Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ?
PEYROL, Bénédicte ;BUREAU, Dominique
Auteur moral
Auteur secondaire
Comité pour l'économie verte
Résumé
Le CEV réunit les autorités et parties prenantes concernées par les enjeux de la fiscalité de l'énergie, de l'économie circulaire, de l'eau et de la biodiversité, ainsi que par l'ensemble des<br />
;outills économiques permettant, en complément des leviers budgétaires et réglementaires traditionnels, de favoriser la transion énergétique. Lors de la conférence du 13 février 2018<br />
;relative au pacte fiscal écologique, le Ministre de la Transion Écologique et Solidaire avait sollicité le Comité pour l'Économie Verte (CEV) afin que celui-ci rende un rapport sur la mise en<br />
;oeuvre d'une fiscalité environnementale efficace sur le quinquennat.<br />
;Ce rapport a été conduit sous la responsabilité de Dominique Bureau, Président du CEV et Bénédicte Peyrol, Députée de l'Allier. Il a été discuté lors des réunions plénières mensuelles du<br />
;CEV entre avril et juillet 2018. Sa version finale a pris en compte, dans la mesure du possible, les observations des parties prenantes. Lorsque celles-ci apparaissaient trop contradictoires, les<br />
;coprésidents ont pris leurs responsabilités, en tenant compte évidemment des débats très riches et construcfs au sein du Comité, et guidés par le souci de fournir les diagnostics utiles à<br />
;la décision, en mettant en exergue autant que possible les éléments-clés à prendre en compte pour les arbitrages.<br />
;<br />
Descripteur Urbamet
politique de l'environnement
;économie verte
Descripteur écoplanete
Thème
Environnement - Paysage
Texte intégral
Comment construire la fiscalité environnementale
pour le quinquennat et après 2022 ?
Bénédicte Peyrol, Députée de l?Allier
Dominique Bureau, Président du Comité pour l?Économie Verte
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 2
Le CEV réunit les autorités et par?es prenantes concernées par les enjeux de la fiscalité
de l?énergie, de l?économie circulaire, de l?eau et de la biodiversité, ainsi que par l?ensemble des
ou?ls économiques perme?ant, en complément des leviers budgétaires et réglementaires
tradi?onnels, de favoriser la transi?on énergé?que. Lors de la conférence du 13 février 2018
rela?ve au pacte fiscal écologique, le Ministre de la Transi?on Écologique et Solidaire avait
sollicité le Comité pour l?Économie Verte (CEV) afin que celui-ci rende un rapport sur la mise en
oeuvre d?une fiscalité environnementale efficace sur le quinquennat.
Ce rapport a été conduit sous la responsabilité de Dominique Bureau, Président du CEV et
Bénédicte Peyrol, Députée de l?Allier. Il a été discuté lors des réunions plénières mensuelles du
CEV entre avril et juillet 2018. Sa version finale a pris en compte, dans la mesure du possible,
les observa?ons des par?es prenantes. Lorsque celles-ci apparaissaient trop contradictoires, les
coprésidents ont pris leurs responsabilités, en tenant compte évidemment des débats très
riches et construc?fs au sein du Comité, et guidés par le souci de fournir les diagnos?cs u?les à
la décision, en me?ant en exergue autant que possible les éléments-clés à prendre en compte
pour les arbitrages.
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Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 4
Introduc?on
La fiscalité écologique est un ou?l essen?el pour a?eindre les objec?fs environnementaux que la France
s?est fixée, notamment dans le cadre de son Plan climat et de plusieurs feuilles de route (Plan biodiversité,
feuille de route économie circulaire?). En effet, dans son principe, elle formalise directement que chacun
doit prévenir les a?eintes qu?il porte à l?environnement, ce qui nécessite que tous y soient responsabilisés.
C?est donc un instrument-clef d?un pacte social écologique : l?acceptabilité de la fiscalité environnementale
ne pourra être réussie que si se conclue entre tous les acteurs concernés (État, collec?vités territoriales,
entreprises et citoyens) un véritable contrat fiscal écologique.
Les économistes soulignent par ailleurs l?efficacité de la structure des prix rela?fs des biens et services pour
orienter les choix de produc?on et de consomma?on, et ainsi réaliser une ambi?on environnementale au
moindre coût pour l?économie, en incitant à mobiliser, par ordre de mérite, c?est-à-dire en commençant par
les moins coûteuses, l?ensemble des solu?ons possibles pour réduire les empreintes écologiques. Elle
s?inscrit ainsi dans la recherche des meilleures orienta?ons vers des technologies nécessaires au
développement de comportements plus vertueux d?un point de vue environnemental.
Son essor nécessite de respecter les principes suivants sans lesquels la transi?on fiscale et écologique ne
pourra être assurée :
- la défini?on d?une trajectoire de long terme crédible pour donner de la lisibilité aux acteurs
économiques et les accompagner ainsi vers le changement ;
- l?évalua?on de ses impacts économiques et sociaux, pour qu?elle ne pèse pas excessivement sur le
pouvoir d?achat et la compé??vité, les mesures d?accompagnement pour s?en assurer faisant par?e
intégrante de sa construc?on. Plus généralement, l?u?lisa?on des rece?es de toute nouvelle
réforme de la fiscalité environnementale détermine ses effets macroéconomiques et sociaux, et
peut favoriser la transi?on des secteurs économiques vers la performance environnementale. Elle
doit être jus?fiée au cas par cas. Les choix en ce domaine doivent être effectués en s?assurant de
l?adhésion de l?ensemble des acteurs concernés ;
- la nécessité que la fiscalité écologique couvre effec?vement l?ensemble des pollu?ons concernées,
en évitant les exemp?ons qui nuisent à son efficacité ;
- la mise en oeuvre des orienta?ons du quinquennat en ma?ère de finances publiques : baisser d?un
point les prélèvements obligatoires, ramener en cinq ans le déficit public à un niveau proche de
l?équilibre, réduire la dépense publique de plus de trois points de PIB, le développement de la
fiscalité environnementale s?inscrivant dans un processus général de réduc?on des distorsions
fiscales ;
- la recherche des combinaisons les plus efficaces pour les poli?ques environnementales avec la
ques?on de la per?nence des ou?ls u?lisés et de la bonne ar?cula?on entre les mesures de
fiscalité environnementale, les mesures réglementaires et les normes.
Le premier constat qui ressort des travaux réalisés par le Comité pour l?économie verte dans ce?e
perspec?ve est que la fiscalité écologique manque encore d?une gouvernance appropriée. En effet, celle-ci
doit être intégrée dans une stratégie d?ensemble assurant sa cohérence avec les autres poli?ques
environnementales et la stratégie budgétaire et fiscale.
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Ce?e fiscalité nécessite également de mieux ra?onaliser en amont les différents objec?fs
environnementaux fixés afin de lui donner une meilleure visibilité et favoriser son suivi. En effet, la
mul?plica?on d?objec?fs au travers de différents documents (Objec?fs de développement durable de l?ONU
? ODD ?, Stratégie na?onale bas-carbone ? SNBC ?, Loi de transi?on énergé?que pour la croissance verte ?
LTECV ? du 17 août 2015, Accord de Paris?) n?est pas favorable à la lisibilité des poli?ques suivies.
À cet égard, la fiscalité écologique a le mérite d?a?aquer les problèmes à leurs racines économiques à
l?origine des émissions polluantes, à savoir le fait que, spontanément, le système de prix qui guide les choix
des agents économiques ne prend pas en compte les coûts sociaux environnementaux. Les travaux menés
par le CEV au printemps 2018 insistent sur la nécessité de lui assurer une meilleure transparence,
notamment quant à l?explica?on de l?u?lisa?on des rece?es qui en est fait. Plusieurs op?ons, non exclusives
les unes des autres, sont ici envisageables : entre u?lisa?on des rece?es en faveur de la transi?on
écologique ou leur alloca?on au budget général de l?État en vue de réduire d?autres impôts, ou financer des
mesures de compensa?on pour le main?en du pouvoir d?achat de certains ménages.
La première par?e de ce rapport s?a?ache à définir sa gouvernance souhaitable. La seconde par?e,
théma?que, par pollu?on ou par enjeu environnemental, vise à éclairer les choix pour les prochaines lois
de finances et la stratégie pluriannuelle en ce domaine. Les principales recommanda?ons du rapport sont
résumées ci-dessous, les premières concernant le cadre ins?tu?onnel à me?re en place, et les secondes
concernant les priorités d?ac?on.
