSE officiellement toujours plus ambitieuses. Cet exercice exige de s?assurer des conditions nécessaires d?impartialité, de robustesse et de complétude des bases de données ainsi que de la sollicitation des expertises légitimes. Nous recommandons à ce titre que cet exercice soit piloté par la CCR qui enregistre de la part des cédantes la plupart des informations nécessaires et entretient avec elles une intimité précieuse dans cette optique. En cas d?absence de relation de réassurance avec la CCR, y compris pour les opérateurs exerçant en libre prestation de service (LPS), une obligation de communication des données appropriées devrait être réglementairement prévue. Dans une optique de simplicité, cette mesure devrait focaliser sur l?assurance habitation des propriétaires occupants ? les résidences secondaires et locatives étant amenées à s?équilibrer progressivement, et se limiter par exemple : - aux maisons dans les zones exposées au RGA, - aux maisons et appartements dans celles exposées aux cyclones, - aux appartements en rez-de-chaussée et aux maisons dans les zones fortement exposées aux inondations. 2.5.3. Défendre auprès des instances européennes chargées de superviser le projet de règlement visant à règlementer l?accès, l?utilisation et le partage des données financières dans l'UE les spécificités du modèle français d?indemnisation des catastrophes naturelles afin d?éviter un effet de démutualisation au détriment des zones d?exposition climatique fortes Le régime français d?indemnisation des catastrophes naturelles est basé sur une solidarité nécessaire dans la durée entre assurés des zones faiblement exposées et ceux des zones à plus forte exposition. Cette logique est antagoniste avec celle d?une segmentation maximale. Comme nous avons pu le développer ci-avant, l?irruption des techniques dites de segmentation géographique pour orienter les politiques de sélection des risques peut s?avérer toxique à moyen terme pour le régime du fait de l?assèchement de l?offre qu?elles induisent sur les zones à plus forte exposition. Le mécanisme concret par lequel se réalise cette solidarité est celui de l?équilibrage entre zones : les assurés des zones épargnées sont contraints de payer une prime d?un niveau minimal, la surprime Cat Nat, qui va alimenter pour l?essentiel les ressources de l?assureur et de la CCR permettant de payer les sinistres des assurés des zones surexposées. Pour que ce mécanisme fonctionne, même après nivellement des marges entre zones par le biais du prélèvement additionnel sur les cotisations Cat Nat, il est nécessaire que les primes des régions les moins exposées restent à un niveau minimal suffisant. Dans ce contexte, la mission relève que le projet de règlement européen visant à règlementer l?accès, l?utilisation et le partage des données financières dans l'UE (Framework for Financial Data Access) semble constituer une menace pour ce dispositif. En effet, des assureurs vierges sur notre territoire seraient susceptibles de : 55 - focaliser sur les zones à plus faible exposition, - réassurer faiblement les sinistres catastrophes naturelles (hors CCR), - conserver ainsi la marge correspondante, - priver de cette ressource les autres assurés des zones les plus exposées et la CCR, - bénéficier d?un avantage concurrentiel dans la tarification hors Cat Nat des zones les moins exposées en bénéficiant de la marge issue de la surprime Cat Nat. Prescrire une obligation de partager cette marge avec la CCR n?étant pas possible, la solution consisterait donc pour la France à défendre auprès des instances européennes chargées de superviser ce projet les spécificités du modèle français d?indemnisation des catastrophes naturelles afin d?éviter un effet de démutualisation au détriment des zones d?exposition climatique fortes. Autrement dit, l?accès et l?obligation de mise à disposition pour une utilisation libre des données de sinistralité des assureurs français devrait être proscrits, a minima pour les sinistres relatifs aux évènements naturels. OBJECTIF N°3 : PRÉSERVER LA MUTUALISATION DES RISQUES GARANTIS PAR LE RÉGIME « CAT NAT » SUR L?ENSEMBLE DU TERRITOIRE 3.1. Développer un mécanisme de nivellement des marges techniques entre zones à faible et forte exposition via la modulation du prélèvement additionnel sur les primes Cat Nat 3.2. Développer et diffuser dès 2024, notamment via la CCR, un comparatif des parts de marché en assurance habitation au niveau national, d?une part, et dans les zones d?exposition forte (orange) et très forte (rouge) d?autre part 3.3. Rendre lisible, et appuyer auprès des instances européennes chargées de superviser le projet de règlement visant à règlementer l?accès, l?utilisation et le partage des données financières dans l'UE (Framework for Financial Data Access) les spécificités du modèle français d?indemnisation des catastrophes naturelles afin d?éviter un effet de démutualisation au détriment des zones d?exposition climatique fortes 2.6. ? La gestion des risques de la CCR et de l?État liés aux évènements climatiques extrêmes 2.6.1. Un risque global évalué à 5,2 milliards d?euros tous les 10 ans et à 12 milliards d?euros tous les 50 ans Notre estimation de la charge prévisible des évènements extrêmes pouvant impacter les assureurs, la CCR et l?Etat au titre du régime est donnée par le tableau suivant. Elle est issue des sorties des outils de la CCR?: ? sur base des paramètres économiques 2022, ? en incluant les effets des réformes (loi du 28 décembre 2021 et loi «?3DS?») et ? en intégrant les marges de prudence que nous avons recommandées: 56 Charges annuelles de sinistralité projetées en fonction des périodes de retour?: Guide de lecture?: On doit s?attendre à une charge annuelle tous périls Cat Nat confondus d?au moins 5.177 millions d?euros une fois tous les 10 ans. L?effet de diversification reflète le fait que les différents périls ne sont pas corrélés temporellement. L?effet de diversification reflète le fait que des évènements extrêmes liés à des périls distincts ont peu de risque de se produire simultanément. Pour une période de retour donnée, la charge totale à la- quelle est exposée le Régime est donc moindre que la somme des charges de même période de retour pour les différents périls. L?annexe 2 fournit des illustrations de tels évènements extrêmes soit surve- nus?(Séismes en Europe), soit modélisés par la CCR?(Inondation, sécheresse, cyclone de même puis- sance qu?IRMA traversant les grandes iles de Guadeloupe). Au vu de ces projections, le risque lié aux retrait-gonflement des argiles apparaît donc prépondérant dans cette exposition aux chocs climatiques, mais les inondations et risques spécifiques aux DOM ajou- tent une exposition significative. S?agissant de la sécheresse, à ces indemnisations au titre du RGA s?ajoute l?exposition de l?État au titre des récoltes?dans le cadre du dispositif d?assurance récolte, outre d?éventuels gestes de soutien aux exploitations et filières en difficulté. La question de la capacité des finances publiques à absorber de tels chocs doit intégrer les lignes de défense de l?État. 2.6.2. Un risque pour l?État et la CCR évalué à 2,4 milliards d?euros tous les 10 ans et 9,2 milliards d?euros tous les 50 ans La revue ?exécutive? menée en juillet et août 2023 par la mission sur les approches et modèles actua- riels de la CCR relatifs aux différents périls couverts par le régime permet de mettre en évidence un risque potentiel significatif pouvant exposer la CCR et l?État dans le cadre du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles dans sa forme actuelle. Après reste à charge des assureurs cédant leurs risques à la CCR, le risque consolidé porté par la CCR et l?État peut être estimé, sur base du climat actuel et compte tenu des paramètres économiques de 2022 (exposition, valeurs, primes, coûts de réparation) à?: ? 2 400 M¤ avec une probabilité de 10% ? 9 200 M¤ avec une probabilité de 2% avec une inflation annuelle de 1% (cf. tableau en section 2.6.3.). Cette évaluation ne tient pas compte?: ? Des effets futurs inéluctables du réchauffement climatique, ? De la charge supplémentaire qu?entrainerait une couverture plus exhaustive des par- ticuliers et acteurs professionnels établis dans les DOM. L?importance de ces déviations de la sinistralité du Régime appelle une confrontation avec le budget de risque acceptable du point de vue de l?État pour juger de son acceptabilité. Au cas où la volatilité des sinistres dépasserait cet «?appétit au risque?» (au sens économique), une réduction est possible via plusieurs leviers?de court ou moyen/long terme : 57 1. La responsabilisation des assurés a. Information et sensibilisation des assurés, b. Investissements de prévention et d'adaptation pour baisser la survenance et le coût des sinistres, c. Hausse des franchises légales, d. Baisse de l?exposition du Régime aux biens haut de gamme sur exposés des ménages les plus aisés, 2. La participation des assureurs a. Hausse des priorités ou seuils de cession des sinistres à la CCR, 3. Les amortisseurs de la CCR a. Hausse des primes conservées, b. Partage des risques, dans l?intérêt de la CCR et de l?Etat, avec la réassurance privée ou les marchés financiers 4. Une couverture de l?État lui-même a. Option de transférer certains risques vers la réassurance privée ou les marchés financiers si son appétit de risque l?exige. Les mesures de rééquilibrage financier du régime contenues dans notre section relative au rééquili- brage du Régime sont un préalable indispensable aux leviers 2 et 3 ci-dessus. Une réduction rapide du risque suppose donc de collecter rapidement les ressources supplémentaires recommandées. 2.6.3. Les lignes de défense actuelles de la CCR et de l?État face aux évènements extrêmes Les meilleures lignes de défense face à la sinistralité courante ou extrême sont clairement la préven- tion l?adaptation?puisqu?en contrepartie d?un investissement ponctuel, elles suppriment totalement ou partiellement l?impact financier récurrent des évènements futurs. Ces mesures peuvent être col- lectives (mises en oeuvre par les collectivités) ou individuelles (portées par les propriétaires de biens). Les investissements de prévention ou de protection laissant immanquablement un risque résiduel, la charge de la sinistralité se répartit donc entre?: ? Assurés?: la franchise ou, dans certains cas, la non assurance, ? Assureurs?: la rétention de sinistres en deçà de leur couverture de réassurance, ? Réassureurs, ici la CCR essentiellement, ? Le cas échéant l?État si la capacité d?absorption de la CCR est dépassée. La 1ère ligne de défense de l?État est le reste à charge des assurés sur la sinistralité, soit les fran- chises. Les franchises réglementaires étant déduites des montants inclus dans le tableau ci avant, nous re- prendrons ces montants sans changement à ce stade. La 2ème ligne de défense?de l?État est constituée des rétentions des assureurs (protégés par la CCR)?: Les assureurs privés conservent 50% des surprimes catastrophes naturelles et assument la sinistralité correspondante dans la limite de 200% de cette conservation, soit un reste à charge «?privatisé?» maxi- male de 100% des primes du régime. Les niveaux de défense pour l?État et la CCR s?élèvent donc?: ? Actuellement à 1 800 M¤ (primes 2022 nettes de prélèvement), ? Selon notre recommandation visant à l?équilibrage du système, à 3?180 M¤ nets. 58 La 3ème ligne de défense?de l?État est la capacité d?absorption d?évènements extrêmes par la CCR?: Les amortisseurs de la CCR sont de deux natures?: 1. Ses réserves, en l?occurrence : a. Une provision d?égalisation dotée en période de marges, dé-dotée en année déficitaire, épuisée en 2023, du fait de la succession récente d?exercices déséqui- librés b. Un report à nouveau issu de l?accumulation de résultats non distribués. 2. Les primes qu?elle perçoit sur l?exercice impacté par le ou les évènements extrêmes, soit 50% des surprimes nettes du Régime au titre de la cession en quote-part plus environ 5% au titre des traités non proportionnels. Ces primes sont consommables par tous types de sinistres petits, moyens ou extrêmes. Néanmoins l?exposition à 10 ans reflète la charge totale cumulée de l?exercice. Puisque d?un point de vue économique et patrimonial CCR et État ne font qu?un, nous ne prendrons en considération que ce deuxième amortisseur dans notre évaluation. Au plan économique, l?exposi- tion «?consolidée?» de l?État est donc la suivante en fonction du niveau des primes du Régime nettes de prélèvement additionnel sur les primes Cat Nat : Guide de lecture?: On doit s?attendre à un résultat technique négatif de la CCR d?au moins -9.227 mil- lions d?euros une fois tous les 50 ans dans les conditions de primes 2022 du Régime. On constate donc que le rééquilibrage du régime par la hausse des surprimes préconisées occasionne- rait?: ? Une baisse immédiate de l?exposition consolidée de l?État d?environ 1,9 milliards d?eu- ros dont 2/3 via la hausse des rétentions des assureurs et 1/3 via la hausse des primes de la CCR?; ? À horizon 2030, compte tenu d?une inflation climatique de 1% par an (présumée servir à l?indexation de la surprime), cette baisse passerait à 2,1 milliards d?euros 2022. 2.6.4. Pistes de réduction supplémentaire du risque porté par la CCR et l?État Ces pistes découlent logiquement de l?inventaire mentionné précédemment : 1ère ligne de défense : La contribution des assurés a- Conforter, contrôler et renforcer en pratique les investissements de prévention et d'adaptation pour baisser la survenance et le coût des sinistres (cf. chapitre 3) b- Rehausser les franchises légales à charge des assurés : 59 Une telle hausse correspondrait à une réalité économique, celle de la quadruple inflation des sinistres mentionnée précédemment. Il nous semble donc souhaitable : ? De rehausser à effet immédiat ces franchises dans une mesure à discuter plus ample- ment avec les assureurs ? De prévoir leur indexation en fonction du coût de la construction, c- Réduire l?exposition du Régime aux biens haut de gamme surexposés des ménages les plus aisés : Cette piste consiste à sortir du champ des tarifs et franchises imposés dans le cadre du régime Cat Nat : - les résidences secondaires - les biens à usage locatif - Les biens à usage commercial dont la valeur excède par exemple 20 millions d?euros situés dans les « zones rouges » issues du zonage national recommandé précédemment. 2ème ligne de défense : Les rétentions laissées à charge des assureurs dans le cadre de la réassurance de la CCR Nous ne préconisons pas de rehausser davantage les rétentions des assureurs car : - Les hausses de primes Cat Nat préconisées d?environ 60% entraineront une hausse correspon- dante de la volatilité au titre de ces évènements ; - La réassurance de marché sous-jacente à la CCR a disparu sans doute durablement depuis dé- but 2023. Ce phénomène est présumé durable du fait des nouveaux critères utilisés par les agences de rating pour évaluer les besoins en capital des réassureurs (qui impliquent que les réassureurs délaissent les évènements de fréquence pour se recentrer sur la couverture des évènements de pointe ayant une période de retour supérieure à 10 ans). - Les acteurs publiant leurs comptes en IFRS sont impactés depuis début 2023 par une quasi impossibilité de lisser leurs résultats dans le temps du fait de la reconnaissance des réserves en fair value. Pour faciliter l?absorption de ce surcroît de volatilité au moins par les acteurs non soumis à IFRS, nous recommandons d?élever les possibilités de dotation aux provisions d?égalisation. 3ème ligne de défense : la CCR a- Rehausser les primes perçues par la CCR : Cette hausse permettra évidemment à la CCR de supporter une part plus importante de tout évènement. Elle est au coeur de nos recommandations évoquées en section 2.3.2. b- Partager les risques portés par la CCR avec la réassurance privée : Il ressort de nos échanges avec les réassureurs un appétit visible pour les risques de séisme, inondation et même en partie cyclones sur les DOM. La hausse tarifaire que nous préconisons doit donner les moyens à la CCR de payer les primes de réassurance correspondant à : i. la sinistralité moyenne transférée aux réassureurs privés, ii. La rémunération de leurs fonds propres mobilisés dans cette optique. Ce partage de risques peut aussi prendre la forme d?obligations Catastrophes (cat bonds) avec comme avantages : 60 - une profondeur de marché significative, car le risque climatique est largement décorrélé des risques de marché et permet donc un important effet de diversification, favorable au ratio per- formance/risque des portefeuilles, - des durées de couverture pluriannuelles permettant de verrouiller des conditions tarifaires in- dépendamment des humeurs de la réassurance privée traditionnelle, et comme inconvénients : - des coûts de structuration significatifs (avocats, actuaires) pour sécuriser les investisseurs et le réassureur (collatéral, etc?), - une offre plus étroite quand il s?agit de couvrir la charge correspondant à l?indemnisation réelle des sinistres que sur base indicielle. En effet la modélisation étant plus simple sur base indi- cielle, la sécurité financière séduit plus d?investisseurs. S?agissant du péril RGA, risque repoussoir pour la réassurance privée du fait de la volatilité des critères de reconnaissance et de la perception d?un caractère politisé du processus de décision, une étude mériterait d?être menée sur les conditions de développement d?une offre d?assurance paramétrique avec un partage possible entre la CCR et le marché fondé sur le déclenchement de la garantie sur la base du seul indice d?humidité des sols (SWI) de Météo-France. Un risque de base resterait, dans cette hypothèse, supporté par la CCR. c- Rehausser les plafonds de la provision d?égalisation Si la réassurance est un levier de diversification dans l?espace, les sociétés d?assurance non soumises à l?évaluation en fair value de leur passif par les IFRS ont la faculté de lisser leur résultat dans le temps grâce à la provision d?égalisation. La CCR utilise naturellement cette faculté. Toutefois les plafonds et délais de mise en réserve n?ont pas suivi la hausse de ses engagements. Nous recommandons donc également de réviser à la hausse les plafonds et durée admissibles de la provision d?égalisation. 4ème ligne de défense : La couverture de l?État lui-même Si l?État le décide, il a la possibilité de transférer vers les réassureurs privés une partie du risque de sa garantie sur la CCR. Les mêmes outils de partage de risque que pour la CCR sont en théorie envisageable, avec des formes juridiques à adapter. A ce stade le coût facturé par l?État au titre de sa garantie à la CCR ne nous semble pas permettre de financer le coût complet d?une protection intégrale par le marché. Une ponction sur le budget général serait donc nécessaire. 5ème ligne de défense financière : La couverture contre la sur-inflation La part importante des inondations, du RGA et des cyclones dans les évènements extrêmes crée une menace sérieuse : l?inflation du coût des réparations entre la date de survenance du sinistre et celle de la réalisation des réparations. La déformation du mix de sinistralité du Régime vers le RGA renforce cette menace. Le délai de réparation est en effet la somme des délais de : - Traitement des données d?intensité et de cinétique pour qualifier le caractère exceptionnel, - Reconnaissance des communes sinistrées, - Traitement des sinistres : expertises, chiffrage, - Missionnement des entreprises et réparations. Au total, plusieurs années peuvent séparer la survenance de l?évènement de la clôture du dossier, surtout pour les plus lourds. Or le temps augmente les coûts par l?inflation traditionnelle des frais de réparation/reconstruction. Par ailleurs, en cas d?évènement concentré sur une zone limitée, la pénurie 61 d?entreprises et d?artisans rajoute une prime de disponibilité difficile à contrer. Ce phénomène d?infla- tion «?naturelle?» doit être anticipé et pris en compte dans les charges vues précédemment et dans la fixation des primes. Ce qui est le cas, dans une mesure nécessairement limitée, basée sur les estima- tions de la CCR concernant la duration des sinistres restant à payer en fin d?exercice et les prévisions d?inflation sur notre territoire. Un risque supplémentaire important est celui d?une sur-inflation, par rapport aux prévisions écono- miques, pouvant survenir durant la période pluriannuelle qui s?étend depuis la survenance d?un sinistre jusqu?à son règlement effectif aux assurés via les compagnies réassurées par la CCR. Compte tenu de la très faible marge contenue dans les comptes prévisionnels moyens du régime d?une part, et des montants très significatifs que peuvent représenter des évènements extrêmes d?autre part, nous recommandons d?envisager sérieusement une couverture de ce risque. Seuls des instru- ments financiers de type OATi, Swaps ou fonds structurés sur mesure sont susceptibles d?apporter des solutions, en contrepartie de primes pouvant marginalement obérer le rendement des actifs financiers de la CCR. Là encore, seule une analyse du coût d?opportunité versus appétit au risque, sur base de propositions concrètes, est susceptible d?éclairer de telles décisions de couverture. OBJECTIF N°4 : PROTÉGER L?ÉTAT ET LA CCR FACE AUX CONSÉQUENCES D?UN ÉVENEMENT CLIMATIQUE EXTREME 4.1. Envisager la rétrocession auprès de réassureurs privés d?une partie des risques de pointe (inondations, cyclones, séismes, voire RGA avec des mécanismes paramétriques) dans le respect de la gouvernance relative à la convention entre la CCR et l?Etat 4.2. Rehausser les plafonds réglementaires en durée et en montant relatifs à la provision d?égalisation 62 CHAPITRE 3. RENFORCER LE ROLE DU SYSTEME ASSURANTIEL DANS LA PREVENTION ET L?ADAPTATION AUX RISQUES CLIMATIQUES 3.1. ? Le rôle de la prévention des risques dans le rééquilibrage du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles 3.1.1. Le rôle de la prévention des risques majeurs corrélés aux évènements climatiques dans le rééquilibrage du régime d?indemnisation des catastrophes naturelle La sinistralité à la suite de l?occurrence d?un événement dommageable est due à plusieurs facteurs : ? Le champ et l?étendue de reconnaissance de la sinistralité : ceci dépend de ce qui est reconnu par un pays, un domaine et une autorité. Toute la sinistralité n?est pas prise en compte. Il y a donc : une sinistralité réelle et une sinistralité déclarée. ? La sévérité de l?aléa : la nature de l?évènement est connue ou imprédictible, l?intensité est anor- male ou exceptionnelle, la cinétique est rapide ou très lente. ? L?exposition des systèmes et des territoires est significative : Les inégalités territoriales font que certains territoires (ex. les territoires insulaires, les territoires à fort potentiel photovoltaïque, etc.) sont plus sujets à certains aléas que d?autres. ? La vulnérabilité est significative. Celle-ci peut être du par exemple à des inégalités socio-éco- nomiques, à la présence d?une pyramide des âges avec de fortes présences de populations les plus âgées ou les plus jeunes, aux vieillissements voire le manque de robustesse des structures, etc. ? Le manque voire l?ineffectivité des mesures de prévention des risques. Ceci peut consister en un manque d?investissement particulier et collectif dans l?application des règlements et des mesures réglementaires (ex. PPR, Maîtrise de l?urbanisation, mesures structurelles ou autres de réduction de la vulnérabilité, ...). ? Des manquements en matière de gouvernance des risques. Ceci consiste en un affaiblissement des dispositifs de contrôle (coercitif ou accompagnateur) des différents acteurs, un manque de culture du risque et de la résilience, un manque de formation et d?information, etc. Dans son rapport datant de juin 2020 intitulé « Evaluation des impacts de la prévention des risques d?inondation sur la sinistralité », la CCR a démontré, dans le cas des risques inondation, l?effet de la prévention, notamment la mise en place des mesures de prévention (le règlement) prescrites dans les PPR Inondations, dans les plans communaux de sauvegarde (PCS) et dans les programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI) sur la baisse de la sinistralité. Quoi que cette démonstration reste à établir explicitement pour les autres typologies d?aléas et de manière systématique, induits ou pas par les changements climatiques, gageons que, sur le principe, ces mesures portent leurs fruits. Une partie de l?ineffectivité des mesures de prévention peuvent être dues soit à une inadaptabilité de la mesure (ex. les tendances à préférer, selon les pays, les mesures structurelles au détriment des mesures basées sur la nature), soit à une difficulté à porter individuellement ou collectivement, pour des raisons sociales ou économiques, le poids (investissement) de prévention, soit par un manque de formation, de sensibilité ou de culture du risque et de la résilience des particuliers et des professionnels, soit à un déficit de gouvernance de la prévention des risques, à savoir un manque de contrôle ou de couverture des risques. 63 Si la mise en place et l?investissement dans la prévention porte leurs fruits, quelles peuvent être donc les résistances à la prise en compte de ces aspects pour les particuliers, les entreprises et les collectivités et leur reconnaissance lors des indemnisations, les constats de sinistralité et le calage des primes d?assurance ou d?autres mécanismes d?accompagnement aux portages ? Une des réponses pourrait être trouvée dans l?hétérogénéité des moyens et des revenus rendant la mesure potentiellement ressentie comme inéquitable. Cette impression pourrait facilement être levée si la reconnaissance de l?effectivité de la prévention était considérée en deux temps : dans une incitation et une « aide » aux tiers et aux particuliers à les porter et dans une modulation des cotisations d?assurance pour les plus vertueux. Une autre réponse pourrait être trouvée dans la difficulté de l?appréciation et du contrôle de l?effectivité des investissements de prévention. Là aussi, la publication d?un guide précisant les critères et la méthode d?appréciation de l?effectivité des investissements de prévention, guide partagé publiquement et suivi de mesures de sensibilisation mise en place par les assureurs, les services de l?Etat et une association, ainsi que l?augmentation de l?effectif de contrôle (coercitif et accompagnateur) permettrait de lever les résistances. Reconnaître les efforts et les investissements de prévention dans l?indemnisation et dans l?assurabilité a un effet plus profond sur la construction de la culture de la prévention des risques liées aux changements climatiques et à la résilience. Ceci permet de démontrer aux particuliers comme aux collectifs que nous ne sommes pas passifs face à des aléas : nous pouvons réduire notre vulnérabilité, améliorer nos systèmes de gouvernance des risques et lutter ainsi contre l?érosion du moral et des conditions de vie induits par une impression d?être victime, et non acteur, des événements dommageables. 3.1.2. Etat des lieux des actions et financements existants dédiés à la prévention et à l?adaptation face aux risques climatiques Le tableau ci-dessous reprend les actions financées à ce jour en matière de prévention et d?adaptation. 64 65 66 67 68 En matière d?investissement dans les mesures de résilience du bâti, il est constaté que le dispositif mis en place par le régime actuel peut laisser apparaître un manque de distinction entre les constructions respectant les normes de construction à la fois génériques et spécifiques en zone d?aléa connu de celles ne respectant pas les normes et les bonnes pratiques en la matière. Ceci peut avoir différentes explications. La première est due à la difficulté d?apprécier les investissements de prévention car le respect des normes de construction est une mesure proactive de prévention. La seconde est le manque et le sous-dimensionnement des corps de contrôle public ou privé de la construction. La troisième explication provient du coût potentiel de traitement des dossiers d?estimation des conditions de « bonne construction » des maisons et des biens. Pour finir, ceci pourrait être expliqué par le potentiel effet discriminatoire d?une telle prise en compte au regard du manque de moyens financiers de certains assurés. Plusieurs actions pourraient être envisageables en la matière: ? renforcer les études de vulnérabilités structurelles des bâtis sur les zones d?aléas cartographiés. Ceci permettra de systématiser les diagnostics de vulnérabilité et de résilience à l?échelle indi- viduelle et collective ; ? renforcer les corps de contrôle de la construction à la fois en mesures accompagnatrices (ex. aide au diagnostic) et en mesures coercitives (mise en demeure par exemple) ; ? sortir les résidences secondaires, locatives et les grands risques commerciaux du champ du tarif imposé sur les zones rouges et oranges permettra de renforcer le signal-prix au service de la prévention. 3.2. ? Élaborer un catalogue d?actions d?adaptation appropriées au contexte français pour orienter les actions de prévention des assureurs Le chapitre 1 a rappelé que les dommages futurs dépendront de l?adaptation qui sera mise en oeuvre. Or, dans ce domaine, les auditions ont montré que la situation était loin d?être optimale, confirmant ainsi les constats du rapport du GIEC de 2022. Les réponses d?adaptation susceptibles de réduire les risques climatiques, leur potentiel et leurs limites ne font pas toujours l?objet de consensus chez les acteurs et sont parfois mal connues. Ces désaccords entre acteurs sont par exemple tout particulièrement visibles dans les domaines de la gestion de l?eau, en ce qui concerne les places respectives du stockage de l?eau et des politiques orientées demande, et sur les pratiques agricoles avec la place des pratiques agroécologiques. Les auditions ont montré que des acteurs, notamment les agriculteurs, peuvent faire un arbitrage entre adaptation et assurance, ce qui fragilise à la fois les assurances et les agriculteurs qui s?engagent vers des pratiques soutenables. Dans le domaine des sécheresses géotechniques, tous les acteurs ne portent pas les mêmes messages en ce qui concerne l?efficacité de la prévention. Une première étape consisterait à constituer un consensus au sein des acteurs concernant les réponses d?adaptation susceptibles de contenir les risques climatiques en France. Etablir ce consensus est possible à partir de rapports scientifiques tels que ceux du GIEC, de l?IPBES, des organismes de l?alliance Allenvi, des travaux du réseau AFPCNT et de l?Institut pour la Maîtrise des Risques (IMdR). Il pourrait notamment s?appuyer sur le rapport du groupe 2 du 6ème rapport du GIEC qui constitue le consensus scientifique sur l?adaptation fondé sur la littérature scientifique dans le domaine des risques, de l?adaptation, des sciences humaines et sociales. Notre recommandation consiste ici à réaliser un inventaire des solutions d?adaptation susceptibles de contribuer à réduire les conséquences potentielles des risques naturels en France. Cet inventaire pourrait être utilisé pour les assureurs comme outil de communication envers les assurés, notamment en appui à la mise en oeuvre de l?objectif n°8. 69 OBJECTIF N°5 : ORIENTER LES ACTIONS DE PREVENTION DES ASSUREURS PAR UN CATALOGUE D?ACTIONS D?ADAPTATION APPROPRIEES AU CONTEXTE FRANÇAIS 3.3. ? Renforcer le financement des leviers publics et privés de prévention des risques naturels et rehausser la contribution du secteur assurantiel 3.3.1. Renforcer le financement de la prévention individuelle des risques naturels majeurs, y compris pour le RGA et anticiper le financement de l?adaptation côtière Le régime français d?indemnisation des catastrophes naturelles fait partie du processus de prévention des risques majeurs. Ce régime assurantiel verse les indemnisations en cas de sinistre et inclue un prélèvement sur la prime « catastrophes naturelles », qui abondait jusqu?en 2020 le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier ». Ce fonds a été budgétisé en 2021. Il finance des actions de prévention, qui malgré les efforts de pédagogie engagés reste difficile à comprendre pour plusieurs acteurs, mises en place principalement par les communes. Sa contribution directe aux actions des particuliers et des entreprises est modeste. Un effet d?illusion peut donc résider dans le fait que les cotisations individuelles d?assurés financent des actions de prévention à caractère collectif. Les mesures mises en place par les collectivités servent à la fois la prévention collective et la prévention individuelle. Les mesures de prévention qui s?imposent aux particuliers sont issues de mesures constructives fixées bien souvent dans les outils portés par la stratégie nationale de prévention des risques majeurs (SNPRM - ex. règlement PPR portant sur la réduction de la vulnérabilité). Ceci met en évidence que si pour des questions de difficulté à apprécier l?effectivité des mesures de prévention des risques, par catégorie d?acteurs (particulier, les collectivités et les entreprises), celle-ci n?est pas prise en compte, alors il faudrait penser à d?autres mécanismes (cf. recommandations 6 et 9 ci-après). Ce régime a le mérite d?exister en activant un dispositif de prévention ayant une notoriété certaine, organisant une solidarité nationale sur un territoire assurément diversifié et permettant un « apprentissage social ». A ce point, une autre limite dans la structure du dispositif de prévention et d?indemnisation des risques connus et matérialisés apparait, qui consiste en une corrélation du financement de la prévention sur le volume financier des sinistres. Il est difficile de ne pas envisager le fait que les primes d?assurance catastrophes naturelles devraient augmenter pour suivre l?augmentation de la sinistralité sauf à envisager un mécanisme de régulation en la matière. Ce devrait être l?occasion d?engager un effort significatif de reconnaissance de l?investissement en prévention visant à réduire l?enveloppe d?indemnisation et la récurrence de certaines formes de sinistralité. Ce renforcement pourrait s?appuyer sur plusieurs approches : - Etablir une hiérarchisation du financement des actions de prévention en fonction d?une modu- lation pluri paramétrique (multicritères). Ceci reviendrait à renforcer les cartographies des aléas par des cartographies évolutives des vulnérabilités sur les territoires, pour les différents acteurs ; - Elargir l?enveloppe de la prévention des aléas pris en considération et l?ouvrir à ceux à cinétique lente et récurrents (cf. recommandation n° 6) ; 70 - Renforcer les mécanismes incitatifs de nudging (par exemple un bonus-malus) sur la prime d?assurance pour les assurés. Ceci permettrait de renforcer de manière indirecte le dispositif en faisant sortir ou en réduisant l?exposition de certains cas exposés aux risques majeurs. En sus de ce qui vient d?être explicité et proposé, notons qu?il est estimé que le FPRNM affecte environ 1 à 3 M¤ par an à des subventions individuelles (hors mesures d?expropriation et d?acquisitions amiables de biens menacés ou sinistrés). Parmi les solutions envisagées pour améliorer cette situation : o Fixer un pourcentage (par exemple 12%) de la hausse de la surprime à un nouveau fonds dédié aux mesures individuelles tous périls : Inondations, Cyclone, retrait-gon- flement des argiles. Cette individualisation permettrait notamment de prendre en compte des diagnostics de résilience et une prise en compte des mesures de préven- tion. o Garder la prise en compte des mesures d?expropriation dans les mesures collectives. o Distinguer des enveloppes par catégorie d?aléa et par catégorie d?acteurs (particuliers, entreprises, et collectivités). Ceci apporterait une plus grande lisibilité des arbitrages. Ainsi, que l?on distingue le FPRNM selon les mesures dites individuelles et celles dites collectives, ceci apportera une plus grande lisibilité et une meilleure budgétisation proactive. Ainsi, si les mesures individuelles relatives aux inondations étaient distin- guées dans ou à côté du FPRNM, ceci donnerait une impression d?une plus grande li- berté d?arbitrage des mesures dites collectives et de l?expropriation. 3.3.1.1. Maximiser le retour sur investissements et subventions du FPRNM pour le Régime en établissant une priorisation liée aux économies attendues et en adoptant une démarche pro-active en direction des acteurs-clés À l?heure actuelle, le FPRNM intervient principalement pour la réalisation d?études et de travaux, notamment dans quatre domaines : - La mise à niveau antisismique des bâtiments publics aux Antilles, - Le financement d?infrastructures de prévention collective du risque inondations, - La maintenance d?ouvrage de prévention collective du risque inondations, - La mise à jour des Plans de Prévention des Risques. Hormis le dernier point, ceci témoigne d?un fonctionnement très participatif du FPRNM associant la DGPR et les collectivités locales dont la motivation pour co-investir dans la résilience des territoires est essentielle. La CCR est par ailleurs missionnée pour confirmer l?efficacité des mesures prévues ou réalisées. A notre sens, une démarche de priorisation plus poussée serait possible pour optimiser l?impact du FPRNM : dans le domaine des inondations, par exemple, une telle priorisation nécessiterait la réalisation de cartographies de risques (et non plus uniquement de cartographies de l?aléa ou de l?exposition), estimant les risques pour la mortalité ou la morbidité et les pertes annuelles attendues. La directive cadre inondation requiert la réalisation de telles cartes à l?échelle des Territoires à Risques Importants d?Inondation. La réalisation de telles cartographies de risques harmonisée à l?échelle nationale n?est pas immédiate pour tous les périls pertinents pour le FPRNM, mais il s?agit d?un objectif atteignable en 5 à 10 ans, cohérent avec les principes de la gestion des risques en Europe, notamment pour l?inondation. Disposant d?une liste des investissements de prévention par ordre décroissant d?effet sur la réduction des risques, la DGPR serait à même de démarcher de manière proactive notamment les collectivités les plus concernées et sans doute de les convaincre davantage de leur intérêt de co-investir tant pour leurs biens propres que pour leurs administrés. Une telle approche permettrait de maximiser l?impact 71 de chaque euro investi par le FPRNM dans les mesures collectives contre les inondations et demain possiblement contre d?autres périls 3.3.1.2. Créer un nouveau fond dédié au financement des mesures de prévention individuelle et le doter par le prélèvement de 12% sur la hausse des cotisations additionnelles relatives à la garantie catastrophes naturelles Le fort accroissement prévisible de la surprime du régime nécessaire pour son équilibre signifie une forte augmentation de l?assiette de prélèvement obligatoire de 12 % sur le produit des primes ou cotisations additionnelles payées par les assurés au titre de la garantie envers le risque de catastrophes naturelles. Nous préconisons d?augmenter dans la même proportion que la surprime ce prélèvement, et d?allouer ces ressources supplémentaires à la prévention individuelle des risques naturels, étant donné l?ampleur des besoins face au changement climatique. Si la recommandation de hausse de la surprime CatNat que nous préconisons est mise en oeuvre, l?ampleur de la hausse du financement au titre de ce prélèvement serait alors de l?ordre de 69% soit 180 M¤. Ceci semble être cohérent avec les recommandations proposées par le CESE (2022) qui consistaient à rehausser les montants du FPRNM dans les mêmes proportions que la hausse prévisible des sinistres et avec l?estimation faite par I4CE. La question se pose des investissements prioritaires pour optimiser ces moyens supplémentaires. Une partie importante des financements du FPRNM va actuellement vers des mesures collectives de prévention des périls inondation en métropole et séisme aux Antilles. Ce dispositif parait moins à l?aise pour accompagner les mesures individuelles puisqu?elles ne représentent annuellement que quelques millions d'euros de subventions directes aux ménages. Par ailleurs, la mission a constaté des réserves fortes parmi les directions ministérielles auditionnées à la perspective de financer via le FPRNM des mesures individuelles de prévention des périls RGA et de recul du trait de côte, estimant que les mesures de prévention du phénomène RGA n?ont pas fait leurs preuves et que le trait de côte n?est pas un risque aléatoire. Il nous semble néanmoins souhaitable que les mesures individuelles de prévention soient véritablement encouragées pour le bâti existant ou à venir par un dispositif intégrant : - la présence d?un contrôle de la construction allant au-delà des approches coercitives de con- formité. - l?accompagnement ou le co-financement de diagnostics de résilience, - l?accompagnement à identifier les sources de financement ou le co-financement de travaux de prévention face aux risques d?inondation, de cyclones, et demain probablement de RGA. Ce sujet fait donc l?objet de notre recommandation n°6. La gestion actuelle du FPRNM ne rendant pas ceci possible, nous proposons donc la création d?un nouveau fond dédié aux mesures de prévention individuelles. Ce fond permettrait de concentrer les aides aux ménages prioritaires pour augmenter leur résilience face aux périls inondations, cyclones et, dans le futur RGA, en cofinançant un arsenal de mesures individuelles de diagnostics, de conseils, de financement et d?accompagnement des travaux. L?accès à ces dispositifs serait facilité par une plateforme confiée à une association pour la prévention des risques naturels en lien avec la CCR et les assureurs, qui ont le contact de proximité avec leurs clients. Pour préserver son intégrité et son développement, un tel fonds devrait être : - sous la triple gouvernance du MTECT (DGPR), de la direction générale du Trésor et de France Assureurs, - comptabilisé et géré par la CCR, 72 - dédie aux mesures de prévention sur les zones d?aléa rouges et orange, avec une priorisation des leviers fonction de leur impact, - Orienté prioritairement vers les ménages les plus fragiles (plafonds stricts et bas pour les aides). En retirant du FPRNM les subventions dédiées aux mesures individuelles de prévention, hormis les expropriations et acquisitions amiables qui relèvent d?une concertation avec les collectivités, cette structure serait complémentaire et non concurrente du FPRNM. Cette mesure de séparation pouvant aussi donner lieu à des temps d?étude de dossiers significatifs, il pourrait être aussi envisagé de simplement distinguer, dans l?actuel FPRNM, les processus et les temps d?analyse des mesures de prévention individuelles et collectives. La répartition du prélèvement au titre de la prévention sur la prime Cat Nat devrait donc s?établir à compter de son relèvement et de manière durable à : - 100/169 = 59% pour le FPRNM, lui maintenant ses ressources en valeur en absolue et - 69/166 = 41% pour ce nouveau fonds 3.3.1.3. Etendre le périmètre d?intervention du nouveau Fonds pour la Prévention individuelle des risques naturels au financement de la R&D et des diagnostics de résilience liés au RGA. Compte tenu des enjeux pour le régime que représente la charge du phénomène RGA (1 milliard d?euros de sinistralité moyenne annuelle sur base des paramètres climatiques et économiques de 2022), ce nouveau fonds devrait contribuer au financement d?une stratégie de prévention de ce péril en deux temps. 1- R&D : dans un premier temps, les investissements de recherche et développement de la CCR et de la Mission Risques Naturels, au titre de l?initiative sécheresse, pourraient faire l?objet d?un Co-financement par ce nouveau fond. A court terme également, suite à sinistre RGA sur- venant en zone rouge, un diagnostic de résilience devrait être imposé aux propriétaires de maisons, cofinancé par les assureurs et ce fonds, 2- dans quelques années, lorsque la preuve de l?efficacité de certaines mesures dites « horizon- tales » 7aura été faite grâce à ce programme de R&D, le fonds pourra co-financer a minima pour les ménages modestes des mesures de prévention adaptées au risque RGA. Nos auditions montrent que ces mesures dites « horizontales » semblent prometteuses, au regard des conclusions d?une étude combinant analyse empirique et modélisation paramétrique 3D, conduite par la CCR en 2022 en partenariat avec Terrasol et AFB expertise. Ces mesures ont fait l?objet de travaux permettant de disposer de données statistiques sur 300 cas réels sur plus de 15 ans, en France et à l?étranger (guides du CEBTP de 1991, résultats des projets de recherche ARGIC 1 et 2, réglementations britanniques et australiennes qui ont introduit les mesures horizontales dans leur réglementation constructive depuis les années 1960 et 1980). Ces mesures dites horizontales sont actuellement en cours de test dans le cadre de l?« initiative sécheresse » afin de démontrer leur efficacité dans la durée. Les résultats sont attendus sous 3 à 5 ans. 7 - Les mesures dites « horizontales » rassemblent des dispositifs d?adaptation de l?environnement du bâti dont l?objet est d?assurer la maitrise de la teneur en eau sous les fondations et de jouer ainsi sur les causes du phénomène de RGA (pas de variation de teneur en eau = pas de retrait gonflement des argiles). Elles regroupent 4 dispositifs constructifs principaux : la mise en place d?une imperméabilisation périmétrique (géomembrane, trottoirs), l?étanchéification des réseaux d?eaux pluviales, la gestion de la végétation, le drainage. Le rapport sur le risque RGA préparé par le député Vincent LEDOUX présente les principaux types de mesures horizontales répertoriées à ce jour (page 54). 73 3.3.1.4. Étudier la création d?un fonds pouvant contribuer au financement de la relocalisation des biens fortement exposés à l?érosion du trait de côte sableux. La mission d?évaluation des risques liés à l?érosion du trait de côte a réalisé un inventaire des biens menacés à horizon 2050 ainsi que des enjeux économiques. Il en découle que l?enveloppe de financement à constituer sur 30 ans nécessaire pour le rachat des biens concernés oscille entre 50 et 150 M¤ par an, selon les scénarios climatiques la grille d?évaluation des biens et les horizons de temps considérés8. Rapporté à un budget annuel d?environ environ 3 milliards d?euros pour le régime Cat Nat (après hausse du taux de surprime ? cf. chapitre 2), un ajout de cette ampleur ne semble pas insurmontable. Bien que le FPRNM ait été créé pour financer les indemnités d?expropriation de biens exposés à des risques naturels majeurs, il est compréhensible que les pouvoirs publics ne souhaitent pas y intégrer le recul du trait de côte en raison de la cinétique de cet aléa et de la charge additionnelle que cela ferait peser sur ce fonds. En effet, il s?agit d?un risque : - de survenance différée et non pas immédiate, dont la période précise de survenance est in- certaine, - qui cible un ensemble de biens potentiellement affectés qui peuvent être identifiés a priori et non pas aléatoires dans leur géographie, - dont le traitement fera nécessairement intervenir les collectivités locales. De ce fait, il nous semble que la création d?un nouveau fonds dédié à ce péril pourrait s?envisager sous forme : - d?un supplément de surprime catastrophe naturelle, - objet d?un prélèvement (ou taxes) supplémentaire comme les autres fonds de prévention, - rejoignant un fonds indépendant et spécifique au trait de côte, - nécessairement géré par capitalisation, s?agissant d?un risque différé et non par répartition comme les autres risques naturels « immédiats ». Il s'agit là d'une décision avant tout politique, qui ne concerne pas a priori les assureurs au titre du versement de sommes en cas de sinistre, et exige sans doute une concertation étroite avec les collectivités locales et les représentants des sites menacés. Sur ce sujet spécifique du recul du trait de côte, il nous semble important, dans un souci d?équité, de disposer de règles claires, avec un dispositif d?aide assorti de seuils stricts et bas, dans un souci d?équité sociale et d?efficacité des dépenses publiques. 3.3.1.5. Soutenir l?investissement public et privé assurantiel dans l?expertise, la R&D et les bonnes pratiques sur le phénomène RGA, les périls côtiers et sur les solutions fondées sur la nature Il est clair que les connaissances scientifiques et techniques doivent encore progresser au service des politiques de prévention dans le domaine du RGA et des risques côtiers. Les besoins d?expertise tant pour l?indemnisation des sinistres que pour les diagnostics de résilience, exigeront des investissements de formation importants, proportionnels aux enjeux financiers du régime. De ce fait, ce nouveau fonds devrait soutenir les initiatives publiques et privées de R&D, de formation et de diffusion des bonnes pratiques par l'ensemble des organismes qui y contribuent. Les solutions fondées sur la nature sont évidemment à privilégier compte-tenu de leur durabilité et de leur impact positif en matière de biodiversité et de gestion, de l?eau, notamment. 8 Les besoins en financement de la relocalisation augmentent sensiblement dans la 2e partie du 21e siècle et l?élévation du niveau de la mer se poursuivra pendant des siècles. 74 OBJECTIF N°6 : RENFORCER LE FINANCEMENT DE LA PREVENTION DES RISQUES NATURELS MAJEURS, Y COMPRIS LE RETRAIT-GONFLEMENT DES ARGILES ET ANTICIPER LE FINANCEMENT DE L?ADAPTATION COTIERE 6.1. Maximiser le retour sur investissements et subventions du FPRNM pour le Régime en établissant une priorisation liée aux économies attendues et en adoptant une démarche pro-active en direction des acteurs-clés. 6.2. Créer un nouveau Fonds dédié au financement des mesures de prévention individuelle et le doter par le prélèvement de 12% sur la hausse des cotisations additionnelles relatives à la garantie catastrophes naturelles. 6.3. Étendre le périmètre d?intervention du Fonds à la Prévention individuelle des risques naturels au financement de la R&D et des diagnostics de résilience liés au RGA. 6.4 Étudier la création d?un fonds pouvant contribuer au financement de la relocalisation des biens fortement exposés à l?érosion du trait de côte sableux.? 6.5. Soutenir l?investissement public et privé assurantiel dans l?expertise, la R&D et les bonnes pratiques sur le phénomène RGA, aux périls côtiers ainsi que sur les solutions d?adaptation telles que les mécanismes dits « solutions fondées sur la nature ». 3.3.2. Investir pour développer la connaissance des risques et les mesures de prévention appropriées Nos auditions des parties prenantes concernées nous amènent à formuler les recommandations suivantes, qui par une meilleure connaissance des risques participeront à une meilleure gestion de ceux-ci. OBJECTIF N°7 : INVESTIR POUR DEVELOPPER LA CONNAISSANCE DES RISQUES ET LES MESURES DE PREVENTION APPROPRIEES 7.1. Renforcer les parcours de formation à la prévention des risques naturels et de catas- trophe pour l?ensemble des élus locaux, des professionnels et des services déconcentrés de l?Etat en début et tout au long de l?exercice de leur mandat ou de leur fonction. 7.2. Renforcer les parcours de formation technique des professionnels de l?immobilier, des syndicats ainsi que des notaires afin d?améliorer la sensibilisation aux risques naturels et de catastrophe lors du transfert de propriété ou lors de la location d?un bien immobilier. 7.3. Renforcer le partage des données et la sensibilisation aux risques de catastrophe en améliorant la granularité de l?information, l?ergonomie et les recommandations en matière de prévention et de résilience sur la plateforme Géorisques. 75 3.3.3. Consolider une association nationale de prévention des risques naturels avec la contribution des assureurs Au-delà des actions respectives des acteurs de l?assurance, des opérateurs d?Etat, des services centraux et des services déconcentrés de l?Etat, des collectivités, des entreprises et des particuliers, l?organisation de dispositifs d?actions collectives est nécessaire. Cette action nécessite la création, ou la consolidation d?une association nationale impliquant et mobilisant à minima les typologies d?acteurs suivant fondés sur un modèle de bénévolat et un support administratif et technique solide : des opérateurs publics, des assureurs, des collectivités et des territoires, des entreprises, des prestataires de services, des représentants des centres de recherche nationaux et du monde académique, des associations et des particuliers. La Mission sur la transparence, l?information et la participation de tous à la gestion des risques majeurs, technologiques ou naturels de 2021 à malheureusement confirmé un constat d?une mission antécédente datant de dix ans avant, ainsi que les travaux de François Loos et de Jean-Yves Le Deaut de 20029 sur les déficiences et les carences des particuliers et des professionnels en matière de culture de risque et de résilience. Ces déficits peuvent être comblés en mettant en place différentes actions que nous regroupons et développons ci-dessous : 1. Le besoin de s?appuyer sur les territoires, sous leurs différentes formes, afin d?entreprendre des actions de sensibilisation, d?acculturation et de formation récurrentes et continues en matière de prévention des risques majeurs, notamment climatique, de résilience et d?adaptation. Ces moments peuvent prendre la forme de journées, s?adossant sur des évènements mondiaux (par exemple la journée internationale de la prévention des risques de catastrophe et de résilience initiée par l?UNDRR le 13 octobre de chaque année), ou sur toute autre forme permettant des interactions entre des citoyens et des professionnels en fonction des spécificités des aléas en cours et émergents sur les territoires, sur les spécificités des vulnérabilités de ces territoires, ainsi qu?en fonction des besoins de réparation et de résilience ou post catastrophe des besoins de ces derniers. Cette sensibilisation et formation doit de même contribuer à l?augmentation de la couverture assurantielle des particuliers dans les territoires où le taux de ce dernier est faible. 2. Le besoin de renforcer l?accessibilité et la lisibilité des mécanismes d?assurance, de prévention, de résilience et d?adaptation auprès de population diverses avant, pendant et après une catastrophe. Ainsi, ladite association aura pour rôle d?aller au-delà de ce qui est fait dans des documents d?information réglementaire (ex. DICRIM), permettant d?adapter aux besoins et aux publics un monde de la prévention et de l?assurance dont la lisibilité reste complexe et rend l?identification du financement des pertes assurées et de l?aide à la prévention et à la résilience difficilement lisible et donc applicable. 3. Le besoin d?accompagner les particuliers dans la lisibilité des mécanismes de financement des diagnostics de vulnérabilité et de résilience et des mécanismes de réparation ainsi qu?un accompagnement à une lecture critique des compétences effectifs des potentiels prestataires privés ou publics en la matière. 4. Le besoin de développer des guides et des outils gratuits et accessibles d?auto-évaluation permettant aux particuliers de s?auto-diagnostiquer en matière de prévention et de résilience. 9 https://www.assemblee-nationale.fr/11/rap-enq/r3559/r3559-01.asp. 76 La pérennité et la soutenabilité de cette association dépendra de sa forme juridique, des formes d?appui public-privé à la maintenabilité de ces actions sur le territoire, ainsi que sur une évaluation, à un rythme d?une fois par an, deux and et demi ou cinq ans, de l?effectivité de leurs actions sur les territoires. OBJECTIF N°8 : CONSOLIDER UNE ASSOCIATION NATIONALE DE PREVENTION DES RISQUES NATURELS AVEC LA CONTRIBUTION DES ASSUREURS 8.1. Renforcer et élargir l?AFPCNT, voire impulser une initiative de place des assureurs afin de consolider une association sur la prévention des risques naturels menant des opérations de proximité, avec l?appui de bénévoles, notamment sur le modèle de l?association Préven- tion Routière 8.2. Faciliter via une plateforme de gestion de type «?MaPrimeRénov??», gérée par cette as- sociation, l?accès des particuliers aux diagnostics de risques intégrés et de résilience, aux aides publiques et aux solutions intégrées de financement (crédit à taux nul, avances de trésorerie) et de gestion des travaux de prévention/remédiation?? 8.3. Renforcer via cette association les dispositifs en faveur de l?acculturation et de la forma- tion aux risques climatiques et à la résilience. 3.4. ? Développer et accompagner l?investissement dans la résilience du bâti 3.4.1. Renforcer les lois Élan et ZAN pour sécuriser l?équilibre du régime à moyen et long terme La loi Élan édicte des règles de prévention minimales pour la construction de bâtiments en zones à risque modéré ou élevé au phénomène de retrait-gonflement des argiles, à savoir : - soit une étude de sol de type G1, - soit une mesure forfaitaire de fondations de profondeur minimale de 1,20 m. La comparaison de ces règles avec celles en vigueur en Espagne depuis 2000 (cf. encadré 3), avec un retour d?expérience à priori très positif, laisse présumer une fragilité de notre dispositif. Le sondage réalisé en janvier 2022 par la Fédération Française du Bâtiment concernant l?option choisie par les maîtres d?ouvrage montre qu?un tiers des opérations de construction post loi Elan donnent lieu à des mesures forfaitaires. Or l?épaisseur de la couche d?argile dite active est souvent de plusieurs mètres. Par ailleurs, de nombreux assureurs dommages-ouvrages (DO) semblent exiger à la souscription une étude de sol de type G2-Pro. Spécialisés sur ces risques et en héritant, ils sont évidemment les mieux à même de les évaluer sérieusement. Compte tenu de ces éléments, il nous semble souhaitable de réaliser à très bref délai, une réévaluation de la loi Élan, pour aller probablement dans le sens d?un rehaussement de l?exigence d?étude de sol, ou, à défaut, la réalisation de fondations plus sécuritaires. 77 Ces prescriptions devraient alimenter les documents techniques unifiés (DTU) et, à l?instar des pratiques espagnoles, les contrôles sur l?application de la loi devraient être renforcés afin de sécuriser à court terme les maitres d?ouvrage, l?assurance DO et à moyen terme le régime Cat Nat. Encadré 3 ? Le cadre juridique en Espagne pour prévenir le risque de dommages liés au retrait- gonflement des argiles Les sols argileux expansifs représentent 32 % de l'étendue de l?Espagne, dont 67 % se trouvent sous des climats qui peuvent produire des changements significatifs d'humidité du sol. Afin de répondre à ce risque, l?Espagne instauré en 2000 l?obligation de réalisation d?une étude géotechnique avant toute construction dans le cadre de la loi LOE (Ley de Ordenación de la Edificación), qui fixe les obligations essentielles lors du processus de construction d?un bâtiment neuf (maisons individuelles, ERP, bâtiments industriels susceptibles d?avoir une incidence sur la sécurité publique). Du point de vue réglementaire, sans étude géotechnique, il est ainsi impossible de souscrire une assurance décennale, qui conditionne l?inscription au registre de la propriété. Les contrôle ex ante instaurés à travers l?examen préalable approfondi réalisé par des géotechniciens ont permis de limiter les recours déposés auprès des assureurs. De manière notable, les règles de l?art en matière de construction retiennent que la solution de fondation doit soutenir une profondeur suffisante sur les zones du substrat moins exposées aux changements d?humidité et aux oscillations de niveau phréatique, soit entre 3 mètres et 3,5 mètres de « profondeur active ». A titre de comparaison, en France, un arrêté pris en juillet 2020 dans le cadre des mesures d?application de la loi ELAN prévoit des dispositions définissant le contenu des études géotechniques à réaliser dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols. La profondeur d?ancrage des fondations retenue doit être au moins égale à celle imposée par la mise hors gel, soit une profondeur minimale considérée entre 0,80 m en zone d?exposition faible à moyen et 1,20 m en zone d?exposition forte. Cette différence importante de « profondeur active » retenue entre l?Espagne et la France pour déterminer la profondeur minimale des fondations de nature à éviter de futurs sinistres conduit à s?interroger sur l?efficacité des mesures législatives préventives sur les constructions neuves retenues en France. La loi ZAN (Zéro Artificialisation Nette) favorise l?action climatique (adaptation et atténuation) et limite les pertes de biodiversité. Limiter l?artificialisation permet entre autres de réduire les risques d?inondation (notamment par ruissellement), de favoriser la recharge des nappes, de limiter la destruction d?habitats et de favoriser des villes plus compactes, moins émettrices de gaz à effet de serre dont les centres seront revitalisés. La loi ZAN constitue un changement majeur dans la manière d?appréhender le développement des territoires, notamment pour les maires, qui auront besoin de soutien pour la mise en oeuvre effective de cette loi. Compte tenu de l?importance de cette loi pour l?adaptation au changement climatique, s?assurer de l?application effective de la loi et des contrôles pour identifier et éviter les esquives de la loi nous semblent indispensables. Certains acteurs des territoires mettent en évidence le besoin d?allier la notion de ZAN à la notion de « Zéro Artificialisation Brute » (ZAB). Ce changement de perspective sur l?artificialisation des zones permettrait de sortir des paradoxes induits par les mécanismes de compensation mis en application jusqu?à présent et s?avérant inconsistant et ineffectifs. 78 3.4.2. Rendre obligatoire l?assurance dommages-ouvrage en cas de souscription d?un crédit immobilier ou de revente sur les zones à forte exposition La qualité des normes de construction et leur respect sont des conditions de prévention essentielles à la sécurisation de l?habitat, de ses propriétaires, occupants et de leurs assureurs. Outre les contrôles administratifs sur le respect de ces règles, la souscription d?une assurance DO participe à la sécurisation de cette prévention. La responsabilisation financière de l?assureur l?oblige en effet à maîtriser au mieux le risque à travers, notamment, un examen des intervenants à la construction, des études de sol, le cas échéant et des techniques utilisées. Ce regard complémentaire est normalement systématique puisque l?assurance Dommages Ouvrage (DO) est obligatoire, tant en métropole que dans les DOM. Cette obligation est diversement respectée ou peut faire l'objet d?un processus fragile dans plusieurs cas. Lorsque le particulier constructeur de maison individuelle fait appel à des entreprises insuffisamment qualifiées, non assurées pour leur responsabilité décennale et décide alors de faire l?impasse sur l?assurance DO, l?absence de garantie a en général un impact modéré sur le prix de vente avant 10 ans si la maison paraît en bon état. En outre, sans revente dans les 10 ans de la construction, aucune sanction économique n?intervient. Pour autant, le non-respect des règles de l?art va introduire un élément de fragilisation de la construction, face notamment aux cyclones tropicaux et au risque de RGA. Le respect des règles de l?art induit le renforcement des corps de contrôle de la construction. Évidemment, ce phénomène est renforcé dans le cas où le maître d?ouvrage réalise par lui-même tout ou partie de la construction, a fortiori sans permis de construire. Il apparaît donc quelques failles dans le dispositif de l?assurance DO qui contribuent à la fragilisation de l?habitat, en supprimant un double regard sur la gestion des risques et la conformité de la construction avec les règles de l?art. Nous préconisons donc de renforcer le contrôle de la souscription de cette assurance en l?imposant, comme cela se pratique en Espagne, pour deux opérations critiques : (i) lors de la souscription d?un crédit immobilier lié à l?opération neuve, (ii) lors de la revente de l?habitation dans un délai de 10 ans après sa construction. De cette manière, maîtres d?ouvrage et entrepreneurs du bâtiment renforceront systématiquement leur sélection des intervenants dans la qualité de la construction. 3.4.3. Renforcer le contrôle du respect de la prise en compte du règlement des plans de prévention des risques majeurs dans les plans locaux d?urbanisme et dans les schémas de cohérence territoriale Les outils de prévention des risques majeurs, tels que les Plans de Prévention des Risques (PPR), permettent à la fois de : (i) harmoniser les pratiques techniques d?évaluation des aléas et de l?évaluation de la vulnérabilité, et de (ii) d?associer des acteurs spécialisés des acteurs concernés et des acteurs des territoires dans l?identification des niveaux de risque et l?identification des mesures individuelles et collectives de prévention des risques, ainsi que de définir des responsables chargé de mettre en place ces actions et donc de prendre en charge financièrement ces mesures. Pour les aléas relevant des risques majeurs listés dans la stratégie nationale de prévention des risques majeurs, l?outil PPR, qui est à la fois un outil de régulation des usages des sols actuels et futur (outil de maitrise de l?urbanisation et donc valant servitude d?utilité publique) et à la fois un outil de réduction de la vulnérabilité des bâtis et des infrastructures. Le règlement PPR prescrit donc des mesures de gestion du foncier (expropriation, délaissement et préemption) et de planification des usages du sol 79 futur ainsi que des mesures souvent structurelles de réduction de la vulnérabilité sur le bâti et les infrastructures. Au-delà de l?effet d?affichage des mesures réglementaires des PPR, il est nécessaire de vérifier que ce qui est nécessaire (au sens du règlement ou au sens de la nécessité de proactivité sur la prévention, l?adaptation et la résilience) est mis en place. Pour y parvenir, il est nécessaire de renforcer les corps de contrôle public et privé en la matière. Ces corps de contrôle, dont le rôle doit à la fois permettre de mettre en place des mesures de coercition en la matière (ex. ne pas fournir d?aide en cas de déficit manifeste et récurrent d?action de prévention), devra mettre se mettre à disposition des particuliers et des professionnels de manière à inciter à la prévention et à la résilience. Ceci nécessite, en sus du renforcement en effectif et en moyen des corps de contrôle de la construction de manière proportionné aux enjeux et projections en matière de risques majeurs sur les territoires, de renforcer le recrutement des corps technique et leur formation et leur mise à jour tout au long de leur carrière sur les enjeux de prévention, d?adaptation et de résilience. Ce constat, pouvant être élargi à l?ensemble de nos territoires, et plus que crucial pour nos territoires d?outre-mer de par les enjeux et contraintes induits par leurs insularités et de par la nature de la couverture assurantielles locale. 3.4.4. Développer un dispositif de cofinancement des diagnostics de résilience par le nouveau fonds pour la prévention individuelle et les assureurs La création du nouveau fonds dédié au financement des mesures individuelles de prévention ouvrira en premier lieu la voie d?un co-financement d?un diagnostic de résilience du bâti sur les zones à forte exposition (rouges et orange), à l?instar des diagnostics existant pour la performance énergétique des logements. Précisons que de tels diagnostics ont fait l?objet de test d?appétence du grand public par certaines mutuelles qui en ont tiré un sentiment de déception. Il est néanmoins probable que l?augmentation de fréquence et l?intensité des évènements naturels rehaussera en permanence la sensibilité des particuliers dans ce domaine. Par ailleurs, le développement d?une association de prévention en direction des particuliers pour les sensibiliser aux risques naturels (cf. recommandation n°8) et les inciter à réaliser ce type de bilan global, surtout dans les zones à risque plus élevé, devrait porter ses fruits. 3.4.5. Imposer la réalisation d?un diagnostic de résilience post-sinistre dans les zones d?exposition forte Le retour d?expérience d?entreprises d?assurances ayant engagé des actions de sensibilisation à la prévention des risques naturels montre que l?expérience d?un sinistre est le déclencheur le plus puissant pour engager une démarche de résilience. C?est donc le moment privilégié pour déployer un diagnostic de résilience permettant de faire l?inventaire des risques liés aux conditions d?implantation et l?éventail des solutions de confortement adaptées. Après sinistre dans les zones d?exposition forte (« rouges » ou « oranges »), un tel diagnostic nous semble devoir être rendu obligatoire avec deux co-financements possibles : - Intégralement par l?assureur en cas de sinistre dépassant un certain seuil, - Conjointement par l?assuré et le fonds en cas de sinistre léger, en deçà du seuil. Une telle obligation ne peut découler que d?un règlement administratif. Le seuil devra être fixé après concertation avec les parties prenantes. On peut aussi imaginer que durant une période de « lancement », les ressources du nouveau fonds le permettant, il soit intégralement à sa charge. Dans les zones rouges, ce diagnostic sera important puisqu?il devrait déboucher sur des travaux impératifs de prévention (cf. point 3.4.8. ci-après) ci-après, avec des financements dédiés (cf. points 3.4.6. et 3.4.7. ci-après). 80 3.4.6. Envisager le déploiement d?un prêt à taux nul pour les particuliers réalisant des travaux de prévention des risques naturels en zone rouge ou orange ainsi qu?une avance des aides publiques par leur versement direct auprès des entrepreneurs Le diagnostic de résilience une fois établi, le propriétaire de maison ou d?immeuble peut se trouver face à la nécessité de travaux d?une ampleur significative. Leur réalisation rapide peut évidemment engendrer des problèmes de trésorerie, spécialement pour les ménages aux revenus moyens et modestes. De ce fait, il paraît souhaitable d?organiser une aide pour la réalisation de ces travaux en direction de ces seuls ménages résidant sur les zones rouges et oranges. Le premier pilier en serait un prêt à taux zéro. Ce prêt pourrait voir, le cas échéant, ses intérêts prise en charge conjointement par le fonds et le cas échéant, par des assureurs et des collectivités. Pour éviter toute complexité pour le client, la banque émettrice du crédit se chargerait intégralement des relations avec la plateforme de bonification de son taux opérée par l?Association de prévention des risques naturels, elle-même en lien avec les sources de subvention. 3.4.7. Envisager le déploiement d?un crédit d?impôt pour les particuliers à moyens et faibles revenus réalisant des travaux de prévention des risques naturels Pour les mêmes ménages à revenu moyens et faibles résidant sur les seules zones rouges, un effort supplémentaire de solidarité parait nécessaire pour aider à la réalisation des travaux. Les mesures de prévention individuelles issues d?un PPR ou d?un diagnostic de résilience agréé pourraient alors également faire l?objet : (i) d?une subvention émanant du nouveau fonds. En effet, lors de sa création, les ressources de ce fonds devraient permettre de telles subventions très ciblées. (ii) et/ou d?un crédit d?impôt, (iii) et/ou d?une subvention locale (par exemple issue d?un dispositif fiscal facultatif de type GEMAPI). 3.4.8. Imposer et contrôler l?obligation de travaux de réduction de la vulnérabilité dans les zones d?exposition très forte aux risques naturels après un sinistre Grâce à l?arsenal de ces dispositifs de conseils pour tous et d?accompagnement des ménages à revenus moyens et faibles, il paraît possible de rendre obligatoire, après un sinistre et uniquement dans les zones d?exposition les plus fortes (rouges), les travaux de prévention individuelle des risques naturels. Il s?agit en particulier de cibler d?un part les zones définies dans un PPR prescrivant des travaux sur le bâti existant, et d?autre part les « zones rouges », selon la typologie établie. Ces travaux sont exigibles dans certains délais impartis par les PPR, et devraient l?être également après un sinistre quelconque, toujours source de sensibilisation pour un propriétaire. S?agissant du RGA, ne seraient visés par cette obligation que les mesures de prévention dites horizontales. Enfin, la responsabilisation financière des propriétaires de biens situés dans ces zones rouges ou définis dans un PPR prescrivant des mesures de prévention nous paraît un complément utile, dans un contexte où le régime mutualisé d?indemnisation des catastrophes naturelles ne permet pas à ce jour cette responsabilisation individuelle. Ainsi, à défaut de réalisation des travaux prescrits par le PPR, ou par le diagnostic de résilience en zone rouge, suite à un premier sinistre dans ces zones, un triplement de la franchise légale au titre du régime catastrophe naturelle devrait intervenir. 81 3.4.9. En cas de sinistre grave en zone d?exposition très forte (rouge), permettre une indemnisation assurantielle à la valeur vénale du bien augmentée d?une prime à la relocalisation, et organiser la reprise du bien gravement endommagé par la collectivité De récentes expériences dramatiques, causées par des évènements extrêmes, par exemple de retrait- gonflement des argiles dans le Nord de la France ou d?inondations dans la vallée de l?Arves et dans le Pas-de-Calais, ont montré l?état de découragement et parfois de désespoir dans lequel peuvent se retrouver certains sinistrés gravement touchés. Certains évènements révèlent une élévation du niveau de risque telle que les travaux nécessaires pour préserver les habitations paraissent hors de portée, non seulement financièrement, mais émotionnellement à certains propriétaires. La perspective d?un déménagement peut alors apparaître comme une solution souhaitée par les sinistrés. Lorsque l?indemnité due par l?assureur pour réparer les dommages à l?habitation dépasse la valeur vénale avant sinistre de celle-ci, il paraît évident qu?imposer la reconstruction est une mauvaise solution. Nous proposons donc que l?assuré qui le souhaite puisse abandonner son logement à la commune en contrepartie d?une indemnité de l?assureur limitée à sa valeur vénale avant sinistre, dans le cas où l?estimation des réparations dépasse cette valeur. Dans ce scénario, la commune deviendrait propriétaire du terrain et devrait naturellement s?engager à le rendre inconstructible et à mettre en oeuvre des projets d?intérêt collectif avec ou sans densification dans le contexte de la mise en oeuvre de la loi ZAN. A cet égard, la mission soutient la recommandation émise en ce sens par le député Vincent LEDOUX dans son rapport sur le risque RGA et suggère de l?étendre à d?autres périls. OBJECTIF N°9 : DEVELOPPER ET ACCOMPAGNER L?INVESTISSEMENT DANS LA RESILIENCE DU BATI 9.1. Renforcer les lois Élan et ZAN pour sécuriser l?équilibre du régime à moyen et long terme :? - imposer la réalisation d?une étude géotechnique approfondie (G2 PRO), d?études d?interac- tion sols-structures ou à défaut, la réalisation de conditions constructives allant au-delà de celles prévues dans la loi Élan. - renforcer les DTU en conséquence - renforcer les contrôles sur l?application de la loi 9.2. Rendre obligatoire l?assurance dommages-ouvrage en cas de souscription à un crédit immobilier ou de revente sur les zones à forte exposition. 