Effets distributifs d'un péage urbain : cadre théorique et application à l'Île-de-France
DAOU, Sylvain ;KOLLI, Zéhir
Auteur moral
France. Ministère de la transition énergétique (2022-...)
Auteur secondaire
Résumé
<p align="justify" style="line-height: 100%; margin-bottom: 0cm">Cette étude propose des pistes de réflexion sur la tarification de l'usage de la voiture lors de la mise en place d'un péage urbain. Réflexion développée à partir d'un modèle théorique et économétrique, avec la mise en place d'indicateurs sur les effets d'un tel péage. Cette infrastructure, dont le périmètre ceinturerait Paris intramuros sur 105 klm2, répondrait à un souci de politique publique de réduction de la congestion routière, de lutte contre le bruit, et des gaz à effet de serre.</p>
Editeur
MET
Descripteur Urbamet
péage
;infrastructure de transport
;agglomération
;répartition modale
;circulation urbaine
;politique de la ville
;politique urbaine
;rentabilité
;différenciation sociale
Descripteur écoplanete
Thème
Circulation
Texte intégral
TITRE ? date
Sous titre
DOCUMENT DE TRAVAIL
Effets distributifs d?un péage
urbain
Cadre théorique et application à
l?Île-de-France
Mars 2022
Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France 2
Résumé
Le développement de l'usage de la voiture dans les grandes agglomérations induit
d?importants effets négatifs en matière de congestion, de pollution locale, de bruit, de
gaz à effet de serre, effets dont la maîtrise et la réduction constituent un défi majeur
pour les politiques publiques. Un des leviers d?action possible est la mise en place d?un
péage urbain, déjà adopté dans plusieurs grandes métropoles européennes, mais dont les
effets sociaux supposés peuvent constituer un frein à son adoption. Cette étude propose
un cadre d?analyse pour apprécier ces impacts distributifs, appliqué ensuite à
l?agglomération parisienne et l?Île-de-France pour quatre scénarios, en fonction du type
de péage et du tarif.
Un modèle de choix modal (véhicule particulier/transports en commun) est spécifié et
estimé économétriquement sur la base des données de l?enquête globale transport
de 2010. Ce choix modal dépend en particulier du temps associé au déplacement et du
coût de ce déplacement. Ces deux facteurs varient ensuite selon le scénario de péage
envisagé. En outre, nous montrons que la sensibilité (élasticité) du choix modal à ces
deux facteurs dépend du revenu du ménage et du comportement en termes de
mobilité : les individus aux revenus modestes utilisant beaucoup leur voiture seront
quatre fois plus sensibles à une hausse des coûts de leur déplacement.
La variation de surplus des automobilistes induite par le péage, calculée sur la base des
paramètres estimés, est en moyenne négative, avec un faible pourcentage
d?automobilistes « gagnants ». Rapportée aux revenus, la perte de surplus est plus
importante dans les 1ers quartiles de revenus que dans les quartiles supérieurs et l?effet
est donc clairement régressif. Les modalités d?atténuation de ces effets régressifs,
notamment à travers l?utilisation qui peut être faite des recettes générées par le péage,
sont donc un enjeu central à examiner pour favoriser l?acceptabilité d?un tel dispositif.
Pour un bilan socio-économique complet, l?analyse devrait également être complétée
pour inclure les externalités environnementales (pollution locale, GES, bruit?).
Remerciements
Ce travail est issu du stage de M. Sylvain Daou réalisé de mars à août 2020 au CGDD. Ce
stage a été co-encadré par Zéhir Kolli (CGDD) et Benoît Schmutz (École Polytechnique).
Nous remercions l?ensemble des experts qui ont contribué à l?étude et en
particulier : Mathilde Clément (CGDD), Sophie Peng-Casavecchia (DGITM), Stéphane
Taszka (CGDD), Kiarash Motamedi (CGDD), Maude Jolly (CGDD), Benoît Boucaud
(CGDD). Les auteurs remercient Tomas Hidalgo, Vincent Marcus et Claude Baudu-Baret
(CGDD) pour leur relecture attentive et leurs commentaires.
Auteurs
Sylvain Daou ? stagiaire au CGDD (lors de la réalisation de cette étude)
Zéhir Kolli ? chargé d?études économiques (SEVS)
Les jugements et opinions exprimés dans ce document n?engagent que les auteurs, et non les
institutions auxquelles ils appartiennent, ni a fortiori le ministère de la Transition écologique.
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
SOMMAIRE
SOMMAIRE ............................................................................................................................................... 3
INTRODUCTION ..................................................................................................................................... 4
I. CONTEXTE ......................................................................................................................................................................................... 4
II. TYPOLOGIE DES PÉAGES URBAINS ............................................................................................................................................... 4
III. SUJET DE L?ÉTUDE............................................................................................................................................................................. 5
01 MODÈLE ET DONNÉES .................................................................................................................... 7
I. MODÈLE THÉORIQUE DE CHOIX MODAL .................................................................................................................................... 8
II. MODÈLE ÉCONOMÉTRIQUE ........................................................................................................................................................... 8
III. DONNÉES ET HYPOTHÈSES ........................................................................................................................................................... 9
02 CALCUL DE LA SENSIBILITÉ DES INDIVIDUS AU PRIX ET AU TEMPS DES TRANSPORTS 13
I. REGROUPEMENT DES MÉNAGES EN « CLUSTERS » .................................................................................................................. 14
II. ESTIMATION ÉCONOMÉTRIQUE DU CHOIX MODAL .............................................................................................................. 20
01) Calculs préliminaires ............................................................................................................ 20
02) Résultats du choix modal en l?absence de péage............................................................ 21
03) Estimation du choix modal en présence du péage ......................................................... 24
04) Prise en compte de l?impact du péage sur le trafic et effet rebond ............................ 25
03 VARIATION DE SURPLUS, ÉQUITÉ ET EFFETS DISTRIBUTIFS ................................................ 27
I. VARIATION MOYENNE DES SURPLUS INDIVIDUELS ............................................................................................................... 28
II. ÉQUITÉ ET EFFETS DISTRIBUTIFS ................................................................................................................................................. 29
CONCLUSION ........................................................................................................................................ 33
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................................... 35
ANNEXE ................................................................................................................................................. 36
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
INTRODUCTION
I. Contexte
Les pouvoirs publics, collectivités et métropoles nationales, se heurtent aujourd'hui à de
nombreux problèmes liés à l'usage de la voiture : des enjeux d?accessibilité avec la hausse des
trafics, des externalités telles que la pollution locale, les nuisances sonores et les émissions
de gaz à effet de serre, l?entretien et la rentabilité des infrastructures?
Une des solutions à la portée des élus à la recherche de solutions durables à ces questions
liées à la mobilité automobile consiste en la mise en place d?un péage urbain. Plusieurs
grandes métropoles européennes (Rome, Milan, Londres, Stockholm, Oslo, etc.) ont déjà fait
ce choix. En France, l?article 65 de la loi dite Grenelle 2, votée en 2010, a ouvert la voie à
l?expérimentation des péages urbains dans les villes de plus de 300 000 habitants, mais les
agglomérations françaises peinent à sauter le pas.