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Synthèse de l?ensemble des proposi?ons
du rapport1
1. Consacrer, dès le projet de loi de finances (PLF) pour 2020, un « jaune budgétaire » à la
fiscalité environnementale pour donner une vision intégrée de la manière dont les
instruments, notamment fiscaux, votés lors des lois de finances concourent à la préven,on
des a-eintes à l?environnement, conformément à l?ar,cle 3 de la Charte de l?environnement.
2. Décrire le développement de la fiscalité environnementale et le programme envisagé de
réduc,on des dépenses fiscales dommageables à l?environnement dans les lois de
programma,on des finances publiques.
3. Intégrer systéma,quement dans les présenta,ons budgétaires de la fiscalité
environnementale l?évalua,on des impacts et les principes retenus pour l?u,lisa,on de ses
rece-es. Pour assurer l?adhésion des acteurs, il conviendrait de créer un moment annuel de
concerta,on dédié à l?inves,ssement et la fiscalité verte.
4. Élaborer à l?horizon 2021 des indicateurs de suivi de la fiscalité environnementale intégrés
aux documents budgétaires (RAP ou « jaune budgétaire ») perme-ant d?évaluer sa
conformité avec les objec,fs environnementaux fixés et les impacts sociaux et
économiques.
5. Favoriser une meilleure communica,on, vis-à-vis des contribuables et des collec,vités
locales, sur les enjeux et l?u,lisa,on des rece-es des taxes environnementales afin d?en
renforcer l?acceptabilité sociale et de concré,ser le pacte fiscal écologique.
6. Me-re en oeuvre dès le PLF 2019 les mesures prévues dans les plans et programmes
na,onaux concernant l?énergie, les transports et l?économie circulaire, pour en assurer la
prévisibilité à l?horizon du quinquennat au moins : outre, la progression de la trajectoire de
la composante carbone, car celle-ci condi,onne l?a-einte des objec,fs de réduc,on
d?émissions du plan na,onal sur le climat et de nos engagements associés à l?Accord de
Paris, les mesures fiscales issues de la feuille de route économie circulaire (FREC),
notamment s?agissant de la taxe générale sur les ac,vités polluantes (TGAP) « déchets », la
tarifica,on appropriée des hydrofluorocarbures (HFC) et les mesures fiscales issues des
Assises de la mobilité.
7. Agir, au niveau européen, afin de favoriser la mise en place d?un prix plancher du carbone
sur le secteur de l?électricité, sur un champ aussi large que possible.
8. Établir en 2019 pour tous les secteurs dont les émissions ne sont pas encore soumises à un
prix du carbone significa,f des stratégies pour y remédier, en assurant, quand cela est
nécessaire, la cohérence des tarifica,ons entre émissions et puits. Il convient par ailleurs
que les pollu,ons plus locales affectant la santé soient aussi correctement tarifées.
9. Annoncer, dans le cadre du PLF 2019, pour la durée du quinquennat, les principes pour
l?u,lisa,on des rece-es correspondantes à la fiscalité environnementale, notamment le
produit du relèvement prévu de la composante carbone. Dans ce cadre, les mesures
1Ces proposi?ons sont expliquées de manière plus détaillée dans le corps du texte du rapport.
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d?accompagnement qui pourraient être à renforcer pour assurer l?acceptabilité de la
trajectoire de prix du carbone pour certains ménages ruraux ou en situa,on de précarité
énergé,que et certaines pe,tes et moyennes entreprises, si la remontée des prix des
fossiles s?accélère, devraient être définies. Ces mesures ne doivent cependant pas en réduire
le caractère incita,f.
10. Me-re en chan,er une véritable stratégie en ma,ère de tarifica,on rou,ère, notamment
pour le fret et pour les zones urbaines.
11. Proposer dans le cadre du PLF 2020 des mesures d?ensemble perme-ant de limiter
l?ar,ficialisa,on des sols sur la base des recommanda,ons que le groupe de travail du CEV,
lancé à la mi-2018 dans le cadre du plan biodiversité, fera sur ce sujet.
12. Lancer d?ici le second semestre 2019 le groupe de travail du CEV rela,f au rééquilibrage des
redevances des Agences de l?eau avec pour objec,f de présenter des mesures concrètes
dans le cadre du PLF 2020.
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Table des matières
Introduction........................................................................................................................................5
Synthèse de l?ensemble des propositions du rapport............................................................................7
Première partie : La nécessité d?un cadre intégré et lisible, pour assurer l?essor d?une fiscalité
écologique à la hauteur des enjeux..................................................................................................11
1. Un verdissement indéniable de la fiscalité dans un cadre qui fait cependant l?objet de critiques
récurrentes justifiées......................................................................................................................11
a. L?évolution récente vers une fiscalité plus verte...................................................................11
b. Une fiscalité environnementale fragmentée, peu lisible et non pilotée.................................12
c. La persistance de dépenses fiscales importantes et source d?inefficacités............................14
2. D?un verdissement de la fiscalité à un verdissement d?ensemble des finances publiques........15
a. Une meilleure clarification sur la nature des instruments de la fiscalité environnementale
nécessaire..................................................................................................................................15
b. Les principes d?égalité, d?annualité et d?universalité face à la fiscalité environnementale
incitative....................................................................................................................................16
c. La fiscalité environnementale à intégrer dans la réforme de la fiscalité française................18
d. Une démarche de verdissement globale................................................................................19
3. Une ambition fixée, des acteurs à embarquer : comment construire l?écofiscalité
comportementale ?.........................................................................................................................22
a. La fiscalité environnementale comme instrument de déclenchement des investissements en
faveur de l?innovation...............................................................................................................22
b. La compréhension de la fiscalité environnementale, clef de voûte de son succès................24
c. Le besoin de visibilité sur l?utilisation des recettes...............................................................24
Deuxième partie : Pour un niveau d?ambition répondant aux enjeux........................................27
1. Des réformes ambitieuses déjà décidées, à compléter et à accompagner..................................27
a. Restructurer la fiscalité des déchets et du recyclage.............................................................27
b. Couvrir toutes les émissions de GES....................................................................................28
c. Accompagner les transitions : évaluer finement les impacts sociaux et territoriaux de la
hausse programmée de la taxe carbone sur les carburants et les combustibles de chauffage des
ménages et adapter le dimensionnement des instruments de compensation des effets anti-
redistributifs de cette hausse.....................................................................................................31
2. Des chantiers à ouvrir................................................................................................................34
a. Pollution de l?air : des instruments à créer............................................................................34
b. Pollution de l?eau : lancer une réflexion de fond sur un rééquilibrage des redevances des
Agences de l?eau afin de respecter le principe « pollueur-payeur »..........................................37
c. Préserver la biodiversité et lutter contre l?artificialisation des sols : un groupe de travail
dédié..........................................................................................................................................38
Annexe 1 : État des lieux de la fiscalité environnementale par grande thématique
environnementale...........................................................................................................................43
Annexe 2 : Données comparatives de la fiscalité environnementale en France et dans le reste de
l?Europe.........................................................................................................................................59
Annexe 3 : Commentaires des parties prenantes...........................................................................67
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 9
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 10
Première par?e : La nécessité d?un cadre
intégré et lisible, pour assurer l?essor
d?une fiscalité écologique à la hauteur
des enjeux
Avec la taxe générale sur les ac,vités polluantes (TGAP) et les redevances sur l?eau, puis, plus récemment, la
créa,on de la composante carbone, une fiscalité écologique s?est progressivement cons,tuée, qui a
aujourd?hui un poids significa,f dans les évolu,ons récentes des prélèvements obligatoires. Pour autant,
l?ensemble des instruments y par,cipant demeure fragmenté. Pour confirmer notre ambi,on, il faut
clarifier, expliquer, rendre visible.
Le développement de la fiscalité écologique nécessite d?en préciser l?objet et les condi,ons de mise en
oeuvre, à la fois du point de vue des finances publiques et des poli,ques environnementales : est-ce une
fiscalité comportementale ou un instrument de financement de la transi,on écologique ? Pourquoi et
comment doit être u,lisée sa rece-e ? Comment s?ar,cule-t-elle avec les réformes fiscales, le verdissement
de l?ac,on publique et les autres instruments des poli,ques environnementales ?