9.3 Renforcer le contrôle du respect de la prise en compte du règlement des plans de pré- vention des risques majeurs dans les plans locaux d?urbanisme et dans les schémas de co- hérence territoriale. 9.4. Développer un dispositif de cofinancement de diagnostics de résilience par le FPRNM et les assureurs 9.5. Imposer la réalisation d?un diagnostic de résilience (conditions d?implantation et mé- thodes de reconstruction adaptées) après sinistre dans les zones d?exposition fortes (rouge/orange) 9.6. Envisager le déploiement d?un prêt à taux nul pour les particuliers réalisant des travaux de prévention des risques naturels en zone rouge ou orange ainsi qu?une avance des aides publiques par leur versement direct auprès des entrepreneurs. 82 9.7. Envisager le déploiement d?un crédit d?impôt pour les particuliers à moyens et faibles revenus (critères ANAH) réalisant des travaux de prévention des risques naturels qu?une taxe départementale de type GEMAPI permettant l?octroi de subventions dans cette optique. 9.8. Imposer et contrôler l?obligation de travaux de réduction de la vulnérabilité dans les zones d?exposition très forte aux risques naturels (zones rouges ou passibles d?un PPR) après un sinistre ou avant la réalisation de travaux de rénovation énergétique bénéficiant d?une aide publique au titre du dispositif « MaPrimeRénov ». A défaut de réalisation des travaux, instaurer le triplement des franchises légales pour les sinistres ultérieurs. 9.9. En cas de sinistre grave en zone d?exposition très forte (rouge), permettre une indemnisation assurantielle à la valeur vénale du bien augmentée d?une prime à la relocalisation (à définir) pour les ménages souhaitant déménager. Organiser dans ce scénario la reprise du bien gravement endommagé par la collectivité en vue de sa transformation en un projet d?intérêt collectif, ce qui favorisera la densification dans le contexte de la mise en oeuvre de la loi ZAN 83 Démarche structurée d?intervention en faveur de la résilience du bâti 84 CHAPITRE 4. LA CONTRIBUTION DU SYSTEME ASSURANTIEL AU FINANCEMENT DE L?ATTENUATION DES EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE 4.1. ? Les assureurs ont, par des plans de transition ambitieux, l?opportunité de contribuer fortement à l?atteinte des objectifs de l?Accord de Paris 4.1.1. Défendre une position d?évolution et d?application de la directive Solvabilité 2 à hauteur de l?exigence de CRD6/CRR3 sur les plans de transition L?évaluation par la CCNUCC des progrès accomplis en direction des objectifs de l?Accord de Paris, pu- bliée le 8 septembre 20231, confirme que nous devons rehausser sans délai et sur tous les fronts les efforts pour réaligner la trajectoire mondiale et relever, par une véritable révolution universelle, le défi de l?urgence climatique. Dans le domaine de l?atténuation pour lutter contre les causes du réchauffe- ment climatique : «?- Les émissions mondiales ne suivent pas les trajectoires d?atténuation modélisées au niveau mondial qui sont compatibles avec l?objectif de température de l?Accord de Paris, - Les possibilités de relever le niveau d?ambition et de donner effet aux engagements actuels afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels s?amenuisent rapi- dement, - Sur la base des contributions déterminées au niveau national (CDN) actuelles, l?écart par rapport aux émissions qui permettraient de limiter le réchauffement à 1,5 °C en 2030 se situerait entre 20,3 et 23,9 gigatonnes d?équivalent CO2, - Il faut intensifier l?action et fixer des objectifs plus ambitieux dans les CDN pour réduire les émissions mondiales de GES de 43 % d?ici à 2030 et de 60 % d?ici à 2035 par rapport aux niveaux de 2019. - Ces investissements ainsi débloqués pourront être réorientés vers l?action climatique à différentes échelles pour que les flux financiers ? internationaux et nationaux, publics et privés ? soient compa- tibles avec un profil d?évolution vers un développement à faible émission de GES et résilient aux chan- gements climatiques?». Les banquiers et investisseurs ont financé, les assureurs ont accompagné toutes les grandes révolu- tions mondiales de ces derniers siècles, pour le meilleur et parfois pour le pire?: explorations, révolu- tions industrielles, scientifiques, commerciales, mondialisation, digitalisation, mais aussi armement et conflits. La double raison d?être de la finance ? développer et protéger ? devient, dans ce contexte, un cataly- seur indispensable cette révolution au niveau et au rythme nécessaires pour préserver les générations futures?: - L?épargne intermédiée doit être réinvestie massivement dans l?économie verte par les ban- quiers, assureurs, fonds de pension pour accélérer l?atténuation, - L?assurance des pertes induites par le changement climatique et l?investissement dans la pré- vention et la résilience sont des leviers essentiels de l?adaptation. Les assureurs peuvent et doivent donc se mobiliser à des niveaux inédits en développant à bref délai des trajectoires adaptées à cette urgence en matière d?atténuation. L?inflation de procès climatiques 85 rappelle déjà combien la légitime sensibilité de la société aux enjeux climatiques crée un risque juri- dique et de réputation des entreprises et spécialement des investisseurs comme les assureurs. L?Union européenne a pris une avance sur les stratégies d?impact au niveau mondial, grâce à son exigence au regard des plans de transition avec une directive aboutie, la directive Corporate Sustainability Repor- ting (CSRD), et plusieurs autres en gestation (cf. annexe 4). La CSRD exigera des grandes entreprises à compter de janvier 2024 la publication des quatre compo- santes essentielles pour jauger la crédibilité des plans de transition, lorsqu?ils existent : ? Des objectifs de baisse des émissions à horizon 2030 et 2050, ? Les plans d?actions établis en cohérence, ? Les impacts financiers du plan de transition (Capex et Opex), ? Le dispositif de gouvernance associé. Cette directive est d?application certaine suite à la publication des actes délégués de la Commission européenne2 et au nihil obstat du Parlement européen voté fin octobre 2023. Les secteurs bancaires et assurantiels doivent donc se préparer sans délai à ces publications en finalisant leurs plans de tran- sition, y compris sur leur scope 3 aval. Du coté des banques, la transcription en Europe de Bâle 3 se traduira en outre par de nouvelles exi- gences de plan de transition dans le cadre de CRD6 et de CRR3?(cf. annexe 4 ? extrait de l?accord inter- venu sur la directive CRD). Les entités seront tenues de concevoir des plans de transition alignés sur l?accord de Paris, sous contrôle prudentiel. Les assureurs faisant partie de groupes bancaires devraient logiquement hériter de cette obligation. La renégociation en cours de la directive Solvabilité 2 fournit l?opportunité d?uniformiser le traitement des assureurs en incluant la même exigence dans son pilier 210 au titre du risque à moyen terme d?un éventuel désalignement avec les objectifs européens et de l?accord de Paris. En effet, la sensibilité croissante des consommateurs, des salariés et des actionnaires à la politique climatique des entre- prises induit nécessairement, en cas d?insuffisante ambition, un accroissement des risques opération- nels pouvant obérer le développement, la productivité ou l?accès au financement des opérateurs. Ainsi, l?ensemble des institutions financières européennes, banques et assureurs seront bien conduites à aligner leurs ambitions sur les objectifs de l?accord de Paris à bref délai. L?influence de la finance européenne exigeant du reste du monde cet alignement sur les objectifs de l?accord de Paris devrait aider à catalyser le mouvement mondial de décarbonation. Ceci se traduira en premier lieu par une sélectivité accrue des investissements et des financements des énergies fossiles. L?importance de ce sujet dans la trajectoire de décarbonation des assureurs est con- sidérable. Tenant compte du contrôle qui sera exercé sur les trajectoires de décarbonation par l?initia- tive Science Based Targets (SBT) et de la qualité d?autres travaux comme ceux de l?agence internatio- nale de l?énergie, les importantes et pertinentes politiques de gestion recommandées par certaines organisations à l?instar de Reclaim Finance3 devraient être intégrées dans l?élaboration de ces trajec- toires dès 2024. A ce titre, il est intéressant de noter l?important exemple des engagements de décar- bonation pris au Royaume-Uni par l?ensemble des assureurs réunis au sein de l?ABI (Association of British Insurers), décrit dans l?encadré 3 ci-après. Toutefois, le scope 3 aval des assureurs Dommages soulève aussi l?épineux sujet des émissions liées à leurs produits. 10 Le pilier 2 de la directive Solvabilité II regroupe d?une part des exigences qualitatives portant sur la définition de règles de gouvernance et de gestion des risques, et d?autre part l?évaluation des risques propres de solvabilité (Own Risk and Solvency Assessment - ORSA). https://sciencebasedtargets.org/ 86 4.1.2. Assurer la lisibilité et la cohérence des plans de transition des assureurs en traitant de manière adaptée le scope 3 aval Il est souhaitable que les plans de transition concernent la totalité des activités des assureurs. A ce titre, il convient de relever la surprenante proposition du groupement d?assureurs et réassureurs réu- nis au sein du PCAF, concernant le scope 3 aval des assureurs. Le Partnership for Carbon Accounting Financials (PCAF) a établi en novembre 2022 une proposition de norme mondiale de comptabilisation et de déclaration des GES pour le secteur de l?assurance (« Norme sur les émissions associées à l?assurance4 »). La perspective de la mise en oeuvre de cette norme inter- pelle car elle expose clairement, selon cette mission, le secteur de l?assurance à un risque de green- washing : 1 ? L?orientation retenue par le PCAF est de décliner pour le secteur de l?assurance les prin- cipes de la catégorie 15 du GHG Protocol pour les activités d'investissement et relatives aux émissions de gaz à effet de serre (GES) indirectes provenant des investissements de l'entre- prise. Ce choix semble discutable. En effet, les missions de l?assurance sont d?une nature différente de celles du financement. L?assurance a une double utilité pour ses produits vendus en apportant à l?assuré : - dans tous les cas la sérénité de la garantie offerte et le cas échéant par la satisfaction de l?obli- gation de l?assurance et, - en cas de sinistre, un service explicite allant jusqu?à l?indemnisation. A ce titre, l?assurance nous semble davantage relever de la catégorie 11 du GHG Protocol « Utilisation des produits vendus » que de la catégorie 15 « Investissements ». Un tel choix de rattachement faciliterait une distinction claire au sein des activités d?assurances des émissions de gaz à effet de serre des activités de souscription d?une part, du portefeuille de placements d?autre part. 2 ? la proposition opérationnelle du PCAF vise à normer une comptabilisation et une décla- ration des émissions de GES basées sur un facteur d?imputabilité à l?assureur des émissions de GES de ses seuls clients automobiles et entreprises. La méthodologie présentée dans la norme calcule les émissions associées à l?assurance en multipliant un facteur d?attribution (spécifique par ligne d?activité) par les émissions absolues de GES de l?assuré ou de l?actif assuré. Deux grands secteurs sont distingués à ce stade : l?assurance automobile et les activités d?entreprise (de vastes domaines étant par ailleurs exclus comme l?assurance habitation). Pour le secteur automobile, le facteur d?attribution est calculé en fonction de la part de l?assurance dans le coût total de possession de l?exploitation d?un véhicule (hors le coût de son achat, pourtant majeur dans le bilan d?émissions de GES des véhicules). Pour les portefeuilles d?entreprises, le facteur d?attribution est calculé comme le ratio des primes sur les revenus d?une entreprise. Une telle approche ne reflète pas la capacité des assureurs à influencer directement les émissions de leurs clients, ce qui en constitue une limite majeure. Au surplus, la priorité donnée aux secteurs automobile et de l?entreprise par ces facteurs d?attribution n?est pas innocente. Compte-tenu des engagements européens d?arrêter la mise en service de véhicules thermiques à compter de 2035 avec une substitution croissante par les véhicules électriques et des prescriptions pour les entreprises de la CS3D et de la CSRD, la méthodologie proposée aurait pour effet de présenter une trajectoire de réduction des émissions de GES du secteur de l?assurance excessivement flatteuse, constitutive de https://carbonaccountingfinancials.com/about 87 greenwashing puisque l?obtention de ce résultat ne devrait pas lui être imputé. D?ailleurs, le PCAF reconnaît lui-même la difficulté à qualifier la capacité d?influence des assureurs sur les émissions de leurs clients pris dans leur ensemble. Nous recommandons de tirer les conséquences du rattachement de la souscription d?assurance à la catégorie 11 du GHG Protocol pour évaluer les émissions scope 3 aval des assureurs. Comme évoqué précédemment, ce rattachement permet de revenir aux fondamentaux de l?assurance et de tenir compte de la véritable capacité d?influence des acteurs : i) S?agissant de l?indemnisation des sinistres, l?assureur a un rôle déterminant dans le choix des solutions de réparation ou de remplacement. A titre d?illustration, - si le véhicule de remplacement de celui endommagé est électrique et non thermique, - si des pièces de réemploi sont utilisées pour une réparation automobile, - si une pompe à chaleur vient remplacer l?ancienne chaudière à gaz détruite, - si un équipement d?occasion ou de meilleure performance énergétique vient remplacer un équipement détruit, les émissions de GES de l?assuré seront significativement réduites grâce à l?indemnisation de l?assureur. Au titre de la cause la plus importante, le facteur d?attribution lié l?indemnisation devrait donc être de 100%. Ainsi, il serait souhaitable de revoir la norme pour calculer les émissions de GES au titre de la souscription sur base en premier lieu de l?indemnisation des sinistres. Il pourra être objecté un manque de données pour réaliser un calcul précis de ces émissions. A ce titre, le choix pourrait être laissé aux assureurs entre une approche « in concreto » relative à leur propre activité d?indemnisation ou une approche forfaitaire sur la base d?indicateurs généralement admis par les agences nationales en charge de la décarbonation ou par des recommandations que le PCAF pourrait lui-même publier. ii) S?agissant de l?utilisation de l?assurance liée à la sérénité offerte par la garantie et permettant l?utilisation du bien assuré, il faut constater que la capacité d?influence de l?assureur est le plus souvent marginale ou nulle. En effet : - le choix du type de bien ou d?activité est réalisé par l?assuré avant la souscription de l?assurance, - la pression concurrentielle donne typiquement une position de force à l?assuré pour choisir son assureur plus que l?inverse, - l?utilisation du bien correspond à un service qu?il rend ou à une valeur qu?il crée. Dans son équation économique, le coût de l?assurance est le plus souvent marginal par rapport aux autres charges courantes. Par exemple, l?assureur a peu d?influence sur la quantité de carburant consommée par le véhicule garanti ou par la quantité de gaz consommée par la chaudière de l?entreprise garantie. Au titre de l?utilisation liée à la sérénité offerte par la garantie, le « facteur d?attribution » devrait donc être nul. Seuls quelques rares cas de figures donnent à l?assureur un véritable levier sur les décisions de l?assuré. Il s?agit de situations où une offre restreinte d?assurance peut conduire l?assuré à s?interroger sur la pertinence ou les modalités de son investissement du fait de son niveau de risque, préalablement à sa mise en oeuvre. Il en va ainsi dans le domaine des très grands risques (spatial, aérien, maritime, et certains cas de responsabilité civile (nucléaire, filières ou géographies spécifiques) et dans les territoires où les licences d?assurance sont délivrées avec une grande parcimonie. Tous ces contextes se traduisent par une part de marché de l?assureur classiquement supérieure à 20%. Dans ces rares 88 contextes, on peut alors admettre un coefficient d?attribution non nul, voire de 100%, puisque l?offre d?assurance détermine sans ambiguïté le choix d?investir ou de lancer l?activité garantie. 3 ? En cohérence avec la capacité d?influence des assureurs, la norme devrait exiger la mise en place d?un plan d?actions des assureurs pour réduire leur scope 3 aval au titre de la souscription d?assurance Si le PCAF relève que les assureurs peuvent être en mesure de communiquer avec leurs clients pour les encourager à réduire leurs émissions de GES au fil du temps, il revient en premier lieu aux assureurs d?établir un plan d?actions pour réduire les émissions associées à leur scope 3 aval au titre de la souscription d?assurance, soit comme exposé précédemment principalement au titre des indemnisations. A titre d?illustration, les assureurs devraient exposer leurs plans d?actions pour développer la part des pièces de réemploi dans l?assurance automobile, la reconstruction avec des matériaux bas carbone dans le domaine de l?habitat ou encore la manière dont ils contribuent en cas de sinistre grave à remplacer les équipements thermiques par des équipements électriques moins émissifs. 4.1.3. Renforcer le rôle de recommandations de l?ACPR sur les plans de transition climatique et élargir son action de contrôle au-delà des bancassureurs qui seront contraints dans le cadre de CRD6/CRR3 Dès lors que les assureurs devront établir des plans de transition dans le cadre de leur pilier 2, ceci renforcera le rôle de contrôle (et de sanctions) du superviseur à cet égard. L?ACPR est d?ores-et-déjà en mesure de collecter et de diffuser les bonnes pratiques en matière de cadrage, d?élaboration et de mise en oeuvre des plans d?action. Nos auditions ont montré son ouverture sur ce sujet. De telles ini- tiatives devraient être encouragées, dans le cadre d?un rôle d?accompagnement à la préparation de la mise en oeuvre des directives CRD6, CSRD, CSDDD et de la future réforme de Solvabilité 2. OBJECTIF N°10 : ALIGNER LES (RE)ASSUREURS SUR L?EXIGENCE DE LA DIRECTIVE CRD6 D?UN PLAN DE TRANSITION DE LEURS PORTEFEUILLES D?INVESTISSEMENT ET D?ASSURANCE COHERENT AVEC LA TRAJECTOIRE CIBLE DE L?ACCORD DE PARIS A HORIZON 2030 10.1. Défendre une position d?évolution et d?application de la directive Solvabilité 2 à hauteur de l?exigence de CRD6/CRR3 sur les plans de transition 10.2. Assurer la lisibilité et la cohérence des plans de transition des assureurs en traitant de manière adaptée le scope 3 aval 10.3. Renforcer le rôle de recommandations de l?ACPR sur les plans de transition climatique et élargir son action de contrôle au-delà des bancassureurs qui seront contraints dans le cadre de CRD6/CRR3 89 4.2. ? Développer des politiques ambitieuses de décarbonation des portefeuilles d'assurances dommages La décarbonation des portefeuilles d?assurance dommages inclut, outre la gestion des investissements traitée succinctement en section précédente, deux dimensions : les politiques de souscription d?une part, et de règlement des sinistres d?autre part. S?agissant de la souscription, le rôle essentiel que peut jouer l?assureur consiste à lever les freins dans le développement des activités et équipements qui concourent à la décarbonation de l?économie. Ceci inclut la souscription bienveillante et la tarification incitative de ces risques (véhicules électriques, développement des énergies renouvelables?). Un exemple de frein à lever concerne l?assurance des installations de panneaux photovoltaïques, comme décrit en annexe 3. Ces objectifs devraient logiquement être intégrés aux plans de transition qui devront être développés par les assureurs à bref délai, comme évoqué en section 4.1. S?agissant de la gestion des sinistres, l?assureur intervient le plus souvent à deux moments-clé pour répondre aux besoins de l?assuré : 1- Fréquemment en urgence au moment du sinistre, sous forme de prestations d?assistance, tant dans le domaine du transport que du logement, voire sous forme médicale, 2- Systématiquement en différé pour l?indemnisation des dommages, précédée dans certains cas d?une expertise et d?une proposition de réparateurs agréés. Ces domaines, bien que connexes, sont nettement distincts du fait du caractère « temps réel/H24 » de la plupart des sollicitations d?assistance. Par ailleurs, les prestations de ce type sont le plus souvent en nature, alors que l?indemnisation est, elle, toujours financière, sauf prise en charge des réparations sous forme de tiers-payant. Ces deux circonstances donnent à l?assureur deux opportunités complémentaires d?agir pour baisser les émissions d?un même assuré à l?occasion d?un sinistre. 4.2.1. Inciter les entreprises d?assurance et d?assistance à développer l?adoption des véhicules de remplacement électriques en cas de sinistre En premier phase, l?assisteur déclenche des prestations essentiellement de trois types : 1- Transport : mise à disposition d?un véhicule de remplacement, 2- Logement : hébergement provisoire suite à sinistre grave, 3- Médical : intervention d?un médecin et dans les cas extrêmes, rapatriement sanitaire. Compte tenu des fréquences de sinistres attachées à ces prestations, l?essentiel de l?empreinte carbone de l?assistance résulte des véhicules de remplacement. Assureurs et assisteurs ont donc une importante opportunité de décarbonation en mettant à disposition de leurs assurés sinistrés des véhicules électriques et non plus thermiques de manière systématique. Quatre effets bénéfiques doivent en découler : (i) Décarboner des prestations qui relèvent à l?évidence de leur scope 3, (ii) Contribuer à augmenter le parc de véhicules électriques des sociétés de location par cette demande supplémentaire, (iii) Contribuer en conséquence à augmenter le parc de véhicules d?occasions électriques, (iv) Familiariser les assurés avec les véhicules électriques et réduire l?appréhension liée à son usage. Un sondage RTE de 201911 montrent en effet que l?insuffisance perçue d?autonomie est un frein significatif à l?adoption de ces véhicules. 11 https://www.odoxa.fr/sondage/voiture-electrique-potentiel-daccueil-deja-tres-important-france-pourrait- etre-largement-accru/ 90 Un tel mouvement d?électrification des véhicules de remplacement peut résulter, soit d?un engagement de place de l?ensemble des assureurs automobiles ou de certaines « familles » (mutuelles, bancassureurs, assureurs traditionnels) ou, à défaut, d?une règlementation contraignante, prenant en compte bien sûr les contraintes opérationnelles notamment liées à la capacité du parc de location. Nos échanges avec plusieurs assisteurs indiquent à cet égard que les grands loueurs disposent déjà d?un parc électrique de bonne capacité. Ils sont en effet largement alimentés par les constructeurs automobiles, tenus de baisser leurs émissions moyennes par véhicule produit dans le cadre de la règlementation européenne. 4.2.2. Systématiser les clauses « vertes » en matière d?indemnisation Après l?intervention d?urgence, l?assureur doit indemniser les dommages subis par le bien assuré, avec ou sans expertise, et en proposant le cas échéant des solutions de réparation/remplacement/travaux. Ces opérations lui confèrent un rôle actif dans le dispositif de remédiation qui justifie une imputation et une prise en compte dans les scopes 3 amont et aval de ses émissions de gaz à effet de serre. Ces « moments de vérité », qui sont clés pour juger de la qualité du service proposé, peuvent également être considérés comme une opportunité pour accompagner l?assuré dans sa propre décarbonation. S?agissant des petits sinistres tout d?abord, les assureurs ont compris l?intérêt de constituer et de proposer des réseaux de réparateurs agréés. Le bénéfice de tels dispositifs est double : ils permettent de négocier les prix grâce à l?effet volume et d?améliorer la qualité perçue en contractualisant des niveaux de service. Les négociations avec ces réseaux peuvent concerner les tarifs mais aussi les modalités de réparation. Dans le domaine automobile, les réponses aux questionnaires transmis par la mission aux assureurs de dommages aux biens ont montré que l?utilisation de pièces de réemploi fait désormais quasi systématiquement partie des objectifs stratégiques en gestion des sinistres automobiles. Les indicateurs de mesure sont déployés et des objectifs fixés. En assurance habitation, quelques entreprises d?assurance proposent des « services travaux » pour de petites réparations. Les matériaux de construction de réemploi sont par contre le plus souvent absents du champ des négociations. Développer ces efforts de réemploi suppose deux préalables : d?un part, rehausser les volumes de pièces et matériaux recyclés disponibles, et d?autre part lever les freins réglementaires à leur utilisation. La mise à l?échelle des pièces de réemploi automobile a ainsi fait l?objet de six recommandations dans le cadre de la feuille de route décarbonation de la filière automobile : (i) Lutter contre la filière illégale (de pièces de réemploi) et les exportations des véhicules d?occasion non conformes, (ii) Optimiser la production et l?utilisation de pièces de réemploi en France comme à l?export, (iii) Rapprocher les spécifications des metteurs sur le marché (de véhicules) avec les capacités d?extraction, de tri et de préparation de la filière des véhicules hors d?usage (VHU) afin d?augmenter le taux d?incorporation de matière recyclée dans les véhicules neufs, (iv) Faire évoluer la filière des véhicules hors d?usage (VHU) pour qu?elle puisse collecter, accueillir et traiter les futurs volumes de véhicules électriques et augmenter la durabilité des batteries, (v) Mettre en oeuvre une filière de recyclage des batteries en France en adéquation avec les futurs gisements, (vi) Réaliser une analyse en cycle de vie des émissions de la filière VHU. 91 Il faut y ajouter un sujet économique important : les marges des recycleurs et des réparateurs de véhicules. En effet, pour les centres de recyclage, la marge unitaire en cas de revente après réparation de véhicules dit « économiquement irréparables » est nettement supérieure à celle des pièces récupérées lors du recyclage. Ils ont donc intérêt à remettre un véhicule thermique en circulation. Pour les réparateurs, le coût unitaire de la pièce de réemploi constitue une assiette de commission bien plus basse que dans le cas de pièces neuves. Dans les deux cas, la seule solution est une compensation de cet écart de marge par l?assureur : - vis-à-vis du recycleur en acceptant un prix de cession du véhicule gravement accidenté plus bas en cas de recyclage qu?en cas de réparation pour revente, - vis-à-vis du réparateur en rehaussant sa rémunération au titre de la main d?oeuvre en cas d?utilisation de pièces de réemploi. Il n?est pas avéré que ces axes soient générateurs d?inflation de la sinistralité, car les surcoûts engendrés par de telles compensations ont vocation à être compensées par une économie générale grâce à la plus grande substitution de pièces neuves par des pièces de réemploi moins onéreuses. De telles pratiques nécessitent toutefois une pédagogie auprès des assurés qui doivent être rassurés sur la solidité de ces pièces et matériaux de remploi. En matière automobile, de nombreux assureurs pratiquent déjà la « garantie à vie » de telles réparations, ce qui règle le sujet. En matière de construction, par contre, les constructeurs sont confrontés à une responsabilité décennale irréfragable. Aucun assureur habitation ou professionnel ne peut les en relever facilement du fait des engagements à long terme qu?une « garantie à vie » des réparations impliquerait. Il reste donc un travail à réaliser conjointement par les filières de recyclage des matériaux de construction et les organismes de certification pour faire classer dans certaines conditions ces matériaux de réemploi parmi les matériaux courants. Les sinistres très importants forment une seconde catégorie que l?on peut caractériser comme ceux ne permettant pas la réparation mais exigeant un remplacement de véhicule, d?équipement ou des travaux lourds de reconstruction. Dans ce cas, un dialogue se noue nécessairement entre l?assuré et l?expert de l?assureur, afin d?identifier les solutions de remédiation les plus adaptées et, logiquement, les moins coûteuses. Le Code des assurances fixe en son article L. 121.1 le principe que « l?indemnité due par l?assureur ne peut dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre ». Toutefois, dans un arrêt du 13 septembre 2007, la Cour de Cassation a admis que ce principe ne s?opposait pas au versement d?un complément d?indemnité au titre de la valeur à neuf. En pratique, cette indemnité n?est versée qu?en cas de remplacement effectif par un bien neuf identique ou équivalent ou en cas de réparation effective des dommages à un immeuble. L?urgence climatique exige à notre sens de considérer la circonstance du sinistre important sous un autre prisme : il présente en effet l?opportunité de remettre en cause une situation antérieure carbonée pour y substituer des dispositifs décarbonés : véhicules, équipements de chauffage, équipements industriels, etc. A titre d?exemple, la « garantie verte » contenue dans le contrat multirisque professionnelle d?un assureur édicte : 92 « 8.1. Garantie Verte En cas de sinistre incendie, tempête, grêle, neige sur toiture, inondation ou catastrophe naturelle, garanti par le contrat, nous participons au financement de travaux ayant pour objectif de réduire l?émission de gaz à effet de serre des biens sinistrés. Il peut s?agir : ? d?une isolation thermique plus efficace ; ? d?une technologie de chauffage favorisant les énergies renouvelables et/ou réduisant les émissions de gaz à effet de serre ; ? de production d?électricité par voie photovoltaïque. 8.1.1. Conditions d?application de la garantie Pour être garanti, il faut que : ? l?installation de ces équipements concerne les biens ayant subis des dommages garantis par le contrat ; ? ces travaux soient réalisés moins d?un an après la survenance du sinistre ; ? vous respectiez les normes et règles de l?art en vigueur ; ? vous preniez à votre charge un montant au moins égal à notre participation dans le financement de ces travaux. » Certains assureurs commencent donc à insérer dans les contrats des clauses dites « vertes » : au-delà de l?indemnisation à la stricte valeur avant sinistre ou correspondant même à la valeur à neuf du bien ou de l?immeuble sinistré, une participation aux efforts de décarbonation est allouée. Nous recommandons de saisir cette opportunité à l?occasion d?un sinistre important de remettre en cause un existant émissif pour promouvoir le plus largement possible, grâce à un droit à indemnisation majoré dans ces seuls cas, le remplacement de véhicules thermiques par des véhicules électriques, des chaudières par des pompes à chaleur ou encore des équipements industriels, ou des reconstructions plus efficaces sur le plan énergétique. Cela suppose, au plan juridique, un ajustement ciblé du principe indemnitaire et, au plan économique, la prise en compte dans les primes d?assurance concernées, de ces majorations d?indemnité. Au regard du surcoût, les ordres de grandeur découlent du montant moyen du supplément envisagé (5000 à 10 000 euros selon les sinistres) multiplié par la fréquence des sinistres ciblés?(soit 1% en moyenne en automobile, 0,1% en habitation, multirisque professionnelle ou industrielle), soit une fourchette de quelques euros à quelques dizaines d?euros pour ce coup de pouce supplémentaire à la décarbonation. Certains dispositifs de subvention (véhicule électrique neuf, MaPrimeRénov, certificats d?économies d?énergie) viendront également bonifier l?investissement de l?assuré. Les assureurs peuvent donc plafonner leur complément d?indemnité en valeur absolue ou en proportion de l?investissement complémentaire que l?efficacité énergétique requiert. Pour encourager ces pratiques vertueuses, nous réitérons l?importance d?intégrer l?empreinte carbone des sinistres réglés dans le scope 3 des émissions des assureurs est essentielle. Compte tenu des fréquences de ces sinistres ciblés, l?impact sur une décennie de ces clauses vertes peut être significatif, de l?ordre de 10% pour le remplacement du parc de véhicules thermiques assurés en dommages par des véhicules électriques et de 1% pour le parc de logements et de bâtiments industriels et commerciaux équipés de chauffage thermique. 93 Enfin, précisons qu?une telle dynamique de décarbonation à l?occasion des sinistres importants via le remplacement par des équipements plus efficaces peut découler : - soit d?un engagement de place de l?ensemble des assureurs ou de certaines « familles » (mutuelles, bancassureurs, assureurs traditionnels), - à défaut, d?une réglementation contraignante, prenant en compte les contraintes opérationnelles notamment liées à la capacité des experts à orienter les assurés. OBJECTIF N°11 : VERDIR LES OFFRES D?ASSURANCE DOMMAGES 11.1. Inciter les entreprises d?assurance et d?assistance à développer l?adoption des véhicules de remplacement électriques en cas de sinistre. 11.2. Systématiser les clauses « vertes » en matière d?indemnisation?: - en automobile, par l?indemnisation en valeur à neuf augmentée pour remplacer un véhi- cule thermique par un véhicule électrique (VE) et en favorisant l?utilisation de pièces de ré- emploi ; - en assurance multirisques, en favorisant la réparation plutôt que le remplacement des équipements, en augmentant l?indemnisation pour inclure la mise en conformité aux meilleures normes d?efficacité énergétique (Isolation, remplacement de PAC/chaudières?) et en développant des filières de réemploi des matériaux de construction. Encadré 3?: Engagements des assureurs réunis au sein de l?Association of British Insurers concernant les trajectoires de décarbonation. Le Royaume-Uni oblige de plus en plus les secteurs assurantiels à publier des reporting prenant en compte les recommandations de la Task Force on Climate Related Financial Disclosures (TCFD), ainsi que des plans de transition. Cependant, le gouvernement se fonde sur une considération «?comply or explain?» qui implique pour les assurances de publier ces informations ou d?expliquer pourquoi elles ne le font pas. Ce n?est donc pas contraignant. Au niveau des assureurs eux-mêmes, la place a adhéré à l?initiative du (alors) prince Charles, devenu roi depuis, pour créer une Sustainable Markets Initiative. Son mandat, mieux connue sous le nom de « Terra Carta », a pour mission de construire un effort mondial coordonné afin de permettre au secteur privé d'accélérer la réalisation des objectifs mondiaux en matière de climat, de biodiversité et de développement durable. La Terra Carta a été lancée en 2021 lors du Sommet One Planet et reflète un ensemble de principes directeurs et d'actions à l'horizon 2030 - plaçant la nature, les personnes et la planète au coeur de la création de valeur mondiale. Au sein de cette Initiative, Lloyd's a réuni des dirigeants de plusieurs des plus grandes et influentes compagnies d'assurance mondiales pour former une Insurance Task Force (ITF) qui s?est donné comme objet le soutien à la transition de l'industrie L?ITF, présidé par le Président de Lloyd's, Bruce Carnegie- Brown, a ainsi lancé en 2021 cinq initiatives clés qui visent à offrir de nouveaux produits et services d'assurance innovants, ainsi qu'un soutien financier et en gestion des risques dans certains secteurs et dans certaines régions. Le guide des bonnes pratiques de l'ITF vise à promouvoir une plus grande durabilité dans les chaînes d'approvisionnement de l'industrie de l'assurance. Douze grands assureurs et courtiers ont signé l'engagement d'agir et de soutenir leurs partenaires stratégiques de la chaîne d'approvisionnement dans leur transition écologique. Les signataires se sont engagés à prendre en compte les émissions au sein de leur chaîne d'approvisionnement directe en se concentrant sur trois actions clés : https://www.sustainable-markets.org/taskforces/insurance-taskforce/ https://a.storyblok.com/f/109506/x/8bcc80fd18/smi_itf_sustainable_supply_chain_best_practice_guide_final-1.pdf 94 1. Encourager et aider les fournisseurs à définir des objectifs de durabilité significatifs avec pour objectif ultime d'adopter des objectifs de Net Zéro alignés sur l'accord de Paris : les assureurs et courtiers encourageront leurs fournisseurs, lors des processus d'approvisionnement et ensuite par le biais d'une collaboration, à établir des objectifs de durabilité significatifs visant en fin de compte à adopter des objectifs de Net Zéro, par exemple une réduction de 50 % des émissions mondiales d'ici 2030 avant d'atteindre un bilan carbone net nul au plus tard en 2050. 2. Promouvoir des initiatives visant à mesurer l'empreinte carbone des chaînes d'approvisionnement de l'assurance et à rendre compte de manière transparente des progrès réalisés?; afin de favoriser des chaînes d'approvisionnement plus durables, le secteur élaborera des méthodologies pour évaluer et mesurer l'intensité carbone des fournisseurs afin d'identifier les points chauds. Une fois établies, ces méthodologies serviront à repérer les fournisseurs ayant une empreinte carbone moindre ou ceux qui prennent des mesures actives pour accroître leur durabilité. 3. Travailler pour résoudre les principaux problèmes d'émissions dans la chaîne d'approvisionnement : les signataires s'engagent à promouvoir la collaboration au sein du secteur pour s'attaquer aux parties de la chaîne d'approvisionnement ayant la plus grande empreinte carbone et à faciliter les meilleures pratiques pour accroître la durabilité. Cela permettra aux assureurs de reproduire et de développer les approches de gestion adoptées par les investisseurs et de stimuler le changement dans la chaîne d'approvisionnement à un niveau sectoriel, plutôt que seulement au cas par cas. L?ABI a également produit sa roadmap afin de clarifier, d?agir et de comptabiliser de manière transparente les engagements de l?assurance. Cette roadmap se concentre autour de 4 piliers?: 1. Atteindre le Net Zero en 2050?: Ils comptent faire par palier, dont ils doivent rendre compte tous les 5 ans. Ainsi, en 2025 ils devront avoir atteint la neutralité carbone sur le scope 1 et 2 et créer un plan de transition. En 2030, ils devront avoir réduit leurs émissions de moitié (ainsi que celles de leurs fournisseurs), celles-ci étant calculées sur le scope 1, 2 et 3. Enfin, les entreprises du secteur s'engagent à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050, en collaborant avec des cadres externes reconnus pour définir des objectifs spécifiques, en soumettant ces objectifs à un examen indépendant pour garantir leur évolution en fonction de la science, en élaborant un plan de transition responsable, en rapportant de manière transparente sur les progrès selon les principes du TCFD, en réduisant leurs émissions directes (portée 1 et 2), en identifiant les besoins en politiques supplémentaires et en éduquant les consommateurs sur les options pour réduire leur empreinte carbone. 2. Déployer une nouvelle capacité d?investissement et de financement pour la transition?: l?ABI pourrait financer, selon leurs calculs, jusqu?à 0,9 trillions de livres (le plan du gouvernement pour le Net Zero en nécessitant 2,7tn£ sur 15 ans), notamment via des flux de réinvestissement de 60Mds£ par an. Mais l?ABI explique également qu?elle a besoin de mécanismes incitatifs pour faire cela, notamment via la réforme de Solvency 2 qui diminuerait le besoin de capitaux à détenir. 3. Transformer l?opérationnel pour qu?il soit également soutenable?: cela passera, selon l?ABI, non seulement par un contrôle et une utilisation de l?innovation pour diminuer directement les émissions de scope 1 et 2, mais également par du offsetting -tout en reconnaissant qu?il faut mener un travail scientifique sur les crédits carbones ainsi créés qui peuvent être du greenwashing, en s?alliant notamment au Voluntary Carbon Markets Integrity Initiative (VCMI). L'objectif est d'intégrer des principes d'alignement sur la neutralité carbone dans l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement du secteur, encourageant ainsi tous les fournisseurs et partenaires à s'engager dans la transition vers la neutralité carbone. Le secteur collaborera également avec les PME pour les aider à progresser vers la neutralité carbone. Enfin, l?ABI envisage d'appliquer des approches similaires à la chaîne de transaction et de valeur impliquée dans la gestion de l'épargne à long terme et la fourniture de couverture d'assurance, à mesure que sa compréhension de ces questions évolue. 4. Aider la société à s?adapter?: Les actions entreprises dans cette direction doivent montrer le leadership et encourager le changement à travers l'investissement, le financement et la couverture d'assurance, tout en reconnaissant que la transition vers la neutralité carbone est un processus complexe à long terme. Le secteur s'engage également à travailler en collaboration avec les pouvoirs publics et les régulateurs pour intégrer le changement climatique dans chaque décision financière. https://www.abi.org.uk/globalassets/files/publications/public/climate-change/abi-climate-roadmap---080622.pdf 95 L'innovation, notamment dans le domaine de la technologie financière, et l'utilisation de données joueront un rôle clé pour répondre aux défis posés par le changement climatique. Dans ce document, l?ABI reconnait également les conclusions du rapport du WWF et de Greenpeace sur l'ampleur des "émissions financées" du secteur financier britannique, qui ont montré que les émissions de notre secteur font partie des plus importantes de l'économie. Dans le cadre de cette feuille de route, le secteur collabore avec des organisations telles que le Partenariat pour la Comptabilité Carbone Financière (PCAF) pour développer une méthodologie cohérente permettant de mesurer ces "émissions financées". Enfin, l?ABI a été très impliquée dans la formation du Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ) et l?organisation tente d?amener de plus en plus des assureurs la composant à rejoindre ce mouvement. L?ABI est également engagée dans la Science Based Targets Initiative (SBTi) promouvant les meilleurs pratiques «?science-led?». https://sciencebasedtargets.org/ 96 Déclarations d?intérêt des experts de la mission Gonéri LE COZANNET précise un conflit d?intérêt au titre de son rôle de coordinateur du projet européen CoCliCo visant à développer un modèle pour estimer les risques de submersion marine en Europe. Thierry LANGRENEY précise être administrateur indépendant au sein du Conseil d?administration de la société Europ Assistance Holding. Myriam MERAD précise être présidente du Conseil scientifique de l?association française pour la prévention des catastrophes naturelles et technologiques (AFPCNT). 97 Annexe 1 : Compte d?exploitation du Régime après rééquilibrage sur base des paramètres climatiques et économiques de 2022 Cette analyse et les travaux sous-jacents ont fait l?objet d?une revue actuarielle par un Actuaire Certifié désigné par le Ministère de l?économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Notre meilleure estimation du niveau de primes nettes de prélèvement nécessaire et suffisant pour un équilibre durable du régime est ainsi de 3.180 M¤, comme le montre le compte de résultat suivant (en gras les éléments modifiés par rapport au compte précédent) : A la charge du Régime : Charge de sinistralité moyenne attendue pour l?ensemble des périls (Source : Ateliers techniques de la mission avec la CCR) : 2.590 M¤, - Sécheresse : 1.030M¤ - Inondations : 920M¤ - Cyclones Antilles et Réunion : 320M¤ - Séisme : 200M¤ - Submersion : 64M¤ - Automobile : 56M¤ Coût des fonds propres (au-delà du taux sans risque) et de la garantie d?État pour solvabiliser les acteurs (1) : 555 M¤, - Pour les assureurs : 2,3% des primes = 73 M¤ - Pour la CCR : 300 M¤ - Pour l?État : 5,7% des primes = 182 M¤ Frais de gestion des sinistres et de la CCR (2) : 190 M¤. - Pour les assureurs : 150 M¤, - Pour la CCR : 40 M¤. Total des charges : 3.335 M¤, sur la base des portefeuilles assurés et des coûts opérationnels et de réparation de 2022. Au bénéfice du Régime : Les nouvelles primes Catastrophes naturelles représenteraient 3.200 M¤ Les produits financiers notionnels, hors taux sans risques sur actifs représentatifs des fonds propres représenteraient 125 M¤ - Pour les assureurs : 24 M¤, - Pour la CCR : 101 M¤. Total des revenus : 3.325 M¤. Solde net : -10 M¤. 98 Ce supplément de primes nettes de prélèvement de 1.300 M¤ rehausse également la base du prélèvement de 12% au titre du FPRNM. En moyenne pour chaque contrat d?assurance, la surprime Catastrophes Naturelles serait ainsi portée à 37¤, soit une hausse de 15¤ HT par an. (1) S?agissant de la CCR, a. La garantie de l?État permet de limiter ses fonds propres au niveau actuel, considéré suffisant par le superviseur, soit environ 5 000 M¤ fin 202212 pour un capital de solva- bilité requis (SCR) d?environ 3.000M¤. b. L?application de la prime de risque forfaitaire S2 à ce volume induit un objectif de ré- sultat avant IS de 6% x 5.000 M¤ = 300 M¤13 (net du coût de garantie de l?État, hors produits financiers au taux sans risque sur ces fonds propres), S?agissant des assureurs, a. Une exigence minimale de fonds propres au titre de Solvabilité 2 de 22,5% des primes an- nuelles Cat Nat est retenue en fonction de la réassurance, de la sinistralité attendue et des effets de diversification, b. Augmentée de 70% compte tenu du ratio de solvabilité (fonds propres/exigence S2) de 170% que les assureurs doivent classiquement présenter tant au superviseur qu?aux mar- chés financiers, c. Une rémunération attendue de ces fonds propres au-delà du taux sans risque de 6% x 38% soit 2,3% des primes totales Cat Nat, (2) Nous prenons en compte dans l?équation économique globale du Régime les seuls coûts de gestion des sinistres des assureurs, au niveau intermédiaire de 8% des primes 2022. S?agissant de la CCR : a. S?agissant des actifs représentatifs des provisions techniques, compte tenu de leur faible duration, nous retiendrons un niveau de produits financiers sur actifs représen- tatifs des provisions de 1,1% (8.742-5.000) soit un revenu à ce titre de 41 M¤. b. S?agissant des actifs représentatifs des fonds propres, il parait raisonnable d?attendre une contribution des produits financiers au-delà du taux sans risque sur actifs repré- sentatifs des fonds propres de 2% x 3 000 M¤ = 60 M¤ S?agissant des assureurs : La contribution des produits financiers sur actifs représentatifs des fonds propres à 2% au-dessus du taux sans risque apporte 0,76% des primes Catnat soit 24 M¤ 12 Source : Rapport SFCR CCR 2022 13 Soit un résultat normatif de la CCR de 400 m¤ avant IS y compris la rémunération des fonds propres à un taux sans risque de 2%. 99 Annexe 2 : Illustration d?évènements extrêmes Sécheresse annuelle ou pluriannuelle : effets du retrait gonflement d?argiles sur une large partie de la France : Source : CCR Source : CCR Sécheresse Illustration d?un événement extrême (F_FICTIF_202200_SECH_FRANCE_12298) Résultats MIP marché 2022 45 31/07/2023 Reconnaissances Demandes Eligibilité Communes reconnues Nbre communes 20 534 36 052 20 529 Dommages BE Q70 Q99 Coût simulé (Md¤) 7,6 7,7 8,0 Communes les plus couteuses Coût Toulouse 83 M¤ Bordeaux 42 M¤ Lille 23 M¤ Antony 22 M¤ Eligibilité Communes Moyenne 8 119 10ale 19 810 20ale 24 376 100ale 30 972 Inondation Illustration de l?année extrême Résultats MIP marché 2022 44 31/07/2023 ? Année maximale à 21 Mrds sur les 400 ans de simulation ? Crue de la Seine avec des dommages importants sur Paris ? Sur 50000 ans : 57Mdrs¤ Commune Pertes Paris 9 017 605 174 Boulogne-Billancourt 1 311 590 997 Levallois-Perret 719 258 739 Neuilly-sur-Seine 639 767 474 Puteaux 563 909 280 Clichy 513 655 928 Communes les plus touchées 100 Cyclone de niveau 5 comme IRMA dont la trajectoire traverserait la Grande Terre et la Basse Terre en Guadeloupe, au lieu de se limiter à Saint Martin et St Barthelemy comme en 2017 : Source : CCR 101 Séismes : Une courbe d?expérience sérieuse existe grâce à la bonne documentation des évènements majeurs en métropole même à des époques relativement anciennes, pour lesquelles on dispose d?archives historiques: 102 Annexe 3 : L?assurance des panneaux photovoltaïques sur toitures L?assurance de responsabilité civile décennale s?applique aux travaux de réalisations d?installations photovoltaïques, que le bâtiment soit neuf ou existant, et ce quel que soit son ancienneté. Elle est due par le constructeur titulaire d?un marché de travaux passé directement avec le maître d?ouvrage. Elle doit être souscrite avant le démarrage des travaux. Les assureurs prennent plusieurs critères en compte pour décider d?assurer un constructeur : le domaine de travaux concernés, le produit utilisé et son domaine d?emploi et l?entreprise de travaux ainsi que les garanties de qualité qu?elle présente. Les Documents Techniques Unifiés (DTU) regroupent les règles relatives aux « domaines traditionnels », relevant de la « technique courante », qui sont en théorie systématiquement couvertes par les assurances. Les techniques de construction plus récentes sont considérées par défaut comme des « techniques non courantes », et assurées au cas par cas. Les assureurs seront plus exigeants sur la qualité des produits utilisés, ainsi que la qualité des évaluations techniques, réalisées par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) ou des bureaux de contrôles indépendants. Les systèmes faisant l?objet d?un avis technique (ATec) délivrés par le CSTB sont considérés par défaut comme des techniques courantes et sont donc normalement assurés. Toutefois, l?Agence de Qualité Construction (AQC) peut décider de passer certains systèmes sous ATec en liste rouge, et les rétrograder ainsi en technique non courantes. Les systèmes faisant l?objet d?une enquête de technique nouvelle (ETN) délivrée par un bureau de contrôle relèvent tous de la technique non courante. Depuis 2017, les techniques de pose des modules photovoltaïques sur bâtiment ont évolué, du fait de l?assouplissement des conditions d?octroi d?un soutien public. Au lieu d?être intégrés au bâti, les modules sont désormais surimposés. Cette pose d?installations intégrées au bâti a engendré de nombreuses difficultés techniques du fait de problèmes de conception des produits et du manque de compétence de certains installateurs, et a entrainé une baisse de confiance de la part des assureurs. Pour faciliter l?obtention d?une assurance RC décennale, l?obtention d?évaluations techniques est essentielle. D?après le Groupement des Métiers du Photovoltaïques de la Fédération Française du Bâtiment, les industriels faisant l?effort d?obtenir une ATec se différencient des autres fabricants qui réalisent des ETN, car cela favorise grandement l?assurabilité de leurs systèmes. Les ETN, qui représentent 80% des procédés actuels, sont réalisées par un seul expert et concernent uniquement la partie solidité. Par conséquent, elles sont moins onéreuses que les ATec, mais ne présentent pas les mêmes garanties. Certains constructeurs peuvent obtenir une assurance sans passer ni par des ATec ni par des ETN, mais les tarifs d?assurances sont plus élevés et les garanties à apporter sont nombreuses. Généralement, ils s?associent avec des installateurs connus et réalisent des chantiers test. Les petites entreprises sont donc les premières concernées par les difficultés à s?assurer. Les obligations de solarisation des bâtiments vont se renforcer peu à peu sur la prochaine décennie. Plusieurs acteurs de la filière alertent ainsi sur la nécessité de mieux former les installateurs. Une formation différente pour les électriciens et les couvreurs est nécessaire. Les défauts de mise en oeuvre engendrent des sinistres et augmentent les problématiques assurantielles. Un groupe de travail piloté par l?INES réfléchit à la mise en place d?une formation nationale. Le problème de l?assurabilité PV existe. Cependant, le GMPV-FFB estime que les difficultés ont grandement diminué sur ces cinq dernières années. Il existe une solution de recours en cas de refus d?un assureur de fournir une assurance décennale. Conformément à l?article L. 243-4 du code des assurances, le constructeur peut saisir le Bureau central de tarification (BCT). Celui-ci aura alors pour rôle de fixer le montant de la prime moyennant laquelle l'entreprise d'assurance sera tenue de garantir le risque. D?après Hespul, les installateurs ont également des difficultés à trouver des assureurs en RC et en assurance multirisque, notamment lorsqu?il s?agit d?une location de toiture (passage par un tiers). 103 Enfin, la nature de l?industrie peut augmenter cette difficulté à s?assurer : les scieries, industries textiles et déchets qui souhaitent installer des panneaux peuvent éprouver des difficultés à s?assurer. Une communication à destination des assureurs paraît nécessaire pour a minima garantir que les freins liés à l?historique du photovoltaïque sur bâtiment (et notamment à l?intégration au bâti) soient levés. 104 Annexe 4 : Banques ? Textes prévus pour la révision de la CRD L?article?76 est modifié comme suit: a)??????le paragraphe?1 est remplacé par le texte suivant: «1. Les États membres veillent à ce que l?organe de direction approuve et revoie au moins tous les deux ans les stratégies et politiques régissant la prise, la gestion, le suivi et l'atténuation des risques auxquels l'établissement est ou pourrait être exposé, y compris les risques générés par l'environnement macroéconomique dans lequel il opère, eu égard à l'état du cycle économique, et de ceux résultant des incidences ac- tuelles et à court, moyen et long termes des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance.»; b)??????au paragraphe?2, l?alinéa suivant est ajouté: «Les États membres veillent à ce que l?organe de direction mette en place des plans spécifiques et des objectifs quantifiables pour surveiller et traiter les risques découlant à court, moyen et long termes du décalage entre le modèle d?entreprise et la stratégie des établissements, d?une part, et les objectifs stratégiques pertinents de l?Union ou les grandes évolutions de la transition vers une économie durable pour ce qui est des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, d?autre part.»; Un nouvel article?87?bis?est inséré: «Article?87?bis? Risques environnementaux, sociaux et de gouvernance 1. Les autorités compétentes veillent à ce que les établissements disposent, dans le cadre de leur dispositif solide de gouvernance comprenant le cadre de gestion des risques requis au titre de l?article?74, paragraphe?1, de stratégies, de politiques, de processus et de systèmes solides permettant d'identifier, de mesurer, de gérer et de suivre les risques environnemen- taux, sociaux et de gouvernance sur des périodes adéquates de différentes longueurs. 2. Les stratégies, politiques, processus et systèmes visés au paragraphe?1 sont proportionnés à l?échelle, à la nature et à la complexité des risques environnementaux, sociaux et de gou- vernance du modèle d?entreprise et à l'étendue des activités de l?établissement, et portent sur un horizon à court terme, un horizon à moyen terme et un horizon à long terme d?au moins 10 ans. 3. Les autorités compétentes veillent à ce que les établissements testent leur capacité à ré- sister aux effets négatifs à long terme des facteurs environnementaux, sociaux et de gouver- nance, tant dans des scénarios de référence que dans des scénarios défavorables sur une période donnée, en commençant par les facteurs liés au climat. Pour les besoins des tests, les autorités compétentes veillent à ce que les établissements prévoient un certain nombre de scénarios environnementaux, sociaux et de gouvernance qui intègrent les incidences po- tentielles des changements environnementaux et sociaux et des politiques publiques con- nexes sur l?environnement économique à long terme. 4. Les autorités compétentes évaluent et suivent l?évolution des pratiques des établisse- ments en ce qui concerne leur stratégie en matière environnementale, sociale et de gouver- nance et la gestion des risques qui s?y rapportent, y compris les plans à élaborer conformé- ment à l?article 76, ainsi que les progrès accomplis et les risques liés à l?adaptation de leurs modèles d?entreprise aux objectifs stratégiques pertinents de l?Union ou aux grandes évolu- tions de la transition vers une économie durable, compte tenu de l?offre de produits liés à la durabilité, des politiques de financement de la transition, des politiques connexes d?octroi de prêts et des objectifs et limites en matière environnementale, sociale et de gouvernance. 5. L'ABE émet des orientations, conformément à l'article?16 du règlement (UE) n°?1093/2010, afin de préciser: 105 a)??????les normes minimales et les méthodes de référence pour l'identification, la mesure, la gestion et le suivi des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance; b)??????le contenu des plans à élaborer conformément à l?article?76, qui comprennent des ca- lendriers précis et des objectifs intermédiaires et des valeurs cibles quantifiables, afin de faire face aux risques découlant du décalage entre le modèle d?entreprise et la stra- tégie des établissements, d?une part, et les objectifs stratégiques pertinents de l?Union ou les grandes évolutions de la transition vers une économie durable pour ce qui est des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, d?autre part; c)??????les critères qualitatifs et quantitatifs d?évaluation de l?incidence des risques environne- mentaux, sociaux et de gouvernance sur la stabilité financière des établissements à court, moyen et long termes; d)??????les critères de définition des scénarios et des méthodes visés au paragraphe?3, y com- pris les paramètres et hypothèses à utiliser pour chacun des scénarios et des risques spécifiques. L?ABE publie ces orientations au plus tard le [OP: prière d'insérer la date correspondant à 18 mois après l?entrée en vigueur de la présente directive modificative]. L?ABE actualise régulièrement ces orienta- tions, afin de tenir compte des progrès accomplis dans la mesure et la gestion des facteurs environne- mentaux, sociaux et de gouvernance, ainsi que de l?évolution des objectifs stratégiques de l?Union en matière de durabilité ». 106 Annexe 5 : Eléments de synthèse de l?étude comparative internationale Les services économiques de huit pays (Belgique, Espagne, Etats-Unis, Japon, Nouvelle-Zélande, Pays- Bas, Royaume-Uni, Suisse) ont été sollicités dans le cadre d?un travail de parangonnage visant à apporter un éclairage sur différents modèles assurantiels de couverture des catastrophes naturelles et les pratiques de prévention des risques associés. Cette analyse s?inscrit dans le contexte des travaux menés par la mission confiée mi-2023 à trois experts portant sur l?adaptation du système assurantiel français face à l?évolution des risques climatiques. Cette synthèse dresse un état des lieux de différents modèles d?assurance des risques climatiques, en distinguant les pays ayant développé une couverture assurantielle publique (i) et ceux reposant principalement sur l?assurance privée (ii), et analyse les pratiques des acteurs assurantiels en matière de prévention de ces risques (iii). Plusieurs pays ont développé des mécanismes d?assurance publique pour la couverture des risques climatiques Dans les pays où des acteurs publics assurent directement certains risques climatiques, ces acteurs interviennent le plus en souvent en couverture complémentaire de l?assurance privée, mais peuvent également agir en substitution du marché pour couvrir un ou plusieurs risques non assurés par le marché. En Espagne, une entreprise publique, le consorcio de compensacion de seguros (CCS), intervient en tant qu?assureur en complément de l?assurance privée gérant la police de base, pour couvrir les risques extraordinaires. Le modèle suisse est fondé, selon les cantons, sur un monopole accordé un établissement cantonal d?assurance public (ECA) géré par chaque canton pour la couverture de certains aléas naturels (inondations). En Nouvelle-Zélande, un assureur public (earthquake commission - EQC) intervient à côté de mécanismes assurantiels privés pour la couverture des premières pertes liées aux catastrophes naturelles (le marché privé assurant une couverture complémentaire). La souscription d?une assurance privée est une condition d?accès à la couverture de base publique. La commission EQC bénéficie d?une garantie de l?Etat en cas de défaillance. Il est très fréquent que ces modèles d?intervention publique lient la couverture des catastrophes naturelles à la souscription d?une garantie incendie, ce qui a pour effet d?étendre le taux de couverture lorsque la garantie n?est pas obligatoire. En outre, les modèles fondés sur une offre d?assurance publique (partielle ou totale) intègrent le plus souvent une logique de groupement d?achat de capacité de réassurance sur les marchés (Union intercantonale de réassurance en Suisse, EQC en Nouvelle- Zélande). Une majorité de pays s?appuient sur des mécanismes assurantiels privés avec un encadrement public des conditions de marché ou une intervention ciblée Aux Pays-Bas, la couverture des risques climatiques est principalement assurée par des mécanismes assurantiels privés, à l?exception notable des inondations (qui concernent 70% de la population), aléa pour lequel un schéma complexe de répartition de la couverture entre le secteur privé et l?Etat est en place, en fonction de la nature du phénomène à l?origine de l?inondation. En pratique, l?Etat intervient, par voie budgétaire, en cas de tremblements de terre importants et d?inondations par eau douce. Ce schéma de partage complexe implique que l?anticipation d?un soutien public est considérée comme un frein au développement de l?assurance. Au Royaume-Uni, l?intervention publique reste limitée, à l?exception du dispositif Flood Re - fonds de réassurance à but non lucratif détenu et géré par des assureurs privés ?qui vise à faciliter l?accès à l?assurance contre les inondations des ménages modestes en proposant une garantie publique en cas d?inondations extrêmes. L?Association of British Insurers (ABI) a conclu et renouvelé une déclaration de 107 principes avec le gouvernement à travers lequel les assureurs membres de l'ABI s?engagent à assurer les propriétés présentant un risque élevé d'inondation, en contrepartie d?un engagement de l?Etat à investir dans les infrastructures de prévention ou en partageant le coût des dommages en cas de situation extrême. En Belgique, la garantie catastrophes naturelles relève exclusivement du secteur privé et est comprise dans la couverture incendie, ce qui assure sa large diffusion. La loi permet toutefois aux compagnies d?assurances de limiter le montant de l?indemnisation par sinistre climatique, qui peut être complétée par une indemnité publique complémentaire provenant de fonds publics régionaux (à l?exception des ménages à faible revenus, ce soutien public est conditionné à la souscription d?une couverture incendie). A la suite des fortes inondations survenues en 2021, ce modèle a montré des limites et est en cours de réforme (relèvement du plafond de limite d?intervention de l?assureur et analyse de solutions assurantielles alternatives). De la même manière, au Japon, les risques climatiques sont couverts essentiellement par des mécanismes de marché, à travers des garanties facultatives adossées aux contrat d?habitation/incendie. Toutefois, en cas de tremblements de terre ou de tsunami, pour les particuliers, la loi prévoit une obligation de réassurance faisant intervenir conjointement le secteur privé et public, à travers la Japan earthquake resinsurance company (JER), opérateur détenu par une dizaine d?assureurs qui retransfère une partie des risques à l?Etat selon un partage à trois étages. Aux Etats-Unis, l?assurance des risques climatiques fait l?objet d?une action limitée de l?Eta fédéral, qui intervient principalement sur certains risques d?inondations et agricoles ou lors de réponses d?urgence (via le disaster relief fund et la FEMA). Au niveau des Etats fédérés, les situations sont très variables, même si une majorité d?Etats ont mis en place des programmes fair access to insurance requirements gérés et financés par le secteur assurantiel, parfois subventionnés ou garantis par les Etats. Le programme FAIR californien, l?un des plus importants, est intégralement supporté par l?assurance privée et comporte une obligation de groupement. La Floride a de son côté déployé un système couplant une assurance publique (CPIC) pour les ménages à faibles revenus et un fonds de réassurance face aux effets des ouragans. Dans la plupart des pays étudiés, le taux de couverture de l?assurance récolte reste faible La plupart des pays étudiés ont développé des mécanismes de soutien public à l?assurance récolte. Pour autant, le taux de couverture est très inégal selon les filières (Espagne, Japon, Suisse) ou la taille des exploitations (Etats-Unis). Certains pays développent des exonérations de taxes ou des subventions à l?assurance (Pays-Bas) pour dynamiser cette couverture, d?autres ont mis en place une réassurance publique (Espagne, Japon, Etats-Unis). Aux Etats-Unis, l?Etat fédéral est historiquement très impliqué dans la couverture assurantielle et la réassurance des risques agricoles à travers le Federal crop insurance program associant le secteur privé et l?Etat, qui réglemente, subventionne, réassure et rembourse les coûts de distribution d?environ deux millions de polices d?assurance. Si le taux de couverture des terres cultivées des grandes exploitations est très large, moins de 20% des fermes possédant des terres cultivées sont assurées. La contribution assurantielle privée à la prévention des risques naturels reste très limitée De manière générale, il n?existe pas dans les pays sous revue de contribution financière des acteurs assurantiels privés à la prévention des risques naturels, les efforts étant principalement ciblés sur la sensibilisation, le développement d?outils de diagnostics et le déploiement de dispositifs d?alerte. La politique de financement et de gestion de la prévention des risques demeure largement dévolue aux autorités publiques nationales ou locales (selon les pays). Il existe une exception notable en Suisse, les ECA (assureurs publics) disposant d?un rôle direct élargi dans le financement et la gestion de la politique de prévention et d?intervention d?urgence. Ils interviennent à la fois dans la prévention collective et individuelle (aides financières, recommandations lors des dépôts de permis de construire, etc.). 108 Dans le cadre des autres pays étudiés, il n?a pas été identifié de dispositif de financement de la prévention individuelle ou collective associant l?assurance privée. Toutefois, en Californie, une réforme adoptée fin 2022 par le commissaire aux assurances impose désormais aux assureurs d?appliquer une décote sur les primes pour les assurés qui ont entrepris des mesures de prévention, parmi une liste d?actions déterminées. La Louisiane a déployé des dispositions comparables pour les assurés ayant construisent ou rénovent un bien immobilier intégrant des exigences de résistance aux ouragans. Aux Pays-Bas, l?association des assureurs a indiqué son intérêt à impliquer le secteur financier en contrepartie d?une inclusion dans les réflexions publiques sur l?aménagement du territoire. Enfin, au Royaume-Uni, l?ABI a un rôle important de plaidoyer en faveur du renforcement des financements publics pour l?adaptation face au risque d?inondation, notamment en publiant conjointement avec Flood Re des évaluations sur le rapport coût-bénéfice de la prévention, mais sans que des contributions chiffrées d?assureurs n?aient été identifiées dans ce contexte. 109 Annexe 6 : Liste des auditions menées dans le cadre de la mission Administration et institutions publiques Direction générale des outre-mer (MIOM) Olivier JACOB, directeur général Natalie WILLIAM, sous-préfète, chargée de mission auprès du DGOM Camille DAGORNE, directrice de cabinet du DGOM DG Trésor (MEFSIN) Martin LANDAIS, sous-directeur des assurances Paul CASSAVIA, adjoint au chef du bureau ASSUR2 Romain LOISEAU, adjoint au chef du bureau ASSUR2 Direction de l?habitat, de l?urbanisme et des paysages (MTECT) Antoine CARON, sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction Quentin DESLOT, chef du bureau de la qualité technique et de la réglementation technique de la construction Direction du Budget (MEFSIN) Sophie ARGENCE, adjoint à la cheffe du bureau de l'intérieur et de l'action gouvernementale Elisabeth De COUESSIN, Adjointe au chef du bureau du développement durable Léonard CROS LE LAGADEC, adjoint au chef du bureau énergie et climat (référent transversal adaptation) Direction générale de l?énergie et du climat (MTECT) Marie CARREGA, cheffe du bureau adaptation Direction générale de la prévention des risques (MTECT) Cédric BOURILLET, délégué aux risques majeurs Véronique LEHIDEUX, chef du service des risques naturels Mission sur le risque RGA Vincent LEDOUX, député du Nord Sylvie BANOUN, IGEDD Benoit CHATARD, IGA Louis-Alexis LUCHTENBERG, chargé de mission, cabinet MIOM Mission sur le financement du recul du trait de côte Marie-Luce BOUSSETON, Inspectrice, IGA Jean-François LANDEL, Inspecteur, IGEDD Organismes publics de recherche BRGM Gilles GRANDJEAN, directeur du programme Risques Naturels Sébastien GOURDIER, responsable de l?unité Risques Instabilités Gravitaires et érosion des versants et des sols) CEREMA Pascal BERTEAUD, directeur général Anabelle FERRY, directrice Territoires et villes Yann DENIAUD, responsable du secteur des risques naturels Eric MOULINE, directeur technique infrastructures de transports et matériaux INERIS Nathalie HOMOBONO, présidente du conseil d'administration INRAE Alban THOMAS, Directeur de recherche Marielle BRUNETTE, Directrice de recherche Institut Paris Région Ludovic FAYTRE, Responsable Etudes "Risques majeurs - Aménagement", Département Environnement IRSN HERVIOU Karine, directrice générale adjointe, chargée de la sécurité nucléaire Claire-Marie Duluc Cheffe du Service de caractérisation des sites et des aléas naturels Météo-France Patrick JOSSE, directeur de la Climatologie Benoit THOME, directeur des Relations Institutionnelles Université de Strasbourg Sandrine SPAETER-LOEHRER, Professeur 110 Entreprises d?assurance, de réassurance et écosystème assurantiel ACPR Patrick MONTAGNER, Premier Secrétaire général adjoint Cyrille AMAND, adjoint au directeur des affaires internationales Lisa BIERMANN, adjointe au directeur des affaires internationales (pôle finance durable) Anne-Lise BONTEMPS-CHANEL, Directrice adjointe à la 2ème Direction du contrôle assurance Sacha HOFFMAN, adjoint au directeur des affaires internationales (pôle finance durable) Yann MARIN, adjoint au directeur des affaires internationales Pascal VICTOR-BELIN, Responsable du service des affaires internationales AEMA Xavier MICHEL, Directeur des affaires publiques Christophe VALERO, Directeur réassurance groupe Benjamin VOSSEY, Directeur performance opérationnelle indemnisation IARD Christian DE BOISSIEU, Directeur général Abeille IARD & santé AON FRANCE Emmanuel LE FLOC?H, DG Reinsurance Solutions AGEA Pascal CHAPELON, président Grégoire DUPONT, directeur général Julien ARNOULT, Responsable des études et des relations institutionnelles Thomas ALVAREZ, chargé d?études et de relations institutionnelles Assurances du Crédit Mutuel (ACM) Pierre REICHERT, président du directoire AXA France Guillaume BORIE, DG AXA France Matthieu GODART, DG AXA IARD et partenariats Hubert MARCK, sous-directeur affaires publiques d?AXA France Etienne LACOURT, directeur de la stratégie Caisse Centrale de Réassurance (CCR) Edouard VIEILLEFOND, Directeur général Antoine QUANTIN, Directeur de la réassurance publique Thierry COHIGNAC, Directeur Adjoint Réassurances et Fonds Publics Nicolas BAUDUCEAU, Directeur des fonds publics et de la prévention Comité des Assureurs Antilles-Guyane Cédric VALES, président Comité des assureurs Réunion ? Mayotte Ensemble des représentants du comité COVEA Valérie COHEN, DG Offres services groupe Stéphane COSSE, Directeur des affaires publiques Charles DUMARTINET, responsable risques majeurs Xavier GUEGUEN, responsable du suivi économique activité non vie, chargé de l?