L'argument de l'inéquité sociale du péage urbain contribue fortement à son impopularité
auprès de l'usager contributeur. Ainsi, le péage urbain concentrerait les pertes (coûts, temps)
sur les usagers ayant de bas revenus. En effet, pour les automobilistes concernés, un péage
suscite un gain sous la forme d'un temps de trajet réduit du fait de la réduction de la
congestion, en contrepartie d?une perte financière égale au tarif du péage. Les individus à
faibles revenus, valorisant moins le temps gagné et davantage la perte financière, ont ainsi
beaucoup plus de chances de perdre que les individus à hauts revenus.
II. Typologie des péages urbains
Un péage urbain peut être classé dans l?une des trois catégories suivantes en fonction de sa
couverture spatiale :
? d?infrastructure ;
? péage de zone ;
? péage péage de cordon.
Le premier, appliqué à une infrastructure déterminée (axe autoroutier, pont, etc.), offre en
contrepartie aux automobilistes la possibilité? de circuler sur une voirie plus fluide. Quant aux
péages de zone et de cordon, ils portent sur l?ensemble d?une aire délimitée par des points
d?entrée/sortie : le péage de zone est acquitté par tous les véhicules qui circulent ou qui sont
présents dans la zone concernée, alors que le péage de cordon est acquitté lors de l?entrée
dans la zone.
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
III. Sujet de l?étude
Cette étude vise à apporter des pistes de réflexion sur la question de la tarification de l'usage
urbain de la voiture au travers de la mise en place d?un péage urbain.
La partie 1 présente d?abord le modèle théorique et économétrique qui sera mobilisé.
Dans la partie 2, il s?agira de proposer des regroupements de ménages « clusters » sur la base
de leur usage quotidien de l'infrastructure (kilométrage), mais également sur la base du poids
budgétaire des transports dans le revenu du ménage. Ce regroupement se fera par une
méthode de minimisation de l?homogénéité intra-clusters et maximisation inter-clusters,
appliquée aux caractéristiques de mobilité des ménages.
Il s?agira ensuite d?estimer l?utilité marginale du revenu ainsi que la valeur du temps des
individus en fonction de la classe de ménage à laquelle ils appartiennent. Cette estimation
se fera économétriquement, sur la base d?un modèle théorique de variation des surplus
individuels, avec l?enquête globale transports 2010.
Dans la partie 3, il s?agira enfin d?évaluer les indicateurs suivants :
? le degré d?acceptabilité vis à vis de la mise en place du péage : il s?agit de la moyenne
de la variation de surplus des automobilistes induite par le péage ;
? l?effet distributif entre classes de revenu (redistribution verticale) : il s?agit de la
relation entre la variation de surplus et le revenu.
Le péage envisagé possède les caractéristiques suivantes :
? périmètre : péage autour de Paris intramuros, couvrant 105 km2, ce
péage serait comparable au célèbre péage de Singapour, plus grand
péage urbain actuel en termes de couverture spatiale avec 100 km2 ;
? types de péages testés : péage de cordon et péage de zone ;
? tarification : tarification journalière (même principe que le péage
londonien). Les tarifs de 5 euros et 2.5 euros sont retenus, 5 euros
étant le plafond maximal de tarif initialement prévu pour les
grandes agglomérations de plus de 500 000 habitants dans la loi
d?orientation des mobilités (2019) ;
? objectif principal : réduire la congestion routière ;
? jours de fonctionnement : jours ouvrés ;
? plages horaires de fonctionnement : en continu.
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
Partie 1
Modèle et données
Cette partie est consacrée à la construction d?un modèle théorique simplifié permettant
de simuler le choix modal des individus. Ce dernier servira de support pour estimer le choix
de mode des individus lors des phases de simulation de mise en oeuvre des différents
scenarios de péages.
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
I. Modèle théorique de choix modal
Dans ce modèle, pour se déplacer, l'individu i a le choix entre trois options : prendre sa
voiture (VP) et traverser le péage, prendre sa voiture (VP) et contourner Paris si son origine et
sa destination sont hors de Paris, ou utiliser les transports en commun (TC).
Il choisit alors la solution qui minimise sa désutilité ?. Celle-ci comporte deux
composantes : le temps perdu lors du déplacement et le coût monétaire du déplacement
(coût des titres de transport en commun, coût de la voiture, tarif du péage).
Ainsi :
Avec ? la valeur unitaire du temps, ? une variable binaire indiquant la présence ou non d'un
péage, p le tarif dudit péage s?il existe, et ?? l?allongement du trajet si l?automobiliste
contourne Paris plutôt que de la traverser.
Ainsi, l'individu se déplace en automobile si : ?????????????????(??) ? 0
Autrement dit, l?individu i, choisira l?automobile plutôt que les transports en commun si le
temps gagné en utilisant la voiture fournit un bénéfice supérieur au surcoût de l'usage de
celle-ci.
Finalement, la variation de surplus des automobilistes est égale à :
La variation de surplus des usagers des TC qui continuent à privilégier les TC est nulle.
II. Modèle économétrique
Nous commençons par estimer économétriquement la fonction d'utilité relative au choix
modal des individus. La description faite ici est une description simplifiée puisqu?elle ne tient
pas compte de l?hétérogénéité de la valeur du temps et de l?utilité marginale du revenu entre
les différentes classes de ménages qui seront définies et implémentées sous la forme
de variables d?interaction dans la partie 2, paragraphe I - regroupement des ménages en
« clusters ».
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L'utilité (désutilité) relative du choix modal d?un individu i peut s?écrire sous la forme :
Et ???? les paramètres à estimer économétriquement, et Xi un vecteur de variables de contrôle
(détaillé ensuite au paragraphe III - Données et hypothèses).
Nous utilisons pour ce faire l?enquête globale transport de 2010 (EGT2010)1 qui décrit les
choix individuels entre automobile et transport collectif dans un contexte sans péage (?=0).
Ainsi, en utilisant une régression logistique, il est possible d'estimer les paramètres ??i et d'en
déduire une estimation de la valeur unitaire du temps ?=??2/??1 et de l?utilité marginale du
revenu ??1.
On peut finalement en faire découler une estimation de la variation du surplus individuel
pour un automobiliste. Ce dernier, en présence du péage, a deux principales options qui
s'offrent à lui : décider de continuer à utiliser son VP ou choisir de recourir aux TC :
La variation de surplus des utilisateurs des TC est nulle.
L?utilité marginale du revenu ??1 permet de transformer l?utilité en unités monétaires
permettant les comparaisons interindividuelles.
III. Données et hypothèses
Les données utilisées sont celles de l?enquête globale transport de 2010 (EGT 20101).
Cette enquête a été pilotée par l?Île-de-France mobilités (STIF) et la Direction régionale de
l?Équipement d?Île-de-France (DREIF), désormais Direction régionale et interdépartementale
de l?environnement, de l?aménagement et des transports (DRIEAT), et elle permet d'analyser
les pratiques des Franciliens en matière de mobilité.
