Cartographier l'anthropocène 2023. Atlas IGN, l'occupation des sols
Auteur moral
Institut national de l'information géographique et forestière (France)
Auteur secondaire
BECHU, Christophe (édito)
;SORIANO, Sébastien (édito)
Résumé
"L'occupation des sols correspond à la couverture d'un territoire par des éléments biophysiques, regroupés en zones plus ou moins homogènes, tels que des forêts, des villes, des zones humides, des surfaces agricoles, des infrastructures... Appréhendée à l'IGN par différentes sources d'observation - relevés terrain, vues aériennes, données satellites, points de nuages LiDAR -, cette description physique de l'espace est cruciale pour l'aménagement du territoire, la maîtrise de l'artificialisation des sols et les décisions sur les usages socio-économiques des terres." (Intro)
Editeur
IGN
Descripteur Urbamet
aménagement du territoire
;cartographie
;représentation graphique
;occupation du sol
;artificialisation des sols
Descripteur écoplanete
Thème
Méthodes - Techniques
Texte intégral
2023
ATLAS IGN
L?OCCUPATION DES SOLS
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
02
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
L?occupation des sols correspond à la couverture d?un
territoire par des éléments biophysiques, regroupés en zones
plus ou moins homogènes, tels que des forêts, des villes, des
zones humides, des surfaces agricoles, des infrastructures?
Appréhendée à l?IGN par différentes sources d?observation
? relevés terrain, vues aériennes, données satellites, points
de nuages LiDAR ?, cette description physique de l?espace
est cruciale pour l?aménagement du territoire, la maîtrise
de l?artificialisation des sols et les décisions sur les usages
socio-économiques des terres.
ATLAS IGN
L?OCCUPATION DES SOLS
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE 2023
0303
Éditos
Christophe Béchu,
Ministre de la Transition
écologique et de la Cohésion
des territoires
p. 06
Sébastien Soriano,
Directeur général de l?Institut
national de l?information
géographique et forestière
p. 07
POINT DE VUE
HISTORIQUE
Entretien avec
Jean-Luc Arnaud,
directeur de recherche
au CNRS
p. 10
La forêt
Le renouvellement de la forêt
passe par les sols
p. 17
L?eau intérieure
L?eau, élément vivant
du territoire français
p. 23
La terre
La parcelle agricole, unité
de mesure du territoire
français
p. 27
Innovation
L?OCS GE, l?outil phare
de l?IGN pour détecter
et suivre l?artificialisation
des sols
p. 33
Imprimé en France par : ITF Imprimeur.
Cartes «?Le coup d?oeil de Lucas?» : Lucas Destrem.
Directeur de publication: Sébastien Soriano.
Directrice éditoriale: Dominique Jeandot.
Conception, réalisation, rédaction des interviews
des experts hors IGN: All Contents.
Réalisation des interviews des référents IGN,
rédaction des articles et des légendes, collecte
des visuels: DanielPeyronel, journaliste indépendant.
Illustrations: Stéphane Kiehl.
Crédits photos: IGN, David Mendiboure/Terra.
Photo de couverture: suivi de l?occupation des sols
(OCS GE), Lyon, 2020.
Photo deuxième et troisième de couverture:
LiDARHD, Die, 2022.
04
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
POINT DE VUE
AMÉNAGEMENT
DU TERRITOIRE
Entretien avec
Jacqueline Osty,
paysagiste
p. 42
Le Géoportail
de l?urbanisme
Toutes les villes à un seul
endroit, la mission du
Géoportail de l?urbanisme
p. 52
Innovation
Renouvelables à la carte
p. 60
POINT DE VUE
ENVIRONNEMENTAL
Entretien avec
Agnès Ducharne,
climatologue et hydrologue
p. 66
La prévention
des risques
Le cartographe
en première ligne pour
prévenir les risques
p. 75
Innovation
L?ambition du jumeau
numérique
p. 82
05
L?OCCUPATION
DES SOLS
CHRISTOPHE BÉCHU,
Ministre de la Transition écologique
et de la Cohésion des territoires
ÉDITOS
LES DÉFIS CLIMATIQUES
NÉCESSITENT DE REPENSER
NOS USAGES DES SOLS
Pour penser et nourrir nos politiques
publiques de transition écologique,
la France a la chance de pouvoir
s?appuyer sur des institutions de très
grande qualité. Elles allient la plus haute
exigence scientifique, avec le talent de
partager leurs connaissances et leurs
découvertes avec le plus grand nombre.
C?est un enjeu crucial, quand on sait
la prégnance qu?ont encore certains
discours climato-sceptiques,
la complexité de ces questions,
et combien la mobilisation de chacune
et de chacun est nécessaire pour mener
à bien ce chantier indispensable face
au dérèglement climatique.
Aussi, je me réjouis de la sortie de
ce nouvel Atlas de l?anthropocène,
qui témoigne tout particulièrement
de la rigueur et de la passion qui
animent les équipes de l?Institut national
de l?information géographique et
forestière.
Entièrement dédié cette année à
l?occupation des sols, avec un ensemble
de cartes inédites qui témoignent
d?un savoir-faire unique, reconnu à
l?international, cet Atlas sera du plus
grand intérêt pour un large public: les
scientifiques, bien sûr, mais aussi
les décideurs politiques, et, en
définitive, toutes celles et ceux que ce
sujet crucial intéresse.
Car en matière d?atténuation de nos
émissions, comme d?adaptation
de nos sociétés aux conséquences
pour partie inéluctables du
réchauffement climatique, l?usage
de nos sols doit changer en profondeur.
Des changements systémiques
s?imposent.
Plus de sobriété dans la consommation
des espaces naturels, une meilleure
préservation de la faune et de la flore,
la restauration des écosystèmes
dégradés, sont des impératifs essentiels
à mettre en oeuvre. Nous nous
employons à accélérer cette dynamique,
à la fois dans le cadre de la planification
écologique, et dans les engagements
que notre pays prend et soutient
à l?international.
Mais, en définitive, c?est par
l?engagement de tous les acteurs,
de tous les Français que nous pourrons
réussir à inverser la tendance, et
je remercie l?IGN d?y contribuer, une fois
encore, de façon décisive.?>
06
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023 06
SÉBASTIEN SORIANO,
Directeur général de l?Institut national
de l?information géographique et forestière
DES CARTES POUR TRACER
NOTRE AVENIR COMMUN
Hier, l?IGN réalisait des Atlas pour
découvrir les informations routières
et touristiques de notre pays.
Aujourd?hui, l?Institut contribue à tracer
la voie de la Nation pour opérer et
réussir la transition écologique. Cette
aventure est collective. L?ensemble
des parties prenantes est mobilisé
autour de l?IGN, au premier rang
desquelles les partenaires publics
et les territoires. Ce deuxième Atlas
de l?Anthropocène s?arrête en particulier
sur la question de l?occupation des sols.
La thématique est emblématique
puisque le sol est une ressource limitée,
son occupation a toujours traduit
des choix de société qu?il nous faut
à présent penser à l?aune des enjeux
environnementaux.
L?Atlas de l?IGN permet de prendre
du recul sur les choix passés de
l?occupation du sol : reconquête
forestière, aménagement des fleuves,
remembrement agricole, aménagement
urbain, etc. Des opérations d?ampleur
identiques sont à présent à mener par
le gouvernement et les acteurs locaux
pour adapter les territoires aux
bouleversements écologiques.
L?obligation du «?zéro artificialisation
nette?» (ZAN), prévue par la loi Climat et
résilience, en est un exemple illustratif.
Pour éviter de piloter les transitions
en aveugle et ne pas entrer dans
des controverses d?interprétations
des situations, il faut des données de
base solides et objectives. Dans ce
contexte, le support visuel qu?est la
carte est un outil de médiation utile.
L?IGN s?engage pour faire de la
cartographie un service public
pleinement tourné vers l?avenir.
Pour cela, l?Institut est investi dans
une double dynamique. D?une part,
il faut consolider des données
socles fiables, indispensables à
l?enrichissement des représentations
thématiques (ressources en eau, fonte
des glaciers, évolution des forêts, suivi
des haies, recul du trait de côte, etc.).
D?autre part, l?IGN mise sur les
technologies de pointe: données
spatiales «?New Space?» et intelligence
artificielle pour gagner en réactivité
sur la description des phénomènes,
jumeaux numériques pour coconstruire
des solutions en réalité augmentée
(limitation de l?étalement urbain,
implantation de sources de production
d?énergies renouvelables, etc.).
C?est ce double mouvement qui
permettra de bâtir les référentiels
souverains de demain.
Cet Atlas, à mettre entre toutes
les mains, est également une belle
occasion de nous plonger dans
l?imaginaire des cartes et les réalités
de nos paysages à préserver.
Bonne exploration.>
07
L?OCCUPATION
DES SOLS
1756 1950
POINT DE VUE
HISTO
RIQUE
08
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
1975
2023
Des ruelles du centre-ville aux grands axes fluviaux,
des massifs forestiers aux champs à perte de vue,
le sol français est une mosaïque en constante évolution.
Depuis sa création, l?IGN oeuvre pour graver sur ses
cartes l?état des lieux du territoire à un instant précis.
En remontant ses archives cartographiques, les
transformations du territoire défilent sous les yeux
du lecteur, tel un kaléidoscope.
PARTIE 1
09
L?OCCUPATION
DES SOLS
« LA CARTE
EST UN
TÉMOIGNAGE
DE L?HISTOIRE »
L
a connaissance physique d?un sol est une donnée
fondamentale pour administrer un territoire.
Connaître sa topographie, ses limites géographiques
et l?occupation de ses sols. Autant d?informations
qui sont contenues dans la carte. Pour autant,
celle-ci ne se limite pas à cette seule fonction de
connaissance. Pour l?architecte et historien Jean-Luc Arnaud,
auteur de l?ouvrage La Carte de France¹, c?est aussi un outil
politique et de pouvoir.
De quand date, selon vous, la notion d?occupation des sols??
C?est une notion extrêmement tardive. En ce qui concerne la carte
d?état-major au XIXe siècle, par exemple, on parle de masses
de cultures, mais jamais d?occupation des sols. Plus tard, dans les
années 1950, on va aussi évoquer le remembrement. On est déjà
dans le domaine de la connaissance de la nature des sols. Mais je
ne pense pas que cette notion d?occupation des sols soit antérieure
aux années 1960. L?usage de l?expression est une chose récente.
Quel est, d?après vous, l?objet de cette connaissance??
En d?autres termes, à quoi sert donc une carte??
Il est très difficile de répondre à cette question car, au même titre
qu?il n?y a pas une carte unique mais des cartes, il y a aussi de mul-
tiples utilités. Elles peuvent servir à mesurer, à observer, à se situer.
Il y a également la question des différentes échelles, qui laissent
entrevoir différentes choses. Toutes les fonctions et toutes les utilités
ont été envisagées dans l?histoire. Cependant, ce qui me semble
important à préciser, c?est qu?il y a toujours une volonté commune.
Vouloir représenter les territoires, c?est chercher à se les approprier.
Le savoir permet de disposer d?un pouvoir sur un lieu. La connais-
sance est au service du politique, systématiquement. J?en veux pour
preuve que la première chose qui a été faite à l?époque dans les
régions colonisées, ce sont les cartes. Elles apparaissent par consé-
quent fondamentalement comme un outil de contrôle et de pouvoir.
Dans de nombreux pays encore, la carte est d?ailleurs souvent
réservée à l?État ou aux militaires, ce qui est parfois la même chose.
C?est la preuve, en creux, qu?il n?est pas facile de s?attaquer au
pouvoir et aux lieux du pouvoir sans accès à cette carte.
Jean-Luc Arnaud, directeur de recherche au CNRS
0 Jean-Luc Arnaud, directeur
de recherche au CNRS, travaille
en histoire de la cartographie
à l?université d?Aix-Marseille,
au laboratoire TELEMMe ? Temps,
espaces, langages, Europe
méridionale, Méditerranée. Il est
le fondateur du site CartoMundi.fr
pour la valorisation en ligne du
patrimoine cartographique et auteur
d?une centaine d?articles scientifiques
ainsi que de plusieurs ouvrages
dont La Carte de France, histoire
& techniques, publié en 2022.<
À DÉCOUVRIR
Remonterletemps.ign.fr :
site internet qui regroupe
le patrimoine de cartes et
de vues aériennes offrant
des outils de comparaison.
TOP 25:
- carte à l?échelle 1:?25?000 que l?IGN
maintient?;
- plan IGN, le fond cartographique
adapté aux usages numériques.
10
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
¹ La Carte de France, histoire & techniques,
Éditions Parenthèses, 2022
La cartographie a connu de
nombreuses révolutions techniques
et anthropologiques dans son
histoire. Jean-Luc Arnaud nous
en donne quelques grandes dates.
P
Fin du XVIIe siècle :
marque le premier chantier de
triangulation à grande échelle
du territoire, qui fixe précisément
les distances entre les villes. Un travail
énorme qui s?étend sur plus de
cinquante ans et permet de tracer
les contours du royaume et de
l?emprise géographique de la France
dans le monde.
P
1870 P 1880 :
période où l?on abandonne la gravure
en taille-douce, qui ne permettait
que des tirages très limités, pour
la lithographie, qui existait déjà
mais qu?on ne savait pas appliquer
aux grands formats. Sans devenir
un produit de consommation
courante, la carte n?est alors plus
un produit de luxe.
P
1930 :
début de l?industrialisation des
premières photographies aériennes.
Les relevés par photogrammétrie
donnent des résultats au moins aussi
précis et moins coûteux que les
relevés de terrain. Le métier de
topographe est déclassé au profit
de celui de photo-restituteur.
P
2000 :
l?avènement du numérique transforme
le mode de fabrication de la carte,
mais aussi sa relation à l?espace.
Avec le numérique, la carte nous
entoure. On quitte la vision
synoptique d?une carte que
l?on déplie pour une vision immersive.
Comment cet objet de connaissance est-il devenu celui de l?orien-
tation des politiques publiques??
Si vous cherchez à décrire une rivière, vous pouvez tout à fait le faire
par un texte. Vous décrirez alors son cours, son débit, les villes qu?elle
traverse. Ce sont des informations descriptives, qui peuvent aisément
être comprises et assimilées parce que linéaires. Mais vous ne pou-
vez pas décrire une organisation territoriale de cette manière-là. La
carte est un outil synoptique. Sa force, par rapport au texte, c?est
qu?elle montre l?organisation de l?espace en deux dimensions. Elle a
cette spécificité d?exposer comment les choses s?organisent dans
l?espace. On peut cartographier des données sociales, économiques,
démographiques, etc. Montrer comment ces données se répartissent
dans l?espace permet d?aider à la décision politique. On ne doit pas
confondre la carte et l?usage de la carte. Elle n?explique pas comment
les choses se passent. Elle ne donne pas une réponse. Elle ne fait
que montrer, et c?est déjà beaucoup. La carte vous parle, mais elle
ne vous dit pas «attention».