équipe de modélisation climat Odile LASTERNAS-BRECY, Directrice marché entreprises MMA Olivier LE BORGNE, DG investissements Romain MARTEAU, expert cat modelling Aude MESSIN, directrice de la transformation finance et durabilité Ann STEENACKER, Directrice programmes transformation IARD Crédit Agricole Assurances (Pacifica) Guillaume ORECKIN, directeur général, DGD de Crédit agricole assurances Antoine JOLIVEL, Secrétaire général Yann RENAUT, DGA Virginie SALAUN, directrice fonction gestion actuarielle EIOPA Casper CHRISTOPHERSEN, Studies & Statistics Team Leader, Risks and Financial Stability Department Marie SHOLER, senior expert in Policy Sustainable Finance Luisa MAZZOTTA, expert on Risk and Financial Stability Kumar HRADAYESH, Financial stability expert Generali Jean-Laurent GRANIER, P-DG France et activités globales GCC, Europ Assistance et corporate benefits Jean-Louis CHARLUTEAU, directeur de la réassurance et du Generali climate lab Stéphane FANG, Chief actuary, directeur technique IARD et Vie, prévoyance santé et data Elise GINIOUX, directrice RSE, communication, affaires publiques mailto:Casper.Christophersen@eiopa.europa.eu https://de.linkedin.com/in/luisa-mazzotta-37462093/en https://de.linkedin.com/in/luisa-mazzotta-37462093/en 111 Groupama Thierry MARTEL, Directeur général Pierre LACOSTE, Directeur en charge de la réassurance Jérôme NARBONNE, Directeur des affaires publiques Guy Carpenter France (Marsh McLennan) Christophe GAUDRON, Directeur général France Jumasavi Julien MOREL, directeur général MAIF /SMACL Pascal DEMURGER, Directeur général Hélène N?DIAYE, DGA en charge de l'Assurance de Personnes, des Investissements, de l'Actuariat et de la Data Patrick BLANCHARD, DGA en charge du BtoB et DG de SMACL Assurances SA Thierry BIARDEAU, Directeur technique assurance Stéphane TISSERAND, Responsable des Affaires publiques MATMUT Stéphane MULLER, Directeur Assurance IARD Particuliers et Entreprises Emeric BELLANGER, Directeur Technique Indemnisation et Tarification Philippe MARAVAL, Directeur Supports Indemnisation et risques opérationnels Munich Re Michel RANISE, Directeur général France Predict services Alix ROUMAGNAC, président RMS (Moody?s) Laurent MARESCOT, Senior Director, Market and Product Expert EMEA / CIS Katarina MARIE, responsable clientèle Jean-Clément HARDOUIN, Moody?s analytics RMS Marc BAJONGA, relationship manager Government SCOR Romain LAUNAY, Deputy CEO Scor P&C Henri BOVY, Accumulation Team Property Lead (responsable souscription et modelling CatNat Monde) Yves DOMMERGUES, directeur de marché France Benelux SCOR P&C (représentant à la commission CatNat de l?APREF) SMA-BTP Pierre ESBARBES, Président-Directeur général Swiss Re Walter ERAUD, directeur général France Arthur DUTEL, directeur P&C reinsurance, Swiss Re (VP comité non-vie et président de la commission CAT de l?APREF) Zurich Insurance Benedicte CONSTANS, directrice de la communication et des affaires publiques France Matt HOLMES, Group head of political and government affairs Danaelle LE MAO, Responsable Ingénierie Prévention (France) Amar RAHMAN, Global Head of Zurich Risk Engineering Denis STASINSKI, chief underwriting officer, Zurich France Associations, société civile, experts Association française de prévention des risques naturels majeurs (AFPCNT) Christian KERT, président Anne-Marie LEVRAUT, vice-présidente Ghislaine VERRHIEST-LEBLANC, directrice générale Association nationale des élus des bassins Catherine GREMILLET, directrice Bruno FOREL, co-Président Frederic MOLOSSI, Président Ateliers du Futur Bernard BLEZ, Expert énergie Noel LEGER, Secrétaire général, expert réglementation internationale Association des Maires de France Sébastien LEROY, Maire de Mandelieu-La Napoule, VP de l?agglomération Cannes Lérins Eric MENASSI, maire de Trèbes, président de l?association des Maires de l?Aude, VP de Carcassonne Agglo Stéphanie BIDAULT, chargée risques et crise Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) Fanny ARAV, économiste et urbaniste François-Xavier BRUNET, agent général d?assurance, Vice-Président de CCI France Isabelle HUYNH, administratrice (Section de l'économie et des finances) 112 France Digues Périnne BROUST, Directrice Haut Conseil pour le Climat (HCC) Corinne LE QUERE, Présidente, climatologue, auteure de trois rapports de synthèse du GIEC Valérie MASSON-DELMOTTE, chercheuse en sciences du climat, co-présidente du groupe de travail sur les bases physiques du changement climatique du GIEC Sylvain MONDON, Directeur adjoint, spécialiste de l'adaptation Institut pour la Maitrise des Risques (IMdR) Yves MERIAN, Vice-Président I4CE Benoit LEGUET, directeur général Anuschka HILKE, directrice de programme Règlementation financière, Financement du développement Vivian DEPOUES, chercheur sénior en adaptation au changement climatique Reclaim Finance Antoine LAURENT, responsable plaidoyer Ariel LE BOURDONNEC, chargé de campagne Shift Project Genevieve FERONE, Vice-Présidente, fondatrice d?une société de conseil en stratégie post-croissance Michel LEPETIT, Vice-Président, ancien cadre dans le secteur assurantiel et bancaire Nathalie LIMENTOUR, responsable des affaires publiques des shifters (bénévole) UNALCI Josiane JANISSET, Présidente Fédérations, organisations professionnelles AMRAE Hubert de l?ESTOILE, Délégué général Michel JOSSET, Directeur Assurances Prévention et Immobilier FORVIA (membre du CA et président de la Commission Prévention et Dommages de l?AMRAE) APREF Nicolas BOUDIAS, Délégué général Dominique LAURE, DGA Liberty mutual Re (membre du CODIR de l?APREF) Confédération paysanne Amandine MALLANTS, chef d?exploitation, comité Confédération Paysanne de l'Hérault Nicolas LE BOEDEC, animateur chargé de la. Commission OGM-Semences Thomas GIBERT, porte-parole de la confédération paysanne en Haute-Vienne France Assureurs / Mission Risques Naturels Franck LE VALLOIS, directeur général Christophe DELCAMP, directeur des assurances de dommages et responsabilité Anne-Sophie ROUSSEL-TRUFFY, Responsable risque habitation & Outre-mer Sarah GERIN, directrice de la MRN Viviane MITRACHE, Directrice des affaires publiques France Christian PIEROTTI, Director, of Public Affairs, European and International Affairs (président du groupe « Risque climatique » au GFIA) Emilie BEL, Deputy to the Public Affairs Director - Head of International Affairs Fédération Française du Bâtiment (FFB) Valery LAURENT, chef du service normalisation et rapporteur de la commission technique Sarah LESPINASSE, chef du service Assurances (direction juridique et fiscale) Julien SERRI, Pôle habitat, délégué national aux affaires techniques (constructeurs et promoteurs) Didier VALEM, Directeur des affaires techniques, chef de service qualité-construction, Fédération des sociétés d?expertise (FSE) /Compagnie des experts agréés (CEA) Olivier BONIFACE, Président de la CEA Lionel LAFFIN, expert CRAC Emmanuel VILLETTE, Président de la FSE AFB EXPERTISE Franck BECHADE, ingénieur expert FNSEA Franck LABORDE, membre du bureau de la FNSEA, président de la commission des risques climatiques et sanitaires, président de l?AGPM Laurent WOLTZ, chef du service juridique, en charge du suivi des risques en agriculture 113 Annexe 7 : Bibliographie indicative Ribes, A., Boé, J., Qasmi, S., Dubuisson, B., Douville, H., & Terray, L. (2022). An updated assessment of past and future warming over France based on a regional observational constraint. Earth System Dynamics, 13(4), 1397-1415 Battaglioli, F., Groenemeijer, P., Púcik, T., Taszarek, M., Ulbrich, U., & Rust, H. (2023). Modelled multidecadal trends of lightning and (very) large hail in Europe and North America (1950?2021). Journal of Applied Meteorology and Climatology. CCR, 2023: Conséquences du Changement Climatique sur le coût des catastrophes naturelles en France à Horizon 2050 https://www.ccr.fr/fr/-/etude-climat-ccr-2023 Covéa, 2022 : Changement climatique & Assurance : Quelles conséquences sur la sinistralité à horizon 2050 ? https://www.covea.com/sites/default/files/2023- 11/202202_Livre_Blanc_Cov%c3%a9a_Risques_Climatiques.pdf GIEC ? tous les rapports sont accessibles sur www.ipcc.ch France Assureurs, 2022 : Fédération Française des Assurances: Impacts du Changement Climatique sur les assurances à l?horizon 2050 https://www.franceassureurs.fr/wp- content/uploads/2022/09/vf_france-assureurs_impact-du-changement-climatique-2050.pdf Le Cozannet, G., Nicholls, R. J., Durand, G., Slangen, A., Lincke, D., & Chapuis, A. (2023). Adaptation to multi-meter sea-level rise should start now. Environmental Research Letters, 18(9). Raupach, T. H., Martius, O., Allen, J. T., Kunz, M., Lasher-Trapp, S., Mohr, S., ... & Zhang, Q. (2021). 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Sur ce sujet, les projections climatiques sont contrastées en ce qui concerne les précipitations, mais le signal concernant l?évapotranspiration est clair : l?élévation des températures aura pour conséquence une augmentation de l?évapotranspiration, favorisant les sécheresses hydrologiques, agricoles et écologiques en France métropolitaine et les régions insulaires d?outre-mer. Par ailleurs, l?analyse des documents et les auditions font ressortir qu?un événement déclencheur d?éventuels points de non-retour serait une sécheresse prolongée, pluriannuelle, au cours de laquelle les précipitations hivernales ne suffiraient pas à recharger les nappes et les réservoirs, compromettant l?accès à l?eau l?été suivant. En France métropolitaine l?impact du changement climatique a été évalué dans le cadre des projets Explore 2070, et sera à nouveau évalué dans le cadre du projet Explore 2, qui a vocation à fournir des données pour l?aide à l?adaptation. Le projet Explore 2070 présentait déjà des projections particulièrement préoccupantes, avec par exemple des baisses de la recharge des nappes de 30 à 50% dans le Sud-Ouest de la France et des baisses de niveaux piézométriques de l?ordre de 10m sur les plateaux du fait du forçage climatique seul, c?est-à-dire sans prise en compte de l?augmentation des besoins en irrigation (Explore 2070). Pour l?assurance récolte, deux types d?événements sont susceptibles de causer des difficultés majeures: - une sécheresse pluriannuelle, correspondant à un événement de type 2022 mais sur une durée de plusieurs années. Ce type d?événement est actuellement bien considéré dans les stress tests de l?Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) sur une durée de 3 ans. - une sécheresse pluriannuelle combinée avec d?autres événements (ravageurs, pathogènes, incendies de forêts, baisses ou hausses de prix), eux-mêmes induits par le changement climatique ou d?autres facteurs. Ce type d?événement n?est actuellement pas considéré dans les stress tests de l?ACPR. Les auditions ont montré que leurs conséquences peuvent être beaucoup plus importantes que la seule somme des effets de chacun de ces événements pris séparément. Caractériser les effets de ces risques composites pour l?assurance récolte nécessiterait des développements en modélisation. Concernant les risques de feux de forêts, les périodes favorables aux feux de forêts se sont allongées en Europe de l?Ouest (GIEC, 2022). La littérature scientifique disponible pour l?élaboration du rapport ne faisait pas état d?une augmentation des surfaces brulées, notamment en raison de l?amélioration des mesures de lutte contre les incendies. Néanmoins les conditions continueront à devenir de plus en plus propices aux feux de forêts, et la zone géographique concernée s?étend, y compris dans des régions où les services de lutte contre les incendies de forêt sont moins développés. En France métropolitaine, la majeure partie des produits d?assurance concerne le sud-ouest. L?augmentation prévisible des feux de forêts causera des difficultés pour les produits assurantiels concernés et pour la gestion des forêts exposées. 1.3. ? Le changement climatique implique une dérive des coûts des sinistres, estimée autour de 1% pour le régime CatNat jusqu?à 2050 1.3.1. Implications sur les coûts des sinistres, le régime d?indemnisation des catastrophes naturelles et les stratégies de modélisation Les implications pour les coûts des sinistres, sur la base des études de la CCR, de Covéa, de France Assureurs, de l?étude PESETA IV du Joint Research Center et d?études présentées dans le rapport du GIEC sont présentées dans le tableau X.1. Qualitativement, ces différentes études sont cohérentes entre elles en termes de direction des changements (augmentation ou stabilité des coûts des sinistres) et attribution des causes (changement climatique, exposition et vulnérabilité). Ce résumé montre qu?il faut anticiper une hausse importante des coûts des sinistres. Quantitativement, les estimations varient selon les études, avec par exemple des estimations qui varient d?un facteur 2 à un facteur 10 pour les submersions marines. Cette hausse des coûts impliquera une hausse de la charge au titre des catastrophes naturelles (Table 3). L?estimation de cette évolution des coûts selon la CCR permet d'évaluer le taux annuel de hausse de la surprime CatNat pour maintenir l?équilibre du régime jusqu?à 2050 à des niveaux situés entre 1,29% et 2,07%. Sur cette hausse annuelle, entre 0,80% et 1,62% sont attribuables aux effets du changement climatique. Cette estimation nous semble conservatrice, les estimations de la CCR de 2023 se situant dans la fourchette basse pour les submersions marines et les inondations. Synthèse de l?estimation de la hausse projetée de la sinistralité à 2050 (Table 3) Nature de l?aléa Sinistralité en 2000 Sinistralité en 2020 Evolution en 2020 par rapport à 2000 Evolution estimée en 2050 par rapport à 2020 (2°C) Evolution en 2050 par rapport à 2020 (2,5°) Sécheresses géotechniques 466M¤ 726M¤ 56%3 59%5 190%1 Inondations 943M¤ 979M¤ 4%2 43%4 27%4 Submersions marines 61M¤ 68M¤ 11%3 113%1 109%1 Tous périls CatNat (y-compris séismes et cyclones) 1757M¤ 2078M¤ 18%3 47%5 85%1 Taux annuel de hausse (tous périls CatNat) - - - 1,29% 2,07% Taux annuel de hausse lié à l?aléa seul (tous périls CatNat) - - - 0,80% (pour une hausse attribuée au changement climatique de 27% en 2050 par rapport à 2020) 1,62% (pour une hausse attribuée au changement climatique de 62% en 2050 par rapport à 2020) Source : données CCR, 2023 ? millions d?Euros Constants 2022 Attribution des évolutions selon l?étude CCR 2023: 1: Augmentation due principalement au changement climatique 2: Augmentation due principalement aux effets des réformes 3: Augmentation due au changement climatique et à l'effet des réformes 4: Augmentation due au changement climatique et à l?augmentation de l?exposition et de la vulnérabilité 5: Augmentation due au changement climatique et à l?augmentation de l?exposition et de la vulnérabilité, et à l?effet des réformes 36 1.3.2. Il existe des opportunités pour améliorer la modélisation des risques Les deux sections précédentes ont examiné les périls climatiques les plus significatifs pour le secteur assurantiel français. D?autres périls sont favorisés par le changement climatique, tels que les incendies de forêt ou des mouvements de terrain ou des effondrements de cavités dans certains secteurs exposés aux inondations. De manière globale, la mission a relevé trois catégories de limites des modèles utilisés par assureurs et réassureurs s?agissant de la sinistralité climatique : Des limites liées à la qualité des données : ? L?Incomplétude des données d?exposition, de vulnérabilité, de dommages en nature et sur une amplitude temporelle ; ? les limites de connaissance des caractéristiques du bâti à l?adresse, qui sont déterminantes pour l?évaluation de sa vulnérabilité (âge, existence d?un sous-sol, nature des fondations, etc.) ? les limites de résolution : selon les aléas, les modèles ont des granularités très variables, qui peuvent aller de la maille infra-communale pour les inondations (résolution entre 5 et 100 m) à la maille cantonale pour d?autres périls (pour le modèle RGA, le découpage du territoire hexagonal s?effectue en mailles géographiques de 8 km de côté, issues du modèle hydrométéorologue Safran-Isba-Modcou) ? L?Incomplétude des données relatives aux mesures de prévention collective mises en place par les collectivités, leur calendrier et leurs effets sur les risques. Des limites liées aux outils de modélisation de chaque péril ? l?incertitude liée au nombre relativement faible de sinistres graves servant à calibrer la partie extrême des lois relatives au cout des sinistres, ? l?incertitude sur les hypothèses de dérive climatique (dites incertitudes sur la connaissance) ? les limites des algorithmes : les formes et pratiques de croisement (ex. agrégation) des données issues des bases de données et celles issues de modélisation, les modalités de gestion de la complexité algorithmique et des temps de convergence par exemple. Des limites liées à la frontière du système Cat Nat / hors Cat Nat : ? les modèles sont influencés par les évolutions de nature décisionnelle (réglementaire, politique, etc.) pour les aléas couverts par le régime Cat Nat, telles que les évolutions réglementaires sur les critères de reconnaissance, l?effet « politique » lié à la connaissance du régime par les communes (qui influence le taux de déclaration et le coût des dommages indemnisés), etc. ? la couverture par le régime CatNat des tempêtes tropicales, ouragans et évènements cycloniques dans les DOM implique la nécessité que les modèles puissent distinguer les évènements susceptibles d?être couverts par une couverture de réassurance privée et ceux relevant du régime CatNat (selon des modalités encadrées par la loi, art. L. 122-7 du code des assurances). Le secteur de l?assurance et la réassurance est plutôt en avance par rapport à de nombreux autres secteurs en termes d?utilisation de modélisations climatiques, mais les investissements sont très variables selon les acteurs, la réassurance, publique notamment, restant l?utilisatrice la plus avancée de modèles de bonne qualité. Néanmoins, il existe des opportunités pour maîtriser ou mieux comprendre les incertitudes des modèles (cf. Table 2). Les développements de modèles haute résolution pour la grêle, les précipitations intenses et les cyclones, le développement de nouveaux indicateurs pour les sécheresses géotechniques, devraient permettre d?améliorer les estimations des risques à moyen terme (quelques années). Des collaborations sont déjà en cours. En revanche, les 37 progrès potentiels sur les estimations des submersions marines et des inondations par débordement sont limités par la résolution des modèles d?impacts, par les temps de calcul des modèles de submersion les plus précis et par les limites de la scénarisation de l?adaptation dans les modèles d?impacts. Dans ce domaine, c?est à plus long terme (au moins 10 ans) que des progrès pourraient voir le jour, via des collaborations avec les projets de recherche nationaux et européens du domaine. A court terme, une amélioration consisterait à présenter les simulations de coût avec leur incertitude statistique, en propageant par exemple les incertitudes des variables d?entrée dans les modèles. A plus long terme, des modèles d?impacts à plus haute résolution et prenant en compte l?adaptation amélioreraient la confiance dans la modélisation des submersions marines et les inondations. Une autre amélioration pourrait consister à utiliser plusieurs scénarios d?évolution des enjeux exposés, en utilisant par exemple les Socio-Economic Pathways 1 à 5. Lorsque les effets du changement climatique concernent des événements relativement rares (submersions marines, cyclones, sécheresses pluriannuelles et dans une certaine mesure inondations), il est à la fois difficile de confirmer, via des observations, les tendances modélisées ou anticipées d?augmentation des couts. En revanche, le risque qu?un événement unique extrêmement couteux survienne à n?importe quel moment existe bel et bien. Pour tous ces risques, la recommandation des experts du climat est de réaliser des tests de résistance. Pour l?assurance récolte, ce type de test de résistance existe déjà avec l?hypothèse d?une sécheresse de 3 ans dans les tests de l?ACPR. 1.3.3. Les interactions entre risques climatiques sont un facteur supplémentaire d?augmentation des coûts des sinistres Les interactions entre risques climatiques et non climatiques peuvent conduire à aggraver les coûts des catastrophes naturelles. Par exemple, dans le domaine de l?agriculture, le changement climatique augmente les risques pour la santé lors des canicules, peut causer des pertes de services écosystémiques et favoriser les ravageurs et les pathogènes sans que ces pertes ne soient nécessairement couvertes par le système assurantiel. Dans le domaine des inondations, le rapport du groupe 2 du GIEC présente des évidences émergentes que les pertes indirectes peuvent représenter jusqu?à 5 fois les pertes directes d?un événement de submersion marine ou d?inondation continentale vers 2100 en cas de faible adaptation et de réchauffement climatique élevé (supérieur à 3°C en 2100). D?une manière générale, les impacts sont mal quantifiés sur tout ce qui concerne les conséquences du changement climatique pour la santé humaine, les écosystèmes et les services associés. Dans ces domaines, des limites à l?adaptation sont parfois déjà atteintes ou proches d?être atteintes. Les effets des risques combinés et en cascade sont toujours plus importants que la somme de chaque risque pris isolément. Les coûts des sinistres présentés dans ce rapport constituent donc vraisemblablement une estimation basse. 1.3.4. Des efforts de recherche et de développement permettront de mieux quantifier les bénéfices de l?adaptation et les effets négatifs des pratiques mal-adaptatives Le coût des sinistres futurs dépendra non seulement du changement climatique, mais aussi de l?adaptation qui sera mise en oeuvre. Cette adaptation pourra modérer l?aléa (protection), la vulnérabilité (accommodation) ou l?exposition (relocalisation d?enjeu). Elle pourra aussi dans certains cas aggraver les risques (pratiques mal adaptatives), par exemple sur la question de la gestion quantitative et qualitative de l?eau. Aujourd?hui les outils de modélisation ne considèrent l?adaptation que de manière très simplifiée au mieux. Un intérêt d?intégrer davantage l?adaptation dans les modèles serait d?identifier ses bénéfices éventuels et de promouvoir les réponses d?adaptation en conséquence. Ceci nécessitera des efforts en recherche et développement, qui sont aujourd?hui seulement partiellement financés et financés. 38 1.3.5 Des points de bascule climatiques ou sociétaux peuvent être franchis. Les conséquences d?un tel scénario pour l?assurance ne sont pas caractérisées de manière suffisante. Les projections utilisées dans le domaine de l?assurance ne prennent pas en compte les points de bascule climatique, et encore moins dans les sociétés. Le rapport du GIEC donne quelques clés à cet égard, notamment dans les chapitres 16 à 18 du groupe 2. Les points de bascule climatiques sont les mieux caractérisés : ils concernent par exemple une initiation de l?effondrement de l?Antarctique, des dépérissements de forêts ou la circulation méridienne de retournement atlantique (AMOC). Ceux concernant la société concernent notamment un effondrement des services sociaux, de l?économie, des conflits sociaux, intra-Etats et inter-Etats. Tous ces points de bascule sont d?autant plus à risque d?être dépassés que le niveau de réchauffement sera élevé. S?ils venaient à être dépassés, les conséquences pour la société seraient telles que l?on peut se demander dans quelle mesure quel rôle jouerait l?assurance des biens au sein des mesures trans-sectorielles d?adaptation. Dans ce domaine, l?urgence serait de mieux comprendre les risques associés, en poursuivant par exemple les travaux effectués sur la question de l?élévation du niveau de la mer dans un contexte d?effondrement de l?Antarctique de l?Ouest. 39 CHAPITRE 2. ADAPTER LE SYSTEME ASSURANTIEL FACE AUX RISQUES PHYSIQUES POSES PAR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE 2.1. ? Le système assurantiel français fait coexister des modèles de liberté de marché et un Régime encadré par l?État À l?échelle internationale, deux grands modèles d?assurance existent en matière de risques climatiques, qui peuvent cohabiter en fonction des spécificités nationales : i) un modèle fondé sur la liberté de marché, dans lequel la concurrence entre acteurs privés est la principale force d?influence des équilibres d?offre et de demande, qui se traduit par une liberté de souscription de l?assuré, une tarification des risques en fonction de l?exposition et un signal-prix qui crée une incitation forte à la prévention et à la protection. En corollaire, ce modèle présente plusieurs inconvénients importants : - la fixation de primes et franchises strictement techniques pour les risques surexposés, pouvant dépasser la capacité économique de certains ménages ou professionnels et générer un phénomène de non-assurance ; - une instabilité de l?offre en cas d?incertitude excessive sur les modèles liée au changement climatique ou à l?antisélection des risques pesant sur les besoins en capital ; - une intervention fréquente des Etats en dernier ressort, soit pour subventionner l?offre, soit pour solvabiliser la demande et/ou l?offre, soit en soutien post-crise (par exemple en Allemagne après les inondations en 2021). L?augmentation de l?intensité et de la fréquence des aléas climatiques a montré les limites d?un système fondé sur la liberté de marché. Aux Etats-Unis, le cadre assurantiel très fragmenté selon les Etats fédérés et l?action très limitée de l?Etat fédéral (hors assurances récolte et inondations) se traduit par des difficultés croissantes d?assurabilité face aux catastrophes naturelles, auxquels les Etats ont répondu récemment par des lois visant à subventionner l?offre et/ou la demande assurantielle (notamment dans le cadre des programmes « Fair Access to Insurance Requirements »). ii) un modèle fondé sur l?encadrement par l?État des conditions d?exercice du marché, à travers des obligations d?assurance, un contrôle de la tarification et des ressources en réassurance/capital. Ce modèle présente l?avantage de mutualiser, au moins en partie, le niveau de primes pour rendre l?assurance accessible dans les zones les plus exposées aux aléas, et apporte une bonne stabilité de l?offre. En revanche, l?absence d?incitations limite les efforts de prévention (sauf à développer des incitations ou obligations réglementaires non fondées sur un signal-prix), expose les acteurs publics et se traduit par la fixation de primes minimales obligatoires pour les risques faiblement exposés. Le système assurantiel français fait coexister ces deux modèles : - le régime d?assurance récolte, réformé au 1er janvier 2023, est fondé sur le principe de marché (pas d?obligation d?assurances et liberté tarifaire), adossé à un mécanisme de soutien public important pour subventionner la demande. - le cadre d?indemnisation des tempêtes (non tropicales), des évènements grêligènes et de neige est également régi par les équilibres de marché, avec toutefois des obligations d?assurance en multirisques habitation pour certaines catégories d?assurés. 40 - l?indemnisation des conséquences des catastrophes naturelles est largement encadré par l?Etat, qui apporte en corollaire une offre de réassurance publique permettant une couverture large des périls climatiques adossée à une garantie illimitée de l?Etat. La réforme récente du régime d?assurances récolte doit s?achever sur la création d?un pool de co- assurance en cours de négociation. Nos auditions ont montré une satisfaction globale sur la réforme de 2023 et une forte hausse des souscriptions, témoignant d?une appétence accrue du marché. Faciliter davantage l?accès à cette assurance des producteurs les plus exposés, orienter les subventions relatives aux primes de manière cohérente avec les stratégies d?atténuation et d?adaptation nécessiterait des entorses à la règlementation européenne sur les modalités de subvention de cette assurance qui ne semblent pas envisageables à court terme. Dans ce contexte, et compte tenu de la priorité donnée à un meilleur équipement de la ferme France, la mission ne s?estime pas en mesure d?émettre de recommandation utile. L?assurance des tempêtes (non tropicales), des évènements grêligènes et de neige est une extension obligatoire de la garantie incendie au sein des contrats de particuliers comme de professionnels et de collectivités. Les questionnaires et auditions n?ont pas relevé de dysfonctionnement de marché, le vent et la neige étant des aléas largement diversifiés géographiquement. L?année 2022 a enregistré un évènement extrême en matière de grêle, qui a conduit l?ensemble des acteurs à réviser leurs modèles actuariels relatifs à cet aléa. Les réassureurs ont tenu compte de cette incertitude supplémentaire en 2023 en relevant leurs primes et seuils d?intervention à ce titre. Il nous semble prématuré de tirer d?une série aussi courte des conclusions sur l?assurabilité de ce péril grêle spécifique. Le régime français d?indemnisation des catastrophes naturelles se distingue clairement au niveau mondial 2 par l?efficacité de sa couverture, en termes géographique (Métropole et DOM), d?aléas, d?acteurs économiques, de pertes et dommages (sauf aux récoltes). Cette quasi-universalité apporte une contribution essentielle à la capacité d?adaptation de la France au réchauffement climatique, mais elle crée une grande complexité dans la gestion du risque par les assureurs et réassureurs, au premier rang desquels la CCR. A leur variété s?ajoute en effet une concentration géographique extrême et des dynamiques liées au changement climatique contrastées. La réassurance publique des risques liés aux catastrophes naturelles est devenue un quasi-monopole dans un contexte de durcissement durable du marché privé de la réassurance en 2023. Le retrait de la plupart des réassureurs privés des couvertures Cat Nat en sous-jacent de la CCR et la hausse de tarification des couvertures climatiques hors du régime Cat Nat est considéré comme étant un phénomène pérenne. Le durcissement des conditions d?accès au capital et de renforcement des exigences des agence de notation sur les points d?attachement se traduit par une aversion des réassureurs à proposer des couvertures sur des risques de fréquence (période de retour inférieure à 10 ans). Pour gérer les risques afférents à ces différents régimes, le système assurantiel français développe et utilise des approches actuarielles de plus en plus sophistiquées. 2 Rapport sénatorial de législation comparée « Les systèmes d?indemnisation des catastrophes naturelles », octobre 2017 41 2.2. ? État des lieux des modèles actuariels et des politiques de souscription d?assureurs du marché français de l?assurance de dommages aux biens Toute activité de transfert de risque en contrepartie d?une prime fixée d?avance exige d?en connaitre les caractéristiques-clé dont : - la moyenne, c?est-à-dire l?espérance mathématique de la charge découlant de la réalisation de ce risque, - la volatilité, pour appréhender le risque d?écartement par rapport à cette charge moyenne et dimensionner ainsi les fonds propres amortisseurs nécessaires pour rester solvable même dans les scénarios très adverses. Ce qui est dans l?intérêt d?une part, des assurés qui traitent alors avec une contrepartie solvable, et d?autre part des assureurs qui se forgent ainsi une réputation de solidité attrayante. Pour caractériser ainsi la sinistralité annuelle d?un péril, il est donc nécessaire de disposer d?une modélisation de cette variable aléatoire. Cette modélisation requiert des outils et des équipes dédiés de développement d?une part, de contrôle d?autre part. Conformément à notre lettre de mission, un état des lieux a été élaboré à travers l?audition de représentants des directions exécutives en France de treize sociétés d?assurance, en tenant compte de leur représentativité (part de marché), de leur profil (acteurs mutualistes, bancassureurs, sociétés anonymes) et de leurs spécificités de positionnement (présence significative dans les DOM, sur le marché agricole, l?assurance des collectivités et l?assurance construction). Chaque société auditionnée a également accepté de répondre de manière confidentielle à un questionnaire détaillé comportant 26 questions portant sur i) les politiques assurantielles de souscription et d?investissement de transition, ii) les actions entreprises en matière d?adaptation (prévention, protection) et iii) les travaux et outils de modélisation utilisés et développés en interne. En complément, des auditions collectives des acteurs assurantiels présents dans les zones ultramarines ont été organisées, respectivement avec le comité des Assureurs Antilles-Guyane et Réunion-Mayotte. Afin d?affiner la précision des informations relatives aux outils de modélisation actuarielle utilisés par le marché assurantiel, la mission a également organisé plusieurs ateliers avec les équipes de modélisation de la Caisse centrale de réassurance (CCR). Ces ateliers ont été complétés par des auditions ciblées d?acteurs de la réassurance privée, de fournisseurs de modèles de risques climatiques et de courtiers spécialisés dans les grands risques et la réassurance. La mission a également organisé une audition avec la direction de la climatologie de Météo-France et plusieurs spécialistes en sciences du climat (HCC, I4CE). 2.2.1. Les deux grandes approches actuarielles de modélisation des risques climatiques L?approche actuarielle la plus simple est celle des modèles dits « à l?expérience » : à partir de l?historique sur plusieurs années de la sinistralité observée sur des portefeuilles de contrats, sont calibrées des lois de probabilité permettant de modéliser la fréquence et le coût unitaire des sinistres. Une analyse de tendance des coûts moyens et de l?environnement guide la pente d?inflation annuelle à prendre en compte. Ces lois et ces paramètres d?inflation permettent de cerner la moyenne et la volatilité attendues de la charge annuelle de sinistres. L?avantage de cette méthode est sa simplicité, donc un faible coût de développement et d?actualisation. Son inconvénient est que l?historique disponible est généralement sur des séquences temporelles trop restreintes et hétérogènes pour fournir un large échantillon de sinistres extrêmes. Or, même associés à de faibles fréquences, ces sinistres très graves influencent significativement la moyenne et la volatilité 42 globale. Par ailleurs, basée sur le passé, cette méthode n?intègre pas par nature et de manière explicite certains paramètres comme le réchauffement climatique, l?évolution de l?exposition, ce qui exige des retraitements pouvant introduire des risques de modèle additionnels. L?alternative actuarielle est celle des modèles stochastiques, basés sur des données autres que la sinistralité rétrospective (par exemple des indicateurs climatiques pouvant eux-mêmes résulter de modèles climatiques prospectifs globaux ou régionaux, couplés à des modèles de destruction des biens en fonction de la nature et de l?intensité de l?aléa climatique). Ces modèles sont calibrés notamment par backtesting, consistant à comparer la pertinence des données de sortie d'une modélisation à des données historiques réelles de sinistralité. Ils s?appuient sur de la modélisation statistique et de la modélisation numérique. L?avantage de ces modèles est double : d?une part, ils permettent de capitaliser sur l?état de l?art en climatologie, en se basant le plus souvent sur plusieurs indicateurs (températures, précipitations, humidité, etc?). D?autre part, ces modèles stochastiques permettent de réaliser des tests de sensibilité à différents scénarios climatiques et aux climats futurs associés. L?inconvénient de ces modèles est une complexité sans commune mesure avec la catégorie précédente, qui se traduit par des coûts très importants d?investissement et de maintenance. Du point de vue des assureurs et réassureurs, de tels coûts doivent, pour être exposés, se justifier économiquement, par des perspectives solides de revenus et de marges. Tous ces modèles assurantiels couplent des données externes et internes d?aléa (issues d?organismes publics ou privés) et de sinistralité (vulnérabilité et dommages). En fonction de leurs expositions, de la nature et de la complexité des périls, et de leurs capacités d?expertise, les assureurs développent des modèles en interne ou utilisent des modèles externes, développés par des fournisseurs spécialisés, des sociétés de courtage en réassurance ou des réassureurs. 2.2.2. Un paysage de modélisation influencé par la prédominance du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles La France présente plusieurs spécificités qui influencent le paysage de la modélisation des périls climatiques : - En termes de couverture assurantielle, l?extension de garantie Catastrophes naturelles, obligatoire pour tous les contrats automobiles, d?habitation et professionnels voient leurs surprimes et franchises fixées par l?État, ce qui exonère l?assureur de toute tarification commerciale. - En termes de couverture de réassurance des catastrophes naturelles, la France présente la spécificité notable d?une intervention large et stable de la Caisse Centrale de Réassurance qui offre à toutes les compagnies Dommages opérant en France : o un transfert intégral de 50% des risques relevant du Régime, o sur la part de risques conservée par les compagnies, une protection complète et illimitée au-delà d?une rétention souvent fixé à 200% des primes conservées, ce qui réduit très fortement la volatilité restant à charge des assureurs, et donc leur exigence de fonds propres. - Le mécanisme d?arrêté ministériel reconnaissant l?état de catastrophes naturelles est spécifique à la France et génère, pour les réassureurs, un risque de modèle que seule la CCR semble capable d?assumer dans la durée. Ceci se traduit par une situation de quasi- monopole de la CCR sur cette branche. En effet, si certains réassureurs proposaient jusqu?à 43 récemment des traités en sous-jacent de ceux de la CCR sur des évènements couverts par le régime des catastrophes naturelles, ces couvertures ont quasiment disparu en 2023. Ce contexte comporte une double conséquence au plan des investissements de modélisation des réassureurs : - le développement depuis une vingtaine d?années par la CCR, en partenariat avec plusieurs instituts scientifiques publics de référence, de modèles internes robustes adaptés spécifiquement aux périls relevant du régime Cat Nat. L?internalisation des compétences en matière de modélisation stochastique implique, d?une part, de développer des capacités d?expertise pluridisciplinaire associant des climatologues, géographes, experts du bâtiment, data scientists et d?autre part de disposer de bases internes de sinistralité suffisamment profondes pour assurer la pertinence du calibrage du modèle. La CCR investit significativement dans ces domaines, et doit continuer à le faire du fait des défis de modèles que pose le changement climatique. - une faible appétence, de par l?absence de débouchés, de la réassurance privée et des fournisseurs spécialisés pour investir dans la modélisation de certains périls relevant du régime Cat Nat en France. Font toutefois exception les tremblements de terre, l?inondation (principalement pour le repérage des zones d?aléas très forts, sensibles pour les risques de particuliers mais aussi pour la perte d?exploitation des entreprises) et dans une certaine mesure les évènements cycloniques. S?agissant des assureurs, les entreprises auditionnées par la mission indiquent, s?agissant des périls relevant du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles, se reposer pour une majorité entièrement sur la CCR, pour des estimations de charge essentiellement. Une minorité d?entreprises d?assurances a commencé à investir dans la modélisation de certains périls, inondation, RGA, pour en affiner certaines dimensions (les primes et franchises étant d?ordre public, ceci vise essentiellement l?identification des zones à plus forte exposition aux aléas et les cumuls de capitaux assurés correspondants). S?agissant des évènements naturels hors du régime Cat Nat (tempêtes, cyclones de faible intensité, grêle), les entreprises d?assurances indiquent privilégier un mix de modélisation interne et de solutions externes, qui peuvent être retraitées pour s?adapter aux spécificités des expositions de chaque assureur. 2.2.3. Les risques de modèles des assureurs et réassureurs dans le contexte du changement climatique Il ressort des auditions menées et de l?analyse de ce panorama l?émergence de seulement deux risques de modèles impactant les acteurs de l?assurance des risques naturels?: i) s?agissant des périls du régime Cat Nat, le risque de modèle est, pour l?essentiel porté par la CCR, du fait du large transfert de risque dont bénéficient les cédantes et de l?absence de maitrise par la réassurance privée du processus de reconnaissance administrative. Ce risque nous semble, pour sa maîtrise, faire l?objet d?investissements satisfaisants de la part du réassureur public. Dans le contexte du changement climatique et vu la complexité des modèles bâtis en partenariat avec Météo France, il nous semble impératif de maintenir à un haut niveau la capacité interne de la CCR à développer, challenger et maintenir ses actifs de modélisation. ii) s?agissant des périls hors du régime Cat Nat, les risques de modèles sont maîtrisés sur les tempêtes, grâce à la relative stabilité de ce péril et à l?amélioration permanente des mo- dèles de marché. Ils sont, inversement, particulièrement marqués depuis quelques années 44 sur les périls dits «?secondaires?», à l?instar des phénomènes grêligènes et de sécheresse en France en 2022. Ce constat de risque de modèle s?illustre par exemple à travers l?incon- sistance de l?estimation de la période de retour de l?épisode exceptionnel de grêle en juin 2022 dont la fréquence de survenance est estimée, selon les acteurs interrogés par la mis- sion, entre 10 et 200 années. Certains acteurs soulignent que les modèles de marché peu- vent étendre cette plage jusqu?à 5?000 ans en relevant une forte incertitude. De la même manière, on note une forte variabilité de la période de retour estimée de la sécheresse estivale 2022, dans une fourchette de 15 à 100 ans selon les modèles. 2.3. ? Le déséquilibre du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles à climat actuel doit être corrigé à court terme, et sa résistance au changement climatique renforcée 2.3.1. Un déséquilibre du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles estimé à 1 200 M¤ par an à climat actuel La mission avait notamment pour objectif de formuler des recommandations de nature à sécuriser l?équilibre du régime assurantiel d?indemnisation des Catastrophes naturelles (ci-après dénommé le Régime). Dans cette optique, une revue ?exécutive? a été menée en juillet et août 2023 sur les approches et modèles actuariels de la Caisse Centrale de Réassurance relatifs aux différents périls couverts par le Régime. Cette revue a donné lieu à quatre ateliers nourris par plusieurs supports liés à ces modèles. Elle est qualifiée d?« exécutive » en ce sens qu?elle correspond au dialogue prévu par la réglementation Solvabilité 2 pour permettre au management exécutif d?une entité d?assurance de valider les modèles à enjeu stratégique présentés par ses équipes actuarielles (Modèles de tarification, de risque, de réassurance...). Soulignons qu?il ne s?agit ni d?une revue détaillée par la fonction actuarielle de la CCR qui n?a pas été sollicitée sur ces modèles, ni d?une revue approfondie d?auditeurs externes portant notamment sur la qualité des données. Elle nous permet de conclure, avec un niveau de confiance élevé3 , à une situation de déséquilibre structurel significatif entre les ressources du Régime (surprimes catastrophes naturelles nettes de prélèvement sur la surprime sur les cotisations Cat Nat4 plus produits financiers de la branche) et ses charges (sinistralité pure, frais de gestion des contrats et des sinistres, et coûts de la garantie d?État à la CCR et d?immobilisation des fonds propres nécessaires à la solvabilité des acteurs du régime). Ce déséquilibre peut être estimé à 1.200 M¤ par an, en intégrant : (i) Une évaluation raisonnablement conservatrice de la charge moyenne attendue des sinistres Cat Nat. Un minimum de prudence est indispensable pour la durabilité de toute entité d?assurance ou de réassurance dans un contexte d?incertitude classique des modèles. Cette évaluation est faite sur base du climat actuel et compte tenu des paramètres économiques de 2022 (exposition, valeurs, primes, coûts de réparation), (ii) 320 M¤ d?impact anticipés des évolutions réglementaires suivantes, applicables à compter de 2024 : 3 Nous estimons à +/- 100 M¤ l?intervalle de confiance à 85% de l?agrégat global de sinistralité. Par simplicité, cette synthèse reposera sur le niveau central de cet intervalle. 4 Pour un volume de primes Catastrophes naturelles 2022 de 1.900 M¤ (nettes de prélèvement de 12% au titre historiquement du FPRNM sur la surprime Cat Nat) 45 - Les nouveaux critères de reconnaissance des communes pour l?état de catastrophe naturelle suite à un événement sécheresse (circulaire 3DS en finalisation révisant les critères de reconnaissance applicables au phénomène RGA, dont l?impact est estimé à + 20,4% sur la charge annuelle de sinistres de cette nature), - Les dispositions supplémentaires prévues par la loi du 28 décembre 2021 (« loi BAUDU ») à effet du 1/1/24 (impact estimé de 6,5% sur la sinistralité totale du régime), (iii) Une évaluation aux conditions de marché du coût d?immobilisation des fonds propres nécessaires pour solvabiliser l?ensemble des acteurs, outre celui de la garantie d?État accordée à la CCR. Ces conditions doivent en particulier permettent à la CCR soit de reconstituer ses réserves nécessaires pour faire face aux sinistres très graves, soit de partager ses risques avec la réassurance privée, (iv) Une estimation relativement économe des charges de gestion opérationnelle des assureurs, basée sur une approche de coût marginal. Cette évaluation ne tient pas compte : - des effets futurs inéluctables du réchauffement climatique, - de la charge supplémentaire qu?entrainerait une couverture plus exhaustive des particuliers et acteurs professionnels établis dans les DOM, - de la charge supplémentaire qu?entraineraient des réformes supplémentaires au-delà des mesures prévues par la loi du 28 décembre 2021 et de la révision en cours des critères RGA et des mesures prises au titre de l?ordonnance du 8 février 2023, - de la rémunération de fonds propres supplémentaires nécessairement mobilisés dans un scénario de transfert partiel du risque de garantie de l?État vers la réassurance privée. Cette situation de déséquilibre a deux inconvénients majeurs au plan de l?intérêt général : D?une part les assureurs peuvent être tentés, pour se protéger, d?adopter des stratégies d?évitement des zones à plus forte exposition aux aléas naturels. D?autre part, ni la CCR ni l?État ne perçoivent les moyens de financer leur propre protection, interne ou externe, face aux évènements extrêmes. Un déséquilibre important et durable du Régime engendre inévitablement, chez un nombre croissant d?assureurs, des stratégies auto-protectrices d?évitement : - Les surprimes liées aux garanties Catastrophes naturelles représentent aujourd?hui 12% des primes des garanties dommages (hors responsabilité civile) des contrats multirisques des particuliers (habitation) et des professionnels. Le marché français étant parmi les plus concurrentiels en Europe et même dans le monde, les marges unitaires de ces contrats sont faibles (30¤/an environ sur un contrat multirisque habitation de 400¤ de prime annuelle HT) ; - Toute garantie déficitaire doit, pour répondre aux attentes des actionnaires, être compensée par d?autres, profitables. Ceci peut générer des tarifs excessifs pour ces autres garanties et nuire à leur compétitivité, donc à leur commercialisation ; - Si une compensation croisée entre les types de produits d?assurances apparaît comme illusoire du fait de trop faibles marges sur les autres garanties, les assureurs fuiront inévitablement les zones techniquement déficitaires, où le coût attendu des sinistres et de leur gestion est exorbitant par rapport au prix imposé au marché ; - Ce mouvement est inéluctablement renforcé quand, dans un marché concurrentiel, une partie des assureurs se retirent de zones structurellement déficitaires, augmentant la part de marché et la charge portée par les derniers présents ; - C?est ainsi que se concrétise le risque de retrait, comme pour tous les autres risques : du fait de résultats globaux déficitaires, certains puis la plupart des assureurs pourraient préférer fuir les zones génératrices de pertes trop lourdes. En France, un cas emblématique est celui des DOM du fait du péril cyclonique (1,5% des primes Cat Nat et 10% des sinistres du régime selon la CCR). 46 Octroyer à la CCR une marge lui permettant non seulement d?équilibrer la sinistralité mais aussi de rémunérer ses fonds propres aux conditions de marché est clé pour lui fournir, ainsi qu?à l?État, des marges de manoeuvre nécessaires pour la gestion des risques, à travers plusieurs options : (i) Reconstituer graduellement des réserves réduites ces dernières années, (ii) Se décharger, si elle le souhaite, de pans de risques vers la réassurance privée. Ce second sujet fait l?objet du développement en section 2.5 du présent rapport. L?importance de ce déséquilibre, dont la manifestation est visible dans l?évolution baissière des réserves de la CCR ces dernières années, appelle donc, dans l?intérêt de l?État, de la CCR et des acteurs privés du régime, une réaction rapide et vigoureuse. 2.3.2. Une hausse à court terme et une indexation de la surprime catastrophes naturelles incontournables pour rééquilibrer le Régime dans la durée Les leviers actionnables sont de deux natures : i) pour diminuer les charges : - Renforcer les investissements de prévention et d'adaptation pour baisser la survenance et le coût des sinistres, - Rehausser les franchises légales pour baisser le coût unitaire des événements catastro- phiques, - Prévoir un traitement différencié de certains biens en zone à surrisque (cf. ci-après). ii) pour augmenter les ressources?: - Rehausser les produits financiers, - Majorer les surprimes des contrats d?assurance, Seul ce dernier levier peut impacter significativement 2025, voire 2024, pour rééquilibrer rapidement le Régime. Notre meilleure estimation du niveau de primes nettes de prélèvement nécessaire et suffisant pour un équilibre durable du régime est de 3.200 M¤, comme le montre le compte de résultat figurant en annexe 1. En moyenne pour chaque contrat d?assurance habitation, la surprime Catastrophes Naturelles serait ainsi portée de 22¤ HT à 37¤ HT, soit une hausse de 15¤ HT par an. Les solutions pour rehausser de 1 300 M¤ les ressources du Régime (hors prélèvement sur la surprime Cat Nat) sont multiples. Si l?on écarte la piste des subventions d?un budget de l?État sous contrainte, l?univers des possibles est en théorie, l?ensemble des combinaisons faisant varier, d?une part, les taux de surprime Cat Nat, et d?autre part les assiettes de surprimes. Nous sommes favorables à un mix de critères permettant de concilier efficacité et acceptabilité, res- ponsabilité et solidarité et préconisons comme vecteurs des ressources supplémentaires : - En priorité les contrats multirisques habitation pour le critère d?efficacité (rééquilibrage des contrats) et d?acceptabilité (série quinquennale de sinistralité inédite notamment en séche- resse et cyclones), - Suivis des contrats automobiles pour le critère de responsabilité (véhicules thermiques sur- tout), - Suivis des multirisques professionnelles que les bons résultats historiques ne mettent pas à l?abri d?évènements majeurs avec des garanties pertes d?exploitations toujours très coûteuses, notamment en cas de sinistre touchant la chaine d?approvisionnement. 47 Notre préférence va donc à un scénario portant aux alentours de 21% la surprime du régime sur les dommages aux biens des particuliers et sur l?automobile, et aux alentours de 16% celle afférente aux dommages aux biens des professionnels. Ce supplément de primes nettes de prélèvement de 1 300 M¤ rehausse d?environ 1 480 M¤ la base du prélèvement additionnel de 12% sur la prime Cat Nat des contrats d'assurance habitation et automo- bile. Les ressources budgétaires au titre de ce prélèvement seraient relevées d?environ 180 M¤ par an dès la prise d?effet de la hausse du taux de surprime (soit 425 M¤ prélevés au lieu de 245 M¤ par an). Le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) devrait être de plus en plus sollicité au fur et à mesure que les particuliers et les collectivités renforceront leurs investissements de protection et de prévention. Des acteurs tels que le think tank I4CE ont fait plusieurs évaluations des besoins en investissement en faveur de l?adaptation aux niveaux national et régional depuis 2022. Nous préconi- sons donc de maintenir le prélèvement additionnel sur les surprimes Cat Nat, actuellement de 12%, afin de consolider le financement des actions individuelles de prévention à travers un second fonds dédié comme décrit au chapitre 3. Deux autres éléments prospectifs sont, enfin, à prendre en compte?: - D?une part, comme dit précédemment, ces niveaux se basent sur le contexte 2022, tant en termes de climat que d?exposition des biens et activités. Le réchauffement climatique génère, toutes choses égales par ailleurs (hausse des valeurs assurées, mobilité de la population, meil- leure assurance des DOM) une inflation climatiques « pure ». Une indexation des taux de sur- primes sur cette inflation sera la seule façon d?éviter des déficits techniques sévères pous- sant les assureurs à renforcer leur sélection des risques. Notre évaluation de cette inflation se situe à 1% de la surprime, tenant compte des incertitudes reflétées par les évaluations de la CCR et de Covéa?(cf. section 1.3). Nous recommandons par conséquent une hausse pro- grammée de 0,2% par an de la surprime Cat Nat avec une clause de rendez-vous quinquen- nale. - D?autre part toute modification du périmètre des périls ou des dommages indemnisables par le Régime devrait conduire sans délai à un ajustement de la surprime en conséquence. Il est important de rappeler que le respect de ce niveau d?équilibre est un élément critique pour la pérennité du régime. En effet, il est essentiel pour prévenir le risque de retrait d?acteurs essentiels de sa chaîne de valeur. En termes de calendrier, l?ajustement de prime d?un contrat d?assurance ne peut intervenir que lors de son renouvellement. La saisonnalité des échéances des contrats sur le marché est donc un élément clé à prendre en compte pour quantifier les effets en 2024 et/ou 2025 de toute décision de majoration. Or, les contrats des professionnels se renouvellent majoritairement au 1er janvier sur le marché des particuliers. Pour des raisons historiques liées à la préférence de certaines mutuelles, l?échéance du 1er avril est également significative. Pour conduire dès 2024 son redressement, les décisions tarifaires liées au Régime devaient donc in- tervenir courant septembre 2023. Nous comprenons que cette option, présentée dans notre premier pré-rapport de septembre, n?a pas pu être concrétisée. 2.3.3. L?indexation des franchises, classique en assurance, est adaptée au contexte du Régime Les franchises réglementaires du régime sont actuellement sans indexation. Cela revient à une diminution en euros constants puisque que l?inflation des sinistres est portée par quatre facteurs : (i) une accumulation de valeur avec l?accroissement des capitaux assurés, 48 (ii) le déplacement relatif de la population vers les zones à risques comme le pourtour méditerranéen et les DOM, (iii) une hausse des coûts de réparation et de reconstruction surtout depuis 2020, et (iv) une inflation climatique intrinsèque liée au réchauffement climatique. De nombreuses entreprises d?assurances de dommages pratiquent l?indexation des franchises en multirisque habitation et multirisque professionnelle sur l?indice du coût de la construction établi par la Fédération Française du Bâtiment afin de les maintenir stables en euros constants. Ceci participe à la maîtrise des coûts des sinistres et donc des primes futures. Il nous semblerait légitime de pratiquer de la même manière pour le dispositif Cat Nat compte-tenu de ces sur-pressions inflationnistes. OBJECTIF N°1 : ASSURER LE REDRESSEMENT DU RÉGIME D?INDEMNISATION DES CATASTROPHES NATURELLES A COURT TERME ET SA PERENNITE A MOYEN ET LONG TERMES 1.1. Rehausser rapidement les taux de la surprime Cat Nat afin de renforcer les ressources financières du régime à hauteur de 1 300 M¤ par an (sur base des paramètres économiques et climatiques de 2022) 1.2. Instaurer un mécanisme d?indexation automatique du taux de surprime Cat Nat afin de prendre en compte les effets du changement climatique, en fixant la réévaluation annuelle initiale à 1% des taux de surprime (soit 0,2 point de %) par an à compter de 2023. Prévoir une clause de revoyure quinquennale, et accompagner tout changement des conditions d?indemnisation par le Régime d?un ajustement correspondant et simultané de la surprime. 1.3. Indexer les franchises légales du régime sur l?indice du coût de la construction. 2.4. ? Consolider les zones d?exposition majeure aux principaux risques climatiques pour renforcer la responsabilisation des assureurs et assurés 2.4.1. Consolider la cartographie des zones d?exposition aux principaux risques naturels majeurs, de manière partagée entre l?État, la CCR et les acteurs assurantiels Tout dispositif de gestion des risques a pour point de départ un inventaire et une évaluation de ces risques sur base de critères essentiellement de fréquence et d?impacts potentiels. Cette évaluation permet de hiérarchiser les priorités et les plans d?action pouvant comprendre une amélioration des connaissances, une surveillance (donner l?alerte), la préparation à la gestion de crise, la prévention (protection, réduction de la vulnérabilité des enjeux ou relocalisation), et le transfert, dans la mesure du possible, du risque résiduel, notamment par l?assurance. Nous considérons qu?une cartographie consolidée des zones les plus exposées aux aléas couverts par le régime d?indemnisation des catastrophes naturelles sera un préalable indispensable à tout dispositif de responsabilisation équilibrée des assureurs et des assurés. La logique de nos recommandations est donc d?instaurer ou de renforcer : 49 - L?identification des zones à plus forte exposition aux aléas couverts par le régime, faisant l?objet d?un Plan de Prévention des Risques, - La responsabilisation accrue des catégories d?assurés les mieux placés pour mettre en oeuvre les mesures de prévention adéquates sur ces zones, - Une exigence de présence pérenne sur ces zones pour tous les assureurs (cf. section 2.3), - L?accompagnement par la CCR des assureurs sur les DOM, dont le déséquilibre technique pour le Régime est supérieur. La source la plus simple pour une telle cartographie consolidée est celle des plans de prévention des risques naturels (PPRN). Dans le domaine des aléas climatiques, « Faire connaitre le risque et l?aléa » est une des missions régaliennes essentielles de l?État au service des ménages, des collectivités et des entreprises. Encadré 2 ? Les Plans de Prévention des Risques Naturels Les Plans de Prévention des Risques (PPR) sont des documents d?urbanisme élaborés à l?échelle d?une ou de plusieurs communes par les services de l'État, en collaboration avec les collectivités locales et les autres acteurs concernés, notamment via une enquête publique. Ils cartographient un certain nombre d?aléas tels que les inondations ou les retraits gonflement des argiles, dont ils caractérisent l?intensité, et prescrivent des mesures pour l?utilisation des sols (non constructibilité, prescription sur le bâti). Ces documents sont prescrits par les Préfet. Une fois approuvé, le PPR est annexé au plan local d?urbanisme (PLU). Les PPR peuvent concerner différents risques naturels : inondations, risques littoraux, mouvements de terrain, séismes, tempêtes, cyclones, feux de forêts? Les cartographies issues des phases dites tech- niques et réglementaires de ces PPR présentent une relative hétérogénéité, tant en termes de grada- tion que de fréquence de mise à jour, certains PPR n?ayant pas toujours franchi le stade d?approbation. Le PPR délimite d?une part ?les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'inten- sité du risque encouru?, d?autre part ?les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions(...) pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux?. Il définit ?les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises? dans ces zones (Article L562-1 du code de l?environnement). Les PPRI (inondations) peuvent compter jusqu?à quatre niveaux d?aléa (faible, modéré, fort, très fort ; R-562-11-4 du code de l?Environnement). La carte d?exposition au retrait gonflement des argiles, dis- ponible sur toute la métropole, sauf Paris, comprend quatre niveaux d?exposition (nul ou négligeable, faible, moyen, fort), en fonction de la probabilité de survenance de sinistres et de leur intensité. https://www.ecologie.gouv.fr/prevention-des-risques-naturels S?agissant des assureurs, la modélisation à fine échelle des périls climatiques couverts par le régime d?indemnisation des catastrophes naturelles a longtemps été délaissée compte tenu de l?absence d?en- jeu lié à la mutualisation qu?impose le régime : l?assureur n?ayant aucun levier de tarification, des mo- dèles de prime pure ont moins d?utilité que les nombreuses branches où le levier tarifaire existe. Toutefois, le déséquilibre du régime devenant significatif, comme démontré au chapitre précédent, du fait de la relative stabilité5 des primes Cat Nat face à une hausse de la sinistralité cohérente avec les 5 Le taux de surprime Catastrophes Naturelles étant inchangée depuis 2000, seule l?assiette applicable à cette surprime augmente, de manière relativement linéaire, le niveau global des primes Cat Nat collectées. https://www.ecologie.gouv.fr/prevention-des-risques-naturels 50 effets attendus du changement climatique, une nouvelle piste d?action séduit certains assureurs : la discrimination géographique. Si, pour réduire leurs foyers de perte, certains assureurs s?autorisent une liberté de sélection plus ou moins déclarée, l?investissement dans un outil de modélisation à maille géographique fine s?avère rentable. De ce fait, les cartographies des PPR alimentent désormais, parmi d?autres outils, l?arsenal de modèles d?un nombre croissant d?assureurs. La réaction à ce phénomène d?esquive, toxique à long terme pour l?universalité du régime, fait l?objet des recommandations con- tenues ci-après. Une cartographie partagée et harmonisée des zones à plus forte exposition pour le régime devrait ainsi être réalisée afin d?identifier sur notre territoire les zones : - A aléa très élevé, dites « zones ROUGES », c?est-à-dire se situant au niveau maximum de la cartographie PPR pour au moins l?un des périls couverts par le régime Cat Nat, - A aléa élevé, dites « zones ORANGES », c?est-à-dire se situant au 2e niveau de la cartographie PPR d?un au moins des périls couverts par le régime Cat Nat, - A aléa faible, dites « zones VERTES ». Les zones baptisées « ROUGES et « ORANGES » à ce stade dans le seul but de faciliter notre présenta- tion, seront le socle de plusieurs mesures d?intérêt général prescrivant de manière équilibrée des ef- forts supplémentaires aux assureurs, aux assurés et la CCR. L?importance de cette cartographie nationale harmonisée et orientée sur les périls couverts par le ré- gime Cat Nat justifie que la CCR, investie de missions d?intérêt général, en soit maitre d?oeuvre, en concertation notamment avec les autorités ministérielles compétentes (notamment la DGPR) et France Assureurs. La CCR réunit en outre, selon nous, les meilleures expertises internes et externes et la profondeur statistique la plus importante sur la sinistralité de l?ensemble du marché français. 2.4.2. Renforcer l?incitation à la prévention des biens professionnels de haute valeur, des résidences secondaires et des biens locatifs localisés en zone d?exposition forte (orange) et très forte (rouge), en instaurant pour ces seuls cas la liberté de fixation des primes et franchises d?assurance du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles En conséquence de ses avantages d?universalité et d?accessibilité, il faut admettre que le régime Cat Nat ne favorise pas, au contraire, les efforts individuels de prévention. En effet, aucun bénéfice de prime d?assurance ne découle, formellement, d?un quelconque investissement pour lutter contre les inondations, cyclones ou le RGA. Même dans les zones les plus fortement exposées aux aléas, le signal prix envoyé aux assurés au titre de la garantie Cat Nat est insuffisant pour susciter des mesures de prévention appropriées. La franchise applicable aux sinistres Cat Nat étant fixée par arrêté ministériel 6 , aucune responsabilisation liée aux efforts individuels de prévention n?est possible pour les assureurs. Dans ce contexte, quelques-uns se risquent à une formulation responsabilisante, dont la conformité avec la réglementation reste à démontrer, telles que la clause suivante : « Si vous êtes propriétaire de biens immobiliers exposés à des risques naturels, vous devez mettre en oeuvre les moyens de prévention et de protection définis par les lois et règlements en vigueur, en particulier par les plans de prévention des risques naturels. Ces plans sont annexés aux plans locaux d?urbanisme (anciennement plans d?occupation des sols) et font l?objet d?un affichage en mairie et d?une publicité par voie de presse locale. En cas de manquement de votre 6 L?arrêté du 30 décembre 2022 fixe les niveaux de franchise applicables à compter du 1er janvier 2024. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000046884229/2024-01-01 51 part à ces obligations, [l?Assureur] est fondé à vous réclamer ou à retenir sur les sommes dues l?indemnité correspondant au préjudice qui en a résulté pour elle. » La communauté des assurés finance donc, pour les zones les plus à risque, la réparation des dommages qu?auraient pu éviter certaines mesures de prévention prises par les ménages ou les entreprises, prescrites ou non par les PPR. Cette situation peut paraître légitime pour la grande majorité des assurés qui n?ont pas nécessairement eu le temps et ou les moyens financiers de tels investissements. Il en va autrement de certaines situations ciblées. Il nous semble en effet possible et souhaitable de l'assurance contribue à rehausser l?exigence de travaux de prévention qui incombe aux individus, aux entreprises comme aux collectivités en direction de ceux qui réunissent à la fois (i) une exposition forte ou très forte, et (ii) les moyens financiers permettant de financer les mesures de prévention adaptées, en ciblant en particulier trois catégories de biens assurés : - Les résidences secondaires, - Les biens à usage locatif, - les biens professionnels à forte valeur assurée (supérieure par exemple à 20 M¤ en bâtiment, contenu et perte d?exploitation assurés). Une manière simple de rehausser fortement l?incitation à investir est de maintenir l?obligation d?assurer au bénéfice de ces catégories, tout en libérant les tarifs (c?est-à-dire le niveau de la surprime Cat Nat) et les franchises, donc l?intégralité du signal-prix que peut recevoir l?assuré. Un dialogue de progrès devrait alors pouvoir s?établir entre l?assuré et son assureur pour fixer les contours d?un dispositif adapté au contexte et un délai de réalisation des travaux raisonnables. Ce type de mécanisme d?incitation se pratique déjà pour une part des risques professionnels proportionnelle aux capitaux assurés. Bien entendu, les mesures de prévention résultant du dialogue entre assureur et assuré doivent s?appuyer sur les prescriptions des PPR et des autres documents réglementaires en donnant aux assureurs, pour ces seules catégories de biens assurés, des latitudes supplémentaires de responsabilisation et le cas échéant d?adaptation des mesures au contexte spécifique. S?agissant des résidences principales et des autres catégories de biens assurés situés dans des zones où les PPR prescrivent des travaux de prévention individuelle dans des délais impartis, une responsabilisation des assurés par le moyen de la franchise parait également possible et souhaitable. Une orientation possible serait de la rehausser, en cas de non-respect des prescriptions du PPR dans les délais, à un niveau tel que l?investissement dans ces travaux soit rentable dès la survenance d?un premier sinistre. Le triplement, dans ce seul cas, des franchises légales pourrait constituer un niveau raisonnablement incitatif. 2.4.3. Adapter et uniformiser les modalités de réassurance de la CCR pour les assureurs opérant dans les départements ultramarins Les départements d?outre-mer cumulent une très forte exposition aux cyclones tropicaux ? et pour les Antilles, aux séismes ? et une pénétration de l?assurance habitation très inférieure à celle de la métro- pole. A ces faiblesses s?ajoutent une menace : la sensibilité croissante des assureurs présents dans ces départements à la suite : - d?évènements cycloniques d?ampleur, tel que le cyclone IRMA, 52 - de l?assèchement, récent mais sans doute durable, de la réassurance privée qui permettait aux assureurs de protéger leurs fonds propres en couvrant une partie de la rétention restant à leur charge (c?est-à-dire la rétention en-deçà du seuil de réassurance de la CCR), - un rehaussement des seuils de réassurance par la CCR des portefeuilles des compagnies ba- sées dans les DOM, - d?une remise en cause par le changement climatique des modèles permettant d?estimer la distribution des sinistres, donc la volatilité de cette charge et le besoin en capital correspon- dant. Un surcroît de volatilité est donc prévisible, dans un contexte de déficit technique durable pour le régime puisque les primes Cat Nat des DOM représentent moins de 2% de ses primes France et la sinistralité moyenne attendue environ 10% de sa charge. Pour éviter un retrait de compagnies d?assurances, dans un contexte d?offre assurantielle déjà limitée par rapport à la métropole, un réexamen des conditions de réassurance parait nécessaire pour réduire l?amplitude possible de variation de la sinistralité, par conséquent la volatilité des résultats et le besoin en capital des assureurs. Ce réexamen devrait concerner les compagnies d?assurance basées en métro- pole comme aux Antilles ou à la Réunion, l?option de retrait étant ouverte pour toutes ces entités. OBJECTIF N°2 : CONSOLIDER LES ZONES D?EXPOSITION MAJEURE AUX PRINCIPAUX RISQUES CLIMATIQUES POUR RENFORCER LA RESPONSABILISATION 2.1. Consolider une cartographie des zones d?exposition élevée aux principaux aléas naturels majeurs, de manière partagée entre l?État, la CCR et les acteurs assurantiels. 2.2. Renforcer l?incitation à la prévention des risques professionnels de haute valeur, des résidences secondaires et des biens locatifs localisés en zone d?exposition forte (orange) et très forte (rouge), en instaurant pour ces seuls cas la liberté de fixation des primes et franchises d?assurance du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles 2.3. Adapter et uniformiser les modalités de réassurance de la CCR pour les assureurs opérant dans les zones ultramarines. 2.5. ? Préserver la mutualisation de la prise en charge des risques garantis par le régime d?indemnisation des catastrophes naturelles sur l?ensemble du territoire La contrepartie des efforts demandés aux ménages, aux entreprises et à la CCR pour rééquilibrer durablement le Régime doit évidemment être un engagement pérenne de tous les assureurs afin de garantir l?accessibilité de la garantie Catastrophes Naturelles, même dans les zones génératrices de pertes en raison de leur plus forte exposition. Les questionnaires et auditions de nombreux acteurs du marché ont mis en lumière le mouvement de retrait de plusieurs acteurs, soit par des pratiques tarifaires dissuasives, soit par des politiques d?exclusion. Souvent de dimension internationale, ces acteurs reproduisent des politiques de 53 souscription classiques dans d?autres géographies où seul fonctionne un système d?assurance de marché libre, donc fortement discriminant. De tels mouvements sont à l?évidence toxiques pour le régime à moyen et long terme, pour plusieurs raisons : - Les assureurs restant sur les zones à plus forte exposition voient leurs pertes se creuser avec l?augmentation de leurs parts de marché, - Les assureurs « vertueux » pour le régime qui campent sur leur position dans les zones sur exposées n?ont d?autre choix pour équilibrer leurs résultats que de rehausser leurs primes sur l?ensemble du territoire, perdant ainsi en compétitivité sur les zones à plus faible aléa. - La pression concurrentielle sur ces zones « vertes » des assureurs n?ayant pas à financer les pertes des zones rouges induit inévitablement des pertes de parts de marche, ce qui réduit leur capacité de subvention croisée, poussant vers la dernière issue, - Des décisions de sortie doivent être prises par les assureurs ainsi concurrencés, amenant un assèchement de l?offre sur les zones rouges, alimentant ainsi le cercle vicieux. 2.5.1. Développer un mécanisme de nivellement des marges techniques entre zones à faible et forte exposition via la modulation du prélèvement additionnel sur les surprimes Cat Nat La stratégie de certains assureurs de fuir les zones surexposées, génératrices de perte pour mieux exploiter celles à faible exposition, génératrices de profit, est basée sur la disparité de marge technique entre ces différentes zones. La solution la plus prometteuse pour prévenir cette tentation nous semble donc celle d?un rééquilibrage des marges d?assurance entre les zones, sans modification de la surprime Cat Nat pour les assurés. Le levier du prélèvement additionnel sur la surprime Cat Nat nous parait l?outil optimal dans la mesure où, s?agissant d?une mesure tarifaire, il concerne toutes les entreprises intervenant en France, même celles établies avec un passeport européen (Libre Prestation de Service). Nous avons envisagé puis écarté la piste des circuits financiers via la CCR, car ce réassureur peut être arbitré au profit de la réassurance privée. Cela reviendrait à faire de ce prélèvement un bonus-malus fiscal pour les assureurs basé sur le niveau d?exposition de la zone à laquelle se rattache le contrat d?assurance concerné. Ainsi, au lieu d?un taux de prélèvement unique de 12% applicable aux cotisations Cat Nat, ce taux pourrait par exemple varier : - de 0% voire devenir négatif pour les zones rouges, - à 5 % pour les zones oranges, - et jusqu?à 30% voire 50% pour les zones vertes faiblement exposées, - Tout en maintenant un niveau moyen de prélèvement moyen de 12% pour l?ensemble du territoire. Ce mécanisme de péréquation réduirait ainsi fortement l?écart de marges qui constitue une incitation financière à fuir les zones à plus forte exposition. 2.5.2. Développer et diffuser dès 2024, notamment via la CCR, un comparatif des parts de marché en assurance habitation au niveau national, d?une part, et dans les zones d?exposition forte (orange) et très forte (rouge) d?autre part L?accessibilité du Régime est, comme on l?a dit, sérieusement menacée en cas de mouvement de retrait des zones à plus forte exposition. 54 Pour objectiver ce phénomène, il est recommandé d?établir chaque année un comparatif des parts de marché relatives à l?assurance habitation, principal foyer de perte du régime : - au niveau national, - au global dans les zones d?exposition très forte (rouge), - au global dans les zones d?exposition forte (orange). Une telle objectivation est de nature, tout d?abord, à lever les soupçons infondés. Dans un second temps, la communication de telles informations entre assureurs et auprès des autorités ministérielles compétentes est sans doute de nature à nourrir des dialogues certes animés, mais probablement aussi de responsabilisation et de progrès, dans le cadre de politiques RSE officiellement toujours plus ambitieuses. Cet exercice exige de s?assurer des conditions nécessaires d?impartialité, de robustesse et de complétude des bases de données ainsi que de la sollicitation des expertises légitimes. Nous recommandons à ce titre que cet exercice soit piloté par la CCR qui enregistre de la part des cédantes la plupart des informations nécessaires et entretient avec elles une intimité précieuse dans cette optique. En cas d?absence de relation de réassurance avec la CCR, y compris pour les opérateurs exerçant en libre prestation de service (LPS), une obligation de communication des données appropriées devrait être réglementairement prévue. Dans une optique de simplicité, cette mesure devrait focaliser sur l?assurance habitation des propriétaires occupants ? les résidences secondaires et locatives étant amenées à s?équilibrer progressivement, et se limiter par exemple : - aux maisons dans les zones exposées au RGA, - aux maisons et appartements dans celles exposées aux cyclones, - aux appartements en rez-de-chaussée et aux maisons dans les zones fortement exposées aux inondations. 2.5.3. Défendre auprès des instances européennes chargées de superviser le projet de règlement visant à règlementer l?accès, l?utilisation et le partage des données financières dans l'UE les spécificités du modèle français d?indemnisation des catastrophes naturelles afin d?éviter un effet de démutualisation au détriment des zones d?exposition climatique fortes Le régime français d?indemnisation des catastrophes naturelles est basé sur une solidarité nécessaire dans la durée entre assurés des zones faiblement exposées et ceux des zones à plus forte exposition. Cette logique est antagoniste avec celle d?une segmentation maximale. Comme nous avons pu le développer ci-avant, l?irruption des techniques dites de segmentation géographique pour orienter les politiques de sélection des risques peut s?avérer toxique à moyen terme pour le régime du fait de l?assèchement de l?offre qu?elles induisent sur les zones à plus forte exposition. Le mécanisme concret par lequel se réalise cette solidarité est celui de l?