Rapport d'enquête technique sur la collision arrière d'un poids lourd par un minibus de 9 places survenue le 6 août 2021 sur l'autoroute A75 à Saint-Poncy (Cantal)

Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre
Auteur secondaire
Résumé
<p align="justify" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm">Le vendredi 6 août 2021 à Saint-Poncy (Cantal) vers 7 h 30, un minibus circulant sur l'autoroute A75 percute l'arrière d'un poids lourd. Le minibus a heurté par son avant droit l'angle arrière gauche de la semi-remorque, puis s'est encastré sous celle-ci, blessant mortellement le passager assis à l'avant droite. La cause de l'accident est un défaut d'attention combiné à une hypovigilance liée à la fatigue. A l'issue de son enquête le BEA-TT émet cinq recommandations et quatre invitations à l'attention de l'exploitant autoroutier, des organismes de formation des conducteurs de véhicules lourds et des organisations professionnelles, des constructeurs de ces véhicules, des ministères en charge des infrastructures et de la sécurité routière et des ministères concernés par le convoyage d'enfants par minibus.</p>
Editeur
BEATT
Descripteur Urbamet
accident de la route ; transport de personnes ; poids lourd ; blessé
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
RAPPORT D?ENQUÊTE TECHNIQUE sur la collision arrière d'un poids lourd par un minibus de 9 places survenue le 6 août 2021 sur l'autoroute A75 à Saint-Poncy (Cantal) Décembre 2023 Avertissement L?enquête technique faisant l?objet du présent rapport est réalisée dans le cadre des articles L.1621-1 à 1622-2 et R.1621-1 à 1621-26 du Code des transports relatifs, notamment, aux enquêtes techniques après accident ou incident de transport terrestre. Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents. Sans préjudice, le cas échéant, de l?enquête judiciaire qui peut être ouverte, elle consiste à collecter et analyser les informations utiles, à déterminer les circonstances et les causes certaines ou possibles de l?évènement, de l?accident ou de l?incident et, s?il y a lieu, à établir des recommandations de sécurité. Elle ne vise pas à déterminer des responsabilités. En conséquence, l?utilisation de ce rapport à d?autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées. Glossaire ? ACM: Accueil collectif de mineurs (dénomination des centres de vacances, de loisirs, etc.) ? ANATEEP: Association nationale pour les transports éducatifs de l?enseignement public ? ASFA: Association professionnelle des sociétés françaises concessionnaires ou exploitantes d'autoroutes ou d'ouvrages routiers ? BAU: Bande d?arrêt d?urgence ? CAJ: Centre d?animation jeunesse ? Cerema: Centre d?études et d?expertise sur les risques, l?environnement, la mobilité et l?aménagement ? CETE(dissous et intégré au Cerema en 2013): Centre d?études techniques de l?Équipement ? DIRMC: Direction Interdépartementale des Routes Massif Central ? DREAL: Direction régionale de l?environnement, de l?aménagement et du logement ? EDA: Etude détaillée d?accident ? PL: Poids lourd ? PR: Point de repère (ou point kilométrique) ? PTRA: Poids total roulant autorisé ? SAMU: Service d?aide médicale urgente ? SMUR: Service mobile d?urgence et de réanimation ? (démarche) SURE: (démarche de) sécurité des usagers sur les routes existantes ? TMJA: Trafic moyen journalier annuel ? VL: Véhicule léger ? VSVL: Voie spécialisée pour véhicules lents Bordereau documentaire Organisme auteur: Bureau d?Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT) Titre du document: Rapport d?enquête technique sur la collision arrière d?un poids lourd par un minibus de 9 places survenue le 6 août 2021 sur l?autoroute A75 à Saint-Poncy (Cantal) N°ISRN: EQ-BEAT?23-11--FR Affaire n° BEATT-2021-08 Proposition de mots-clés: poids lourd, minibus, hypovigilance, vitesse, formation, infrastructure, rampe Synthèse Le vendredi 6 août 2021 à Saint-Poncy (Cantal) vers 7h30, un minibus circulant sur l?autoroute A75 en direction du sud et transportant huit adolescents de 14-16 ans, a percuté l?arrière d?un poids lourd qui circulait sur la voie de droite de l?autoroute. Le minibus a heurté par son avant droit l?angle arrière gauche de la semi-remorque, puis s?est encastré sous celle-ci avant d?être stoppé net, provoquant l?arrachement du côté droit et du toit du véhicule et blessant mortellement le passager assis à l?avant droite. Le poids lourd circulait à une vitesse de moins de 50km/h dans cette section de l?autoroute A75 qui se caractérise par une longue et forte montée, dite rampe de Massiac. Le minibus circulait en convoi avec un autre le précédant. Partis d?Amiens (Somme) dans la nuit, ces deux véhicules de location transportaient 15 adolescents dans le cadre d?un séjour de vacances au Cap d?Agde organisé par la ville d?Amiens et étaient conduits par deux animateurs jeunesse employés par la collectivité. Un troisième encadrant, qui exerçait la fonction de direction du séjour, se trouvait dans le minibus de tête. La cause directe de l?accident est un défaut d?attention combiné à une hypovigilance liée vraisemblablement à un état de fatigue, ayant amené le conducteur à ne pas apprécier correctement la vitesse de rapprochement de son véhicule lors de la manoeuvre de dépassement du camion qu?il avait entreprise, voire également, dans le cas où le minibus se trouvait sur la voie de gauche avant la collision, à dévier de sa trajectoire pour dériver vers la voie de droite. Le rapport présente de manière didactique les processus de vigilance et d?attention en conduite automobile et souligne les risques d?hypovigilance lors des trajets sur autoroute et liés en particulier au manque de sommeil et à l?usage du régulateur de vitesse. Le minibus de 9 places, qui est une voiture particulière sur le plan réglementaire, est régulièrement utilisé par les centres de vacances ou de loisirs et les associations pour le transport d?adolescents et d?enfants bénéficiaires, et dont la conduite ne nécessitant pas de permis spécifique est généralement assurée par un des membres. Il importe que les organisateurs de ces déplacements soient particulièrement vigilants aux conditions de leur préparation et de leur réalisation et de manière à permettre également à leurs conducteurs de se prémunir de la fatigue. L?important différentiel des vitesses entre le minibus et le poids lourd et le fait que ce dernier roulait, sans signal de détresse activé, à une vitesse nettement inférieure à la vitesse habituelle d?un camion sur autoroute constituent des facteurs contributifs de l?accident. Le rapport présente d?une part l?étude que le BEA-TT a fait réaliser à partir de l?exploitation des données de véhicules connectés et portant sur la vitesse des poids lourds dans la rampe de Massiac et la comparaison des incidents sur un linéaire des autoroutes A75 et A71. D?autre part, il fait le point sur les connaissances relatives à l?évolution des vitesses des poids lourds en rampe et sur les études antérieures qui traitent de l?accidentalité liée à ces véhicules dans les rampes autoroutières et qui tendent à mettre en évidence un sur-risque. Il importe donc que l?usage des feux de détresse soit systématisé par les véhicules lents en rampe et que ces sections fassent l?objet d?un suivi, prenant en compte leurs accidents et incidents, ainsi que d?un meilleur signalement du risque de heurt de véhicule lent. Le BEA-TT formule sur ces points cinq recommandations et quatre invitations, à l?attention de l?exploitant autoroutier, des organismes de formation des conducteurs de véhicules lourds et des organisations professionnelles, des constructeurs de ces véhicules, des ministères en charge des infrastructures et de la sécurité routière et des ministères concernés par le convoyage d?enfants par minibus. 3 SOMMAIRE SYNTHÈSE.....................................................................................................................................3 1 - CONSTATS IMMÉDIATS ET ENGAGEMENT DE L?ENQUÊTE.............................................6 1.1 - Les circonstances de l?accident........................................................................................6 1.2 - Le bilan humain et matériel...............................................................................................7 1.3 - L?engagement et l?organisation de l?enquête....................................................................7 2 - CONTEXTE DE L?ACCIDENT.................................................................................................8 2.1 - L?infrastructure routière.....................................................................................................8 2.1.1 - Les caractéristiques générales de l?autoroute A75................................................................................8 2.1.2 - La zone de l?accident............................................................................................................................. 9 2.1.3 - La montée vers le col de la Fageole et la rampe de Massiac..............................................................11 2.1.4 - Le trafic sur l?A75 au niveau de la zone de l?accident..........................................................................14 2.2 - Les conditions météorologiques lors de l?accident.........................................................15 2.3 - Le transport de collectif d?enfants en minibus.................................................................15 2.3.1 - Le contexte réglementaire lié au minibus............................................................................................15 2.3.2 - Le cadre réglementaire des séjours de vacances et des accueils de loisirs........................................16 2.4 - L?organisation du séjour de vacances par la ville d?Amiens...........................................17 3 - COMPTE RENDU DES INVESTIGATIONS EFFECTUÉES.................................................18 3.1 - L?état des lieux et les constatations après l?accident......................................................18 3.2 - Le résumé des témoignages...........................................................................................24 3.2.1 - Le conducteur du poids lourd...............................................................................................................24 3.2.2 - Le conducteur du minibus accidenté...................................................................................................24 3.2.3 - Le directeur du CAJ, passager du minibus de tête..............................................................................25 3.2.4 - La conductrice du minibus de tête.......................................................................................................26 3.2.5 - Les passagers du minibus accidenté...................................................................................................26 3.2.6 - Deux des sapeurs-pompiers intervenus sur l?accident.........................................................................26 3.2.7 - L?infirmière primo-intervenante.............................................................................................................27 3.3 - Le minibus accidenté et son conducteur........................................................................28 3.3.1 - Le conducteur...................................................................................................................................... 28 3.3.2 - Les caractéristiques du minibus...........................................................................................................28 3.3.3 - Les données du calculateur d?airbags du véhicule..............................................................................29 3.3.4 - Le port de la ceinture de sécurité.........................................................................................................30 3.4 - Le poids lourd et son conducteur....................................................................................31 3.4.1 - Le conducteur du camion et la société assurant le transport...............................................................31 3.4.2 - Les caractéristiques du poids lourd.....................................................................................................32 3.4.3 - La vitesse du poids lourd au moment de l?accident.............................................................................33 3.4.4 - L?évolution de la vitesse du poids lourd dans la rampe de Massiac.....................................................34 3.5 - L?accidentalité de l?A75 et de la rampe de Massiac........................................................35 3.5.1 - Les données générales concernant l?A75............................................................................................35 3.5.2 - L?étude relative aux accidents de PL sur l?A75 réalisée en 2010.........................................................36 3.5.3 - Données sur la rampe de Massiac......................................................................................................37 3.5.4 - Les démarches de gestion de la sécurité de l?exploitant autoroutier....................................................40 4 - ANALYSE DU DÉROULEMENT DE L?ACCIDENT ET DES SECOURS.............................41 4.1 - Le déroulement de l?accident..........................................................................................41 4.2 - L?analyse de la séquence de l?accident..........................................................................42 4.3 - Les mesures prises après l?accident et l?intervention des secours.................................45 5 - ANALYSE DES CAUSES ET FACTEURS ASSOCIÉS, ORIENTATIONS PRÉVENTIVES.46 5.1 - Les causes et les facteurs associés...............................................................................46 5.2 - L?inattention et la dégradation du niveau de vigilance....................................................47 5.2.1 - Les effets induits par une baisse du niveau de vigilance ou d?attention...............................................47 5.2.2 - Les facteurs contribuant à une baisse du niveau de vigilance.............................................................49 5.2.3 - L?environnement de conduite...............................................................................................................50 5.2.4 - Les dispositifs d?aide à la conduite......................................................................................................51 5.3 - L?utilisation du minibus pour un transport collectif de personnes...................................53 5.3.1 - Des accidents tragiques qui ne sont pas rares....................................................................................53 5.3.2 - Les longs trajets, le nombre d?animateurs dans le minibus.................................................................54 5.3.3 - Conclusions......................................................................................................................................... 56 5.4 - L?accidentalité liée aux poids lourds sur autoroute.........................................................58 5.4.1 - Les données générales sur les accidents avec PL d?après le fichier BAAC........................................58 5.4.2 - Les accidents avec PL sur autoroute et les types de collision.............................................................58 5.4.3 - L?accidentalité liée aux PL dans les rampes sur autoroutes.................................................................60 5.4.4 - Conclusions......................................................................................................................................... 62 5.5 - L?évolution de la vitesse des PL dans les rampes..........................................................63 5.5.1 - Les éléments de référence nationaux..................................................................................................63 5.5.2 - L?évolution des vitesses des PL sur l?A75 dans la rampe de Massiac..................................................66 5.5.3 - La réglementation sur les vitesses et les pratiques des PL dans les rampes......................................68 5.6 - Les référentiels applicables aux rampes sur autoroute..................................................70 5.6.1 - Les dispositions en matière de signalisation pour tout type de réseau................................................70 5.6.2 - Le référentiel technique portant sur la conception des autoroutes.......................................................70 5.6.3 - La note d?information 21 relative à l?implantation des VSVL en rampe................................................71 5.6.4 - A titre de comparaison: le guide sur l?aménagement des fortes pentes..............................................72 5.6.5 - L?opportunité d?une VSVL dans la rampe de Massiac au vu des référentiels.......................................73 5.6.6 - Conclusions......................................................................................................................................... 74 5.7 - L?amélioration de la sécurité dans la rampe de Massiac................................................76 5.7.1 - Le suivi et l?analyse des accidents.......................................................................................................76 5.7.2 - Les équipements et la signalisation.....................................................................................................77 6 - SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS ET DES INVITATIONS.......................................79 ANNEXES.....................................................................................................................................80 1 - Constats immédiats et engagement de l?enquête 1.1 - Les circonstances de l?accident Le vendredi 6 août 2021 vers 7h30, un minibus circulant sur l?autoroute A75 en direction du sud, avec à son bord huit adolescents en plus du conducteur, a percuté un poids lourd qui circulait sur la voie de droite de l?autoroute. Sous le choc, le minibus s?est encastré, avec son avant droit, au niveau de l?angle inférieur gauche de la semi-remorque du poids lourd, avant d?être stoppé net. La collision s?est produite au niveau de la commune de Saint-Poncy (Cantal), sur une section autoroutière marquée par une longue et forte montée. Le minibus accidenté circulait en convoi avec un autre minibus le précédant. Partis d?Amiens (Somme) dans la nuit, ces deux véhicules transportaient des adolescents dans le cadre d?un séjour de vacances au Cap d?Agde organisé par la ville d?Amiens. Figure 1: Localisation de l?accident (Fond de plan Géoportail IGN) Figure 2: Vue dans le sens de la circulation sur la position finale des véhicules après la collision et vue arrière gauche du minibus (Photo Gendarmerie Nationale) Figure 3: Vue du côté droit du minibus (Photo DIRMC) 6 Saint-Poncy 1.2 - Le bilan humain et matériel Les principaux dégâts matériels ont été causés au minibus, qui a été fortement endommagé. La collision a notamment occasionné l?arrachement du côté droit du véhicule et l?enroulement, de l?avant vers l?arrière, de la partie supérieure de la carrosserie formant le toit. L?adolescent assis à droite sur la première banquette du minibus a été arraché de son siège et poussé à l?extérieur du véhicule. Héliporté dans un état grave, il est décédé lors de son arrivée à l?hôpital. Le conducteur et les sept autres adolescents ont été blessés légèrement. 1.3 - L?engagement et l?organisation de l?enquête Au vu des circonstances de cet accident, le directeur du Bureau d?Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT) a ouvert le 2 septembre 2021 une enquête technique en application des articles L. 1621-1 à L. 1622-2 et R. 1621-1 à R. 1621-26 du Code des transports. Les enquêteurs du BEA-TT se sont rendus sur place et ont pu rencontrer les services de la Gendarmerie nationale (peloton motorisé de Saint-Flour), les services de la DIR Massif- Central, gestionnaire de l?autoroute, ainsi que le contrôleur de la DREAL Auvergne- Rhône-Alpes ayant analysé les données du chronotachygraphe du poids lourd impliqué. Ils ont procédé à un examen des lieux de l?accident et de l?épave du minibus dans le cadre d?une visite conjointe réalisée avec l?expert mandaté par les autorités judiciaires. Ils ont également échangé avec la compagnie de Gendarmerie départementale d?Amiens, chargée de réaliser certaines auditions, ainsi qu?avec les services de la ville d?Amiens et les services départementaux de l?État en charge de la jeunesse et des sports. Ils ont pu disposer de l?ensemble des documents nécessaires à leurs analyses, notamment les pièces de l?enquête judiciaire diligentée par le procureur de la République puis celles de l?information judiciaire confiée à un juge d?instruction, ainsi que les différentes informations fournies par le gestionnaire autoroutier. Par ailleurs, le BEA-TT a fait réaliser, en 2023 par la société Autoroutes Trafic1, une étude basée sur l?exploitation des données provenant de véhicules connectés. Ces données sont issues d?appareils embarqués et fournissent des indications sur les déplacements d?un véhicule, telles que la localisation, la vitesse, la survenance de forts freinages. Elles permettent d?enrichir l?analyse de l?accidentalité basée sur les accidents corporels. 1 Société d?ingénierie spécialisée dans le traitement de données issues de véhicules et terminaux connectés en vue de la réalisation d?analyses de trafic et de sécurité routière 7 2 - Contexte de l?accident 2.1 - L?infrastructure routière 2.1.1 - Les caractéristiques générales de l?autoroute A75 L?autoroute A75, appelée aussi La Méridienne, relie Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) à Béziers (Hérault). Elle se situe dans le prolongement de l?autoroute A71, qui relie Orléans (Loiret) à Clemont-Ferrand, et elle permet de rejoindre l?autoroute A9 au niveau de Béziers et de Montpellier. Au-delà de son rôle d?aménagement du territoire et de desserte locale2, elle fait partie d?un axe de transit nord-sud et constitue une alternative aux autoroutes de la vallée du Rhône et de l?arc languedocien. Longue d?environ 330km et comportant deux voies de circulation dans chaque sens, elle est gratuite et exploitée par la Direction Interdépartementale des Routes Massif Central (DIRMC), hormis la section concédée du viaduc de Millau. Traversant un massif montagneux, l?autoroute emprunte plusieurs cols, dont le col de la Fageole situé à 1107m d?altitude dans le Cantal et le col des Issartets situé à 1121m d?altitude en Lozère et qui constitue le point culminant. Sa réalisation, dans un relief contraint, s?est opérée en plusieurs phases, depuis les années 80 jusqu?en 2005-2010. Elle a impliqué la construction de sections de voies nouvelles directement aux normes autoroutières et, également, la mise aux normes autoroutières de certaines sections de la RN 9 pré-existante ayant été auparavant aménagées en route express. Les contraintes ont fait que ces dernières ne répondent pas toujours complètement aux standards autoroutiers actuels et sont alors réglementées par une vitesse maximale autorisée inférieure à 130km/h. Figure 4: L?autoroute A75 et la localisation de l?accident (Fond de plan Géoportail IGN) Figure 5: Autoroute A75 (commonswiki - Eurocommuter) 2 La DIRMC mentionne sur son site internet que l?A75 a pour particularité de posséder un nombre très important de diffuseurs: en moyenne 1 tous les 5km, contre habituellement 1 tous les 30 à 40km sur les autres autoroutes. 8 2.1.2 - La zone de l?accident L?accident a eu lieu sur l?A75 au niveau de la commune de Saint-Poncy dans le département du Cantal alors que les deux véhicules impliqués circulaient du nord vers le sud. La collision s?est produite à une centaine de mètres avant le point de repère (PR) 78, soit à environ 80km au sud de Clermont-Ferrand, dans une zone au tracé rectiligne et présentant une déclivité montante de 5%. Cette zone s?inscrit dans une longue et forte montée en direction du col de la Fageole. Figure 6:Vue de la zone de l?accident (Photo Google Street View, août 2021) Figure 7: Vue de la zone de l?accident, une centaine de mètres en amont de la vue précédente (Photo Google Street View, août 2021) 9 Il est à noter que, avant la section en alignement droit où a eu lieu l?accident, le tracé présente une légère courbe vers la droite. Figure 8: Vue 350 m environ en amont du lieu de l?accident (Photo Google Street View, août 2021) Dans le sens de circulation des véhicules impliqués, la chaussée comporte deux voies de circulation de 3,50m de largeur chacune et une bande d?arrêt d?urgence (BAU) de 2,50m de largeur, bordée non pas par une barrière de sécurité métallique, mais par un accotement enherbé et un caniveau en béton, suivi d?un talus et d?une clôture. Le terre-plein central (TPC) est équipé d?une glissière de sécurité double et, comme cela est visible sur la figure 7, présente une discontinuité de revêtement au niveau de la zone de l?accident: il est enherbé à partir du PR 77+820 et sur un peu plus d?un kilomètre, sa minéralisation est prévue à l?horizon 2024 selon le gestionnaire. Figure 9: Profil en travers de l?autoroute en sens nord-sud au PR 77+908 (Source DIRMC) Nota: VR pour voie rapide, VL pour voie lente, BDG pour bande dérasée de gauche Sur la section concernée, la dernière réfection de chaussée date de 2009, avec la mise en oeuvre d?un enrobé de type Béton Bitumineux Très Mince (BBTM) 0/10. La vitesse maximale autorisée est celle fixée par le Code de la route, soit 130km/h pour les véhicules légers et 90km/h pour les poids lourds. 10 2.1.3 - La montée vers le col de la Fageole et la rampe de Massiac En sens nord-sud, l?autoroute A75 entre dans le départemental du Cantal un peu avant Massiac, où commence une longue montée en direction du col de la Fageole. Les échangeurs sont successivement les suivants: ? diffuseur 23 (demi-échangeur), Massiac-nord, PR 66; ? diffuseur 24 (demi-échangeur), Massiac-sud, PR 68 + 500; ? diffuseur 25, Saint-Poncy, PR 81; ? diffuseur 26, Vieillespesse (La Fageolle), PR 84+600; ? diffuseur 27, Coren, PR 87+200; ? diffuseur 28, Saint-Flour-nord, PR 92+500. La vitesse maximale autorisée passe de 110 à 130km/h un peu après le diffuseur 23. Elle repasse à 110km/h après le diffuseur 25 et sur environ 8km, en raison de la présence de quelques courbes serrées et de la quasi-absence de BAU. La section est équipée d?une caméra d?exploitation positionnée sur un panneau à message variable (PMV) au PR 76+810. Figure 10: Vue en direction du sud sur l?A75 à Massiac, avec en premier plan, le diffuseur 23 (Massiac-nord) (source: commonswiki - BDelpeuch) Figure 11: L?A75 entre les diffuseurs 23 et 27 et la localisation de l?accident (Fond de plan Géoportail IGN) 11 Entre les diffuseurs 24 et 25, la montée, appelée «rampe de Massiac», est continue et soutenue sur une dizaine de kilomètres. Elle commence à se faire sentir à partir du PR71, avec une pente moyenne de 3% sur 2km, puis de 4% sur 1km, puis de 5% sur 1,5km. Elle est de nouveau forte à partir du PR 77+500 et sur 2km, avec des valeurs de 5 à 6%. Après le diffuseur 25, le tracé est en descente sur 1km, avant une nouvelle montée sur 4km jusqu?au col de la Fageole, puis une descente jusqu?à Saint-Flour. Figure 12: Profil en long de l?A75 en sens nord-sud entre les PR 69 et 87 (Plans DIRMC, habillage BEA-TT) Cette longue et forte montée ne comporte pas de voie spécialisée pour véhicules lents (VSVL). À la date de l?accident, la seule signalisation de danger que l?on rencontre sur la section entre Massiac et Saint-Poncy est celle relative au passage d?animaux sauvages, signalée en début de section, au PR 69, par des panneaux A15b. Dans l?autre sens de circulation, la section fait l?objet d?une importante signalisation, à l?image des dispositions prévues par l?instruction interministérielle sur la signalisation routière (IISR) pour ce qui concerne les descentes dangereuses. Ainsi, à partir du PR 80 et sur une longueur de 11km, la descente est signalée par des panneaux A16 répétés avec un intervalle de 1km et mentionnant une pente de 6% pour les deux premiers kilomètres, puis une pente de 5%. Sont également positionnés, des panneaux de rappel des règles de conduite en 4 langues. L?IISR mentionne que ces panneaux en plusieurs langues peuvent être mis en place en début de la descente et qu?ils doivent être réservés aux cas exceptionnels. 12 La descente est par ailleurs équipée de deux lits d?arrêt d?urgence, positionnés aux environs des PR 77 et 71. Toujours en sens sud-nord, on rencontre en fin de section, entre les diffuseurs 23 et 24, une signalisation de danger associée au panonceau «véhicules lents». Les dispositions prévues par l?IISR concernant les montées et les descentes dangereuses sont ré-abordées en partie 5.6.1. Figure 13: A75 en sens nord-sud aux environs du PR 69, Panneau A15b associé à un panonceau d?étendue (Photo Google Street View, septembre 2021) Figure 14: A75 en sens sud-nord aux environs du PR 80, panneau A16 «descente dangereuse» associé à un panneau de rappel des règles de conduite (Photo Google Street View, septembre 2021) Figure 15: A75 en sens sud-nord, environ 2 km après la vue précédente Panneau A16 associé à un panonceau d?étendue (Photo Google Street View, septembre 2021) 13 Figure 16: A75 en sens sud-nord vers le PR 76 +700, voie de détresse pour les véhicules lourds en cas de défaillance du système de freinage (Photo Google Street View, septembre 2021) Figure 17: A75 en sens sud-nord, entre les diffuseurs 23 et 24, Panneau A14 associé au panonceau «véhicules lents» (Photo Google Street View, septembre 2021) 2.1.4 - Le trafic sur l?A75 au niveau de la zone de l?accident La DIRMC mentionne dans son bilan des trafics que l?axe A75 possède de multiples fonctions et que, ainsi, elle comporte des trajets locaux ou de type domicile-travail et figure également parmi les itinéraires de transit important pour les vacanciers estivaux. Sur la section où a eu lieu l?accident, le trafic moyen journalier annuel (TMJA) s?élève en 2022, pour les deux sens de circulation confondus, à 16640véhicules par jour, dont 14,1% de poids lourds (soit près de 2350PL/jour). Il est un peu plus élevé qu?en 2019, année de référence avant la crise sanitaire. En 2022, le pic de circulation a lieu les samedis 30 juillet et 13 août avec environ 63000véhicules par jour. Dans le sens nord-sud, le TMJA en 2022 est près de 8300véhicules par jour, dont 1160poids lourds. En juillet et août, le niveau de trafic est proche des 16000 véhicules par jour en moyenne mensuelle et peut dépasser 20000 les vendredis et 35000 les samedis. Le vendredi 6 août 2021, jour de l?accident, le trafic en sens nord-sud a été de 18640véhicules dont 1530poids lourds. Le débit était faible au moment de l?accident, de l?ordre de 550véhicules par heure, il a commencé à être important à partir de 11h. 14 2.2 - Les conditions météorologiques lors de l?accident D?après la station météo de Massiac, il n?y a pas eu de pluie ni de vent le vendredi 6 août 2021 matin. D?après les archives des bulletins météo de Saint-Flour disponibles sur le site historique-meteo.net, la température était de 14°C et il y a eu de faibles averses en début de matinée. La journée a été assez nuageuse et avec un total de 2mm de précipitations. D?après le procès-verbal et le relevé photographique des forces de l?ordre, la route était sèche lors de l?accident, avec une alternance entre nuages et soleil lors de cette matinée. Le soleil n?était pas gênant pour les conducteurs au moment de l?accident. Figure 18: Position du soleil au moment de l?accident, le vendredi 6 août 2021 à 7 h 30 (Source: site sunearthtools) 2.3 - Le transport de collectif d?enfants en minibus 2.3.1 - Le contexte réglementaire lié au minibus Dans le présent rapport, le terme «minibus» est utilisé pour désigner un véhicule comportant entre 6 et 9 places assises, dont celle du conducteur. Réglementairement, au sens du Code de la route, ce type de véhicule rentre dans la catégorie des voitures particulières et c?est à partir de 10 places que l?on considère qu?il s?agit d?un véhicule de transport en commun. Le minibus de 9 places peut donc être conduit avec un permis de conduire de la catégorie B et ne nécessite pas de titre de conduite spécifique, comme pour les autocars, voire pour les petits bus comprenant de 10 à 17 places assises. Des spécificités sont prévues concernant les minibus utilisés pour le transport scolaire et le transport public de personnes, la notion de transport public désignant un transport organisé par une personne pour le compte d?autrui: dans le cas d?un minibus, il peut s?agir par exemple d?un transport réalisé par un taxi ou d?un transport collectif réalisé par un prestataire extérieur comme une entreprise de transport routier de personnes. Ainsi, dans ce type de cas et d?après le Code de la route3, le véhicule est soumis à un contrôle technique annuel et le conducteur est soumis, comme pour un autocar, à une visite médicale d?aptitude quinquennale, la fréquence de renouvellement de cette visite augmentant à partir de 60 ans. Mais à la différence d?un autocar, le conducteur n?est pas soumis aux obligations de formation initiale et continue, ni à la réglementation sur les temps de conduite et de repos, s?appliquant aux chauffeurs routiers. Quelle que soit son utilisation, le minibus de 9 places n?est pas soumis à l?arrêté du 2juillet 1982 qui définit les prescriptions, notamment de construction, d?aménagement et 3 Article R. 323-24 relatif au contrôle technique, articles R. 221-10 et R. 221-11 relatifs à la visite médicale 15 d?équipement, devant s?appliquer aux véhicules employés normalement ou exceptionnellement au transport en commun de personnes, puisqu?au sens de cet arrêté, ce terme désigne le transport de passagers au moyen d'un véhicule de plus de 9 places. En application de l?article R. 421-2 du Code de la route, tout conducteur d?un véhicule comportant un maximum de 9 places est responsable du port de la ceinture de sécurité ou d?un moyen de retenue adapté pour tous ses passagers mineurs. Dans un autocar, les passagers doivent être informés de l?obligation du port de la ceinture de sécurité au moyen d?un affichage par des panonceaux et le conducteur n?est pas tenu responsable du fait qu?un passager, quel que soit son âge, ne soit pas attaché. 2.3.2 - Le cadre réglementaire des séjours de vacances et des accueils de loisirs Le recours au minibus pour transporter des collectifs d?enfants ou d?adolescents est une pratique courante à l?occasion de sorties de loisirs ou de séjours de vacances. Le Code de la route prévalant en matière de sécurité routière, le ministère4 concerné n?a pas développé de réglementation spécifique pour ces déplacements d?enfants en minibus. Le cadre réglementaire correspondant aux séjours de vacances et aux activités des centres de loisirs est celui de l?accueil collectif à caractère éducatif de mineurs hors du domicile parental à l'occasion des vacances scolaires et des loisirs, régi par le Code de l'action sociale et des familles (CASF) et le Code de la santé publique5. Il relève, au sein Ministère de l?Éducation nationale et de la jeunesse, de la Direction de la jeunesse, de l?éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA). Localement, la mise en oeuvre relève, sous l?autorité du préfet du département, du service départemental à la jeunesse, à l?engagement et aux sports (SDJES), rattaché à la direction des services départementaux de l?Éducation nationale (DSDEN). Le terme ACM (accueil collectif de mineurs) est utilisé pour caractériser l?organisation et le fonctionnement global de cet accueil de mineurs. Il englobe les dénominations communément utilisées de centre de vacances ou de loisirs, colonies de vacances, centres aérés et on peut grosso modo distinguer les séjours6 avec hébergement et les accueils de loisirs sans hébergement. Dans le cas général des séjours de vacances et de l?accueil de loisirs: ? Les fonctions de direction sont exercées par des personnes ayant les qualifications requises, comme par exemple le brevet d?aptitude aux fonctions de directeur (BAFD) ou un diplôme d?éducateur. ? Les fonctions d?animation sont notamment exercées par des personnes titulaires du brevet d?aptitude aux fonctions d?animateur (BAFA) et, selon un ratio à respecter, par des animateurs stagiaires qui sont en formation. ? Les normes d?encadrement sont de 1 animateur pour 8 enfants de moins de 6ans et, à partir de 6ans, d?au moins 1 animateur pour 12 mineurs. Ces normes d?encadrement s?appliquent à l?ensemble de l?accueil, y compris le transport. Le directeur est le garant de la sécurité physique des enfants accueillis, l?animateur est chargé d?assurer la sécurité physique des mineurs qui lui sont confiés. 4 Outre le ministère en charge de la jeunesse, d?autres ministères sont concernés par le transport de mineurs en minibus, notamment le ministère des solidarités et des familles et celui en charge des sports. 5 Articles L. 227-1 à L. 227-12 et R. 227-1 à R. 227-30 du CASF et articles L. 2324-1 et R. 2324-10 à R. 2324-13 du Code de la santé publique 6 Les séjours sportifs liés à une activité de club et proposés aux mineurs licenciés relèvent également de ce régime, excepté les séjours liés à un déplacement pour une rencontre ou une compétition sportive. 16 2.4 - L?organisation du séjour de vacances par la ville d?Amiens Le minibus accidenté circulait en convoi avec un autre minibus. Partis d?Amiens dans la nuit, ces deux véhicules transportaient 15 adolescents dans le cadre d?un séjour de vacances de 10 jours au Cap d?Agde, organisé par le centre l?Odyssée de la ville d?Amiens. Ce séjour est organisé depuis quelques années. Au sein de la collectivité, cette mission relève de la direction générale adjointe de la citoyenneté et de la vie sociale, qui comprend: ? des services fonctionnels, dont celui intitulé «Enfance, éducation, jeunesse»; ? cinq directions de proximité, correspondant à cinq secteurs ou quartiers de la Ville. L?Odyssée est un service municipal, rattaché à la direction de proximité du secteur Nord (350 agents) et comprend un centre d?animation jeunesse (CAJ), dédié aux enfants de plus de 12ans, ainsi qu?un centre de loisir. Le CAJ emploie des animateurs jeunesse dont certains sont vacataires et non permanents, intervenant en renfort notamment lors des vacances scolaires. Dans le cas présent, le séjour de vacances était organisé par ce CAJ et les adolescents étaient accompagnés par trois encadrants, à savoir le directeur du CAJ, qui exerçait la fonction de directeur du séjour, ainsi que deux animateurs. Les exigences réglementaires prévalant pour ce type de séjour, transport compris, étaient donc respectées. Les services de la Ville d?Amiens ont par ailleurs expliqué au BEA-TT qu?ils avaient pour principe d?utiliser un ratio d?encadrement de 1 animateur pour 10adolescents, qui est donc plus élevé que le ratio réglementaire. Le conducteur du minibus accidenté est l?un de ces animateurs. Au moment de l?accident, il était le seul adulte dans le véhicule, ses deux collègues se trouvant dans l?autre minibus. Il exerce tout au long de l?année une activité d?animateur du temps du midi dans les restaurants scolaires de la ville rattachés auprès du service enfance. Il réalise aussi, pendant les vacances scolaires notamment, des missions ponctuelles d?animateur auprès d?enfants, dans le cadre d?un second contrat le liant avec la ville d?Amiens. Le troisième accompagnant est une animatrice qui a un emploi en région parisienne. Ayant déjà travaillé par le passé pour la ville d?Amiens, elle exerçait au moment des faits dans le cadre d?une vacation ponctuelle pour la ville. Le BEA-TT s?est entretenu avec les différents échelons hiérarchiques concernés: directeur de L?Odyssée, directrice de proximité du secteur Nord, directeur général adjoint. Les services de la ville d?Amiens ont expliqué que le minibus est un véhicule choisi pour la souplesse d?usage qu?il confère lors d?un séjour de vacances et pour des raisons de coût, la collectivité étant contrainte d?allouer un budget serré pour ce type de séjour. Les minibus sont surtout utilisés par les CAJ pour le transport d?adolescents, dont les groupes sont plus petits que ceux correspondant à l?activité de centre de loisirs. Ils sont loués ponctuellement pour un déplacement spécifique, sachant que le service L?Odyssée dispose par ailleurs d?un minibus acheté et entretenu par la municipalité et qui est utilisé davantage pour le quotidien ou des déplacements locaux des adolescents. Dans le cas présent, d?après le contrat de location, le minibus impliqué dans l?accident a été loué par la Ville d?Amiens pour tout le mois d?août 2021 et le seul conducteur mentionné est le directeur du CAJ de l?Odyssée. Le BEA-TT ne dispose pas des conditions générales du contrat de location qui permettraient de déterminer si cet aspect peut avoir des conséquences d?ordre juridique. 17 3 - Compte rendu des investigations effectuées 3.1 - L?état des lieux et les constatations après l?accident Après leur arrivée sur les lieux et la prise des dispositions d?urgence, les gendarmes ont procédé à un relevé de la scène de l?accident et aux constatations sur les véhicules. À leur arrivée, le minibus est immobilisé à cheval sur les deux voies de circulation et aux deux tiers sur la voie de gauche, à un peu de moins de 30 m en amont de la remorque du poids lourd qui, lui, est stationné au niveau de la BAU. Sous la violence du choc, l?adolescent assis à l?avant droite du minibus a été arraché de son siège, après avoir été heurté par l?arrière de la semi-remorque, et gît au sol, inconscient, à environ 2 m derrière le véhicule. Les premiers secours arrivés sur les lieux mentionnent qu?il y avait beaucoup de sang autour de lui, notamment au niveau de la tête. Héliporté dans un état très grave, il décède quelques instants plus tard. Figure 19: Le poids lourd stationné au niveau de la BAU et le minibus derrière Ci-dessous, vue rapprochée du minibus (Photos prises par la gendarmerie dans le sens inverse de circulation) 18 Figure 20: Position du minibus matérialisée par les gendarmes à partir du relevé de la position des roues du véhicule, sachant que la roue avant droite a été arrachée (Photo prise par le BEA-TT dans le sens de la circulation) Figure 21: Arrière gauche du minibus (Photo prise par la gendarmerie dans le sens de la circulation) Le minibus apparaît totalement découpé sur tout son côté droit, le panneau latéral est arraché et un amas de tôle est formé à l?arrière du véhicule. Le pavillon, autrement dit la partie supérieure de la carrosserie qui forme le toit de la voiture, est également découpé et s?est enroulé de l?avant vers l?arrière. L?ensemble de la caisse est déformé. Il est précisé qu?il s?agit bien là de l?état dans lequel le véhicule s?est retrouvé suite à la collision et donc que cet état ne résulte pas de l?intervention des services de secours comme cela peut arriver en cas de désincarcération par exemple. Les airbags frontaux sont déclenchés. Le pare-brise a été complètement brisé mais sans avoir volé en éclat ni subi d?importantes perforations. Aucune indication n?est visible sur le compteur de vitesse. Le côté avant droit est fortement écrasé et déformé, la déformation est ensuite pénétrante vers l?intérieur de l?habitacle. Au niveau du capot, la zone où la tôle apparaît écrasée et cisaillée correspond très certainement à la zone de contact avec l?angle inférieur gauche de la remorque du poids lourd. Le siège du passager avant droit apparaît vrillé. L?expert judiciaire fait le constat que le siège a été impacté par un corps rigide, qui a déformé l?armature du dossier. La ceinture de sécurité correspondante a été arrachée lors de l?accident, un petit bout étant resté fixé à l?armature du dossier. La roue avant droite a été arrachée et se trouve, couverte de sang, sur la BAU, à droite du véhicule. C?est en fait l?ensemble du demi-train avant droit qui a été arraché, l?expert judiciaire précisant que la jante correspondante n?a pas été impactée. D?après les constatations faites par les gendarmes, les pneumatiques sont en parfait état. 19 Figure 22: Vue du côté droit du minibus (Photo gendarmerie) Figure 23: Vue de face du minibus (photo DIRMC) Zone de contact avec l?angle inférieur gauche de la semiremorque: zone illustrée avec le tracé rouge et présentée avec une vue rapprochée ci-dessous. Photo prise par le BEA-TT sur les lieux de remisage du véhicule 20 Figure 24: Place du passager avant droit (Photo gendarmerie) Ceinture de sécurité avant droite arrachée Figure 25: Dossier du siège avant droit (Photo prise par l?expert judiciaire sur le lieu de remisage du véhicule) Figure 26: Siège avant droit vrillé (Photo prise par le BEA-TT sur le lieu de remisage du véhicule) Figure 27: Demi-train avant droit (Photo prise par le BEA-TT sur le lieu de remisage du véhicule) La zone où le minibus est entré en collision avec le poids lourd est visible à l?arrière de la semi-remorque vers l?angle inférieur gauche. Le support de feu est tordu et le profilé en caoutchouc est endommagé. Un peu plus haut, apparaît un autre point d?impact. La barre anti-encastrement ne paraît pas endommagée. Des débris de verre sont visibles. La présence de sang et de tissu humain montre que le corps de la victime a été en contact avec l?angle de la semi-remorque. Vu de côté, au bas et à l?arrière gauche de la semi-remorque, des rayures sont visibles sur le panneau latéral jusqu?au niveau de la roue du premier essieu. Le caisson situé entre l?avant de la semi-remorque et ses essieux est déformé. Le système d?anti- projection d?eau qui supporte la bavette est endommagé. 21 Selon les constatations effectuées par les gendarmes, le boîtier de régulation de la suspension pneumatique, situé devant la roue de secours a été impacté. Les pneumatiques de l?ensemble du poids lourd sont en bon état. Des entailles, probablement occasionnées par le choc, sont visibles sur les roues gauches des deux derniers essieux, le pneu de la roue de secours présente également des traces d?impact. Figure 28: haut: vue sur l?arrière gauche de la semi-remorque bas: vue rapprochée sur les essieux arrière et la roue de secours (Photos gendarmerie) 22 À titre indicatif: Figure 29: Vue du côté arrière droit de la semi-remorque (Photo gendarmerie) Aucune trace de freinage n?est visible sur la chaussée. Des traces de ripage, qui ne peuvent pas être corrélées avec certitude avec l?accident en question, sont présentes. La position présumée du point de choc a été estimée par les gendarmes à partir de ces traces de ripage et des traces de liquide laissées sur la chaussée. Ce point de choc se situe sur la voie de droite à environ 80 cm de la ligne de délimitation des deux voies. Il est situé respectivement à environ 64 m et 106 m en amont de la position dans laquelle ont été retrouvés le minibus et le poids lourd après la collision, la distance étant considérée à partir des roues avant des véhicules. Cette distance d?environ 106 m pour le camion paraît cohérente avec l?estimation de la distance parcourue par celui-ci après le choc et établie à partir des données du chronotachygraphe, comme présenté au 3.4.3 ci-après. Figure 30: Le point de choc présumé et les traces de ripage vus dans le sens inverse de la circulation (Photos BEA-TT) 23 3.2 - Le résumé des témoignages Les résumés des témoignages sont établis par les enquêteurs du BEA-TT sur la base des déclarations orales ou écrites dont ils ont eu connaissance. Ils ne retiennent que les éléments qui paraissent utiles pour éclairer la compréhension et l?analyse des événements et pour formuler des recommandations. Il peut exister des divergences entre les différentes déclarations ou entre ces déclarations et des constats ou analyses présentés par ailleurs. Les témoignages se rapportent aux personnes directement impliquées dans l?accident ou dans le trajet des deux minibus. Les éléments recueillis par le BEA-TT auprès d?autres acteurs sont exposés dans les autres parties du rapport. 3.2.1 - Le conducteur du poids lourd Le conducteur du camion réside en Biélorussie et exerce la profession de chauffeur routier depuis 1995. Il travaille depuis sept ans pour la société lituanienne GIRTEKA et conduit systématiquement un ensemble frigorifique. En général, il quitte son domicile pour une période de trois à quatre semaines, pendant laquelle il circule dans toute l?Union européenne, suivie d?un mois de repos. Il est parti de son domicile le 11 juillet 2021, pour effectuer une semaine de formation puis, à partir du 18 juillet, prendre la route. Il a rejoint la région parisienne le 4 août pour réaliser une livraison en provenance de la Pologne. Après rechargement en Seine-et-Marne, il a repris la route le 5 août après-midi, puis s?est arrêté à Bourges vers 19h. Il en est reparti le lendemain matin vers 4h et a roulé environ 3h 30 jusqu?à la survenue de l?accident. Le conducteur déclare qu?il transportait un chargement de 13 tonnes de chocolat et qu?au moment de l?accident, sa vitesse était d?environ 60km/h du fait de la montée. Il indique qu?il n?avait pas activé ses feux de détresse et qu?il le fait habituellement, mais lorsque sa vitesse est vraiment très faible. Il écoutait de la musique et a entendu un bruit. Il s?est alors arrêté sur la BAU. Puis il a vu du sang sur l?arrière gauche de son véhicule et des jeunes sortir du minibus accidenté, qui pleuraient et criaient. Il a alors compris que leur véhicule avait percuté son camion. Il indique que deux voitures se sont arrêtées avec des jeunes femmes qui sont venues porter secours. Il a remarqué que l?une d?entre elles avait des compétences médicales et leur a remis sa trousse de premiers secours. 3.2.2 - Le conducteur du minibus accidenté Le conducteur exerce depuis plus de 6 ans une activité d?animateur au sein de la ville d?Amiens. Dans le cadre d?une mission pour le CAJ l?Odyssée, il devait participer à l?encadrement d?un séjour de 10 jours avec des jeunes d?Amiens au Cap d?Adge. Le conducteur indique qu?il connaît le trajet et l?a déjà effectué il y a 2 ans pour le CAJ. Il y a toujours deux minibus et trois personnes qui se relaient à la conduite durant le trajet. Une pause est effectuée environ toutes les trois heures. La communication entre les deux véhicules se fait au moyen d?un code, basé sur l?usage des «warnings»» et des appels de phare, et d?échanges téléphoniques entre le deuxième adulte se trouvant à bord de l?un des véhicules et un adolescent référent se trouvant à bord de l?autre véhicule. L?heure de rassemblement au point de départ était fixée à 23h. Ils ont quitté Amiens vers 0h30 et ont effectué une première pause vers Orléans et une seconde vers Clermont-Ferrand. Le conducteur indique qu?il se sentait alors tout à fait apte à reprendre le volant et qu?il se serait fait remplacer pour la suite du trajet si cela n?avait pas été le cas. 24 Au moment de l?accident, il conduisait au régulateur de vitesse à 130km/h et il lui semble que tous les adolescents dormaient et qu?il n?y avait pas de musique. Il se rappelle avoir vu le camion dans la montée, avoir mis son clignotant pour le dépasser, s?être déporté sur la voie de gauche. Il précise: «Je me vois bien sur la voie de gauche, apercevant au loin l?autre minibus, je ne me suis pas déporté au dernier moment, j?ai bien anticipé mon dépassement et c?est à ce moment-là que je ne comprends pas ce qu?il s?est passé, je me suis retrouvé dans l?arrière du poids lourd». «Je ne pense pas m?être endormi, j?étais dans mes pensées. Je fixais le camion au loin». Au moment du choc, les airbags se sont déclenchés, il y a eu beaucoup de fumée à l?intérieur du véhicule et celui-ci s?est arrêté net. Ils sont ensuite sortis du véhicule et ont vu la victime étendue sur la route. Paniqué, le conducteur a appelé brièvement le directeur du CAJ, qui se trouvait dans le minibus de devant, puis a appelé les secours. Des automobilistes dont une infirmière se sont arrêtés pour porter secours. Le conducteur a alors reçu l?appel d?un médecin qui lui a indiqué les actions immédiates à réaliser vis-à-vis de la victime et jusqu?à ce que le SAMU arrive. Le conducteur précise que la victime, qui était assise à ses côtés, à l?avant droit du minibus, était correctement installée et que son bras soutenait sa tête sur un oreiller posé sur la vitre. Il demande aux adolescents de boucler leur ceinture de sécurité avant de démarrer, mais il ne sait pas s?ils ont pu la détacher ensuite et il n?a pas vu de signal ou de voyant dans le véhicule, indiquant que quelqu?un n?avait pas sa ceinture. 3.2.3 - Le directeur du CAJ, passager du minibus de tête Directeur de l?un des CAJ de la ville d?Amiens, il indique qu?un séjour avait été organisé afin d?emmener des jeunes adolescents en vacances, comme cela est fait depuis plus de 15 ans, avec recours à une location de minibus 9 places pour le transport des jeunes. Trois séjours avaient déjà été organisés au Cap d?Adge et avec le même trajet. Il indique qu?il avait dit aux deux animateurs qui l?accompagnaient de ne pas venir travailler l?après-midi, afin qu?ils puissent se reposer en vue du départ prévu le soir. Il se trouvait avec une animatrice dans le minibus de tête, à environ 1km de distance du second véhicule. Il se souvient avoir demandé à un moment donné au conducteur du second minibus de laisser un espace plus important entre les deux véhicules. Les lieux des pauses ne sont pas définis à l?avance, ils échangent par téléphone entre les deux véhicules pour prévoir où s?arrêter. Les pauses durent environ 25 à 30 minutes et les trois accompagnateurs échangent leur place à la conduite selon l?état de fatigue. Il lui semble qu?ils avaient effectué trois pauses et que l?accident a eu lieu environ 30minutes après la dernière pause. Juste après l?accident, il a échangé avec le conducteur du second minibus, qui a indiqué avoir percuté un camion alors qu?il le dépassait. Les groupes des deux minibus se sont ensuite retrouvés au centre hospitalier de Saint-Flour. Un hôtel leur a été trouvé pour la nuit et un car leur a été mis à disposition pour un retour à Amiens le lendemain. Un suivi psychologique a ensuite été mis en place. Le conducteur impliqué dans l?accident avait dit lors de la préparation du séjour qu?il avait déjà conduit sur de longs trajets et qu?il n?y avait pas de problème pour conduire un véhicule de 9 places. 25 3.2.4 - La conductrice du minibus de tête. Elle participe depuis environ 7 ans au séjour qu?organise chaque été le CAJ d?Amiens Nord. Les voyages s?effectuent souvent avec trois conducteurs, soit un conducteur dans chaque véhicule et un autre qui permute quand l?un est fatigué. Une réunion de service est réalisée pour préparer le trajet et désigner qui commencera à conduire. Le départ était prévu à compter de minuit et ils avaient la journée pour se reposer. Elle indique avoir eu le temps de se reposer avant de prendre la route. Elle a conduit le premier minibus tout au long du trajet, donc pendant environ 6heures, avec à son bord le directeur du séjour, qui était également troisième conducteur. Il y a plusieurs arrêts et elle n?a pas ressenti le besoin de laisser sa place à la conduite. Les trois accompagnateurs se connaissent car travaillant ensemble depuis quelques années. Elle n?a rien remarqué au cours du trajet, le second minibus les suivait normalement, son conducteur est une personne prudente et de confiance, qui a déjà effectué de tels séjours pour le CAJ et avec des longs trajets. Elle ne sait pas si le véhicule possède un système permettant de signaler le non-port de la ceinture par un passager. Elle indique vérifier que les passagers ont bouclé leur ceinture, que des rappels sont faits à ce sujet. Elle ne sait pas si certains retirent leur ceinture au cours du trajet. 3.2.5 - Les passagers du minibus accidenté Six des huit adolescents qui ont subi l?accident ont été auditionnés environ quatre mois après par la compagnie de gendarmerie départementale d?Amiens. Les auditions montrent que les adolescents portaient la ceinture de sécurité au départ d?Amiens et qu?après la dernière pause, ils l?ont tous retirée afin d?être plus à l?aise pour dormir. Au moment de l?accident, ils dormaient et ne portaient pas leur ceinture. Ils indiquent que le conducteur leur a demandé de boucler leur ceinture lorsqu?ils sont partis d?Amiens, sans nécessairement le vérifier ni faire un rappel après chaque pause, et qu?ils ne l?ont jamais vu faire usage de son téléphone portable au cours du trajet. L?accident les a beaucoup marqués psychologiquement et a occasionné quelques douleurs et blessures temporaires pour certains d?entre eux. L?un des adolescents n?a pas pu être auditionné, sa position dans le minibus au moment des faits était à droite en seconde rangée, donc juste derrière la victime décédée. D?après les propos qu?il a échangés avec le directeur de l?Odyssée dans la soirée qui a suivi l?accident, il ne dormait pas au moment des faits, il a vu son copain être projeté du véhicule. Il a donc probablement assisté à la scène de l?accident, sans pour autant être en capacité de rapporter son déroulement ou son contexte. 3.2.6 - Deux des sapeurs-pompiers intervenus sur l?accident Les sapeurs-pompiers auditionnés par les enquêteurs judiciaires indiquent que leur intervention a été engagée vers 7 h 30 par le CODIS à la demande du «15» et qu?ils sont arrivés vers 7 h 45, tandis que le patrouilleur de la DIR était déjà présent pour sécuriser les lieux de l?accident. Des renforts sont arrivés peu de temps après ainsi que le SAMU. À leur arrivée, le minibus était à cheval sur les deux voies de circulation, et le poids lourd garé plus loin sur la voie de droite. 26 Une victime inconsciente se trouvait au sol et sur le dos, à deux mètres derrière le minibus. Une infirmière de passage, primo-intervenante, était à ses côtés et a indiqué aux pompiers les premiers soins qu?elle avait prodigués. Les huit autres passagers du minibus se trouvaient assis sur le talus de la BAU, en état de choc. Les pompiers se sont occupés de la victime inconsciente puis celle-ci a été prise en charge par les médecins du SMUR, tandis que le médecin des sapeurs-pompiers s?est occupé des autres passagers. Le conducteur du minibus est venu à plusieurs reprises auprès des pompiers pour leur indiquer qu?il était le chauffeur, il paraissait totalement abattu et déboussolé. L?un des pompiers indique, compte tenu de ce qu?il a pu constater, que la ceinture de sécurité de la victime n?était sans doute pas bouclée: la ceinture a été retrouvée, coupée, à l?arrière du minibus dans l?amas de tôle, et sans qu?il ait pu voir où se trouvait la boucle. Les pompiers confirment qu?aucune intervention de leur part n?a été effectuée sur les deux véhicules, excepté en fin d?intervention, le découpage de la partie arrière du minibus réalisé pour faciliter son chargement sur la dépanneuse. Ils ont également réalisé le transport des autres passagers au centre hospitalier de Saint-Flour. 3.2.7 - L?infirmière primo-intervenante Une infirmière du service soins intensifs et cardiologie de l?hôpital de Clermont-Ferrand circulait sur l?A75 pour rejoindre son lieu de vacances lorsqu?elle est arrivée au niveau de la scène de l?accident et alors que les services de secours n?étaient pas encore sur place. Elle s?est arrêtée, s?est approchée du chauffeur du poids lourd puis du groupe de jeunes qui se tenaient tous debout sur la BAU et en état de choc. Elle s?est approchée de la victime au sol, le conducteur du minibus était assis à ses côtés en train de lui parler. Il échangeait, paniqué, par téléphone, visiblement avec un médecin qui était en train de lui donner des consignes sur les actions immédiates à réaliser vis-à-vis de la victime. Elle s?est chargée de réaliser un garrot tandis que le conducteur du minibus s?occupait d?effectuer avec une serviette un point de compression au niveau de la tête. Elle précise que le conducteur, très choqué, l?a bien assistée lors de son intervention et faisait tout son possible pour porter secours à la victime. Une fois arrivés, les pompiers ont pris en charge la victime, l?infirmière est restée avec eux jusqu?à ce que le SAMU les rejoigne, puis elle s?est écartée de la scène. 27 3.3 - Le minibus accidenté et son conducteur 3.3.1 - Le conducteur Le conducteur du minibus, alors âgé de 26 ans, est titulaire depuis 2014 d?un permis de conduire de catégorie B qui était valide au moment de l?accident et dont la reconstitution totale du nombre de points initial (12 points) était effective depuis mars 2021. Les dépistages de l?alcoolémie et de l?usage de produits stupéfiants auxquels il a été soumis se sont révélés négatifs. Par ailleurs, les gendarmes ont consulté le journal des appels et des sms de son téléphone portable et ont relevé trois appels vers le moment de l?accident, soit: ? un appel au directeur du CAJ se trouvant dans le minibus de tête à 7h26; ? un appel au 15 à 7h27; ? un appel reçu de la part d?un médecin à 7h36. Ces appels correspondent bien à ceux évoqués par le conducteur dans son témoignage. Les gendarmes ne mentionnent pas d?autres appels dans le dossier et le conducteur leur a confirmé ne pas avoir supprimé de trace avant qu?ils ne consultent son téléphone. Il est raisonnablement possible de considérer que celui-ci n?a pas fait usage de son téléphone pendant les périodes de conduite précédant l?accident et ce d?autant qu?un autre mode de communication est défini pour les échanges entre les deux minibus qui se suivent. 3.3.2 - Les caractéristiques du minibus De marque Fiat et de dénomination commerciale Talento, le véhicule a été mis en circulation le 16 mai 2018 et immatriculé au nom de la société de location DLM, agence de Rivery située dans la Somme, qui en est le propriétaire. Il offre neuf places assises dont celle du conducteur. Toutes les places sont équipées de ceintures de sécurité. Sa masse en charge maximale admissible est de 3,020 tonnes. Figure 31: Véhicule FIAT Talento (site internet de la société FIAT) S?agissant d?un véhicule léger, le premier contrôle technique était à réaliser dans un délai de 4 ans à compter de la date de mise en circulation. D?après les factures qui ont été 28 remises par la société de location, le véhicule paraissait bien entretenu, les pneus ont été changés en mars 2020 et la dernière révision, précédée d?un contrôle préventif de sécurité, a été effectuée en février 2021 à 55450km. D?après les informations enregistrées dans son calculateur d?airbags, son kilométrage était de 60810km au moment de l?accident. D?après les informations de la carte grise et du dossier de réception européenne de la gamme de véhicule, il s?agit d?un Fiat Talento 1.2 LH1 1.6 Multijet. Il mesure 1,97m en hauteur, 1,96m en largeur et 5,40m en longueur, avec un porte-à-faux avant de 0,933m. Il est muni d?une boîte de vitesse manuelle et d?un moteur diesel d?une cylindrée de 1598cm³ développant 125 chevaux. Sa vitesse maximale est de 169km/h. D?après la fiche fournie par la société de vente, le véhicule est doté de série de plusieurs équipements, tels que: régulateur de vitesse, système d?antiblocage des freins (ABS), assistance au freinage d?urgence (AFU7), contrôle dynamique de stabilité (ESP8). D?après cette même fiche, le véhicule n?était pas équipé de système d?avertissement de franchissement de ligne ou de collision frontale ni de système automatique de freinage d?urgence (AEBS). Un avertisseur de franchissement de ligne ne l?aurait pas alerté si, comme le conducteur en témoigne, les clignotants étaient activés lors de son approche du poids lourd. 3.3.3 - Les données du calculateur d?airbags du véhicule Le boîtier d?enregistrement des paramètres de commande des airbags, dénommé «calculateur d?airbags», qui équipait le minibus a été prélevé par l?expert judiciaire en présence du directeur de l?enquête judiciaire et des enquêteurs du BEA-TT. Les informations qu?il contenait ont été extraites et analysées par l?expert judiciaire. Le calculateur a détecté une collision frontale et les données enregistrées concernant la vitesse du véhicule sont les suivantes: ? 1200millisecondes avant le début du choc: 116km/h (la distance entre les deux véhicules était alors de 23 m compte tenu de leur delta de vitesse, qui est de 69km/h), ? 800 millisecondes avant le début du choc: 116km/h, ? 400 millisecondes avant le début du choc: 115km/h, ? au début du choc: 115km/h. Les informations sur les freins qui sont stockées dans le calculateur sont: «pas d?action sur la pédale de freins». Le calculateur ne comporte aucune donnée relative aux angles au volant ni aux accélérations longitudinales et de rotation. D?après ces informations, aucune action de freinage n?a donc été réalisée au moment de l?évènement et la vitesse était de 115km/h lorsque les airbags se sont déployés. Le conducteur a déclaré qu?il conduisait au régulateur de vitesse réglé à 130km/h. Ces éléments tendent à montrer que pour certains véhicules de type «Trafic», la vitesse du régulateur ne peut pas être tenue tout au long des 10km dans la montée de Massiac, comme l?ont également indiqué les acteurs locaux avec qui le BEA-TT a échangé lors de son déplacement sur les lieux de l?accident. 7 Le système AFU aide le conducteur à obtenir l?efficacité maximale lors d?un freinage d?urgence. 8 Electronic Stability Program, ESP ou Electronic Stability Control, ESC ou Dynamic stability control. Cet équipement d?antidérapage améliore le contrôle de trajectoire, il agit lorsque le véhicule risque de perdre sa stabilité lors d?un virage pris à trop grande vitesse ou lors d'un changement brutal de trajectoire. 29 3.3.4 - Le port de la ceinture de sécurité Le calculateur d?airbags comprend également des informations concernant les capteurs de boucle de ceinture de sécurité, desquelles on peut en déduire que: ? de tels capteurs sont prévus sur ce type de véhicule uniquement pour les trois places avant; ? sur le véhicule concerné, ces capteurs n?étaient pas configurés pour les deux passagers avant, seul l?était celui correspondant au conducteur; ? l?information issue de ce capteur indique que sa ceinture de sécurité était bouclée au moment de la collision. Donc, si les passagers du véhicule n?ont pas leur ceinture bouclée, le conducteur ne peut pas en être averti par un dispositif de signalement émanant du véhicule. Comme évoqué au 3.1, la ceinture de sécurité du passager avant droit a été arrachée lors de l?accident, un petit bout étant resté fixé à l?armature du dossier du siège. La boucle de la ceinture n?a pas été retrouvée, ni dans les débris du véhicule ni dans le système de verrouillage intérieur, à gauche du siège, dans lequel elle a vocation à venir se clipser. L?expert judiciaire fait par ailleurs le constat que ce système de verrouillage ne présente aucun dommage ou déformation imputable à des contraintes subies et en conclut que la victime ne portait pas la ceinture au moment de l?accident. À partir d?un examen visuel des autres places assises et des ceintures de sécurité correspondantes, l?expert tire les conclusions et explications suivantes: Figure 32: les 9 places du minibus et le port de la ceinture de sécurité au moment de l?accident (Source: rapport établi par l?expert judiciaire) Il s?avère en effet que seule la ceinture du conducteur présente des stigmates d?échauffement, tels que des traces de frottement ou de compression, qui montrent qu?elle était portée au moment du choc. Ce n?est pas le cas pour les autres ceintures et il est possible d?apporter des éléments de conclusion pour les trois places situées à droite, comme expliqué ci-avant pour celle à l?avant et ci-après pour les deux autres places. Concernant la place à droite sur la rangée du milieu, le système de verrouillage extérieur du siège est fortement endommagé et cassé, tandis que le système de verrouillage intérieur qui lui est associé ne présente aucun dommage. Concernant la place à droite sur la dernière rangée, le système de verrouillage extérieur est en place avec la boucle et il n?y a aucun stigmate de brûlure sur la ceinture au niveau du système de verrouillage 30 intérieur, alors que la ceinture a subi de fortes sollicitations lors de l?accident et notamment lors de l?arrachement du côté droit du véhicule. Figure 33: Système de verrouillage extérieur de la ceinture de sécurité associée aux places à droite sur la 2e et 3e rangée (Source: rapport établi par l?expert judiciaire) Comme le mentionne l?expert judiciaire, il est vraisemblable que le port de la ceinture n?aurait pas changé l?issue tragique de l?accident pour le passager avant droit et que le fait de ne pas être ceinturé a pu éviter des blessures au passager assis à droite sur la seconde rangée, notamment lors de l?arrachement du côté droit du véhicule. Enfin, les témoignages montrent que les adolescents portaient leur ceinture de sécurité au début du voyage et qu?après la dernière pause, ils l?ont tous retirée. 3.4 - Le poids lourd et son conducteur 3.4.1 - Le conducteur du camion et la société assurant le transport Le conducteur du camion, de nationalité biélorusse et âgé de 44 ans lors de l?accident, est titulaire des permis de conduire de catégories «poids lourds» C et CE, valides jusqu?en 2024 et obtenues respectivement en 1996 et 2014. Aucun manquement relatif à sa situation administrative et à ses documents de conducteur n?a été relevé à son encontre durant les investigations et les dépistages de l?alcoolémie et de l?usage de produits stupéfiants auxquels il a été soumis se sont révélés négatifs. D?après la lettre de voiture et les autres documents de bord: ? Le poids lourd transportait le jour de l?accident 12,933 tonnes de denrées alimentaires, qui avaient été chargées la veille en début d?après-midi en Seine-et-Marne et devaient être livrées à Pézenas (Hérault) pour 13h30. ? L?entreprise qui réalise le transport est la société «ME Transportas», membre du groupe GIRTEKA et bénéficiant d?une licence communautaire, valide jusqu?en 2025, délivrée par la république de Lituanie conformément au règlement (CE) n°1072/2009 du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l?accès au marché du transport international de marchandises par route. Le transport correspondait donc à une opération de cabotage routier de marchandises.9 9 Un transport de marchandises entre deux points du territoire français peut être réalisé par une entreprise établie dans un État de l?Union européenne autre que la France, s?il s?inscrit dans le prolongement d?un transport international effectué par cette même entreprise. 31 Les données de la carte électronique relative aux activités du conducteur et celles du chronotachygraphe ont été prélevées par les gendarmes et analysées par le service chargé du contrôle des transports terrestres de la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes. Il en ressort que le conducteur, après avoir effectué un repos d?un peu plus de 9 heures, a commencé son activité de conduite à 4h08 le vendredi 6 août 2021 et que celle-ci s?est interrompue à 7h26, heure de l?accident. Il apparaît que les temps de conduite, de pause et de repos sont respectés10. 3.4.2 - Les caractéristiques du poids lourd Il s?agit d?un ensemble articulé composé d?un tracteur routier et d?une semi-remorque. Le tracteur, de marque Mercedes-Benz, modèle Actros 1845 LS, a été mis en circulation le 8 avril 2019 et immatriculé en Lituanie au nom de la société «ME Transportas». Il est équipé d?un chronotachygraphe et d?un limiteur de vitesse réglé à une vitesse maximale de 90km/h. La vérification périodique de ces deux éléments a été réalisée en mars 2021 avec une validité de 2 ans. Son contrôle technique, réalisé le 16 mars 2021 avec un kilométrage de 278651km, était valide jusqu?au 8 avril 2022. Le véhicule comporte deux essieux, l?essieu arrière étant moteur et portant des roues jumelées. Avec sa motorisation diesel, il possède une puissance de 449 chevaux. Sa masse à vide est de 8,304 tonnes et sa masse en charge maximale admissible de 18tonnes. Il mesure 6,30m en longueur et 2,50m en largeur. Figure 34: Le tracteur (site internet du constructeur) La semi-remorque, de marque Schmitz Cargobull (modèle SKO 24/L ? 13.4), a été mise en circulation le 4 août 2020 et a été immatriculée en Pologne le 20 août 2020 au nom de la société «ME Trailers Poland». Son contrôle technique, réalisé le 21 juillet 2021, était valide pour un an. Il s?agit d?une semi-remorque frigorifique à trois essieux. Elle mesure 4m en hauteur, 2,6m en largeur et 14 m en longueur, avec un porte-à-faux arrière de 3m. Sa masse à vide est de 8,434tonnes et sa charge utile technique maximale de 27tonnes. La masse totale du poids lourd au moment de l?accident peut donc être estimée à environ 29,8tonnes, en tenant compte des masses à vide, du fret transporté et des équipements du tracteur et de son occupant. 10 Sur le mois précédant l?accident, deux infractions mineures sont constatées: l?une pour l?absence de désignation du pays dans lequel le conducteur se trouve en fin de journée et l?autre pour une conduite continue de 4h39 au lieu des 4h30 réglementaires. 32 3.4.3 - La vitesse du poids lourd au moment de l?accident Les données du chronotachygraphe, qui enregistre seconde par seconde la vitesse du poids lourd et la distance parcourue par celui-ci, ont été mises à disposition du BEA-TT. Elles montrent que la collision a dû se produire entre 7h25min48sec et 7h25min49sec et alors que le poids lourd circulait à une vitesse de 47km/h. Une légère et brève accélération de 2km/h a été enregistrée juste après, et avant que la vitesse entame une chute jusqu?à l?arrêt du véhicule 20secondes plus tard. Cette accélération, qui est très certainement due au choc, a fait porter ponctuellement la vitesse à 49km/h, il doit s?agir de la vitesse du poids lourd après que celui-ci a été poussé par le minibus. L?analyse de ces données met en évidence que le poids lourd a parcouru une distance de l?ordre de 90 m après le choc (la distance estimée est comprise entre 96m et 83m). Cela paraît cohérent avec l?estimation des gendarmes concernant la position présumée du point de choc et de laquelle il découle, d?après les relevés, que les roues avant du poids lourd immobilisé au niveau de la BAU se situaient à environ 106 m de ce point. Figure 35: Graphique de vitesse du poids lourd sur une durée de 4 minutes jusqu?à l?immobilisation du véhicule (Source: DREAL Auvergne-Rhône-Alpes) Figure 36: Évolution de la vitesse du poids lourd les 30 secondes jusqu?à son arrêt (Source: DREAL Auvergne-Rhône-Alpes) 33 3.4.4 - L?évolution de la vitesse du poids lourd dans la rampe de Massiac La figure suivante représente: ? l?évolution de la vitesse du poids lourd en fonction de la distance, depuis le début de la montée de Massiac jusqu?au lieu de l?accident; ? et, par juxtaposition, le profil en long de la rampe et l?évolution de la valeur moyenne de la pente dans cette rampe. Elle montre la forte influence de la rampe sur la vitesse du véhicule: ? La vitesse commence à baisser significativement dès que la pente atteint une valeur de 2% et elle se rapproche du seuil de 55km/h au-delà de 1,5km de montée. ? La vitesse reste grosso modo en deçà de ce seuil pendant les 6 derniers kilomètres jusqu?au lieu de l?accident et atteint parfois en valeur minimale 44km/h. ? Au sein de cette montée d?une dizaine de kilomètres, les secteurs où la vitesse du PL est la plus basse (inférieure à 50km/h) correspondent assez logiquement aux sections marquées par une plus forte valeur de pente (5% et plus), soit au niveau du PR 75 sur environ 1km ainsi qu?à partir du PR 77+500 (500 m avant le lieu de l?accident), étant précisé que la pente est ensuite de 5 à 6% jusqu?au PR 79+500. Figure 37: Évolution des vitesses du PL dans la montée de Massiac et profil en long de la rampe (schéma BEA-TT) L?évolution de la vitesse du poids lourd impliqué dans l?accident est concordante avec les éléments de référence nationaux relatifs aux vitesses des véhicules lourds pouvant être pénalisants dans les rampes et tels que présentés en 5.5.1. Toutefois, s?agissant d?un véhicule qui était à peu près à mi-charge, sa vitesse pourrait presque paraître anormalement basse et notamment en début de rampe où le passage de 80km/h à moins de 60km/h paraît un peu abrupt alors que la pente avoisine les 3%. D?après les acteurs locaux, certains véhicules lourds, notamment lorsqu?ils sont très chargés, sont amenés à circuler à une vitesse comprise entre 40 et 60km/h dans cette rampe qui est forte et longue. Certains d?entre eux ont alors leurs feux détresse activés, ce qui n?était pas le cas pour le PL impliqué dans l?accident. D?après les acteurs locaux, cette pratique serait davantage celle de conducteurs de PL régionaux, car ils connaissent le secteur et l?effet de la rampe sur les vitesses. 34 3.5 - L?accidentalité de l?A75 et de la rampe de Massiac Le BEA-TT a effectué des recherches à partir de la base de données nationale des accidents corporels de la circulation routière, appelées également «fichier ou données BAAC»11, renseignée par les forces de l?ordre et administrée par l?Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR). Cette base est constituée des accidents avec victimes, décédés et blessés graves ou légers et elle n?est pas complètement exhaustive s?agissant des accidents ayant occasionné uniquement des blessés légers. Avec l?évolution des véhicules, il devient possible d?exploiter les données embarquées dans les véhicules afin d?identifier et de localiser la survenance d?incidents de conduite ou de presque accidents. Le BEA-TT a ainsi fait réaliser en 2023 une étude basée sur l?exploitation des données issues de véhicules connectés, afin d?affiner l?analyse de la rampe de Massiac sur l?A75 et d?effectuer des comparaisons avec d?autres sections. 3.5.1 - Les données générales concernant l?A75 L?accidentalité sur la totalité de l?autoroute A75 s?élève à un peu moins d?une quarantaine d?accidents corporels par an, avec une légère tendance à la baisse. La part des accidents impliquant un PL par rapport à la totalité des accidents est assez comparable aux données relatives à l?ensemble des autoroutes. La gravité des accidents en général semble plus élevée : 9,3% des accidents sont mortels sur l?A75, contre 4,3% sur l?ensemble des autoroutes12, sur la période 2016-2020. Ce ratio de gravité sur l?A75 semble baisser sur la période récente. 11 Pour chaque accident corporel, des saisies d?information décrivant l?accident sont effectuées par l?unité des forces de l?ordre qui est intervenue sur le lieu de l?accident. Ces saisies sont rassemblées dans une fiche intitulée bulletin d?analyse des accidents corporels (BAAC). 12 D?après les bilans publiés par l?ASFA pour les autoroutes concédées, la gravité est du même ordre de grandeur, soit un peu plus de 4% pour ce qui concerne la totalité des accidents sur la période 2016-2020. Les données d?accidents corporels ne figurent plus dans les bilans des deux dernières années. 35 3.5.2 - L?étude relative aux accidents de PL sur l?A75 réalisée en 2010 Le BEA-TT a pu se procurer auprès du Cerema13 l?étude relative aux accidents de poids lourds sur l?A75 que le CETE14 de Lyon a réalisée en octobre 2010 dans le cadre de l?opération de recherche PLINFRA, portant sur l?analyse des relations entre les accidents impliquant un PL et les caractéristiques géométriques de l?infrastructure. L?étude souligne que l?A75 est un itinéraire assez particulier en termes de caractéristiques géométriques par rapport à l?ensemble des autoroutes françaises: certaines sections sont sinueuses, les montées et les descentes sont nombreuses et parfois avec des pentes fortes et longues. Sur la période d?étude, de 2003 à 2008, il est dénombré 292 accidents sur l?A75, soit presque une cinquantaine par an, et 9% ont été mortels. Les accidents impliquant un PL sont au nombre de 50, dont 12 ont impliqué un seul véhicule: ces accidents se produisent en section rectiligne et dans des conditions atmosphériques normales dans 80% des cas. L?analyse de 29 procès-verbaux d?accidents a permis de mettre en évidence 4 familles, dont deux concernent les pertes de contrôle au niveau du PL. Une autre famille concerne des chocs lors de dépassements, qui se sont produits dans une montée ou une descente, le différentiel de vitesse entre véhicules ayant été un facteur d?accident dans 2 des 4 cas. Le scénario où un véhicule heurte l?arrière d?un PL apparaît prédominant. Les facteurs relevés sont le différentiel de vitesse, associé à un assoupissement ou un défaut d?attention ne permettant pas au conducteur du véhicule suiveur de voir le PL à temps. Sur les 11 cas analysés, l?un a été mortel et correspond à un cas d?encastrement: ? Le PL circule sur la voie de droite dans la majorité des cas. Il est heurté à l?arrière par un VL dans 9 cas (et dans 2 cas par un PL). ? Le conducteur du véhicule suiveur n?a en général aucune réaction (un cas de freinage a été relevé). Un assoupissement est relevé dans 6 cas, un défaut d?attention dans 2 cas et la présence d?alcool dans 1 cas. Dans 2 cas, le conducteur a vu qu?il arrivait sur le PL. ? 6 cas, dont 3 en début de matinée, sont survenus alors qu?il faisait nuit. ? 7 cas sont survenus en rampe, 4 sur du plat et presque tous en section rectiligne. 13 Centre d?études et d?expertise sur les risques, l?environnement, la mobilité et l?aménagement 14 Centre d?études techniques de l?Équipement, qui depuis a été dissous et intégré au Cerema 36 3.5.3 - Données sur la rampe de Massiac La DIRMC a indiqué au BEA-TT que la rampe de Massiac n?est pas considérée accidentogène. Pour l?exploitant, cette longue et forte rampe se caractérise par le fait qu?elle occasionne parfois des bouchons et beaucoup d?interventions l?été du fait de l?échauffement des moteurs de certains véhicules et caravanes, qui s?arrêtent. Pour la section de l?A75 comprise entre les diffuseurs 24 (Massiac-sud) et 27 (Coren), soit une vingtaine de kilomètres, la base de données BAAC fait apparaître: ? 3 accidents sur la période 2009-2013 (5ans), tous survenus en 2009, dont 2 en sens nord-sud; ? 3 accidents sur la période 2014-2018 (5ans), dont 2 en sens nord-sud; ? 12 accidents sur la période 2019-2022 (4ans), dont 11 en sens nord-sud. Ces données reflètent sur la période récente une hausse de l?accidentalité en sens nord-sud, mais il convient d?être prudent dans l?analyse du fait des petits chiffres en question. S?agissant des 11 derniers accidents en sens nord-sud sur la section considérée, si 4d?entre eux sont liés à un facteur météorologique (neige, pluie orageuse), il apparaît en revanche que 4 autres, dont celui du 6 août 2021 et objet de la présente enquête, correspondent au cas d?un véhicule léger percutant l?arrière d?un poids lourd circulant à faible allure sur la voie de droite et dans des conditions météorologiques favorables. Il s?avère en fait que, depuis 2019, ce scénario d?accident se reproduit une fois chaque année, en sens nord-sud sur la section considérée, et sur la base des seuls cas comptabilisés en tant qu?accident corporel. Si l?accident survenu en 2019 s?est produit en fin de section (après le PR 85), les deux autres accidents, survenus en 2020 et 2022, ont eu lieu à peu près au même endroit que celui considéré dans la présente enquête. Ce type d?accident n?apparaît pas dans la base de données sur la période 2009-2018 pour ce qui concerne la section étudiée. Par ailleurs, la DIRMC comptabilise une vingtaine d?accidents matériels par an sur cette section en sens nord-sud. Le BEA-TT a pu obtenir de la part de la gendarmerie les fiches d?intervention qu?elle a renseignées pour les accidents matériels survenus en 2018, 2019 et 2020 sur la rampe de Massiac (section en sens nord-sud entre les diffuseurs 24 et 25). Ces données font apparaître un accident du même type en 2018 et un autre en 2020. D?après les recherches effectuées sur internet, un autre s?est produit en 2017. Les accidents en question sont présentés dans le tableau ci-après. Au global, il apparaît donc que depuis 2017, un accident du même type que celui objet de la présente enquête survient en moyenne une fois par an sur la rampe de Massiac et dans le même secteur, entre les PR 78 et 80. Ce secteur correspond à la dernière partie de la rampe de Massiac, longue d?une dizaine de kilomètres, et est caractérisé par un tracé plutôt rectiligne. C?est au niveau de ce secteur que les valeurs de pente sont les plus marquées. Le facteur relatif à la somnolence semblerait être en cause dans au moins un cas sur deux en l?