1. Un verdissement indéniable de la fiscalité dans un
cadre qui fait cependant l?objet de cri?ques récurrentes
jus?fiées
a. L?évolu?on récente vers une fiscalité plus verte
La fiscalité environnementale regroupe « l?ensemble des impôts, taxes et redevances dont l?assie-e est
cons,tuée par un polluant ou, plus généralement, par un produit ou un service qui détériore
l?environnement ou qui se traduit par un prélèvement sur des ressources naturelles » d?après la défini?on
retenue par l?OCDE.
La fiscalité environnementale française est faite d?instruments variés. En effet, elle con?ent à la fois des
disposi?fs fiscaux très anciens, comme la taxe sur les consomma?ons énergé?ques (la taxe intérieure sur le
pétrole a été créée en 1928), qui ont d?abord un objec?f de rendement budgétaire, mais qui ont pu évoluer
récemment pour intégrer explicitement des enjeux environnementaux et clima?ques (composante carbone
à par?r de 2014), des instruments dimensionnés pour répondre à des besoins de financement d?ac?ons de
ges?on de la ressource ou de traitement des pollu?ons (comme les redevances des agences de l?eau créées
en 1964), ou des taxes à visée environnementale (comme la taxe parafiscale sur les pollu?ons
atmosphériques dans les années 1990, devenue TGAP « air » à par?r de l?an 2000).
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 11
L?ensemble des taxes environnementales représente 49,7 Md¤ en 2016 selon Eurostat, soit 2,2 % du PIB (et
4,9 % de l?ensemble des impôts et co?sa?ons sociales), Ce?e part des taxes environnementales est en
augmenta?on par rapport au passé récent (1,87 % du PIB en 2007 et 1,96 % en 2012). La fiscalité
environnementale française repose en très grande par?e sur les consomma?ons énergé?ques, notamment
les énergies fossiles. La plus grande part de la fiscalité correspondante est ainsi acqui?ée par les ménages,
en ligne avec les pra?ques des plus grands pays de l?UE.
En se fixant les objec?fs de porter la composante carbone à 86 ¤ la tonne de CO2 en 2022, de taxer le
gazole comme l?essence d?ici 2021 et de relever la TGAP « déchets » pour que le stockage devienne plus
coûteux que le recyclage, la France a maintenant franchi une étape dans l?u?lisa?on de fiscalité
environnementale. Ces évolu?ons représenteront une augmenta?on du montant de la fiscalité
environnementale en part de PIB, de l?ordre de +0,11 point de PIB en 2018. Ainsi, les évalua?ons de l?OCDE
en ma?ère de « fossé sur la tarifica?on du carbone » (carbon pricing gap) montrent des progrès tangibles
pour la France, qui placent notre pays sur une trajectoire exemplaire en termes d?effort et d?efficacité, si l?on
se réfère, par exemple, aux recommanda?ons du rapport Stern-S?glitz2.
Cependant, même dans le cas des émissions de gaz à effet de serre, le sa?sfecit n?est que rela?f car, des
exemp?ons importantes demeurent pour le CO2 d?une part (selon l?OCDE3, en 2015, en France, 45 % des
émissions de CO2 liées à la consomma?on d?énergie avaient un taux de taxa?on du carbone, système de
quotas européens inclus, égal à 0 ¤/tCO2), et, d?autre part, il faut infléchir les émissions des « autres gaz »
(comme les HFC, un engagement du plan climat).
Par ailleurs, l?élabora?on des nouveaux plans d?ac?on et stratégies (pour l?économie circulaire, une mobilité
durable, l?agriculture et l?alimenta?on, la biodiversité, la décarbona?on de l?économie?) ont iden?fié de
nombreux domaines où les incita?ons économiques existantes sont insuffisantes pour orienter
efficacement les comportements et l?offre des entreprises vers le durable car sa compé??vité économique
par rapport aux filières existantes demeure insuffisante. Le relèvement de la TGAP « déchets », par
exemple, vise à corriger ce type de situa?on, qui retarde l?essor du recyclage et le mouvement vers
l?écoconcep?on.
En observant que, notamment pour l?ar?ficialisa?on des sols et les pollu?ons de l?air et de l?eau, les progrès
réalisés ne suffisent pas à nous placer sur des trajectoires en ligne avec les objec?fs visés en ces domaines,
les analyses menées au sein du Comité pour l?économie verte4 confortent l?idée que la fiscalité
environnementale n?a pas encore la place qu?elle devrait avoir dans les poli?ques environnementales.
Renforcer son rôle est jus?fié eu égard aux enjeux globaux, clima?ques et de diversité biologique, et
locaux, sanitaires et de qualité de vie, à relever, et à leurs impacts économiques et sociaux.
b. Une fiscalité environnementale fragmentée, peu lisible et non pilotée
La lisibilité de la fiscalité environnementale est déterminante pour son impact sur les comportements. En
effet, différents ou?ls peuvent être mobilisés pour me?re en place la fiscalité environnementale (taxes
directes, accises, fiscalité locale?) et ces ou?ls peuvent donner plus ou moins de lisibilité au
développement de la fiscalité environnementale et à son impact au niveau local. En l?état, ce que la
sta?s?que regroupe au ?tre de la fiscalité environnementale est en fait un ensemble très hétérogène,
composé de :
? Taxes directes ou indirectes : la fiscalité environnementale peut prendre la forme d?une taxe
directe, comme la taxe générale sur les ac?vités polluantes (TGAP) ou d?une taxe indirecte, par
exemple incluse dans les accises (impôts indirects perçus sur la consomma?on), comme la
2Report of the high-level commission on carbon prices, Carbon Pricing Leadership Coali?on,
h?ps://www.carbonpricingleadership.org/report-of-the-highlevel-commission-on-carbon-prices
3Rapport « Effec?ve Carbon Rates », 2015, OCDE.
4Voir par exemple Mireille Chiroleu-Assouline, « Verdissement de la fiscalité : quels effets sur les entreprises ? », 2018, que le comité
a audi?onné.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 12
composante climat-énergie de la TICPE. Le vecteur retenu peut avoir un impact sur l?effet
comportemental : la li?érature économique indique que la demande en carburants est beaucoup
plus élas?que (jusqu?à trois fois plus) à l?introduc?on d?une taxe carbone qu?à une simple
augmenta?on des prix, augmenta?on pouvant être causée par des effets économiques ou par des
évolu?ons des accises. Ainsi, la lisibilité de la mise en place d?une taxe carbone est cruciale pour
assurer son efficacité.
? Contribu?ons, redevances : d?autres instruments économiques peuvent avoir un effet sur les prix
sans être considérés comme de la fiscalité à proprement parler ; par exemple, les éco-contribu?ons
versées par les entreprises appartenant à une filière à responsabilité élargie du producteur (REP) ne
sont pas de la fiscalité, mais perme?ent cependant de me?re en place un signal prix qui peut être
assis sur l?impact environnemental des produits et ainsi diriger les choix des acteurs économiques.
Une approche différente est appliquée dans le cas des redevances : en effet, celles-ci sont versées
par les usagers d?un service afin de financer celui-ci et sont donc généralement propor?onnelles au
service rendu (par exemple, la redevance d?enlèvement des ordures ménagères ? REOM ? vise à
financer le service public de ges?on des déchets, dans les collec?vités où elle est mise en place).
? Fiscalité localement modulée ou fiscalité na?onale : certaines taxes environnementales sont mises
en place au niveau local, comme les redevances perçues par les Agences de l?eau. Ce système
permet aux acteurs économiques de faire le lien entre la fiscalité et la pollu?on locale. Si ces taxes
s?adossent à des pollu?ons locales, une fiscalité géographiquement différenciée peut perme?re
d?ajuster le niveau des prélèvements en fonc?on des externalités de façon plus précise. Cependant,
développer la fiscalité environnementale au niveau local peut poser un problème d?efficacité
économique : en effet, cela peut entraîner de fortes disparités dans les niveaux de taxa?on entre
les différentes zones géographiques sans lien avec le niveau d?externalités associé à la pollu?on.
Cela diminue alors fortement l?efficience des réduc?ons de la pollu?on, par?culièrement dans le
cas d?une pollu?on qui est étendue au niveau mondial.