L?échantillon enquêté est représentatif de la population francilienne, tant par les
caractéristiques sociales que géographiques. Ce sont 18 000 ménages franciliens qui ont été
enquêtés en 2010 (soit 42 529 personnes pour un total de 143 508 déplacements recensés).
Chacun des membres du ménage est interrogé sur tous les déplacements qu'il a effectués la
veille du jour de l'enquête. Pour chaque déplacement, les enquêteurs recueillent un nombre
important de caractéristiques (heures de départ et d'arrivée, motifs de déplacement,
origines et destinations, etc.). Les enquêteurs recueillent également les caractéristiques
générales du ménage (localisation, revenu, nombre de personnes, etc.) ainsi que les
caractéristiques de chacun de ses membres (âge, sexe, profession, etc.).
1 Rappelons à cet effet que l'EGT2020 n'est pas disponible à l'heure de la réalisation de cette étude.
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
Le choix modal est estimé sur les déplacements contraints (domicile-travail, domicile-études,
etc.). Ceux-ci représentent environ 42 % des déplacements en voiture ou en transports en
commun en Île-de-France.
Se limiter aux déplacements contraints permet d?écarter les scénarios dans lesquels, face au
péage, l?individu décide de s'abstenir de se déplacer ou encore de modifier son heure de
départ. L'estimation économétrique de la fonction d'utilité des usagers se déplaçant
également pour un motif non-contraint aurait nécessité une modélisation plus large pour
intégrer d?autres facteurs motivant ces déplacements.
De plus, nous nous limitons aux déplacements des individus utilisant la voiture ou les
transports collectifs puisque les péages relèvent principalement et majoritairement (mais pas
uniquement) d'une alternative voiture versus transport collectif.
Pour ne garder que les observations pour lesquelles les transports en commun constituent
une réelle alternative à l?automobile, nous ne conservons que les déplacements dont les
carreaux d?origine et de destination se situent à portée des TC, c?est-à-dire dans limite de
15 minutes de marche à pied dans Paris et en petite couronne (4km/h), et 15 minutes en
voiture particulière en grande couronne (24 km/h)2.
D?autre part, la variable « revenu » dans l?EGT est une variable catégorielle correspondant à
des intervalles de revenus nets. Il serait préférable d?utiliser le revenu disponible une fois les
dépenses de logement payées, appelé revenu arbitrable, dans la mesure où il existe une
relation entre dépenses de logement et dépenses de transport.
La part de ces dépenses de logement, dites pré-engagées, dans le budget du ménage peuvent
être estimées en fonction du niveau de vie du ménage et du statut d'occupation du
logement3. Pour ce faire, il convient de discrétiser au préalable la variable « revenu » : nous
avons recours à des tirages uniformes sur chaque intervalle.
Figure 1 : distribution des revenus arbitrables des ménages de l?échantillon étudié
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
2 Calcul a posteriori des distances dans les enquêtes ménages déplacements, Cerema (2009).
3 DREES (2018), dépenses pré-engagées : quel poids dans le budget des ménages ?
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
Le tableau 1 présente quelques statistiques descriptives des variables de l'échantillon étudié.
On observe par exemple que les déplacements en VP représentent environ 54 % de
l'échantillon et qu?ils ont en moyenne une durée plus faible de 25 minutes comparé aux TC.
Tableau 1 : statistiques descriptives des variables de l?échantillon étudié
avec unité de consommation : 1 uc attribuée au premier adulte du ménage, 0.5 uc aux individus de plus de
14 ans, 0.3 uc aux individus de moins de 14 ans.
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
Partie 2
Calcul de la sensibilité des individus au
prix et au temps des transports
Cette partie est consacrée à la catégorisation des ménages en différentes classes dites
« clusters » sur la base de variables caractéristiques de leur mobilité, pour aboutir au calcul
des élasticités de la demande individuelle au prix et au temps des transports en s?appuyant
sur le modèle économétrique exposé dans la partie 1.
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
I. Regroupement des ménages en « clusters »
Il s?agit de former des « clusters », c?est-à-dire des classes ou groupes les plus homogènes
possibles, destinés à fournir une typologie efficace des ménages interrogés. Chaque groupe
fait ensuite l?objet d?une description à partir des variables caractéristiques ci-dessous, de
manière à faciliter l?interprétation des résultats obtenus.
Tableau 2 : glossaire des principales variables d?intérêt et leur définition
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
Le corrélogramme met en évidence les corrélations entre ces variables en utilisant le
coefficient de corrélation « rho » de Spearman (figure 2).
La diagonale du corrélogramme représente la distribution de chaque variable. De plus, les
cases roses (respectivement bleues) représentent une corrélation négative (respectivement
positive), dont la couleur est plus foncée à mesure que cette corrélation est élevée (tend vers
rho = - 1 ou rho = 1 respectivement).
On y retrouve des relations cohérentes : le nombre de véhicules particuliers à la disposition
du ménage est positivement corrélée avec le revenu et avec le kilométrage journalier en VP,
et souvent significatives à 1 %.
Cependant, les corrélations entre le budget transport du ménage d?une part, et le
kilométrage en VP ainsi que la part du budget transport dans le revenu d?autre part, sont très
élevées. La variable budget_transp_ménages est donc omise pour éviter une redondance lors
de la formation des « clusters ».
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
Figure 2 : corrélogramme des variables d'intérêt (obtenues selon le coefficient de
corrélation « rho » de Spearman)
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
Il s?agit ensuite d?obtenir un bon partitionnement en minimisant l'inertie intra-classe pour
obtenir des « clusters » les plus homogènes possibles, tout en maximisant l'inertie inter-classe
afin d'obtenir des sous-ensembles bien différenciés.
Pour ce faire, il convient d?utiliser un algorithme de partitionnement : l'algorithme des
k-médoïdes, partitionning around medoïds (PAM), proposé par Kaufman et Rousseeuw 1990,
est un algorithme de partitionnement plus robuste que le traditionnel algorithme des
k-moyennes vis-à-vis des valeurs aberrantes. Le noyau d?une classe est alors un médoïde,
c?est-à-dire une observation au sein d?une classe qui minimise la moyenne des distances ou
dissimilarités avec les autres observations de la classe. À la différence de l?algorithme des
k-moyennes, un médoïde fait partie des données et permet donc de partitionner des
matrices de dissimilarités. En contrepartie, il est limité par le nombre d?observations n (temps
de calcul de l?algorithme en O(n2)).
Cet algorithme présente d?autres avantages : il ne requiert pas nécessairement une distance
Euclidienne. On peut alors envisager d?utiliser la distance de Gower. Celle-ci permet de traiter
des données à la fois continues et discrètes. De plus, son application sur le logiciel
statistique R permet de pondérer les variables en leur attribuant un poids lors de la formation
des « clusters ». Cette propriété nous permettra d?appliquer une méthode de maximisation
de l?homogénéité des « clusters » similaire à celle de Bektas 2019.