état des informations partielles disponibles. Les accidents concernés se sont produits en semaine, au mois d?août pour deux d?entre eux, dans une configuration de trafic relativement faible et plutôt de jour. Ils ont donné lieu à un encastrement dans la moitié des cas. Compte tenu notamment du profil en long de l?autoroute, des collisions arrière contre un PL surviennent également dans d?autres secteurs de l?A75. Récemment, cela s?est produit par exemple en juillet 2023 vers le PR 88 en sens sud-nord, donc en montée. 37 Date Heure PR Source Circonstances Jeudi 23/02/17 7h20 Entre 78 et 79 Presse À l?aube, météo normale, chaussée sèche, trafic très faible (280 véhicules / heure en nord-sud = sens 1). Un véhicule utilitaire (VU) Renault Master s?encastre dans la remorque d?un PL roulant à 40km/h. Le conducteur du VU, âgé de 23 ans, a pu s?extraire de la cabine et n?a été blessé que légèrement. Jeudi 25/10/18 ? 78+900 à 79+900 Fiche accident matériel En plein jour, «temps éblouissant» et sec. Un véhicule Renault Master heurte l?arrière d?un véhicule de marque MAN. Mercredi 20/02/19 20h00 85+685 Fichier BAAC + PV accident De nuit, temps sec, débit très faible (200 véh / heure, sens 1). Section rectiligne en montée, 110km/h. Une voiture BMW série 3 percute l?arrière d?un semi- remorque qui circulait sur la voie de droite à 60km/h, feux de détresse activés aux dires du chauffeur. L?automobiliste, en trajet professionnel, roulait semble-t-il à environ 125km/h et ne faisait pas usage de son téléphone au moment de l?accident. Il n?en a aucun souvenir. Le facteur présumé est la somnolence. Désincarcéré puis hospitalisé. Lundi 24/08/20 15h40 79+100 Fichier BAAC + PV accident Temps sec, soleil et nuages, pas de risque d?éblouissement (soleil dans l?axe mais trop haut). Débit de 880 véhicules par heure en sens nord-sud. Un véhicule Citroën Berlingo, avec à son bord un couple de sexagénaires des Bouches-du-Rhône, s?encastre dans l?arrière d?un semi-remorque (tracteur de marque DAF, 2016) qui circulait sur la voie de droite à 50 km/h compte tenu de la pente. La passagère de la voiture dormait, le conducteur n?a aucun souvenir de l?accident, le facteur présumé est la somnolence / fatigue. 2 blessés hospitalisés. Vendredi 28/02/20 14h20 78+600 Fiche accident matériel + Presse En plein jour, pas de risque d?éblouissement à cette heure, météo normale, chaussée sèche, trafic faible (environ 500 véhicules / heure en sens nord-sud). Un véhicule Peugeot 3008 percute l?arrière d?un petit camion (Renault, gamme D) transportant du gaz liquide. L?automobiliste, âgé de 47 ans, se serait endormi au volant. Il n?a été blessé que légèrement malgré l?incarcération et la violence du choc. Vendredi 06/08/21 7h30 77+900 Enquête BEA-TT. 1 tué, 8 blessés légers. Jeudi 24/11/22 17h35 78+500 Fichier BAAC + PV accident Au crépuscule, presque nuit, temps sec. Trafic faible (400 véhicules par heure en sens 1). Une voiture, modèle mini, s?encastre sous un camion- citerne transportant 20 tonnes d?esters et roulant à 44km/h. Ce dernier avait ses feux de circulation activés, ainsi que ses feux de détresse. Le compteur de la voiture a été retrouvé bloqué à 120km/h. Son conducteur, âgé de 42 ans, rentrait après sa journée de travail et devait quitter l?autoroute au prochain diffuseur. Il a été grièvement blessé et héliporté. 38 L?étude basée sur l?exploitation des données issues de véhicules connectés, que le BEA-TT a fait réaliser, en 2023 par la société Autoroutes Trafic, est présentée en annexe7. Elle porte sur 120km de chacune des autoroutes A71 et A75 et dans les deux sens de circulation, en sus de la montée de Massiac. Les données considérées, sur une période allant de 2019 à mi 2023 selon les cas, sont: ? Les forts freinages enregistrés par les appareils embarqués dans les véhicules et après avoir neutralisé les données de freinage situées au voisinage des radars. ? Les signalements effectués par les utilisateurs de l?application Coyote, portant sur un véhicule arrêté, une situation de visibilité réduite ou les accidents constatés; ces derniers, beaucoup plus nombreux que les accidents corporels du fichier BAAC, permettent de mettre en évidence également les accidents matériels. L?étude met en évidence, comparé aux autres sections en montées du linéaire, que: ? La première section de la montée, correspondant à la rampe de Massiac proprement dite, se distingue par un fort taux de signalements de véhicules arrêtés. D?après les acteurs locaux, il n?est pas rare en effet que des PL, VL et caravanes aient leur moteur qui chauffe et soient contraints de s?arrêter sur la BAU. ? La seconde section, qui permet d?atteindre le col de la Fageole, se distingue par un fort taux de signalements de visibilité réduite. Ces signalements se font principalement le matin et en toute saison, même s?ils sont moins nombreux l?été. Concernant le taux d?accident et le taux de freinage d?urgence, la fiabilité statistique des résultats de l?étude est faible compte tenu des petits chiffres en question. À titre indicatif: ? Ces taux paraissent relativement élevés sur l?ensemble de la montée et plus encore sur sa dernière section. La dernière section de la montée se distingue pour ce qui concerne le taux d?accident, ce qui doit être lié en partie aux conditions météorologiques pouvant être délicates au niveau du col de la Fageole. ? Dans le sens de la descente, ces taux paraissent également relativement élevés, et plus encore dans la dernière partie de la descente, par comparaison aux autres sections identifiées en descente dans le linéaire d?étude. ? Les taux d?accidents ne paraissent pas plus élevés en descente qu?en montée. Répartition des accidents et des freinages d?urgence au sein de la montée de Massiac: 39 3.5.4 - Les démarches de gestion de la sécurité de l?exploitant autoroutier Les démarches de sécurité des infrastructures routières existantes qui s?imposent depuis2011 en France aux gestionnaires des routes nationales et des autoroutes comportent: ? Une procédure de classification et de gestion de la sécurité, dite démarche SURE (Sécurité des Usagers sur les Routes Existantes). Cette démarche était à réaliser tous les 3ans jusqu?à ce que des dispositions adoptées fin 2021 viennent en modifier la consistance et porter leur fréquence à 5ans. Elle vise, sur le réseau étudié, à identifier et à traiter les tronçons à plus forts enjeux de sécurité. ? Des inspections de sécurité routière périodiques, dénommées ISRI (Inspections de Sécurité routière des Itinéraires), à réaliser tous les 3ans. Elles visent à apporter un regard nouveau sur l?itinéraire, afin de retranscrire la perception de l?usager sur certains éléments (lisibilité, visibilité, etc.) et sont complémentaires à d?autres démarches de suivi du réseau, comme le patrouillage et les états des lieux programmés de certains équipements. La démarche SURE repose sur la réalisation d?une étude d?enjeux qui s?appuie sur les données BAAC, relatives aux accidents corporels. Le réseau est ainsi découpé en sections, qui sont des portions de route homogènes en termes de trafic et de profil en travers, puis la hiérarchisation des différentes sections est effectuée suivant leur potentiel de sécurité15 et selon la densité d?accidents graves. Elle permet in fine de mettre en évidence les itinéraires prioritaires, à analyser plus finement ensuite dans le cadre d?un diagnostic assorti d?un plan d?actions. Les études d?enjeux qui ont été réalisées sur le réseau de la DIRMC couvrent l?ensemble du réseau et elles couvrent chacune une période de 5 années. Les deux premières études ont considéré, pour ce qui concerne l?A75 dans le secteur de la rampe de Massiac, une section du PR 64 au PR 81 et une autre section du PR 81 au PR 115. Elles comptabilisaient respectivement 9 et 7 accidents corporels sur la période 2004-2008, et 2 et 7 accidents corporels sur la période 2009-2013. Lors de la seconde étude, les deux tronçons intégrant ces sections ont été identifiés à potentiel de sécurité élevé. C?était également le cas, lors de la première étude, pour le tronçon intégrant la section comprise entre le PR 64 et le PR 81. À la suite de ces études, aucune analyse plus fine n?a été réalisée sur l?A75, car non prioritaire par rapport à d?autres axes identifiés à plus fort enjeu et concernant des axes bidirectionnels situés sur routes nationales. La troisième et dernière étude, rendue en septembre 2022, couvre la période 2015-2019 et prend en compte un sectionnement différent, incluant une section du PR 66 au PR 81 (Massiac-Nord à Saint-Poncy) et une autre du PR 81 au PR 92+550 (Saint-Poncy à Saint- Flour-nord). Ces sections comptabilisent respectivement 4 et 3 accidents corporels sur la période 2015-2019 et ressortent en bas de classement. Concernant la démarche ISRI, une première inspection a été réalisée en mars 2016 au niveau de ces sections de l?A75. Elle a été reconduite en août 2023. La DIRMC précise que les inspections qui avaient été programmées en 2020 et 2021 ont dû être reportées en raison du contexte sanitaire et de travaux. 15 Cet indicateur correspond à un coût économisable par km: il s?agit d?une monétarisation de la différence entre l?accidentalité observée et l?accidentalité moyenne en France sur le même type de route. Cette monétarisation par section est agrégée à l?échelle d?un itinéraire puis ramenée à la longueur de celui-ci. 40 4 - Analyse du déroulement de l?accident et des secours 4.1 - Le déroulement de l?accident Le vendredi 6 août 2021, 15 adolescents et 3 accompagnateurs employés par la ville d?Amiens, répartis dans deux minibus de 9 places, devaient rejoindre le Cap d?Agde, pour un séjour de vacances organisé par un centre d?animation jeunesse de la ville d?Amiens. L?heure de rassemblement des personnes a été fixée à 23h dans les quartiers nord d?Amiens. Le groupe prend la route vers 0h30, pour un trajet dont la durée est d?environ neuf heures. Les deux véhicules circulent en se suivant, le minibus de tête est conduit par une animatrice et a à son bord l?accompagnateur ayant la fonction de directeur du séjour, ainsi que 7 adolescents, tandis que le second véhicule est conduit par un animateur et transporte 8 adolescents. Cette répartition dans les véhicules et au poste de conduite va rester la même tout au long du trajet. Deux pauses sont effectuées au cours du trajet, la première vers Orléans et la seconde au niveau de Clermont-Ferrand, soit après environ 3heures de conduite pour chacune. La durée de chacune de ces pauses a été d?une vingtaine de minutes, considérant que la durée d?un trajet par autoroute entre Amiens et le lieu de l?accident est d?environ 6h 20 et que la durée du trajet effectué par le groupe le jour de l?accident est d?environ 7h. Le matin du vendredi 6 août 2021, le conducteur du poids lourd part quant à lui vers 4h de Bourges où il s?est arrêté pour passer la nuit. Il transporte un chargement de 13tonnes qu?il doit livrer en début d?après-midi dans l?Hérault. Vers 7h17, il commence à parcourir la rampe de Massiac longue d?une dizaine de kilomètres sur l?A75, sa vitesse baisse progressivement au cours de sa progression dans la montée et jusqu?à descendre en dessous de 50km/h, ses feux de détresse ne sont pas activés comme il en témoigne. À cette heure matinale d?un vendredi du début du mois d?août, il fait jour, la circulation est fluide et le trafic est encore faible sur l?A75. Après la dernière pause, effectuée depuis moins d?une heure, le conducteur du minibus de queue, est en train de circuler dans la montée de Massiac, avec le régulateur de vitesse réglé à 130km/h, l?effet de la rampe induisant, également pour lui, une baisse de sa vitesse jusqu?à descendre en dessous de 120km/h. L?ambiance dans le véhicule est calme: il n?y a priori pas de musique, les passagers se sont endormis après avoir retiré leur ceinture de sécurité pour être plus à l?aise, l?adolescent assis à l?avant droit a sa tête sur un oreiller posé contre la vitre. Le conducteur circule sur la voie de droite lorsqu?il aperçoit au loin le camion, il se déporte alors sur la voie de gauche afin de le doubler. Arrivé à hauteur du poids lourd, vers 7h26, il heurte par son avant droit l?angle arrière gauche de la semi-remorque puis s?encastre sous celle-ci jusqu?au pneu gauche du dernier essieu. L?arrière de la semi-remorque pénètre l?habitacle du minibus et vient heurter l?adolescent assis à l?avant droite, tandis que le panneau latéral droit et le pavillon du véhicule sont arrachés. Le passager est expulsé de son siège, tout en étant percuté par la roue avant droite qui s?est arrachée. Son camarade situé sur sa gauche a pu être retenu par l?airbag et n?a donc pas percuté le pare-brise malgré l?absence de ceinture de sécurité. Le minibus finit par se défaire de la semi-remorque tout en étant stoppé par celle-ci puis s?arrête, une soixantaine de mètres après le point de choc, tandis que le poids lourd s?arrête au bout d?une centaine de mètres. Les occupants sortent du minibus légèrement blessés et découvrent leur camarade gisant au sol juste derrière le véhicule. 41 4.2 - L?analyse de la séquence de l?accident L?expert judiciaire a effectué une reconstitution de l?accident au moyen de simulations réalisées avec le logiciel VCRASH, en étudiant plusieurs hypothèses jusqu?à obtenir la reconstruction la plus proche de la réalité, avec prise en compte des points de chocs et des déformations des véhicules, de leurs positions finales et de leurs vitesses respectives au moment du choc et issues du chronotachygraphe et du calculateur d?airbag. Pour la phase de pré-collision, il retient l?hypothèse d?une vitesse quasi-constante pour le minibus, le calculateur d?airbag donnant uniquement l?information qu?il n?y a pas eu d?action sur la pédale de freins pendant la 1,2 seconde précédant la collision. Cette reconstitution lui permet de confirmer que le point de choc se situe sur la voie de droite et qu?aucune manoeuvre d?évitement n?a été réalisée. Il indique que des conclusions différentes ne seraient pas possibles dans le cadre de la reconstruction logicielle et tout en respectant les données d?entrée. Le logiciel ne permet pas de reproduire complètement le phénomène d?encastrement que subit le minibus, sa trajectoire après le point de choc ne peut donc pas être reconstituée précisément, l?expert indique que les énergies dissipées dans la phase d?échappement sont néanmoins respectées. D?après la reconstitution, le minibus s?immobilise 4,5secondes après le choc et après avoir parcouru une distance de 63,57m. Cette distance paraît cohérente, à 1 m près, avec l?estimation des gendarmes concernant la position présumée du point de choc et de laquelle il en découle, d?après les relevés, que les roues avant du minibus se situaient à environ 64 m de ce point. Figure 38: Reconstitution au moment du choc (Source: rapport établi par l?expert judiciaire) Compte tenu de la position du point de choc estimée par les gendarmes, de la reconstitution réalisée par l?expert, de la position finale dans laquelle a été retrouvé le minibus et de l?absence de témoignage contraire de la part de son conducteur, il n?y a pas de raison valable de penser que le choc aurait pu se produire sur la voie de gauche ni même que le poids lourd aurait pu faire au dernier moment un écart sur sa gauche. De même, les éléments factuels permettent de considérer, d?une part qu?il n?y a pas eu de manoeuvre d?évitement de la part du conducteur lors de son approche du camion, et d?autre part, en tenant compte également de son témoignage, qu?il n?y a pas eu d?action de freinage, ni pendant la seconde précédant la collision ni un peu avant. Il est également raisonnablement possible de considérer que le conducteur, qui roulait à une vitesse voisine de 116km/h du fait de l?effet de la rampe, n?a pas non plus décéléré lors de son approche du poids lourd. 42 L?expert conclut que l?examen du véhicule n?a permis de relever aucun défaut pouvant être à l?origine de l?accident, qui est vraisemblablement imputable à un assoupissement, de la somnolence, un endormissement ou un long moment sans attention à la route. Compte tenu des éléments venant d?être énoncés, la collision ne peut en effet s?expliquer que par un défaut d?attention et/ou de vigilance de la part du conducteur du minibus, possiblement combiné au fort différentiel de vitesse entre les deux véhicules. L?absence de freinage avant la collision et l?incapacité du conducteur à se rappeler la séquence qui la précède immédiatement sont des caractéristiques souvent associées aux accidents ayant impliqué un défaut d?attention ou de vigilance. Le fait que le conducteur déclare qu?il était dans ses pensées tout en fixant le camion au loin est quant à lui révélateur d?un très probable problème d?inattention au cours de la phase de pré-collision. La vigilance se rapporte à un aspect quantitatif du niveau d?éveil et les problèmes lors de la conduite vont être la perte et les baisses de vigilance associées au sommeil: l?endormissement et les étapes intermédiaires entre veille et sommeil, que sont l?hypovigilance et la somnolence, cette dernière pouvant entraîner des périodes de micro-sommeil. L?attention se rapporte quant à elle à l?orientation de la pensée et la capacité à orienter plus ou moins intensément son esprit sur tel ou tel aspect d?une situation. À la différence de la distraction où l?attention du conducteur est détournée par un élément extérieur, comme une discussion avec un passager ou l?usage du téléphone portable, l?inattention correspond à une focalisation interne du conducteur sur ses propres pensées et préoccupations diverses et l?amenant à se détacher de la scène de conduite. Ces sujets sont détaillés en annexe 2, tandis que sont présentés en partie 5.2 les facteurs qui contribuent à la baisse du niveau de vigilance et à l?émergence de l?inattention ainsi que les impacts de ces phénomènes sur la conduite. La reconstitution réalisée par l?expert paraît refléter le fait que le minibus a heurté l?arrière du poids lourd en venant de la voie de droite, alors que le conducteur déclare se souvenir qu?il était à un moment donné, pendant la phase de pré-collision, sur la voie de gauche. L?expert n?aborde pas cet aspect et le calculateur d?airbags ne comporte aucune donnée relative aux angles au volant. Si le conducteur venait de la voie de droite lorsqu?il a heurté l?arrière du camion, cela veut dire qu?il l?a heurté alors qu?il était en train de se déporter sur la voie de gauche pour le dépasser, tout en appréciant mal l?intervalle espace / temps le séparant du poids lourd. Du fait de la fatigue liée à la conduite et au manque de sommeil, le conducteur pouvait se trouver dans un niveau de vigilance assez bas, impliquant un fonctionnement plus ou moins ralenti du cerveau, sans pour autant que cela provoque un assoupissement. Cette hypovigilance associée au fort différentiel de vitesse entre les véhicules fait que le déroulement va trop vite pour le conducteur et que celui-ci entreprend son dépassement sans s?apercevoir, ou alors trop tardivement, que le camion roulait à une faible vitesse, voisine de 47km/h. S?il s?était endormi ou assoupi tout en étant à droite derrière le camion, il aurait plus probablement heurté davantage celui-ci sur son arrière et non pas au niveau de l?angle arrière gauche de la semi-remorque comme ce fut le cas. L?autre possibilité est que le minibus venait de la voie de gauche lorsqu?il a heurté l?arrière du camion: le conducteur voit le camion au loin et se déporte sur la gauche de manière anticipée, comme il en témoigne; le minibus est alors en train de circuler sur la voie de gauche avec le camion au-devant de lui et situé sur la voie de droite puis il est possible qu?il ait progressivement dévié de sa trajectoire alors qu?il se rapprochait du poids lourd. La dérive de trajectoire serait alors liée à un problème d?attention et/ou de vigilance et a pu être favorisée par le tracé qui, comme indiqué en 2.1.2 et illustré à nouveau ci-après, 43 présente une légère courbe à droite avant la section en alignement droit où a eu lieu l?accident. C?est comme si le conducteur aurait en quelque sorte un peu trop anticipé le dépassement, ce qui a pu, du fait du problème sus-évoqué, lui laisser le temps de dériver ensuite vers la droite. Le conducteur pouvait se trouver dans un niveau assez bas de vigilance, comme évoqué précédemment, et l?ayant amené à dévier de sa trajectoire: il est possible que cela ait été au point d?avoir un micro endormissement même si cela paraît moins probable compte tenu de la configuration de manoeuvre dans laquelle il se trouvait. L?inattention du conducteur, qui fixait le camion au loin tout en étant dans ses pensées, a pu l?amener par ailleurs à ne pas percevoir que le poids lourd circulait lentement, ce qui fait qu?il va se retrouver à son niveau beaucoup plus vite qu?il ne l?avait sans doute imaginé. Figure 39: Vue 400 m environ en amont du lieu de l?accident Figure 40: Vue 300 m environ en amont du lieu de l?accident Figure 41: Vue 200 m environ en amont du lieu de l?accident (Source des trois photos: Google Street View, août 2021) 44 4.3 - Les mesures prises après l?accident et l?intervention des secours Le conducteur du minibus accidenté a appelé les secours en composant le 15 à 7h27. Le SAMU a réceptionné l?appel et a transmis l?alerte au service départemental d?incendie et de secours (SDIS) du Cantal à 7h29. Le conducteur a reçu à 7h36 un appel de la part d?un médecin qui lui a donné des consignes sur les actions immédiates à réaliser vis-à-vis de la victime. L?équipe d?intervention de la DIR Massif Central, constituée de deux agents et d?un chef d?équipe, est arrivée rapidement sur place pour sécuriser les lieux de l?accident. Dans un second temps et en lien avec les forces de l?ordre, elle a procédé à la fermeture de l?autoroute en sens nord-sud et à la mise en place d?une déviation. L?autoroute a été ré-ouverte à la circulation à 10h50 sur une seule voie, puis complètement à 11h40. Les premiers sapeurs-pompiers sont arrivés sur les lieux vers 7h45, rejoints quelques minutes après par d?importants renforts et par le SMUR de Saint-Flour (Cantal). D?importants moyens de secours ont été mis en oeuvre: 20 pompiers et 4 véhicules de secours et d?assistance aux victimes (VSAV) du SDIS du Cantal, 8 gendarmes du peloton motorisé de Saint-Flour, l?hélicoptère de la sécurité civile avec à son bord une équipe du SAMU du Puy-de-Dôme, ainsi que le SAMU du Cantal ont été mobilisés sur les lieux. L?adolescent très gravement blessé a été héliporté et est décédé lors de son arrivée à l?hôpital de Clermont-Ferrand. Les 8 autres passagers du minibus, présentant des blessures légères, ont été transportés au centre hospitalier de Saint-Flour. Le préfet du Cantal s?y est rapidement rendu et a publié un point de situation à 12h20, par un communiqué de presse. Une cellule d?urgence médico-psychologique a été mise en place pour prendre en charge les équipes des deux minibus choquées. Le directeur du centre de loisirs l?Odyssée, qui était en congés au moment des faits, a pu rejoindre les équipes sur place dans l?après-midi. Il a été rejoint dans la soirée par un élu du secteur nord d?Amiens. La préfecture du Cantal a organisé leur hébergement pour la nuit à Saint-Flour et leur rapatriement à Amiens, le lendemain, samedi 7 août 2021. À Amiens, les services de la ville se sont mobilisés pour accompagner les familles des victimes. La façade de la mairie a été illuminée en bleu-blanc-rouge tout le week-end en hommage à l?adolescent décédé. L?accident a constitué un important traumatisme. Les familles ont été reçues à plusieurs reprises et un accompagnement psychologique a été mis en place à leur attention et également pour les équipes concernées au sein de la municipalité. 45 5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives 5.1 - Les causes et les facteurs associés Les investigations menées n?ont pas permis de préciser si le minibus venait de la voie de droite ou de la voie de gauche de l?autoroute, lorsqu?il a heurté avec son avant droit l?arrière gauche de la semi-remorque du poids lourd qui, lui, circulait sur la voie de droite. Elles permettent de conclure que l?accident est lié un défaut d?attention et/ou de vigilance de la part du conducteur du minibus, sans nécessairement se traduire par un assoupissement, et l?ayant amené à ne pas apprécier correctement la vitesse de rapprochement de son véhicule lors de sa manoeuvre de dépassement du camion, voire également, dans le cas où il venait de la gauche, à dévier de sa trajectoire. Dans le cas présent, la situation réunissait un certain nombre de facteurs pouvant contribuer à une dégradation de la vigilance et de l?attention du conducteur: ? le manque de sommeil avec un départ vers minuit ainsi que le fait d?être au 2/3 du trajet et d?avoir conduit pendant une durée de 6 h; ? le trafic faible sur l?autoroute, la présence de passagers tous endormis dans le véhicule, la conduite au régulateur de vitesse ainsi que l?effet de fatigue passive en tant que conducteur d?un véhicule qui en suit un autre. Ces éléments constituent un contexte favorable à la survenue d?un accident en cas d?évènement imprévu, tel que peut l?être un camion qui circule à moins de 50km/h sur une section réglementée à 130km/h et dont les feux de détresse ne sont pas activés. Si l?infrastructure autoroutière n?est pas directement en cause dans le cas présent, elle intervient néanmoins de manière indirecte dans le mécanisme accidentel. La section concernée est constituée d?une forte et longue rampe dans laquelle l?important différentiel de vitesse entre certains véhicules constitue un facteur de risque. Compte tenu de ce différentiel et des masses en jeu, les conflits potentiels entre les véhicules légers et les poids lourds peuvent s'y avérer particulièrement graves. Avec l?évolution des véhicules, les VL ont plus de facilité désormais à gravir les montées, leurs conducteurs ressentent moins l?effet des rampes qu?auparavant, ce qui peut aussi les amener à avoir moins conscience de la possibilité de rencontrer des PL lents. Les données montrent que, depuis 2017, un accident du même type que celui objet de la présente enquête survient en moyenne une fois par an et dans le même secteur de l?A75, qui correspond à la dernière partie de la rampe de Massiac, longue d?une dizaine de kilomètres. C?est dans ce secteur que les valeurs de pente sont les plus marquées et que l?effet de la rampe sur la vitesse des poids lourds se fait le plus ressentir. Ce secteur se caractérise également par une longue ligne droite qui fait suite à des sections un peu plus sinueuses: cette configuration est propice au fait que certains conducteurs puissent, dans ce secteur, relâcher leurs efforts de concentration. Ces éléments conduisent le BEA-TT à approfondir les questions de sécurité sur les sections autoroutières en forte rampe et à rechercher des recommandations préventives en lien avec, d?une part les défauts d?attention ou de vigilance lors de la conduite, et d?autre part les modalités d?organisation du transport en minibus. 46 5.2 - L?inattention et la dégradation du niveau de vigilance 5.2.1 - Les effets induits par une baisse du niveau de vigilance ou d?attention Les défauts de vigilance et d?attention sont fréquemment cités parmi les causes ou les facteurs majeurs d?insécurité routière. Les notions sous-jacentes qualifient des phénomènes complexes et imbriqués dans le fonctionnement humain. Comme présenté en 4.2 et en annexe 2, la vigilance se rapporte à un aspect quantitatif du niveau d?éveil et qualifie des processus psycho-physiologiques qui se répartissent sur un continuum allant de la veille active jusqu?au sommeil profond. L?attention quant à elle renvoie aux aspects cognitifs de l?activité humaine, à l?orientation de la pensée et se rapporte plutôt à un aspect qualitatif du traitement de l?information. L?attention est un système aux ressources limitées, l?être humain est par conséquent limité dans sa possibilité de diviser efficacement son attention entre plusieurs tâches. Ces deux processus, distincts mais interdépendants, sont fondamentaux dans l?activité de conduite, qui implique notamment une prise permanente d?informations, de natures différentes, fondée sur les capacités d?attention des individus. Pour s?exercer de façon appropriée, l'attention a besoin de pouvoir s?appuyer sur un niveau de vigilance suffisant, mais un bon niveau de vigilance ne suffit pas pour conduire efficacement, encore faut-il affecter son attention aux bons endroits aux bons moments. Sans parler du cas extrême de l?endormissement, une dégradation du niveau de vigilance peut avoir plusieurs effets impactants sur les performances de conduite, en termes de temps de réaction, d?anticipation, de perception de l?environnement, de ralentissement du traitement de l?information. Elle peut aussi affecter la capacité à contrôler le mouvement latéral du véhicule et avoir pour effet que le conducteur dévie involontairement sa trajectoire jusqu?à changer de file, qui plus est en cas de somnolence. L?étude INRETS sur les accidents de PL, réalisée en 1987 par Fleury et al., à partir de 33études détaillées d?accident (EDA) met en évidence certains processus d?accident. Ainsi, par exemple, parmi la typologie des accidents sur autoroute impliquant un problème de vigilance, figure le cas où un très faible niveau de vigilance en fin de journée de travail conduit à ne pas apercevoir un véhicule à l?arrêt ou circulant très lentement. Le processus de l?attention est conditionné notamment par le niveau de vigilance. Une dégradation de ce niveau va donc également impacter les capacités d?attention du conducteur, à partir desquelles celui-ci assure sa prise d?information dans l?environnement de conduite, et donc ses facultés d?observation. Elle peut également favoriser l?émergence des défauts d?attention, tels que la distraction ou l?inattention à la conduite, puisque, lorsque le niveau de vigilance du conducteur est faible, comme en cas de fatigue par exemple, celui-ci est alors moins en capacité de contrôler où va son attention. La distraction, ou le détournement de l?attention par une activité annexe à la conduite, pourra prendre différentes formes et engendrer des risques accidentels plus ou moins élevés selon les types de ressources attentionnelles qui sont mobilisées et leur durée de mobilisation. L?inattention qualifie un déficit d?attention portée à la conduite, lié au fait que le conducteur laisse son attention dériver vers ses propres pensées et préoccupations diverses. Cela peut prendre la forme d?une rêvasserie ou de la notion de «mind wandering» (le fait d?être perdu dans ses pensées, le vagabondage de l?esprit): le conducteur laisse errer son esprit, du fait d?une préoccupation particulière ou non, ce qui l?amène à se déconnecter plus ou moins fortement de la scène de conduite. 47 Cette inattention de la part du conducteur va amoindrir son habileté à détecter les informations de l?environnement et diminuer sa capacité d?anticipation et de réaction. Van Elslande et al. mentionnent dans le rapport16 INRETS n°280 de 2009 que l?état d?attention diffuse ne favorise pas en effet une activité prévisionnelle efficace et rend le conducteur plus vulnérable vis-à-vis de la rencontre d?obstacles difficilement décelables ou de l?évolution inattendue d?une interaction avec un autre usager. Dans le rapport précité, les auteurs montrent à partir d?une exploitation approfondie des données détaillées d?accidents (EDA), que le type de défaillance le plus fréquent induit par un défaut d?attention du conducteur porte sur la fonction de perception. Ils indiquent que les résultats de ces études montrent que la qualité de la perception de l?environnement est directement liée à la qualité de l?attention tournée vers la tâche de conduite au moment de la rupture entre la situation de conduite normale et la situation d?urgence17. Moins le conducteur est attentif aux données pertinentes pour la tâche à réaliser, plus il est vulnérable à la production des erreurs de perception. Ils montrent également, à partir de cette même exploitation, que l?inattention peut avoir pour effet que le conducteur, le regard pourtant porté vers l?avant, ne voit pas l?obstacle, pourtant visible, jusqu?au moment où celui-ci s?impose à lui. Cette situation représente 9% des 283 accidents étudiés impliquant un facteur d?ordre attentionnel et est typique du scénario relatif à la détection tardive du ralentissement d?un véhicule devant. L?analyse montre même si le cas est plus rare, que l?inattention peut aussi provoquer un défaut de guidage du véhicule, lié au fait que le conducteur détourne son attention de la tâche de conduite et ne prête plus ou pas suffisamment d?attention au contrôle de la trajectoire, le manque d?attention entraînant également alors une prise de conscience tardive de la dérive. En revanche, l?analyse montre que très peu de conducteurs produisent des défaillances de diagnostic de la situation (erreurs d?évaluation et de compréhension) uniquement à cause d?un problème attentionnel. Par exemple, une mauvaise évaluation d?un créneau d?insertion par rapport au trafic, liée aux difficultés des conducteurs à évaluer le rapport distance/temps. Les auteurs indiquent que les problèmes d?attention constituent donc plus un terrain favorable à la genèse d?une défaillance de diagnostic qu?un facteur direct de sa production. Les problèmes d?attention se cumulent à d?autres éléments explicatifs non attentionnels qui révèlent le manque d?attention et entraînent une mauvaise évaluation d?un paramètre physique de la situation. D?après le rapport publié en 2016 par l?AIPCR18, la tendance pour un conducteur de regarder droit devant alors qu?il a l?esprit ailleurs se traduit par un défaut de balayer l?environnement du regard et le conducteur devient moins conscient des autres véhicules qui l?entourent. D?après Jibo He (He, 2010), lorsque le conducteur a l?esprit ailleurs, le balayage visuel horizontal devient plus étroit (regarder plus droit devant) et son véhicule a tendance à changer de position dans la voie. 16 Rapport «De la vigilance à l?attention ? influence de l?état psychophysiologique et cognitif du conducteur dans les mécanismes d?accident», INRETS, 2009. 17 La situation de conduite normale est celle dans laquelle se trouve l?usager avant qu?un problème se manifeste. La situation d?accident correspond au moment, en général très bref, où une rupture se produit, c?est-à-dire un évènement imprévu, qui pourra correspondre à une manoeuvre inattendue d?un autre usager, à la rencontre d?une configuration d?infrastructure qui surprend le conducteur, etc. La situation d?urgence est la période pendant laquelle le conducteur va engager une tentative de récupération. 18 Rapport sur le rôle de l?ingénierie routière dans la lutte contre les risques, pour la sécurité, de la distraction et de la fatigue des conducteurs ? L?AIPCR, association mondiale de la Route (PIARC en anglais pour Permanent International Association of Road Congresses) vise à développer la coopération internationale et à favoriser les progrès dans les domaines de la route et du transport routier. 48 5.2.2 - Les facteurs contribuant à une baisse du niveau de vigilance Les causes de dégradation de la vigilance peuvent être multiples: trajet long et durée de conduite, situations de conduite dites monotones, chaleur, état de fatigue, manque de sommeil, rythme circadien (par exemple, l?envie de dormir après le déjeuner), la consommation de stupéfiants, d?alcool ou de certains médicaments, les caractéristiques individuelles (condition physique, pathologies, etc.). C?est souvent l?accumulation de plusieurs facteurs qui aboutit à une baisse de vigilance assez conséquente pour avoir des répercussions directes en accidentologie. La fatigue est souvent regroupée avec la somnolence au niveau des facteurs humains qui sont identifiés dans les statistiques d?accidentologie. Il s?agit de deux notions distinctes: sans entrer dans les détails, on peut retenir que la fatigue induit en général une altération des performances de conduite ainsi qu?une diminution du niveau de vigilance, qui peut dans certains cas aboutir à un endormissement. De longues heures passées à conduire sont connues pour créer de la fatigue et une détérioration de la performance de conduite. Le manque de sommeil, qu?il soit chronique ou ponctuel, est considéré comme particulièrement impactant parmi les facteurs connus pour induire une baisse du niveau de vigilance et notamment dans sa forme la plus grave (somnolence, endormissement). D?après le rapport sur la somnolence et le risque accidentel établi en mars 2016 par le comité des experts du Conseil national de la sécurité routière (CNSR): ? L?effet de la somnolence sur les performances au volant est parfois comparé à celui occasionné par l?alcool et des études ont montré que conduire après une nuit blanche équivaut à prendre la route avec une alcoolémie positive. ? Des recherches, basées sur la mesure de déviation et le nombre des changements de trajectoire, ont montré qu?une seule nuit de privation partielle de sommeil, limitée à 4heures par exemple, peut fortement affecter les capacités de conduite. Il arrive par exemple que des conducteurs réduisent leur durée habituelle de sommeil la nuit avant le départ en vacances, afin de partir plus tôt. ? Conduire la nuit lorsqu?on n?y est pas habitué augmente le risque de somnolence. ? Les conducteurs jeunes, et notamment ceux de sexe masculin, sont considérés comme une catégorie à risque : ils présentent une grande sensibilité au manque de sommeil, ont davantage que d?autres un style de vie affectant la qualité de leur sommeil et ont plutôt tendance à surestimer leurs capacités à conduire quand ils sont fatigués. Dans le rapport précité et à partir des EDA portant sur cas impliquant un facteur lié à la vigilance, Van Elslande et al., mettent en évidence plusieurs scénarios types d?accident, parmi lesquels figure celui de l?endormissement lié à la fatigue: ? Tous les accidents répertoriés dans ce type surviennent sur un itinéraire monotone, se déroulent sur un tracé facile, une chaussée large et bon état. ? L?ambiance dans l?habitacle est neutre, la radio n?est pas allumée, le conducteur est seul ou les autres occupants sont généralement déjà en train de dormir? ? Lorsque le trajet est lié au départ ou au retour de vacances: les conducteurs n?ont pas de soucis ni de contrariétés, ils ne présentent pas de fatigue autre que celle liée à une longue période de conduite. L?heure de l?accident est assez variable. C?est la longueur du trajet (de l?ordre de 700km parcourus) qui renseigne le plus sur l?origine de la fatigue ressentie par les usagers. 49 5.2.3 - L?environnement de conduite D?après le même rapport précité, les accidents liés à une dégradation de l?état de vigilance des conducteurs surviennent le plus souvent lors de situations de conduite simples, telles que celles impliquant des tâches se limitant au guidage du véhicule en section rectiligne. Le caractère monotone de certaines situations de conduite peut contribuer à la baisse du niveau de vigilance du conducteur et également favoriser l?émergence de l?inattention. L?environnement de conduite peut être qualifié de monotone quand il paraît prévisible, répétitif et qu?il ne s?y passe grand-chose. L?autoroute, notamment par faible trafic, et les environnements ruraux dégagés présentant de grandes lignes droites, sont considérés comme pouvant constituer des situations de conduite monotone, en raison des périodes prolongées qui sollicitent peu le conducteur. La conduite calée sur le véhicule précédent ou en convoi est aussi considérée comme pouvant contribuer à une monotonie de la conduite. Van Elslande et al. indiquent (rapport INRETS, 2009) que c?est le caractère routinier et répété des stimulations qui qualifie la monotonie. En effet, la répétition de stimulations provoque les phénomènes d?habituation. Ce phénomène est bien connu au niveau neuronal. Ainsi, une stimulation répétée provoque une diminution de l?activation neuronale et explique la diminution des performances de détection. Liu et Wu (2009) démontrent que pour des conducteurs fatigués, les performances de conduite diminuent lorsqu?ils passent d?un environnement complexe à un environnement monotone, et inversement. Ainsi, d?une part, un environnement monotone peut provoquer un phénomène d?habituation qui diminue le niveau de vigilance et d?autre part, un environnement simple et peu stimulant peut avoir pour effet de révéler la fatigue du conducteur et/ou que celui-ci relâche ses efforts de concentration. Les problèmes de vigilance constituent un facteur d?accident qui est davantage représenté sur autoroute: la longueur des trajets et le fait que la conduite peut y être plus monotone favorisent davantage l?émergence de ce facteur que sur les autres axes routiers. Le risque correspondant est notamment favorisé par le manque de sommeil. Les bandes rugueuses posées sur le bord extérieur de la chaussée ont ainsi été généralisées sur les autoroutes en France: le passage sur ces bandes provoque des vibrations et un bruit qui avertissent le conducteur qu?il est en train de dévier vers la BAU. Outre les aspects liés au niveau de vigilance comme évoqué au 5.2.1, les principaux facteurs connus pour favoriser l?émergence de l?inattention chez le conducteur sont ceux ayant trait aux caractéristiques des situations de conduite. Ce phénomène survient plutôt dans les situations qui présentent un faible niveau de sollicitation pour le conducteur, comme des contextes de conduite répétitive ou facile, ou ressentis comme tels par le conducteur, au point qu?il laisse son attention dériver vers ses pensées, en réalisant son activité de conduite sur un mode automatisé recourant peu à l?attention. En outre, la conduite au régulateur de vitesse est susceptible de favoriser la diminution du niveau de vigilance et d?attention du conducteur ou d?accentuer le risque de survenance de ces dégradations si d?autres facteurs propices (comme la fatigue, le manque de sommeil, la présence d?une situation monotone) sont déjà réunis. Le Cerema a réalisé une étude spécifique, dite étude FLAM, afin d?analyser de manière approfondie les facteurs qui ont joué un rôle dans la genèse des accidents mortels de la circulation routière survenus en 2015. 50 Les résultats de l?étude font ressortir les aspects de vigilance et d?attention comme suit: ? La fatigue, pour 12% des accidents et presque le double sur autoroute (23%). ? L?inattention et la distraction non technologique, pour 12% des accidents (14,5% sur autoroute); ? Les problèmes d?attention et de distraction découlant de l?usage d?un téléphone ou d?un autre outil technologique (distracteur, mauvaise utilisation du GPS ou du régulateur de vitesse ou d?un autre système d?aide à la conduite), pour 4% des accidents, et le double sur autoroute (8,3%). D?après les bilans publiés par l?ASFA19 pour ce qui concerne les autoroutes concédées, le facteur lié à la somnolence ou la fatigue est identifié dans 18% des accidents mortels sur la période 2018-2022, la moitié de ces accidents se produisent entre 0h et 9h et plus de 20% surviennent sur le créneau 5h-8h. Sur la même période, les défauts d?attention sont identifiés dans près de 16% des accidents mortels. 5.2.4 - Les dispositifs d?aide à la conduite Bien qu?étant une aide à la conduite, l?utilisation du régulateur de vitesse dans certaines conditions peut avoir un effet négatif sur la conduite. Cet aspect a été abordé dernièrement par le BEA-TT dans deux rapports20. L?usage du régulateur, qui amène à déléguer au véhicule le déplacement longitudinal, entraîne une forme d?automatisation de la conduite et peut donc favoriser un désengagement progressif de l?activité de conduite de la part du conducteur, notamment au fur et à mesure que la durée du trajet augmente. La capacité de réaction, notamment en situation d?urgence, est sensiblement amoindrie par l?utilisation du régulateur ou du limiteur de vitesse. Cette moindre capacité de réaction est imputable à la diminution du niveau de vigilance que peut occasionner l?utilisation d?un régulateur de vitesse, comme l?ont montré des tests effectués avec des électroencéphalogrammes sur des conducteurs-cobayes. L?utilisation prolongée de ces outils nécessite d?augmenter la fréquence des pauses de façon à permettre au conducteur de multiplier les périodes de récupération de son niveau d?éveil. La mise au point de dispositifs d?aides à la conduite orientés vers la détection des problèmes de vigilance fait l?objet de travaux de recherches depuis plusieurs années, c?est plus récent pour les problèmes d?attention. Cela concerne des systèmes embarqués dans les véhicules qui vont avoir pour principe d?émettre des alertes, voire de déclencher des mécanismes de sécurité automatiques, s?ils détectent un problème. Les mécanismes basés sur la surveillance de la position du véhicule sont à ce jour les plus développés. D?autres systèmes visent à surveiller l?état du conducteur en mesurant, à partir de caméras ou de capteurs, les mouvements des yeux ou du visage, la tenue du volant. L?amplitude des mouvements oculaires et la vitesse de clignement des paupières peut être indicateur du degré de vigilance. Lorsque le niveau de vigilance devient bas, les micro-mouvements qui permettent des corrections fines de trajectoires deviennent moins fréquents et, à l?inverse, les grands mouvements de volant deviennent plus nombreux. Les nouvelles technologies s?appuyant sur des capteurs embarqués (caméras, radars, lidars?) et les progrès de l?automatisation permettent aujourd?hui aux constructeurs d?intégrer dans les véhicules des aides à la conduite de plus en plus nombreuses. 19 Association des Sociétés Françaises d?Autoroutes et d?ouvrages à péage 20 Rapports relatifs à un accident impliquant un car, survenu le 3 novembre 2019 sur l?autoroute A1 au niveau d?Estrées-Deniécourt (80) et le 27 mai 2021 sur l'autoroute A62 au niveau du Mas-d'Agenais (47) 51 Certaines de ces aides à la conduite peuvent être intéressantes vis-à-vis des problèmes de vigilance ou d?attention. On peut citer les exemples suivants, parmi les dispositifs actuellement réglementés: ? Le système d?avertissement de dérive de la trajectoire (LDWS, Lane Departure Warning System), appelé aussi avertisseur de franchissement de ligne, est conçu pour avertir le conducteur d?une dérive involontaire du véhicule pouvant l?amener à sortir de sa voie de circulation, certains systèmes prenant ensuite automatiquement les mesures nécessaires pour rétablir la trajectoire en cas d?absence de réaction de la part du conducteur. Au niveau européen, le système est obligatoire depuis fin 2015 sur tous les véhicules lourds nouvellement immatriculés, il est de plus en plus proposé sur les véhicules légers par les constructeurs automobiles. ? Les systèmes d?avertissement de collision frontale, qui surveillent la distance entre le véhicule du conducteur et le véhicule qui le précède, et le système avancé de freinage d?urgence (AEBS, Advanced Emergency Braking System). Ce dernier est conçu pour détecter un risque de choc à l?avant, en avertir le conducteur puis, en l?absence de réaction de sa part, activer le système de freinage du véhicule afin de réduire sa vitesse et ainsi éviter le choc ou en atténuer la gravité. Au niveau européen, il est obligatoire pour tout véhicule lourd neuf depuis fin 2015 et, en application du règlement n°2019/2144, pour tous les nouveaux types de véhicules légers depuis juillet 2022 et pour tout véhicule léger neuf à partir de juillet 2024. De tels systèmes peuvent apporter un niveau supplémentaire de sécurité. Ils ne sauraient remplacer l?attention ou le jugement du conducteur, ils ont des limites de fonctionnement et sont en l?état actuel loin d?être infaillibles. Au niveau européen, le règlement précité rend obligatoire pour les véhicules légers et lourds, l?équipement d?un système d?avertissement de somnolence et de perte d?attention du conducteur (DDAW) dans les mêmes échéances que celles citées ci-avant, ainsi que d?un système avancé d?avertissement de distraction (ADDW), à partir de juillet 2024 pour les nouveaux types de véhicules et à partir de juillet 2026 pour tout véhicule neuf. Le règlement délégué (UE) n°2021/1341 définit les prescriptions techniques applicables à la réception des véhicules en ce qui concerne le système DDAW (Driver Drowsiness and Attention Warning). Celui-ci vise à détecter la baisse de vigilance et en particulier la somnolence, par des moyens indirects (l?utilisation de paramètres physiologiques pouvant être intégrée en sus), tels que: ? l?analyse des caractéristiques de conduite et la surveillance de la position du véhicule (détecter par exemple une plus grande variabilité de la position latérale du véhicule dans la voie); ? l?analyse des interventions sur la direction, la quantification de la manière dont le conducteur manipule le volant (détecter par exemple une réduction du nombre de micro-corrections au niveau de la direction associée à une augmentation des corrections importantes et rapides). Le règlement délégué (UE) n°2023/2590 définit les prescriptions techniques applicables à la réception des véhicules en ce qui concerne le système ADDW (Advanced Driver Distraction Warning). Ce système est défini comme aidant le conducteur à continuer à prêter attention aux conditions de circulation. Il vise, dans une première étape, à détecter les situations où l?attention visuelle du conducteur n?est pas orientée vers les tâches de conduite en surveillant les zones dans lesquelles le regard du conducteur se porte. 52 5.3 - L?utilisation du minibus pour un transport collectif de personnes 5.3.1 - Des accidents tragiques qui ne sont pas rares Le fichier national des accidents corporels de l?ONISR ne permet pas de recenser les accidents impliquant un minibus, puisque ce type de véhicule n?est pas distingué dans les données et est assimilé à ce qu?il est réglementairement, à savoir un véhicule de tourisme. À partir de la veille qu?il réalise au quotidien, le BEA-TT a établi un décompte des accidents ayant impliqué un minibus, non exhaustif et présenté en annexe 3. D?après ce décompte, les accidents graves, qui impliquent des enfants et se produisent dans le cadre d?activités de centres de vacances et de loisirs ou de clubs de sports, surviennent plus fréquemment à l?occasion de sorties à la journée que lors de longs trajets au cours desquels les enfants sont acheminés sur leur lieu de séjour. Ces sorties peuvent être organisées par les services jeunesse des municipalités et impliquer un long trajet, comme c?est le cas dans le cadre de l?accident faisant l?objet du présent rapport, ou un trajet plus court, comme ce fut le cas par exemple lors de l?accident survenu en 2014 dans l?Aube et ayant fait l?objet d?un rapport d?enquête du BEA-TT: un minibus, qui transportait sept enfants de la ville de Nangis (Seine-et-Marne), encadrés par deux animateurs du service municipal, dans le cadre d?une sortie à la journée, a percuté frontalement un poids lourd, causant le décès de six des neufs occupants du minibus, le véhicule appartenant à la commune et étant conduit par l?un des deux animateurs. Ces sorties peuvent également être organisées par le centre de vacances dans lequel les mineurs sont accueillis. L?accident survenu le 25 août 2023 dans le Lot-et-Garonne a été très médiatisé: deux minibus circulant en convoi ramenaient des adolescents au centre de loisirs local où ils séjournaient, après une activité nautique, lorsque le premier véhicule a effectué une sortie de route sur sa gauche, provoquant le décès d?un des enfants et en blessant quatre autres grièvement. Les clubs de sports et autres associations ont également recours au minibus pour transporter des mineurs ou des adultes. L?accident survenu le 22 avril 2023 à 7h sur l?autoroute A8 dans le Var présente un contexte proche de celui de l?accident qui fait l?objet du présent rapport: un minibus percute l?arrière d?un poids lourd; il était le dernier d?un convoi de 5 véhicules, parti de Tours dans la soirée et transportant des adolescents, membres d?un club de foot pour participer à un stage dans le sud de la France. Le conducteur âgé de 25ans déclare qu?il a dû s?endormir, une rotation entre conducteurs était apparemment organisée et ce conducteur aurait décliné la dernière proposition faite en termes de rotation, se sentant à même de continuer. Dans les trois exemples cités, la cause présumée est un endormissement. La revue professionnelle «Le Journal de l?Animation», qui est un outil de référence consacré à l?animation éducative, sociale et culturelle a publié en novembre 2015 un article très développé sur le transport d?enfants en minibus. L?article souligne que la majorité des accidents se produit sur des trajets courts et que l?organisateur d?un accueil collectif de mineurs (ACM) pourrait être parfois tenu pour co-responsable en cas d?accident et notamment s?il a laissé s?effectuer un trajet malgré une dangerosité manifeste. La dangerosité manifeste peut résulter de l?état du véhicule, d?un conducteur sous l?emprise de l?alcool ou de produits stupéfiants, «voire dans un état de fatigue extrême qui peut entraîner somnolence ou perte d?attention au volant, comme cela a pu se produire dans des accidents tragiques qui ont défrayé la chronique». 53 Le BEA-TT considère qu?il est essentiel de diligenter une campagne de sensibilisation d?envergure sur les risques d?hypovigilance et de manque d?attention lors de la conduite et en direction de l?ensemble des organismes qui organisent un transport collectif de personnes en minibus et des conducteurs correspondants. Cette sensibilisation devrait inclure les risques lors des trajets sur autoroute et liés en particulier au manque de sommeil et à l?usage du régulateur de vitesse, étant précisé que d?autres types d?aide à la conduite sont susceptibles d?apporter un plus en termes de sécurité, comme évoqué au 5.2.4. L?état de fatigue, et bien avant d?être extrême, peut provoquer de tels risques et les jeunes hommes sont considérés comme une catégorie à risque, comme évoqué au 5.2.2. Si cette fatigue peut dans certains cas être liée à un long trajet, les conditions de travail et de vie des animateurs lors des séjours de vacances peuvent également jouer. 5.3.2 - Les longs trajets, le nombre d?animateurs dans le minibus L?accident du 6 août 2021 a constitué un important traumatisme pour la Ville d?Amiens, tant au niveau des familles que des services municipaux et des agents concernés. En 2023, le conducteur impliqué dans l?accident a été condamné à deux ans de prison avec sursis pour homicide et blessures involontaires. Certains services de la ville ont indiqué au BEA-TT que l?accident met en exergue la trop lourde responsabilité assignée aux animateurs qui conduisent sur de longs trajets pour acheminer des jeunes lors d?un séjour de vacances, sans parler par ailleurs de la fatigue liée à l?encadrement. Il s?avère en outre que le départ de nuit pour effectuer ces longs trajets correspondait à une pratique qui était en usage depuis quelques années au sein du CAJ concerné, mais qui n?était pas connue de la direction générale de la ville, cette dernière indiquant que cela ne correspond pas à une pratique autorisée et n?est pas dans les règles. Le BEA-TT a constaté l?inexistence de documents de type directives ou notes internes, se rapportant à l?organisation de ces séjours de vacances et leurs modalités de transport. La ville d?Amiens a depuis mené une réflexion afin de revoir l?organisation des séjours, notamment de manière à ce qu?ils n?impliquent plus un long trajet, ou alors, à opter pour un autre mode de transport que le minibus pour se rendre sur le lieu du séjour. Cette réflexion a donné lieu à une note de cadrage relative à l?usage des minibus au sein de ses ACM, établie en juin 2023 et présentée en annexe 4. La municipalité a également indiqué au BEA-TT que les modalités de la SNCF en matière de réservation de groupes constituent une source de difficulté pour la mise en oeuvre d?un acheminement en train. Parmi les recommandations considérées comme efficaces vis-à-vis du risque d?hypovigilance au volant lors d?un long trajet, on peut citer: ? Faire des pauses de 15 à 20 minutes chacune et, impérativement, au moins toutes les deux heures, et non pas toutes les 3heures comme dans le cas de cet accident. ? Voire effectuer une sieste à cette occasion; prendre une boisson à base de caféine, s?hydrater, privilégier les protéines (jambon, poulet) aux aliments sucrés. ? Se relayer entre conducteurs pour alterner les périodes de repos et de conduite, ce qui implique de fixer au préalable un planning de rotation puis de le respecter. Partir vers minuit pour traverser la France constitue un facteur de risque supplémentaire, que le BEA-TT considère comme devant être évité dans le cas d?un transport collectif d?enfants, organisé par une collectivité locale ou une association, au moyen d?un minibus non conduit par un conducteur professionnel. 54 D?après le bilan annuel de l?accidentalité de l?ONISR, en 2022, 42% des tués sur la route le sont de nuit et ce ratio est de 53% sur autoroute. Dans son bilan annuel relatif aux accidents mortels survenus sur autoroutes concédées en 2022, l?ASFA mentionne que le risque d?accident est trois fois plus important sur la période 22h-6h, considérant que 31% des accidents mortels surviennent sur cette période alors qu?elle concentre 9% du trafic. Lorsque le transport d?enfants s?effectue dans le cadre d?un accueil collectif de mineurs (ACM), les normes d?encadrement qui régissent les ACM s?appliquent, le taux le plus bas étant d?un animateur pour 8 enfants dans le cas d?enfants de moins de 6 ans. Seules ces normes s?appliquent puisqu?aucune réglementation spécifique au transport n?a été établie en lien avec l?activité des ACM. Si un minibus transporte 8 enfants et un animateur, ce ratio est respecté, mais si l?animateur conduit, il lui est logiquement impossible d?exercer simultanément sa mission d?encadrement et de surveillance des mineurs. Il semble qu?il y ait là pour le moins une forme de hiatus. L?article précité paru dans «Le Journal de l?Animation» aborde en profondeur la question du nombre d?animateurs nécessaire dans un minibus, en soulignant en premier lieu que, le conducteur devant mobiliser son attention sur la conduite, il ne peut en être distrait par la nécessité d?intervenir auprès des enfants pour rétablir l?ordre par exemple. L?article21 recommande d?aller au-delà de la réglementation et de prévoir un encadrement renforcé dès lors que la sécurité des mineurs peut être mise en cause, la difficulté étant que doubler le nombre d?animateurs peut peser lourd dans un budget déjà serré. L?article souligne que, la réglementation manquant de précision, il incombe à l?organisateur de prendre la décision et d?en assumer la responsabilité, en tenant compte notamment de l?âge des enfants, de la connaissance des enfants (ont-ils généralement un comportement discipliné ou non?), de la durée du trajet, étant précisé néanmoins que la majorité des accidents se produit sur des trajets courts. On prendra la décision de confier les enfants au seul conducteur uniquement si la connaissance du comportement des mineurs permet d?écarter tout risque prévisible de trouble l?empêchant de consacrer toute son attention à la conduite. Si les enfants sont âgés de plus de 11ans, sur un trajet court, il est généralement admis que l?animateur peut rester seul avec 8 mineurs, dans la mesure où à partir de cet âge les enfants n?ont plus besoin d'une surveillance particulière de tous les instants. Si l?on fait le parallèle avec les autocars assurant un transport scolaire, le conducteur ne peut et ne doit pas exercer de surveillance durant la conduite. L?ANATEEP22 mentionne dans son guide pour la sécurité des transports scolaires que, s?il n?existe aucune obligation réglementaire relative à l?accompagnement, celui-ci s?avère nécessaire pour les enfants les plus jeunes, mais aussi pour des questions de discipline, sur certaines lignes utilisées par des adolescents. Dans le cas de l?accident du 6 août 2021 impliquant des adolescents d?Amiens, âgés de 14 à 16ans, il ne semble pas que la situation puisse présenter une gêne pour l?animateur lors de sa conduite et les jeunes s?étaient très impliqués dans la préparation du séjour de vacances et du projet pédagogique correspondant, coconstruits avec l?équipe d?animation. Le ratio de 3 encadrants pour 15 jeunes était par ailleurs satisfaisant et il offrait à lui seul la possibilité que ces personnes se relaient à la conduite, ce qui n?a pas été fait, même dans le minibus de tête où se trouvaient deux des encadrants. 21 Le ministère en charge de la jeunesse précise qu?il convient d?adapter une approche prudente des contenus publiés par le Journal de l'animation, les articles et leur contenu n?engageant que leur auteur. 22 Association nationale pour les transports éducatifs de l?enseignement public 55 5.3.3 - Conclusions Bien qu?il ne s?agisse pas réglementairement d?un véhicule de transport en commun, le minibus est régulièrement utilisé pour effectuer un transport collectif, en particulier d?enfants, en dehors du cadre d?une entreprise de transport routier de personnes. Il importe dès lors que son conducteur présente, outre des qualités de conduite, de bonnes dispositions générales lui permettant notamment de se prémunir de la fatigue. Lorsque ce transport s?effectue dans le cadre d?un accueil collectif de mineurs (ACM), les véhicules sont souvent conduits par des animateurs employés par les organisateurs et qui ne sont donc pas des conducteurs professionnels. Ils réalisent le transport de ces enfants dans le cadre de l'exercice de leur fonction d?animateur et ne sont pas forcément expérimentés à la conduite de ce type de véhicule. Il s?agit d?une lourde responsabilité. L?article du «Le Journal de l?Animation» précité mentionne les éléments suivants: ? Le minibus constitue un des moyens privilégiés pour transporter des collectifs d?enfants et le fait que le permis B suffise est une «faculté appréciée par les organisateurs qui n?ont pas l?obligation de recruter un chauffeur qualifié». ? Compte tenu des exigences formulées par certains loueurs sur l?âge du conducteur, «les organisateurs préfèrent la plupart du temps confier ces véhicules moins maniables aux conducteurs les plus expérimentés de leurs équipes». ? Il incombe au directeur d?un ACM de vérifier que les animateurs qui conduisent ces véhicules connaissent les consignes (port de la ceinture, places des enfants de moins de 10ans) et assurent la fonction de conducteur en sécurité. ? L?employeur peut demander à se voir présenter périodiquement (au moins deux fois par an) par un conducteur son permis de conduire en état de validité. Le guide pour la sécurité des transports scolaires publié par l?ANATEEP rappelle plus généralement que le Code du travail prévoit pour tout salarié des visites dans le cadre de la médecine du travail: visite médicale d?embauche et de reprise après un arrêt de travail, visites obligatoires régulières. Le guide insiste sur l?importance du suivi de ces visites médicales par l?autorité organisatrice des transports pour les personnels de conduite affectés aux transports d?enfants via des véhicules de 9 places. L?ACM est soumis à un régime de déclaration23, via une téléprocédure, nécessitant de fournir différents renseignements concernant l?organisation de l?accueil, les locaux, l?équipe d?encadrement. Ces déclarations sont contrôlées par les services de l?État. Lors de cette déclaration, aucun renseignement n?est demandé en ce qui concerne le moyen de transport utilisé pour l?acheminement de ces mineurs, qu?il s?agisse de l?amenée des enfants sur leur lieu de séjour ou de loisirs quand elle relève de l?organisateur de cet accueil ou de leurs déplacements une fois arrivés dans ce lieu. À notre connaissance, pour les sorties réalisées dans un cadre scolaire, qui est un autre cadre que celui de l?ACM, un dossier est à constituer qui comprend une fiche d?information sur le transport et le recours à un transporteur public est la règle. Il semble que, dans la plupart des cas, les services de l?État établissent des instructions départementales au sujet de l?ACM, qui récapitulent les dispositions réglementaires et comprennent des points d?attention thématiques. Le BEA-TT a pris connaissance des documents ainsi produits dans les départements de la Somme et de l?Ain. S?agissant des déplacements en véhicule, ces documents rappellent que la protection des mineurs qui incombe aux organisateurs s?étend aussi aux transports puisque les enfants ne sont plus sous la responsabilité de leurs parents. L?un des documents indique 23 Pour les enfants de moins de 6ans, certains accueils font l?objet d?un dispositif d?autorisation. 56 «L?organisateur prendra toute précaution pour solliciter des parents toutes autorisations pour le transport de leur(s) enfant(s) organisé dans le cadre des activités du séjour», tandis que l?autre mentionne «La sécurité des enfants transportés par car, minibus, avion ou train doit être une préoccupation constante pour les organisateurs». Ces documents rappellent que les véhicules de transport en commun sont des véhicules de plus de 9 places et attirent l?attention sur les précautions à prendre par l?encadrement dans ce cas, autrement dit dans le cas de transport en autocar ou autobus. Ces documents n?attirent pas l?attention sur l?usage spécifique du minibus, si ce n?est de rappeler l?obligation du port de la ceinture de sécurité dans toute voiture particulière. Le ministère en charge de la jeunesse établit chaque année des instructions relatives aux modalités de contrôle des ACM en période estivale et en faisant référence à une instruction-cadre de 2018. Il est ainsi demandé aux services, à l?occasion de ces contrôles, de rappeler aux organisateurs la nécessité d?être particulièrement vigilants aux déplacements des mineurs, et de les sensibiliser aux conditions de préparation de ces déplacements (choix du mode de transport et du chauffeur, conditions d?encadrement, respect des dispositions du Code de la route notamment). Le BEA-TT considère qu?il conviendrait que ces éléments fassent l?objet d?une instruction nationale spécifique à l?usage du minibus, récapitulant les règles de sécurité et les mesures de prévention à prendre, tant pour la préparation des déplacements, notamment en cas de longs trajets, que pour les modalités de leur réalisation. Il paraît également nécessaire que cette instruction donne lieu à une campagne de sensibilisation permettant de toucher l?ensemble des maillons de la chaîne, de l?animateur à l?organisateur d?un ACM, et des acteurs concernés, dont les associations. Les éléments exposés dans cette partie visent à aborder en détail les modalités du transport de mineurs en minibus effectué dans le cadre d?un ACM et en référence au contexte de l?accident sur lequel porte le présent rapport. Une grande partie de ces éléments a vocation à s?appliquer également au convoyage par minibus d?enfants effectué en dehors du cadre de l?ACM et, plus largement, au transport collectif de personnes qui est effectué dans un cadre associatif ou de club, au moyen d?un minibus loué ou mis à disposition ou au moyen d?un véhicule personnel. En conclusion, le BEA-TT formule la recommandation suivante: Recommandation R1 à la Direction de la jeunesse, de l?éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), ministère de l?Éducation nationale et de la jeunesse: Établir une instruction nationale spécifique à l?usage du minibus (voire du véhicule personnel) afin de rappeler, aux différents organisateurs (accueil collectif de mineurs - ACM, associations notamment) y ayant recours pour transporter un collectif de personnes, les responsabilités associées et les règles de sécurité et de prévention à prendre pour la préparation et la réalisation de ces déplacements. Mettre en oeuvre, à l?attention des organisateurs précités et de leurs conducteurs, une sensibilisation d?envergure sur les risques d?hypovigilance et de manque d?attention lors de la conduite, dont les risques lors des trajets sur autoroute et liés en particulier au manque de sommeil et à l?usage du régulateur de vitesse. Par ailleurs, le BEA-TT invite à suivre cette même recommandation les autres ministères pouvant être concernés par le convoyage par minibus d?enfants, notamment le ministère des solidarités et des familles (compétent pour ce qui concerne les jeunes reçus par les structures relevant de l'aide sociale à l'enfance et plus généralement ceux suivis dans les établissements sociaux et médico-sociaux, dont les situations de handicap), le ministère de la justice (jeunes relevant de la protection judiciaire de la jeunesse), le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques (associations et clubs sportifs). 57 5.4 - L?accidentalité liée aux poids lourds sur autoroute 5.4.1 - Les données générales sur les accidents avec PL d?après le fichier BAAC Sur la période 2016-2020, les accidents impliquant un PL représentent 5% des accidents corporels et 12% des accidents mortels. Sur autoroute, ces parts sont respectivement de 16% et 33%. Ces données présentent peu de variations d?une année à l?autre. La part de l?accidentalité liée aux PL dans l?accidentalité générale paraît comparable à celle que représentent les PL dans la circulation routière comptée en véhicules x km, qui est voisine de 5% d?après le bilan annuel des transports publié en 2019 par le ministère concerné. Mais les accidents correspondants sont plus graves, en raison des poids et des dimensions des véhicules. Ainsi, en 2019 par exemple et sans parler par ailleurs des blessés: ? La gravité des accidents avec PL est de 14,2 tués pour 100 accidents, ce qui est 2,6fois supérieur à la gravité des accidents sans PL. ? Sur autoroute, la gravité des accidents avec PL est de 8,8 tués pour 100 accidents, ce qui est 2,3 fois supérieur à la gravité des accidents sans PL. En 2019, les accidents impliquant un PL ont occasionné 390 tués (dont 36 étaient occupants du PL), soit 12% de la mortalité routière et 3360 blessés (dont 540 étaient occupants du PL), soit 5% du total des blessés. Sur autoroute, on comptabilise 930accidents impliquant un PL dont près de 80 ont été mortels. Sur la période 2016-2020, la répartition des accidents mortels impliquant un PL selon le milieu est approximativement la suivante: 21% sur autoroutes, 58% sur les autres routes hors agglomération et 21% en agglomération. S?agissant des accidents corporels impliquant un PL, la répartition est respectivement de 32%, 36% et 31%. 5.4.2 - Les accidents avec PL sur autoroute et les types de collision La synthèse bibliographique réalisée par le SETRA24 en 2012 sur l?accidentalité des PL sur autoroutes françaises mentionne plusieurs études, dont certaines réalisées par l?ASFA, basées sur des petits chiffres ou anciennes, qui mettent en avant que, sur autoroute, les accidents mortels impliquant deux véhicules dont un PL, sont pour une majorité des cas des collisions arrière et dans lesquelles les PL sont le plus souvent heurtés que heurtant, sans parler bien sûr des cas où le PL est heurté à l?arrière par un autre PL. La synthèse bibliographique des études relatives à la sécurité des PL réalisée en 2005 dans le cadre du programme de recherche Trucks mentionne le projet européen de recherches VERTEC, 2003, dans le cadre duquel une base de données commune relative aux accidents impliquant un PL a été créée entre les pays partenaires (Finlande, France, Royaume-Uni, Italie). Les données ont montré que, sur routes à chaussées séparées et hors milieu urbain, le type de collision le plus fréquent est un choc arrière (33%), tant pour les accidents mortels que pour l?ensemble des accidents corporels. Les données relatives aux accidents corporels impliquant un PL sur les autoroutes françaises sur la période 2016-2020 sont présentées dans les tableaux ci-dessous, à partir d?une exploitation du fichier BAAC réalisée par le BEA-TT. 24 Service d?études sur les transports, les routes et leurs aménagements, devenu la Direction technique Infrastructures de transport et matériaux du Cerema 58 Elles montrent que, parmi les accidents impliquant un PL sur autoroute, la collision arrière entre deux véhicules est l?accident le plus fréquent et que ceci est encore plus avéré si l?on considère uniquement les accidents mortels. Les accidents impliquant un PL sur autoroute correspondent dans 36% des cas, voire près de 40% pour les accidents mortels, à une collision arrière. Si l?on compare avec l?ensemble des accidents sur autoroute, on peut voir que d?après les bilans annuels de l?ONISR, les collisions arrière représentent environ 20% des accidents mortels. Si l?on retire les accidents avec piétons et ceux impliquant un seul véhicule, le PL, on constate alors que les collisions mortelles impliquant au moins deux véhicules dont un PL correspondent dans 53% des cas à une collision par l?arrière entre ce PL et un autre véhicule. Enfin, si l?on considère les accidents impliquant exactement un nombre de deux véhicules dont un PL, ces accidents sont des collisions arrière dans près de 60% des cas, voire 80% dans le cas des accidents mortels. La catégorie «collision par l?arrière entre un PL et un autre véhicule» évoquée dans les données ci-dessus englobe les deux cas possibles: PL heurté par l?arrière par un autre véhicule versus PL heurtant un autre véhicule par l?arrière. La distinction nécessiterait une exploitation plus approfondie des données BAAC afin de vérifier, accident par accident, la localisation des points de choc sur les deux véhicules. Le BEA-TT a effectué cette vérification sur une petite partie des accidents qui ont été identifiés par les forces de l?ordre comme ayant eu lieu en pente25: cela a mis en évidence que, sur ce petit nombre, la situation d?un PL heurté par l?arrière représente près de 70% des cas et que la variable «profil en long» des données BAAC n?est pas suffisamment fiable ou exploitable. 25 Le BAAC ne distingue pas entre montée et descente et la distinction entre «plat» et «non plat» est laissée à la discrétion de celui qui le remplit (le guide de remplissage des BAAC ne donne pas de seuil, il stipule que l?existence d?une pente s?apprécie visuellement). 59 Le bilan annuel de l?accidentologie publié par l?ASFA pour les autoroutes concédées comprend une analyse des scénarios d?accident mortel, qui récapitule notamment le nombre de percussions arrière impliquant des véhicules en mouvement et selon la typologie des véhicules impliqués. Ces éléments montrent que, sur un nombre de 150percussions arrière impliquant deux véhicules dont un PL sur la période 2016-2022, un VL heurte un PL dans 64,7% des cas, un PL heurte un VL dans 18,7% des cas, et un PL heurte un PL dans 16,7% des cas. Il est donc possible de considérer que le nombre d?accidents mortels impliquant un véhicule (VL ou PL, les VL étant majoritaires) heurtant l?arrière d?un PL est de l?ordre d?une vingtaine par an sur le réseau autoroutier. Cela comprend une petite dizaine de collisions entre un VL et un PL survenant sur le réseau concédé, d?après le passage en revue sur quatre ans du descriptif résumé des accidents mortels figurant dans les bilans de l?ASFA (et en ayant retiré les cas où le PL heurté est à l?arrêt, les cas où la collision est liée à un ralentissement du trafic et les cas de collisions en chaîne). 5.4.3 - L?accidentalité liée aux PL dans les rampes sur autoroutes La synthèse bibliographique réalisée par le SETRA en 2012, précitée, comprend un état des lieux des données statistiques et des études existantes en matière d?accidentalité liée aux PL sur les autoroutes françaises, en abordant les différents facteurs et mécanismes d?accidents recensés dans la littérature. Le rapport précise que plusieurs sources sont à relativiser au regard de leur caractère parfois très local ou fragmentaire (faiblesse des échantillons). Concernant les facteurs liés à l'infrastructure, le rapport souligne la forte influence des montées et des descentes sur l?accidentalité impliquant les PL sur autoroute et rappelle que la mise en place de VSVL, en montée comme en descente, peut être efficace dans la lutte contre les accidents de PL avec chocs arrière. Concernant plus particulièrement les rampes, le rapport cite les deux études suivantes réalisées par le CETE Normandie Centre. Le BEA-TT a pris connaissance de la première et en a extrait certains éléments ci-après. Pour la seconde, le BEA-TT s?est appuyé sur les synthèses de l?étude figurant dans plusieurs documents. L?étude26 réalisée en 2008 dans le cadre du projet DIVAS a porté sur 262accidents corporels survenus sur un linéaire d?un peu plus de 300km et constitué de 5sections d?autoroutes interurbaines différentes. Elle s?est basée notamment sur les informations figurant dans les procès verbaux d?accident établis par les forces de l?ordre. Il ressort que les accidents les plus fréquents sont ceux liés à un état de fatigue ou d?hypovigilance, à une manoeuvre de dépassement ou à des chocs arrière sur des véhicules plus lents. Les accidents impliquant un défaut de vigilance ou d?attention ainsi que les chocs arrière surviennent très majoritairement en ligne droite. L?échantillon comprend 40 accidents impliquant un PL, soit 15% de la base d?étude, dont 10 ont été mortels: ? 18 accidents ont eu lieu en pente, soit 45%, dont 16 en montée et 2 en descente. ? 11 accidents, dont 5 mortels, correspondent au scénario où un conducteur a été surpris par un ralentissement ou par un véhicule plus lent. Dans la grande majorité des cas, il s?agit d?un PL qui est heurté par l?arrière par un VL. Sur ces 11 accidents, 7 ne sont pas liés à un ralentissement: ils impliquent un PL, qui est en montée dans au moins 4 cas et avec une vitesse comprise entre 40 et 70km/h. 26 DIVAS ? Mécanismes d?accidents sur autoroute, livrable n°1.A.2, CETE Normandie Centre, 2008 60 L?étude27 produite en 2001 et réalisée sur la période 1996-2001 a porté sur trois sections en rampe de l?autoroute A13, d?une pente d?environ 4% et sans VSVL, sur lesquelles une accumulation d?accidents de PL avait été détectée. Elle met en évidence un sur-risque important dans ces rampes: les sections représentent 2% du linéaire de l?autoroute et concentrent 33% des accidents corporels impliquant un PL s?y produisant. L?A13 comporte d?autres rampes que celles étudiées, il n?y a pas été constaté d?accumulation de chocs arrière, sachant que les plus pentues comportent une VSVL. Sur la zone d?étude, les accidents impliquant un PL sont dans 90% des cas des chocs arrière qui se produisent au moins 1500m après le début de la rampe. L?analyse des conditions d?accidents a montré que ceux-ci étaient dus à un fort différentiel de vitesses entre les véhicules impliqués. Dans la plupart des cas, le véhicule «rattrapant», que ce soit un VL ou un PL, percute un PL roulant plus lentement. La vitesse moyenne du véhicule percuté est comprise entre 40 et 50km/h. Par ailleurs, le BEA-TT a pris connaissance de certains des rapports produits dans le cadre des opérations de recherche PLINFRA28 et TRUCKS29, portant sur la sécurité des infrastructures routières. Si ces programmes se sont en particulier intéressés à la dynamique des PL, notamment des semi-remorques, et aux risques de perte de contrôle, ils comportent également quelques éléments en lien avec les configurations en rampe. Le rapport sur les poids lourds et la sécurité routière, produit en novembre 2008 dans le cadre de l?opération TRUCKS s?intéresse en particulier aux virages, bretelles de sortie de voies rapides, giratoires et rampes, et propose des seuils de sécurité correspondants. Il est souligné que certaines caractéristiques de l?infrastructure, parmi lesquelles figurent les fortes rampes, jouent un rôle dans les accidents corporels où un PL est impliqué. Dans le cadre de l?opération de recherche PLINFRA, une démarche a été conduite en vue de développer un outil d?aide au diagnostic des infrastructures, spécifique aux poids lourds, le logiciel nommé Alert?Infra PL. Elle a fait l?objet notamment de deux rapports30 établis par le CETE de Lyon en juillet 2010 et avril 2012. La démarche a permis de déterminer une liste de configurations de l?infrastructure présentant un risque spécifique pour ce qui concerne les PL et en y associant des valeurs seuils des caractéristiques de l'infrastructure au-delà desquelles le risque d?accident augmente fortement. Des valeurs seuils ont ainsi été définies pour les rampes et les descentes sur routes à chaussée séparée de type autoroutière, cela n?a pas été effectué pour les autres routes compte tenu d?un manque de données: ont été retenues les rampes à partir d?une valeur de pente de 4% et d?une longueur de 1500m et non équipées de VSVL, associées à un risque spécifique de collision arrière contre un PL. Ces seuils ont été déterminés à partir de l?étude précitée, réalisée en 2001 par le CETE Normandie Centre, de mesures de vitesses réellement pratiquées et au moyen de simulations avec le modèle PROSPER, permettant d?identifier les configurations en rampe dans lesquelles un semi-remorque de moyenne gamme et pleinement chargé peut atteindre une vitesse de 40 ou 50km/h. Les résultats des mesures de vitesses réellement pratiquées sont présentés en annexe 5. 27 Autoroute A13 ? Accidentologie et comportement des poids lourds en rampe ? étude de trois sections, CETE Normandie Centre, 2001 28 Opération de recherche PLINFRA menée entre 2007 et 2012 par le CETE de Lyon et l?IFSTTAR. L?Institut français des sciences et technologies des transports, de l?aménagement et des réseaux (IFSTTAR) a intégré en 2020 l?université Gustave-Eiffel. Il avait fusionné l?Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS) et le Laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC). 29 Opération de recherche TRUCKS, pilotée par le LCPC entre 2003-2007. 30 Rapport sur la définition des alertes en vue du développement de l?outil AlertinfraPL et rapport de synthèse sur la validation des alertes, juillet 2010 et avril 2012, CETE de Lyon 61 Une démarche de validation statistique a été réalisée en considérant plusieurs linéaires routiers, situés notamment sur le réseau des Autoroutes du Sud de la France (ASF). Le réseau d?étude a été découpé en sections homogènes, tenant compte notamment des valeurs de pente appréciées par classe [plat, supérieure à 2%, supérieure à 4%, etc.] et en renseignant pour chaque section, sa longueur et le trafic correspondant. Les accidents s?étant produits sur des sections relevant de la même classe de pente sont ensuite agrégés et rapportés au nombre de véhicules x kilomètres31 parcourus sur les sections de la classe, de façon à calculer le taux d?accident impliquant un PL sur chaque classe. Les résultats ont montré que les sections en rampe présentent un taux d?accident significativement plus élevé que les sections horizontales et ceci à partir d?une valeur de pente de 3,2%. L?