À ce titre, la carte est surtout un outil statique de
représentation d?un territoire. Comment peut-elle aussi
témoigner de son évolution??
La carte topographique de l?IGN ne témoigne pas des changements.
Ce n?est pas sa fonction. Chaque nouvelle édition figure de nouveaux
états des lieux et consigne l?état d?un territoire à un instant T. À ce
titre, il faut rappeler que plus la carte est précise, plus sa durée de
vie est courte. Mais cet instant T n?est jamais quelque chose de
totalement figé. Le territoire consigné est construit par le temps.
Une carte est faite d?un amoncellement d?informations compilées
qu?il faut organiser. La carte est un outil statique, mais qui enregistre
le temps passé. En tant qu?historien, les cartes récentes donnent
les moyens de restituer des choses qui ne sont plus visibles sur le
terrain, ou que l?on peut deviner au travers d?autres données carto-
graphiques. Du point de vue historique, il faut bien comprendre que
les cartes sont des monstres composés de multiples données su-
perposées. Les cartes d?occupation des sols sont, à ce titre, des
outils de connaissance fondamentaux. Si l?on cherche à comprendre
l?évolution d?un territoire, l?important est de parvenir à construire
une carte diachronique, c?est-à-dire qui rende compte des évolutions
de son état dans le temps. C?est lorsque l?on entre dans la boîte
noire du temps qui passe entre deux cartes que l?on commence à
comprendre des choses.
Puisqu?elle ne fait que «?rendre compte?», peut-on considérer
qu?une carte est neutre??
Jamais. Une carte, c?est avant tout des choix. Le choix d?une échelle
en fonction de ce que l?on cherche à montrer, par exemple. On sélec-
tionne toujours une information à partir du point de vue que l?on
porte. Ce point de vue, c?est celui de son auteur, de son comman-
ditaire, de celui qui paye. Peu importe. Mais il ne peut pas y avoir
d?objectivité possible. La carte est toujours un objet partiel et partial.
Quel a été l?apport du numérique dans la connaissance
et la représentation du territoire??
Il est évident que cet apport change complètement les modes
de travail. Et ce n?est pas seulement vrai pour l?aménagement du
territoire. Moi, en tant qu?historien, mon livre sur la carte de France
n?aurait pas pu exister sans le numérique. Feuilleter et organiser
13?000feuilles de la carte de France au 25?000e en papier, ça aurait
été sportif. En numérique, j?ai pu consulter un grand nombre de ces
feuilles depuis des machines standards. Le numérique, de ce point
de vue, fait gagner un temps précieux. Il y a une simplicité d?accès
à l?information qui facilite la décision et qui s?applique aussi aux po-
litiques publiques. Mais, encore une fois, ce ne sont que des outils
qui ne vous donnent pas une réponse. En revanche, ils peuvent sou-
lever de nouvelles questions. Le numérique révèle plein de choses
auxquelles on n?avait pas accès auparavant, ou pas aussi simplement.
On peut facilement superposer l?information, la croiser, la comparer.
Ces capacités permettent parfois d?attirer l?attention des sujets
auxquels on n?aurait pas forcément pensé auparavant. En histoire,
c?est une évidence. Pour la gestion des territoires également.?<
11
L?OCCUPATION
DES SOLS
UNE CARTE DE FRANCE... TOUT EN NUANCES
k En deux siècles, les services cartographiques nationaux successifs, jusqu?à l?IGN, ont produit
de nombreuses cartes, d?une grande diversité d?échelles, de précisions et d?usages. Ces cartes,
qu?elles soient au service des militaires, des scientifiques ou des randonneurs, rendent compte
autant de l?évolution des paysages que des techniques, et constituent ainsi un patrimoine
documentaire d?une grande richesse.?g
Le coup d?oeil de Lucas
Découvrez les cartes imaginaires
et interprétées par Lucas,
géographiste indépendant.
12
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
Faute d?une production cartographique IGN significative, les territoires des îles Éparses
de l?océan Indien et de Clipperton ne figurent pas sur cette carte. À noter que certains territoires
ultra-marins disposent aujourd?hui de services propres de production cartographique.
13
L?OCCUPATION
DES SOLS
PARIS, SES ENVIRONS
ET SES FORTIFICATIONS
LIEU : ÎLE-DE-FRANCE
Date : 1871
En 1871, Paris poursuit sa croissance : après l?intégration,
quelques années plus tôt, de onze communes, dont
Montmartre et Belleville, la capitale se développe aussi grâce
au réseau ferré, qui pénètre au coeur de la ville. Les enceintes
marquent une rupture territoriale entre l?hyperdensité
du centre, les espaces «?vides?» et les fortifications militaires
aux alentours, bien visibles sur ces cartes militaires.
14
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
LA MÉTROPOLE DU GRAND PARIS
LIEU : ÎLE-DE-FRANCE
Date : 2021
Cent cinquante ans plus tard, la prise de vue aérienne montre
l?emprise au sol de la métropole du Grand Paris. Les forts
ont disparu ou se fondent dans le maillage urbain, qui s?étend
en continu entre la forêt de Saint-Germain-en-Laye à l?ouest,
le lac de Vaires-sur-Marne à l?est et les deux grands aéroports
au nord et au sud. Créée en 2016, la métropole du Grand Paris
regroupe 131communes, dont Paris, sur 814 km2 (1).
1 La Métropole du Grand Paris :
c?est quoi??, Paris.fr, 2019.
15
L?OCCUPATION
DES SOLS
LE REBOISEMENT
DE LA FORÊT DOMANIALE
DE VERDUN
LIEU : MEUSE
Date : 1803-2021
La forêt domaniale de Verdun, gérée par l?Office national des forêts
(ONF), est devenue une Forêt d?Exception® en 2013, pour la valeur
mémorielle des lieux(1). Fleury-devant-Douaumont, Louvemont-Côte-
du-Poivre? de ces villages entourés de champs sur la carte
de Cassini de 1803 et détruits pendant la Grande Guerre ne restent
aujourd?hui que les noms et les vestiges des tranchées parmi les arbres.
Dix millehectares de forêt sont reboisés par l?État, à partir de 1919.
? Avant
? Après
1 La Grande Histoire des forêts (#Épisode 5) ?
La forêt au temps de la Grande Guerre, onf.fr.
16
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
La forêt
17
L?OCCUPATION
DES SOLS
La forêt est l?occupation du sol la plus importante en France,
derrière les surfaces agricoles. En augmentation depuis
la moitié du XIXesiècle, période à laquelle le pays a connu
son minimum de surface forestière, elle couvre désormais
près de 17,1 millions d?hectares, environ un tiers du territoire
métropolitain. Un résultat positif, fruit d?un renouvel lement et
d?une adaptation constante. Avec l?incertitude liée aux aléas
climatiques et une mortalité des arbres en hausse, le sol offre
un socle sur lequel bâtir la forêt de demain.
Des arbres à croissance rapide
LE RENOUVELLEMENT
DE LA FORÊT PASSE
PAR LES SOLS
«?Les forestiers s?adaptent depuis
longtemps : ils ont toujours choisi
l?essence d?arbre en fonction des
conditions du sol et du climat,
car en cas contraire, les arbres
n?auraient pas poussé. Aujourd?hui,
le changement climatique a une
incidence?», affirme Nathalie Derrière,
cheffe du département des résultats
de l?inventaire forestier.
Créé en 1958 pour dresser l?état des
lieux de la forêt et en assurer le suivi,
l?inventaire forestier (IF) rassemble
des données statistiques telles
que la surface, le volume de bois,
les essences, les prélèvements
et la mortalité. L?IF naît au beau milieu
des Trente Glorieuses, une époque
de développement économique,
gourmande en matériaux et
nécessitant des essences d?arbres
à croissance rapide, comme l?épicéa
ou le sapin.
«?Le sapin Douglas pousse vite et
donne un bois d?oeuvre de qualité
en soixante ans. Les campagnes
de reboisement, majoritairement en
résineux, du Fonds forestier national
(FFN) ont façonné une grande partie
du paysage actuel, en particulier
dans le massif du Morvan ou le plateau
du Limousin?», estime Magali Jover,
chargée des relations partenariales
et institutionnelles de l?IGN sur la
thématique forêt. >
REPÈRES
1958
Mise en place de l?inventaire
forestier, désormais opéré
par l?IGN.
2023
Lancement de l?Observatoire
des forêts françaises par
les ministres Marc Fesneau,
ministre de l?Agriculture et
de la Souveraineté alimentaire
et ChristopheBéchu, ministre
de la Transition écologique et
de la Cohésion des territoires.
Partenarial, il rassemble toutes
les données et les informations
des forêts et va s?enrichir pour
préparer l?avenir.
18
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
millions d?hectares de forêt.
C?est la surface gagnée par
la France métropolitaine
entre 1946 et 1987.
2,3
«?Le climat change,
mais la nature
du sol reste stable.
D?où l?importance
de le préserver.?»
_ NATHALIE DERRIÈRE
Sous l?impulsion du FFN, avec
la campagne de reboisement
à grande échelle financée par l?État
dans l?après-guerre, la France
métropolitaine gagne 2,3 millions
d?hectares de forêt entre 1946 et 1987.
Cette stratégie nationale accélère
un phénomène en cours depuis
la révolution industrielle, celui
de la reconquête forestière.
L?essor des énergies fossiles et
l?aspiration de la main-d?oeuvre
rurale par les villes favorisèrent alors
l?abandon des terres agricoles les
moins productives. Les reboisements
naturels des sols, les accrus,
colonisèrent ces terrains : «?Une
parcelle agricole abandonnée
va se reboiser, mais cela va prendre
beaucoup de temps: d?abord
les espèces pionnières, puis
secondaires??», explique Manuel
Fulchiron, directeur adjoint,
responsable forêt à la direction des
opérations et des territoires à l?IGN.
Avant le FFN, la France avait déjà
connu une première vague de
reboisement, issue de la volonté
publique. La loi du 28 juillet 1860
pour la restauration des terrains
en montagne (RTM) «?imposait
la plantation d?arbres pour restaurer
les terrains abîmés par le pâturage et
le défrichement, stabiliser les bassins
versants et agir contre l?érosion
des sols montagneux?», précise
Manuel Fulchiron. >
Les activités humaines peuvent
dégrader la qualité des sols :
défrichement, passage d?engins,
les pressions externes réduisent,
par exemple, la capacité des sols
à drainer et à retenir l?eau, nécessaire
aux racines pour s?alimenter.
Pour que les arbres s?adaptent aux
nouvelles conditions climatiques,
les sols sont le seul critère stable :
«?Le climat change, mais la nature
du sol reste stable, avance
Nathalie Derrière, d?où l?importance
de le préserver.?»
Il existe une dizaine de grands types
de sols forestiers en France.
L?inventaire permet de les répertorier
selon leurs caractéristiques physiques
(pH, réserve utile en eau, etc.)
ou leur sensibilité au tassement et à
l?exportation des composés minéraux.
Dans le cadre du processus
d?adaptation actuel, le pays s?est fixé
comme objectif de renouveler 10?%
de la forêt et de planter unmilliard
d?arbres d?ici à 2032. L?IGN n?apporte
pas l?information climatique, mais
grâce aux données de l?IF et du
référentiel géographique forestier
(BD Forêt®*), il produit l?information
relative au sol et aux essences.
«?Nous avons un service expertise,
le département d?analyse des forêts
(Dafor), à l?aide duquel on peut
apporter les données pour localiser
des surfaces potentiellement
reboisables dans les années à venir,
en détectant où la mortalité et le
dépérissement sont majeurs et les
endroits qui nécessitent des essences
plus adaptées en fonction des sols,
de l?altitude et des températures plus
élevées?», conclut Magali Jover. >
Les étapes de la reconquête forestière
Le capital sol à préserver pour réussir le reboisement
60 ans
«?Le sapin Douglas pousse
vite et donne un bois d?oeuvre
de qualité en soixanteans.?»
32
classes composent
le BD Forêt®.
Ce référentiel
géographique va être
mis à jour en mobilisant
l?intelligence artificielle.
19
L?OCCUPATION
DES SOLS
1 Les territoires
d?outre-mer ne sont
pas concernés par
cette méthodologie.
Le coup d?oeil de Lucas
Découvrez les cartes imaginaires
et interprétées par Lucas,
géographiste indépendant.
LA RÉPUBLIQUE DES ARBRES
k Le découpage en 86 sylvoécorégions(1) (SER), utilisé pour l?Inventaire
forestier national (IFN) de la France métropolitaine, s?appuie sur des
facteurs biogéographiques qui déterminent en partie l?habitat forestier,
notamment le taux de boisement. En regard, la répartition de quelques
espèces emblématiques esquisse les défis que le changement
climatique leur impose, entre menaces et adaptations nécessaires.?g
20
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
Le coup d?oeil de Lucas
Découvrez les cartes imaginaires
et interprétées par Lucas,
géographiste indépendant.
AU NOM DE LA FORÊT?!
k La BD Forêt® inventoriedes «Types de formation végétale» (TFV),
«ensembles forestiers ou semi-naturels (?) qui présentent une certaine unité
pour la couverture et l?utilisation du sol, pour la densité du couvert et pour
la composition en essences». Ici, les TFV dominants donnent leur couleur
et en partie leur nouveau nom aux départements, et le «top 3» en superficie
est représenté en diagramme.?g
21
L?OCCUPATION
DES SOLS
Types de sols (regroupés)
Sol jeune
Sol carbonaté
Sol calcique
Sol brunifié
Sol lessivé
Sol podzolisé
Sol fersiallitique
Sol hydromorphe
Répartition des types de sols
Les sols brunifiés, les plus fréquents, dominent dans le Massif central
et les Vosges. Supportant un volume moyen de 197m3de bois
vivant/hectare, ces sols sont très fertiles. Les sols carbonatés et
calciques sont caractéristiques des Alpes et de la Méditerranée.
Les sols podzolisés, sableux, se concentrent dans le massif des Landes.
Il s?agit de sols contraignants, favorables à quelques espèces,
dont le pin maritime.
Source : La Forêt française,
état des lieux et évolutions
récentes - Panorama des
résultats de l?inventaire forestier,
IGN, 2018.
Répartition du bois vivant par essence
La forêt est le résultat de siècles de gestion forestière : chênes, hêtres et
autres feuillus représentent deux tiers de la forêt, en surface et en volume.
Ils peuplent surtout les plaines. En revanche, les Douglas sont plus jeunes
et datent en grande partie de l?après-guerre. L?adaptation au changement
climatique conduira à de nombreuses modifications dans la répartition
spatiale des essences d?arbres.