La conséquence de l?éparpillement et du caractère protéiforme de ce?e fiscalité environnementale est que
l?entreprise ne pilote pas ce?e fiscalité autant que d?autres impôts. En effet, sauf dans certains secteurs les
plus directement concernés (exemple transport, énergo-intensifs, entreprises soumises à l?éco-
contribu?on), les direc?ons fiscales des entreprises délaissent souvent ce?e fiscalité qui peut apparaître
comme opaque et qui a ainsi peu de poids dans les décisions stratégiques de l?entreprise.
L?ac?on en ce domaine doit ainsi se déployer sur deux plans : l?améliora?on intrinsèque de la qualité de la
fiscalité environnementale pour en améliorer la lisibilité ; et le développement d?ac?ons d?explica?on et de
communica?on à des?na?on des acteurs concernés pour qu?ils en saisissent le sens et que le meilleur
profit comportemental puisse donc en être ?ré. Les services qui en assurent la percep?on sont en première
ligne à cet égard. Ils doivent donc intégrer que ce travail pédagogique est essen?el, et leur incombe de fait
en tant qu?interface avec les agents économiques concernés. Leurs sites internet notamment doivent être
enrichis en conséquence.
Au-delà, les difficultés proviennent du fait que la fiscalité environnementale n?est pas lisible dans sa
dimension incita?ve et qu?il demeure beaucoup d?incer?tudes sur l?ar?cula?on entre les instruments
contribu?fs au financement de services publics, la tarifica?on de ces derniers et la tarifica?on des a?eintes
à l?environnement. Dans les domaines de l?eau ou des déchets par exemple, les approches sont très
hétérogènes (redevance locale versus taxe na?onale par exemple). Il apparaît ainsi probable qu?une
meilleure défini?on du rôle de la fiscalité environnementale trouvera des limites s?il n?y a pas de doctrine
mieux établie sur le financement de ces services publics (par exemple, la poli?que en ma?ère de redevance
d?enlèvement des ordures ménagères (REOM) ne peut se concevoir sans une approche globale du contexte
des finances publiques locales).
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 13
c. La persistance de dépenses fiscales importantes et source d?inefficacités
Afin d?assurer la cohérence du signal-prix transmis à tous les acteurs économiques, le déploiement de la
fiscalité environnementale devrait s?accompagner d?une réduc?on de certaines formes d?aides publiques
allant à l?encontre de ses objec?fs, sans quoi son effet comportemental sera limité.
Par « subven?ons dommageables à l?environnement », on entend les aides publiques de toute nature
(subven?on, crédit d?impôt, exonéra?on ou réduc?on de taxe?), visant un objec?f autre
qu?environnemental (économique par exemple), mais produisant des effets secondaires néga?fs sur
l?environnement. Selon le dernier rapport de la Cour des comptes5, les dépenses fiscales dommageables à
l?environnement sont es?mées à 6,9 Md¤ en 2016, au sens de la défini?on des dépenses fiscales adoptées
dans les documents budgétaires (Voies et Moyens Tome 2). Il s?agit principalement d?exonéra?ons ou de
réduc?ons sectorielles de taxe intérieure de consomma?on des produits énergé?ques (TICPE). Elles
cons?tuent donc un enjeu important en ma?ère de lu?e contre les pollu?ons et les gaz à effet de serre.
En effet, les exemp?ons nuisent non seulement à l?efficacité de l?ou?l fiscal (la dépollu?on sera moindre
dans les secteurs exonérés) mais aussi à son efficience (le coût moyen de la dépollu?on sera plus
important), car elles limitent son champ et donc le périmètre au sein duquel les réduc?ons de la pollu?on
seront répar?es de façon op?male entre les acteurs. Cependant, des aménagements ou des exemp?ons
ciblées peuvent se jus?fier dans des cas précis, par exemple en cas de risque de déplacement d?une
pollu?on globale dans un autre pays (dû, par exemple, à une perte de compé??vité de l?ac?vité sur le
territoire na?onal) ou de contournement de la taxe (dans le cas de la TICPE, le carburant consommé par le
transport rou?er de marchandises cons?tue une assie?e fiscale très mobile ; le renforcement des taux de la
TICPE qui lui sont appliqués comporte donc un risque de pollu?on sur le territoire na?onal à par?r de
carburants achetés à l?étranger bénéficiant d?une moindre fiscalité).
Des efforts ont été engagés en France depuis 2013 sur ce sujet, avec par exemple la suppression de
l?exonéra?on de taxe sur la consomma?on de gaz naturel dont bénéficiaient les ménages à compter de
2014, la fin progressive (amorcée en 2016 et poursuivie en 2018) de la fiscalité plus faible dont bénéficiait
le diesel, qui cons?tuait bien une subven?on implicite au diesel avec des effets néga?fs sur la pollu?on de
l?air, ou encore la suppression progressive de l?exonéra?on de taxe sur la consomma?on de GPL
combus?bles (butane et propane) d?ici à 2022.
Ces disposi?fs, encore nombreux, restent difficiles à réformer car ils répondent souvent d?abord à un
objec?f économique, en ciblant des secteurs d?ac?vité qui font face à des difficultés économiques dans un
contexte de concurrence interna?onale (fret rou?er, agriculture). Apporter une aide à ces secteurs peut en
effet s?avérer légi?me, mais il serait plus efficace que ce?e aide transite par d?autres canaux, de manière à
ne pas créer de mauvaise incita?on sur le plan environnemental (par exemple en désincitant à limiter la
consomma?on de carburant en raison des exonéra?ons ou réduc?ons qui s?y appliquent). Il semblerait
per?nent que le Comité pour l?économie verte travaille sur ce?e ques?on dans le cadre d?un groupe de
travail dédié afin d?iden?fier précisément les aides publiques dommageables à l?environnement et proposer
un calendrier de réformes de celles-ci.
5Cour des comptes, septembre 2016, « L?efficience des dépenses fiscales rela?ves au développement durable ».
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 14
2. D'un verdissement de la fiscalité à un verdissement
d?ensemble des finances publiques
a. Une meilleure clarifica?on sur la nature des instruments de la fiscalité environnementale
nécessaire
La fragmenta?on de la fiscalité sur l?environnement est sans conteste excessive, mais elle reflète aussi pour
une part une diversité d?objec?fs et de moyens qui a des fondements, certes mal perçus, mais importants
aussi bien sur le plan économique que juridique. Une meilleure qualifica?on des différents instruments est
donc nécessaire, qui doit trouver son origine dans leur objet. En effet, celui-ci est déterminant pour en
concevoir les condi?ons d?efficacité. Au contraire, l?analyse à par?r des effets est source de confusion car
tous les instruments fiscaux ont à la fois des effets comportementaux, contribu?fs et distribu?fs. C?est donc
à par?r de leur qualifica?on que l?on peut construire, avec comme cas polaires :
- des taxes contribu?ves pures répondant au cahier des charges de l?ar?cle 13 de la Déclara?on des
droits de l?homme et du citoyen, pour financer les dépenses publiques et certains transferts
sociaux ;
- à l?opposé, la fiscalité à visée exclusivement comportementale6, pour donner un juste prix aux biens
pour lesquels le marché ne le fournit pas, orienter les comportements de demande et s?muler
« l?offre de solu?ons ».
Il faut ajouter à ces deux cas, les redevances pour service rendu.
Si l'on considère les deux premiers cas, on peut observer que l?objet est unique - respec?vement
financement et incita?on - et que les effets incidents sur le deuxième objec?f ne sont qu'indirects. Ces
effets indirects sont le plus souvent néga?fs ou indésirables et on parle alors d'effet distorsif de la fiscalité
générale (aucun impôt n?est sans effet sur l?inves?ssement, l?innova?on, le chômage).
À l?inverse, le fait, que les taxes comportementales génèrent une rece?e fiscale (plus ou moins pérenne
selon les élas?cités-prix), impose de répondre à deux enjeux :
- d?une part, y est associé un effet ex-ante sur le pouvoir d?achat ou le profit des agents qui
supporteront la taxe, qui selon les cas sera ou non compensé par l?évolu?on de la fiscalité
générale ;
- d?autre part, ce?e rece?e fait l?objet de revendica?ons quant à son u?lisa?on. Les principes de
neutralité fiscale, de recherche de double-dividende mais aussi la reconnaissance du besoin
d?accompagnement des perdants poten?els qui seront développés ci-dessous visent à répondre à
ces enjeux et à transformer en opportunité les problèmes d?acceptabilité associés.