équilibrage entre zones : les assurés des zones épargnées sont contraints de payer une prime d?un niveau minimal, la surprime Cat Nat, qui va alimenter pour l?essentiel les ressources de l?assureur et de la CCR permettant de payer les sinistres des assurés des zones surexposées. Pour que ce mécanisme fonctionne, même après nivellement des marges entre zones par le biais du prélèvement additionnel sur les cotisations Cat Nat, il est nécessaire que les primes des régions les moins exposées restent à un niveau minimal suffisant. Dans ce contexte, la mission relève que le projet de règlement européen visant à règlementer l?accès, l?utilisation et le partage des données financières dans l'UE (Framework for Financial Data Access) semble constituer une menace pour ce dispositif. En effet, des assureurs vierges sur notre territoire seraient susceptibles de : 55 - focaliser sur les zones à plus faible exposition, - réassurer faiblement les sinistres catastrophes naturelles (hors CCR), - conserver ainsi la marge correspondante, - priver de cette ressource les autres assurés des zones les plus exposées et la CCR, - bénéficier d?un avantage concurrentiel dans la tarification hors Cat Nat des zones les moins exposées en bénéficiant de la marge issue de la surprime Cat Nat. Prescrire une obligation de partager cette marge avec la CCR n?étant pas possible, la solution consisterait donc pour la France à défendre auprès des instances européennes chargées de superviser ce projet les spécificités du modèle français d?indemnisation des catastrophes naturelles afin d?éviter un effet de démutualisation au détriment des zones d?exposition climatique fortes. Autrement dit, l?accès et l?obligation de mise à disposition pour une utilisation libre des données de sinistralité des assureurs français devrait être proscrits, a minima pour les sinistres relatifs aux évènements naturels. OBJECTIF N°3 : PRÉSERVER LA MUTUALISATION DES RISQUES GARANTIS PAR LE RÉGIME « CAT NAT » SUR L?ENSEMBLE DU TERRITOIRE 3.1. Développer un mécanisme de nivellement des marges techniques entre zones à faible et forte exposition via la modulation du prélèvement additionnel sur les primes Cat Nat 3.2. Développer et diffuser dès 2024, notamment via la CCR, un comparatif des parts de marché en assurance habitation au niveau national, d?une part, et dans les zones d?exposition forte (orange) et très forte (rouge) d?autre part 3.3. Rendre lisible, et appuyer auprès des instances européennes chargées de superviser le projet de règlement visant à règlementer l?accès, l?utilisation et le partage des données financières dans l'UE (Framework for Financial Data Access) les spécificités du modèle français d?indemnisation des catastrophes naturelles afin d?éviter un effet de démutualisation au détriment des zones d?exposition climatique fortes 2.6. ? La gestion des risques de la CCR et de l?État liés aux évènements climatiques extrêmes 2.6.1. Un risque global évalué à 5,2 milliards d?euros tous les 10 ans et à 12 milliards d?euros tous les 50 ans Notre estimation de la charge prévisible des évènements extrêmes pouvant impacter les assureurs, la CCR et l?Etat au titre du régime est donnée par le tableau suivant. Elle est issue des sorties des outils de la CCR?: ? sur base des paramètres économiques 2022, ? en incluant les effets des réformes (loi du 28 décembre 2021 et loi «?3DS?») et ? en intégrant les marges de prudence que nous avons recommandées: 56 Charges annuelles de sinistralité projetées en fonction des périodes de retour?: Guide de lecture?: On doit s?attendre à une charge annuelle tous périls Cat Nat confondus d?au moins 5.177 millions d?euros une fois tous les 10 ans. L?effet de diversification reflète le fait que les différents périls ne sont pas corrélés temporellement. L?effet de diversification reflète le fait que des évènements extrêmes liés à des périls distincts ont peu de risque de se produire simultanément. Pour une période de retour donnée, la charge totale à la- quelle est exposée le Régime est donc moindre que la somme des charges de même période de retour pour les différents périls. L?annexe 2 fournit des illustrations de tels évènements extrêmes soit surve- nus?(Séismes en Europe), soit modélisés par la CCR?(Inondation, sécheresse, cyclone de même puis- sance qu?IRMA traversant les grandes iles de Guadeloupe). Au vu de ces projections, le risque lié aux retrait-gonflement des argiles apparaît donc prépondérant dans cette exposition aux chocs climatiques, mais les inondations et risques spécifiques aux DOM ajou- tent une exposition significative. S?agissant de la sécheresse, à ces indemnisations au titre du RGA s?ajoute l?exposition de l?État au titre des récoltes?dans le cadre du dispositif d?assurance récolte, outre d?éventuels gestes de soutien aux exploitations et filières en difficulté. La question de la capacité des finances publiques à absorber de tels chocs doit intégrer les lignes de défense de l?État. 2.6.2. Un risque pour l?État et la CCR évalué à 2,4 milliards d?euros tous les 10 ans et 9,2 milliards d?euros tous les 50 ans La revue ?exécutive? menée en juillet et août 2023 par la mission sur les approches et modèles actua- riels de la CCR relatifs aux différents périls couverts par le régime permet de mettre en évidence un risque potentiel significatif pouvant exposer la CCR et l?État dans le cadre du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles dans sa forme actuelle. Après reste à charge des assureurs cédant leurs risques à la CCR, le risque consolidé porté par la CCR et l?État peut être estimé, sur base du climat actuel et compte tenu des paramètres économiques de 2022 (exposition, valeurs, primes, coûts de réparation) à?: ? 2 400 M¤ avec une probabilité de 10% ? 9 200 M¤ avec une probabilité de 2% avec une inflation annuelle de 1% (cf. tableau en section 2.6.3.). Cette évaluation ne tient pas compte?: ? Des effets futurs inéluctables du réchauffement climatique, ? De la charge supplémentaire qu?entrainerait une couverture plus exhaustive des par- ticuliers et acteurs professionnels établis dans les DOM. L?importance de ces déviations de la sinistralité du Régime appelle une confrontation avec le budget de risque acceptable du point de vue de l?État pour juger de son acceptabilité. Au cas où la volatilité des sinistres dépasserait cet «?appétit au risque?» (au sens économique), une réduction est possible via plusieurs leviers?de court ou moyen/long terme : 57 1. La responsabilisation des assurés a. Information et sensibilisation des assurés, b. Investissements de prévention et d'adaptation pour baisser la survenance et le coût des sinistres, c. Hausse des franchises légales, d. Baisse de l?exposition du Régime aux biens haut de gamme sur exposés des ménages les plus aisés, 2. La participation des assureurs a. Hausse des priorités ou seuils de cession des sinistres à la CCR, 3. Les amortisseurs de la CCR a. Hausse des primes conservées, b. Partage des risques, dans l?intérêt de la CCR et de l?Etat, avec la réassurance privée ou les marchés financiers 4. Une couverture de l?État lui-même a. Option de transférer certains risques vers la réassurance privée ou les marchés financiers si son appétit de risque l?exige. Les mesures de rééquilibrage financier du régime contenues dans notre section relative au rééquili- brage du Régime sont un préalable indispensable aux leviers 2 et 3 ci-dessus. Une réduction rapide du risque suppose donc de collecter rapidement les ressources supplémentaires recommandées. 2.6.3. Les lignes de défense actuelles de la CCR et de l?État face aux évènements extrêmes Les meilleures lignes de défense face à la sinistralité courante ou extrême sont clairement la préven- tion l?adaptation?puisqu?en contrepartie d?un investissement ponctuel, elles suppriment totalement ou partiellement l?impact financier récurrent des évènements futurs. Ces mesures peuvent être col- lectives (mises en oeuvre par les collectivités) ou individuelles (portées par les propriétaires de biens). Les investissements de prévention ou de protection laissant immanquablement un risque résiduel, la charge de la sinistralité se répartit donc entre?: ? Assurés?: la franchise ou, dans certains cas, la non assurance, ? Assureurs?: la rétention de sinistres en deçà de leur couverture de réassurance, ? Réassureurs, ici la CCR essentiellement, ? Le cas échéant l?État si la capacité d?absorption de la CCR est dépassée. La 1ère ligne de défense de l?État est le reste à charge des assurés sur la sinistralité, soit les fran- chises. Les franchises réglementaires étant déduites des montants inclus dans le tableau ci avant, nous re- prendrons ces montants sans changement à ce stade. La 2ème ligne de défense?de l?État est constituée des rétentions des assureurs (protégés par la CCR)?: Les assureurs privés conservent 50% des surprimes catastrophes naturelles et assument la sinistralité correspondante dans la limite de 200% de cette conservation, soit un reste à charge «?privatisé?» maxi- male de 100% des primes du régime. Les niveaux de défense pour l?État et la CCR s?élèvent donc?: ? Actuellement à 1 800 M¤ (primes 2022 nettes de prélèvement), ? Selon notre recommandation visant à l?équilibrage du système, à 3?180 M¤ nets. 58 La 3ème ligne de défense?de l?État est la capacité d?absorption d?évènements extrêmes par la CCR?: Les amortisseurs de la CCR sont de deux natures?: 1. Ses réserves, en l?occurrence : a. Une provision d?égalisation dotée en période de marges, dé-dotée en année déficitaire, épuisée en 2023, du fait de la succession récente d?exercices déséqui- librés b. Un report à nouveau issu de l?accumulation de résultats non distribués. 2. Les primes qu?elle perçoit sur l?exercice impacté par le ou les évènements extrêmes, soit 50% des surprimes nettes du Régime au titre de la cession en quote-part plus environ 5% au titre des traités non proportionnels. Ces primes sont consommables par tous types de sinistres petits, moyens ou extrêmes. Néanmoins l?exposition à 10 ans reflète la charge totale cumulée de l?exercice. Puisque d?un point de vue économique et patrimonial CCR et État ne font qu?un, nous ne prendrons en considération que ce deuxième amortisseur dans notre évaluation. Au plan économique, l?exposi- tion «?consolidée?» de l?État est donc la suivante en fonction du niveau des primes du Régime nettes de prélèvement additionnel sur les primes Cat Nat : Guide de lecture?: On doit s?attendre à un résultat technique négatif de la CCR d?au moins -9.227 mil- lions d?euros une fois tous les 50 ans dans les conditions de primes 2022 du Régime. On constate donc que le rééquilibrage du régime par la hausse des surprimes préconisées occasionne- rait?: ? Une baisse immédiate de l?exposition consolidée de l?État d?environ 1,9 milliards d?eu- ros dont 2/3 via la hausse des rétentions des assureurs et 1/3 via la hausse des primes de la CCR?; ? À horizon 2030, compte tenu d?une inflation climatique de 1% par an (présumée servir à l?indexation de la surprime), cette baisse passerait à 2,1 milliards d?euros 2022. 2.6.4. Pistes de réduction supplémentaire du risque porté par la CCR et l?État Ces pistes découlent logiquement de l?inventaire mentionné précédemment : 1ère ligne de défense : La contribution des assurés a- Conforter, contrôler et renforcer en pratique les investissements de prévention et d'adaptation pour baisser la survenance et le coût des sinistres (cf. chapitre 3) b- Rehausser les franchises légales à charge des assurés : 59 Une telle hausse correspondrait à une réalité économique, celle de la quadruple inflation des sinistres mentionnée précédemment. Il nous semble donc souhaitable : ? De rehausser à effet immédiat ces franchises dans une mesure à discuter plus ample- ment avec les assureurs ? De prévoir leur indexation en fonction du coût de la construction, c- Réduire l?exposition du Régime aux biens haut de gamme surexposés des ménages les plus aisés : Cette piste consiste à sortir du champ des tarifs et franchises imposés dans le cadre du régime Cat Nat : - les résidences secondaires - les biens à usage locatif - Les biens à usage commercial dont la valeur excède par exemple 20 millions d?euros situés dans les « zones rouges » issues du zonage national recommandé précédemment. 2ème ligne de défense : Les rétentions laissées à charge des assureurs dans le cadre de la réassurance de la CCR Nous ne préconisons pas de rehausser davantage les rétentions des assureurs car : - Les hausses de primes Cat Nat préconisées d?environ 60% entraineront une hausse correspon- dante de la volatilité au titre de ces évènements ; - La réassurance de marché sous-jacente à la CCR a disparu sans doute durablement depuis dé- but 2023. Ce phénomène est présumé durable du fait des nouveaux critères utilisés par les agences de rating pour évaluer les besoins en capital des réassureurs (qui impliquent que les réassureurs délaissent les évènements de fréquence pour se recentrer sur la couverture des évènements de pointe ayant une période de retour supérieure à 10 ans). - Les acteurs publiant leurs comptes en IFRS sont impactés depuis début 2023 par une quasi impossibilité de lisser leurs résultats dans le temps du fait de la reconnaissance des réserves en fair value. Pour faciliter l?absorption de ce surcroît de volatilité au moins par les acteurs non soumis à IFRS, nous recommandons d?élever les possibilités de dotation aux provisions d?égalisation. 3ème ligne de défense : la CCR a- Rehausser les primes perçues par la CCR : Cette hausse permettra évidemment à la CCR de supporter une part plus importante de tout évènement. Elle est au coeur de nos recommandations évoquées en section 2.3.2. b- Partager les risques portés par la CCR avec la réassurance privée : Il ressort de nos échanges avec les réassureurs un appétit visible pour les risques de séisme, inondation et même en partie cyclones sur les DOM. La hausse tarifaire que nous préconisons doit donner les moyens à la CCR de payer les primes de réassurance correspondant à : i. la sinistralité moyenne transférée aux réassureurs privés, ii. La rémunération de leurs fonds propres mobilisés dans cette optique. Ce partage de risques peut aussi prendre la forme d?obligations Catastrophes (cat bonds) avec comme avantages : 60 - une profondeur de marché significative, car le risque climatique est largement décorrélé des risques de marché et permet donc un important effet de diversification, favorable au ratio per- formance/risque des portefeuilles, - des durées de couverture pluriannuelles permettant de verrouiller des conditions tarifaires in- dépendamment des humeurs de la réassurance privée traditionnelle, et comme inconvénients : - des coûts de structuration significatifs (avocats, actuaires) pour sécuriser les investisseurs et le réassureur (collatéral, etc?), - une offre plus étroite quand il s?agit de couvrir la charge correspondant à l?indemnisation réelle des sinistres que sur base indicielle. En effet la modélisation étant plus simple sur base indi- cielle, la sécurité financière séduit plus d?investisseurs. S?agissant du péril RGA, risque repoussoir pour la réassurance privée du fait de la volatilité des critères de reconnaissance et de la perception d?un caractère politisé du processus de décision, une étude mériterait d?être menée sur les conditions de développement d?une offre d?assurance paramétrique avec un partage possible entre la CCR et le marché fondé sur le déclenchement de la garantie sur la base du seul indice d?humidité des sols (SWI) de Météo-France. Un risque de base resterait, dans cette hypothèse, supporté par la CCR. c- Rehausser les plafonds de la provision d?égalisation Si la réassurance est un levier de diversification dans l?espace, les sociétés d?assurance non soumises à l?évaluation en fair value de leur passif par les IFRS ont la faculté de lisser leur résultat dans le temps grâce à la provision d?égalisation. La CCR utilise naturellement cette faculté. Toutefois les plafonds et délais de mise en réserve n?ont pas suivi la hausse de ses engagements. Nous recommandons donc également de réviser à la hausse les plafonds et durée admissibles de la provision d?égalisation. 4ème ligne de défense : La couverture de l?État lui-même Si l?État le décide, il a la possibilité de transférer vers les réassureurs privés une partie du risque de sa garantie sur la CCR. Les mêmes outils de partage de risque que pour la CCR sont en théorie envisageable, avec des formes juridiques à adapter. A ce stade le coût facturé par l?État au titre de sa garantie à la CCR ne nous semble pas permettre de financer le coût complet d?une protection intégrale par le marché. Une ponction sur le budget général serait donc nécessaire. 5ème ligne de défense financière : La couverture contre la sur-inflation La part importante des inondations, du RGA et des cyclones dans les évènements extrêmes crée une menace sérieuse : l?inflation du coût des réparations entre la date de survenance du sinistre et celle de la réalisation des réparations. La déformation du mix de sinistralité du Régime vers le RGA renforce cette menace. Le délai de réparation est en effet la somme des délais de : - Traitement des données d?intensité et de cinétique pour qualifier le caractère exceptionnel, - Reconnaissance des communes sinistrées, - Traitement des sinistres : expertises, chiffrage, - Missionnement des entreprises et réparations. Au total, plusieurs années peuvent séparer la survenance de l?évènement de la clôture du dossier, surtout pour les plus lourds. Or le temps augmente les coûts par l?inflation traditionnelle des frais de réparation/reconstruction. Par ailleurs, en cas d?évènement concentré sur une zone limitée, la pénurie 61 d?entreprises et d?artisans rajoute une prime de disponibilité difficile à contrer. Ce phénomène d?infla- tion «?naturelle?» doit être anticipé et pris en compte dans les charges vues précédemment et dans la fixation des primes. Ce qui est le cas, dans une mesure nécessairement limitée, basée sur les estima- tions de la CCR concernant la duration des sinistres restant à payer en fin d?exercice et les prévisions d?inflation sur notre territoire. Un risque supplémentaire important est celui d?une sur-inflation, par rapport aux prévisions écono- miques, pouvant survenir durant la période pluriannuelle qui s?étend depuis la survenance d?un sinistre jusqu?à son règlement effectif aux assurés via les compagnies réassurées par la CCR. Compte tenu de la très faible marge contenue dans les comptes prévisionnels moyens du régime d?une part, et des montants très significatifs que peuvent représenter des évènements extrêmes d?autre part, nous recommandons d?envisager sérieusement une couverture de ce risque. Seuls des instru- ments financiers de type OATi, Swaps ou fonds structurés sur mesure sont susceptibles d?apporter des solutions, en contrepartie de primes pouvant marginalement obérer le rendement des actifs financiers de la CCR. Là encore, seule une analyse du coût d?opportunité versus appétit au risque, sur base de propositions concrètes, est susceptible d?éclairer de telles décisions de couverture. OBJECTIF N°4 : PROTÉGER L?ÉTAT ET LA CCR FACE AUX CONSÉQUENCES D?UN ÉVENEMENT CLIMATIQUE EXTREME 4.1. Envisager la rétrocession auprès de réassureurs privés d?une partie des risques de pointe (inondations, cyclones, séismes, voire RGA avec des mécanismes paramétriques) dans le respect de la gouvernance relative à la convention entre la CCR et l?Etat 4.2. Rehausser les plafonds réglementaires en durée et en montant relatifs à la provision d?égalisation 62 CHAPITRE 3. RENFORCER LE ROLE DU SYSTEME ASSURANTIEL DANS LA PREVENTION ET L?ADAPTATION AUX RISQUES CLIMATIQUES 3.1. ? Le rôle de la prévention des risques dans le rééquilibrage du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles 3.1.1. Le rôle de la prévention des risques majeurs corrélés aux évènements climatiques dans le rééquilibrage du régime d?indemnisation des catastrophes naturelle La sinistralité à la suite de l?occurrence d?un événement dommageable est due à plusieurs facteurs : ? Le champ et l?étendue de reconnaissance de la sinistralité : ceci dépend de ce qui est reconnu par un pays, un domaine et une autorité. Toute la sinistralité n?est pas prise en compte. Il y a donc : une sinistralité réelle et une sinistralité déclarée. ? La sévérité de l?aléa : la nature de l?évènement est connue ou imprédictible, l?intensité est anor- male ou exceptionnelle, la cinétique est rapide ou très lente. ? L?exposition des systèmes et des territoires est significative : Les inégalités territoriales font que certains territoires (ex. les territoires insulaires, les territoires à fort potentiel photovoltaïque, etc.) sont plus sujets à certains aléas que d?autres. ? La vulnérabilité est significative. Celle-ci peut être du par exemple à des inégalités socio-éco- nomiques, à la présence d?une pyramide des âges avec de fortes présences de populations les plus âgées ou les plus jeunes, aux vieillissements voire le manque de robustesse des structures, etc. ? Le manque voire l?ineffectivité des mesures de prévention des risques. Ceci peut consister en un manque d?investissement particulier et collectif dans l?application des règlements et des mesures réglementaires (ex. PPR, Maîtrise de l?urbanisation, mesures structurelles ou autres de réduction de la vulnérabilité, ...). ? Des manquements en matière de gouvernance des risques. Ceci consiste en un affaiblissement des dispositifs de contrôle (coercitif ou accompagnateur) des différents acteurs, un manque de culture du risque et de la résilience, un manque de formation et d?information, etc. Dans son rapport datant de juin 2020 intitulé « Evaluation des impacts de la prévention des risques d?inondation sur la sinistralité », la CCR a démontré, dans le cas des risques inondation, l?effet de la prévention, notamment la mise en place des mesures de prévention (le règlement) prescrites dans les PPR Inondations, dans les plans communaux de sauvegarde (PCS) et dans les programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI) sur la baisse de la sinistralité. Quoi que cette démonstration reste à établir explicitement pour les autres typologies d?aléas et de manière systématique, induits ou pas par les changements climatiques, gageons que, sur le principe, ces mesures portent leurs fruits. Une partie de l?ineffectivité des mesures de prévention peuvent être dues soit à une inadaptabilité de la mesure (ex. les tendances à préférer, selon les pays, les mesures structurelles au détriment des mesures basées sur la nature), soit à une difficulté à porter individuellement ou collectivement, pour des raisons sociales ou économiques, le poids (investissement) de prévention, soit par un manque de formation, de sensibilité ou de culture du risque et de la résilience des particuliers et des professionnels, soit à un déficit de gouvernance de la prévention des risques, à savoir un manque de contrôle ou de couverture des risques. 63 Si la mise en place et l?investissement dans la prévention porte leurs fruits, quelles peuvent être donc les résistances à la prise en compte de ces aspects pour les particuliers, les entreprises et les collectivités et leur reconnaissance lors des indemnisations, les constats de sinistralité et le calage des primes d?assurance ou d?autres mécanismes d?accompagnement aux portages ? Une des réponses pourrait être trouvée dans l?hétérogénéité des moyens et des revenus rendant la mesure potentiellement ressentie comme inéquitable. Cette impression pourrait facilement être levée si la reconnaissance de l?effectivité de la prévention était considérée en deux temps : dans une incitation et une « aide » aux tiers et aux particuliers à les porter et dans une modulation des cotisations d?assurance pour les plus vertueux. Une autre réponse pourrait être trouvée dans la difficulté de l?appréciation et du contrôle de l?effectivité des investissements de prévention. Là aussi, la publication d?un guide précisant les critères et la méthode d?appréciation de l?effectivité des investissements de prévention, guide partagé publiquement et suivi de mesures de sensibilisation mise en place par les assureurs, les services de l?Etat et une association, ainsi que l?augmentation de l?effectif de contrôle (coercitif et accompagnateur) permettrait de lever les résistances. Reconnaître les efforts et les investissements de prévention dans l?indemnisation et dans l?assurabilité a un effet plus profond sur la construction de la culture de la prévention des risques liées aux changements climatiques et à la résilience. Ceci permet de démontrer aux particuliers comme aux collectifs que nous ne sommes pas passifs face à des aléas : nous pouvons réduire notre vulnérabilité, améliorer nos systèmes de gouvernance des risques et lutter ainsi contre l?érosion du moral et des conditions de vie induits par une impression d?être victime, et non acteur, des événements dommageables. 3.1.2. Etat des lieux des actions et financements existants dédiés à la prévention et à l?adaptation face aux risques climatiques Le tableau ci-dessous reprend les actions financées à ce jour en matière de prévention et d?adaptation. 64 65 66 67 68 En matière d?investissement dans les mesures de résilience du bâti, il est constaté que le dispositif mis en place par le régime actuel peut laisser apparaître un manque de distinction entre les constructions respectant les normes de construction à la fois génériques et spécifiques en zone d?aléa connu de celles ne respectant pas les normes et les bonnes pratiques en la matière. Ceci peut avoir différentes explications. La première est due à la difficulté d?apprécier les investissements de prévention car le respect des normes de construction est une mesure proactive de prévention. La seconde est le manque et le sous-dimensionnement des corps de contrôle public ou privé de la construction. La troisième explication provient du coût potentiel de traitement des dossiers d?estimation des conditions de « bonne construction » des maisons et des biens. Pour finir, ceci pourrait être expliqué par le potentiel effet discriminatoire d?une telle prise en compte au regard du manque de moyens financiers de certains assurés. Plusieurs actions pourraient être envisageables en la matière: ? renforcer les études de vulnérabilités structurelles des bâtis sur les zones d?aléas cartographiés. Ceci permettra de systématiser les diagnostics de vulnérabilité et de résilience à l?échelle indi- viduelle et collective ; ? renforcer les corps de contrôle de la construction à la fois en mesures accompagnatrices (ex. aide au diagnostic) et en mesures coercitives (mise en demeure par exemple) ; ? sortir les résidences secondaires, locatives et les grands risques commerciaux du champ du tarif imposé sur les zones rouges et oranges permettra de renforcer le signal-prix au service de la prévention. 3.2. ? Élaborer un catalogue d?actions d?adaptation appropriées au contexte français pour orienter les actions de prévention des assureurs Le chapitre 1 a rappelé que les dommages futurs dépendront de l?adaptation qui sera mise en oeuvre. Or, dans ce domaine, les auditions ont montré que la situation était loin d?être optimale, confirmant ainsi les constats du rapport du GIEC de 2022. Les réponses d?adaptation susceptibles de réduire les risques climatiques, leur potentiel et leurs limites ne font pas toujours l?objet de consensus chez les acteurs et sont parfois mal connues. Ces désaccords entre acteurs sont par exemple tout particulièrement visibles dans les domaines de la gestion de l?eau, en ce qui concerne les places respectives du stockage de l?eau et des politiques orientées demande, et sur les pratiques agricoles avec la place des pratiques agroécologiques. Les auditions ont montré que des acteurs, notamment les agriculteurs, peuvent faire un arbitrage entre adaptation et assurance, ce qui fragilise à la fois les assurances et les agriculteurs qui s?engagent vers des pratiques soutenables. Dans le domaine des sécheresses géotechniques, tous les acteurs ne portent pas les mêmes messages en ce qui concerne l?efficacité de la prévention. Une première étape consisterait à constituer un consensus au sein des acteurs concernant les réponses d?adaptation susceptibles de contenir les risques climatiques en France. Etablir ce consensus est possible à partir de rapports scientifiques tels que ceux du GIEC, de l?IPBES, des organismes de l?alliance Allenvi, des travaux du réseau AFPCNT et de l?Institut pour la Maîtrise des Risques (IMdR). Il pourrait notamment s?appuyer sur le rapport du groupe 2 du 6ème rapport du GIEC qui constitue le consensus scientifique sur l?adaptation fondé sur la littérature scientifique dans le domaine des risques, de l?adaptation, des sciences humaines et sociales. Notre recommandation consiste ici à réaliser un inventaire des solutions d?adaptation susceptibles de contribuer à réduire les conséquences potentielles des risques naturels en France. Cet inventaire pourrait être utilisé pour les assureurs comme outil de communication envers les assurés, notamment en appui à la mise en oeuvre de l?objectif n°8. 69 OBJECTIF N°5 : ORIENTER LES ACTIONS DE PREVENTION DES ASSUREURS PAR UN CATALOGUE D?ACTIONS D?ADAPTATION APPROPRIEES AU CONTEXTE FRANÇAIS 3.3. ? Renforcer le financement des leviers publics et privés de prévention des risques naturels et rehausser la contribution du secteur assurantiel 3.3.1. Renforcer le financement de la prévention individuelle des risques naturels majeurs, y compris pour le RGA et anticiper le financement de l?adaptation côtière Le régime français d?indemnisation des catastrophes naturelles fait partie du processus de prévention des risques majeurs. Ce régime assurantiel verse les indemnisations en cas de sinistre et inclue un prélèvement sur la prime « catastrophes naturelles », qui abondait jusqu?en 2020 le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier ». Ce fonds a été budgétisé en 2021. Il finance des actions de prévention, qui malgré les efforts de pédagogie engagés reste difficile à comprendre pour plusieurs acteurs, mises en place principalement par les communes. Sa contribution directe aux actions des particuliers et des entreprises est modeste. Un effet d?illusion peut donc résider dans le fait que les cotisations individuelles d?assurés financent des actions de prévention à caractère collectif. Les mesures mises en place par les collectivités servent à la fois la prévention collective et la prévention individuelle. Les mesures de prévention qui s?imposent aux particuliers sont issues de mesures constructives fixées bien souvent dans les outils portés par la stratégie nationale de prévention des risques majeurs (SNPRM - ex. règlement PPR portant sur la réduction de la vulnérabilité). Ceci met en évidence que si pour des questions de difficulté à apprécier l?effectivité des mesures de prévention des risques, par catégorie d?acteurs (particulier, les collectivités et les entreprises), celle-ci n?est pas prise en compte, alors il faudrait penser à d?autres mécanismes (cf. recommandations 6 et 9 ci-après). Ce régime a le mérite d?exister en activant un dispositif de prévention ayant une notoriété certaine, organisant une solidarité nationale sur un territoire assurément diversifié et permettant un « apprentissage social ». A ce point, une autre limite dans la structure du dispositif de prévention et d?indemnisation des risques connus et matérialisés apparait, qui consiste en une corrélation du financement de la prévention sur le volume financier des sinistres. Il est difficile de ne pas envisager le fait que les primes d?assurance catastrophes naturelles devraient augmenter pour suivre l?augmentation de la sinistralité sauf à envisager un mécanisme de régulation en la matière. Ce devrait être l?occasion d?engager un effort significatif de reconnaissance de l?investissement en prévention visant à réduire l?enveloppe d?indemnisation et la récurrence de certaines formes de sinistralité. Ce renforcement pourrait s?appuyer sur plusieurs approches : - Etablir une hiérarchisation du financement des actions de prévention en fonction d?une modu- lation pluri paramétrique (multicritères). Ceci reviendrait à renforcer les cartographies des aléas par des cartographies évolutives des vulnérabilités sur les territoires, pour les différents acteurs ; - Elargir l?enveloppe de la prévention des aléas pris en considération et l?ouvrir à ceux à cinétique lente et récurrents (cf. recommandation n° 6) ; 70 - Renforcer les mécanismes incitatifs de nudging (par exemple un bonus-malus) sur la prime d?assurance pour les assurés. Ceci permettrait de renforcer de manière indirecte le dispositif en faisant sortir ou en réduisant l?exposition de certains cas exposés aux risques majeurs. En sus de ce qui vient d?être explicité et proposé, notons qu?il est estimé que le FPRNM affecte environ 1 à 3 M¤ par an à des subventions individuelles (hors mesures d?expropriation et d?acquisitions amiables de biens menacés ou sinistrés). Parmi les solutions envisagées pour améliorer cette situation : o Fixer un pourcentage (par exemple 12%) de la hausse de la surprime à un nouveau fonds dédié aux mesures individuelles tous périls : Inondations, Cyclone, retrait-gon- flement des argiles. Cette individualisation permettrait notamment de prendre en compte des diagnostics de résilience et une prise en compte des mesures de préven- tion. o Garder la prise en compte des mesures d?expropriation dans les mesures collectives. o Distinguer des enveloppes par catégorie d?aléa et par catégorie d?acteurs (particuliers, entreprises, et collectivités). Ceci apporterait une plus grande lisibilité des arbitrages. Ainsi, que l?on distingue le FPRNM selon les mesures dites individuelles et celles dites collectives, ceci apportera une plus grande lisibilité et une meilleure budgétisation proactive. Ainsi, si les mesures individuelles relatives aux inondations étaient distin- guées dans ou à côté du FPRNM, ceci donnerait une impression d?une plus grande li- berté d?arbitrage des mesures dites collectives et de l?expropriation. 3.3.1.1. Maximiser le retour sur investissements et subventions du FPRNM pour le Régime en établissant une priorisation liée aux économies attendues et en adoptant une démarche pro-active en direction des acteurs-clés À l?heure actuelle, le FPRNM intervient principalement pour la réalisation d?études et de travaux, notamment dans quatre domaines : - La mise à niveau antisismique des bâtiments publics aux Antilles, - Le financement d?infrastructures de prévention collective du risque inondations, - La maintenance d?ouvrage de prévention collective du risque inondations, - La mise à jour des Plans de Prévention des Risques. Hormis le dernier point, ceci témoigne d?un fonctionnement très participatif du FPRNM associant la DGPR et les collectivités locales dont la motivation pour co-investir dans la résilience des territoires est essentielle. La CCR est par ailleurs missionnée pour confirmer l?efficacité des mesures prévues ou réalisées. A notre sens, une démarche de priorisation plus poussée serait possible pour optimiser l?impact du FPRNM : dans le domaine des inondations, par exemple, une telle priorisation nécessiterait la réalisation de cartographies de risques (et non plus uniquement de cartographies de l?aléa ou de l?exposition), estimant les risques pour la mortalité ou la morbidité et les pertes annuelles attendues. La directive cadre inondation requiert la réalisation de telles cartes à l?échelle des Territoires à Risques Importants d?Inondation. La réalisation de telles cartographies de risques harmonisée à l?échelle nationale n?est pas immédiate pour tous les périls pertinents pour le FPRNM, mais il s?agit d?un objectif atteignable en 5 à 10 ans, cohérent avec les principes de la gestion des risques en Europe, notamment pour l?inondation. Disposant d?une liste des investissements de prévention par ordre décroissant d?effet sur la réduction des risques, la DGPR serait à même de démarcher de manière proactive notamment les collectivités les plus concernées et sans doute de les convaincre davantage de leur intérêt de co-investir tant pour leurs biens propres que pour leurs administrés. Une telle approche permettrait de maximiser l?impact 71 de chaque euro investi par le FPRNM dans les mesures collectives contre les inondations et demain possiblement contre d?autres périls 3.3.1.2. Créer un nouveau fond dédié au financement des mesures de prévention individuelle et le doter par le prélèvement de 12% sur la hausse des cotisations additionnelles relatives à la garantie catastrophes naturelles Le fort accroissement prévisible de la surprime du régime nécessaire pour son équilibre signifie une forte augmentation de l?assiette de prélèvement obligatoire de 12 % sur le produit des primes ou cotisations additionnelles payées par les assurés au titre de la garantie envers le risque de catastrophes naturelles. Nous préconisons d?augmenter dans la même proportion que la surprime ce prélèvement, et d?allouer ces ressources supplémentaires à la prévention individuelle des risques naturels, étant donné l?ampleur des besoins face au changement climatique. Si la recommandation de hausse de la surprime CatNat que nous préconisons est mise en oeuvre, l?ampleur de la hausse du financement au titre de ce prélèvement serait alors de l?ordre de 69% soit 180 M¤. Ceci semble être cohérent avec les recommandations proposées par le CESE (2022) qui consistaient à rehausser les montants du FPRNM dans les mêmes proportions que la hausse prévisible des sinistres et avec l?estimation faite par I4CE. La question se pose des investissements prioritaires pour optimiser ces moyens supplémentaires. Une partie importante des financements du FPRNM va actuellement vers des mesures collectives de prévention des périls inondation en métropole et séisme aux Antilles. Ce dispositif parait moins à l?aise pour accompagner les mesures individuelles puisqu?elles ne représentent annuellement que quelques millions d'euros de subventions directes aux ménages. Par ailleurs, la mission a constaté des réserves fortes parmi les directions ministérielles auditionnées à la perspective de financer via le FPRNM des mesures individuelles de prévention des périls RGA et de recul du trait de côte, estimant que les mesures de prévention du phénomène RGA n?ont pas fait leurs preuves et que le trait de côte n?est pas un risque aléatoire. Il nous semble néanmoins souhaitable que les mesures individuelles de prévention soient véritablement encouragées pour le bâti existant ou à venir par un dispositif intégrant : - la présence d?un contrôle de la construction allant au-delà des approches coercitives de con- formité. - l?accompagnement ou le co-financement de diagnostics de résilience, - l?accompagnement à identifier les sources de financement ou le co-financement de travaux de prévention face aux risques d?inondation, de cyclones, et demain probablement de RGA. Ce sujet fait donc l?objet de notre recommandation n°6. La gestion actuelle du FPRNM ne rendant pas ceci possible, nous proposons donc la création d?un nouveau fond dédié aux mesures de prévention individuelles. Ce fond permettrait de concentrer les aides aux ménages prioritaires pour augmenter leur résilience face aux périls inondations, cyclones et, dans le futur RGA, en cofinançant un arsenal de mesures individuelles de diagnostics, de conseils, de financement et d?accompagnement des travaux. L?accès à ces dispositifs serait facilité par une plateforme confiée à une association pour la prévention des risques naturels en lien avec la CCR et les assureurs, qui ont le contact de proximité avec leurs clients. Pour préserver son intégrité et son développement, un tel fonds devrait être : - sous la triple gouvernance du MTECT (DGPR), de la direction générale du Trésor et de France Assureurs, - comptabilisé et géré par la CCR, 72 - dédie aux mesures de prévention sur les zones d?aléa rouges et orange, avec une priorisation des leviers fonction de leur impact, - Orienté prioritairement vers les ménages les plus fragiles (plafonds stricts et bas pour les aides). En retirant du FPRNM les subventions dédiées aux mesures individuelles de prévention, hormis les expropriations et acquisitions amiables qui relèvent d?une concertation avec les collectivités, cette structure serait complémentaire et non concurrente du FPRNM. Cette mesure de séparation pouvant aussi donner lieu à des temps d?étude de dossiers significatifs, il pourrait être aussi envisagé de simplement distinguer, dans l?actuel FPRNM, les processus et les temps d?analyse des mesures de prévention individuelles et collectives. La répartition du prélèvement au titre de la prévention sur la prime Cat Nat devrait donc s?établir à compter de son relèvement et de manière durable à : - 100/169 = 59% pour le FPRNM, lui maintenant ses ressources en valeur en absolue et - 69/166 = 41% pour ce nouveau fonds 3.3.1.3. Etendre le périmètre d?intervention du nouveau Fonds pour la Prévention individuelle des risques naturels au financement de la R&D et des diagnostics de résilience liés au RGA. Compte tenu des enjeux pour le régime que représente la charge du phénomène RGA (1 milliard d?euros de sinistralité moyenne annuelle sur base des paramètres climatiques et économiques de 2022), ce nouveau fonds devrait contribuer au financement d?une stratégie de prévention de ce péril en deux temps. 1- R&D : dans un premier temps, les investissements de recherche et développement de la CCR et de la Mission Risques Naturels, au titre de l?initiative sécheresse, pourraient faire l?objet d?un Co-financement par ce nouveau fond. A court terme également, suite à sinistre RGA sur- venant en zone rouge, un diagnostic de résilience devrait être imposé aux propriétaires de maisons, cofinancé par les assureurs et ce fonds, 2- dans quelques années, lorsque la preuve de l?efficacité de certaines mesures dites « horizon- tales » 7aura été faite grâce à ce programme de R&D, le fonds pourra co-financer a minima pour les ménages modestes des mesures de prévention adaptées au risque RGA. Nos auditions montrent que ces mesures dites « horizontales » semblent prometteuses, au regard des conclusions d?une étude combinant analyse empirique et modélisation paramétrique 3D, conduite par la CCR en 2022 en partenariat avec Terrasol et AFB expertise. Ces mesures ont fait l?objet de travaux permettant de disposer de données statistiques sur 300 cas réels sur plus de 15 ans, en France et à l?étranger (guides du CEBTP de 1991, résultats des projets de recherche ARGIC 1 et 2, réglementations britanniques et australiennes qui ont introduit les mesures horizontales dans leur réglementation constructive depuis les années 1960 et 1980). Ces mesures dites horizontales sont actuellement en cours de test dans le cadre de l?« initiative sécheresse » afin de démontrer leur efficacité dans la durée. Les résultats sont attendus sous 3 à 5 ans. 7 - Les mesures dites « horizontales » rassemblent des dispositifs d?adaptation de l?environnement du bâti dont l?objet est d?assurer la maitrise de la teneur en eau sous les fondations et de jouer ainsi sur les causes du phénomène de RGA (pas de variation de teneur en eau = pas de retrait gonflement des argiles). Elles regroupent 4 dispositifs constructifs principaux : la mise en place d?une imperméabilisation périmétrique (géomembrane, trottoirs), l?étanchéification des réseaux d?eaux pluviales, la gestion de la végétation, le drainage. Le rapport sur le risque RGA préparé par le député Vincent LEDOUX présente les principaux types de mesures horizontales répertoriées à ce jour (page 54). 73 3.3.1.4. Étudier la création d?un fonds pouvant contribuer au financement de la relocalisation des biens fortement exposés à l?érosion du trait de côte sableux. La mission d?évaluation des risques liés à l?érosion du trait de côte a réalisé un inventaire des biens menacés à horizon 2050 ainsi que des enjeux économiques. Il en découle que l?enveloppe de financement à constituer sur 30 ans nécessaire pour le rachat des biens concernés oscille entre 50 et 150 M¤ par an, selon les scénarios climatiques la grille d?évaluation des biens et les horizons de temps considérés8. Rapporté à un budget annuel d?environ environ 3 milliards d?euros pour le régime Cat Nat (après hausse du taux de surprime ? cf. chapitre 2), un ajout de cette ampleur ne semble pas insurmontable. Bien que le FPRNM ait été créé pour financer les indemnités d?expropriation de biens exposés à des risques naturels majeurs, il est compréhensible que les pouvoirs publics ne souhaitent pas y intégrer le recul du trait de côte en raison de la cinétique de cet aléa et de la charge additionnelle que cela ferait peser sur ce fonds. En effet, il s?agit d?un risque : - de survenance différée et non pas immédiate, dont la période précise de survenance est in- certaine, - qui cible un ensemble de biens potentiellement affectés qui peuvent être identifiés a priori et non pas aléatoires dans leur géographie, - dont le traitement fera nécessairement intervenir les collectivités locales. De ce fait, il nous semble que la création d?un nouveau fonds dédié à ce péril pourrait s?envisager sous forme : - d?un supplément de surprime catastrophe naturelle, - objet d?un prélèvement (ou taxes) supplémentaire comme les autres fonds de prévention, - rejoignant un fonds indépendant et spécifique au trait de côte, - nécessairement géré par capitalisation, s?agissant d?un risque différé et non par répartition comme les autres risques naturels « immédiats ». Il s'agit là d'une décision avant tout politique, qui ne concerne pas a priori les assureurs au titre du versement de sommes en cas de sinistre, et exige sans doute une concertation étroite avec les collectivités locales et les représentants des sites menacés. Sur ce sujet spécifique du recul du trait de côte, il nous semble important, dans un souci d?équité, de disposer de règles claires, avec un dispositif d?aide assorti de seuils stricts et bas, dans un souci d?équité sociale et d?efficacité des dépenses publiques. 3.3.1.5. Soutenir l?investissement public et privé assurantiel dans l?expertise, la R&D et les bonnes pratiques sur le phénomène RGA, les périls côtiers et sur les solutions fondées sur la nature Il est clair que les connaissances scientifiques et techniques doivent encore progresser au service des politiques de prévention dans le domaine du RGA et des risques côtiers. Les besoins d?expertise tant pour l?indemnisation des sinistres que pour les diagnostics de résilience, exigeront des investissements de formation importants, proportionnels aux enjeux financiers du régime. De ce fait, ce nouveau fonds devrait soutenir les initiatives publiques et privées de R&D, de formation et de diffusion des bonnes pratiques par l'ensemble des organismes qui y contribuent. Les solutions fondées sur la nature sont évidemment à privilégier compte-tenu de leur durabilité et de leur impact positif en matière de biodiversité et de gestion, de l?eau, notamment. 8 Les besoins en financement de la relocalisation augmentent sensiblement dans la 2e partie du 21e siècle et l?élévation du niveau de la mer se poursuivra pendant des siècles. 74 OBJECTIF N°6 : RENFORCER LE FINANCEMENT DE LA PREVENTION DES RISQUES NATURELS MAJEURS, Y COMPRIS LE RETRAIT-GONFLEMENT DES ARGILES ET ANTICIPER LE FINANCEMENT DE L?ADAPTATION COTIERE 6.1. Maximiser le retour sur investissements et subventions du FPRNM pour le Régime en établissant une priorisation liée aux économies attendues et en adoptant une démarche pro-active en direction des acteurs-clés. 6.2. Créer un nouveau Fonds dédié au financement des mesures de prévention individuelle et le doter par le prélèvement de 12% sur la hausse des cotisations additionnelles relatives à la garantie catastrophes naturelles. 6.3. Étendre le périmètre d?intervention du Fonds à la Prévention individuelle des risques naturels au financement de la R&D et des diagnostics de résilience liés au RGA. 6.4 Étudier la création d?un fonds pouvant contribuer au financement de la relocalisation des biens fortement exposés à l?érosion du trait de côte sableux.? 6.5. Soutenir l?investissement public et privé assurantiel dans l?expertise, la R&D et les bonnes pratiques sur le phénomène RGA, aux périls côtiers ainsi que sur les solutions d?adaptation telles que les mécanismes dits « solutions fondées sur la nature ». 3.3.2. Investir pour développer la connaissance des risques et les mesures de prévention appropriées Nos auditions des parties prenantes concernées nous amènent à formuler les recommandations suivantes, qui par une meilleure connaissance des risques participeront à une meilleure gestion de ceux-ci. OBJECTIF N°7 : INVESTIR POUR DEVELOPPER LA CONNAISSANCE DES RISQUES ET LES MESURES DE PREVENTION APPROPRIEES 7.1. Renforcer les parcours de formation à la prévention des risques naturels et de catas- trophe pour l?ensemble des élus locaux, des professionnels et des services déconcentrés de l?Etat en début et tout au long de l?exercice de leur mandat ou de leur fonction. 7.2. Renforcer les parcours de formation technique des professionnels de l?immobilier, des syndicats ainsi que des notaires afin d?améliorer la sensibilisation aux risques naturels et de catastrophe lors du transfert de propriété ou lors de la location d?un bien immobilier. 7.3. Renforcer le partage des données et la sensibilisation aux risques de catastrophe en améliorant la granularité de l?information, l?ergonomie et les recommandations en matière de prévention et de résilience sur la plateforme Géorisques. 75 3.3.3. Consolider une association nationale de prévention des risques naturels avec la contribution des assureurs Au-delà des actions respectives des acteurs de l?assurance, des opérateurs d?Etat, des services centraux et des services déconcentrés de l?Etat, des collectivités, des entreprises et des particuliers, l?organisation de dispositifs d?actions collectives est nécessaire. Cette action nécessite la création, ou la consolidation d?une association nationale impliquant et mobilisant à minima les typologies d?acteurs suivant fondés sur un modèle de bénévolat et un support administratif et technique solide : des opérateurs publics, des assureurs, des collectivités et des territoires, des entreprises, des prestataires de services, des représentants des centres de recherche nationaux et du monde académique, des associations et des particuliers. La Mission sur la transparence, l?information et la participation de tous à la gestion des risques majeurs, technologiques ou naturels de 2021 à malheureusement confirmé un constat d?une mission antécédente datant de dix ans avant, ainsi que les travaux de François Loos et de Jean-Yves Le Deaut de 20029 sur les déficiences et les carences des particuliers et des professionnels en matière de culture de risque et de résilience. Ces déficits peuvent être comblés en mettant en place différentes actions que nous regroupons et développons ci-dessous : 1. Le besoin de s?appuyer sur les territoires, sous leurs différentes formes, afin d?entreprendre des actions de sensibilisation, d?acculturation et de formation récurrentes et continues en matière de prévention des risques majeurs, notamment climatique, de résilience et d?adaptation. Ces moments peuvent prendre la forme de journées, s?adossant sur des évènements mondiaux (par exemple la journée internationale de la prévention des risques de catastrophe et de résilience initiée par l?UNDRR le 13 octobre de chaque année), ou sur toute autre forme permettant des interactions entre des citoyens et des professionnels en fonction des spécificités des aléas en cours et émergents sur les territoires, sur les spécificités des vulnérabilités de ces territoires, ainsi qu?en fonction des besoins de réparation et de résilience ou post catastrophe des besoins de ces derniers. Cette sensibilisation et formation doit de même contribuer à l?augmentation de la couverture assurantielle des particuliers dans les territoires où le taux de ce dernier est faible. 2. Le besoin de renforcer l?accessibilité et la lisibilité des mécanismes d?assurance, de prévention, de résilience et d?adaptation auprès de population diverses avant, pendant et après une catastrophe. Ainsi, ladite association aura pour rôle d?aller au-delà de ce qui est fait dans des documents d?information réglementaire (ex. DICRIM), permettant d?adapter aux besoins et aux publics un monde de la prévention et de l?assurance dont la lisibilité reste complexe et rend l?identification du financement des pertes assurées et de l?aide à la prévention et à la résilience difficilement lisible et donc applicable. 3. Le besoin d?accompagner les particuliers dans la lisibilité des mécanismes de financement des diagnostics de vulnérabilité et de résilience et des mécanismes de réparation ainsi qu?un accompagnement à une lecture critique des compétences effectifs des potentiels prestataires privés ou publics en la matière. 4. Le besoin de développer des guides et des outils gratuits et accessibles d?auto-évaluation permettant aux particuliers de s?auto-diagnostiquer en matière de prévention et de résilience. 9 https://www.assemblee-nationale.fr/11/rap-enq/r3559/r3559-01.asp. 76 La pérennité et la soutenabilité de cette association dépendra de sa forme juridique, des formes d?appui public-privé à la maintenabilité de ces actions sur le territoire, ainsi que sur une évaluation, à un rythme d?une fois par an, deux and et demi ou cinq ans, de l?effectivité de leurs actions sur les territoires. OBJECTIF N°8 : CONSOLIDER UNE ASSOCIATION NATIONALE DE PREVENTION DES RISQUES NATURELS AVEC LA CONTRIBUTION DES ASSUREURS 8.1. Renforcer et élargir l?AFPCNT, voire impulser une initiative de place des assureurs afin de consolider une association sur la prévention des risques naturels menant des opérations de proximité, avec l?appui de bénévoles, notamment sur le modèle de l?association Préven- tion Routière 8.2. Faciliter via une plateforme de gestion de type «?MaPrimeRénov??», gérée par cette as- sociation, l?accès des particuliers aux diagnostics de risques intégrés et de résilience, aux aides publiques et aux solutions intégrées de financement (crédit à taux nul, avances de trésorerie) et de gestion des travaux de prévention/remédiation?? 8.3. Renforcer via cette association les dispositifs en faveur de l?acculturation et de la forma- tion aux risques climatiques et à la résilience. 3.4. ? Développer et accompagner l?investissement dans la résilience du bâti 3.4.1. Renforcer les lois Élan et ZAN pour sécuriser l?équilibre du régime à moyen et long terme La loi Élan édicte des règles de prévention minimales pour la construction de bâtiments en zones à risque modéré ou élevé au phénomène de retrait-gonflement des argiles, à savoir : - soit une étude de sol de type G1, - soit une mesure forfaitaire de fondations de profondeur minimale de 1,20 m. La comparaison de ces règles avec celles en vigueur en Espagne depuis 2000 (cf. encadré 3), avec un retour d?expérience à priori très positif, laisse présumer une fragilité de notre dispositif. Le sondage réalisé en janvier 2022 par la Fédération Française du Bâtiment concernant l?option choisie par les maîtres d?ouvrage montre qu?un tiers des opérations de construction post loi Elan donnent lieu à des mesures forfaitaires. Or l?épaisseur de la couche d?argile dite active est souvent de plusieurs mètres. Par ailleurs, de nombreux assureurs dommages-ouvrages (DO) semblent exiger à la souscription une étude de sol de type G2-Pro. Spécialisés sur ces risques et en héritant, ils sont évidemment les mieux à même de les évaluer sérieusement. Compte tenu de ces éléments, il nous semble souhaitable de réaliser à très bref délai, une réévaluation de la loi Élan, pour aller probablement dans le sens d?un rehaussement de l?exigence d?étude de sol, ou, à défaut, la réalisation de fondations plus sécuritaires. 77 Ces prescriptions devraient alimenter les documents techniques unifiés (DTU) et, à l?instar des pratiques espagnoles, les contrôles sur l?application de la loi devraient être renforcés afin de sécuriser à court terme les maitres d?ouvrage, l?assurance DO et à moyen terme le régime Cat Nat. Encadré 3 ? Le cadre juridique en Espagne pour prévenir le risque de dommages liés au retrait- gonflement des argiles Les sols argileux expansifs représentent 32 % de l'étendue de l?Espagne, dont 67 % se trouvent sous des climats qui peuvent produire des changements significatifs d'humidité du sol. Afin de répondre à ce risque, l?Espagne instauré en 2000 l?obligation de réalisation d?une étude géotechnique avant toute construction dans le cadre de la loi LOE (Ley de Ordenación de la Edificación), qui fixe les obligations essentielles lors du processus de construction d?un bâtiment neuf (maisons individuelles, ERP, bâtiments industriels susceptibles d?avoir une incidence sur la sécurité publique). Du point de vue réglementaire, sans étude géotechnique, il est ainsi impossible de souscrire une assurance décennale, qui conditionne l?inscription au registre de la propriété. Les contrôle ex ante instaurés à travers l?examen préalable approfondi réalisé par des géotechniciens ont permis de limiter les recours déposés auprès des assureurs. De manière notable, les règles de l?art en matière de construction retiennent que la solution de fondation doit soutenir une profondeur suffisante sur les zones du substrat moins exposées aux changements d?humidité et aux oscillations de niveau phréatique, soit entre 3 mètres et 3,5 mètres de « profondeur active ». A titre de comparaison, en France, un arrêté pris en juillet 2020 dans le cadre des mesures d?application de la loi ELAN prévoit des dispositions définissant le contenu des études géotechniques à réaliser dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols. La profondeur d?ancrage des fondations retenue doit être au moins égale à celle imposée par la mise hors gel, soit une profondeur minimale considérée entre 0,80 m en zone d?exposition faible à moyen et 1,20 m en zone d?exposition forte. Cette différence importante de « profondeur active » retenue entre l?Espagne et la France pour déterminer la profondeur minimale des fondations de nature à éviter de futurs sinistres conduit à s?interroger sur l?efficacité des mesures législatives préventives sur les constructions neuves retenues en France. La loi ZAN (Zéro Artificialisation Nette) favorise l?action climatique (adaptation et atténuation) et limite les pertes de biodiversité. Limiter l?artificialisation permet entre autres de réduire les risques d?inondation (notamment par ruissellement), de favoriser la recharge des nappes, de limiter la destruction d?habitats et de favoriser des villes plus compactes, moins émettrices de gaz à effet de serre dont les centres seront revitalisés. La loi ZAN constitue un changement majeur dans la manière d?appréhender le développement des territoires, notamment pour les maires, qui auront besoin de soutien pour la mise en oeuvre effective de cette loi. Compte tenu de l?importance de cette loi pour l?adaptation au changement climatique, s?assurer de l?application effective de la loi et des contrôles pour identifier et éviter les esquives de la loi nous semblent indispensables. Certains acteurs des territoires mettent en évidence le besoin d?allier la notion de ZAN à la notion de « Zéro Artificialisation Brute » (ZAB). Ce changement de perspective sur l?artificialisation des zones permettrait de sortir des paradoxes induits par les mécanismes de compensation mis en application jusqu?à présent et s?avérant inconsistant et ineffectifs. 78 3.4.2. Rendre obligatoire l?assurance dommages-ouvrage en cas de souscription d?un crédit immobilier ou de revente sur les zones à forte exposition La qualité des normes de construction et leur respect sont des conditions de prévention essentielles à la sécurisation de l?habitat, de ses propriétaires, occupants et de leurs assureurs. Outre les contrôles administratifs sur le respect de ces règles, la souscription d?une assurance DO participe à la sécurisation de cette prévention. La responsabilisation financière de l?assureur l?oblige en effet à maîtriser au mieux le risque à travers, notamment, un examen des intervenants à la construction, des études de sol, le cas échéant et des techniques utilisées. Ce regard complémentaire est normalement systématique puisque l?assurance Dommages Ouvrage (DO) est obligatoire, tant en métropole que dans les DOM. Cette obligation est diversement respectée ou peut faire l'objet d?un processus fragile dans plusieurs cas. Lorsque le particulier constructeur de maison individuelle fait appel à des entreprises insuffisamment qualifiées, non assurées pour leur responsabilité décennale et décide alors de faire l?impasse sur l?assurance DO, l?absence de garantie a en général un impact modéré sur le prix de vente avant 10 ans si la maison paraît en bon état. En outre, sans revente dans les 10 ans de la construction, aucune sanction économique n?intervient. Pour autant, le non-respect des règles de l?art va introduire un élément de fragilisation de la construction, face notamment aux cyclones tropicaux et au risque de RGA. Le respect des règles de l?art induit le renforcement des corps de contrôle de la construction. Évidemment, ce phénomène est renforcé dans le cas où le maître d?ouvrage réalise par lui-même tout ou partie de la construction, a fortiori sans permis de construire. Il apparaît donc quelques failles dans le dispositif de l?assurance DO qui contribuent à la fragilisation de l?habitat, en supprimant un double regard sur la gestion des risques et la conformité de la construction avec les règles de l?art. Nous préconisons donc de renforcer le contrôle de la souscription de cette assurance en l?imposant, comme cela se pratique en Espagne, pour deux opérations critiques : (i) lors de la souscription d?un crédit immobilier lié à l?opération neuve, (ii) lors de la revente de l?habitation dans un délai de 10 ans après sa construction. De cette manière, maîtres d?ouvrage et entrepreneurs du bâtiment renforceront systématiquement leur sélection des intervenants dans la qualité de la construction. 3.4.3. Renforcer le contrôle du respect de la prise en compte du règlement des plans de prévention des risques majeurs dans les plans locaux d?urbanisme et dans les schémas de cohérence territoriale Les outils de prévention des risques majeurs, tels que les Plans de Prévention des Risques (PPR), permettent à la fois de : (i) harmoniser les pratiques techniques d?évaluation des aléas et de l?évaluation de la vulnérabilité, et de (ii) d?associer des acteurs spécialisés des acteurs concernés et des acteurs des territoires dans l?identification des niveaux de risque et l?identification des mesures individuelles et collectives de prévention des risques, ainsi que de définir des responsables chargé de mettre en place ces actions et donc de prendre en charge financièrement ces mesures. Pour les aléas relevant des risques majeurs listés dans la stratégie nationale de prévention des risques majeurs, l?outil PPR, qui est à la fois un outil de régulation des usages des sols actuels et futur (outil de maitrise de l?urbanisation et donc valant servitude d?utilité publique) et à la fois un outil de réduction de la vulnérabilité des bâtis et des infrastructures. Le règlement PPR prescrit donc des mesures de gestion du foncier (expropriation, délaissement et préemption) et de planification des usages du sol 79 futur ainsi que des mesures souvent structurelles de réduction de la vulnérabilité sur le bâti et les infrastructures. Au-delà de l?effet d?affichage des mesures réglementaires des PPR, il est nécessaire de vérifier que ce qui est nécessaire (au sens du règlement ou au sens de la nécessité de proactivité sur la prévention, l?adaptation et la résilience) est mis en place. Pour y parvenir, il est nécessaire de renforcer les corps de contrôle public et privé en la matière. Ces corps de contrôle, dont le rôle doit à la fois permettre de mettre en place des mesures de coercition en la matière (ex. ne pas fournir d?aide en cas de déficit manifeste et récurrent d?action de prévention), devra mettre se mettre à disposition des particuliers et des professionnels de manière à inciter à la prévention et à la résilience. Ceci nécessite, en sus du renforcement en effectif et en moyen des corps de contrôle de la construction de manière proportionné aux enjeux et projections en matière de risques majeurs sur les territoires, de renforcer le recrutement des corps technique et leur formation et leur mise à jour tout au long de leur carrière sur les enjeux de prévention, d?adaptation et de résilience. Ce constat, pouvant être élargi à l?ensemble de nos territoires, et plus que crucial pour nos territoires d?outre-mer de par les enjeux et contraintes induits par leurs insularités et de par la nature de la couverture assurantielles locale. 3.4.4. Développer un dispositif de cofinancement des diagnostics de résilience par le nouveau fonds pour la prévention individuelle et les assureurs La création du nouveau fonds dédié au financement des mesures individuelles de prévention ouvrira en premier lieu la voie d?un co-financement d?un diagnostic de résilience du bâti sur les zones à forte exposition (rouges et orange), à l?instar des diagnostics existant pour la performance énergétique des logements. Précisons que de tels diagnostics ont fait l?objet de test d?appétence du grand public par certaines mutuelles qui en ont tiré un sentiment de déception. Il est néanmoins probable que l?augmentation de fréquence et l?intensité des évènements naturels rehaussera en permanence la sensibilité des particuliers dans ce domaine. Par ailleurs, le développement d?une association de prévention en direction des particuliers pour les sensibiliser aux risques naturels (cf. recommandation n°8) et les inciter à réaliser ce type de bilan global, surtout dans les zones à risque plus élevé, devrait porter ses fruits. 3.4.5. Imposer la réalisation d?un diagnostic de résilience post-sinistre dans les zones d?exposition forte Le retour d?expérience d?entreprises d?assurances ayant engagé des actions de sensibilisation à la prévention des risques naturels montre que l?expérience d?un sinistre est le déclencheur le plus puissant pour engager une démarche de résilience. C?est donc le moment privilégié pour déployer un diagnostic de résilience permettant de faire l?inventaire des risques liés aux conditions d?implantation et l?éventail des solutions de confortement adaptées. Après sinistre dans les zones d?exposition forte (« rouges » ou « oranges »), un tel diagnostic nous semble devoir être rendu obligatoire avec deux co-financements possibles : - Intégralement par l?assureur en cas de sinistre dépassant un certain seuil, - Conjointement par l?assuré et le fonds en cas de sinistre léger, en deçà du seuil. Une telle obligation ne peut découler que d?un règlement administratif. Le seuil devra être fixé après concertation avec les parties prenantes. On peut aussi imaginer que durant une période de « lancement », les ressources du nouveau fonds le permettant, il soit intégralement à sa charge. Dans les zones rouges, ce diagnostic sera important puisqu?il devrait déboucher sur des travaux impératifs de prévention (cf. point 3.4.8. ci-après) ci-après, avec des financements dédiés (cf. points 3.4.6. et 3.4.7. ci-après). 80 3.4.6. Envisager le déploiement d?un prêt à taux nul pour les particuliers réalisant des travaux de prévention des risques naturels en zone rouge ou orange ainsi qu?une avance des aides publiques par leur versement direct auprès des entrepreneurs Le diagnostic de résilience une fois établi, le propriétaire de maison ou d?immeuble peut se trouver face à la nécessité de travaux d?une ampleur significative. Leur réalisation rapide peut évidemment engendrer des problèmes de trésorerie, spécialement pour les ménages aux revenus moyens et modestes. De ce fait, il paraît souhaitable d?organiser une aide pour la réalisation de ces travaux en direction de ces seuls ménages résidant sur les zones rouges et oranges. Le premier pilier en serait un prêt à taux zéro. Ce prêt pourrait voir, le cas échéant, ses intérêts prise en charge conjointement par le fonds et le cas échéant, par des assureurs et des collectivités. Pour éviter toute complexité pour le client, la banque émettrice du crédit se chargerait intégralement des relations avec la plateforme de bonification de son taux opérée par l?Association de prévention des risques naturels, elle-même en lien avec les sources de subvention. 3.4.7. Envisager le déploiement d?un crédit d?impôt pour les particuliers à moyens et faibles revenus réalisant des travaux de prévention des risques naturels Pour les mêmes ménages à revenu moyens et faibles résidant sur les seules zones rouges, un effort supplémentaire de solidarité parait nécessaire pour aider à la réalisation des travaux. Les mesures de prévention individuelles issues d?un PPR ou d?un diagnostic de résilience agréé pourraient alors également faire l?objet : (i) d?une subvention émanant du nouveau fonds. En effet, lors de sa création, les ressources de ce fonds devraient permettre de telles subventions très ciblées. (ii) et/ou d?un crédit d?impôt, (iii) et/ou d?une subvention locale (par exemple issue d?un dispositif fiscal facultatif de type GEMAPI). 3.4.8. Imposer et contrôler l?obligation de travaux de réduction de la vulnérabilité dans les zones d?exposition très forte aux risques naturels après un sinistre Grâce à l?arsenal de ces dispositifs de conseils pour tous et d?accompagnement des ménages à revenus moyens et faibles, il paraît possible de rendre obligatoire, après un sinistre et uniquement dans les zones d?exposition les plus fortes (rouges), les travaux de prévention individuelle des risques naturels. Il s?agit en particulier de cibler d?un part les zones définies dans un PPR prescrivant des travaux sur le bâti existant, et d?autre part les « zones rouges », selon la typologie établie. Ces travaux sont exigibles dans certains délais impartis par les PPR, et devraient l?être également après un sinistre quelconque, toujours source de sensibilisation pour un propriétaire. S?agissant du RGA, ne seraient visés par cette obligation que les mesures de prévention dites horizontales. Enfin, la responsabilisation financière des propriétaires de biens situés dans ces zones rouges ou définis dans un PPR prescrivant des mesures de prévention nous paraît un complément utile, dans un contexte où le régime mutualisé d?indemnisation des catastrophes naturelles ne permet pas à ce jour cette responsabilisation individuelle. Ainsi, à défaut de réalisation des travaux prescrits par le PPR, ou par le diagnostic de résilience en zone rouge, suite à un premier sinistre dans ces zones, un triplement de la franchise légale au titre du régime catastrophe naturelle devrait intervenir. 81 3.4.9. En cas de sinistre grave en zone d?exposition très forte (rouge), permettre une indemnisation assurantielle à la valeur vénale du bien augmentée d?une prime à la relocalisation, et organiser la reprise du bien gravement endommagé par la collectivité De récentes expériences dramatiques, causées par des évènements extrêmes, par exemple de retrait- gonflement des argiles dans le Nord de la France ou d?inondations dans la vallée de l?Arves et dans le Pas-de-Calais, ont montré l?état de découragement et parfois de désespoir dans lequel peuvent se retrouver certains sinistrés gravement touchés. Certains évènements révèlent une élévation du niveau de risque telle que les travaux nécessaires pour préserver les habitations paraissent hors de portée, non seulement financièrement, mais émotionnellement à certains propriétaires. La perspective d?un déménagement peut alors apparaître comme une solution souhaitée par les sinistrés. Lorsque l?indemnité due par l?assureur pour réparer les dommages à l?habitation dépasse la valeur vénale avant sinistre de celle-ci, il paraît évident qu?imposer la reconstruction est une mauvaise solution. Nous proposons donc que l?assuré qui le souhaite puisse abandonner son logement à la commune en contrepartie d?une indemnité de l?assureur limitée à sa valeur vénale avant sinistre, dans le cas où l?estimation des réparations dépasse cette valeur. Dans ce scénario, la commune deviendrait propriétaire du terrain et devrait naturellement s?engager à le rendre inconstructible et à mettre en oeuvre des projets d?intérêt collectif avec ou sans densification dans le contexte de la mise en oeuvre de la loi ZAN. A cet égard, la mission soutient la recommandation émise en ce sens par le député Vincent LEDOUX dans son rapport sur le risque RGA et suggère de l?étendre à d?autres périls. OBJECTIF N°9 : DEVELOPPER ET ACCOMPAGNER L?INVESTISSEMENT DANS LA RESILIENCE DU BATI 9.1. Renforcer les lois Élan et ZAN pour sécuriser l?équilibre du régime à moyen et long terme :? - imposer la réalisation d?une étude géotechnique approfondie (G2 PRO), d?études d?interac- tion sols-structures ou à défaut, la réalisation de conditions constructives allant au-delà de celles prévues dans la loi Élan. - renforcer les DTU en conséquence - renforcer les contrôles sur l?application de la loi 9.2. Rendre obligatoire l?assurance dommages-ouvrage en cas de souscription à un crédit immobilier ou de revente sur les zones à forte exposition. 9.3 Renforcer le contrôle du respect de la prise en compte du règlement des plans de pré- vention des risques majeurs dans les plans locaux d?urbanisme et dans les schémas de co- hérence territoriale. 9.4. Développer un dispositif de cofinancement de diagnostics de résilience par le FPRNM et les assureurs 9.5. Imposer la réalisation d?un diagnostic de résilience (conditions d?implantation et mé- thodes de reconstruction adaptées) après sinistre dans les zones d?exposition fortes (rouge/orange) 9.6. Envisager le déploiement d?un prêt à taux nul pour les particuliers réalisant des travaux de prévention des risques naturels en zone rouge ou orange ainsi qu?une avance des aides publiques par leur versement direct auprès des entrepreneurs. 82 9.7. Envisager le déploiement d?un crédit d?impôt pour les particuliers à moyens et faibles revenus (critères ANAH) réalisant des travaux de prévention des risques naturels qu?une taxe départementale de type GEMAPI permettant l?octroi de subventions dans cette optique. 9.8. Imposer et contrôler l?obligation de travaux de réduction de la vulnérabilité dans les zones d?exposition très forte aux risques naturels (zones rouges ou passibles d?un PPR) après un sinistre ou avant la réalisation de travaux de rénovation énergétique bénéficiant d?une aide publique au titre du dispositif « MaPrimeRénov ». A défaut de réalisation des travaux, instaurer le triplement des franchises légales pour les sinistres ultérieurs. 9.9. En cas de sinistre grave en zone d?exposition très forte (rouge), permettre une indemnisation assurantielle à la valeur vénale du bien augmentée d?une prime à la relocalisation (à définir) pour les ménages souhaitant déménager. Organiser dans ce scénario la reprise du bien gravement endommagé par la collectivité en vue de sa transformation en un projet d?intérêt collectif, ce qui favorisera la densification dans le contexte de la mise en oeuvre de la loi ZAN 83 Démarche structurée d?intervention en faveur de la résilience du bâti 84 CHAPITRE 4. LA CONTRIBUTION DU SYSTEME ASSURANTIEL AU FINANCEMENT DE L?ATTENUATION DES EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE 4.1. ? Les assureurs ont, par des plans de transition ambitieux, l?opportunité de contribuer fortement à l?atteinte des objectifs de l?Accord de Paris 4.1.1. Défendre une position d?