Avant cela, il faut choisir le nombre optimal de « clusters ». L?indicateur retenu est le
coefficient de silhouette moyen, average silhouette sidth (ASW), Rousseeuw 1987. Ce
coefficient est une mesure de qualité d'une partition d'un ensemble de données : pour
chaque point, le coefficient de silhouette est la différence entre la distance moyenne avec
les points du même groupe que lui (cohésion) et la distance moyenne avec les points des
autres groupes voisins (séparation). Si cette différence est négative, le point est en moyenne
plus proche du groupe voisin que du sien : il est donc mal classé. Le coefficient de silhouette
moyen n?est autre que la moyenne du coefficient de silhouette pour tous les points. Il suffit
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
alors de calculer le coefficient de silhouette moyen de notre échantillon pour un nombre
de « cluster » allant de 2 à 8 : la valeur maximale est obtenue pour un nombre de « clusters »
égal à 4.
Il s?agit ensuite de maximiser l?homogénéité de ces « clusters » en introduisant des
coefficients de pondération des variables explicatives. Il convient dès lors de trouver
la combinaison de coefficients de pondération maximisant le coefficient de silhouette
moyen, en utilisant par exemple la fonction optim sur le logiciel R. Ainsi, pour les
variables explicatives suivantes (NB_VD (nbre_de_VP_du_ménage), kilométrage_ménageVP,
kilométrage_ménageTC, revenu_arbitrable, part_transport_revenu) la combinaison optimale
obtenue est de 1, 0.85, 0.82, 0.5 et 0.84.
Le diagramme représente les coefficients de silhouette moyens de notre échantillon obtenus
pour un nombre de « clusters » allant de 2 à 8 (figure 3). La valeur maximale, obtenue pour un
nombre de « clusters » égal à 4, est de 0.78 : cela correspond à une augmentation de 11 %.
Figure 3 : coefficient de silhouette moyen
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
Le tableau 3 décrit les quatre « clusters » obtenus sur la bases des cinq variables explicatives
retenues. On y observe deux catégories de ménages : les ménages à faibles revenus
« clusters 2 et 4 » d?une part, et les « clusters » à hauts revenus d?autre part « clusters 1 et 3 ».
Cependant, le revenu n?explique pas à lui seul toute la variabilité : au sein des ménages à bas
revenus, on peut distinguer à nouveau nettement les ménages se déplaçant surtout en TC
« cluster 4 », et les ménages se déplaçant surtout en VP « cluster 2 », qui possèdent deux fois
plus de VP que leurs homologues du « cluster 4 », sont deux fois plus mobiles en termes de
kilométrage total parcouru, et dont le poids du budget transport dans le revenu arbitrable
du ménage est trois fois plus élevé. Cette même distinction se retrouve au sein des ménages
à hauts revenus.
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
Ainsi de manière schématique, l?analyse permet d?aboutir à quatre grandes catégories de
ménages en Île-de-France, selon la classification de revenu à laquelle ils appartiennent et
selon leur choix de mobilité, VP ou TC :
? cluster 1 : revenus « élevés », mobilité voiture particulière ;
? cluster 2 : revenus « bas », mobilité voiture particulière ;
? cluster 3 : revenus « élevés », mobilité TC ;
? cluster 4 : revenus « bas », mobilité TC.
Tableau 3 : moyennes des variables par cluster
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
Le tableau 4 est une version simplifiée : les cases vertes correspondent à une valeur élevée
tandis que le cases roses correspondent à une valeur faible.
Tableau 4 : version simplifiée du tableau des moyennes des variables par cluster
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
cluster NB_VD kilométrage_ménageVP kilométrage_ménageTC revenu_arbitrable part_transport_revenu
1 2.11 42.9 22.72 3 323.15 0.03
2 1.11 51.72 10.13 1 767.75 0.06
3 0.93 7.31 33.42 3 606.77 0.01
4 0.55 2.91 25.3 1 287.52 0.02
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
Figure 4 : graphique radar représentant les « clusters » en fonction de cinq variables
explicatives
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
Les cartes ci-après représentent les lieux de résidence des ménages en fonction du « cluster »
auquel ils appartiennent. On y observe que les « clusters 3 et 4 », qui privilégient les
déplacements en TC, résident surtout dans Paris intramuros et sa proche banlieue (petite
couronne) contrairement aux « clusters 1 et 2 » qui privilégient les déplacements en VP et
dont les lieux de résidence s?étalent davantage en grande couronne. Ceci est cohérent avec
le fait que l?offre de transports en commun est plus développée à mesure que l?on se
rapproche de Paris intramuros.
Ainsi, à l?instar du revenu, le lieu de résidence seul ne permet d?expliquer la mobilité, puisque
pour des lieux de résidence similaires on retrouve à chaque fois deux types de ménages : l?un
ayant un faible revenu et l?autre un revenu élevé.
Il s?agira dans la partie suivante de tenir compte de cette hétérogénéité en intégrant une
variable catégorielle « cluster », indiquant le « cluster » auquel appartient le ménage d?un
individu, sous forme de variable d?interaction dans l?estimation économétrique du choix
modal.
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
Cartes : lieux de résidences des ménages en fonctions des « clusters »
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
II. Estimation économétrique du choix modal
Il s?agit d?estimer économétriquement la fonction d'utilité relative du choix modal des
individus.
Avec :
? ??????????????= ????????????????? donnant la différence de coût entre un déplacement en TC
et ce même déplacement en VP ;
? ??????????????(??)= ??????????????? ??(??) donnant la différence de temps de trajet entre un
déplacement en TC et ce même déplacement en VP ;
? Xi un vecteur composé des variables de contrôle détaillées dans la partie 1,
paragraphe III :
o revenu_uc ;
o FEMME ;
o ÂGE ;
o MNP ;
o NB_VD
? ??1 et ??2 les élasticités de la demande individuelle au prix et au temps des transports
respectivement, à estimer ;
? ?? la variable binaire indiquant la présence ou non d?un péage.
Il convient également de tenir compte de l?hétérogénéité de la valeur du temps et de l?utilité
marginale du revenu entre les différentes classes de ménages. Pour ce faire, la variable
catégorielle « cluster » obtenue dans la partie précédente sera rajoutée sous forme de terme
d?interaction avec les variables ?????????????? et ??????????????.
Nous utiliserons ensuite une régression logistique sur la base des données de EGT 2010 qui
décrit les choix individuels entre automobile et transport collectif dans un contexte sans
péage (?=0).
01) Calculs préliminaires
Pour le calcul de ??????????????, ne disposant que de TVP (respectivement TTC) pour les individus
ayant choisi d?effectuer le déplacement en véhicule particulier (respectivement en transport
en commun), la première étape consiste à estimer le temps de trajet pour chaque
déplacement dans le mode de transport alternatif.
Nous avons recours au moteur de recherche d'itinéraire Open source routing machine
d?OpenStreetMap dont l?API est accessible via le package OSMR du logiciel R, et qui permet
de calculer la durée des déplacements en VP entre deux points. Ainsi, en insérant les
coordonnées d?origine et de destination des déplacements, on obtient la matrice des durées
des déplacement VP pour les individus ayant choisi les TC.