5?%
4?%
4?%4?%
13?%
8?%
8?%
5?%
5?%
5?%
5?% 12?%
11?%
10?%
1?%
Chêne
rouvre
Chêne
pédonculé
Hêtre
Châtaignier
Charme
Chêne
pubescent
Frêne
Chêne vert
Autres
feuillus
Sapin pectiné
Épicéa
commun
Pin sylvestre
Pin maritime
Douglas
Autres
conifères
994
millions de m3
de conifères
1?798
millions de m3
de feuillus
94?%
de la surface des forêts
est composée de
peuplement d?espèces
indigènes ou locales.
130?000?ha
de forêts domaniales(1)
ont un rôle de protection
dans le cadre de la restauration
des terrains en montagne.
Source : Inventaire
forestier national
- Mémento, IGN, 2022.
18,5?%
des forêts métropolitaines
se trouvent en site
Natura 2000(2).
Source : État et évolution des forêts françaises
métropolitaines - Synthèse des indicateurs de
gestion durable, 2020, IGN.
Types de sols
forestiers dominants
Sol jeune
Sol carbonaté
Sol calcique
Sol brunifié
Sol lessivé
Sol podzolisé
Sol fersiallitique
Sol hydromorphe
Source : Inventaire forestier national, IGN, 2021.
13?000
Nombre de placettes en forêt
relevées par les équipes de
l?IGN pour l?inventaire forestier.
1 Les forêts domaniales n?appartiennent
ni aux collectivités ni aux propriétaires privés,
mais à l?État. Elles sont gérées par l?ONF.
2 Les sites Natura 2000 font partie d?un réseau
européen des espaces naturels qui vise à protéger
les habitats et les espèces, dont certains types
d?oiseaux.
22
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
L?eau
intérieure
23
L?OCCUPATION
DES SOLS
Plus d?un million de cours d?eau et 837?000 plans d?eau
s?étalent sur le territoire français métropolitain. Malgré
une emprise au sol minimale par rapport aux champs
agricoles, aux forêts et aux villes, les eaux de surface
sont un élément structurant et vivant du territoire. Ce dynamisme,
que les êtres humains ont toujours essayé de maîtriser, est
aujourd?hui au coeur des enjeux de préservation et de protection
dans le contexte du réchauffement climatique. La première
étape : identifier et connaître les eaux de surface grâce aux don-
nées de l?IGN.
Un fleuve domestiqué
L?EAU, ÉLÉMENT
VIVANT DU TERRITOIRE
FRANÇAIS
De la Suisse à la mer Méditerranée,
le Rhône creuse son lit :
812 kilomètres, dont les deux tiers
sur le territoire français. Axe de
communication majeur depuis l?époque
gallo-romaine, comme en témoigne
l?expansion de villes telles que Lyon
ou Arles, le Rhône a subi des
transformations profondes. Autrefois
réputé pour son impétuosité, «?vous
avez passé ce diantre de Rhône, si fier,
si orgueilleux, si turbulent?» écrivait,
en 1688, Madame de Sévigné, le Rhône
est aujourd?hui un fleuve domestiqué
et anthropisé.
D?abord endigué, puis chenalisé,
le Rhône a progressivement perdu ses
méandres et ses lônes et a vu surgir
19 barrages, érigés par la Compagnie
nationale du Rhône (CNR) entre 1948
et 1986. L?aménagement et la
valorisation du fleuve étaient alors
soumis à trois missions : la production
d?hydroélectricité, la navigation et
l?irrigation des champs. >
À DÉCOUVRIR
La BD Topo® IGN :
description des éléments du
territoire mise à jour en continu
par l?IGN, notamment
l?hydrogéographie.
France Nation Verte :
programme gouvernemental
de planification écologique.
L?IGN y contribue via le volet
numérique et données.
24
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
barrages sont érigés
par la Compagnie nationale
du Rhône (CNR) entre
1948 et 1986.
19
837?000
C?est le nombre de plans
d?eau identifiés en France
grâce au premier inventaire
des plans d?eau de l?IGN.
«?C?est seulement
le 3 janvier 1992
que l?État intègre
l?eau comme
?un élément du
patrimoine national
et pose pour
principe général
la gestion équilibrée
de cette ressource?.?»
_ MARIE-AGNÈS SCHERRMANN
C?est seulement le 3 janvier 1992
que l?État intègre l?eau comme «?un
élément du patrimoine national et
pose pour principe général la gestion
équilibrée de cette ressource?»,
explique Marie-Agnès Scherrmann,
cheffe du département gestion
du territoire. Parmi les objectifs de
cette loi : préserver les écosystèmes
aquatiques et les zones humides,
concilier la protection de
l?environnement et les activités
économiques et sociales, valoriser
et développer la ressource en eau,
protéger et restaurer la qualité
de l?eau.
Exemplaire, le cas du Rhône n?est
pas unique. Au-delà des cours d?eau,
la réglementation de 1992 inclut
également les plans d?eau et les zones
humides. «?On estime que 95?% des
zones humides ont disparu en France,
dont la moitié entre les années 1960
et 1990?», précise Barbara Freidman,
chargée des partenariats et des relations
institutionnelles sur l?hydrographie.
Jusqu?aux années 1970, la loi française
prévoyait l?assèchement des zones
humides. Un tournant est pris en 1971,
avec la Convention de Ramsar, traité
international pour la protection des
zones humides. «?C?est un devoir
collectif de protéger ces zones. Si on
arrive à les déterminer et à améliorer
nos connaissances, il sera plus difficile
de les détruire. Pour cela, il faut les
identifier : c?est là que l?IGN intervient?»,
poursuit Barbara Freidman. >
L?IGN cartographie depuis longtemps
les eaux de surface. À partir de 2016,
l?Institut, associé à l?Office français
de la biodiversité (OFB), coproduit
le référentiel hydrographique français
à grande échelle, la BD TOPAGE®
qui s?appuie sur la base topographique
générale, la BD TOPO®. En accès
gratuit, ce référentiel est destiné aux
agences de l?eau, aux bureaux d?études,
aux syndicats de bassin. En février
2022, l?IGN se lance dans le premier
inventaire des plans d?eau, étendues
d?eau continentales de surface, libres
et stagnantes, qui a permis d?identifier
837?000 plans d?eau, pour une surface
de 499?000 ha. Objets d?enjeux
multiples, les plans d?eau donnent,
par exemple, une indication des
volumes d?eau stockés et du niveau
de sécheresse des territoires.
Ce socle commun est d?autant
plus important, dans le contexte
de changement climatique et
de raréfaction de la ressource.
Afin de garantir une gestion durable,
différentes réglementations régissent
les cours d?eau. Les dispositions
relatives à la politique agricole
commune, entre autres, prévoient
l?instauration d?espaces enherbés
aux bords des cours d?eau. Le long
de certains fleuves, des zones
de non-traitement aux produits
phytosanitaires obligent les
agriculteurs à laisser une bande
tampon de cinq mètres au sol,
pour éviter que les engrais ne
se déversent dans l?eau.
Pour le Rhône, au carrefour de
nombreux usages, la gestion partagée
et durable est désormais une
évidence: «?Ce fleuve est à la fois une
ressource majeure pour l?eau potable,
l?agriculture et l?industrie, mais aussi
un axe fluvial, un espace de production
d?énergie, un support d?aménités et
de loisirs, avec une biodiversité
remarquable?», résume Stéphane Canalis,
directeur territorial CentreEst.?>
La «?loi sur l?Eau?»
Charnière des territoires
25
L?OCCUPATION
DES SOLS
Érigée en 1973(1), la centrale hydroélectrique-écluse,
au nord d?Avignon, est située sur le canal industriel du bras
droit du Rhône, inexistant en l?état sur l?ancienne photographie
aérienne, et relie l?île de la Barthelasse à un îlot. Le Rhône
se divise en deux bras à hauteur de Sorgues, dont chacun
est doté d?un barrage. La volonté de canaliser le Rhône
remonte au Moyen Âge, puis, sous Napoléon III, ont lieu
de nombreux travaux contre les crues.
L?ANTHROPISATION DU RHÔNE
LIEU : ÎLE DE LA BARTHELASSE
(GARD ET VAUCLUSE)
Dates : 1950-1965 et 2021
1 Centrale hydroélectrique dite usine-écluse
d?Avignon, dossiersinventaire.maregionsud.fr
Après
Avant
Après
Avant
26
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
La terre
27
L?OCCUPATION
DES SOLS
Recouvert à 50?% par des surfaces agricoles, principale
occupation du sol, le territoire français a subi un impact
majeur juste après-guerre avec l?introduction de l?agricul-
ture intensive. Le remembrement des parcelles, pour
qu?elles soient de plus grande taille et plus facilement exploitables,
a transformé les sols et le paysage : des haies, des bosquets et
des zones humides ont été rayés de la carte. Par l?actualisation du
Registre parcellaire graphique, l?IGN, avec ses partenaires, contri-
bue au suivi cartographique des parcelles françaises. Lesquelles
vont évoluer face aux enjeux de la souveraineté alimentaire et de
la transition agroécologique.
LA PARCELLE AGRICOLE,
UNITÉ DE MESURE
DU TERRITOIRE FRANÇAIS
Sous l?impulsion de la chimie et de
la mécanisation des campagnes,
après la Seconde Guerre mondiale,
un nouveau modèle agricole voit
le jour. Arrivé à son apogée dans
les années 1970, il a marqué le sol
français. Ce modèle se matérialise
par la transformation de la taille
de la parcelle: le regroupement
de petites parcelles en exploitations
plus grandes et mécanisées.
Pour réaliser ce remembrement,
les agriculteurs suppriment des
éléments du paysage : «?Le maillage
des haies va s?estomper, les arbres
isolés et les bosquets disparaissent,
les voies de desserte sont élargies
pour faire transiter des machines
volumineuses, les mares asséchées
et rebouchées?», détaille Guillaume
Marchand, chargé des partenariats
et des relations institutionnelles à
l?IGN pour la thématique agriculture.
«?Nous observons des paysages ruraux
sans arbres et des champs à perte
de vue, continue le spécialiste, à
l?exception de certaines régions comme
dans l?ouest de la Basse-Normandie,
où l?on trouve encore des zones de
bocage, et dans le sud méditerranéen,
en Corse et en relief, où il y a des
zones préservées de surfaces
pastorales.?»?>
L?agglomération des parcelles
¹ Recensement agricole 2020,
Agreste, ministère de
l?agriculture et de la
souveraineté alimentaire.
2 L?occupation du sol entre
1982 et 2018, Agreste, ministère
de l?agriculture et de la
souveraineté alimentaire.
28
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
«?Le maillage des
haies va s?estomper,
les arbres isolés
et les bosquets
disparaissent, les
voies de desserte
sont élargies pour
faire transiter
des machines
volumineuses,
les mares asséchées
et rebouchées.?»
_ GUILLAUME MARCHAND
Les terres agricoles représentent
la première occupation du sol français,
départements d?outre-mer inclus.
Elles couvrent 28,51millions
d?hectares, environ 47% du pays,
un taux qui monte à 52% en France
métropolitaine. La majorité d?entre
elles sont cultivées ou mises en
jachère, tandis que les prairies
permanentes, pour les animaux
en pâture, ou en fauche pour la paille,
représentent un tiers des surfaces
agricoles.
Pour documenter les transformations
des parcelles agricoles, l?IGN
contribue, depuis 2014, à l?actualisation
du registre parcellaire graphique
(RPG), aux côtés de l?Agence de
services et de paiement (ASP),
du ministère de l?agriculture et
de la souveraineté alimentaire, et
des services déconcentrés DDT(M).
Mis à jour tous les ans par
photo-interprétation à partir de
vues aériennes et à l?aide des
déclarations des agriculteurs,
demandeurs d?une aide de la politique
agricole commune, ces données
assurent l?information relative à
l?utilisation agricole des sols : type
de culture, prairie, terre arable, etc.
«?Aujourd?hui, nous introduisons
l?intelligence artificielle dans la mise
à jour du référentiel, pour disposer
à terme d?une base de données
agricoles françaises, avec les chemins,
les haies? Une manière plus précise
et cohérente de représenter les
zonages agricoles, qui complète la
vision morcelée que l?on a encore?»,
estime Guillaume Marchand. >
Malgré l?extension des surfaces
agricoles en France, un rapport du
ministère de l?agriculture et de la
souveraineté alimentaire2 indique que
la quasi-totalité des départements a
perdu des terres agricoles entre 2008
et 2018, à un rythme moyen de -?0,2?%
par an. L?étalement des villes et
la transformation des sols agricoles
en habitations, infrastructures ou
zones commerciales en constituent
la raison principale.
À ce phénomène s?ajoutent deux
défis, alerte Guillaume Marchand:
«?Nous devons faire face, dans les dix
prochaines années, à une déprise
agricole en termes de démographie,
avec un tiers des agriculteurs
qui va partir à la retraite. Et puis,
il y a le réchauffement climatique.?»
Un processus de transition
agroécologique est lancé, sous
l?impulsion de politiques publiques
comme le Pacte vert pour l?Europe.
L?objectif : adapter les cultures et
les pratiques en fonction des
ressources en eau et de l?élévation
des températures.
Pour poursuivre l?ambition de
souveraineté alimentaire, enjeu
prioritaire, le ministère de l?agriculture
affiche la volonté de remettre en
culture des terres afin qu?elles soient
exploitées et non abandonnées.
Selon le spécialiste, «?cette
réorganisation fait écho au
remembrement : afin que les
exploitations soient aussi accessibles
aux jeunes agriculteurs et compte
tenu de l?importance de tous
les éléments du paysage pour la
biodiversité et le climat, les parcelles
agricoles vont évoluer encore
une fois?». Autant de données
et d?outils d?aide à la décision
qui devront être mobilisés pour
ce chantier d?envergure.?>
Un registre des parcelles agricoles
Souveraineté alimentaire et enjeux environnementaux
-?0,2?%
La quasi-totalité des
départements a perdu des
terres agricoles entre 2008
et 2018, à un rythme
moyen de -?0,2 % par an.
À DÉCOUVRIR
BD ORTHO®
Vues aériennes du territoire
national mise à jour tous
les trois ans par l?IGN à
une résolution de 20cm.
29
L?OCCUPATION
DES SOLS
L?ÉVOLUTION DE LA TAILLE
DES TERRES AGRICOLES
LIEU : VALDALLIÈRE (CALVADOS)
Dates : 1950-65 et 2021
Le remembrement agricole transforme le paysage:
la myriade de parcelles, entourées de haies, est encore
visible dans les orthophotographies en noir et blanc.
Aujourd?hui, la majorité des mares et des bosquets ont
disparu, pour faciliter le passage des engins et maximiser
les surfaces agricoles utiles. La superposition des parcelles
du RPG 2021 à l?image historique (page de droite) permet
de visualiser l?évolution de la taille des zones cultivées.