évolution et d?application de la directive Solvabilité 2 à hauteur de l?exigence de CRD6/CRR3 sur les plans de transition L?évaluation par la CCNUCC des progrès accomplis en direction des objectifs de l?Accord de Paris, pu- bliée le 8 septembre 20231, confirme que nous devons rehausser sans délai et sur tous les fronts les efforts pour réaligner la trajectoire mondiale et relever, par une véritable révolution universelle, le défi de l?urgence climatique. Dans le domaine de l?atténuation pour lutter contre les causes du réchauffe- ment climatique : «?- Les émissions mondiales ne suivent pas les trajectoires d?atténuation modélisées au niveau mondial qui sont compatibles avec l?objectif de température de l?Accord de Paris, - Les possibilités de relever le niveau d?ambition et de donner effet aux engagements actuels afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels s?amenuisent rapi- dement, - Sur la base des contributions déterminées au niveau national (CDN) actuelles, l?écart par rapport aux émissions qui permettraient de limiter le réchauffement à 1,5 °C en 2030 se situerait entre 20,3 et 23,9 gigatonnes d?équivalent CO2, - Il faut intensifier l?action et fixer des objectifs plus ambitieux dans les CDN pour réduire les émissions mondiales de GES de 43 % d?ici à 2030 et de 60 % d?ici à 2035 par rapport aux niveaux de 2019. - Ces investissements ainsi débloqués pourront être réorientés vers l?action climatique à différentes échelles pour que les flux financiers ? internationaux et nationaux, publics et privés ? soient compa- tibles avec un profil d?évolution vers un développement à faible émission de GES et résilient aux chan- gements climatiques?». Les banquiers et investisseurs ont financé, les assureurs ont accompagné toutes les grandes révolu- tions mondiales de ces derniers siècles, pour le meilleur et parfois pour le pire?: explorations, révolu- tions industrielles, scientifiques, commerciales, mondialisation, digitalisation, mais aussi armement et conflits. La double raison d?être de la finance ? développer et protéger ? devient, dans ce contexte, un cataly- seur indispensable cette révolution au niveau et au rythme nécessaires pour préserver les générations futures?: - L?épargne intermédiée doit être réinvestie massivement dans l?économie verte par les ban- quiers, assureurs, fonds de pension pour accélérer l?atténuation, - L?assurance des pertes induites par le changement climatique et l?investissement dans la pré- vention et la résilience sont des leviers essentiels de l?adaptation. Les assureurs peuvent et doivent donc se mobiliser à des niveaux inédits en développant à bref délai des trajectoires adaptées à cette urgence en matière d?atténuation. L?inflation de procès climatiques 85 rappelle déjà combien la légitime sensibilité de la société aux enjeux climatiques crée un risque juri- dique et de réputation des entreprises et spécialement des investisseurs comme les assureurs. L?Union européenne a pris une avance sur les stratégies d?impact au niveau mondial, grâce à son exigence au regard des plans de transition avec une directive aboutie, la directive Corporate Sustainability Repor- ting (CSRD), et plusieurs autres en gestation (cf. annexe 4). La CSRD exigera des grandes entreprises à compter de janvier 2024 la publication des quatre compo- santes essentielles pour jauger la crédibilité des plans de transition, lorsqu?ils existent : ? Des objectifs de baisse des émissions à horizon 2030 et 2050, ? Les plans d?actions établis en cohérence, ? Les impacts financiers du plan de transition (Capex et Opex), ? Le dispositif de gouvernance associé. Cette directive est d?application certaine suite à la publication des actes délégués de la Commission européenne2 et au nihil obstat du Parlement européen voté fin octobre 2023. Les secteurs bancaires et assurantiels doivent donc se préparer sans délai à ces publications en finalisant leurs plans de tran- sition, y compris sur leur scope 3 aval. Du coté des banques, la transcription en Europe de Bâle 3 se traduira en outre par de nouvelles exi- gences de plan de transition dans le cadre de CRD6 et de CRR3?(cf. annexe 4 ? extrait de l?accord inter- venu sur la directive CRD). Les entités seront tenues de concevoir des plans de transition alignés sur l?accord de Paris, sous contrôle prudentiel. Les assureurs faisant partie de groupes bancaires devraient logiquement hériter de cette obligation. La renégociation en cours de la directive Solvabilité 2 fournit l?opportunité d?uniformiser le traitement des assureurs en incluant la même exigence dans son pilier 210 au titre du risque à moyen terme d?un éventuel désalignement avec les objectifs européens et de l?accord de Paris. En effet, la sensibilité croissante des consommateurs, des salariés et des actionnaires à la politique climatique des entre- prises induit nécessairement, en cas d?insuffisante ambition, un accroissement des risques opération- nels pouvant obérer le développement, la productivité ou l?accès au financement des opérateurs. Ainsi, l?ensemble des institutions financières européennes, banques et assureurs seront bien conduites à aligner leurs ambitions sur les objectifs de l?accord de Paris à bref délai. L?influence de la finance européenne exigeant du reste du monde cet alignement sur les objectifs de l?accord de Paris devrait aider à catalyser le mouvement mondial de décarbonation. Ceci se traduira en premier lieu par une sélectivité accrue des investissements et des financements des énergies fossiles. L?importance de ce sujet dans la trajectoire de décarbonation des assureurs est con- sidérable. Tenant compte du contrôle qui sera exercé sur les trajectoires de décarbonation par l?initia- tive Science Based Targets (SBT) et de la qualité d?autres travaux comme ceux de l?agence internatio- nale de l?énergie, les importantes et pertinentes politiques de gestion recommandées par certaines organisations à l?instar de Reclaim Finance3 devraient être intégrées dans l?élaboration de ces trajec- toires dès 2024. A ce titre, il est intéressant de noter l?important exemple des engagements de décar- bonation pris au Royaume-Uni par l?ensemble des assureurs réunis au sein de l?ABI (Association of British Insurers), décrit dans l?encadré 3 ci-après. Toutefois, le scope 3 aval des assureurs Dommages soulève aussi l?épineux sujet des émissions liées à leurs produits. 10 Le pilier 2 de la directive Solvabilité II regroupe d?une part des exigences qualitatives portant sur la définition de règles de gouvernance et de gestion des risques, et d?autre part l?évaluation des risques propres de solvabilité (Own Risk and Solvency Assessment - ORSA). https://sciencebasedtargets.org/ 86 4.1.2. Assurer la lisibilité et la cohérence des plans de transition des assureurs en traitant de manière adaptée le scope 3 aval Il est souhaitable que les plans de transition concernent la totalité des activités des assureurs. A ce titre, il convient de relever la surprenante proposition du groupement d?assureurs et réassureurs réu- nis au sein du PCAF, concernant le scope 3 aval des assureurs. Le Partnership for Carbon Accounting Financials (PCAF) a établi en novembre 2022 une proposition de norme mondiale de comptabilisation et de déclaration des GES pour le secteur de l?assurance (« Norme sur les émissions associées à l?assurance4 »). La perspective de la mise en oeuvre de cette norme inter- pelle car elle expose clairement, selon cette mission, le secteur de l?assurance à un risque de green- washing : 1 ? L?orientation retenue par le PCAF est de décliner pour le secteur de l?assurance les prin- cipes de la catégorie 15 du GHG Protocol pour les activités d'investissement et relatives aux émissions de gaz à effet de serre (GES) indirectes provenant des investissements de l'entre- prise. Ce choix semble discutable. En effet, les missions de l?assurance sont d?une nature différente de celles du financement. L?assurance a une double utilité pour ses produits vendus en apportant à l?assuré : - dans tous les cas la sérénité de la garantie offerte et le cas échéant par la satisfaction de l?obli- gation de l?assurance et, - en cas de sinistre, un service explicite allant jusqu?à l?indemnisation. A ce titre, l?assurance nous semble davantage relever de la catégorie 11 du GHG Protocol « Utilisation des produits vendus » que de la catégorie 15 « Investissements ». Un tel choix de rattachement faciliterait une distinction claire au sein des activités d?assurances des émissions de gaz à effet de serre des activités de souscription d?une part, du portefeuille de placements d?autre part. 2 ? la proposition opérationnelle du PCAF vise à normer une comptabilisation et une décla- ration des émissions de GES basées sur un facteur d?imputabilité à l?assureur des émissions de GES de ses seuls clients automobiles et entreprises. La méthodologie présentée dans la norme calcule les émissions associées à l?assurance en multipliant un facteur d?attribution (spécifique par ligne d?activité) par les émissions absolues de GES de l?assuré ou de l?actif assuré. Deux grands secteurs sont distingués à ce stade : l?assurance automobile et les activités d?entreprise (de vastes domaines étant par ailleurs exclus comme l?assurance habitation). Pour le secteur automobile, le facteur d?attribution est calculé en fonction de la part de l?assurance dans le coût total de possession de l?exploitation d?un véhicule (hors le coût de son achat, pourtant majeur dans le bilan d?émissions de GES des véhicules). Pour les portefeuilles d?entreprises, le facteur d?attribution est calculé comme le ratio des primes sur les revenus d?une entreprise. Une telle approche ne reflète pas la capacité des assureurs à influencer directement les émissions de leurs clients, ce qui en constitue une limite majeure. Au surplus, la priorité donnée aux secteurs automobile et de l?entreprise par ces facteurs d?attribution n?est pas innocente. Compte-tenu des engagements européens d?arrêter la mise en service de véhicules thermiques à compter de 2035 avec une substitution croissante par les véhicules électriques et des prescriptions pour les entreprises de la CS3D et de la CSRD, la méthodologie proposée aurait pour effet de présenter une trajectoire de réduction des émissions de GES du secteur de l?assurance excessivement flatteuse, constitutive de https://carbonaccountingfinancials.com/about 87 greenwashing puisque l?obtention de ce résultat ne devrait pas lui être imputé. D?ailleurs, le PCAF reconnaît lui-même la difficulté à qualifier la capacité d?influence des assureurs sur les émissions de leurs clients pris dans leur ensemble. Nous recommandons de tirer les conséquences du rattachement de la souscription d?assurance à la catégorie 11 du GHG Protocol pour évaluer les émissions scope 3 aval des assureurs. Comme évoqué précédemment, ce rattachement permet de revenir aux fondamentaux de l?assurance et de tenir compte de la véritable capacité d?influence des acteurs : i) S?agissant de l?indemnisation des sinistres, l?assureur a un rôle déterminant dans le choix des solutions de réparation ou de remplacement. A titre d?illustration, - si le véhicule de remplacement de celui endommagé est électrique et non thermique, - si des pièces de réemploi sont utilisées pour une réparation automobile, - si une pompe à chaleur vient remplacer l?ancienne chaudière à gaz détruite, - si un équipement d?occasion ou de meilleure performance énergétique vient remplacer un équipement détruit, les émissions de GES de l?assuré seront significativement réduites grâce à l?indemnisation de l?assureur. Au titre de la cause la plus importante, le facteur d?attribution lié l?indemnisation devrait donc être de 100%. Ainsi, il serait souhaitable de revoir la norme pour calculer les émissions de GES au titre de la souscription sur base en premier lieu de l?indemnisation des sinistres. Il pourra être objecté un manque de données pour réaliser un calcul précis de ces émissions. A ce titre, le choix pourrait être laissé aux assureurs entre une approche « in concreto » relative à leur propre activité d?indemnisation ou une approche forfaitaire sur la base d?indicateurs généralement admis par les agences nationales en charge de la décarbonation ou par des recommandations que le PCAF pourrait lui-même publier. ii) S?agissant de l?utilisation de l?assurance liée à la sérénité offerte par la garantie et permettant l?utilisation du bien assuré, il faut constater que la capacité d?influence de l?assureur est le plus souvent marginale ou nulle. En effet : - le choix du type de bien ou d?activité est réalisé par l?assuré avant la souscription de l?assurance, - la pression concurrentielle donne typiquement une position de force à l?assuré pour choisir son assureur plus que l?inverse, - l?utilisation du bien correspond à un service qu?il rend ou à une valeur qu?il crée. Dans son équation économique, le coût de l?assurance est le plus souvent marginal par rapport aux autres charges courantes. Par exemple, l?assureur a peu d?influence sur la quantité de carburant consommée par le véhicule garanti ou par la quantité de gaz consommée par la chaudière de l?entreprise garantie. Au titre de l?utilisation liée à la sérénité offerte par la garantie, le « facteur d?attribution » devrait donc être nul. Seuls quelques rares cas de figures donnent à l?assureur un véritable levier sur les décisions de l?assuré. Il s?agit de situations où une offre restreinte d?assurance peut conduire l?assuré à s?interroger sur la pertinence ou les modalités de son investissement du fait de son niveau de risque, préalablement à sa mise en oeuvre. Il en va ainsi dans le domaine des très grands risques (spatial, aérien, maritime, et certains cas de responsabilité civile (nucléaire, filières ou géographies spécifiques) et dans les territoires où les licences d?assurance sont délivrées avec une grande parcimonie. Tous ces contextes se traduisent par une part de marché de l?assureur classiquement supérieure à 20%. Dans ces rares 88 contextes, on peut alors admettre un coefficient d?attribution non nul, voire de 100%, puisque l?offre d?assurance détermine sans ambiguïté le choix d?investir ou de lancer l?activité garantie. 3 ? En cohérence avec la capacité d?influence des assureurs, la norme devrait exiger la mise en place d?un plan d?actions des assureurs pour réduire leur scope 3 aval au titre de la souscription d?assurance Si le PCAF relève que les assureurs peuvent être en mesure de communiquer avec leurs clients pour les encourager à réduire leurs émissions de GES au fil du temps, il revient en premier lieu aux assureurs d?établir un plan d?actions pour réduire les émissions associées à leur scope 3 aval au titre de la souscription d?assurance, soit comme exposé précédemment principalement au titre des indemnisations. A titre d?illustration, les assureurs devraient exposer leurs plans d?actions pour développer la part des pièces de réemploi dans l?assurance automobile, la reconstruction avec des matériaux bas carbone dans le domaine de l?habitat ou encore la manière dont ils contribuent en cas de sinistre grave à remplacer les équipements thermiques par des équipements électriques moins émissifs. 4.1.3. Renforcer le rôle de recommandations de l?ACPR sur les plans de transition climatique et élargir son action de contrôle au-delà des bancassureurs qui seront contraints dans le cadre de CRD6/CRR3 Dès lors que les assureurs devront établir des plans de transition dans le cadre de leur pilier 2, ceci renforcera le rôle de contrôle (et de sanctions) du superviseur à cet égard. L?ACPR est d?ores-et-déjà en mesure de collecter et de diffuser les bonnes pratiques en matière de cadrage, d?élaboration et de mise en oeuvre des plans d?action. Nos auditions ont montré son ouverture sur ce sujet. De telles ini- tiatives devraient être encouragées, dans le cadre d?un rôle d?accompagnement à la préparation de la mise en oeuvre des directives CRD6, CSRD, CSDDD et de la future réforme de Solvabilité 2. OBJECTIF N°10 : ALIGNER LES (RE)ASSUREURS SUR L?EXIGENCE DE LA DIRECTIVE CRD6 D?UN PLAN DE TRANSITION DE LEURS PORTEFEUILLES D?INVESTISSEMENT ET D?ASSURANCE COHERENT AVEC LA TRAJECTOIRE CIBLE DE L?ACCORD DE PARIS A HORIZON 2030 10.1. Défendre une position d?évolution et d?application de la directive Solvabilité 2 à hauteur de l?exigence de CRD6/CRR3 sur les plans de transition 10.2. Assurer la lisibilité et la cohérence des plans de transition des assureurs en traitant de manière adaptée le scope 3 aval 10.3. Renforcer le rôle de recommandations de l?ACPR sur les plans de transition climatique et élargir son action de contrôle au-delà des bancassureurs qui seront contraints dans le cadre de CRD6/CRR3 89 4.2. ? Développer des politiques ambitieuses de décarbonation des portefeuilles d'assurances dommages La décarbonation des portefeuilles d?assurance dommages inclut, outre la gestion des investissements traitée succinctement en section précédente, deux dimensions : les politiques de souscription d?une part, et de règlement des sinistres d?autre part. S?agissant de la souscription, le rôle essentiel que peut jouer l?assureur consiste à lever les freins dans le développement des activités et équipements qui concourent à la décarbonation de l?économie. Ceci inclut la souscription bienveillante et la tarification incitative de ces risques (véhicules électriques, développement des énergies renouvelables?). Un exemple de frein à lever concerne l?assurance des installations de panneaux photovoltaïques, comme décrit en annexe 3. Ces objectifs devraient logiquement être intégrés aux plans de transition qui devront être développés par les assureurs à bref délai, comme évoqué en section 4.1. S?agissant de la gestion des sinistres, l?assureur intervient le plus souvent à deux moments-clé pour répondre aux besoins de l?assuré : 1- Fréquemment en urgence au moment du sinistre, sous forme de prestations d?assistance, tant dans le domaine du transport que du logement, voire sous forme médicale, 2- Systématiquement en différé pour l?indemnisation des dommages, précédée dans certains cas d?une expertise et d?une proposition de réparateurs agréés. Ces domaines, bien que connexes, sont nettement distincts du fait du caractère « temps réel/H24 » de la plupart des sollicitations d?assistance. Par ailleurs, les prestations de ce type sont le plus souvent en nature, alors que l?indemnisation est, elle, toujours financière, sauf prise en charge des réparations sous forme de tiers-payant. Ces deux circonstances donnent à l?assureur deux opportunités complémentaires d?agir pour baisser les émissions d?un même assuré à l?occasion d?un sinistre. 4.2.1. Inciter les entreprises d?assurance et d?assistance à développer l?adoption des véhicules de remplacement électriques en cas de sinistre En premier phase, l?assisteur déclenche des prestations essentiellement de trois types : 1- Transport : mise à disposition d?un véhicule de remplacement, 2- Logement : hébergement provisoire suite à sinistre grave, 3- Médical : intervention d?un médecin et dans les cas extrêmes, rapatriement sanitaire. Compte tenu des fréquences de sinistres attachées à ces prestations, l?essentiel de l?empreinte carbone de l?assistance résulte des véhicules de remplacement. Assureurs et assisteurs ont donc une importante opportunité de décarbonation en mettant à disposition de leurs assurés sinistrés des véhicules électriques et non plus thermiques de manière systématique. Quatre effets bénéfiques doivent en découler : (i) Décarboner des prestations qui relèvent à l?évidence de leur scope 3, (ii) Contribuer à augmenter le parc de véhicules électriques des sociétés de location par cette demande supplémentaire, (iii) Contribuer en conséquence à augmenter le parc de véhicules d?occasions électriques, (iv) Familiariser les assurés avec les véhicules électriques et réduire l?appréhension liée à son usage. Un sondage RTE de 201911 montrent en effet que l?insuffisance perçue d?autonomie est un frein significatif à l?adoption de ces véhicules. 11 https://www.odoxa.fr/sondage/voiture-electrique-potentiel-daccueil-deja-tres-important-france-pourrait- etre-largement-accru/ 90 Un tel mouvement d?électrification des véhicules de remplacement peut résulter, soit d?un engagement de place de l?ensemble des assureurs automobiles ou de certaines « familles » (mutuelles, bancassureurs, assureurs traditionnels) ou, à défaut, d?une règlementation contraignante, prenant en compte bien sûr les contraintes opérationnelles notamment liées à la capacité du parc de location. Nos échanges avec plusieurs assisteurs indiquent à cet égard que les grands loueurs disposent déjà d?un parc électrique de bonne capacité. Ils sont en effet largement alimentés par les constructeurs automobiles, tenus de baisser leurs émissions moyennes par véhicule produit dans le cadre de la règlementation européenne. 4.2.2. Systématiser les clauses « vertes » en matière d?indemnisation Après l?intervention d?urgence, l?assureur doit indemniser les dommages subis par le bien assuré, avec ou sans expertise, et en proposant le cas échéant des solutions de réparation/remplacement/travaux. Ces opérations lui confèrent un rôle actif dans le dispositif de remédiation qui justifie une imputation et une prise en compte dans les scopes 3 amont et aval de ses émissions de gaz à effet de serre. Ces « moments de vérité », qui sont clés pour juger de la qualité du service proposé, peuvent également être considérés comme une opportunité pour accompagner l?assuré dans sa propre décarbonation. S?agissant des petits sinistres tout d?abord, les assureurs ont compris l?intérêt de constituer et de proposer des réseaux de réparateurs agréés. Le bénéfice de tels dispositifs est double : ils permettent de négocier les prix grâce à l?effet volume et d?améliorer la qualité perçue en contractualisant des niveaux de service. Les négociations avec ces réseaux peuvent concerner les tarifs mais aussi les modalités de réparation. Dans le domaine automobile, les réponses aux questionnaires transmis par la mission aux assureurs de dommages aux biens ont montré que l?utilisation de pièces de réemploi fait désormais quasi systématiquement partie des objectifs stratégiques en gestion des sinistres automobiles. Les indicateurs de mesure sont déployés et des objectifs fixés. En assurance habitation, quelques entreprises d?assurance proposent des « services travaux » pour de petites réparations. Les matériaux de construction de réemploi sont par contre le plus souvent absents du champ des négociations. Développer ces efforts de réemploi suppose deux préalables : d?un part, rehausser les volumes de pièces et matériaux recyclés disponibles, et d?autre part lever les freins réglementaires à leur utilisation. La mise à l?échelle des pièces de réemploi automobile a ainsi fait l?objet de six recommandations dans le cadre de la feuille de route décarbonation de la filière automobile : (i) Lutter contre la filière illégale (de pièces de réemploi) et les exportations des véhicules d?occasion non conformes, (ii) Optimiser la production et l?utilisation de pièces de réemploi en France comme à l?export, (iii) Rapprocher les spécifications des metteurs sur le marché (de véhicules) avec les capacités d?extraction, de tri et de préparation de la filière des véhicules hors d?usage (VHU) afin d?augmenter le taux d?incorporation de matière recyclée dans les véhicules neufs, (iv) Faire évoluer la filière des véhicules hors d?usage (VHU) pour qu?elle puisse collecter, accueillir et traiter les futurs volumes de véhicules électriques et augmenter la durabilité des batteries, (v) Mettre en oeuvre une filière de recyclage des batteries en France en adéquation avec les futurs gisements, (vi) Réaliser une analyse en cycle de vie des émissions de la filière VHU. 91 Il faut y ajouter un sujet économique important : les marges des recycleurs et des réparateurs de véhicules. En effet, pour les centres de recyclage, la marge unitaire en cas de revente après réparation de véhicules dit « économiquement irréparables » est nettement supérieure à celle des pièces récupérées lors du recyclage. Ils ont donc intérêt à remettre un véhicule thermique en circulation. Pour les réparateurs, le coût unitaire de la pièce de réemploi constitue une assiette de commission bien plus basse que dans le cas de pièces neuves. Dans les deux cas, la seule solution est une compensation de cet écart de marge par l?assureur : - vis-à-vis du recycleur en acceptant un prix de cession du véhicule gravement accidenté plus bas en cas de recyclage qu?en cas de réparation pour revente, - vis-à-vis du réparateur en rehaussant sa rémunération au titre de la main d?oeuvre en cas d?utilisation de pièces de réemploi. Il n?est pas avéré que ces axes soient générateurs d?inflation de la sinistralité, car les surcoûts engendrés par de telles compensations ont vocation à être compensées par une économie générale grâce à la plus grande substitution de pièces neuves par des pièces de réemploi moins onéreuses. De telles pratiques nécessitent toutefois une pédagogie auprès des assurés qui doivent être rassurés sur la solidité de ces pièces et matériaux de remploi. En matière automobile, de nombreux assureurs pratiquent déjà la « garantie à vie » de telles réparations, ce qui règle le sujet. En matière de construction, par contre, les constructeurs sont confrontés à une responsabilité décennale irréfragable. Aucun assureur habitation ou professionnel ne peut les en relever facilement du fait des engagements à long terme qu?une « garantie à vie » des réparations impliquerait. Il reste donc un travail à réaliser conjointement par les filières de recyclage des matériaux de construction et les organismes de certification pour faire classer dans certaines conditions ces matériaux de réemploi parmi les matériaux courants. Les sinistres très importants forment une seconde catégorie que l?on peut caractériser comme ceux ne permettant pas la réparation mais exigeant un remplacement de véhicule, d?équipement ou des travaux lourds de reconstruction. Dans ce cas, un dialogue se noue nécessairement entre l?assuré et l?expert de l?assureur, afin d?identifier les solutions de remédiation les plus adaptées et, logiquement, les moins coûteuses. Le Code des assurances fixe en son article L. 121.1 le principe que « l?indemnité due par l?assureur ne peut dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre ». Toutefois, dans un arrêt du 13 septembre 2007, la Cour de Cassation a admis que ce principe ne s?opposait pas au versement d?un complément d?indemnité au titre de la valeur à neuf. En pratique, cette indemnité n?est versée qu?en cas de remplacement effectif par un bien neuf identique ou équivalent ou en cas de réparation effective des dommages à un immeuble. L?urgence climatique exige à notre sens de considérer la circonstance du sinistre important sous un autre prisme : il présente en effet l?opportunité de remettre en cause une situation antérieure carbonée pour y substituer des dispositifs décarbonés : véhicules, équipements de chauffage, équipements industriels, etc. A titre d?exemple, la « garantie verte » contenue dans le contrat multirisque professionnelle d?un assureur édicte : 92 « 8.1. Garantie Verte En cas de sinistre incendie, tempête, grêle, neige sur toiture, inondation ou catastrophe naturelle, garanti par le contrat, nous participons au financement de travaux ayant pour objectif de réduire l?émission de gaz à effet de serre des biens sinistrés. Il peut s?agir : ? d?une isolation thermique plus efficace ; ? d?une technologie de chauffage favorisant les énergies renouvelables et/ou réduisant les émissions de gaz à effet de serre ; ? de production d?électricité par voie photovoltaïque. 8.1.1. Conditions d?application de la garantie Pour être garanti, il faut que : ? l?installation de ces équipements concerne les biens ayant subis des dommages garantis par le contrat ; ? ces travaux soient réalisés moins d?un an après la survenance du sinistre ; ? vous respectiez les normes et règles de l?art en vigueur ; ? vous preniez à votre charge un montant au moins égal à notre participation dans le financement de ces travaux. » Certains assureurs commencent donc à insérer dans les contrats des clauses dites « vertes » : au-delà de l?indemnisation à la stricte valeur avant sinistre ou correspondant même à la valeur à neuf du bien ou de l?immeuble sinistré, une participation aux efforts de décarbonation est allouée. Nous recommandons de saisir cette opportunité à l?occasion d?un sinistre important de remettre en cause un existant émissif pour promouvoir le plus largement possible, grâce à un droit à indemnisation majoré dans ces seuls cas, le remplacement de véhicules thermiques par des véhicules électriques, des chaudières par des pompes à chaleur ou encore des équipements industriels, ou des reconstructions plus efficaces sur le plan énergétique. Cela suppose, au plan juridique, un ajustement ciblé du principe indemnitaire et, au plan économique, la prise en compte dans les primes d?assurance concernées, de ces majorations d?indemnité. Au regard du surcoût, les ordres de grandeur découlent du montant moyen du supplément envisagé (5000 à 10 000 euros selon les sinistres) multiplié par la fréquence des sinistres ciblés?(soit 1% en moyenne en automobile, 0,1% en habitation, multirisque professionnelle ou industrielle), soit une fourchette de quelques euros à quelques dizaines d?euros pour ce coup de pouce supplémentaire à la décarbonation. Certains dispositifs de subvention (véhicule électrique neuf, MaPrimeRénov, certificats d?économies d?énergie) viendront également bonifier l?investissement de l?assuré. Les assureurs peuvent donc plafonner leur complément d?indemnité en valeur absolue ou en proportion de l?investissement complémentaire que l?efficacité énergétique requiert. Pour encourager ces pratiques vertueuses, nous réitérons l?importance d?intégrer l?empreinte carbone des sinistres réglés dans le scope 3 des émissions des assureurs est essentielle. Compte tenu des fréquences de ces sinistres ciblés, l?impact sur une décennie de ces clauses vertes peut être significatif, de l?ordre de 10% pour le remplacement du parc de véhicules thermiques assurés en dommages par des véhicules électriques et de 1% pour le parc de logements et de bâtiments industriels et commerciaux équipés de chauffage thermique. 93 Enfin, précisons qu?une telle dynamique de décarbonation à l?occasion des sinistres importants via le remplacement par des équipements plus efficaces peut découler : - soit d?un engagement de place de l?ensemble des assureurs ou de certaines « familles » (mutuelles, bancassureurs, assureurs traditionnels), - à défaut, d?une réglementation contraignante, prenant en compte les contraintes opérationnelles notamment liées à la capacité des experts à orienter les assurés. OBJECTIF N°11 : VERDIR LES OFFRES D?ASSURANCE DOMMAGES 11.1. Inciter les entreprises d?assurance et d?assistance à développer l?adoption des véhicules de remplacement électriques en cas de sinistre. 11.2. Systématiser les clauses « vertes » en matière d?indemnisation?: - en automobile, par l?indemnisation en valeur à neuf augmentée pour remplacer un véhi- cule thermique par un véhicule électrique (VE) et en favorisant l?utilisation de pièces de ré- emploi ; - en assurance multirisques, en favorisant la réparation plutôt que le remplacement des équipements, en augmentant l?indemnisation pour inclure la mise en conformité aux meilleures normes d?efficacité énergétique (Isolation, remplacement de PAC/chaudières?) et en développant des filières de réemploi des matériaux de construction. Encadré 3?: Engagements des assureurs réunis au sein de l?Association of British Insurers concernant les trajectoires de décarbonation. Le Royaume-Uni oblige de plus en plus les secteurs assurantiels à publier des reporting prenant en compte les recommandations de la Task Force on Climate Related Financial Disclosures (TCFD), ainsi que des plans de transition. Cependant, le gouvernement se fonde sur une considération «?comply or explain?» qui implique pour les assurances de publier ces informations ou d?expliquer pourquoi elles ne le font pas. Ce n?est donc pas contraignant. Au niveau des assureurs eux-mêmes, la place a adhéré à l?initiative du (alors) prince Charles, devenu roi depuis, pour créer une Sustainable Markets Initiative. Son mandat, mieux connue sous le nom de « Terra Carta », a pour mission de construire un effort mondial coordonné afin de permettre au secteur privé d'accélérer la réalisation des objectifs mondiaux en matière de climat, de biodiversité et de développement durable. La Terra Carta a été lancée en 2021 lors du Sommet One Planet et reflète un ensemble de principes directeurs et d'actions à l'horizon 2030 - plaçant la nature, les personnes et la planète au coeur de la création de valeur mondiale. Au sein de cette Initiative, Lloyd's a réuni des dirigeants de plusieurs des plus grandes et influentes compagnies d'assurance mondiales pour former une Insurance Task Force (ITF) qui s?est donné comme objet le soutien à la transition de l'industrie L?ITF, présidé par le Président de Lloyd's, Bruce Carnegie- Brown, a ainsi lancé en 2021 cinq initiatives clés qui visent à offrir de nouveaux produits et services d'assurance innovants, ainsi qu'un soutien financier et en gestion des risques dans certains secteurs et dans certaines régions. Le guide des bonnes pratiques de l'ITF vise à promouvoir une plus grande durabilité dans les chaînes d'approvisionnement de l'industrie de l'assurance. Douze grands assureurs et courtiers ont signé l'engagement d'agir et de soutenir leurs partenaires stratégiques de la chaîne d'approvisionnement dans leur transition écologique. Les signataires se sont engagés à prendre en compte les émissions au sein de leur chaîne d'approvisionnement directe en se concentrant sur trois actions clés : https://www.sustainable-markets.org/taskforces/insurance-taskforce/ https://a.storyblok.com/f/109506/x/8bcc80fd18/smi_itf_sustainable_supply_chain_best_practice_guide_final-1.pdf 94 1. Encourager et aider les fournisseurs à définir des objectifs de durabilité significatifs avec pour objectif ultime d'adopter des objectifs de Net Zéro alignés sur l'accord de Paris : les assureurs et courtiers encourageront leurs fournisseurs, lors des processus d'approvisionnement et ensuite par le biais d'une collaboration, à établir des objectifs de durabilité significatifs visant en fin de compte à adopter des objectifs de Net Zéro, par exemple une réduction de 50 % des émissions mondiales d'ici 2030 avant d'atteindre un bilan carbone net nul au plus tard en 2050. 2. Promouvoir des initiatives visant à mesurer l'empreinte carbone des chaînes d'approvisionnement de l'assurance et à rendre compte de manière transparente des progrès réalisés?; afin de favoriser des chaînes d'approvisionnement plus durables, le secteur élaborera des méthodologies pour évaluer et mesurer l'intensité carbone des fournisseurs afin d'identifier les points chauds. Une fois établies, ces méthodologies serviront à repérer les fournisseurs ayant une empreinte carbone moindre ou ceux qui prennent des mesures actives pour accroître leur durabilité. 3. Travailler pour résoudre les principaux problèmes d'émissions dans la chaîne d'approvisionnement : les signataires s'engagent à promouvoir la collaboration au sein du secteur pour s'attaquer aux parties de la chaîne d'approvisionnement ayant la plus grande empreinte carbone et à faciliter les meilleures pratiques pour accroître la durabilité. Cela permettra aux assureurs de reproduire et de développer les approches de gestion adoptées par les investisseurs et de stimuler le changement dans la chaîne d'approvisionnement à un niveau sectoriel, plutôt que seulement au cas par cas. L?ABI a également produit sa roadmap afin de clarifier, d?agir et de comptabiliser de manière transparente les engagements de l?assurance. Cette roadmap se concentre autour de 4 piliers?: 1. Atteindre le Net Zero en 2050?: Ils comptent faire par palier, dont ils doivent rendre compte tous les 5 ans. Ainsi, en 2025 ils devront avoir atteint la neutralité carbone sur le scope 1 et 2 et créer un plan de transition. En 2030, ils devront avoir réduit leurs émissions de moitié (ainsi que celles de leurs fournisseurs), celles-ci étant calculées sur le scope 1, 2 et 3. Enfin, les entreprises du secteur s'engagent à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050, en collaborant avec des cadres externes reconnus pour définir des objectifs spécifiques, en soumettant ces objectifs à un examen indépendant pour garantir leur évolution en fonction de la science, en élaborant un plan de transition responsable, en rapportant de manière transparente sur les progrès selon les principes du TCFD, en réduisant leurs émissions directes (portée 1 et 2), en identifiant les besoins en politiques supplémentaires et en éduquant les consommateurs sur les options pour réduire leur empreinte carbone. 2. Déployer une nouvelle capacité d?investissement et de financement pour la transition?: l?ABI pourrait financer, selon leurs calculs, jusqu?à 0,9 trillions de livres (le plan du gouvernement pour le Net Zero en nécessitant 2,7tn£ sur 15 ans), notamment via des flux de réinvestissement de 60Mds£ par an. Mais l?ABI explique également qu?elle a besoin de mécanismes incitatifs pour faire cela, notamment via la réforme de Solvency 2 qui diminuerait le besoin de capitaux à détenir. 3. Transformer l?opérationnel pour qu?il soit également soutenable?: cela passera, selon l?ABI, non seulement par un contrôle et une utilisation de l?innovation pour diminuer directement les émissions de scope 1 et 2, mais également par du offsetting -tout en reconnaissant qu?il faut mener un travail scientifique sur les crédits carbones ainsi créés qui peuvent être du greenwashing, en s?alliant notamment au Voluntary Carbon Markets Integrity Initiative (VCMI). L'objectif est d'intégrer des principes d'alignement sur la neutralité carbone dans l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement du secteur, encourageant ainsi tous les fournisseurs et partenaires à s'engager dans la transition vers la neutralité carbone. Le secteur collaborera également avec les PME pour les aider à progresser vers la neutralité carbone. Enfin, l?ABI envisage d'appliquer des approches similaires à la chaîne de transaction et de valeur impliquée dans la gestion de l'épargne à long terme et la fourniture de couverture d'assurance, à mesure que sa compréhension de ces questions évolue. 4. Aider la société à s?adapter?: Les actions entreprises dans cette direction doivent montrer le leadership et encourager le changement à travers l'investissement, le financement et la couverture d'assurance, tout en reconnaissant que la transition vers la neutralité carbone est un processus complexe à long terme. Le secteur s'engage également à travailler en collaboration avec les pouvoirs publics et les régulateurs pour intégrer le changement climatique dans chaque décision financière. https://www.abi.org.uk/globalassets/files/publications/public/climate-change/abi-climate-roadmap---080622.pdf 95 L'innovation, notamment dans le domaine de la technologie financière, et l'utilisation de données joueront un rôle clé pour répondre aux défis posés par le changement climatique. Dans ce document, l?ABI reconnait également les conclusions du rapport du WWF et de Greenpeace sur l'ampleur des "émissions financées" du secteur financier britannique, qui ont montré que les émissions de notre secteur font partie des plus importantes de l'économie. Dans le cadre de cette feuille de route, le secteur collabore avec des organisations telles que le Partenariat pour la Comptabilité Carbone Financière (PCAF) pour développer une méthodologie cohérente permettant de mesurer ces "émissions financées". Enfin, l?ABI a été très impliquée dans la formation du Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ) et l?organisation tente d?amener de plus en plus des assureurs la composant à rejoindre ce mouvement. L?ABI est également engagée dans la Science Based Targets Initiative (SBTi) promouvant les meilleurs pratiques «?science-led?». https://sciencebasedtargets.org/ 96 Déclarations d?intérêt des experts de la mission Gonéri LE COZANNET précise un conflit d?intérêt au titre de son rôle de coordinateur du projet européen CoCliCo visant à développer un modèle pour estimer les risques de submersion marine en Europe. Thierry LANGRENEY précise être administrateur indépendant au sein du Conseil d?administration de la société Europ Assistance Holding. Myriam MERAD précise être présidente du Conseil scientifique de l?association française pour la prévention des catastrophes naturelles et technologiques (AFPCNT). 97 Annexe 1 : Compte d?exploitation du Régime après rééquilibrage sur base des paramètres climatiques et économiques de 2022 Cette analyse et les travaux sous-jacents ont fait l?objet d?une revue actuarielle par un Actuaire Certifié désigné par le Ministère de l?économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Notre meilleure estimation du niveau de primes nettes de prélèvement nécessaire et suffisant pour un équilibre durable du régime est ainsi de 3.180 M¤, comme le montre le compte de résultat suivant (en gras les éléments modifiés par rapport au compte précédent) : A la charge du Régime : Charge de sinistralité moyenne attendue pour l?ensemble des périls (Source : Ateliers techniques de la mission avec la CCR) : 2.590 M¤, - Sécheresse : 1.030M¤ - Inondations : 920M¤ - Cyclones Antilles et Réunion : 320M¤ - Séisme : 200M¤ - Submersion : 64M¤ - Automobile : 56M¤ Coût des fonds propres (au-delà du taux sans risque) et de la garantie d?État pour solvabiliser les acteurs (1) : 555 M¤, - Pour les assureurs : 2,3% des primes = 73 M¤ - Pour la CCR : 300 M¤ - Pour l?État : 5,7% des primes = 182 M¤ Frais de gestion des sinistres et de la CCR (2) : 190 M¤. - Pour les assureurs : 150 M¤, - Pour la CCR : 40 M¤. Total des charges : 3.335 M¤, sur la base des portefeuilles assurés et des coûts opérationnels et de réparation de 2022. Au bénéfice du Régime : Les nouvelles primes Catastrophes naturelles représenteraient 3.200 M¤ Les produits financiers notionnels, hors taux sans risques sur actifs représentatifs des fonds propres représenteraient 125 M¤ - Pour les assureurs : 24 M¤, - Pour la CCR : 101 M¤. Total des revenus : 3.325 M¤. Solde net : -10 M¤. 98 Ce supplément de primes nettes de prélèvement de 1.300 M¤ rehausse également la base du prélèvement de 12% au titre du FPRNM. En moyenne pour chaque contrat d?assurance, la surprime Catastrophes Naturelles serait ainsi portée à 37¤, soit une hausse de 15¤ HT par an. (1) S?agissant de la CCR, a. La garantie de l?État permet de limiter ses fonds propres au niveau actuel, considéré suffisant par le superviseur, soit environ 5 000 M¤ fin 202212 pour un capital de solva- bilité requis (SCR) d?environ 3.000M¤. b. L?application de la prime de risque forfaitaire S2 à ce volume induit un objectif de ré- sultat avant IS de 6% x 5.000 M¤ = 300 M¤13 (net du coût de garantie de l?État, hors produits financiers au taux sans risque sur ces fonds propres), S?agissant des assureurs, a. Une exigence minimale de fonds propres au titre de Solvabilité 2 de 22,5% des primes an- nuelles Cat Nat est retenue en fonction de la réassurance, de la sinistralité attendue et des effets de diversification, b. Augmentée de 70% compte tenu du ratio de solvabilité (fonds propres/exigence S2) de 170% que les assureurs doivent classiquement présenter tant au superviseur qu?aux mar- chés financiers, c. Une rémunération attendue de ces fonds propres au-delà du taux sans risque de 6% x 38% soit 2,3% des primes totales Cat Nat, (2) Nous prenons en compte dans l?équation économique globale du Régime les seuls coûts de gestion des sinistres des assureurs, au niveau intermédiaire de 8% des primes 2022. S?agissant de la CCR : a. S?agissant des actifs représentatifs des provisions techniques, compte tenu de leur faible duration, nous retiendrons un niveau de produits financiers sur actifs représen- tatifs des provisions de 1,1% (8.742-5.000) soit un revenu à ce titre de 41 M¤. b. S?agissant des actifs représentatifs des fonds propres, il parait raisonnable d?attendre une contribution des produits financiers au-delà du taux sans risque sur actifs repré- sentatifs des fonds propres de 2% x 3 000 M¤ = 60 M¤ S?agissant des assureurs : La contribution des produits financiers sur actifs représentatifs des fonds propres à 2% au-dessus du taux sans risque apporte 0,76% des primes Catnat soit 24 M¤ 12 Source : Rapport SFCR CCR 2022 13 Soit un résultat normatif de la CCR de 400 m¤ avant IS y compris la rémunération des fonds propres à un taux sans risque de 2%. 99 Annexe 2 : Illustration d?évènements extrêmes Sécheresse annuelle ou pluriannuelle : effets du retrait gonflement d?argiles sur une large partie de la France : Source : CCR Source : CCR Sécheresse Illustration d?un événement extrême (F_FICTIF_202200_SECH_FRANCE_12298) Résultats MIP marché 2022 45 31/07/2023 Reconnaissances Demandes Eligibilité Communes reconnues Nbre communes 20 534 36 052 20 529 Dommages BE Q70 Q99 Coût simulé (Md¤) 7,6 7,7 8,0 Communes les plus couteuses Coût Toulouse 83 M¤ Bordeaux 42 M¤ Lille 23 M¤ Antony 22 M¤ Eligibilité Communes Moyenne 8 119 10ale 19 810 20ale 24 376 100ale 30 972 Inondation Illustration de l?année extrême Résultats MIP marché 2022 44 31/07/2023 ? Année maximale à 21 Mrds sur les 400 ans de simulation ? Crue de la Seine avec des dommages importants sur Paris ? Sur 50000 ans : 57Mdrs¤ Commune Pertes Paris 9 017 605 174 Boulogne-Billancourt 1 311 590 997 Levallois-Perret 719 258 739 Neuilly-sur-Seine 639 767 474 Puteaux 563 909 280 Clichy 513 655 928 Communes les plus touchées 100 Cyclone de niveau 5 comme IRMA dont la trajectoire traverserait la Grande Terre et la Basse Terre en Guadeloupe, au lieu de se limiter à Saint Martin et St Barthelemy comme en 2017 : Source : CCR 101 Séismes : Une courbe d?expérience sérieuse existe grâce à la bonne documentation des évènements majeurs en métropole même à des époques relativement anciennes, pour lesquelles on dispose d?archives historiques: 102 Annexe 3 : L?assurance des panneaux photovoltaïques sur toitures L?assurance de responsabilité civile décennale s?applique aux travaux de réalisations d?installations photovoltaïques, que le bâtiment soit neuf ou existant, et ce quel que soit son ancienneté. Elle est due par le constructeur titulaire d?un marché de travaux passé directement avec le maître d?ouvrage. Elle doit être souscrite avant le démarrage des travaux. Les assureurs prennent plusieurs critères en compte pour décider d?assurer un constructeur : le domaine de travaux concernés, le produit utilisé et son domaine d?emploi et l?entreprise de travaux ainsi que les garanties de qualité qu?elle présente. Les Documents Techniques Unifiés (DTU) regroupent les règles relatives aux « domaines traditionnels », relevant de la « technique courante », qui sont en théorie systématiquement couvertes par les assurances. Les techniques de construction plus récentes sont considérées par défaut comme des « techniques non courantes », et assurées au cas par cas. Les assureurs seront plus exigeants sur la qualité des produits utilisés, ainsi que la qualité des évaluations techniques, réalisées par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) ou des bureaux de contrôles indépendants. Les systèmes faisant l?objet d?un avis technique (ATec) délivrés par le CSTB sont considérés par défaut comme des techniques courantes et sont donc normalement assurés. Toutefois, l?Agence de Qualité Construction (AQC) peut décider de passer certains systèmes sous ATec en liste rouge, et les rétrograder ainsi en technique non courantes. Les systèmes faisant l?objet d?une enquête de technique nouvelle (ETN) délivrée par un bureau de contrôle relèvent tous de la technique non courante. Depuis 2017, les techniques de pose des modules photovoltaïques sur bâtiment ont évolué, du fait de l?assouplissement des conditions d?octroi d?un soutien public. Au lieu d?être intégrés au bâti, les modules sont désormais surimposés. Cette pose d?installations intégrées au bâti a engendré de nombreuses difficultés techniques du fait de problèmes de conception des produits et du manque de compétence de certains installateurs, et a entrainé une baisse de confiance de la part des assureurs. Pour faciliter l?obtention d?une assurance RC décennale, l?obtention d?évaluations techniques est essentielle. D?après le Groupement des Métiers du Photovoltaïques de la Fédération Française du Bâtiment, les industriels faisant l?effort d?obtenir une ATec se différencient des autres fabricants qui réalisent des ETN, car cela favorise grandement l?assurabilité de leurs systèmes. Les ETN, qui représentent 80% des procédés actuels, sont réalisées par un seul expert et concernent uniquement la partie solidité. Par conséquent, elles sont moins onéreuses que les ATec, mais ne présentent pas les mêmes garanties. Certains constructeurs peuvent obtenir une assurance sans passer ni par des ATec ni par des ETN, mais les tarifs d?assurances sont plus élevés et les garanties à apporter sont nombreuses. Généralement, ils s?associent avec des installateurs connus et réalisent des chantiers test. Les petites entreprises sont donc les premières concernées par les difficultés à s?assurer. Les obligations de solarisation des bâtiments vont se renforcer peu à peu sur la prochaine décennie. Plusieurs acteurs de la filière alertent ainsi sur la nécessité de mieux former les installateurs. Une formation différente pour les électriciens et les couvreurs est nécessaire. Les défauts de mise en oeuvre engendrent des sinistres et augmentent les problématiques assurantielles. Un groupe de travail piloté par l?INES réfléchit à la mise en place d?une formation nationale. Le problème de l?assurabilité PV existe. Cependant, le GMPV-FFB estime que les difficultés ont grandement diminué sur ces cinq dernières années. Il existe une solution de recours en cas de refus d?un assureur de fournir une assurance décennale. Conformément à l?article L. 243-4 du code des assurances, le constructeur peut saisir le Bureau central de tarification (BCT). Celui-ci aura alors pour rôle de fixer le montant de la prime moyennant laquelle l'entreprise d'assurance sera tenue de garantir le risque. D?après Hespul, les installateurs ont également des difficultés à trouver des assureurs en RC et en assurance multirisque, notamment lorsqu?il s?agit d?une location de toiture (passage par un tiers). 103 Enfin, la nature de l?industrie peut augmenter cette difficulté à s?assurer : les scieries, industries textiles et déchets qui souhaitent installer des panneaux peuvent éprouver des difficultés à s?assurer. Une communication à destination des assureurs paraît nécessaire pour a minima garantir que les freins liés à l?historique du photovoltaïque sur bâtiment (et notamment à l?intégration au bâti) soient levés. 104 Annexe 4 : Banques ? Textes prévus pour la révision de la CRD L?article?76 est modifié comme suit: a)??????le paragraphe?1 est remplacé par le texte suivant: «1. Les États membres veillent à ce que l?organe de direction approuve et revoie au moins tous les deux ans les stratégies et politiques régissant la prise, la gestion, le suivi et l'atténuation des risques auxquels l'établissement est ou pourrait être exposé, y compris les risques générés par l'environnement macroéconomique dans lequel il opère, eu égard à l'état du cycle économique, et de ceux résultant des incidences ac- tuelles et à court, moyen et long termes des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance.»; b)??????au paragraphe?2, l?alinéa suivant est ajouté: «Les États membres veillent à ce que l?organe de direction mette en place des plans spécifiques et des objectifs quantifiables pour surveiller et traiter les risques découlant à court, moyen et long termes du décalage entre le modèle d?entreprise et la stratégie des établissements, d?une part, et les objectifs stratégiques pertinents de l?Union ou les grandes évolutions de la transition vers une économie durable pour ce qui est des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, d?autre part.»; Un nouvel article?87?bis?est inséré: «Article?87?bis? Risques environnementaux, sociaux et de gouvernance 1. Les autorités compétentes veillent à ce que les établissements disposent, dans le cadre de leur dispositif solide de gouvernance comprenant le cadre de gestion des risques requis au titre de l?article?74, paragraphe?1, de stratégies, de politiques, de processus et de systèmes solides permettant d'identifier, de mesurer, de gérer et de suivre les risques environnemen- taux, sociaux et de gouvernance sur des périodes adéquates de différentes longueurs. 2. Les stratégies, politiques, processus et systèmes visés au paragraphe?1 sont proportionnés à l?échelle, à la nature et à la complexité des risques environnementaux, sociaux et de gou- vernance du modèle d?entreprise et à l'étendue des activités de l?établissement, et portent sur un horizon à court terme, un horizon à moyen terme et un horizon à long terme d?au moins 10 ans. 3. Les autorités compétentes veillent à ce que les établissements testent leur capacité à ré- sister aux effets négatifs à long terme des facteurs environnementaux, sociaux et de gouver- nance, tant dans des scénarios de référence que dans des scénarios défavorables sur une période donnée, en commençant par les facteurs liés au climat. Pour les besoins des tests, les autorités compétentes veillent à ce que les établissements prévoient un certain nombre de scénarios environnementaux, sociaux et de gouvernance qui intègrent les incidences po- tentielles des changements environnementaux et sociaux et des politiques publiques con- nexes sur l?environnement économique à long terme. 4. Les autorités compétentes évaluent et suivent l?évolution des pratiques des établisse- ments en ce qui concerne leur stratégie en matière environnementale, sociale et de gouver- nance et la gestion des risques qui s?y rapportent, y compris les plans à élaborer conformé- ment à l?article 76, ainsi que les progrès accomplis et les risques liés à l?adaptation de leurs modèles d?entreprise aux objectifs stratégiques pertinents de l?Union ou aux grandes évolu- tions de la transition vers une économie durable, compte tenu de l?offre de produits liés à la durabilité, des politiques de financement de la transition, des politiques connexes d?octroi de prêts et des objectifs et limites en matière environnementale, sociale et de gouvernance. 5. L'ABE émet des orientations, conformément à l'article?16 du règlement (UE) n°?1093/2010, afin de préciser: 105 a)??????les normes minimales et les méthodes de référence pour l'identification, la mesure, la gestion et le suivi des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance; b)??????le contenu des plans à élaborer conformément à l?article?76, qui comprennent des ca- lendriers précis et des objectifs intermédiaires et des valeurs cibles quantifiables, afin de faire face aux risques découlant du décalage entre le modèle d?entreprise et la stra- tégie des établissements, d?une part, et les objectifs stratégiques pertinents de l?Union ou les grandes évolutions de la transition vers une économie durable pour ce qui est des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, d?autre part; c)??????les critères qualitatifs et quantitatifs d?évaluation de l?incidence des risques environne- mentaux, sociaux et de gouvernance sur la stabilité financière des établissements à court, moyen et long termes; d)??????les critères de définition des scénarios et des méthodes visés au paragraphe?3, y com- pris les paramètres et hypothèses à utiliser pour chacun des scénarios et des risques spécifiques. L?ABE publie ces orientations au plus tard le [OP: prière d'insérer la date correspondant à 18 mois après l?entrée en vigueur de la présente directive modificative]. L?ABE actualise régulièrement ces orienta- tions, afin de tenir compte des progrès accomplis dans la mesure et la gestion des facteurs environne- mentaux, sociaux et de gouvernance, ainsi que de l?évolution des objectifs stratégiques de l?Union en matière de durabilité ». 106 Annexe 5 : Eléments de synthèse de l?étude comparative internationale Les services économiques de huit pays (Belgique, Espagne, Etats-Unis, Japon, Nouvelle-Zélande, Pays- Bas, Royaume-Uni, Suisse) ont été sollicités dans le cadre d?un travail de parangonnage visant à apporter un éclairage sur différents modèles assurantiels de couverture des catastrophes naturelles et les pratiques de prévention des risques associés. Cette analyse s?inscrit dans le contexte des travaux menés par la mission confiée mi-2023 à trois experts portant sur l?adaptation du système assurantiel français face à l?évolution des risques climatiques. Cette synthèse dresse un état des lieux de différents modèles d?assurance des risques climatiques, en distinguant les pays ayant développé une couverture assurantielle publique (i) et ceux reposant principalement sur l?assurance privée (ii), et analyse les pratiques des acteurs assurantiels en matière de prévention de ces risques (iii). Plusieurs pays ont développé des mécanismes d?assurance publique pour la couverture des risques climatiques Dans les pays où des acteurs publics assurent directement certains risques climatiques, ces acteurs interviennent le plus en souvent en couverture complémentaire de l?assurance privée, mais peuvent également agir en substitution du marché pour couvrir un ou plusieurs risques non assurés par le marché. En Espagne, une entreprise publique, le consorcio de compensacion de seguros (CCS), intervient en tant qu?assureur en complément de l?assurance privée gérant la police de base, pour couvrir les risques extraordinaires. Le modèle suisse est fondé, selon les cantons, sur un monopole accordé un établissement cantonal d?assurance public (ECA) géré par chaque canton pour la couverture de certains aléas naturels (inondations). En Nouvelle-Zélande, un assureur public (earthquake commission - EQC) intervient à côté de mécanismes assurantiels privés pour la couverture des premières pertes liées aux catastrophes naturelles (le marché privé assurant une couverture complémentaire). La souscription d?une assurance privée est une condition d?accès à la couverture de base publique. La commission EQC bénéficie d?une garantie de l?Etat en cas de défaillance. Il est très fréquent que ces modèles d?intervention publique lient la couverture des catastrophes naturelles à la souscription d?une garantie incendie, ce qui a pour effet d?étendre le taux de couverture lorsque la garantie n?est pas obligatoire. En outre, les modèles fondés sur une offre d?assurance publique (partielle ou totale) intègrent le plus souvent une logique de groupement d?achat de capacité de réassurance sur les marchés (Union intercantonale de réassurance en Suisse, EQC en Nouvelle- Zélande). Une majorité de pays s?appuient sur des mécanismes assurantiels privés avec un encadrement public des conditions de marché ou une intervention ciblée Aux Pays-Bas, la couverture des risques climatiques est principalement assurée par des mécanismes assurantiels privés, à l?exception notable des inondations (qui concernent 70% de la population), aléa pour lequel un schéma complexe de répartition de la couverture entre le secteur privé et l?Etat est en place, en fonction de la nature du phénomène à l?origine de l?inondation. En pratique, l?Etat intervient, par voie budgétaire, en cas de tremblements de terre importants et d?inondations par eau douce. Ce schéma de partage complexe implique que l?anticipation d?un soutien public est considérée comme un frein au développement de l?assurance. Au Royaume-Uni, l?intervention publique reste limitée, à l?exception du dispositif Flood Re - fonds de réassurance à but non lucratif détenu et géré par des assureurs privés ?qui vise à faciliter l?accès à l?assurance contre les inondations des ménages modestes en proposant une garantie publique en cas d?inondations extrêmes. L?Association of British Insurers (ABI) a conclu et renouvelé une déclaration de 107 principes avec le gouvernement à travers lequel les assureurs membres de l'ABI s?engagent à assurer les propriétés présentant un risque élevé d'inondation, en contrepartie d?un engagement de l?Etat à investir dans les infrastructures de prévention ou en partageant le coût des dommages en cas de situation extrême. En Belgique, la garantie catastrophes naturelles relève exclusivement du secteur privé et est comprise dans la couverture incendie, ce qui assure sa large diffusion. La loi permet toutefois aux compagnies d?assurances de limiter le montant de l?indemnisation par sinistre climatique, qui peut être complétée par une indemnité publique complémentaire provenant de fonds publics régionaux (à l?exception des ménages à faible revenus, ce soutien public est conditionné à la souscription d?une couverture incendie). A la suite des fortes inondations survenues en 2021, ce modèle a montré des limites et est en cours de réforme (relèvement du plafond de limite d?intervention de l?assureur et analyse de solutions assurantielles alternatives). De la même manière, au Japon, les risques climatiques sont couverts essentiellement par des mécanismes de marché, à travers des garanties facultatives adossées aux contrat d?habitation/incendie. Toutefois, en cas de tremblements de terre ou de tsunami, pour les particuliers, la loi prévoit une obligation de réassurance faisant intervenir conjointement le secteur privé et public, à travers la Japan earthquake resinsurance company (JER), opérateur détenu par une dizaine d?assureurs qui retransfère une partie des risques à l?Etat selon un partage à trois étages. Aux Etats-Unis, l?assurance des risques climatiques fait l?objet d?une action limitée de l?Eta fédéral, qui intervient principalement sur certains risques d?inondations et agricoles ou lors de réponses d?urgence (via le disaster relief fund et la FEMA). Au niveau des Etats fédérés, les situations sont très variables, même si une majorité d?Etats ont mis en place des programmes fair access to insurance requirements gérés et financés par le secteur assurantiel, parfois subventionnés ou garantis par les Etats. Le programme FAIR californien, l?un des plus importants, est intégralement supporté par l?assurance privée et comporte une obligation de groupement. La Floride a de son côté déployé un système couplant une assurance publique (CPIC) pour les ménages à faibles revenus et un fonds de réassurance face aux effets des ouragans. Dans la plupart des pays étudiés, le taux de couverture de l?assurance récolte reste faible La plupart des pays étudiés ont développé des mécanismes de soutien public à l?assurance récolte. Pour autant, le taux de couverture est très inégal selon les filières (Espagne, Japon, Suisse) ou la taille des exploitations (Etats-Unis). Certains pays développent des exonérations de taxes ou des subventions à l?assurance (Pays-Bas) pour dynamiser cette couverture, d?autres ont mis en place une réassurance publique (Espagne, Japon, Etats-Unis). Aux Etats-Unis, l?Etat fédéral est historiquement très impliqué dans la couverture assurantielle et la réassurance des risques agricoles à travers le Federal crop insurance program associant le secteur privé et l?Etat, qui réglemente, subventionne, réassure et rembourse les coûts de distribution d?environ deux millions de polices d?assurance. Si le taux de couverture des terres cultivées des grandes exploitations est très large, moins de 20% des fermes possédant des terres cultivées sont assurées. La contribution assurantielle privée à la prévention des risques naturels reste très limitée De manière générale, il n?existe pas dans les pays sous revue de contribution financière des acteurs assurantiels privés à la prévention des risques naturels, les efforts étant principalement ciblés sur la sensibilisation, le développement d?outils de diagnostics et le déploiement de dispositifs d?alerte. La politique de financement et de gestion de la prévention des risques demeure largement dévolue aux autorités publiques nationales ou locales (selon les pays). Il existe une exception notable en Suisse, les ECA (assureurs publics) disposant d?un rôle direct élargi dans le financement et la gestion de la politique de prévention et d?intervention d?urgence. Ils interviennent à la fois dans la prévention collective et individuelle (aides financières, recommandations lors des dépôts de permis de construire, etc.). 108 Dans le cadre des autres pays étudiés, il n?a pas été identifié de dispositif de financement de la prévention individuelle ou collective associant l?assurance privée. Toutefois, en Californie, une réforme adoptée fin 2022 par le commissaire aux assurances impose désormais aux assureurs d?appliquer une décote sur les primes pour les assurés qui ont entrepris des mesures de prévention, parmi une liste d?actions déterminées. La Louisiane a déployé des dispositions comparables pour les assurés ayant construisent ou rénovent un bien immobilier intégrant des exigences de résistance aux ouragans. Aux Pays-Bas, l?association des assureurs a indiqué son intérêt à impliquer le secteur financier en contrepartie d?une inclusion dans les réflexions publiques sur l?aménagement du territoire. Enfin, au Royaume-Uni, l?ABI a un rôle important de plaidoyer en faveur du renforcement des financements publics pour l?adaptation face au risque d?inondation, notamment en publiant conjointement avec Flood Re des évaluations sur le rapport coût-bénéfice de la prévention, mais sans que des contributions chiffrées d?assureurs n?aient été identifiées dans ce contexte. 109 Annexe 6 : Liste des auditions menées dans le cadre de la mission Administration et institutions publiques Direction générale des outre-mer (MIOM) Olivier JACOB, directeur général Natalie WILLIAM, sous-préfète, chargée de mission auprès du DGOM Camille DAGORNE, directrice de cabinet du DGOM DG Trésor (MEFSIN) Martin LANDAIS, sous-directeur des assurances Paul CASSAVIA, adjoint au chef du bureau ASSUR2 Romain LOISEAU, adjoint au chef du bureau ASSUR2 Direction de l?habitat, de l?urbanisme et des paysages (MTECT) Antoine CARON, sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction Quentin DESLOT, chef du bureau de la qualité technique et de la réglementation technique de la construction Direction du Budget (MEFSIN) Sophie ARGENCE, adjoint à la cheffe du bureau de l'intérieur et de l'action gouvernementale Elisabeth De COUESSIN, Adjointe au chef du bureau du développement durable Léonard CROS LE LAGADEC, adjoint au chef du bureau énergie et climat (référent transversal adaptation) Direction générale de l?énergie et du climat (MTECT) Marie CARREGA, cheffe du bureau adaptation Direction générale de la prévention des risques (MTECT) Cédric BOURILLET, délégué aux risques majeurs Véronique LEHIDEUX, chef du service des risques naturels Mission sur le risque RGA Vincent LEDOUX, député du Nord Sylvie BANOUN, IGEDD Benoit CHATARD, IGA Louis-Alexis LUCHTENBERG, chargé de mission, cabinet MIOM Mission sur le financement du recul du trait de côte Marie-Luce BOUSSETON, Inspectrice, IGA Jean-François LANDEL, Inspecteur, IGEDD Organismes publics de recherche BRGM Gilles GRANDJEAN, directeur du programme Risques Naturels Sébastien GOURDIER, responsable de l?unité Risques Instabilités Gravitaires et érosion des versants et des sols) CEREMA Pascal BERTEAUD, directeur général Anabelle FERRY, directrice Territoires et villes Yann DENIAUD, responsable du secteur des risques naturels Eric MOULINE, directeur technique infrastructures de transports et matériaux INERIS Nathalie HOMOBONO, présidente du conseil d'administration INRAE Alban THOMAS, Directeur de recherche Marielle BRUNETTE, Directrice de recherche Institut Paris Région Ludovic FAYTRE, Responsable Etudes "Risques majeurs - Aménagement", Département Environnement IRSN HERVIOU Karine, directrice générale adjointe, chargée de la sécurité nucléaire Claire-Marie Duluc Cheffe du Service de caractérisation des sites et des aléas naturels Météo-France Patrick JOSSE, directeur de la Climatologie Benoit THOME, directeur des Relations Institutionnelles Université de Strasbourg Sandrine SPAETER-LOEHRER, Professeur 110 Entreprises d?assurance, de réassurance et écosystème assurantiel ACPR Patrick MONTAGNER, Premier Secrétaire général adjoint Cyrille AMAND, adjoint au directeur des affaires internationales Lisa BIERMANN, adjointe au directeur des affaires internationales (pôle finance durable) Anne-Lise BONTEMPS-CHANEL, Directrice adjointe à la 2ème Direction du contrôle assurance Sacha HOFFMAN, adjoint au directeur des affaires internationales (pôle finance durable) Yann MARIN, adjoint au directeur des affaires internationales Pascal VICTOR-BELIN, Responsable du service des affaires internationales AEMA Xavier MICHEL, Directeur des affaires publiques Christophe VALERO, Directeur réassurance groupe Benjamin VOSSEY, Directeur performance opérationnelle indemnisation IARD Christian DE BOISSIEU, Directeur général Abeille IARD & santé AON FRANCE Emmanuel LE FLOC?H, DG Reinsurance Solutions AGEA Pascal CHAPELON, président Grégoire DUPONT, directeur général Julien ARNOULT, Responsable des études et des relations institutionnelles Thomas ALVAREZ, chargé d?études et de relations institutionnelles Assurances du Crédit Mutuel (ACM) Pierre REICHERT, président du directoire AXA France Guillaume BORIE, DG AXA France Matthieu GODART, DG AXA IARD et partenariats Hubert MARCK, sous-directeur affaires publiques d?AXA France Etienne LACOURT, directeur de la stratégie Caisse Centrale de Réassurance (CCR) Edouard VIEILLEFOND, Directeur général Antoine QUANTIN, Directeur de la réassurance publique Thierry COHIGNAC, Directeur Adjoint Réassurances et Fonds Publics Nicolas BAUDUCEAU, Directeur des fonds publics et de la prévention Comité des Assureurs Antilles-Guyane Cédric VALES, président Comité des assureurs Réunion ? Mayotte Ensemble des représentants du comité COVEA Valérie COHEN, DG Offres services groupe Stéphane COSSE, Directeur des affaires publiques Charles DUMARTINET, responsable risques majeurs Xavier GUEGUEN, responsable du suivi économique activité non vie, chargé de l?équipe de modélisation climat Odile LASTERNAS-BRECY, Directrice marché entreprises MMA Olivier LE BORGNE, DG investissements Romain MARTEAU, expert cat modelling Aude MESSIN, directrice de la transformation finance et durabilité Ann STEENACKER, Directrice programmes transformation IARD Crédit Agricole Assurances (Pacifica) Guillaume ORECKIN, directeur général, DGD de Crédit agricole assurances Antoine JOLIVEL, Secrétaire général Yann RENAUT, DGA Virginie SALAUN, directrice fonction gestion actuarielle EIOPA Casper CHRISTOPHERSEN, Studies & Statistics Team Leader, Risks and Financial Stability Department Marie SHOLER, senior expert in Policy Sustainable Finance Luisa MAZZOTTA, expert on Risk and Financial Stability Kumar HRADAYESH, Financial stability expert Generali Jean-Laurent GRANIER, P-DG France et activités globales GCC, Europ Assistance et corporate benefits Jean-Louis CHARLUTEAU, directeur de la réassurance et du Generali climate lab Stéphane FANG, Chief actuary, directeur technique IARD et Vie, prévoyance santé et data Elise GINIOUX, directrice RSE, communication, affaires publiques mailto:Casper.Christophersen@eiopa.europa.eu https://de.linkedin.com/in/luisa-mazzotta-37462093/en https://de.linkedin.com/in/luisa-mazzotta-37462093/en 111 Groupama Thierry MARTEL, Directeur général Pierre LACOSTE, Directeur en charge de la réassurance Jérôme NARBONNE, Directeur des affaires publiques Guy Carpenter France (Marsh McLennan) Christophe GAUDRON, Directeur général France Jumasavi Julien MOREL, directeur général MAIF /SMACL Pascal DEMURGER, Directeur général Hélène N?DIAYE, DGA en charge de l'Assurance de Personnes, des Investissements, de l'Actuariat et de la Data Patrick BLANCHARD, DGA en charge du BtoB et DG de SMACL Assurances SA Thierry BIARDEAU, Directeur technique assurance Stéphane TISSERAND, Responsable des Affaires publiques MATMUT Stéphane MULLER, Directeur Assurance IARD Particuliers et Entreprises Emeric BELLANGER, Directeur Technique Indemnisation et Tarification Philippe MARAVAL, Directeur Supports Indemnisation et risques opérationnels Munich Re Michel RANISE, Directeur général France Predict services Alix ROUMAGNAC, président RMS (Moody?s) Laurent MARESCOT, Senior Director, Market and Product Expert EMEA / CIS Katarina MARIE, responsable clientèle Jean-Clément HARDOUIN, Moody?s analytics RMS Marc BAJONGA, relationship manager Government SCOR Romain LAUNAY, Deputy CEO Scor P&C Henri BOVY, Accumulation Team Property Lead (responsable souscription et modelling CatNat Monde) Yves DOMMERGUES, directeur de marché France Benelux SCOR P&C (représentant à la commission CatNat de l?APREF) SMA-BTP Pierre ESBARBES, Président-Directeur général Swiss Re Walter ERAUD, directeur général France Arthur DUTEL, directeur P&C reinsurance, Swiss Re (VP comité non-vie et président de la commission CAT de l?APREF) Zurich Insurance Benedicte CONSTANS, directrice de la communication et des affaires publiques France Matt HOLMES, Group head of political and government affairs Danaelle LE MAO, Responsable Ingénierie Prévention (France) Amar RAHMAN, Global Head of Zurich Risk Engineering Denis STASINSKI, chief underwriting officer, Zurich France Associations, société civile, experts Association française de prévention des risques naturels majeurs (AFPCNT) Christian KERT, président Anne-Marie LEVRAUT, vice-présidente Ghislaine VERRHIEST-LEBLANC, directrice générale Association nationale des élus des bassins Catherine GREMILLET, directrice Bruno FOREL, co-Président Frederic MOLOSSI, Président Ateliers du Futur Bernard BLEZ, Expert énergie Noel LEGER, Secrétaire général, expert réglementation internationale Association des Maires de France Sébastien LEROY, Maire de Mandelieu-La Napoule, VP de l?agglomération Cannes Lérins Eric MENASSI, maire de Trèbes, président de l?association des Maires de l?Aude, VP de Carcassonne Agglo Stéphanie BIDAULT, chargée risques et crise Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) Fanny ARAV, économiste et urbaniste François-Xavier BRUNET, agent général d?assurance, Vice-Président de CCI France Isabelle HUYNH, administratrice (Section de l'économie et des finances) 112 France Digues Périnne BROUST, Directrice Haut Conseil pour le Climat (HCC) Corinne LE QUERE, Présidente, climatologue, auteure de trois rapports de synthèse du GIEC Valérie MASSON-DELMOTTE, chercheuse en sciences du climat, co-présidente du groupe de travail sur les bases physiques du changement climatique du GIEC Sylvain MONDON, Directeur adjoint, spécialiste de l'adaptation Institut pour la Maitrise des Risques (IMdR) Yves MERIAN, Vice-Président I4CE Benoit LEGUET, directeur général Anuschka HILKE, directrice de programme Règlementation financière, Financement du développement Vivian DEPOUES, chercheur sénior en adaptation au changement climatique Reclaim Finance Antoine LAURENT, responsable plaidoyer Ariel LE BOURDONNEC, chargé de campagne Shift Project Genevieve FERONE, Vice-Présidente, fondatrice d?une société de conseil en stratégie post-croissance Michel LEPETIT, Vice-Président, ancien cadre dans le secteur assurantiel et bancaire Nathalie LIMENTOUR, responsable des affaires publiques des shifters (bénévole) UNALCI Josiane JANISSET, Présidente Fédérations, organisations professionnelles AMRAE Hubert de l?ESTOILE, Délégué général Michel JOSSET, Directeur Assurances Prévention et Immobilier FORVIA (membre du CA et président de la Commission Prévention et Dommages de l?AMRAE) APREF Nicolas BOUDIAS, Délégué général Dominique LAURE, DGA Liberty mutual Re (membre du CODIR de l?APREF) Confédération paysanne Amandine MALLANTS, chef d?exploitation, comité Confédération Paysanne de l'Hérault Nicolas LE BOEDEC, animateur chargé de la. Commission OGM-Semences Thomas GIBERT, porte-parole de la confédération paysanne en Haute-Vienne France Assureurs / Mission Risques Naturels Franck LE VALLOIS, directeur général Christophe DELCAMP, directeur des assurances de dommages et responsabilité Anne-Sophie ROUSSEL-TRUFFY, Responsable risque habitation & Outre-mer Sarah GERIN, directrice de la MRN Viviane MITRACHE, Directrice des affaires publiques France Christian PIEROTTI, Director, of Public Affairs, European and International Affairs (président du groupe « Risque climatique » au GFIA) Emilie BEL, Deputy to the Public Affairs Director - Head of International Affairs Fédération Française du Bâtiment (FFB) Valery LAURENT, chef du service normalisation et rapporteur de la commission technique Sarah LESPINASSE, chef du service Assurances (direction juridique et fiscale) Julien SERRI, Pôle habitat, délégué national aux affaires techniques (constructeurs et promoteurs) Didier VALEM, Directeur des affaires techniques, chef de service qualité-construction, Fédération des sociétés d?expertise (FSE) /Compagnie des experts agréés (CEA) Olivier BONIFACE, Président de la CEA Lionel LAFFIN, expert CRAC Emmanuel VILLETTE, Président de la FSE AFB EXPERTISE Franck BECHADE, ingénieur expert FNSEA Franck LABORDE, membre du bureau de la FNSEA, président de la commission des risques climatiques et sanitaires, président de l?AGPM Laurent WOLTZ, chef du service juridique, en charge du suivi des risques en agriculture 113 Annexe 7 : Bibliographie indicative Ribes, A., Boé, J., Qasmi, S., Dubuisson, B., Douville, H., & Terray, L. (2022). An updated assessment of past and future warming over France based on a regional observational constraint. Earth System Dynamics, 13(4), 1397-1415 Battaglioli, F., Groenemeijer, P., Púcik, T., Taszarek, M., Ulbrich, U., & Rust, H. (2023). Modelled multidecadal trends of lightning and (very) large hail in Europe and North America (1950?2021). Journal of Applied Meteorology and Climatology. CCR, 2023: Conséquences du Changement Climatique sur le coût des catastrophes naturelles en France à Horizon 2050 https://www.ccr.fr/fr/-/etude-climat-ccr-2023 Covéa, 2022 : Changement climatique & Assurance : Quelles conséquences sur la sinistralité à horizon 2050 ? https://www.covea.com/sites/default/files/2023- 11/202202_Livre_Blanc_Cov%c3%a9a_Risques_Climatiques.pdf GIEC ? tous les rapports sont accessibles sur www.ipcc.ch France Assureurs, 2022 : Fédération Française des Assurances: Impacts du Changement Climatique sur les assurances à l?horizon 2050 https://www.franceassureurs.fr/wp- content/uploads/2022/09/vf_france-assureurs_impact-du-changement-climatique-2050.pdf Le Cozannet, G., Nicholls, R. J., Durand, G., Slangen, A., Lincke, D., & Chapuis, A. (2023). Adaptation to multi-meter sea-level rise should start now. Environmental Research Letters, 18(9). Raupach, T. H., Martius, O., Allen, J. T., Kunz, M., Lasher-Trapp, S., Mohr, S., ... & Zhang, Q. (2021). 