Dans ces deux cas polaires, la nature exclusive de l?objec?f est manifeste :
- dans le premier cas, il s?agit de financer les biens publics de manière équitable sans distorsions
excessives sur l?ac?vité économique, ce qui relève d?une logique de transfert de richesse des
acteurs privés vers le financement de dépenses publiques ;
6Cf. « Un pacte fiscal écologique pour accélérer la transi?on écologique et solidaire : références économiques », Conseil économique
pour le développement durable, 2018.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 15
- dans le second cas, il s?agit de responsabiliser tous les agents économiques à leurs impacts
environnementaux, dans des condi?ons équitables mais sans réduire la préven?on recherchée,
notamment chez les acteurs où l?enjeu est le plus fort, ce qui relève d?une logique de tarifica?on
(des coûts sociaux).
En fait, le seul cas où les deux types d?objec?fs convergent spontanément est celui des redevances pour
service rendu. Mais cela ne vaut qu?en l?absence de coûts fixes à financer. Ce cas est toutefois important à
signaler, car dans notre pays, « l?agencisa?on » des services publics est limitée et donc leur tarifica?on peu
mobilisée. Or, certaines taxes à faible rendement cons?tuées en vue de financer des opérateurs publics
peuvent s?apparenter à une forme de redevance pour service rendu (cf. par exemple la taxe sur les
passagers mari?mes embarqués à des?na?on d?espaces naturels protégés, dont le produit est affecté pour
par?e au ges?onnaire de l?espace naturel dans lesquels les passagers ont débarqué : ce que le passager
paie ici, c?est l?accès qu?on lui accorde dans cet espace protégé et les charges associées).
Par ailleurs, il pourrait être souhaitable de faire évoluer certains impôts vers une logique plus incita?ve (cf.
financement du service public des ordures ménagères). En revanche, il faut éviter de faire dépendre le
financement à long-terme de ces services des pollu?ons émises, que l?on veut justement réduire.
La transi?on écologique a besoin de mobiliser tous ces instruments. De plus, dès lors que tous affectent les
comportements par rapport à l?environnement, ils sont comptés dans la fiscalité environnementale. Mais,
pour les concevoir, il faut les dis?nguer selon leur objet en privilégiant le principe « un objec?f-un
instrument » car ils n?appellent pas les mêmes évalua?ons d?impact.
Ainsi, il est souhaitable de mieux me?re en valeur les différentes composantes de la fiscalité pesant sur un
même produit. Par exemple, pour la fiscalité énergé?que, la part issue de la contribu?on climat-énergie
dans la taxe intérieure de consomma?on sur les produits énergé?ques, qui est fondamentalement un coût
du produit, devrait être rendue plus lisible dans le prix des produits. Tous ces éléments de compréhension
devraient accompagner les décisions en ma?ère de taxes environnementales, pour en assurer
l?intelligibilité par le public. C?est aussi essen?el pour la prospec?ve. Par exemple, on peut imaginer que
l?évolu?on du parc automobile vers l?électrique affectera à terme la composante carbone. La diminu?on de
la rece?e correspondante cons?tuera simplement la preuve de son efficacité et des poli?ques « véhicule
propre ». En revanche, la diminu?on concomitante de la par?e contribu?ve des accises sur les produits
énergé?ques, fiscalité de rendement, nécessitera de trouver d?autres sources de financement.
Le besoin d?an?cipa?on le plus aigu à cet égard est celui des carburants u?lisés par les transports rou?ers
de marchandises, pour lesquels la situa?on actuelle issue de choix passés, faits dans un contexte où l?enjeu
clima?que apparaissant encore éloigné, et de l?abandon de la redevance kilométrique ? qui assurait
pourtant un traitement équitable des pavillons ? n?est pas soutenable. Pour bâ?r une stratégie, il faudra
donc à la fois considérer la diversité des coûts sociaux (CO2, pollu?ons locales, conges?on?) et
simultanément reconstruire des modèles pérennes de financement des infrastructures7.
b. Les principes d?égalité, d?annualité et d?universalité face à la fiscalité environnementale
incita?ve
La fiscalité environnementale comportementale trouve son fondement juridique dans la Charte de
l?environnement, par?e intégrante du bloc de cons?tu?onnalité depuis 2005, et met en applica?on le
principe pollueur-payeur établi par l?ar?cle L.110-1 du code de l?environnement, qui prévoit que « les frais
résultant des mesures de préven?on, de réduc?on de la pollu?on et de lu?e contre celle-ci doivent être
supportés par le pollueur ». En l?absence de régime spécifique, la manière dont on doit y appliquer les
7Cf. CEDD : « Comment tarifer l?usage des routes au juste prix ? Leçons de l?écotaxe PL » (2013) et « La ges?on des infrastructures de
réseaux » (2015).
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 16
principes généraux de la fiscalité soulève des difficultés, avec des débats récurrents par rapport aux
ques?ons d?égalité, d?annualité et d?universalité.
Toute fiscalité doit respecter le principe d?égalité. Cependant, le Conseil Cons?tu?onnel considère que ce
principe d?égalité ne fait pas obstacle à ce que soient établies des imposi?ons spécifiques ayant pour objet
d?inciter les redevables à adopter des comportements conformes à l?objec?f d?intérêt général poursuivi,
même si les règles qui président à ces traitements différenciés doivent être solidement jus?fiées par
rapport aux objec?fs poursuivis. Toute exemp?on, exonéra?on, ou taux réduit en ma?ère de fiscalité
environnementale ne peut entrer en contradic?on de manière flagrante avec l?objec?f environnemental
recherché.
Sur ce point, les principes du droit sont donc convergents avec les principes économiques (sous réserve de
considérer l?ensemble du signal-prix, qu?il relève de taxes environnementales ou de mécanismes de quotas
échangeables sous plafond), puisque ces exemp?ons, en restreignant le champ des pollu?ons couvertes par
un signal-prix approprié, nuisent à l?efficience des réduc?ons de la pollu?on et donc à l?efficacité de la taxe,
souvent pour des agents économiques dont les pollu?ons sont justement sensibles.
Certes les mo?va?ons sont différentes, mais elles se rejoignent pour éviter les exemp?ons et taux réduits.
En revanche, du point de vue économique, il est possible de considérer un aba?ement à la base forfaitaire
tout en préservant l?impact incita?f, puisque, dans ce cas, le prix marginal est maintenu. De ce point de vue,
le choix à réaliser est alors d?arbitrer entre un principe pollueur-payeur strict « à la première émission » et
la nécessité de compenser certains perdants ou de limiter le fardeau pour des agents économiques n?ayant
objec?vement pas d?alterna?ve. Dans ce?e même perspec?ve, des taxes appliquées seulement aux
émissions en excès par rapport à celles correspondantes aux meilleures technologies disponibles peuvent
se jus?fier dans le cas où le risque de pertes de marché à l?interna?onal par rapport à des produits moins
performants sur le plan environnemental est documenté.
Par ailleurs, la défini?on d?objec?fs de long terme et la mise en place d?une fiscalité environnementale
adéquate sur le moyen terme cons?tuent des éléments essen?els, car cela permet d?assurer la crédibilité
des poli?ques publiques en donnant de la visibilité aux acteurs économiques, notamment aux inves?sseurs.
De plus, la défini?on d?une trajectoire permet de s?muler l?innova?on à moyen-terme et d?orienter les
choix d?inves?ssements de moyen ou long terme, dont le renouvellement est peu fréquent, afin d?éviter les
effets de verrouillage technologique (lock-in). Dans ces condi?ons, la pluriannualité des trajectoires
annoncées et leur respect condi?onnent l?efficacité de l?instrument. À défaut de règles spécifiques, il
convient donc d?u?liser pleinement en ce domaine les instruments dont on peut disposer pour établir ce?e
lisibilité pluriannuelle, notamment les lois de programma?on des finances publiques, qui systéma?quement
devraient comporter un chapitre dédié, définissant ses évolu?ons à moyen-terme, les réduc?ons d?autres
impôts ainsi permises et plus généralement les principes pour l?u?lisa?on de sa rece?e.
Le principe d?universalité budgétaire, qui proscrit a priori toute affecta?on ciblée des rece?es, est en effet
délicat car le fléchage systéma?que d?une par?e ou de la totalité des rece?es de la fiscalité écologique vers
des dépenses visant à financer la transi?on énergé?que et environnementale ne peut être écarté.