? Avant
? Après
30
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
Registre parcellaire graphique (RPG) 2021
Blé tendre
Maïs grain et ensilage
Orge
Autres céréales
Colza
Tournesol
Autre oléagineux
Protéagineux
Plantes à fibres
Semences
Gel (surface gelée
sans production)
Gel industriel
Autres gels
Riz
Légumineuses à grains
Fourrage
Estives et landes
Prairies permanentes
Prairies temporaires
Vergers
Vignes
Fruit à coque
Olivier
Autres cultures industrielles
Légume ou fleur
Canne à sucre
Arboriculture
Divers
Non disponible
31
L?OCCUPATION
DES SOLS
PAYSAGES DU REMEMBREMENT
k Motivé par la mécanisation de l?agriculture, le remembrement,
intense dans la deuxième moitié du XXe siècle, opère une simplification et
un agrandissement des parcelles, en particulier dans les régions de champs
ouverts (openfield). Cette politique foncière a une conséquence administrative :
la délimitation des communes est souvent modifiée pour s?adapter
au nouveau contour des surfaces cultivées.?g
Le coup d?oeil de Lucas
Découvrez les cartes imaginaires
et interprétées par Lucas,
géographiste indépendant.
32
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
Quel est le rôle de l?OCS GE, le référentiel
d?occupation du sol à grande échelle
développé par l?IGN??
B.W. Le but principal de l?OCS GE est
de calculer l?artificialisation du sol et
de la suivre dans le temps. Grâce à cet outil,
les collectivités peuvent croiser les données
et définir une politique d?urbanisme
en fonction de la trajectoire de la
consommation d?espaces. Elles peuvent
distinguer les zones perméables des zones
imperméables, les espaces naturels,
agricoles et artificialisés et comparer
les surfaces dont l?occupation du sol a
évolué entre deux dates. Disponible à l?IGN
depuis 2014, initialement sur une trentaine
de départements, l?OCS GE se réinvente
dans le cadre de l?Observatoire de
l?artificialisation des sols, sous l?impulsion
de la Direction générale de l?aménagement,
du logement et de la nature (DGALN).
Pour réaliser ce référentiel, l?IGN travaille
conjointement avec le Cerema et l?Inrae.
Ensemble, nous avons développé une
nomenclature de l?OCS GE, socle pour
préciser les contours de l?objectif de «?zéro
artificialisation nette?».
En quoi consiste la nomenclature
de l?OCS GE??
A.G. L?OCS GE, référentiel de données
vectorielles à grande échelle, décrit
l?occupation du sol selon une double
nomenclature : la couverture du sol, qui
regroupe 14 catégories, et l?usage du sol,
qui en contient 20. Il faut rappeler que ce
L?OCS GE,
L?OUTIL PHARE DE L?IGN
POUR DÉTECTER ET SUIVRE
L?ARTIFICIALISATION DES SOLS
En s?appuyant sur ses données socles,
l?IGN pilote la production d?un référentiel
à grande échelle pour la description de
l?occupation du sol français : l?OCS GE.
Cet outil, au service de l?État et des
collectivités, cartographie les couches
de surface du sol, distingue les zones
imperméables, agricoles, forestières et
permet de quantifier et de qualifier l?évolution
des territoires et leur artificialisation nette.
Depuis 2019, l?Institut emploie la télédétection
par intelligence artificielle pour accélérer
la production et multiplier les usages.
ANATOL GARIOUD
Ingénieur au sein du
département d?appui
à l?innovation et
spécialiste de l?IA
BORIS WATTRELOS
Chef de projet
IGN OCSGE
INNOVATION
REPÈRES
La télédétection
par intelligence
artificielle (IA) est
utilisée depuis 2019
par l?outil OCS GE.
33
L?OCCUPATION
DES SOLS
produit est composé à partir de plusieurs
bases de données socles: la BD TOPO®,
la base de données qui regroupe les
informations géographiques structurantes
comme le bâti et l?ossature, c?est-à-dire
le réseau routier, les voies ferrées, les cours
d?eau, puis la base de données forêt
(BD Forêt®), le Registre parcellaire
graphique (RPG) et les prises de vues
aériennes de la BD ORTHO®. Des seuils
nous permettent de prendre en
considération seulement les surfaces
significatives : pour les zones bâties, par
exemple, l?OCSGE détecte les bâtiments
à partir de 50 m2.
Quel est le lien entre l?OCS GE
et l?objectif «?zéro artificialisation
nette?» (ZAN)??
B.W. Dans le cadre de l?objectif «?zéro
artificialisation nette?» (ZAN) à l?horizon
2050, défini initialement en 2018 par le plan
biodiversité, puis réglementé par la loi
Climat et Résilience en 2021, les fonctions
de l?OCS GE ont évolué. On peut identifier
deux cas d?usages majeurs : au niveau
de l?État et de la DGALN, cet outil permet
de faire le bilan de l?artificialisation nette
nationale. Le ZAN est la différence entre
ce qui est artificialisé et ce qui est
desartificialisé, comme une zone renaturée
ou défrichée. Et un deuxième cas d?usage,
plus local, destiné aux collectivités, qui vont
pouvoir croiser les données et définir une
politique d?urbanisme en fonction de la
trajectoire de la consommation d?espaces,
du maintien des trames vert et bleu, etc.
Pour respecter la nouvelle feuille de route
fixée par l?État et accélérer la production de
données, nous avons introduit l?IA dans
le processus.
Comment l?IA est-elle employée
concrètement dans la réalisation
de ce référentiel??
B.W. L?IA permet d?accélérer. En 2019,
nous avons lancé une expérimentation
sur le Gers, suivie par une première
production en 2022. Depuis septembre
de la même année, nous sommes rentrés
dans une phase de production de masse.
On va couvrir l?ensemble du territoire
d?ici à début 2025, avec deux millésimes
par département minimum. L?IA nous
permet de procéder actuellement
à un rythme «?de croisière?» de quatre
départements par mois.
A.G. On utilise l?IA, car, pour couvrir la France
entière, on aurait besoin de traiter 16 billions
de pixels d?orthophotographies,
correspondant aux 641?184 km2 de la France
métropolitaine et ses départements et
territoires d?outre-mer. Quand on travaille
à cette échelle, l?hétérogénéité des données
s?avère une vraie problématique : si l?on
prend la classe bâtiment, par exemple, les
spécificités locales peuvent être des toits
en tuile, en zinc, en bois? Cela complexifie
la tâche de l?algorithme de l?IA, car l?on veut
d?abord qu?il reconnaisse ces éléments
comme des bâtiments. Couvrir la France
entière requiert environ trois ans. Cela veut
dire que des données sur une même zone
peuvent être acquises en mars ou
en novembre, et un champ de maïs, entre
«?L?IA permet
d?accélérer.?»
_ BORIS WATTRELOS
INNOVATION L?OGS GE
16 billions
On utilise l?IA, car, pour couvrir
la France entière, on aurait
besoin de traiter 16 billions
de pixels d?orthophotographies,
correspondant aux 641?184 km2
de la France métropolitaine
et ses départements et territoires
d?outre-mer.
50 m2
Pour les zones bâties,
l?OCSGE détecte
les bâtiments à partir
de 50 m2.
34
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
autres, change dans ce laps de temps.
Le défi de l?IA est celui d?être robuste
à ces variations.
Comment fonctionne la télédétection
par IA??
B.W. L?IA est très apprenante et, aujourd?hui,
elle a la capacité à généraliser et à
apprendre des traits spécifiques à certaines
classes. Au début, elle exploite les
photographies aériennes, dont celles en
infrarouge, particulièrement utiles pour
mieux distinguer la végétation ou les
surfaces d?eau. En parallèle, on lui donne
une information sur l?élévation par rapport
au sol des objets.
A.G. Il s?agit d?une méthode nommée
«?apprentissage supervisé?». L?IA apprend
à partir d?un jeu de données constitué de
2?500 km2, sélectionnés en fonction de la
représentativité du territoire et sur lesquels
des photo-interprètes ont annoté le type
de couverture du sol. Il s?agit de zones
littorales, montagneuses, d?un peu tous
les macro-paysages répartis sur
64départements français et sur lesquels
l?IA reconnaît 16 types d?OCS différents.
Une fois le modèle obtenu, il va être
appliqué sur la France entière, sur une
région que l?IA n?a jamais vue. À terme,
l?idée est de faire évoluer le produit IA
pour qu?il devienne un outil à part
entière : CoSIA (Couverture du sol par
intelligence artificielle). Cela servira
à distribuer des cartes de couverture
du sol produites automatiquement par IA.?>
«?On va couvrir l?ensemble
du territoire d?ici à début 2025,
avec deux millésimes par
département minimum.
L?IA nous permet de procéder
actuellement à un rythme
?de croisière? de quatre
départements par mois.?»
_ BORIS WATTRELOS
«?L?IA apprend à partir
d?un jeu de données constitué
de 2?500km2, sélectionnés
en fonction de la
représentativité du territoire.?»
_ ANATOL GARIOUD
GLOSSAIRE COSIA : outil en développement
pour décrire la couverture du sol
selon 16 classes (bâtiment,
surface d?eau, conifère, culture,
broussaille...). Il est produit par
l?IA pour tout le territoire
français, avec une haute
résolution de 20 cm par pixel.
ZÉRO ARTIFICIALISATION
NETTE (ZAN): Le «?zéro
artificialisation nette?» représente
l?objectif fixé par la loi Climat
et Résilience d?atteindre,
en 2050, une différence de zéro
entre le sol artificialisé et le sol
désartificialisé.
NOMENCLATURE: L?OCS GE,
base de données vectorielle,
dispose d?une double
nomenclature, une sorte de
légende rédigée à partir des
recommandations du Conseil
national de l?information
géolocalisée (CNIG) et la
directive européenne INSPIRE.
Elle est séparée en une
nomenclature pour la couverture
du sol et une deuxième pour
l?usage du sol.
L?OGS GE
35
L?OCCUPATION
DES SOLS
À partir des prises de vues aériennes et des données extraites
des bases de l?IGN, l?OCS GE découpe le territoire en secteurs
d?occupation du sol. Entourée de champs, l?Hermitage est dominée
par des formations herbacées, en vert. Les surfaces anthropisées
ressortent en rose. Le processus s?appuie sur une IA capable
de prédire la classe de couverture du sol à partir d?un seuil de
recouvrement (ex. végétation herbacée si la surface est ? à 25%).
L?OCS GE
LIEUX : L?HERMITAGE ET
LA BANLIEUE OUEST
DE RENNES (ILLE-ET-VILAINE)
Date : 2020
36
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
Couverture du sol
Zones bâties
Zones non bâties
Zones à matériaux minéraux
Zones à matériaux composites
Sols nus
Surfaces d?eau
Peuplements de feuillus
Peuplements de conifères
Peuplements mixtes
Formations arbustives
et sous-arbrisseaux
Autres formations ligneuses
Formations herbacées
Autres formations non ligneuses
37
L?OCCUPATION
DES SOLS
Près de Coulommiers, les photographies aériennes
infrarouges montrent la transformation du territoire
à quatre ans de distance. L?OCS GE décrit la fonction principale
attribuée à un terrain à un instant précis. L?usage des sols
se divise en 20 classes : agricole, commercial, routier,
résidentiel? La partie en violet, par exemple, en haut
de l?image à droite, revient à l?agriculture à la fin des travaux.
LE SUIVI DE L?ARTIFICIALISATION
DES SOLS EN DEUX ÉTAPES
LIEU : COULOMMIERS (SEINE-ET-MARNE)
Dates : 2017 et 2021
? Avant
? Après
38
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
? Avant
? Après
Usage du sol
US1.1 - Agriculture
US1.2 - Sylviculture
US1.3 - Activités d?extraction
US1.4 - Pêche et aquaculture
US1.5 - Autres productions
primaires
US2 SII
US235 - Production secondaire,
tertiaire et usage résidentiel
US3 SIII
US4.1.1 - Réseaux routiers
US4.1.2 - Réseaux ferrés
US4.1.3 - Réseaux aériens
US4.1.4 - Réseaux voies d?eau
US4.1.5 - Autres réseaux de transport
US4.2 - Services de logistique et de stockage
US4.3 - Services publics
USS Résidentiel
US6.1 - Zones en transition
US6.3 - Sans usage
US6.6 - Usage inconnu
39
L?OCCUPATION
DES SOLS
POINT DE VUE
AMÉNA
GEMENT
40
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
PARTIE 2
Le paysage français n?est pas qu?une simple réalité
environnementale, il est le résultat de transformations
culturelles et économiques profondes. Son organisation,
tiraillée par les intérêts des uns et des autres, produit
et supprime des continuités territoriales, reflets des
priorités d?époques différentes. Étalement urbain, déprise
agricole, reconquête forestière? aménager un territoire
est d?abord une question de choix et d?équilibre entre
l?usage des espaces communs.
41
L?OCCUPATION
DES SOLS
0 Jacqueline Osty, paysagiste,
est reconnue pour son travail où
les préoccupations patrimoniales,
urbaines et environnementales sont
toutes intégrées à la conception
des projets. Elle a fondé l?Atelier
JacquelineOsty&Associés (AJOA)
qui travaille sur des projets de nature
et d?échelle extrêmement variées :
parcs urbains, places et autres
espaces publics. Pour ses
réalisations, Jacqueline Osty a été
récompensée à plusieurs reprises,
dernièrement en 2020 avec le Grand
Prix de l?urbanisme.
« LE PAYSAGE,
PARTIE SENSIBLE
DU TERRITOIRE »
G
rand Prix de l?urbanisme 2020, Jacqueline Osty
est avant tout paysagiste. Au carrefour du vécu
et du perçu, le paysage est, selon elle, capable
de nous reconnecter au domaine du sensible.
À une époque où l?on cherche à stopper
l?artificialisation des sols, le travail fait sur le
paysage peut nous permettre de prendre le recul suffisant pour
repenser nos territoires de manière plus globale.
Pourriez-vous nous donner une définition du paysage??
À quoi sert-il dans les projets d?aménagement du territoire??
Le paysage est le résultat d?une forme d?alchimie qui croise de nom-
breuses thématiques. Une notion transversale, fragile, importante pour
moi, car elle fait appel au sensible. Parlez à quelqu?un des paysages de
son enfance et vous verrez que tout un système de résonances très
complexe se met en place. Lorsque vous vivez à un endroit, vous êtes
forcément sensible à son paysage. Aujourd?hui, on parle beaucoup du
paysage au travers de son aspect environnemental, mais c?est un peu
restrictif. Ce paysage est éminemment culturel, il s?appuie autant sur
des données historiques que géographiques, géologiques, écologiques,
sociales ou artistiques. Tout cela fabrique des lieux et des imaginaires.