étude a pris notamment en compte les accidents survenus entre 2003 et 2010 sur un linéaire du réseau ASF d?environ 1000km, mais le nombre d?accidents correspondants n?est pas mentionné. 5.4.4 - Conclusions Parmi les accidents impliquant un PL sur autoroute, la collision arrière entre deux véhicules est l?accident le plus fréquent. Elle représente plus du tiers de ces accidents et cette part atteint même 60% si l?on considère uniquement les accidents impliquant exactement un nombre de deux véhicules dont un PL. Sur autoroute, les accidents mortels impliquant deux véhicules dont un PL, sont pour une majorité des cas des collisions arrière et dans lesquelles les PL sont le plus souvent heurtés que heurtant, sans parler des cas où le PL est heurté à l?arrière par un autre PL. Les études disponibles mettent en évidence que cela s?explique par le différentiel de vitesse, qui est de l?ordre de 40km/h entre VL et PL dans le cas général et donc sans parler des rampes, ainsi que par un manque d?attention du conducteur du véhicule rattrapant, qui fait que celui-ci perçoit très tard le PL roulant devant lui à une vitesse nettement inférieure, voire ne le perçoit pas. La synthèse bibliographique réalisée par le SETRA en 2012 mentionne à ce sujet l?étude INRETS sur les accidents de PL, réalisée en 1987 par Fleury et al., à partir de l?analyse de 33 dossiers d?EDA. Les rampes sont des longues montées qui sont parfois rencontrées sur les autoroutes. Le rapport TRUCKS précité rappelle d?une part, que la puissance de leurs moteurs rapportée à la masse est plus faible pour les PL que pour les véhicules et utilitaires légers, d?où une difficulté à gravir certaines montées, et d?autre part que les différences de vitesse entre véhicules légers et poids lourds sont des facteurs d?insécurité. Les études disponibles tendent à souligner que le risque d?accident impliquant un PL est significativement plus élevé dans les rampes que sur le plat, même si certains des rapports correspondants sont à relativiser, au regard de leur caractère parfois local ou des caractéristiques des échantillons considérés. Le fait que le différentiel de vitesse entre VL et PL soit encore plus prononcé dans une rampe accroît le risque de choc arrière contre un PL. Ces collisions arrière en rampe peuvent s?expliquer par le différentiel de vitesse associé à un manque d?attention ou à un problème de vigilance, comme dans le cas général précité. Elles peuvent aussi s?expliquer par une mauvaise appréciation de la vitesse du véhicule rattrapé. Peuvent aussi entrer en jeu une difficulté d?appréciation de cette vitesse et, d?après l?étude INRETS précitée, l?effet de surprise due à la présence d?un véhicule lent devant soi. 31 Les veh.km représentent les distances parcourues par les véhicules circulant sur une section et sur une période, soit pour une section: longueur de la section x TMJA x 365 x nombre d?années d?observation. 62 5.5 - L?évolution de la vitesse des PL dans les rampes 5.5.1 - Les éléments de référence nationaux Le principe de représentation sous forme d?abaques permettant de déterminer pour une rampe donnée la vitesse atteinte après une certaine distance parcourue est utilisé dans les documents techniques relatifs à la conception des infrastructures routières pour apprécier la vitesse d?un camion, chargé, sur une infrastructure. Les abaques utilisés jusqu?à ce jour sont ceux figurant dans la note d?information n°21 établie en 1989 par le SETRA et présentés dans la figure ci-après. Ils s?appuient sur des résultats de simulations réalisées par Renault Véhicules Industriels (RVI) à partir de la modélisation de plusieurs des véhicules de sa gamme. Ils présentent, pour des rampes constantes de 1 à 8%, l?évolution des vitesses de PL pleinement chargés sur une distance de 2800m, en considérant que la vitesse initiale du PL est de 90km/h. Sont également représentées, par les courbes en pointillé, les situations où la vitesse initiale du PL est de 10km/h (PL partant de l?arrêt). Figure 42: Évolution de la vitesse d?un PL semi-remorque chargé en fonction de l?intensité de la rampe et de sa longueur (Source: note d?information 21 du SETRA, octobre 1989) Le type de véhicule qui avait été alors pris en compte est un semi-remorque d?une puissance de 360 chevaux pour un poids total roulant autorisé (PTRA) de 38tonnes, le PTRA correspondant à la masse maximale autorisée pour un ensemble routier, soit le poids à vide de l?ensemble plus le chargement. Depuis 2013 en France, il est passé à 44tonnes pour les ensembles routiers comportant plus de quatre essieux et la plupart des tracteurs routiers sont désormais homologués pour un PTRA de 44tonnes. 63 Le Cerema a réalisé une étude récente32 qui permet de conclure qu?il n?est pas nécessaire de réviser les courbes de vitesse de la note n°21 de 1989. Autrement dit, dans le temps, les effets de l?augmentation de la puissance des tracteurs ont globalement compensé ceux liés à l?évolution des tonnages transportés par chaque véhicule. Des mesures des vitesses effectuées sur plusieurs rampes autoroutières ont permis de disposer d?une répartition des vitesses d?un échantillon de PL. Puis une analyse détaillée du parc roulant a permis d?identifier qu?un ensemble routier de 44tonnes, avec une puissance voisine de 440chevaux, était représentatif des PL actuels pouvant être pénalisants dans les rampes autoroutières, sans pour autant être extrêmes. Plusieurs véhicules, dont deux tracteurs Volvo récents de 420 et 460chevaux, ont été modélisés et utilisés pour des simulations à pleine charge (masse totale de 44tonnes) réalisées à l?aide du logiciel PROSPER CALLAS. Les résultats montrent que le véhicule à 420chevaux a des performances légèrement inférieures à celles représentées sur la noten°21 et qu?avec une motorisation de 460chevaux, les performances sont légèrement supérieures à celles de la note. L?étude permet donc de considérer que les courbes de vitesse de la note n°21 restent globalement valables pour représenter un semi-remorque chargé au maximum et avec une puissance de l?ordre de 440chevaux. Cette puissance correspond à un véhicule moyennement performant. Le choix de cette cible est à mettre en lien avec la finalité dans laquelle s?inscrit la note n°21 et qui est l?analyse des contraintes et des risques engendrés par la circulation d?ensembles routiers en rampe sur une infrastructure de type autoroutier. Ces éléments permettent donc de voir quelle est la vitesse atteinte en rampe par des ensembles routiers chargés et de performance moyenne. Le rapport produit en novembre 2008 dans le cadre de l?opération de recherches TRUCKS comprend quelques éléments relatifs aux vitesses des PL en rampe, issus également de modélisations sous PROSPER. Elles prennent en compte un ensemble tracteur et semi-remorque ayant un poids total à vide de 15tonnes, un PTRA de 38tonnes et une vitesse initiale de 90km/h avant la rampe. Les simulations en pleine charge donnent des valeurs de vitesse dans des rampes constantes très voisines de celles de la note 21 du SETRA. Ces simulations semblent figurer à l?identique dans le rapport produit en juillet 2010 dans le cadre du programme de recherche Alert?Infra PL. Il y est indiqué que le paramétrage des PL a été réalisé de façon à être représentatif des véhicules de plus de dix ans circulant sur le réseau. Les courbes ci-après, extraites du rapport TRUCKS, montrent la perte de vitesse dans une rampe constante d?une longueur de 2km ainsi que l?effet du chargement sur les performances possibles du véhicule. Pour une courbe et donc une valeur de pente donnée, les cinq points illustrent l?analyse à la sensibilité à la charge qui a été réalisée, par pas de 25% de la charge utile, qui est ici de 23 tonnes: semi-remorque circulant à vide, à quart de charge, à mi-charge, aux trois quarts de charge, à pleine charge. Ces simulations montrent pour le type de PL considéré qu?au bout de 2km en montée, les baisses de vitesse varient de 10 à 30km/h selon l?intensité de la pente pour des véhicules non chargés et de 30 à 60km/h pour des semi-remorques chargés. Si la situation a entre-temps évolué, s?agissant notamment de la puissance et du PTRA des véhicules, ces résultats restent intéressants, du moins à partir de la mi-charge, pour fournir un ordre de grandeur concernant l?impact du chargement apprécié par ces pas de25%. En deçà de la mi-charge, les véhicules actuels sont sans doute plus performants. 32 Étude (pas encore éditée dans sa version officielle) sur la vitesse des poids lourds en rampe et la révision des données de la note d?information n°21 du SETRA 64 Figure 43: Influence du chargement d?un semi-remorque sur le différentiel de vitesse entre le bas et le sommet de côte dans une montée de 2km et pour différentes valeurs de pente (Rapport Trucks du LCPC, novembre 2008) Si l?on compare la situation antérieure utilisée pour cette modélisation avec un PL actuel à 420 chevaux par exemple, et en prenant l?hypothèse que les masses à vide sont de 15tonnes dans les deux cas, le comparatif des rapports poids / puissance est le suivant: Exemple de lecture de la courbe pour un PL chargé à moitié (11,5 tonnes dans ce cas): ? au bout d?une montée à 5% sur 2km, le différentiel de vitesse (?V) est de 42km/h, la vitesse finale est donc de 48km/h (vitesse initiale de 90km auquel il faut retirer le différentiel de 42km/h); ? au bout d?une montée à 3% sur 2km, le différentiel de vitesse (?V) est de 24km/h, la vitesse finale est donc de 66km/h (vitesse initiale de 90km auquel il faut retirer le différentiel de 24km/h). Si l?on compare avec le véhicule impliqué dans l?accident, illustré au 3.4.4, on voit que celui-ci avait une vitesse d?à peine 55km/h après 2km de montée à 3%, sachant que sa vitesse de départ était alors de 80km/h et non pas de 90km/h. Ce véhicule était à mi-charge (la demi charge est de 13,7t dans son cas). Si l?on divise sa puissance, qui est de 449 chevaux, par sa masse totale au moment de l?accident, qui était de 29,8 tonnes, on obtient un rapport de 15 chevaux par tonnes. Ce point est réabordé par la suite. 65 5.5.2 - L?évolution des vitesses des PL sur l?A75 dans la rampe de Massiac La station de comptage de Sals-Bas dont dispose la DIRMC sur l?A75 est située au PR76+300, soit à peu près à mi-parcours de la rampe. Les données de vitesse, sans distinction VL/PL, issues de cette station sont présentées en annexe 6. D?après ces données, on enregistre chaque jour ouvrable une vingtaine de véhicules circulant à moins de 50km/h et environ 300 circulant entre 50 et 70km/h à ce niveau de la montée. Ce trafic lent observé en jour ouvrable correspond vraisemblablement en grande partie à un trafic PL. Sur la plage comprise entre 70 et 90km/h, qui concerne presque 800 véhicules en jour ouvrable, on peut commencer à trouver des VL. Le BEA-TT a fait réaliser, en 2023 par la société Autoroutes Trafic, une étude basée sur l?exploitation des données issues de véhicules connectés ayant emprunté l?A75. Une synthèse de la démarche est présentée en annexe 6 pour ce qui concerne le volet relatif aux vitesses, les principaux éléments sont repris ci-après. Les données exploitées sont de type «Floating Car Data (FCD)», elles sont issues d?appareils embarqués et fournissent des indications sur les déplacements d?un véhicule, dont la vitesse instantanée. La distribution de l?évolution de la vitesse des PL dans la rampe, ainsi obtenue à partir d?un échantillon de 2500PL, est illustrée par la médiane et par percentile, comme suit: Figure 44: Distribution de l?évolution de la vitesse des PL dans la montée vers le col de la Fageole, incluant la rampe de Massiac (étude Autoroutes Trafic - BEA-TT, septembre 2023) Cette distribution illustre l?effet de la rampe sur l?évolution des vitesses. Les secteurs où la vitesse des PL baisse le plus correspondent logiquement aux sections de plus forte pente, soit au niveau du PR 75, du PR 79, du PR 83 et du PR 85. Le fait que la vitesse soit comprise entre 90 et 110km/h pour un peu moins de 10% des véhicules peut interroger (petits PL? Véhicules utilitaires légers?). Grille de lecture au niveau du PR 79, là où l?effet de la rampe se fait le plus ressentir: ? La médiane est de 65km/h: 50% des PL de l?échantillon ont une vitesse supérieure à 65km/h et 50% ont une vitesse inférieure à 65km/h. ? Le percentile 20 est d?un peu moins de 50km/h (47km/h d?après les résultats de l?échantillon): 20% des PL de l?échantillon ont une vitesse inférieure à 50km/h. ? Le percentile 80 est de 80km/h: 80% des PL de l?échantillon ont une vitesse inférieure à 80km/h et donc 20% ont une vitesse supérieure à 80km/h. 66 Cette distribution illustre aussi la diversité des trajectoires de vitesse dans la rampe, diversité liée aux types de PL, à leur masse, leur puissance et la charge transportée. Sur les quatre secteurs les plus marqués, la vitesse de certains PL descend en dessous de 50km/h, voire 40km/h, tandis que d?autres parviennent à conserver une vitesse élevée. L?étude qu?a fait réaliser le BEA-TT a permis de la même manière de déterminer l?évolution des vitesses des VL dans la rampe, à partir d?un échantillon de 13200véhicules. Comme pour les PL, les trajectoires de vitesse des VL sont très diversifiées. Grosso modo, le percentile 20 des VL se situe légèrement au-dessus du percentile 80 des PL: les 20% des VL les plus lents ont une vitesse légèrement supérieure à la vitesse en deçà de laquelle roulent 80% des PL. La figure ci-après représente l?évolution de l?écart de vitesse entre les 20% des VL les plus rapides et les 20% des PL les plus lents. C?est au niveau du PR 79 que cet écart est le plus marqué, il dépasse 80km/h. La vitesse médiane pour les VL est d?ailleurs dans ce secteur de 120km/h, soit près du double de celle des PL. Il est à noter que cet écart est plus réduit sur la dernière partie de la montée, compte tenu de l?abaissement de la vitesse réglementaire à 110km/h puis, environ 3km après, de la présence d?un radar de contrôle des vitesses. Figure 45: Évolution dans la rampe de Massiac de l?écart de vitesse entre les 20% des VL les plus rapides et les 20% des PL les plus lents (étude réalisée par Autoroutes Trafic pour le BEA-TT) L?étude que le BEA-TT a conduite à partir des données de véhicules connectés donne une bonne indication des vitesses particulièrement basses que peuvent atteindre une partie des PL dans la rampe de Massiac. Il est par contre possible que les PL qui sont pénalisants dans les rampes soient sous-représentés car les caractéristiques des PL de l?échantillon ne sont pas connues; celui-ci comporte donc possiblement tout type de PL, du petit camion de 3,5 tonnes jusqu?au 44 tonnes. Le PL impliqué dans l?accident, illustré en 3.4.4, paraît se situer parmi les 10% des véhicules les plus lents, si l?on considère par exemple sa vitesse au PR 75 ainsi que vers le lieu de l?accident, un peu avant le PR 78. Cela est surprenant, s?agissant d?un véhicule récent qui était à peine à mi-charge. Cela est toutefois à relativiser, car il est possible que les plus petits PL soient surreprésentés dans l?échantillon. D?après le contrôleur de la DREAL qui a analysé les données du PL, un grand nombre de semi-remorques circulent à une vitesse comprise entre 40 et 60km/h dans le secteur des PR 78-79. 67 5.5.3 - La réglementation sur les vitesses et les pratiques des PL dans les rampes L?influence d?une rampe sur l?évolution de la vitesse d?un PL va dépendre de l?intensité de la pente ainsi que du type de véhicule, notamment son rapport poids / puissance. La rampe de Massiac est très longue, la vitesse va donc mécaniquement s?abaisser fortement pour une partie des PL, et notamment dans les secteurs de plus forte pente. D?après les acteurs locaux, certains conducteurs de PL abaisseraient volontairement leur vitesse autour des 50km/h au cours de la montée afin de limiter leur effort. D?après la fiche technique du constructeur, le type du tracteur impliqué dans l?accident est équipé d?un système d?assistance appelé PPC (predictive powertrain control), permettant une optimisation de la gestion du régulateur de vitesse et de la boîte de vitesses, en vue de réduire la consommation de carburant. Présenté sur le site internet du constructeur comme un régulateur de vitesse adaptatif intelligent, le système relie les informations de localisation fournies par le GPS aux cartes routières numériques en 3D mémorisées et calcule ainsi une sorte d?horizon électronique auquel il adapte automatiquement la manière de rouler du camion. Il analyse le tracé et le relief de la route pour déterminer à l?avance le moment auquel changer de rapport et la vitesse du régulateur de vitesse. Par exemple, il tient compte de l?élan du véhicule dans les descentes pour moduler automatiquement la vitesse. Il est également indiqué que, avant d?atteindre le sommet d?une côte, le système peut détecter si le véhicule peut la franchir à une vitesse suffisante et, si c?est le cas, autoriser temporairement un ralentissement du véhicule en dessous de la vitesse fixée dans le régulateur de vitesse. Il semble que ce système ait été déployé par le constructeur à partir de 2018. Le BEA-TT ne dispose pas d?informations permettant de déterminer si ce système peut avoir pour effet que la vitesse d?un véhicule dans une rampe soit inférieure à ce qu?elle serait sans celui-ci, ou d?amener par anticipation le véhicule à se caler sur une vitesse plus basse. Excepté pour la voie la plus à gauche, où la vitesse minimale doit être de 80km/h lorsque la circulation est fluide et que les conditions atmosphériques le permettent d?après l?article R. 413-19, le Code de la route ne spécifie pas de vitesse minimale sur autoroute. L?article R. 433.16 du Code de la route, qui est spécifique au transport de bois rond, interdit ce transport sur autoroute lorsque les véhicules concernés ne peuvent pas atteindre une vitesse en palier de 50km/h. L?article R. 422-1, qui n?est pas spécifique aux autoroutes, évoque le cas des véhicules lents qui circulent sur une voie de circulation exclusivement réservée à leur usage, donc une VSVL. Au sens de cet article, les véhicules lents sont définis comme ceux ne pouvant circuler à une vitesse supérieure à 60km/h dans la section de route concernée. Sur autoroute, il est indéniable que la circulation d?un véhicule à une allure lente constitue un facteur de risque. L?article R. 416-18, qui n?est pas spécifique aux autoroutes, stipule que tout conducteur contraint de circuler momentanément à allure fortement réduite est tenu d?avertir, en faisant usage de ses feux de détresse, les autres usagers qu?il risque de surprendre. L?article précise que lorsque la circulation est établie en file ininterrompue, l'obligation précitée ne s?applique qu?au conducteur du dernier véhicule de la file. Sur autoroute, l?application de cette obligation paraît bien ancrée dans les pratiques lorsqu?un bouchon se forme ou qu?un problème mécanique amène à circuler à une vitesse réduite. Cela ne semble pas être le cas lorsque la vitesse est réduite du fait d?une rampe. La question pourrait d?ailleurs se poser de savoir si l?article précité s?applique dans ce type de configuration. Du point de vue de la Délégation à la sécurité routière (DSR), cela ne semble faire aucun doute, la DSR considère que la règle générale énoncée par l?articleR.416-18 permet d?englober toute circulation «à allure fortement réduite». 68 Les organismes de formation, que le BEA-TT a contactés, ont indiqué qu?ils pensaient que l?usage des feux de détresse par les PL lents en rampe était davantage une question de bon sens et non pas une obligation émanant du Code de la route. Le recours à cette pratique n?est pas abordé à ce jour lors des formations initiales ou continues. Les organismes ont d?ailleurs fait remarquer que la notion d?allure fortement réduite énoncée par le code peut être fortement sujette à interprétation. D?après les acteurs locaux, seulement certains PL lents activent leurs feux de détresse dans la rampe de Massiac sur l?A75. Ce n?était pas le cas du PL impliqué dans l?accident, qui roulait à moins de 50km/h au moment du choc. Son conducteur a indiqué qu?il pensait que sa vitesse était de 60km/h et qu?il faisait usage habituellement des feux de détresse quand la vitesse est vraiment très faible. D?autres conducteurs ont rapporté qu?ils ont adopté cette pratique du fait qu?elle a été rendue obligatoire en Espagne. D?après la version que le BEA-TT s?est procurée, le règlement général de la circulation espagnol impose une vitesse minimale sur le réseau routier hors agglomération, qui est de 60 km/h sur autoroute, et par ailleurs l?usage des feux de détresse lorsqu?un véhicule ne peut atteindre cette vitesse minimale et qu?il existe un risque de collision. Le BEA-TT estime que l?usage des feux de détresse doit être systématisé pour les PL lents en rampe. Cela permettrait d?atténuer le facteur de risque que constitue en général la présence d?un véhicule lent sur autoroute et plus particulièrement, cela pourrait contribuer à alerter les autres conducteurs approchants dans le cas où ils présentent des qualités attentionnelles amoindries. Quelques règles du Code de la route existent pour certains véhicules très spécifiques et à progression lente. L?analyse des vitesses réalisée au niveau de la rampe Massiac montre que, dans les secteurs les plus critiques, 30 à 40% des PL sont en dessous de 60km/h et environ 15% sont en dessous de 50km/h. Le BEA-TT considère que, pour atteindre cet objectif et parallèlement aux efforts de sensibilisation des conducteurs de PL, il est nécessaire de compléter le Code de la route afin, sur autoroute, de rendre plus explicite la règle générale d?usage des feux de détresse et de la préciser, de manière à ce que celle-ci puisse avoir une réelle portée. En l?état actuel, avec une règle qui peut paraître trop générale, la non-activation des feux de détresse par un PL lent en rampe semble difficilement sanctionnable. En conséquence, le BEA-TT formule les recommandations suivantes: Recommandation R2 adressée à la Délégation à la sécurité routière (DSR): Compléter le Code de la route afin de rendre explicite l?obligation d?usage des feux de détresse lorsque le conducteur est contraint de circuler à une vitesse réduite du fait d?une configuration en rampe, assortie d?un seuil caractérisant une vitesse lente sur autoroute, comme pratiqué par exemple en Espagne. Recommandation R3 aux organismes de formation de conducteurs de poids lourds: Mettre en place, lors de la formation professionnelle initiale et continue, une sensibilisation des conducteurs de véhicules lourds sur la nécessité de faire usage des feux de détresse, sur autoroute notamment, lorsque la vitesse est fortement réduite du fait d?une configuration en rampe. Le BEA-TT invite également l?IRU (International Road Transport Union) et les organisations professionnelles françaises de transport routier de marchandises, ainsi que le groupe GIRTEKA, à relayer cette sensibilisation auprès de leurs adhérents, par une communication dédiée à l?attention des conducteurs de poids lourds. Par ailleurs, le BEA-TT s?adresse à l?organisation internationale des constructeurs automobiles (OICA) pour inviter constructeurs et équipementiers à réfléchir à la possibilité de développer un système qui automatise le déclenchement des feux de détresse pour des PL circulant à une vitesse réduite dans les configurations en rampe sur autoroute. 69 5.6 - Les référentiels applicables aux rampes sur autoroute 5.6.1 - Les dispositions en matière de signalisation pour tout type de réseau L?instruction interministérielle sur la signalisation routière (IISR) aborde à l?article 40-2 le cas des descentes et montées dangereuses. ? Elle énonce les dispositions pouvant être prises pour signaler la présence d?une descente importante et inciter l?usager à la prudence et à l?adoption de comportements de conduite adaptés. ? Elle prescrit la pose d?une signalisation spécifique lorsqu?il existe un risque de heurt de véhicules lents, décrite comme suit: En descente, un panonceau M9j1 est placé sous chaque panneau A16, au-dessus du panonceau d?étendue M2. En montée, un panneau A14 est mis en place au début de la montée. Il est complété par un panonceau M9j2 et un panonceau d?étendue M2. Le panneau A14, complété par le panonceau M9j2 et un panonceau d?étendue M2 adapté, est répété sur la section concernée avec un intervalle de 500 m à 2km suivant la longueur de la montée. Dans l?illustration ci-contre, le panonceau d?étendue M2 porte sur 500m. Même si ses dispositions soulignent davantage le cas des descentes, eu égard aux risques associés et à l?importance capitale d?une bonne perception de la pente de la part de l?usager, l?IISR ne paraît pas attribuer au traitement des descentes un degré de prescription qui serait plus élevé que pour les montées. Pourtant, en termes de signalisation, il est possible que, parmi les sections en pente dites dangereuses, les descentes soient davantage considérées que les montées par les exploitants autoroutiers, cela semble être le cas pour la section d?A75 concernée par la présente enquête et comme illustré en 2.1.3. Cela pourrait s?expliquer par l?élément suivant: il est possible que, parmi les dispositions existantes relatives à la signalisation des descentes et des montées dangereuses, celles portant plus spécifiquement sur le risque de heurt de véhicules lents soient moins prises en compte. 5.6.2 - Le référentiel technique portant sur la conception des autoroutes Le document technique de référence pour la conception des autoroutes en milieu interurbain est l?Instruction sur les conditions techniques d?aménagement des autoroutes de liaison (ICTAAL), dont la dernière édition date de mai 2015, mise à jour en 2021. L?ICTAAL donne les principes généraux et les règles techniques fondamentales relatives à la définition des éléments géométriques des voies, qu?il convient de prendre en compte pour la réalisation d?infrastructures nouvelles ou l?aménagement du réseau existant. La partie 3.2.2. de l?ICTAAL relative aux sections à forte dénivelée est introduite par les éléments suivants, dont la rédaction peut laisser à penser qu?ils concernent davantage les descentes que les montées: 70 «Les configurations géométriques qui génèrent une forte dénivelée sont susceptibles de poser des problèmes de sécurité ou de capacité et un tracé approprié et une signalétique spécifique permettent d?en limiter les risques; mais certaines configurations peuvent en outre nécessiter la création d?une voie supplémentaire affectée aux véhicules lents (VSVL) ou d?un lit d?arrêt. Ces aspects sont développés plus en détail dans le guide sur l?aménagement des fortes pentes auquel il convient de se reporter.». S?agissant des VSVL (paragraphe 3.3.2 b), l?ICTAAL comprend les mentions suivantes : ? L?opportunité d?une VSVL s?apprécie en considérant les niveaux de trafic. Une telle voie ne s?impose généralement pas pour les autoroutes comportant plus de deux voies par chaussée, ou celles dont le trafic est modéré. ? En rampe, l?aménagement d?une VSVL est recommandée lorsque sa longueur et sa déclivité sont telles que la vitesse des véhicules lents est réduite à moins de 50 km/h sur une longueur minimale de 500m. La VSVL règne alors sur l?ensemble de la section où la vitesse des véhicules lents reste inférieure à 50km/h. ? En descente, on adopte comme indicateur de risque [?]. Ces éléments sont ceux figurant dans l?ICTAAL depuis sa version adoptée en 2000, sans parler de la référence au guide plus récent relatif aux fortes pentes. Les versions précédentes mentionnaient deux conditions pour l?aménagement d?une VSVL en rampe, celle de la vitesse atteinte par des véhicules lents ainsi que celle de la justification économique. Sur ce dernier aspect, l?ICTAAL de 1971 incluait des éléments de calcul de rentabilité, desquels on peut en déduire que l?intérêt d?une VSVL s?appréciait sous le seul angle de l?amélioration de la fluidité du trafic et du gain apporté aux véhicules non lents (gain de temps, réduction de la gêne occasionnée). L?ICTAAL de 1985 indiquait qu?il convenait de se référer à l?instruction sur les méthodes d?évaluation des effets économiques des investissements routiers. 5.6.3 - La note d?information 21 relative à l?implantation des VSVL en rampe En complément de l?ICTAAL, l?autre document de référence sur le sujet des VSVL est la note d?information n°21 établie en 1989 par le SETRA, relative à l?implantation des VSVL en rampe sur les infrastructures à chaussée séparée comportant deux voies par chaussée (les «2×2 voies») et qui cible plus particulièrement le réseau autoroutier. Outre des abaques de référence sur l?évolution des vitesses des PL en rampe, présentés au 5.5.1, la note présente une approche simplifiée de la justification économique d?une VSVL, dont l?objectif est de fournir une évaluation rapide de la faisabilité d?une telle voie à partir de la donnée de trafic. Il est indiqué que cette approche ne dispense pas du calcul économique classique dès lors que la voie supplémentaire s?avère justifiée. Sur le principe, cette approche consiste à s?appuyer sur les méthodes faisant référence pour analyser l?opportunité de l?élargissement à 2×3 voies d?une autoroute à 2×2 voies, mais en qualifiant les PL d?un poids plus particulier dans le trafic et en fonction de la valeur de la pente. Elle permet ainsi d?établir, pour chaque valeur de rampe, la courbe seuil correspondant à la mise en place d?une VSVL selon le trafic (TMJA) et le pourcentage de PL. Un exemple est donné en 5.6.5 de la courbe obtenue pour des rampes supérieures à 1000m. D?après les échanges intervenus entre le BEA-TT et la direction technique en charge des infrastructures au sein du Cerema (ex SETRA), le critère de la justification économique pour l?aménagement d?une VSVL ne serait plus essentiel aujourd?hui, du moins pour les nouveaux projets, et la note 21 constituerait désormais un document de référence uniquement pour sa partie portant sur les abaques de vitesse des PL en rampe. 71 En l?état actuel, il s?avère également que la note 21 traite du sujet de l?aménagement d?une VSVL essentiellement sous l?angle des enjeux liés à la fluidité de la circulation. Outre l?amélioration de la capacité de l?infrastructure, le document mentionne que la création d?une VSVL en rampe répond également à «un objectif d?amélioration de la sécurité, dans la mesure où les conflits potentiels, entre les VL et les PL peuvent s?avérer particulièrement graves compte tenu du différentiel de vitesse important dans les rampes entre les deux catégories de véhicules. Cette amélioration est toutefois assez relative, puisque le risque d?accidents dans les rampes n?est pas plus élevé que sur le plat comme le montrent les dernières études effectuées sur autoroute, mais aussi parce que les VSVL sont susceptibles d?engendrer d?autres types de conflits et notamment à leurs extrémités. 5.6.4 - A titre de comparaison: le guide sur l?aménagement des fortes pentes Le guide sur l?aménagement des fortes pentes édité par le Cerema en juin 2019 traite des fortes descentes et vient en complément des référentiels techniques en vigueur. Il a été élaboré suite à la survenue de plusieurs accidents particulièrement graves et est venu remplacer les notes d?information établies par le SETRA en 1987 et 1997. Il traite notamment de la prise en compte de l?accidentalité et du risque d?accident, qu?il s?agisse de l?amélioration du réseau existant ou d?un projet de voie nouvelle. Il fournit les éléments permettant de caractériser une forte descente et propose une méthodologie permettant d?orienter le gestionnaire vers les diagnostics, plus ou moins approfondis, qu?il peut conduire en fonction du contexte. Dès lors que la forte pente est concernée par la présence d?accidents liés à la déclivité, le guide recommande la réalisation d?un diagnostic approfondi, portant notamment sur la perception de la pente, les composantes de l?infrastructure, la structure du trafic, les vitesses des VL et des PL, complété d?un diagnostic de sécurité. Ce dernier est en termes de méthode du même type que celui de la démarche SURE. Il vise en particulier à identifier les facteurs d?accidents et notamment, dans le cas présent, les liens entre l?infrastructure et l?accident. Il repose sur l?analyse du fichier BAAC relatif aux données d?accidents corporels, l?analyse des procès-verbaux correspondants, qui doivent donc être sollicités auprès des forces de l?ordre, ainsi que sur l?analyse des accidents matériels et l?observation des comportements sur le terrain. Il doit également permettre une analyse comparative des deux sens de circulation. Le diagnostic doit permettre de relever les problématiques particulières dans lesquelles s?inscrit la forte pente, par exemple: ? La présence d?accidents liés au différentiel de vitesse entraînant un choc arrière, à l?échauffement des freins, à des mises en vitesse sous l?effet de la pente entraînant une perte de contrôle. ? Concernant le trafic, il peut s?agir de l?importance du trafic de PL, caravanes, cars, matières dangereuses ou d?un comportement différent des usagers locaux par rapport aux autres usagers. Le guide présente différents aménagements possibles au regard des problématiques. À ce titre, il vient préciser les dispositions prévues par l?IISR en matière de signalisation ainsi que, en complément de l?ICTAAL, le seuil de trafic conduisant à envisager l?aménagement d?une VSVL pour des raisons de sécurité, nonobstant la justification économique due à la capacité. 72 5.6.5 - L?opportunité d?une VSVL dans la rampe de Massiac au vu des référentiels Les niveaux de trafic prévisionnels n?amenaient probablement pas à considérer la nécessité d?aménager une VSVL dans la rampe de Massiac lors de sa mise en service. D?après les données disponibles sur le site Isidor, le TMJA, deux sens confondus, était de l?ordre de 8000 véh/j au milieu des années 90. Les référentiels actuellement en vigueur n?amènent pas à considérer que l?aménagement d?une VSVL serait particulièrement opportun: ? L?ICTAAL 1985, dans sa partie 1.5 relative aux choix des caractéristiques techniques, considérait que le trafic d?une autoroute est faible lorsqu?il est inférieur à 8000 véh/j à la mise en service et indiquait que cela correspond généralement à un trafic à long terme de 15000 véh/j environ. ? Depuis 2000, une autoroute est dite à trafic modéré lorsque le trafic est inférieur à 10000 véh/j à sa mise en service et elle garde cette qualification jusqu?à ce que le trafic atteigne 1400uvp/h33 dans le sens de circulation le plus chargé. Au vu de ces éléments, le trafic actuel sur l?autoroute A75 peut être considéré comme modéré, hormis les pics saisonniers et les sections périurbaines à ses extrémités. ? D?après les abaques de la note 21 du SETRA, les niveaux de trafic actuels ne font pas rentrer la rampe de Massiac dans les critères d?aménagement d?une VSVL, sauf à considérer les situations spécifiques des mois de juillet et août, lors desquels le trafic moyen dépasse le seuil de 25000 véh/j, dont 10% de PL. Sur cette courbe extraite de la note 21 du SETRA, il a été situé en tireté rouge la configuration d?une infrastructure présentant un TMJA, deux sens confondus, de 16000 véh/j comme c?est le cas de l?A75 au niveau de Saint- Poncy. D?après cet abaque, cela impliquerait alors que les PL représentent au moins 25% du trafic pour que l?opportunité d?une VSVL soit avérée dans une rampe longue de plus de 1000 m et avec une pente de 6%. 33 L?unité de véhicule particulier (U.V.P.), exprimée par jour ou par heure, tient compte de l?impact plus important dans le trafic de certains véhicules, en particulier les PL en leur affectant un coefficient multiplicateur de deux, voire plus dans certaines méthodes en cas de terrain vallonné ou en rampe. 73 5.6.6 - Conclusions Les éléments de doctrine relatifs aux fortes rampes, tels qu?ils figurent dans les documents techniques de référence, paraissent ne pas avoir changé en 50 ans. Outre les aspects de signalisation, ils traitent pour l?essentiel de la question de l?aménagement d?une VSVL sous l?angle des enjeux capacitaires. La note d?information éditée par le SETRA en 1989 ne semble plus à jour pour ce qui concerne le principe de la justification économique d?une VSVL et elle fait état du fait que le risque d?accident en rampe n?est pas plus élevé que sur le plat, alors que des études réalisées depuis mettent en évidence le contraire. Comme présenté au 5.4, le BEA-TT s?est procuré auprès du Cerema différents rapports d?étude établis ces 20 dernières années et traitant des liens entre l?accidentalité des PL et les caractéristiques de l?infrastructure. Si ces rapports sont à relativiser, au regard de leur caractère parfois local ou des caractéristiques des échantillons considérés, ils tendent toutefois à souligner que le risque d?accident impliquant un PL est significativement plus élevé dans les rampes que sur le plat. Il est possible que ces rapports ne soient pas exhaustifs. Par ailleurs, cet état des lieux n?intègre pas les études récentes qui ont pu être conduites dans d?autres pays34. L?étude basée sur l?exploitation des données issues de véhicules connectés, que le BEA-TT a fait réaliser dans le cadre de son enquête et présentée en annexe 7, comprend une analyse comparative de différentes sections des autoroutes A71 et A75 selon leur catégorie de profil en long. La démarche est réalisée sur la base de tout type d?accident, matériel ou corporel et sans distinguer la catégorie des véhicules impliqués. Si la fiabilité statistique des résultats est faible compte tenu des petits chiffres en question, l?analyse tend toutefois à mettre en évidence que le taux d?accidents et/ou d?incidents est plus élevé dans les montées, comparé aux sections sur le plat, voire comparé aux descentes. Elle montre que les forts freinages sont sur-représentés dans les sections en pente, en montée comme en descente, et encore davantage en descente. Il faudrait sans doute pouvoir mieux qualifier le sur-risque lié aux accidents impliquant un PL en rampe sur autoroute et donc l?enjeu global correspondant. Les accidents en descente peuvent être plus graves et plus spectaculaires, notamment lorsqu?ils impliquent une perte de contrôle de la part du conducteur du véhicule lourd en raison de la prise de vitesse ou d?une perte d?efficacité du système de freinage. Il ne paraît pas certain toutefois que les accidents avec PL soient plus nombreux en descente qu?en montée. Une démarche générale de révision des fondamentaux de la conception des infrastructures routières, initiée en 2013, a conduit les services du ministère en charge des transports (DIT/MARRN) à se ré-interroger sur la question des vitesses des poids lourds en rampe. C?est dans ce cadre qu?une étude a été réalisée récemment par le Cerema, telle que présentée au 5.5.1, et a permis de confirmer que l?abaque relatif aux vitesses de la note d?information 21 reste globalement valable. Le BEA-TT considère qu?il serait utile que ce travail soit poursuivi, afin de réviser les éléments de la note 21 qui méritent de l?être et de les compléter par des orientations méthodologiques portant sur le traitement des sections routières à forte rampe, à l?image du guide sur les fortes descentes, élaboré récemment et en remplacement des notes d?information plus anciennes du SETRA. 34 Le BEA-TT s?est procuré auprès du Cerema différents rapports dont une synthèse bibliographique des études, françaises et étrangères, relatives à la sécurité des PL et qui date de 2005. 74 Un guide ou une future note d?instruction sur les fortes rampes devrait à notre sens traiter de la prise en compte de l?accidentalité et du risque d?accident et aborder les aspects de signalisation, comme cela est fait dans le guide sur les fortes descentes. Il pourrait s?agir par exemple de procéder à l?identification des fortes rampes sur un itinéraire donné, de réaliser un suivi plus fin de l?accidentologie voire de l?incidentologie sur ces sections et, en fonction de l?enjeu identifié, d?engager éventuellement un diagnostic approfondi dans l?esprit des audits forte pente. L?aménagement d?une VSVL vise à séparer les véhicules lents des autres véhicules. Cela a pour effet de limiter le différentiel de vitesse des véhicules circulant sur une même voie et le risque de collision arrière contre les véhicules lents. L?engagement d?une démarche nationale sur le sujet pourrait être l?occasion de réfléchir à des aménagements intermédiaires ou des solutions diversifiées, permettant d?améliorer le traitement, y compris à titre préventif, des sections autoroutières existantes en rampe, notamment en l?absence de VSVL. Cela pourrait inclure un état des lieux des réglementations (sur l?usage des feux de détresse pour les véhicules lents en rampe par exemple) et des pratiques au niveau européen. En matière de signalisation, la DIRMC s?interroge sur les modalités de déploiement d?un panneau lumineux associé à la détection de véhicules lents en rampe, comme évoqué dans la partie qui suit. Le BEA-TT s?interroge sur l?intérêt d?implanter dans certaines rampes un nouveau type de panneau visant à inciter, les conducteurs de PL notamment, à activer les feux de détresse en cas de vitesse basse. En conclusion, le BEA-TT formule la recommandation suivante: Recommandation R4 adressée à la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM): Actualiser et compléter les éléments de doctrine sur les sections routières à forte rampe, notamment en poursuivant la démarche de révision de la note d?information n°21 du SETRA, afin que ces sections fassent l?objet d?un suivi, prenant en compte l?accidentologie et l?incidentologie, et d?un meilleur signalement du risque de heurt de véhicule lent. Les réflexions pourraient être conduites à l?image du guide sur l?aménagement des fortes pentes et permettre de faire émerger des solutions intermédiaires pour traiter ce risque en l?absence de VSVL. 75 5.7 - L?amélioration de la sécurité dans la rampe de Massiac 5.7.1 - Le suivi et l?analyse des accidents Les études d?enjeux conduites dans le cadre de la démarche SURE visent, sur la base des données BAAC relatives aux accidents corporels, à hiérarchiser les itinéraires d?un réseau pour identifier ceux sur lesquels le meilleur gain de sécurité peut être espéré grâce à des actions du gestionnaire de voirie, notamment sur l?infrastructure. Leur fréquence de réalisation est désormais de 5ans. Au vu des études ainsi réalisées sur le réseau de la DIRMC et présentées au 3.5.4, aucun tronçon situé vers la rampe de Massiac n?a été identifié comme prioritaire par rapport à d?autres itinéraires du réseau. À la différence des deux plus anciennes, l?étude la plus récente, portant sur la période 2015-2019 et restituée en septembre 2022, ne fait d?ailleurs ressortir aucun enjeu particulier dans ce secteur. La DIRMC indique, pour cette raison notamment, qu?aucune démarche spécifique d?amélioration de la sécurité n?a été conduite avant 2022 pour ce qui concerne cette rampe. La DIRMC établit par ailleurs des bilans statistiques annuels de l?accidentalité sur son réseau mais ne semble pas effectuer de suivi analytique, qui permettrait par exemple de consigner par axe la typologie des accidents, au moins les plus graves. Compte tenu des caractéristiques géométriques de l?A75, il est possible de considérer que les accidents impliquant un PL représentent sur cet axe un enjeu spécifique que ne permettent pas de cerner les études d?enjeux actuellement réalisées par la DIRMC. En effet, ces études couvrent l?ensemble du réseau pris dans sa globalité et ne distinguent pas la catégorie des véhicules impliqués. L?étude réalisée en 2010 par le CETE de Lyon sur ce type d?accident sur l?A75 mettait en évidence que la collision arrière contre un PL constituait l?un des scénarios prédominants. L?analyse réalisée par le BEA-TT, prenant en compte également les accidents matériels, montre que ce type de collision s?est produit six fois dans la rampe de Massiac sur les six dernières années, dont trois fois en se traduisant par un accident corporel grave. Par ailleurs et comme présenté au 3.5.3, les données d?accidents corporels reflètent sur la période plus récente une hausse de l?accidentalité dans ce secteur, ainsi qu?une gravité d?accidents qui paraît globalement plus élevée sur l?A75, comparé à l?ensemble des autoroutes. La prise en compte, en complément des accidents corporels, des autres incidents de conduite, comme les accidents matériels et les forts freinages, tend à mettre en évidence que le taux d?incidents dans la rampe de Massiac se situe dans la moyenne haute, comparé aux autres montées présentes sur l?A75 et que, sur cette autoroute, ce taux d?incident n?est pas forcément plus élevé dans les descentes que dans les montées. Compte tenu de ces éléments, le BEA-TT considère qu?il est nécessaire de réaliser dans le temps une surveillance particulière quant aux accidents, corporels ou matériels, se produisant dans la rampe de Massiac et en particulier lorsqu?ils impliquent une collision arrière contre un PL. Ce suivi devrait comprendre autant que possible une analyse systématique et consignée sur les circonstances de ces accidents, et prenant en compte les différents éléments d?information dont peuvent disposer les forces de l?ordre. Plus largement, le BEA-TT considère qu?il serait opportun d?inclure un volet PL dans les études d?enjeux, réalisées tous les 5 ans, et d?établir une analyse annuelle des accidents de PL survenant sur l?ensemble de l?A75, éventuellement limitée aux accidents corporels, soit moins d?une dizaine de cas par an, et permettant de consigner leur typologie, le lieu et les caractéristiques correspondantes de l?infrastructure. 76 5.7.2 - Les équipements et la signalisation La montée en direction du col de la Fageole a fait l?objet en 2022 d?un déploiement de dispositifs d?alerte sonore (DAS), positionnés en rive droite de la chaussée et destinés à prévenir les effets de l?hypovigilance des usagers, en alertant ceux-ci («effet bande rugueuse») qu?ils se déportent vers la droite et «mordent» la BAU. Comme évoqué en 2.1.3, la rampe de Massiac ne faisait pas l?objet à la date de l?accident d?une signalisation spécifique de danger, contrairement à la même section en descente. En 2023, la DIRMC a commencé à apposer dans cette rampe la signalisation relative au risque de heurt de véhicules lents prévue par l?IISR, par la pose en BAU des panneaux suivants: ? au PR 77+200: A14 avec M9J2 et M2 signalant une étendue de 3000m; ? au PR 78+700: A14 avec M9J2 et M2 signalant une étendue de 1500m. Elle a également étudié la possibilité de positionner une signalisation complémentaire constituée d?un panneau lumineux, de type A14 + M9J2 + M2, assorti à un détecteur discriminant pour le déclencher et prenant en compte le gabarit pour détecter les poids lourds ainsi que leur vitesse. Cette signalisation lumineuse pourrait ainsi être activée lorsqu?un véhicule lent est détecté. Ce dispositif devrait commencer à être testé en 2024. Le BEA-TT considère que la signalisation mise en place par la DIRMC gagnerait à être complétée afin de couvrir plus complètement la rampe et comme le prévoit l?IISR. En effet, l?analyse des vitesses montre qu?une partie des PL est susceptible de voir sa vitesse baisser fortement, notamment sous le seuil de 50km/h, à partir du PR 73, soit bien avant le premier panneau qui a été posé. Par ailleurs, la pose d?un panneau au début de la montée, comme spécifiée par l?IISR, est de nature à avertir les conducteurs de PL de la présence d?une longue montée à venir et peut contribuer à les inciter davantage à activer les feux de détresse en cas de vitesse basse. Il conviendrait également de réaliser une analyse sur l?ensemble de l?itinéraire de l?A75 afin d?identifier les autres montées où cette signalisation mériterait d?être déployée. Nonobstant les aspects financiers, l?un des enjeux pourra être de combiner au mieux deux des critères d?efficacité de la signalisation routière: d?une part l?homogénéité, qui implique que dans des conditions identiques, l?usager rencontre des signaux de même valeur et de même portée, implantés suivant les mêmes règles, et d?autre part la simplicité qui s?obtient en évitant une surabondance de signaux qui fatigue l?attention de l?usager. D?après les précisions qui ont été apportées par la DIRMC en novembre 2023, cette analyse d?ensemble est d?ores et déjà engagée, dans le cadre des actions qu?elle mène actuellement sur la problématique des fortes pentes, ainsi que la commande d?un complément de signalisation pour deux autres rampes de l?A75. Si la DIRMC a indiqué privilégier l?utilisation exclusive des PMV aux fins de signalement des évènements d?exploitation, le BEA-TT fait toutefois remarquer qu?il pourrait par ailleurs être fait usage du PMV positionné dans la rampe au PR 76+810pour: ? Informer les usages d?un risque de heurt de véhicule lent dans cette montée. Cette information pourrait faire l?objet d?un affichage à partir du PMV dans certaines circonstances, par exemple en cas de visibilité réduite. ? Et les sensibiliser sur le risque de somnolence. La communication correspondante pourrait faire l?objet d?un affichage à partir du PMV à certains moments et en privilégiant les situations les plus propices à ce risque (certaines heures, faible trafic), tout en étant intégrée le cas échéant aux différents messages de sécurité routière qui sont rappelés aux usagers à partir des PMV. 77 Si, en dépit de l?ensemble de ces réalisations, les accidents impliquant un PL devaient continuer à se produire dans la rampe de Massiac à une fréquence significative, des mesures complémentaires seront à envisager. Comme évoqué dans la partie précédente, les référentiels actuellement en vigueur n?amènent pas à considérer qu?un tel aménagement serait particulièrement opportun dans la rampe de Massiac. La réalisation d?un tel aménagement dans une rampe existante ne paraît pas effectivement évidente si elle n?est pas également justifiée, au moins pour partie, par des considérations capacitaires. Au vu des exemples considérés dans le présent rapport, il apparaît que les collisions arrière contre un PL lent en rampe surviennent majoritairement en situation de faible trafic. Pour autant, l?A75 comporte quelques VSVL dans certaines sections, en montée comme en descente, sans que le trafic n?y soit nécessairement bien plus important que ce qu?il est dans la rampe de Massiac. Les critères ayant conduit à la mise en oeuvre de VSVL sur ces sections, et pas sur d?autres, n?ont pas pu être précisés par la DIRMC. Sont sans doute entrés en ligne de compte les fortes contraintes de site et le fait que la réalisation de l?A75 s?est opérée en plusieurs phases sur une vingtaine d?années. Avant l?aménagement d?une VSVL, qui pourrait être considérée comme la solution ultime, un premier degré de mesure pourrait consister à abaisser à 110km/h la vitesse maximale autorisée sur cette section. Du point de vue de la doctrine routière, une telle mesure a notamment pour inconvénient de dégrader la qualité de service offerte à l?usager et en quelque sorte de pénaliser le plus grand nombre du fait d?un petit nombre se trouvant contraint en termes de vitesse. Son intérêt est de réduire le différentiel de vitesse entre les véhicules circulant dans la rampe, voire également dans le cas présent d?homogénéiser davantage l?itinéraire, puisque la section réglementée à 130km/h et comprenant la rampe ne mesure qu?une quinzaine de kilomètres. Comme présenté au 5.5.2, l?écart de vitesse entre les VL les plus rapides et les PL les plus lents peut dépasser 80km/h au plus fort de la rampe de Massiac et il est plus réduit sur la seconde section de la montée, après l?échangeur de Saint-Poncy, compte tenu de l?abaissement de la vitesse réglementaire à 110km/h. En conclusion, le BEA-TT formule les recommandations suivantes: Recommandation R5 à la Direction Interdépartementale des Routes Massif Central: Compléter la signalisation relative au risque de heurt de véhicules lents afin qu?elle couvre l?ensemble de la rampe de Massiac et, en fonction des résultats dans le temps du suivi des accidents, envisager d?autres mesures de prévention, telles que l?abaissement de la vitesse réglementaire et l?analyse d?opportunité de mise en place d?une VSVL. Mettre en oeuvre cette signalisation sur les autres sections de l?A75 qui le justifient. Le BEA-TT invite par ailleurs l?exploitant autoroutier à réaliser, en lien avec les forces de l?ordre, une analyse systématique des circonstances des accidents, corporels et matériels, impliquant un PL dans la rampe de Massiac. Il serait également utile d?établir un bilan annuel des accidents de PL survenant sur l?A75 afin d?en consigner leur lieu et leur typologie et de compléter les études d?enjeu quinquennales avec un volet PL. 78 6 - Synthèse des recommandations et des invitations Recommandation R1 - DJEPVA, ministère de l?Éducation nationale et de la Jeunesse: Établir une instruction nationale spécifique à l?usage du minibus (voire du véhicule personnel) afin de rappeler, aux différents organisateurs (accueil collectif de mineurs ? ACM, associations notamment) y ayant recours pour transporter un collectif de personnes, les responsabilités associées et les règles de sécurité et de prévention à prendre pour la préparation et la réalisation de ces déplacements. Mettre en oeuvre, à l?attention des organisateurs précités et de leurs conducteurs, une sensibilisation d?envergure sur les risques d?hypovigilance et de manque d?attention lors de la conduite, dont les risques lors des trajets sur autoroute et liés en particulier au manque de sommeil et à l?usage du régulateur de vitesse. Par ailleurs, le BEA-TT invite les autres ministères concernés par le convoyage par minibus d?enfants à suivre cette même recommandation: ministère des Solidarités et des Familles, ministère des Sports et des Jeux olympiques, ministère de la Justice. Recommandation R2 - DSR, ministère de l?Intérieur et des Outre-mer: Compléter le Code de la route afin de rendre explicite l?obligation d?usage des feux de détresse lorsque le conducteur est contraint de circuler à une vitesse réduite du fait d?une configuration en rampe, assortie d?un seuil caractérisant une vitesse lente sur autoroute, comme pratiqué par exemple en Espagne. Recommandation R3 - Organismes de formation de conducteurs de poids lourds : Mettre en place une sensibilisation des conducteurs de véhicules lourds sur la nécessité de faire usage des feux de détresse, sur autoroute notamment, lorsque la vitesse est fortement réduite du fait d?une configuration en rampe. Le BEA-TT invite également l?Union internationale des transports routiers (IRU) et les organisations professionnelles françaises de transport routier de marchandises, ainsi que le groupe GIRTEKA, à relayer cette sensibilisation auprès de leurs adhérents, par une communication dédiée à l?attention des conducteurs de poids lourds. Par ailleurs, le BEA-TT s?adresse à l?organisation internationale des constructeurs automobiles (OICA) pour inviter constructeurs et équipementiers à réfléchir à la possibilité de développer un système qui automatise le déclenchement des feux de détresse pour des PL circulant à une vitesse réduite dans les configurations en rampe sur autoroute. Recommandation R4 - DGITM, ministère en charge des transports: Actualiser et compléter les éléments de doctrine sur les sections routières à forte rampe, en poursuivant la démarche de révision de la note n°21 du SETRA, afin que ces sections fassent l?objet d?un suivi, prenant en compte l?accidentologie et l?incidentologie, et d?un meilleur signalement du risque de heurt de véhicule lent. Les réflexions pourraient être conduites à l?image du guide sur l?aménagement des fortes pentes et permettre de faire émerger des solutions intermédiaires pour traiter ce risque en l?absence de VSVL. Recommandation R5 - Direction Interdépartementale des Routes Massif Central: Compléter la signalisation relative au risque de heurt de véhicules lents afin qu?elle couvre l?ensemble de la rampe de Massiac et, en fonction des résultats dans le temps du suivi des accidents, envisager d?autres mesures de prévention, telles que l?abaissement de la vitesse règlementaire et l?analyse d?opportunité de mise en place d?une VSVL. Mettre en oeuvre cette signalisation sur les autres sections de l?A75 qui le justifient. Le BEA-TT invite par ailleurs l?exploitant autoroutier à réaliser, en lien avec les forces de l?ordre, une analyse systématique des circonstances des accidents, corporels et matériels, impliquant un PL dans la rampe de Massiac. Il serait également utile d?établir un bilan annuel des accidents de PL survenant sur l?A75 afin d?en consigner leur lieu et leur typologie et de compléter les études d?enjeu quinquennales avec un volet PL. 79 ANNEXES Annexe 1: Décision d?ouverture d?enquête Annexe 2: Vigilance et attention en conduite automobile Annexe 3: Récapitulatif non exhaustif des accidents avec minibus Annexe 4: Note de cadrage de la Ville d?Amiens sur l?usage des minibus Annexe 5: Mesures de vitesse en rampe, programme Alert?Infra PL Annexe 6: Evolution des vitesses dans la rampe de Massiac sur l?A75 Annexe 7: Données d?incidents issues de véhicules connectés sur l?A75 Règlement général de protection des données 80 Annexe 1: Décision d?ouverture d?enquête 81 Annexe 2: Vigilance et attention en conduite automobile Les processus de vigilance et d?attention en conduite automobile Les défauts de vigilance et d?attention, tels que par exemple la somnolence pour l?un et la distraction pour l?autre, sont depuis quelques années fréquemment cités parmi les causes ou les facteurs majeurs d?insécurité routière, même si cette mise en exergue est effectuée avec des prévalences assez variables selon les sources. Les études et travaux de recherches réalisés sur ces sujets sont nombreux, notamment pour ce qui concerne les problèmes de vigilance. Plus récemment, les questions de l?attention au volant ont été mises sur le devant de la scène avec le sujet de l?usage du téléphone et des nouvelles technologies embarquées. Les éléments présentés dans cette partie sont tirés des documents suivants: ? rapport sur les défaillances d?attention en conduite, rédigé en mars 2016 dans le cadre du comité des experts du Conseil national de la sécurité routière (CNSR); ? rapport «De la vigilance à l?attention ? influence de l?état psychophysiologique et cognitif du conducteur dans les mécanismes d?accident», INRETS, 2009. Les notions de vigilance et d?attention ont souvent tendance à être confondues dans le langage courant et peuvent parfois prendre des définitions différentes dans le domaine scientifique. Elles qualifient des phénomènes complexes. Dans le domaine de la conduite et tout en sachant que ces notions renvoient à des processus qui sont étroitement liés dans le fonctionnement de l'individu, la distinction qui est faite vise à permettre de différencier aussi clairement que possible les défaillances correspondantes, à la fois du point de vue de leurs origines et donc des facteurs qui les produisent et du point de vue des types d?accidents qu?ils provoquent. La notion de vigilance fait référence à l?état d?activation du système nerveux central d?un individu et donc plutôt à l?état physiologique de celui-ci. Elle qualifie des processus qui se répartissent sur un continuum allant de la veille active jusqu?au sommeil profond et qui sont qualifiés de "non spécifiques" au sens où l?on n?est pas vigilant à tel ou tel aspect de la situation: on est globalement dans un niveau de vigilance plus ou moins élevé. Sans parler des malaises, les problèmes lors de la conduite vont être la perte et les baisses de vigilance associées au sommeil: l?endormissement et les étapes intermédiaires entre veille et sommeil que sont l?hypovigilance et la somnolence, cette dernière pouvant entraîner des périodes de micro-sommeil. L?attention renvoie aux aspects cognitifs de l?activité humaine: l?orientation de la pensée et la capacité à orienter plus ou moins intensément son esprit sur tel ou tel aspect d?une situation. Les processus correspondants sont qualifiés de "spécifiques" au sens où, à la différence de la vigilance, on fait attention à quelque chose en particulier et possiblement au détriment d?autre chose, du fait des limites de nos ressources attentionnelles. C?est cette orientation spécifique qui doit permettre au cerveau de traiter l'information qui nous est utile pour l?activité que l?on cherche à réaliser. En résumé, l?attention se rapporte à un aspect qualitatif du traitement de l?information tandis que la vigilance se réfère plutôt à un aspect quantitatif du niveau d?éveil. 82 Ces deux processus, distincts mais interdépendants, sont fondamentaux dans l?activité complexe qu?est la conduite et qui implique notamment, dans un environnement en mouvement, des fonctions de perception, de cognition35 et d?action. Elle suppose notamment une prise permanente d?informations, de nature différente, fondée sur les capacités d?attention des individus. Pour s'exercer de façon appropriée, l'attention a besoin de pouvoir s'appuyer sur un niveau de vigilance suffisant: un certain niveau de vigilance est nécessaire tant sur la quantité, que sur la qualité des ressources attentionnelles disponibles, mais également au plan du contrôle de la distribution de ces ressources. Mais un bon niveau de vigilance ne suffit pas pour conduire efficacement, encore faut-il affecter son attention aux bons endroits aux bons moments. Les défauts d?attention: quand les conducteurs se déconcentrent L?attention est un système aux ressources limitées, l?être humain est par conséquent limité dans sa possibilité de diviser efficacement son attention entre plusieurs tâches. En situation réelle, le conducteur n?est pas continuellement centré à 100% sur la conduite (il a notamment tendance à moduler l?intensité de son attention en fonction de la complexité de la situation routière qu?il rencontre) et ses ressources attentionnelles peuvent se partager entre plusieurs composantes de son activité: la conduite et ses multiples sous- composantes (le contrôle de la trajectoire, la veille sur les autres véhicules, etc.), les pensées, des stimulations externes comme l?écoute de la radio. Le problème se pose lorsque l?attention consacrée à la conduite devient insuffisante par rapport aux exigences de la tâche, car trop portée sur des éléments sans lien avec la conduite: le défaut d?attention est alors qualifié de distraction ou d?inattention. On parle par ailleurs de compétition d?attention entre sous-tâches de conduite pour caractériser la concurrence entre plusieurs éléments qui sont liés à la conduite et dont l'un va être privilégié au détriment d?un autre, par exemple: rechercher intensivement une direction pour suivre un itinéraire / interagir avec le trafic; surveiller la scène routière dans sa globalité / se focaliser sur un élément précis de la situation. Le terme «distraction» est utilisé pour évoquer une situation où l?attention du conducteur est détournée vers un élément situé à l?extérieur du véhicule (comme regarder une scène d?accident) ou à l?intérieur (interagir avec les passagers par exemple). Ce type de situation peut engendrer des risques accidentels plus ou moins élevés selon les types de ressources qui sont mobilisées au niveau du conducteur et leur durée de mobilisation. On distingue classiquement trois natures de distraction, sachant que ces modalités peuvent être combinées l?une à l?autre(par exemple: écrire un sms mobilise à la fois les yeux, les mains et l?esprit; régler la climatisation mobilise en général les yeux et la main): ? visuelle (regarder autre chose que la scène routière); ? motrice (réaliser une tâche qui amène à enlever au moins une main du volant, ce qui diminue l?aptitude à maîtriser le véhicule); ? cognitive (réaliser une tâche qui mobilise l?esprit au détriment de l?attention portée à la conduite, comme téléphoner ou écouter attentivement une émission radio). 35 Activités mentales liées à l?élaboration et à la mise en oeuvre de connaissances de l?individu; représentation, compréhension, diagnostic, anticipation, décision, etc. 83 Le terme «inattention» est utilisé pour qualifier un déficit d?attention portée à la conduite qui est plus général. Il évoque une situation où l?attention du conducteur est détournée vers ses propres pensées et préoccupations diverses, qui l?amènent à se détacher de la tâche de conduite, et sans nécessiter, comme vu précédemment, de déclencheur externe spécifique. On peut aussi parler de «distraction interne à l?individu» en considérant que l?inattention constitue une "distraction" par ses propres pensées. Ce phénomène tend à émerger plutôt dans des contextes de conduite routinière ou facile, ou ressentis comme tels par le conducteur au point qu?il laisse son attention dériver vers ses pensées, en réalisant son activité de conduite sur un mode automatisé recourant peu à l?attention. Cela peut prendre la forme d?une rêvasserie ou de la notion de «mind wandering» (le fait d?être perdu dans ses pensées, le vagabondage de l?esprit), telle qu?elle est étudiée en neuroscience: le conducteur laisse errer son esprit (du fait d?une préoccupation particulière ou non), ce qui l?amène à se déconnecter plus ou moins fortement de la scène de conduite. Par ailleurs, les problèmes d?ordre personnel ou professionnel chargés émotionnellement, peuvent parfois constituer en eux-mêmes des sources d?inattention et générer un sur risque d?accident. Qu?il s?agisse de phénomènes d?inattention, de distraction ou de compétition d?attention, tels que présentés ci-avant, les effets d?un point de vue cognitif peuvent dans certains cas être très proches: le conducteur se retrouve en situation de double tâche dont l?une va se faire au détriment de l?autre, car les deux tâches sont concurrentes du point de vue de l?attention. La distinction est intéressante, car ces trois phénomènes n?ont pas la même origine et peuvent donc appeler à des solutions différentes pour limiter leur impact sur l?accidentalité. L?estimation de cet impact peut être approchée à partir des études détaillées d?accidents de la route (EDA), qui permettent une analyse en profondeur des mécanismes accidentels. Le rapport du CNSR indique que l?influence sur l?accidentalité des défauts d?attention est ainsi évaluée aux alentours de 25% à 35% des cas d?accidents étudiés (Wang et al 1996; Talbot et Fagerlind, 2009; Van Elslande et al., 2009; Robertson, 2011, etc.), tout en rappelant que cette influence se combine souvent à celle d?autres facteurs comme la vitesse, la complexité de l?infrastructure, etc. S?agissant de l?estimation du problème de l'inattention, le CNSR fait référence à une étude épidémiologique (Lagarde et al. 2004) dont les résultats suggèrent que le détournement de l?attention vers des pensées sans rapport avec la tâche de conduite, qui font notamment référence à la notion de "Mind Wandering", est à l?origine de 9% des accidents. Il faut être prudent vis-à-vis de la définition donnée aux concepts dans les différentes études et données statistiques. Certaines rassemblent derrière le terme "d?inattention" l?ensemble des problèmes d?attention, c?est le cas par exemple des bilans publiés par l?ASFA. D?autres y englobent même les problèmes de somnolence, donnant ainsi des estimations d?autant plus élevées. Ceci explique en grande partie les différences d?attribution causale dans les accidents selon les études. Par ailleurs, la fatigue est souvent regroupée avec la somnolence au niveau des facteurs humains qui sont identifiés dans les statistiques d?accidentologie, c?est le cas des données BAAC utilisées par l?ONISR et des données publiées par l?ASFA. 84 Évaluation de l?influence des problèmes de vigilance et d?attention dans les mécanismes d?accident Le rapport INRETS de 2009, évoqué ci-avant, rend compte de l?étude réalisée par Van Elslande et al., en vue de qualifier précisément l?implication d?un défaut de vigilance et d?un défaut d?attention d?un point de vue accidentologique. Il ne suffit pas qu?un tel défaut soit présent pour qu?il joue nécessairement un rôle déterminant dans le mécanisme accidentel. L?étude a donc cherché à mesurer leur degré d?influence relative en fonction des autres paramètres du contexte de conduite ayant pu contribuer à la genèse de l?accident. L?analyse s?est basée sur une exploitation approfondie des données détaillées d?accidents, selon un modèle rendant compte des défaillances fonctionnelles humaines et de leurs conditions d?occurrence sous la forme de scénarios-types de production de l?erreur. Ces scénarios-types peuvent se définir comme la trame commune à des accidents qui se déroulent dans des conditions très similaires en termes de défaillances fonctionnelles et de contexte de conduite dans lequel ces défaillances surviennent. La base de données étudiée porte sur près de 1900conducteurs impliqués dans un peu plus de 1100accidents, de laquelle il ressort que le facteur relatif à la vigilance est impliqué dans 12% des cas et celui relatif à l?attention dans 34% des cas. Les résultats montrent que les problèmes de vigilance aboutissent souvent à des accidents de type perte de contrôle et que le facteur vigilance, dans la majorité des cas, suffit à expliquer la défaillance. Les problèmes d?attention sont plus complexes et font ressortir une large variété de configurations accidentelles. Alors que certains défauts attentionnels vont être seulement contributifs dans l?accident, d?autres pourront avoir une influence plus directe et devenir déterminants de la défaillance de conduite. Sont extraits ci-après quelques éléments de l?étude. 1) Sur 112 cas concernés par le facteur vigilance dans l?échantillon et étudiés, on identifie 72% des conducteurs pour lesquels la défaillance découle directement d?une dégradation du niveau de vigilance. Autrement dit, lorsqu?un trouble de la vigilance intervient dans un processus accidentel, il est le plus souvent à l?origine directe de la dégradation de la situation, un des exemples les plus évidents étant l?endormissement. Toutefois, s?agissant plus particulièrement de la fatigue, il ressort que celle-ci a le plus souvent un degré d?impact plus faible (influence co-déterminante ou contributive) dans la genèse de l?accident, et se combine à d?autres facteurs pour générer une défaillance. Dans 77% des cas, les accidents surviennent lors de situation stabilisée de conduite (à la différence des deux autres catégories de classification considérées, que sont la gestion d?une intersection et la réalisation d?une manoeuvre spécifique), autrement dit, pendant la réalisation de tâches de conduite qui sont plutôt simples: ? Circuler en section rectiligne (ou en courbe facile) sans autre exigence que le guidage du véhicule ? 50% des cas étudiés. ? Circuler en section rectiligne avec interférence d'un véhicule plus lent (ou à l?arrêt) ? 3% des cas étudiés. ? Négocier un virage nécessitant un ajustement de la vitesse et de la trajectoire ? 24% des cas étudiés. Les pertes de conscience suite à un endormissement ou à un malaise représentent près de 40% des cas étudiés. Dans presque tous les cas, l?endormissement survient dans une situation stabilisée de conduite (et pour 88% des cas dans la première des situations décrites ci-avant). L?endormissement survient donc le plus souvent dans un environnement routier dit monotone: dans de telles conditions de circulation, les conducteurs relâchent leurs efforts de concentration et ont tendance à s?assoupir. 85 L?un des scénarios types d?accident est l?endormissement lié à la fatigue: ? Tous les accidents répertoriés dans ce type surviennent sur un itinéraire dit monotone, se déroulent sur un tracé facile, une chaussée large et bon état. ? L?ambiance dans l?habitacle est neutre, la radio n?est pas allumée, le conducteur est seul ou les autres occupants sont généralement déjà en train de dormir? ? Lorsque le trajet est lié au départ ou au retour de vacances: les conducteurs n?ont pas de soucis ni de contrariétés, ils ne présentent pas de fatigue autre que celle liée à une longue période de conduite. L?heure de l?accident est assez variable. C?est la longueur du trajet (de l?ordre de 700km parcourus) qui renseigne le plus sur l?origine de la fatigue ressentie par les usagers. 2) 283 cas concernés dans l?échantillon, impliquant une défaillance expliquée ou co-expliquée par un facteur d?ordre attentionnel, ont été étudiés. Dans 27% des cas, les accidents surviennent lors de situation stabilisée de conduite: ? Circuler en section rectiligne (ou en courbe facile) sans autre exigence que le guidage du véhicule ? 9% des cas. ? Circuler en section rectiligne avec interférence d?un véhicule plus lent (ou à l?arrêt) ? 11% des cas ? Négocier un virage nécessitant un ajustement de la vitesse et de la trajectoire ? 7% des cas. À la différence des situations d?intersection, lorsqu?un défaut d?attention est relevé en situation stabilisée, il a souvent un impact plus déterminant dans l?accident. Par exemple, dans la deuxième des situations décrites ci-avant, le problème d?attention est déterminant dans 52% des cas et co-déterminant sinon. a) Le type de défaillance le plus fréquent induit par un défaut d?attention du conducteur porte sur la fonction de perception (43% des cas étudiés). b) Parmi ces défaillances de perception, figure la catégorie qualifiée de «négligence des exigences de recherche d?information». Elle se rapporte au cas de conducteurs qui se décentrent temporairement de l?activité de conduite, notamment sur des trajets monotones, et qui expliquent eux-mêmes leur accident par le fait qu?ils étaient «dans la lune». Dans cet état particulier et pour ce type d?accident, le conducteur ne voit pas l?obstacle, pourtant visible, jusqu?au moment où celui-ci s?impose à lui. Cette défaillance représente 21% des conducteurs produisant une défaillance de perception en lien avec un problème d?attention, soit 9% du total des cas étudiés, c?est-à- dire du total des accidents impliquant un défaut d?attention du conducteur. Un peu plus de la moitié des cas concernés se rapportent à la détection tardive du ralentissement d?un véhicule devant, dont le scénario type peut être décrit comme suit: Les conducteurs circulant en situation stabilisée et sans exigences fortes (ligne droite, courbe facile), sont confrontés au ralentissement du véhicule les précédant. Le très faible niveau d?attention que ces conducteurs portent à leur tâche de conduite, en liaison avec un détournement de l?attention vers une activité «introspective», est directement à l?origine de la non-détection du véhicule devant. Le regard pourtant porté vers l?avant, les conducteurs expriment le fait d?être «ailleurs, dans leurs pensées». Au point que la prise de conscience du danger se fait parfois seulement au moment du choc. Elle est en tous cas toujours trop tardive, ne laissant pas le temps au conducteur de faire plus qu?amorcer un freinage avant la collision. Dans 70% des cas étudiés, les conducteurs sont sur un trajet dont ils ont l?habitude, ce qui les incite à retirer leur attention de la scène routière pour la reporter sur leurs préoccupations ou leurs pensées, au point de ne pas détecter ce qui se passe directement dans leur champ visuel. 86 c) Le type de défaillance le moins fréquent induit par un défaut d?attention du conducteur porte sur la fonction d?exécution de l?action, c?est-à-dire l?étape motrice de l?activité de conduite. Ainsi, dans 5% des cas étudiés, la défaillance concerne un défaut de guidage du véhicule et donc une perte de contrôle de la trajectoire qui sont imputables à un défaut d?attention du conducteur, sans que s?y adjoignent d?autres facteurs explicatifs. L?erreur de guidage est alors liée au fait que le conducteur détourne son attention de la tâche de conduite et ne prête plus ou pas suffisamment d?attention à la gestion de la trajectoire. Soit l?attention du conducteur est détournée vers une stimulation externe ou une tâche annexe à la conduite (ranger des CD, ramasser une bouteille d?eau par exemple), c?est le cas le plus fréquent dans l?échantillon étudié. Soit le conducteur profite d?un trajet facile et/ou familier pour se plonger dans ses préoccupations: dans ce cas-là, on a à faire à des conducteurs simplement inattentifs à leur conduite et qui ne détournent pas forcément le regard de la scène routière, mais le niveau attentionnel est bien trop bas pour guider correctement le véhicule et s?apercevoir à temps de la dérive. Dans les deux cas, le manque d?attention entraîne également une prise de conscience tardive de la situation, rendant les manoeuvres de récupération impossibles. Enfin, il peut être cité le travail qui a fait l?objet d?une thèse réalisée à l?INRETS en 1999: «Scénarios types d?accidents de la circulation sur autoroute: élaboration, méthodes de reconnaissance et applications pour le diagnostic et la prévention». Dans cette thèse, Brahim Megherbi analyse près de 300 accidents sur autoroute et en dégage 20 scénarios types, dont en particulier les suivants: ? [1]: long trajet et/ou fatigue prononcée, endormissement profond et sortie de chaussée sans manoeuvre d?urgence; ? [2a]: hypovigilance, assoupissement bref, coup de volant et sortie de chaussée; ? [2b]: hypovigilance, assoupissement bref, choc sur véhicule en aval; ? [5a] (ou 5b): détournement de l?attention par une tâche annexe dans le véhicule (ou par une tâche annexe concurrente relative à la conduite) entraînant une déficience du contrôle de la vitesse par rapport au véhicule précédent; ? [5c]: détournement de l?attention souvent lié à une prise d?informations à l?intérieur du véhicule, ou sur un élément extérieur à l?autoroute, entraînant une déficience du contrôle de la trajectoire suivie d?un coup de volant brusque; ? [15a]: usager rapide, prise en compte tardive ou mauvaise évaluation de la vitesse d?un usager plus lent circulant en aval, collision avec celui-ci. 87 Pierre Van Elsande et al. présentent ce modèle de fonctionnement et de représentation pour les processus de vigilance et d?attention en conduite automobile comme suit : Explications: Le niveau de vigilance de l?individu constitue le socle de toute activité. Il est sous l?influence d?un ensemble de facteurs endogènes et exogènes, parmi lesquels le temps, la durée de l?activité, constituent un vecteur fondamental de sa dégradation. Pour s?exercer de façon appropriée, l?attention a besoin de pouvoir s?appuyer sur un niveau de vigilance suffisant. Mais un bon niveau de vigilance ne suffit pas pour conduire efficacement, encore faut-il affecter son attention aux bons endroits aux bons moments. L?attention constitue un réservoir de ressources limitées que l?individu doit répartir de façon satisfaisante sur les différentes composantes de son activité et les paramètres pertinents de son environnement sous peine d?échouer dans son objectif. Le contrôle de ces ressources d?attention par le système cognitif s?exécute sous l?influence d?un certain nombre de variables liées par exemple à l?expérience et aux motivations de l?individu, aux caractéristiques de sa tâche, etc. Le système attentionnel fonctionne efficacement lorsque la répartition des ressources est adaptée aux exigences de la tâche réalisée. Une trop forte affectation des ressources d?attention sur une composante de l?activité au détriment d?un élément critique pour la sécurité résultera en un défaut d?attention, de nature différente selon la composante de l?activité qui est surinvestie: "inattention" pour un surinvestissement de ses pensées, "distraction" pour un surinvestissement d?une activité annexe à la conduite, "compétition d?attention" pour un surinvestissement d?une sous- tâche de conduite au détriment d?une autre. 88 Annexe 3: Récapitulatif non exhaustif des accidents avec minibus Les deux précédents rapports d?enquête du BEA-TT sur le sujet Accident survenu le 22 juillet 2014 à 14h40, sur la RD 619 à Courteranges (10) Un minibus transportait sept enfants de la ville de Nangis (Seine-et-Marne), encadrés par deux animateurs du service municipal, dans le cadre d?une sortie à la journée organisée par la ville. Le minibus se déporte sur la gauche et percute un ensemble routier qui circulait en sens inverse. Six occupants du minibus sont tués et les trois autres sont blessés. La cause probable est l?endormissement du conducteur lié à un manque de sommeil combinée à une hypoglycémie sévère provoquée par un jeûne prolongé. Accident survenu le 27 mars 2014 à 17h45 sur la RD 7 à Pourrières (83) Un poids lourd percute au droit d?un carrefour avec une voie communale l?arrière d?un minibus de transport scolaire et une voiture particulière qui, sur la même voie, devant lui, s?apprêtaient à tourner à gauche. Bilan: 5 blessés dans les trois véhicules et 2 lycéennes tuées dans le minibus. La cause probable est l?inattention du conducteur du PL. Le décompte, non exhaustif, des accidents entre octobre 2021 et octobre 2023 Le fichier national des accidents corporels de l?ONISR ne permet pas de recenser les accidents impliquant un minibus, puisque ce type de véhicule n?est pas distingué dans les données et est assimilé à ce qu?il est réglementairement, à savoir une voiture particulière. Le décompte ci-après a été réalisé par le BEA-TT à partir de la veille qu?il réalise sur les accidents (articles de presse, signalements effectués par les gestionnaires routiers et les services de secours au centre ministériel de veille du ministère chargé de la transition écologique et des transports). Transport d?enfants dans le cadre d?un séjour de vacances ou d?une sortie de loisirs. Total: 7 accidents recensés entre octobre 2021 et octobre 2023 Le 25 juillet 2022 à 16h25, sur la RD 786 à Paimpol (Côtes-d?Armor, 22): Deux minibus circulant en convoi acheminaient des adolescents de Morangis (91) vers leur lieu de séjour, à Lézardrieux (22), lorsque le premier des véhicules est entré en collision avec un tracteur agricole. La conductrice du minibus a été gravement blessée, tandis que six enfants âgés de 13 à 14ans ont légèrement blessés. Le 26 juillet 2022 à 10h55, sur la RD 61 à Val-en-Vignes (Deux-Sèvres): Au carrefour des routes départementales 160 et 61, un minibus qui transportait huit adolescents d?un centre de loisirs de Saumur pour se rendre au Parc de la Vallée est entré en collision avec une voiture circulant sur l?axe prioritaire. Bilan: 6 blessés légers. Le 2 novembre 2022 à 16h30, sur la RD 214 à Rustrel (Vaucluse): La conductrice d?un minibus qui transportait des adolescents de 14 à 17ans revenant d?un escape game a fait une sortie de route. Bilan: 1 blessé grave, 7 blessés légers. Le 10 juillet 2023 à 14h50, sur la RD 942 à Magnac-Laval (Haute-Vienne): Une collision latérale a eu lieu entre deux voitures et un minibus transportant huit enfants d?une colonie de vacances. Un autre véhicule de la colonie de vacances faisait également le trajet. Bilan: 5 blessés légers. 89 Le 20 août 2023 à 12h50, sur la RD 128 (ou RD 26?) à Saint-Augustin (Corrèze (19): Un dimanche, le conducteur d?un minibus qui transportait huit adolescents d?une colonie de vacances a perdu le contrôle de son véhicule. L?accident pourrait être consécutif à une perte de connaissance du chauffeur à la suite d?un malaise. Bilan: 5 blessés légers. Le 23 août 2023 vers 14h, sur la RD 10 à Salt-en-Donzy (Loire): Un minibus transportait sept enfants âgés de 8 à 12ans et leurs deux accompagnateurs et devait les conduire d?un centre de colonie de vacances jusqu?