L?iden?fica?on des besoins de mesures d?accompagnement fait par?e de la construc?on des poli?ques8.
Sinon, ces poli?ques se trouvent bloquées ou soumises à la proliféra?on des exemp?ons de taxa?on qu?il
faut au contraire éviter à tout prix car l?uniformité du signal-prix est essen?elle.
Dans tous les cas, la ques?on de l?équité sociale dans la répar??on des efforts et des bénéfices des
poli?ques d?a?énua?on des risques, dommages et prélèvements de ressources revêt une acuité
par?culière. En effet, il faut avoir à l?esprit que ce n?est pas en soi la fiscalité écologique qui pèse sur le
pouvoir d?achat ou la compé??vité, c?est l?usage de sa rece?e qui détermine ses impacts dans ces
domaines. Ceci nécessite donc de développer des visions partagées de ses enjeux entre tous les acteurs
concernés.
L?affecta?on totale ou par?elle des rece?es est fortement demandée par les par?es prenantes (transfert
aux collec?vités, chèque énergie, hausse du fond chaleur, du programme Habiter Mieux, ou des moyens
8Dans le contexte ETS, l?a?ribu?on de quotas gratuits aux entreprises soumis à des risques de « fuites de carbone » (sur la base de
références techniques par ac?vité) relève de la même démarche.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 17
humains pour repérer et accompagner les foyers et entreprises en difficultés et qui pourraient bénéficier
d'aides). Elle peut être jus?fiée aussi par le fait que les effets redistribu?fs des taxes environnementales
sont importants et souvent non souhaités, donc nécessitant correc?on.
Elle présente cependant plusieurs inconvénients. En effet, cela rigidifie la dépense publique et restreint
d?autant le débat budgétaire. Cela peut également conduire à promouvoir une tarifica?on sous-op?male de
la taxe en fonc?on des besoins de l?organisme bénéficiaire et non en fonc?on des externalités générées.
Symétriquement, si la tarifica?on de la taxe est bien définie, l?affecta?on des rece?es risque d?être source
d?inefficience de la dépense publique, car l?adéqua?on entre les rece?es de la taxe et les besoins de
financement est peu probable : l?affecta?on conduit alors à favoriser une mauvaise u?lisa?on de l?argent
public en limitant les possibilités d?arbitrage en faveur de meilleurs projets.
Il y a donc des arguments contradictoires à prendre en compte, qu?il faut apprécier au cas par cas, les
éventuelles entorses à l?universalité devant être bien évaluées.
c. La fiscalité environnementale à intégrer dans la réforme de la fiscalité française
Les interac?ons entre la fiscalité comportementale et les finances publiques sont mul?formes. La plus
importante, souvent oubliée est qu?en favorisant la moindre pollu?on, on réduit les besoins futurs de
dépenses publiques nécessaires à la dépollu?on ou à l?adapta?on à un environnement pollué : ainsi la taxe
à l?essieu, très différenciée entre les silhoue?es en fonc?on selon leur agressivité sur les chaussées s?est
avérée un moyen très efficace pour maîtriser les coûts de renforcement des réseaux rou?ers. On a déjà
évoqué par ailleurs les ques?ons liées à l?u?lisa?on de ses rece?es et ses impacts éventuels sur le pouvoir
d?achat, les inégalités ou la compé??vité de certains secteurs par?culiers.
Compte-tenu de l?importance de tous ces enjeux, la fiscalité environnementale doit cons?tuer un ou?l de
poli?que économique cohérent avec le cadre fiscal et budgétaire général. Par les rece?es qu?elle génère,
elle contribue à l?a?einte des objec?fs macroéconomiques globaux poursuivis à l?horizon du quinquennat :
baisser d?un point les prélèvements obligatoires (notamment via la suppression de « pe?tes taxes » à faible
rendement et coût de ges?on important), ramener en 5 ans le déficit public à un niveau proche de
l?équilibre, réduire la dépense publique de plus de trois points de PIB.
En par?culier, le développement de la fiscalité écologique peut contribuer à la baisse d?impôts qui pèsent
sur les entreprises (prélèvements obligatoires pesant sur le capital ou le travail par exemple), notamment
ceux qui sont les moins efficaces du point de vue économique (plus « distorsifs »), comme les impôts sur la
produc?on, qui sont dus par les entreprises indépendamment de leur niveau d?ac?vité ou de résultat (par
exemple, la co?sa?on foncière des entreprises). Au vu de l?importance des impôts de produc?on acqui?és
par les entreprises par rapport aux autres pays européens (environ 3 % du PIB contre 1,5 % en moyenne
dans la zone euro), les entreprises vont valoir qu?une hausse de la fiscalité environnementale dont la
contrepar?e serait une baisse de ces impôts sur la produc?on est une piste intéressante à approfondir. La
suppression de ces impôts peut en par?culier ouvrir l?opportunité d?une réforme des dépenses fiscales
défavorables à l?environnement à iso-fiscalité pour certaines entreprises. À ce ?tre, le renforcement de la
fiscalité écologique cons?tue un ou?l efficace tant du point de vue environnemental que du point de vue
économique, comme l?a montré l?expérience suédoise.
Quoique l?exper?se de ce?e piste dépasse le cadre de ce rapport, celui-ci souligne qu?on ne peut ignorer
non plus les impacts sur le pouvoir d?achat des ménages, et en par?culier certains de ceux-ci, notamment
s?agissant de la fiscalité du carbone, par exemple celle-ci pèse immédiatement sur le prix des carburants
u?lisés par les véhicules légers et sur le secteur résiden?el (ensuite sur le secteur ter?aire). Ceci doit être
pris en compte quand on choisit l?u?lisa?on qui sera faite des rece?es, ce qui nécessite aussi une vision
d?ensemble de la fiscalité des ménages.
Les taxes environnementales doivent aussi se posi?onner dans le cadre plus large des autres chan?ers
fiscaux engagés par le gouvernement : réflexion sur les impôts de produc?on, réforme de la fiscalité locale
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 18
et de la taxe d?habita?on, suppression des « pe?tes taxes » à faible rendement et coût de ges?on important
et réduc?on des dépenses fiscales, etc. À cet égard, il convient de rappeler cependant :
- qu?une taxe écologique dont la rece?e s?évanouit parce que son impact comportemental préven?f
opère est un succès, qu?il faut surtout préserver pour éviter la renaissance de comportements
dommageables ;
- que la fiscalité environnementale est assise sur des maux sociaux (pollu?ons, u?lisa?on des
ressources?) et non sur des produc?ons ;
- que la meilleure tarifica?on des services environnementaux peut jus?fier des disposi?fs complexes
à l?instar de la tarifica?on des services privés. Le développement de la tarifica?on incita?ve des
déchets en est l?illustra?on. Les bonus-malus doivent aussi être évalués avec ce?e perspec?ve, car
ce sont des instruments incita?fs efficaces.
La fiscalité écologique a notamment comme mérite d?inciter les agents qui disposent de capacités de
réduc?on des nuisances peu coûteuses à les mobiliser toutes, en allant au-delà des normes. Dans un
contexte où l?on se soucie à juste ?tre d?éviter les normes rigides ou fixées à des niveaux réclamant des
efforts excessifs de la plupart des agents économiques, l?intérêt pour cet instrument se trouve renforcé,
l?ambi?on environnementale ne pouvant être maintenue que si le recours à la fiscalité écologique pour
orienter les comportements est accru, notamment dans tous les domaines de pollu?ons diffuses.
d. Une démarche de verdissement globale
Le développement de la fiscalité verte doit par ailleurs être vu dans un cadre global, la France s?étant
engagée aux côtés de l?OCDE à par?ciper au projet collabora?f de Paris sur les budgets verts (Paris
Collabora,ve on Green Budge,ng). Actuellement, il n?existe pas de document global qui réalise le suivi des
rece?es et dépenses environnementales au sens large, même si plusieurs documents budgétaires existent
(« jaune » budgétaire sur les dépenses de protec?on de l?environnement9, « jaune » budgétaire sur le
financement de la transi?on énergé?que10, document de poli?que transversale sur la lu?e contre le
changement clima?que11, voies et moyens Tome 212). Afin de favoriser la transparence de l?ac?on publique
en la ma?ère, il serait u?le de rassembler de façon cohérente et accessible les documents budgétaires
existants et d?examiner la cohérence des poli?ques budgétaires et fiscales avec les objec?fs na?onaux en
ma?ère environnementale et clima?que.