C?est le rôle du paysagiste d?agir sur ces espaces extérieurs. Sur les
jardins, tout d?abord, qui sont des mondes clos. Mais, de plus en plus,
sur les espaces publics qui sont des mondes ouverts. Cette connexion
mentale que permet le paysage est essentielle lorsqu?on réfléchit à
l?aménagement d?un territoire, à la construction d?un nouveau quartier
ou d?un parc, par exemple. Quand je travaille sur un paysage, je n?ai pas
de recette. Pour chaque lieu, j?ai l?impression de commencer une nouvelle
histoire en fonction de ce que je perçois. Il est important de penser le
paysage comme un système de liens et d?articulations. Une continuité
entre plusieurs espaces et non pas sous son seul aspect d?agrément et
d?embellissement.
Comment la prise en compte de ce paysage a-t-elle évolué
dans le travail d?urbanisme??
La pandémie a accéléré et mis l?accent sur la nécessité d?avoir des
espaces de nature à proximité. Mais la tendance était déjà là. La crise
Jacqueline Osty, paysagiste
42
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
climatique, la question de l?espace urbain, des pollutions des sols amène
régulièrement le sujet au coeur des débats, même si c?est un peu trop
sous son seul aspect environnemental, comme je le disais précédem-
ment. Cette prise de conscience a changé le rôle du paysagiste. Autre-
fois, la question de l?urbanisme était une histoire de plan de masse
dévolue aux architectes. On appelait ensuite les paysagistes pour
travailler sur l?espace résiduel. On commence aujourd?hui à réfléchir à
des projets communs. Quand on travaille à la transformation d?un lieu,
il faut chercher de l?information au-delà du seul périmètre de ce lieu
pour comprendre comment il est connecté, quelles sont ses interactions,
les usages qui y prennent place. Même si un architecte sait le faire
avec l?environnement proche du site, le paysagiste va chercher
ces interactions beaucoup plus loin. C?est une démarche inverse.
Une inversion du regard.
En quoi la carte peut-elle aider dans ce caractère sensible
du paysage ?
La carte constitue une mémoire qui a la capacité à révéler des éléments
pérennes d?un territoire. Le sol vous donne en héritage les lois de sa
transformation. Il y a toujours besoin d?un travail d?observation et de
lecture du paysage pour comprendre l?espace dans lequel on est amené
à intervenir. La carte au 25?000e est un outil formidable capable de
révéler des données sur l?eau ou l?occupation des sols. Plus largement,
elle donne énormément d?informations, aussi bien sur le relief et la topo-
graphie que sur des zones végétalisées ou urbaines. Les cartes, qui étaient
dessinées autrefois «?à pas d?homme?», ont une approche extrêmement
sensible. Elles comportent des indications qui sont de l?ordre du perçu,
par la personne qui en faisait les relevés et les dessinait. En lisant une
carte, on détecte des éléments qui donnent une spécificité à un paysage
particulier. C?est cette dimension du sensible qui m?intéresse. Ce sont des
outils précieux au même titre que la photo aérienne.
Comment fait-on aujourd?hui pour faire entrer de la nature
dans les villes ?
Cette question appelle plusieurs sujets. Celui de la nécessaire densifi-
cation des villes tout d?abord. On a besoin de reconstruire la ville sur
elle-même pour lutter contre l?étalement urbain et l?artificialisation des
sols. On touche à la question du réemploi de ce qui existe déjà pour
éviter la démolition systématique. Tout est une question d?équilibre.
Dans ce domaine, il y a les notions de temps et de patrimoine qui entrent
en jeu. Il est important de savoir préserver des espaces qui n?ont pas
d?usage précis, même si on ne sait pas forcément ce que l?on va en faire.
L?important est de permettre d?anticiper l?urbanisation, de penser le
temps long de la ville. Changer d?échelle pour chercher à l?inscrire dans
un système de paysage plus global, qui viendrait connecter les quartiers.
C?est important d?assurer des continuités, qu?elles soient temporelles
ou territoriales. Ensuite, il y a la question du réchauffement climatique
et celle des aménités, qui garantissent aux habitants d?avoir plus de
fraîcheur, de nature. Ça nécessite de préserver des espaces vides dans
la ville qui soient des biens communs, qui permettent de conserver de
bonnes proportions. La densité d?une ville n?est plus possible à mon
sens que dans la mesure où l?on prévoit un bon équilibre entre bâti et
espaces ouverts.
Cette approche ne peut-elle pas accélérer l?objectif
de «?zéro artificialisation nette?» des sols?? Sommes-nous
obligés d?attendre l?échéance fixée à 2050??
On aimerait que ça aille plus vite, mais on se confronte à des sujets
d?équilibre des territoires, la nécessité de loger sa population, de dé-
velopper des bassins d?activités économiques qui demandent d?étendre
des parcelles constructibles. Ce qui est en jeu ici, c?est aussi le principe
de la maison individuelle. Ce sont des sujets compliqués qui touchent
au modèle de société, au même titre que la voiture. On est obligés d?y
aller, mais ça va prendre du temps. Les hommes ne se soignent que
quand ils sont malades, c?est bien connu. Ça demande de changer
les mentalités, les imaginaires. Quand on fait notre métier on essaye
de sensibiliser, mais on n?est pas nécessairement entendu ni suivi.
L?urbanisation est un peu comme un énorme bateau. Vous ne pouvez
pas l?arrêter comme ça du jour au lendemain. Il y a une force d?inertie
importante.?>
L?agence Osty & Associés
travaille actuellement
sur un projet d?envergure :
la réintégration d?espaces
verts, via l?aménagement
de parcs, au sein de la
ZAC Sud-Ouest sur l?Île
de Nantes. Ce terrain
représente une superficie
de près de 90ha
sur les 350ha de l?île.
44 m2
d?espaces verts par
habitant. C?est l?objectif
du nouveau développement
urbain de la ZAC Sud-Ouest
de l?Île de Nantes.
En comparaison, le reste
de la ville propose
actuellement 35 à 37 m2
d?espaces verts par habitant.
50?ans
C?est le temps nécessaire
au projet urbain de l?Île
de Nantes.
43
L?OCCUPATION
DES SOLS
Nichée entre Issy-les-Moulineaux et Boulogne-Billancourt,
l?île Saint-Germain accueille un parc de 22 ha. Elle subit
une urbanisation rapide dans les années 1930, quand
l?industriel Renault installe des usines sur l?île voisine de Seguin.
Ex-siège de casernes militaires, l?île ne deviendra jamais zone
portuaire, mais sera transformée en parc en 1980, après la
démolition de 35 bâtiments et le reboisement par 1?500 arbres.
L?AMÉNAGEMENT
DU PARC DÉPARTEMENTAL
DE L?ÎLE SAINT-GERMAIN
LIEU : ÎLE SAINT-GERMAIN
(HAUTS-DE-SEINE)
Dates : 1963 et 2021
? Avant
? Après
44
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
Dans le cadre du programme LiDAR HD, l?IGN acquiert,
traite et diffuse en open data des nuages de points d?une
densité moyenne de 10 points par mètre carré, la couverture
la plus fine jamais établie pour la France entière. Le programme
répond aux besoins d?observation et d?analyse spatiale
dans de nombreux domaines de l?action publique, dont celui
de l?aménagement du territoire.
LIDAR HD EN ZONE URBAINE
LIEU : CHAMBÉRY (SAVOIE)
Date : 2022
45
L?OCCUPATION
DES SOLS
Le LiDAR (LIght Detection And Ranging) est une technique
de mesure de distance (télémétrie) qui exploite les propriétés
de la lumière. On l?utilise pour restituer des objets ou des
environnements en trois dimensions. Dans le rendu final,
les couleurs sont choisies de manière assez aléatoire et
les nuances varient selon la distance au sol des éléments.
LIDAR HD EN ZONE URBAINE
LIEUX : AVIGNON (VAUCLUSE)
ET CALVI (HAUTE-CORSE)
Date : 2022
46
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
Embarqué dans un avion ou un véhicule, le LiDAR émet,
vers un objet ou vers le sol, des impulsions laser infrarouges
à haute fréquence, puis enregistre le temps écoulé entre
l?émission de ces impulsions et leur retour à l?émetteur afin
d?en déduire la position des points touchés. Les données
sont ensuite traitées pour élaborer des modèles numériques
en 3D, comme ici pour les communes d?Avignon et de Calvi.
47
L?OCCUPATION
DES SOLS
À partir de 1960, l?État développe la politique des villes
nouvelles. Pour désengorger les métropoles et équilibrer
les territoires, il crée neuf villes, dotées de tous les
équipements, contrairement aux villes-dortoirs de banlieue(1).
Cinq villes nouvelles naissent en Île-de-France, quatre
en province(2), dont celle d?Étang-de-Berre, aujourd?hui
intégrée à la métropole d?Aix-Marseille-Provence.
L?ÉTALEMENT URBAIN DES VILLES NOUVELLES
LIEU : ISTRES, EX-L?ÉTANG-DE-BERRE
Dates : 1942 et 2017
? Avant
? Après1 Comment sont nées les villes nouvelles de l?étang
de Berre?? Histoire urbaine, histoire d?un territoire,
Estelle Bouët, phonotheque.hypotheses.org, 2019.
2 Villes Nouvelles Françaises, ministère de la culture.
48
ATLAS IGN
2023
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
L?aire urbaine de Cayenne, étalée sur 4?800 km²?(1), regroupe
environ 130?000 habitants(2) et concentre 52 % des habitants
de la Guyane française. Les cartes de l?IGN montrent comment,
en l?espace de soixante-dixans, la ville, construite près
de terres basses marécageuses, a grignoté des surfaces.
Comme, autour du Mont Baduel, au milieu, ou le long de
la route de Montabo, en haut des deux cartes.
LE DÉVELOPPEMENT
URBAIN DE CAYENNE
LIEU : (GUYANE FRANÇAISE)
Dates : 1946 et 2020
? Avant
? Après
1 Trois aires d?attraction peu étendues autour de
Cayenne, Kourou et Saint-Laurent-du-Maroni, insee.fr
2 Cayenne : les défis de l?aménagement d?une métropole
régionale appartenant aux Nords avec
des dynamiques du Sud, geoimage.cnes.fr
49
L?OCCUPATION
DES SOLS
MÉTROPOLES NOURRICIÈRES
k Au sein même des villes-centres des plus grandes agglomérations,
l?agriculture constitue un des usages du sol, soit parce qu?elle s?y est maintenue,
soit parce qu?elle y est à nouveau encouragée. Ces parcelles côtoient souvent
des espaces artificialisés, densément urbanisés. Les données du Registre
parcellaire graphique (ici millésime 2021) précisent la nature de la production
déclarée par les agriculteurs.?g
Le coup d?oeil de Lucas
Découvrez les cartes imaginaires
et interprétées par Lucas,
géographiste indépendant.
50
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
CHANGEMENTS DE VOIE
k Itinéraires désormais placés au coeur des politiques d?aménagement
et des discours publics sur la ville, voies vertes et sentiers de randonnée se
généralisent en contexte urbain, comme ici à Strasbourg. Sur la partie inférieure
de cette carte au 1?:?25?000e connue du grand public, pistes cyclables (en mauve)
et chemins balisés (en rose) sont mis en avant comme s?ils figuraient les axes
majeurs des territoires durables.?g
Le coup d?oeil de Lucas
Découvrez les cartes imaginaires
et interprétées par Lucas,
géographiste indépendant.
51
L?OCCUPATION
DES SOLS
Le Géoportail
de l?urbanisme
52
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
Huit Français sur dix vivent en ville et près de cinq sur
dix dans une commune de plus de 100?000 habitants,
indique l?Insee(1). Ce développement urbain marqué par
une consommation et une impérméabilisation des sols
fait aujourd?hui l?objet d?une attention particulière dans le cadre
de l?objectif de «?zéro artificialisation nette?». Depuis 2013, l?IGN
et le ministère de la transition écologique et de la cohésion
des territoires mettent en place un dispositif pour rassembler les
projets d?aménagement et rendre accessibles toutes les données
d?urbanisme disponibles : le Géoportail de l?urbanisme (GPU).
Aménager le territoire
TOUTES LES VILLES
À UN SEUL ENDROIT,
LA MISSION DU GÉOPORTAIL
DE L?URBANISME
L?aventure du Géoportail de
l?urbanisme, opérée par l?IGN,
commence par une ordonnance
du 19décembre 2013 : la Direction
de l?habitat, de l?urbanisme et des
paysages (DHUP), une des directions
du ministère de la transition
écologique, souhaitait favoriser
des projets d?aménagement et faciliter
l?accès aux documents d?urbanisme,
tels que les Plans locaux d?urbanisme
(PLU) et les anciens Plans
d?occupation du sol (POS).
«?Comme la plupart de ces plans
n?étaient pas numérisés, il fallait se
rendre dans chaque mairie, aux
horaires d?ouverture, pour chercher
l?information sur papier. Pour les
aménagements étalés sur plusieurs
collectivités, la recherche de
données se révélait chronophage
et dispersive», se souvient Véronique
Pereira, cheffe du service projets
et prestations à l?IGN.
En dématérialisant cette information
et en la rendant accessible et
standardisée à un seul endroit, le GPU
offre aux collectivités une plateforme
sur laquelle verser les documents
d?urbanisme. On y trouve, représentés
cartographiquement, les zonages de
chacune de villes, des espaces ruraux,
périurbains, littoraux ou des zones
naturelles. Chaque document identifie
la possibilité de construire, les
contraintes et les prescriptions
qui s?imposent en matière
d?aménagement, liées par exemple
à des problématiques d?inondation,
de proximité à une voie ferrée ou
à un parc régional.
Même si les communes ne doivent
pas forcément présenter un PLU,
la majorité en dispose, car, autrement,
les règles nationales d?urbanisme
s?imposent.?>
1 Toujours plus d?habitants dans les unités urbaines, Insee, 2020.
53
L?OCCUPATION
DES SOLS
Le taux d?urbanisation
française est passé de 53 %
à 81 % entre 1936 et 2020.
81?%
2013
Le Géoportail de l?urbanisme,
opéré par l?IGN, naît
par une ordonnance
le 19 décembre 2013.
«?Si une collectivité
ne dépose pas
son PLU sur
le Géoportail
de l?urbanisme,
un citoyen a le droit
de ne pas le suivre,
puisque c?est
le seul document
qui fait foi.?»
_ VÉRONIQUE PEREIRA
Depuis janvier 2023, un décret
d?application oblige toute collectivité
à déposer ses documents d?urbanisme,
ainsi que les évolutions, sur le GPU.
«Cette obligation rend les documents
exécutoires, donc opposables au tiers.
Si une collectivité ne dépose pas son
PLU sur le Géoportail de l?urbanisme,
un citoyen a le droit de ne pas le
suivre, puisque c?est le seul document
qui fait foi?», précise Véronique Pereira.
Avec le taux d?urbanisation actuel,
disposer d?un socle commun est une
nécessité. Entre 1936 et 2020, le taux
d?urbanisation est passé de 53 %
à 81% (2), avec un pic dans les années
1970et les travaux d?aménagement
des villes nouvelles. Les utilisateurs
sont donc multiples : le citoyen
intéressé par l?achat d?un terrain,
les agences d?urbanisme, les acteurs
publics, les entreprises foncières?