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Par ailleurs, l?analyse des documents et les auditions font ressortir qu?un événement déclencheur d?éventuels points de non-retour serait une sécheresse prolongée, pluriannuelle, au cours de laquelle les précipitations hivernales ne suffiraient pas à recharger les nappes et les réservoirs, compromettant l?accès à l?eau l?été suivant. En France métropolitaine l?impact du changement climatique a été évalué dans le cadre des projets Explore 2070, et sera à nouveau évalué dans le cadre du projet Explore 2, qui a vocation à fournir des données pour l?aide à l?adaptation. Le projet Explore 2070 présentait déjà des projections particulièrement préoccupantes, avec par exemple des baisses de la recharge des nappes de 30 à 50% dans le Sud-Ouest de la France et des baisses de niveaux piézométriques de l?ordre de 10m sur les plateaux du fait du forçage climatique seul, c?est-à-dire sans prise en compte de l?augmentation des besoins en irrigation (Explore 2070). Pour l?assurance récolte, deux types d?événements sont susceptibles de causer des difficultés majeures: - une sécheresse pluriannuelle, correspondant à un événement de type 2022 mais sur une durée de plusieurs années. Ce type d?événement est actuellement bien considéré dans les stress tests de l?Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) sur une durée de 3 ans. - une sécheresse pluriannuelle combinée avec d?autres événements (ravageurs, pathogènes, incendies de forêts, baisses ou hausses de prix), eux-mêmes induits par le changement climatique ou d?autres facteurs. Ce type d?événement n?est actuellement pas considéré dans les stress tests de l?ACPR. Les auditions ont montré que leurs conséquences peuvent être beaucoup plus importantes que la seule somme des effets de chacun de ces événements pris séparément. Caractériser les effets de ces risques composites pour l?assurance récolte nécessiterait des développements en modélisation. Concernant les risques de feux de forêts, les périodes favorables aux feux de forêts se sont allongées en Europe de l?Ouest (GIEC, 2022). La littérature scientifique disponible pour l?élaboration du rapport ne faisait pas état d?une augmentation des surfaces brulées, notamment en raison de l?amélioration des mesures de lutte contre les incendies. Néanmoins les conditions continueront à devenir de plus en plus propices aux feux de forêts, et la zone géographique concernée s?étend, y compris dans des régions où les services de lutte contre les incendies de forêt sont moins développés. En France métropolitaine, la majeure partie des produits d?assurance concerne le sud-ouest. L?augmentation prévisible des feux de forêts causera des difficultés pour les produits assurantiels concernés et pour la gestion des forêts exposées. 1.3. ? Le changement climatique implique une dérive des coûts des sinistres, estimée autour de 1% pour le régime CatNat jusqu?à 2050 1.3.1. Implications sur les coûts des sinistres, le régime d?indemnisation des catastrophes naturelles et les stratégies de modélisation Les implications pour les coûts des sinistres, sur la base des études de la CCR, de Covéa, de France Assureurs, de l?étude PESETA IV du Joint Research Center et d?études présentées dans le rapport du GIEC sont présentées dans le tableau X.1. Qualitativement, ces différentes études sont cohérentes entre elles en termes de direction des changements (augmentation ou stabilité des coûts des sinistres) et attribution des causes (changement climatique, exposition et vulnérabilité). Ce résumé montre qu?il faut anticiper une hausse importante des coûts des sinistres. Quantitativement, les estimations varient selon les études, avec par exemple des estimations qui varient d?un facteur 2 à un facteur 10 pour les submersions marines. Cette hausse des coûts impliquera une hausse de la charge au titre des catastrophes naturelles (Table 3). L?estimation de cette évolution des coûts selon la CCR permet d'évaluer le taux annuel de hausse de la surprime CatNat pour maintenir l?équilibre du régime jusqu?à 2050 à des niveaux situés entre 1,29% et 2,07%. Sur cette hausse annuelle, entre 0,80% et 1,62% sont attribuables aux effets du changement climatique. Cette estimation nous semble conservatrice, les estimations de la CCR de 2023 se situant dans la fourchette basse pour les submersions marines et les inondations. Synthèse de l?estimation de la hausse projetée de la sinistralité à 2050 (Table 3) Nature de l?aléa Sinistralité en 2000 Sinistralité en 2020 Evolution en 2020 par rapport à 2000 Evolution estimée en 2050 par rapport à 2020 (2°C) Evolution en 2050 par rapport à 2020 (2,5°) Sécheresses géotechniques 466M¤ 726M¤ 56%3 59%5 190%1 Inondations 943M¤ 979M¤ 4%2 43%4 27%4 Submersions marines 61M¤ 68M¤ 11%3 113%1 109%1 Tous périls CatNat (y-compris séismes et cyclones) 1757M¤ 2078M¤ 18%3 47%5 85%1 Taux annuel de hausse (tous périls CatNat) - - - 1,29% 2,07% Taux annuel de hausse lié à l?aléa seul (tous périls CatNat) - - - 0,80% (pour une hausse attribuée au changement climatique de 27% en 2050 par rapport à 2020) 1,62% (pour une hausse attribuée au changement climatique de 62% en 2050 par rapport à 2020) Source : données CCR, 2023 ? millions d?Euros Constants 2022 Attribution des évolutions selon l?étude CCR 2023: 1: Augmentation due principalement au changement climatique 2: Augmentation due principalement aux effets des réformes 3: Augmentation due au changement climatique et à l'effet des réformes 4: Augmentation due au changement climatique et à l?augmentation de l?exposition et de la vulnérabilité 5: Augmentation due au changement climatique et à l?augmentation de l?exposition et de la vulnérabilité, et à l?effet des réformes 36 1.3.2. Il existe des opportunités pour améliorer la modélisation des risques Les deux sections précédentes ont examiné les périls climatiques les plus significatifs pour le secteur assurantiel français. D?autres périls sont favorisés par le changement climatique, tels que les incendies de forêt ou des mouvements de terrain ou des effondrements de cavités dans certains secteurs exposés aux inondations. De manière globale, la mission a relevé trois catégories de limites des modèles utilisés par assureurs et réassureurs s?agissant de la sinistralité climatique : Des limites liées à la qualité des données : ? L?Incomplétude des données d?exposition, de vulnérabilité, de dommages en nature et sur une amplitude temporelle ; ? les limites de connaissance des caractéristiques du bâti à l?adresse, qui sont déterminantes pour l?évaluation de sa vulnérabilité (âge, existence d?un sous-sol, nature des fondations, etc.) ? les limites de résolution : selon les aléas, les modèles ont des granularités très variables, qui peuvent aller de la maille infra-communale pour les inondations (résolution entre 5 et 100 m) à la maille cantonale pour d?autres périls (pour le modèle RGA, le découpage du territoire hexagonal s?effectue en mailles géographiques de 8 km de côté, issues du modèle hydrométéorologue Safran-Isba-Modcou) ? L?Incomplétude des données relatives aux mesures de prévention collective mises en place par les collectivités, leur calendrier et leurs effets sur les risques. Des limites liées aux outils de modélisation de chaque péril ? l?incertitude liée au nombre relativement faible de sinistres graves servant à calibrer la partie extrême des lois relatives au cout des sinistres, ? l?incertitude sur les hypothèses de dérive climatique (dites incertitudes sur la connaissance) ? les limites des algorithmes : les formes et pratiques de croisement (ex. agrégation) des données issues des bases de données et celles issues de modélisation, les modalités de gestion de la complexité algorithmique et des temps de convergence par exemple. Des limites liées à la frontière du système Cat Nat / hors Cat Nat : ? les modèles sont influencés par les évolutions de nature décisionnelle (réglementaire, politique, etc.) pour les aléas couverts par le régime Cat Nat, telles que les évolutions réglementaires sur les critères de reconnaissance, l?effet « politique » lié à la connaissance du régime par les communes (qui influence le taux de déclaration et le coût des dommages indemnisés), etc. ? la couverture par le régime CatNat des tempêtes tropicales, ouragans et évènements cycloniques dans les DOM implique la nécessité que les modèles puissent distinguer les évènements susceptibles d?être couverts par une couverture de réassurance privée et ceux relevant du régime CatNat (selon des modalités encadrées par la loi, art. L. 122-7 du code des assurances). Le secteur de l?assurance et la réassurance est plutôt en avance par rapport à de nombreux autres secteurs en termes d?utilisation de modélisations climatiques, mais les investissements sont très variables selon les acteurs, la réassurance, publique notamment, restant l?utilisatrice la plus avancée de modèles de bonne qualité. Néanmoins, il existe des opportunités pour maîtriser ou mieux comprendre les incertitudes des modèles (cf. Table 2). Les développements de modèles haute résolution pour la grêle, les précipitations intenses et les cyclones, le développement de nouveaux indicateurs pour les sécheresses géotechniques, devraient permettre d?améliorer les estimations des risques à moyen terme (quelques années). Des collaborations sont déjà en cours. En revanche, les 37 progrès potentiels sur les estimations des submersions marines et des inondations par débordement sont limités par la résolution des modèles d?impacts, par les temps de calcul des modèles de submersion les plus précis et par les limites de la scénarisation de l?adaptation dans les modèles d?impacts. Dans ce domaine, c?est à plus long terme (au moins 10 ans) que des progrès pourraient voir le jour, via des collaborations avec les projets de recherche nationaux et européens du domaine. A court terme, une amélioration consisterait à présenter les simulations de coût avec leur incertitude statistique, en propageant par exemple les incertitudes des variables d?entrée dans les modèles. A plus long terme, des modèles d?impacts à plus haute résolution et prenant en compte l?adaptation amélioreraient la confiance dans la modélisation des submersions marines et les inondations. Une autre amélioration pourrait consister à utiliser plusieurs scénarios d?évolution des enjeux exposés, en utilisant par exemple les Socio-Economic Pathways 1 à 5. Lorsque les effets du changement climatique concernent des événements relativement rares (submersions marines, cyclones, sécheresses pluriannuelles et dans une certaine mesure inondations), il est à la fois difficile de confirmer, via des observations, les tendances modélisées ou anticipées d?augmentation des couts. En revanche, le risque qu?un événement unique extrêmement couteux survienne à n?importe quel moment existe bel et bien. Pour tous ces risques, la recommandation des experts du climat est de réaliser des tests de résistance. Pour l?assurance récolte, ce type de test de résistance existe déjà avec l?hypothèse d?une sécheresse de 3 ans dans les tests de l?ACPR. 1.3.3. Les interactions entre risques climatiques sont un facteur supplémentaire d?augmentation des coûts des sinistres Les interactions entre risques climatiques et non climatiques peuvent conduire à aggraver les coûts des catastrophes naturelles. Par exemple, dans le domaine de l?agriculture, le changement climatique augmente les risques pour la santé lors des canicules, peut causer des pertes de services écosystémiques et favoriser les ravageurs et les pathogènes sans que ces pertes ne soient nécessairement couvertes par le système assurantiel. Dans le domaine des inondations, le rapport du groupe 2 du GIEC présente des évidences émergentes que les pertes indirectes peuvent représenter jusqu?à 5 fois les pertes directes d?un événement de submersion marine ou d?inondation continentale vers 2100 en cas de faible adaptation et de réchauffement climatique élevé (supérieur à 3°C en 2100). D?une manière générale, les impacts sont mal quantifiés sur tout ce qui concerne les conséquences du changement climatique pour la santé humaine, les écosystèmes et les services associés. Dans ces domaines, des limites à l?adaptation sont parfois déjà atteintes ou proches d?être atteintes. Les effets des risques combinés et en cascade sont toujours plus importants que la somme de chaque risque pris isolément. Les coûts des sinistres présentés dans ce rapport constituent donc vraisemblablement une estimation basse. 1.3.4. Des efforts de recherche et de développement permettront de mieux quantifier les bénéfices de l?adaptation et les effets négatifs des pratiques mal-adaptatives Le coût des sinistres futurs dépendra non seulement du changement climatique, mais aussi de l?adaptation qui sera mise en oeuvre. Cette adaptation pourra modérer l?aléa (protection), la vulnérabilité (accommodation) ou l?exposition (relocalisation d?enjeu). Elle pourra aussi dans certains cas aggraver les risques (pratiques mal adaptatives), par exemple sur la question de la gestion quantitative et qualitative de l?eau. Aujourd?hui les outils de modélisation ne considèrent l?adaptation que de manière très simplifiée au mieux. Un intérêt d?intégrer davantage l?adaptation dans les modèles serait d?identifier ses bénéfices éventuels et de promouvoir les réponses d?adaptation en conséquence. Ceci nécessitera des efforts en recherche et développement, qui sont aujourd?hui seulement partiellement financés et financés. 38 1.3.5 Des points de bascule climatiques ou sociétaux peuvent être franchis. Les conséquences d?un tel scénario pour l?assurance ne sont pas caractérisées de manière suffisante. Les projections utilisées dans le domaine de l?assurance ne prennent pas en compte les points de bascule climatique, et encore moins dans les sociétés. Le rapport du GIEC donne quelques clés à cet égard, notamment dans les chapitres 16 à 18 du groupe 2. Les points de bascule climatiques sont les mieux caractérisés : ils concernent par exemple une initiation de l?effondrement de l?Antarctique, des dépérissements de forêts ou la circulation méridienne de retournement atlantique (AMOC). Ceux concernant la société concernent notamment un effondrement des services sociaux, de l?économie, des conflits sociaux, intra-Etats et inter-Etats. Tous ces points de bascule sont d?autant plus à risque d?être dépassés que le niveau de réchauffement sera élevé. S?ils venaient à être dépassés, les conséquences pour la société seraient telles que l?on peut se demander dans quelle mesure quel rôle jouerait l?assurance des biens au sein des mesures trans-sectorielles d?adaptation. Dans ce domaine, l?urgence serait de mieux comprendre les risques associés, en poursuivant par exemple les travaux effectués sur la question de l?élévation du niveau de la mer dans un contexte d?effondrement de l?Antarctique de l?Ouest. 39 CHAPITRE 2. ADAPTER LE SYSTEME ASSURANTIEL FACE AUX RISQUES PHYSIQUES POSES PAR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE 2.1. ? Le système assurantiel français fait coexister des modèles de liberté de marché et un Régime encadré par l?État À l?échelle internationale, deux grands modèles d?assurance existent en matière de risques climatiques, qui peuvent cohabiter en fonction des spécificités nationales : i) un modèle fondé sur la liberté de marché, dans lequel la concurrence entre acteurs privés est la principale force d?influence des équilibres d?offre et de demande, qui se traduit par une liberté de souscription de l?assuré, une tarification des risques en fonction de l?exposition et un signal-prix qui crée une incitation forte à la prévention et à la protection. En corollaire, ce modèle présente plusieurs inconvénients importants : - la fixation de primes et franchises strictement techniques pour les risques surexposés, pouvant dépasser la capacité économique de certains ménages ou professionnels et générer un phénomène de non-assurance ; - une instabilité de l?offre en cas d?incertitude excessive sur les modèles liée au changement climatique ou à l?antisélection des risques pesant sur les besoins en capital ; - une intervention fréquente des Etats en dernier ressort, soit pour subventionner l?offre, soit pour solvabiliser la demande et/ou l?offre, soit en soutien post-crise (par exemple en Allemagne après les inondations en 2021). L?augmentation de l?intensité et de la fréquence des aléas climatiques a montré les limites d?un système fondé sur la liberté de marché. Aux Etats-Unis, le cadre assurantiel très fragmenté selon les Etats fédérés et l?action très limitée de l?Etat fédéral (hors assurances récolte et inondations) se traduit par des difficultés croissantes d?assurabilité face aux catastrophes naturelles, auxquels les Etats ont répondu récemment par des lois visant à subventionner l?offre et/ou la demande assurantielle (notamment dans le cadre des programmes « Fair Access to Insurance Requirements »). ii) un modèle fondé sur l?encadrement par l?État des conditions d?exercice du marché, à travers des obligations d?assurance, un contrôle de la tarification et des ressources en réassurance/capital. Ce modèle présente l?avantage de mutualiser, au moins en partie, le niveau de primes pour rendre l?assurance accessible dans les zones les plus exposées aux aléas, et apporte une bonne stabilité de l?offre. En revanche, l?absence d?incitations limite les efforts de prévention (sauf à développer des incitations ou obligations réglementaires non fondées sur un signal-prix), expose les acteurs publics et se traduit par la fixation de primes minimales obligatoires pour les risques faiblement exposés. Le système assurantiel français fait coexister ces deux modèles : - le régime d?assurance récolte, réformé au 1er janvier 2023, est fondé sur le principe de marché (pas d?obligation d?assurances et liberté tarifaire), adossé à un mécanisme de soutien public important pour subventionner la demande. - le cadre d?indemnisation des tempêtes (non tropicales), des évènements grêligènes et de neige est également régi par les équilibres de marché, avec toutefois des obligations d?assurance en multirisques habitation pour certaines catégories d?assurés. 40 - l?indemnisation des conséquences des catastrophes naturelles est largement encadré par l?Etat, qui apporte en corollaire une offre de réassurance publique permettant une couverture large des périls climatiques adossée à une garantie illimitée de l?Etat. La réforme récente du régime d?assurances récolte doit s?achever sur la création d?un pool de co- assurance en cours de négociation. Nos auditions ont montré une satisfaction globale sur la réforme de 2023 et une forte hausse des souscriptions, témoignant d?une appétence accrue du marché. Faciliter davantage l?accès à cette assurance des producteurs les plus exposés, orienter les subventions relatives aux primes de manière cohérente avec les stratégies d?atténuation et d?adaptation nécessiterait des entorses à la règlementation européenne sur les modalités de subvention de cette assurance qui ne semblent pas envisageables à court terme. Dans ce contexte, et compte tenu de la priorité donnée à un meilleur équipement de la ferme France, la mission ne s?estime pas en mesure d?émettre de recommandation utile. L?assurance des tempêtes (non tropicales), des évènements grêligènes et de neige est une extension obligatoire de la garantie incendie au sein des contrats de particuliers comme de professionnels et de collectivités. Les questionnaires et auditions n?ont pas relevé de dysfonctionnement de marché, le vent et la neige étant des aléas largement diversifiés géographiquement. L?année 2022 a enregistré un évènement extrême en matière de grêle, qui a conduit l?ensemble des acteurs à réviser leurs modèles actuariels relatifs à cet aléa. Les réassureurs ont tenu compte de cette incertitude supplémentaire en 2023 en relevant leurs primes et seuils d?intervention à ce titre. Il nous semble prématuré de tirer d?une série aussi courte des conclusions sur l?assurabilité de ce péril grêle spécifique. Le régime français d?indemnisation des catastrophes naturelles se distingue clairement au niveau mondial 2 par l?efficacité de sa couverture, en termes géographique (Métropole et DOM), d?aléas, d?acteurs économiques, de pertes et dommages (sauf aux récoltes). Cette quasi-universalité apporte une contribution essentielle à la capacité d?adaptation de la France au réchauffement climatique, mais elle crée une grande complexité dans la gestion du risque par les assureurs et réassureurs, au premier rang desquels la CCR. A leur variété s?ajoute en effet une concentration géographique extrême et des dynamiques liées au changement climatique contrastées. La réassurance publique des risques liés aux catastrophes naturelles est devenue un quasi-monopole dans un contexte de durcissement durable du marché privé de la réassurance en 2023. Le retrait de la plupart des réassureurs privés des couvertures Cat Nat en sous-jacent de la CCR et la hausse de tarification des couvertures climatiques hors du régime Cat Nat est considéré comme étant un phénomène pérenne. Le durcissement des conditions d?accès au capital et de renforcement des exigences des agence de notation sur les points d?attachement se traduit par une aversion des réassureurs à proposer des couvertures sur des risques de fréquence (période de retour inférieure à 10 ans). Pour gérer les risques afférents à ces différents régimes, le système assurantiel français développe et utilise des approches actuarielles de plus en plus sophistiquées. 2 Rapport sénatorial de législation comparée « Les systèmes d?indemnisation des catastrophes naturelles », octobre 2017 41 2.2. ? État des lieux des modèles actuariels et des politiques de souscription d?assureurs du marché français de l?assurance de dommages aux biens Toute activité de transfert de risque en contrepartie d?une prime fixée d?avance exige d?en connaitre les caractéristiques-clé dont : - la moyenne, c?est-à-dire l?espérance mathématique de la charge découlant de la réalisation de ce risque, - la volatilité, pour appréhender le risque d?écartement par rapport à cette charge moyenne et dimensionner ainsi les fonds propres amortisseurs nécessaires pour rester solvable même dans les scénarios très adverses. Ce qui est dans l?intérêt d?une part, des assurés qui traitent alors avec une contrepartie solvable, et d?autre part des assureurs qui se forgent ainsi une réputation de solidité attrayante. Pour caractériser ainsi la sinistralité annuelle d?un péril, il est donc nécessaire de disposer d?une modélisation de cette variable aléatoire. Cette modélisation requiert des outils et des équipes dédiés de développement d?une part, de contrôle d?autre part. Conformément à notre lettre de mission, un état des lieux a été élaboré à travers l?audition de représentants des directions exécutives en France de treize sociétés d?assurance, en tenant compte de leur représentativité (part de marché), de leur profil (acteurs mutualistes, bancassureurs, sociétés anonymes) et de leurs spécificités de positionnement (présence significative dans les DOM, sur le marché agricole, l?assurance des collectivités et l?assurance construction). Chaque société auditionnée a également accepté de répondre de manière confidentielle à un questionnaire détaillé comportant 26 questions portant sur i) les politiques assurantielles de souscription et d?investissement de transition, ii) les actions entreprises en matière d?adaptation (prévention, protection) et iii) les travaux et outils de modélisation utilisés et développés en interne. En complément, des auditions collectives des acteurs assurantiels présents dans les zones ultramarines ont été organisées, respectivement avec le comité des Assureurs Antilles-Guyane et Réunion-Mayotte. Afin d?affiner la précision des informations relatives aux outils de modélisation actuarielle utilisés par le marché assurantiel, la mission a également organisé plusieurs ateliers avec les équipes de modélisation de la Caisse centrale de réassurance (CCR). Ces ateliers ont été complétés par des auditions ciblées d?acteurs de la réassurance privée, de fournisseurs de modèles de risques climatiques et de courtiers spécialisés dans les grands risques et la réassurance. La mission a également organisé une audition avec la direction de la climatologie de Météo-France et plusieurs spécialistes en sciences du climat (HCC, I4CE). 2.2.1. Les deux grandes approches actuarielles de modélisation des risques climatiques L?approche actuarielle la plus simple est celle des modèles dits « à l?expérience » : à partir de l?historique sur plusieurs années de la sinistralité observée sur des portefeuilles de contrats, sont calibrées des lois de probabilité permettant de modéliser la fréquence et le coût unitaire des sinistres. Une analyse de tendance des coûts moyens et de l?environnement guide la pente d?inflation annuelle à prendre en compte. Ces lois et ces paramètres d?inflation permettent de cerner la moyenne et la volatilité attendues de la charge annuelle de sinistres. L?avantage de cette méthode est sa simplicité, donc un faible coût de développement et d?actualisation. Son inconvénient est que l?historique disponible est généralement sur des séquences temporelles trop restreintes et hétérogènes pour fournir un large échantillon de sinistres extrêmes. Or, même associés à de faibles fréquences, ces sinistres très graves influencent significativement la moyenne et la volatilité 42 globale. Par ailleurs, basée sur le passé, cette méthode n?intègre pas par nature et de manière explicite certains paramètres comme le réchauffement climatique, l?évolution de l?exposition, ce qui exige des retraitements pouvant introduire des risques de modèle additionnels. L?alternative actuarielle est celle des modèles stochastiques, basés sur des données autres que la sinistralité rétrospective (par exemple des indicateurs climatiques pouvant eux-mêmes résulter de modèles climatiques prospectifs globaux ou régionaux, couplés à des modèles de destruction des biens en fonction de la nature et de l?intensité de l?aléa climatique). Ces modèles sont calibrés notamment par backtesting, consistant à comparer la pertinence des données de sortie d'une modélisation à des données historiques réelles de sinistralité. Ils s?appuient sur de la modélisation statistique et de la modélisation numérique. L?avantage de ces modèles est double : d?une part, ils permettent de capitaliser sur l?état de l?art en climatologie, en se basant le plus souvent sur plusieurs indicateurs (températures, précipitations, humidité, etc?). D?autre part, ces modèles stochastiques permettent de réaliser des tests de sensibilité à différents scénarios climatiques et aux climats futurs associés. L?inconvénient de ces modèles est une complexité sans commune mesure avec la catégorie précédente, qui se traduit par des coûts très importants d?investissement et de maintenance. Du point de vue des assureurs et réassureurs, de tels coûts doivent, pour être exposés, se justifier économiquement, par des perspectives solides de revenus et de marges. Tous ces modèles assurantiels couplent des données externes et internes d?aléa (issues d?organismes publics ou privés) et de sinistralité (vulnérabilité et dommages). En fonction de leurs expositions, de la nature et de la complexité des périls, et de leurs capacités d?expertise, les assureurs développent des modèles en interne ou utilisent des modèles externes, développés par des fournisseurs spécialisés, des sociétés de courtage en réassurance ou des réassureurs. 2.2.2. Un paysage de modélisation influencé par la prédominance du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles La France présente plusieurs spécificités qui influencent le paysage de la modélisation des périls climatiques : - En termes de couverture assurantielle, l?extension de garantie Catastrophes naturelles, obligatoire pour tous les contrats automobiles, d?habitation et professionnels voient leurs surprimes et franchises fixées par l?État, ce qui exonère l?assureur de toute tarification commerciale. - En termes de couverture de réassurance des catastrophes naturelles, la France présente la spécificité notable d?une intervention large et stable de la Caisse Centrale de Réassurance qui offre à toutes les compagnies Dommages opérant en France : o un transfert intégral de 50% des risques relevant du Régime, o sur la part de risques conservée par les compagnies, une protection complète et illimitée au-delà d?une rétention souvent fixé à 200% des primes conservées, ce qui réduit très fortement la volatilité restant à charge des assureurs, et donc leur exigence de fonds propres. - Le mécanisme d?arrêté ministériel reconnaissant l?état de catastrophes naturelles est spécifique à la France et génère, pour les réassureurs, un risque de modèle que seule la CCR semble capable d?assumer dans la durée. Ceci se traduit par une situation de quasi- monopole de la CCR sur cette branche. En effet, si certains réassureurs proposaient jusqu?à 43 récemment des traités en sous-jacent de ceux de la CCR sur des évènements couverts par le régime des catastrophes naturelles, ces couvertures ont quasiment disparu en 2023. Ce contexte comporte une double conséquence au plan des investissements de modélisation des réassureurs : - le développement depuis une vingtaine d?années par la CCR, en partenariat avec plusieurs instituts scientifiques publics de référence, de modèles internes robustes adaptés spécifiquement aux périls relevant du régime Cat Nat. L?internalisation des compétences en matière de modélisation stochastique implique, d?une part, de développer des capacités d?expertise pluridisciplinaire associant des climatologues, géographes, experts du bâtiment, data scientists et d?autre part de disposer de bases internes de sinistralité suffisamment profondes pour assurer la pertinence du calibrage du modèle. La CCR investit significativement dans ces domaines, et doit continuer à le faire du fait des défis de modèles que pose le changement climatique. - une faible appétence, de par l?absence de débouchés, de la réassurance privée et des fournisseurs spécialisés pour investir dans la modélisation de certains périls relevant du régime Cat Nat en France. Font toutefois exception les tremblements de terre, l?inondation (principalement pour le repérage des zones d?aléas très forts, sensibles pour les risques de particuliers mais aussi pour la perte d?exploitation des entreprises) et dans une certaine mesure les évènements cycloniques. S?agissant des assureurs, les entreprises auditionnées par la mission indiquent, s?agissant des périls relevant du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles, se reposer pour une majorité entièrement sur la CCR, pour des estimations de charge essentiellement. Une minorité d?entreprises d?assurances a commencé à investir dans la modélisation de certains périls, inondation, RGA, pour en affiner certaines dimensions (les primes et franchises étant d?ordre public, ceci vise essentiellement l?identification des zones à plus forte exposition aux aléas et les cumuls de capitaux assurés correspondants). S?agissant des évènements naturels hors du régime Cat Nat (tempêtes, cyclones de faible intensité, grêle), les entreprises d?assurances indiquent privilégier un mix de modélisation interne et de solutions externes, qui peuvent être retraitées pour s?adapter aux spécificités des expositions de chaque assureur. 2.2.3. Les risques de modèles des assureurs et réassureurs dans le contexte du changement climatique Il ressort des auditions menées et de l?analyse de ce panorama l?émergence de seulement deux risques de modèles impactant les acteurs de l?assurance des risques naturels?: i) s?agissant des périls du régime Cat Nat, le risque de modèle est, pour l?essentiel porté par la CCR, du fait du large transfert de risque dont bénéficient les cédantes et de l?absence de maitrise par la réassurance privée du processus de reconnaissance administrative. Ce risque nous semble, pour sa maîtrise, faire l?objet d?investissements satisfaisants de la part du réassureur public. Dans le contexte du changement climatique et vu la complexité des modèles bâtis en partenariat avec Météo France, il nous semble impératif de maintenir à un haut niveau la capacité interne de la CCR à développer, challenger et maintenir ses actifs de modélisation. ii) s?agissant des périls hors du régime Cat Nat, les risques de modèles sont maîtrisés sur les tempêtes, grâce à la relative stabilité de ce péril et à l?amélioration permanente des mo- dèles de marché. Ils sont, inversement, particulièrement marqués depuis quelques années 44 sur les périls dits «?secondaires?», à l?instar des phénomènes grêligènes et de sécheresse en France en 2022. Ce constat de risque de modèle s?illustre par exemple à travers l?incon- sistance de l?estimation de la période de retour de l?épisode exceptionnel de grêle en juin 2022 dont la fréquence de survenance est estimée, selon les acteurs interrogés par la mis- sion, entre 10 et 200 années. Certains acteurs soulignent que les modèles de marché peu- vent étendre cette plage jusqu?à 5?000 ans en relevant une forte incertitude. De la même manière, on note une forte variabilité de la période de retour estimée de la sécheresse estivale 2022, dans une fourchette de 15 à 100 ans selon les modèles. 2.3. ? Le déséquilibre du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles à climat actuel doit être corrigé à court terme, et sa résistance au changement climatique renforcée 2.3.1. Un déséquilibre du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles estimé à 1 200 M¤ par an à climat actuel La mission avait notamment pour objectif de formuler des recommandations de nature à sécuriser l?équilibre du régime assurantiel d?indemnisation des Catastrophes naturelles (ci-après dénommé le Régime). Dans cette optique, une revue ?exécutive? a été menée en juillet et août 2023 sur les approches et modèles actuariels de la Caisse Centrale de Réassurance relatifs aux différents périls couverts par le Régime. Cette revue a donné lieu à quatre ateliers nourris par plusieurs supports liés à ces modèles. Elle est qualifiée d?« exécutive » en ce sens qu?elle correspond au dialogue prévu par la réglementation Solvabilité 2 pour permettre au management exécutif d?une entité d?assurance de valider les modèles à enjeu stratégique présentés par ses équipes actuarielles (Modèles de tarification, de risque, de réassurance...). Soulignons qu?il ne s?agit ni d?une revue détaillée par la fonction actuarielle de la CCR qui n?a pas été sollicitée sur ces modèles, ni d?une revue approfondie d?auditeurs externes portant notamment sur la qualité des données. Elle nous permet de conclure, avec un niveau de confiance élevé3 , à une situation de déséquilibre structurel significatif entre les ressources du Régime (surprimes catastrophes naturelles nettes de prélèvement sur la surprime sur les cotisations Cat Nat4 plus produits financiers de la branche) et ses charges (sinistralité pure, frais de gestion des contrats et des sinistres, et coûts de la garantie d?État à la CCR et d?immobilisation des fonds propres nécessaires à la solvabilité des acteurs du régime). Ce déséquilibre peut être estimé à 1.200 M¤ par an, en intégrant : (i) Une évaluation raisonnablement conservatrice de la charge moyenne attendue des sinistres Cat Nat. Un minimum de prudence est indispensable pour la durabilité de toute entité d?assurance ou de réassurance dans un contexte d?incertitude classique des modèles. Cette évaluation est faite sur base du climat actuel et compte tenu des paramètres économiques de 2022 (exposition, valeurs, primes, coûts de réparation), (ii) 320 M¤ d?impact anticipés des évolutions réglementaires suivantes, applicables à compter de 2024 : 3 Nous estimons à +/- 100 M¤ l?intervalle de confiance à 85% de l?agrégat global de sinistralité. Par simplicité, cette synthèse reposera sur le niveau central de cet intervalle. 4 Pour un volume de primes Catastrophes naturelles 2022 de 1.900 M¤ (nettes de prélèvement de 12% au titre historiquement du FPRNM sur la surprime Cat Nat) 45 - Les nouveaux critères de reconnaissance des communes pour l?état de catastrophe naturelle suite à un événement sécheresse (circulaire 3DS en finalisation révisant les critères de reconnaissance applicables au phénomène RGA, dont l?impact est estimé à + 20,4% sur la charge annuelle de sinistres de cette nature), - Les dispositions supplémentaires prévues par la loi du 28 décembre 2021 (« loi BAUDU ») à effet du 1/1/24 (impact estimé de 6,5% sur la sinistralité totale du régime), (iii) Une évaluation aux conditions de marché du coût d?immobilisation des fonds propres nécessaires pour solvabiliser l?ensemble des acteurs, outre celui de la garantie d?État accordée à la CCR. Ces conditions doivent en particulier permettent à la CCR soit de reconstituer ses réserves nécessaires pour faire face aux sinistres très graves, soit de partager ses risques avec la réassurance privée, (iv) Une estimation relativement économe des charges de gestion opérationnelle des assureurs, basée sur une approche de coût marginal. Cette évaluation ne tient pas compte : - des effets futurs inéluctables du réchauffement climatique, - de la charge supplémentaire qu?entrainerait une couverture plus exhaustive des particuliers et acteurs professionnels établis dans les DOM, - de la charge supplémentaire qu?entraineraient des réformes supplémentaires au-delà des mesures prévues par la loi du 28 décembre 2021 et de la révision en cours des critères RGA et des mesures prises au titre de l?ordonnance du 8 février 2023, - de la rémunération de fonds propres supplémentaires nécessairement mobilisés dans un scénario de transfert partiel du risque de garantie de l?État vers la réassurance privée. Cette situation de déséquilibre a deux inconvénients majeurs au plan de l?intérêt général : D?une part les assureurs peuvent être tentés, pour se protéger, d?adopter des stratégies d?évitement des zones à plus forte exposition aux aléas naturels. D?autre part, ni la CCR ni l?État ne perçoivent les moyens de financer leur propre protection, interne ou externe, face aux évènements extrêmes. Un déséquilibre important et durable du Régime engendre inévitablement, chez un nombre croissant d?assureurs, des stratégies auto-protectrices d?évitement : - Les surprimes liées aux garanties Catastrophes naturelles représentent aujourd?hui 12% des primes des garanties dommages (hors responsabilité civile) des contrats multirisques des particuliers (habitation) et des professionnels. Le marché français étant parmi les plus concurrentiels en Europe et même dans le monde, les marges unitaires de ces contrats sont faibles (30¤/an environ sur un contrat multirisque habitation de 400¤ de prime annuelle HT) ; - Toute garantie déficitaire doit, pour répondre aux attentes des actionnaires, être compensée par d?autres, profitables. Ceci peut générer des tarifs excessifs pour ces autres garanties et nuire à leur compétitivité, donc à leur commercialisation ; - Si une compensation croisée entre les types de produits d?assurances apparaît comme illusoire du fait de trop faibles marges sur les autres garanties, les assureurs fuiront inévitablement les zones techniquement déficitaires, où le coût attendu des sinistres et de leur gestion est exorbitant par rapport au prix imposé au marché ; - Ce mouvement est inéluctablement renforcé quand, dans un marché concurrentiel, une partie des assureurs se retirent de zones structurellement déficitaires, augmentant la part de marché et la charge portée par les derniers présents ; - C?est ainsi que se concrétise le risque de retrait, comme pour tous les autres risques : du fait de résultats globaux déficitaires, certains puis la plupart des assureurs pourraient préférer fuir les zones génératrices de pertes trop lourdes. En France, un cas emblématique est celui des DOM du fait du péril cyclonique (1,5% des primes Cat Nat et 10% des sinistres du régime selon la CCR). 46 Octroyer à la CCR une marge lui permettant non seulement d?équilibrer la sinistralité mais aussi de rémunérer ses fonds propres aux conditions de marché est clé pour lui fournir, ainsi qu?à l?État, des marges de manoeuvre nécessaires pour la gestion des risques, à travers plusieurs options : (i) Reconstituer graduellement des réserves réduites ces dernières années, (ii) Se décharger, si elle le souhaite, de pans de risques vers la réassurance privée. Ce second sujet fait l?objet du développement en section 2.5 du présent rapport. L?importance de ce déséquilibre, dont la manifestation est visible dans l?évolution baissière des réserves de la CCR ces dernières années, appelle donc, dans l?intérêt de l?État, de la CCR et des acteurs privés du régime, une réaction rapide et vigoureuse. 2.3.2. Une hausse à court terme et une indexation de la surprime catastrophes naturelles incontournables pour rééquilibrer le Régime dans la durée Les leviers actionnables sont de deux natures : i) pour diminuer les charges : - Renforcer les investissements de prévention et d'adaptation pour baisser la survenance et le coût des sinistres, - Rehausser les franchises légales pour baisser le coût unitaire des événements catastro- phiques, - Prévoir un traitement différencié de certains biens en zone à surrisque (cf. ci-après). ii) pour augmenter les ressources?: - Rehausser les produits financiers, - Majorer les surprimes des contrats d?assurance, Seul ce dernier levier peut impacter significativement 2025, voire 2024, pour rééquilibrer rapidement le Régime. Notre meilleure estimation du niveau de primes nettes de prélèvement nécessaire et suffisant pour un équilibre durable du régime est de 3.200 M¤, comme le montre le compte de résultat figurant en annexe 1. En moyenne pour chaque contrat d?assurance habitation, la surprime Catastrophes Naturelles serait ainsi portée de 22¤ HT à 37¤ HT, soit une hausse de 15¤ HT par an. Les solutions pour rehausser de 1 300 M¤ les ressources du Régime (hors prélèvement sur la surprime Cat Nat) sont multiples. Si l?on écarte la piste des subventions d?un budget de l?État sous contrainte, l?univers des possibles est en théorie, l?ensemble des combinaisons faisant varier, d?une part, les taux de surprime Cat Nat, et d?autre part les assiettes de surprimes. Nous sommes favorables à un mix de critères permettant de concilier efficacité et acceptabilité, res- ponsabilité et solidarité et préconisons comme vecteurs des ressources supplémentaires : - En priorité les contrats multirisques habitation pour le critère d?efficacité (rééquilibrage des contrats) et d?acceptabilité (série quinquennale de sinistralité inédite notamment en séche- resse et cyclones), - Suivis des contrats automobiles pour le critère de responsabilité (véhicules thermiques sur- tout), - Suivis des multirisques professionnelles que les bons résultats historiques ne mettent pas à l?abri d?évènements majeurs avec des garanties pertes d?exploitations toujours très coûteuses, notamment en cas de sinistre touchant la chaine d?approvisionnement. 47 Notre préférence va donc à un scénario portant aux alentours de 21% la surprime du régime sur les dommages aux biens des particuliers et sur l?automobile, et aux alentours de 16% celle afférente aux dommages aux biens des professionnels. Ce supplément de primes nettes de prélèvement de 1 300 M¤ rehausse d?environ 1 480 M¤ la base du prélèvement additionnel de 12% sur la prime Cat Nat des contrats d'assurance habitation et automo- bile. Les ressources budgétaires au titre de ce prélèvement seraient relevées d?environ 180 M¤ par an dès la prise d?effet de la hausse du taux de surprime (soit 425 M¤ prélevés au lieu de 245 M¤ par an). Le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) devrait être de plus en plus sollicité au fur et à mesure que les particuliers et les collectivités renforceront leurs investissements de protection et de prévention. Des acteurs tels que le think tank I4CE ont fait plusieurs évaluations des besoins en investissement en faveur de l?adaptation aux niveaux national et régional depuis 2022. Nous préconi- sons donc de maintenir le prélèvement additionnel sur les surprimes Cat Nat, actuellement de 12%, afin de consolider le financement des actions individuelles de prévention à travers un second fonds dédié comme décrit au chapitre 3. Deux autres éléments prospectifs sont, enfin, à prendre en compte?: - D?une part, comme dit précédemment, ces niveaux se basent sur le contexte 2022, tant en termes de climat que d?exposition des biens et activités. Le réchauffement climatique génère, toutes choses égales par ailleurs (hausse des valeurs assurées, mobilité de la population, meil- leure assurance des DOM) une inflation climatiques « pure ». Une indexation des taux de sur- primes sur cette inflation sera la seule façon d?éviter des déficits techniques sévères pous- sant les assureurs à renforcer leur sélection des risques. Notre évaluation de cette inflation se situe à 1% de la surprime, tenant compte des incertitudes reflétées par les évaluations de la CCR et de Covéa?(cf. section 1.3). Nous recommandons par conséquent une hausse pro- grammée de 0,2% par an de la surprime Cat Nat avec une clause de rendez-vous quinquen- nale. - D?autre part toute modification du périmètre des périls ou des dommages indemnisables par le Régime devrait conduire sans délai à un ajustement de la surprime en conséquence. Il est important de rappeler que le respect de ce niveau d?équilibre est un élément critique pour la pérennité du régime. En effet, il est essentiel pour prévenir le risque de retrait d?acteurs essentiels de sa chaîne de valeur. En termes de calendrier, l?ajustement de prime d?un contrat d?assurance ne peut intervenir que lors de son renouvellement. La saisonnalité des échéances des contrats sur le marché est donc un élément clé à prendre en compte pour quantifier les effets en 2024 et/ou 2025 de toute décision de majoration. Or, les contrats des professionnels se renouvellent majoritairement au 1er janvier sur le marché des particuliers. Pour des raisons historiques liées à la préférence de certaines mutuelles, l?échéance du 1er avril est également significative. Pour conduire dès 2024 son redressement, les décisions tarifaires liées au Régime devaient donc in- tervenir courant septembre 2023. Nous comprenons que cette option, présentée dans notre premier pré-rapport de septembre, n?a pas pu être concrétisée. 2.3.3. L?indexation des franchises, classique en assurance, est adaptée au contexte du Régime Les franchises réglementaires du régime sont actuellement sans indexation. Cela revient à une diminution en euros constants puisque que l?inflation des sinistres est portée par quatre facteurs : (i) une accumulation de valeur avec l?accroissement des capitaux assurés, 48 (ii) le déplacement relatif de la population vers les zones à risques comme le pourtour méditerranéen et les DOM, (iii) une hausse des coûts de réparation et de reconstruction surtout depuis 2020, et (iv) une inflation climatique intrinsèque liée au réchauffement climatique. De nombreuses entreprises d?assurances de dommages pratiquent l?indexation des franchises en multirisque habitation et multirisque professionnelle sur l?indice du coût de la construction établi par la Fédération Française du Bâtiment afin de les maintenir stables en euros constants. Ceci participe à la maîtrise des coûts des sinistres et donc des primes futures. Il nous semblerait légitime de pratiquer de la même manière pour le dispositif Cat Nat compte-tenu de ces sur-pressions inflationnistes. OBJECTIF N°1 : ASSURER LE REDRESSEMENT DU RÉGIME D?INDEMNISATION DES CATASTROPHES NATURELLES A COURT TERME ET SA PERENNITE A MOYEN ET LONG TERMES 1.1. Rehausser rapidement les taux de la surprime Cat Nat afin de renforcer les ressources financières du régime à hauteur de 1 300 M¤ par an (sur base des paramètres économiques et climatiques de 2022) 1.2. Instaurer un mécanisme d?indexation automatique du taux de surprime Cat Nat afin de prendre en compte les effets du changement climatique, en fixant la réévaluation annuelle initiale à 1% des taux de surprime (soit 0,2 point de %) par an à compter de 2023. Prévoir une clause de revoyure quinquennale, et accompagner tout changement des conditions d?indemnisation par le Régime d?un ajustement correspondant et simultané de la surprime. 1.3. Indexer les franchises légales du régime sur l?indice du coût de la construction. 2.4. ? Consolider les zones d?exposition majeure aux principaux risques climatiques pour renforcer la responsabilisation des assureurs et assurés 2.4.1. Consolider la cartographie des zones d?exposition aux principaux risques naturels majeurs, de manière partagée entre l?État, la CCR et les acteurs assurantiels Tout dispositif de gestion des risques a pour point de départ un inventaire et une évaluation de ces risques sur base de critères essentiellement de fréquence et d?impacts potentiels. Cette évaluation permet de hiérarchiser les priorités et les plans d?action pouvant comprendre une amélioration des connaissances, une surveillance (donner l?alerte), la préparation à la gestion de crise, la prévention (protection, réduction de la vulnérabilité des enjeux ou relocalisation), et le transfert, dans la mesure du possible, du risque résiduel, notamment par l?assurance. Nous considérons qu?une cartographie consolidée des zones les plus exposées aux aléas couverts par le régime d?indemnisation des catastrophes naturelles sera un préalable indispensable à tout dispositif de responsabilisation équilibrée des assureurs et des assurés. La logique de nos recommandations est donc d?instaurer ou de renforcer : 49 - L?identification des zones à plus forte exposition aux aléas couverts par le régime, faisant l?objet d?un Plan de Prévention des Risques, - La responsabilisation accrue des catégories d?assurés les mieux placés pour mettre en oeuvre les mesures de prévention adéquates sur ces zones, - Une exigence de présence pérenne sur ces zones pour tous les assureurs (cf. section 2.3), - L?accompagnement par la CCR des assureurs sur les DOM, dont le déséquilibre technique pour le Régime est supérieur. La source la plus simple pour une telle cartographie consolidée est celle des plans de prévention des risques naturels (PPRN). Dans le domaine des aléas climatiques, « Faire connaitre le risque et l?aléa » est une des missions régaliennes essentielles de l?État au service des ménages, des collectivités et des entreprises. Encadré 2 ? Les Plans de Prévention des Risques Naturels Les Plans de Prévention des Risques (PPR) sont des documents d?urbanisme élaborés à l?échelle d?une ou de plusieurs communes par les services de l'État, en collaboration avec les collectivités locales et les autres acteurs concernés, notamment via une enquête publique. Ils cartographient un certain nombre d?aléas tels que les inondations ou les retraits gonflement des argiles, dont ils caractérisent l?intensité, et prescrivent des mesures pour l?utilisation des sols (non constructibilité, prescription sur le bâti). Ces documents sont prescrits par les Préfet. Une fois approuvé, le PPR est annexé au plan local d?urbanisme (PLU). Les PPR peuvent concerner différents risques naturels : inondations, risques littoraux, mouvements de terrain, séismes, tempêtes, cyclones, feux de forêts? Les cartographies issues des phases dites tech- niques et réglementaires de ces PPR présentent une relative hétérogénéité, tant en termes de grada- tion que de fréquence de mise à jour, certains PPR n?ayant pas toujours franchi le stade d?approbation. Le PPR délimite d?une part ?les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'inten- sité du risque encouru?, d?autre part ?les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions(...) pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux?. Il définit ?les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises? dans ces zones (Article L562-1 du code de l?environnement). Les PPRI (inondations) peuvent compter jusqu?à quatre niveaux d?aléa (faible, modéré, fort, très fort ; R-562-11-4 du code de l?Environnement). La carte d?exposition au retrait gonflement des argiles, dis- ponible sur toute la métropole, sauf Paris, comprend quatre niveaux d?exposition (nul ou négligeable, faible, moyen, fort), en fonction de la probabilité de survenance de sinistres et de leur intensité. https://www.ecologie.gouv.fr/prevention-des-risques-naturels S?agissant des assureurs, la modélisation à fine échelle des périls climatiques couverts par le régime d?indemnisation des catastrophes naturelles a longtemps été délaissée compte tenu de l?absence d?en- jeu lié à la mutualisation qu?impose le régime : l?assureur n?ayant aucun levier de tarification, des mo- dèles de prime pure ont moins d?utilité que les nombreuses branches où le levier tarifaire existe. Toutefois, le déséquilibre du régime devenant significatif, comme démontré au chapitre précédent, du fait de la relative stabilité5 des primes Cat Nat face à une hausse de la sinistralité cohérente avec les 5 Le taux de surprime Catastrophes Naturelles étant inchangée depuis 2000, seule l?assiette applicable à cette surprime augmente, de manière relativement linéaire, le niveau global des primes Cat Nat collectées. https://www.ecologie.gouv.fr/prevention-des-risques-naturels 50 effets attendus du changement climatique, une nouvelle piste d?action séduit certains assureurs : la discrimination géographique. Si, pour réduire leurs foyers de perte, certains assureurs s?autorisent une liberté de sélection plus ou moins déclarée, l?investissement dans un outil de modélisation à maille géographique fine s?avère rentable. De ce fait, les cartographies des PPR alimentent désormais, parmi d?autres outils, l?arsenal de modèles d?un nombre croissant d?assureurs. La réaction à ce phénomène d?esquive, toxique à long terme pour l?universalité du régime, fait l?objet des recommandations con- tenues ci-après. Une cartographie partagée et harmonisée des zones à plus forte exposition pour le régime devrait ainsi être réalisée afin d?identifier sur notre territoire les zones : - A aléa très élevé, dites « zones ROUGES », c?est-à-dire se situant au niveau maximum de la cartographie PPR pour au moins l?un des périls couverts par le régime Cat Nat, - A aléa élevé, dites « zones ORANGES », c?est-à-dire se situant au 2e niveau de la cartographie PPR d?un au moins des périls couverts par le régime Cat Nat, - A aléa faible, dites « zones VERTES ». Les zones baptisées « ROUGES et « ORANGES » à ce stade dans le seul but de faciliter notre présenta- tion, seront le socle de plusieurs mesures d?intérêt général prescrivant de manière équilibrée des ef- forts supplémentaires aux assureurs, aux assurés et la CCR. L?importance de cette cartographie nationale harmonisée et orientée sur les périls couverts par le ré- gime Cat Nat justifie que la CCR, investie de missions d?intérêt général, en soit maitre d?oeuvre, en concertation notamment avec les autorités ministérielles compétentes (notamment la DGPR) et France Assureurs. La CCR réunit en outre, selon nous, les meilleures expertises internes et externes et la profondeur statistique la plus importante sur la sinistralité de l?ensemble du marché français. 2.4.2. Renforcer l?incitation à la prévention des biens professionnels de haute valeur, des résidences secondaires et des biens locatifs localisés en zone d?exposition forte (orange) et très forte (rouge), en instaurant pour ces seuls cas la liberté de fixation des primes et franchises d?assurance du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles En conséquence de ses avantages d?universalité et d?accessibilité, il faut admettre que le régime Cat Nat ne favorise pas, au contraire, les efforts individuels de prévention. En effet, aucun bénéfice de prime d?assurance ne découle, formellement, d?un quelconque investissement pour lutter contre les inondations, cyclones ou le RGA. Même dans les zones les plus fortement exposées aux aléas, le signal prix envoyé aux assurés au titre de la garantie Cat Nat est insuffisant pour susciter des mesures de prévention appropriées. La franchise applicable aux sinistres Cat Nat étant fixée par arrêté ministériel 6 , aucune responsabilisation liée aux efforts individuels de prévention n?est possible pour les assureurs. Dans ce contexte, quelques-uns se risquent à une formulation responsabilisante, dont la conformité avec la réglementation reste à démontrer, telles que la clause suivante : « Si vous êtes propriétaire de biens immobiliers exposés à des risques naturels, vous devez mettre en oeuvre les moyens de prévention et de protection définis par les lois et règlements en vigueur, en particulier par les plans de prévention des risques naturels. Ces plans sont annexés aux plans locaux d?urbanisme (anciennement plans d?occupation des sols) et font l?objet d?un affichage en mairie et d?une publicité par voie de presse locale. En cas de manquement de votre 6 L?arrêté du 30 décembre 2022 fixe les niveaux de franchise applicables à compter du 1er janvier 2024. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000046884229/2024-01-01 51 part à ces obligations, [l?Assureur] est fondé à vous réclamer ou à retenir sur les sommes dues l?indemnité correspondant au préjudice qui en a résulté pour elle. » La communauté des assurés finance donc, pour les zones les plus à risque, la réparation des dommages qu?auraient pu éviter certaines mesures de prévention prises par les ménages ou les entreprises, prescrites ou non par les PPR. Cette situation peut paraître légitime pour la grande majorité des assurés qui n?ont pas nécessairement eu le temps et ou les moyens financiers de tels investissements. Il en va autrement de certaines situations ciblées. Il nous semble en effet possible et souhaitable de l'assurance contribue à rehausser l?exigence de travaux de prévention qui incombe aux individus, aux entreprises comme aux collectivités en direction de ceux qui réunissent à la fois (i) une exposition forte ou très forte, et (ii) les moyens financiers permettant de financer les mesures de prévention adaptées, en ciblant en particulier trois catégories de biens assurés : - Les résidences secondaires, - Les biens à usage locatif, - les biens professionnels à forte valeur assurée (supérieure par exemple à 20 M¤ en bâtiment, contenu et perte d?exploitation assurés). Une manière simple de rehausser fortement l?incitation à investir est de maintenir l?obligation d?assurer au bénéfice de ces catégories, tout en libérant les tarifs (c?est-à-dire le niveau de la surprime Cat Nat) et les franchises, donc l?intégralité du signal-prix que peut recevoir l?assuré. Un dialogue de progrès devrait alors pouvoir s?établir entre l?assuré et son assureur pour fixer les contours d?un dispositif adapté au contexte et un délai de réalisation des travaux raisonnables. Ce type de mécanisme d?incitation se pratique déjà pour une part des risques professionnels proportionnelle aux capitaux assurés. Bien entendu, les mesures de prévention résultant du dialogue entre assureur et assuré doivent s?appuyer sur les prescriptions des PPR et des autres documents réglementaires en donnant aux assureurs, pour ces seules catégories de biens assurés, des latitudes supplémentaires de responsabilisation et le cas échéant d?adaptation des mesures au contexte spécifique. S?agissant des résidences principales et des autres catégories de biens assurés situés dans des zones où les PPR prescrivent des travaux de prévention individuelle dans des délais impartis, une responsabilisation des assurés par le moyen de la franchise parait également possible et souhaitable. Une orientation possible serait de la rehausser, en cas de non-respect des prescriptions du PPR dans les délais, à un niveau tel que l?investissement dans ces travaux soit rentable dès la survenance d?un premier sinistre. Le triplement, dans ce seul cas, des franchises légales pourrait constituer un niveau raisonnablement incitatif. 2.4.3. Adapter et uniformiser les modalités de réassurance de la CCR pour les assureurs opérant dans les départements ultramarins Les départements d?outre-mer cumulent une très forte exposition aux cyclones tropicaux ? et pour les Antilles, aux séismes ? et une pénétration de l?assurance habitation très inférieure à celle de la métro- pole. A ces faiblesses s?ajoutent une menace : la sensibilité croissante des assureurs présents dans ces départements à la suite : - d?évènements cycloniques d?ampleur, tel que le cyclone IRMA, 52 - de l?assèchement, récent mais sans doute durable, de la réassurance privée qui permettait aux assureurs de protéger leurs fonds propres en couvrant une partie de la rétention restant à leur charge (c?est-à-dire la rétention en-deçà du seuil de réassurance de la CCR), - un rehaussement des seuils de réassurance par la CCR des portefeuilles des compagnies ba- sées dans les DOM, - d?une remise en cause par le changement climatique des modèles permettant d?estimer la distribution des sinistres, donc la volatilité de cette charge et le besoin en capital correspon- dant. Un surcroît de volatilité est donc prévisible, dans un contexte de déficit technique durable pour le régime puisque les primes Cat Nat des DOM représentent moins de 2% de ses primes France et la sinistralité moyenne attendue environ 10% de sa charge. Pour éviter un retrait de compagnies d?assurances, dans un contexte d?offre assurantielle déjà limitée par rapport à la métropole, un réexamen des conditions de réassurance parait nécessaire pour réduire l?amplitude possible de variation de la sinistralité, par conséquent la volatilité des résultats et le besoin en capital des assureurs. Ce réexamen devrait concerner les compagnies d?assurance basées en métro- pole comme aux Antilles ou à la Réunion, l?option de retrait étant ouverte pour toutes ces entités. OBJECTIF N°2 : CONSOLIDER LES ZONES D?EXPOSITION MAJEURE AUX PRINCIPAUX RISQUES CLIMATIQUES POUR RENFORCER LA RESPONSABILISATION 2.1. Consolider une cartographie des zones d?exposition élevée aux principaux aléas naturels majeurs, de manière partagée entre l?État, la CCR et les acteurs assurantiels. 2.2. Renforcer l?incitation à la prévention des risques professionnels de haute valeur, des résidences secondaires et des biens locatifs localisés en zone d?exposition forte (orange) et très forte (rouge), en instaurant pour ces seuls cas la liberté de fixation des primes et franchises d?assurance du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles 2.3. Adapter et uniformiser les modalités de réassurance de la CCR pour les assureurs opérant dans les zones ultramarines. 2.5. ? Préserver la mutualisation de la prise en charge des risques garantis par le régime d?indemnisation des catastrophes naturelles sur l?ensemble du territoire La contrepartie des efforts demandés aux ménages, aux entreprises et à la CCR pour rééquilibrer durablement le Régime doit évidemment être un engagement pérenne de tous les assureurs afin de garantir l?accessibilité de la garantie Catastrophes Naturelles, même dans les zones génératrices de pertes en raison de leur plus forte exposition. Les questionnaires et auditions de nombreux acteurs du marché ont mis en lumière le mouvement de retrait de plusieurs acteurs, soit par des pratiques tarifaires dissuasives, soit par des politiques d?exclusion. Souvent de dimension internationale, ces acteurs reproduisent des politiques de 53 souscription classiques dans d?autres géographies où seul fonctionne un système d?assurance de marché libre, donc fortement discriminant. De tels mouvements sont à l?évidence toxiques pour le régime à moyen et long terme, pour plusieurs raisons : - Les assureurs restant sur les zones à plus forte exposition voient leurs pertes se creuser avec l?augmentation de leurs parts de marché, - Les assureurs « vertueux » pour le régime qui campent sur leur position dans les zones sur exposées n?ont d?autre choix pour équilibrer leurs résultats que de rehausser leurs primes sur l?ensemble du territoire, perdant ainsi en compétitivité sur les zones à plus faible aléa. - La pression concurrentielle sur ces zones « vertes » des assureurs n?ayant pas à financer les pertes des zones rouges induit inévitablement des pertes de parts de marche, ce qui réduit leur capacité de subvention croisée, poussant vers la dernière issue, - Des décisions de sortie doivent être prises par les assureurs ainsi concurrencés, amenant un assèchement de l?offre sur les zones rouges, alimentant ainsi le cercle vicieux. 2.5.1. Développer un mécanisme de nivellement des marges techniques entre zones à faible et forte exposition via la modulation du prélèvement additionnel sur les surprimes Cat Nat La stratégie de certains assureurs de fuir les zones surexposées, génératrices de perte pour mieux exploiter celles à faible exposition, génératrices de profit, est basée sur la disparité de marge technique entre ces différentes zones. La solution la plus prometteuse pour prévenir cette tentation nous semble donc celle d?un rééquilibrage des marges d?assurance entre les zones, sans modification de la surprime Cat Nat pour les assurés. Le levier du prélèvement additionnel sur la surprime Cat Nat nous parait l?outil optimal dans la mesure où, s?agissant d?une mesure tarifaire, il concerne toutes les entreprises intervenant en France, même celles établies avec un passeport européen (Libre Prestation de Service). Nous avons envisagé puis écarté la piste des circuits financiers via la CCR, car ce réassureur peut être arbitré au profit de la réassurance privée. Cela reviendrait à faire de ce prélèvement un bonus-malus fiscal pour les assureurs basé sur le niveau d?exposition de la zone à laquelle se rattache le contrat d?assurance concerné. Ainsi, au lieu d?un taux de prélèvement unique de 12% applicable aux cotisations Cat Nat, ce taux pourrait par exemple varier : - de 0% voire devenir négatif pour les zones rouges, - à 5 % pour les zones oranges, - et jusqu?à 30% voire 50% pour les zones vertes faiblement exposées, - Tout en maintenant un niveau moyen de prélèvement moyen de 12% pour l?ensemble du territoire. Ce mécanisme de péréquation réduirait ainsi fortement l?écart de marges qui constitue une incitation financière à fuir les zones à plus forte exposition. 2.5.2. Développer et diffuser dès 2024, notamment via la CCR, un comparatif des parts de marché en assurance habitation au niveau national, d?une part, et dans les zones d?exposition forte (orange) et très forte (rouge) d?autre part L?accessibilité du Régime est, comme on l?a dit, sérieusement menacée en cas de mouvement de retrait des zones à plus forte exposition. 54 Pour objectiver ce phénomène, il est recommandé d?établir chaque année un comparatif des parts de marché relatives à l?assurance habitation, principal foyer de perte du régime : - au niveau national, - au global dans les zones d?exposition très forte (rouge), - au global dans les zones d?exposition forte (orange). Une telle objectivation est de nature, tout d?abord, à lever les soupçons infondés. Dans un second temps, la communication de telles informations entre assureurs et auprès des autorités ministérielles compétentes est sans doute de nature à nourrir des dialogues certes animés, mais probablement aussi de responsabilisation et de progrès, dans le cadre de politiques RSE officiellement toujours plus ambitieuses. Cet exercice exige de s?assurer des conditions nécessaires d?impartialité, de robustesse et de complétude des bases de données ainsi que de la sollicitation des expertises légitimes. Nous recommandons à ce titre que cet exercice soit piloté par la CCR qui enregistre de la part des cédantes la plupart des informations nécessaires et entretient avec elles une intimité précieuse dans cette optique. En cas d?absence de relation de réassurance avec la CCR, y compris pour les opérateurs exerçant en libre prestation de service (LPS), une obligation de communication des données appropriées devrait être réglementairement prévue. Dans une optique de simplicité, cette mesure devrait focaliser sur l?assurance habitation des propriétaires occupants ? les résidences secondaires et locatives étant amenées à s?équilibrer progressivement, et se limiter par exemple : - aux maisons dans les zones exposées au RGA, - aux maisons et appartements dans celles exposées aux cyclones, - aux appartements en rez-de-chaussée et aux maisons dans les zones fortement exposées aux inondations. 2.5.3. Défendre auprès des instances européennes chargées de superviser le projet de règlement visant à règlementer l?accès, l?utilisation et le partage des données financières dans l'UE les spécificités du modèle français d?indemnisation des catastrophes naturelles afin d?éviter un effet de démutualisation au détriment des zones d?exposition climatique fortes Le régime français d?indemnisation des catastrophes naturelles est basé sur une solidarité nécessaire dans la durée entre assurés des zones faiblement exposées et ceux des zones à plus forte exposition. Cette logique est antagoniste avec celle d?une segmentation maximale. Comme nous avons pu le développer ci-avant, l?irruption des techniques dites de segmentation géographique pour orienter les politiques de sélection des risques peut s?avérer toxique à moyen terme pour le régime du fait de l?assèchement de l?offre qu?elles induisent sur les zones à plus forte exposition. Le mécanisme concret par lequel se réalise cette solidarité est celui de l?équilibrage entre zones : les assurés des zones épargnées sont contraints de payer une prime d?un niveau minimal, la surprime Cat Nat, qui va alimenter pour l?essentiel les ressources de l?assureur et de la CCR permettant de payer les sinistres des assurés des zones surexposées. Pour que ce mécanisme fonctionne, même après nivellement des marges entre zones par le biais du prélèvement additionnel sur les cotisations Cat Nat, il est nécessaire que les primes des régions les moins exposées restent à un niveau minimal suffisant. Dans ce contexte, la mission relève que le projet de règlement européen visant à règlementer l?accès, l?utilisation et le partage des données financières dans l'UE (Framework for Financial Data Access) semble constituer une menace pour ce dispositif. En effet, des assureurs vierges sur notre territoire seraient susceptibles de : 55 - focaliser sur les zones à plus faible exposition, - réassurer faiblement les sinistres catastrophes naturelles (hors CCR), - conserver ainsi la marge correspondante, - priver de cette ressource les autres assurés des zones les plus exposées et la CCR, - bénéficier d?un avantage concurrentiel dans la tarification hors Cat Nat des zones les moins exposées en bénéficiant de la marge issue de la surprime Cat Nat. Prescrire une obligation de partager cette marge avec la CCR n?étant pas possible, la solution consisterait donc pour la France à défendre auprès des instances européennes chargées de superviser ce projet les spécificités du modèle français d?indemnisation des catastrophes naturelles afin d?éviter un effet de démutualisation au détriment des zones d?exposition climatique fortes. Autrement dit, l?accès et l?obligation de mise à disposition pour une utilisation libre des données de sinistralité des assureurs français devrait être proscrits, a minima pour les sinistres relatifs aux évènements naturels. OBJECTIF N°3 : PRÉSERVER LA MUTUALISATION DES RISQUES GARANTIS PAR LE RÉGIME « CAT NAT » SUR L?ENSEMBLE DU TERRITOIRE 3.1. Développer un mécanisme de nivellement des marges techniques entre zones à faible et forte exposition via la modulation du prélèvement additionnel sur les primes Cat Nat 3.2. Développer et diffuser dès 2024, notamment via la CCR, un comparatif des parts de marché en assurance habitation au niveau national, d?une part, et dans les zones d?exposition forte (orange) et très forte (rouge) d?autre part 3.3. Rendre lisible, et appuyer auprès des instances européennes chargées de superviser le projet de règlement visant à règlementer l?accès, l?utilisation et le partage des données financières dans l'UE (Framework for Financial Data Access) les spécificités du modèle français d?indemnisation des catastrophes naturelles afin d?