à un centre aquatique. La conductrice a perdu le contrôle du véhicule qui aurait fait plusieurs tonneaux avant de s?immobiliser sur le bas-côté. Une enfant et une jeune femme de 19ans ont dû être héliportées. Les sept autres occupants ont été blessés légèrement. Le 25 août 2023 à 17h45, sur la RD 154 à Houeillès / Sauméjan (Lot-et-Garonne): Deux minibus transportaient des enfants âgés de 11-13 ans qui séjournaient dans un centre de vacances à proximité et revenaient d?une activité aquatique. Le premier véhicule a effectué une sortie de route sur sa gauche et a percuté un parapet en béton. La cause est un possible endormissement du conducteur, âgé de 26 ans et qui est un animateur du centre de vacances. Un enfant est décédé, quatre ont été blessés gravement, deux autres et le conducteur l?ont été plus légèrement. Transport d?enfants en situation de handicap Total: 7 accidents recensés entre octobre 2021 et octobre 2023, dont ceux ci-après. Le 4 mars 2022 à 19h35 sur l?A1 à Plailly (Oise): Un accident a impliqué deux voitures, un minibus transportant sept enfants handicapés et un poids lourd. Deux personnes ont été légèrement blessées dont un enfant de 7ans. Le 9 juillet 2022 à 11h50, sur l?A16 à Fléchy (Oise): Un samedi, un minibus transportant des personnes d?un foyer pour handicapés qui se rendaient à la mer, a quitté sa trajectoire et s?est couché sur le flanc, sur BAU et le bas-côté qui borde la chaussée. Les neuf occupants ont été blessés, dont un gravement. Le 3 août 2022 à 17h, sur la RD 918 à Itxassou (Pyrénées-Atlantiques): Le conducteur du minibus transportant des personnes handicapées a eu son attention perturbée par les passagers, il s?est déporté sur la gauche et a percuté une voiture circulant en sens opposé. Cinq personnes ont été blessées dont une gravement. Transport scolaire Total: 1 accident recensé (dérapage sur une route verglacée) Déplacement en lien avec une association ou un club de sport Total: 6 accidents recensés entre octobre 2021 et octobre 2023 Le 23 septembre 2021 à 1h40, sur l?A85 à Mareuil-sur-Cher (Loir-et-Cher): Un convoi constitué de quatre minibus de location et transportant des supporters officiels de l?OM revenait dans la nuit d?un match de foot ayant eu lieu à Angers. Le minibus de queue percute l?arrière d?un poids lourd circulant à une vitesse normale, sans doute en raison d?un défaut d?anticipation pour doubler le camion. Le conducteur du minibus, âgé de 21ans, a vu à un moment donné qu?il allait percuter le camion et a freiné. Les dépistages ont été négatifs. Le passager assis à l?avant droite est décédé, les autres ont été blessés. 90 Le 7 novembre 2021 à 18h sur l?A7 à Lancon-Provence (13): Un dimanche avec un trafic dense, 2km avant un péage, un carambolage a impliqué plusieurs véhicules dont deux minibus transportant des adultes. Deux voitures ont été percutées par un véhicule utilitaire. Un premier minibus a percuté l?utilitaire et le deuxième minibus a percuté le premier. Une dizaine de personnes a été blessée. Les minibus transportaient des joueurs d?une équipe de foot de La Ciotat et rentraient après un match. Le 11 août 2022 à 18h40, route des Gorges Verdon (Alpes-de-Haute-Provence): Un accident a impliqué une voiture et un minibus d?une société de rafting. Le conducteur de la voiture et six personnes présentes dans le minibus ont été légèrement blessés. Le 22 avril 2023 à 7h05, sur l?A8 à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var): Un samedi, le dernier minibus d?un convoi de 5 véhicules a percuté l?arrière droite de la semi-remorque d?un poids lourd, puis s?est engagé entre le musoir et la barrière de sécurité et a fini sa course contre un grillage. Le camion circulait à une vitesse normale sur la voie de droite de l?autoroute. Dans le minibus, le conducteur et les 8 adolescents ont été blessés, plutôt légèrement, il semble qu?ils portaient tous leur ceinture de sécurité. Le convoi était parti de Tours la veille dans la soirée et transportait des adolescents, membres d?un club de foot pour participer à un stage dans le sud de la France. La dernière pause avait été effectuée 2h avant l?accident et une autre pause semblait être prévue prochainement. Le conducteur âgé de 25ans déclare qu?il a dû s?endormir, qu?il s?est réveillé au moment du choc et alors essayé de rétablir le véhicule. Une rotation entre conducteurs était apparemment organisée et ce conducteur aurait décliné la dernière proposition faite en termes de rotation, se sentant à même de continuer. Le 14 mai 2023 à 22 à 19h50, sur la RN 88 à La Loubière (Aveyron) Un dimanche, un convoi de deux minibus ramenait des jeunes d?un club de foot après un tournoi qui s?est déroulé l?après-midi. Dans une ligne droite avant un virage, le conducteur du premier minibus a perdu le contrôle du véhicule et s?est déporté dans le bas-côté. Le conducteur, âgé de 26ans, est décédé. Deux enfants de 13ans ont été blessés. Le 16 septembre 2023 à 13h10, sur la RD 606 à Vermenton (Yonne) Un samedi, un minibus transportant huit adolescents se rendait à un match de handball, suivi par plusieurs véhicules où se trouvaient les familles des enfants. Au niveau d?un carrefour, il a heurté un tracteur agricole qui semble ne pas avoir respecté le cédez le passage. Le conducteur du minibus et un adolescent ont été blessés gravement. Autre type de déplacement d?un groupe de personnes ou d?une même famille Total: 7 accidents recensés entre octobre 2021 et octobre 2023 Nature du déplacement non déterminée Total: 12 accidents recensés entre octobre 2021 et octobre 2023, dont : Le 5 août 2022 à 2h20, sur l?A9 à Béziers (Hérault): Dans la nuit, un minibus qui transportait six jeunes de 17 à 21ans originaires de Corrèze, a effectué une sortie de route au niveau d?une bretelle de sortie présentant un virage prononcé. Il a percuté la glissière de sécurité à sa gauche avant de partir en tonneaux. Quatre passagers situés à l'arrière, qui ne devaient pas être ceinturés, ont été éjectés. Bilan: deux morts, trois blessés graves, un blessé léger. Le 6 août 2022 à 12h05, sur la RN 31 à Saint-Martin-le-Noeud (Oise): Un accident a impliqué un minibus, sept enfants ont été blessés légèrement. 91 Annexe 4:Note de cadrage de la Ville d?Amiens sur l?usage des minibus 92 Annexe 5:Mesures de vitesse en rampe, programme Alert?Infra PL Cette annexe reprend synthétiquement les éléments relatifs aux mesures de vitesse en rampe, qui figurent dans le rapport produit en juillet 2010 par le CETE de Lyon. Dans le cadre de l'opération de recherche PLINFRA, une démarche a été conduite en vue de développer un outil d?aide au diagnostic des infrastructures, spécifique aux poids lourds, logiciel nommé Alert?Infra PL. Le rapport produit dans ce cadre par le CETE de Lyon en juillet 2010 comprend une partie sur les rampes, qui s?appuie notamment sur des mesures de vitesse réellement pratiquées. Le rapport indique que ces mesures de vitesse ont été réalisées sur trois rampes autoroutières en ligne droite et de pente longitudinale comprise entre 3et 7%. Les mesures de vitesse ont été effectuées sur la voie de droite et en quatre points: au bout de 1000m de montée, 1500m, 2500m et enfin 3000m, ce qui correspond au sommet de côte pour les trois sites étudiés. Les résultats obtenus sur les trois sites sont similaires: Figure 46: Distribution des vitesses de PL en différents points de la rampe Au bout de 1000m de montée, la distribution des vitesses des poids lourds paraît de type gaussien, la moyenne se situant autour de 85km/h. Au fur et à mesure de la progression des poids lourds sur la rampe, les résultats montrent un étalement de la courbe de distribution des vitesses. Les mesures ont montré qu?au bout de 2000m de montée, la distribution des vitesses présente deux pics bien distincts, que l?on peut voir ici sur les courbes à 2500m et 3000m et qu?au-delà de 2200m, il n?y a plus de variation sensible de la vitesse des véhicules. L?ensemble des PL se scinde alors en deux groupes, l?un constitué de poids lourds suffisamment puissants pour conserver une vitesse élevée durant la montée, et l?autre qui voit sa vitesse chuter jusqu?à 55km/h (pic de la distribution des vitesses) voire jusqu?à moins de 40km/h pour certains véhicules de ce groupe. 93 Des mesures de vitesse pratiquées par les VL et les PL ont également été effectuées en haut de côte et en distinguant leur voie de circulation, voie de droite et voie médiane: Figure 47: Distribution des vitesses des poids lourds et des véhicules légers en haut de côte sur la voie de droite (à gauche) et la voie médiane (à droite) Sur la voie de droite, la distribution des vitesses s?étale de 30 à 140km/h tous véhicules confondus. Les courbes de distribution présentent deux pics pour chacune des deux catégories de véhicules, illustrant donc des différences marquées au sein de chacune d?elles et se situant autour de 50 et 80km/h pour les PL et de 85 et 110km/h pour les VL. Sur la voie médiane, les distributions de vitesses sont plus resserrées. Les courbes de distribution présentent un pic se situant autour de 120km/h pour les VL et de 77km/h pour les PL, ce qui montre qu?il existe un différentiel de vitesses non négligeable sur cette voie, traditionnellement utilisée pour doubler des véhicules plus lents. 94 Annexe 6: Evolution des vitesses dans la rampe de Massiac sur l?A75 Les données des boucles de comptage de la DIR dans la rampe de Massiac D?après la station de comptage de Sals-Bas dont dispose la DIRMC au PR 76+300 de l?A75, la répartition des véhicules par classe de vitesse, au niveau de ce PR et en sens nord-sud est la suivante. Il s?agit du trafic par jour, sans distinction VL/PL, en moyenne annuelle et en distinguant les jours ouvrés, les samedis, les dimanches et jours fériés. Le trafic 2021 est connu pour être inférieur à celui de 2019, l?année 2021 ayant encore été influencée par l?effet covid. Les véhicules avec une vitesse inférieure à 70km/h qui ont été enregistrés les dimanches et jours fériés l?ont été pour la plupart avant 22h, soit pendant la période d?interdiction de circulation des PL. Le trafic lent observé en jour ouvrable, soit une vingtaine de véhicules circulant à moins de 50km/h et environ 300 circulant entre 50 et 70km/h, correspond vraisemblablement en grande partie à un trafic PL. Sur la plage comprise entre 70 et 90km/h, qui concerne presque 800 véhicules en jour ouvrable, on peut commencer à trouver des VL. Le trafic lent observé les samedis correspond sans doute à des PL ainsi qu?à des «promeneurs du dimanche». Les acteurs locaux ont indiqué qu?en été, un certain nombre de voitures et de caravanes se traînent dans la rampe, sans parler des PL. Les données issues de véhicules connectés dans la rampe de Massiac L?essor des véhicules connectés permet aujourd?hui de disposer de sources de données pouvant être complémentaires à celles issues des stations de comptage du trafic des gestionnaires routiers. Le BEA-TT a ainsi fait réaliser en 2023, par la société Autoroutes Trafic, une étude basée sur l?exploitation des données issues de véhicules connectés ayant emprunté l?A75. S?agissant des vitesses, les données exploitées sont de type «Floating Car Data (FCD)», elles sont issues d?appareils embarqués et fournissent des indications sur les déplacements d?un véhicule, dont la vitesse instantanée. L?échantillon considéré dans le cadre de cette étude porte sur près de 7600PL ayant emprunté la rampe de Massiac sur une période de 8×1 semaine entre août 2022 et mars 2023. Cela représente en moyenne 180PL par jour ouvrable, soit environ 15% du trafic PL sur l?A75 au niveau de cette rampe. L?échantillon retenu in fine porte sur un peu plus de 2500PL, de manière à considérer les PL pour lesquels la donnée de vitesse est émise à la fréquence la plus élevée (entre 10 et 60 secondes). Les caractéristiques de ces PL ne sont pas connues, l?échantillon comporte donc possiblement tout type de PL, du petit camion de 3,5 tonnes jusqu?au 44 tonnes. Retirer les PL les plus légers amènent à descendre la médiane de la figure 45 et donc à augmenter les pics identifiés figure 46. S?agissant des vitesses des VL, l?échantillon considéré porte sur 13200 véhicules ayant emprunté la rampe de Massiac sur la même période. Cela représente en moyenne 350 VL par jour ouvrable, soit environ 5% du trafic VL sur l?A75 au niveau de cette rampe. 95 La distribution de l?évolution de la vitesse des PL dans la rampe, obtenue à partir de cet échantillon, est illustrée par la médiane et par percentile, dans les deux graphes ci-après. Grille de lecture au niveau du PR 79, là où l?effet de la rampe se fait le plus ressentir: ? La médiane est de 65km/h: 50% des PL de l?échantillon ont une vitesse supérieure à 65km/h et 50% ont une vitesse inférieure à 65km/h. ? Le percentile 20 est d?un peu moins de 50km/h (47km/h d?après les résultats de l?échantillon): 20% des PL de l?échantillon ont une vitesse inférieure à 50km/h. ? Le percentile 80 est de 80km/h: 80% des PL de l?échantillon ont une vitesse inférieure à 80km/h et donc 20% ont une vitesse supérieure à 80km/h. Le graphe suivant correspond au précédent, mais auquel ont été ajoutés les percentiles 1à 99 de manière à approcher au mieux les minis et les maxis. 96 Ces distributions illustrent l?effet de cette longue et forte montée sur l?évolution des vitesses. Les secteurs où la vitesse des PL baisse le plus correspondent logiquement aux sections de plus forte pente, soit au niveau du PR 75, du PR 79, du PR 83 et du PR 85. C?est au niveau du PR 79 que l?effet de la rampe se fait le plus ressentir. Elles illustrent aussi que la diversité des trajectoires de vitesse des PL dans cette rampe, diversité liée aux types de PL, à leur masse, leur puissance et la charge transportée. Sur les quatre secteurs les plus marqués, la vitesse de certains PL descend en dessous de 50km/h, voire 40km/h, tandis que d?autres parviennent à conserver une vitesse élevée. Au PR 76+500, sur l?échantillon considéré de 2520PL: ? 46PL circulent à une vitesse comprise entre 0 et 50km/h; ? 648PL circulent à une vitesse comprise entre 50 et 70km/h; ? 1488PL circulent à une vitesse comprise entre 70 et 90km/h. En faisant une règle de 3 pour passer de 2520PL à 1150PL par jour qui est l?ordre de grandeur du débit moyen de PL en 2019, les nombres ci-dessus deviennent respectivement et environ 20PL, 300PL et 680PL. Ces données paraissent cohérentes avec celles issues de la station de comptage de la DIRMC. L?effet de la rampe peut aussi être illustré par les deux graphes suivants. Figure 48: Distribution des vitesses des PL aux PR 71, 72, 74 et 75 dans la rampe de Massiac (schéma BEA-TT) Au début de la montée, vers le PR 71, la distribution des vitesses paraît de type gaussien, le pic de la courbe se situant autour de 85km/h, il est atteint par la moitié des PL. Au fur et à mesure de la progression des PL dans la rampe et jusqu?au PR 75, on observe un étalement de la courbe de distribution des vitesses ainsi qu?un abaissement du pic de la courbe. Au PR 75, une petite partie des PL parvient à conserver une vitesse élevée, tandis que les autres PL se répartissent dans les niveaux de vitesse inférieurs, s?échelonnant entre 50 et 80km/h. Entre le PR 77 et le PR 79, le phénomène est plus accentué. Au PR 77, la courbe présente deux pics, l?un se situant autour de 85 km/h et atteint par 25% des PL et l?autre se situant autour de 65km/h, comme si les PL se scindent en deux groupes. Au PR 79, la 97 plupart des PL voient leur vitesse chuter, les PL semblent se scinder en trois groupes, l?un autour de 85km/h, un autre autour de 70km/h et un dernier autour de 45 km/h. Figure 49: Distribution des vitesses des PL aux PR 77, 78, 78,5 et 79 dans la rampe de Massiac (schéma BEA-TT) Au vu de ces données, le PL impliqué dans l?accident, illustré au 3.4.4, paraît se situer parmi les 10% des véhicules les plus lents, si l?on considère par exemple sa vitesse au niveau du PR 75 ainsi qu?au niveau du lieu de l?accident, un peu avant le PR 78. Cela est surprenant, s?agissant d?un véhicule récent qui était à peine à mi-charge. Cette considération est toutefois à relativiser, car il est possible que les plus petits PL soient surreprésentés dans l?échantillon. D?après le contrôleur de la DREAL qui a analysé les données du PL impliqué dans l?accident, un grand nombre de semi-remorques circulent à une vitesse comprise entre 40 et 60km/h dans le secteur des PR 78-79. L?étude que le BEA-TT a conduite à partir des données de véhicules connectés donne donc une bonne indication des vitesses particulièrement basses que peuvent atteindre une partie des PL dans la rampe de Massiac. Il est par contre possible que les PL qui sont pénalisants dans les rampes soient sous-représentés dans l?échantillon. Cette étude a permis également de déterminer l?évolution des vitesses des VL dans la rampe. Comme pour les PL, les trajectoires de vitesse des VL sont très diversifiées. La figure ci-après représente l?évolution de la distribution des vitesses des PL et des VL. Grosso modo, le percentile 20 des VL se situe légèrement au-dessus du percentile 80 des PL: les 20% des VL les plus lents ont une vitesse légèrement supérieure à la vitesse en deçà de laquelle roulent 80% des PL. C?est au niveau du PR 79 que l?écart de vitesse entre VL et PL paraît le plus marqué: la vitesse médiane pour les VL est dans ce secteur de 120km/h, soit près du double de celle des PL; les 20% des VL les plus rapides (percentile 80 des VL) circulent à une vitesse d?au moins 130km/h, soit au moins 80km/h plus vite que les 20% des PL les plus lents (percentile 20 des PL). 98 Figure 50: Évolution de la distribution des vitesses des VL et des PL dans la rampe de Massiac (étude Autoroutes Trafic - BEA-TT, septembre 2023) La figure ci-après représente l?évolution de cet écart de vitesse entre les VL les plus rapides et les PL les plus lents. Il est à noter que cet écart est plus réduit sur la dernière partie de la rampe, compte tenu de l?abaissement de la vitesse réglementaire à 110km/h puis, environ 3km après, de la présence d?un radar de contrôle des vitesses. Figure 51: Évolution dans la rampe de Massiac de l?écart de vitesse entre les 20% des VL les plus rapides et les 20% des PL les plus lents (étude Autoroutes Trafic - BEA-TT, septembre 2023) 99 Annexe 7: Données d?incidents issues de véhicules connectés sur l?A75 Présentation de l?étude Avec l?évolution des véhicules, il devient aujourd?hui possible d?exploiter les données embarquées dans les véhicules afin d?identifier et de localiser la survenance d?incidents de conduite ou de presque accidents. Ces données, qui viennent en complément de celles du fichier BAAC et relatives aux accidents corporels, permettent d?apporter un éclairage complémentaire voire d?enrichir l?analyse. Le BEA-TT a ainsi fait réaliser, en 2023 par la société Autoroutes Trafic, une étude basée sur l?exploitation des données issues de véhicules connectés, afin d?affiner l?analyse de la rampe de Massiac sur l?A75 et d?effectuer des comparaisons avec d?autres sections. Les données issues des véhicules (VL) connectés qui ont été considérées sont celles relatives aux forts freinages, émanant de boîtiers accélérométriques fixés dans les véhicules, entre janvier 2019 et septembre 2023. Les données de freinage situées au voisinage des radars ont ensuite été neutralisées. Si l?on compare avec les données de trafic, ces véhicules connectés ne représentent toutefois que 0,5 % du trafic . Ont été également considérés les évènements déclarés par la communauté des applications mobiles (Coyote alerte), entre juin 2020 et septembre 2023, portant sur les accidents constatés et sur les dangers perçus, tels que les signalements se rapportant à un véhicule arrêté ou à une situation de visibilité réduite. Ont été enfin pris en compte les accidents corporels (BAAC) entre 2019 et 2022. Les accidents remontés par Coyote sont 16 fois plus nombreux, étant entendu qu?un tri a été effectué sur l?ensemble des données pour éviter les doublons; l?information correspondante permet de mettre en évidence les accidents matériels. Les 2 types de données ont ensuite été agrégées pour former la donnée générique « accident » . Les données sont présentées en nombre d?évènements ou en taux d?évènements pour 108 veh.km (100 millions) tenant compte du linéaire du tronçon et du trafic sur le tronçon. La figure ci-après représente le linéaire d?étude. Celui-ci est constitué, en sus de la section de l?A75 comprise entre Massiac et le col de la Fageole, de 120km de chacune des autoroutes A71 et A75 et dans les deux sens de circulation. L?A71 a été choisie, car l?A75 se situe dans son prolongement, les usages des deux autoroutes sont susceptibles d?avoir un profil comparable et l?A71 est susceptible d?offrir davantage de points de comparaison avec des sections «horizontales». Le linéaire d?étude, pour chaque sens de circulation, a été découpé en tronçons élémentaires, tenant compte de chaque échangeur, des changements de vitesse réglementaire, de profil en travers et de catégorie de profil en long. 100 A71 du PR 250 au PR 362 A75 du PR 68 au PR 190 Les classes de pente sont: ]-inf,-4%[, [-4%,-2%[,[-2%,+2%[, [+2%,+4%[,[+4%,+inf[. Le référentiel géographique utilisé est la base Here Navteq T4 2022, ainsi que, pour le calage des PR du référentiel, la BD TOPO 2023. Analyse par sections: Dans un second temps, les tronçons élémentaires du linéaire ont été regroupés autant que possible en sections relativement homogènes en fonction du type de dénivelé. Le regroupement aboutit au découpage illustré dans le graphe ci-après et dans le récapitulatif ci-contre établi pour le sens nord-sud. Dans le sens sud-nord, le récapitulatif est le même, mais en inversé (une montée devient une descente). Les sections qualifiées de «M+D» correspondent à des sections qui se caractérisent par une succession de montées et de descentes. Il n?a pas été jugé aisément faisable de les découper plus finement. Elles constituent donc en quelque sorte une catégorie fourre-tout. Massiac 1 correspond à la rampe de Massiac proprement dite, c?est-à-dire la première partie de la montée, jusqu?à l?échangeur de Saint-Poncy aux environs du PR 81. Massiac 2 correspond à la dernière partie de la montée jusqu?aux environs du PR 86, un peu après le col de Fageole. Ce qui appelé «Massiac» dans la suite du document correspond à l?ensemble de la montée. Massiac = Massiac 1 +2 = Massiac 1 et Massiac 2. 101 Principaux résultats Le linéaire d?étude est constitué principalement de sections réglementées à 130km/h (414km). Les sections à 110km/h constituent 46km du linéaire et celles à 90km/h en constituent 4km, ces dernières étant principalement présentes sur de fortes descentes. Les sections à trois voies constituent 31km du linéaire d?étude. Il s?agit essentiellement de sections situées sur l?A75 et comportant une VSVL, telles que les deux suivantes: ? la section intitulée «Banassac», d?une longueur de 7km, comporte en montée comme en descente une VSVL sur près de 6km; ? la section intitulée «Séverac», d?une longueur de 3,7km, comporte en montée comme en descente une VSVL sur près de 2km. 102 Taux d?accident (accident corporel BAAC + signalements usagers Coyotte) et pente L?analyse par tronçons élémentaires ne montre pas de lien évident entre le taux d?accident et la classe de pente. L?analyse globale par sections tend à mettre en évidence que les montées présentent un taux d?accident plus élevé que les sections horizontales voire même que les descentes. Cette interprétation est toutefois à prendre avec précaution, dans la mesure où les sections horizontales considérées sont principalement celles situées sur A71 et dans la mesure où, au vu du tableau récapitulatif présenté ci-avant, la catégorie «M+D» sur A75 présente un taux d?accident de 20 pour 10? véh.km. Au vu des données de ce tableau, cette considération paraît plus avérée sur l?A71. Concernant l?A75 prise isolément, les sections horizontales sont trop peu importantes, le taux d?accident paraît plus élevé en montée qu?en descente et en mettant de côté la catégorie «M+D», ce que l?on peut voir également dans le deuxième graphe ci-après. Sur A75 et pour les sections qui ont pu clairement être identifiées en montée ou en descente, le taux d?accident paraît souvent plus élevé dans le sens montant que dans le sens descendant. Au niveau de la rampe de Massiac, le taux paraît équivalent dans les deux sens: données indicatives, les chiffres de chacune des sections sont assez petits. 103 Au vu du tableau récapitulatif des données, le taux d?accident paraît plus élevé pour la montée de Massiac, comparé à l?A75 prise dans son ensemble et comparé à l?ensemble des sections identifiées en montée sur l?A75. Les chiffres sont cependant trop petits pour que les écarts puissent être considérés comme significatifs d?un point de vue statistique. A titre indicatif, le graphe ci-après illustre le taux d?accident pour l?ensemble des sections identifiées en montée sur le linéaire d?étude. La dernière partie de la montée de Massiac (Massiac 2) a un taux qui paraît élevé et qui doit être lié en partie aux conditions météorologiques difficiles au niveau du col de la Fageole, tandis que la rampe de Massiac (Massiac 1) paraît se situer dans la moyenne haute. Les sections de Banassac et de Séverac, qui comportent une VSVL, se situent en fin de classement. Le même constat peut être effectué dans le sens des descentes. Forts freinages et pente Seuils considérés: fort (0,25 G), très fort (0,55 G), urgence (0,75 G), 1 G = 9,8 m/s2 L?analyse par tronçons élémentaires montre que les forts freinages sont sur-représentés dans les sections en pente, en montée comme en descente, et encore plus en descente. Si l?on considère les freinages moins forts, la tendance est la même: ces freinages sont 2 fois plus nombreux sur les tronçons ayant une pente d?au moins 4% et 3 fois plus nombreux sur les tronçons ayant une pente de ? 4% par comparaison avec les tronçons horizontaux ou à faible pente. Le nombre d?évènements est ici rapporté à la taille de l?échantillon source (nombre de VL avec boîtiers accélérométriques qui sont passés sur chaque tronçon) au lieu d?être rapporté au TMJA. 104 Rq : Bègues 3 présente un taux d?accidents très important mais section très courte (27 accidents sur 2,2 km) Le graphe ci-après illustre le taux de freinage d?urgence (> 0,75G), rapporté à la taille de l?échantillon source pour l?ensemble des sections identifiées en montée sur le linéaire d?étude. Les deux parties de la montée de Massiac apparaissent en tête de classement, ce qui n?est pas le cas si l?on considère les seuils de freinage moins élevés. L?échantillon est réduit, avec par exemple 27 freinages d?urgence en nombre absolu sur l?ensemble de la montée de Massiac (Massiac 1 +2), les données sont donc indicatives. S?agissant du taux de freinage d?urgence dans les descentes, les deux sections de Massiac apparaissent également en tête de classement, et qui plus celle de Massiac 1. Le taux d?accident parait plus important sur les voies à 110km/h par rapport à celles à 130km/h, ce qui peut être lié au fait que les premières peuvent éventuellement être plus sinueuses ou plus pentues ou présenter de moins bonnes caractéristiques autoroutières. Signalements de visibilité réduite et pente L?analyse par tronçons met en évidence que le nombre de signalements de mauvaise visibilité est croissant avec l?altitude des tronçons et que ces signalements sont plus nombreux en montée qu?en descente. L?approche par sections confirme cette tendance: aux mêmes localisations et pour la plupart des sections étudiées, les utilisateurs de Coyote signalent en général plus d?alerte de visibilité réduite en montée qu?en descente. Cela pourrait s?expliquer ainsi: dans le cas de la présence de brouillard au niveau d?un col, c?est en effet en général au cours de la montée que l?usager devrait pénétrer dans la zone de visibilité réduite. Le graphe ci-contre illustre la densité des signalements de visibilité réduite sur les sections rejoignant le col de la Fageole sur l?A75 (le profil du sens sud-nord a été visuellement remonté pour les besoins de l?interprétation). 105 Le graphe ci-après illustre le taux de signalements de visibilité pour l?ensemble des sections identifiées en montée sur le linéaire d?étude. La dernière partie de la montée de Massiac et, dans l?autre sens, la montée depuis Saint-Flour jusqu?à Coren, se distinguent très fortement, en lien avec les conditions météorologiques pouvant délicates au niveau du col de la Fageole. Signalements de véhicules arrêtés et pente L?analyse par sections montre que le nombre de signalements de véhicules arrêtés est croissant en fonction de la pente: les signalements sont sur-représentés dans les montées par rapport aux sections horizontales ou à faible pente et encore davantage par rapport aux descentes. Au vu du tableau récapitulatif des données présenté en début de document, la rampe de Massiac (Massiac 1) se distingue par le taux très élevé de signalements de véhicules arrêtés: le nombre de ces signalements, rapporté au trafic et au linéaire, est nettement plus important dans cette rampe, par comparaison au nombre observé sur les montées prises dans leur ensemble, tant sur l?A71 que sur l?A75. Ce que l?on peut observer également sur le graphe ci-après, qui illustre le taux de ces signalements pour l?ensemble des sections identifiées en montée sur le linéaire d?étude. En résumé concernant la montée de Massiac: 106 ? Massiac 1 se distingue par un fort taux de signalements de véhicules arrêtés. ? La seconde section (Massiac 2) se distingue par un fort taux de signalements de visibilité réduite. Ces signalements se font principalement le matin et en toute saison, même s?ils sont moins nombreux l?été. Concernant le taux d?accident et le taux de freinage d?urgence, la fiabilité statistique est faible compte tenu des petits chiffres en question. Donc, à titre indicatif: ? Ces taux paraissent relativement élevés sur l?ensemble de la montée et qui plus est sur sa dernière section (Massiac 2). ? Dans le sens de la descente, ces taux paraissent également relativement élevés, et qui plus est dans la dernière partie de la descente (Massiac 1), par comparaison aux autres sections identifiées en descente sur l?A75 dans le linéaire d?étude. ? Les taux d?accidents ne paraissent pas plus élevés en descente qu?en montée. Zoom sur la montée de Massiac Récapitulatif par type d?évènement (nombre en valeur absolue) selon le mois et l?heure: 53% en été, 25% en automne, 15% en hiver Jour / nuit: 75% / 25% 41% en été, 27% au printemps, 20% automne Freinage > 0,55G 34% en automne, 29% en hiver, 23% en été Jour / nuit: 83% / 17% Les graphes ci-après représentent schématiquement la répartition des différents évènements et leur nombre au sein de la montée de Massiac avec ses deux sections 107 (représentation du nombre d?évènements pour chaque tronçon élémentaire résultant du découpage du linéaire, ces tronçons ont pour la plupart une longueur de près d?1km sur la montée de Massiac). S?agissant des freinages, ont été représentés les très forts freinages et ceux d?urgence (>0,55G). Ceux-ci sont également très importants en fin de section au niveau du radar fixe: ils ne sont pas représentés, compte tenu du choix méthodologique qui a été fait de neutraliser au niveau des tronçons élémentaires les freinages au voisinage des radars. 108 Règlement général de protection des données Le bureau d?enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) est investi d?une mission de service public dont la finalité est la réalisation de rapports sur les accidents afin d?améliorer la sécurité des transports terrestres (articles L. 1621-1 et 1621-2 du code des transports, voir la page de présentation de l?organisme). Pour remplir cette mission, les personnes chargées de l?enquête, agents du BEA-TT habilités ainsi que d?éventuels enquêteurs extérieurs spécialement commissionnés, peuvent rencontrer toute personne impliquée dans un accident de transport terrestre (article L. 1621-14) et recueillir toute donnée utile. Ils traitent alors les données recueillies dans le cadre de l?enquête dont ils ont la responsabilité uniquement pour la seule finalité prédéfinie en garantissant la confidentialité des données à caractère personnel. Les rapports d?enquêtes sont publiés sans le nom des personnes et ne font état que des informations nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de l?accident. Les données personnelles sont conservées pour une durée de 4 années à compter de la publication du rapport d?enquête, elles sont ensuite détruites. Le traitement «Enquête accident BEA-TT» est mis en oeuvre sous la responsabilité du BEA-TT relevant du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT). Le MTECT s?engage à ce que les traitements de données à caractère personnel dont il est le responsable de traitement soient mis en oeuvre conformément au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l?égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (ci-après, «règlement général sur la protection des données» ou RGPD) et à la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l?informatique, aux fichiers et aux libertés. Les personnes concernées par le traitement, conformément à la législation en vigueur, peuvent exercer leurs droits auprès du responsable de traitement: droit d?accès aux données, droit de rectification, droit à la limitation, droit d?opposition. Pour toute information ou exercice de vos droits, vous pouvez contacter: 1- Le responsable de traitement : - par mail à l?adresse: bea-tt@developpement-durable.gouv.fr - ou par courrier (avec copie de votre pièce d?identité en cas d?exercice de vos droits) à l?adresse: Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires À l?attention du directeur du BEA-TT Grande Arche - Paroi Sud, 29e étage, 92055 LA DEFENSE Cedex 2- Le délégué à la protection des données(DPD) du MTECT: - par mail à l?adresse: dpd.daj.sg@developpement-durable.gouv.fr ; - ou par courrier (avec copie de votre pièce d?identité en cas d?exercice de vos droits) à l?adresse: Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires À l?attention du Délégué à la protection des données SG/DAJ/AJAG1-2 92055 La Défense cedex Vous avez également la possibilité d?adresser une réclamation relative aux traitements mis en oeuvre à la Commission nationale informatique et libertés(3 Place de Fontenoy - TSA 80715 - 75334 PARIS CEDEX 07). 109 mailto:dpd.daj.sg@developpement-durable.gouv.fr mailto:bea-tt@developpement-durable.gouv.fr Bureaud?Enquêtessur lesAccidentsdeTransport Terrestre ? GrandeArche -Paroi Sud 92055LaDéfensecedex Téléphone : 01 40 81 21 83 bea-tt@developpement-durable.gouv.fr www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr  Synthèse  1 - Constats immédiats et engagement de l?enquête  1.1 - Les circonstances de l?accident  1.2 - Le bilan humain et matériel  1.3 - L?engagement et l?organisation de l?enquête  2 - Contexte de l?accident  2.1 - L?infrastructure routière  2.1.1 - Les caractéristiques générales de l?autoroute A75  2.1.2 - La zone de l?accident  2.1.3 - La montée vers le col de la Fageole et la rampe de Massiac  2.1.4 - Le trafic sur l?A75 au niveau de la zone de l?accident  2.2 - Les conditions météorologiques lors de l?accident  2.3 - Le transport de collectif d?enfants en minibus  2.3.1 - Le contexte réglementaire lié au minibus  2.3.2 - Le cadre réglementaire des séjours de vacances et des accueils de loisirs  2.4 - L?organisation du séjour de vacances par la ville d?Amiens  3 - Compte rendu des investigations effectuées  3.1 - L?état des lieux et les constatations après l?accident  3.2 - Le résumé des témoignages  3.2.1 - Le conducteur du poids lourd  3.2.2 - Le conducteur du minibus accidenté  3.2.3 - Le directeur du CAJ, passager du minibus de tête  3.2.4 - La conductrice du minibus de tête.  3.2.5 - Les passagers du minibus accidenté  3.2.6 - Deux des sapeurs-pompiers intervenus sur l?accident  3.2.7 - L?infirmière primo-intervenante  3.3 - Le minibus accidenté et son conducteur  3.3.1 - Le conducteur  3.3.2 - Les caractéristiques du minibus  3.3.3 - Les données du calculateur d?airbags du véhicule  3.3.4 - Le port de la ceinture de sécurité  3.4 - Le poids lourd et son conducteur  3.4.1 - Le conducteur du camion et la société assurant le transport  3.4.2 - Les caractéristiques du poids lourd  3.4.3 - La vitesse du poids lourd au moment de l?accident  3.4.4 - L?évolution de la vitesse du poids lourd dans la rampe de Massiac  3.5 - L?accidentalité de l?A75 et de la rampe de Massiac  3.5.1 - Les données générales concernant l?A75  3.5.2 - L?étude relative aux accidents de PL sur l?A75 réalisée en 2010  3.5.3 - Données sur la rampe de Massiac  3.5.4 - Les démarches de gestion de la sécurité de l?exploitant autoroutier  4 - Analyse du déroulement de l?accident et des secours  4.1 - Le déroulement de l?accident  4.2 - L?analyse de la séquence de l?accident  4.3 - Les mesures prises après l?accident et l?intervention des secours  5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives  5.1 - Les causes et les facteurs associés  5.2 - L?inattention et la dégradation du niveau de vigilance  5.2.1 - Les effets induits par une baisse du niveau de vigilance ou d?attention  5.2.2 - Les facteurs contribuant à une baisse du niveau de vigilance  5.2.3 - L?environnement de conduite  5.2.4 - Les dispositifs d?aide à la conduite  5.3 - L?utilisation du minibus pour un transport collectif de personnes  5.3.1 - Des accidents tragiques qui ne sont pas rares  5.3.2 - Les longs trajets, le nombre d?animateurs dans le minibus  5.3.3 - Conclusions  5.4 - L?accidentalité liée aux poids lourds sur autoroute  5.4.1 - Les données générales sur les accidents avec PL d?après le fichier BAAC  5.4.2 - Les accidents avec PL sur autoroute et les types de collision  5.4.3 - L?accidentalité liée aux PL dans les rampes sur autoroutes  5.4.4 - Conclusions  5.5 - L?évolution de la vitesse des PL dans les rampes  5.5.1 - Les éléments de référence nationaux  5.5.2 - L?évolution des vitesses des PL sur l?A75 dans la rampe de Massiac  5.5.3 - La réglementation sur les vitesses et les pratiques des PL dans les rampes  5.6 - Les référentiels applicables aux rampes sur autoroute  5.6.1 - Les dispositions en matière de signalisation pour tout type de réseau  5.6.2 - Le référentiel technique portant sur la conception des autoroutes  5.6.3 - La note d?information 21 relative à l?implantation des VSVL en rampe  5.6.4 - A titre de comparaison: le guide sur l?aménagement des fortes pentes  5.6.5 - L?opportunité d?une VSVL dans la rampe de Massiac au vu des référentiels  5.6.6 - Conclusions  5.7 - L?amélioration de la sécurité dans la rampe de Massiac  5.7.1 - Le suivi et l?analyse des accidents  5.7.2 - Les équipements et la signalisation  6 - Synthèse des recommandations et des invitations  ANNEXES (ATTENTION: OPTION réalisée par l?expert, de la position finale dans laquelle a été retrouvé le minibus et de l?absence de témoignage contraire de la part de son conducteur, il n?y a pas de raison valable de penser que le choc aurait pu se produire sur la voie de gauche ni même que le poids lourd aurait pu faire au dernier moment un écart sur sa gauche. De même, les éléments factuels permettent de considérer, d?une part qu?il n?y a pas eu de manoeuvre d?évitement de la part du conducteur lors de son approche du camion, et d?autre part, en tenant compte également de son témoignage, qu?il n?y a pas eu d?action de freinage, ni pendant la seconde précédant la collision ni un peu avant. Il est également raisonnablement possible de considérer que le conducteur, qui roulait à une vitesse voisine de 116km/h du fait de l?effet de la rampe, n?a pas non plus décéléré lors de son approche du poids lourd. 42 L?expert conclut que l?examen du véhicule n?a permis de relever aucun défaut pouvant être à l?origine de l?accident, qui est vraisemblablement imputable à un assoupissement, de la somnolence, un endormissement ou un long moment sans attention à la route. Compte tenu des éléments venant d?être énoncés, la collision ne peut en effet s?expliquer que par un défaut d?attention et/ou de vigilance de la part du conducteur du minibus, possiblement combiné au fort différentiel de vitesse entre les deux véhicules. L?absence de freinage avant la collision et l?incapacité du conducteur à se rappeler la séquence qui la précède immédiatement sont des caractéristiques souvent associées aux accidents ayant impliqué un défaut d?attention ou de vigilance. Le fait que le conducteur déclare qu?il était dans ses pensées tout en fixant le camion au loin est quant à lui révélateur d?un très probable problème d?inattention au cours de la phase de pré-collision. La vigilance se rapporte à un aspect quantitatif du niveau d?éveil et les problèmes lors de la conduite vont être la perte et les baisses de vigilance associées au sommeil: l?endormissement et les étapes intermédiaires entre veille et sommeil, que sont l?hypovigilance et la somnolence, cette dernière pouvant entraîner des périodes de micro-sommeil. L?attention se rapporte quant à elle à l?orientation de la pensée et la capacité à orienter plus ou moins intensément son esprit sur tel ou tel aspect d?une situation. À la différence de la distraction où l?attention du conducteur est détournée par un élément extérieur, comme une discussion avec un passager ou l?usage du téléphone portable, l?inattention correspond à une focalisation interne du conducteur sur ses propres pensées et préoccupations diverses et l?amenant à se détacher de la scène de conduite. Ces sujets sont détaillés en annexe 2, tandis que sont présentés en partie 5.2 les facteurs qui contribuent à la baisse du niveau de vigilance et à l?émergence de l?inattention ainsi que les impacts de ces phénomènes sur la conduite. La reconstitution réalisée par l?expert paraît refléter le fait que le minibus a heurté l?arrière du poids lourd en venant de la voie de droite, alors que le conducteur déclare se souvenir qu?il était à un moment donné, pendant la phase de pré-collision, sur la voie de gauche. L?expert n?aborde pas cet aspect et le calculateur d?airbags ne comporte aucune donnée relative aux angles au volant. Si le conducteur venait de la voie de droite lorsqu?il a heurté l?arrière du camion, cela veut dire qu?il l?a heurté alors qu?il était en train de se déporter sur la voie de gauche pour le dépasser, tout en appréciant mal l?intervalle espace / temps le séparant du poids lourd. Du fait de la fatigue liée à la conduite et au manque de sommeil, le conducteur pouvait se trouver dans un niveau de vigilance assez bas, impliquant un fonctionnement plus ou moins ralenti du cerveau, sans pour autant que cela provoque un assoupissement. Cette hypovigilance associée au fort différentiel de vitesse entre les véhicules fait que le déroulement va trop vite pour le conducteur et que celui-ci entreprend son dépassement sans s?apercevoir, ou alors trop tardivement, que le camion roulait à une faible vitesse, voisine de 47km/h. S?il s?était endormi ou assoupi tout en étant à droite derrière le camion, il aurait plus probablement heurté davantage celui-ci sur son arrière et non pas au niveau de l?angle arrière gauche de la semi-remorque comme ce fut le cas. L?autre possibilité est que le minibus venait de la voie de gauche lorsqu?il a heurté l?arrière du camion: le conducteur voit le camion au loin et se déporte sur la gauche de manière anticipée, comme il en témoigne; le minibus est alors en train de circuler sur la voie de gauche avec le camion au-devant de lui et situé sur la voie de droite puis il est possible qu?il ait progressivement dévié de sa trajectoire alors qu?il se rapprochait du poids lourd. La dérive de trajectoire serait alors liée à un problème d?attention et/ou de vigilance et a pu être favorisée par le tracé qui, comme indiqué en 2.1.2 et illustré à nouveau ci-après, 43 présente une légère courbe à droite avant la section en alignement droit où a eu lieu l?accident. C?est comme si le conducteur aurait en quelque sorte un peu trop anticipé le dépassement, ce qui a pu, du fait du problème sus-évoqué, lui laisser le temps de dériver ensuite vers la droite. Le conducteur pouvait se trouver dans un niveau assez bas de vigilance, comme évoqué précédemment, et l?ayant amené à dévier de sa trajectoire: il est possible que cela ait été au point d?avoir un micro endormissement même si cela paraît moins probable compte tenu de la configuration de manoeuvre dans laquelle il se trouvait. L?inattention du conducteur, qui fixait le camion au loin tout en étant dans ses pensées, a pu l?amener par ailleurs à ne pas percevoir que le poids lourd circulait lentement, ce qui fait qu?il va se retrouver à son niveau beaucoup plus vite qu?il ne l?avait sans doute imaginé. Figure 39: Vue 400 m environ en amont du lieu de l?accident Figure 40: Vue 300 m environ en amont du lieu de l?accident Figure 41: Vue 200 m environ en amont du lieu de l?accident (Source des trois photos: Google Street View, août 2021) 44 4.3 - Les mesures prises après l?accident et l?intervention des secours Le conducteur du minibus accidenté a appelé les secours en composant le 15 à 7h27. Le SAMU a réceptionné l?appel et a transmis l?alerte au service départemental d?incendie et de secours (SDIS) du Cantal à 7h29. Le conducteur a reçu à 7h36 un appel de la part d?un médecin qui lui a donné des consignes sur les actions immédiates à réaliser vis-à-vis de la victime. L?équipe d?intervention de la DIR Massif Central, constituée de deux agents et d?un chef d?équipe, est arrivée rapidement sur place pour sécuriser les lieux de l?accident. Dans un second temps et en lien avec les forces de l?ordre, elle a procédé à la fermeture de l?autoroute en sens nord-sud et à la mise en place d?une déviation. L?autoroute a été ré-ouverte à la circulation à 10h50 sur une seule voie, puis complètement à 11h40. Les premiers sapeurs-pompiers sont arrivés sur les lieux vers 7h45, rejoints quelques minutes après par d?importants renforts et par le SMUR de Saint-Flour (Cantal). D?importants moyens de secours ont été mis en oeuvre: 20 pompiers et 4 véhicules de secours et d?assistance aux victimes (VSAV) du SDIS du Cantal, 8 gendarmes du peloton motorisé de Saint-Flour, l?hélicoptère de la sécurité civile avec à son bord une équipe du SAMU du Puy-de-Dôme, ainsi que le SAMU du Cantal ont été mobilisés sur les lieux. L?adolescent très gravement blessé a été héliporté et est décédé lors de son arrivée à l?hôpital de Clermont-Ferrand. Les 8 autres passagers du minibus, présentant des blessures légères, ont été transportés au centre hospitalier de Saint-Flour. Le préfet du Cantal s?y est rapidement rendu et a publié un point de situation à 12h20, par un communiqué de presse. Une cellule d?urgence médico-psychologique a été mise en place pour prendre en charge les équipes des deux minibus choquées. Le directeur du centre de loisirs l?Odyssée, qui était en congés au moment des faits, a pu rejoindre les équipes sur place dans l?après-midi. Il a été rejoint dans la soirée par un élu du secteur nord d?Amiens. La préfecture du Cantal a organisé leur hébergement pour la nuit à Saint-Flour et leur rapatriement à Amiens, le lendemain, samedi 7 août 2021. À Amiens, les services de la ville se sont mobilisés pour accompagner les familles des victimes. La façade de la mairie a été illuminée en bleu-blanc-rouge tout le week-end en hommage à l?adolescent décédé. L?accident a constitué un important traumatisme. Les familles ont été reçues à plusieurs reprises et un accompagnement psychologique a été mis en place à leur attention et également pour les équipes concernées au sein de la municipalité. 45 5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives 5.1 - Les causes et les facteurs associés Les investigations menées n?ont pas permis de préciser si le minibus venait de la voie de droite ou de la voie de gauche de l?autoroute, lorsqu?il a heurté avec son avant droit l?arrière gauche de la semi-remorque du poids lourd qui, lui, circulait sur la voie de droite. Elles permettent de conclure que l?accident est lié un défaut d?attention et/ou de vigilance de la part du conducteur du minibus, sans nécessairement se traduire par un assoupissement, et l?ayant amené à ne pas apprécier correctement la vitesse de rapprochement de son véhicule lors de sa manoeuvre de dépassement du camion, voire également, dans le cas où il venait de la gauche, à dévier de sa trajectoire. Dans le cas présent, la situation réunissait un certain nombre de facteurs pouvant contribuer à une dégradation de la vigilance et de l?attention du conducteur: ? le manque de sommeil avec un départ vers minuit ainsi que le fait d?être au 2/3 du trajet et d?avoir conduit pendant une durée de 6 h; ? le trafic faible sur l?autoroute, la présence de passagers tous endormis dans le véhicule, la conduite au régulateur de vitesse ainsi que l?effet de fatigue passive en tant que conducteur d?un véhicule qui en suit un autre. Ces éléments constituent un contexte favorable à la survenue d?un accident en cas d?évènement imprévu, tel que peut l?être un camion qui circule à moins de 50km/h sur une section réglementée à 130km/h et dont les feux de détresse ne sont pas activés. Si l?infrastructure autoroutière n?est pas directement en cause dans le cas présent, elle intervient néanmoins de manière indirecte dans le mécanisme accidentel. La section concernée est constituée d?une forte et longue rampe dans laquelle l?important différentiel de vitesse entre certains véhicules constitue un facteur de risque. Compte tenu de ce différentiel et des masses en jeu, les conflits potentiels entre les véhicules légers et les poids lourds peuvent s'y avérer particulièrement graves. Avec l?évolution des véhicules, les VL ont plus de facilité désormais à gravir les montées, leurs conducteurs ressentent moins l?effet des rampes qu?auparavant, ce qui peut aussi les amener à avoir moins conscience de la possibilité de rencontrer des PL lents. Les données montrent que, depuis 2017, un accident du même type que celui objet de la présente enquête survient en moyenne une fois par an et dans le même secteur de l?A75, qui correspond à la dernière partie de la rampe de Massiac, longue d?une dizaine de kilomètres. C?est dans ce secteur que les valeurs de pente sont les plus marquées et que l?effet de la rampe sur la vitesse des poids lourds se fait le plus ressentir. Ce secteur se caractérise également par une longue ligne droite qui fait suite à des sections un peu plus sinueuses: cette configuration est propice au fait que certains conducteurs puissent, dans ce secteur, relâcher leurs efforts de concentration. Ces éléments conduisent le BEA-TT à approfondir les questions de sécurité sur les sections autoroutières en forte rampe et à rechercher des recommandations préventives en lien avec, d?une part les défauts d?attention ou de vigilance lors de la conduite, et d?autre part les modalités d?organisation du transport en minibus. 46 5.2 - L?inattention et la dégradation du niveau de vigilance 5.2.1 - Les effets induits par une baisse du niveau de vigilance ou d?attention Les défauts de vigilance et d?attention sont fréquemment cités parmi les causes ou les facteurs majeurs d?insécurité routière. Les notions sous-jacentes qualifient des phénomènes complexes et imbriqués dans le fonctionnement humain. Comme présenté en 4.2 et en annexe 2, la vigilance se rapporte à un aspect quantitatif du niveau d?éveil et qualifie des processus psycho-physiologiques qui se répartissent sur un continuum allant de la veille active jusqu?au sommeil profond. L?attention quant à elle renvoie aux aspects cognitifs de l?activité humaine, à l?orientation de la pensée et se rapporte plutôt à un aspect qualitatif du traitement de l?information. L?attention est un système aux ressources limitées, l?être humain est par conséquent limité dans sa possibilité de diviser efficacement son attention entre plusieurs tâches. Ces deux processus, distincts mais interdépendants, sont fondamentaux dans l?activité de conduite, qui implique notamment une prise permanente d?informations, de natures différentes, fondée sur les capacités d?attention des individus. Pour s?exercer de façon appropriée, l'attention a besoin de pouvoir s?appuyer sur un niveau de vigilance suffisant, mais un bon niveau de vigilance ne suffit pas pour conduire efficacement, encore faut-il affecter son attention aux bons endroits aux bons moments. Sans parler du cas extrême de l?endormissement, une dégradation du niveau de vigilance peut avoir plusieurs effets impactants sur les performances de conduite, en termes de temps de réaction, d?anticipation, de perception de l?environnement, de ralentissement du traitement de l?information. Elle peut aussi affecter la capacité à contrôler le mouvement latéral du véhicule et avoir pour effet que le conducteur dévie involontairement sa trajectoire jusqu?à changer de file, qui plus est en cas de somnolence. L?étude INRETS sur les accidents de PL, réalisée en 1987 par Fleury et al., à partir de 33études détaillées d?accident (EDA) met en évidence certains processus d?accident. Ainsi, par exemple, parmi la typologie des accidents sur autoroute impliquant un problème de vigilance, figure le cas où un très faible niveau de vigilance en fin de journée de travail conduit à ne pas apercevoir un véhicule à l?arrêt ou circulant très lentement. Le processus de l?attention est conditionné notamment par le niveau de vigilance. Une dégradation de ce niveau va donc également impacter les capacités d?attention du conducteur, à partir desquelles celui-ci assure sa prise d?information dans l?environnement de conduite, et donc ses facultés d?observation. Elle peut également favoriser l?émergence des défauts d?attention, tels que la distraction ou l?inattention à la conduite, puisque, lorsque le niveau de vigilance du conducteur est faible, comme en cas de fatigue par exemple, celui-ci est alors moins en capacité de contrôler où va son attention. La distraction, ou le détournement de l?attention par une activité annexe à la conduite, pourra prendre différentes formes et engendrer des risques accidentels plus ou moins élevés selon les types de ressources attentionnelles qui sont mobilisées et leur durée de mobilisation. L?inattention qualifie un déficit d?attention portée à la conduite, lié au fait que le conducteur laisse son attention dériver vers ses propres pensées et préoccupations diverses. Cela peut prendre la forme d?une rêvasserie ou de la notion de «mind wandering» (le fait d?être perdu dans ses pensées, le vagabondage de l?esprit): le conducteur laisse errer son esprit, du fait d?une préoccupation particulière ou non, ce qui l?amène à se déconnecter plus ou moins fortement de la scène de conduite. 47 Cette inattention de la part du conducteur va amoindrir son habileté à détecter les informations de l?environnement et diminuer sa capacité d?anticipation et de réaction. Van Elslande et al. mentionnent dans le rapport16 INRETS n°280 de 2009 que l?état d?attention diffuse ne favorise pas en effet une activité prévisionnelle efficace et rend le conducteur plus vulnérable vis-à-vis de la rencontre d?obstacles difficilement décelables ou de l?évolution inattendue d?une interaction avec un autre usager. Dans le rapport précité, les auteurs montrent à partir d?une exploitation approfondie des données détaillées d?accidents (EDA), que le type de défaillance le plus fréquent induit par un défaut d?attention du conducteur porte sur la fonction de perception. Ils indiquent que les résultats de ces études montrent que la qualité de la perception de l?environnement est directement liée à la qualité de l?attention tournée vers la tâche de conduite au moment de la rupture entre la situation de conduite normale et la situation d?urgence17. Moins le conducteur est attentif aux données pertinentes pour la tâche à réaliser, plus il est vulnérable à la production des erreurs de perception. Ils montrent également, à partir de cette même exploitation, que l?inattention peut avoir pour effet que le conducteur, le regard pourtant porté vers l?avant, ne voit pas l?obstacle, pourtant visible, jusqu?au moment où celui-ci s?impose à lui. Cette situation représente 9% des 283 accidents étudiés impliquant un facteur d?ordre attentionnel et est typique du scénario relatif à la détection tardive du ralentissement d?un véhicule devant. L?analyse montre même si le cas est plus rare, que l?inattention peut aussi provoquer un défaut de guidage du véhicule, lié au fait que le conducteur détourne son attention de la tâche de conduite et ne prête plus ou pas suffisamment d?attention au contrôle de la trajectoire, le manque d?attention entraînant également alors une prise de conscience tardive de la dérive. En revanche, l?analyse montre que très peu de conducteurs produisent des défaillances de diagnostic de la situation (erreurs d?évaluation et de compréhension) uniquement à cause d?un problème attentionnel. Par exemple, une mauvaise évaluation d?un créneau d?insertion par rapport au trafic, liée aux difficultés des conducteurs à évaluer le rapport distance/temps. Les auteurs indiquent que les problèmes d?attention constituent donc plus un terrain favorable à la genèse d?une défaillance de diagnostic qu?un facteur direct de sa production. Les problèmes d?attention se cumulent à d?autres éléments explicatifs non attentionnels qui révèlent le manque d?attention et entraînent une mauvaise évaluation d?un paramètre physique de la situation. D?après le rapport publié en 2016 par l?AIPCR18, la tendance pour un conducteur de regarder droit devant alors qu?il a l?esprit ailleurs se traduit par un défaut de balayer l?environnement du regard et le conducteur devient moins conscient des autres véhicules qui l?entourent. D?après Jibo He (He, 2010), lorsque le conducteur a l?esprit ailleurs, le balayage visuel horizontal devient plus étroit (regarder plus droit devant) et son véhicule a tendance à changer de position dans la voie. 16 Rapport «De la vigilance à l?attention ? influence de l?état psychophysiologique et cognitif du conducteur dans les mécanismes d?accident», INRETS, 2009. 17 La situation de conduite normale est celle dans laquelle se trouve l?usager avant qu?un problème se manifeste. La situation d?accident correspond au moment, en général très bref, où une rupture se produit, c?est-à-dire un évènement imprévu, qui pourra correspondre à une manoeuvre inattendue d?un autre usager, à la rencontre d?une configuration d?infrastructure qui surprend le conducteur, etc. La situation d?urgence est la période pendant laquelle le conducteur va engager une tentative de récupération. 18 Rapport sur le rôle de l?ingénierie routière dans la lutte contre les risques, pour la sécurité, de la distraction et de la fatigue des conducteurs ? L?AIPCR, association mondiale de la Route (PIARC en anglais pour Permanent International Association of Road Congresses) vise à développer la coopération internationale et à favoriser les progrès dans les domaines de la route et du transport routier. 48 5.2.2 - Les facteurs contribuant à une baisse du niveau de vigilance Les causes de dégradation de la vigilance peuvent être multiples: trajet long et durée de conduite, situations de conduite dites monotones, chaleur, état de fatigue, manque de sommeil, rythme circadien (par exemple, l?envie de dormir après le déjeuner), la consommation de stupéfiants, d?alcool ou de certains médicaments, les caractéristiques individuelles (condition physique, pathologies, etc.). C?est souvent l?accumulation de plusieurs facteurs qui aboutit à une baisse de vigilance assez conséquente pour avoir des répercussions directes en accidentologie. La fatigue est souvent regroupée avec la somnolence au niveau des facteurs humains qui sont identifiés dans les statistiques d?accidentologie. Il s?agit de deux notions distinctes: sans entrer dans les détails, on peut retenir que la fatigue induit en général une altération des performances de conduite ainsi qu?une diminution du niveau de vigilance, qui peut dans certains cas aboutir à un endormissement. De longues heures passées à conduire sont connues pour créer de la fatigue et une détérioration de la performance de conduite. Le manque de sommeil, qu?il soit chronique ou ponctuel, est considéré comme particulièrement impactant parmi les facteurs connus pour induire une baisse du niveau de vigilance et notamment dans sa forme la plus grave (somnolence, endormissement). D?après le rapport sur la somnolence et le risque accidentel établi en mars 2016 par le comité des experts du Conseil national de la sécurité routière (CNSR): ? L?effet de la somnolence sur les performances au volant est parfois comparé à celui occasionné par l?alcool et des études ont montré que conduire après une nuit blanche équivaut à prendre la route avec une alcoolémie positive. ? Des recherches, basées sur la mesure de déviation et le nombre des changements de trajectoire, ont montré qu?une seule nuit de privation partielle de sommeil, limitée à 4heures par exemple, peut fortement affecter les capacités de conduite. Il arrive par exemple que des conducteurs réduisent leur durée habituelle de sommeil la nuit avant le départ en vacances, afin de partir plus tôt. ? Conduire la nuit lorsqu?on n?y est pas habitué augmente le risque de somnolence. ? Les conducteurs jeunes, et notamment ceux de sexe masculin, sont considérés comme une catégorie à risque : ils présentent une grande sensibilité au manque de sommeil, ont davantage que d?autres un style de vie affectant la qualité de leur sommeil et ont plutôt tendance à surestimer leurs capacités à conduire quand ils sont fatigués. Dans le rapport précité et à partir des EDA portant sur cas impliquant un facteur lié à la vigilance, Van Elslande et al., mettent en évidence plusieurs scénarios types d?accident, parmi lesquels figure celui de l?endormissement lié à la fatigue: ? Tous les accidents répertoriés dans ce type surviennent sur un itinéraire monotone, se déroulent sur un tracé facile, une chaussée large et bon état. ? L?ambiance dans l?habitacle est neutre, la radio n?est pas allumée, le conducteur est seul ou les autres occupants sont généralement déjà en train de dormir? ? Lorsque le trajet est lié au départ ou au retour de vacances: les conducteurs n?ont pas de soucis ni de contrariétés, ils ne présentent pas de fatigue autre que celle liée à une longue période de conduite. L?heure de l?accident est assez variable. C?est la longueur du trajet (de l?ordre de 700km parcourus) qui renseigne le plus sur l?origine de la fatigue ressentie par les usagers. 49 5.2.3 - L?environnement de conduite D?après le même rapport précité, les accidents liés à une dégradation de l?état de vigilance des conducteurs surviennent le plus souvent lors de situations de conduite simples, telles que celles impliquant des tâches se limitant au guidage du véhicule en section rectiligne. Le caractère monotone de certaines situations de conduite peut contribuer à la baisse du niveau de vigilance du conducteur et également favoriser l?émergence de l?inattention. L?environnement de conduite peut être qualifié de monotone quand il paraît prévisible, répétitif et qu?il ne s?y passe grand-chose. L?autoroute, notamment par faible trafic, et les environnements ruraux dégagés présentant de grandes lignes droites, sont considérés comme pouvant constituer des situations de conduite monotone, en raison des périodes prolongées qui sollicitent peu le conducteur. La conduite calée sur le véhicule précédent ou en convoi est aussi considérée comme pouvant contribuer à une monotonie de la conduite. Van Elslande et al. indiquent (rapport INRETS, 2009) que c?est le caractère routinier et répété des stimulations qui qualifie la monotonie. En effet, la répétition de stimulations provoque les phénomènes d?habituation. Ce phénomène est bien connu au niveau neuronal. Ainsi, une stimulation répétée provoque une diminution de l?activation neuronale et explique la diminution des performances de détection. Liu et Wu (2009) démontrent que pour des conducteurs fatigués, les performances de conduite diminuent lorsqu?ils passent d?un environnement complexe à un environnement monotone, et inversement. Ainsi, d?une part, un environnement monotone peut provoquer un phénomène d?habituation qui diminue le niveau de vigilance et d?autre part, un environnement simple et peu stimulant peut avoir pour effet de révéler la fatigue du conducteur et/ou que celui-ci relâche ses efforts de concentration. Les problèmes de vigilance constituent un facteur d?accident qui est davantage représenté sur autoroute: la longueur des trajets et le fait que la conduite peut y être plus monotone favorisent davantage l?émergence de ce facteur que sur les autres axes routiers. Le risque correspondant est notamment favorisé par le manque de sommeil. Les bandes rugueuses posées sur le bord extérieur de la chaussée ont ainsi été généralisées sur les autoroutes en France: le passage sur ces bandes provoque des vibrations et un bruit qui avertissent le conducteur qu?il est en train de dévier vers la BAU. Outre les aspects liés au niveau de vigilance comme évoqué au 5.2.1, les principaux facteurs connus pour favoriser l?émergence de l?inattention chez le conducteur sont ceux ayant trait aux caractéristiques des situations de conduite. Ce phénomène survient plutôt dans les situations qui présentent un faible niveau de sollicitation pour le conducteur, comme des contextes de conduite répétitive ou facile, ou ressentis comme tels par le conducteur, au point qu?il laisse son attention dériver vers ses pensées, en réalisant son activité de conduite sur un mode automatisé recourant peu à l?attention. En outre, la conduite au régulateur de vitesse est susceptible de favoriser la diminution du niveau de vigilance et d?attention du conducteur ou d?accentuer le risque de survenance de ces dégradations si d?autres facteurs propices (comme la fatigue, le manque de sommeil, la présence d?une situation monotone) sont déjà réunis. Le Cerema a réalisé une étude spécifique, dite étude FLAM, afin d?analyser de manière approfondie les facteurs qui ont joué un rôle dans la genèse des accidents mortels de la circulation routière survenus en 2015. 50 Les résultats de l?étude font ressortir les aspects de vigilance et d?attention comme suit: ? La fatigue, pour 12% des accidents et presque le double sur autoroute (23%). ? L?inattention et la distraction non technologique, pour 12% des accidents (14,5% sur autoroute); ? Les problèmes d?attention et de distraction découlant de l?usage d?un téléphone ou d?un autre outil technologique (distracteur, mauvaise utilisation du GPS ou du régulateur de vitesse ou d?un autre système d?aide à la conduite), pour 4% des accidents, et le double sur autoroute (8,3%). D?après les bilans publiés par l?ASFA19 pour ce qui concerne les autoroutes concédées, le facteur lié à la somnolence ou la fatigue est identifié dans 18% des accidents mortels sur la période 2018-2022, la moitié de ces accidents se produisent entre 0h et 9h et plus de 20% surviennent sur le créneau 5h-8h. Sur la même période, les défauts d?attention sont identifiés dans près de 16% des accidents mortels. 5.2.4 - Les dispositifs d?aide à la conduite Bien qu?étant une aide à la conduite, l?utilisation du régulateur de vitesse dans certaines conditions peut avoir un effet négatif sur la conduite. Cet aspect a été abordé dernièrement par le BEA-TT dans deux rapports20. L?usage du régulateur, qui amène à déléguer au véhicule le déplacement longitudinal, entraîne une forme d?automatisation de la conduite et peut donc favoriser un désengagement progressif de l?activité de conduite de la part du conducteur, notamment au fur et à mesure que la durée du trajet augmente. La capacité de réaction, notamment en situation d?urgence, est sensiblement amoindrie par l?utilisation du régulateur ou du limiteur de vitesse. Cette moindre capacité de réaction est imputable à la diminution du niveau de vigilance que peut occasionner l?utilisation d?un régulateur de vitesse, comme l?ont montré des tests effectués avec des électroencéphalogrammes sur des conducteurs-cobayes. L?utilisation prolongée de ces outils nécessite d?augmenter la fréquence des pauses de façon à permettre au conducteur de multiplier les périodes de récupération de son niveau d?éveil. La mise au point de dispositifs d?aides à la conduite orientés vers la détection des problèmes de vigilance fait l?objet de travaux de recherches depuis plusieurs années, c?est plus récent pour les problèmes d?attention. Cela concerne des systèmes embarqués dans les véhicules qui vont avoir pour principe d?émettre des alertes, voire de déclencher des mécanismes de sécurité automatiques, s?ils détectent un problème. Les mécanismes basés sur la surveillance de la position du véhicule sont à ce jour les plus développés. D?autres systèmes visent à surveiller l?état du conducteur en mesurant, à partir de caméras ou de capteurs, les mouvements des yeux ou du visage, la tenue du volant. L?amplitude des mouvements oculaires et la vitesse de clignement des paupières peut être indicateur du degré de vigilance. Lorsque le niveau de vigilance devient bas, les micro-mouvements qui permettent des corrections fines de trajectoires deviennent moins fréquents et, à l?inverse, les grands mouvements de volant deviennent plus nombreux. Les nouvelles technologies s?appuyant sur des capteurs embarqués (caméras, radars, lidars?) et les progrès de l?automatisation permettent aujourd?hui aux constructeurs d?intégrer dans les véhicules des aides à la conduite de plus en plus nombreuses. 19 Association des Sociétés Françaises d?Autoroutes et d?ouvrages à péage 20 Rapports relatifs à un accident impliquant un car, survenu le 3 novembre 2019 sur l?autoroute A1 au niveau d?Estrées-Deniécourt (80) et le 27 mai 2021 sur l'autoroute A62 au niveau du Mas-d'Agenais (47) 51 Certaines de ces aides à la conduite peuvent être intéressantes vis-à-vis des problèmes de vigilance ou d?attention. On peut citer les exemples suivants, parmi les dispositifs actuellement réglementés: ? Le système d?avertissement de dérive de la trajectoire (LDWS, Lane Departure Warning System), appelé aussi avertisseur de franchissement de ligne, est conçu pour avertir le conducteur d?une dérive involontaire du véhicule pouvant l?amener à sortir de sa voie de circulation, certains systèmes prenant ensuite automatiquement les mesures nécessaires pour rétablir la trajectoire en cas d?absence de réaction de la part du conducteur. Au niveau européen, le système est obligatoire depuis fin 2015 sur tous les véhicules lourds nouvellement immatriculés, il est de plus en plus proposé sur les véhicules légers par les constructeurs automobiles. ? Les systèmes d?avertissement de collision frontale, qui surveillent la distance entre le véhicule du conducteur et le véhicule qui le précède, et le système avancé de freinage d?urgence (AEBS, Advanced Emergency Braking System). Ce dernier est conçu pour détecter un risque de choc à l?avant, en avertir le conducteur puis, en l?absence de réaction de sa part, activer le système de freinage du véhicule afin de réduire sa vitesse et ainsi éviter le choc ou en atténuer la gravité. Au niveau européen, il est obligatoire pour tout véhicule lourd neuf depuis fin 2015 et, en application du règlement n°2019/2144, pour tous les nouveaux types de véhicules légers depuis juillet 2022 et pour tout véhicule léger neuf à partir de juillet 2024. De tels systèmes peuvent apporter un niveau supplémentaire de sécurité. Ils ne sauraient remplacer l?attention ou le jugement du conducteur, ils ont des limites de fonctionnement et sont en l?état actuel loin d?être infaillibles. Au niveau européen, le règlement précité rend obligatoire pour les véhicules légers et lourds, l?équipement d?un système d?avertissement de somnolence et de perte d?attention du conducteur (DDAW) dans les mêmes échéances que celles citées ci-avant, ainsi que d?un système avancé d?avertissement de distraction (ADDW), à partir de juillet 2024 pour les nouveaux types de véhicules et à partir de juillet 2026 pour tout véhicule neuf. Le règlement délégué (UE) n°2021/1341 définit les prescriptions techniques applicables à la réception des véhicules en ce qui concerne le système DDAW (Driver Drowsiness and Attention Warning). Celui-ci vise à détecter la baisse de vigilance et en particulier la somnolence, par des moyens indirects (l?utilisation de paramètres physiologiques pouvant être intégrée en sus), tels que: ? l?analyse des caractéristiques de conduite et la surveillance de la position du véhicule (détecter par exemple une plus grande variabilité de la position latérale du véhicule dans la voie); ? l?analyse des interventions sur la direction, la quantification de la manière dont le conducteur manipule le volant (détecter par exemple une réduction du nombre de micro-corrections au niveau de la direction associée à une augmentation des corrections importantes et rapides). Le règlement délégué (UE) n°2023/2590 définit les prescriptions techniques applicables à la réception des véhicules en ce qui concerne le système ADDW (Advanced Driver Distraction Warning). Ce système est défini comme aidant le conducteur à continuer à prêter attention aux conditions de circulation. Il vise, dans une première étape, à détecter les situations où l?attention visuelle du conducteur n?est pas orientée vers les tâches de conduite en surveillant les zones dans lesquelles le regard du conducteur se porte. 52 5.3 - L?utilisation du minibus pour un transport collectif de personnes 5.3.1 - Des accidents tragiques qui ne sont pas rares Le fichier national des accidents corporels de l?ONISR ne permet pas de recenser les accidents impliquant un minibus, puisque ce type de véhicule n?est pas distingué dans les données et est assimilé à ce qu?il est réglementairement, à savoir un véhicule de tourisme. À partir de la veille qu?il réalise au quotidien, le BEA-TT a établi un décompte des accidents ayant impliqué un minibus, non exhaustif et présenté en annexe 3. D?après ce décompte, les accidents graves, qui impliquent des enfants et se produisent dans le cadre d?activités de centres de vacances et de loisirs ou de clubs de sports, surviennent plus fréquemment à l?occasion de sorties à la journée que lors de longs trajets au cours desquels les enfants sont acheminés sur leur lieu de séjour. Ces sorties peuvent être organisées par les services jeunesse des municipalités et impliquer un long trajet, comme c?est le cas dans le cadre de l?accident faisant l?objet du présent rapport, ou un trajet plus court, comme ce fut le cas par exemple lors de l?accident survenu en 2014 dans l?Aube et ayant fait l?objet d?un rapport d?enquête du BEA-TT: un minibus, qui transportait sept enfants de la ville de Nangis (Seine-et-Marne), encadrés par deux animateurs du service municipal, dans le cadre d?une sortie à la journée, a percuté frontalement un poids lourd, causant le décès de six des neufs occupants du minibus, le véhicule appartenant à la commune et étant conduit par l?un des deux animateurs. Ces sorties peuvent également être organisées par le centre de vacances dans lequel les mineurs sont accueillis. L?accident survenu le 25 août 2023 dans le Lot-et-Garonne a été très médiatisé: deux minibus circulant en convoi ramenaient des adolescents au centre de loisirs local où ils séjournaient, après une activité nautique, lorsque le premier véhicule a effectué une sortie de route sur sa gauche, provoquant le décès d?un des enfants et en blessant quatre autres grièvement. Les clubs de sports et autres associations ont également recours au minibus pour transporter des mineurs ou des adultes. L?accident survenu le 22 avril 2023 à 7h sur l?autoroute A8 dans le Var présente un contexte proche de celui de l?accident qui fait l?objet du présent rapport: un minibus percute l?arrière d?un poids lourd; il était le dernier d?un convoi de 5 véhicules, parti de Tours dans la soirée et transportant des adolescents, membres d?un club de foot pour participer à un stage dans le sud de la France. Le conducteur âgé de 25ans déclare qu?il a dû s?endormir, une rotation entre conducteurs était apparemment organisée et ce conducteur aurait décliné la dernière proposition faite en termes de rotation, se sentant à même de continuer. Dans les trois exemples cités, la cause présumée est un endormissement. La revue professionnelle «Le Journal de l?Animation», qui est un outil de référence consacré à l?animation éducative, sociale et culturelle a publié en novembre 2015 un article très développé sur le transport d?enfants en minibus. L?article souligne que la majorité des accidents se produit sur des trajets courts et que l?organisateur d?un accueil collectif de mineurs (ACM) pourrait être parfois tenu pour co-responsable en cas d?accident et notamment s?il a laissé s?effectuer un trajet malgré une dangerosité manifeste. La dangerosité manifeste peut résulter de l?état du véhicule, d?un conducteur sous l?emprise de l?alcool ou de produits stupéfiants, «voire dans un état de fatigue extrême qui peut entraîner somnolence ou perte d?attention au volant, comme cela a pu se produire dans des accidents tragiques qui ont défrayé la chronique». 53 Le BEA-TT considère qu?il est essentiel de diligenter une campagne de sensibilisation d?envergure sur les risques d?hypovigilance et de manque d?attention lors de la conduite et en direction de l?ensemble des organismes qui organisent un transport collectif de personnes en minibus et des conducteurs correspondants. Cette sensibilisation devrait inclure les risques lors des trajets sur autoroute et liés en particulier au manque de sommeil et à l?usage du régulateur de vitesse, étant précisé que d?autres types d?aide à la conduite sont susceptibles d?apporter un plus en termes de sécurité, comme évoqué au 5.2.4. L?état de fatigue, et bien avant d?être extrême, peut provoquer de tels risques et les jeunes hommes sont considérés comme une catégorie à risque, comme évoqué au 5.2.2. Si cette fatigue peut dans certains cas être liée à un long trajet, les conditions de travail et de vie des animateurs lors des séjours de vacances peuvent également jouer. 5.3.2 - Les longs trajets, le nombre d?animateurs dans le minibus L?accident du 6 août 2021 a constitué un important traumatisme pour la Ville d?Amiens, tant au niveau des familles que des services municipaux et des agents concernés. En 2023, le conducteur impliqué dans l?accident a été condamné à deux ans de prison avec sursis pour homicide et blessures involontaires. Certains services de la ville ont indiqué au BEA-TT que l?accident met en exergue la trop lourde responsabilité assignée aux animateurs qui conduisent sur de longs trajets pour acheminer des jeunes lors d?un séjour de vacances, sans parler par ailleurs de la fatigue liée à l?encadrement. Il s?avère en outre que le départ de nuit pour effectuer ces longs trajets correspondait à une pratique qui était en usage depuis quelques années au sein du CAJ concerné, mais qui n?était pas connue de la direction générale de la ville, cette dernière indiquant que cela ne correspond pas à une pratique autorisée et n?est pas dans les règles. Le BEA-TT a constaté l?inexistence de documents de type directives ou notes internes, se rapportant à l?organisation de ces séjours de vacances et leurs modalités de transport. La ville d?Amiens a depuis mené une réflexion afin de revoir l?organisation des séjours, notamment de manière à ce qu?ils n?impliquent plus un long trajet, ou alors, à opter pour un autre mode de transport que le minibus pour se rendre sur le lieu du séjour. Cette réflexion a donné lieu à une note de cadrage relative à l?usage des minibus au sein de ses ACM, établie en juin 2023 et présentée en annexe 4. La municipalité a également indiqué au BEA-TT que les modalités de la SNCF en matière de réservation de groupes constituent une source de difficulté pour la mise en oeuvre d?un acheminement en train. Parmi les recommandations considérées comme efficaces vis-à-vis du risque d?hypovigilance au volant lors d?un long trajet, on peut citer: ? Faire des pauses de 15 à 20 minutes chacune et, impérativement, au moins toutes les deux heures, et non pas toutes les 3heures comme dans le cas de cet accident. ? Voire effectuer une sieste à cette occasion; prendre une boisson à base de caféine, s?hydrater, privilégier les protéines (jambon, poulet) aux aliments sucrés. ? Se relayer entre conducteurs pour alterner les périodes de repos et de conduite, ce qui implique de fixer au préalable un planning de rotation puis de le respecter. Partir vers minuit pour traverser la France constitue un facteur de risque supplémentaire, que le BEA-TT considère comme devant être évité dans le cas d?un transport collectif d?enfants, organisé par une collectivité locale ou une association, au moyen d?un minibus non conduit par un conducteur professionnel. 54 D?après le bilan annuel de l?accidentalité de l?ONISR, en 2022, 42% des tués sur la route le sont de nuit et ce ratio est de 53% sur autoroute. Dans son bilan annuel relatif aux accidents mortels survenus sur autoroutes concédées en 2022, l?ASFA mentionne que le risque d?accident est trois fois plus important sur la période 22h-6h, considérant que 31% des accidents mortels surviennent sur cette période alors qu?elle concentre 9% du trafic. Lorsque le transport d?enfants s?effectue dans le cadre d?un accueil collectif de mineurs (ACM), les normes d?encadrement qui régissent les ACM s?appliquent, le taux le plus bas étant d?un animateur pour 8 enfants dans le cas d?enfants de moins de 6 ans. Seules ces normes s?appliquent puisqu?aucune réglementation spécifique au transport n?a été établie en lien avec l?activité des ACM. Si un minibus transporte 8 enfants et un animateur, ce ratio est respecté, mais si l?animateur conduit, il lui est logiquement impossible d?exercer simultanément sa mission d?encadrement et de surveillance des mineurs. Il semble qu?il y ait là pour le moins une forme de hiatus. L?article précité paru dans «Le Journal de l?Animation» aborde en profondeur la question du nombre d?animateurs nécessaire dans un minibus, en soulignant en premier lieu que, le conducteur devant mobiliser son attention sur la conduite, il ne peut en être distrait par la nécessité d?intervenir auprès des enfants pour rétablir l?ordre par exemple. L?article21 recommande d?aller au-delà de la réglementation et de prévoir un encadrement renforcé dès lors que la sécurité des mineurs peut être mise en cause, la difficulté étant que doubler le nombre d?animateurs peut peser lourd dans un budget déjà serré. L?article souligne que, la réglementation manquant de précision, il incombe à l?organisateur de prendre la décision et d?en assumer la responsabilité, en tenant compte notamment de l?âge des enfants, de la connaissance des enfants (ont-ils généralement un comportement discipliné ou non?), de la durée du trajet, étant précisé néanmoins que la majorité des accidents se produit sur des trajets courts. On prendra la décision de confier les enfants au seul conducteur uniquement si la connaissance du comportement des mineurs permet d?écarter tout risque prévisible de trouble l?empêchant de consacrer toute son attention à la conduite. Si les enfants sont âgés de plus de 11ans, sur un trajet court, il est généralement admis que l?animateur peut rester seul avec 8 mineurs, dans la mesure où à partir de cet âge les enfants n?ont plus besoin d'une surveillance particulière de tous les instants. Si l?on fait le parallèle avec les autocars assurant un transport scolaire, le conducteur ne peut et ne doit pas exercer de surveillance durant la conduite. L?ANATEEP22 mentionne dans son guide pour la sécurité des transports scolaires que, s?il n?existe aucune obligation réglementaire relative à l?accompagnement, celui-ci s?avère nécessaire pour les enfants les plus jeunes, mais aussi pour des questions de discipline, sur certaines lignes utilisées par des adolescents. Dans le cas de l?accident du 6 août 2021 impliquant des adolescents d?Amiens, âgés de 14 à 16ans, il ne semble pas que la situation puisse présenter une gêne pour l?animateur lors de sa conduite et les jeunes s?