À tout le moins, un « jaune » fiscalité écologique est nécessaire car le Parlement doit disposer d?une vue
d?ensemble sur l?évolu?on de ce?e fiscalité et ses impacts macroéconomiques, budgétaires et
environnementaux. Mais celle-ci doit aussi être visée explicitement dans les documents fondamentaux :
d?abord les lois de programma?on des finances publiques, comme indiqué ci-dessus ; mais aussi dans le
rapport du Gouvernement pour l?examen des projets de lois de finances et le rapport économique associé ;
ainsi que dans les projets de loi de règlement (art. 48, 50 et 54 de la LOLF). De manière générale, les études
d?impact doivent encore être améliorées. Beaucoup d?éléments disponibles à cet égard demeurent
insuffisamment mobilisés13.
9h?ps://www.performance-
publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2018/pap/pdf/jaunes/Jaune2018_environnement.
pdf
10h?ps://www.performance-
publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2018/pap/pdf/jaunes/Jaune2018_transi?on_energ
e?que.pdf
11h?ps://www.performance-
publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2018/pap/pdf/DPT/DPT2018_climat.pdf
12h?ps://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2018/pap/pdf/VMT2-
2018.pdf
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 19
Dans ce?e même perspec?ve, et avec le même esprit que celui qui préside au développement des
Objec?fs de Développement Durable (ODD), il serait per?nent que la France se dote d?indicateurs de suivi
de la fiscalité environnementale afin de perme?re une meilleure évalua?on de ces poli?ques. Ces
indicateurs pourraient notamment servir de support aux débats annuels parlementaires, lors des
discussions budgétaires, en commission des finances et en commission du développement durable et de
l?aménagement du territoire. Si au niveau du prix du carbone, de tels indicateurs existent déjà et sont
mobilisables (niveau de taxa?on implicite du carbone u?lisé par l?OCDE, impacts de la taxa?on de l?énergie
sur le budget des ménages via le modèle Prometheus), d?autres indicateurs devront être imaginés pour les
autres enjeux environnementaux d?ici la fin du quinquennat. Une réflexion pourrait également être menée
pour intégrer pleinement ces indicateurs dans les indicateurs retenus par la LOLF dans les rapports annuels
de performance (RAP) perme?ant aux parlementaires d?évaluer l?efficacité des poli?ques et des dépenses
publiques.
Par ailleurs, la transi?on énergé?que et en par?culier le financement des projets de transi?on, doit
également s?appuyer sur le développement de la finance verte. En effet, la réorienta?on des financements
privés vers des projets en faveur de l?environnement et du climat nécessite, au-delà de la mise en place
d?une fiscalité environnementale au bon niveau, d?accompagner les acteurs financiers pour les inciter à
prendre en compte les risques liés au changement clima?que : il s?agit de facteurs de risque sous-jacents
qui se manifestent, au bilan des ins?tu?ons financières comme des risques de crédit, des risques de
marché, des risques opéra?onnels.
Ainsi, la France a été le premier pays à inciter les acteurs financiers à prendre en compte ces risques en
instaurant une obliga?on de repor,ng, relevant d?une démarche comparable à celle des recommanda?ons
récentes de la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TFCD). En effet, l?ar?cle 173 de la loi sur
la transi?on écologique pour la croissance verte introduit l?obliga?on pour les inves?sseurs ins?tu?onnels
de publier régulièrement des informa?ons sur leur ges?on des risques liés au climat rela?fs à leurs
décisions d?inves?ssement.
La France joue également un rôle majeur sur le marché des green bonds, dont le développement est
important pour financer la transi?on. En effectuant la première émission souveraine de taille de référence
en janvier 2017, la France par?cipe au développement du marché des green bonds et s?est posi?onnée
comme un acteur incontournable dans la structura?on de ce marché. En adoptant des standards de
repor,ng exigeants allant bien au-delà des exigences du marché, la France contribue à la promo?on et à
l?élabora?on des meilleures pra?ques en la ma?ère. Aujourd?hui, l?encours de l?OAT verte a?eint 14,8 Md¤,
ce qui en fait l?obliga?on verte la plus importante du monde de par son encours et sa liquidité.
Le paquet législa?f sur la finance durable, proposé par la Commission européenne le 24 mai 2018,
cons?tue également une contribu?on majeure au développement de la finance verte.
L?ensemble du processus de verdissement budgétaire et fiscal pourrait faire l?objet d?un document de
synthèse. À cet égard, il faudrait essayer de trouver une meilleure ar?cula?on entre les documents
existants : document de poli?que transversale sur la lu?e contre le réchauffement clima?que, jaune
budgétaire sur le financement de la transi?on écologique, CAS « aides à l?acquisi?on de véhicules propres ».
13Il existe en effet déjà des documents budgétaires en la ma?ère mais qui sont dispersés et qui me?ent en avant un critère
budgétaire et non un critère fondé sur le signal-prix.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 20
Proposi?ons :
1. Consacrer, dès le projet de loi de finances (PLF) pour 2020, un « jaune budgétaire » à la
fiscalité environnementale pour donner une vision intégrée de la manière dont les
instruments, notamment fiscaux, votés lors des lois de finances concourent à la préven,on
des a-eintes à l?environnement, conformément à l?ar,cle 3 de la Charte de
l?environnement. Cet objec,f sera renforcé avec la révision cons,tu,onnelle et il importe
d?en assurer sa visibilité sur la durée du quinquennat dans le cadre d?une présenta,on
cohérente de l?évolu,on de la fiscalité environnementale dans un cadre macroéconomique,
structurel et sectoriel. Pour cela, il convient que le Parlement dispose de ce document en
début de discussion budgétaire.
2. Décrire le développement de la fiscalité environnementale, qui doit faire l?objet d?un suivi
systéma,que, dans tous les documents de synthèse budgétaires et fiscaux, notamment les
lois de programma,on des finances publiques. De même, il convient d?évoquer les
réduc,ons d?autres fiscalités associées et le programme envisagé de réduc,on des
dépenses fiscales dommageables à l?environnement, qui doit également faire l?objet d?un
suivi spécifique.
3. Pour donner une visibilité aux acteurs sur les évolu,ons de ce-e fiscalité par rapport aux
objec,fs environnementaux, présenter systéma,quement la fiscalité environnementale ?
état des lieux et évolu,ons ? dans les documents de présenta,on budgétaires, avec
l?évalua,on de ses impacts et les principes retenus pour l?u,lisa,on des rece-es. Pour
s?assurer de l?adhésion de tous les acteurs, il conviendrait de créer un moment annuel de
concerta,on dédié à l?inves,ssement et la fiscalité verte.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 21
3. Une ambi?on fixée, des acteurs à embarquer :
comment construire l?écofiscalité comportementale ?
a. La fiscalité environnementale comme instrument de déclenchement des inves?ssements en
faveur de l?innova?on
La fiscalité environnementale cons?tue ainsi un moyen de modifier les comportements des acteurs dans un
sens plus favorable à l?environnement, de façon complémentaire à l?approche réglementaire, en les incitant
à mobiliser les capacités d?aba?ement perme?ant d?aller au-delà de la norme à des coûts raisonnables.
Contrairement à ce qui est souvent imaginé, le domaine d?excellence de la fiscalité environnementale n?est
pas celui où toutes les solu?ons d?aba?ement sont disponibles, perme?ant d?exiger la suppression totale
des nuisances (dans ce cas, une simple mesure d?interdic?on suffit). Au contraire, le domaine d?excellence
de la fiscalité environnementale est celui où il faut mobiliser les capacités d?aba?ement dans un ordre de
mérite et s?muler en parallèle la recherche de solu?ons nouvelles dans un processus dynamique
d?innova?on.