éviter un effet de démutualisation au détriment des zones d?exposition climatique fortes 2.6. ? La gestion des risques de la CCR et de l?État liés aux évènements climatiques extrêmes 2.6.1. Un risque global évalué à 5,2 milliards d?euros tous les 10 ans et à 12 milliards d?euros tous les 50 ans Notre estimation de la charge prévisible des évènements extrêmes pouvant impacter les assureurs, la CCR et l?Etat au titre du régime est donnée par le tableau suivant. Elle est issue des sorties des outils de la CCR?: ? sur base des paramètres économiques 2022, ? en incluant les effets des réformes (loi du 28 décembre 2021 et loi «?3DS?») et ? en intégrant les marges de prudence que nous avons recommandées: 56 Charges annuelles de sinistralité projetées en fonction des périodes de retour?: Guide de lecture?: On doit s?attendre à une charge annuelle tous périls Cat Nat confondus d?au moins 5.177 millions d?euros une fois tous les 10 ans. L?effet de diversification reflète le fait que les différents périls ne sont pas corrélés temporellement. L?effet de diversification reflète le fait que des évènements extrêmes liés à des périls distincts ont peu de risque de se produire simultanément. Pour une période de retour donnée, la charge totale à la- quelle est exposée le Régime est donc moindre que la somme des charges de même période de retour pour les différents périls. L?annexe 2 fournit des illustrations de tels évènements extrêmes soit surve- nus?(Séismes en Europe), soit modélisés par la CCR?(Inondation, sécheresse, cyclone de même puis- sance qu?IRMA traversant les grandes iles de Guadeloupe). Au vu de ces projections, le risque lié aux retrait-gonflement des argiles apparaît donc prépondérant dans cette exposition aux chocs climatiques, mais les inondations et risques spécifiques aux DOM ajou- tent une exposition significative. S?agissant de la sécheresse, à ces indemnisations au titre du RGA s?ajoute l?exposition de l?État au titre des récoltes?dans le cadre du dispositif d?assurance récolte, outre d?éventuels gestes de soutien aux exploitations et filières en difficulté. La question de la capacité des finances publiques à absorber de tels chocs doit intégrer les lignes de défense de l?État. 2.6.2. Un risque pour l?État et la CCR évalué à 2,4 milliards d?euros tous les 10 ans et 9,2 milliards d?euros tous les 50 ans La revue ?exécutive? menée en juillet et août 2023 par la mission sur les approches et modèles actua- riels de la CCR relatifs aux différents périls couverts par le régime permet de mettre en évidence un risque potentiel significatif pouvant exposer la CCR et l?État dans le cadre du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles dans sa forme actuelle. Après reste à charge des assureurs cédant leurs risques à la CCR, le risque consolidé porté par la CCR et l?État peut être estimé, sur base du climat actuel et compte tenu des paramètres économiques de 2022 (exposition, valeurs, primes, coûts de réparation) à?: ? 2 400 M¤ avec une probabilité de 10% ? 9 200 M¤ avec une probabilité de 2% avec une inflation annuelle de 1% (cf. tableau en section 2.6.3.). Cette évaluation ne tient pas compte?: ? Des effets futurs inéluctables du réchauffement climatique, ? De la charge supplémentaire qu?entrainerait une couverture plus exhaustive des par- ticuliers et acteurs professionnels établis dans les DOM. L?importance de ces déviations de la sinistralité du Régime appelle une confrontation avec le budget de risque acceptable du point de vue de l?État pour juger de son acceptabilité. Au cas où la volatilité des sinistres dépasserait cet «?appétit au risque?» (au sens économique), une réduction est possible via plusieurs leviers?de court ou moyen/long terme : 57 1. La responsabilisation des assurés a. Information et sensibilisation des assurés, b. Investissements de prévention et d'adaptation pour baisser la survenance et le coût des sinistres, c. Hausse des franchises légales, d. Baisse de l?exposition du Régime aux biens haut de gamme sur exposés des ménages les plus aisés, 2. La participation des assureurs a. Hausse des priorités ou seuils de cession des sinistres à la CCR, 3. Les amortisseurs de la CCR a. Hausse des primes conservées, b. Partage des risques, dans l?intérêt de la CCR et de l?Etat, avec la réassurance privée ou les marchés financiers 4. Une couverture de l?État lui-même a. Option de transférer certains risques vers la réassurance privée ou les marchés financiers si son appétit de risque l?exige. Les mesures de rééquilibrage financier du régime contenues dans notre section relative au rééquili- brage du Régime sont un préalable indispensable aux leviers 2 et 3 ci-dessus. Une réduction rapide du risque suppose donc de collecter rapidement les ressources supplémentaires recommandées. 2.6.3. Les lignes de défense actuelles de la CCR et de l?État face aux évènements extrêmes Les meilleures lignes de défense face à la sinistralité courante ou extrême sont clairement la préven- tion l?adaptation?puisqu?en contrepartie d?un investissement ponctuel, elles suppriment totalement ou partiellement l?impact financier récurrent des évènements futurs. Ces mesures peuvent être col- lectives (mises en oeuvre par les collectivités) ou individuelles (portées par les propriétaires de biens). Les investissements de prévention ou de protection laissant immanquablement un risque résiduel, la charge de la sinistralité se répartit donc entre?: ? Assurés?: la franchise ou, dans certains cas, la non assurance, ? Assureurs?: la rétention de sinistres en deçà de leur couverture de réassurance, ? Réassureurs, ici la CCR essentiellement, ? Le cas échéant l?État si la capacité d?absorption de la CCR est dépassée. La 1ère ligne de défense de l?État est le reste à charge des assurés sur la sinistralité, soit les fran- chises. Les franchises réglementaires étant déduites des montants inclus dans le tableau ci avant, nous re- prendrons ces montants sans changement à ce stade. La 2ème ligne de défense?de l?État est constituée des rétentions des assureurs (protégés par la CCR)?: Les assureurs privés conservent 50% des surprimes catastrophes naturelles et assument la sinistralité correspondante dans la limite de 200% de cette conservation, soit un reste à charge «?privatisé?» maxi- male de 100% des primes du régime. Les niveaux de défense pour l?État et la CCR s?élèvent donc?: ? Actuellement à 1 800 M¤ (primes 2022 nettes de prélèvement), ? Selon notre recommandation visant à l?équilibrage du système, à 3?180 M¤ nets. 58 La 3ème ligne de défense?de l?État est la capacité d?absorption d?évènements extrêmes par la CCR?: Les amortisseurs de la CCR sont de deux natures?: 1. Ses réserves, en l?occurrence : a. Une provision d?égalisation dotée en période de marges, dé-dotée en année déficitaire, épuisée en 2023, du fait de la succession récente d?exercices déséqui- librés b. Un report à nouveau issu de l?accumulation de résultats non distribués. 2. Les primes qu?elle perçoit sur l?exercice impacté par le ou les évènements extrêmes, soit 50% des surprimes nettes du Régime au titre de la cession en quote-part plus environ 5% au titre des traités non proportionnels. Ces primes sont consommables par tous types de sinistres petits, moyens ou extrêmes. Néanmoins l?exposition à 10 ans reflète la charge totale cumulée de l?exercice. Puisque d?un point de vue économique et patrimonial CCR et État ne font qu?un, nous ne prendrons en considération que ce deuxième amortisseur dans notre évaluation. Au plan économique, l?exposi- tion «?consolidée?» de l?État est donc la suivante en fonction du niveau des primes du Régime nettes de prélèvement additionnel sur les primes Cat Nat : Guide de lecture?: On doit s?attendre à un résultat technique négatif de la CCR d?au moins -9.227 mil- lions d?euros une fois tous les 50 ans dans les conditions de primes 2022 du Régime. On constate donc que le rééquilibrage du régime par la hausse des surprimes préconisées occasionne- rait?: ? Une baisse immédiate de l?exposition consolidée de l?État d?environ 1,9 milliards d?eu- ros dont 2/3 via la hausse des rétentions des assureurs et 1/3 via la hausse des primes de la CCR?; ? À horizon 2030, compte tenu d?une inflation climatique de 1% par an (présumée servir à l?indexation de la surprime), cette baisse passerait à 2,1 milliards d?euros 2022. 2.6.4. Pistes de réduction supplémentaire du risque porté par la CCR et l?État Ces pistes découlent logiquement de l?inventaire mentionné précédemment : 1ère ligne de défense : La contribution des assurés a- Conforter, contrôler et renforcer en pratique les investissements de prévention et d'adaptation pour baisser la survenance et le coût des sinistres (cf. chapitre 3) b- Rehausser les franchises légales à charge des assurés : 59 Une telle hausse correspondrait à une réalité économique, celle de la quadruple inflation des sinistres mentionnée précédemment. Il nous semble donc souhaitable : ? De rehausser à effet immédiat ces franchises dans une mesure à discuter plus ample- ment avec les assureurs ? De prévoir leur indexation en fonction du coût de la construction, c- Réduire l?exposition du Régime aux biens haut de gamme surexposés des ménages les plus aisés : Cette piste consiste à sortir du champ des tarifs et franchises imposés dans le cadre du régime Cat Nat : - les résidences secondaires - les biens à usage locatif - Les biens à usage commercial dont la valeur excède par exemple 20 millions d?euros situés dans les « zones rouges » issues du zonage national recommandé précédemment. 2ème ligne de défense : Les rétentions laissées à charge des assureurs dans le cadre de la réassurance de la CCR Nous ne préconisons pas de rehausser davantage les rétentions des assureurs car : - Les hausses de primes Cat Nat préconisées d?environ 60% entraineront une hausse correspon- dante de la volatilité au titre de ces évènements ; - La réassurance de marché sous-jacente à la CCR a disparu sans doute durablement depuis dé- but 2023. Ce phénomène est présumé durable du fait des nouveaux critères utilisés par les agences de rating pour évaluer les besoins en capital des réassureurs (qui impliquent que les réassureurs délaissent les évènements de fréquence pour se recentrer sur la couverture des évènements de pointe ayant une période de retour supérieure à 10 ans). - Les acteurs publiant leurs comptes en IFRS sont impactés depuis début 2023 par une quasi impossibilité de lisser leurs résultats dans le temps du fait de la reconnaissance des réserves en fair value. Pour faciliter l?absorption de ce surcroît de volatilité au moins par les acteurs non soumis à IFRS, nous recommandons d?élever les possibilités de dotation aux provisions d?égalisation. 3ème ligne de défense : la CCR a- Rehausser les primes perçues par la CCR : Cette hausse permettra évidemment à la CCR de supporter une part plus importante de tout évènement. Elle est au coeur de nos recommandations évoquées en section 2.3.2. b- Partager les risques portés par la CCR avec la réassurance privée : Il ressort de nos échanges avec les réassureurs un appétit visible pour les risques de séisme, inondation et même en partie cyclones sur les DOM. La hausse tarifaire que nous préconisons doit donner les moyens à la CCR de payer les primes de réassurance correspondant à : i. la sinistralité moyenne transférée aux réassureurs privés, ii. La rémunération de leurs fonds propres mobilisés dans cette optique. Ce partage de risques peut aussi prendre la forme d?obligations Catastrophes (cat bonds) avec comme avantages : 60 - une profondeur de marché significative, car le risque climatique est largement décorrélé des risques de marché et permet donc un important effet de diversification, favorable au ratio per- formance/risque des portefeuilles, - des durées de couverture pluriannuelles permettant de verrouiller des conditions tarifaires in- dépendamment des humeurs de la réassurance privée traditionnelle, et comme inconvénients : - des coûts de structuration significatifs (avocats, actuaires) pour sécuriser les investisseurs et le réassureur (collatéral, etc?), - une offre plus étroite quand il s?agit de couvrir la charge correspondant à l?indemnisation réelle des sinistres que sur base indicielle. En effet la modélisation étant plus simple sur base indi- cielle, la sécurité financière séduit plus d?investisseurs. S?agissant du péril RGA, risque repoussoir pour la réassurance privée du fait de la volatilité des critères de reconnaissance et de la perception d?un caractère politisé du processus de décision, une étude mériterait d?être menée sur les conditions de développement d?une offre d?assurance paramétrique avec un partage possible entre la CCR et le marché fondé sur le déclenchement de la garantie sur la base du seul indice d?humidité des sols (SWI) de Météo-France. Un risque de base resterait, dans cette hypothèse, supporté par la CCR. c- Rehausser les plafonds de la provision d?égalisation Si la réassurance est un levier de diversification dans l?espace, les sociétés d?assurance non soumises à l?évaluation en fair value de leur passif par les IFRS ont la faculté de lisser leur résultat dans le temps grâce à la provision d?égalisation. La CCR utilise naturellement cette faculté. Toutefois les plafonds et délais de mise en réserve n?ont pas suivi la hausse de ses engagements. Nous recommandons donc également de réviser à la hausse les plafonds et durée admissibles de la provision d?égalisation. 4ème ligne de défense : La couverture de l?État lui-même Si l?État le décide, il a la possibilité de transférer vers les réassureurs privés une partie du risque de sa garantie sur la CCR. Les mêmes outils de partage de risque que pour la CCR sont en théorie envisageable, avec des formes juridiques à adapter. A ce stade le coût facturé par l?État au titre de sa garantie à la CCR ne nous semble pas permettre de financer le coût complet d?une protection intégrale par le marché. Une ponction sur le budget général serait donc nécessaire. 5ème ligne de défense financière : La couverture contre la sur-inflation La part importante des inondations, du RGA et des cyclones dans les évènements extrêmes crée une menace sérieuse : l?inflation du coût des réparations entre la date de survenance du sinistre et celle de la réalisation des réparations. La déformation du mix de sinistralité du Régime vers le RGA renforce cette menace. Le délai de réparation est en effet la somme des délais de : - Traitement des données d?intensité et de cinétique pour qualifier le caractère exceptionnel, - Reconnaissance des communes sinistrées, - Traitement des sinistres : expertises, chiffrage, - Missionnement des entreprises et réparations. Au total, plusieurs années peuvent séparer la survenance de l?évènement de la clôture du dossier, surtout pour les plus lourds. Or le temps augmente les coûts par l?inflation traditionnelle des frais de réparation/reconstruction. Par ailleurs, en cas d?évènement concentré sur une zone limitée, la pénurie 61 d?entreprises et d?artisans rajoute une prime de disponibilité difficile à contrer. Ce phénomène d?infla- tion «?naturelle?» doit être anticipé et pris en compte dans les charges vues précédemment et dans la fixation des primes. Ce qui est le cas, dans une mesure nécessairement limitée, basée sur les estima- tions de la CCR concernant la duration des sinistres restant à payer en fin d?exercice et les prévisions d?inflation sur notre territoire. Un risque supplémentaire important est celui d?une sur-inflation, par rapport aux prévisions écono- miques, pouvant survenir durant la période pluriannuelle qui s?étend depuis la survenance d?un sinistre jusqu?à son règlement effectif aux assurés via les compagnies réassurées par la CCR. Compte tenu de la très faible marge contenue dans les comptes prévisionnels moyens du régime d?une part, et des montants très significatifs que peuvent représenter des évènements extrêmes d?autre part, nous recommandons d?envisager sérieusement une couverture de ce risque. Seuls des instru- ments financiers de type OATi, Swaps ou fonds structurés sur mesure sont susceptibles d?apporter des solutions, en contrepartie de primes pouvant marginalement obérer le rendement des actifs financiers de la CCR. Là encore, seule une analyse du coût d?opportunité versus appétit au risque, sur base de propositions concrètes, est susceptible d?éclairer de telles décisions de couverture. OBJECTIF N°4 : PROTÉGER L?ÉTAT ET LA CCR FACE AUX CONSÉQUENCES D?UN ÉVENEMENT CLIMATIQUE EXTREME 4.1. Envisager la rétrocession auprès de réassureurs privés d?une partie des risques de pointe (inondations, cyclones, séismes, voire RGA avec des mécanismes paramétriques) dans le respect de la gouvernance relative à la convention entre la CCR et l?Etat 4.2. Rehausser les plafonds réglementaires en durée et en montant relatifs à la provision d?égalisation 62 CHAPITRE 3. RENFORCER LE ROLE DU SYSTEME ASSURANTIEL DANS LA PREVENTION ET L?ADAPTATION AUX RISQUES CLIMATIQUES 3.1. ? Le rôle de la prévention des risques dans le rééquilibrage du régime d?indemnisation des catastrophes naturelles 3.1.1. Le rôle de la prévention des risques majeurs corrélés aux évènements climatiques dans le rééquilibrage du régime d?indemnisation des catastrophes naturelle La sinistralité à la suite de l?occurrence d?un événement dommageable est due à plusieurs facteurs : ? Le champ et l?étendue de reconnaissance de la sinistralité : ceci dépend de ce qui est reconnu par un pays, un domaine et une autorité. Toute la sinistralité n?est pas prise en compte. Il y a donc : une sinistralité réelle et une sinistralité déclarée. ? La sévérité de l?aléa : la nature de l?évènement est connue ou imprédictible, l?intensité est anor- male ou exceptionnelle, la cinétique est rapide ou très lente. ? L?exposition des systèmes et des territoires est significative : Les inégalités territoriales font que certains territoires (ex. les territoires insulaires, les territoires à fort potentiel photovoltaïque, etc.) sont plus sujets à certains aléas que d?autres. ? La vulnérabilité est significative. Celle-ci peut être du par exemple à des inégalités socio-éco- nomiques, à la présence d?une pyramide des âges avec de fortes présences de populations les plus âgées ou les plus jeunes, aux vieillissements voire le manque de robustesse des structures, etc. ? Le manque voire l?ineffectivité des mesures de prévention des risques. Ceci peut consister en un manque d?investissement particulier et collectif dans l?application des règlements et des mesures réglementaires (ex. PPR, Maîtrise de l?urbanisation, mesures structurelles ou autres de réduction de la vulnérabilité, ...). ? Des manquements en matière de gouvernance des risques. Ceci consiste en un affaiblissement des dispositifs de contrôle (coercitif ou accompagnateur) des différents acteurs, un manque de culture du risque et de la résilience, un manque de formation et d?information, etc. Dans son rapport datant de juin 2020 intitulé « Evaluation des impacts de la prévention des risques d?inondation sur la sinistralité », la CCR a démontré, dans le cas des risques inondation, l?effet de la prévention, notamment la mise en place des mesures de prévention (le règlement) prescrites dans les PPR Inondations, dans les plans communaux de sauvegarde (PCS) et dans les programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI) sur la baisse de la sinistralité. Quoi que cette démonstration reste à établir explicitement pour les autres typologies d?aléas et de manière systématique, induits ou pas par les changements climatiques, gageons que, sur le principe, ces mesures portent leurs fruits. Une partie de l?ineffectivité des mesures de prévention peuvent être dues soit à une inadaptabilité de la mesure (ex. les tendances à préférer, selon les pays, les mesures structurelles au détriment des mesures basées sur la nature), soit à une difficulté à porter individuellement ou collectivement, pour des raisons sociales ou économiques, le poids (investissement) de prévention, soit par un manque de formation, de sensibilité ou de culture du risque et de la résilience des particuliers et des professionnels, soit à un déficit de gouvernance de la prévention des risques, à savoir un manque de contrôle ou de couverture des risques. 63 Si la mise en place et l?investissement dans la prévention porte leurs fruits, quelles peuvent être donc les résistances à la prise en compte de ces aspects pour les particuliers, les entreprises et les collectivités et leur reconnaissance lors des indemnisations, les constats de sinistralité et le calage des primes d?assurance ou d?autres mécanismes d?accompagnement aux portages ? Une des réponses pourrait être trouvée dans l?hétérogénéité des moyens et des revenus rendant la mesure potentiellement ressentie comme inéquitable. Cette impression pourrait facilement être levée si la reconnaissance de l?effectivité de la prévention était considérée en deux temps : dans une incitation et une « aide » aux tiers et aux particuliers à les porter et dans une modulation des cotisations d?assurance pour les plus vertueux. Une autre réponse pourrait être trouvée dans la difficulté de l?appréciation et du contrôle de l?effectivité des investissements de prévention. Là aussi, la publication d?un guide précisant les critères et la méthode d?appréciation de l?effectivité des investissements de prévention, guide partagé publiquement et suivi de mesures de sensibilisation mise en place par les assureurs, les services de l?Etat et une association, ainsi que l?augmentation de l?effectif de contrôle (coercitif et accompagnateur) permettrait de lever les résistances. Reconnaître les efforts et les investissements de prévention dans l?indemnisation et dans l?assurabilité a un effet plus profond sur la construction de la culture de la prévention des risques liées aux changements climatiques et à la résilience. Ceci permet de démontrer aux particuliers comme aux collectifs que nous ne sommes pas passifs face à des aléas : nous pouvons réduire notre vulnérabilité, améliorer nos systèmes de gouvernance des risques et lutter ainsi contre l?érosion du moral et des conditions de vie induits par une impression d?être victime, et non acteur, des événements dommageables. 3.1.2. Etat des lieux des actions et financements existants dédiés à la prévention et à l?adaptation face aux risques climatiques Le tableau ci-dessous reprend les actions financées à ce jour en matière de prévention et d?adaptation. 64 65 66 67 68 En matière d?investissement dans les mesures de résilience du bâti, il est constaté que le dispositif mis en place par le régime actuel peut laisser apparaître un manque de distinction entre les constructions respectant les normes de construction à la fois génériques et spécifiques en zone d?aléa connu de celles ne respectant pas les normes et les bonnes pratiques en la matière. Ceci peut avoir différentes explications. La première est due à la difficulté d?apprécier les investissements de prévention car le respect des normes de construction est une mesure proactive de prévention. La seconde est le manque et le sous-dimensionnement des corps de contrôle public ou privé de la construction. La troisième explication provient du coût potentiel de traitement des dossiers d?estimation des conditions de « bonne construction » des maisons et des biens. Pour finir, ceci pourrait être expliqué par le potentiel effet discriminatoire d?une telle prise en compte au regard du manque de moyens financiers de certains assurés. Plusieurs actions pourraient être envisageables en la matière: ? renforcer les études de vulnérabilités structurelles des bâtis sur les zones d?aléas cartographiés. Ceci permettra de systématiser les diagnostics de vulnérabilité et de résilience à l?échelle indi- viduelle et collective ; ? renforcer les corps de contrôle de la construction à la fois en mesures accompagnatrices (ex. aide au diagnostic) et en mesures coercitives (mise en demeure par exemple) ; ? sortir les résidences secondaires, locatives et les grands risques commerciaux du champ du tarif imposé sur les zones rouges et oranges permettra de renforcer le signal-prix au service de la prévention. 3.2. ? Élaborer un catalogue d?actions d?adaptation appropriées au contexte français pour orienter les actions de prévention des assureurs Le chapitre 1 a rappelé que les dommages futurs dépendront de l?adaptation qui sera mise en oeuvre. Or, dans ce domaine, les auditions ont montré que la situation était loin d?être optimale, confirmant ainsi les constats du rapport du GIEC de 2022. Les réponses d?adaptation susceptibles de réduire les risques climatiques, leur potentiel et leurs limites ne font pas toujours l?objet de consensus chez les acteurs et sont parfois mal connues. Ces désaccords entre acteurs sont par exemple tout particulièrement visibles dans les domaines de la gestion de l?eau, en ce qui concerne les places respectives du stockage de l?eau et des politiques orientées demande, et sur les pratiques agricoles avec la place des pratiques agroécologiques. Les auditions ont montré que des acteurs, notamment les agriculteurs, peuvent faire un arbitrage entre adaptation et assurance, ce qui fragilise à la fois les assurances et les agriculteurs qui s?engagent vers des pratiques soutenables. Dans le domaine des sécheresses géotechniques, tous les acteurs ne portent pas les mêmes messages en ce qui concerne l?efficacité de la prévention. Une première étape consisterait à constituer un consensus au sein des acteurs concernant les réponses d?adaptation susceptibles de contenir les risques climatiques en France. Etablir ce consensus est possible à partir de rapports scientifiques tels que ceux du GIEC, de l?IPBES, des organismes de l?alliance Allenvi, des travaux du réseau AFPCNT et de l?Institut pour la Maîtrise des Risques (IMdR). Il pourrait notamment s?appuyer sur le rapport du groupe 2 du 6ème rapport du GIEC qui constitue le consensus scientifique sur l?adaptation fondé sur la littérature scientifique dans le domaine des risques, de l?adaptation, des sciences humaines et sociales. Notre recommandation consiste ici à réaliser un inventaire des solutions d?adaptation susceptibles de contribuer à réduire les conséquences potentielles des risques naturels en France. Cet inventaire pourrait être utilisé pour les assureurs comme outil de communication envers les assurés, notamment en appui à la mise en oeuvre de l?objectif n°8. 69 OBJECTIF N°5 : ORIENTER LES ACTIONS DE PREVENTION DES ASSUREURS PAR UN CATALOGUE D?ACTIONS D?ADAPTATION APPROPRIEES AU CONTEXTE FRANÇAIS 3.3. ? Renforcer le financement des leviers publics et privés de prévention des risques naturels et rehausser la contribution du secteur assurantiel 3.3.1. Renforcer le financement de la prévention individuelle des risques naturels majeurs, y compris pour le RGA et anticiper le financement de l?adaptation côtière Le régime français d?indemnisation des catastrophes naturelles fait partie du processus de prévention des risques majeurs. Ce régime assurantiel verse les indemnisations en cas de sinistre et inclue un prélèvement sur la prime « catastrophes naturelles », qui abondait jusqu?en 2020 le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier ». Ce fonds a été budgétisé en 2021. Il finance des actions de prévention, qui malgré les efforts de pédagogie engagés reste difficile à comprendre pour plusieurs acteurs, mises en place principalement par les communes. Sa contribution directe aux actions des particuliers et des entreprises est modeste. Un effet d?illusion peut donc résider dans le fait que les cotisations individuelles d?assurés financent des actions de prévention à caractère collectif. Les mesures mises en place par les collectivités servent à la fois la prévention collective et la prévention individuelle. Les mesures de prévention qui s?imposent aux particuliers sont issues de mesures constructives fixées bien souvent dans les outils portés par la stratégie nationale de prévention des risques majeurs (SNPRM - ex. règlement PPR portant sur la réduction de la vulnérabilité). Ceci met en évidence que si pour des questions de difficulté à apprécier l?effectivité des mesures de prévention des risques, par catégorie d?acteurs (particulier, les collectivités et les entreprises), celle-ci n?est pas prise en compte, alors il faudrait penser à d?autres mécanismes (cf. recommandations 6 et 9 ci-après). Ce régime a le mérite d?exister en activant un dispositif de prévention ayant une notoriété certaine, organisant une solidarité nationale sur un territoire assurément diversifié et permettant un « apprentissage social ». A ce point, une autre limite dans la structure du dispositif de prévention et d?indemnisation des risques connus et matérialisés apparait, qui consiste en une corrélation du financement de la prévention sur le volume financier des sinistres. Il est difficile de ne pas envisager le fait que les primes d?assurance catastrophes naturelles devraient augmenter pour suivre l?augmentation de la sinistralité sauf à envisager un mécanisme de régulation en la matière. Ce devrait être l?occasion d?engager un effort significatif de reconnaissance de l?investissement en prévention visant à réduire l?enveloppe d?indemnisation et la récurrence de certaines formes de sinistralité. Ce renforcement pourrait s?appuyer sur plusieurs approches : - Etablir une hiérarchisation du financement des actions de prévention en fonction d?une modu- lation pluri paramétrique (multicritères). Ceci reviendrait à renforcer les cartographies des aléas par des cartographies évolutives des vulnérabilités sur les territoires, pour les différents acteurs ; - Elargir l?enveloppe de la prévention des aléas pris en considération et l?ouvrir à ceux à cinétique lente et récurrents (cf. recommandation n° 6) ; 70 - Renforcer les mécanismes incitatifs de nudging (par exemple un bonus-malus) sur la prime d?assurance pour les assurés. Ceci permettrait de renforcer de manière indirecte le dispositif en faisant sortir ou en réduisant l?exposition de certains cas exposés aux risques majeurs. En sus de ce qui vient d?être explicité et proposé, notons qu?il est estimé que le FPRNM affecte environ 1 à 3 M¤ par an à des subventions individuelles (hors mesures d?expropriation et d?acquisitions amiables de biens menacés ou sinistrés). Parmi les solutions envisagées pour améliorer cette situation : o Fixer un pourcentage (par exemple 12%) de la hausse de la surprime à un nouveau fonds dédié aux mesures individuelles tous périls : Inondations, Cyclone, retrait-gon- flement des argiles. Cette individualisation permettrait notamment de prendre en compte des diagnostics de résilience et une prise en compte des mesures de préven- tion. o Garder la prise en compte des mesures d?expropriation dans les mesures collectives. o Distinguer des enveloppes par catégorie d?aléa et par catégorie d?acteurs (particuliers, entreprises, et collectivités). Ceci apporterait une plus grande lisibilité des arbitrages. Ainsi, que l?on distingue le FPRNM selon les mesures dites individuelles et celles dites collectives, ceci apportera une plus grande lisibilité et une meilleure budgétisation proactive. Ainsi, si les mesures individuelles relatives aux inondations étaient distin- guées dans ou à côté du FPRNM, ceci donnerait une impression d?une plus grande li- berté d?arbitrage des mesures dites collectives et de l?expropriation. 3.3.1.1. Maximiser le retour sur investissements et subventions du FPRNM pour le Régime en établissant une priorisation liée aux économies attendues et en adoptant une démarche pro-active en direction des acteurs-clés À l?heure actuelle, le FPRNM intervient principalement pour la réalisation d?études et de travaux, notamment dans quatre domaines : - La mise à niveau antisismique des bâtiments publics aux Antilles, - Le financement d?infrastructures de prévention collective du risque inondations, - La maintenance d?ouvrage de prévention collective du risque inondations, - La mise à jour des Plans de Prévention des Risques. Hormis le dernier point, ceci témoigne d?un fonctionnement très participatif du FPRNM associant la DGPR et les collectivités locales dont la motivation pour co-investir dans la résilience des territoires est essentielle. La CCR est par ailleurs missionnée pour confirmer l?efficacité des mesures prévues ou réalisées. A notre sens, une démarche de priorisation plus poussée serait possible pour optimiser l?impact du FPRNM : dans le domaine des inondations, par exemple, une telle priorisation nécessiterait la réalisation de cartographies de risques (et non plus uniquement de cartographies de l?aléa ou de l?exposition), estimant les risques pour la mortalité ou la morbidité et les pertes annuelles attendues. La directive cadre inondation requiert la réalisation de telles cartes à l?échelle des Territoires à Risques Importants d?Inondation. La réalisation de telles cartographies de risques harmonisée à l?échelle nationale n?est pas immédiate pour tous les périls pertinents pour le FPRNM, mais il s?agit d?un objectif atteignable en 5 à 10 ans, cohérent avec les principes de la gestion des risques en Europe, notamment pour l?inondation. Disposant d?une liste des investissements de prévention par ordre décroissant d?effet sur la réduction des risques, la DGPR serait à même de démarcher de manière proactive notamment les collectivités les plus concernées et sans doute de les convaincre davantage de leur intérêt de co-investir tant pour leurs biens propres que pour leurs administrés. Une telle approche permettrait de maximiser l?impact 71 de chaque euro investi par le FPRNM dans les mesures collectives contre les inondations et demain possiblement contre d?autres périls 3.3.1.2. Créer un nouveau fond dédié au financement des mesures de prévention individuelle et le doter par le prélèvement de 12% sur la hausse des cotisations additionnelles relatives à la garantie catastrophes naturelles Le fort accroissement prévisible de la surprime du régime nécessaire pour son équilibre signifie une forte augmentation de l?assiette de prélèvement obligatoire de 12 % sur le produit des primes ou cotisations additionnelles payées par les assurés au titre de la garantie envers le risque de catastrophes naturelles. Nous préconisons d?augmenter dans la même proportion que la surprime ce prélèvement, et d?allouer ces ressources supplémentaires à la prévention individuelle des risques naturels, étant donné l?ampleur des besoins face au changement climatique. Si la recommandation de hausse de la surprime CatNat que nous préconisons est mise en oeuvre, l?ampleur de la hausse du financement au titre de ce prélèvement serait alors de l?ordre de 69% soit 180 M¤. Ceci semble être cohérent avec les recommandations proposées par le CESE (2022) qui consistaient à rehausser les montants du FPRNM dans les mêmes proportions que la hausse prévisible des sinistres et avec l?estimation faite par I4CE. La question se pose des investissements prioritaires pour optimiser ces moyens supplémentaires. Une partie importante des financements du FPRNM va actuellement vers des mesures collectives de prévention des périls inondation en métropole et séisme aux Antilles. Ce dispositif parait moins à l?aise pour accompagner les mesures individuelles puisqu?elles ne représentent annuellement que quelques millions d'euros de subventions directes aux ménages. Par ailleurs, la mission a constaté des réserves fortes parmi les directions ministérielles auditionnées à la perspective de financer via le FPRNM des mesures individuelles de prévention des périls RGA et de recul du trait de côte, estimant que les mesures de prévention du phénomène RGA n?ont pas fait leurs preuves et que le trait de côte n?est pas un risque aléatoire. Il nous semble néanmoins souhaitable que les mesures individuelles de prévention soient véritablement encouragées pour le bâti existant ou à venir par un dispositif intégrant : - la présence d?un contrôle de la construction allant au-delà des approches coercitives de con- formité. - l?accompagnement ou le co-financement de diagnostics de résilience, - l?accompagnement à identifier les sources de financement ou le co-financement de travaux de prévention face aux risques d?inondation, de cyclones, et demain probablement de RGA. Ce sujet fait donc l?objet de notre recommandation n°6. La gestion actuelle du FPRNM ne rendant pas ceci possible, nous proposons donc la création d?un nouveau fond dédié aux mesures de prévention individuelles. Ce fond permettrait de concentrer les aides aux ménages prioritaires pour augmenter leur résilience face aux périls inondations, cyclones et, dans le futur RGA, en cofinançant un arsenal de mesures individuelles de diagnostics, de conseils, de financement et d?accompagnement des travaux. L?accès à ces dispositifs serait facilité par une plateforme confiée à une association pour la prévention des risques naturels en lien avec la CCR et les assureurs, qui ont le contact de proximité avec leurs clients. Pour préserver son intégrité et son développement, un tel fonds devrait être : - sous la triple gouvernance du MTECT (DGPR), de la direction générale du Trésor et de France Assureurs, - comptabilisé et géré par la CCR, 72 - dédie aux mesures de prévention sur les zones d?aléa rouges et orange, avec une priorisation des leviers fonction de leur impact, - Orienté prioritairement vers les ménages les plus fragiles (plafonds stricts et bas pour les aides). En retirant du FPRNM les subventions dédiées aux mesures individuelles de prévention, hormis les expropriations et acquisitions amiables qui relèvent d?une concertation avec les collectivités, cette structure serait complémentaire et non concurrente du FPRNM. Cette mesure de séparation pouvant aussi donner lieu à des temps d?étude de dossiers significatifs, il pourrait être aussi envisagé de simplement distinguer, dans l?actuel FPRNM, les processus et les temps d?analyse des mesures de prévention individuelles et collectives. La répartition du prélèvement au titre de la prévention sur la prime Cat Nat devrait donc s?établir à compter de son relèvement et de manière durable à : - 100/169 = 59% pour le FPRNM, lui maintenant ses ressources en valeur en absolue et - 69/166 = 41% pour ce nouveau fonds 3.3.1.3. Etendre le périmètre d?intervention du nouveau Fonds pour la Prévention individuelle des risques naturels au financement de la R&D et des diagnostics de résilience liés au RGA. Compte tenu des enjeux pour le régime que représente la charge du phénomène RGA (1 milliard d?euros de sinistralité moyenne annuelle sur base des paramètres climatiques et économiques de 2022), ce nouveau fonds devrait contribuer au financement d?une stratégie de prévention de ce péril en deux temps. 1- R&D : dans un premier temps, les investissements de recherche et développement de la CCR et de la Mission Risques Naturels, au titre de l?initiative sécheresse, pourraient faire l?objet d?un Co-financement par ce nouveau fond. A court terme également, suite à sinistre RGA sur- venant en zone rouge, un diagnostic de résilience devrait être imposé aux propriétaires de maisons, cofinancé par les assureurs et ce fonds, 2- dans quelques années, lorsque la preuve de l?efficacité de certaines mesures dites « horizon- tales » 7aura été faite grâce à ce programme de R&D, le fonds pourra co-financer a minima pour les ménages modestes des mesures de prévention adaptées au risque RGA. Nos auditions montrent que ces mesures dites « horizontales » semblent prometteuses, au regard des conclusions d?une étude combinant analyse empirique et modélisation paramétrique 3D, conduite par la CCR en 2022 en partenariat avec Terrasol et AFB expertise. Ces mesures ont fait l?objet de travaux permettant de disposer de données statistiques sur 300 cas réels sur plus de 15 ans, en France et à l?étranger (guides du CEBTP de 1991, résultats des projets de recherche ARGIC 1 et 2, réglementations britanniques et australiennes qui ont introduit les mesures horizontales dans leur réglementation constructive depuis les années 1960 et 1980). Ces mesures dites horizontales sont actuellement en cours de test dans le cadre de l?« initiative sécheresse » afin de démontrer leur efficacité dans la durée. Les résultats sont attendus sous 3 à 5 ans. 7 - Les mesures dites « horizontales » rassemblent des dispositifs d?adaptation de l?environnement du bâti dont l?objet est d?assurer la maitrise de la teneur en eau sous les fondations et de jouer ainsi sur les causes du phénomène de RGA (pas de variation de teneur en eau = pas de retrait gonflement des argiles). Elles regroupent 4 dispositifs constructifs principaux : la mise en place d?une imperméabilisation périmétrique (géomembrane, trottoirs), l?étanchéification des réseaux d?eaux pluviales, la gestion de la végétation, le drainage. Le rapport sur le risque RGA préparé par le député Vincent LEDOUX présente les principaux types de mesures horizontales répertoriées à ce jour (page 54). 73 3.3.1.4. Étudier la création d?un fonds pouvant contribuer au financement de la relocalisation des biens fortement exposés à l?érosion du trait de côte sableux. La mission d?évaluation des risques liés à l?érosion du trait de côte a réalisé un inventaire des biens menacés à horizon 2050 ainsi que des enjeux économiques. Il en découle que l?enveloppe de financement à constituer sur 30 ans nécessaire pour le rachat des biens concernés oscille entre 50 et 150 M¤ par an, selon les scénarios climatiques la grille d?évaluation des biens et les horizons de temps considérés8. Rapporté à un budget annuel d?environ environ 3 milliards d?euros pour le régime Cat Nat (après hausse du taux de surprime ? cf. chapitre 2), un ajout de cette ampleur ne semble pas insurmontable. Bien que le FPRNM ait été créé pour financer les indemnités d?expropriation de biens exposés à des risques naturels majeurs, il est compréhensible que les pouvoirs publics ne souhaitent pas y intégrer le recul du trait de côte en raison de la cinétique de cet aléa et de la charge additionnelle que cela ferait peser sur ce fonds. En effet, il s?agit d?un risque : - de survenance différée et non pas immédiate, dont la période précise de survenance est in- certaine, - qui cible un ensemble de biens potentiellement affectés qui peuvent être identifiés a priori et non pas aléatoires dans leur géographie, - dont le traitement fera nécessairement intervenir les collectivités locales. De ce fait, il nous semble que la création d?un nouveau fonds dédié à ce péril pourrait s?envisager sous forme : - d?un supplément de surprime catastrophe naturelle, - objet d?un prélèvement (ou taxes) supplémentaire comme les autres fonds de prévention, - rejoignant un fonds indépendant et spécifique au trait de côte, - nécessairement géré par capitalisation, s?agissant d?un risque différé et non par répartition comme les autres risques naturels « immédiats ». Il s'agit là d'une décision avant tout politique, qui ne concerne pas a priori les assureurs au titre du versement de sommes en cas de sinistre, et exige sans doute une concertation étroite avec les collectivités locales et les représentants des sites menacés. Sur ce sujet spécifique du recul du trait de côte, il nous semble important, dans un souci d?équité, de disposer de règles claires, avec un dispositif d?aide assorti de seuils stricts et bas, dans un souci d?équité sociale et d?efficacité des dépenses publiques. 3.3.1.5. Soutenir l?investissement public et privé assurantiel dans l?expertise, la R&D et les bonnes pratiques sur le phénomène RGA, les périls côtiers et sur les solutions fondées sur la nature Il est clair que les connaissances scientifiques et techniques doivent encore progresser au service des politiques de prévention dans le domaine du RGA et des risques côtiers. Les besoins d?expertise tant pour l?indemnisation des sinistres que pour les diagnostics de résilience, exigeront des investissements de formation importants, proportionnels aux enjeux financiers du régime. De ce fait, ce nouveau fonds devrait soutenir les initiatives publiques et privées de R&D, de formation et de diffusion des bonnes pratiques par l'ensemble des organismes qui y contribuent. Les solutions fondées sur la nature sont évidemment à privilégier compte-tenu de leur durabilité et de leur impact positif en matière de biodiversité et de gestion, de l?eau, notamment. 8 Les besoins en financement de la relocalisation augmentent sensiblement dans la 2e partie du 21e siècle et l?élévation du niveau de la mer se poursuivra pendant des siècles. 74 OBJECTIF N°6 : RENFORCER LE FINANCEMENT DE LA PREVENTION DES RISQUES NATURELS MAJEURS, Y COMPRIS LE RETRAIT-GONFLEMENT DES ARGILES ET ANTICIPER LE FINANCEMENT DE L?ADAPTATION COTIERE 6.1. Maximiser le retour sur investissements et subventions du FPRNM pour le Régime en établissant une priorisation liée aux économies attendues et en adoptant une démarche pro-active en direction des acteurs-clés. 6.2. Créer un nouveau Fonds dédié au financement des mesures de prévention individuelle et le doter par le prélèvement de 12% sur la hausse des cotisations additionnelles relatives à la garantie catastrophes naturelles. 6.3. Étendre le périmètre d?intervention du Fonds à la Prévention individuelle des risques naturels au financement de la R&D et des diagnostics de résilience liés au RGA. 6.4 Étudier la création d?un fonds pouvant contribuer au financement de la relocalisation des biens fortement exposés à l?érosion du trait de côte sableux.? 6.5. Soutenir l?investissement public et privé assurantiel dans l?expertise, la R&D et les bonnes pratiques sur le phénomène RGA, aux périls côtiers ainsi que sur les solutions d?adaptation telles que les mécanismes dits « solutions fondées sur la nature ». 3.3.2. Investir pour développer la connaissance des risques et les mesures de prévention appropriées Nos auditions des parties prenantes concernées nous amènent à formuler les recommandations suivantes, qui par une meilleure connaissance des risques participeront à une meilleure gestion de ceux-ci. OBJECTIF N°7 : INVESTIR POUR DEVELOPPER LA CONNAISSANCE DES RISQUES ET LES MESURES DE PREVENTION APPROPRIEES 7.1. Renforcer les parcours de formation à la prévention des risques naturels et de catas- trophe pour l?ensemble des élus locaux, des professionnels et des services déconcentrés de l?Etat en début et tout au long de l?exercice de leur mandat ou de leur fonction. 7.2. Renforcer les parcours de formation technique des professionnels de l?immobilier, des syndicats ainsi que des notaires afin d?améliorer la sensibilisation aux risques naturels et de catastrophe lors du transfert de propriété ou lors de la location d?un bien immobilier. 7.3. Renforcer le partage des données et la sensibilisation aux risques de catastrophe en améliorant la granularité de l?information, l?ergonomie et les recommandations en matière de prévention et de résilience sur la plateforme Géorisques. 75 3.3.3. Consolider une association nationale de prévention des risques naturels avec la contribution des assureurs Au-delà des actions respectives des acteurs de l?assurance, des opérateurs d?Etat, des services centraux et des services déconcentrés de l?Etat, des collectivités, des entreprises et des particuliers, l?organisation de dispositifs d?actions collectives est nécessaire. Cette action nécessite la création, ou la consolidation d?une association nationale impliquant et mobilisant à minima les typologies d?acteurs suivant fondés sur un modèle de bénévolat et un support administratif et technique solide : des opérateurs publics, des assureurs, des collectivités et des territoires, des entreprises, des prestataires de services, des représentants des centres de recherche nationaux et du monde académique, des associations et des particuliers. La Mission sur la transparence, l?information et la participation de tous à la gestion des risques majeurs, technologiques ou naturels de 2021 à malheureusement confirmé un constat d?une mission antécédente datant de dix ans avant, ainsi que les travaux de François Loos et de Jean-Yves Le Deaut de 20029 sur les déficiences et les carences des particuliers et des professionnels en matière de culture de risque et de résilience. Ces déficits peuvent être comblés en mettant en place différentes actions que nous regroupons et développons ci-dessous : 1. Le besoin de s?appuyer sur les territoires, sous leurs différentes formes, afin d?entreprendre des actions de sensibilisation, d?acculturation et de formation récurrentes et continues en matière de prévention des risques majeurs, notamment climatique, de résilience et d?adaptation. Ces moments peuvent prendre la forme de journées, s?adossant sur des évènements mondiaux (par exemple la journée internationale de la prévention des risques de catastrophe et de résilience initiée par l?UNDRR le 13 octobre de chaque année), ou sur toute autre forme permettant des interactions entre des citoyens et des professionnels en fonction des spécificités des aléas en cours et émergents sur les territoires, sur les spécificités des vulnérabilités de ces territoires, ainsi qu?en fonction des besoins de réparation et de résilience ou post catastrophe des besoins de ces derniers. Cette sensibilisation et formation doit de même contribuer à l?augmentation de la couverture assurantielle des particuliers dans les territoires où le taux de ce dernier est faible. 2. Le besoin de renforcer l?accessibilité et la lisibilité des mécanismes d?assurance, de prévention, de résilience et d?adaptation auprès de population diverses avant, pendant et après une catastrophe. Ainsi, ladite association aura pour rôle d?aller au-delà de ce qui est fait dans des documents d?information réglementaire (ex. DICRIM), permettant d?adapter aux besoins et aux publics un monde de la prévention et de l?assurance dont la lisibilité reste complexe et rend l?identification du financement des pertes assurées et de l?aide à la prévention et à la résilience difficilement lisible et donc applicable. 3. Le besoin d?accompagner les particuliers dans la lisibilité des mécanismes de financement des diagnostics de vulnérabilité et de résilience et des mécanismes de réparation ainsi qu?un accompagnement à une lecture critique des compétences effectifs des potentiels prestataires privés ou publics en la matière. 4. Le besoin de développer des guides et des outils gratuits et accessibles d?auto-évaluation permettant aux particuliers de s?auto-diagnostiquer en matière de prévention et de résilience. 9 https://www.assemblee-nationale.fr/11/rap-enq/r3559/r3559-01.asp. 76 La pérennité et la soutenabilité de cette association dépendra de sa forme juridique, des formes d?appui public-privé à la maintenabilité de ces actions sur le territoire, ainsi que sur une évaluation, à un rythme d?une fois par an, deux and et demi ou cinq ans, de l?effectivité de leurs actions sur les territoires. OBJECTIF N°8 : CONSOLIDER UNE ASSOCIATION NATIONALE DE PREVENTION DES RISQUES NATURELS AVEC LA CONTRIBUTION DES ASSUREURS 8.1. Renforcer et élargir l?AFPCNT, voire impulser une initiative de place des assureurs afin de consolider une association sur la prévention des risques naturels menant des opérations de proximité, avec l?appui de bénévoles, notamment sur le modèle de l?association Préven- tion Routière 8.2. Faciliter via une plateforme de gestion de type «?MaPrimeRénov??», gérée par cette as- sociation, l?accès des particuliers aux diagnostics de risques intégrés et de résilience, aux aides publiques et aux solutions intégrées de financement (crédit à taux nul, avances de trésorerie) et de gestion des travaux de prévention/remédiation?? 8.3. Renforcer via cette association les dispositifs en faveur de l?acculturation et de la forma- tion aux risques climatiques et à la résilience. 3.4. ? Développer et accompagner l?investissement dans la résilience du bâti 3.4.1. Renforcer les lois Élan et ZAN pour sécuriser l?équilibre du régime à moyen et long terme La loi Élan édicte des règles de prévention minimales pour la construction de bâtiments en zones à risque modéré ou élevé au phénomène de retrait-gonflement des argiles, à savoir : - soit une étude de sol de type G1, - soit une mesure forfaitaire de fondations de profondeur minimale de 1,20 m. La comparaison de ces règles avec celles en vigueur en Espagne depuis 2000 (cf. encadré 3), avec un retour d?expérience à priori très positif, laisse présumer une fragilité de notre dispositif. Le sondage réalisé en janvier 2022 par la Fédération Française du Bâtiment concernant l?option choisie par les maîtres d?ouvrage montre qu?un tiers des opérations de construction post loi Elan donnent lieu à des mesures forfaitaires. Or l?épaisseur de la couche d?argile dite active est souvent de plusieurs mètres. Par ailleurs, de nombreux assureurs dommages-ouvrages (DO) semblent exiger à la souscription une étude de sol de type G2-Pro. Spécialisés sur ces risques et en héritant, ils sont évidemment les mieux à même de les évaluer sérieusement. Compte tenu de ces éléments, il nous semble souhaitable de réaliser à très bref délai, une réévaluation de la loi Élan, pour aller probablement dans le sens d?un rehaussement de l?exigence d?étude de sol, ou, à défaut, la réalisation de fondations plus sécuritaires. 77 Ces prescriptions devraient alimenter les documents techniques unifiés (DTU) et, à l?instar des pratiques espagnoles, les contrôles sur l?application de la loi devraient être renforcés afin de sécuriser à court terme les maitres d?ouvrage, l?assurance DO et à moyen terme le régime Cat Nat. Encadré 3 ? Le cadre juridique en Espagne pour prévenir le risque de dommages liés au retrait- gonflement des argiles Les sols argileux expansifs représentent 32 % de l'étendue de l?Espagne, dont 67 % se trouvent sous des climats qui peuvent produire des changements significatifs d'humidité du sol. Afin de répondre à ce risque, l?Espagne instauré en 2000 l?obligation de réalisation d?une étude géotechnique avant toute construction dans le cadre de la loi LOE (Ley de Ordenación de la Edificación), qui fixe les obligations essentielles lors du processus de construction d?un bâtiment neuf (maisons individuelles, ERP, bâtiments industriels susceptibles d?avoir une incidence sur la sécurité publique). Du point de vue réglementaire, sans étude géotechnique, il est ainsi impossible de souscrire une assurance décennale, qui conditionne l?inscription au registre de la propriété. Les contrôle ex ante instaurés à travers l?examen préalable approfondi réalisé par des géotechniciens ont permis de limiter les recours déposés auprès des assureurs. De manière notable, les règles de l?art en matière de construction retiennent que la solution de fondation doit soutenir une profondeur suffisante sur les zones du substrat moins exposées aux changements d?humidité et aux oscillations de niveau phréatique, soit entre 3 mètres et 3,5 mètres de « profondeur active ». A titre de comparaison, en France, un arrêté pris en juillet 2020 dans le cadre des mesures d?application de la loi ELAN prévoit des dispositions définissant le contenu des études géotechniques à réaliser dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols. La profondeur d?ancrage des fondations retenue doit être au moins égale à celle imposée par la mise hors gel, soit une profondeur minimale considérée entre 0,80 m en zone d?exposition faible à moyen et 1,20 m en zone d?exposition forte. Cette différence importante de « profondeur active » retenue entre l?Espagne et la France pour déterminer la profondeur minimale des fondations de nature à éviter de futurs sinistres conduit à s?interroger sur l?efficacité des mesures législatives préventives sur les constructions neuves retenues en France. La loi ZAN (Zéro Artificialisation Nette) favorise l?action climatique (adaptation et atténuation) et limite les pertes de biodiversité. Limiter l?artificialisation permet entre autres de réduire les risques d?inondation (notamment par ruissellement), de favoriser la recharge des nappes, de limiter la destruction d?habitats et de favoriser des villes plus compactes, moins émettrices de gaz à effet de serre dont les centres seront revitalisés. La loi ZAN constitue un changement majeur dans la manière d?appréhender le développement des territoires, notamment pour les maires, qui auront besoin de soutien pour la mise en oeuvre effective de cette loi. Compte tenu de l?importance de cette loi pour l?adaptation au changement climatique, s?assurer de l?application effective de la loi et des contrôles pour identifier et éviter les esquives de la loi nous semblent indispensables. Certains acteurs des territoires mettent en évidence le besoin d?allier la notion de ZAN à la notion de « Zéro Artificialisation Brute » (ZAB). Ce changement de perspective sur l?artificialisation des zones permettrait de sortir des paradoxes induits par les mécanismes de compensation mis en application jusqu?à présent et s?avérant inconsistant et ineffectifs. 78 3.4.2. Rendre obligatoire l?assurance dommages-ouvrage en cas de souscription d?un crédit immobilier ou de revente sur les zones à forte exposition La qualité des normes de construction et leur respect sont des conditions de prévention essentielles à la sécurisation de l?habitat, de ses propriétaires, occupants et de leurs assureurs. Outre les contrôles administratifs sur le respect de ces règles, la souscription d?une assurance DO participe à la sécurisation de cette prévention. La responsabilisation financière de l?assureur l?oblige en effet à maîtriser au mieux le risque à travers, notamment, un examen des intervenants à la construction, des études de sol, le cas échéant et des techniques utilisées. Ce regard complémentaire est normalement systématique puisque l?assurance Dommages Ouvrage (DO) est obligatoire, tant en métropole que dans les DOM. Cette obligation est diversement respectée ou peut faire l'objet d?un processus fragile dans plusieurs cas. Lorsque le particulier constructeur de maison individuelle fait appel à des entreprises insuffisamment qualifiées, non assurées pour leur responsabilité décennale et décide alors de faire l?impasse sur l?assurance DO, l?absence de garantie a en général un impact modéré sur le prix de vente avant 10 ans si la maison paraît en bon état. En outre, sans revente dans les 10 ans de la construction, aucune sanction économique n?intervient. Pour autant, le non-respect des règles de l?art va introduire un élément de fragilisation de la construction, face notamment aux cyclones tropicaux et au risque de RGA. Le respect des règles de l?art induit le renforcement des corps de contrôle de la construction. Évidemment, ce phénomène est renforcé dans le cas où le maître d?ouvrage réalise par lui-même tout ou partie de la construction, a fortiori sans permis de construire. Il apparaît donc quelques failles dans le dispositif de l?assurance DO qui contribuent à la fragilisation de l?habitat, en supprimant un double regard sur la gestion des risques et la conformité de la construction avec les règles de l?art. Nous préconisons donc de renforcer le contrôle de la souscription de cette assurance en l?imposant, comme cela se pratique en Espagne, pour deux opérations critiques : (i) lors de la souscription d?un crédit immobilier lié à l?opération neuve, (ii) lors de la revente de l?habitation dans un délai de 10 ans après sa construction. De cette manière, maîtres d?ouvrage et entrepreneurs du bâtiment renforceront systématiquement leur sélection des intervenants dans la qualité de la construction. 3.4.3. Renforcer le contrôle du respect de la prise en compte du règlement des plans de prévention des risques majeurs dans les plans locaux d?urbanisme et dans les schémas de cohérence territoriale Les outils de prévention des risques majeurs, tels que les Plans de Prévention des Risques (PPR), permettent à la fois de : (i) harmoniser les pratiques techniques d?évaluation des aléas et de l?évaluation de la vulnérabilité, et de (ii) d?associer des acteurs spécialisés des acteurs concernés et des acteurs des territoires dans l?identification des niveaux de risque et l?identification des mesures individuelles et collectives de prévention des risques, ainsi que de définir des responsables chargé de mettre en place ces actions et donc de prendre en charge financièrement ces mesures. Pour les aléas relevant des risques majeurs listés dans la stratégie nationale de prévention des risques majeurs, l?outil PPR, qui est à la fois un outil de régulation des usages des sols actuels et futur (outil de maitrise de l?urbanisation et donc valant servitude d?utilité publique) et à la fois un outil de réduction de la vulnérabilité des bâtis et des infrastructures. Le règlement PPR prescrit donc des mesures de gestion du foncier (expropriation, délaissement et préemption) et de planification des usages du sol 79 futur ainsi que des mesures souvent structurelles de réduction de la vulnérabilité sur le bâti et les infrastructures. Au-delà de l?effet d?affichage des mesures réglementaires des PPR, il est nécessaire de vérifier que ce qui est nécessaire (au sens du règlement ou au sens de la nécessité de proactivité sur la prévention, l?adaptation et la résilience) est mis en place. Pour y parvenir, il est nécessaire de renforcer les corps de contrôle public et privé en la matière. Ces corps de contrôle, dont le rôle doit à la fois permettre de mettre en place des mesures de coercition en la matière (ex. ne pas fournir d?aide en cas de déficit manifeste et récurrent d?action de prévention), devra mettre se mettre à disposition des particuliers et des professionnels de manière à inciter à la prévention et à la résilience. Ceci nécessite, en sus du renforcement en effectif et en moyen des corps de contrôle de la construction de manière proportionné aux enjeux et projections en matière de risques majeurs sur les territoires, de renforcer le recrutement des corps technique et leur formation et leur mise à jour tout au long de leur carrière sur les enjeux de prévention, d?adaptation et de résilience. Ce constat, pouvant être élargi à l?ensemble de nos territoires, et plus que crucial pour nos territoires d?outre-mer de par les enjeux et contraintes induits par leurs insularités et de par la nature de la couverture assurantielles locale. 3.4.4. Développer un dispositif de cofinancement des diagnostics de résilience par le nouveau fonds pour la prévention individuelle et les assureurs La création du nouveau fonds dédié au financement des mesures individuelles de prévention ouvrira en premier lieu la voie d?un co-financement d?un diagnostic de résilience du bâti sur les zones à forte exposition (rouges et orange), à l?instar des diagnostics existant pour la performance énergétique des logements. Précisons que de tels diagnostics ont fait l?objet de test d?appétence du grand public par certaines mutuelles qui en ont tiré un sentiment de déception. Il est néanmoins probable que l?augmentation de fréquence et l?intensité des évènements naturels rehaussera en permanence la sensibilité des particuliers dans ce domaine. Par ailleurs, le développement d?une association de prévention en direction des particuliers pour les sensibiliser aux risques naturels (cf. recommandation n°8) et les inciter à réaliser ce type de bilan global, surtout dans les zones à risque plus élevé, devrait porter ses fruits. 3.4.5. Imposer la réalisation d?un diagnostic de résilience post-sinistre dans les zones d?exposition forte Le retour d?expérience d?entreprises d?assurances ayant engagé des actions de sensibilisation à la prévention des risques naturels montre que l?expérience d?un sinistre est le déclencheur le plus puissant pour engager une démarche de résilience. C?est donc le moment privilégié pour déployer un diagnostic de résilience permettant de faire l?inventaire des risques liés aux conditions d?implantation et l?éventail des solutions de confortement adaptées. Après sinistre dans les zones d?exposition forte (« rouges » ou « oranges »), un tel diagnostic nous semble devoir être rendu obligatoire avec deux co-financements possibles : - Intégralement par l?assureur en cas de sinistre dépassant un certain seuil, - Conjointement par l?assuré et le fonds en cas de sinistre léger, en deçà du seuil. Une telle obligation ne peut découler que d?un règlement administratif. Le seuil devra être fixé après concertation avec les parties prenantes. On peut aussi imaginer que durant une période de « lancement », les ressources du nouveau fonds le permettant, il soit intégralement à sa charge. Dans les zones rouges, ce diagnostic sera important puisqu?il devrait déboucher sur des travaux impératifs de prévention (cf. point 3.4.8. ci-après) ci-après, avec des financements dédiés (cf. points 3.4.6. et 3.4.7. ci-après). 80 3.4.6. Envisager le déploiement d?un prêt à taux nul pour les particuliers réalisant des travaux de prévention des risques naturels en zone rouge ou orange ainsi qu?une avance des aides publiques par leur versement direct auprès des entrepreneurs Le diagnostic de résilience une fois établi, le propriétaire de maison ou d?immeuble peut se trouver face à la nécessité de travaux d?une ampleur significative. Leur réalisation rapide peut évidemment engendrer des problèmes de trésorerie, spécialement pour les ménages aux revenus moyens et modestes. De ce fait, il paraît souhaitable d?organiser une aide pour la réalisation de ces travaux en direction de ces seuls ménages résidant sur les zones rouges et oranges. Le premier pilier en serait un prêt à taux zéro. Ce prêt pourrait voir, le cas échéant, ses intérêts prise en charge conjointement par le fonds et le cas échéant, par des assureurs et des collectivités. Pour éviter toute complexité pour le client, la banque émettrice du crédit se chargerait intégralement des relations avec la plateforme de bonification de son taux opérée par l?Association de prévention des risques naturels, elle-même en lien avec les sources de subvention. 3.4.7. Envisager le déploiement d?un crédit d?impôt pour les particuliers à moyens et faibles revenus réalisant des travaux de prévention des risques naturels Pour les mêmes ménages à revenu moyens et faibles résidant sur les seules zones rouges, un effort supplémentaire de solidarité parait nécessaire pour aider à la réalisation des travaux. Les mesures de prévention individuelles issues d?un PPR ou d?un diagnostic de résilience agréé pourraient alors également faire l?objet : (i) d?une subvention émanant du nouveau fonds. En effet, lors de sa création, les ressources de ce fonds devraient permettre de telles subventions très ciblées. (ii) et/ou d?un crédit d?impôt, (iii) et/ou d?une subvention locale (par exemple issue d?un dispositif fiscal facultatif de type GEMAPI). 3.4.8. Imposer et contrôler l?obligation de travaux de réduction de la vulnérabilité dans les zones d?exposition très forte aux risques naturels après un sinistre Grâce à l?arsenal de ces dispositifs de conseils pour tous et d?accompagnement des ménages à revenus moyens et faibles, il paraît possible de rendre obligatoire, après un sinistre et uniquement dans les zones d?exposition les plus fortes (rouges), les travaux de prévention individuelle des risques naturels. Il s?agit en particulier de cibler d?un part les zones définies dans un PPR prescrivant des travaux sur le bâti existant, et d?autre part les « zones rouges », selon la typologie établie. Ces travaux sont exigibles dans certains délais impartis par les PPR, et devraient l?être également après un sinistre quelconque, toujours source de sensibilisation pour un propriétaire. S?agissant du RGA, ne seraient visés par cette obligation que les mesures de prévention dites horizontales. Enfin, la responsabilisation financière des propriétaires de biens situés dans ces zones rouges ou définis dans un PPR prescrivant des mesures de prévention nous paraît un complément utile, dans un contexte où le régime mutualisé d?indemnisation des catastrophes naturelles ne permet pas à ce jour cette responsabilisation individuelle. Ainsi, à défaut de réalisation des travaux prescrits par le PPR, ou par le diagnostic de résilience en zone rouge, suite à un premier sinistre dans ces zones, un triplement de la franchise légale au titre du régime catastrophe naturelle devrait intervenir. 81 3.4.9. En cas de sinistre grave en zone d?exposition très forte (rouge), permettre une indemnisation assurantielle à la valeur vénale du bien augmentée d?une prime à la relocalisation, et organiser la reprise du bien gravement endommagé par la collectivité De récentes expériences dramatiques, causées par des évènements extrêmes, par exemple de retrait- gonflement des argiles dans le Nord de la France ou d?inondations dans la vallée de l?Arves et dans le Pas-de-Calais, ont montré l?état de découragement et parfois de désespoir dans lequel peuvent se retrouver certains sinistrés gravement touchés. Certains évènements révèlent une élévation du niveau de risque telle que les travaux nécessaires pour préserver les habitations paraissent hors de portée, non seulement financièrement, mais émotionnellement à certains propriétaires. La perspective d?un déménagement peut alors apparaître comme une solution souhaitée par les sinistrés. Lorsque l?indemnité due par l?assureur pour réparer les dommages à l?habitation dépasse la valeur vénale avant sinistre de celle-ci, il paraît évident qu?imposer la reconstruction est une mauvaise solution. Nous proposons donc que l?assuré qui le souhaite puisse abandonner son logement à la commune en contrepartie d?une indemnité de l?assureur limitée à sa valeur vénale avant sinistre, dans le cas où l?estimation des réparations dépasse cette valeur. Dans ce scénario, la commune deviendrait propriétaire du terrain et devrait naturellement s?engager à le rendre inconstructible et à mettre en oeuvre des projets d?intérêt collectif avec ou sans densification dans le contexte de la mise en oeuvre de la loi ZAN. A cet égard, la mission soutient la recommandation émise en ce sens par le député Vincent LEDOUX dans son rapport sur le risque RGA et suggère de l?étendre à d?autres périls. OBJECTIF N°9 : DEVELOPPER ET ACCOMPAGNER L?INVESTISSEMENT DANS LA RESILIENCE DU BATI 9.1. Renforcer les lois Élan et ZAN pour sécuriser l?équilibre du régime à moyen et long terme :? - imposer la réalisation d?une étude géotechnique approfondie (G2 PRO), d?études d?interac- tion sols-structures ou à défaut, la réalisation de conditions constructives allant au-delà de celles prévues dans la loi Élan. - renforcer les DTU en conséquence - renforcer les contrôles sur l?application de la loi 9.2. Rendre obligatoire l?assurance dommages-ouvrage en cas de souscription à un crédit immobilier ou de revente sur les zones à forte exposition. 9.3 Renforcer le contrôle du respect de la prise en compte du règlement des plans de pré- vention des risques majeurs dans les plans locaux d?urbanisme et dans les schémas de co- hérence territoriale. 9.4. Développer un dispositif de cofinancement de diagnostics de résilience par le FPRNM et les assureurs 9.5. Imposer la réalisation d?un diagnostic de résilience (conditions d?implantation et mé- thodes de reconstruction adaptées) après sinistre dans les zones d?exposition fortes (rouge/orange) 9.6. Envisager le déploiement d?un prêt à taux nul pour les particuliers réalisant des travaux de prévention des risques naturels en zone rouge ou orange ainsi qu?une avance des aides publiques par leur versement direct auprès des entrepreneurs. 82 9.7. Envisager le déploiement d?un crédit d?impôt pour les particuliers à moyens et faibles revenus (critères ANAH) réalisant des travaux de prévention des risques naturels qu?une taxe départementale de type GEMAPI permettant l?octroi de subventions dans cette optique. 9.8. Imposer et contrôler l?obligation de travaux de réduction de la vulnérabilité dans les zones d?exposition très forte aux risques naturels (zones rouges ou passibles d?un PPR) après un sinistre ou avant la réalisation de travaux de rénovation énergétique bénéficiant d?une aide publique au titre du dispositif « MaPrimeRénov ». A défaut de réalisation des travaux, instaurer le triplement des franchises légales pour les sinistres ultérieurs. 9.9. En cas de sinistre grave en zone d?exposition très forte (rouge), permettre une indemnisation assurantielle à la valeur vénale du bien augmentée d?une prime à la relocalisation (à définir) pour les ménages souhaitant déménager. Organiser dans ce scénario la reprise du bien gravement endommagé par la collectivité en vue de sa transformation en un projet d?intérêt collectif, ce qui favorisera la densification dans le contexte de la mise en oeuvre de la loi ZAN 83 Démarche structurée d?intervention en faveur de la résilience du bâti 84 CHAPITRE 4. LA CONTRIBUTION DU SYSTEME ASSURANTIEL AU FINANCEMENT DE L?ATTENUATION DES EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE 4.1. ? Les assureurs ont, par des plans de transition ambitieux, l?opportunité de contribuer fortement à l?atteinte des objectifs de l?Accord de Paris 4.1.1. Défendre une position d?évolution et d?application de la directive Solvabilité 2 à hauteur de l?exigence de CRD6/CRR3 sur les plans de transition L?évaluation par la CCNUCC des progrès accomplis en direction des objectifs de l?Accord de Paris, pu- bliée le 8 septembre 20231, confirme que nous devons rehausser sans délai et sur tous les fronts les efforts pour réaligner la trajectoire mondiale et relever, par une véritable révolution universelle, le défi de l?urgence climatique. Dans le domaine de l?atténuation pour lutter contre les causes du réchauffe- ment climatique : «?- Les émissions mondiales ne suivent pas les trajectoires d?atténuation modélisées au niveau mondial qui sont compatibles avec l?objectif de température de l?Accord de Paris, - Les possibilités de relever le niveau d?ambition et de donner effet aux engagements actuels afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels s?amenuisent rapi- dement, - Sur la base des contributions déterminées au niveau national (CDN) actuelles, l?écart par rapport aux émissions qui permettraient de limiter le réchauffement à 1,5 °C en 2030 se situerait entre 20,3 et 23,9 gigatonnes d?équivalent CO2, - Il faut intensifier l?action et fixer des objectifs plus ambitieux dans les CDN pour réduire les émissions mondiales de GES de 43 % d?ici à 2030 et de 60 % d?ici à 2035 par rapport aux niveaux de 2019. - Ces investissements ainsi débloqués pourront être réorientés vers l?action climatique à différentes échelles pour que les flux financiers ? internationaux et nationaux, publics et privés ? soient compa- tibles avec un profil d?évolution vers un développement à faible émission de GES et résilient aux chan- gements climatiques?». Les banquiers et investisseurs ont financé, les assureurs ont accompagné toutes les grandes révolu- tions mondiales de ces derniers siècles, pour le meilleur et parfois pour le pire?: explorations, révolu- tions industrielles, scientifiques, commerciales, mondialisation, digitalisation, mais aussi armement et conflits. La double raison d?être de la finance ? développer et protéger ? devient, dans ce contexte, un cataly- seur indispensable cette révolution au niveau et au rythme nécessaires pour préserver les générations futures?: - L?épargne intermédiée doit être réinvestie massivement dans l?