étaient très impliqués dans la préparation du séjour de vacances et du projet pédagogique correspondant, coconstruits avec l?équipe d?animation. Le ratio de 3 encadrants pour 15 jeunes était par ailleurs satisfaisant et il offrait à lui seul la possibilité que ces personnes se relaient à la conduite, ce qui n?a pas été fait, même dans le minibus de tête où se trouvaient deux des encadrants. 21 Le ministère en charge de la jeunesse précise qu?il convient d?adapter une approche prudente des contenus publiés par le Journal de l'animation, les articles et leur contenu n?engageant que leur auteur. 22 Association nationale pour les transports éducatifs de l?enseignement public 55 5.3.3 - Conclusions Bien qu?il ne s?agisse pas réglementairement d?un véhicule de transport en commun, le minibus est régulièrement utilisé pour effectuer un transport collectif, en particulier d?enfants, en dehors du cadre d?une entreprise de transport routier de personnes. Il importe dès lors que son conducteur présente, outre des qualités de conduite, de bonnes dispositions générales lui permettant notamment de se prémunir de la fatigue. Lorsque ce transport s?effectue dans le cadre d?un accueil collectif de mineurs (ACM), les véhicules sont souvent conduits par des animateurs employés par les organisateurs et qui ne sont donc pas des conducteurs professionnels. Ils réalisent le transport de ces enfants dans le cadre de l'exercice de leur fonction d?animateur et ne sont pas forcément expérimentés à la conduite de ce type de véhicule. Il s?agit d?une lourde responsabilité. L?article du «Le Journal de l?Animation» précité mentionne les éléments suivants: ? Le minibus constitue un des moyens privilégiés pour transporter des collectifs d?enfants et le fait que le permis B suffise est une «faculté appréciée par les organisateurs qui n?ont pas l?obligation de recruter un chauffeur qualifié». ? Compte tenu des exigences formulées par certains loueurs sur l?âge du conducteur, «les organisateurs préfèrent la plupart du temps confier ces véhicules moins maniables aux conducteurs les plus expérimentés de leurs équipes». ? Il incombe au directeur d?un ACM de vérifier que les animateurs qui conduisent ces véhicules connaissent les consignes (port de la ceinture, places des enfants de moins de 10ans) et assurent la fonction de conducteur en sécurité. ? L?employeur peut demander à se voir présenter périodiquement (au moins deux fois par an) par un conducteur son permis de conduire en état de validité. Le guide pour la sécurité des transports scolaires publié par l?ANATEEP rappelle plus généralement que le Code du travail prévoit pour tout salarié des visites dans le cadre de la médecine du travail: visite médicale d?embauche et de reprise après un arrêt de travail, visites obligatoires régulières. Le guide insiste sur l?importance du suivi de ces visites médicales par l?autorité organisatrice des transports pour les personnels de conduite affectés aux transports d?enfants via des véhicules de 9 places. L?ACM est soumis à un régime de déclaration23, via une téléprocédure, nécessitant de fournir différents renseignements concernant l?organisation de l?accueil, les locaux, l?équipe d?encadrement. Ces déclarations sont contrôlées par les services de l?État. Lors de cette déclaration, aucun renseignement n?est demandé en ce qui concerne le moyen de transport utilisé pour l?acheminement de ces mineurs, qu?il s?agisse de l?amenée des enfants sur leur lieu de séjour ou de loisirs quand elle relève de l?organisateur de cet accueil ou de leurs déplacements une fois arrivés dans ce lieu. À notre connaissance, pour les sorties réalisées dans un cadre scolaire, qui est un autre cadre que celui de l?ACM, un dossier est à constituer qui comprend une fiche d?information sur le transport et le recours à un transporteur public est la règle. Il semble que, dans la plupart des cas, les services de l?État établissent des instructions départementales au sujet de l?ACM, qui récapitulent les dispositions réglementaires et comprennent des points d?attention thématiques. Le BEA-TT a pris connaissance des documents ainsi produits dans les départements de la Somme et de l?Ain. S?agissant des déplacements en véhicule, ces documents rappellent que la protection des mineurs qui incombe aux organisateurs s?étend aussi aux transports puisque les enfants ne sont plus sous la responsabilité de leurs parents. L?un des documents indique 23 Pour les enfants de moins de 6ans, certains accueils font l?objet d?un dispositif d?autorisation. 56 «L?organisateur prendra toute précaution pour solliciter des parents toutes autorisations pour le transport de leur(s) enfant(s) organisé dans le cadre des activités du séjour», tandis que l?autre mentionne «La sécurité des enfants transportés par car, minibus, avion ou train doit être une préoccupation constante pour les organisateurs». Ces documents rappellent que les véhicules de transport en commun sont des véhicules de plus de 9 places et attirent l?attention sur les précautions à prendre par l?encadrement dans ce cas, autrement dit dans le cas de transport en autocar ou autobus. Ces documents n?attirent pas l?attention sur l?usage spécifique du minibus, si ce n?est de rappeler l?obligation du port de la ceinture de sécurité dans toute voiture particulière. Le ministère en charge de la jeunesse établit chaque année des instructions relatives aux modalités de contrôle des ACM en période estivale et en faisant référence à une instruction-cadre de 2018. Il est ainsi demandé aux services, à l?occasion de ces contrôles, de rappeler aux organisateurs la nécessité d?être particulièrement vigilants aux déplacements des mineurs, et de les sensibiliser aux conditions de préparation de ces déplacements (choix du mode de transport et du chauffeur, conditions d?encadrement, respect des dispositions du Code de la route notamment). Le BEA-TT considère qu?il conviendrait que ces éléments fassent l?objet d?une instruction nationale spécifique à l?usage du minibus, récapitulant les règles de sécurité et les mesures de prévention à prendre, tant pour la préparation des déplacements, notamment en cas de longs trajets, que pour les modalités de leur réalisation. Il paraît également nécessaire que cette instruction donne lieu à une campagne de sensibilisation permettant de toucher l?ensemble des maillons de la chaîne, de l?animateur à l?organisateur d?un ACM, et des acteurs concernés, dont les associations. Les éléments exposés dans cette partie visent à aborder en détail les modalités du transport de mineurs en minibus effectué dans le cadre d?un ACM et en référence au contexte de l?accident sur lequel porte le présent rapport. Une grande partie de ces éléments a vocation à s?appliquer également au convoyage par minibus d?enfants effectué en dehors du cadre de l?ACM et, plus largement, au transport collectif de personnes qui est effectué dans un cadre associatif ou de club, au moyen d?un minibus loué ou mis à disposition ou au moyen d?un véhicule personnel. En conclusion, le BEA-TT formule la recommandation suivante: Recommandation R1 à la Direction de la jeunesse, de l?éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), ministère de l?Éducation nationale et de la jeunesse: Établir une instruction nationale spécifique à l?usage du minibus (voire du véhicule personnel) afin de rappeler, aux différents organisateurs (accueil collectif de mineurs - ACM, associations notamment) y ayant recours pour transporter un collectif de personnes, les responsabilités associées et les règles de sécurité et de prévention à prendre pour la préparation et la réalisation de ces déplacements. Mettre en oeuvre, à l?attention des organisateurs précités et de leurs conducteurs, une sensibilisation d?envergure sur les risques d?hypovigilance et de manque d?attention lors de la conduite, dont les risques lors des trajets sur autoroute et liés en particulier au manque de sommeil et à l?usage du régulateur de vitesse. Par ailleurs, le BEA-TT invite à suivre cette même recommandation les autres ministères pouvant être concernés par le convoyage par minibus d?enfants, notamment le ministère des solidarités et des familles (compétent pour ce qui concerne les jeunes reçus par les structures relevant de l'aide sociale à l'enfance et plus généralement ceux suivis dans les établissements sociaux et médico-sociaux, dont les situations de handicap), le ministère de la justice (jeunes relevant de la protection judiciaire de la jeunesse), le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques (associations et clubs sportifs). 57 5.4 - L?accidentalité liée aux poids lourds sur autoroute 5.4.1 - Les données générales sur les accidents avec PL d?après le fichier BAAC Sur la période 2016-2020, les accidents impliquant un PL représentent 5% des accidents corporels et 12% des accidents mortels. Sur autoroute, ces parts sont respectivement de 16% et 33%. Ces données présentent peu de variations d?une année à l?autre. La part de l?accidentalité liée aux PL dans l?accidentalité générale paraît comparable à celle que représentent les PL dans la circulation routière comptée en véhicules x km, qui est voisine de 5% d?après le bilan annuel des transports publié en 2019 par le ministère concerné. Mais les accidents correspondants sont plus graves, en raison des poids et des dimensions des véhicules. Ainsi, en 2019 par exemple et sans parler par ailleurs des blessés: ? La gravité des accidents avec PL est de 14,2 tués pour 100 accidents, ce qui est 2,6fois supérieur à la gravité des accidents sans PL. ? Sur autoroute, la gravité des accidents avec PL est de 8,8 tués pour 100 accidents, ce qui est 2,3 fois supérieur à la gravité des accidents sans PL. En 2019, les accidents impliquant un PL ont occasionné 390 tués (dont 36 étaient occupants du PL), soit 12% de la mortalité routière et 3360 blessés (dont 540 étaient occupants du PL), soit 5% du total des blessés. Sur autoroute, on comptabilise 930accidents impliquant un PL dont près de 80 ont été mortels. Sur la période 2016-2020, la répartition des accidents mortels impliquant un PL selon le milieu est approximativement la suivante: 21% sur autoroutes, 58% sur les autres routes hors agglomération et 21% en agglomération. S?agissant des accidents corporels impliquant un PL, la répartition est respectivement de 32%, 36% et 31%. 5.4.2 - Les accidents avec PL sur autoroute et les types de collision La synthèse bibliographique réalisée par le SETRA24 en 2012 sur l?accidentalité des PL sur autoroutes françaises mentionne plusieurs études, dont certaines réalisées par l?ASFA, basées sur des petits chiffres ou anciennes, qui mettent en avant que, sur autoroute, les accidents mortels impliquant deux véhicules dont un PL, sont pour une majorité des cas des collisions arrière et dans lesquelles les PL sont le plus souvent heurtés que heurtant, sans parler bien sûr des cas où le PL est heurté à l?arrière par un autre PL. La synthèse bibliographique des études relatives à la sécurité des PL réalisée en 2005 dans le cadre du programme de recherche Trucks mentionne le projet européen de recherches VERTEC, 2003, dans le cadre duquel une base de données commune relative aux accidents impliquant un PL a été créée entre les pays partenaires (Finlande, France, Royaume-Uni, Italie). Les données ont montré que, sur routes à chaussées séparées et hors milieu urbain, le type de collision le plus fréquent est un choc arrière (33%), tant pour les accidents mortels que pour l?ensemble des accidents corporels. Les données relatives aux accidents corporels impliquant un PL sur les autoroutes françaises sur la période 2016-2020 sont présentées dans les tableaux ci-dessous, à partir d?une exploitation du fichier BAAC réalisée par le BEA-TT. 24 Service d?études sur les transports, les routes et leurs aménagements, devenu la Direction technique Infrastructures de transport et matériaux du Cerema 58 Elles montrent que, parmi les accidents impliquant un PL sur autoroute, la collision arrière entre deux véhicules est l?accident le plus fréquent et que ceci est encore plus avéré si l?on considère uniquement les accidents mortels. Les accidents impliquant un PL sur autoroute correspondent dans 36% des cas, voire près de 40% pour les accidents mortels, à une collision arrière. Si l?on compare avec l?ensemble des accidents sur autoroute, on peut voir que d?après les bilans annuels de l?ONISR, les collisions arrière représentent environ 20% des accidents mortels. Si l?on retire les accidents avec piétons et ceux impliquant un seul véhicule, le PL, on constate alors que les collisions mortelles impliquant au moins deux véhicules dont un PL correspondent dans 53% des cas à une collision par l?arrière entre ce PL et un autre véhicule. Enfin, si l?on considère les accidents impliquant exactement un nombre de deux véhicules dont un PL, ces accidents sont des collisions arrière dans près de 60% des cas, voire 80% dans le cas des accidents mortels. La catégorie «collision par l?arrière entre un PL et un autre véhicule» évoquée dans les données ci-dessus englobe les deux cas possibles: PL heurté par l?arrière par un autre véhicule versus PL heurtant un autre véhicule par l?arrière. La distinction nécessiterait une exploitation plus approfondie des données BAAC afin de vérifier, accident par accident, la localisation des points de choc sur les deux véhicules. Le BEA-TT a effectué cette vérification sur une petite partie des accidents qui ont été identifiés par les forces de l?ordre comme ayant eu lieu en pente25: cela a mis en évidence que, sur ce petit nombre, la situation d?un PL heurté par l?arrière représente près de 70% des cas et que la variable «profil en long» des données BAAC n?est pas suffisamment fiable ou exploitable. 25 Le BAAC ne distingue pas entre montée et descente et la distinction entre «plat» et «non plat» est laissée à la discrétion de celui qui le remplit (le guide de remplissage des BAAC ne donne pas de seuil, il stipule que l?existence d?une pente s?apprécie visuellement). 59 Le bilan annuel de l?accidentologie publié par l?ASFA pour les autoroutes concédées comprend une analyse des scénarios d?accident mortel, qui récapitule notamment le nombre de percussions arrière impliquant des véhicules en mouvement et selon la typologie des véhicules impliqués. Ces éléments montrent que, sur un nombre de 150percussions arrière impliquant deux véhicules dont un PL sur la période 2016-2022, un VL heurte un PL dans 64,7% des cas, un PL heurte un VL dans 18,7% des cas, et un PL heurte un PL dans 16,7% des cas. Il est donc possible de considérer que le nombre d?accidents mortels impliquant un véhicule (VL ou PL, les VL étant majoritaires) heurtant l?arrière d?un PL est de l?ordre d?une vingtaine par an sur le réseau autoroutier. Cela comprend une petite dizaine de collisions entre un VL et un PL survenant sur le réseau concédé, d?après le passage en revue sur quatre ans du descriptif résumé des accidents mortels figurant dans les bilans de l?ASFA (et en ayant retiré les cas où le PL heurté est à l?arrêt, les cas où la collision est liée à un ralentissement du trafic et les cas de collisions en chaîne). 5.4.3 - L?accidentalité liée aux PL dans les rampes sur autoroutes La synthèse bibliographique réalisée par le SETRA en 2012, précitée, comprend un état des lieux des données statistiques et des études existantes en matière d?accidentalité liée aux PL sur les autoroutes françaises, en abordant les différents facteurs et mécanismes d?accidents recensés dans la littérature. Le rapport précise que plusieurs sources sont à relativiser au regard de leur caractère parfois très local ou fragmentaire (faiblesse des échantillons). Concernant les facteurs liés à l'infrastructure, le rapport souligne la forte influence des montées et des descentes sur l?accidentalité impliquant les PL sur autoroute et rappelle que la mise en place de VSVL, en montée comme en descente, peut être efficace dans la lutte contre les accidents de PL avec chocs arrière. Concernant plus particulièrement les rampes, le rapport cite les deux études suivantes réalisées par le CETE Normandie Centre. Le BEA-TT a pris connaissance de la première et en a extrait certains éléments ci-après. Pour la seconde, le BEA-TT s?est appuyé sur les synthèses de l?étude figurant dans plusieurs documents. L?étude26 réalisée en 2008 dans le cadre du projet DIVAS a porté sur 262accidents corporels survenus sur un linéaire d?un peu plus de 300km et constitué de 5sections d?autoroutes interurbaines différentes. Elle s?est basée notamment sur les informations figurant dans les procès verbaux d?accident établis par les forces de l?ordre. Il ressort que les accidents les plus fréquents sont ceux liés à un état de fatigue ou d?hypovigilance, à une manoeuvre de dépassement ou à des chocs arrière sur des véhicules plus lents. Les accidents impliquant un défaut de vigilance ou d?attention ainsi que les chocs arrière surviennent très majoritairement en ligne droite. L?échantillon comprend 40 accidents impliquant un PL, soit 15% de la base d?étude, dont 10 ont été mortels: ? 18 accidents ont eu lieu en pente, soit 45%, dont 16 en montée et 2 en descente. ? 11 accidents, dont 5 mortels, correspondent au scénario où un conducteur a été surpris par un ralentissement ou par un véhicule plus lent. Dans la grande majorité des cas, il s?agit d?un PL qui est heurté par l?arrière par un VL. Sur ces 11 accidents, 7 ne sont pas liés à un ralentissement: ils impliquent un PL, qui est en montée dans au moins 4 cas et avec une vitesse comprise entre 40 et 70km/h. 26 DIVAS ? Mécanismes d?accidents sur autoroute, livrable n°1.A.2, CETE Normandie Centre, 2008 60 L?étude27 produite en 2001 et réalisée sur la période 1996-2001 a porté sur trois sections en rampe de l?autoroute A13, d?une pente d?environ 4% et sans VSVL, sur lesquelles une accumulation d?accidents de PL avait été détectée. Elle met en évidence un sur-risque important dans ces rampes: les sections représentent 2% du linéaire de l?autoroute et concentrent 33% des accidents corporels impliquant un PL s?y produisant. L?A13 comporte d?autres rampes que celles étudiées, il n?y a pas été constaté d?accumulation de chocs arrière, sachant que les plus pentues comportent une VSVL. Sur la zone d?étude, les accidents impliquant un PL sont dans 90% des cas des chocs arrière qui se produisent au moins 1500m après le début de la rampe. L?analyse des conditions d?accidents a montré que ceux-ci étaient dus à un fort différentiel de vitesses entre les véhicules impliqués. Dans la plupart des cas, le véhicule «rattrapant», que ce soit un VL ou un PL, percute un PL roulant plus lentement. La vitesse moyenne du véhicule percuté est comprise entre 40 et 50km/h. Par ailleurs, le BEA-TT a pris connaissance de certains des rapports produits dans le cadre des opérations de recherche PLINFRA28 et TRUCKS29, portant sur la sécurité des infrastructures routières. Si ces programmes se sont en particulier intéressés à la dynamique des PL, notamment des semi-remorques, et aux risques de perte de contrôle, ils comportent également quelques éléments en lien avec les configurations en rampe. Le rapport sur les poids lourds et la sécurité routière, produit en novembre 2008 dans le cadre de l?opération TRUCKS s?intéresse en particulier aux virages, bretelles de sortie de voies rapides, giratoires et rampes, et propose des seuils de sécurité correspondants. Il est souligné que certaines caractéristiques de l?infrastructure, parmi lesquelles figurent les fortes rampes, jouent un rôle dans les accidents corporels où un PL est impliqué. Dans le cadre de l?opération de recherche PLINFRA, une démarche a été conduite en vue de développer un outil d?aide au diagnostic des infrastructures, spécifique aux poids lourds, le logiciel nommé Alert?Infra PL. Elle a fait l?objet notamment de deux rapports30 établis par le CETE de Lyon en juillet 2010 et avril 2012. La démarche a permis de déterminer une liste de configurations de l?infrastructure présentant un risque spécifique pour ce qui concerne les PL et en y associant des valeurs seuils des caractéristiques de l'infrastructure au-delà desquelles le risque d?accident augmente fortement. Des valeurs seuils ont ainsi été définies pour les rampes et les descentes sur routes à chaussée séparée de type autoroutière, cela n?a pas été effectué pour les autres routes compte tenu d?un manque de données: ont été retenues les rampes à partir d?une valeur de pente de 4% et d?une longueur de 1500m et non équipées de VSVL, associées à un risque spécifique de collision arrière contre un PL. Ces seuils ont été déterminés à partir de l?étude précitée, réalisée en 2001 par le CETE Normandie Centre, de mesures de vitesses réellement pratiquées et au moyen de simulations avec le modèle PROSPER, permettant d?identifier les configurations en rampe dans lesquelles un semi-remorque de moyenne gamme et pleinement chargé peut atteindre une vitesse de 40 ou 50km/h. Les résultats des mesures de vitesses réellement pratiquées sont présentés en annexe 5. 27 Autoroute A13 ? Accidentologie et comportement des poids lourds en rampe ? étude de trois sections, CETE Normandie Centre, 2001 28 Opération de recherche PLINFRA menée entre 2007 et 2012 par le CETE de Lyon et l?IFSTTAR. L?Institut français des sciences et technologies des transports, de l?aménagement et des réseaux (IFSTTAR) a intégré en 2020 l?université Gustave-Eiffel. Il avait fusionné l?Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS) et le Laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC). 29 Opération de recherche TRUCKS, pilotée par le LCPC entre 2003-2007. 30 Rapport sur la définition des alertes en vue du développement de l?outil AlertinfraPL et rapport de synthèse sur la validation des alertes, juillet 2010 et avril 2012, CETE de Lyon 61 Une démarche de validation statistique a été réalisée en considérant plusieurs linéaires routiers, situés notamment sur le réseau des Autoroutes du Sud de la France (ASF). Le réseau d?étude a été découpé en sections homogènes, tenant compte notamment des valeurs de pente appréciées par classe [plat, supérieure à 2%, supérieure à 4%, etc.] et en renseignant pour chaque section, sa longueur et le trafic correspondant. Les accidents s?étant produits sur des sections relevant de la même classe de pente sont ensuite agrégés et rapportés au nombre de véhicules x kilomètres31 parcourus sur les sections de la classe, de façon à calculer le taux d?accident impliquant un PL sur chaque classe. Les résultats ont montré que les sections en rampe présentent un taux d?accident significativement plus élevé que les sections horizontales et ceci à partir d?une valeur de pente de 3,2%. L?étude a pris notamment en compte les accidents survenus entre 2003 et 2010 sur un linéaire du réseau ASF d?environ 1000km, mais le nombre d?accidents correspondants n?est pas mentionné. 5.4.4 - Conclusions Parmi les accidents impliquant un PL sur autoroute, la collision arrière entre deux véhicules est l?accident le plus fréquent. Elle représente plus du tiers de ces accidents et cette part atteint même 60% si l?on considère uniquement les accidents impliquant exactement un nombre de deux véhicules dont un PL. Sur autoroute, les accidents mortels impliquant deux véhicules dont un PL, sont pour une majorité des cas des collisions arrière et dans lesquelles les PL sont le plus souvent heurtés que heurtant, sans parler des cas où le PL est heurté à l?arrière par un autre PL. Les études disponibles mettent en évidence que cela s?explique par le différentiel de vitesse, qui est de l?ordre de 40km/h entre VL et PL dans le cas général et donc sans parler des rampes, ainsi que par un manque d?attention du conducteur du véhicule rattrapant, qui fait que celui-ci perçoit très tard le PL roulant devant lui à une vitesse nettement inférieure, voire ne le perçoit pas. La synthèse bibliographique réalisée par le SETRA en 2012 mentionne à ce sujet l?étude INRETS sur les accidents de PL, réalisée en 1987 par Fleury et al., à partir de l?analyse de 33 dossiers d?EDA. Les rampes sont des longues montées qui sont parfois rencontrées sur les autoroutes. Le rapport TRUCKS précité rappelle d?une part, que la puissance de leurs moteurs rapportée à la masse est plus faible pour les PL que pour les véhicules et utilitaires légers, d?où une difficulté à gravir certaines montées, et d?autre part que les différences de vitesse entre véhicules légers et poids lourds sont des facteurs d?insécurité. Les études disponibles tendent à souligner que le risque d?accident impliquant un PL est significativement plus élevé dans les rampes que sur le plat, même si certains des rapports correspondants sont à relativiser, au regard de leur caractère parfois local ou des caractéristiques des échantillons considérés. Le fait que le différentiel de vitesse entre VL et PL soit encore plus prononcé dans une rampe accroît le risque de choc arrière contre un PL. Ces collisions arrière en rampe peuvent s?expliquer par le différentiel de vitesse associé à un manque d?attention ou à un problème de vigilance, comme dans le cas général précité. Elles peuvent aussi s?expliquer par une mauvaise appréciation de la vitesse du véhicule rattrapé. Peuvent aussi entrer en jeu une difficulté d?appréciation de cette vitesse et, d?après l?étude INRETS précitée, l?effet de surprise due à la présence d?un véhicule lent devant soi. 31 Les veh.km représentent les distances parcourues par les véhicules circulant sur une section et sur une période, soit pour une section: longueur de la section x TMJA x 365 x nombre d?années d?observation. 62 5.5 - L?évolution de la vitesse des PL dans les rampes 5.5.1 - Les éléments de référence nationaux Le principe de représentation sous forme d?abaques permettant de déterminer pour une rampe donnée la vitesse atteinte après une certaine distance parcourue est utilisé dans les documents techniques relatifs à la conception des infrastructures routières pour apprécier la vitesse d?un camion, chargé, sur une infrastructure. Les abaques utilisés jusqu?à ce jour sont ceux figurant dans la note d?information n°21 établie en 1989 par le SETRA et présentés dans la figure ci-après. Ils s?appuient sur des résultats de simulations réalisées par Renault Véhicules Industriels (RVI) à partir de la modélisation de plusieurs des véhicules de sa gamme. Ils présentent, pour des rampes constantes de 1 à 8%, l?évolution des vitesses de PL pleinement chargés sur une distance de 2800m, en considérant que la vitesse initiale du PL est de 90km/h. Sont également représentées, par les courbes en pointillé, les situations où la vitesse initiale du PL est de 10km/h (PL partant de l?arrêt). Figure 42: Évolution de la vitesse d?un PL semi-remorque chargé en fonction de l?intensité de la rampe et de sa longueur (Source: note d?information 21 du SETRA, octobre 1989) Le type de véhicule qui avait été alors pris en compte est un semi-remorque d?une puissance de 360 chevaux pour un poids total roulant autorisé (PTRA) de 38tonnes, le PTRA correspondant à la masse maximale autorisée pour un ensemble routier, soit le poids à vide de l?ensemble plus le chargement. Depuis 2013 en France, il est passé à 44tonnes pour les ensembles routiers comportant plus de quatre essieux et la plupart des tracteurs routiers sont désormais homologués pour un PTRA de 44tonnes. 63 Le Cerema a réalisé une étude récente32 qui permet de conclure qu?il n?est pas nécessaire de réviser les courbes de vitesse de la note n°21 de 1989. Autrement dit, dans le temps, les effets de l?augmentation de la puissance des tracteurs ont globalement compensé ceux liés à l?évolution des tonnages transportés par chaque véhicule. Des mesures des vitesses effectuées sur plusieurs rampes autoroutières ont permis de disposer d?une répartition des vitesses d?un échantillon de PL. Puis une analyse détaillée du parc roulant a permis d?identifier qu?un ensemble routier de 44tonnes, avec une puissance voisine de 440chevaux, était représentatif des PL actuels pouvant être pénalisants dans les rampes autoroutières, sans pour autant être extrêmes. Plusieurs véhicules, dont deux tracteurs Volvo récents de 420 et 460chevaux, ont été modélisés et utilisés pour des simulations à pleine charge (masse totale de 44tonnes) réalisées à l?aide du logiciel PROSPER CALLAS. Les résultats montrent que le véhicule à 420chevaux a des performances légèrement inférieures à celles représentées sur la noten°21 et qu?avec une motorisation de 460chevaux, les performances sont légèrement supérieures à celles de la note. L?étude permet donc de considérer que les courbes de vitesse de la note n°21 restent globalement valables pour représenter un semi-remorque chargé au maximum et avec une puissance de l?ordre de 440chevaux. Cette puissance correspond à un véhicule moyennement performant. Le choix de cette cible est à mettre en lien avec la finalité dans laquelle s?inscrit la note n°21 et qui est l?analyse des contraintes et des risques engendrés par la circulation d?ensembles routiers en rampe sur une infrastructure de type autoroutier. Ces éléments permettent donc de voir quelle est la vitesse atteinte en rampe par des ensembles routiers chargés et de performance moyenne. Le rapport produit en novembre 2008 dans le cadre de l?opération de recherches TRUCKS comprend quelques éléments relatifs aux vitesses des PL en rampe, issus également de modélisations sous PROSPER. Elles prennent en compte un ensemble tracteur et semi-remorque ayant un poids total à vide de 15tonnes, un PTRA de 38tonnes et une vitesse initiale de 90km/h avant la rampe. Les simulations en pleine charge donnent des valeurs de vitesse dans des rampes constantes très voisines de celles de la note 21 du SETRA. Ces simulations semblent figurer à l?identique dans le rapport produit en juillet 2010 dans le cadre du programme de recherche Alert?Infra PL. Il y est indiqué que le paramétrage des PL a été réalisé de façon à être représentatif des véhicules de plus de dix ans circulant sur le réseau. Les courbes ci-après, extraites du rapport TRUCKS, montrent la perte de vitesse dans une rampe constante d?une longueur de 2km ainsi que l?effet du chargement sur les performances possibles du véhicule. Pour une courbe et donc une valeur de pente donnée, les cinq points illustrent l?analyse à la sensibilité à la charge qui a été réalisée, par pas de 25% de la charge utile, qui est ici de 23 tonnes: semi-remorque circulant à vide, à quart de charge, à mi-charge, aux trois quarts de charge, à pleine charge. Ces simulations montrent pour le type de PL considéré qu?au bout de 2km en montée, les baisses de vitesse varient de 10 à 30km/h selon l?intensité de la pente pour des véhicules non chargés et de 30 à 60km/h pour des semi-remorques chargés. Si la situation a entre-temps évolué, s?agissant notamment de la puissance et du PTRA des véhicules, ces résultats restent intéressants, du moins à partir de la mi-charge, pour fournir un ordre de grandeur concernant l?impact du chargement apprécié par ces pas de25%. En deçà de la mi-charge, les véhicules actuels sont sans doute plus performants. 32 Étude (pas encore éditée dans sa version officielle) sur la vitesse des poids lourds en rampe et la révision des données de la note d?information n°21 du SETRA 64 Figure 43: Influence du chargement d?un semi-remorque sur le différentiel de vitesse entre le bas et le sommet de côte dans une montée de 2km et pour différentes valeurs de pente (Rapport Trucks du LCPC, novembre 2008) Si l?on compare la situation antérieure utilisée pour cette modélisation avec un PL actuel à 420 chevaux par exemple, et en prenant l?hypothèse que les masses à vide sont de 15tonnes dans les deux cas, le comparatif des rapports poids / puissance est le suivant: Exemple de lecture de la courbe pour un PL chargé à moitié (11,5 tonnes dans ce cas): ? au bout d?une montée à 5% sur 2km, le différentiel de vitesse (?V) est de 42km/h, la vitesse finale est donc de 48km/h (vitesse initiale de 90km auquel il faut retirer le différentiel de 42km/h); ? au bout d?une montée à 3% sur 2km, le différentiel de vitesse (?V) est de 24km/h, la vitesse finale est donc de 66km/h (vitesse initiale de 90km auquel il faut retirer le différentiel de 24km/h). Si l?on compare avec le véhicule impliqué dans l?accident, illustré au 3.4.4, on voit que celui-ci avait une vitesse d?à peine 55km/h après 2km de montée à 3%, sachant que sa vitesse de départ était alors de 80km/h et non pas de 90km/h. Ce véhicule était à mi-charge (la demi charge est de 13,7t dans son cas). Si l?on divise sa puissance, qui est de 449 chevaux, par sa masse totale au moment de l?accident, qui était de 29,8 tonnes, on obtient un rapport de 15 chevaux par tonnes. Ce point est réabordé par la suite. 65 5.5.2 - L?évolution des vitesses des PL sur l?A75 dans la rampe de Massiac La station de comptage de Sals-Bas dont dispose la DIRMC sur l?A75 est située au PR76+300, soit à peu près à mi-parcours de la rampe. Les données de vitesse, sans distinction VL/PL, issues de cette station sont présentées en annexe 6. D?après ces données, on enregistre chaque jour ouvrable une vingtaine de véhicules circulant à moins de 50km/h et environ 300 circulant entre 50 et 70km/h à ce niveau de la montée. Ce trafic lent observé en jour ouvrable correspond vraisemblablement en grande partie à un trafic PL. Sur la plage comprise entre 70 et 90km/h, qui concerne presque 800 véhicules en jour ouvrable, on peut commencer à trouver des VL. Le BEA-TT a fait réaliser, en 2023 par la société Autoroutes Trafic, une étude basée sur l?exploitation des données issues de véhicules connectés ayant emprunté l?A75. Une synthèse de la démarche est présentée en annexe 6 pour ce qui concerne le volet relatif aux vitesses, les principaux éléments sont repris ci-après. Les données exploitées sont de type «Floating Car Data (FCD)», elles sont issues d?appareils embarqués et fournissent des indications sur les déplacements d?un véhicule, dont la vitesse instantanée. La distribution de l?évolution de la vitesse des PL dans la rampe, ainsi obtenue à partir d?un échantillon de 2500PL, est illustrée par la médiane et par percentile, comme suit: Figure 44: Distribution de l?évolution de la vitesse des PL dans la montée vers le col de la Fageole, incluant la rampe de Massiac (étude Autoroutes Trafic - BEA-TT, septembre 2023) Cette distribution illustre l?effet de la rampe sur l?évolution des vitesses. Les secteurs où la vitesse des PL baisse le plus correspondent logiquement aux sections de plus forte pente, soit au niveau du PR 75, du PR 79, du PR 83 et du PR 85. Le fait que la vitesse soit comprise entre 90 et 110km/h pour un peu moins de 10% des véhicules peut interroger (petits PL? Véhicules utilitaires légers?). Grille de lecture au niveau du PR 79, là où l?effet de la rampe se fait le plus ressentir: ? La médiane est de 65km/h: 50% des PL de l?échantillon ont une vitesse supérieure à 65km/h et 50% ont une vitesse inférieure à 65km/h. ? Le percentile 20 est d?un peu moins de 50km/h (47km/h d?après les résultats de l?échantillon): 20% des PL de l?échantillon ont une vitesse inférieure à 50km/h. ? Le percentile 80 est de 80km/h: 80% des PL de l?échantillon ont une vitesse inférieure à 80km/h et donc 20% ont une vitesse supérieure à 80km/h. 66 Cette distribution illustre aussi la diversité des trajectoires de vitesse dans la rampe, diversité liée aux types de PL, à leur masse, leur puissance et la charge transportée. Sur les quatre secteurs les plus marqués, la vitesse de certains PL descend en dessous de 50km/h, voire 40km/h, tandis que d?autres parviennent à conserver une vitesse élevée. L?étude qu?a fait réaliser le BEA-TT a permis de la même manière de déterminer l?évolution des vitesses des VL dans la rampe, à partir d?un échantillon de 13200véhicules. Comme pour les PL, les trajectoires de vitesse des VL sont très diversifiées. Grosso modo, le percentile 20 des VL se situe légèrement au-dessus du percentile 80 des PL: les 20% des VL les plus lents ont une vitesse légèrement supérieure à la vitesse en deçà de laquelle roulent 80% des PL. La figure ci-après représente l?évolution de l?écart de vitesse entre les 20% des VL les plus rapides et les 20% des PL les plus lents. C?est au niveau du PR 79 que cet écart est le plus marqué, il dépasse 80km/h. La vitesse médiane pour les VL est d?ailleurs dans ce secteur de 120km/h, soit près du double de celle des PL. Il est à noter que cet écart est plus réduit sur la dernière partie de la montée, compte tenu de l?abaissement de la vitesse réglementaire à 110km/h puis, environ 3km après, de la présence d?un radar de contrôle des vitesses. Figure 45: Évolution dans la rampe de Massiac de l?écart de vitesse entre les 20% des VL les plus rapides et les 20% des PL les plus lents (étude réalisée par Autoroutes Trafic pour le BEA-TT) L?étude que le BEA-TT a conduite à partir des données de véhicules connectés donne une bonne indication des vitesses particulièrement basses que peuvent atteindre une partie des PL dans la rampe de Massiac. Il est par contre possible que les PL qui sont pénalisants dans les rampes soient sous-représentés car les caractéristiques des PL de l?échantillon ne sont pas connues; celui-ci comporte donc possiblement tout type de PL, du petit camion de 3,5 tonnes jusqu?au 44 tonnes. Le PL impliqué dans l?accident, illustré en 3.4.4, paraît se situer parmi les 10% des véhicules les plus lents, si l?on considère par exemple sa vitesse au PR 75 ainsi que vers le lieu de l?accident, un peu avant le PR 78. Cela est surprenant, s?agissant d?un véhicule récent qui était à peine à mi-charge. Cela est toutefois à relativiser, car il est possible que les plus petits PL soient surreprésentés dans l?échantillon. D?après le contrôleur de la DREAL qui a analysé les données du PL, un grand nombre de semi-remorques circulent à une vitesse comprise entre 40 et 60km/h dans le secteur des PR 78-79. 67 5.5.3 - La réglementation sur les vitesses et les pratiques des PL dans les rampes L?influence d?une rampe sur l?évolution de la vitesse d?un PL va dépendre de l?intensité de la pente ainsi que du type de véhicule, notamment son rapport poids / puissance. La rampe de Massiac est très longue, la vitesse va donc mécaniquement s?abaisser fortement pour une partie des PL, et notamment dans les secteurs de plus forte pente. D?après les acteurs locaux, certains conducteurs de PL abaisseraient volontairement leur vitesse autour des 50km/h au cours de la montée afin de limiter leur effort. D?après la fiche technique du constructeur, le type du tracteur impliqué dans l?accident est équipé d?un système d?assistance appelé PPC (predictive powertrain control), permettant une optimisation de la gestion du régulateur de vitesse et de la boîte de vitesses, en vue de réduire la consommation de carburant. Présenté sur le site internet du constructeur comme un régulateur de vitesse adaptatif intelligent, le système relie les informations de localisation fournies par le GPS aux cartes routières numériques en 3D mémorisées et calcule ainsi une sorte d?horizon électronique auquel il adapte automatiquement la manière de rouler du camion. Il analyse le tracé et le relief de la route pour déterminer à l?avance le moment auquel changer de rapport et la vitesse du régulateur de vitesse. Par exemple, il tient compte de l?élan du véhicule dans les descentes pour moduler automatiquement la vitesse. Il est également indiqué que, avant d?atteindre le sommet d?une côte, le système peut détecter si le véhicule peut la franchir à une vitesse suffisante et, si c?est le cas, autoriser temporairement un ralentissement du véhicule en dessous de la vitesse fixée dans le régulateur de vitesse. Il semble que ce système ait été déployé par le constructeur à partir de 2018. Le BEA-TT ne dispose pas d?informations permettant de déterminer si ce système peut avoir pour effet que la vitesse d?un véhicule dans une rampe soit inférieure à ce qu?elle serait sans celui-ci, ou d?amener par anticipation le véhicule à se caler sur une vitesse plus basse. Excepté pour la voie la plus à gauche, où la vitesse minimale doit être de 80km/h lorsque la circulation est fluide et que les conditions atmosphériques le permettent d?après l?article R. 413-19, le Code de la route ne spécifie pas de vitesse minimale sur autoroute. L?article R. 433.16 du Code de la route, qui est spécifique au transport de bois rond, interdit ce transport sur autoroute lorsque les véhicules concernés ne peuvent pas atteindre une vitesse en palier de 50km/h. L?article R. 422-1, qui n?est pas spécifique aux autoroutes, évoque le cas des véhicules lents qui circulent sur une voie de circulation exclusivement réservée à leur usage, donc une VSVL. Au sens de cet article, les véhicules lents sont définis comme ceux ne pouvant circuler à une vitesse supérieure à 60km/h dans la section de route concernée. Sur autoroute, il est indéniable que la circulation d?un véhicule à une allure lente constitue un facteur de risque. L?article R. 416-18, qui n?est pas spécifique aux autoroutes, stipule que tout conducteur contraint de circuler momentanément à allure fortement réduite est tenu d?avertir, en faisant usage de ses feux de détresse, les autres usagers qu?il risque de surprendre. L?article précise que lorsque la circulation est établie en file ininterrompue, l'obligation précitée ne s?applique qu?au conducteur du dernier véhicule de la file. Sur autoroute, l?application de cette obligation paraît bien ancrée dans les pratiques lorsqu?un bouchon se forme ou qu?un problème mécanique amène à circuler à une vitesse réduite. Cela ne semble pas être le cas lorsque la vitesse est réduite du fait d?une rampe. La question pourrait d?ailleurs se poser de savoir si l?article précité s?applique dans ce type de configuration. Du point de vue de la Délégation à la sécurité routière (DSR), cela ne semble faire aucun doute, la DSR considère que la règle générale énoncée par l?articleR.416-18 permet d?englober toute circulation «à allure fortement réduite». 68 Les organismes de formation, que le BEA-TT a contactés, ont indiqué qu?ils pensaient que l?usage des feux de détresse par les PL lents en rampe était davantage une question de bon sens et non pas une obligation émanant du Code de la route. Le recours à cette pratique n?est pas abordé à ce jour lors des formations initiales ou continues. Les organismes ont d?ailleurs fait remarquer que la notion d?allure fortement réduite énoncée par le code peut être fortement sujette à interprétation. D?après les acteurs locaux, seulement certains PL lents activent leurs feux de détresse dans la rampe de Massiac sur l?A75. Ce n?était pas le cas du PL impliqué dans l?accident, qui roulait à moins de 50km/h au moment du choc. Son conducteur a indiqué qu?il pensait que sa vitesse était de 60km/h et qu?il faisait usage habituellement des feux de détresse quand la vitesse est vraiment très faible. D?autres conducteurs ont rapporté qu?ils ont adopté cette pratique du fait qu?elle a été rendue obligatoire en Espagne. D?après la version que le BEA-TT s?est procurée, le règlement général de la circulation espagnol impose une vitesse minimale sur le réseau routier hors agglomération, qui est de 60 km/h sur autoroute, et par ailleurs l?usage des feux de détresse lorsqu?un véhicule ne peut atteindre cette vitesse minimale et qu?il existe un risque de collision. Le BEA-TT estime que l?usage des feux de détresse doit être systématisé pour les PL lents en rampe. Cela permettrait d?atténuer le facteur de risque que constitue en général la présence d?un véhicule lent sur autoroute et plus particulièrement, cela pourrait contribuer à alerter les autres conducteurs approchants dans le cas où ils présentent des qualités attentionnelles amoindries. Quelques règles du Code de la route existent pour certains véhicules très spécifiques et à progression lente. L?analyse des vitesses réalisée au niveau de la rampe Massiac montre que, dans les secteurs les plus critiques, 30 à 40% des PL sont en dessous de 60km/h et environ 15% sont en dessous de 50km/h. Le BEA-TT considère que, pour atteindre cet objectif et parallèlement aux efforts de sensibilisation des conducteurs de PL, il est nécessaire de compléter le Code de la route afin, sur autoroute, de rendre plus explicite la règle générale d?usage des feux de détresse et de la préciser, de manière à ce que celle-ci puisse avoir une réelle portée. En l?état actuel, avec une règle qui peut paraître trop générale, la non-activation des feux de détresse par un PL lent en rampe semble difficilement sanctionnable. En conséquence, le BEA-TT formule les recommandations suivantes: Recommandation R2 adressée à la Délégation à la sécurité routière (DSR): Compléter le Code de la route afin de rendre explicite l?obligation d?usage des feux de détresse lorsque le conducteur est contraint de circuler à une vitesse réduite du fait d?une configuration en rampe, assortie d?un seuil caractérisant une vitesse lente sur autoroute, comme pratiqué par exemple en Espagne. Recommandation R3 aux organismes de formation de conducteurs de poids lourds: Mettre en place, lors de la formation professionnelle initiale et continue, une sensibilisation des conducteurs de véhicules lourds sur la nécessité de faire usage des feux de détresse, sur autoroute notamment, lorsque la vitesse est fortement réduite du fait d?une configuration en rampe. Le BEA-TT invite également l?IRU (International Road Transport Union) et les organisations professionnelles françaises de transport routier de marchandises, ainsi que le groupe GIRTEKA, à relayer cette sensibilisation auprès de leurs adhérents, par une communication dédiée à l?attention des conducteurs de poids lourds. Par ailleurs, le BEA-TT s?adresse à l?organisation internationale des constructeurs automobiles (OICA) pour inviter constructeurs et équipementiers à réfléchir à la possibilité de développer un système qui automatise le déclenchement des feux de détresse pour des PL circulant à une vitesse réduite dans les configurations en rampe sur autoroute. 69 5.6 - Les référentiels applicables aux rampes sur autoroute 5.6.1 - Les dispositions en matière de signalisation pour tout type de réseau L?instruction interministérielle sur la signalisation routière (IISR) aborde à l?article 40-2 le cas des descentes et montées dangereuses. ? Elle énonce les dispositions pouvant être prises pour signaler la présence d?une descente importante et inciter l?usager à la prudence et à l?adoption de comportements de conduite adaptés. ? Elle prescrit la pose d?une signalisation spécifique lorsqu?il existe un risque de heurt de véhicules lents, décrite comme suit: En descente, un panonceau M9j1 est placé sous chaque panneau A16, au-dessus du panonceau d?étendue M2. En montée, un panneau A14 est mis en place au début de la montée. Il est complété par un panonceau M9j2 et un panonceau d?étendue M2. Le panneau A14, complété par le panonceau M9j2 et un panonceau d?étendue M2 adapté, est répété sur la section concernée avec un intervalle de 500 m à 2km suivant la longueur de la montée. Dans l?illustration ci-contre, le panonceau d?étendue M2 porte sur 500m. Même si ses dispositions soulignent davantage le cas des descentes, eu égard aux risques associés et à l?importance capitale d?une bonne perception de la pente de la part de l?usager, l?IISR ne paraît pas attribuer au traitement des descentes un degré de prescription qui serait plus élevé que pour les montées. Pourtant, en termes de signalisation, il est possible que, parmi les sections en pente dites dangereuses, les descentes soient davantage considérées que les montées par les exploitants autoroutiers, cela semble être le cas pour la section d?A75 concernée par la présente enquête et comme illustré en 2.1.3. Cela pourrait s?expliquer par l?élément suivant: il est possible que, parmi les dispositions existantes relatives à la signalisation des descentes et des montées dangereuses, celles portant plus spécifiquement sur le risque de heurt de véhicules lents soient moins prises en compte. 5.6.2 - Le référentiel technique portant sur la conception des autoroutes Le document technique de référence pour la conception des autoroutes en milieu interurbain est l?Instruction sur les conditions techniques d?aménagement des autoroutes de liaison (ICTAAL), dont la dernière édition date de mai 2015, mise à jour en 2021. L?ICTAAL donne les principes généraux et les règles techniques fondamentales relatives à la définition des éléments géométriques des voies, qu?il convient de prendre en compte pour la réalisation d?infrastructures nouvelles ou l?aménagement du réseau existant. La partie 3.2.2. de l?ICTAAL relative aux sections à forte dénivelée est introduite par les éléments suivants, dont la rédaction peut laisser à penser qu?ils concernent davantage les descentes que les montées: 70 «Les configurations géométriques qui génèrent une forte dénivelée sont susceptibles de poser des problèmes de sécurité ou de capacité et un tracé approprié et une signalétique spécifique permettent d?en limiter les risques; mais certaines configurations peuvent en outre nécessiter la création d?une voie supplémentaire affectée aux véhicules lents (VSVL) ou d?un lit d?arrêt. Ces aspects sont développés plus en détail dans le guide sur l?aménagement des fortes pentes auquel il convient de se reporter.». S?agissant des VSVL (paragraphe 3.3.2 b), l?ICTAAL comprend les mentions suivantes : ? L?opportunité d?une VSVL s?apprécie en considérant les niveaux de trafic. Une telle voie ne s?impose généralement pas pour les autoroutes comportant plus de deux voies par chaussée, ou celles dont le trafic est modéré. ? En rampe, l?aménagement d?une VSVL est recommandée lorsque sa longueur et sa déclivité sont telles que la vitesse des véhicules lents est réduite à moins de 50 km/h sur une longueur minimale de 500m. La VSVL règne alors sur l?ensemble de la section où la vitesse des véhicules lents reste inférieure à 50km/h. ? En descente, on adopte comme indicateur de risque [?]. Ces éléments sont ceux figurant dans l?ICTAAL depuis sa version adoptée en 2000, sans parler de la référence au guide plus récent relatif aux fortes pentes. Les versions précédentes mentionnaient deux conditions pour l?aménagement d?une VSVL en rampe, celle de la vitesse atteinte par des véhicules lents ainsi que celle de la justification économique. Sur ce dernier aspect, l?ICTAAL de 1971 incluait des éléments de calcul de rentabilité, desquels on peut en déduire que l?intérêt d?une VSVL s?appréciait sous le seul angle de l?amélioration de la fluidité du trafic et du gain apporté aux véhicules non lents (gain de temps, réduction de la gêne occasionnée). L?ICTAAL de 1985 indiquait qu?il convenait de se référer à l?instruction sur les méthodes d?évaluation des effets économiques des investissements routiers. 5.6.3 - La note d?information 21 relative à l?implantation des VSVL en rampe En complément de l?ICTAAL, l?autre document de référence sur le sujet des VSVL est la note d?information n°21 établie en 1989 par le SETRA, relative à l?implantation des VSVL en rampe sur les infrastructures à chaussée séparée comportant deux voies par chaussée (les «2×2 voies») et qui cible plus particulièrement le réseau autoroutier. Outre des abaques de référence sur l?évolution des vitesses des PL en rampe, présentés au 5.5.1, la note présente une approche simplifiée de la justification économique d?une VSVL, dont l?objectif est de fournir une évaluation rapide de la faisabilité d?une telle voie à partir de la donnée de trafic. Il est indiqué que cette approche ne dispense pas du calcul économique classique dès lors que la voie supplémentaire s?avère justifiée. Sur le principe, cette approche consiste à s?appuyer sur les méthodes faisant référence pour analyser l?opportunité de l?élargissement à 2×3 voies d?une autoroute à 2×2 voies, mais en qualifiant les PL d?un poids plus particulier dans le trafic et en fonction de la valeur de la pente. Elle permet ainsi d?établir, pour chaque valeur de rampe, la courbe seuil correspondant à la mise en place d?une VSVL selon le trafic (TMJA) et le pourcentage de PL. Un exemple est donné en 5.6.5 de la courbe obtenue pour des rampes supérieures à 1000m. D?après les échanges intervenus entre le BEA-TT et la direction technique en charge des infrastructures au sein du Cerema (ex SETRA), le critère de la justification économique pour l?aménagement d?une VSVL ne serait plus essentiel aujourd?hui, du moins pour les nouveaux projets, et la note 21 constituerait désormais un document de référence uniquement pour sa partie portant sur les abaques de vitesse des PL en rampe. 71 En l?état actuel, il s?avère également que la note 21 traite du sujet de l?aménagement d?une VSVL essentiellement sous l?angle des enjeux liés à la fluidité de la circulation. Outre l?amélioration de la capacité de l?infrastructure, le document mentionne que la création d?une VSVL en rampe répond également à «un objectif d?amélioration de la sécurité, dans la mesure où les conflits potentiels, entre les VL et les PL peuvent s?avérer particulièrement graves compte tenu du différentiel de vitesse important dans les rampes entre les deux catégories de véhicules. Cette amélioration est toutefois assez relative, puisque le risque d?accidents dans les rampes n?est pas plus élevé que sur le plat comme le montrent les dernières études effectuées sur autoroute, mais aussi parce que les VSVL sont susceptibles d?engendrer d?autres types de conflits et notamment à leurs extrémités. 5.6.4 - A titre de comparaison: le guide sur l?aménagement des fortes pentes Le guide sur l?aménagement des fortes pentes édité par le Cerema en juin 2019 traite des fortes descentes et vient en complément des référentiels techniques en vigueur. Il a été élaboré suite à la survenue de plusieurs accidents particulièrement graves et est venu remplacer les notes d?information établies par le SETRA en 1987 et 1997. Il traite notamment de la prise en compte de l?accidentalité et du risque d?accident, qu?il s?agisse de l?amélioration du réseau existant ou d?un projet de voie nouvelle. Il fournit les éléments permettant de caractériser une forte descente et propose une méthodologie permettant d?orienter le gestionnaire vers les diagnostics, plus ou moins approfondis, qu?il peut conduire en fonction du contexte. Dès lors que la forte pente est concernée par la présence d?accidents liés à la déclivité, le guide recommande la réalisation d?un diagnostic approfondi, portant notamment sur la perception de la pente, les composantes de l?infrastructure, la structure du trafic, les vitesses des VL et des PL, complété d?un diagnostic de sécurité. Ce dernier est en termes de méthode du même type que celui de la démarche SURE. Il vise en particulier à identifier les facteurs d?accidents et notamment, dans le cas présent, les liens entre l?infrastructure et l?accident. Il repose sur l?analyse du fichier BAAC relatif aux données d?accidents corporels, l?analyse des procès-verbaux correspondants, qui doivent donc être sollicités auprès des forces de l?ordre, ainsi que sur l?analyse des accidents matériels et l?observation des comportements sur le terrain. Il doit également permettre une analyse comparative des deux sens de circulation. Le diagnostic doit permettre de relever les problématiques particulières dans lesquelles s?inscrit la forte pente, par exemple: ? La présence d?accidents liés au différentiel de vitesse entraînant un choc arrière, à l?échauffement des freins, à des mises en vitesse sous l?effet de la pente entraînant une perte de contrôle. ? Concernant le trafic, il peut s?agir de l?importance du trafic de PL, caravanes, cars, matières dangereuses ou d?un comportement différent des usagers locaux par rapport aux autres usagers. Le guide présente différents aménagements possibles au regard des problématiques. À ce titre, il vient préciser les dispositions prévues par l?IISR en matière de signalisation ainsi que, en complément de l?ICTAAL, le seuil de trafic conduisant à envisager l?aménagement d?une VSVL pour des raisons de sécurité, nonobstant la justification économique due à la capacité. 72 5.6.5 - L?opportunité d?une VSVL dans la rampe de Massiac au vu des référentiels Les niveaux de trafic prévisionnels n?amenaient probablement pas à considérer la nécessité d?aménager une VSVL dans la rampe de Massiac lors de sa mise en service. D?après les données disponibles sur le site Isidor, le TMJA, deux sens confondus, était de l?ordre de 8000 véh/j au milieu des années 90. Les référentiels actuellement en vigueur n?amènent pas à considérer que l?aménagement d?une VSVL serait particulièrement opportun: ? L?ICTAAL 1985, dans sa partie 1.5 relative aux choix des caractéristiques techniques, considérait que le trafic d?une autoroute est faible lorsqu?il est inférieur à 8000 véh/j à la mise en service et indiquait que cela correspond généralement à un trafic à long terme de 15000 véh/j environ. ? Depuis 2000, une autoroute est dite à trafic modéré lorsque le trafic est inférieur à 10000 véh/j à sa mise en service et elle garde cette qualification jusqu?à ce que le trafic atteigne 1400uvp/h33 dans le sens de circulation le plus chargé. Au vu de ces éléments, le trafic actuel sur l?autoroute A75 peut être considéré comme modéré, hormis les pics saisonniers et les sections périurbaines à ses extrémités. ? D?après les abaques de la note 21 du SETRA, les niveaux de trafic actuels ne font pas rentrer la rampe de Massiac dans les critères d?aménagement d?une VSVL, sauf à considérer les situations spécifiques des mois de juillet et août, lors desquels le trafic moyen dépasse le seuil de 25000 véh/j, dont 10% de PL. Sur cette courbe extraite de la note 21 du SETRA, il a été situé en tireté rouge la configuration d?une infrastructure présentant un TMJA, deux sens confondus, de 16000 véh/j comme c?est le cas de l?A75 au niveau de Saint- Poncy. D?après cet abaque, cela impliquerait alors que les PL représentent au moins 25% du trafic pour que l?opportunité d?une VSVL soit avérée dans une rampe longue de plus de 1000 m et avec une pente de 6%. 33 L?unité de véhicule particulier (U.V.P.), exprimée par jour ou par heure, tient compte de l?impact plus important dans le trafic de certains véhicules, en particulier les PL en leur affectant un coefficient multiplicateur de deux, voire plus dans certaines méthodes en cas de terrain vallonné ou en rampe. 73 5.6.6 - Conclusions Les éléments de doctrine relatifs aux fortes rampes, tels qu?ils figurent dans les documents techniques de référence, paraissent ne pas avoir changé en 50 ans. Outre les aspects de signalisation, ils traitent pour l?essentiel de la question de l?aménagement d?une VSVL sous l?angle des enjeux capacitaires. La note d?information éditée par le SETRA en 1989 ne semble plus à jour pour ce qui concerne le principe de la justification économique d?une VSVL et elle fait état du fait que le risque d?accident en rampe n?est pas plus élevé que sur le plat, alors que des études réalisées depuis mettent en évidence le contraire. Comme présenté au 5.4, le BEA-TT s?est procuré auprès du Cerema différents rapports d?étude établis ces 20 dernières années et traitant des liens entre l?accidentalité des PL et les caractéristiques de l?infrastructure. Si ces rapports sont à relativiser, au regard de leur caractère parfois local ou des caractéristiques des échantillons considérés, ils tendent toutefois à souligner que le risque d?accident impliquant un PL est significativement plus élevé dans les rampes que sur le plat. Il est possible que ces rapports ne soient pas exhaustifs. Par ailleurs, cet état des lieux n?intègre pas les études récentes qui ont pu être conduites dans d?autres pays34. L?étude basée sur l?exploitation des données issues de véhicules connectés, que le BEA-TT a fait réaliser dans le cadre de son enquête et présentée en annexe 7, comprend une analyse comparative de différentes sections des autoroutes A71 et A75 selon leur catégorie de profil en long. La démarche est réalisée sur la base de tout type d?accident, matériel ou corporel et sans distinguer la catégorie des véhicules impliqués. Si la fiabilité statistique des résultats est faible compte tenu des petits chiffres en question, l?analyse tend toutefois à mettre en évidence que le taux d?accidents et/ou d?incidents est plus élevé dans les montées, comparé aux sections sur le plat, voire comparé aux descentes. Elle montre que les forts freinages sont sur-représentés dans les sections en pente, en montée comme en descente, et encore davantage en descente. Il faudrait sans doute pouvoir mieux qualifier le sur-risque lié aux accidents impliquant un PL en rampe sur autoroute et donc l?enjeu global correspondant. Les accidents en descente peuvent être plus graves et plus spectaculaires, notamment lorsqu?ils impliquent une perte de contrôle de la part du conducteur du véhicule lourd en raison de la prise de vitesse ou d?une perte d?efficacité du système de freinage. Il ne paraît pas certain toutefois que les accidents avec PL soient plus nombreux en descente qu?en montée. Une démarche générale de révision des fondamentaux de la conception des infrastructures routières, initiée en 2013, a conduit les services du ministère en charge des transports (DIT/MARRN) à se ré-interroger sur la question des vitesses des poids lourds en rampe. C?est dans ce cadre qu?une étude a été réalisée récemment par le Cerema, telle que présentée au 5.5.1, et a permis de confirmer que l?abaque relatif aux vitesses de la note d?information 21 reste globalement valable. Le BEA-TT considère qu?il serait utile que ce travail soit poursuivi, afin de réviser les éléments de la note 21 qui méritent de l?être et de les compléter par des orientations méthodologiques portant sur le traitement des sections routières à forte rampe, à l?image du guide sur les fortes descentes, élaboré récemment et en remplacement des notes d?information plus anciennes du SETRA. 34 Le BEA-TT s?est procuré auprès du Cerema différents rapports dont une synthèse bibliographique des études, françaises et étrangères, relatives à la sécurité des PL et qui date de 2005. 74 Un guide ou une future note d?instruction sur les fortes rampes devrait à notre sens traiter de la prise en compte de l?accidentalité et du risque d?accident et aborder les aspects de signalisation, comme cela est fait dans le guide sur les fortes descentes. Il pourrait s?agir par exemple de procéder à l?identification des fortes rampes sur un itinéraire donné, de réaliser un suivi plus fin de l?accidentologie voire de l?incidentologie sur ces sections et, en fonction de l?enjeu identifié, d?engager éventuellement un diagnostic approfondi dans l?esprit des audits forte pente. L?aménagement d?une VSVL vise à séparer les véhicules lents des autres véhicules. Cela a pour effet de limiter le différentiel de vitesse des véhicules circulant sur une même voie et le risque de collision arrière contre les véhicules lents. L?engagement d?une démarche nationale sur le sujet pourrait être l?occasion de réfléchir à des aménagements intermédiaires ou des solutions diversifiées, permettant d?améliorer le traitement, y compris à titre préventif, des sections autoroutières existantes en rampe, notamment en l?absence de VSVL. Cela pourrait inclure un état des lieux des réglementations (sur l?usage des feux de détresse pour les véhicules lents en rampe par exemple) et des pratiques au niveau européen. En matière de signalisation, la DIRMC s?interroge sur les modalités de déploiement d?un panneau lumineux associé à la détection de véhicules lents en rampe, comme évoqué dans la partie qui suit. Le BEA-TT s?interroge sur l?intérêt d?implanter dans certaines rampes un nouveau type de panneau visant à inciter, les conducteurs de PL notamment, à activer les feux de détresse en cas de vitesse basse. En conclusion, le BEA-TT formule la recommandation suivante: Recommandation R4 adressée à la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM): Actualiser et compléter les éléments de doctrine sur les sections routières à forte rampe, notamment en poursuivant la démarche de révision de la note d?information n°21 du SETRA, afin que ces sections fassent l?objet d?un suivi, prenant en compte l?accidentologie et l?incidentologie, et d?un meilleur signalement du risque de heurt de véhicule lent. Les réflexions pourraient être conduites à l?image du guide sur l?aménagement des fortes pentes et permettre de faire émerger des solutions intermédiaires pour traiter ce risque en l?absence de VSVL. 75 5.7 - L?amélioration de la sécurité dans la rampe de Massiac 5.7.1 - Le suivi et l?analyse des accidents Les études d?enjeux conduites dans le cadre de la démarche SURE visent, sur la base des données BAAC relatives aux accidents corporels, à hiérarchiser les itinéraires d?un réseau pour identifier ceux sur lesquels le meilleur gain de sécurité peut être espéré grâce à des actions du gestionnaire de voirie, notamment sur l?infrastructure. Leur fréquence de réalisation est désormais de 5ans. Au vu des études ainsi réalisées sur le réseau de la DIRMC et présentées au 3.5.4, aucun tronçon situé vers la rampe de Massiac n?a été identifié comme prioritaire par rapport à d?autres itinéraires du réseau. À la différence des deux plus anciennes, l?étude la plus récente, portant sur la période 2015-2019 et restituée en septembre 2022, ne fait d?ailleurs ressortir aucun enjeu particulier dans ce secteur. La DIRMC indique, pour cette raison notamment, qu?aucune démarche spécifique d?amélioration de la sécurité n?a été conduite avant 2022 pour ce qui concerne cette rampe. La DIRMC établit par ailleurs des bilans statistiques annuels de l?accidentalité sur son réseau mais ne semble pas effectuer de suivi analytique, qui permettrait par exemple de consigner par axe la typologie des accidents, au moins les plus graves. Compte tenu des caractéristiques géométriques de l?A75, il est possible de considérer que les accidents impliquant un PL représentent sur cet axe un enjeu spécifique que ne permettent pas de cerner les études d?enjeux actuellement réalisées par la DIRMC. En effet, ces études couvrent l?ensemble du réseau pris dans sa globalité et ne distinguent pas la catégorie des véhicules impliqués. L?étude réalisée en 2010 par le CETE de Lyon sur ce type d?accident sur l?A75 mettait en évidence que la collision arrière contre un PL constituait l?un des scénarios prédominants. L?analyse réalisée par le BEA-TT, prenant en compte également les accidents matériels, montre que ce type de collision s?est produit six fois dans la rampe de Massiac sur les six dernières années, dont trois fois en se traduisant par un accident corporel grave. Par ailleurs et comme présenté au 3.5.3, les données d?accidents corporels reflètent sur la période plus récente une hausse de l?accidentalité dans ce secteur, ainsi qu?une gravité d?accidents qui paraît globalement plus élevée sur l?A75, comparé à l?ensemble des autoroutes. La prise en compte, en complément des accidents corporels, des autres incidents de conduite, comme les accidents matériels et les forts freinages, tend à mettre en évidence que le taux d?incidents dans la rampe de Massiac se situe dans la moyenne haute, comparé aux autres montées présentes sur l?A75 et que, sur cette autoroute, ce taux d?incident n?est pas forcément plus élevé dans les descentes que dans les montées. Compte tenu de ces éléments, le BEA-TT considère qu?il est nécessaire de réaliser dans le temps une surveillance particulière quant aux accidents, corporels ou matériels, se produisant dans la rampe de Massiac et en particulier lorsqu?ils impliquent une collision arrière contre un PL. Ce suivi devrait comprendre autant que possible une analyse systématique et consignée sur les circonstances de ces accidents, et prenant en compte les différents éléments d?information dont peuvent disposer les forces de l?ordre. Plus largement, le BEA-TT considère qu?il serait opportun d?inclure un volet PL dans les études d?enjeux, réalisées tous les 5 ans, et d?établir une analyse annuelle des accidents de PL survenant sur l?ensemble de l?A75, éventuellement limitée aux accidents corporels, soit moins d?une dizaine de cas par an, et permettant de consigner leur typologie, le lieu et les caractéristiques correspondantes de l?infrastructure. 76 5.7.2 - Les équipements et la signalisation La montée en direction du col de la Fageole a fait l?objet en 2022 d?un déploiement de dispositifs d?alerte sonore (DAS), positionnés en rive droite de la chaussée et destinés à prévenir les effets de l?hypovigilance des usagers, en alertant ceux-ci («effet bande rugueuse») qu?ils se déportent vers la droite et «mordent» la BAU. Comme évoqué en 2.1.3, la rampe de Massiac ne faisait pas l?objet à la date de l?accident d?une signalisation spécifique de danger, contrairement à la même section en descente. En 2023, la DIRMC a commencé à apposer dans cette rampe la signalisation relative au risque de heurt de véhicules lents prévue par l?IISR, par la pose en BAU des panneaux suivants: ? au PR 77+200: A14 avec M9J2 et M2 signalant une étendue de 3000m; ? au PR 78+700: A14 avec M9J2 et M2 signalant une étendue de 1500m. Elle a également étudié la possibilité de positionner une signalisation complémentaire constituée d?un panneau lumineux, de type A14 + M9J2 + M2, assorti à un détecteur discriminant pour le déclencher et prenant en compte le gabarit pour détecter les poids lourds ainsi que leur vitesse. Cette signalisation lumineuse pourrait ainsi être activée lorsqu?un véhicule lent est détecté. Ce dispositif devrait commencer à être testé en 2024. Le BEA-TT considère que la signalisation mise en place par la DIRMC gagnerait à être complétée afin de couvrir plus complètement la rampe et comme le prévoit l?IISR. En effet, l?analyse des vitesses montre qu?une partie des PL est susceptible de voir sa vitesse baisser fortement, notamment sous le seuil de 50km/h, à partir du PR 73, soit bien avant le premier panneau qui a été posé. Par ailleurs, la pose d?un panneau au début de la montée, comme spécifiée par l?IISR, est de nature à avertir les conducteurs de PL de la présence d?une longue montée à venir et peut contribuer à les inciter davantage à activer les feux de détresse en cas de vitesse basse. Il conviendrait également de réaliser une analyse sur l?ensemble de l?itinéraire de l?A75 afin d?identifier les autres montées où cette signalisation mériterait d?être déployée. Nonobstant les aspects financiers, l?un des enjeux pourra être de combiner au mieux deux des critères d?efficacité de la signalisation routière: d?une part l?homogénéité, qui implique que dans des conditions identiques, l?usager rencontre des signaux de même valeur et de même portée, implantés suivant les mêmes règles, et d?autre part la simplicité qui s?obtient en évitant une surabondance de signaux qui fatigue l?attention de l?usager. D?après les précisions qui ont été apportées par la DIRMC en novembre 2023, cette analyse d?ensemble est d?ores et déjà engagée, dans le cadre des actions qu?elle mène actuellement sur la problématique des fortes pentes, ainsi que la commande d?un complément de signalisation pour deux autres rampes de l?A75. Si la DIRMC a indiqué privilégier l?utilisation exclusive des PMV aux fins de signalement des évènements d?exploitation, le BEA-TT fait toutefois remarquer qu?il pourrait par ailleurs être fait usage du PMV positionné dans la rampe au PR 76+810pour: ? Informer les usages d?un risque de heurt de véhicule lent dans cette montée. Cette information pourrait faire l?objet d?un affichage à partir du PMV dans certaines circonstances, par exemple en cas de visibilité réduite. ? Et les sensibiliser sur le risque de somnolence. La communication correspondante pourrait faire l?objet d?un affichage à partir du PMV à certains moments et en privilégiant les situations les plus propices à ce risque (certaines heures, faible trafic), tout en étant intégrée le cas échéant aux différents messages de sécurité routière qui sont rappelés aux usagers à partir des PMV. 77 Si, en dépit de l?ensemble de ces réalisations, les accidents impliquant un PL devaient continuer à se produire dans la rampe de Massiac à une fréquence significative, des mesures complémentaires seront à envisager. Comme évoqué dans la partie précédente, les référentiels actuellement en vigueur n?amènent pas à considérer qu?un tel aménagement serait particulièrement opportun dans la rampe de Massiac. La réalisation d?un tel aménagement dans une rampe existante ne paraît pas effectivement évidente si elle n?est pas également justifiée, au moins pour partie, par des considérations capacitaires. Au vu des exemples considérés dans le présent rapport, il apparaît que les collisions arrière contre un PL lent en rampe surviennent majoritairement en situation de faible trafic. Pour autant, l?A75 comporte quelques VSVL dans certaines sections, en montée comme en descente, sans que le trafic n?y soit nécessairement bien plus important que ce qu?il est dans la rampe de Massiac. Les critères ayant conduit à la mise en oeuvre de VSVL sur ces sections, et pas sur d?autres, n?ont pas pu être précisés par la DIRMC. Sont sans doute entrés en ligne de compte les fortes contraintes de site et le fait que la réalisation de l?A75 s?est opérée en plusieurs phases sur une vingtaine d?années. Avant l?aménagement d?une VSVL, qui pourrait être considérée comme la solution ultime, un premier degré de mesure pourrait consister à abaisser à 110km/h la vitesse maximale autorisée sur cette section. Du point de vue de la doctrine routière, une telle mesure a notamment pour inconvénient de dégrader la qualité de service offerte à l?usager et en quelque sorte de pénaliser le plus grand nombre du fait d?un petit nombre se trouvant contraint en termes de vitesse. Son intérêt est de réduire le différentiel de vitesse entre les véhicules circulant dans la rampe, voire également dans le cas présent d?homogénéiser davantage l?itinéraire, puisque la section réglementée à 130km/h et comprenant la rampe ne mesure qu?une quinzaine de kilomètres. Comme présenté au 5.5.2, l?écart de vitesse entre les VL les plus rapides et les PL les plus lents peut dépasser 80km/h au plus fort de la rampe de Massiac et il est plus réduit sur la seconde section de la montée, après l?échangeur de Saint-Poncy, compte tenu de l?abaissement de la vitesse réglementaire à 110km/h. En conclusion, le BEA-TT formule les recommandations suivantes: Recommandation R5 à la Direction Interdépartementale des Routes Massif Central: Compléter la signalisation relative au risque de heurt de véhicules lents afin qu?elle couvre l?ensemble de la rampe de Massiac et, en fonction des résultats dans le temps du suivi des accidents, envisager d?autres mesures de prévention, telles que l?abaissement de la vitesse réglementaire et l?analyse d?opportunité de mise en place d?une VSVL. Mettre en oeuvre cette signalisation sur les autres sections de l?A75 qui le justifient. Le BEA-TT invite par ailleurs l?exploitant autoroutier à réaliser, en lien avec les forces de l?ordre, une analyse systématique des circonstances des accidents, corporels et matériels, impliquant un PL dans la rampe de Massiac. Il serait également utile d?établir un bilan annuel des accidents de PL survenant sur l?A75 afin d?en consigner leur lieu et leur typologie et de compléter les études d?enjeu quinquennales avec un volet PL. 78 6 - Synthèse des recommandations et des invitations Recommandation R1 - DJEPVA, ministère de l?Éducation nationale et de la Jeunesse: Établir une instruction nationale spécifique à l?usage du minibus (voire du véhicule personnel) afin de rappeler, aux différents organisateurs (accueil collectif de mineurs ? ACM, associations notamment) y ayant recours pour transporter un collectif de personnes, les responsabilités associées et les règles de sécurité et de prévention à prendre pour la préparation et la réalisation de ces déplacements. Mettre en oeuvre, à l?attention des organisateurs précités et de leurs conducteurs, une sensibilisation d?envergure sur les risques d?hypovigilance et de manque d?attention lors de la conduite, dont les risques lors des trajets sur autoroute et liés en particulier au manque de sommeil et à l?usage du régulateur de vitesse. Par ailleurs, le BEA-TT invite les autres ministères concernés par le convoyage par minibus d?enfants à suivre cette même recommandation: ministère des Solidarités et des Familles, ministère des Sports et des Jeux olympiques, ministère de la Justice. Recommandation R2 - DSR, ministère de l?Intérieur et des Outre-mer: Compléter le Code de la route afin de rendre explicite l?obligation d?usage des feux de détresse lorsque le conducteur est contraint de circuler à une vitesse réduite du fait d?une configuration en rampe, assortie d?un seuil caractérisant une vitesse lente sur autoroute, comme pratiqué par exemple en Espagne. Recommandation R3 - Organismes de formation de conducteurs de poids lourds : Mettre en place une sensibilisation des conducteurs de véhicules lourds sur la nécessité de faire usage des feux de détresse, sur autoroute notamment, lorsque la vitesse est fortement réduite du fait d?une configuration en rampe. Le BEA-TT invite également l?Union internationale des transports routiers (IRU) et les organisations professionnelles françaises de transport routier de marchandises, ainsi que le groupe GIRTEKA, à relayer cette sensibilisation auprès de leurs adhérents, par une communication dédiée à l?attention des conducteurs de poids lourds. Par ailleurs, le BEA-TT s?adresse à l?organisation internationale des constructeurs automobiles (OICA) pour inviter constructeurs et équipementiers à réfléchir à la possibilité de développer un système qui automatise le déclenchement des feux de détresse pour des PL circulant à une vitesse réduite dans les configurations en rampe sur autoroute. Recommandation R4 - DGITM, ministère en charge des transports: Actualiser et compléter les éléments de doctrine sur les sections routières à forte rampe, en poursuivant la démarche de révision de la note n°21 du SETRA, afin que ces sections fassent l?objet d?un suivi, prenant en compte l?accidentologie et l?incidentologie, et d?un meilleur signalement du risque de heurt de véhicule lent. Les réflexions pourraient être conduites à l?image du guide sur l?aménagement des fortes pentes et permettre de faire émerger des solutions intermédiaires pour traiter ce risque en l?absence de VSVL. Recommandation R5 - Direction Interdépartementale des Routes Massif Central: Compléter la signalisation relative au risque de heurt de véhicules lents afin qu?elle couvre l?ensemble de la rampe de Massiac et, en fonction des résultats dans le temps du suivi des accidents, envisager d?autres mesures de prévention, telles que l?abaissement de la vitesse règlementaire et l?analyse d?opportunité de mise en place d?une VSVL. Mettre en oeuvre cette signalisation sur les autres sections de l?A75 qui le justifient. Le BEA-TT invite par ailleurs l?exploitant autoroutier à réaliser, en lien avec les forces de l?ordre, une analyse systématique des circonstances des accidents, corporels et matériels, impliquant un PL dans la rampe de Massiac. Il serait également utile d?établir un bilan annuel des accidents de PL survenant sur l?A75 afin d?en consigner leur lieu et leur typologie et de compléter les études d?enjeu quinquennales avec un volet PL. 79 ANNEXES Annexe 1: Décision d?ouverture d?enquête Annexe 2: Vigilance et attention en conduite automobile Annexe 3: Récapitulatif non exhaustif des accidents avec minibus Annexe 4: Note de cadrage de la Ville d?Amiens sur l?usage des minibus Annexe 5: Mesures de vitesse en rampe, programme Alert?Infra PL Annexe 6: Evolution des vitesses dans la rampe de Massiac sur l?A75 Annexe 7: Données d?incidents issues de véhicules connectés sur l?A75 Règlement général de protection des données 80 Annexe 1: Décision d?ouverture d?enquête 81 Annexe 2: Vigilance et attention en conduite automobile Les processus de vigilance et d?attention en conduite automobile Les défauts de vigilance et d?attention, tels que par exemple la somnolence pour l?un et la distraction pour l?autre, sont depuis quelques années fréquemment cités parmi les causes ou les facteurs majeurs d?insécurité routière, même si cette mise en exergue est effectuée avec des prévalences assez variables selon les sources. Les études et travaux de recherches réalisés sur ces sujets sont nombreux, notamment pour ce qui concerne les problèmes de vigilance. Plus récemment, les questions de l?attention au volant ont été mises sur le devant de la scène avec le sujet de l?usage du téléphone et des nouvelles technologies embarquées. Les éléments présentés dans cette partie sont tirés des documents suivants: ? rapport sur les défaillances d?attention en conduite, rédigé en mars 2016 dans le cadre du comité des experts du Conseil national de la sécurité routière (CNSR); ? rapport «De la vigilance à l?attention ? influence de l?état psychophysiologique et cognitif du conducteur dans les mécanismes d?accident», INRETS, 2009. Les notions de vigilance et d?attention ont souvent tendance à être confondues dans le langage courant et peuvent parfois prendre des définitions différentes dans le domaine scientifique. Elles qualifient des phénomènes complexes. Dans le domaine de la conduite et tout en sachant que ces notions renvoient à des processus qui sont étroitement liés dans le fonctionnement de l'individu, la distinction qui est faite vise à permettre de différencier aussi clairement que possible les défaillances correspondantes, à la fois du point de vue de leurs origines et donc des facteurs qui les produisent et du point de vue des types d?accidents qu?ils provoquent. La notion de vigilance fait référence à l?état d?activation du système nerveux central d?un individu et donc plutôt à l?état physiologique de celui-ci. Elle qualifie des processus qui se répartissent sur un continuum allant de la veille active jusqu?au sommeil profond et qui sont qualifiés de "non spécifiques" au sens où l?on n?est pas vigilant à tel ou tel aspect de la situation: on est globalement dans un niveau de vigilance plus ou moins élevé. Sans parler des malaises, les problèmes lors de la conduite vont être la perte et les baisses de vigilance associées au sommeil: l?endormissement et les étapes intermédiaires entre veille et sommeil que sont l?hypovigilance et la somnolence, cette dernière pouvant entraîner des périodes de micro-sommeil. L?attention renvoie aux aspects cognitifs de l?activité humaine: l?orientation de la pensée et la capacité à orienter plus ou moins intensément son esprit sur tel ou tel aspect d?une situation. Les processus correspondants sont qualifiés de "spécifiques" au sens où, à la différence de la vigilance, on fait attention à quelque chose en particulier et possiblement au détriment d?autre chose, du fait des limites de nos ressources attentionnelles. C?est cette orientation spécifique qui doit permettre au cerveau de traiter l'information qui nous est utile pour l?activité que l?on cherche à réaliser. En résumé, l?attention se rapporte à un aspect qualitatif du traitement de l?information tandis que la vigilance se réfère plutôt à un aspect quantitatif du niveau d?éveil. 