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
Nous utilisons ensuite4 les valeurs moyennes du temps perdu en TC par rapport au VP en
fonction du moyen de transport en commun (bus, rail lourd, rail léger), calculé sur la base des
observations obtenues ci-dessus, pour obtenir les durées des déplacement TC pour les
individus ayant choisi les VP.
Pour le calcul de ??????????????, il est nécessaire de calculer le coût de chaque déplacement en VP
(????????) et en TC (????????).
Pour ????????, nous nous basons sur le coût immédiat d?un déplacement, c?est-à-dire le coût en
carburant, considérant que le coût total de possession du véhicule n?est pas celui qui entre
en jeux lors du choix du mode de transport VP/TC face à la mise en place d?un péage. Ce
coût est nuancé en fonction de la motorisation (essence/diesel/GPL), mais aussi de l?année
de mise en service et de la cylindrée du véhicule (en utilisant les coefficients de pondération
du diagnostic environnemental de la mobilité 2006, IFSTTAR, 2009).
Pour ????????, le cout est calculé sur la base du tarif de l?abonnement carte Navigo/carte orange
correspondant aux zones d?origine et de destination des déplacements de l?individu i.
En présence du péage (??=1), il conviendra de calculer non pas une, mais deux (dés)utilités
pour le déplacement en VP, et de choisir la plus basse. La première de ces deux options dont
dispose l?automobiliste souhaitant continuer à se déplacer en VP après mise en place du
péage consiste à traverser le péage, ce qui engendre un surcout correspondant au tarif du
péage. La seconde option, conditionnée au fait que l?origine et la destination des
déplacements se situent hors de Paris, consiste à contourner Paris pour éviter de devoir
s?acquitter du tarif : l?automobiliste subit alors un surcout lié à l?augmentation du temps de
son trajet.
Ainsi :
Avec ? la valeur unitaire du temps, ? une variable binaire indiquant la présence ou non d'un
péage, p le tarif du péage, et ?? l?allongement du trajet si l?automobiliste contourne Paris
plutôt que de la traverser.
Le paramètre ?? est supposé égal à l?allongement du trajet entre les centroïdes des
départements d?origine et de destination d?un déplacement.
02) Résultats du choix modal en l?absence de péage
Le tableau 5 présente les résultats de l?estimation du choix modal en l?absence de péage. Il
s?agit d?une régression logistique dont la variable expliquée est VP, variable binaire égale à 1
si le déplacement est effectué en VP et égale à 0 sinon.
Les coefficients sont significatifs, souvent à 1 %, et les signes cohérents. On observe que la
propension à prendre sa voiture augmente quand la différence de coût entre les TC et la
voiture diminue. De même, la propension à prendre la voiture augmente à mesure que le
temps gagné en prenant la voiture plutôt que les TC augmente.
4 Une alternative, payante, permettant d?obtenir à la fois la matrice des durées des déplacements VP, mais aussi TC
est l?API de Google Maps, accessible via les packages mapsapi et gmapsdistance sur R.
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
Tableau 5 : résultats de l?estimation du choix modal en l?absence de péage
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
En ce qui concerne l?appartenance de l?individu à l?un des quatre « clusters » précédemment
identifiés, la variable « cluster » étant catégorielle, les coefficients de la variable « cluster »
isolée ou en interaction avec DeltaT et DeltaC doivent donc être interprétés au regard du
« cluster » omis, c?est-à-dire le « cluster 1 ».
Ces coefficients sont tous significatifs, ce qui veut dire que toutes choses égales par ailleurs,
l?impact de la différence de coût (DC) et de la différence de temps (DT) sur le choix modal
n?est pas le même pour les individus appartenant aux différents « clusters », ce qui montre la
pertinence de ces regroupements.
Ainsi, le tableau 6 regroupant les valeurs du temps de transport5 (calculé comme le rapport
de DeltaC/DeltaT pour chaque « cluster ») en fonction du « cluster » d?appartenance, ci-
dessous, confirme l?hétérogénéité de la valeur du temps. Celle-ci est égale à 6.09 euros/heure
en moyenne6.
Plusieurs observations peuvent être faites :
? il convient de noter que les individus classés dans le « cluster 4 » ont une valeur du
temps estimée proche de 0,5 euros/heure (0,44 euros/heure). En effet, il s?agit
d?usagers à revenu moyen arbitrable bas, résident majoritairement dans Paris
intramuros et ayant un parcours moyen en VP très réduit et plutôt orienté vers les TC.
Ainsi ils sont intrinsèquement très peu sensibles aux gains de temps et très
5 La valeur du temps, en économie des transports, correspond à la valeur du consentement à payer de chaque
individu pour réduire le temps de transport. L?unité la plus généralement admise est l?euro par heure.
6 France stratégie indique un montant moyen de valeur moyenne de 7,9 euros 2010/heure pour la France entière sans
détail du motif. Rocquigny 2013 : www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/archives/Valeur-du-temps.pdf.
http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/archives/Valeur-du-temps.pdf
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
majoritairement sensibles à la tarification du péage. Leur valeur estimée du temps de
transport montre que ces derniers sont également caractérisés par une certaine
insensibilité à la perte de temps en situation de congestion ;
? les « clusters 1 et 3 » ont une valeur du temps proche de 4 euros bien qu?ils
représentent les deux catégories les plus aisées avec respectivement 3 300 et
3 600 euros de revenus arbitrable7 ;
? pour ce qui est du « cluster 3 », cela s?explique par une très faible part du budget
transport dans le revenu. Les ménages qui entrent dans cette typologie sont souvent
localisés dans l?hypercentre afin de réduire leur budget temps de transport aux
aménités les plus courantes (emploi, commerces, écoles et loisirs notamment)8 ;
? le « cluster 1 » représente quant à lui l?ensemble des individus les plus mobiles, mais
compte tenu de leur revenu arbitrable élevé, la part du coût de transport dans le
revenu reste marginale, inférieure à 3 % ;
? pour finir, les individus qui composent le « cluster 2 » ont une valeur du temps
estimée à près de 19 euros. Cette valeur beaucoup plus élevée que le reste des
« clusters » s?explique par le poids du transport dans leur budget, 6 % du revenu en
moyenne.
Notons également que le pseudo-R2 de McFadden est égal à 0,34 dans cette régression alors
qu?il n?était que de 0,22 pour le modèle sans « clusters », lequel est disponible en annexe
(augmentation de 55 %).
Tableau 6 : valeurs du temps de transport
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
Pour interpréter plus intuitivement l?effet des différentes variables explicatives sur le choix
modal, nous pouvons nous intéresser aux effets marginaux de la régression précédente
(tableau 7). On observe ainsi que la probabilité qu?une femme effectue son déplacement en
VP est inférieur de 13,3 % à celle d?un homme, toutes choses égales par ailleurs. On observe
également que la probabilité pour un individu d?effectuer son déplacement en VP augmente
de 34 % par VP supplémentaire en possession de son ménage d?appartenance.