économie verte par les ban- quiers, assureurs, fonds de pension pour accélérer l?atténuation, - L?assurance des pertes induites par le changement climatique et l?investissement dans la pré- vention et la résilience sont des leviers essentiels de l?adaptation. Les assureurs peuvent et doivent donc se mobiliser à des niveaux inédits en développant à bref délai des trajectoires adaptées à cette urgence en matière d?atténuation. L?inflation de procès climatiques 85 rappelle déjà combien la légitime sensibilité de la société aux enjeux climatiques crée un risque juri- dique et de réputation des entreprises et spécialement des investisseurs comme les assureurs. L?Union européenne a pris une avance sur les stratégies d?impact au niveau mondial, grâce à son exigence au regard des plans de transition avec une directive aboutie, la directive Corporate Sustainability Repor- ting (CSRD), et plusieurs autres en gestation (cf. annexe 4). La CSRD exigera des grandes entreprises à compter de janvier 2024 la publication des quatre compo- santes essentielles pour jauger la crédibilité des plans de transition, lorsqu?ils existent : ? Des objectifs de baisse des émissions à horizon 2030 et 2050, ? Les plans d?actions établis en cohérence, ? Les impacts financiers du plan de transition (Capex et Opex), ? Le dispositif de gouvernance associé. Cette directive est d?application certaine suite à la publication des actes délégués de la Commission européenne2 et au nihil obstat du Parlement européen voté fin octobre 2023. Les secteurs bancaires et assurantiels doivent donc se préparer sans délai à ces publications en finalisant leurs plans de tran- sition, y compris sur leur scope 3 aval. Du coté des banques, la transcription en Europe de Bâle 3 se traduira en outre par de nouvelles exi- gences de plan de transition dans le cadre de CRD6 et de CRR3?(cf. annexe 4 ? extrait de l?accord inter- venu sur la directive CRD). Les entités seront tenues de concevoir des plans de transition alignés sur l?accord de Paris, sous contrôle prudentiel. Les assureurs faisant partie de groupes bancaires devraient logiquement hériter de cette obligation. La renégociation en cours de la directive Solvabilité 2 fournit l?opportunité d?uniformiser le traitement des assureurs en incluant la même exigence dans son pilier 210 au titre du risque à moyen terme d?un éventuel désalignement avec les objectifs européens et de l?accord de Paris. En effet, la sensibilité croissante des consommateurs, des salariés et des actionnaires à la politique climatique des entre- prises induit nécessairement, en cas d?insuffisante ambition, un accroissement des risques opération- nels pouvant obérer le développement, la productivité ou l?accès au financement des opérateurs. Ainsi, l?ensemble des institutions financières européennes, banques et assureurs seront bien conduites à aligner leurs ambitions sur les objectifs de l?accord de Paris à bref délai. L?influence de la finance européenne exigeant du reste du monde cet alignement sur les objectifs de l?accord de Paris devrait aider à catalyser le mouvement mondial de décarbonation. Ceci se traduira en premier lieu par une sélectivité accrue des investissements et des financements des énergies fossiles. L?importance de ce sujet dans la trajectoire de décarbonation des assureurs est con- sidérable. Tenant compte du contrôle qui sera exercé sur les trajectoires de décarbonation par l?initia- tive Science Based Targets (SBT) et de la qualité d?autres travaux comme ceux de l?agence internatio- nale de l?énergie, les importantes et pertinentes politiques de gestion recommandées par certaines organisations à l?instar de Reclaim Finance3 devraient être intégrées dans l?élaboration de ces trajec- toires dès 2024. A ce titre, il est intéressant de noter l?important exemple des engagements de décar- bonation pris au Royaume-Uni par l?ensemble des assureurs réunis au sein de l?ABI (Association of British Insurers), décrit dans l?encadré 3 ci-après. Toutefois, le scope 3 aval des assureurs Dommages soulève aussi l?épineux sujet des émissions liées à leurs produits. 10 Le pilier 2 de la directive Solvabilité II regroupe d?une part des exigences qualitatives portant sur la définition de règles de gouvernance et de gestion des risques, et d?autre part l?évaluation des risques propres de solvabilité (Own Risk and Solvency Assessment - ORSA). https://sciencebasedtargets.org/ 86 4.1.2. Assurer la lisibilité et la cohérence des plans de transition des assureurs en traitant de manière adaptée le scope 3 aval Il est souhaitable que les plans de transition concernent la totalité des activités des assureurs. A ce titre, il convient de relever la surprenante proposition du groupement d?assureurs et réassureurs réu- nis au sein du PCAF, concernant le scope 3 aval des assureurs. Le Partnership for Carbon Accounting Financials (PCAF) a établi en novembre 2022 une proposition de norme mondiale de comptabilisation et de déclaration des GES pour le secteur de l?assurance (« Norme sur les émissions associées à l?assurance4 »). La perspective de la mise en oeuvre de cette norme inter- pelle car elle expose clairement, selon cette mission, le secteur de l?assurance à un risque de green- washing : 1 ? L?orientation retenue par le PCAF est de décliner pour le secteur de l?assurance les prin- cipes de la catégorie 15 du GHG Protocol pour les activités d'investissement et relatives aux émissions de gaz à effet de serre (GES) indirectes provenant des investissements de l'entre- prise. Ce choix semble discutable. En effet, les missions de l?assurance sont d?une nature différente de celles du financement. L?assurance a une double utilité pour ses produits vendus en apportant à l?assuré : - dans tous les cas la sérénité de la garantie offerte et le cas échéant par la satisfaction de l?obli- gation de l?assurance et, - en cas de sinistre, un service explicite allant jusqu?à l?indemnisation. A ce titre, l?assurance nous semble davantage relever de la catégorie 11 du GHG Protocol « Utilisation des produits vendus » que de la catégorie 15 « Investissements ». Un tel choix de rattachement faciliterait une distinction claire au sein des activités d?assurances des émissions de gaz à effet de serre des activités de souscription d?une part, du portefeuille de placements d?autre part. 2 ? la proposition opérationnelle du PCAF vise à normer une comptabilisation et une décla- ration des émissions de GES basées sur un facteur d?imputabilité à l?assureur des émissions de GES de ses seuls clients automobiles et entreprises. La méthodologie présentée dans la norme calcule les émissions associées à l?assurance en multipliant un facteur d?attribution (spécifique par ligne d?activité) par les émissions absolues de GES de l?assuré ou de l?actif assuré. Deux grands secteurs sont distingués à ce stade : l?assurance automobile et les activités d?entreprise (de vastes domaines étant par ailleurs exclus comme l?assurance habitation). Pour le secteur automobile, le facteur d?attribution est calculé en fonction de la part de l?assurance dans le coût total de possession de l?exploitation d?un véhicule (hors le coût de son achat, pourtant majeur dans le bilan d?émissions de GES des véhicules). Pour les portefeuilles d?entreprises, le facteur d?attribution est calculé comme le ratio des primes sur les revenus d?une entreprise. Une telle approche ne reflète pas la capacité des assureurs à influencer directement les émissions de leurs clients, ce qui en constitue une limite majeure. Au surplus, la priorité donnée aux secteurs automobile et de l?entreprise par ces facteurs d?attribution n?est pas innocente. Compte-tenu des engagements européens d?arrêter la mise en service de véhicules thermiques à compter de 2035 avec une substitution croissante par les véhicules électriques et des prescriptions pour les entreprises de la CS3D et de la CSRD, la méthodologie proposée aurait pour effet de présenter une trajectoire de réduction des émissions de GES du secteur de l?assurance excessivement flatteuse, constitutive de https://carbonaccountingfinancials.com/about 87 greenwashing puisque l?obtention de ce résultat ne devrait pas lui être imputé. D?ailleurs, le PCAF reconnaît lui-même la difficulté à qualifier la capacité d?influence des assureurs sur les émissions de leurs clients pris dans leur ensemble. Nous recommandons de tirer les conséquences du rattachement de la souscription d?assurance à la catégorie 11 du GHG Protocol pour évaluer les émissions scope 3 aval des assureurs. Comme évoqué précédemment, ce rattachement permet de revenir aux fondamentaux de l?assurance et de tenir compte de la véritable capacité d?influence des acteurs : i) S?agissant de l?indemnisation des sinistres, l?assureur a un rôle déterminant dans le choix des solutions de réparation ou de remplacement. A titre d?illustration, - si le véhicule de remplacement de celui endommagé est électrique et non thermique, - si des pièces de réemploi sont utilisées pour une réparation automobile, - si une pompe à chaleur vient remplacer l?ancienne chaudière à gaz détruite, - si un équipement d?occasion ou de meilleure performance énergétique vient remplacer un équipement détruit, les émissions de GES de l?assuré seront significativement réduites grâce à l?indemnisation de l?assureur. Au titre de la cause la plus importante, le facteur d?attribution lié l?indemnisation devrait donc être de 100%. Ainsi, il serait souhaitable de revoir la norme pour calculer les émissions de GES au titre de la souscription sur base en premier lieu de l?indemnisation des sinistres. Il pourra être objecté un manque de données pour réaliser un calcul précis de ces émissions. A ce titre, le choix pourrait être laissé aux assureurs entre une approche « in concreto » relative à leur propre activité d?indemnisation ou une approche forfaitaire sur la base d?indicateurs généralement admis par les agences nationales en charge de la décarbonation ou par des recommandations que le PCAF pourrait lui-même publier. ii) S?agissant de l?utilisation de l?assurance liée à la sérénité offerte par la garantie et permettant l?utilisation du bien assuré, il faut constater que la capacité d?influence de l?assureur est le plus souvent marginale ou nulle. En effet : - le choix du type de bien ou d?activité est réalisé par l?assuré avant la souscription de l?assurance, - la pression concurrentielle donne typiquement une position de force à l?assuré pour choisir son assureur plus que l?inverse, - l?utilisation du bien correspond à un service qu?il rend ou à une valeur qu?il crée. Dans son équation économique, le coût de l?assurance est le plus souvent marginal par rapport aux autres charges courantes. Par exemple, l?assureur a peu d?influence sur la quantité de carburant consommée par le véhicule garanti ou par la quantité de gaz consommée par la chaudière de l?entreprise garantie. Au titre de l?utilisation liée à la sérénité offerte par la garantie, le « facteur d?attribution » devrait donc être nul. Seuls quelques rares cas de figures donnent à l?assureur un véritable levier sur les décisions de l?assuré. Il s?agit de situations où une offre restreinte d?assurance peut conduire l?assuré à s?interroger sur la pertinence ou les modalités de son investissement du fait de son niveau de risque, préalablement à sa mise en oeuvre. Il en va ainsi dans le domaine des très grands risques (spatial, aérien, maritime, et certains cas de responsabilité civile (nucléaire, filières ou géographies spécifiques) et dans les territoires où les licences d?assurance sont délivrées avec une grande parcimonie. Tous ces contextes se traduisent par une part de marché de l?assureur classiquement supérieure à 20%. Dans ces rares 88 contextes, on peut alors admettre un coefficient d?attribution non nul, voire de 100%, puisque l?offre d?assurance détermine sans ambiguïté le choix d?investir ou de lancer l?activité garantie. 3 ? En cohérence avec la capacité d?influence des assureurs, la norme devrait exiger la mise en place d?un plan d?actions des assureurs pour réduire leur scope 3 aval au titre de la souscription d?assurance Si le PCAF relève que les assureurs peuvent être en mesure de communiquer avec leurs clients pour les encourager à réduire leurs émissions de GES au fil du temps, il revient en premier lieu aux assureurs d?établir un plan d?actions pour réduire les émissions associées à leur scope 3 aval au titre de la souscription d?assurance, soit comme exposé précédemment principalement au titre des indemnisations. A titre d?illustration, les assureurs devraient exposer leurs plans d?actions pour développer la part des pièces de réemploi dans l?assurance automobile, la reconstruction avec des matériaux bas carbone dans le domaine de l?habitat ou encore la manière dont ils contribuent en cas de sinistre grave à remplacer les équipements thermiques par des équipements électriques moins émissifs. 4.1.3. Renforcer le rôle de recommandations de l?ACPR sur les plans de transition climatique et élargir son action de contrôle au-delà des bancassureurs qui seront contraints dans le cadre de CRD6/CRR3 Dès lors que les assureurs devront établir des plans de transition dans le cadre de leur pilier 2, ceci renforcera le rôle de contrôle (et de sanctions) du superviseur à cet égard. L?ACPR est d?ores-et-déjà en mesure de collecter et de diffuser les bonnes pratiques en matière de cadrage, d?élaboration et de mise en oeuvre des plans d?action. Nos auditions ont montré son ouverture sur ce sujet. De telles ini- tiatives devraient être encouragées, dans le cadre d?un rôle d?accompagnement à la préparation de la mise en oeuvre des directives CRD6, CSRD, CSDDD et de la future réforme de Solvabilité 2. OBJECTIF N°10 : ALIGNER LES (RE)ASSUREURS SUR L?EXIGENCE DE LA DIRECTIVE CRD6 D?UN PLAN DE TRANSITION DE LEURS PORTEFEUILLES D?INVESTISSEMENT ET D?ASSURANCE COHERENT AVEC LA TRAJECTOIRE CIBLE DE L?ACCORD DE PARIS A HORIZON 2030 10.1. Défendre une position d?évolution et d?application de la directive Solvabilité 2 à hauteur de l?exigence de CRD6/CRR3 sur les plans de transition 10.2. Assurer la lisibilité et la cohérence des plans de transition des assureurs en traitant de manière adaptée le scope 3 aval 10.3. Renforcer le rôle de recommandations de l?ACPR sur les plans de transition climatique et élargir son action de contrôle au-delà des bancassureurs qui seront contraints dans le cadre de CRD6/CRR3 89 4.2. ? Développer des politiques ambitieuses de décarbonation des portefeuilles d'assurances dommages La décarbonation des portefeuilles d?assurance dommages inclut, outre la gestion des investissements traitée succinctement en section précédente, deux dimensions : les politiques de souscription d?une part, et de règlement des sinistres d?autre part. S?agissant de la souscription, le rôle essentiel que peut jouer l?assureur consiste à lever les freins dans le développement des activités et équipements qui concourent à la décarbonation de l?économie. Ceci inclut la souscription bienveillante et la tarification incitative de ces risques (véhicules électriques, développement des énergies renouvelables?). Un exemple de frein à lever concerne l?assurance des installations de panneaux photovoltaïques, comme décrit en annexe 3. Ces objectifs devraient logiquement être intégrés aux plans de transition qui devront être développés par les assureurs à bref délai, comme évoqué en section 4.1. S?agissant de la gestion des sinistres, l?assureur intervient le plus souvent à deux moments-clé pour répondre aux besoins de l?assuré : 1- Fréquemment en urgence au moment du sinistre, sous forme de prestations d?assistance, tant dans le domaine du transport que du logement, voire sous forme médicale, 2- Systématiquement en différé pour l?indemnisation des dommages, précédée dans certains cas d?une expertise et d?une proposition de réparateurs agréés. Ces domaines, bien que connexes, sont nettement distincts du fait du caractère « temps réel/H24 » de la plupart des sollicitations d?assistance. Par ailleurs, les prestations de ce type sont le plus souvent en nature, alors que l?indemnisation est, elle, toujours financière, sauf prise en charge des réparations sous forme de tiers-payant. Ces deux circonstances donnent à l?assureur deux opportunités complémentaires d?agir pour baisser les émissions d?un même assuré à l?occasion d?un sinistre. 4.2.1. Inciter les entreprises d?assurance et d?assistance à développer l?adoption des véhicules de remplacement électriques en cas de sinistre En premier phase, l?assisteur déclenche des prestations essentiellement de trois types : 1- Transport : mise à disposition d?un véhicule de remplacement, 2- Logement : hébergement provisoire suite à sinistre grave, 3- Médical : intervention d?un médecin et dans les cas extrêmes, rapatriement sanitaire. Compte tenu des fréquences de sinistres attachées à ces prestations, l?essentiel de l?empreinte carbone de l?assistance résulte des véhicules de remplacement. Assureurs et assisteurs ont donc une importante opportunité de décarbonation en mettant à disposition de leurs assurés sinistrés des véhicules électriques et non plus thermiques de manière systématique. Quatre effets bénéfiques doivent en découler : (i) Décarboner des prestations qui relèvent à l?évidence de leur scope 3, (ii) Contribuer à augmenter le parc de véhicules électriques des sociétés de location par cette demande supplémentaire, (iii) Contribuer en conséquence à augmenter le parc de véhicules d?occasions électriques, (iv) Familiariser les assurés avec les véhicules électriques et réduire l?appréhension liée à son usage. Un sondage RTE de 201911 montrent en effet que l?insuffisance perçue d?autonomie est un frein significatif à l?adoption de ces véhicules. 11 https://www.odoxa.fr/sondage/voiture-electrique-potentiel-daccueil-deja-tres-important-france-pourrait- etre-largement-accru/ 90 Un tel mouvement d?électrification des véhicules de remplacement peut résulter, soit d?un engagement de place de l?ensemble des assureurs automobiles ou de certaines « familles » (mutuelles, bancassureurs, assureurs traditionnels) ou, à défaut, d?une règlementation contraignante, prenant en compte bien sûr les contraintes opérationnelles notamment liées à la capacité du parc de location. Nos échanges avec plusieurs assisteurs indiquent à cet égard que les grands loueurs disposent déjà d?un parc électrique de bonne capacité. Ils sont en effet largement alimentés par les constructeurs automobiles, tenus de baisser leurs émissions moyennes par véhicule produit dans le cadre de la règlementation européenne. 4.2.2. Systématiser les clauses « vertes » en matière d?indemnisation Après l?intervention d?urgence, l?assureur doit indemniser les dommages subis par le bien assuré, avec ou sans expertise, et en proposant le cas échéant des solutions de réparation/remplacement/travaux. Ces opérations lui confèrent un rôle actif dans le dispositif de remédiation qui justifie une imputation et une prise en compte dans les scopes 3 amont et aval de ses émissions de gaz à effet de serre. Ces « moments de vérité », qui sont clés pour juger de la qualité du service proposé, peuvent également être considérés comme une opportunité pour accompagner l?assuré dans sa propre décarbonation. S?agissant des petits sinistres tout d?abord, les assureurs ont compris l?intérêt de constituer et de proposer des réseaux de réparateurs agréés. Le bénéfice de tels dispositifs est double : ils permettent de négocier les prix grâce à l?effet volume et d?améliorer la qualité perçue en contractualisant des niveaux de service. Les négociations avec ces réseaux peuvent concerner les tarifs mais aussi les modalités de réparation. Dans le domaine automobile, les réponses aux questionnaires transmis par la mission aux assureurs de dommages aux biens ont montré que l?utilisation de pièces de réemploi fait désormais quasi systématiquement partie des objectifs stratégiques en gestion des sinistres automobiles. Les indicateurs de mesure sont déployés et des objectifs fixés. En assurance habitation, quelques entreprises d?assurance proposent des « services travaux » pour de petites réparations. Les matériaux de construction de réemploi sont par contre le plus souvent absents du champ des négociations. Développer ces efforts de réemploi suppose deux préalables : d?un part, rehausser les volumes de pièces et matériaux recyclés disponibles, et d?autre part lever les freins réglementaires à leur utilisation. La mise à l?échelle des pièces de réemploi automobile a ainsi fait l?objet de six recommandations dans le cadre de la feuille de route décarbonation de la filière automobile : (i) Lutter contre la filière illégale (de pièces de réemploi) et les exportations des véhicules d?occasion non conformes, (ii) Optimiser la production et l?utilisation de pièces de réemploi en France comme à l?export, (iii) Rapprocher les spécifications des metteurs sur le marché (de véhicules) avec les capacités d?extraction, de tri et de préparation de la filière des véhicules hors d?usage (VHU) afin d?augmenter le taux d?incorporation de matière recyclée dans les véhicules neufs, (iv) Faire évoluer la filière des véhicules hors d?usage (VHU) pour qu?elle puisse collecter, accueillir et traiter les futurs volumes de véhicules électriques et augmenter la durabilité des batteries, (v) Mettre en oeuvre une filière de recyclage des batteries en France en adéquation avec les futurs gisements, (vi) Réaliser une analyse en cycle de vie des émissions de la filière VHU. 91 Il faut y ajouter un sujet économique important : les marges des recycleurs et des réparateurs de véhicules. En effet, pour les centres de recyclage, la marge unitaire en cas de revente après réparation de véhicules dit « économiquement irréparables » est nettement supérieure à celle des pièces récupérées lors du recyclage. Ils ont donc intérêt à remettre un véhicule thermique en circulation. Pour les réparateurs, le coût unitaire de la pièce de réemploi constitue une assiette de commission bien plus basse que dans le cas de pièces neuves. Dans les deux cas, la seule solution est une compensation de cet écart de marge par l?assureur : - vis-à-vis du recycleur en acceptant un prix de cession du véhicule gravement accidenté plus bas en cas de recyclage qu?en cas de réparation pour revente, - vis-à-vis du réparateur en rehaussant sa rémunération au titre de la main d?oeuvre en cas d?utilisation de pièces de réemploi. Il n?est pas avéré que ces axes soient générateurs d?inflation de la sinistralité, car les surcoûts engendrés par de telles compensations ont vocation à être compensées par une économie générale grâce à la plus grande substitution de pièces neuves par des pièces de réemploi moins onéreuses. De telles pratiques nécessitent toutefois une pédagogie auprès des assurés qui doivent être rassurés sur la solidité de ces pièces et matériaux de remploi. En matière automobile, de nombreux assureurs pratiquent déjà la « garantie à vie » de telles réparations, ce qui règle le sujet. En matière de construction, par contre, les constructeurs sont confrontés à une responsabilité décennale irréfragable. Aucun assureur habitation ou professionnel ne peut les en relever facilement du fait des engagements à long terme qu?une « garantie à vie » des réparations impliquerait. Il reste donc un travail à réaliser conjointement par les filières de recyclage des matériaux de construction et les organismes de certification pour faire classer dans certaines conditions ces matériaux de réemploi parmi les matériaux courants. Les sinistres très importants forment une seconde catégorie que l?on peut caractériser comme ceux ne permettant pas la réparation mais exigeant un remplacement de véhicule, d?équipement ou des travaux lourds de reconstruction. Dans ce cas, un dialogue se noue nécessairement entre l?assuré et l?expert de l?assureur, afin d?identifier les solutions de remédiation les plus adaptées et, logiquement, les moins coûteuses. Le Code des assurances fixe en son article L. 121.1 le principe que « l?indemnité due par l?assureur ne peut dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre ». Toutefois, dans un arrêt du 13 septembre 2007, la Cour de Cassation a admis que ce principe ne s?opposait pas au versement d?un complément d?indemnité au titre de la valeur à neuf. En pratique, cette indemnité n?est versée qu?en cas de remplacement effectif par un bien neuf identique ou équivalent ou en cas de réparation effective des dommages à un immeuble. L?urgence climatique exige à notre sens de considérer la circonstance du sinistre important sous un autre prisme : il présente en effet l?opportunité de remettre en cause une situation antérieure carbonée pour y substituer des dispositifs décarbonés : véhicules, équipements de chauffage, équipements industriels, etc. A titre d?exemple, la « garantie verte » contenue dans le contrat multirisque professionnelle d?un assureur édicte : 92 « 8.1. Garantie Verte En cas de sinistre incendie, tempête, grêle, neige sur toiture, inondation ou catastrophe naturelle, garanti par le contrat, nous participons au financement de travaux ayant pour objectif de réduire l?émission de gaz à effet de serre des biens sinistrés. Il peut s?agir : ? d?une isolation thermique plus efficace ; ? d?une technologie de chauffage favorisant les énergies renouvelables et/ou réduisant les émissions de gaz à effet de serre ; ? de production d?électricité par voie photovoltaïque. 8.1.1. Conditions d?application de la garantie Pour être garanti, il faut que : ? l?installation de ces équipements concerne les biens ayant subis des dommages garantis par le contrat ; ? ces travaux soient réalisés moins d?un an après la survenance du sinistre ; ? vous respectiez les normes et règles de l?art en vigueur ; ? vous preniez à votre charge un montant au moins égal à notre participation dans le financement de ces travaux. » Certains assureurs commencent donc à insérer dans les contrats des clauses dites « vertes » : au-delà de l?indemnisation à la stricte valeur avant sinistre ou correspondant même à la valeur à neuf du bien ou de l?immeuble sinistré, une participation aux efforts de décarbonation est allouée. Nous recommandons de saisir cette opportunité à l?occasion d?un sinistre important de remettre en cause un existant émissif pour promouvoir le plus largement possible, grâce à un droit à indemnisation majoré dans ces seuls cas, le remplacement de véhicules thermiques par des véhicules électriques, des chaudières par des pompes à chaleur ou encore des équipements industriels, ou des reconstructions plus efficaces sur le plan énergétique. Cela suppose, au plan juridique, un ajustement ciblé du principe indemnitaire et, au plan économique, la prise en compte dans les primes d?assurance concernées, de ces majorations d?indemnité. Au regard du surcoût, les ordres de grandeur découlent du montant moyen du supplément envisagé (5000 à 10 000 euros selon les sinistres) multiplié par la fréquence des sinistres ciblés?(soit 1% en moyenne en automobile, 0,1% en habitation, multirisque professionnelle ou industrielle), soit une fourchette de quelques euros à quelques dizaines d?euros pour ce coup de pouce supplémentaire à la décarbonation. Certains dispositifs de subvention (véhicule électrique neuf, MaPrimeRénov, certificats d?économies d?énergie) viendront également bonifier l?investissement de l?assuré. Les assureurs peuvent donc plafonner leur complément d?indemnité en valeur absolue ou en proportion de l?investissement complémentaire que l?efficacité énergétique requiert. Pour encourager ces pratiques vertueuses, nous réitérons l?importance d?intégrer l?empreinte carbone des sinistres réglés dans le scope 3 des émissions des assureurs est essentielle. Compte tenu des fréquences de ces sinistres ciblés, l?impact sur une décennie de ces clauses vertes peut être significatif, de l?ordre de 10% pour le remplacement du parc de véhicules thermiques assurés en dommages par des véhicules électriques et de 1% pour le parc de logements et de bâtiments industriels et commerciaux équipés de chauffage thermique. 93 Enfin, précisons qu?une telle dynamique de décarbonation à l?occasion des sinistres importants via le remplacement par des équipements plus efficaces peut découler : - soit d?un engagement de place de l?ensemble des assureurs ou de certaines « familles » (mutuelles, bancassureurs, assureurs traditionnels), - à défaut, d?une réglementation contraignante, prenant en compte les contraintes opérationnelles notamment liées à la capacité des experts à orienter les assurés. OBJECTIF N°11 : VERDIR LES OFFRES D?ASSURANCE DOMMAGES 11.1. Inciter les entreprises d?assurance et d?assistance à développer l?adoption des véhicules de remplacement électriques en cas de sinistre. 11.2. Systématiser les clauses « vertes » en matière d?indemnisation?: - en automobile, par l?indemnisation en valeur à neuf augmentée pour remplacer un véhi- cule thermique par un véhicule électrique (VE) et en favorisant l?utilisation de pièces de ré- emploi ; - en assurance multirisques, en favorisant la réparation plutôt que le remplacement des équipements, en augmentant l?indemnisation pour inclure la mise en conformité aux meilleures normes d?efficacité énergétique (Isolation, remplacement de PAC/chaudières?) et en développant des filières de réemploi des matériaux de construction. Encadré 3?: Engagements des assureurs réunis au sein de l?Association of British Insurers concernant les trajectoires de décarbonation. Le Royaume-Uni oblige de plus en plus les secteurs assurantiels à publier des reporting prenant en compte les recommandations de la Task Force on Climate Related Financial Disclosures (TCFD), ainsi que des plans de transition. Cependant, le gouvernement se fonde sur une considération «?comply or explain?» qui implique pour les assurances de publier ces informations ou d?expliquer pourquoi elles ne le font pas. Ce n?est donc pas contraignant. Au niveau des assureurs eux-mêmes, la place a adhéré à l?initiative du (alors) prince Charles, devenu roi depuis, pour créer une Sustainable Markets Initiative. Son mandat, mieux connue sous le nom de « Terra Carta », a pour mission de construire un effort mondial coordonné afin de permettre au secteur privé d'accélérer la réalisation des objectifs mondiaux en matière de climat, de biodiversité et de développement durable. La Terra Carta a été lancée en 2021 lors du Sommet One Planet et reflète un ensemble de principes directeurs et d'actions à l'horizon 2030 - plaçant la nature, les personnes et la planète au coeur de la création de valeur mondiale. Au sein de cette Initiative, Lloyd's a réuni des dirigeants de plusieurs des plus grandes et influentes compagnies d'assurance mondiales pour former une Insurance Task Force (ITF) qui s?est donné comme objet le soutien à la transition de l'industrie L?ITF, présidé par le Président de Lloyd's, Bruce Carnegie- Brown, a ainsi lancé en 2021 cinq initiatives clés qui visent à offrir de nouveaux produits et services d'assurance innovants, ainsi qu'un soutien financier et en gestion des risques dans certains secteurs et dans certaines régions. Le guide des bonnes pratiques de l'ITF vise à promouvoir une plus grande durabilité dans les chaînes d'approvisionnement de l'industrie de l'assurance. Douze grands assureurs et courtiers ont signé l'engagement d'agir et de soutenir leurs partenaires stratégiques de la chaîne d'approvisionnement dans leur transition écologique. Les signataires se sont engagés à prendre en compte les émissions au sein de leur chaîne d'approvisionnement directe en se concentrant sur trois actions clés : https://www.sustainable-markets.org/taskforces/insurance-taskforce/ https://a.storyblok.com/f/109506/x/8bcc80fd18/smi_itf_sustainable_supply_chain_best_practice_guide_final-1.pdf 94 1. Encourager et aider les fournisseurs à définir des objectifs de durabilité significatifs avec pour objectif ultime d'adopter des objectifs de Net Zéro alignés sur l'accord de Paris : les assureurs et courtiers encourageront leurs fournisseurs, lors des processus d'approvisionnement et ensuite par le biais d'une collaboration, à établir des objectifs de durabilité significatifs visant en fin de compte à adopter des objectifs de Net Zéro, par exemple une réduction de 50 % des émissions mondiales d'ici 2030 avant d'atteindre un bilan carbone net nul au plus tard en 2050. 2. Promouvoir des initiatives visant à mesurer l'empreinte carbone des chaînes d'approvisionnement de l'assurance et à rendre compte de manière transparente des progrès réalisés?; afin de favoriser des chaînes d'approvisionnement plus durables, le secteur élaborera des méthodologies pour évaluer et mesurer l'intensité carbone des fournisseurs afin d'identifier les points chauds. Une fois établies, ces méthodologies serviront à repérer les fournisseurs ayant une empreinte carbone moindre ou ceux qui prennent des mesures actives pour accroître leur durabilité. 3. Travailler pour résoudre les principaux problèmes d'émissions dans la chaîne d'approvisionnement : les signataires s'engagent à promouvoir la collaboration au sein du secteur pour s'attaquer aux parties de la chaîne d'approvisionnement ayant la plus grande empreinte carbone et à faciliter les meilleures pratiques pour accroître la durabilité. Cela permettra aux assureurs de reproduire et de développer les approches de gestion adoptées par les investisseurs et de stimuler le changement dans la chaîne d'approvisionnement à un niveau sectoriel, plutôt que seulement au cas par cas. L?ABI a également produit sa roadmap afin de clarifier, d?agir et de comptabiliser de manière transparente les engagements de l?assurance. Cette roadmap se concentre autour de 4 piliers?: 1. Atteindre le Net Zero en 2050?: Ils comptent faire par palier, dont ils doivent rendre compte tous les 5 ans. Ainsi, en 2025 ils devront avoir atteint la neutralité carbone sur le scope 1 et 2 et créer un plan de transition. En 2030, ils devront avoir réduit leurs émissions de moitié (ainsi que celles de leurs fournisseurs), celles-ci étant calculées sur le scope 1, 2 et 3. Enfin, les entreprises du secteur s'engagent à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050, en collaborant avec des cadres externes reconnus pour définir des objectifs spécifiques, en soumettant ces objectifs à un examen indépendant pour garantir leur évolution en fonction de la science, en élaborant un plan de transition responsable, en rapportant de manière transparente sur les progrès selon les principes du TCFD, en réduisant leurs émissions directes (portée 1 et 2), en identifiant les besoins en politiques supplémentaires et en éduquant les consommateurs sur les options pour réduire leur empreinte carbone. 2. Déployer une nouvelle capacité d?investissement et de financement pour la transition?: l?ABI pourrait financer, selon leurs calculs, jusqu?à 0,9 trillions de livres (le plan du gouvernement pour le Net Zero en nécessitant 2,7tn£ sur 15 ans), notamment via des flux de réinvestissement de 60Mds£ par an. Mais l?ABI explique également qu?elle a besoin de mécanismes incitatifs pour faire cela, notamment via la réforme de Solvency 2 qui diminuerait le besoin de capitaux à détenir. 3. Transformer l?opérationnel pour qu?il soit également soutenable?: cela passera, selon l?ABI, non seulement par un contrôle et une utilisation de l?innovation pour diminuer directement les émissions de scope 1 et 2, mais également par du offsetting -tout en reconnaissant qu?il faut mener un travail scientifique sur les crédits carbones ainsi créés qui peuvent être du greenwashing, en s?alliant notamment au Voluntary Carbon Markets Integrity Initiative (VCMI). L'objectif est d'intégrer des principes d'alignement sur la neutralité carbone dans l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement du secteur, encourageant ainsi tous les fournisseurs et partenaires à s'engager dans la transition vers la neutralité carbone. Le secteur collaborera également avec les PME pour les aider à progresser vers la neutralité carbone. Enfin, l?ABI envisage d'appliquer des approches similaires à la chaîne de transaction et de valeur impliquée dans la gestion de l'épargne à long terme et la fourniture de couverture d'assurance, à mesure que sa compréhension de ces questions évolue. 4. Aider la société à s?adapter?: Les actions entreprises dans cette direction doivent montrer le leadership et encourager le changement à travers l'investissement, le financement et la couverture d'assurance, tout en reconnaissant que la transition vers la neutralité carbone est un processus complexe à long terme. Le secteur s'engage également à travailler en collaboration avec les pouvoirs publics et les régulateurs pour intégrer le changement climatique dans chaque décision financière. https://www.abi.org.uk/globalassets/files/publications/public/climate-change/abi-climate-roadmap---080622.pdf 95 L'innovation, notamment dans le domaine de la technologie financière, et l'utilisation de données joueront un rôle clé pour répondre aux défis posés par le changement climatique. Dans ce document, l?ABI reconnait également les conclusions du rapport du WWF et de Greenpeace sur l'ampleur des "émissions financées" du secteur financier britannique, qui ont montré que les émissions de notre secteur font partie des plus importantes de l'économie. Dans le cadre de cette feuille de route, le secteur collabore avec des organisations telles que le Partenariat pour la Comptabilité Carbone Financière (PCAF) pour développer une méthodologie cohérente permettant de mesurer ces "émissions financées". Enfin, l?ABI a été très impliquée dans la formation du Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ) et l?organisation tente d?amener de plus en plus des assureurs la composant à rejoindre ce mouvement. L?ABI est également engagée dans la Science Based Targets Initiative (SBTi) promouvant les meilleurs pratiques «?science-led?». https://sciencebasedtargets.org/ 96 Déclarations d?intérêt des experts de la mission Gonéri LE COZANNET précise un conflit d?intérêt au titre de son rôle de coordinateur du projet européen CoCliCo visant à développer un modèle pour estimer les risques de submersion marine en Europe. Thierry LANGRENEY précise être administrateur indépendant au sein du Conseil d?administration de la société Europ Assistance Holding. Myriam MERAD précise être présidente du Conseil scientifique de l?association française pour la prévention des catastrophes naturelles et technologiques (AFPCNT). 97 Annexe 1 : Compte d?exploitation du Régime après rééquilibrage sur base des paramètres climatiques et économiques de 2022 Cette analyse et les travaux sous-jacents ont fait l?objet d?une revue actuarielle par un Actuaire Certifié désigné par le Ministère de l?économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Notre meilleure estimation du niveau de primes nettes de prélèvement nécessaire et suffisant pour un équilibre durable du régime est ainsi de 3.180 M¤, comme le montre le compte de résultat suivant (en gras les éléments modifiés par rapport au compte précédent) : A la charge du Régime : Charge de sinistralité moyenne attendue pour l?ensemble des périls (Source : Ateliers techniques de la mission avec la CCR) : 2.590 M¤, - Sécheresse : 1.030M¤ - Inondations : 920M¤ - Cyclones Antilles et Réunion : 320M¤ - Séisme : 200M¤ - Submersion : 64M¤ - Automobile : 56M¤ Coût des fonds propres (au-delà du taux sans risque) et de la garantie d?État pour solvabiliser les acteurs (1) : 555 M¤, - Pour les assureurs : 2,3% des primes = 73 M¤ - Pour la CCR : 300 M¤ - Pour l?État : 5,7% des primes = 182 M¤ Frais de gestion des sinistres et de la CCR (2) : 190 M¤. - Pour les assureurs : 150 M¤, - Pour la CCR : 40 M¤. Total des charges : 3.335 M¤, sur la base des portefeuilles assurés et des coûts opérationnels et de réparation de 2022. Au bénéfice du Régime : Les nouvelles primes Catastrophes naturelles représenteraient 3.200 M¤ Les produits financiers notionnels, hors taux sans risques sur actifs représentatifs des fonds propres représenteraient 125 M¤ - Pour les assureurs : 24 M¤, - Pour la CCR : 101 M¤. Total des revenus : 3.325 M¤. Solde net : -10 M¤. 98 Ce supplément de primes nettes de prélèvement de 1.300 M¤ rehausse également la base du prélèvement de 12% au titre du FPRNM. En moyenne pour chaque contrat d?assurance, la surprime Catastrophes Naturelles serait ainsi portée à 37¤, soit une hausse de 15¤ HT par an. (1) S?agissant de la CCR, a. La garantie de l?État permet de limiter ses fonds propres au niveau actuel, considéré suffisant par le superviseur, soit environ 5 000 M¤ fin 202212 pour un capital de solva- bilité requis (SCR) d?environ 3.000M¤. b. L?application de la prime de risque forfaitaire S2 à ce volume induit un objectif de ré- sultat avant IS de 6% x 5.000 M¤ = 300 M¤13 (net du coût de garantie de l?État, hors produits financiers au taux sans risque sur ces fonds propres), S?agissant des assureurs, a. Une exigence minimale de fonds propres au titre de Solvabilité 2 de 22,5% des primes an- nuelles Cat Nat est retenue en fonction de la réassurance, de la sinistralité attendue et des effets de diversification, b. Augmentée de 70% compte tenu du ratio de solvabilité (fonds propres/exigence S2) de 170% que les assureurs doivent classiquement présenter tant au superviseur qu?aux mar- chés financiers, c. Une rémunération attendue de ces fonds propres au-delà du taux sans risque de 6% x 38% soit 2,3% des primes totales Cat Nat, (2) Nous prenons en compte dans l?équation économique globale du Régime les seuls coûts de gestion des sinistres des assureurs, au niveau intermédiaire de 8% des primes 2022. S?agissant de la CCR : a. S?agissant des actifs représentatifs des provisions techniques, compte tenu de leur faible duration, nous retiendrons un niveau de produits financiers sur actifs représen- tatifs des provisions de 1,1% (8.742-5.000) soit un revenu à ce titre de 41 M¤. b. S?agissant des actifs représentatifs des fonds propres, il parait raisonnable d?attendre une contribution des produits financiers au-delà du taux sans risque sur actifs repré- sentatifs des fonds propres de 2% x 3 000 M¤ = 60 M¤ S?agissant des assureurs : La contribution des produits financiers sur actifs représentatifs des fonds propres à 2% au-dessus du taux sans risque apporte 0,76% des primes Catnat soit 24 M¤ 12 Source : Rapport SFCR CCR 2022 13 Soit un résultat normatif de la CCR de 400 m¤ avant IS y compris la rémunération des fonds propres à un taux sans risque de 2%. 99 Annexe 2 : Illustration d?évènements extrêmes Sécheresse annuelle ou pluriannuelle : effets du retrait gonflement d?argiles sur une large partie de la France : Source : CCR Source : CCR Sécheresse Illustration d?un événement extrême (F_FICTIF_202200_SECH_FRANCE_12298) Résultats MIP marché 2022 45 31/07/2023 Reconnaissances Demandes Eligibilité Communes reconnues Nbre communes 20 534 36 052 20 529 Dommages BE Q70 Q99 Coût simulé (Md¤) 7,6 7,7 8,0 Communes les plus couteuses Coût Toulouse 83 M¤ Bordeaux 42 M¤ Lille 23 M¤ Antony 22 M¤ Eligibilité Communes Moyenne 8 119 10ale 19 810 20ale 24 376 100ale 30 972 Inondation Illustration de l?année extrême Résultats MIP marché 2022 44 31/07/2023 ? Année maximale à 21 Mrds sur les 400 ans de simulation ? Crue de la Seine avec des dommages importants sur Paris ? Sur 50000 ans : 57Mdrs¤ Commune Pertes Paris 9 017 605 174 Boulogne-Billancourt 1 311 590 997 Levallois-Perret 719 258 739 Neuilly-sur-Seine 639 767 474 Puteaux 563 909 280 Clichy 513 655 928 Communes les plus touchées 100 Cyclone de niveau 5 comme IRMA dont la trajectoire traverserait la Grande Terre et la Basse Terre en Guadeloupe, au lieu de se limiter à Saint Martin et St Barthelemy comme en 2017 : Source : CCR 101 Séismes : Une courbe d?expérience sérieuse existe grâce à la bonne documentation des évènements majeurs en métropole même à des époques relativement anciennes, pour lesquelles on dispose d?archives historiques: 102 Annexe 3 : L?assurance des panneaux photovoltaïques sur toitures L?assurance de responsabilité civile décennale s?applique aux travaux de réalisations d?installations photovoltaïques, que le bâtiment soit neuf ou existant, et ce quel que soit son ancienneté. Elle est due par le constructeur titulaire d?un marché de travaux passé directement avec le maître d?ouvrage. Elle doit être souscrite avant le démarrage des travaux. Les assureurs prennent plusieurs critères en compte pour décider d?assurer un constructeur : le domaine de travaux concernés, le produit utilisé et son domaine d?emploi et l?entreprise de travaux ainsi que les garanties de qualité qu?elle présente. Les Documents Techniques Unifiés (DTU) regroupent les règles relatives aux « domaines traditionnels », relevant de la « technique courante », qui sont en théorie systématiquement couvertes par les assurances. Les techniques de construction plus récentes sont considérées par défaut comme des « techniques non courantes », et assurées au cas par cas. Les assureurs seront plus exigeants sur la qualité des produits utilisés, ainsi que la qualité des évaluations techniques, réalisées par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) ou des bureaux de contrôles indépendants. Les systèmes faisant l?objet d?un avis technique (ATec) délivrés par le CSTB sont considérés par défaut comme des techniques courantes et sont donc normalement assurés. Toutefois, l?Agence de Qualité Construction (AQC) peut décider de passer certains systèmes sous ATec en liste rouge, et les rétrograder ainsi en technique non courantes. Les systèmes faisant l?objet d?une enquête de technique nouvelle (ETN) délivrée par un bureau de contrôle relèvent tous de la technique non courante. Depuis 2017, les techniques de pose des modules photovoltaïques sur bâtiment ont évolué, du fait de l?assouplissement des conditions d?octroi d?un soutien public. Au lieu d?être intégrés au bâti, les modules sont désormais surimposés. Cette pose d?installations intégrées au bâti a engendré de nombreuses difficultés techniques du fait de problèmes de conception des produits et du manque de compétence de certains installateurs, et a entrainé une baisse de confiance de la part des assureurs. Pour faciliter l?obtention d?une assurance RC décennale, l?obtention d?évaluations techniques est essentielle. D?après le Groupement des Métiers du Photovoltaïques de la Fédération Française du Bâtiment, les industriels faisant l?effort d?obtenir une ATec se différencient des autres fabricants qui réalisent des ETN, car cela favorise grandement l?assurabilité de leurs systèmes. Les ETN, qui représentent 80% des procédés actuels, sont réalisées par un seul expert et concernent uniquement la partie solidité. Par conséquent, elles sont moins onéreuses que les ATec, mais ne présentent pas les mêmes garanties. Certains constructeurs peuvent obtenir une assurance sans passer ni par des ATec ni par des ETN, mais les tarifs d?assurances sont plus élevés et les garanties à apporter sont nombreuses. Généralement, ils s?associent avec des installateurs connus et réalisent des chantiers test. Les petites entreprises sont donc les premières concernées par les difficultés à s?assurer. Les obligations de solarisation des bâtiments vont se renforcer peu à peu sur la prochaine décennie. Plusieurs acteurs de la filière alertent ainsi sur la nécessité de mieux former les installateurs. Une formation différente pour les électriciens et les couvreurs est nécessaire. Les défauts de mise en oeuvre engendrent des sinistres et augmentent les problématiques assurantielles. Un groupe de travail piloté par l?INES réfléchit à la mise en place d?une formation nationale. Le problème de l?assurabilité PV existe. Cependant, le GMPV-FFB estime que les difficultés ont grandement diminué sur ces cinq dernières années. Il existe une solution de recours en cas de refus d?un assureur de fournir une assurance décennale. Conformément à l?article L. 243-4 du code des assurances, le constructeur peut saisir le Bureau central de tarification (BCT). Celui-ci aura alors pour rôle de fixer le montant de la prime moyennant laquelle l'entreprise d'assurance sera tenue de garantir le risque. D?après Hespul, les installateurs ont également des difficultés à trouver des assureurs en RC et en assurance multirisque, notamment lorsqu?il s?agit d?une location de toiture (passage par un tiers). 103 Enfin, la nature de l?industrie peut augmenter cette difficulté à s?assurer : les scieries, industries textiles et déchets qui souhaitent installer des panneaux peuvent éprouver des difficultés à s?assurer. Une communication à destination des assureurs paraît nécessaire pour a minima garantir que les freins liés à l?historique du photovoltaïque sur bâtiment (et notamment à l?intégration au bâti) soient levés. 104 Annexe 4 : Banques ? Textes prévus pour la révision de la CRD L?article?76 est modifié comme suit: a)??????le paragraphe?1 est remplacé par le texte suivant: «1. Les États membres veillent à ce que l?organe de direction approuve et revoie au moins tous les deux ans les stratégies et politiques régissant la prise, la gestion, le suivi et l'atténuation des risques auxquels l'établissement est ou pourrait être exposé, y compris les risques générés par l'environnement macroéconomique dans lequel il opère, eu égard à l'état du cycle économique, et de ceux résultant des incidences ac- tuelles et à court, moyen et long termes des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance.»; b)??????au paragraphe?2, l?alinéa suivant est ajouté: «Les États membres veillent à ce que l?organe de direction mette en place des plans spécifiques et des objectifs quantifiables pour surveiller et traiter les risques découlant à court, moyen et long termes du décalage entre le modèle d?entreprise et la stratégie des établissements, d?une part, et les objectifs stratégiques pertinents de l?Union ou les grandes évolutions de la transition vers une économie durable pour ce qui est des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, d?autre part.»; Un nouvel article?87?bis?est inséré: «Article?87?bis? Risques environnementaux, sociaux et de gouvernance 1. Les autorités compétentes veillent à ce que les établissements disposent, dans le cadre de leur dispositif solide de gouvernance comprenant le cadre de gestion des risques requis au titre de l?article?74, paragraphe?1, de stratégies, de politiques, de processus et de systèmes solides permettant d'identifier, de mesurer, de gérer et de suivre les risques environnemen- taux, sociaux et de gouvernance sur des périodes adéquates de différentes longueurs. 2. Les stratégies, politiques, processus et systèmes visés au paragraphe?1 sont proportionnés à l?échelle, à la nature et à la complexité des risques environnementaux, sociaux et de gou- vernance du modèle d?entreprise et à l'étendue des activités de l?établissement, et portent sur un horizon à court terme, un horizon à moyen terme et un horizon à long terme d?au moins 10 ans. 3. Les autorités compétentes veillent à ce que les établissements testent leur capacité à ré- sister aux effets négatifs à long terme des facteurs environnementaux, sociaux et de gouver- nance, tant dans des scénarios de référence que dans des scénarios défavorables sur une période donnée, en commençant par les facteurs liés au climat. Pour les besoins des tests, les autorités compétentes veillent à ce que les établissements prévoient un certain nombre de scénarios environnementaux, sociaux et de gouvernance qui intègrent les incidences po- tentielles des changements environnementaux et sociaux et des politiques publiques con- nexes sur l?environnement économique à long terme. 4. Les autorités compétentes évaluent et suivent l?évolution des pratiques des établisse- ments en ce qui concerne leur stratégie en matière environnementale, sociale et de gouver- nance et la gestion des risques qui s?y rapportent, y compris les plans à élaborer conformé- ment à l?article 76, ainsi que les progrès accomplis et les risques liés à l?adaptation de leurs modèles d?entreprise aux objectifs stratégiques pertinents de l?Union ou aux grandes évolu- tions de la transition vers une économie durable, compte tenu de l?offre de produits liés à la durabilité, des politiques de financement de la transition, des politiques connexes d?octroi de prêts et des objectifs et limites en matière environnementale, sociale et de gouvernance. 5. L'ABE émet des orientations, conformément à l'article?16 du règlement (UE) n°?1093/2010, afin de préciser: 105 a)??????les normes minimales et les méthodes de référence pour l'identification, la mesure, la gestion et le suivi des risques environnementaux, sociaux et de gouvernance; b)??????le contenu des plans à élaborer conformément à l?article?76, qui comprennent des ca- lendriers précis et des objectifs intermédiaires et des valeurs cibles quantifiables, afin de faire face aux risques découlant du décalage entre le modèle d?entreprise et la stra- tégie des établissements, d?une part, et les objectifs stratégiques pertinents de l?Union ou les grandes évolutions de la transition vers une économie durable pour ce qui est des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance, d?autre part; c)??????les critères qualitatifs et quantitatifs d?évaluation de l?incidence des risques environne- mentaux, sociaux et de gouvernance sur la stabilité financière des établissements à court, moyen et long termes; d)??????les critères de définition des scénarios et des méthodes visés au paragraphe?3, y com- pris les paramètres et hypothèses à utiliser pour chacun des scénarios et des risques spécifiques. L?ABE publie ces orientations au plus tard le [OP: prière d'insérer la date correspondant à 18 mois après l?entrée en vigueur de la présente directive modificative]. L?ABE actualise régulièrement ces orienta- tions, afin de tenir compte des progrès accomplis dans la mesure et la gestion des facteurs environne- mentaux, sociaux et de gouvernance, ainsi que de l?évolution des objectifs stratégiques de l?Union en matière de durabilité ». 106 Annexe 5 : Eléments de synthèse de l?étude comparative internationale Les services économiques de huit pays (Belgique, Espagne, Etats-Unis, Japon, Nouvelle-Zélande, Pays- Bas, Royaume-Uni, Suisse) ont été sollicités dans le cadre d?un travail de parangonnage visant à apporter un éclairage sur différents modèles assurantiels de couverture des catastrophes naturelles et les pratiques de prévention des risques associés. Cette analyse s?inscrit dans le contexte des travaux menés par la mission confiée mi-2023 à trois experts portant sur l?adaptation du système assurantiel français face à l?évolution des risques climatiques. Cette synthèse dresse un état des lieux de différents modèles d?assurance des risques climatiques, en distinguant les pays ayant développé une couverture assurantielle publique (i) et ceux reposant principalement sur l?assurance privée (ii), et analyse les pratiques des acteurs assurantiels en matière de prévention de ces risques (iii). Plusieurs pays ont développé des mécanismes d?assurance publique pour la couverture des risques climatiques Dans les pays où des acteurs publics assurent directement certains risques climatiques, ces acteurs interviennent le plus en souvent en couverture complémentaire de l?assurance privée, mais peuvent également agir en substitution du marché pour couvrir un ou plusieurs risques non assurés par le marché. En Espagne, une entreprise publique, le consorcio de compensacion de seguros (CCS), intervient en tant qu?assureur en complément de l?assurance privée gérant la police de base, pour couvrir les risques extraordinaires. Le modèle suisse est fondé, selon les cantons, sur un monopole accordé un établissement cantonal d?assurance public (ECA) géré par chaque canton pour la couverture de certains aléas naturels (inondations). En Nouvelle-Zélande, un assureur public (earthquake commission - EQC) intervient à côté de mécanismes assurantiels privés pour la couverture des premières pertes liées aux catastrophes naturelles (le marché privé assurant une couverture complémentaire). La souscription d?une assurance privée est une condition d?accès à la couverture de base publique. La commission EQC bénéficie d?une garantie de l?Etat en cas de défaillance. Il est très fréquent que ces modèles d?intervention publique lient la couverture des catastrophes naturelles à la souscription d?une garantie incendie, ce qui a pour effet d?étendre le taux de couverture lorsque la garantie n?est pas obligatoire. En outre, les modèles fondés sur une offre d?assurance publique (partielle ou totale) intègrent le plus souvent une logique de groupement d?achat de capacité de réassurance sur les marchés (Union intercantonale de réassurance en Suisse, EQC en Nouvelle- Zélande). Une majorité de pays s?appuient sur des mécanismes assurantiels privés avec un encadrement public des conditions de marché ou une intervention ciblée Aux Pays-Bas, la couverture des risques climatiques est principalement assurée par des mécanismes assurantiels privés, à l?exception notable des inondations (qui concernent 70% de la population), aléa pour lequel un schéma complexe de répartition de la couverture entre le secteur privé et l?Etat est en place, en fonction de la nature du phénomène à l?origine de l?inondation. En pratique, l?Etat intervient, par voie budgétaire, en cas de tremblements de terre importants et d?inondations par eau douce. Ce schéma de partage complexe implique que l?anticipation d?un soutien public est considérée comme un frein au développement de l?assurance. Au Royaume-Uni, l?intervention publique reste limitée, à l?exception du dispositif Flood Re - fonds de réassurance à but non lucratif détenu et géré par des assureurs privés ?qui vise à faciliter l?accès à l?assurance contre les inondations des ménages modestes en proposant une garantie publique en cas d?inondations extrêmes. L?Association of British Insurers (ABI) a conclu et renouvelé une déclaration de 107 principes avec le gouvernement à travers lequel les assureurs membres de l'ABI s?engagent à assurer les propriétés présentant un risque élevé d'inondation, en contrepartie d?un engagement de l?Etat à investir dans les infrastructures de prévention ou en partageant le coût des dommages en cas de situation extrême. En Belgique, la garantie catastrophes naturelles relève exclusivement du secteur privé et est comprise dans la couverture incendie, ce qui assure sa large diffusion. La loi permet toutefois aux compagnies d?assurances de limiter le montant de l?indemnisation par sinistre climatique, qui peut être complétée par une indemnité publique complémentaire provenant de fonds publics régionaux (à l?exception des ménages à faible revenus, ce soutien public est conditionné à la souscription d?une couverture incendie). A la suite des fortes inondations survenues en 2021, ce modèle a montré des limites et est en cours de réforme (relèvement du plafond de limite d?intervention de l?assureur et analyse de solutions assurantielles alternatives). De la même manière, au Japon, les risques climatiques sont couverts essentiellement par des mécanismes de marché, à travers des garanties facultatives adossées aux contrat d?habitation/incendie. Toutefois, en cas de tremblements de terre ou de tsunami, pour les particuliers, la loi prévoit une obligation de réassurance faisant intervenir conjointement le secteur privé et public, à travers la Japan earthquake resinsurance company (JER), opérateur détenu par une dizaine d?assureurs qui retransfère une partie des risques à l?Etat selon un partage à trois étages. Aux Etats-Unis, l?assurance des risques climatiques fait l?objet d?une action limitée de l?Eta fédéral, qui intervient principalement sur certains risques d?inondations et agricoles ou lors de réponses d?urgence (via le disaster relief fund et la FEMA). Au niveau des Etats fédérés, les situations sont très variables, même si une majorité d?Etats ont mis en place des programmes fair access to insurance requirements gérés et financés par le secteur assurantiel, parfois subventionnés ou garantis par les Etats. Le programme FAIR californien, l?un des plus importants, est intégralement supporté par l?assurance privée et comporte une obligation de groupement. La Floride a de son côté déployé un système couplant une assurance publique (CPIC) pour les ménages à faibles revenus et un fonds de réassurance face aux effets des ouragans. Dans la plupart des pays étudiés, le taux de couverture de l?assurance récolte reste faible La plupart des pays étudiés ont développé des mécanismes de soutien public à l?assurance récolte. Pour autant, le taux de couverture est très inégal selon les filières (Espagne, Japon, Suisse) ou la taille des exploitations (Etats-Unis). Certains pays développent des exonérations de taxes ou des subventions à l?assurance (Pays-Bas) pour dynamiser cette couverture, d?autres ont mis en place une réassurance publique (Espagne, Japon, Etats-Unis). Aux Etats-Unis, l?Etat fédéral est historiquement très impliqué dans la couverture assurantielle et la réassurance des risques agricoles à travers le Federal crop insurance program associant le secteur privé et l?Etat, qui réglemente, subventionne, réassure et rembourse les coûts de distribution d?environ deux millions de polices d?assurance. Si le taux de couverture des terres cultivées des grandes exploitations est très large, moins de 20% des fermes possédant des terres cultivées sont assurées. La contribution assurantielle privée à la prévention des risques naturels reste très limitée De manière générale, il n?existe pas dans les pays sous revue de contribution financière des acteurs assurantiels privés à la prévention des risques naturels, les efforts étant principalement ciblés sur la sensibilisation, le développement d?outils de diagnostics et le déploiement de dispositifs d?alerte. La politique de financement et de gestion de la prévention des risques demeure largement dévolue aux autorités publiques nationales ou locales (selon les pays). Il existe une exception notable en Suisse, les ECA (assureurs publics) disposant d?un rôle direct élargi dans le financement et la gestion de la politique de prévention et d?intervention d?urgence. Ils interviennent à la fois dans la prévention collective et individuelle (aides financières, recommandations lors des dépôts de permis de construire, etc.). 108 Dans le cadre des autres pays étudiés, il n?a pas été identifié de dispositif de financement de la prévention individuelle ou collective associant l?assurance privée. Toutefois, en Californie, une réforme adoptée fin 2022 par le commissaire aux assurances impose désormais aux assureurs d?appliquer une décote sur les primes pour les assurés qui ont entrepris des mesures de prévention, parmi une liste d?actions déterminées. La Louisiane a déployé des dispositions comparables pour les assurés ayant construisent ou rénovent un bien immobilier intégrant des exigences de résistance aux ouragans. Aux Pays-Bas, l?association des assureurs a indiqué son intérêt à impliquer le secteur financier en contrepartie d?une inclusion dans les réflexions publiques sur l?aménagement du territoire. Enfin, au Royaume-Uni, l?ABI a un rôle important de plaidoyer en faveur du renforcement des financements publics pour l?adaptation face au risque d?inondation, notamment en publiant conjointement avec Flood Re des évaluations sur le rapport coût-bénéfice de la prévention, mais sans que des contributions chiffrées d?assureurs n?aient été identifiées dans ce contexte. 109 Annexe 6 : Liste des auditions menées dans le cadre de la mission Administration et institutions publiques Direction générale des outre-mer (MIOM) Olivier JACOB, directeur général Natalie WILLIAM, sous-préfète, chargée de mission auprès du DGOM Camille DAGORNE, directrice de cabinet du DGOM DG Trésor (MEFSIN) Martin LANDAIS, sous-directeur des assurances Paul CASSAVIA, adjoint au chef du bureau ASSUR2 Romain LOISEAU, adjoint au chef du bureau ASSUR2 Direction de l?habitat, de l?urbanisme et des paysages (MTECT) Antoine CARON, sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction Quentin DESLOT, chef du bureau de la qualité technique et de la réglementation technique de la construction Direction du Budget (MEFSIN) Sophie ARGENCE, adjoint à la cheffe du bureau de l'intérieur et de l'action gouvernementale Elisabeth De COUESSIN, Adjointe au chef du bureau du développement durable Léonard CROS LE LAGADEC, adjoint au chef du bureau énergie et climat (référent transversal adaptation) Direction générale de l?énergie et du climat (MTECT) Marie CARREGA, cheffe du bureau adaptation Direction générale de la prévention des risques (MTECT) Cédric BOURILLET, délégué aux risques majeurs Véronique LEHIDEUX, chef du service des risques naturels Mission sur le risque RGA Vincent LEDOUX, député du Nord Sylvie BANOUN, IGEDD Benoit CHATARD, IGA Louis-Alexis LUCHTENBERG, chargé de mission, cabinet MIOM Mission sur le financement du recul du trait de côte Marie-Luce BOUSSETON, Inspectrice, IGA Jean-François LANDEL, Inspecteur, IGEDD Organismes publics de recherche BRGM Gilles GRANDJEAN, directeur du programme Risques Naturels Sébastien GOURDIER, responsable de l?unité Risques Instabilités Gravitaires et érosion des versants et des sols) CEREMA Pascal BERTEAUD, directeur général Anabelle FERRY, directrice Territoires et villes Yann DENIAUD, responsable du secteur des risques naturels Eric MOULINE, directeur technique infrastructures de transports et matériaux INERIS Nathalie HOMOBONO, présidente du conseil d'administration INRAE Alban THOMAS, Directeur de recherche Marielle BRUNETTE, Directrice de recherche Institut Paris Région Ludovic FAYTRE, Responsable Etudes "Risques majeurs - Aménagement", Département Environnement IRSN HERVIOU Karine, directrice générale adjointe, chargée de la sécurité nucléaire Claire-Marie Duluc Cheffe du Service de caractérisation des sites et des aléas naturels Météo-France Patrick JOSSE, directeur de la Climatologie Benoit THOME, directeur des Relations Institutionnelles Université de Strasbourg Sandrine SPAETER-LOEHRER, Professeur 110 Entreprises d?assurance, de réassurance et écosystème assurantiel ACPR Patrick MONTAGNER, Premier Secrétaire général adjoint Cyrille AMAND, adjoint au directeur des affaires internationales Lisa BIERMANN, adjointe au directeur des affaires internationales (pôle finance durable) Anne-Lise BONTEMPS-CHANEL, Directrice adjointe à la 2ème Direction du contrôle assurance Sacha HOFFMAN, adjoint au directeur des affaires internationales (pôle finance durable) Yann MARIN, adjoint au directeur des affaires internationales Pascal VICTOR-BELIN, Responsable du service des affaires internationales AEMA Xavier MICHEL, Directeur des affaires publiques Christophe VALERO, Directeur réassurance groupe Benjamin VOSSEY, Directeur performance opérationnelle indemnisation IARD Christian DE BOISSIEU, Directeur général Abeille IARD & santé AON FRANCE Emmanuel LE FLOC?H, DG Reinsurance Solutions AGEA Pascal CHAPELON, président Grégoire DUPONT, directeur général Julien ARNOULT, Responsable des études et des relations institutionnelles Thomas ALVAREZ, chargé d?études et de relations institutionnelles Assurances du Crédit Mutuel (ACM) Pierre REICHERT, président du directoire AXA France Guillaume BORIE, DG AXA France Matthieu GODART, DG AXA IARD et partenariats Hubert MARCK, sous-directeur affaires publiques d?AXA France Etienne LACOURT, directeur de la stratégie Caisse Centrale de Réassurance (CCR) Edouard VIEILLEFOND, Directeur général Antoine QUANTIN, Directeur de la réassurance publique Thierry COHIGNAC, Directeur Adjoint Réassurances et Fonds Publics Nicolas BAUDUCEAU, Directeur des fonds publics et de la prévention Comité des Assureurs Antilles-Guyane Cédric VALES, président Comité des assureurs Réunion ? Mayotte Ensemble des représentants du comité COVEA Valérie COHEN, DG Offres services groupe Stéphane COSSE, Directeur des affaires publiques Charles DUMARTINET, responsable risques majeurs Xavier GUEGUEN, responsable du suivi économique activité non vie, chargé de l?équipe de modélisation climat Odile LASTERNAS-BRECY, Directrice marché entreprises MMA Olivier LE BORGNE, DG investissements Romain MARTEAU, expert cat modelling Aude MESSIN, directrice de la transformation finance et durabilité Ann STEENACKER, Directrice programmes transformation IARD Crédit Agricole Assurances (Pacifica) Guillaume ORECKIN, directeur général, DGD de Crédit agricole assurances Antoine JOLIVEL, Secrétaire général Yann RENAUT, DGA Virginie SALAUN, directrice fonction gestion actuarielle EIOPA Casper CHRISTOPHERSEN, Studies & Statistics Team Leader, Risks and Financial Stability Department Marie SHOLER, senior expert in Policy Sustainable Finance Luisa MAZZOTTA, expert on Risk and Financial Stability Kumar HRADAYESH, Financial stability expert Generali Jean-Laurent GRANIER, P-DG France et activités globales GCC, Europ Assistance et corporate benefits Jean-Louis CHARLUTEAU, directeur de la réassurance et du Generali climate lab Stéphane FANG, Chief actuary, directeur technique IARD et Vie, prévoyance santé et data Elise GINIOUX, directrice RSE, communication, affaires publiques mailto:Casper.Christophersen@eiopa.europa.eu https://de.linkedin.com/in/luisa-mazzotta-37462093/en https://de.linkedin.com/in/luisa-mazzotta-37462093/en 111 Groupama Thierry MARTEL, Directeur général Pierre LACOSTE, Directeur en charge de la réassurance Jérôme NARBONNE, Directeur des affaires publiques Guy Carpenter France (Marsh McLennan) Christophe GAUDRON, Directeur général France Jumasavi Julien MOREL, directeur général MAIF /SMACL Pascal DEMURGER, Directeur général Hélène N?DIAYE, DGA en charge de l'Assurance de Personnes, des Investissements, de l'Actuariat et de la Data Patrick BLANCHARD, DGA en charge du BtoB et DG de SMACL Assurances SA Thierry BIARDEAU, Directeur technique assurance Stéphane TISSERAND, Responsable des Affaires publiques MATMUT Stéphane MULLER, Directeur Assurance IARD Particuliers et Entreprises Emeric BELLANGER, Directeur Technique Indemnisation et Tarification Philippe MARAVAL, Directeur Supports Indemnisation et risques opérationnels Munich Re Michel RANISE, Directeur général France Predict services Alix ROUMAGNAC, président RMS (Moody?s) Laurent MARESCOT, Senior Director, Market and Product Expert EMEA / CIS Katarina MARIE, responsable clientèle Jean-Clément HARDOUIN, Moody?s analytics RMS Marc BAJONGA, relationship manager Government SCOR Romain LAUNAY, Deputy CEO Scor P&C Henri BOVY, Accumulation Team Property Lead (responsable souscription et modelling CatNat Monde) Yves DOMMERGUES, directeur de marché France Benelux SCOR P&C (représentant à la commission CatNat de l?APREF) SMA-BTP Pierre ESBARBES, Président-Directeur général Swiss Re Walter ERAUD, directeur général France Arthur DUTEL, directeur P&C reinsurance, Swiss Re (VP comité non-vie et président de la commission CAT de l?APREF) Zurich Insurance Benedicte CONSTANS, directrice de la communication et des affaires publiques France Matt HOLMES, Group head of political and government affairs Danaelle LE MAO, Responsable Ingénierie Prévention (France) Amar RAHMAN, Global Head of Zurich Risk Engineering Denis STASINSKI, chief underwriting officer, Zurich France Associations, société civile, experts Association française de prévention des risques naturels majeurs (AFPCNT) Christian KERT, président Anne-Marie LEVRAUT, vice-présidente Ghislaine VERRHIEST-LEBLANC, directrice générale Association nationale des élus des bassins Catherine GREMILLET, directrice Bruno FOREL, co-Président Frederic MOLOSSI, Président Ateliers du Futur Bernard BLEZ, Expert énergie Noel LEGER, Secrétaire général, expert réglementation internationale Association des Maires de France Sébastien LEROY, Maire de Mandelieu-La Napoule, VP de l?agglomération Cannes Lérins Eric MENASSI, maire de Trèbes, président de l?association des Maires de l?Aude, VP de Carcassonne Agglo Stéphanie BIDAULT, chargée risques et crise Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) Fanny ARAV, économiste et urbaniste François-Xavier BRUNET, agent général d?assurance, Vice-Président de CCI France Isabelle HUYNH, administratrice (Section de l'économie et des finances) 112 France Digues Périnne BROUST, Directrice Haut Conseil pour le Climat (HCC) Corinne LE QUERE, Présidente, climatologue, auteure de trois rapports de synthèse du GIEC Valérie MASSON-DELMOTTE, chercheuse en sciences du climat, co-présidente du groupe de travail sur les bases physiques du changement climatique du GIEC Sylvain MONDON, Directeur adjoint, spécialiste de l'adaptation Institut pour la Maitrise des Risques (IMdR) Yves MERIAN, Vice-Président I4CE Benoit LEGUET, directeur général Anuschka HILKE, directrice de programme Règlementation financière, Financement du développement Vivian DEPOUES, chercheur sénior en adaptation au changement climatique Reclaim Finance Antoine LAURENT, responsable plaidoyer Ariel LE BOURDONNEC, chargé de campagne Shift Project Genevieve FERONE, Vice-Présidente, fondatrice d?une société de conseil en stratégie post-croissance Michel LEPETIT, Vice-Président, ancien cadre dans le secteur assurantiel et bancaire Nathalie LIMENTOUR, responsable des affaires publiques des shifters (bénévole) UNALCI Josiane JANISSET, Présidente Fédérations, organisations professionnelles AMRAE Hubert de l?ESTOILE, Délégué général Michel JOSSET, Directeur Assurances Prévention et Immobilier FORVIA (membre du CA et président de la Commission Prévention et Dommages de l?AMRAE) APREF Nicolas BOUDIAS, Délégué général Dominique LAURE, DGA Liberty mutual Re (membre du CODIR de l?APREF) Confédération paysanne Amandine MALLANTS, chef d?exploitation, comité Confédération Paysanne de l'Hérault Nicolas LE BOEDEC, animateur chargé de la. Commission OGM-Semences Thomas GIBERT, porte-parole de la confédération paysanne en Haute-Vienne France Assureurs / Mission Risques Naturels Franck LE VALLOIS, directeur général Christophe DELCAMP, directeur des assurances de dommages et responsabilité Anne-Sophie ROUSSEL-TRUFFY, Responsable risque habitation & Outre-mer Sarah GERIN, directrice de la MRN Viviane MITRACHE, Directrice des affaires publiques France Christian PIEROTTI, Director, of Public Affairs, European and International Affairs (président du groupe « Risque climatique » au GFIA) Emilie BEL, Deputy to the Public Affairs Director - Head of International Affairs Fédération Française du Bâtiment (FFB) Valery LAURENT, chef du service normalisation et rapporteur de la commission technique Sarah LESPINASSE, chef du service Assurances (direction juridique et fiscale) Julien SERRI, Pôle habitat, délégué national aux affaires techniques (constructeurs et promoteurs) Didier VALEM, Directeur des affaires techniques, chef de service qualité-construction, Fédération des sociétés d?expertise (FSE) /Compagnie des experts agréés (CEA) Olivier BONIFACE, Président de la CEA Lionel LAFFIN, expert CRAC Emmanuel VILLETTE, Président de la FSE AFB EXPERTISE Franck BECHADE, ingénieur expert FNSEA Franck LABORDE, membre du bureau de la FNSEA, président de la commission des risques climatiques et sanitaires, président de l?AGPM Laurent WOLTZ, chef du service juridique, en charge du suivi des risques en agriculture 113 Annexe 7 : Bibliographie indicative Ribes, A., Boé, J., Qasmi, S., Dubuisson, B., Douville, H., & Terray, L. (2022). An updated assessment of past and future warming over France based on a regional observational constraint. Earth System Dynamics, 13(4), 1397-1415 Battaglioli, F., Groenemeijer, P., Púcik, T., Taszarek, M., Ulbrich, U., & Rust, H. (2023). Modelled multidecadal trends of lightning and (very) large hail in Europe and North America (1950?2021). Journal of Applied Meteorology and Climatology. 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