82 Ces deux processus, distincts mais interdépendants, sont fondamentaux dans l?activité complexe qu?est la conduite et qui implique notamment, dans un environnement en mouvement, des fonctions de perception, de cognition35 et d?action. Elle suppose notamment une prise permanente d?informations, de nature différente, fondée sur les capacités d?attention des individus. Pour s'exercer de façon appropriée, l'attention a besoin de pouvoir s'appuyer sur un niveau de vigilance suffisant: un certain niveau de vigilance est nécessaire tant sur la quantité, que sur la qualité des ressources attentionnelles disponibles, mais également au plan du contrôle de la distribution de ces ressources. Mais un bon niveau de vigilance ne suffit pas pour conduire efficacement, encore faut-il affecter son attention aux bons endroits aux bons moments. Les défauts d?attention: quand les conducteurs se déconcentrent L?attention est un système aux ressources limitées, l?être humain est par conséquent limité dans sa possibilité de diviser efficacement son attention entre plusieurs tâches. En situation réelle, le conducteur n?est pas continuellement centré à 100% sur la conduite (il a notamment tendance à moduler l?intensité de son attention en fonction de la complexité de la situation routière qu?il rencontre) et ses ressources attentionnelles peuvent se partager entre plusieurs composantes de son activité: la conduite et ses multiples sous- composantes (le contrôle de la trajectoire, la veille sur les autres véhicules, etc.), les pensées, des stimulations externes comme l?écoute de la radio. Le problème se pose lorsque l?attention consacrée à la conduite devient insuffisante par rapport aux exigences de la tâche, car trop portée sur des éléments sans lien avec la conduite: le défaut d?attention est alors qualifié de distraction ou d?inattention. On parle par ailleurs de compétition d?attention entre sous-tâches de conduite pour caractériser la concurrence entre plusieurs éléments qui sont liés à la conduite et dont l'un va être privilégié au détriment d?un autre, par exemple: rechercher intensivement une direction pour suivre un itinéraire / interagir avec le trafic; surveiller la scène routière dans sa globalité / se focaliser sur un élément précis de la situation. Le terme «distraction» est utilisé pour évoquer une situation où l?attention du conducteur est détournée vers un élément situé à l?extérieur du véhicule (comme regarder une scène d?accident) ou à l?intérieur (interagir avec les passagers par exemple). Ce type de situation peut engendrer des risques accidentels plus ou moins élevés selon les types de ressources qui sont mobilisées au niveau du conducteur et leur durée de mobilisation. On distingue classiquement trois natures de distraction, sachant que ces modalités peuvent être combinées l?une à l?autre(par exemple: écrire un sms mobilise à la fois les yeux, les mains et l?esprit; régler la climatisation mobilise en général les yeux et la main): ? visuelle (regarder autre chose que la scène routière); ? motrice (réaliser une tâche qui amène à enlever au moins une main du volant, ce qui diminue l?aptitude à maîtriser le véhicule); ? cognitive (réaliser une tâche qui mobilise l?esprit au détriment de l?attention portée à la conduite, comme téléphoner ou écouter attentivement une émission radio). 35 Activités mentales liées à l?élaboration et à la mise en oeuvre de connaissances de l?individu; représentation, compréhension, diagnostic, anticipation, décision, etc. 83 Le terme «inattention» est utilisé pour qualifier un déficit d?attention portée à la conduite qui est plus général. Il évoque une situation où l?attention du conducteur est détournée vers ses propres pensées et préoccupations diverses, qui l?amènent à se détacher de la tâche de conduite, et sans nécessiter, comme vu précédemment, de déclencheur externe spécifique. On peut aussi parler de «distraction interne à l?individu» en considérant que l?inattention constitue une "distraction" par ses propres pensées. Ce phénomène tend à émerger plutôt dans des contextes de conduite routinière ou facile, ou ressentis comme tels par le conducteur au point qu?il laisse son attention dériver vers ses pensées, en réalisant son activité de conduite sur un mode automatisé recourant peu à l?attention. Cela peut prendre la forme d?une rêvasserie ou de la notion de «mind wandering» (le fait d?être perdu dans ses pensées, le vagabondage de l?esprit), telle qu?elle est étudiée en neuroscience: le conducteur laisse errer son esprit (du fait d?une préoccupation particulière ou non), ce qui l?amène à se déconnecter plus ou moins fortement de la scène de conduite. Par ailleurs, les problèmes d?ordre personnel ou professionnel chargés émotionnellement, peuvent parfois constituer en eux-mêmes des sources d?inattention et générer un sur risque d?accident. Qu?il s?agisse de phénomènes d?inattention, de distraction ou de compétition d?attention, tels que présentés ci-avant, les effets d?un point de vue cognitif peuvent dans certains cas être très proches: le conducteur se retrouve en situation de double tâche dont l?une va se faire au détriment de l?autre, car les deux tâches sont concurrentes du point de vue de l?attention. La distinction est intéressante, car ces trois phénomènes n?ont pas la même origine et peuvent donc appeler à des solutions différentes pour limiter leur impact sur l?accidentalité. L?estimation de cet impact peut être approchée à partir des études détaillées d?accidents de la route (EDA), qui permettent une analyse en profondeur des mécanismes accidentels. Le rapport du CNSR indique que l?influence sur l?accidentalité des défauts d?attention est ainsi évaluée aux alentours de 25% à 35% des cas d?accidents étudiés (Wang et al 1996; Talbot et Fagerlind, 2009; Van Elslande et al., 2009; Robertson, 2011, etc.), tout en rappelant que cette influence se combine souvent à celle d?autres facteurs comme la vitesse, la complexité de l?infrastructure, etc. S?agissant de l?estimation du problème de l'inattention, le CNSR fait référence à une étude épidémiologique (Lagarde et al. 2004) dont les résultats suggèrent que le détournement de l?attention vers des pensées sans rapport avec la tâche de conduite, qui font notamment référence à la notion de "Mind Wandering", est à l?origine de 9% des accidents. Il faut être prudent vis-à-vis de la définition donnée aux concepts dans les différentes études et données statistiques. Certaines rassemblent derrière le terme "d?inattention" l?ensemble des problèmes d?attention, c?est le cas par exemple des bilans publiés par l?ASFA. D?autres y englobent même les problèmes de somnolence, donnant ainsi des estimations d?autant plus élevées. Ceci explique en grande partie les différences d?attribution causale dans les accidents selon les études. Par ailleurs, la fatigue est souvent regroupée avec la somnolence au niveau des facteurs humains qui sont identifiés dans les statistiques d?accidentologie, c?est le cas des données BAAC utilisées par l?ONISR et des données publiées par l?ASFA. 84 Évaluation de l?influence des problèmes de vigilance et d?attention dans les mécanismes d?accident Le rapport INRETS de 2009, évoqué ci-avant, rend compte de l?étude réalisée par Van Elslande et al., en vue de qualifier précisément l?implication d?un défaut de vigilance et d?un défaut d?attention d?un point de vue accidentologique. Il ne suffit pas qu?un tel défaut soit présent pour qu?il joue nécessairement un rôle déterminant dans le mécanisme accidentel. L?étude a donc cherché à mesurer leur degré d?influence relative en fonction des autres paramètres du contexte de conduite ayant pu contribuer à la genèse de l?accident. L?analyse s?est basée sur une exploitation approfondie des données détaillées d?accidents, selon un modèle rendant compte des défaillances fonctionnelles humaines et de leurs conditions d?occurrence sous la forme de scénarios-types de production de l?erreur. Ces scénarios-types peuvent se définir comme la trame commune à des accidents qui se déroulent dans des conditions très similaires en termes de défaillances fonctionnelles et de contexte de conduite dans lequel ces défaillances surviennent. La base de données étudiée porte sur près de 1900conducteurs impliqués dans un peu plus de 1100accidents, de laquelle il ressort que le facteur relatif à la vigilance est impliqué dans 12% des cas et celui relatif à l?attention dans 34% des cas. Les résultats montrent que les problèmes de vigilance aboutissent souvent à des accidents de type perte de contrôle et que le facteur vigilance, dans la majorité des cas, suffit à expliquer la défaillance. Les problèmes d?attention sont plus complexes et font ressortir une large variété de configurations accidentelles. Alors que certains défauts attentionnels vont être seulement contributifs dans l?accident, d?autres pourront avoir une influence plus directe et devenir déterminants de la défaillance de conduite. Sont extraits ci-après quelques éléments de l?étude. 1) Sur 112 cas concernés par le facteur vigilance dans l?échantillon et étudiés, on identifie 72% des conducteurs pour lesquels la défaillance découle directement d?une dégradation du niveau de vigilance. Autrement dit, lorsqu?un trouble de la vigilance intervient dans un processus accidentel, il est le plus souvent à l?origine directe de la dégradation de la situation, un des exemples les plus évidents étant l?endormissement. Toutefois, s?agissant plus particulièrement de la fatigue, il ressort que celle-ci a le plus souvent un degré d?impact plus faible (influence co-déterminante ou contributive) dans la genèse de l?accident, et se combine à d?autres facteurs pour générer une défaillance. Dans 77% des cas, les accidents surviennent lors de situation stabilisée de conduite (à la différence des deux autres catégories de classification considérées, que sont la gestion d?une intersection et la réalisation d?une manoeuvre spécifique), autrement dit, pendant la réalisation de tâches de conduite qui sont plutôt simples: ? Circuler en section rectiligne (ou en courbe facile) sans autre exigence que le guidage du véhicule ? 50% des cas étudiés. ? Circuler en section rectiligne avec interférence d'un véhicule plus lent (ou à l?arrêt) ? 3% des cas étudiés. ? Négocier un virage nécessitant un ajustement de la vitesse et de la trajectoire ? 24% des cas étudiés. Les pertes de conscience suite à un endormissement ou à un malaise représentent près de 40% des cas étudiés. Dans presque tous les cas, l?endormissement survient dans une situation stabilisée de conduite (et pour 88% des cas dans la première des situations décrites ci-avant). L?endormissement survient donc le plus souvent dans un environnement routier dit monotone: dans de telles conditions de circulation, les conducteurs relâchent leurs efforts de concentration et ont tendance à s?assoupir. 85 L?un des scénarios types d?accident est l?endormissement lié à la fatigue: ? Tous les accidents répertoriés dans ce type surviennent sur un itinéraire dit monotone, se déroulent sur un tracé facile, une chaussée large et bon état. ? L?ambiance dans l?habitacle est neutre, la radio n?est pas allumée, le conducteur est seul ou les autres occupants sont généralement déjà en train de dormir? ? Lorsque le trajet est lié au départ ou au retour de vacances: les conducteurs n?ont pas de soucis ni de contrariétés, ils ne présentent pas de fatigue autre que celle liée à une longue période de conduite. L?heure de l?accident est assez variable. C?est la longueur du trajet (de l?ordre de 700km parcourus) qui renseigne le plus sur l?origine de la fatigue ressentie par les usagers. 2) 283 cas concernés dans l?échantillon, impliquant une défaillance expliquée ou co-expliquée par un facteur d?ordre attentionnel, ont été étudiés. Dans 27% des cas, les accidents surviennent lors de situation stabilisée de conduite: ? Circuler en section rectiligne (ou en courbe facile) sans autre exigence que le guidage du véhicule ? 9% des cas. ? Circuler en section rectiligne avec interférence d?un véhicule plus lent (ou à l?arrêt) ? 11% des cas ? Négocier un virage nécessitant un ajustement de la vitesse et de la trajectoire ? 7% des cas. À la différence des situations d?intersection, lorsqu?un défaut d?attention est relevé en situation stabilisée, il a souvent un impact plus déterminant dans l?accident. Par exemple, dans la deuxième des situations décrites ci-avant, le problème d?attention est déterminant dans 52% des cas et co-déterminant sinon. a) Le type de défaillance le plus fréquent induit par un défaut d?attention du conducteur porte sur la fonction de perception (43% des cas étudiés). b) Parmi ces défaillances de perception, figure la catégorie qualifiée de «négligence des exigences de recherche d?information». Elle se rapporte au cas de conducteurs qui se décentrent temporairement de l?activité de conduite, notamment sur des trajets monotones, et qui expliquent eux-mêmes leur accident par le fait qu?ils étaient «dans la lune». Dans cet état particulier et pour ce type d?accident, le conducteur ne voit pas l?obstacle, pourtant visible, jusqu?au moment où celui-ci s?impose à lui. Cette défaillance représente 21% des conducteurs produisant une défaillance de perception en lien avec un problème d?attention, soit 9% du total des cas étudiés, c?est-à- dire du total des accidents impliquant un défaut d?attention du conducteur. Un peu plus de la moitié des cas concernés se rapportent à la détection tardive du ralentissement d?un véhicule devant, dont le scénario type peut être décrit comme suit: Les conducteurs circulant en situation stabilisée et sans exigences fortes (ligne droite, courbe facile), sont confrontés au ralentissement du véhicule les précédant. Le très faible niveau d?attention que ces conducteurs portent à leur tâche de conduite, en liaison avec un détournement de l?attention vers une activité «introspective», est directement à l?origine de la non-détection du véhicule devant. Le regard pourtant porté vers l?avant, les conducteurs expriment le fait d?être «ailleurs, dans leurs pensées». Au point que la prise de conscience du danger se fait parfois seulement au moment du choc. Elle est en tous cas toujours trop tardive, ne laissant pas le temps au conducteur de faire plus qu?amorcer un freinage avant la collision. Dans 70% des cas étudiés, les conducteurs sont sur un trajet dont ils ont l?habitude, ce qui les incite à retirer leur attention de la scène routière pour la reporter sur leurs préoccupations ou leurs pensées, au point de ne pas détecter ce qui se passe directement dans leur champ visuel. 86 c) Le type de défaillance le moins fréquent induit par un défaut d?attention du conducteur porte sur la fonction d?exécution de l?action, c?est-à-dire l?étape motrice de l?activité de conduite. Ainsi, dans 5% des cas étudiés, la défaillance concerne un défaut de guidage du véhicule et donc une perte de contrôle de la trajectoire qui sont imputables à un défaut d?attention du conducteur, sans que s?y adjoignent d?autres facteurs explicatifs. L?erreur de guidage est alors liée au fait que le conducteur détourne son attention de la tâche de conduite et ne prête plus ou pas suffisamment d?attention à la gestion de la trajectoire. Soit l?attention du conducteur est détournée vers une stimulation externe ou une tâche annexe à la conduite (ranger des CD, ramasser une bouteille d?eau par exemple), c?est le cas le plus fréquent dans l?échantillon étudié. Soit le conducteur profite d?un trajet facile et/ou familier pour se plonger dans ses préoccupations: dans ce cas-là, on a à faire à des conducteurs simplement inattentifs à leur conduite et qui ne détournent pas forcément le regard de la scène routière, mais le niveau attentionnel est bien trop bas pour guider correctement le véhicule et s?apercevoir à temps de la dérive. Dans les deux cas, le manque d?attention entraîne également une prise de conscience tardive de la situation, rendant les manoeuvres de récupération impossibles. Enfin, il peut être cité le travail qui a fait l?objet d?une thèse réalisée à l?INRETS en 1999: «Scénarios types d?accidents de la circulation sur autoroute: élaboration, méthodes de reconnaissance et applications pour le diagnostic et la prévention». Dans cette thèse, Brahim Megherbi analyse près de 300 accidents sur autoroute et en dégage 20 scénarios types, dont en particulier les suivants: ? [1]: long trajet et/ou fatigue prononcée, endormissement profond et sortie de chaussée sans manoeuvre d?urgence; ? [2a]: hypovigilance, assoupissement bref, coup de volant et sortie de chaussée; ? [2b]: hypovigilance, assoupissement bref, choc sur véhicule en aval; ? [5a] (ou 5b): détournement de l?attention par une tâche annexe dans le véhicule (ou par une tâche annexe concurrente relative à la conduite) entraînant une déficience du contrôle de la vitesse par rapport au véhicule précédent; ? [5c]: détournement de l?attention souvent lié à une prise d?informations à l?intérieur du véhicule, ou sur un élément extérieur à l?autoroute, entraînant une déficience du contrôle de la trajectoire suivie d?un coup de volant brusque; ? [15a]: usager rapide, prise en compte tardive ou mauvaise évaluation de la vitesse d?un usager plus lent circulant en aval, collision avec celui-ci. 87 Pierre Van Elsande et al. présentent ce modèle de fonctionnement et de représentation pour les processus de vigilance et d?attention en conduite automobile comme suit : Explications: Le niveau de vigilance de l?individu constitue le socle de toute activité. Il est sous l?influence d?un ensemble de facteurs endogènes et exogènes, parmi lesquels le temps, la durée de l?activité, constituent un vecteur fondamental de sa dégradation. Pour s?exercer de façon appropriée, l?attention a besoin de pouvoir s?appuyer sur un niveau de vigilance suffisant. Mais un bon niveau de vigilance ne suffit pas pour conduire efficacement, encore faut-il affecter son attention aux bons endroits aux bons moments. L?attention constitue un réservoir de ressources limitées que l?individu doit répartir de façon satisfaisante sur les différentes composantes de son activité et les paramètres pertinents de son environnement sous peine d?échouer dans son objectif. Le contrôle de ces ressources d?attention par le système cognitif s?exécute sous l?influence d?un certain nombre de variables liées par exemple à l?expérience et aux motivations de l?individu, aux caractéristiques de sa tâche, etc. Le système attentionnel fonctionne efficacement lorsque la répartition des ressources est adaptée aux exigences de la tâche réalisée. Une trop forte affectation des ressources d?attention sur une composante de l?activité au détriment d?un élément critique pour la sécurité résultera en un défaut d?attention, de nature différente selon la composante de l?activité qui est surinvestie: "inattention" pour un surinvestissement de ses pensées, "distraction" pour un surinvestissement d?une activité annexe à la conduite, "compétition d?attention" pour un surinvestissement d?une sous- tâche de conduite au détriment d?une autre. 88 Annexe 3: Récapitulatif non exhaustif des accidents avec minibus Les deux précédents rapports d?enquête du BEA-TT sur le sujet Accident survenu le 22 juillet 2014 à 14h40, sur la RD 619 à Courteranges (10) Un minibus transportait sept enfants de la ville de Nangis (Seine-et-Marne), encadrés par deux animateurs du service municipal, dans le cadre d?une sortie à la journée organisée par la ville. Le minibus se déporte sur la gauche et percute un ensemble routier qui circulait en sens inverse. Six occupants du minibus sont tués et les trois autres sont blessés. La cause probable est l?endormissement du conducteur lié à un manque de sommeil combinée à une hypoglycémie sévère provoquée par un jeûne prolongé. Accident survenu le 27 mars 2014 à 17h45 sur la RD 7 à Pourrières (83) Un poids lourd percute au droit d?un carrefour avec une voie communale l?arrière d?un minibus de transport scolaire et une voiture particulière qui, sur la même voie, devant lui, s?apprêtaient à tourner à gauche. Bilan: 5 blessés dans les trois véhicules et 2 lycéennes tuées dans le minibus. La cause probable est l?inattention du conducteur du PL. Le décompte, non exhaustif, des accidents entre octobre 2021 et octobre 2023 Le fichier national des accidents corporels de l?ONISR ne permet pas de recenser les accidents impliquant un minibus, puisque ce type de véhicule n?est pas distingué dans les données et est assimilé à ce qu?il est réglementairement, à savoir une voiture particulière. Le décompte ci-après a été réalisé par le BEA-TT à partir de la veille qu?il réalise sur les accidents (articles de presse, signalements effectués par les gestionnaires routiers et les services de secours au centre ministériel de veille du ministère chargé de la transition écologique et des transports). Transport d?enfants dans le cadre d?un séjour de vacances ou d?une sortie de loisirs. Total: 7 accidents recensés entre octobre 2021 et octobre 2023 Le 25 juillet 2022 à 16h25, sur la RD 786 à Paimpol (Côtes-d?Armor, 22): Deux minibus circulant en convoi acheminaient des adolescents de Morangis (91) vers leur lieu de séjour, à Lézardrieux (22), lorsque le premier des véhicules est entré en collision avec un tracteur agricole. La conductrice du minibus a été gravement blessée, tandis que six enfants âgés de 13 à 14ans ont légèrement blessés. Le 26 juillet 2022 à 10h55, sur la RD 61 à Val-en-Vignes (Deux-Sèvres): Au carrefour des routes départementales 160 et 61, un minibus qui transportait huit adolescents d?un centre de loisirs de Saumur pour se rendre au Parc de la Vallée est entré en collision avec une voiture circulant sur l?axe prioritaire. Bilan: 6 blessés légers. Le 2 novembre 2022 à 16h30, sur la RD 214 à Rustrel (Vaucluse): La conductrice d?un minibus qui transportait des adolescents de 14 à 17ans revenant d?un escape game a fait une sortie de route. Bilan: 1 blessé grave, 7 blessés légers. Le 10 juillet 2023 à 14h50, sur la RD 942 à Magnac-Laval (Haute-Vienne): Une collision latérale a eu lieu entre deux voitures et un minibus transportant huit enfants d?une colonie de vacances. Un autre véhicule de la colonie de vacances faisait également le trajet. Bilan: 5 blessés légers. 89 Le 20 août 2023 à 12h50, sur la RD 128 (ou RD 26?) à Saint-Augustin (Corrèze (19): Un dimanche, le conducteur d?un minibus qui transportait huit adolescents d?une colonie de vacances a perdu le contrôle de son véhicule. L?accident pourrait être consécutif à une perte de connaissance du chauffeur à la suite d?un malaise. Bilan: 5 blessés légers. Le 23 août 2023 vers 14h, sur la RD 10 à Salt-en-Donzy (Loire): Un minibus transportait sept enfants âgés de 8 à 12ans et leurs deux accompagnateurs et devait les conduire d?un centre de colonie de vacances jusqu?à un centre aquatique. La conductrice a perdu le contrôle du véhicule qui aurait fait plusieurs tonneaux avant de s?immobiliser sur le bas-côté. Une enfant et une jeune femme de 19ans ont dû être héliportées. Les sept autres occupants ont été blessés légèrement. Le 25 août 2023 à 17h45, sur la RD 154 à Houeillès / Sauméjan (Lot-et-Garonne): Deux minibus transportaient des enfants âgés de 11-13 ans qui séjournaient dans un centre de vacances à proximité et revenaient d?une activité aquatique. Le premier véhicule a effectué une sortie de route sur sa gauche et a percuté un parapet en béton. La cause est un possible endormissement du conducteur, âgé de 26 ans et qui est un animateur du centre de vacances. Un enfant est décédé, quatre ont été blessés gravement, deux autres et le conducteur l?ont été plus légèrement. Transport d?enfants en situation de handicap Total: 7 accidents recensés entre octobre 2021 et octobre 2023, dont ceux ci-après. Le 4 mars 2022 à 19h35 sur l?A1 à Plailly (Oise): Un accident a impliqué deux voitures, un minibus transportant sept enfants handicapés et un poids lourd. Deux personnes ont été légèrement blessées dont un enfant de 7ans. Le 9 juillet 2022 à 11h50, sur l?A16 à Fléchy (Oise): Un samedi, un minibus transportant des personnes d?un foyer pour handicapés qui se rendaient à la mer, a quitté sa trajectoire et s?est couché sur le flanc, sur BAU et le bas-côté qui borde la chaussée. Les neuf occupants ont été blessés, dont un gravement. Le 3 août 2022 à 17h, sur la RD 918 à Itxassou (Pyrénées-Atlantiques): Le conducteur du minibus transportant des personnes handicapées a eu son attention perturbée par les passagers, il s?est déporté sur la gauche et a percuté une voiture circulant en sens opposé. Cinq personnes ont été blessées dont une gravement. Transport scolaire Total: 1 accident recensé (dérapage sur une route verglacée) Déplacement en lien avec une association ou un club de sport Total: 6 accidents recensés entre octobre 2021 et octobre 2023 Le 23 septembre 2021 à 1h40, sur l?A85 à Mareuil-sur-Cher (Loir-et-Cher): Un convoi constitué de quatre minibus de location et transportant des supporters officiels de l?OM revenait dans la nuit d?un match de foot ayant eu lieu à Angers. Le minibus de queue percute l?arrière d?un poids lourd circulant à une vitesse normale, sans doute en raison d?un défaut d?anticipation pour doubler le camion. Le conducteur du minibus, âgé de 21ans, a vu à un moment donné qu?il allait percuter le camion et a freiné. Les dépistages ont été négatifs. Le passager assis à l?avant droite est décédé, les autres ont été blessés. 90 Le 7 novembre 2021 à 18h sur l?A7 à Lancon-Provence (13): Un dimanche avec un trafic dense, 2km avant un péage, un carambolage a impliqué plusieurs véhicules dont deux minibus transportant des adultes. Deux voitures ont été percutées par un véhicule utilitaire. Un premier minibus a percuté l?utilitaire et le deuxième minibus a percuté le premier. Une dizaine de personnes a été blessée. Les minibus transportaient des joueurs d?une équipe de foot de La Ciotat et rentraient après un match. Le 11 août 2022 à 18h40, route des Gorges Verdon (Alpes-de-Haute-Provence): Un accident a impliqué une voiture et un minibus d?une société de rafting. Le conducteur de la voiture et six personnes présentes dans le minibus ont été légèrement blessés. Le 22 avril 2023 à 7h05, sur l?A8 à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var): Un samedi, le dernier minibus d?un convoi de 5 véhicules a percuté l?arrière droite de la semi-remorque d?un poids lourd, puis s?est engagé entre le musoir et la barrière de sécurité et a fini sa course contre un grillage. Le camion circulait à une vitesse normale sur la voie de droite de l?autoroute. Dans le minibus, le conducteur et les 8 adolescents ont été blessés, plutôt légèrement, il semble qu?ils portaient tous leur ceinture de sécurité. Le convoi était parti de Tours la veille dans la soirée et transportait des adolescents, membres d?un club de foot pour participer à un stage dans le sud de la France. La dernière pause avait été effectuée 2h avant l?accident et une autre pause semblait être prévue prochainement. Le conducteur âgé de 25ans déclare qu?il a dû s?endormir, qu?il s?est réveillé au moment du choc et alors essayé de rétablir le véhicule. Une rotation entre conducteurs était apparemment organisée et ce conducteur aurait décliné la dernière proposition faite en termes de rotation, se sentant à même de continuer. Le 14 mai 2023 à 22 à 19h50, sur la RN 88 à La Loubière (Aveyron) Un dimanche, un convoi de deux minibus ramenait des jeunes d?un club de foot après un tournoi qui s?est déroulé l?après-midi. Dans une ligne droite avant un virage, le conducteur du premier minibus a perdu le contrôle du véhicule et s?est déporté dans le bas-côté. Le conducteur, âgé de 26ans, est décédé. Deux enfants de 13ans ont été blessés. Le 16 septembre 2023 à 13h10, sur la RD 606 à Vermenton (Yonne) Un samedi, un minibus transportant huit adolescents se rendait à un match de handball, suivi par plusieurs véhicules où se trouvaient les familles des enfants. Au niveau d?un carrefour, il a heurté un tracteur agricole qui semble ne pas avoir respecté le cédez le passage. Le conducteur du minibus et un adolescent ont été blessés gravement. Autre type de déplacement d?un groupe de personnes ou d?une même famille Total: 7 accidents recensés entre octobre 2021 et octobre 2023 Nature du déplacement non déterminée Total: 12 accidents recensés entre octobre 2021 et octobre 2023, dont : Le 5 août 2022 à 2h20, sur l?A9 à Béziers (Hérault): Dans la nuit, un minibus qui transportait six jeunes de 17 à 21ans originaires de Corrèze, a effectué une sortie de route au niveau d?une bretelle de sortie présentant un virage prononcé. Il a percuté la glissière de sécurité à sa gauche avant de partir en tonneaux. Quatre passagers situés à l'arrière, qui ne devaient pas être ceinturés, ont été éjectés. Bilan: deux morts, trois blessés graves, un blessé léger. Le 6 août 2022 à 12h05, sur la RN 31 à Saint-Martin-le-Noeud (Oise): Un accident a impliqué un minibus, sept enfants ont été blessés légèrement. 91 Annexe 4:Note de cadrage de la Ville d?Amiens sur l?usage des minibus 92 Annexe 5:Mesures de vitesse en rampe, programme Alert?Infra PL Cette annexe reprend synthétiquement les éléments relatifs aux mesures de vitesse en rampe, qui figurent dans le rapport produit en juillet 2010 par le CETE de Lyon. Dans le cadre de l'opération de recherche PLINFRA, une démarche a été conduite en vue de développer un outil d?aide au diagnostic des infrastructures, spécifique aux poids lourds, logiciel nommé Alert?Infra PL. Le rapport produit dans ce cadre par le CETE de Lyon en juillet 2010 comprend une partie sur les rampes, qui s?appuie notamment sur des mesures de vitesse réellement pratiquées. Le rapport indique que ces mesures de vitesse ont été réalisées sur trois rampes autoroutières en ligne droite et de pente longitudinale comprise entre 3et 7%. Les mesures de vitesse ont été effectuées sur la voie de droite et en quatre points: au bout de 1000m de montée, 1500m, 2500m et enfin 3000m, ce qui correspond au sommet de côte pour les trois sites étudiés. Les résultats obtenus sur les trois sites sont similaires: Figure 46: Distribution des vitesses de PL en différents points de la rampe Au bout de 1000m de montée, la distribution des vitesses des poids lourds paraît de type gaussien, la moyenne se situant autour de 85km/h. Au fur et à mesure de la progression des poids lourds sur la rampe, les résultats montrent un étalement de la courbe de distribution des vitesses. Les mesures ont montré qu?au bout de 2000m de montée, la distribution des vitesses présente deux pics bien distincts, que l?on peut voir ici sur les courbes à 2500m et 3000m et qu?au-delà de 2200m, il n?y a plus de variation sensible de la vitesse des véhicules. L?ensemble des PL se scinde alors en deux groupes, l?un constitué de poids lourds suffisamment puissants pour conserver une vitesse élevée durant la montée, et l?autre qui voit sa vitesse chuter jusqu?à 55km/h (pic de la distribution des vitesses) voire jusqu?à moins de 40km/h pour certains véhicules de ce groupe. 93 Des mesures de vitesse pratiquées par les VL et les PL ont également été effectuées en haut de côte et en distinguant leur voie de circulation, voie de droite et voie médiane: Figure 47: Distribution des vitesses des poids lourds et des véhicules légers en haut de côte sur la voie de droite (à gauche) et la voie médiane (à droite) Sur la voie de droite, la distribution des vitesses s?étale de 30 à 140km/h tous véhicules confondus. Les courbes de distribution présentent deux pics pour chacune des deux catégories de véhicules, illustrant donc des différences marquées au sein de chacune d?elles et se situant autour de 50 et 80km/h pour les PL et de 85 et 110km/h pour les VL. Sur la voie médiane, les distributions de vitesses sont plus resserrées. Les courbes de distribution présentent un pic se situant autour de 120km/h pour les VL et de 77km/h pour les PL, ce qui montre qu?il existe un différentiel de vitesses non négligeable sur cette voie, traditionnellement utilisée pour doubler des véhicules plus lents. 94 Annexe 6: Evolution des vitesses dans la rampe de Massiac sur l?A75 Les données des boucles de comptage de la DIR dans la rampe de Massiac D?après la station de comptage de Sals-Bas dont dispose la DIRMC au PR 76+300 de l?A75, la répartition des véhicules par classe de vitesse, au niveau de ce PR et en sens nord-sud est la suivante. Il s?agit du trafic par jour, sans distinction VL/PL, en moyenne annuelle et en distinguant les jours ouvrés, les samedis, les dimanches et jours fériés. Le trafic 2021 est connu pour être inférieur à celui de 2019, l?année 2021 ayant encore été influencée par l?effet covid. Les véhicules avec une vitesse inférieure à 70km/h qui ont été enregistrés les dimanches et jours fériés l?ont été pour la plupart avant 22h, soit pendant la période d?interdiction de circulation des PL. Le trafic lent observé en jour ouvrable, soit une vingtaine de véhicules circulant à moins de 50km/h et environ 300 circulant entre 50 et 70km/h, correspond vraisemblablement en grande partie à un trafic PL. Sur la plage comprise entre 70 et 90km/h, qui concerne presque 800 véhicules en jour ouvrable, on peut commencer à trouver des VL. Le trafic lent observé les samedis correspond sans doute à des PL ainsi qu?à des «promeneurs du dimanche». Les acteurs locaux ont indiqué qu?en été, un certain nombre de voitures et de caravanes se traînent dans la rampe, sans parler des PL. Les données issues de véhicules connectés dans la rampe de Massiac L?essor des véhicules connectés permet aujourd?hui de disposer de sources de données pouvant être complémentaires à celles issues des stations de comptage du trafic des gestionnaires routiers. Le BEA-TT a ainsi fait réaliser en 2023, par la société Autoroutes Trafic, une étude basée sur l?exploitation des données issues de véhicules connectés ayant emprunté l?A75. S?agissant des vitesses, les données exploitées sont de type «Floating Car Data (FCD)», elles sont issues d?appareils embarqués et fournissent des indications sur les déplacements d?un véhicule, dont la vitesse instantanée. L?échantillon considéré dans le cadre de cette étude porte sur près de 7600PL ayant emprunté la rampe de Massiac sur une période de 8×1 semaine entre août 2022 et mars 2023. Cela représente en moyenne 180PL par jour ouvrable, soit environ 15% du trafic PL sur l?A75 au niveau de cette rampe. L?échantillon retenu in fine porte sur un peu plus de 2500PL, de manière à considérer les PL pour lesquels la donnée de vitesse est émise à la fréquence la plus élevée (entre 10 et 60 secondes). Les caractéristiques de ces PL ne sont pas connues, l?échantillon comporte donc possiblement tout type de PL, du petit camion de 3,5 tonnes jusqu?au 44 tonnes. Retirer les PL les plus légers amènent à descendre la médiane de la figure 45 et donc à augmenter les pics identifiés figure 46. S?agissant des vitesses des VL, l?échantillon considéré porte sur 13200 véhicules ayant emprunté la rampe de Massiac sur la même période. Cela représente en moyenne 350 VL par jour ouvrable, soit environ 5% du trafic VL sur l?A75 au niveau de cette rampe. 95 La distribution de l?évolution de la vitesse des PL dans la rampe, obtenue à partir de cet échantillon, est illustrée par la médiane et par percentile, dans les deux graphes ci-après. Grille de lecture au niveau du PR 79, là où l?effet de la rampe se fait le plus ressentir: ? La médiane est de 65km/h: 50% des PL de l?échantillon ont une vitesse supérieure à 65km/h et 50% ont une vitesse inférieure à 65km/h. ? Le percentile 20 est d?un peu moins de 50km/h (47km/h d?après les résultats de l?échantillon): 20% des PL de l?échantillon ont une vitesse inférieure à 50km/h. ? Le percentile 80 est de 80km/h: 80% des PL de l?échantillon ont une vitesse inférieure à 80km/h et donc 20% ont une vitesse supérieure à 80km/h. Le graphe suivant correspond au précédent, mais auquel ont été ajoutés les percentiles 1à 99 de manière à approcher au mieux les minis et les maxis. 96 Ces distributions illustrent l?effet de cette longue et forte montée sur l?évolution des vitesses. Les secteurs où la vitesse des PL baisse le plus correspondent logiquement aux sections de plus forte pente, soit au niveau du PR 75, du PR 79, du PR 83 et du PR 85. C?est au niveau du PR 79 que l?effet de la rampe se fait le plus ressentir. Elles illustrent aussi que la diversité des trajectoires de vitesse des PL dans cette rampe, diversité liée aux types de PL, à leur masse, leur puissance et la charge transportée. Sur les quatre secteurs les plus marqués, la vitesse de certains PL descend en dessous de 50km/h, voire 40km/h, tandis que d?autres parviennent à conserver une vitesse élevée. Au PR 76+500, sur l?échantillon considéré de 2520PL: ? 46PL circulent à une vitesse comprise entre 0 et 50km/h; ? 648PL circulent à une vitesse comprise entre 50 et 70km/h; ? 1488PL circulent à une vitesse comprise entre 70 et 90km/h. En faisant une règle de 3 pour passer de 2520PL à 1150PL par jour qui est l?ordre de grandeur du débit moyen de PL en 2019, les nombres ci-dessus deviennent respectivement et environ 20PL, 300PL et 680PL. Ces données paraissent cohérentes avec celles issues de la station de comptage de la DIRMC. L?effet de la rampe peut aussi être illustré par les deux graphes suivants. Figure 48: Distribution des vitesses des PL aux PR 71, 72, 74 et 75 dans la rampe de Massiac (schéma BEA-TT) Au début de la montée, vers le PR 71, la distribution des vitesses paraît de type gaussien, le pic de la courbe se situant autour de 85km/h, il est atteint par la moitié des PL. Au fur et à mesure de la progression des PL dans la rampe et jusqu?au PR 75, on observe un étalement de la courbe de distribution des vitesses ainsi qu?un abaissement du pic de la courbe. Au PR 75, une petite partie des PL parvient à conserver une vitesse élevée, tandis que les autres PL se répartissent dans les niveaux de vitesse inférieurs, s?échelonnant entre 50 et 80km/h. Entre le PR 77 et le PR 79, le phénomène est plus accentué. Au PR 77, la courbe présente deux pics, l?un se situant autour de 85 km/h et atteint par 25% des PL et l?autre se situant autour de 65km/h, comme si les PL se scindent en deux groupes. Au PR 79, la 97 plupart des PL voient leur vitesse chuter, les PL semblent se scinder en trois groupes, l?un autour de 85km/h, un autre autour de 70km/h et un dernier autour de 45 km/h. Figure 49: Distribution des vitesses des PL aux PR 77, 78, 78,5 et 79 dans la rampe de Massiac (schéma BEA-TT) Au vu de ces données, le PL impliqué dans l?accident, illustré au 3.4.4, paraît se situer parmi les 10% des véhicules les plus lents, si l?on considère par exemple sa vitesse au niveau du PR 75 ainsi qu?au niveau du lieu de l?accident, un peu avant le PR 78. Cela est surprenant, s?agissant d?un véhicule récent qui était à peine à mi-charge. Cette considération est toutefois à relativiser, car il est possible que les plus petits PL soient surreprésentés dans l?échantillon. D?après le contrôleur de la DREAL qui a analysé les données du PL impliqué dans l?accident, un grand nombre de semi-remorques circulent à une vitesse comprise entre 40 et 60km/h dans le secteur des PR 78-79. L?étude que le BEA-TT a conduite à partir des données de véhicules connectés donne donc une bonne indication des vitesses particulièrement basses que peuvent atteindre une partie des PL dans la rampe de Massiac. Il est par contre possible que les PL qui sont pénalisants dans les rampes soient sous-représentés dans l?échantillon. Cette étude a permis également de déterminer l?évolution des vitesses des VL dans la rampe. Comme pour les PL, les trajectoires de vitesse des VL sont très diversifiées. La figure ci-après représente l?évolution de la distribution des vitesses des PL et des VL. Grosso modo, le percentile 20 des VL se situe légèrement au-dessus du percentile 80 des PL: les 20% des VL les plus lents ont une vitesse légèrement supérieure à la vitesse en deçà de laquelle roulent 80% des PL. C?est au niveau du PR 79 que l?écart de vitesse entre VL et PL paraît le plus marqué: la vitesse médiane pour les VL est dans ce secteur de 120km/h, soit près du double de celle des PL; les 20% des VL les plus rapides (percentile 80 des VL) circulent à une vitesse d?au moins 130km/h, soit au moins 80km/h plus vite que les 20% des PL les plus lents (percentile 20 des PL). 98 Figure 50: Évolution de la distribution des vitesses des VL et des PL dans la rampe de Massiac (étude Autoroutes Trafic - BEA-TT, septembre 2023) La figure ci-après représente l?évolution de cet écart de vitesse entre les VL les plus rapides et les PL les plus lents. Il est à noter que cet écart est plus réduit sur la dernière partie de la rampe, compte tenu de l?abaissement de la vitesse réglementaire à 110km/h puis, environ 3km après, de la présence d?un radar de contrôle des vitesses. Figure 51: Évolution dans la rampe de Massiac de l?écart de vitesse entre les 20% des VL les plus rapides et les 20% des PL les plus lents (étude Autoroutes Trafic - BEA-TT, septembre 2023) 99 Annexe 7: Données d?incidents issues de véhicules connectés sur l?A75 Présentation de l?étude Avec l?évolution des véhicules, il devient aujourd?hui possible d?exploiter les données embarquées dans les véhicules afin d?identifier et de localiser la survenance d?incidents de conduite ou de presque accidents. Ces données, qui viennent en complément de celles du fichier BAAC et relatives aux accidents corporels, permettent d?apporter un éclairage complémentaire voire d?enrichir l?analyse. Le BEA-TT a ainsi fait réaliser, en 2023 par la société Autoroutes Trafic, une étude basée sur l?exploitation des données issues de véhicules connectés, afin d?affiner l?analyse de la rampe de Massiac sur l?A75 et d?effectuer des comparaisons avec d?autres sections. Les données issues des véhicules (VL) connectés qui ont été considérées sont celles relatives aux forts freinages, émanant de boîtiers accélérométriques fixés dans les véhicules, entre janvier 2019 et septembre 2023. Les données de freinage situées au voisinage des radars ont ensuite été neutralisées. Si l?on compare avec les données de trafic, ces véhicules connectés ne représentent toutefois que 0,5 % du trafic . Ont été également considérés les évènements déclarés par la communauté des applications mobiles (Coyote alerte), entre juin 2020 et septembre 2023, portant sur les accidents constatés et sur les dangers perçus, tels que les signalements se rapportant à un véhicule arrêté ou à une situation de visibilité réduite. Ont été enfin pris en compte les accidents corporels (BAAC) entre 2019 et 2022. Les accidents remontés par Coyote sont 16 fois plus nombreux, étant entendu qu?un tri a été effectué sur l?ensemble des données pour éviter les doublons; l?information correspondante permet de mettre en évidence les accidents matériels. Les 2 types de données ont ensuite été agrégées pour former la donnée générique « accident » . Les données sont présentées en nombre d?évènements ou en taux d?évènements pour 108 veh.km (100 millions) tenant compte du linéaire du tronçon et du trafic sur le tronçon. La figure ci-après représente le linéaire d?étude. Celui-ci est constitué, en sus de la section de l?A75 comprise entre Massiac et le col de la Fageole, de 120km de chacune des autoroutes A71 et A75 et dans les deux sens de circulation. L?A71 a été choisie, car l?A75 se situe dans son prolongement, les usages des deux autoroutes sont susceptibles d?avoir un profil comparable et l?A71 est susceptible d?offrir davantage de points de comparaison avec des sections «horizontales». Le linéaire d?étude, pour chaque sens de circulation, a été découpé en tronçons élémentaires, tenant compte de chaque échangeur, des changements de vitesse réglementaire, de profil en travers et de catégorie de profil en long. 100 A71 du PR 250 au PR 362 A75 du PR 68 au PR 190 Les classes de pente sont: ]-inf,-4%[, [-4%,-2%[,[-2%,+2%[, [+2%,+4%[,[+4%,+inf[. Le référentiel géographique utilisé est la base Here Navteq T4 2022, ainsi que, pour le calage des PR du référentiel, la BD TOPO 2023. Analyse par sections: Dans un second temps, les tronçons élémentaires du linéaire ont été regroupés autant que possible en sections relativement homogènes en fonction du type de dénivelé. Le regroupement aboutit au découpage illustré dans le graphe ci-après et dans le récapitulatif ci-contre établi pour le sens nord-sud. Dans le sens sud-nord, le récapitulatif est le même, mais en inversé (une montée devient une descente). Les sections qualifiées de «M+D» correspondent à des sections qui se caractérisent par une succession de montées et de descentes. Il n?a pas été jugé aisément faisable de les découper plus finement. Elles constituent donc en quelque sorte une catégorie fourre-tout. Massiac 1 correspond à la rampe de Massiac proprement dite, c?est-à-dire la première partie de la montée, jusqu?à l?échangeur de Saint-Poncy aux environs du PR 81. Massiac 2 correspond à la dernière partie de la montée jusqu?aux environs du PR 86, un peu après le col de Fageole. Ce qui appelé «Massiac» dans la suite du document correspond à l?ensemble de la montée. Massiac = Massiac 1 +2 = Massiac 1 et Massiac 2. 101 Principaux résultats Le linéaire d?étude est constitué principalement de sections réglementées à 130km/h (414km). Les sections à 110km/h constituent 46km du linéaire et celles à 90km/h en constituent 4km, ces dernières étant principalement présentes sur de fortes descentes. Les sections à trois voies constituent 31km du linéaire d?étude. Il s?agit essentiellement de sections situées sur l?A75 et comportant une VSVL, telles que les deux suivantes: ? la section intitulée «Banassac», d?une longueur de 7km, comporte en montée comme en descente une VSVL sur près de 6km; ? la section intitulée «Séverac», d?une longueur de 3,7km, comporte en montée comme en descente une VSVL sur près de 2km. 102 Taux d?accident (accident corporel BAAC + signalements usagers Coyotte) et pente L?analyse par tronçons élémentaires ne montre pas de lien évident entre le taux d?accident et la classe de pente. L?analyse globale par sections tend à mettre en évidence que les montées présentent un taux d?accident plus élevé que les sections horizontales voire même que les descentes. Cette interprétation est toutefois à prendre avec précaution, dans la mesure où les sections horizontales considérées sont principalement celles situées sur A71 et dans la mesure où, au vu du tableau récapitulatif présenté ci-avant, la catégorie «M+D» sur A75 présente un taux d?accident de 20 pour 10? véh.km. Au vu des données de ce tableau, cette considération paraît plus avérée sur l?A71. Concernant l?A75 prise isolément, les sections horizontales sont trop peu importantes, le taux d?accident paraît plus élevé en montée qu?en descente et en mettant de côté la catégorie «M+D», ce que l?on peut voir également dans le deuxième graphe ci-après. Sur A75 et pour les sections qui ont pu clairement être identifiées en montée ou en descente, le taux d?accident paraît souvent plus élevé dans le sens montant que dans le sens descendant. Au niveau de la rampe de Massiac, le taux paraît équivalent dans les deux sens: données indicatives, les chiffres de chacune des sections sont assez petits. 103 Au vu du tableau récapitulatif des données, le taux d?accident paraît plus élevé pour la montée de Massiac, comparé à l?A75 prise dans son ensemble et comparé à l?ensemble des sections identifiées en montée sur l?A75. Les chiffres sont cependant trop petits pour que les écarts puissent être considérés comme significatifs d?un point de vue statistique. A titre indicatif, le graphe ci-après illustre le taux d?accident pour l?ensemble des sections identifiées en montée sur le linéaire d?étude. La dernière partie de la montée de Massiac (Massiac 2) a un taux qui paraît élevé et qui doit être lié en partie aux conditions météorologiques difficiles au niveau du col de la Fageole, tandis que la rampe de Massiac (Massiac 1) paraît se situer dans la moyenne haute. Les sections de Banassac et de Séverac, qui comportent une VSVL, se situent en fin de classement. Le même constat peut être effectué dans le sens des descentes. Forts freinages et pente Seuils considérés: fort (0,25 G), très fort (0,55 G), urgence (0,75 G), 1 G = 9,8 m/s2 L?analyse par tronçons élémentaires montre que les forts freinages sont sur-représentés dans les sections en pente, en montée comme en descente, et encore plus en descente. Si l?on considère les freinages moins forts, la tendance est la même: ces freinages sont 2 fois plus nombreux sur les tronçons ayant une pente d?au moins 4% et 3 fois plus nombreux sur les tronçons ayant une pente de ? 4% par comparaison avec les tronçons horizontaux ou à faible pente. Le nombre d?évènements est ici rapporté à la taille de l?échantillon source (nombre de VL avec boîtiers accélérométriques qui sont passés sur chaque tronçon) au lieu d?être rapporté au TMJA. 104 Rq : Bègues 3 présente un taux d?accidents très important mais section très courte (27 accidents sur 2,2 km) Le graphe ci-après illustre le taux de freinage d?urgence (> 0,75G), rapporté à la taille de l?échantillon source pour l?ensemble des sections identifiées en montée sur le linéaire d?étude. Les deux parties de la montée de Massiac apparaissent en tête de classement, ce qui n?est pas le cas si l?on considère les seuils de freinage moins élevés. L?échantillon est réduit, avec par exemple 27 freinages d?urgence en nombre absolu sur l?ensemble de la montée de Massiac (Massiac 1 +2), les données sont donc indicatives. S?agissant du taux de freinage d?urgence dans les descentes, les deux sections de Massiac apparaissent également en tête de classement, et qui plus celle de Massiac 1. Le taux d?accident parait plus important sur les voies à 110km/h par rapport à celles à 130km/h, ce qui peut être lié au fait que les premières peuvent éventuellement être plus sinueuses ou plus pentues ou présenter de moins bonnes caractéristiques autoroutières. Signalements de visibilité réduite et pente L?analyse par tronçons met en évidence que le nombre de signalements de mauvaise visibilité est croissant avec l?altitude des tronçons et que ces signalements sont plus nombreux en montée qu?en descente. L?approche par sections confirme cette tendance: aux mêmes localisations et pour la plupart des sections étudiées, les utilisateurs de Coyote signalent en général plus d?alerte de visibilité réduite en montée qu?en descente. Cela pourrait s?expliquer ainsi: dans le cas de la présence de brouillard au niveau d?un col, c?est en effet en général au cours de la montée que l?usager devrait pénétrer dans la zone de visibilité réduite. Le graphe ci-contre illustre la densité des signalements de visibilité réduite sur les sections rejoignant le col de la Fageole sur l?A75 (le profil du sens sud-nord a été visuellement remonté pour les besoins de l?interprétation). 105 Le graphe ci-après illustre le taux de signalements de visibilité pour l?ensemble des sections identifiées en montée sur le linéaire d?étude. La dernière partie de la montée de Massiac et, dans l?autre sens, la montée depuis Saint-Flour jusqu?à Coren, se distinguent très fortement, en lien avec les conditions météorologiques pouvant délicates au niveau du col de la Fageole. Signalements de véhicules arrêtés et pente L?analyse par sections montre que le nombre de signalements de véhicules arrêtés est croissant en fonction de la pente: les signalements sont sur-représentés dans les montées par rapport aux sections horizontales ou à faible pente et encore davantage par rapport aux descentes. Au vu du tableau récapitulatif des données présenté en début de document, la rampe de Massiac (Massiac 1) se distingue par le taux très élevé de signalements de véhicules arrêtés: le nombre de ces signalements, rapporté au trafic et au linéaire, est nettement plus important dans cette rampe, par comparaison au nombre observé sur les montées prises dans leur ensemble, tant sur l?A71 que sur l?A75. Ce que l?on peut observer également sur le graphe ci-après, qui illustre le taux de ces signalements pour l?ensemble des sections identifiées en montée sur le linéaire d?étude. En résumé concernant la montée de Massiac: 106 ? Massiac 1 se distingue par un fort taux de signalements de véhicules arrêtés. ? La seconde section (Massiac 2) se distingue par un fort taux de signalements de visibilité réduite. Ces signalements se font principalement le matin et en toute saison, même s?ils sont moins nombreux l?été. Concernant le taux d?accident et le taux de freinage d?urgence, la fiabilité statistique est faible compte tenu des petits chiffres en question. Donc, à titre indicatif: ? Ces taux paraissent relativement élevés sur l?ensemble de la montée et qui plus est sur sa dernière section (Massiac 2). ? Dans le sens de la descente, ces taux paraissent également relativement élevés, et qui plus est dans la dernière partie de la descente (Massiac 1), par comparaison aux autres sections identifiées en descente sur l?A75 dans le linéaire d?étude. ? Les taux d?accidents ne paraissent pas plus élevés en descente qu?en montée. Zoom sur la montée de Massiac Récapitulatif par type d?évènement (nombre en valeur absolue) selon le mois et l?heure: 53% en été, 25% en automne, 15% en hiver Jour / nuit: 75% / 25% 41% en été, 27% au printemps, 20% automne Freinage > 0,55G 34% en automne, 29% en hiver, 23% en été Jour / nuit: 83% / 17% Les graphes ci-après représentent schématiquement la répartition des différents évènements et leur nombre au sein de la montée de Massiac avec ses deux sections 107 (représentation du nombre d?évènements pour chaque tronçon élémentaire résultant du découpage du linéaire, ces tronçons ont pour la plupart une longueur de près d?1km sur la montée de Massiac). S?agissant des freinages, ont été représentés les très forts freinages et ceux d?urgence (>0,55G). Ceux-ci sont également très importants en fin de section au niveau du radar fixe: ils ne sont pas représentés, compte tenu du choix méthodologique qui a été fait de neutraliser au niveau des tronçons élémentaires les freinages au voisinage des radars. 108 Règlement général de protection des données Le bureau d?enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) est investi d?une mission de service public dont la finalité est la réalisation de rapports sur les accidents afin d?améliorer la sécurité des transports terrestres (articles L. 1621-1 et 1621-2 du code des transports, voir la page de présentation de l?organisme). Pour remplir cette mission, les personnes chargées de l?enquête, agents du BEA-TT habilités ainsi que d?éventuels enquêteurs extérieurs spécialement commissionnés, peuvent rencontrer toute personne impliquée dans un accident de transport terrestre (article L. 1621-14) et recueillir toute donnée utile. Ils traitent alors les données recueillies dans le cadre de l?enquête dont ils ont la responsabilité uniquement pour la seule finalité prédéfinie en garantissant la confidentialité des données à caractère personnel. Les rapports d?enquêtes sont publiés sans le nom des personnes et ne font état que des informations nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de l?accident. Les données personnelles sont conservées pour une durée de 4 années à compter de la publication du rapport d?enquête, elles sont ensuite détruites. Le traitement «Enquête accident BEA-TT» est mis en oeuvre sous la responsabilité du BEA-TT relevant du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT). Le MTECT s?engage à ce que les traitements de données à caractère personnel dont il est le responsable de traitement soient mis en oeuvre conformément au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l?égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (ci-après, «règlement général sur la protection des données» ou RGPD) et à la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l?informatique, aux fichiers et aux libertés. Les personnes concernées par le traitement, conformément à la législation en vigueur, peuvent exercer leurs droits auprès du responsable de traitement: droit d?accès aux données, droit de rectification, droit à la limitation, droit d?opposition. Pour toute information ou exercice de vos droits, vous pouvez contacter: 1- Le responsable de traitement : - par mail à l?adresse: bea-tt@developpement-durable.gouv.fr - ou par courrier (avec copie de votre pièce d?identité en cas d?exercice de vos droits) à l?adresse: Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires À l?attention du directeur du BEA-TT Grande Arche - Paroi Sud, 29e étage, 92055 LA DEFENSE Cedex 2- Le délégué à la protection des données(DPD) du MTECT: - par mail à l?adresse: dpd.daj.sg@developpement-durable.gouv.fr ; - ou par courrier (avec copie de votre pièce d?identité en cas d?exercice de vos droits) à l?adresse: Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires À l?attention du Délégué à la protection des données SG/DAJ/AJAG1-2 92055 La Défense cedex Vous avez également la possibilité d?adresser une réclamation relative aux traitements mis en oeuvre à la Commission nationale informatique et libertés(3 Place de Fontenoy - TSA 80715 - 75334 PARIS CEDEX 07). 109 mailto:dpd.daj.sg@developpement-durable.gouv.fr mailto:bea-tt@developpement-durable.gouv.fr Bureaud?Enquêtessur lesAccidentsdeTransport Terrestre ? GrandeArche -Paroi Sud 92055LaDéfensecedex Téléphone : 01 40 81 21 83 bea-tt@developpement-durable.gouv.fr www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr Synthèse 1 - Constats immédiats et engagement de l?enquête 1.1 - Les circonstances de l?accident 1.2 - Le bilan humain et matériel 1.3 - L?engagement et l?organisation de l?enquête 2 - Contexte de l?accident 2.1 - L?infrastructure routière 2.1.1 - Les caractéristiques générales de l?autoroute A75 2.1.2 - La zone de l?accident 2.1.3 - La montée vers le col de la Fageole et la rampe de Massiac 2.1.4 - Le trafic sur l?A75 au niveau de la zone de l?accident 2.2 - Les conditions météorologiques lors de l?accident 2.3 - Le transport de collectif d?enfants en minibus 2.3.1 - Le contexte réglementaire lié au minibus 2.3.2 - Le cadre réglementaire des séjours de vacances et des accueils de loisirs 2.4 - L?organisation du séjour de vacances par la ville d?Amiens 3 - Compte rendu des investigations effectuées 3.1 - L?état des lieux et les constatations après l?accident 3.2 - Le résumé des témoignages 3.2.1 - Le conducteur du poids lourd 3.2.2 - Le conducteur du minibus accidenté 3.2.3 - Le directeur du CAJ, passager du minibus de tête 3.2.4 - La conductrice du minibus de tête. 3.2.5 - Les passagers du minibus accidenté 3.2.6 - Deux des sapeurs-pompiers intervenus sur l?accident 3.2.7 - L?infirmière primo-intervenante 3.3 - Le minibus accidenté et son conducteur 3.3.1 - Le conducteur 3.3.2 - Les caractéristiques du minibus 3.3.3 - Les données du calculateur d?airbags du véhicule 3.3.4 - Le port de la ceinture de sécurité 3.4 - Le poids lourd et son conducteur 3.4.1 - Le conducteur du camion et la société assurant le transport 3.4.2 - Les caractéristiques du poids lourd 3.4.3 - La vitesse du poids lourd au moment de l?accident 3.4.4 - L?évolution de la vitesse du poids lourd dans la rampe de Massiac 3.5 - L?accidentalité de l?A75 et de la rampe de Massiac 3.5.1 - Les données générales concernant l?A75 3.5.2 - L?étude relative aux accidents de PL sur l?A75 réalisée en 2010 3.5.3 - Données sur la rampe de Massiac 3.5.4 - Les démarches de gestion de la sécurité de l?exploitant autoroutier 4 - Analyse du déroulement de l?accident et des secours 4.1 - Le déroulement de l?accident 4.2 - L?analyse de la séquence de l?accident 4.3 - Les mesures prises après l?accident et l?intervention des secours 5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives 5.1 - Les causes et les facteurs associés 5.2 - L?inattention et la dégradation du niveau de vigilance 5.2.1 - Les effets induits par une baisse du niveau de vigilance ou d?attention 5.2.2 - Les facteurs contribuant à une baisse du niveau de vigilance 5.2.3 - L?environnement de conduite 5.2.4 - Les dispositifs d?aide à la conduite 5.3 - L?utilisation du minibus pour un transport collectif de personnes 5.3.1 - Des accidents tragiques qui ne sont pas rares 5.3.2 - Les longs trajets, le nombre d?animateurs dans le minibus 5.3.3 - Conclusions 5.4 - L?accidentalité liée aux poids lourds sur autoroute 5.4.1 - Les données générales sur les accidents avec PL d?après le fichier BAAC 5.4.2 - Les accidents avec PL sur autoroute et les types de collision 5.4.3 - L?accidentalité liée aux PL dans les rampes sur autoroutes 5.4.4 - Conclusions 5.5 - L?évolution de la vitesse des PL dans les rampes 5.5.1 - Les éléments de référence nationaux 5.5.2 - L?évolution des vitesses des PL sur l?A75 dans la rampe de Massiac 5.5.3 - La réglementation sur les vitesses et les pratiques des PL dans les rampes 5.6 - Les référentiels applicables aux rampes sur autoroute 5.6.1 - Les dispositions en matière de signalisation pour tout type de réseau 5.6.2 - Le référentiel technique portant sur la conception des autoroutes 5.6.3 - La note d?information 21 relative à l?implantation des VSVL en rampe 5.6.4 - A titre de comparaison: le guide sur l?aménagement des fortes pentes 5.6.5 - L?opportunité d?une VSVL dans la rampe de Massiac au vu des référentiels 5.6.6 - Conclusions 5.7 - L?amélioration de la sécurité dans la rampe de Massiac 5.7.1 - Le suivi et l?analyse des accidents 5.7.2 - Les équipements et la signalisation 6 - Synthèse des recommandations et des invitations ANNEXES INVALIDE) (ATTENTION: OPTION er que le choc aurait pu se produire sur la voie de gauche ni même que le poids lourd aurait pu faire au dernier moment un écart sur sa gauche. De même, les éléments factuels permettent de considérer, d?une part qu?il n?y a pas eu de manoeuvre d?évitement de la part du conducteur lors de son approche du camion, et d?autre part, en tenant compte également de son témoignage, qu?il n?y a pas eu d?action de freinage, ni pendant la seconde précédant la collision ni un peu avant. Il est également raisonnablement possible de considérer que le conducteur, qui roulait à une vitesse voisine de 116km/h du fait de l?effet de la rampe, n?a pas non plus décéléré lors de son approche du poids lourd. 42 L?expert conclut que l?examen du véhicule n?a permis de relever aucun défaut pouvant être à l?origine de l?accident, qui est vraisemblablement imputable à un assoupissement, de la somnolence, un endormissement ou un long moment sans attention à la route. Compte tenu des éléments venant d?être énoncés, la collision ne peut en effet s?expliquer que par un défaut d?attention et/ou de vigilance de la part du conducteur du minibus, possiblement combiné au fort différentiel de vitesse entre les deux véhicules. L?absence de freinage avant la collision et l?incapacité du conducteur à se rappeler la séquence qui la précède immédiatement sont des caractéristiques souvent associées aux accidents ayant impliqué un défaut d?attention ou de vigilance. Le fait que le conducteur déclare qu?il était dans ses pensées tout en fixant le camion au loin est quant à lui révélateur d?un très probable problème d?inattention au cours de la phase de pré-collision. La vigilance se rapporte à un aspect quantitatif du niveau d?éveil et les problèmes lors de la conduite vont être la perte et les baisses de vigilance associées au sommeil: l?endormissement et les étapes intermédiaires entre veille et sommeil, que sont l?hypovigilance et la somnolence, cette dernière pouvant entraîner des périodes de micro-sommeil. L?attention se rapporte quant à elle à l?orientation de la pensée et la capacité à orienter plus ou moins intensément son esprit sur tel ou tel aspect d?une situation. À la différence de la distraction où l?attention du conducteur est détournée par un élément extérieur, comme une discussion avec un passager ou l?usage du téléphone portable, l?inattention correspond à une focalisation interne du conducteur sur ses propres pensées et préoccupations diverses et l?amenant à se détacher de la scène de conduite. Ces sujets sont détaillés en annexe 2, tandis que sont présentés en partie 5.2 les facteurs qui contribuent à la baisse du niveau de vigilance et à l?émergence de l?inattention ainsi que les impacts de ces phénomènes sur la conduite. La reconstitution réalisée par l?expert paraît refléter le fait que le minibus a heurté l?arrière du poids lourd en venant de la voie de droite, alors que le conducteur déclare se souvenir qu?il était à un moment donné, pendant la phase de pré-collision, sur la voie de gauche. L?expert n?aborde pas cet aspect et le calculateur d?airbags ne comporte aucune donnée relative aux angles au volant. Si le conducteur venait de la voie de droite lorsqu?il a heurté l?arrière du camion, cela veut dire qu?il l?a heurté alors qu?il était en train de se déporter sur la voie de gauche pour le dépasser, tout en appréciant mal l?intervalle espace / temps le séparant du poids lourd. Du fait de la fatigue liée à la conduite et au manque de sommeil, le conducteur pouvait se trouver dans un niveau de vigilance assez bas, impliquant un fonctionnement plus ou moins ralenti du cerveau, sans pour autant que cela provoque un assoupissement. Cette hypovigilance associée au fort différentiel de vitesse entre les véhicules fait que le déroulement va trop vite pour le conducteur et que celui-ci entreprend son dépassement sans s?apercevoir, ou alors trop tardivement, que le camion roulait à une faible vitesse, voisine de 47km/h. S?il s?était endormi ou assoupi tout en étant à droite derrière le camion, il aurait plus probablement heurté davantage celui-ci sur son arrière et non pas au niveau de l?angle arrière gauche de la semi-remorque comme ce fut le cas. L?autre possibilité est que le minibus venait de la voie de gauche lorsqu?il a heurté l?arrière du camion: le conducteur voit le camion au loin et se déporte sur la gauche de manière anticipée, comme il en témoigne; le minibus est alors en train de circuler sur la voie de gauche avec le camion au-devant de lui et situé sur la voie de droite puis il est possible qu?il ait progressivement dévié de sa trajectoire alors qu?il se rapprochait du poids lourd. La dérive de trajectoire serait alors liée à un problème d?attention et/ou de vigilance et a pu être favorisée par le tracé qui, comme indiqué en 2.1.2 et illustré à nouveau ci-après, 43 présente une légère courbe à droite avant la section en alignement droit où a eu lieu l?accident. C?est comme si le conducteur aurait en quelque sorte un peu trop anticipé le dépassement, ce qui a pu, du fait du problème sus-évoqué, lui laisser le temps de dériver ensuite vers la droite. Le conducteur pouvait se trouver dans un niveau assez bas de vigilance, comme évoqué précédemment, et l?ayant amené à dévier de sa trajectoire: il est possible que cela ait été au point d?avoir un micro endormissement même si cela paraît moins probable compte tenu de la configuration de manoeuvre dans laquelle il se trouvait. L?inattention du conducteur, qui fixait le camion au loin tout en étant dans ses pensées, a pu l?amener par ailleurs à ne pas percevoir que le poids lourd circulait lentement, ce qui fait qu?il va se retrouver à son niveau beaucoup plus vite qu?il ne l?avait sans doute imaginé. Figure 39: Vue 400 m environ en amont du lieu de l?accident Figure 40: Vue 300 m environ en amont du lieu de l?accident Figure 41: Vue 200 m environ en amont du lieu de l?accident (Source des trois photos: Google Street View, août 2021) 44 4.3 - Les mesures prises après l?accident et l?intervention des secours Le conducteur du minibus accidenté a appelé les secours en composant le 15 à 7h27. Le SAMU a réceptionné l?appel et a transmis l?alerte au service départemental d?incendie et de secours (SDIS) du Cantal à 7h29. Le conducteur a reçu à 7h36 un appel de la part d?un médecin qui lui a donné des consignes sur les actions immédiates à réaliser vis-à-vis de la victime. L?équipe d?intervention de la DIR Massif Central, constituée de deux agents et d?un chef d?équipe, est arrivée rapidement sur place pour sécuriser les lieux de l?accident. Dans un second temps et en lien avec les forces de l?ordre, elle a procédé à la fermeture de l?autoroute en sens nord-sud et à la mise en place d?une déviation. L?autoroute a été ré-ouverte à la circulation à 10h50 sur une seule voie, puis complètement à 11h40. Les premiers sapeurs-pompiers sont arrivés sur les lieux vers 7h45, rejoints quelques minutes après par d?importants renforts et par le SMUR de Saint-Flour (Cantal). D?importants moyens de secours ont été mis en oeuvre: 20 pompiers et 4 véhicules de secours et d?assistance aux victimes (VSAV) du SDIS du Cantal, 8 gendarmes du peloton motorisé de Saint-Flour, l?hélicoptère de la sécurité civile avec à son bord une équipe du SAMU du Puy-de-Dôme, ainsi que le SAMU du Cantal ont été mobilisés sur les lieux. L?adolescent très gravement blessé a été héliporté et est décédé lors de son arrivée à l?hôpital de Clermont-Ferrand. Les 8 autres passagers du minibus, présentant des blessures légères, ont été transportés au centre hospitalier de Saint-Flour. Le préfet du Cantal s?y est rapidement rendu et a publié un point de situation à 12h20, par un communiqué de presse. Une cellule d?urgence médico-psychologique a été mise en place pour prendre en charge les équipes des deux minibus choquées. Le directeur du centre de loisirs l?Odyssée, qui était en congés au moment des faits, a pu rejoindre les équipes sur place dans l?après-midi. Il a été rejoint dans la soirée par un élu du secteur nord d?Amiens. La préfecture du Cantal a organisé leur hébergement pour la nuit à Saint-Flour et leur rapatriement à Amiens, le lendemain, samedi 7 août 2021. À Amiens, les services de la ville se sont mobilisés pour accompagner les familles des victimes. La façade de la mairie a été illuminée en bleu-blanc-rouge tout le week-end en hommage à l?adolescent décédé. L?accident a constitué un important traumatisme. Les familles ont été reçues à plusieurs reprises et un accompagnement psychologique a été mis en place à leur attention et également pour les équipes concernées au sein de la municipalité. 45 5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives 5.1 - Les causes et les facteurs associés Les investigations menées n?ont pas permis de préciser si le minibus venait de la voie de droite ou de la voie de gauche de l?autoroute, lorsqu?il a heurté avec son avant droit l?arrière gauche de la semi-remorque du poids lourd qui, lui, circulait sur la voie de droite. Elles permettent de conclure que l?accident est lié un défaut d?attention et/ou de vigilance de la part du conducteur du minibus, sans nécessairement se traduire par un assoupissement, et l?ayant amené à ne pas apprécier correctement la vitesse de rapprochement de son véhicule lors de sa manoeuvre de dépassement du camion, voire également, dans le cas où il venait de la gauche, à dévier de sa trajectoire. Dans le cas présent, la situation réunissait un certain nombre de facteurs pouvant contribuer à une dégradation de la vigilance et de l?attention du conducteur: ? le manque de sommeil avec un départ vers minuit ainsi que le fait d?être au 2/3 du trajet et d?avoir conduit pendant une durée de 6 h; ? le trafic faible sur l?autoroute, la présence de passagers tous endormis dans le véhicule, la conduite au régulateur de vitesse ainsi que l?effet de fatigue passive en tant que conducteur d?un véhicule qui en suit un autre. Ces éléments constituent un contexte favorable à la survenue d?un accident en cas d?évènement imprévu, tel que peut l?être un camion qui circule à moins de 50km/h sur une section réglementée à 130km/h et dont les feux de détresse ne sont pas activés. Si l?infrastructure autoroutière n?est pas directement en cause dans le cas présent, elle intervient néanmoins de manière indirecte dans le mécanisme accidentel. La section concernée est constituée d?une forte et longue rampe dans laquelle l?important différentiel de vitesse entre certains véhicules constitue un facteur de risque. Compte tenu de ce différentiel et des masses en jeu, les conflits potentiels entre les véhicules légers et les poids lourds peuvent s'y avérer particulièrement graves. Avec l?évolution des véhicules, les VL ont plus de facilité désormais à gravir les montées, leurs conducteurs ressentent moins l?effet des rampes qu?auparavant, ce qui peut aussi les amener à avoir moins conscience de la possibilité de rencontrer des PL lents. Les données montrent que, depuis 2017, un accident du même type que celui objet de la présente enquête survient en moyenne une fois par an et dans le même secteur de l?A75, qui correspond à la dernière partie de la rampe de Massiac, longue d?une dizaine de kilomètres. C?est dans ce secteur que les valeurs de pente sont les plus marquées et que l?effet de la rampe sur la vitesse des poids lourds se fait le plus ressentir. Ce secteur se caractérise également par une longue ligne droite qui fait suite à des sections un peu plus sinueuses: cette configuration est propice au fait que certains conducteurs puissent, dans ce secteur, relâcher leurs efforts de concentration. Ces éléments conduisent le BEA-TT à approfondir les questions de sécurité sur les sections autoroutières en forte rampe et à rechercher des recommandations préventives en lien avec, d?une part les défauts d?attention ou de vigilance lors de la conduite, et d?autre part les modalités d?organisation du transport en minibus. 46 5.2 - L?inattention et la dégradation du niveau de vigilance 5.2.1 - Les effets induits par une baisse du niveau de vigilance ou d?attention Les défauts de vigilance et d?attention sont fréquemment cités parmi les causes ou les facteurs majeurs d?insécurité routière. Les notions sous-jacentes qualifient des phénomènes complexes et imbriqués dans le fonctionnement humain. Comme présenté en 4.2 et en annexe 2, la vigilance se rapporte à un aspect quantitatif du niveau d?éveil et qualifie des processus psycho-physiologiques qui se répartissent sur un continuum allant de la veille active jusqu?au sommeil profond. L?attention quant à elle renvoie aux aspects cognitifs de l?activité humaine, à l?orientation de la pensée et se rapporte plutôt à un aspect qualitatif du traitement de l?information. L?attention est un système aux ressources limitées, l?être humain est par conséquent limité dans sa possibilité de diviser efficacement son attention entre plusieurs tâches. Ces deux processus, distincts mais interdépendants, sont fondamentaux dans l?activité de conduite, qui implique notamment une prise permanente d?informations, de natures différentes, fondée sur les capacités d?attention des individus. Pour s?exercer de façon appropriée, l'attention a besoin de pouvoir s?appuyer sur un niveau de vigilance suffisant, mais un bon niveau de vigilance ne suffit pas pour conduire efficacement, encore faut-il affecter son attention aux bons endroits aux bons moments. Sans parler du cas extrême de l?endormissement, une dégradation du niveau de vigilance peut avoir plusieurs effets impactants sur les performances de conduite, en termes de temps de réaction, d?anticipation, de perception de l?environnement, de ralentissement du traitement de l?information. Elle peut aussi affecter la capacité à contrôler le mouvement latéral du véhicule et avoir pour effet que le conducteur dévie involontairement sa trajectoire jusqu?à changer de file, qui plus est en cas de somnolence. L?étude INRETS sur les accidents de PL, réalisée en 1987 par Fleury et al., à partir de 33études détaillées d?accident (EDA) met en évidence certains processus d?accident. Ainsi, par exemple, parmi la typologie des accidents sur autoroute impliquant un problème de vigilance, figure le cas où un très faible niveau de vigilance en fin de journée de travail conduit à ne pas apercevoir un véhicule à l?arrêt ou circulant très lentement. Le processus de l?attention est conditionné notamment par le niveau de vigilance. Une dégradation de ce niveau va donc également impacter les capacités d?attention du conducteur, à partir desquelles celui-ci assure sa prise d?information dans l?environnement de conduite, et donc ses facultés d?observation. Elle peut également favoriser l?émergence des défauts d?attention, tels que la distraction ou l?inattention à la conduite, puisque, lorsque le niveau de vigilance du conducteur est faible, comme en cas de fatigue par exemple, celui-ci est alors moins en capacité de contrôler où va son attention. La distraction, ou le détournement de l?attention par une activité annexe à la conduite, pourra prendre différentes formes et engendrer des risques accidentels plus ou moins élevés selon les types de ressources attentionnelles qui sont mobilisées et leur durée de mobilisation. L?inattention qualifie un déficit d?attention portée à la conduite, lié au fait que le conducteur laisse son attention dériver vers ses propres pensées et préoccupations diverses. Cela peut prendre la forme d?une rêvasserie ou de la notion de «mind wandering» (le fait d?être perdu dans ses pensées, le vagabondage de l?esprit): le conducteur laisse errer son esprit, du fait d?une préoccupation particulière ou non, ce qui l?amène à se déconnecter plus ou moins fortement de la scène de conduite. 47 Cette inattention de la part du conducteur va amoindrir son habileté à détecter les informations de l?environnement et diminuer sa capacité d?anticipation et de réaction. Van Elslande et al. mentionnent dans le rapport16 INRETS n°280 de 2009 que l?état d?attention diffuse ne favorise pas en effet une activité prévisionnelle efficace et rend le conducteur plus vulnérable vis-à-vis de la rencontre d?obstacles difficilement décelables ou de l?évolution inattendue d?une interaction avec un autre usager. Dans le rapport précité, les auteurs montrent à partir d?une exploitation approfondie des données détaillées d?accidents (EDA), que le type de défaillance le plus fréquent induit par un défaut d?attention du conducteur porte sur la fonction de perception. Ils indiquent que les résultats de ces études montrent que la qualité de la perception de l?environnement est directement liée à la qualité de l?attention tournée vers la tâche de conduite au moment de la rupture entre la situation de conduite normale et la situation d?urgence17. Moins le conducteur est attentif aux données pertinentes pour la tâche à réaliser, plus il est vulnérable à la production des erreurs de perception. Ils montrent également, à partir de cette même exploitation, que l?inattention peut avoir pour effet que le conducteur, le regard pourtant porté vers l?avant, ne voit pas l?obstacle, pourtant visible, jusqu?au moment où celui-ci s?impose à lui. Cette situation représente 9% des 283 accidents étudiés impliquant un facteur d?ordre attentionnel et est typique du scénario relatif à la détection tardive du ralentissement d?un véhicule devant. L?analyse montre même si le cas est plus rare, que l?inattention peut aussi provoquer un défaut de guidage du véhicule, lié au fait que le conducteur détourne son attention de la tâche de conduite et ne prête plus ou pas suffisamment d?attention au contrôle de la trajectoire, le manque d?attention entraînant également alors une prise de conscience tardive de la dérive. En revanche, l?analyse montre que très peu de conducteurs produisent des défaillances de diagnostic de la situation (erreurs d?évaluation et de compréhension) uniquement à cause d?un problème attentionnel. Par exemple, une mauvaise évaluation d?un créneau d?insertion par rapport au trafic, liée aux difficultés des conducteurs à évaluer le rapport distance/temps. Les auteurs indiquent que les problèmes d?attention constituent donc plus un terrain favorable à la genèse d?une défaillance de diagnostic qu?un facteur direct de sa production. Les problèmes d?attention se cumulent à d?autres éléments explicatifs non attentionnels qui révèlent le manque d?attention et entraînent une mauvaise évaluation d?un paramètre physique de la situation. D?après le rapport publié en 2016 par l?AIPCR18, la tendance pour un conducteur de regarder droit devant alors qu?il a l?esprit ailleurs se traduit par un défaut de balayer l?environnement du regard et le conducteur devient moins conscient des autres véhicules qui l?entourent. D?après Jibo He (He, 2010), lorsque le conducteur a l?esprit ailleurs, le balayage visuel horizontal devient plus étroit (regarder plus droit devant) et son véhicule a tendance à changer de position dans la voie. 16 Rapport «De la vigilance à l?attention ? influence de l?état psychophysiologique et cognitif du conducteur dans les mécanismes d?accident», INRETS, 2009. 17 La situation de conduite normale est celle dans laquelle se trouve l?usager avant qu?un problème se manifeste. La situation d?accident correspond au moment, en général très bref, où une rupture se produit, c?est-à-dire un évènement imprévu, qui pourra correspondre à une manoeuvre inattendue d?un autre usager, à la rencontre d?une configuration d?infrastructure qui surprend le conducteur, etc. La situation d?urgence est la période pendant laquelle le conducteur va engager une tentative de récupération. 18 Rapport sur le rôle de l?ingénierie routière dans la lutte contre les risques, pour la sécurité, de la distraction et de la fatigue des conducteurs ? L?AIPCR, association mondiale de la Route (PIARC en anglais pour Permanent International Association of Road Congresses) vise à développer la coopération internationale et à favoriser les progrès dans les domaines de la route et du transport routier. 48 5.2.2 - Les facteurs contribuant à une baisse du niveau de vigilance Les causes de dégradation de la vigilance peuvent être multiples: trajet long et durée de conduite, situations de conduite dites monotones, chaleur, état de fatigue, manque de sommeil, rythme circadien (par exemple, l?envie de dormir après le déjeuner), la consommation de stupéfiants, d?alcool ou de certains médicaments, les caractéristiques individuelles (condition physique, pathologies, etc.). C?est souvent l?accumulation de plusieurs facteurs qui aboutit à une baisse de vigilance assez conséquente pour avoir des répercussions directes en accidentologie. La fatigue est souvent regroupée avec la somnolence au niveau des facteurs humains qui sont identifiés dans les statistiques d?accidentologie. Il s?agit de deux notions distinctes: sans entrer dans les détails, on peut retenir que la fatigue induit en général une altération des performances de conduite ainsi qu?une diminution du niveau de vigilance, qui peut dans certains cas aboutir à un endormissement. De longues heures passées à conduire sont connues pour créer de la fatigue et une détérioration de la performance de conduite. Le manque de sommeil, qu?il soit chronique ou ponctuel, est considéré comme particulièrement impactant parmi les facteurs connus pour induire une baisse du niveau de vigilance et notamment dans sa forme la plus grave (somnolence, endormissement). D?après le rapport sur la somnolence et le risque accidentel établi en mars 2016 par le comité des experts du Conseil national de la sécurité routière (CNSR): ? L?effet de la somnolence sur les performances au volant est parfois comparé à celui occasionné par l?alcool et des études ont montré que conduire après une nuit blanche équivaut à prendre la route avec une alcoolémie positive. ? Des recherches, basées sur la mesure de déviation et le nombre des changements de trajectoire, ont montré qu?une seule nuit de privation partielle de sommeil, limitée à 4heures par exemple, peut fortement affecter les capacités de conduite. Il arrive par exemple que des conducteurs réduisent leur durée habituelle de sommeil la nuit avant le départ en vacances, afin de partir plus tôt. ? Conduire la nuit lorsqu?on n?y est pas habitué augmente le risque de somnolence. ? Les conducteurs jeunes, et notamment ceux de sexe masculin, sont considérés comme une catégorie à risque : ils présentent une grande sensibilité au manque de sommeil, ont davantage que d?autres un style de vie affectant la qualité de leur sommeil et ont plutôt tendance à surestimer leurs capacités à conduire quand ils sont fatigués. Dans le rapport précité et à partir des EDA portant sur cas impliquant un facteur lié à la vigilance, Van Elslande et al., mettent en évidence plusieurs scénarios types d?accident, parmi lesquels figure celui de l?endormissement lié à la fatigue: ? Tous les accidents répertoriés dans ce type surviennent sur un itinéraire monotone, se déroulent sur un tracé facile, une chaussée large et bon état. ? L?ambiance dans l?habitacle est neutre, la radio n?est pas allumée, le conducteur est seul ou les autres occupants sont généralement déjà en train de dormir? ? Lorsque le trajet est lié au départ ou au retour de vacances: les conducteurs n?ont pas de soucis ni de contrariétés, ils ne présentent pas de fatigue autre que celle liée à une longue période de conduite. L?heure de l?accident est assez variable. C?est la longueur du trajet (de l?ordre de 700km parcourus) qui renseigne le plus sur l?origine de la fatigue ressentie par les usagers. 