7 À noter que la valeur du temps de transport est a priori une fonction non linéaire de la distance, puisque les
ménages les plus aisés ont une valeur du temps beaucoup plus élevée que les ménages modestes sur longue distance
(motif travail ou loisirs/vacances).
8 Ainsi, une partie de leur valeur du temps de transport est intrinsèquement liée à leur choix de localisation et donc
mesurable à partir de leur consentement à payer (loyer, mensualités de crédit bancaire) pour se localiser à proximité
des zones d?emploi et d?activité.
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
Tableau 7 : effets marginaux
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
03) Estimation du choix modal en présence du péage
Sur la base des paramètres estimés précédemment, nous pouvons à présent estimer le choix
modal en présence d?un péage (??=1). L?effet du péage sur le choix modal VP/TC, c?est-à-dire
la variation de choix modal et donc la diminution de trafic qu?engendrerait la mise en place
d?un péage dans les différents scénarios de péages envisagés, est présenté dans le tableau 8.
Pour Paris intramuros les baisses de trafic varient entre 20 et 40 % selon le type de péage et
le tarif. À l?échelle de l?Île-de-France la fourchette des baisses de trafic se situerait entre
6 et 13 %.
Notons qu?il n?est pas surprenant qu?à tarif égal, un péage de cordon entraine une diminution
de trafic plus faible qu?un péage de zone, puisque ce dernier concerne non seulement les
déplacements passant par Paris, mais aussi ceux effectués entièrement à l?intérieur de Paris.
Tableau 8 : choix modal en présence du péage
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
04) Prise en compte de l?impact du péage sur le trafic et effet
rebond
Un phénomène dont il n?a pas été question jusqu?à maintenant est celui dit d?effet rebond : le
péage entrainant une diminution du trafic VP et donc une diminution de la congestion
routière, le temps des trajets effectués en VP est réduit. Certains automobilistes qui auraient
préféré basculer vers les TC dans un premier temps pourraient alors, en fonction de leur
valeur du temps et utilité marginale du revenu, décider de se déplacer à nouveau en VP si
l?augmentation d?utilité engendrée par le gain de temps est suffisamment importante et
persiste.
En l'absence d'un modèle de trafic, afin de tenir compte de cet effet rebond, nous
commençons par estimer une fonction liant la vitesse des déplacements en VP au niveau de
trafic (nombre de véhicules circulants dans la zone).
Les heures de départ et d?arrivée des déplacements étant recensées dans l?EGT, il suffit d?en
tirer, pour chacune des 24 heures de la journée, le niveau de trafic ainsi que la vitesse
moyenne de ces déplacements (tableau 9). Nous pouvons alors effectuer la régression
linéaire suivante :
Tableau 9 : relation entre la vitesse et le niveau de trafic
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
D?où l?équation suivante : ?????????????? = 0.733 ?0.082 ln(????????????)
Une transformation logarithmique de la variable explicative (trafic) a été opérée pour
satisfaire l?hypothèse de linéarité entre les variables explicative et expliquée.
26
Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
Figure 5 : ajustement non linéaire de la vitesse moyenne en fonction du trafic observé
Source : EGT 2010, calculs des auteurs. Unité abscisses : TMJA
Tenir compte de cet effet rebond revient à revoir à la baisse la diminution du trafic estimée
dans la partie précédente. La diminution du trafic à l?échelle de Paris résultant de la mise en
place d?un péage urbain en tenant compte de l?effet rebond est revue légèrement à la baisse
de 1 ou 2 points selon le scénario de péage (tableau 10).
Tableau 10 : diminution du trafic à l?échelle de Paris résultant de la mise en place d?un
péage en tenant compte de l?effet rebond
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
Partie 3
Variation de surplus, équité et effets
distributifs
Cette partie propose une évaluation des effets redistributifs des différents scénarios de
péages urbains, qui peuvent fournir des indications sur le degré d?acceptabilité de ces
scénarios.
Les résultats ci-dessous portent sur l?ensemble des déplacements VP et TC dont l?origine
et/ou la destination se situent dans Paris, ainsi que les déplacements traversant Paris.
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
I. Variation moyenne des surplus individuels
Nous cherchons ici à introduire comme outil de mesure, la moyenne de la variation de surplus
individuel par déplacement induite par la mise en place des différents péages (tableau 11).
Cet indicateur peut être vu comme une indication sur le degré d?acceptabilité politique de
chaque scénario.
Connaissant la valeur unitaire du temps ainsi que l?utilité marginale du revenu des individus,
et ayant pu estimer le gain de temps pour les automobilistes après mise en place du péage,
on peut calculer la variation du surplus tel qu?expliqué dans le modèle décrit précédemment.
Tableau 11 : moyenne de la variation des surplus individuel par déplacement
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
Nous pouvons observer que la variation de surplus moyenne est négative, quel que soit le
scénario de péage. En d?autres termes, le gain de temps ne suffit pas à couvrir la perte
financière et de manière globale, les usagers sont perdants.
Ceci peut s?expliquer par la valeur du temps relativement faible, 6,09 euros/heure en
moyenne. Celle-ci est par exemple deux fois plus faible que la valeur du temps de référence
pour les déplacements franciliens contraints (domicile-travail/études/etc.) recommandée
par France stratégie dans le rapport de L?évaluation socio-économique des investissements
publics (2013) et qui est de 12,6 euros/heure. Ce rapport lui-même rappelle toutefois que les
valeurs du temps de référence sont une version simplifiée et approximative, et recommande
lorsque cela est possible une approche basée sur l?estimation de fonctions d'utilité des
usagers en fonction du contexte (quels usagers sont concernés ?) et de l?objectif de l?étude
(se prête-t-il davantage à l?utilisation du cout total de possession ou doit-il être plus nuancé ?).
De plus, à tarif égal, on observe que la variation de surplus moyenne d?un péage de cordon
est plus faible que celle d?un péage de zone. Cependant, cet indicateur seul n?est pas
suffisant pour apprécier l?effet du péage : l?écart-type, plus élevé pour un péage de cordon,
semble indiquer que la perte d?utilité est distribuée de plus de manière inégale au sein des
individus étudiés dans le cas de ces péages.
Ceci est confirmé par le coefficient de Gini, plus proche de 1 pour les péages de cordon.
Néanmoins, le coefficient de Gini ne pouvant être calculé avec des variations de surplus à la
fois négatives et positives au sein des individus étudiés, celui présenté ci-dessus est calculé
en excluant les individus dont la variation de surplus est positive. D?où l?intérêt des approches
explorées dans les paragraphes ci-dessous, qui pourront inclure toutes les variations
de surplus.
Finalement, en ce qui concerne les déplacements gagnants, c?est-à-dire les déplacements
pour lesquels la variation du surplus après mise en place du péage est positive, deux
phénomènes expliquent leur présence : d?une part, à mesure que le tarif du péage augmente,
la réduction du trafic tend à une fluidification du trafic et à accroître incidemment le gain de
temps, ce qui au final permet de compenser plus ou moins fortement la perte financière.