De plus, selon un rapport du Sénat
publié en 2021, depuis 1981, les
terres artificialisées sont passées
de 3 à 5millions d?hectares (+?70 %),
une croissance supérieure à celle de la
population (+?19 %), avec des effets sur
la capacité des sols à absorber l?eau et
des conséquences sur la biodiversité.
Ce qui touche particulièrement les
espaces ruraux et agricoles.?>
L?objectif de «?zéro artificialisation
nette?» demande aux communes
de repenser la façon de gérer leur
urbanisation. Elles devront travailler
sur la sobriété foncière, détecter
des zones sur lesquelles construire ou
remettre en nature. «?Cela va obliger
les collectivités à revoir leurs plans
à moyen terme. Par conséquent, on
aura un renouvellement de documents
sur le GPU. De notre côté, on croise
cette information avec les données
de l?OCS GE, pour essayer de mettre
en évidence un certain nombre
de phénomènes utiles à la décision
publique?», affirme Bertrand Genty,
chef de projet maîtrise d?ouvrage
à l?IGN.
Par exemple, croiser une prescription
à un zonage à dominante urbaine,
visible grâce à la base de données
de l?occupation des sols. Si un
emplacement est déjà urbanisé, cela
pose des questions sur le respect des
politiques publiques. Ou identifier des
endroits propices pour continuer à
construire, sans enfreindre la loi contre
l?artificialisation : «?Les communes ne
vont pas arrêter de construire des
lycées, une maison de retraite ou
d?autres services publics?», rappelle
Véronique Pereira.?>
Un outil au service de l?État et des collectivités
Maîtriser la consommation d?espace
2 Évolution de la population et de la superficie des unités urbaines, Insee, 2023.
54
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
DONNER ACCÈS
AUX DOCUMENTS
DE PLANIFICATION URBAINE
Le Géoportail de l?urbanisme
met à disposition des citoyens
et des acteurs de l?urbanisme
environ 1?000 documents
d?urbanisme ainsi que plus
de 25?000 servitudes d?utilité
publique.
Il donne accès aux données
ouvertes d?urbanisme produites
par l?État, les collectivités et
autres autorités compétentes,
sur lesquelles s?appuyer
pour développer des services
et produits numériques
connexes.
35?010
Nombre de communes
sur le territoire.
DU
Document d?urbanisme
PLU
Plans locaux d?urbanisme
PLUI
Plans locaux d?urbanisme
intercommunaux
CC
Cartes communales
POS
Plans d?occupation des sols
PSMV
Plans de sauvegarde
et de mise en valeur
SCoT
Schémas de cohérence
territoriale
SUP
Servitudes d?utilité
publique
Pourcentage de surface
des communes couvertes
par un DU publié/surface
totale de l?ensemble des DU
attendus sur le territoire.
79,38 %
Nombre de communes couvertes par un DU publié 20?684 communes
Répartition par type de document
Nombre de communes couvertes par un DU publié 9?144 communes
Nombre de communes couvertes par un POS publié 14 communes
Nombre de communes couvertes par une CC publiée 3?038 communes
Nombre de communes couvertes par un PLUi publié 9?366 communes
23,11 %
Pourcentage de surface
couverte par les communes
soumises au RNU/surface
totale du territoire.
9?122
Nombre de communes
sur le territoire soumises
au RNU.
DÉCOUVRIR
LE GÉOPORTAIL
DE L?URBANISME
Tout savoir sur la genèse,
l?histoire et le fonctionnement
du Géoportail de l?urbanisme.
1 Données de consultation recueillies
via l?outil Piwik.
RAPPORT DE
PERFORMANCE
Données(1) de consultation
du Géoportail de l?urbanisme
pour la période du 30/04/2023
au 30/05/2023.
7 min 29 s.
Durée moyenne
d?une visite.
268?353
Nombre de visites
sur la période donnée.
Un volume de visites qui
souligne toute l?importance
du Géoportail de l?urbanisme
sur le territoire national.
55
L?OCCUPATION
DES SOLS
La commune de Le Port est située entre Saint-Denis et
Saint-Paul sur l?île de La Réunion. Les couleurs représentent
les zonages des documents d?urbanisme : zones urbaines ou
à urbaniser (nuances de rouge), zones agricoles (jaune) et
zones naturelles ou forestières (vert). Les sigles Ua, Ub, N, etc.
caractérisent ce découpage : quartiers d?habitations individuelles,
centre historique de la commune, secteurs naturels à protéger, etc.
LES DOCUMENTS
D?URBANISME DE LE PORT
LIEU : LE PORT (LA RÉUNION)
Date : 2023
Zone urbaine
Zone à urbaniser,
ouverte
Zone à urbaniser,
bloquée
Zone agricole
Zone naturelle
et forestière
56
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
Périmètre des abords - AC1
Monuments historiques - AC1
Réserves naturelles - AC3
Maîtrise des canalisations de gaz,
d?hydrocarbures et de produits chimiques - I1
Canalisations électriques aériennes - 14
Canalisations électriques souterraines - 14
Canalisations électriques - 14
Plans de prévention des risques naturels
et miniers - PM1
Inondations pour la rétention des crues
du Rhin - PM1bis
Plans de prévention des risques
technologiques - PM3
FA Zones de rétention d?eau et de mobilité
des cours d?eau - PM4
Circulation aérienne - T5
SERVITUDES D?UTILITÉ PUBLIQUE,
STRASBOURG
LIEU : STRASBOURG ET AÉROPORT
(BAS-RHIN)
Date : 2023
Les servitudes d?utilité publique affectent et limitent
le droit et l?utilisation des sols(1). Il existe quatre catégories,
dressées par décret et annexées au code de l?urbanisme.
Elles sont relatives à :
? la conservation du patrimoine?;
? la présence de certains équipements,
comme les canalisations, les mines, etc.?;
? la défense nationale?;
? la salubrité et la sécurité publique.
1 Les servitudes d?utilité publique affectant
l?utilisation des sols (SUP), cerema.fr
57
L?OCCUPATION
DES SOLS
La description de l?occupation du sol passe par la connaissance précise des parcelles
cadastrales et des biens bâtis. À partir de 1807, Napoléon met en place le service chargé
de réaliser un plan cadastral national, aujourd?hui informatisé (PCI). Depuis 2014, les travaux
conjoints de la direction générale des finances publiques et de l?IGN visent à résoudre les
discontinuités de ce plan en s?appuyant sur les données du Référentiel foncier unifié (RFU)
de l?ordre des géomètres-experts, de l?orthophotographie HD et des cartes de classe issues
du LiDAR HD. Cette nouvelle représentation parcellaire cadastrale unique (RPCU) est en cours
de publication dans l?Ain et déjà adoptée dans le 35, le 44, le 45, le 92 et le 94. Sur les visuels
à droite sont superposés la donnée cadastrale parcellaire et le bâti du plan cadastral.
CONSTITUER LA REPRÉSENTATION
PARCELLAIRE CADASTRALE
UNIQUE (RPCU)
LIEU : VIRIEU-LE-GRAND (AIN)
Dates : 1831-1968 et 2023
58
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
1 La seule classe filtrée est la classe de végétation haute,
qui masque les détails aux sols.
Plan napoléonien. Plan napoléonien
avec bâti PCI actuel.
Orthophotographie
de résolution 20 cm.
Carte de classe
de résolution 25cm
calculée à partir
du nuage de points
du LiDARHD(1).
59
L?OCCUPATION
DES SOLS
Un «?portail cartographique des énergies
renouvelables?», de quoi s?agit-il??
N.L. Ce portail cartographique naît à la suite
de la promulgation de la loi d?accélération
de la production d?énergies renouvelables,
le 10mars 2023, qui prévoit la mise
en place d?une planification territoriale
ascendante, où les communes définissent
des «?zones d?accélération pour l?implantation
d?installations terrestres de production
d?énergies renouvelables?». La responsabilité
est déléguée aux collectivités, au plus près
des citoyens. Et l?État met à disposition
des communes toutes les informations
disponibles. Agnès Pannier-Runacher,
ministre de la transition énergétique, a donc
demandé à l?IGN et au Cerema de développer
un outil pour visualiser et analyser les enjeux
des territoires à prendre en compte dans le
déploiement des énergies renouvelables.
Quels sont les objectifs de ce nouvel outil??
Y.A. Le premier objectif est que les communes
puissent identifier des zones d?accélération
favorables à l?implantation de projets
d?énergies renouvelables. Grâce au portail,
elles disposent, par exemple, des
informations sur les potentiels de vent,
sur les réglementations en vigueur, comme
l?interdiction d?installations photovoltaïques
aux abords des monuments, sur les capacités
d?intégration des énergies renouvelables
dans les réseaux. Deuxième objectif :
informer les citoyens, entre autres, sur les
personnes qui veulent installer des panneaux
photovoltaïques sur le toit de leur maison.
Comment l?IGN participe-t-il à améliorer la
qualité des débats autour de l?implantation
des énergies renouvelables??
Y.A. Avant le développement du portail,
l?information existait, mais elle était dispersée
dans les différents services de l?administration
ou chez les gestionnaires des réseaux
d?énergie. De ce fait, elle n?était pas
facilement accessible. C?est également
un outil adapté à la concertation citoyenne,
avec la possibilité de traiter conjointement
les enjeux des énergies renouvelables,
l?adaptation aux impacts du changement
climatique et de prendre en considération
l?artificialisation des sols. Par exemple, une
forêt particulière à proximité d?une ville peut
représenter un poumon vert et a donc
une valeur spécifique de ce point de vue.
La raser pour installer un parc éolien ou un
parc solaire n?aurait pas de sens dans ce
contexte.>
Portail cartographique
EnR (version bêta) :
YÉLISE AKOL
Chargée des relations
partenariales sur la
thématique énergie
NICOLAS LAMBERT
Chef du service des
partenariats et des
relations institutionnelles
À DÉCOUVRIR
Cartes.gouv.fr :
c?est le nouveau site
de référence pour toutes
les données territoriales.
Il remplacera le
Géoportail cet automne
et permettra de
développer des portails
comme celui des
énergies renouvelables.
RENOUVELABLES
À LA CARTE
En mai 2023, un nouveau portail
cartographique des énergies renouvelables
a vu le jour. Réalisé par l?IGN et le Cerema,
cet outil est indispensable pour favoriser
le développement des énergies
renouvelables terrestres.
INNOVATION
60
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
PARC PHOTOVOLTAÏQUE DE CESTAS
LIEU : CESTAS (GIRONDE)
Date : 2021
Inaugurée le 1er décembre 2015, la plus grande
centrale photovoltaïque de France est située à Cestas,
dans la banlieue sud-ouest de Bordeaux. Camouflée
plus ou moins bien entre les parcelles agricoles,
elle est composée de 938?500panneaux
et s?étend sur l?équivalent de 350terrains de football.
Superficie
de la centrale
de Cestas:
environ
260 ha,
l?équivalent
de 350 terrains
de football.
61
L?OCCUPATION
DES SOLS
En ligne depuis mai 2023, le nouveau portail cartographique
des énergies renouvelables est réalisé en partenariat avec
le Cerema, sur demande du ministère de la transition
énergétique. La couche «?potentiel éolien terrestre en France?»,
produite par l?IGN, découpe le pays en zones rédhibitoires, peu
ou très favorables à l?implantation éolienne. Elle est destinée
aux élus, mais n?a pas de valeur juridique ou politique.
POTENTIEL ÉOLIEN
TERRESTRE EN FRANCE
LIEU : FRANCE NORD-OUEST
Date : 2023
Potentiel éolien terrestre réglementaire
Zones rédhibitoires
Zones non potentiellement favorables (forts enjeux)
Zones potentiellement favorables (sous réserve
de prise en compte des enjeux)
Zones potentiellement favorables (sous réserve
de prise en compte des enjeux locaux)
62
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
POTENTIEL SOLAIRE
EN TOITURE
LIEU : CANNES (ALPES-MARITIMES)
Date : 2023
Le portail cartographique des énergies renouvelables
propose une multitude d?informations : occupation du sol,
aires protégées, urbanisme. Parmi les couches disponibles,
le Cerema a notamment apporté des données sur le potentiel
des énergies renouvelables, comme le potentiel solaire
photovoltaïque sur toiture, ici représenté sur la commune
de Cannes. Plus le rouge est foncé, plus le potentiel
solaire est haut.
Potentiel solaire sur toiture
0
0 - 50 kWh/an
50 - 100 kWh/an
100 - 200 kWh/an
200 - 500 kWh/an
500 - 1?000 kWh/an
1?000 - 4?000 kWh/an
> 4?000 kWh/an
63
L?OCCUPATION
DES SOLS
POINT DE VUE
ENVIRON-
NEMENTAL
ATLAS IGN
2023 64
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
PARTIE 3
Sous la pression du changement climatique, le territoire
français doit s?adapter. La raréfaction de l?eau douce,
la propagation des incendies et l?intensification des
épisodes de pluie extrême demandent une réorganisation
des espaces. Des îlots de chaleur en ville aux glaciers
du Mont-Blanc, des essences d?arbre aux types de culture,
connaître l?occupation des sols est la première étape
pour structurer un territoire résilient. Un défi auquel l?IGN
veut participer par le futur jumeau numérique du territoire.
65
L?OCCUPATION
DES SOLS
0 Agnès Ducharne, élève de l?École
normale supérieure, est directrice
de recherche au CNRS, au sein
du laboratoire METIS de l?Institut
Pierre Simon Laplace. Spécialiste
des liens entre cycle de l?eau et climat,
elle est membre de l?Académie
d?agriculture de France, et fut
lauréate, en 2021, du Grand Prix
scientifique franco-taïwanais de
l?Académie des sciences pour ses
travaux sur les interactions entre
changement climatique, ressources
en eau et irrigation.
« L?EAU EST UN
FLUX DÉPENDANT
DU CLIMAT »
L
?eau est un élément précieux. Qu?elle vienne à
manquer, et tout le système de société humaine
perdra alors l?équilibre. Avec le réchauffement
climatique, c?est précisément ce qui se dessine pour
l?avenir. Directrice de recherche au CNRS, spécialiste
de la modélisation de l?hydrologie des surfaces
continentales, Agnès Ducharne nous alerte sur la nécessité
d?observer ce cycle de l?eau et de mener des politiques publiques
qui puissent rétablir une certaine harmonie. Sans perdre
de temps?
Pour débuter, pouvez-vous nous expliquer de quoi est
constituée l?eau disponible??