49 5.2.3 - L?environnement de conduite D?après le même rapport précité, les accidents liés à une dégradation de l?état de vigilance des conducteurs surviennent le plus souvent lors de situations de conduite simples, telles que celles impliquant des tâches se limitant au guidage du véhicule en section rectiligne. Le caractère monotone de certaines situations de conduite peut contribuer à la baisse du niveau de vigilance du conducteur et également favoriser l?émergence de l?inattention. L?environnement de conduite peut être qualifié de monotone quand il paraît prévisible, répétitif et qu?il ne s?y passe grand-chose. L?autoroute, notamment par faible trafic, et les environnements ruraux dégagés présentant de grandes lignes droites, sont considérés comme pouvant constituer des situations de conduite monotone, en raison des périodes prolongées qui sollicitent peu le conducteur. La conduite calée sur le véhicule précédent ou en convoi est aussi considérée comme pouvant contribuer à une monotonie de la conduite. Van Elslande et al. indiquent (rapport INRETS, 2009) que c?est le caractère routinier et répété des stimulations qui qualifie la monotonie. En effet, la répétition de stimulations provoque les phénomènes d?habituation. Ce phénomène est bien connu au niveau neuronal. Ainsi, une stimulation répétée provoque une diminution de l?activation neuronale et explique la diminution des performances de détection. Liu et Wu (2009) démontrent que pour des conducteurs fatigués, les performances de conduite diminuent lorsqu?ils passent d?un environnement complexe à un environnement monotone, et inversement. Ainsi, d?une part, un environnement monotone peut provoquer un phénomène d?habituation qui diminue le niveau de vigilance et d?autre part, un environnement simple et peu stimulant peut avoir pour effet de révéler la fatigue du conducteur et/ou que celui-ci relâche ses efforts de concentration. Les problèmes de vigilance constituent un facteur d?accident qui est davantage représenté sur autoroute: la longueur des trajets et le fait que la conduite peut y être plus monotone favorisent davantage l?émergence de ce facteur que sur les autres axes routiers. Le risque correspondant est notamment favorisé par le manque de sommeil. Les bandes rugueuses posées sur le bord extérieur de la chaussée ont ainsi été généralisées sur les autoroutes en France: le passage sur ces bandes provoque des vibrations et un bruit qui avertissent le conducteur qu?il est en train de dévier vers la BAU. Outre les aspects liés au niveau de vigilance comme évoqué au 5.2.1, les principaux facteurs connus pour favoriser l?émergence de l?inattention chez le conducteur sont ceux ayant trait aux caractéristiques des situations de conduite. Ce phénomène survient plutôt dans les situations qui présentent un faible niveau de sollicitation pour le conducteur, comme des contextes de conduite répétitive ou facile, ou ressentis comme tels par le conducteur, au point qu?il laisse son attention dériver vers ses pensées, en réalisant son activité de conduite sur un mode automatisé recourant peu à l?attention. En outre, la conduite au régulateur de vitesse est susceptible de favoriser la diminution du niveau de vigilance et d?attention du conducteur ou d?accentuer le risque de survenance de ces dégradations si d?autres facteurs propices (comme la fatigue, le manque de sommeil, la présence d?une situation monotone) sont déjà réunis. Le Cerema a réalisé une étude spécifique, dite étude FLAM, afin d?analyser de manière approfondie les facteurs qui ont joué un rôle dans la genèse des accidents mortels de la circulation routière survenus en 2015. 50 Les résultats de l?étude font ressortir les aspects de vigilance et d?attention comme suit: ? La fatigue, pour 12% des accidents et presque le double sur autoroute (23%). ? L?inattention et la distraction non technologique, pour 12% des accidents (14,5% sur autoroute); ? Les problèmes d?attention et de distraction découlant de l?usage d?un téléphone ou d?un autre outil technologique (distracteur, mauvaise utilisation du GPS ou du régulateur de vitesse ou d?un autre système d?aide à la conduite), pour 4% des accidents, et le double sur autoroute (8,3%). D?après les bilans publiés par l?ASFA19 pour ce qui concerne les autoroutes concédées, le facteur lié à la somnolence ou la fatigue est identifié dans 18% des accidents mortels sur la période 2018-2022, la moitié de ces accidents se produisent entre 0h et 9h et plus de 20% surviennent sur le créneau 5h-8h. Sur la même période, les défauts d?attention sont identifiés dans près de 16% des accidents mortels. 5.2.4 - Les dispositifs d?aide à la conduite Bien qu?étant une aide à la conduite, l?utilisation du régulateur de vitesse dans certaines conditions peut avoir un effet négatif sur la conduite. Cet aspect a été abordé dernièrement par le BEA-TT dans deux rapports20. L?usage du régulateur, qui amène à déléguer au véhicule le déplacement longitudinal, entraîne une forme d?automatisation de la conduite et peut donc favoriser un désengagement progressif de l?activité de conduite de la part du conducteur, notamment au fur et à mesure que la durée du trajet augmente. La capacité de réaction, notamment en situation d?urgence, est sensiblement amoindrie par l?utilisation du régulateur ou du limiteur de vitesse. Cette moindre capacité de réaction est imputable à la diminution du niveau de vigilance que peut occasionner l?utilisation d?un régulateur de vitesse, comme l?ont montré des tests effectués avec des électroencéphalogrammes sur des conducteurs-cobayes. L?utilisation prolongée de ces outils nécessite d?augmenter la fréquence des pauses de façon à permettre au conducteur de multiplier les périodes de récupération de son niveau d?éveil. La mise au point de dispositifs d?aides à la conduite orientés vers la détection des problèmes de vigilance fait l?objet de travaux de recherches depuis plusieurs années, c?est plus récent pour les problèmes d?attention. Cela concerne des systèmes embarqués dans les véhicules qui vont avoir pour principe d?émettre des alertes, voire de déclencher des mécanismes de sécurité automatiques, s?ils détectent un problème. Les mécanismes basés sur la surveillance de la position du véhicule sont à ce jour les plus développés. D?autres systèmes visent à surveiller l?état du conducteur en mesurant, à partir de caméras ou de capteurs, les mouvements des yeux ou du visage, la tenue du volant. L?amplitude des mouvements oculaires et la vitesse de clignement des paupières peut être indicateur du degré de vigilance. Lorsque le niveau de vigilance devient bas, les micro-mouvements qui permettent des corrections fines de trajectoires deviennent moins fréquents et, à l?inverse, les grands mouvements de volant deviennent plus nombreux. Les nouvelles technologies s?appuyant sur des capteurs embarqués (caméras, radars, lidars?) et les progrès de l?automatisation permettent aujourd?hui aux constructeurs d?intégrer dans les véhicules des aides à la conduite de plus en plus nombreuses. 19 Association des Sociétés Françaises d?Autoroutes et d?ouvrages à péage 20 Rapports relatifs à un accident impliquant un car, survenu le 3 novembre 2019 sur l?autoroute A1 au niveau d?Estrées-Deniécourt (80) et le 27 mai 2021 sur l'autoroute A62 au niveau du Mas-d'Agenais (47) 51 Certaines de ces aides à la conduite peuvent être intéressantes vis-à-vis des problèmes de vigilance ou d?attention. On peut citer les exemples suivants, parmi les dispositifs actuellement réglementés: ? Le système d?avertissement de dérive de la trajectoire (LDWS, Lane Departure Warning System), appelé aussi avertisseur de franchissement de ligne, est conçu pour avertir le conducteur d?une dérive involontaire du véhicule pouvant l?amener à sortir de sa voie de circulation, certains systèmes prenant ensuite automatiquement les mesures nécessaires pour rétablir la trajectoire en cas d?absence de réaction de la part du conducteur. Au niveau européen, le système est obligatoire depuis fin 2015 sur tous les véhicules lourds nouvellement immatriculés, il est de plus en plus proposé sur les véhicules légers par les constructeurs automobiles. ? Les systèmes d?avertissement de collision frontale, qui surveillent la distance entre le véhicule du conducteur et le véhicule qui le précède, et le système avancé de freinage d?urgence (AEBS, Advanced Emergency Braking System). Ce dernier est conçu pour détecter un risque de choc à l?avant, en avertir le conducteur puis, en l?absence de réaction de sa part, activer le système de freinage du véhicule afin de réduire sa vitesse et ainsi éviter le choc ou en atténuer la gravité. Au niveau européen, il est obligatoire pour tout véhicule lourd neuf depuis fin 2015 et, en application du règlement n°2019/2144, pour tous les nouveaux types de véhicules légers depuis juillet 2022 et pour tout véhicule léger neuf à partir de juillet 2024. De tels systèmes peuvent apporter un niveau supplémentaire de sécurité. Ils ne sauraient remplacer l?attention ou le jugement du conducteur, ils ont des limites de fonctionnement et sont en l?état actuel loin d?être infaillibles. Au niveau européen, le règlement précité rend obligatoire pour les véhicules légers et lourds, l?équipement d?un système d?avertissement de somnolence et de perte d?attention du conducteur (DDAW) dans les mêmes échéances que celles citées ci-avant, ainsi que d?un système avancé d?avertissement de distraction (ADDW), à partir de juillet 2024 pour les nouveaux types de véhicules et à partir de juillet 2026 pour tout véhicule neuf. Le règlement délégué (UE) n°2021/1341 définit les prescriptions techniques applicables à la réception des véhicules en ce qui concerne le système DDAW (Driver Drowsiness and Attention Warning). Celui-ci vise à détecter la baisse de vigilance et en particulier la somnolence, par des moyens indirects (l?utilisation de paramètres physiologiques pouvant être intégrée en sus), tels que: ? l?analyse des caractéristiques de conduite et la surveillance de la position du véhicule (détecter par exemple une plus grande variabilité de la position latérale du véhicule dans la voie); ? l?analyse des interventions sur la direction, la quantification de la manière dont le conducteur manipule le volant (détecter par exemple une réduction du nombre de micro-corrections au niveau de la direction associée à une augmentation des corrections importantes et rapides). Le règlement délégué (UE) n°2023/2590 définit les prescriptions techniques applicables à la réception des véhicules en ce qui concerne le système ADDW (Advanced Driver Distraction Warning). Ce système est défini comme aidant le conducteur à continuer à prêter attention aux conditions de circulation. Il vise, dans une première étape, à détecter les situations où l?attention visuelle du conducteur n?est pas orientée vers les tâches de conduite en surveillant les zones dans lesquelles le regard du conducteur se porte. 52 5.3 - L?utilisation du minibus pour un transport collectif de personnes 5.3.1 - Des accidents tragiques qui ne sont pas rares Le fichier national des accidents corporels de l?ONISR ne permet pas de recenser les accidents impliquant un minibus, puisque ce type de véhicule n?est pas distingué dans les données et est assimilé à ce qu?il est réglementairement, à savoir un véhicule de tourisme. À partir de la veille qu?il réalise au quotidien, le BEA-TT a établi un décompte des accidents ayant impliqué un minibus, non exhaustif et présenté en annexe 3. D?après ce décompte, les accidents graves, qui impliquent des enfants et se produisent dans le cadre d?activités de centres de vacances et de loisirs ou de clubs de sports, surviennent plus fréquemment à l?occasion de sorties à la journée que lors de longs trajets au cours desquels les enfants sont acheminés sur leur lieu de séjour. Ces sorties peuvent être organisées par les services jeunesse des municipalités et impliquer un long trajet, comme c?est le cas dans le cadre de l?accident faisant l?objet du présent rapport, ou un trajet plus court, comme ce fut le cas par exemple lors de l?accident survenu en 2014 dans l?Aube et ayant fait l?objet d?un rapport d?enquête du BEA-TT: un minibus, qui transportait sept enfants de la ville de Nangis (Seine-et-Marne), encadrés par deux animateurs du service municipal, dans le cadre d?une sortie à la journée, a percuté frontalement un poids lourd, causant le décès de six des neufs occupants du minibus, le véhicule appartenant à la commune et étant conduit par l?un des deux animateurs. Ces sorties peuvent également être organisées par le centre de vacances dans lequel les mineurs sont accueillis. L?accident survenu le 25 août 2023 dans le Lot-et-Garonne a été très médiatisé: deux minibus circulant en convoi ramenaient des adolescents au centre de loisirs local où ils séjournaient, après une activité nautique, lorsque le premier véhicule a effectué une sortie de route sur sa gauche, provoquant le décès d?un des enfants et en blessant quatre autres grièvement. Les clubs de sports et autres associations ont également recours au minibus pour transporter des mineurs ou des adultes. L?accident survenu le 22 avril 2023 à 7h sur l?autoroute A8 dans le Var présente un contexte proche de celui de l?accident qui fait l?objet du présent rapport: un minibus percute l?arrière d?un poids lourd; il était le dernier d?un convoi de 5 véhicules, parti de Tours dans la soirée et transportant des adolescents, membres d?un club de foot pour participer à un stage dans le sud de la France. Le conducteur âgé de 25ans déclare qu?il a dû s?endormir, une rotation entre conducteurs était apparemment organisée et ce conducteur aurait décliné la dernière proposition faite en termes de rotation, se sentant à même de continuer. Dans les trois exemples cités, la cause présumée est un endormissement. La revue professionnelle «Le Journal de l?Animation», qui est un outil de référence consacré à l?animation éducative, sociale et culturelle a publié en novembre 2015 un article très développé sur le transport d?enfants en minibus. L?article souligne que la majorité des accidents se produit sur des trajets courts et que l?organisateur d?un accueil collectif de mineurs (ACM) pourrait être parfois tenu pour co-responsable en cas d?accident et notamment s?il a laissé s?effectuer un trajet malgré une dangerosité manifeste. La dangerosité manifeste peut résulter de l?état du véhicule, d?un conducteur sous l?emprise de l?alcool ou de produits stupéfiants, «voire dans un état de fatigue extrême qui peut entraîner somnolence ou perte d?attention au volant, comme cela a pu se produire dans des accidents tragiques qui ont défrayé la chronique». 53 Le BEA-TT considère qu?il est essentiel de diligenter une campagne de sensibilisation d?envergure sur les risques d?hypovigilance et de manque d?attention lors de la conduite et en direction de l?ensemble des organismes qui organisent un transport collectif de personnes en minibus et des conducteurs correspondants. Cette sensibilisation devrait inclure les risques lors des trajets sur autoroute et liés en particulier au manque de sommeil et à l?usage du régulateur de vitesse, étant précisé que d?autres types d?aide à la conduite sont susceptibles d?apporter un plus en termes de sécurité, comme évoqué au 5.2.4. L?état de fatigue, et bien avant d?être extrême, peut provoquer de tels risques et les jeunes hommes sont considérés comme une catégorie à risque, comme évoqué au 5.2.2. Si cette fatigue peut dans certains cas être liée à un long trajet, les conditions de travail et de vie des animateurs lors des séjours de vacances peuvent également jouer. 5.3.2 - Les longs trajets, le nombre d?animateurs dans le minibus L?accident du 6 août 2021 a constitué un important traumatisme pour la Ville d?Amiens, tant au niveau des familles que des services municipaux et des agents concernés. En 2023, le conducteur impliqué dans l?accident a été condamné à deux ans de prison avec sursis pour homicide et blessures involontaires. Certains services de la ville ont indiqué au BEA-TT que l?accident met en exergue la trop lourde responsabilité assignée aux animateurs qui conduisent sur de longs trajets pour acheminer des jeunes lors d?un séjour de vacances, sans parler par ailleurs de la fatigue liée à l?encadrement. Il s?avère en outre que le départ de nuit pour effectuer ces longs trajets correspondait à une pratique qui était en usage depuis quelques années au sein du CAJ concerné, mais qui n?était pas connue de la direction générale de la ville, cette dernière indiquant que cela ne correspond pas à une pratique autorisée et n?est pas dans les règles. Le BEA-TT a constaté l?inexistence de documents de type directives ou notes internes, se rapportant à l?organisation de ces séjours de vacances et leurs modalités de transport. La ville d?Amiens a depuis mené une réflexion afin de revoir l?organisation des séjours, notamment de manière à ce qu?ils n?impliquent plus un long trajet, ou alors, à opter pour un autre mode de transport que le minibus pour se rendre sur le lieu du séjour. Cette réflexion a donné lieu à une note de cadrage relative à l?usage des minibus au sein de ses ACM, établie en juin 2023 et présentée en annexe 4. La municipalité a également indiqué au BEA-TT que les modalités de la SNCF en matière de réservation de groupes constituent une source de difficulté pour la mise en oeuvre d?un acheminement en train. Parmi les recommandations considérées comme efficaces vis-à-vis du risque d?hypovigilance au volant lors d?un long trajet, on peut citer: ? Faire des pauses de 15 à 20 minutes chacune et, impérativement, au moins toutes les deux heures, et non pas toutes les 3heures comme dans le cas de cet accident. ? Voire effectuer une sieste à cette occasion; prendre une boisson à base de caféine, s?hydrater, privilégier les protéines (jambon, poulet) aux aliments sucrés. ? Se relayer entre conducteurs pour alterner les périodes de repos et de conduite, ce qui implique de fixer au préalable un planning de rotation puis de le respecter. Partir vers minuit pour traverser la France constitue un facteur de risque supplémentaire, que le BEA-TT considère comme devant être évité dans le cas d?un transport collectif d?enfants, organisé par une collectivité locale ou une association, au moyen d?un minibus non conduit par un conducteur professionnel. 54 D?après le bilan annuel de l?accidentalité de l?ONISR, en 2022, 42% des tués sur la route le sont de nuit et ce ratio est de 53% sur autoroute. Dans son bilan annuel relatif aux accidents mortels survenus sur autoroutes concédées en 2022, l?ASFA mentionne que le risque d?accident est trois fois plus important sur la période 22h-6h, considérant que 31% des accidents mortels surviennent sur cette période alors qu?elle concentre 9% du trafic. Lorsque le transport d?enfants s?effectue dans le cadre d?un accueil collectif de mineurs (ACM), les normes d?encadrement qui régissent les ACM s?appliquent, le taux le plus bas étant d?un animateur pour 8 enfants dans le cas d?enfants de moins de 6 ans. Seules ces normes s?appliquent puisqu?aucune réglementation spécifique au transport n?a été établie en lien avec l?activité des ACM. Si un minibus transporte 8 enfants et un animateur, ce ratio est respecté, mais si l?animateur conduit, il lui est logiquement impossible d?exercer simultanément sa mission d?encadrement et de surveillance des mineurs. Il semble qu?il y ait là pour le moins une forme de hiatus. L?article précité paru dans «Le Journal de l?Animation» aborde en profondeur la question du nombre d?animateurs nécessaire dans un minibus, en soulignant en premier lieu que, le conducteur devant mobiliser son attention sur la conduite, il ne peut en être distrait par la nécessité d?intervenir auprès des enfants pour rétablir l?ordre par exemple. L?article21 recommande d?aller au-delà de la réglementation et de prévoir un encadrement renforcé dès lors que la sécurité des mineurs peut être mise en cause, la difficulté étant que doubler le nombre d?animateurs peut peser lourd dans un budget déjà serré. L?article souligne que, la réglementation manquant de précision, il incombe à l?organisateur de prendre la décision et d?en assumer la responsabilité, en tenant compte notamment de l?âge des enfants, de la connaissance des enfants (ont-ils généralement un comportement discipliné ou non?), de la durée du trajet, étant précisé néanmoins que la majorité des accidents se produit sur des trajets courts. On prendra la décision de confier les enfants au seul conducteur uniquement si la connaissance du comportement des mineurs permet d?écarter tout risque prévisible de trouble l?empêchant de consacrer toute son attention à la conduite. Si les enfants sont âgés de plus de 11ans, sur un trajet court, il est généralement admis que l?animateur peut rester seul avec 8 mineurs, dans la mesure où à partir de cet âge les enfants n?ont plus besoin d'une surveillance particulière de tous les instants. Si l?on fait le parallèle avec les autocars assurant un transport scolaire, le conducteur ne peut et ne doit pas exercer de surveillance durant la conduite. L?ANATEEP22 mentionne dans son guide pour la sécurité des transports scolaires que, s?il n?existe aucune obligation réglementaire relative à l?accompagnement, celui-ci s?avère nécessaire pour les enfants les plus jeunes, mais aussi pour des questions de discipline, sur certaines lignes utilisées par des adolescents. Dans le cas de l?accident du 6 août 2021 impliquant des adolescents d?Amiens, âgés de 14 à 16ans, il ne semble pas que la situation puisse présenter une gêne pour l?animateur lors de sa conduite et les jeunes s?étaient très impliqués dans la préparation du séjour de vacances et du projet pédagogique correspondant, coconstruits avec l?équipe d?animation. Le ratio de 3 encadrants pour 15 jeunes était par ailleurs satisfaisant et il offrait à lui seul la possibilité que ces personnes se relaient à la conduite, ce qui n?a pas été fait, même dans le minibus de tête où se trouvaient deux des encadrants. 21 Le ministère en charge de la jeunesse précise qu?il convient d?adapter une approche prudente des contenus publiés par le Journal de l'animation, les articles et leur contenu n?engageant que leur auteur. 22 Association nationale pour les transports éducatifs de l?enseignement public 55 5.3.3 - Conclusions Bien qu?il ne s?agisse pas réglementairement d?un véhicule de transport en commun, le minibus est régulièrement utilisé pour effectuer un transport collectif, en particulier d?enfants, en dehors du cadre d?une entreprise de transport routier de personnes. Il importe dès lors que son conducteur présente, outre des qualités de conduite, de bonnes dispositions générales lui permettant notamment de se prémunir de la fatigue. Lorsque ce transport s?effectue dans le cadre d?un accueil collectif de mineurs (ACM), les véhicules sont souvent conduits par des animateurs employés par les organisateurs et qui ne sont donc pas des conducteurs professionnels. Ils réalisent le transport de ces enfants dans le cadre de l'exercice de leur fonction d?animateur et ne sont pas forcément expérimentés à la conduite de ce type de véhicule. Il s?agit d?une lourde responsabilité. L?article du «Le Journal de l?Animation» précité mentionne les éléments suivants: ? Le minibus constitue un des moyens privilégiés pour transporter des collectifs d?enfants et le fait que le permis B suffise est une «faculté appréciée par les organisateurs qui n?ont pas l?obligation de recruter un chauffeur qualifié». ? Compte tenu des exigences formulées par certains loueurs sur l?âge du conducteur, «les organisateurs préfèrent la plupart du temps confier ces véhicules moins maniables aux conducteurs les plus expérimentés de leurs équipes». ? Il incombe au directeur d?un ACM de vérifier que les animateurs qui conduisent ces véhicules connaissent les consignes (port de la ceinture, places des enfants de moins de 10ans) et assurent la fonction de conducteur en sécurité. ? L?employeur peut demander à se voir présenter périodiquement (au moins deux fois par an) par un conducteur son permis de conduire en état de validité. Le guide pour la sécurité des transports scolaires publié par l?ANATEEP rappelle plus généralement que le Code du travail prévoit pour tout salarié des visites dans le cadre de la médecine du travail: visite médicale d?embauche et de reprise après un arrêt de travail, visites obligatoires régulières. Le guide insiste sur l?importance du suivi de ces visites médicales par l?autorité organisatrice des transports pour les personnels de conduite affectés aux transports d?enfants via des véhicules de 9 places. L?ACM est soumis à un régime de déclaration23, via une téléprocédure, nécessitant de fournir différents renseignements concernant l?organisation de l?accueil, les locaux, l?équipe d?encadrement. Ces déclarations sont contrôlées par les services de l?État. Lors de cette déclaration, aucun renseignement n?est demandé en ce qui concerne le moyen de transport utilisé pour l?acheminement de ces mineurs, qu?il s?agisse de l?amenée des enfants sur leur lieu de séjour ou de loisirs quand elle relève de l?organisateur de cet accueil ou de leurs déplacements une fois arrivés dans ce lieu. À notre connaissance, pour les sorties réalisées dans un cadre scolaire, qui est un autre cadre que celui de l?ACM, un dossier est à constituer qui comprend une fiche d?information sur le transport et le recours à un transporteur public est la règle. Il semble que, dans la plupart des cas, les services de l?État établissent des instructions départementales au sujet de l?ACM, qui récapitulent les dispositions réglementaires et comprennent des points d?attention thématiques. Le BEA-TT a pris connaissance des documents ainsi produits dans les départements de la Somme et de l?Ain. S?agissant des déplacements en véhicule, ces documents rappellent que la protection des mineurs qui incombe aux organisateurs s?étend aussi aux transports puisque les enfants ne sont plus sous la responsabilité de leurs parents. L?un des documents indique 23 Pour les enfants de moins de 6ans, certains accueils font l?objet d?un dispositif d?autorisation. 56 «L?organisateur prendra toute précaution pour solliciter des parents toutes autorisations pour le transport de leur(s) enfant(s) organisé dans le cadre des activités du séjour», tandis que l?autre mentionne «La sécurité des enfants transportés par car, minibus, avion ou train doit être une préoccupation constante pour les organisateurs». Ces documents rappellent que les véhicules de transport en commun sont des véhicules de plus de 9 places et attirent l?attention sur les précautions à prendre par l?encadrement dans ce cas, autrement dit dans le cas de transport en autocar ou autobus. Ces documents n?attirent pas l?attention sur l?usage spécifique du minibus, si ce n?est de rappeler l?obligation du port de la ceinture de sécurité dans toute voiture particulière. Le ministère en charge de la jeunesse établit chaque année des instructions relatives aux modalités de contrôle des ACM en période estivale et en faisant référence à une instruction-cadre de 2018. Il est ainsi demandé aux services, à l?occasion de ces contrôles, de rappeler aux organisateurs la nécessité d?être particulièrement vigilants aux déplacements des mineurs, et de les sensibiliser aux conditions de préparation de ces déplacements (choix du mode de transport et du chauffeur, conditions d?encadrement, respect des dispositions du Code de la route notamment). Le BEA-TT considère qu?il conviendrait que ces éléments fassent l?objet d?une instruction nationale spécifique à l?usage du minibus, récapitulant les règles de sécurité et les mesures de prévention à prendre, tant pour la préparation des déplacements, notamment en cas de longs trajets, que pour les modalités de leur réalisation. Il paraît également nécessaire que cette instruction donne lieu à une campagne de sensibilisation permettant de toucher l?ensemble des maillons de la chaîne, de l?animateur à l?organisateur d?un ACM, et des acteurs concernés, dont les associations. Les éléments exposés dans cette partie visent à aborder en détail les modalités du transport de mineurs en minibus effectué dans le cadre d?un ACM et en référence au contexte de l?accident sur lequel porte le présent rapport. Une grande partie de ces éléments a vocation à s?appliquer également au convoyage par minibus d?enfants effectué en dehors du cadre de l?ACM et, plus largement, au transport collectif de personnes qui est effectué dans un cadre associatif ou de club, au moyen d?un minibus loué ou mis à disposition ou au moyen d?un véhicule personnel. En conclusion, le BEA-TT formule la recommandation suivante: Recommandation R1 à la Direction de la jeunesse, de l?éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), ministère de l?Éducation nationale et de la jeunesse: Établir une instruction nationale spécifique à l?usage du minibus (voire du véhicule personnel) afin de rappeler, aux différents organisateurs (accueil collectif de mineurs - ACM, associations notamment) y ayant recours pour transporter un collectif de personnes, les responsabilités associées et les règles de sécurité et de prévention à prendre pour la préparation et la réalisation de ces déplacements. Mettre en oeuvre, à l?attention des organisateurs précités et de leurs conducteurs, une sensibilisation d?envergure sur les risques d?hypovigilance et de manque d?attention lors de la conduite, dont les risques lors des trajets sur autoroute et liés en particulier au manque de sommeil et à l?usage du régulateur de vitesse. Par ailleurs, le BEA-TT invite à suivre cette même recommandation les autres ministères pouvant être concernés par le convoyage par minibus d?enfants, notamment le ministère des solidarités et des familles (compétent pour ce qui concerne les jeunes reçus par les structures relevant de l'aide sociale à l'enfance et plus généralement ceux suivis dans les établissements sociaux et médico-sociaux, dont les situations de handicap), le ministère de la justice (jeunes relevant de la protection judiciaire de la jeunesse), le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques (associations et clubs sportifs). 57 5.4 - L?accidentalité liée aux poids lourds sur autoroute 5.4.1 - Les données générales sur les accidents avec PL d?après le fichier BAAC Sur la période 2016-2020, les accidents impliquant un PL représentent 5% des accidents corporels et 12% des accidents mortels. Sur autoroute, ces parts sont respectivement de 16% et 33%. Ces données présentent peu de variations d?une année à l?autre. La part de l?accidentalité liée aux PL dans l?accidentalité générale paraît comparable à celle que représentent les PL dans la circulation routière comptée en véhicules x km, qui est voisine de 5% d?après le bilan annuel des transports publié en 2019 par le ministère concerné. Mais les accidents correspondants sont plus graves, en raison des poids et des dimensions des véhicules. Ainsi, en 2019 par exemple et sans parler par ailleurs des blessés: ? La gravité des accidents avec PL est de 14,2 tués pour 100 accidents, ce qui est 2,6fois supérieur à la gravité des accidents sans PL. ? Sur autoroute, la gravité des accidents avec PL est de 8,8 tués pour 100 accidents, ce qui est 2,3 fois supérieur à la gravité des accidents sans PL. En 2019, les accidents impliquant un PL ont occasionné 390 tués (dont 36 étaient occupants du PL), soit 12% de la mortalité routière et 3360 blessés (dont 540 étaient occupants du PL), soit 5% du total des blessés. Sur autoroute, on comptabilise 930accidents impliquant un PL dont près de 80 ont été mortels. Sur la période 2016-2020, la répartition des accidents mortels impliquant un PL selon le milieu est approximativement la suivante: 21% sur autoroutes, 58% sur les autres routes hors agglomération et 21% en agglomération. S?agissant des accidents corporels impliquant un PL, la répartition est respectivement de 32%, 36% et 31%. 5.4.2 - Les accidents avec PL sur autoroute et les types de collision La synthèse bibliographique réalisée par le SETRA24 en 2012 sur l?accidentalité des PL sur autoroutes françaises mentionne plusieurs études, dont certaines réalisées par l?ASFA, basées sur des petits chiffres ou anciennes, qui mettent en avant que, sur autoroute, les accidents mortels impliquant deux véhicules dont un PL, sont pour une majorité des cas des collisions arrière et dans lesquelles les PL sont le plus souvent heurtés que heurtant, sans parler bien sûr des cas où le PL est heurté à l?arrière par un autre PL. La synthèse bibliographique des études relatives à la sécurité des PL réalisée en 2005 dans le cadre du programme de recherche Trucks mentionne le projet européen de recherches VERTEC, 2003, dans le cadre duquel une base de données commune relative aux accidents impliquant un PL a été créée entre les pays partenaires (Finlande, France, Royaume-Uni, Italie). Les données ont montré que, sur routes à chaussées séparées et hors milieu urbain, le type de collision le plus fréquent est un choc arrière (33%), tant pour les accidents mortels que pour l?ensemble des accidents corporels. Les données relatives aux accidents corporels impliquant un PL sur les autoroutes françaises sur la période 2016-2020 sont présentées dans les tableaux ci-dessous, à partir d?une exploitation du fichier BAAC réalisée par le BEA-TT. 24 Service d?études sur les transports, les routes et leurs aménagements, devenu la Direction technique Infrastructures de transport et matériaux du Cerema 58 Elles montrent que, parmi les accidents impliquant un PL sur autoroute, la collision arrière entre deux véhicules est l?accident le plus fréquent et que ceci est encore plus avéré si l?on considère uniquement les accidents mortels. Les accidents impliquant un PL sur autoroute correspondent dans 36% des cas, voire près de 40% pour les accidents mortels, à une collision arrière. Si l?on compare avec l?ensemble des accidents sur autoroute, on peut voir que d?après les bilans annuels de l?ONISR, les collisions arrière représentent environ 20% des accidents mortels. Si l?on retire les accidents avec piétons et ceux impliquant un seul véhicule, le PL, on constate alors que les collisions mortelles impliquant au moins deux véhicules dont un PL correspondent dans 53% des cas à une collision par l?arrière entre ce PL et un autre véhicule. Enfin, si l?on considère les accidents impliquant exactement un nombre de deux véhicules dont un PL, ces accidents sont des collisions arrière dans près de 60% des cas, voire 80% dans le cas des accidents mortels. La catégorie «collision par l?arrière entre un PL et un autre véhicule» évoquée dans les données ci-dessus englobe les deux cas possibles: PL heurté par l?arrière par un autre véhicule versus PL heurtant un autre véhicule par l?arrière. La distinction nécessiterait une exploitation plus approfondie des données BAAC afin de vérifier, accident par accident, la localisation des points de choc sur les deux véhicules. Le BEA-TT a effectué cette vérification sur une petite partie des accidents qui ont été identifiés par les forces de l?ordre comme ayant eu lieu en pente25: cela a mis en évidence que, sur ce petit nombre, la situation d?un PL heurté par l?arrière représente près de 70% des cas et que la variable «profil en long» des données BAAC n?est pas suffisamment fiable ou exploitable. 25 Le BAAC ne distingue pas entre montée et descente et la distinction entre «plat» et «non plat» est laissée à la discrétion de celui qui le remplit (le guide de remplissage des BAAC ne donne pas de seuil, il stipule que l?existence d?une pente s?apprécie visuellement). 59 Le bilan annuel de l?accidentologie publié par l?ASFA pour les autoroutes concédées comprend une analyse des scénarios d?accident mortel, qui récapitule notamment le nombre de percussions arrière impliquant des véhicules en mouvement et selon la typologie des véhicules impliqués. Ces éléments montrent que, sur un nombre de 150percussions arrière impliquant deux véhicules dont un PL sur la période 2016-2022, un VL heurte un PL dans 64,7% des cas, un PL heurte un VL dans 18,7% des cas, et un PL heurte un PL dans 16,7% des cas. Il est donc possible de considérer que le nombre d?accidents mortels impliquant un véhicule (VL ou PL, les VL étant majoritaires) heurtant l?arrière d?un PL est de l?ordre d?une vingtaine par an sur le réseau autoroutier. Cela comprend une petite dizaine de collisions entre un VL et un PL survenant sur le réseau concédé, d?après le passage en revue sur quatre ans du descriptif résumé des accidents mortels figurant dans les bilans de l?ASFA (et en ayant retiré les cas où le PL heurté est à l?arrêt, les cas où la collision est liée à un ralentissement du trafic et les cas de collisions en chaîne). 5.4.3 - L?accidentalité liée aux PL dans les rampes sur autoroutes La synthèse bibliographique réalisée par le SETRA en 2012, précitée, comprend un état des lieux des données statistiques et des études existantes en matière d?accidentalité liée aux PL sur les autoroutes françaises, en abordant les différents facteurs et mécanismes d?accidents recensés dans la littérature. Le rapport précise que plusieurs sources sont à relativiser au regard de leur caractère parfois très local ou fragmentaire (faiblesse des échantillons). Concernant les facteurs liés à l'infrastructure, le rapport souligne la forte influence des montées et des descentes sur l?accidentalité impliquant les PL sur autoroute et rappelle que la mise en place de VSVL, en montée comme en descente, peut être efficace dans la lutte contre les accidents de PL avec chocs arrière. Concernant plus particulièrement les rampes, le rapport cite les deux études suivantes réalisées par le CETE Normandie Centre. Le BEA-TT a pris connaissance de la première et en a extrait certains éléments ci-après. Pour la seconde, le BEA-TT s?est appuyé sur les synthèses de l?étude figurant dans plusieurs documents. L?étude26 réalisée en 2008 dans le cadre du projet DIVAS a porté sur 262accidents corporels survenus sur un linéaire d?un peu plus de 300km et constitué de 5sections d?autoroutes interurbaines différentes. Elle s?est basée notamment sur les informations figurant dans les procès verbaux d?accident établis par les forces de l?ordre. Il ressort que les accidents les plus fréquents sont ceux liés à un état de fatigue ou d?hypovigilance, à une manoeuvre de dépassement ou à des chocs arrière sur des véhicules plus lents. Les accidents impliquant un défaut de vigilance ou d?attention ainsi que les chocs arrière surviennent très majoritairement en ligne droite. L?échantillon comprend 40 accidents impliquant un PL, soit 15% de la base d?étude, dont 10 ont été mortels: ? 18 accidents ont eu lieu en pente, soit 45%, dont 16 en montée et 2 en descente. ? 11 accidents, dont 5 mortels, correspondent au scénario où un conducteur a été surpris par un ralentissement ou par un véhicule plus lent. Dans la grande majorité des cas, il s?agit d?un PL qui est heurté par l?arrière par un VL. Sur ces 11 accidents, 7 ne sont pas liés à un ralentissement: ils impliquent un PL, qui est en montée dans au moins 4 cas et avec une vitesse comprise entre 40 et 70km/h. 26 DIVAS ? Mécanismes d?accidents sur autoroute, livrable n°1.A.2, CETE Normandie Centre, 2008 60 L?étude27 produite en 2001 et réalisée sur la période 1996-2001 a porté sur trois sections en rampe de l?autoroute A13, d?une pente d?environ 4% et sans VSVL, sur lesquelles une accumulation d?accidents de PL avait été détectée. Elle met en évidence un sur-risque important dans ces rampes: les sections représentent 2% du linéaire de l?autoroute et concentrent 33% des accidents corporels impliquant un PL s?y produisant. L?A13 comporte d?autres rampes que celles étudiées, il n?y a pas été constaté d?accumulation de chocs arrière, sachant que les plus pentues comportent une VSVL. Sur la zone d?étude, les accidents impliquant un PL sont dans 90% des cas des chocs arrière qui se produisent au moins 1500m après le début de la rampe. L?analyse des conditions d?accidents a montré que ceux-ci étaient dus à un fort différentiel de vitesses entre les véhicules impliqués. Dans la plupart des cas, le véhicule «rattrapant», que ce soit un VL ou un PL, percute un PL roulant plus lentement. La vitesse moyenne du véhicule percuté est comprise entre 40 et 50km/h. Par ailleurs, le BEA-TT a pris connaissance de certains des rapports produits dans le cadre des opérations de recherche PLINFRA28 et TRUCKS29, portant sur la sécurité des infrastructures routières. Si ces programmes se sont en particulier intéressés à la dynamique des PL, notamment des semi-remorques, et aux risques de perte de contrôle, ils comportent également quelques éléments en lien avec les configurations en rampe. Le rapport sur les poids lourds et la sécurité routière, produit en novembre 2008 dans le cadre de l?opération TRUCKS s?intéresse en particulier aux virages, bretelles de sortie de voies rapides, giratoires et rampes, et propose des seuils de sécurité correspondants. Il est souligné que certaines caractéristiques de l?infrastructure, parmi lesquelles figurent les fortes rampes, jouent un rôle dans les accidents corporels où un PL est impliqué. Dans le cadre de l?opération de recherche PLINFRA, une démarche a été conduite en vue de développer un outil d?aide au diagnostic des infrastructures, spécifique aux poids lourds, le logiciel nommé Alert?Infra PL. Elle a fait l?objet notamment de deux rapports30 établis par le CETE de Lyon en juillet 2010 et avril 2012. La démarche a permis de déterminer une liste de configurations de l?infrastructure présentant un risque spécifique pour ce qui concerne les PL et en y associant des valeurs seuils des caractéristiques de l'infrastructure au-delà desquelles le risque d?accident augmente fortement. Des valeurs seuils ont ainsi été définies pour les rampes et les descentes sur routes à chaussée séparée de type autoroutière, cela n?a pas été effectué pour les autres routes compte tenu d?un manque de données: ont été retenues les rampes à partir d?une valeur de pente de 4% et d?une longueur de 1500m et non équipées de VSVL, associées à un risque spécifique de collision arrière contre un PL. Ces seuils ont été déterminés à partir de l?étude précitée, réalisée en 2001 par le CETE Normandie Centre, de mesures de vitesses réellement pratiquées et au moyen de simulations avec le modèle PROSPER, permettant d?identifier les configurations en rampe dans lesquelles un semi-remorque de moyenne gamme et pleinement chargé peut atteindre une vitesse de 40 ou 50km/h. Les résultats des mesures de vitesses réellement pratiquées sont présentés en annexe 5. 27 Autoroute A13 ? Accidentologie et comportement des poids lourds en rampe ? étude de trois sections, CETE Normandie Centre, 2001 28 Opération de recherche PLINFRA menée entre 2007 et 2012 par le CETE de Lyon et l?IFSTTAR. L?Institut français des sciences et technologies des transports, de l?aménagement et des réseaux (IFSTTAR) a intégré en 2020 l?université Gustave-Eiffel. Il avait fusionné l?Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS) et le Laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC). 29 Opération de recherche TRUCKS, pilotée par le LCPC entre 2003-2007. 30 Rapport sur la définition des alertes en vue du développement de l?outil AlertinfraPL et rapport de synthèse sur la validation des alertes, juillet 2010 et avril 2012, CETE de Lyon 61 Une démarche de validation statistique a été réalisée en considérant plusieurs linéaires routiers, situés notamment sur le réseau des Autoroutes du Sud de la France (ASF). Le réseau d?étude a été découpé en sections homogènes, tenant compte notamment des valeurs de pente appréciées par classe [plat, supérieure à 2%, supérieure à 4%, etc.] et en renseignant pour chaque section, sa longueur et le trafic correspondant. Les accidents s?étant produits sur des sections relevant de la même classe de pente sont ensuite agrégés et rapportés au nombre de véhicules x kilomètres31 parcourus sur les sections de la classe, de façon à calculer le taux d?accident impliquant un PL sur chaque classe. Les résultats ont montré que les sections en rampe présentent un taux d?accident significativement plus élevé que les sections horizontales et ceci à partir d?une valeur de pente de 3,2%. L?étude a pris notamment en compte les accidents survenus entre 2003 et 2010 sur un linéaire du réseau ASF d?environ 1000km, mais le nombre d?accidents correspondants n?est pas mentionné. 5.4.4 - Conclusions Parmi les accidents impliquant un PL sur autoroute, la collision arrière entre deux véhicules est l?accident le plus fréquent. Elle représente plus du tiers de ces accidents et cette part atteint même 60% si l?on considère uniquement les accidents impliquant exactement un nombre de deux véhicules dont un PL. Sur autoroute, les accidents mortels impliquant deux véhicules dont un PL, sont pour une majorité des cas des collisions arrière et dans lesquelles les PL sont le plus souvent heurtés que heurtant, sans parler des cas où le PL est heurté à l?arrière par un autre PL. Les études disponibles mettent en évidence que cela s?explique par le différentiel de vitesse, qui est de l?ordre de 40km/h entre VL et PL dans le cas général et donc sans parler des rampes, ainsi que par un manque d?attention du conducteur du véhicule rattrapant, qui fait que celui-ci perçoit très tard le PL roulant devant lui à une vitesse nettement inférieure, voire ne le perçoit pas. La synthèse bibliographique réalisée par le SETRA en 2012 mentionne à ce sujet l?étude INRETS sur les accidents de PL, réalisée en 1987 par Fleury et al., à partir de l?analyse de 33 dossiers d?EDA. Les rampes sont des longues montées qui sont parfois rencontrées sur les autoroutes. Le rapport TRUCKS précité rappelle d?une part, que la puissance de leurs moteurs rapportée à la masse est plus faible pour les PL que pour les véhicules et utilitaires légers, d?où une difficulté à gravir certaines montées, et d?autre part que les différences de vitesse entre véhicules légers et poids lourds sont des facteurs d?insécurité. Les études disponibles tendent à souligner que le risque d?accident impliquant un PL est significativement plus élevé dans les rampes que sur le plat, même si certains des rapports correspondants sont à relativiser, au regard de leur caractère parfois local ou des caractéristiques des échantillons considérés. Le fait que le différentiel de vitesse entre VL et PL soit encore plus prononcé dans une rampe accroît le risque de choc arrière contre un PL. Ces collisions arrière en rampe peuvent s?expliquer par le différentiel de vitesse associé à un manque d?attention ou à un problème de vigilance, comme dans le cas général précité. Elles peuvent aussi s?expliquer par une mauvaise appréciation de la vitesse du véhicule rattrapé. Peuvent aussi entrer en jeu une difficulté d?appréciation de cette vitesse et, d?après l?étude INRETS précitée, l?effet de surprise due à la présence d?un véhicule lent devant soi. 31 Les veh.km représentent les distances parcourues par les véhicules circulant sur une section et sur une période, soit pour une section: longueur de la section x TMJA x 365 x nombre d?années d?observation. 62 5.5 - L?évolution de la vitesse des PL dans les rampes 5.5.1 - Les éléments de référence nationaux Le principe de représentation sous forme d?abaques permettant de déterminer pour une rampe donnée la vitesse atteinte après une certaine distance parcourue est utilisé dans les documents techniques relatifs à la conception des infrastructures routières pour apprécier la vitesse d?un camion, chargé, sur une infrastructure. Les abaques utilisés jusqu?à ce jour sont ceux figurant dans la note d?information n°21 établie en 1989 par le SETRA et présentés dans la figure ci-après. Ils s?appuient sur des résultats de simulations réalisées par Renault Véhicules Industriels (RVI) à partir de la modélisation de plusieurs des véhicules de sa gamme. Ils présentent, pour des rampes constantes de 1 à 8%, l?évolution des vitesses de PL pleinement chargés sur une distance de 2800m, en considérant que la vitesse initiale du PL est de 90km/h. Sont également représentées, par les courbes en pointillé, les situations où la vitesse initiale du PL est de 10km/h (PL partant de l?arrêt). Figure 42: Évolution de la vitesse d?un PL semi-remorque chargé en fonction de l?intensité de la rampe et de sa longueur (Source: note d?information 21 du SETRA, octobre 1989) Le type de véhicule qui avait été alors pris en compte est un semi-remorque d?une puissance de 360 chevaux pour un poids total roulant autorisé (PTRA) de 38tonnes, le PTRA correspondant à la masse maximale autorisée pour un ensemble routier, soit le poids à vide de l?ensemble plus le chargement. Depuis 2013 en France, il est passé à 44tonnes pour les ensembles routiers comportant plus de quatre essieux et la plupart des tracteurs routiers sont désormais homologués pour un PTRA de 44tonnes. 63 Le Cerema a réalisé une étude récente32 qui permet de conclure qu?il n?est pas nécessaire de réviser les courbes de vitesse de la note n°21 de 1989. Autrement dit, dans le temps, les effets de l?augmentation de la puissance des tracteurs ont globalement compensé ceux liés à l?évolution des tonnages transportés par chaque véhicule. Des mesures des vitesses effectuées sur plusieurs rampes autoroutières ont permis de disposer d?une répartition des vitesses d?un échantillon de PL. Puis une analyse détaillée du parc roulant a permis d?identifier qu?un ensemble routier de 44tonnes, avec une puissance voisine de 440chevaux, était représentatif des PL actuels pouvant être pénalisants dans les rampes autoroutières, sans pour autant être extrêmes. Plusieurs véhicules, dont deux tracteurs Volvo récents de 420 et 460chevaux, ont été modélisés et utilisés pour des simulations à pleine charge (masse totale de 44tonnes) réalisées à l?aide du logiciel PROSPER CALLAS. Les résultats montrent que le véhicule à 420chevaux a des performances légèrement inférieures à celles représentées sur la noten°21 et qu?avec une motorisation de 460chevaux, les performances sont légèrement supérieures à celles de la note. L?étude permet donc de considérer que les courbes de vitesse de la note n°21 restent globalement valables pour représenter un semi-remorque chargé au maximum et avec une puissance de l?ordre de 440chevaux. Cette puissance correspond à un véhicule moyennement performant. Le choix de cette cible est à mettre en lien avec la finalité dans laquelle s?inscrit la note n°21 et qui est l?analyse des contraintes et des risques engendrés par la circulation d?ensembles routiers en rampe sur une infrastructure de type autoroutier. Ces éléments permettent donc de voir quelle est la vitesse atteinte en rampe par des ensembles routiers chargés et de performance moyenne. Le rapport produit en novembre 2008 dans le cadre de l?opération de recherches TRUCKS comprend quelques éléments relatifs aux vitesses des PL en rampe, issus également de modélisations sous PROSPER. Elles prennent en compte un ensemble tracteur et semi-remorque ayant un poids total à vide de 15tonnes, un PTRA de 38tonnes et une vitesse initiale de 90km/h avant la rampe. Les simulations en pleine charge donnent des valeurs de vitesse dans des rampes constantes très voisines de celles de la note 21 du SETRA. Ces simulations semblent figurer à l?identique dans le rapport produit en juillet 2010 dans le cadre du programme de recherche Alert?Infra PL. Il y est indiqué que le paramétrage des PL a été réalisé de façon à être représentatif des véhicules de plus de dix ans circulant sur le réseau. Les courbes ci-après, extraites du rapport TRUCKS, montrent la perte de vitesse dans une rampe constante d?une longueur de 2km ainsi que l?effet du chargement sur les performances possibles du véhicule. Pour une courbe et donc une valeur de pente donnée, les cinq points illustrent l?analyse à la sensibilité à la charge qui a été réalisée, par pas de 25% de la charge utile, qui est ici de 23 tonnes: semi-remorque circulant à vide, à quart de charge, à mi-charge, aux trois quarts de charge, à pleine charge. Ces simulations montrent pour le type de PL considéré qu?au bout de 2km en montée, les baisses de vitesse varient de 10 à 30km/h selon l?intensité de la pente pour des véhicules non chargés et de 30 à 60km/h pour des semi-remorques chargés. Si la situation a entre-temps évolué, s?agissant notamment de la puissance et du PTRA des véhicules, ces résultats restent intéressants, du moins à partir de la mi-charge, pour fournir un ordre de grandeur concernant l?impact du chargement apprécié par ces pas de25%. En deçà de la mi-charge, les véhicules actuels sont sans doute plus performants. 32 Étude (pas encore éditée dans sa version officielle) sur la vitesse des poids lourds en rampe et la révision des données de la note d?information n°21 du SETRA 64 Figure 43: Influence du chargement d?un semi-remorque sur le différentiel de vitesse entre le bas et le sommet de côte dans une montée de 2km et pour différentes valeurs de pente (Rapport Trucks du LCPC, novembre 2008) Si l?on compare la situation antérieure utilisée pour cette modélisation avec un PL actuel à 420 chevaux par exemple, et en prenant l?hypothèse que les masses à vide sont de 15tonnes dans les deux cas, le comparatif des rapports poids / puissance est le suivant: Exemple de lecture de la courbe pour un PL chargé à moitié (11,5 tonnes dans ce cas): ? au bout d?une montée à 5% sur 2km, le différentiel de vitesse (?V) est de 42km/h, la vitesse finale est donc de 48km/h (vitesse initiale de 90km auquel il faut retirer le différentiel de 42km/h); ? au bout d?une montée à 3% sur 2km, le différentiel de vitesse (?V) est de 24km/h, la vitesse finale est donc de 66km/h (vitesse initiale de 90km auquel il faut retirer le différentiel de 24km/h). Si l?on compare avec le véhicule impliqué dans l?accident, illustré au 3.4.4, on voit que celui-ci avait une vitesse d?à peine 55km/h après 2km de montée à 3%, sachant que sa vitesse de départ était alors de 80km/h et non pas de 90km/h. Ce véhicule était à mi-charge (la demi charge est de 13,7t dans son cas). Si l?on divise sa puissance, qui est de 449 chevaux, par sa masse totale au moment de l?accident, qui était de 29,8 tonnes, on obtient un rapport de 15 chevaux par tonnes. Ce point est réabordé par la suite. 65 5.5.2 - L?évolution des vitesses des PL sur l?A75 dans la rampe de Massiac La station de comptage de Sals-Bas dont dispose la DIRMC sur l?A75 est située au PR76+300, soit à peu près à mi-parcours de la rampe. Les données de vitesse, sans distinction VL/PL, issues de cette station sont présentées en annexe 6. D?après ces données, on enregistre chaque jour ouvrable une vingtaine de véhicules circulant à moins de 50km/h et environ 300 circulant entre 50 et 70km/h à ce niveau de la montée. Ce trafic lent observé en jour ouvrable correspond vraisemblablement en grande partie à un trafic PL. Sur la plage comprise entre 70 et 90km/h, qui concerne presque 800 véhicules en jour ouvrable, on peut commencer à trouver des VL. Le BEA-TT a fait réaliser, en 2023 par la société Autoroutes Trafic, une étude basée sur l?exploitation des données issues de véhicules connectés ayant emprunté l?A75. Une synthèse de la démarche est présentée en annexe 6 pour ce qui concerne le volet relatif aux vitesses, les principaux éléments sont repris ci-après. Les données exploitées sont de type «Floating Car Data (FCD)», elles sont issues d?appareils embarqués et fournissent des indications sur les déplacements d?un véhicule, dont la vitesse instantanée. La distribution de l?évolution de la vitesse des PL dans la rampe, ainsi obtenue à partir d?un échantillon de 2500PL, est illustrée par la médiane et par percentile, comme suit: Figure 44: Distribution de l?évolution de la vitesse des PL dans la montée vers le col de la Fageole, incluant la rampe de Massiac (étude Autoroutes Trafic - BEA-TT, septembre 2023) Cette distribution illustre l?effet de la rampe sur l?évolution des vitesses. Les secteurs où la vitesse des PL baisse le plus correspondent logiquement aux sections de plus forte pente, soit au niveau du PR 75, du PR 79, du PR 83 et du PR 85. Le fait que la vitesse soit comprise entre 90 et 110km/h pour un peu moins de 10% des véhicules peut interroger (petits PL? Véhicules utilitaires légers?). Grille de lecture au niveau du PR 79, là où l?effet de la rampe se fait le plus ressentir: ? La médiane est de 65km/h: 50% des PL de l?échantillon ont une vitesse supérieure à 65km/h et 50% ont une vitesse inférieure à 65km/h. ? Le percentile 20 est d?un peu moins de 50km/h (47km/h d?après les résultats de l?échantillon): 20% des PL de l?échantillon ont une vitesse inférieure à 50km/h. ? Le percentile 80 est de 80km/h: 80% des PL de l?échantillon ont une vitesse inférieure à 80km/h et donc 20% ont une vitesse supérieure à 80km/h. 66 Cette distribution illustre aussi la diversité des trajectoires de vitesse dans la rampe, diversité liée aux types de PL, à leur masse, leur puissance et la charge transportée. Sur les quatre secteurs les plus marqués, la vitesse de certains PL descend en dessous de 50km/h, voire 40km/h, tandis que d?autres parviennent à conserver une vitesse élevée. L?étude qu?a fait réaliser le BEA-TT a permis de la même manière de déterminer l?évolution des vitesses des VL dans la rampe, à partir d?un échantillon de 13200véhicules. Comme pour les PL, les trajectoires de vitesse des VL sont très diversifiées. Grosso modo, le percentile 20 des VL se situe légèrement au-dessus du percentile 80 des PL: les 20% des VL les plus lents ont une vitesse légèrement supérieure à la vitesse en deçà de laquelle roulent 80% des PL. La figure ci-après représente l?évolution de l?écart de vitesse entre les 20% des VL les plus rapides et les 20% des PL les plus lents. C?est au niveau du PR 79 que cet écart est le plus marqué, il dépasse 80km/h. La vitesse médiane pour les VL est d?ailleurs dans ce secteur de 120km/h, soit près du double de celle des PL. Il est à noter que cet écart est plus réduit sur la dernière partie de la montée, compte tenu de l?abaissement de la vitesse réglementaire à 110km/h puis, environ 3km après, de la présence d?un radar de contrôle des vitesses. Figure 45: Évolution dans la rampe de Massiac de l?écart de vitesse entre les 20% des VL les plus rapides et les 20% des PL les plus lents (étude réalisée par Autoroutes Trafic pour le BEA-TT) L?étude que le BEA-TT a conduite à partir des données de véhicules connectés donne une bonne indication des vitesses particulièrement basses que peuvent atteindre une partie des PL dans la rampe de Massiac. Il est par contre possible que les PL qui sont pénalisants dans les rampes soient sous-représentés car les caractéristiques des PL de l?échantillon ne sont pas connues; celui-ci comporte donc possiblement tout type de PL, du petit camion de 3,5 tonnes jusqu?au 44 tonnes. Le PL impliqué dans l?accident, illustré en 3.4.4, paraît se situer parmi les 10% des véhicules les plus lents, si l?on considère par exemple sa vitesse au PR 75 ainsi que vers le lieu de l?accident, un peu avant le PR 78. Cela est surprenant, s?agissant d?un véhicule récent qui était à peine à mi-charge. Cela est toutefois à relativiser, car il est possible que les plus petits PL soient surreprésentés dans l?échantillon. D?après le contrôleur de la DREAL qui a analysé les données du PL, un grand nombre de semi-remorques circulent à une vitesse comprise entre 40 et 60km/h dans le secteur des PR 78-79. 67 5.5.3 - La réglementation sur les vitesses et les pratiques des PL dans les rampes L?influence d?une rampe sur l?évolution de la vitesse d?un PL va dépendre de l?intensité de la pente ainsi que du type de véhicule, notamment son rapport poids / puissance. La rampe de Massiac est très longue, la vitesse va donc mécaniquement s?abaisser fortement pour une partie des PL, et notamment dans les secteurs de plus forte pente. D?après les acteurs locaux, certains conducteurs de PL abaisseraient volontairement leur vitesse autour des 50km/h au cours de la montée afin de limiter leur effort. D?après la fiche technique du constructeur, le type du tracteur impliqué dans l?accident est équipé d?un système d?assistance appelé PPC (predictive powertrain control), permettant une optimisation de la gestion du régulateur de vitesse et de la boîte de vitesses, en vue de réduire la consommation de carburant. Présenté sur le site internet du constructeur comme un régulateur de vitesse adaptatif intelligent, le système relie les informations de localisation fournies par le GPS aux cartes routières numériques en 3D mémorisées et calcule ainsi une sorte d?horizon électronique auquel il adapte automatiquement la manière de rouler du camion. Il analyse le tracé et le relief de la route pour déterminer à l?avance le moment auquel changer de rapport et la vitesse du régulateur de vitesse. Par exemple, il tient compte de l?élan du véhicule dans les descentes pour moduler automatiquement la vitesse. Il est également indiqué que, avant d?atteindre le sommet d?une côte, le système peut détecter si le véhicule peut la franchir à une vitesse suffisante et, si c?est le cas, autoriser temporairement un ralentissement du véhicule en dessous de la vitesse fixée dans le régulateur de vitesse. Il semble que ce système ait été déployé par le constructeur à partir de 2018. Le BEA-TT ne dispose pas d?informations permettant de déterminer si ce système peut avoir pour effet que la vitesse d?un véhicule dans une rampe soit inférieure à ce qu?elle serait sans celui-ci, ou d?amener par anticipation le véhicule à se caler sur une vitesse plus basse. Excepté pour la voie la plus à gauche, où la vitesse minimale doit être de 80km/h lorsque la circulation est fluide et que les conditions atmosphériques le permettent d?après l?article R. 413-19, le Code de la route ne spécifie pas de vitesse minimale sur autoroute. L?article R. 433.16 du Code de la route, qui est spécifique au transport de bois rond, interdit ce transport sur autoroute lorsque les véhicules concernés ne peuvent pas atteindre une vitesse en palier de 50km/h. L?article R. 422-1, qui n?est pas spécifique aux autoroutes, évoque le cas des véhicules lents qui circulent sur une voie de circulation exclusivement réservée à leur usage, donc une VSVL. Au sens de cet article, les véhicules lents sont définis comme ceux ne pouvant circuler à une vitesse supérieure à 60km/h dans la section de route concernée. Sur autoroute, il est indéniable que la circulation d?un véhicule à une allure lente constitue un facteur de risque. L?article R. 416-18, qui n?est pas spécifique aux autoroutes, stipule que tout conducteur contraint de circuler momentanément à allure fortement réduite est tenu d?avertir, en faisant usage de ses feux de détresse, les autres usagers qu?il risque de surprendre. L?article précise que lorsque la circulation est établie en file ininterrompue, l'obligation précitée ne s?applique qu?au conducteur du dernier véhicule de la file. Sur autoroute, l?application de cette obligation paraît bien ancrée dans les pratiques lorsqu?un bouchon se forme ou qu?un problème mécanique amène à circuler à une vitesse réduite. Cela ne semble pas être le cas lorsque la vitesse est réduite du fait d?une rampe. La question pourrait d?ailleurs se poser de savoir si l?article précité s?applique dans ce type de configuration. Du point de vue de la Délégation à la sécurité routière (DSR), cela ne semble faire aucun doute, la DSR considère que la règle générale énoncée par l?articleR.416-18 permet d?englober toute circulation «à allure fortement réduite». 68 Les organismes de formation, que le BEA-TT a contactés, ont indiqué qu?ils pensaient que l?usage des feux de détresse par les PL lents en rampe était davantage une question de bon sens et non pas une obligation émanant du Code de la route. Le recours à cette pratique n?est pas abordé à ce jour lors des formations initiales ou continues. Les organismes ont d?ailleurs fait remarquer que la notion d?allure fortement réduite énoncée par le code peut être fortement sujette à interprétation. D?après les acteurs locaux, seulement certains PL lents activent leurs feux de détresse dans la rampe de Massiac sur l?A75. Ce n?était pas le cas du PL impliqué dans l?accident, qui roulait à moins de 50km/h au moment du choc. Son conducteur a indiqué qu?il pensait que sa vitesse était de 60km/h et qu?il faisait usage habituellement des feux de détresse quand la vitesse est vraiment très faible. D?autres conducteurs ont rapporté qu?ils ont adopté cette pratique du fait qu?elle a été rendue obligatoire en Espagne. D?après la version que le BEA-TT s?est procurée, le règlement général de la circulation espagnol impose une vitesse minimale sur le réseau routier hors agglomération, qui est de 60 km/h sur autoroute, et par ailleurs l?usage des feux de détresse lorsqu?un véhicule ne peut atteindre cette vitesse minimale et qu?il existe un risque de collision. Le BEA-TT estime que l?usage des feux de détresse doit être systématisé pour les PL lents en rampe. Cela permettrait d?atténuer le facteur de risque que constitue en général la présence d?un véhicule lent sur autoroute et plus particulièrement, cela pourrait contribuer à alerter les autres conducteurs approchants dans le cas où ils présentent des qualités attentionnelles amoindries. Quelques règles du Code de la route existent pour certains véhicules très spécifiques et à progression lente. L?analyse des vitesses réalisée au niveau de la rampe Massiac montre que, dans les secteurs les plus critiques, 30 à 40% des PL sont en dessous de 60km/h et environ 15% sont en dessous de 50km/h. Le BEA-TT considère que, pour atteindre cet objectif et parallèlement aux efforts de sensibilisation des conducteurs de PL, il est nécessaire de compléter le Code de la route afin, sur autoroute, de rendre plus explicite la règle générale d?usage des feux de détresse et de la préciser, de manière à ce que celle-ci puisse avoir une réelle portée. En l?état actuel, avec une règle qui peut paraître trop générale, la non-activation des feux de détresse par un PL lent en rampe semble difficilement sanctionnable. En conséquence, le BEA-TT formule les recommandations suivantes: Recommandation R2 adressée à la Délégation à la sécurité routière (DSR): Compléter le Code de la route afin de rendre explicite l?obligation d?usage des feux de détresse lorsque le conducteur est contraint de circuler à une vitesse réduite du fait d?une configuration en rampe, assortie d?un seuil caractérisant une vitesse lente sur autoroute, comme pratiqué par exemple en Espagne. Recommandation R3 aux organismes de formation de conducteurs de poids lourds: Mettre en place, lors de la formation professionnelle initiale et continue, une sensibilisation des conducteurs de véhicules lourds sur la nécessité de faire usage des feux de détresse, sur autoroute notamment, lorsque la vitesse est fortement réduite du fait d?une configuration en rampe. Le BEA-TT invite également l?IRU (International Road Transport Union) et les organisations professionnelles françaises de transport routier de marchandises, ainsi que le groupe GIRTEKA, à relayer cette sensibilisation auprès de leurs adhérents, par une communication dédiée à l?attention des conducteurs de poids lourds. Par ailleurs, le BEA-TT s?adresse à l?organisation internationale des constructeurs automobiles (OICA) pour inviter constructeurs et équipementiers à réfléchir à la possibilité de développer un système qui automatise le déclenchement des feux de détresse pour des PL circulant à une vitesse réduite dans les configurations en rampe sur autoroute. 69 5.6 - Les référentiels applicables aux rampes sur autoroute 5.6.1 - Les dispositions en matière de signalisation pour tout type de réseau L?instruction interministérielle sur la signalisation routière (IISR) aborde à l?article 40-2 le cas des descentes et montées dangereuses. ? Elle énonce les dispositions pouvant être prises pour signaler la présence d?une descente importante et inciter l?usager à la prudence et à l?adoption de comportements de conduite adaptés. ? Elle prescrit la pose d?une signalisation spécifique lorsqu?il existe un risque de heurt de véhicules lents, décrite comme suit: En descente, un panonceau M9j1 est placé sous chaque panneau A16, au-dessus du panonceau d?étendue M2. En montée, un panneau A14 est mis en place au début de la montée. Il est complété par un panonceau M9j2 et un panonceau d?étendue M2. Le panneau A14, complété par le panonceau M9j2 et un panonceau d?étendue M2 adapté, est répété sur la section concernée avec un intervalle de 500 m à 2km suivant la longueur de la montée. Dans l?illustration ci-contre, le panonceau d?étendue M2 porte sur 500m. Même si ses dispositions soulignent davantage le cas des descentes, eu égard aux risques associés et à l?importance capitale d?une bonne perception de la pente de la part de l?usager, l?IISR ne paraît pas attribuer au traitement des descentes un degré de prescription qui serait plus élevé que pour les montées. Pourtant, en termes de signalisation, il est possible que, parmi les sections en pente dites dangereuses, les descentes soient davantage considérées que les montées par les exploitants autoroutiers, cela semble être le cas pour la section d?A75 concernée par la présente enquête et comme illustré en 2.1.3. Cela pourrait s?expliquer par l?élément suivant: il est possible que, parmi les dispositions existantes relatives à la signalisation des descentes et des montées dangereuses, celles portant plus spécifiquement sur le risque de heurt de véhicules lents soient moins prises en compte. 5.6.2 - Le référentiel technique portant sur la conception des autoroutes Le document technique de référence pour la conception des autoroutes en milieu interurbain est l?Instruction sur les conditions techniques d?aménagement des autoroutes de liaison (ICTAAL), dont la dernière édition date de mai 2015, mise à jour en 2021. L?ICTAAL donne les principes généraux et les règles techniques fondamentales relatives à la définition des éléments géométriques des voies, qu?il convient de prendre en compte pour la réalisation d?infrastructures nouvelles ou l?aménagement du réseau existant. La partie 3.2.2. de l?ICTAAL relative aux sections à forte dénivelée est introduite par les éléments suivants, dont la rédaction peut laisser à penser qu?ils concernent davantage les descentes que les montées: 70 «Les configurations géométriques qui génèrent une forte dénivelée sont susceptibles de poser des problèmes de sécurité ou de capacité et un tracé approprié et une signalétique spécifique permettent d?en limiter les risques; mais certaines configurations peuvent en outre nécessiter la création d?une voie supplémentaire affectée aux véhicules lents (VSVL) ou d?un lit d?arrêt. Ces aspects sont développés plus en détail dans le guide sur l?aménagement des fortes pentes auquel il convient de se reporter.». S?agissant des VSVL (paragraphe 3.3.2 b), l?ICTAAL comprend les mentions suivantes : ? L?opportunité d?une VSVL s?apprécie en considérant les niveaux de trafic. Une telle voie ne s?impose généralement pas pour les autoroutes comportant plus de deux voies par chaussée, ou celles dont le trafic est modéré. ? En rampe, l?aménagement d?une VSVL est recommandée lorsque sa longueur et sa déclivité sont telles que la vitesse des véhicules lents est réduite à moins de 50 km/h sur une longueur minimale de 500m. La VSVL règne alors sur l?ensemble de la section où la vitesse des véhicules lents reste inférieure à 50km/h. ? En descente, on adopte comme indicateur de risque [?]. Ces éléments sont ceux figurant dans l?ICTAAL depuis sa version adoptée en 2000, sans parler de la référence au guide plus récent relatif aux fortes pentes. Les versions précédentes mentionnaient deux conditions pour l?aménagement d?une VSVL en rampe, celle de la vitesse atteinte par des véhicules lents ainsi que celle de la justification économique. Sur ce dernier aspect, l?ICTAAL de 1971 incluait des éléments de calcul de rentabilité, desquels on peut en déduire que l?intérêt d?une VSVL s?appréciait sous le seul angle de l?amélioration de la fluidité du trafic et du gain apporté aux véhicules non lents (gain de temps, réduction de la gêne occasionnée). L?ICTAAL de 1985 indiquait qu?il convenait de se référer à l?instruction sur les méthodes d?évaluation des effets économiques des investissements routiers. 5.6.3 - La note d?information 21 relative à l?implantation des VSVL en rampe En complément de l?ICTAAL, l?autre document de référence sur le sujet des VSVL est la note d?information n°21 établie en 1989 par le SETRA, relative à l?implantation des VSVL en rampe sur les infrastructures à chaussée séparée comportant deux voies par chaussée (les «2×2 voies») et qui cible plus particulièrement le réseau autoroutier. Outre des abaques de référence sur l?évolution des vitesses des PL en rampe, présentés au 5.5.1, la note présente une approche simplifiée de la justification économique d?une VSVL, dont l?objectif est de fournir une évaluation rapide de la faisabilité d?une telle voie à partir de la donnée de trafic. Il est indiqué que cette approche ne dispense pas du calcul économique classique dès lors que la voie supplémentaire s?avère justifiée. Sur le principe, cette approche consiste à s?appuyer sur les méthodes faisant référence pour analyser l?opportunité de l?élargissement à 2×3 voies d?une autoroute à 2×2 voies, mais en qualifiant les PL d?un poids plus particulier dans le trafic et en fonction de la valeur de la pente. Elle permet ainsi d?établir, pour chaque valeur de rampe, la courbe seuil correspondant à la mise en place d?une VSVL selon le trafic (TMJA) et le pourcentage de PL. Un exemple est donné en 5.6.5 de la courbe obtenue pour des rampes supérieures à 1000m. D?après les échanges intervenus entre le BEA-TT et la direction technique en charge des infrastructures au sein du Cerema (ex SETRA), le critère de la justification économique pour l?aménagement d?une VSVL ne serait plus essentiel aujourd?hui, du moins pour les nouveaux projets, et la note 21 constituerait désormais un document de référence uniquement pour sa partie portant sur les abaques de vitesse des PL en rampe. 71 En l?état actuel, il s?avère également que la note 21 traite du sujet de l?aménagement d?une VSVL essentiellement sous l?angle des enjeux liés à la fluidité de la circulation. Outre l?amélioration de la capacité de l?infrastructure, le document mentionne que la création d?une VSVL en rampe répond également à «un objectif d?amélioration de la sécurité, dans la mesure où les conflits potentiels, entre les VL et les PL peuvent s?avérer particulièrement graves compte tenu du différentiel de vitesse important dans les rampes entre les deux catégories de véhicules. Cette amélioration est toutefois assez relative, puisque le risque d?accidents dans les rampes n?est pas plus élevé que sur le plat comme le montrent les dernières études effectuées sur autoroute, mais aussi parce que les VSVL sont susceptibles d?engendrer d?autres types de conflits et notamment à leurs extrémités. 5.6.4 - A titre de comparaison: le guide sur l?aménagement des fortes pentes Le guide sur l?aménagement des fortes pentes édité par le Cerema en juin 2019 traite des fortes descentes et vient en complément des référentiels techniques en vigueur. Il a été élaboré suite à la survenue de plusieurs accidents particulièrement graves et est venu remplacer les notes d?information établies par le SETRA en 1987 et 1997. Il traite notamment de la prise en compte de l?accidentalité et du risque d?accident, qu?il s?agisse de l?amélioration du réseau existant ou d?un projet de voie nouvelle. Il fournit les éléments permettant de caractériser une forte descente et propose une méthodologie permettant d?orienter le gestionnaire vers les diagnostics, plus ou moins approfondis, qu?il peut conduire en fonction du contexte. Dès lors que la forte pente est concernée par la présence d?accidents liés à la déclivité, le guide recommande la réalisation d?un diagnostic approfondi, portant notamment sur la perception de la pente, les composantes de l?infrastructure, la structure du trafic, les vitesses des VL et des PL, complété d?un diagnostic de sécurité. Ce dernier est en termes de méthode du même type que celui de la démarche SURE. Il vise en particulier à identifier les facteurs d?accidents et notamment, dans le cas présent, les liens entre l?infrastructure et l?accident. Il repose sur l?analyse du fichier BAAC relatif aux données d?accidents corporels, l?analyse des procès-verbaux correspondants, qui doivent donc être sollicités auprès des forces de l?ordre, ainsi que sur l?analyse des accidents matériels et l?observation des comportements sur le terrain. Il doit également permettre une analyse comparative des deux sens de circulation. Le diagnostic doit permettre de relever les problématiques particulières dans lesquelles s?inscrit la forte pente, par exemple: ? La présence d?accidents liés au différentiel de vitesse entraînant un choc arrière, à l?échauffement des freins, à des mises en vitesse sous l?effet de la pente entraînant une perte de contrôle. ? Concernant le trafic, il peut s?agir de l?importance du trafic de PL, caravanes, cars, matières dangereuses ou d?un comportement différent des usagers locaux par rapport aux autres usagers. Le guide présente différents aménagements possibles au regard des problématiques. À ce titre, il vient préciser les dispositions prévues par l?IISR en matière de signalisation ainsi que, en complément de l?ICTAAL, le seuil de trafic conduisant à envisager l?aménagement d?une VSVL pour des raisons de sécurité, nonobstant la justification économique due à la capacité. 72 5.6.5 - L?opportunité d?une VSVL dans la rampe de Massiac au vu des référentiels Les niveaux de trafic prévisionnels n?amenaient probablement pas à considérer la nécessité d?aménager une VSVL dans la rampe de Massiac lors de sa mise en service. D?après les données disponibles sur le site Isidor, le TMJA, deux sens confondus, était de l?ordre de 8000 véh/j au milieu des années 90. Les référentiels actuellement en vigueur n?amènent pas à considérer que l?aménagement d?une VSVL serait particulièrement opportun: ? L?ICTAAL 1985, dans sa partie 1.5 relative aux choix des caractéristiques techniques, considérait que le trafic d?une autoroute est faible lorsqu?il est inférieur à 8000 véh/j à la mise en service et indiquait que cela correspond généralement à un trafic à long terme de 15000 véh/j environ. ? Depuis 2000, une autoroute est dite à trafic modéré lorsque le trafic est inférieur à 10000 véh/j à sa mise en service et elle garde cette qualification jusqu?à ce que le trafic atteigne 1400uvp/h33 dans le sens de circulation le plus chargé. Au vu de ces éléments, le trafic actuel sur l?autoroute A75 peut être considéré comme modéré, hormis les pics saisonniers et les sections périurbaines à ses extrémités. ? D?après les abaques de la note 21 du SETRA, les niveaux de trafic actuels ne font pas rentrer la rampe de Massiac dans les critères d?aménagement d?une VSVL, sauf à considérer les situations spécifiques des mois de juillet et août, lors desquels le trafic moyen dépasse le seuil de 25000 véh/j, dont 10% de PL. Sur cette courbe extraite de la note 21 du SETRA, il a été situé en tireté rouge la configuration d?une infrastructure présentant un TMJA, deux sens confondus, de 16000 véh/j comme c?est le cas de l?A75 au niveau de Saint- Poncy. D?après cet abaque, cela impliquerait alors que les PL représentent au moins 25% du trafic pour que l?opportunité d?une VSVL soit avérée dans une rampe longue de plus de 1000 m et avec une pente de 6%. 33 L?unité de véhicule particulier (U.V.P.), exprimée par jour ou par heure, tient compte de l?impact plus important dans le trafic de certains véhicules, en particulier les PL en leur affectant un coefficient multiplicateur de deux, voire plus dans certaines méthodes en cas de terrain vallonné ou en rampe. 73 5.6.6 - Conclusions Les éléments de doctrine relatifs aux fortes rampes, tels qu?ils figurent dans les documents techniques de référence, paraissent ne pas avoir changé en 50 ans. Outre les aspects de signalisation, ils traitent pour l?essentiel de la question de l?aménagement d?une VSVL sous l?angle des enjeux capacitaires. La note d?information éditée par le SETRA en 1989 ne semble plus à jour pour ce qui concerne le principe de la justification économique d?une VSVL et elle fait état du fait que le risque d?accident en rampe n?est pas plus élevé que sur le plat, alors que des études réalisées depuis mettent en évidence le contraire. Comme présenté au 5.4, le BEA-TT s?est procuré auprès du Cerema différents rapports d?étude établis ces 20 dernières années et traitant des liens entre l?accidentalité des PL et les caractéristiques de l?infrastructure. Si ces rapports sont à relativiser, au regard de leur caractère parfois local ou des caractéristiques des échantillons considérés, ils tendent toutefois à souligner que le risque d?accident impliquant un PL est significativement plus élevé dans les rampes que sur le plat. Il est possible que ces rapports ne soient pas exhaustifs. Par ailleurs, cet état des lieux n?intègre pas les études récentes qui ont pu être conduites dans d?autres pays34. L?étude basée sur l?exploitation des données issues de véhicules connectés, que le BEA-TT a fait réaliser dans le cadre de son enquête et présentée en annexe 7, comprend une analyse comparative de différentes sections des autoroutes A71 et A75 selon leur catégorie de profil en long. La démarche est réalisée sur la base de tout type d?accident, matériel ou corporel et sans distinguer la catégorie des véhicules impliqués. Si la fiabilité statistique des résultats est faible compte tenu des petits chiffres en question, l?analyse tend toutefois à mettre en évidence que le taux d?accidents et/ou d?incidents est plus élevé dans les montées, comparé aux sections sur le plat, voire comparé aux descentes. Elle montre que les forts freinages sont sur-représentés dans les sections en pente, en montée comme en descente, et encore davantage en descente. Il faudrait sans doute pouvoir mieux qualifier le sur-risque lié aux accidents impliquant un PL en rampe sur autoroute et donc l?enjeu global correspondant. Les accidents en descente peuvent être plus graves et plus spectaculaires, notamment lorsqu?ils impliquent une perte de contrôle de la part du conducteur du véhicule lourd en raison de la prise de vitesse ou d?une perte d?efficacité du système de freinage. Il ne paraît pas certain toutefois que les accidents avec PL soient plus nombreux en descente qu?en montée. Une démarche générale de révision des fondamentaux de la conception des infrastructures routières, initiée en 2013, a conduit les services du ministère en charge des transports (DIT/MARRN) à se ré-interroger sur la question des vitesses des poids lourds en rampe. C?est dans ce cadre qu?une étude a été réalisée récemment par le Cerema, telle que présentée au 5.5.1, et a permis de confirmer que l?abaque relatif aux vitesses de la note d?information 21 reste globalement valable. Le BEA-TT considère qu?il serait utile que ce travail soit poursuivi, afin de réviser les éléments de la note 21 qui méritent de l?