D?autre part, le péage de type cordon épargne les déplacements Paris intramuros. Ainsi,
le pourcentage de gagnants est maximisé pour le péage de cordon de 5 euros, atteignant
29
Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
7,19 % de l?ensemble d?individus dont les déplacements ont leur origine et/ou leur destination
dans Paris, ainsi que les déplacements traversant Paris ; si on se limite à l?analyse des
déplacements initialement effectués en VP, et donc concernés par le tarif du péage, les
gagnants représenteraient à peu près 14 % des déplacements.
II. Équité et effets distributifs
Nous examinons ici l?ampleur des effets distributifs entre différentes classes de revenu. On
se limitera à une approche essentiellement descriptive, visant à rapprocher le surplus des
usagers de leur revenu moyen.
Tout d?abord, le graphique 6 représente la relation entre la variation de surplus individuel et
le revenu par unité de consommation. Ce dernier est divisé en quatre quartiles, le premier
quartile correspondant aux revenus les plus bas.
On constate à nouveau que, quel que soit le scénario, la variation de surplus est
toujours négative, correspondant à une perte allant de 0,5 euros/déplacement à
1,5 euros/déplacement.
De plus, quel que soit le quartile considéré, la perte la plus marquée correspond au péage de
zone à 5 euros, suivi du péage de cordon à 5 euros du péage de zone à 2,5 euros, puis du
péage de cordon de 2,5 euros. Ainsi, comme nous l?avions vu dans la partie précédente, à
tarif égal, le péage de cordon est globalement moins pénalisant que le péage de zone.
On constate également que quel que soit le péage considéré, les individus du premier
quartile sont moins pénalisés que les autres si on raisonne uniquement en niveau : leur
variation de surplus, bien que négative, est moins marquée que celles des autres quartiles.
Ceci est particulièrement net pour les péages à tarifs élevés : la perte moyenne des individus
du premier quartile avec un péage de zone à 5 euros (respectivement péage de cordon à
5 euros) est deux fois plus faible que celle des ménages des quartiles suivants.
On observe également que la perte de surplus est une fonction croissante du revenu dans les
péages de zone, alors que ce n?est pas le cas dans les péages de cordon où la perte diminue
entre les quartiles 2 et 4. Cela peut s?expliquer par le fait que les déplacements réalisés dans
Paris intramuros, épargnés par les péages de cordon, sont effectués majoritairement par des
individus aux revenus relativement élevés.
30
Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
Graphique 6 : moyenne de la variation de surplus individuel par déplacement selon le
quartile de revenu
En euro par déplacement
Quartile de revenu par unité de consommation
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
Ces résultats sont cependant inversés dès lors qu?on raisonne en termes relatifs, et que l?on
exprime les variations de surplus en pourcentage du revenu (graphique 7). On y observe que
la perte moyenne liée à l?instauration du péage représente une part plus importante dans le
revenu des premiers quartiles (plus modestes) que dans celui des quartiles suivants (plus
riches). Il y a donc une nette régressivité des pertes de surplus issues de l?introduction du
péage, quel qu?en soit le type.
Graphique 7 : part moyenne de la variation de surplus individuel dans le revenu par
déplacement selon le quartile de revenu
Par déplacement dans le revenu
Quartile de revenu par unité de consommation
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
31
Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
La fonction de répartition donnant la proportion des « clusters » d?appartenance
des individus par quartile de revenu par unité de consommation, nous permet d?être
en mesure de dériver la proportion de gagnants/perdants selon le « cluster »
d?appartenance (graphique 8).
Graphique 8 : proportion des « clusters » d?appartenance selon le quartile de revenu
par UC
En %
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
Il est ainsi aisé de constater que les « clusters 2 et 4 » se trouvent majoritairement dans les
quartiles de revenus les plus bas. Et inversement pour les individus appartenant aux
« clusters 1 et 3 », bien que pour le « cluster 1 » la répartition par quartile soit plus équilibrée.
Les conclusions tirées précédemment concernant les pertes/gains de surplus selon les
quartiles de revenus les plus (respectivement moins) élevés valent majoritairement pour les
« clusters 1 et 3 » (respectivement 2 et 4). En effets, les individus classifiés au sein des
« clusters 1 et 3 » appartiennent majoritairement aux quartiles 3 et 4 (à 77 % pour le cluster 3
et à 59 % pour le cluster 1). Tandis que les « clusters 2 et 4 » sont majoritairement composés
des quartiles 1 et 2 de revenus par UC (respectivement 77 % pour le « cluster 2 » et 61 % pour
le 4). En outre, le « cluster 4 » composé de quartiles de revenus similaire au « cluster 2 », ne
diffère que par sa propension supérieure à recourir aux TC et à sa plus faible part du revenu
consacrée aux transport. Les individus qui composent « le cluster 4 » sont ainsi moins
pénalisés en moyenne que ceux du « cluster 2 » dans la mise en oeuvre d?un péage urbain (en
raisonnant en part moyenne de variation de surplus individuel).
Pour finir, il semble évident que les individus les plus pénalisés seront les individus
appartenant à la fois aux « clusters 2 et 4 » et au premier quartile de revenu. Ils représentent
près de 45 % de la population de ces deux « clusters ».
Finalement, il est possible de proposer également une représentation cartographique
permettant de visualiser de manière intuitive la répartition spatiale des pertes liées à la mise
en place des scénarios de péages.
La méthode, inspirée des recommandations de France stratégie dans le rapport de
L?évaluation socio-économique des investissements publics (2013), propose que pour
chacune des communes (i) de notre échantillon, on calcule à la fois le nombre d?usagers (ni),
leur variation de surplus (si) et leur revenu moyen (yi). L?indicateur dit d?inégalité, dérivé des
32
Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
considérations développées par Bonnafous et Masson (2003), est ensuite calculé pour chaque
commune (i) et est représenté sur une carte de la zone étudiée : il s?agit du ratio ri= si/yi.
Ainsi, les communes pour lesquelles le ratio est le plus élevé bénéficient davantage du projet
que les autres, compte tenu des différences de revenu moyen inter-communes.
On notera que quel que soit le scénario, la répartition géographique des pertes reste plus ou
moins identique : les communes parisiennes font toujours partie des moins durement
impactées, surtout dans les scénarios de péages de cordon, tandis que la répartition est plus
hétérogène au sein des départements constituant la petite et surtout la grande couronne.
Un motif semble néanmoins se dessiner : au sein de la petite couronne, alors que les
communes des départements de Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine accusent des
pertes modérées (couleur jaune prédominante), c?est moins le cas en Val-de-Marne (couleur
orange prédominante). En ce qui concerne les départements de la grande couronne, les
communes de l?Essonne sont les plus pénalisées, contrairement à celles des Yvelines. On
constate ainsi que la distance séparant une commune de Paris n?explique pas seule la
répartition géographique des pertes : mettre ces cartes en regard avec une représentation
cartographique d?un indicateur combinant à la fois le profil des habitants, leur revenu et
l?accessibilité aux réseaux de transport, pourrait permettre de comprendre plus finement la
répartition géographique des pertes.