L?eau douce peut être classifiée en deux grandes catégories. D?abord
ce qu?on appelle l?eau bleue, qui transite dans les cours d?eau, les lacs
et les nappes souterraines. C?est celle qui est exploitée par les acti-
vités humaines, l?irrigation, l?eau potable ou la production d?électrici-
té. Il y a ensuite l?eau verte, qui désigne l?eau des sols et qui alimente
la biomasse végétale donc la production agricole. Ces eaux, verte et
bleue, font partie du grand cycle de l?eau global, qui les renouvelle
sans arrêt. D?une manière générale, la quantité d?eau sur la Terre n?a
pas changé depuis des milliards d?années. En revanche, la part de
l?eau liquide, de l?eau solide des glaciers et de l?eau vapeur de l?atmos-
phère varie fortement à la fois dans l?espace et dans le temps. C?est
cette répartition qui modifie le volume d?eau liquide disponible, qu?on
désigne souvent comme les ressources en eau.
Qu?est-ce qui s?est déréglé dans le cycle de l?eau??
L?eau circule sans arrêt entre ses différents états liquide, vapeur et
solide. Il ne faut donc pas la considérer comme un stock statique,
mais comme un flux très dépendant du climat. La Terre a connu un
climat relativement stable depuis dix milleans, qui a permis la
sédentarisation de l?espèce humaine, avec un relatif équilibre des
flux d?eau douce. Cette stabilité est remise en cause depuis le début
de l?ère industrielle par le réchauffement climatique, qui augmente
l?évaporation et les précipitations en moyenne globale. On pourrait
imaginer que l?accroissement des précipitations augmente les
Agnès Ducharne, climatologue et hydrologue
66
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
ressources en eau, mais c?est plus compliqué. Car l?accroissement
des précipitations se concentre dans les régions et les saisons hu-
mides, alors les régions et les saisons sèches voient les leurs dimi-
nuer. Le réchauffement amène aussi à la disparition rapide des
quantités d?eau stockées sous forme solide. Les glaciers du Mont-
Blanc en sont un exemple emblématique.
Quelle est la trajectoire prévue pour cette ressource en eau à l?avenir??
Sur la question du réchauffement, les choses sont claires. Il n?y aura
pas de retour en arrière, donc de refroidissement, à l?échelle de
temps des vies humaines. Sur le cycle de l?eau, les incertitudes sont
plus importantes, notamment au niveau régional. À cause de l?aug-
mentation de l?évaporation, on attend une baisse des ressources en
eau, verte et bleue, sur tout le territoire métropolitain en été. Mais
l?intensité de ces changements est difficile à prévoir, car elle dépend
de notre capacité à réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
Devons-nous désormais considérer que l?eau n?est plus une
ressource renouvelable??
Plutôt que renouvelable, j?aime à dire que l?eau est constamment re-
nouvelée dans les cours d?eau et les nappes. Mais le simple fait de
parler de l?eau comme une ressource nous éloigne de ce renouvelle-
ment naturel par le cycle de l?eau, puisque cela traduit la volonté d?ex-
ploiter cette eau pour nos usages. Et si on prélève davantage d?eau
chaque année que ce qui est renouvelé par le cycle de l?eau, on se
retrouve en situation d?assèchement chronique. C?est le cas, par
exemple, pour la mer d?Aral, le Colorado ou le Nil, et, plus proche de
nous, au niveau du Marais poitevin. On ne peut raisonnablement pas
espérer exploiter quelque chose au-delà de sa vitesse de renouvel-
lement. C?est une équation simple.
Du point de vue de l?aménagement du territoire, existe-t-il un
moyen de changer le cours de choses??
On sait que l?artificialisation des sols contribue à l?accélération du
cycle de l?eau, en diminuant leur capacité d?absorption et de stockage.
C?est un phénomène documenté depuis des années. Or, les villes et
le périurbain continuent à s?étendre, les parcelles agricoles se déve-
loppent au détriment des bosquets, des haies et de la végétation
naturelle des bordures de cours d?eau. Les politiques publiques en
matière d?occupation des sols peuvent donc avoir un impact important,
et certains élus locaux prennent le problème de front. Mais comme
pour le changement climatique, faire des petits pas n?est plus suffisant.
Il ne suffit pas de promettre «?zéro artificialisation nette?» dans
vingt-cinqans, cela doit commencer tout de suite à grands pas.
Comment l?observation des sols vous aide-t-elle à mieux
comprendre la circulation de l?eau??
La cartographie est essentielle à notre travail. Pour faire de la mo-
délisation, qu?il s?agisse du climat ou des écoulements dans les cours
d?eau et les nappes, il faut connaître comment les sols sont occupés.
En visualisant le développement de l?urbanisation, on peut par
exemple caractériser la part de ruissellement par rapport à l?infiltra-
tion dans les sols. Connaître les forêts, la nature des cultures et leur
évolution temporelle fait aussi partie des informations que l?on ex-
ploite. Je travaille actuellement sur l?irrigation pour mieux com-
prendre comment cette pratique diminue l?eau douce disponible,
mais aussi comment cette diminution peut finir par «?tuer la poule
aux oeufs d?or?», si les prélèvements sont excessifs ou à cause du
changement climatique.
Selon vous, pouvons-nous réparer ce cycle ou devons-nous
apprendre à nous adapter??
Il faut faire les deux. On ne retournera pas à des températures plus basses
au XXIe siècle, donc il faut nous adapter, en commençant par consommer
moins d?eau dans tous les secteurs d?activité. Mais il est vital d?éviter que
le climat se réchauffe trop, ce qui impose de réduire fortement nos émis-
sions de gaz à effet de serre. Les gens ne réalisent pas à quel point cela
peut devenir grave. Par conséquent, il faut à la fois ralentir et s?adapter.>
+?0,2?°C
La température mondiale
augmente d?environ 0,2 °C
par décennie.
+?1,5?°C
Sachant qu?elle a augmenté
de 1,1°C en moyenne
globale depuis le début
de l?ère industrielle,
on prévoit avec une grande
probabilité un
réchauffement de 1,5 °C
d?ici vingt ans.
1 Earth System Science Data,
juin 2023.
«?On ne peut
raisonnablement
pas espérer exploiter
quelque chose
au-delà de sa
vitesse de
renouvellement.
C?est une équation
simple.?»
(1)
(1)
67
L?OCCUPATION
DES SOLS
La Bassée est une vaste plaine alluviale inondable. Située
à l?est de la commune de Montereau-Fault-Yonne, à la
confluence entre la Seine et l?Yonne, elle est classée dans
le réseau européen Natura 2000 pour son intérêt écologique
majeur. Un nouvel aménagement, les «casiers de La Bassée(1)»,
vise à restaurer les capacités d?expansion des crues de la Seine
et à retenir 10millions de m3 dans la vallée, en amont de Paris.
PHOTOGRAPHIE AÉRIENNE
EN INFRAROUGE DU CASIER
DE LA BASSÉE
LIEU : MONTEREAU-FAULT-YONNE
Date : 2021
1 Casier de la Bassée :
un ouvrage pour lutter
contre les inondations,
DRIEAT Île-de-France, 2022.
68
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
ENTRAVÉ, DÉTOURNÉ, LIBÉRÉ... LE RHÔNE AU FIL DU TEMPS
k Comptant parmi les plus puissants fleuves d?Europe, le Rhône est
aussi l?un des plus artificialisés. D?abord pour contrer les crues, irriguer
ou favoriser le trafic, d?immenses travaux ont successivement ou
alternativement élargi, détourné, simplifié, puis, par endroits à nouveau,
rendu plus libre le cours du Rhône et de ses affluents. Ces dynamiques
parfois antagonistes façonnent la géographie fluviale.?g
Le coup d?oeil de Lucas
Découvrez les cartes imaginaires
et interprétées par Lucas,
géographiste indépendant.
69
L?OCCUPATION
DES SOLS
La Mer de Glace est un célèbre glacier situé sur le versant
septentrional du massif du Mont-Blanc. Les différentes éditions
des cartes de l?IGN montrent le recul du front du glacier
entre 1937, la couche la plus claire, et aujourd?hui, la couche
la plus foncée. Selon les indicateurs de l?ONERC, l?Observatoire
national sur les effets du réchauffement climatique, l?épaisseur
du glacier s?est rétrécie : la Mer de Glace aurait perdu presque
40 m équivalent eau(1) depuis 1900.
RECUL DU GLACIER
DE LA MER DE GLACE
LIEU : MONT-BLANC (HAUTE-SAVOIE)
Dates : 1937, 1980, 2011, 2023
1 Impacts du changement
climatique : montagne et
glaciers, ecologie.gouv.fr,
2023.
70
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
Évolution de l?épaisseur
du glacier dans le temps
1937
1980
2011
2023
71
L?OCCUPATION
DES SOLS
Habitat ouvert sur substrat acide et humide du domaine tempéré
Habitat ouvert sur substrat acide et mésique du domaine tempéré
Habitat ouvert sur substrat acide et sec du domaine tempéré
Habitat ouvert sur substrat basique et humide du domaine tempéré
Habitat ouvert sur substrat basique et mésique du domaine tempéré
Habitat ouvert sur substrat basique et sec du domaine tempéré
Habitat forestier sur substrat acide et humide du domaine tempéré
Habitat forestier sur substrat acide et mésique du domaine tempéré
Habitat forestier sur substrat acide et sec du domaine tempéré
Habitat forestier sur substrat basique et humide du domaine tempéré
Habitat forestier sur substrat basique et mésique du domaine tempéré
Habitat forestier sur substrat basique et sec du domaine tempéré
Habitat minéral sur substrat acide
Habitat minéral sur substrat basique
Habitat aquatique sur substrat acide
Habitat aquatique sur substrat basique
Habitat cultivé
Zone bâtie et autre habitat artificiel
CarHab est une cartographie nationale de suivi des habitats
naturels et semi-naturels, c?est-à-dire des espaces avec des
conditions écologiques homogènes, établie par modélisation(1).
L?objectif : outiller les politiques d?aménagement du territoire et
de protection de la biodiversité, pour identifier des potentielles
zones à enjeux. L?IGN est chargé de la modélisation des
physionomies de végétation et du croisement avec les données
biotopes, portions territoriales écologiquement homogènes.
CARTE DES HABITATS CARHAB
LIEU : CHER
Date : 2023
1 Programme de cartographie
nationale des habitats naturels et
semi-naturels (CarHab), ministère
de la transition écologique et de
la cohésion des territoires, 2023.
72
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
C - Eaux de surface continentale
C1 - Eaux dormantes de surface
C2 - Eaux courantes de surface
C3 - Zones littorales des eaux de surface continentales
D5 - Roselières sèches et cariçaies, normalement sans eau libre
E1 - Pelouses sèches
E2 - Prairies mésiques
E3 - Prairies humides et prairies humides saisonnières
E5 - Ourlets, clairières forestières et peuplements de grandes herbacées
non graminoïdes
F3 - Fourrés tempérés et méditerranéo-montagnards
F4 - Landes arbustives tempérées
F9 - Fourrés ripicoles et des bas-marais
FB - Plantations d?arbustes
G1 - Forêts de feuillus caducifoliés
G3 - Forêts de conifères
G5 - Alignements d?arbres, petits bois anthropiques, boisements
récemment abattus, stades initiaux de boisements et taillis
H3 - Falaises continentales, pavements rocheux et affleurements rocheux
H5 - Habitats continentaux divers sans végétation ou à végétation
clairsemée
I1 - Cultures et jardins maraîchers
CARTE MODÉLISÉE DES HABITATS
EUNIS, POTENTIELLEMENT
PRÉSENTS DANS LE CHER
LIEU : CHER
Date : 2023
À partir de la carte des habitats CarHab, il est possible
de réaliser des cartes dérivées pour divers besoins. Celle-ci,
par exemple, utilise la nomenclature EUNIS (European Nature
Information System), la base de données de l?Union européenne
qui classifie les habitats naturels, semi-naturels et anthropiques
des espaces terrestres et marins d?Europe. Le programme CarHab
devrait s?achever à l?horizon 2025.
73
L?OCCUPATION
DES SOLS
L?ARCHIPEL DES AIRES PROTÉGÉES
k Le territoire national bénéficie de divers dispositifs de protection.
Parmi eux, les 11 Parcs nationaux (PN) et les 58 Parcs naturels régionaux
(PNR) forment un dense archipel dont les écosystèmes, les paysages
et les savoir-faire sont valorisés. Si leurs modalités de fonctionnement,
de préservation des milieux et d?encadrement des activités diffèrent,
PN et PNR concernent ensemble plus de 20 % du territoire.?g
Le coup d?oeil de Lucas
Découvrez les cartes imaginaires
et interprétées par Lucas,
géographiste indépendant.
74
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
La prévention
des risques
75
L?OCCUPATION
DES SOLS
Amplifié par le réchauffement climatique, le phénomène
des feux de forêt menace au moins 32 départements
français, situés dans tout le territoire. Afin de mieux
prévenir ce risque, l?IGN a publié, en mars 2023, un
zonage informatif des Obligations légales de débroussaillement
(OLD). La Base de données sur les incendies de forêt (BDIFF), le
LiDAR et le service de l?imagerie aérienne viennent compléter
l?arsenal de données et d?outils produits par l?IGN et ses parte-
naires, indispensables pour évaluer les dégâts liés aux risques
naturels sur le territoire et mieux les prévenir.
LE CARTOGRAPHE
EN PREMIÈRE
LIGNE POUR PRÉVENIR
LES RISQUES
En 2022, la France a atteint le triste
record de 66?000 hectares de forêt
partis en fumée. Des Vosges à
la Bretagne, de la Gironde aux
Bouches-du-Rhône, le risque s?étend
désormais sur l?ensemble du territoire.
Dans les départements touchés par
d?importantes sécheresses pendant
l?hiver, l?urgence est de mettre en
oeuvre tous les moyens pour limiter
les éclosions de feux et leur
propagation, quand la saison propice
aux incendies démarre.
Parmi ces moyens de prévention,
le ministère de l?agriculture et de
la souveraineté alimentaire a sollicité
l?IGN, afin de réaliser une carte
nationale des Obligations légales de
débroussaillement (OLD). «?Une OLD
est une zone à l?intérieur de laquelle
les infrastructures et les bâtiments
doivent être protégés. Concrètement,
les propriétaires devront débroussailler
au minimum 50 m autour de leur
maison et 10 m aux abords de leur
chemin d?accès. Ces règles peuvent
varier selon les communes?», détaille
Marie-Cécile Bosert, cheffe de projet
maîtrise d?ouvrage à l?IGN.
Cette mesure vise à limiter les
accidents : «?Pour éviter que quelqu?un
en train de faire des travaux chez lui,
par des étincelles, n?allume la
végétation autour, et inversement,
c?est aussi pour protéger l?habitation
et les infrastructures en cas de feu
de forêt, pour éviter que les biens
brûlent?», ajoute Magali Jover, chargée
des relations partenariales et
institutionnelles sur la thématique forêt.?>
Les incendies : un risque majeur
76
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
«?L?IGN est en
mesure de produire
une information
sur le volume
de bois brûlé en
distinguant les
essences touchées,
paramètres
importants pour
la filière bois.?»