être et de les compléter par des orientations méthodologiques portant sur le traitement des sections routières à forte rampe, à l?image du guide sur les fortes descentes, élaboré récemment et en remplacement des notes d?information plus anciennes du SETRA. 34 Le BEA-TT s?est procuré auprès du Cerema différents rapports dont une synthèse bibliographique des études, françaises et étrangères, relatives à la sécurité des PL et qui date de 2005. 74 Un guide ou une future note d?instruction sur les fortes rampes devrait à notre sens traiter de la prise en compte de l?accidentalité et du risque d?accident et aborder les aspects de signalisation, comme cela est fait dans le guide sur les fortes descentes. Il pourrait s?agir par exemple de procéder à l?identification des fortes rampes sur un itinéraire donné, de réaliser un suivi plus fin de l?accidentologie voire de l?incidentologie sur ces sections et, en fonction de l?enjeu identifié, d?engager éventuellement un diagnostic approfondi dans l?esprit des audits forte pente. L?aménagement d?une VSVL vise à séparer les véhicules lents des autres véhicules. Cela a pour effet de limiter le différentiel de vitesse des véhicules circulant sur une même voie et le risque de collision arrière contre les véhicules lents. L?engagement d?une démarche nationale sur le sujet pourrait être l?occasion de réfléchir à des aménagements intermédiaires ou des solutions diversifiées, permettant d?améliorer le traitement, y compris à titre préventif, des sections autoroutières existantes en rampe, notamment en l?absence de VSVL. Cela pourrait inclure un état des lieux des réglementations (sur l?usage des feux de détresse pour les véhicules lents en rampe par exemple) et des pratiques au niveau européen. En matière de signalisation, la DIRMC s?interroge sur les modalités de déploiement d?un panneau lumineux associé à la détection de véhicules lents en rampe, comme évoqué dans la partie qui suit. Le BEA-TT s?interroge sur l?intérêt d?implanter dans certaines rampes un nouveau type de panneau visant à inciter, les conducteurs de PL notamment, à activer les feux de détresse en cas de vitesse basse. En conclusion, le BEA-TT formule la recommandation suivante: Recommandation R4 adressée à la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM): Actualiser et compléter les éléments de doctrine sur les sections routières à forte rampe, notamment en poursuivant la démarche de révision de la note d?information n°21 du SETRA, afin que ces sections fassent l?objet d?un suivi, prenant en compte l?accidentologie et l?incidentologie, et d?un meilleur signalement du risque de heurt de véhicule lent. Les réflexions pourraient être conduites à l?image du guide sur l?aménagement des fortes pentes et permettre de faire émerger des solutions intermédiaires pour traiter ce risque en l?absence de VSVL. 75 5.7 - L?amélioration de la sécurité dans la rampe de Massiac 5.7.1 - Le suivi et l?analyse des accidents Les études d?enjeux conduites dans le cadre de la démarche SURE visent, sur la base des données BAAC relatives aux accidents corporels, à hiérarchiser les itinéraires d?un réseau pour identifier ceux sur lesquels le meilleur gain de sécurité peut être espéré grâce à des actions du gestionnaire de voirie, notamment sur l?infrastructure. Leur fréquence de réalisation est désormais de 5ans. Au vu des études ainsi réalisées sur le réseau de la DIRMC et présentées au 3.5.4, aucun tronçon situé vers la rampe de Massiac n?a été identifié comme prioritaire par rapport à d?autres itinéraires du réseau. À la différence des deux plus anciennes, l?étude la plus récente, portant sur la période 2015-2019 et restituée en septembre 2022, ne fait d?ailleurs ressortir aucun enjeu particulier dans ce secteur. La DIRMC indique, pour cette raison notamment, qu?aucune démarche spécifique d?amélioration de la sécurité n?a été conduite avant 2022 pour ce qui concerne cette rampe. La DIRMC établit par ailleurs des bilans statistiques annuels de l?accidentalité sur son réseau mais ne semble pas effectuer de suivi analytique, qui permettrait par exemple de consigner par axe la typologie des accidents, au moins les plus graves. Compte tenu des caractéristiques géométriques de l?A75, il est possible de considérer que les accidents impliquant un PL représentent sur cet axe un enjeu spécifique que ne permettent pas de cerner les études d?enjeux actuellement réalisées par la DIRMC. En effet, ces études couvrent l?ensemble du réseau pris dans sa globalité et ne distinguent pas la catégorie des véhicules impliqués. L?étude réalisée en 2010 par le CETE de Lyon sur ce type d?accident sur l?A75 mettait en évidence que la collision arrière contre un PL constituait l?un des scénarios prédominants. L?analyse réalisée par le BEA-TT, prenant en compte également les accidents matériels, montre que ce type de collision s?est produit six fois dans la rampe de Massiac sur les six dernières années, dont trois fois en se traduisant par un accident corporel grave. Par ailleurs et comme présenté au 3.5.3, les données d?accidents corporels reflètent sur la période plus récente une hausse de l?accidentalité dans ce secteur, ainsi qu?une gravité d?accidents qui paraît globalement plus élevée sur l?A75, comparé à l?ensemble des autoroutes. La prise en compte, en complément des accidents corporels, des autres incidents de conduite, comme les accidents matériels et les forts freinages, tend à mettre en évidence que le taux d?incidents dans la rampe de Massiac se situe dans la moyenne haute, comparé aux autres montées présentes sur l?A75 et que, sur cette autoroute, ce taux d?incident n?est pas forcément plus élevé dans les descentes que dans les montées. Compte tenu de ces éléments, le BEA-TT considère qu?il est nécessaire de réaliser dans le temps une surveillance particulière quant aux accidents, corporels ou matériels, se produisant dans la rampe de Massiac et en particulier lorsqu?ils impliquent une collision arrière contre un PL. Ce suivi devrait comprendre autant que possible une analyse systématique et consignée sur les circonstances de ces accidents, et prenant en compte les différents éléments d?information dont peuvent disposer les forces de l?ordre. Plus largement, le BEA-TT considère qu?il serait opportun d?inclure un volet PL dans les études d?enjeux, réalisées tous les 5 ans, et d?établir une analyse annuelle des accidents de PL survenant sur l?ensemble de l?A75, éventuellement limitée aux accidents corporels, soit moins d?une dizaine de cas par an, et permettant de consigner leur typologie, le lieu et les caractéristiques correspondantes de l?infrastructure. 76 5.7.2 - Les équipements et la signalisation La montée en direction du col de la Fageole a fait l?objet en 2022 d?un déploiement de dispositifs d?alerte sonore (DAS), positionnés en rive droite de la chaussée et destinés à prévenir les effets de l?hypovigilance des usagers, en alertant ceux-ci («effet bande rugueuse») qu?ils se déportent vers la droite et «mordent» la BAU. Comme évoqué en 2.1.3, la rampe de Massiac ne faisait pas l?objet à la date de l?accident d?une signalisation spécifique de danger, contrairement à la même section en descente. En 2023, la DIRMC a commencé à apposer dans cette rampe la signalisation relative au risque de heurt de véhicules lents prévue par l?IISR, par la pose en BAU des panneaux suivants: ? au PR 77+200: A14 avec M9J2 et M2 signalant une étendue de 3000m; ? au PR 78+700: A14 avec M9J2 et M2 signalant une étendue de 1500m. Elle a également étudié la possibilité de positionner une signalisation complémentaire constituée d?un panneau lumineux, de type A14 + M9J2 + M2, assorti à un détecteur discriminant pour le déclencher et prenant en compte le gabarit pour détecter les poids lourds ainsi que leur vitesse. Cette signalisation lumineuse pourrait ainsi être activée lorsqu?un véhicule lent est détecté. Ce dispositif devrait commencer à être testé en 2024. Le BEA-TT considère que la signalisation mise en place par la DIRMC gagnerait à être complétée afin de couvrir plus complètement la rampe et comme le prévoit l?IISR. En effet, l?analyse des vitesses montre qu?une partie des PL est susceptible de voir sa vitesse baisser fortement, notamment sous le seuil de 50km/h, à partir du PR 73, soit bien avant le premier panneau qui a été posé. Par ailleurs, la pose d?un panneau au début de la montée, comme spécifiée par l?IISR, est de nature à avertir les conducteurs de PL de la présence d?une longue montée à venir et peut contribuer à les inciter davantage à activer les feux de détresse en cas de vitesse basse. Il conviendrait également de réaliser une analyse sur l?ensemble de l?itinéraire de l?A75 afin d?identifier les autres montées où cette signalisation mériterait d?être déployée. Nonobstant les aspects financiers, l?un des enjeux pourra être de combiner au mieux deux des critères d?efficacité de la signalisation routière: d?une part l?homogénéité, qui implique que dans des conditions identiques, l?usager rencontre des signaux de même valeur et de même portée, implantés suivant les mêmes règles, et d?autre part la simplicité qui s?obtient en évitant une surabondance de signaux qui fatigue l?attention de l?usager. D?après les précisions qui ont été apportées par la DIRMC en novembre 2023, cette analyse d?ensemble est d?ores et déjà engagée, dans le cadre des actions qu?elle mène actuellement sur la problématique des fortes pentes, ainsi que la commande d?un complément de signalisation pour deux autres rampes de l?A75. Si la DIRMC a indiqué privilégier l?utilisation exclusive des PMV aux fins de signalement des évènements d?exploitation, le BEA-TT fait toutefois remarquer qu?il pourrait par ailleurs être fait usage du PMV positionné dans la rampe au PR 76+810pour: ? Informer les usages d?un risque de heurt de véhicule lent dans cette montée. Cette information pourrait faire l?objet d?un affichage à partir du PMV dans certaines circonstances, par exemple en cas de visibilité réduite. ? Et les sensibiliser sur le risque de somnolence. La communication correspondante pourrait faire l?objet d?un affichage à partir du PMV à certains moments et en privilégiant les situations les plus propices à ce risque (certaines heures, faible trafic), tout en étant intégrée le cas échéant aux différents messages de sécurité routière qui sont rappelés aux usagers à partir des PMV. 77 Si, en dépit de l?ensemble de ces réalisations, les accidents impliquant un PL devaient continuer à se produire dans la rampe de Massiac à une fréquence significative, des mesures complémentaires seront à envisager. Comme évoqué dans la partie précédente, les référentiels actuellement en vigueur n?amènent pas à considérer qu?un tel aménagement serait particulièrement opportun dans la rampe de Massiac. La réalisation d?un tel aménagement dans une rampe existante ne paraît pas effectivement évidente si elle n?est pas également justifiée, au moins pour partie, par des considérations capacitaires. Au vu des exemples considérés dans le présent rapport, il apparaît que les collisions arrière contre un PL lent en rampe surviennent majoritairement en situation de faible trafic. Pour autant, l?A75 comporte quelques VSVL dans certaines sections, en montée comme en descente, sans que le trafic n?y soit nécessairement bien plus important que ce qu?il est dans la rampe de Massiac. Les critères ayant conduit à la mise en oeuvre de VSVL sur ces sections, et pas sur d?autres, n?ont pas pu être précisés par la DIRMC. Sont sans doute entrés en ligne de compte les fortes contraintes de site et le fait que la réalisation de l?A75 s?est opérée en plusieurs phases sur une vingtaine d?années. Avant l?aménagement d?une VSVL, qui pourrait être considérée comme la solution ultime, un premier degré de mesure pourrait consister à abaisser à 110km/h la vitesse maximale autorisée sur cette section. Du point de vue de la doctrine routière, une telle mesure a notamment pour inconvénient de dégrader la qualité de service offerte à l?usager et en quelque sorte de pénaliser le plus grand nombre du fait d?un petit nombre se trouvant contraint en termes de vitesse. Son intérêt est de réduire le différentiel de vitesse entre les véhicules circulant dans la rampe, voire également dans le cas présent d?homogénéiser davantage l?itinéraire, puisque la section réglementée à 130km/h et comprenant la rampe ne mesure qu?une quinzaine de kilomètres. Comme présenté au 5.5.2, l?écart de vitesse entre les VL les plus rapides et les PL les plus lents peut dépasser 80km/h au plus fort de la rampe de Massiac et il est plus réduit sur la seconde section de la montée, après l?échangeur de Saint-Poncy, compte tenu de l?abaissement de la vitesse réglementaire à 110km/h. En conclusion, le BEA-TT formule les recommandations suivantes: Recommandation R5 à la Direction Interdépartementale des Routes Massif Central: Compléter la signalisation relative au risque de heurt de véhicules lents afin qu?elle couvre l?ensemble de la rampe de Massiac et, en fonction des résultats dans le temps du suivi des accidents, envisager d?autres mesures de prévention, telles que l?abaissement de la vitesse réglementaire et l?analyse d?opportunité de mise en place d?une VSVL. Mettre en oeuvre cette signalisation sur les autres sections de l?A75 qui le justifient. Le BEA-TT invite par ailleurs l?exploitant autoroutier à réaliser, en lien avec les forces de l?ordre, une analyse systématique des circonstances des accidents, corporels et matériels, impliquant un PL dans la rampe de Massiac. Il serait également utile d?établir un bilan annuel des accidents de PL survenant sur l?A75 afin d?en consigner leur lieu et leur typologie et de compléter les études d?enjeu quinquennales avec un volet PL. 78 6 - Synthèse des recommandations et des invitations Recommandation R1 - DJEPVA, ministère de l?Éducation nationale et de la Jeunesse: Établir une instruction nationale spécifique à l?usage du minibus (voire du véhicule personnel) afin de rappeler, aux différents organisateurs (accueil collectif de mineurs ? ACM, associations notamment) y ayant recours pour transporter un collectif de personnes, les responsabilités associées et les règles de sécurité et de prévention à prendre pour la préparation et la réalisation de ces déplacements. Mettre en oeuvre, à l?attention des organisateurs précités et de leurs conducteurs, une sensibilisation d?envergure sur les risques d?hypovigilance et de manque d?attention lors de la conduite, dont les risques lors des trajets sur autoroute et liés en particulier au manque de sommeil et à l?usage du régulateur de vitesse. Par ailleurs, le BEA-TT invite les autres ministères concernés par le convoyage par minibus d?enfants à suivre cette même recommandation: ministère des Solidarités et des Familles, ministère des Sports et des Jeux olympiques, ministère de la Justice. Recommandation R2 - DSR, ministère de l?Intérieur et des Outre-mer: Compléter le Code de la route afin de rendre explicite l?obligation d?usage des feux de détresse lorsque le conducteur est contraint de circuler à une vitesse réduite du fait d?une configuration en rampe, assortie d?un seuil caractérisant une vitesse lente sur autoroute, comme pratiqué par exemple en Espagne. Recommandation R3 - Organismes de formation de conducteurs de poids lourds : Mettre en place une sensibilisation des conducteurs de véhicules lourds sur la nécessité de faire usage des feux de détresse, sur autoroute notamment, lorsque la vitesse est fortement réduite du fait d?une configuration en rampe. Le BEA-TT invite également l?Union internationale des transports routiers (IRU) et les organisations professionnelles françaises de transport routier de marchandises, ainsi que le groupe GIRTEKA, à relayer cette sensibilisation auprès de leurs adhérents, par une communication dédiée à l?attention des conducteurs de poids lourds. Par ailleurs, le BEA-TT s?adresse à l?organisation internationale des constructeurs automobiles (OICA) pour inviter constructeurs et équipementiers à réfléchir à la possibilité de développer un système qui automatise le déclenchement des feux de détresse pour des PL circulant à une vitesse réduite dans les configurations en rampe sur autoroute. Recommandation R4 - DGITM, ministère en charge des transports: Actualiser et compléter les éléments de doctrine sur les sections routières à forte rampe, en poursuivant la démarche de révision de la note n°21 du SETRA, afin que ces sections fassent l?objet d?un suivi, prenant en compte l?accidentologie et l?incidentologie, et d?un meilleur signalement du risque de heurt de véhicule lent. Les réflexions pourraient être conduites à l?image du guide sur l?aménagement des fortes pentes et permettre de faire émerger des solutions intermédiaires pour traiter ce risque en l?absence de VSVL. Recommandation R5 - Direction Interdépartementale des Routes Massif Central: Compléter la signalisation relative au risque de heurt de véhicules lents afin qu?elle couvre l?ensemble de la rampe de Massiac et, en fonction des résultats dans le temps du suivi des accidents, envisager d?autres mesures de prévention, telles que l?abaissement de la vitesse règlementaire et l?analyse d?opportunité de mise en place d?une VSVL. Mettre en oeuvre cette signalisation sur les autres sections de l?A75 qui le justifient. Le BEA-TT invite par ailleurs l?exploitant autoroutier à réaliser, en lien avec les forces de l?ordre, une analyse systématique des circonstances des accidents, corporels et matériels, impliquant un PL dans la rampe de Massiac. Il serait également utile d?établir un bilan annuel des accidents de PL survenant sur l?A75 afin d?en consigner leur lieu et leur typologie et de compléter les études d?enjeu quinquennales avec un volet PL. 79 ANNEXES Annexe 1: Décision d?ouverture d?enquête Annexe 2: Vigilance et attention en conduite automobile Annexe 3: Récapitulatif non exhaustif des accidents avec minibus Annexe 4: Note de cadrage de la Ville d?Amiens sur l?usage des minibus Annexe 5: Mesures de vitesse en rampe, programme Alert?Infra PL Annexe 6: Evolution des vitesses dans la rampe de Massiac sur l?A75 Annexe 7: Données d?incidents issues de véhicules connectés sur l?A75 Règlement général de protection des données 80 Annexe 1: Décision d?ouverture d?enquête 81 Annexe 2: Vigilance et attention en conduite automobile Les processus de vigilance et d?attention en conduite automobile Les défauts de vigilance et d?attention, tels que par exemple la somnolence pour l?un et la distraction pour l?autre, sont depuis quelques années fréquemment cités parmi les causes ou les facteurs majeurs d?insécurité routière, même si cette mise en exergue est effectuée avec des prévalences assez variables selon les sources. Les études et travaux de recherches réalisés sur ces sujets sont nombreux, notamment pour ce qui concerne les problèmes de vigilance. Plus récemment, les questions de l?attention au volant ont été mises sur le devant de la scène avec le sujet de l?usage du téléphone et des nouvelles technologies embarquées. Les éléments présentés dans cette partie sont tirés des documents suivants: ? rapport sur les défaillances d?attention en conduite, rédigé en mars 2016 dans le cadre du comité des experts du Conseil national de la sécurité routière (CNSR); ? rapport «De la vigilance à l?attention ? influence de l?état psychophysiologique et cognitif du conducteur dans les mécanismes d?accident», INRETS, 2009. Les notions de vigilance et d?attention ont souvent tendance à être confondues dans le langage courant et peuvent parfois prendre des définitions différentes dans le domaine scientifique. Elles qualifient des phénomènes complexes. Dans le domaine de la conduite et tout en sachant que ces notions renvoient à des processus qui sont étroitement liés dans le fonctionnement de l'individu, la distinction qui est faite vise à permettre de différencier aussi clairement que possible les défaillances correspondantes, à la fois du point de vue de leurs origines et donc des facteurs qui les produisent et du point de vue des types d?accidents qu?ils provoquent. La notion de vigilance fait référence à l?état d?activation du système nerveux central d?un individu et donc plutôt à l?état physiologique de celui-ci. Elle qualifie des processus qui se répartissent sur un continuum allant de la veille active jusqu?au sommeil profond et qui sont qualifiés de "non spécifiques" au sens où l?on n?est pas vigilant à tel ou tel aspect de la situation: on est globalement dans un niveau de vigilance plus ou moins élevé. Sans parler des malaises, les problèmes lors de la conduite vont être la perte et les baisses de vigilance associées au sommeil: l?endormissement et les étapes intermédiaires entre veille et sommeil que sont l?hypovigilance et la somnolence, cette dernière pouvant entraîner des périodes de micro-sommeil. L?attention renvoie aux aspects cognitifs de l?activité humaine: l?orientation de la pensée et la capacité à orienter plus ou moins intensément son esprit sur tel ou tel aspect d?une situation. Les processus correspondants sont qualifiés de "spécifiques" au sens où, à la différence de la vigilance, on fait attention à quelque chose en particulier et possiblement au détriment d?autre chose, du fait des limites de nos ressources attentionnelles. C?est cette orientation spécifique qui doit permettre au cerveau de traiter l'information qui nous est utile pour l?activité que l?on cherche à réaliser. En résumé, l?attention se rapporte à un aspect qualitatif du traitement de l?information tandis que la vigilance se réfère plutôt à un aspect quantitatif du niveau d?éveil. 82 Ces deux processus, distincts mais interdépendants, sont fondamentaux dans l?activité complexe qu?est la conduite et qui implique notamment, dans un environnement en mouvement, des fonctions de perception, de cognition35 et d?action. Elle suppose notamment une prise permanente d?informations, de nature différente, fondée sur les capacités d?attention des individus. Pour s'exercer de façon appropriée, l'attention a besoin de pouvoir s'appuyer sur un niveau de vigilance suffisant: un certain niveau de vigilance est nécessaire tant sur la quantité, que sur la qualité des ressources attentionnelles disponibles, mais également au plan du contrôle de la distribution de ces ressources. Mais un bon niveau de vigilance ne suffit pas pour conduire efficacement, encore faut-il affecter son attention aux bons endroits aux bons moments. Les défauts d?attention: quand les conducteurs se déconcentrent L?attention est un système aux ressources limitées, l?être humain est par conséquent limité dans sa possibilité de diviser efficacement son attention entre plusieurs tâches. En situation réelle, le conducteur n?est pas continuellement centré à 100% sur la conduite (il a notamment tendance à moduler l?intensité de son attention en fonction de la complexité de la situation routière qu?il rencontre) et ses ressources attentionnelles peuvent se partager entre plusieurs composantes de son activité: la conduite et ses multiples sous- composantes (le contrôle de la trajectoire, la veille sur les autres véhicules, etc.), les pensées, des stimulations externes comme l?écoute de la radio. Le problème se pose lorsque l?attention consacrée à la conduite devient insuffisante par rapport aux exigences de la tâche, car trop portée sur des éléments sans lien avec la conduite: le défaut d?attention est alors qualifié de distraction ou d?inattention. On parle par ailleurs de compétition d?attention entre sous-tâches de conduite pour caractériser la concurrence entre plusieurs éléments qui sont liés à la conduite et dont l'un va être privilégié au détriment d?un autre, par exemple: rechercher intensivement une direction pour suivre un itinéraire / interagir avec le trafic; surveiller la scène routière dans sa globalité / se focaliser sur un élément précis de la situation. Le terme «distraction» est utilisé pour évoquer une situation où l?attention du conducteur est détournée vers un élément situé à l?extérieur du véhicule (comme regarder une scène d?accident) ou à l?intérieur (interagir avec les passagers par exemple). Ce type de situation peut engendrer des risques accidentels plus ou moins élevés selon les types de ressources qui sont mobilisées au niveau du conducteur et leur durée de mobilisation. On distingue classiquement trois natures de distraction, sachant que ces modalités peuvent être combinées l?une à l?autre(par exemple: écrire un sms mobilise à la fois les yeux, les mains et l?esprit; régler la climatisation mobilise en général les yeux et la main): ? visuelle (regarder autre chose que la scène routière); ? motrice (réaliser une tâche qui amène à enlever au moins une main du volant, ce qui diminue l?aptitude à maîtriser le véhicule); ? cognitive (réaliser une tâche qui mobilise l?esprit au détriment de l?attention portée à la conduite, comme téléphoner ou écouter attentivement une émission radio). 35 Activités mentales liées à l?élaboration et à la mise en oeuvre de connaissances de l?individu; représentation, compréhension, diagnostic, anticipation, décision, etc. 83 Le terme «inattention» est utilisé pour qualifier un déficit d?attention portée à la conduite qui est plus général. Il évoque une situation où l?attention du conducteur est détournée vers ses propres pensées et préoccupations diverses, qui l?amènent à se détacher de la tâche de conduite, et sans nécessiter, comme vu précédemment, de déclencheur externe spécifique. On peut aussi parler de «distraction interne à l?individu» en considérant que l?inattention constitue une "distraction" par ses propres pensées. Ce phénomène tend à émerger plutôt dans des contextes de conduite routinière ou facile, ou ressentis comme tels par le conducteur au point qu?il laisse son attention dériver vers ses pensées, en réalisant son activité de conduite sur un mode automatisé recourant peu à l?attention. Cela peut prendre la forme d?une rêvasserie ou de la notion de «mind wandering» (le fait d?être perdu dans ses pensées, le vagabondage de l?esprit), telle qu?elle est étudiée en neuroscience: le conducteur laisse errer son esprit (du fait d?une préoccupation particulière ou non), ce qui l?amène à se déconnecter plus ou moins fortement de la scène de conduite. Par ailleurs, les problèmes d?ordre personnel ou professionnel chargés émotionnellement, peuvent parfois constituer en eux-mêmes des sources d?inattention et générer un sur risque d?accident. Qu?il s?agisse de phénomènes d?inattention, de distraction ou de compétition d?attention, tels que présentés ci-avant, les effets d?un point de vue cognitif peuvent dans certains cas être très proches: le conducteur se retrouve en situation de double tâche dont l?une va se faire au détriment de l?autre, car les deux tâches sont concurrentes du point de vue de l?attention. La distinction est intéressante, car ces trois phénomènes n?ont pas la même origine et peuvent donc appeler à des solutions différentes pour limiter leur impact sur l?accidentalité. L?estimation de cet impact peut être approchée à partir des études détaillées d?accidents de la route (EDA), qui permettent une analyse en profondeur des mécanismes accidentels. Le rapport du CNSR indique que l?influence sur l?accidentalité des défauts d?attention est ainsi évaluée aux alentours de 25% à 35% des cas d?accidents étudiés (Wang et al 1996; Talbot et Fagerlind, 2009; Van Elslande et al., 2009; Robertson, 2011, etc.), tout en rappelant que cette influence se combine souvent à celle d?autres facteurs comme la vitesse, la complexité de l?infrastructure, etc. S?agissant de l?estimation du problème de l'inattention, le CNSR fait référence à une étude épidémiologique (Lagarde et al. 2004) dont les résultats suggèrent que le détournement de l?attention vers des pensées sans rapport avec la tâche de conduite, qui font notamment référence à la notion de "Mind Wandering", est à l?origine de 9% des accidents. Il faut être prudent vis-à-vis de la définition donnée aux concepts dans les différentes études et données statistiques. Certaines rassemblent derrière le terme "d?inattention" l?ensemble des problèmes d?attention, c?est le cas par exemple des bilans publiés par l?ASFA. D?autres y englobent même les problèmes de somnolence, donnant ainsi des estimations d?autant plus élevées. Ceci explique en grande partie les différences d?attribution causale dans les accidents selon les études. Par ailleurs, la fatigue est souvent regroupée avec la somnolence au niveau des facteurs humains qui sont identifiés dans les statistiques d?accidentologie, c?est le cas des données BAAC utilisées par l?ONISR et des données publiées par l?ASFA. 84 Évaluation de l?influence des problèmes de vigilance et d?attention dans les mécanismes d?accident Le rapport INRETS de 2009, évoqué ci-avant, rend compte de l?étude réalisée par Van Elslande et al., en vue de qualifier précisément l?implication d?un défaut de vigilance et d?un défaut d?attention d?un point de vue accidentologique. Il ne suffit pas qu?un tel défaut soit présent pour qu?il joue nécessairement un rôle déterminant dans le mécanisme accidentel. L?étude a donc cherché à mesurer leur degré d?influence relative en fonction des autres paramètres du contexte de conduite ayant pu contribuer à la genèse de l?accident. L?analyse s?est basée sur une exploitation approfondie des données détaillées d?accidents, selon un modèle rendant compte des défaillances fonctionnelles humaines et de leurs conditions d?occurrence sous la forme de scénarios-types de production de l?erreur. Ces scénarios-types peuvent se définir comme la trame commune à des accidents qui se déroulent dans des conditions très similaires en termes de défaillances fonctionnelles et de contexte de conduite dans lequel ces défaillances surviennent. La base de données étudiée porte sur près de 1900conducteurs impliqués dans un peu plus de 1100accidents, de laquelle il ressort que le facteur relatif à la vigilance est impliqué dans 12% des cas et celui relatif à l?attention dans 34% des cas. Les résultats montrent que les problèmes de vigilance aboutissent souvent à des accidents de type perte de contrôle et que le facteur vigilance, dans la majorité des cas, suffit à expliquer la défaillance. Les problèmes d?attention sont plus complexes et font ressortir une large variété de configurations accidentelles. Alors que certains défauts attentionnels vont être seulement contributifs dans l?accident, d?autres pourront avoir une influence plus directe et devenir déterminants de la défaillance de conduite. Sont extraits ci-après quelques éléments de l?étude. 1) Sur 112 cas concernés par le facteur vigilance dans l?échantillon et étudiés, on identifie 72% des conducteurs pour lesquels la défaillance découle directement d?une dégradation du niveau de vigilance. Autrement dit, lorsqu?un trouble de la vigilance intervient dans un processus accidentel, il est le plus souvent à l?origine directe de la dégradation de la situation, un des exemples les plus évidents étant l?endormissement. Toutefois, s?agissant plus particulièrement de la fatigue, il ressort que celle-ci a le plus souvent un degré d?impact plus faible (influence co-déterminante ou contributive) dans la genèse de l?accident, et se combine à d?autres facteurs pour générer une défaillance. Dans 77% des cas, les accidents surviennent lors de situation stabilisée de conduite (à la différence des deux autres catégories de classification considérées, que sont la gestion d?une intersection et la réalisation d?une manoeuvre spécifique), autrement dit, pendant la réalisation de tâches de conduite qui sont plutôt simples: ? Circuler en section rectiligne (ou en courbe facile) sans autre exigence que le guidage du véhicule ? 50% des cas étudiés. ? Circuler en section rectiligne avec interférence d'un véhicule plus lent (ou à l?arrêt) ? 3% des cas étudiés. ? Négocier un virage nécessitant un ajustement de la vitesse et de la trajectoire ? 24% des cas étudiés. Les pertes de conscience suite à un endormissement ou à un malaise représentent près de 40% des cas étudiés. Dans presque tous les cas, l?endormissement survient dans une situation stabilisée de conduite (et pour 88% des cas dans la première des situations décrites ci-avant). L?endormissement survient donc le plus souvent dans un environnement routier dit monotone: dans de telles conditions de circulation, les conducteurs relâchent leurs efforts de concentration et ont tendance à s?assoupir. 85 L?un des scénarios types d?accident est l?endormissement lié à la fatigue: ? Tous les accidents répertoriés dans ce type surviennent sur un itinéraire dit monotone, se déroulent sur un tracé facile, une chaussée large et bon état. ? L?ambiance dans l?habitacle est neutre, la radio n?est pas allumée, le conducteur est seul ou les autres occupants sont généralement déjà en train de dormir? ? Lorsque le trajet est lié au départ ou au retour de vacances: les conducteurs n?ont pas de soucis ni de contrariétés, ils ne présentent pas de fatigue autre que celle liée à une longue période de conduite. L?heure de l?accident est assez variable. C?est la longueur du trajet (de l?ordre de 700km parcourus) qui renseigne le plus sur l?origine de la fatigue ressentie par les usagers. 2) 283 cas concernés dans l?échantillon, impliquant une défaillance expliquée ou co-expliquée par un facteur d?ordre attentionnel, ont été étudiés. Dans 27% des cas, les accidents surviennent lors de situation stabilisée de conduite: ? Circuler en section rectiligne (ou en courbe facile) sans autre exigence que le guidage du véhicule ? 9% des cas. ? Circuler en section rectiligne avec interférence d?un véhicule plus lent (ou à l?arrêt) ? 11% des cas ? Négocier un virage nécessitant un ajustement de la vitesse et de la trajectoire ? 7% des cas. À la différence des situations d?intersection, lorsqu?un défaut d?attention est relevé en situation stabilisée, il a souvent un impact plus déterminant dans l?accident. Par exemple, dans la deuxième des situations décrites ci-avant, le problème d?attention est déterminant dans 52% des cas et co-déterminant sinon. a) Le type de défaillance le plus fréquent induit par un défaut d?attention du conducteur porte sur la fonction de perception (43% des cas étudiés). b) Parmi ces défaillances de perception, figure la catégorie qualifiée de «négligence des exigences de recherche d?information». Elle se rapporte au cas de conducteurs qui se décentrent temporairement de l?activité de conduite, notamment sur des trajets monotones, et qui expliquent eux-mêmes leur accident par le fait qu?ils étaient «dans la lune». Dans cet état particulier et pour ce type d?accident, le conducteur ne voit pas l?obstacle, pourtant visible, jusqu?au moment où celui-ci s?impose à lui. Cette défaillance représente 21% des conducteurs produisant une défaillance de perception en lien avec un problème d?attention, soit 9% du total des cas étudiés, c?est-à- dire du total des accidents impliquant un défaut d?attention du conducteur. Un peu plus de la moitié des cas concernés se rapportent à la détection tardive du ralentissement d?un véhicule devant, dont le scénario type peut être décrit comme suit: Les conducteurs circulant en situation stabilisée et sans exigences fortes (ligne droite, courbe facile), sont confrontés au ralentissement du véhicule les précédant. Le très faible niveau d?attention que ces conducteurs portent à leur tâche de conduite, en liaison avec un détournement de l?attention vers une activité «introspective», est directement à l?origine de la non-détection du véhicule devant. Le regard pourtant porté vers l?avant, les conducteurs expriment le fait d?être «ailleurs, dans leurs pensées». Au point que la prise de conscience du danger se fait parfois seulement au moment du choc. Elle est en tous cas toujours trop tardive, ne laissant pas le temps au conducteur de faire plus qu?amorcer un freinage avant la collision. Dans 70% des cas étudiés, les conducteurs sont sur un trajet dont ils ont l?habitude, ce qui les incite à retirer leur attention de la scène routière pour la reporter sur leurs préoccupations ou leurs pensées, au point de ne pas détecter ce qui se passe directement dans leur champ visuel. 86 c) Le type de défaillance le moins fréquent induit par un défaut d?attention du conducteur porte sur la fonction d?exécution de l?action, c?est-à-dire l?étape motrice de l?activité de conduite. Ainsi, dans 5% des cas étudiés, la défaillance concerne un défaut de guidage du véhicule et donc une perte de contrôle de la trajectoire qui sont imputables à un défaut d?attention du conducteur, sans que s?y adjoignent d?autres facteurs explicatifs. L?erreur de guidage est alors liée au fait que le conducteur détourne son attention de la tâche de conduite et ne prête plus ou pas suffisamment d?attention à la gestion de la trajectoire. Soit l?attention du conducteur est détournée vers une stimulation externe ou une tâche annexe à la conduite (ranger des CD, ramasser une bouteille d?eau par exemple), c?est le cas le plus fréquent dans l?échantillon étudié. Soit le conducteur profite d?un trajet facile et/ou familier pour se plonger dans ses préoccupations: dans ce cas-là, on a à faire à des conducteurs simplement inattentifs à leur conduite et qui ne détournent pas forcément le regard de la scène routière, mais le niveau attentionnel est bien trop bas pour guider correctement le véhicule et s?apercevoir à temps de la dérive. Dans les deux cas, le manque d?attention entraîne également une prise de conscience tardive de la situation, rendant les manoeuvres de récupération impossibles. Enfin, il peut être cité le travail qui a fait l?objet d?une thèse réalisée à l?INRETS en 1999: «Scénarios types d?accidents de la circulation sur autoroute: élaboration, méthodes de reconnaissance et applications pour le diagnostic et la prévention». Dans cette thèse, Brahim Megherbi analyse près de 300 accidents sur autoroute et en dégage 20 scénarios types, dont en particulier les suivants: ? [1]: long trajet et/ou fatigue prononcée, endormissement profond et sortie de chaussée sans manoeuvre d?urgence; ? [2a]: hypovigilance, assoupissement bref, coup de volant et sortie de chaussée; ? [2b]: hypovigilance, assoupissement bref, choc sur véhicule en aval; ? [5a] (ou 5b): détournement de l?attention par une tâche annexe dans le véhicule (ou par une tâche annexe concurrente relative à la conduite) entraînant une déficience du contrôle de la vitesse par rapport au véhicule précédent; ? [5c]: détournement de l?attention souvent lié à une prise d?informations à l?intérieur du véhicule, ou sur un élément extérieur à l?autoroute, entraînant une déficience du contrôle de la trajectoire suivie d?un coup de volant brusque; ? [15a]: usager rapide, prise en compte tardive ou mauvaise évaluation de la vitesse d?un usager plus lent circulant en aval, collision avec celui-ci. 87 Pierre Van Elsande et al. présentent ce modèle de fonctionnement et de représentation pour les processus de vigilance et d?attention en conduite automobile comme suit : Explications: Le niveau de vigilance de l?individu constitue le socle de toute activité. Il est sous l?influence d?un ensemble de facteurs endogènes et exogènes, parmi lesquels le temps, la durée de l?activité, constituent un vecteur fondamental de sa dégradation. Pour s?exercer de façon appropriée, l?attention a besoin de pouvoir s?appuyer sur un niveau de vigilance suffisant. Mais un bon niveau de vigilance ne suffit pas pour conduire efficacement, encore faut-il affecter son attention aux bons endroits aux bons moments. L?attention constitue un réservoir de ressources limitées que l?individu doit répartir de façon satisfaisante sur les différentes composantes de son activité et les paramètres pertinents de son environnement sous peine d?échouer dans son objectif. Le contrôle de ces ressources d?attention par le système cognitif s?exécute sous l?influence d?un certain nombre de variables liées par exemple à l?expérience et aux motivations de l?individu, aux caractéristiques de sa tâche, etc. Le système attentionnel fonctionne efficacement lorsque la répartition des ressources est adaptée aux exigences de la tâche réalisée. Une trop forte affectation des ressources d?attention sur une composante de l?activité au détriment d?un élément critique pour la sécurité résultera en un défaut d?attention, de nature différente selon la composante de l?activité qui est surinvestie: "inattention" pour un surinvestissement de ses pensées, "distraction" pour un surinvestissement d?une activité annexe à la conduite, "compétition d?attention" pour un surinvestissement d?une sous- tâche de conduite au détriment d?une autre. 88 Annexe 3: Récapitulatif non exhaustif des accidents avec minibus Les deux précédents rapports d?enquête du BEA-TT sur le sujet Accident survenu le 22 juillet 2014 à 14h40, sur la RD 619 à Courteranges (10) Un minibus transportait sept enfants de la ville de Nangis (Seine-et-Marne), encadrés par deux animateurs du service municipal, dans le cadre d?une sortie à la journée organisée par la ville. Le minibus se déporte sur la gauche et percute un ensemble routier qui circulait en sens inverse. Six occupants du minibus sont tués et les trois autres sont blessés. La cause probable est l?endormissement du conducteur lié à un manque de sommeil combinée à une hypoglycémie sévère provoquée par un jeûne prolongé. Accident survenu le 27 mars 2014 à 17h45 sur la RD 7 à Pourrières (83) Un poids lourd percute au droit d?un carrefour avec une voie communale l?arrière d?un minibus de transport scolaire et une voiture particulière qui, sur la même voie, devant lui, s?apprêtaient à tourner à gauche. Bilan: 5 blessés dans les trois véhicules et 2 lycéennes tuées dans le minibus. La cause probable est l?inattention du conducteur du PL. Le décompte, non exhaustif, des accidents entre octobre 2021 et octobre 2023 Le fichier national des accidents corporels de l?ONISR ne permet pas de recenser les accidents impliquant un minibus, puisque ce type de véhicule n?est pas distingué dans les données et est assimilé à ce qu?il est réglementairement, à savoir une voiture particulière. Le décompte ci-après a été réalisé par le BEA-TT à partir de la veille qu?il réalise sur les accidents (articles de presse, signalements effectués par les gestionnaires routiers et les services de secours au centre ministériel de veille du ministère chargé de la transition écologique et des transports). Transport d?enfants dans le cadre d?un séjour de vacances ou d?une sortie de loisirs. Total: 7 accidents recensés entre octobre 2021 et octobre 2023 Le 25 juillet 2022 à 16h25, sur la RD 786 à Paimpol (Côtes-d?Armor, 22): Deux minibus circulant en convoi acheminaient des adolescents de Morangis (91) vers leur lieu de séjour, à Lézardrieux (22), lorsque le premier des véhicules est entré en collision avec un tracteur agricole. La conductrice du minibus a été gravement blessée, tandis que six enfants âgés de 13 à 14ans ont légèrement blessés. Le 26 juillet 2022 à 10h55, sur la RD 61 à Val-en-Vignes (Deux-Sèvres): Au carrefour des routes départementales 160 et 61, un minibus qui transportait huit adolescents d?un centre de loisirs de Saumur pour se rendre au Parc de la Vallée est entré en collision avec une voiture circulant sur l?axe prioritaire. Bilan: 6 blessés légers. Le 2 novembre 2022 à 16h30, sur la RD 214 à Rustrel (Vaucluse): La conductrice d?un minibus qui transportait des adolescents de 14 à 17ans revenant d?un escape game a fait une sortie de route. Bilan: 1 blessé grave, 7 blessés légers. Le 10 juillet 2023 à 14h50, sur la RD 942 à Magnac-Laval (Haute-Vienne): Une collision latérale a eu lieu entre deux voitures et un minibus transportant huit enfants d?une colonie de vacances. Un autre véhicule de la colonie de vacances faisait également le trajet. Bilan: 5 blessés légers. 89 Le 20 août 2023 à 12h50, sur la RD 128 (ou RD 26?) à Saint-Augustin (Corrèze (19): Un dimanche, le conducteur d?un minibus qui transportait huit adolescents d?une colonie de vacances a perdu le contrôle de son véhicule. L?accident pourrait être consécutif à une perte de connaissance du chauffeur à la suite d?un malaise. Bilan: 5 blessés légers. Le 23 août 2023 vers 14h, sur la RD 10 à Salt-en-Donzy (Loire): Un minibus transportait sept enfants âgés de 8 à 12ans et leurs deux accompagnateurs et devait les conduire d?un centre de colonie de vacances jusqu?à un centre aquatique. La conductrice a perdu le contrôle du véhicule qui aurait fait plusieurs tonneaux avant de s?immobiliser sur le bas-côté. Une enfant et une jeune femme de 19ans ont dû être héliportées. Les sept autres occupants ont été blessés légèrement. Le 25 août 2023 à 17h45, sur la RD 154 à Houeillès / Sauméjan (Lot-et-Garonne): Deux minibus transportaient des enfants âgés de 11-13 ans qui séjournaient dans un centre de vacances à proximité et revenaient d?une activité aquatique. Le premier véhicule a effectué une sortie de route sur sa gauche et a percuté un parapet en béton. La cause est un possible endormissement du conducteur, âgé de 26 ans et qui est un animateur du centre de vacances. Un enfant est décédé, quatre ont été blessés gravement, deux autres et le conducteur l?ont été plus légèrement. Transport d?enfants en situation de handicap Total: 7 accidents recensés entre octobre 2021 et octobre 2023, dont ceux ci-après. Le 4 mars 2022 à 19h35 sur l?A1 à Plailly (Oise): Un accident a impliqué deux voitures, un minibus transportant sept enfants handicapés et un poids lourd. Deux personnes ont été légèrement blessées dont un enfant de 7ans. Le 9 juillet 2022 à 11h50, sur l?A16 à Fléchy (Oise): Un samedi, un minibus transportant des personnes d?un foyer pour handicapés qui se rendaient à la mer, a quitté sa trajectoire et s?est couché sur le flanc, sur BAU et le bas-côté qui borde la chaussée. Les neuf occupants ont été blessés, dont un gravement. Le 3 août 2022 à 17h, sur la RD 918 à Itxassou (Pyrénées-Atlantiques): Le conducteur du minibus transportant des personnes handicapées a eu son attention perturbée par les passagers, il s?est déporté sur la gauche et a percuté une voiture circulant en sens opposé. Cinq personnes ont été blessées dont une gravement. Transport scolaire Total: 1 accident recensé (dérapage sur une route verglacée) Déplacement en lien avec une association ou un club de sport Total: 6 accidents recensés entre octobre 2021 et octobre 2023 Le 23 septembre 2021 à 1h40, sur l?A85 à Mareuil-sur-Cher (Loir-et-Cher): Un convoi constitué de quatre minibus de location et transportant des supporters officiels de l?OM revenait dans la nuit d?un match de foot ayant eu lieu à Angers. Le minibus de queue percute l?arrière d?un poids lourd circulant à une vitesse normale, sans doute en raison d?un défaut d?anticipation pour doubler le camion. Le conducteur du minibus, âgé de 21ans, a vu à un moment donné qu?il allait percuter le camion et a freiné. Les dépistages ont été négatifs. Le passager assis à l?avant droite est décédé, les autres ont été blessés. 90 Le 7 novembre 2021 à 18h sur l?A7 à Lancon-Provence (13): Un dimanche avec un trafic dense, 2km avant un péage, un carambolage a impliqué plusieurs véhicules dont deux minibus transportant des adultes. Deux voitures ont été percutées par un véhicule utilitaire. Un premier minibus a percuté l?utilitaire et le deuxième minibus a percuté le premier. Une dizaine de personnes a été blessée. Les minibus transportaient des joueurs d?une équipe de foot de La Ciotat et rentraient après un match. Le 11 août 2022 à 18h40, route des Gorges Verdon (Alpes-de-Haute-Provence): Un accident a impliqué une voiture et un minibus d?une société de rafting. Le conducteur de la voiture et six personnes présentes dans le minibus ont été légèrement blessés. Le 22 avril 2023 à 7h05, sur l?A8 à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var): Un samedi, le dernier minibus d?un convoi de 5 véhicules a percuté l?arrière droite de la semi-remorque d?un poids lourd, puis s?est engagé entre le musoir et la barrière de sécurité et a fini sa course contre un grillage. Le camion circulait à une vitesse normale sur la voie de droite de l?autoroute. Dans le minibus, le conducteur et les 8 adolescents ont été blessés, plutôt légèrement, il semble qu?ils portaient tous leur ceinture de sécurité. Le convoi était parti de Tours la veille dans la soirée et transportait des adolescents, membres d?un club de foot pour participer à un stage dans le sud de la France. La dernière pause avait été effectuée 2h avant l?accident et une autre pause semblait être prévue prochainement. Le conducteur âgé de 25ans déclare qu?il a dû s?endormir, qu?il s?est réveillé au moment du choc et alors essayé de rétablir le véhicule. Une rotation entre conducteurs était apparemment organisée et ce conducteur aurait décliné la dernière proposition faite en termes de rotation, se sentant à même de continuer. Le 14 mai 2023 à 22 à 19h50, sur la RN 88 à La Loubière (Aveyron) Un dimanche, un convoi de deux minibus ramenait des jeunes d?un club de foot après un tournoi qui s?est déroulé l?après-midi. Dans une ligne droite avant un virage, le conducteur du premier minibus a perdu le contrôle du véhicule et s?est déporté dans le bas-côté. Le conducteur, âgé de 26ans, est décédé. Deux enfants de 13ans ont été blessés. Le 16 septembre 2023 à 13h10, sur la RD 606 à Vermenton (Yonne) Un samedi, un minibus transportant huit adolescents se rendait à un match de handball, suivi par plusieurs véhicules où se trouvaient les familles des enfants. Au niveau d?un carrefour, il a heurté un tracteur agricole qui semble ne pas avoir respecté le cédez le passage. Le conducteur du minibus et un adolescent ont été blessés gravement. Autre type de déplacement d?un groupe de personnes ou d?une même famille Total: 7 accidents recensés entre octobre 2021 et octobre 2023 Nature du déplacement non déterminée Total: 12 accidents recensés entre octobre 2021 et octobre 2023, dont : Le 5 août 2022 à 2h20, sur l?A9 à Béziers (Hérault): Dans la nuit, un minibus qui transportait six jeunes de 17 à 21ans originaires de Corrèze, a effectué une sortie de route au niveau d?une bretelle de sortie présentant un virage prononcé. Il a percuté la glissière de sécurité à sa gauche avant de partir en tonneaux. Quatre passagers situés à l'arrière, qui ne devaient pas être ceinturés, ont été éjectés. Bilan: deux morts, trois blessés graves, un blessé léger. Le 6 août 2022 à 12h05, sur la RN 31 à Saint-Martin-le-Noeud (Oise): Un accident a impliqué un minibus, sept enfants ont été blessés légèrement. 91 Annexe 4:Note de cadrage de la Ville d?Amiens sur l?usage des minibus 92 Annexe 5:Mesures de vitesse en rampe, programme Alert?Infra PL Cette annexe reprend synthétiquement les éléments relatifs aux mesures de vitesse en rampe, qui figurent dans le rapport produit en juillet 2010 par le CETE de Lyon. Dans le cadre de l'opération de recherche PLINFRA, une démarche a été conduite en vue de développer un outil d?aide au diagnostic des infrastructures, spécifique aux poids lourds, logiciel nommé Alert?Infra PL. Le rapport produit dans ce cadre par le CETE de Lyon en juillet 2010 comprend une partie sur les rampes, qui s?appuie notamment sur des mesures de vitesse réellement pratiquées. Le rapport indique que ces mesures de vitesse ont été réalisées sur trois rampes autoroutières en ligne droite et de pente longitudinale comprise entre 3et 7%. Les mesures de vitesse ont été effectuées sur la voie de droite et en quatre points: au bout de 1000m de montée, 1500m, 2500m et enfin 3000m, ce qui correspond au sommet de côte pour les trois sites étudiés. Les résultats obtenus sur les trois sites sont similaires: Figure 46: Distribution des vitesses de PL en différents points de la rampe Au bout de 1000m de montée, la distribution des vitesses des poids lourds paraît de type gaussien, la moyenne se situant autour de 85km/h. Au fur et à mesure de la progression des poids lourds sur la rampe, les résultats montrent un étalement de la courbe de distribution des vitesses. Les mesures ont montré qu?au bout de 2000m de montée, la distribution des vitesses présente deux pics bien distincts, que l?on peut voir ici sur les courbes à 2500m et 3000m et qu?au-delà de 2200m, il n?y a plus de variation sensible de la vitesse des véhicules. L?ensemble des PL se scinde alors en deux groupes, l?un constitué de poids lourds suffisamment puissants pour conserver une vitesse élevée durant la montée, et l?autre qui voit sa vitesse chuter jusqu?à 55km/h (pic de la distribution des vitesses) voire jusqu?à moins de 40km/h pour certains véhicules de ce groupe. 93 Des mesures de vitesse pratiquées par les VL et les PL ont également été effectuées en haut de côte et en distinguant leur voie de circulation, voie de droite et voie médiane: Figure 47: Distribution des vitesses des poids lourds et des véhicules légers en haut de côte sur la voie de droite (à gauche) et la voie médiane (à droite) Sur la voie de droite, la distribution des vitesses s?étale de 30 à 140km/h tous véhicules confondus. Les courbes de distribution présentent deux pics pour chacune des deux catégories de véhicules, illustrant donc des différences marquées au sein de chacune d?elles et se situant autour de 50 et 80km/h pour les PL et de 85 et 110km/h pour les VL. Sur la voie médiane, les distributions de vitesses sont plus resserrées. Les courbes de distribution présentent un pic se situant autour de 120km/h pour les VL et de 77km/h pour les PL, ce qui montre qu?il existe un différentiel de vitesses non négligeable sur cette voie, traditionnellement utilisée pour doubler des véhicules plus lents. 94 Annexe 6: Evolution des vitesses dans la rampe de Massiac sur l?A75 Les données des boucles de comptage de la DIR dans la rampe de Massiac D?après la station de comptage de Sals-Bas dont dispose la DIRMC au PR 76+300 de l?A75, la répartition des véhicules par classe de vitesse, au niveau de ce PR et en sens nord-sud est la suivante. Il s?agit du trafic par jour, sans distinction VL/PL, en moyenne annuelle et en distinguant les jours ouvrés, les samedis, les dimanches et jours fériés. Le trafic 2021 est connu pour être inférieur à celui de 2019, l?année 2021 ayant encore été influencée par l?effet covid. Les véhicules avec une vitesse inférieure à 70km/h qui ont été enregistrés les dimanches et jours fériés l?ont été pour la plupart avant 22h, soit pendant la période d?interdiction de circulation des PL. Le trafic lent observé en jour ouvrable, soit une vingtaine de véhicules circulant à moins de 50km/h et environ 300 circulant entre 50 et 70km/h, correspond vraisemblablement en grande partie à un trafic PL. Sur la plage comprise entre 70 et 90km/h, qui concerne presque 800 véhicules en jour ouvrable, on peut commencer à trouver des VL. Le trafic lent observé les samedis correspond sans doute à des PL ainsi qu?à des «promeneurs du dimanche». Les acteurs locaux ont indiqué qu?en été, un certain nombre de voitures et de caravanes se traînent dans la rampe, sans parler des PL. Les données issues de véhicules connectés dans la rampe de Massiac L?essor des véhicules connectés permet aujourd?hui de disposer de sources de données pouvant être complémentaires à celles issues des stations de comptage du trafic des gestionnaires routiers. Le BEA-TT a ainsi fait réaliser en 2023, par la société Autoroutes Trafic, une étude basée sur l?exploitation des données issues de véhicules connectés ayant emprunté l?A75. S?agissant des vitesses, les données exploitées sont de type «Floating Car Data (FCD)», elles sont issues d?appareils embarqués et fournissent des indications sur les déplacements d?un véhicule, dont la vitesse instantanée. L?échantillon considéré dans le cadre de cette étude porte sur près de 7600PL ayant emprunté la rampe de Massiac sur une période de 8×1 semaine entre août 2022 et mars 2023. Cela représente en moyenne 180PL par jour ouvrable, soit environ 15% du trafic PL sur l?A75 au niveau de cette rampe. L?échantillon retenu in fine porte sur un peu plus de 2500PL, de manière à considérer les PL pour lesquels la donnée de vitesse est émise à la fréquence la plus élevée (entre 10 et 60 secondes). Les caractéristiques de ces PL ne sont pas connues, l?échantillon comporte donc possiblement tout type de PL, du petit camion de 3,5 tonnes jusqu?au 44 tonnes. Retirer les PL les plus légers amènent à descendre la médiane de la figure 45 et donc à augmenter les pics identifiés figure 46. S?agissant des vitesses des VL, l?échantillon considéré porte sur 13200 véhicules ayant emprunté la rampe de Massiac sur la même période. Cela représente en moyenne 350 VL par jour ouvrable, soit environ 5% du trafic VL sur l?A75 au niveau de cette rampe. 95 La distribution de l?évolution de la vitesse des PL dans la rampe, obtenue à partir de cet échantillon, est illustrée par la médiane et par percentile, dans les deux graphes ci-après. Grille de lecture au niveau du PR 79, là où l?effet de la rampe se fait le plus ressentir: ? La médiane est de 65km/h: 50% des PL de l?échantillon ont une vitesse supérieure à 65km/h et 50% ont une vitesse inférieure à 65km/h. ? Le percentile 20 est d?un peu moins de 50km/h (47km/h d?après les résultats de l?échantillon): 20% des PL de l?échantillon ont une vitesse inférieure à 50km/h. ? Le percentile 80 est de 80km/h: 80% des PL de l?échantillon ont une vitesse inférieure à 80km/h et donc 20% ont une vitesse supérieure à 80km/h. Le graphe suivant correspond au précédent, mais auquel ont été ajoutés les percentiles 1à 99 de manière à approcher au mieux les minis et les maxis. 96 Ces distributions illustrent l?effet de cette longue et forte montée sur l?évolution des vitesses. Les secteurs où la vitesse des PL baisse le plus correspondent logiquement aux sections de plus forte pente, soit au niveau du PR 75, du PR 79, du PR 83 et du PR 85. C?est au niveau du PR 79 que l?effet de la rampe se fait le plus ressentir. Elles illustrent aussi que la diversité des trajectoires de vitesse des PL dans cette rampe, diversité liée aux types de PL, à leur masse, leur puissance et la charge transportée. Sur les quatre secteurs les plus marqués, la vitesse de certains PL descend en dessous de 50km/h, voire 40km/h, tandis que d?autres parviennent à conserver une vitesse élevée. Au PR 76+500, sur l?échantillon considéré de 2520PL: ? 46PL circulent à une vitesse comprise entre 0 et 50km/h; ? 648PL circulent à une vitesse comprise entre 50 et 70km/h; ? 1488PL circulent à une vitesse comprise entre 70 et 90km/h. En faisant une règle de 3 pour passer de 2520PL à 1150PL par jour qui est l?ordre de grandeur du débit moyen de PL en 2019, les nombres ci-dessus deviennent respectivement et environ 20PL, 300PL et 680PL. Ces données paraissent cohérentes avec celles issues de la station de comptage de la DIRMC. L?effet de la rampe peut aussi être illustré par les deux graphes suivants. Figure 48: Distribution des vitesses des PL aux PR 71, 72, 74 et 75 dans la rampe de Massiac (schéma BEA-TT) Au début de la montée, vers le PR 71, la distribution des vitesses paraît de type gaussien, le pic de la courbe se situant autour de 85km/h, il est atteint par la moitié des PL. Au fur et à mesure de la progression des PL dans la rampe et jusqu?au PR 75, on observe un étalement de la courbe de distribution des vitesses ainsi qu?un abaissement du pic de la courbe. Au PR 75, une petite partie des PL parvient à conserver une vitesse élevée, tandis que les autres PL se répartissent dans les niveaux de vitesse inférieurs, s?échelonnant entre 50 et 80km/h. Entre le PR 77 et le PR 79, le phénomène est plus accentué. Au PR 77, la courbe présente deux pics, l?un se situant autour de 85 km/h et atteint par 25% des PL et l?autre se situant autour de 65km/h, comme si les PL se scindent en deux groupes. Au PR 79, la 97 plupart des PL voient leur vitesse chuter, les PL semblent se scinder en trois groupes, l?un autour de 85km/h, un autre autour de 70km/h et un dernier autour de 45 km/h. Figure 49: Distribution des vitesses des PL aux PR 77, 78, 78,5 et 79 dans la rampe de Massiac (schéma BEA-TT) Au vu de ces données, le PL impliqué dans l?accident, illustré au 3.4.4, paraît se situer parmi les 10% des véhicules les plus lents, si l?on considère par exemple sa vitesse au niveau du PR 75 ainsi qu?au niveau du lieu de l?accident, un peu avant le PR 78. Cela est surprenant, s?agissant d?un véhicule récent qui était à peine à mi-charge. Cette considération est toutefois à relativiser, car il est possible que les plus petits PL soient surreprésentés dans l?échantillon. D?après le contrôleur de la DREAL qui a analysé les données du PL impliqué dans l?accident, un grand nombre de semi-remorques circulent à une vitesse comprise entre 40 et 60km/h dans le secteur des PR 78-79. L?étude que le BEA-TT a conduite à partir des données de véhicules connectés donne donc une bonne indication des vitesses particulièrement basses que peuvent atteindre une partie des PL dans la rampe de Massiac. Il est par contre possible que les PL qui sont pénalisants dans les rampes soient sous-représentés dans l?échantillon. Cette étude a permis également de déterminer l?évolution des vitesses des VL dans la rampe. Comme pour les PL, les trajectoires de vitesse des VL sont très diversifiées. La figure ci-après représente l?évolution de la distribution des vitesses des PL et des VL. Grosso modo, le percentile 20 des VL se situe légèrement au-dessus du percentile 80 des PL: les 20% des VL les plus lents ont une vitesse légèrement supérieure à la vitesse en deçà de laquelle roulent 80% des PL. C?est au niveau du PR 79 que l?écart de vitesse entre VL et PL paraît le plus marqué: la vitesse médiane pour les VL est dans ce secteur de 120km/h, soit près du double de celle des PL; les 20% des VL les plus rapides (percentile 80 des VL) circulent à une vitesse d?au moins 130km/h, soit au moins 80km/h plus vite que les 20% des PL les plus lents (percentile 20 des PL). 98 Figure 50: Évolution de la distribution des vitesses des VL et des PL dans la rampe de Massiac (étude Autoroutes Trafic - BEA-TT, septembre 2023) La figure ci-après représente l?évolution de cet écart de vitesse entre les VL les plus rapides et les PL les plus lents. Il est à noter que cet écart est plus réduit sur la dernière partie de la rampe, compte tenu de l?abaissement de la vitesse réglementaire à 110km/h puis, environ 3km après, de la présence d?un radar de contrôle des vitesses. Figure 51: Évolution dans la rampe de Massiac de l?écart de vitesse entre les 20% des VL les plus rapides et les 20% des PL les plus lents (étude Autoroutes Trafic - BEA-TT, septembre 2023) 99 Annexe 7: Données d?incidents issues de véhicules connectés sur l?A75 Présentation de l?étude Avec l?évolution des véhicules, il devient aujourd?hui possible d?exploiter les données embarquées dans les véhicules afin d?identifier et de localiser la survenance d?incidents de conduite ou de presque accidents. Ces données, qui viennent en complément de celles du fichier BAAC et relatives aux accidents corporels, permettent d?apporter un éclairage complémentaire voire d?enrichir l?analyse. Le BEA-TT a ainsi fait réaliser, en 2023 par la société Autoroutes Trafic, une étude basée sur l?exploitation des données issues de véhicules connectés, afin d?affiner l?analyse de la rampe de Massiac sur l?A75 et d?effectuer des comparaisons avec d?autres sections. Les données issues des véhicules (VL) connectés qui ont été considérées sont celles relatives aux forts freinages, émanant de boîtiers accélérométriques fixés dans les véhicules, entre janvier 2019 et septembre 2023. Les données de freinage situées au voisinage des radars ont ensuite été neutralisées. Si l?on compare avec les données de trafic, ces véhicules connectés ne représentent toutefois que 0,5 % du trafic . Ont été également considérés les évènements déclarés par la communauté des applications mobiles (Coyote alerte), entre juin 2020 et septembre 2023, portant sur les accidents constatés et sur les dangers perçus, tels que les signalements se rapportant à un véhicule arrêté ou à une situation de visibilité réduite. Ont été enfin pris en compte les accidents corporels (BAAC) entre 2019 et 2022. Les accidents remontés par Coyote sont 16 fois plus nombreux, étant entendu qu?un tri a été effectué sur l?ensemble des données pour éviter les doublons; l?information correspondante permet de mettre en évidence les accidents matériels. Les 2 types de données ont ensuite été agrégées pour former la donnée générique « accident » . Les données sont présentées en nombre d?évènements ou en taux d?évènements pour 108 veh.km (100 millions) tenant compte du linéaire du tronçon et du trafic sur le tronçon. La figure ci-après représente le linéaire d?étude. Celui-ci est constitué, en sus de la section de l?A75 comprise entre Massiac et le col de la Fageole, de 120km de chacune des autoroutes A71 et A75 et dans les deux sens de circulation. L?A71 a été choisie, car l?A75 se situe dans son prolongement, les usages des deux autoroutes sont susceptibles d?avoir un profil comparable et l?A71 est susceptible d?offrir davantage de points de comparaison avec des sections «horizontales». Le linéaire d?étude, pour chaque sens de circulation, a été découpé en tronçons élémentaires, tenant compte de chaque échangeur, des changements de vitesse réglementaire, de profil en travers et de catégorie de profil en long. 100 A71 du PR 250 au PR 362 A75 du PR 68 au PR 190 Les classes de pente sont: ]-inf,-4%[, [-4%,-2%[,[-2%,+2%[, [+2%,+4%[,[+4%,+inf[. Le référentiel géographique utilisé est la base Here Navteq T4 2022, ainsi que, pour le calage des PR du référentiel, la BD TOPO 2023. Analyse par sections: Dans un second temps, les tronçons élémentaires du linéaire ont été regroupés autant que possible en sections relativement homogènes en fonction du type de dénivelé. Le regroupement aboutit au découpage illustré dans le graphe ci-après et dans le récapitulatif ci-contre établi pour le sens nord-sud. Dans le sens sud-nord, le récapitulatif est le même, mais en inversé (une montée devient une descente). Les sections qualifiées de «M+D» correspondent à des sections qui se caractérisent par une succession de montées et de descentes. Il n?a pas été jugé aisément faisable de les découper plus finement. Elles constituent donc en quelque sorte une catégorie fourre-tout. Massiac 1 correspond à la rampe de Massiac proprement dite, c?est-à-dire la première partie de la montée, jusqu?à l?échangeur de Saint-Poncy aux environs du PR 81. Massiac 2 correspond à la dernière partie de la montée jusqu?aux environs du PR 86, un peu après le col de Fageole. Ce qui appelé «Massiac» dans la suite du document correspond à l?ensemble de la montée. Massiac = Massiac 1 +2 = Massiac 1 et Massiac 2. 101 Principaux résultats Le linéaire d?étude est constitué principalement de sections réglementées à 130km/h (414km). Les sections à 110km/h constituent 46km du linéaire et celles à 90km/h en constituent 4km, ces dernières étant principalement présentes sur de fortes descentes. Les sections à trois voies constituent 31km du linéaire d?étude. Il s?agit essentiellement de sections situées sur l?A75 et comportant une VSVL, telles que les deux suivantes: ? la section intitulée «Banassac», d?une longueur de 7km, comporte en montée comme en descente une VSVL sur près de 6km; ? la section intitulée «Séverac», d?une longueur de 3,7km, comporte en montée comme en descente une VSVL sur près de 2km. 102 Taux d?accident (accident corporel BAAC + signalements usagers Coyotte) et pente L?analyse par tronçons élémentaires ne montre pas de lien évident entre le taux d?accident et la classe de pente. L?analyse globale par sections tend à mettre en évidence que les montées présentent un taux d?accident plus élevé que les sections horizontales voire même que les descentes. Cette interprétation est toutefois à prendre avec précaution, dans la mesure où les sections horizontales considérées sont principalement celles situées sur A71 et dans la mesure où, au vu du tableau récapitulatif présenté ci-avant, la catégorie «M+D» sur A75 présente un taux d?accident de 20 pour 10? véh.km. Au vu des données de ce tableau, cette considération paraît plus avérée sur l?A71. Concernant l?A75 prise isolément, les sections horizontales sont trop peu importantes, le taux d?accident paraît plus élevé en montée qu?en descente et en mettant de côté la catégorie «M+D», ce que l?on peut voir également dans le deuxième graphe ci-après. Sur A75 et pour les sections qui ont pu clairement être identifiées en montée ou en descente, le taux d?accident paraît souvent plus élevé dans le sens montant que dans le sens descendant. Au niveau de la rampe de Massiac, le taux paraît équivalent dans les deux sens: données indicatives, les chiffres de chacune des sections sont assez petits. 103 Au vu du tableau récapitulatif des données, le taux d?accident paraît plus élevé pour la montée de Massiac, comparé à l?A75 prise dans son ensemble et comparé à l?ensemble des sections identifiées en montée sur l?A75. Les chiffres sont cependant trop petits pour que les écarts puissent être considérés comme significatifs d?un point de vue statistique. A titre indicatif, le graphe ci-après illustre le taux d?accident pour l?ensemble des sections identifiées en montée sur le linéaire d?étude. La dernière partie de la montée de Massiac (Massiac 2) a un taux qui paraît élevé et qui doit être lié en partie aux conditions météorologiques difficiles au niveau du col de la Fageole, tandis que la rampe de Massiac (Massiac 1) paraît se situer dans la moyenne haute. Les sections de Banassac et de Séverac, qui comportent une VSVL, se situent en fin de classement. Le même constat peut être effectué dans le sens des descentes. Forts freinages et pente Seuils considérés: fort (0,25 G), très fort (0,55 G), urgence (0,75 G), 1 G = 9,8 m/s2 L?analyse par tronçons élémentaires montre que les forts freinages sont sur-représentés dans les sections en pente, en montée comme en descente, et encore plus en descente. Si l?on considère les freinages moins forts, la tendance est la même: ces freinages sont 2 fois plus nombreux sur les tronçons ayant une pente d?au moins 4% et 3 fois plus nombreux sur les tronçons ayant une pente de ? 4% par comparaison avec les tronçons horizontaux ou à faible pente. Le nombre d?évènements est ici rapporté à la taille de l?échantillon source (nombre de VL avec boîtiers accélérométriques qui sont passés sur chaque tronçon) au lieu d?être rapporté au TMJA. 104 Rq : Bègues 3 présente un taux d?accidents très important mais section très courte (27 accidents sur 2,2 km) Le graphe ci-après illustre le taux de freinage d?urgence (> 0,75G), rapporté à la taille de l?échantillon source pour l?ensemble des sections identifiées en montée sur le linéaire d?étude. Les deux parties de la montée de Massiac apparaissent en tête de classement, ce qui n?est pas le cas si l?on considère les seuils de freinage moins élevés. L?échantillon est réduit, avec par exemple 27 freinages d?urgence en nombre absolu sur l?ensemble de la montée de Massiac (Massiac 1 +2), les données sont donc indicatives. S?agissant du taux de freinage d?urgence dans les descentes, les deux sections de Massiac apparaissent également en tête de classement, et qui plus celle de Massiac 1. Le taux d?accident parait plus important sur les voies à 110km/h par rapport à celles à 130km/h, ce qui peut être lié au fait que les premières peuvent éventuellement être plus sinueuses ou plus pentues ou présenter de moins bonnes caractéristiques autoroutières. Signalements de visibilité réduite et pente L?analyse par tronçons met en évidence que le nombre de signalements de mauvaise visibilité est croissant avec l?altitude des tronçons et que ces signalements sont plus nombreux en montée qu?en descente. L?approche par sections confirme cette tendance: aux mêmes localisations et pour la plupart des sections étudiées, les utilisateurs de Coyote signalent en général plus d?alerte de visibilité réduite en montée qu?en descente. Cela pourrait s?expliquer ainsi: dans le cas de la présence de brouillard au niveau d?un col, c?est en effet en général au cours de la montée que l?usager devrait pénétrer dans la zone de visibilité réduite. Le graphe ci-contre illustre la densité des signalements de visibilité réduite sur les sections rejoignant le col de la Fageole sur l?A75 (le profil du sens sud-nord a été visuellement remonté pour les besoins de l?interprétation). 105 Le graphe ci-après illustre le taux de signalements de visibilité pour l?ensemble des sections identifiées en montée sur le linéaire d?étude. La dernière partie de la montée de Massiac et, dans l?autre sens, la montée depuis Saint-Flour jusqu?à Coren, se distinguent très fortement, en lien avec les conditions météorologiques pouvant délicates au niveau du col de la Fageole. Signalements de véhicules arrêtés et pente L?analyse par sections montre que le nombre de signalements de véhicules arrêtés est croissant en fonction de la pente: les signalements sont sur-représentés dans les montées par rapport aux sections horizontales ou à faible pente et encore davantage par rapport aux descentes. Au vu du tableau récapitulatif des données présenté en début de document, la rampe de Massiac (Massiac 1) se distingue par le taux très élevé de signalements de véhicules arrêtés: le nombre de ces signalements, rapporté au trafic et au linéaire, est nettement plus important dans cette rampe, par comparaison au nombre observé sur les montées prises dans leur ensemble, tant sur l?A71 que sur l?A75. Ce que l?on peut observer également sur le graphe ci-après, qui illustre le taux de ces signalements pour l?ensemble des sections identifiées en montée sur le linéaire d?étude. En résumé concernant la montée de Massiac: 106 ? Massiac 1 se distingue par un fort taux de signalements de véhicules arrêtés. ? La seconde section (Massiac 2) se distingue par un fort taux de signalements de visibilité réduite. Ces signalements se font principalement le matin et en toute saison, même s?ils sont moins nombreux l?été. Concernant le taux d?accident et le taux de freinage d?urgence, la fiabilité statistique est faible compte tenu des petits chiffres en question. Donc, à titre indicatif: ? Ces taux paraissent relativement élevés sur l?ensemble de la montée et qui plus est sur sa dernière section (Massiac 2). ? Dans le sens de la descente, ces taux paraissent également relativement élevés, et qui plus est dans la dernière partie de la descente (Massiac 1), par comparaison aux autres sections identifiées en descente sur l?A75 dans le linéaire d?étude. ? Les taux d?accidents ne paraissent pas plus élevés en descente qu?en montée. Zoom sur la montée de Massiac Récapitulatif par type d?évènement (nombre en valeur absolue) selon le mois et l?heure: 53% en été, 25% en automne, 15% en hiver Jour / nuit: 75% / 25% 41% en été, 27% au printemps, 20% automne Freinage > 0,55G 34% en automne, 29% en hiver, 23% en été Jour / nuit: 83% / 17% Les graphes ci-après représentent schématiquement la répartition des différents évènements et leur nombre au sein de la montée de Massiac avec ses deux sections 107 (représentation du nombre d?évènements pour chaque tronçon élémentaire résultant du découpage du linéaire, ces tronçons ont pour la plupart une longueur de près d?1km sur la montée de Massiac). S?agissant des freinages, ont été représentés les très forts freinages et ceux d?urgence (>0,55G). Ceux-ci sont également très importants en fin de section au niveau du radar fixe: ils ne sont pas représentés, compte tenu du choix méthodologique qui a été fait de neutraliser au niveau des tronçons élémentaires les freinages au voisinage des radars. 108 Règlement général de protection des données Le bureau d?enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) est investi d?une mission de service public dont la finalité est la réalisation de rapports sur les accidents afin d?améliorer la sécurité des transports terrestres (articles L. 1621-1 et 1621-2 du code des transports, voir la page de présentation de l?organisme). Pour remplir cette mission, les personnes chargées de l?enquête, agents du BEA-TT habilités ainsi que d?éventuels enquêteurs extérieurs spécialement commissionnés, peuvent rencontrer toute personne impliquée dans un accident de transport terrestre (article L. 1621-14) et recueillir toute donnée utile. Ils traitent alors les données recueillies dans le cadre de l?enquête dont ils ont la responsabilité uniquement pour la seule finalité prédéfinie en garantissant la confidentialité des données à caractère personnel. Les rapports d?enquêtes sont publiés sans le nom des personnes et ne font état que des informations nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de l?accident. Les données personnelles sont conservées pour une durée de 4 années à compter de la publication du rapport d?enquête, elles sont ensuite détruites. Le traitement «Enquête accident BEA-TT» est mis en oeuvre sous la responsabilité du BEA-TT relevant du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT). Le MTECT s?engage à ce que les traitements de données à caractère personnel dont il est le responsable de traitement soient mis en oeuvre conformément au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l?égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (ci-après, «règlement général sur la protection des données» ou RGPD) et à la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l?informatique, aux fichiers et aux libertés. Les personnes concernées par le traitement, conformément à la législation en vigueur, peuvent exercer leurs droits auprès du responsable de traitement: droit d?accès aux données, droit de rectification, droit à la limitation, droit d?opposition. Pour toute information ou exercice de vos droits, vous pouvez contacter: 1- Le responsable de traitement : - par mail à l?adresse: bea-tt@developpement-durable.gouv.fr - ou par courrier (avec copie de votre pièce d?identité en cas d?exercice de vos droits) à l?adresse: Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires À l?attention du directeur du BEA-TT Grande Arche - Paroi Sud, 29e étage, 92055 LA DEFENSE Cedex 2- Le délégué à la protection des données(DPD) du MTECT: - par mail à l?adresse: dpd.daj.sg@developpement-durable.gouv.fr ; - ou par courrier (avec copie de votre pièce d?identité en cas d?exercice de vos droits) à l?adresse: Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires À l?attention du Délégué à la protection des données SG/DAJ/AJAG1-2 92055 La Défense cedex Vous avez également la possibilité d?adresser une réclamation relative aux traitements mis en oeuvre à la Commission nationale informatique et libertés(3 Place de Fontenoy - TSA 80715 - 75334 PARIS CEDEX 07). 109 mailto:dpd.daj.sg@developpement-durable.gouv.fr mailto:bea-tt@developpement-durable.gouv.fr Bureaud?Enquêtessur lesAccidentsdeTransport Terrestre ? GrandeArche -Paroi Sud 92055LaDéfensecedex Téléphone : 01 40 81 21 83 bea-tt@developpement-durable.gouv.fr www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr Synthèse 1 - Constats immédiats et engagement de l?enquête 1.1 - Les circonstances de l?accident 1.2 - Le bilan humain et matériel 1.3 - L?engagement et l?organisation de l?enquête 2 - Contexte de l?accident 2.1 - L?infrastructure routière 2.1.1 - Les caractéristiques générales de l?autoroute A75 2.1.2 - La zone de l?accident 2.1.3 - La montée vers le col de la Fageole et la rampe de Massiac 2.1.4 - Le trafic sur l?A75 au niveau de la zone de l?accident 2.2 - Les conditions météorologiques lors de l?accident 2.3 - Le transport de collectif d?enfants en minibus 2.3.1 - Le contexte réglementaire lié au minibus 2.3.2 - Le cadre réglementaire des séjours de vacances et des accueils de loisirs 2.4 - L?organisation du séjour de vacances par la ville d?Amiens 3 - Compte rendu des investigations effectuées 3.1 - L?état des lieux et les constatations après l?accident 3.2 - Le résumé des témoignages 3.2.1 - Le conducteur du poids lourd 3.2.2 - Le conducteur du minibus accidenté 3.2.3 - Le directeur du CAJ, passager du minibus de tête 3.2.4 - La conductrice du minibus de tête. 3.2.5 - Les passagers du minibus accidenté 3.2.6 - Deux des sapeurs-pompiers intervenus sur l?accident 3.2.7 - L?infirmière primo-intervenante 3.3 - Le minibus accidenté et son conducteur 3.3.1 - Le conducteur 3.3.2 - Les caractéristiques du minibus 3.3.3 - Les données du calculateur d?airbags du véhicule 3.3.4 - Le port de la ceinture de sécurité 3.4 - Le poids lourd et son conducteur 3.4.1 - Le conducteur du camion et la société assurant le transport 3.4.2 - Les caractéristiques du poids lourd 3.4.3 - La vitesse du poids lourd au moment de l?accident 3.4.4 - L?évolution de la vitesse du poids lourd dans la rampe de Massiac 3.5 - L?accidentalité de l?A75 et de la rampe de Massiac 3.5.1 - Les données générales concernant l?A75 3.5.2 - L?étude relative aux accidents de PL sur l?A75 réalisée en 2010 3.5.3 - Données sur la rampe de Massiac 3.5.4 - Les démarches de gestion de la sécurité de l?exploitant autoroutier 4 - Analyse du déroulement de l?accident et des secours 4.1 - Le déroulement de l?accident 4.2 - L?analyse de la séquence de l?accident 4.3 - Les mesures prises après l?accident et l?intervention des secours 5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives 5.1 - Les causes et les facteurs associés 5.2 - L?inattention et la dégradation du niveau de vigilance 5.2.1 - Les effets induits par une baisse du niveau de vigilance ou d?attention 5.2.2 - Les facteurs contribuant à une baisse du niveau de vigilance 5.2.3 - L?environnement de conduite 5.2.4 - Les dispositifs d?aide à la conduite 5.3 - L?utilisation du minibus pour un transport collectif de personnes 5.3.1 - Des accidents tragiques qui ne sont pas rares 5.3.2 - Les longs trajets, le nombre d?animateurs dans le minibus 5.3.3 - Conclusions 5.4 - L?accidentalité liée aux poids lourds sur autoroute 5.4.1 - Les données générales sur les accidents avec PL d?après le fichier BAAC 5.4.2 - Les accidents avec PL sur autoroute et les types de collision 5.4.3 - L?accidentalité liée aux PL dans les rampes sur autoroutes 5.4.4 - Conclusions 5.5 - L?évolution de la vitesse des PL dans les rampes 5.5.1 - Les éléments de référence nationaux 5.5.2 - L?évolution des vitesses des PL sur l?A75 dans la rampe de Massiac 5.5.3 - La réglementation sur les vitesses et les pratiques des PL dans les rampes 5.6 - Les référentiels applicables aux rampes sur autoroute 5.6.1 - Les dispositions en matière de signalisation pour tout type de réseau 5.6.2 - Le référentiel technique portant sur la conception des autoroutes 5.6.3 - La note d?information 21 relative à l?implantation des VSVL en rampe 5.6.4 - A titre de comparaison: le guide sur l?aménagement des fortes pentes 5.6.5 - L?opportunité d?une VSVL dans la rampe de Massiac au vu des référentiels 5.6.6 - Conclusions 5.7 - L?amélioration de la sécurité dans la rampe de Massiac 5.7.1 - Le suivi et l?analyse des accidents 5.7.2 - Les équipements et la signalisation 6 - Synthèse des recommandations et des invitations ANNEXES INVALIDE)

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