Cartes : répartition géographique des pertes liées à la mise en place d?un péage autour
de Paris
Source : EGT 2010, calculs des auteurs9
9 Les communes représentées en blanc sont les communes exclues de l?analyse économétrique, car situées à plus de
15 minutes en VP d?un arrêt de TC, ne permettant donc pas de mettre en concurrence les modes VP et TC. Pour
mémoire (voir hypothèses supra), sont conservés uniquement les déplacements dont les carreaux d?origine et de
destination se situent à portée des TC, c?est-à-dire dans la limite de 15 minutes de marche à pied dans Paris et en
petite couronne (4 kilomètres/heure), et 15 minutes en voiture particulière en grande couronne (24 kilomètres/heure).
33
Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
CONCLUSION
Ce rapport tente d?apporter des éléments de réponse à la question de l?impact socio-
économique de la mise en place d?un péage urbain ayant pour but de réduire le trafic
automobile en Île-de-France. Quatre scénarios y sont envisagés en fonction du type de péage
placé autour de Paris, péage de cordon ou péage de zone, et du tarif de 2,5 euros/jour ou
5 euros/jour). Les données utilisées sont celles de l?enquête globale transport de 2010
(EGT 2010).
D?abord, nous nous consacrons à la catégorisation des ménages en « clusters », c?est-à-dire
des classes ou groupes les plus homogènes possibles, sur la base de leur usage quotidien de
l'infrastructure (kilométrage), mais également sur la base du poids budgétaire des transports
dans le revenu arbitrable du ménage. Un tel regroupement, obtenu en utilisant l?algorithme
de partitionnement des k-médoïdes et en cherchant à maximiser le coefficient de silhouette
moyen, aboutit à la formation de quatre « clusters » distincts. Le partitionnement qui en
résulte permet d?identifier les ménages à faibles revenus d?une part, et les ménages à hauts
revenus d?autre part. Il convient également de tenir compte des autres caractéristiques
puisqu?au sein de chacune de ces deux catégories de revenus se distinguent des ménages
adeptes des transports en commun, mais aussi d?autres ménages utilisant davantage leur(s)
véhicule(s) particulier(s).
Ensuite, sur la base d?un modèle théorique de choix modal (véhicule particulier/transports en
commun), nous estimons économétriquement les élasticités de la demande individuelle au
prix et au temps des transports, en incluant les « clusters » identifiés précédemment sous la
forme des variables d?interaction. Il en ressort que la valeur du temps de transport de ces
différents « clusters » est très hétérogène, allant de 0,44 euros/heure à 18,90 euros/heure
avec une moyenne de 6,90 euros/heure. Sur la base de ces estimations, et en tenant compte
de l?effet rebond, c?est-à-dire le fait que la diminution du trafic initiale peut encourager
certains usagers à préférer à nouveau les véhicules particuliers, nous aboutissons à une
estimation de la diminution du trafic parisien allant de 18 % (péage de cordon à 2,50 euros) à
30 % (cas du péage de zone à 5 euros).
Nous nous sommes finalement intéressés aux indicateurs suivants : la moyenne de la variation
de surplus des automobilistes induite par le péage, ainsi que la relation entre la variation de
surplus et le revenu. Le premier est négatif quel que soit le scénario. Les usagers sont donc
globalement perdants, le gain de temps ne permettant pas de couvrir entièrement la perte
financière. Cette perte varie entre 0,59 euros (péage de cordon à 2,50 euros) et 1,20 euros
(péage de zone à 5 euros), et à tarif égal, elle est en moyenne plus faible dans le cas d?un
péage de cordon, mais y est aussi plus inégalement distribuée que dans le cas d?un péage de
zone. Le second indicateur caractérise l?effet distributif entre les classes de revenu
(redistribution verticale). Si l?on considère la perte en termes absolu (en euro), alors les quatre
scénarios de péages épargnent relativement les individus aux revenus les plus bas. En
revanche, si l?on s?intéresse à la perte en termes relatif (en pourcentage du revenu), alors il y
a régressivité.
Il est toutefois nécessaire de mentionner que ce travail n?analyse pas l?ensemble des effets
d?un péage urbain et ne dresse pas un bilan socio-économique complet de ce dispositif. Il
convient notamment de souligner les points suivants.
Tout d?abord, par rapport à d?autres solutions de gestion du trafic, un péage permet
d?engranger des recettes. Or, la façon dont ces recettes seront utilisées peut modifier le bilan
redistributif final du dispositif : par exemple, les utiliser pour développer l?offre de transport
en commun dans les zones où les revenus sont bas aurait un impact distributif certain.
L?analyse de scénarios d?utilisation des recettes mériterait donc d?être menée. Il y a
également un enjeu en matière de communication et de transparence sur l?usage de ces
recettes, qui pourrait être décisif en matière d?acceptabilité.
34
Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
De plus, nous analysons ici uniquement les variations de surplus liées à la perte monétaire et
au gain de temps. Les effets d?un péage ne sauraient se limiter à ces deux aspects bien qu?ils
soient cruciaux. Ainsi, la prise en compte des effets du péage sur la réduction de certaines
externalités liées au transport (nuisances sonores, pollution locale, émissions de gaz à effet
de serre?) pourrait conduire à nuancer les résultats, notamment ceux relatifs à la variation
de surplus global.
Finalement, l?utilisation de données plus récentes (enquête EGT2020 à venir10) pourrait
mettre en lumière une possible modification des comportements de mobilité et des choix
résidentiels, pouvant influencer les résultats obtenus dans ce rapport. Ces derniers
pourraient être également affinés par la prise en compte ex-post d?éventuelles hypothèses
liées à des changements de comportement sur le long terme découlant de la crise sanitaire
de la Covid-19. À cet effet, cela pourrait être par exemple la prise en compte des effets liés
au déploiement généralisé du télétravail.
10 La nouvelle enquête globale transport (EGT H2020), en cours de réalisation, portera sur la période 2018-2022 avec
pour objectif de passer d?une photographie de la mobilité des franciliens tous les 10 ans à un recueil en continu sur le
principe du recensement de la population.
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
ANNEXE
Estimation économétrique de la sensibilité des individus au prix et au temps des transports
(régression sans « clusters »).
Tableau : regression logit « sans clusters »
Source : EGT 2010, calculs des auteurs
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Effets distributifs d?un péage urbain ? Cadre théorique et application à l?Île-de-France
Commissariat général
au développement durable
Service de l?économie verte et solidaire
Sous-direction de l?économie et de l?évaluation
Tour Séquoia ? 92055 La Défense cedex
Courriel : diffusion.cgdd@developpement-durable.gouv.fr
www.ecologie.gouv.fr
Sommaire
Introduction
Partie 1 : Modèle et données
Partie 2 : Calcul de la sensibilité des individus au prix et au temps des transports
Partie 3 : Variation de surplus, équité et effets distributifs
Conclusion
Bibliographie
ANNEXE