_ MAGALI JOVER
Disponible depuis le 1er mars 2023,
ce zonage informatif a été réalisé
à partir des données issues des
préfectures ou en appliquant une zone
tampon de 200m autour des massifs
forestiers de plus de 4ha, identifiés
dans la dernière version de la BD Forêt®.
Une partie de la détection va être
prise en charge par l?intelligence
artificielle: «?L?IA va distinguer la forêt
de ce qui ne l?est pas, et produire
un masque forêt/non-forêt à partir
des prises de vues aériennes, un peu
comme c?est le cas pour l?OCS GE?»,
décrit Thierry Saffroy, chef de projet
maîtrise d?ouvrage à l?IGN.
Depuis 2006, l?IGN maintient et
héberge aussi la base des données
des incendies au niveau national,
la BDIFF. Renseignée par les services
départementaux d?incendie et
de secours, les directions
départementales des territoires et
par l?Office national des forêts (ONF),
la BDIFF assure un suivi de la
localisation des incendies, de la
surface totale brûlée, des temps
d?intervention. En mobilisant
également les données de l?inventaire
forestier, «?l?IGN est en mesure de
produire une information sur le volume
de bois brûlé en distinguant les
essences touchées, paramètres
importants pour la filière bois?»,
estime Magali Jover. >
Les feux de forêt ne sont pas
les seuls événements extrêmes
amplifiés par le changement
climatique et dont l?impact sur
l?occupation du sol est visible. Crues,
glissements de terrain, tempêtes:
l?IGN envoie régulièrement sa flotte
d?avions photographes dans les zones
touchées par des crises.
Les clichés, réalisés en urgence
par l?IGN, livrent les informations
nécessaires aux pouvoirs publics
pour étudier les dégâts et intervenir
rapidement, comme après le passage
de la tempête Alex dans les
Alpes-Maritimes en octobre 2020.
Les prises de vues aériennes
fournissent également un socle
pour observer et mesurer l?origine
de ces risques et pour mieux
gérer l?après-crise et la phase
de reconstruction, en adaptant
les infrastructures.
C?est le cas pour le réaménagement
du quartier de Claire-Joie, à la
Faute-sur-Mer (Vendée), complètement
submergé à la suite du passage de
la tempête Xynthia, en février 2010.
L?IGN a mené plusieurs campagnes
de prises de vues aériennes sur
les secteurs touchés : treize ans plus
tard, les orthophotographies montrent
un terrain desartificialisé, à la suite
de la décision de l?État de détruire
le quartier exposé. Un cas d?école,
susceptible de se reproduire plus
souvent dans le contexte climatique
actuel.>
Une politique de prévention efficace
Des données pour la gestion des urgences
200
mètres
Le zonage informatif a été
réalisé à partir des données
issues des préfectures ou en
appliquant une zone tampon
de 200 m autour des
massifs forestiers de plus
de 4ha, identifiés dans
la BD Forêt® de l?IGN.
77
L?OCCUPATION
DES SOLS
Jusqu?aux années 1960, la presqu?île sur laquelle s?étend
la commune de La Faute-sur-Mer était largement occupée
par des zones humides et des champs agricoles. Depuis,
l?urbanisation a progressé rapidement, comme le montre
la photographie aérienne à gauche, mais s?arrête à la suite
du passage meurtrier de la tempête Xynthia, en février 2010.
LA DISPARITION DU QUARTIER
DE CLAIRE-JOIE
LIEU : LA FAUTE-SUR-MER (VENDÉE)
Dates : 2010 et 2021
78
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
Dès 2011, le plan submersions rapides met en place
une série d?actions, dont le rachat des maisons les plus
exposées via le fonds Barnier. En Vendée, une première
phase d?expropriations touche 76 biens, sur les communes
de La Faute-sur-Mer et de L?Aiguillon-sur-Mer: les quartiers
sont démolis et, désormais, il n?est plus possible d?y construire(1).
? Avant
? Après
1 Depuis la tempête
Xynthia, 10 ans d?action
pour renforcer la prévention
des risques d?inondation
et de submersion marine,
ecologie.gouv.fr
79
L?OCCUPATION
DES SOLS
Disponible depuis le 1er mars 2023, la cartographie des obligations légales
de débroussaillement identifie 32départements à risque, plus une dizaine
de départements associés, pour un total de 46 départements. Ce zonage
informatif va être prochainement complété par les règles à appliquer pour
débroussailler correctement (profondeur de débroussaillement depuis l?habitation,
distance entre les arbres, hauteur d?élagage, etc.). Pour se renseigner sur la
réglementation des OLD en vigueur sur leur département, les particuliers peuvent,
d?ores et déjà, contacter la mairie ou la préfecture.
ZONAGE INFORMATIF
DES OBLIGATIONS LÉGALES
DE DÉBROUSSAILLEMENT
LIEU : FRANCE MÉTROPOLITAINE
ET PYRÉNÉES
Date : 2023
80
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
Zonage informatif des obligations
légales de débroussaillement
Données référencées
Données précises indisponibles
81
L?OCCUPATION
DES SOLS
Pourquoi l?IGN s?engage-t-il dans
la création d?un jumeau numérique??
A.P. L?idée est de réaliser une réplique
numérique du territoire, construite sur un
socle de données 3D précis et photoréaliste,
calculé à partir du LiDAR HD et des images
aériennes. Ces données descriptives seront
couplées à des capacités de modélisation
et de simulation. Le jumeau montrera
le territoire tel qu?il est à l?instant présent,
tel qu?il a été et tel qu?il sera. Ce projet nous
parle, car c?est l?opportunité de construire
de la valeur autour de la donnée
géographique de référence en la mariant
à d?autres données : d?observation
de la Terre, météo, socio-économiques...
c?est l?outil pour appréhender le territoire
globalement et donc appuyer efficacement
la décision en matière d?aménagement.
On se prépare à ce projet d?ampleur
en partenariat avec le Cerema et l?Inria.
Quelle sera son utilité dans le cadre
de la transition écologique??
R.H. Le jumeau est pensé dans le cadre
de la planification écologique. On souhaite
montrer de manière convaincante le territoire
en fonctionnement et établir des diagnostics
des aires soumises à la pression des activités
humaines et des effets du changement
climatique. Par exemple, via la simulation
d?un projet d?aménagement d?énergies
renouvelables, mais aussi pour évaluer
le niveau et le débit d?eau dans les rivières,
la croissance des forêts et pour mieux
gérer la consommation des sols.
Y a-t-il une rupture par rapport
aux données produites actuellement??
R.H. On a pensé au projet d?un jumeau
numérique pour aller au-delà des données
d?observation du territoire produites jusqu?à
présent. La particularité, par rapport à
aujourd?hui, où l?on décrit de manière statique
les routes, les rivières et les forêts, est que,
dans le cas du jumeau, il s?agirait d?une
réplique dynamique du territoire. On va
enregistrer, à une fréquence qui reste à
déterminer, le comportement de ces objets
dans le temps.
A.P. L?originalité est de montrer le territoire
tel qu?il pourrait être. L?IGN doit s?approprier
des capacités de simulation qui n?est pas
notre coeur de compétence. L?autre rupture :
construire des modèles 3D à l?échelle
nationale et les mettre ensuite à jour en
continu. Cet enjeu est clé, car le jumeau
est d?abord ce socle 3D sur lequel on
déploie tout le reste.>
L?AMBITION
DU JUMEAU
NUMÉRIQUE
Pour accompagner l?État et les collectivités
dans la transition écologique, l?IGN se
mobilise pour réaliser une cartographie du
territoire en continu, socle pour de futures
simulations. Un chantier ambitieux tourné
vers la décision publique.
RAPHAËLE HÉNO,
Pilote du programme
Innovation à l?IGN
ALEXANDRE
PAUTHONNIER,
Directeur adjoint des
opérations, chargé des
processus géomatiques
INNOVATION
REPÈRE
ENSG-Géomatique:
une école d?excellence
des data sciences
géographiques.
Grâce à son école
et à ses équipes
de recherches
pluridisciplinaires, l?IGN
cultive un potentiel
de haut niveau dans
plusieurs domaines :
géodésie, forêt,
photogrammétrie,
analyse spatiale,
visualisation 3D et
intelligence artificielle.
82
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
MODÉLISATION DU SOCLE 3D
POUR LE FUTUR JUMEAU NUMÉRIQUE
LIEU : PÉRIGUEUX (DORDOGNE)
Date : 2023
Le mesh 3D est réalisé sous forme d?un maillage triangulé
de l?ensemble des éléments du sol et du sursol. Ici, la vue
détaillée dans sa version géométrique, sans texture,
contrairement à la page suivante, où elle est représentée
en version texturée et photoréaliste.
83
L?OCCUPATION
DES SOLS
La cathédrale Saint-Front de Périgueux, reconnaissable
à ses coupoles et clochetons en toiture, est classée monument
historique depuis 1840. Cette reconstruction, sous forme
de mesh texturé, un maillage de faces 3D, préfigure
une des représentations du futur socle tridimensionnel
du jumeau numérique.
MODÉLISATION DU SOCLE 3D
POUR LE FUTUR JUMEAU NUMÉRIQUE
LIEU : PÉRIGUEUX (DORDOGNE)
Date : 2023
84
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023
LIDAR HD POUR LA RÉALISATION
DU FUTUR JUMEAU NUMÉRIQUE
LIEU : PÉRIGUEUX (DORDOGNE)
Date : 2021
Pour produire le socle 3D, sur lequel les autres composantes
du futur jumeau numérique viendront se greffer, l?IGN travaille
sur les premiers démonstrateurs.
Celui-ci est calculé à partir des images aériennes stéréo
à 5cm, acquises dans le cadre du programme national PCRS,
ainsi que des nuages de points LiDAR HD. Pour la commune
de Périgueux, toutes ces données utiles étaient disponibles.
85
L?OCCUPATION
DES SOLS
Les collaborateurs de l?IGN: Yélise Akol, Arnaud Allgeyer, Anaïs Aubert, Marie-Cécile Bosert,
Olivier Bouiri, Stéphane Canalis, EvaChen-Yen-Su, Fanny Clauzel, Pierre-Emmanuel Chossat,
Zacharie Coq, ValérieDeregnaucourt, Nathalie Derrière, Francis Etui, Barbara Freidman,
Manuel Fulchiron, AnatolGarioud, Bertrand Genty, Quentin Gide-Tchanwou, Marie Gombert,
Yanis Hamimi, RaphaëleHeno, Dominique Jeandot, Caroline Joineau-Guesnon, Magali Jover,
Nicolas Lambert, Elisabeth Leblanc, Matthieu Le Masson, Anne Longuet, Bénédicte Maisonneuve,
Guillaume Marchand, Cédric Michel, Alexandre Pauthonnier, Véronique Pereira, Pierre Philippe,
Hervé Quinquenel, MathildeRaymond, Timothée Royer, Thierry Saffroy, Marie-Agnès Scherrmann,
Sébastien Soriano, Philippe Truquin, Boris Wattrelos.
Les experts hors IGN: Jean-Luc Arnaud, directeur de recherche au CNRS ? Agnès Ducharne,
climatologue et hydrologue ? Jacqueline Osty, paysagiste.
Journaliste indépendant: Daniel Peyronel.
«?Géographiste?» indépendant: Lucas Destrem.
Nous adressons nos remerciements aux collaborateurs
de l?IGN et aux experts, partenaires et parties prenantes
qui ont participé à l?élaboration de cet Atlas.
REMERCIEMENTS
k Géographe de formation, Lucas Destrem s?intéresse notamment à la toponymie, aux panoramas et à la
valorisation du patrimoine. Il se passionne aussi de cartographie, convaincu que les cartes sont à la fois des outils
objectifs et pratiques, mais aussi des objets esthétiques, des images populaires et symboliques, outils de
communication aux innombrables possibilités. De cette sensibilité découle une production de cartes marquée
par l?insolite, l?ironie, le détournement ou l?invitation à l?émerveillement. C?est par ce travail de création subjectif
et presque artisanal que l?IGN et Lucas Destrem en sont venus à collaborer et à produire plusieurs cartes inédites.
Celles-ci, appuyées sur les données et l?expertise de l?IGN et de ses partenaires, interprètent d?une nouvelle
manière quelques-unes des dynamiques de l?occupation des sols en France. g
Références cartes «?Le coup d?oeil de Lucas?»
Cartes 1-2
Données : extraits de cartes des XIXe, XXe et
XXIe siècles issus de la cartothèque de l?IGN.
Carte 3
Fond de carte : IGN/Eurogeographics
Données : Inventaire forestier national,
données 2018-2021 (DataIFN) et mémento
2022.
Carte 4 :
Fond de carte : IGN BD TOPO®
Données : BD Forêt® version 2.
Carte 5 :
Fond de carte : cartes au 1?:?25?000e 1955,
1956, 2008?; orthophoto IGN.
Carte 6 :
Fond de carte : IGN BD TOPO®
Données : Registre parcellaire graphique
2021.
Carte 7 :
Fond de carte et données : carte IGN
au 1?:?25?000e.
Carte 8 :
Fond de carte : d?après les cartes
anciennes (état-major, cartes au 1?:?25?000e
du XXe siècle; IGN BD TOPO® et
BD TOPAGE®.
Données : en partie d?après les travaux
suivants :
? «?Effets de la restauration du Rhône
et potentiel, synthèse par secteurs (rapport
final)?», Action n° 24 du Programme 2010
au titre de l?accord-cadre Agence de l?Eau
Zabr, Lamouroux N., Olivier J.-M., Piégay H.,
Mérigoux S., Dolédec S., Ségura S., CastellaE.,
Riquier J., Parrot E., Forcellini M., 2012
? «?RhônEco - Le suivi scientifique de la
restauration hydraulique et écologique du
Rhône?», Zone Atelier Bassin du Rhône (Zabr),
Observatoire Hommes-Milieux Vallée
du Rhône (OHM VR) et Groupe de recherche
Rhône-Alpes sur les infrastructures et l?eau
(GRAIE), 2015.
? Grand Lyon et Agence d?urbanisme
de l?aire métropolitaine lyonnaise, «?Projet
de renaturation de la Compagnie nationale
du Rhône (CNR) dans le cadre de la
réactivation de la dynamique fluviale
sur les marges alluviales du Rhône?», 2022.
? Le Rhône aval en 21 questions,
Provansal M., Radakovitch O., Sabatier F.
et Clémens A., Zabr-GRAIE, 2012.
? Livret de découverte «?Réserve naturelle
Delta de la Dranse?», Asters CEN
Haute-Savoie, 2008.
Carte 9 :
Fond de carte et données : IGN, INPN, PNR
et Parcs nationaux de France.
88
CARTOGRAPHIER
L?ANTHROPOCÈNE
ATLAS IGN
2023