C?est aussi un moyen de s?muler l?innova?on verte à moyen-terme en incitant à la concep?on de produits
et de procédés de fabrica?on moins polluants, y compris en incitant à mobiliser des solu?ons dont la
maturité demeure insuffisante pour les ériger en norme réglementaire pour les acteurs14. Elle incite à
rediriger les inves?ssements vers des ac?vités peu polluantes, ces ac?vités devenant rentables
rela?vement dès lors que le coût engendré par le paiement de la taxe est supérieur au coût de
l?inves?ssement dans des technologies moins polluantes. Si la taxe est bien calibrée, les inves?ssements de
dépollu?on réalisés sont donc ceux dont le coût est inférieur au coût environnemental de la pollu?on, ce
qui assure que les réduc?ons de la pollu?on sont réalisées au moindre coût pour l?économie dans son
ensemble.
Contrairement à la réglementa?on et aux normes, elle laisse à chacun sa liberté de choix, dans un cadre
régulé. Elle incite à mobiliser ces efforts par ordre de mérite et, par son caractère libératoire, évite
d?imposer à des agents des coûts excessifs par rapport aux bénéfices a?endus pour la collec?vité. C?est
aussi un instrument pour enclencher une révolu?on industrielle bas-carbone. Celui-ci a ainsi fait preuve de
son efficacité comme le rappelle l?OCDE15 : « la tarifica?on du carbone offre un moyen efficace et peu
coûteux de susciter une telle réduc?on. Si elle peut ne pas être suffisante pour assurer le niveau de
réduc?on des émissions nécessaires pour limiter les risques de changement clima?que, elle cons?tue
néanmoins une par?e essen?elle de la solu?on ».
14CEDD, 2016, « Comment concilier développement économique et environnement ? » et M. Chiroleu-Assouline, Ins?tut Friedland,
juillet 2018, « Verdissement de la fiscalité : quels effets sur les entreprises ? ».
15OCDE, septembre 2016, « Taux effec?f sur le carbone ? Prix des émissions de carbone déterminé par les taxes et les systèmes
d?échanges de permis d?émission ». En France, les impacts d?une taxe carbone ont fait l?objet de nombreux rapports, notamment du
CAE (« fiscalité environnementale », 1998, rapport « Guesnerie », 2003) et de France Stratégie (rapport « Quinet », 2009). L?examen
des performances environnementales de la France 2016 de l?OCDE rend compte des travaux plus récents (notamment son chapitre
« Vers une fiscalité plus verte », qui comprend une bibliographie détaillée pp. 176-182).
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 22
Figure 1 : Part des émissions de CO? soumises à un taux effec,f de taxa,on du carbone à 30¤/t (gauche) et
0¤/t (droite), en comparaison de l?intensité carbone dans le PIB
Pour autant, la transi?on écologique nécessite de recourir à une panoplie d?instruments diversifiés,
privilégiant le signal-prix quand il s?agit d?orienter les choix, mais recourant aussi à la norme, lorsque
l?interdic?on est légi?me, ou lorsque l?on est sûr que la réglementa?on ne restreint pas l?éventail des choix
technologiques pour les solu?ons. Par ailleurs, il faut financer les inves?ssements publics et souvent
accompagner l?émergence des nouveaux modèles économiques, par exemple par des instruments de
poli?ques publiques visant à orienter les financements privés.
La fiscalité écologique elle-même doit être conçue dans un cadre systémique, comme une poli?que
structurelle, transforma?onnelle, ce qui implique en par?culier : un effort de dialogue et de pédagogie à
mener au long cours ; et le sou?en approprié à l?émergence des solu?ons sur lesquelles les acteurs
pourront s?appuyer.
La fiscalité environnementale a notamment pour objec?f de modifier les comportements. Cet objec?f
nécessite dès lors que le développement de la fiscalité environnementale intègre la ques?on de la
nécessité du déclenchement des inves?ssements nécessaires pour assurer ce?e transi?on. Face à des
inves?ssements réalisés sur une certaine durée, la fiscalité environnementale nécessite une meilleure
prévisibilité et une stabilité sur le long terme avec des trajectoires fixées durablement sur une période
prédéfinie. La fiscalité environnementale doit ainsi être perçue comme un ou?l perme?ant le
déclenchement des inves?ssements en faveur de l?innova?on et non comme un frein à celle-ci.
L?accès aux aides à l?inves?ssement vers des solu?ons favorisant la transi?on environnementale cons?tue
un pilier complémentaire au développement de la fiscalité environnementale. Celui-ci doit cependant être
mieux calibré afin de répondre aux a?entes des entreprises en fonc?on de leurs besoins spécifiques. Ainsi,
les aides proposées sont souvent pensées à grande échelle alors que les besoins financiers d?une grande
entreprise ne sont pas les mêmes que ceux d?une PME. La prise en compte des besoins financiers en
fonc?on de la taille des entreprises est un élément nécessaire à intégrer à court terme afin que tous les
acteurs puissent trouver les solu?ons de financement nécessaires à leurs inves?ssements.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 23
b. La compréhension de la fiscalité environnementale, clef de voûte de son succès
La fiscalité écologique est un instrument de transforma?on structurelle16 de l?économie, qui ne peut être
mis en oeuvre sans assurer les solidarités adéquates vis-à-vis des ménages ou territoires les plus impactés
et prendre en compte les besoins de modernisa?on de certains secteurs. D?un point de vue social,
l?acceptabilité de la fiscalité écologique nécessite d?analyser et d?an?ciper ses impacts, et au besoin de
corriger ses effets indésirables. La transi?on fiscale écologique ne pourra être réalisée que si elle est en
même temps solidaire, en intégrant l?exigence de jus?ce sociale. C?est une condi?on sine qua non de
l?acceptabilité de la transi?on. C?est pourquoi la hausse de la taxa?on des énergies carbonées s?accompagne
d?un « paquet solidarité clima?que ».
L?u?lisa?on des rece?es de ce?e fiscalité est ainsi souvent scrutée avec beaucoup d?a?en?on par les
par?es prenantes. Cependant, la première condi?on de l?acceptabilité est la neutralité fiscale (iso-fiscalité).
La fiscalité environnementale ne peut en effet se développer si elle reste perçue comme un moyen de
couvrir des impasses budgétaires. En pra?que, il apparaît aussi difficile d?en assurer l?acceptabilité si les
baisses d?impôt associées génèrent des transferts trop importants entre ménages, entreprises et entre les
différentes missions de l?État.
Plus généralement, l?acceptabilité dépend de la prévisibilité et de la progressivité pour perme?re aux
acteurs d?an?ciper et de se préparer à la transi?on. Par ailleurs, les impacts sur le pouvoir d?achat ne
peuvent être sous-es?més, ni ceux sur la compé??vité de certains secteurs exposés à la concurrence
interna?onale.
Du côté des ménages, la fiscalité écologique peut avoir des effets redistribu?fs importants dont les impacts
doivent être pris en compte dans la stratégie globale de redistribu?on ainsi que, dans certains cas, par des
mesures d?accompagnement spécifiques. Par exemple, en ce qui concerne la fiscalité carbone, la li?érature
économique indique qu?une réu?lisa?on par?elle des rece?es permet de compenser l?impact an?-
redistribu?f de la taxe.
Ces effets redistribu?fs doivent notamment être évalués du point de vue géographique : en effet, l?impact
de la fiscalité environnementale peut être plus ou moins fort selon les territoires et causer des inégalités
géographiques. Les spécificités géographiques peuvent en par?culier influer sur la disponibilité et le coût
des solu?ons alterna?ves, et doivent donc être prises en compte dans la stratégie globale de redistribu?on.
c. Le besoin de visibilité sur l?u?lisa?on des rece2es
L?iden?fica?on des besoins de mesures d?accompagnement fait par?e de la construc?on des poli?ques.
Sinon, celles-ci se trouvent bloquées ou soumises à la proliféra?on des exemp?ons qu?il faut au contraire
éviter à tout prix car l?uniformité du signal-prix est essen?elle.
L?examen des expériences étrangères est riche d?enseignements (Suède mais aussi Irlande, Colombie-
Britannique ou Indonésie), mais il laisse beaucoup de ques?ons ouvertes. À tout le moins, il permet
cependant d?affirmer que la ques?on de l?u?lisa?on de la rece?e de l?écofiscalité est un sujet
incontournable. Il fournit aussi un recensement des modalités alterna?ves possibles en ce domaine et de
leurs condi?ons d?efficacité.
L?exemple suédois est intéressant à ce ?tre, notamment par le fait que la mise en place d?une taxe carbone
a été établie d?entrée dans un cadre global de mandature. Les rece?es de la taxe carbone ont été par
16Cf. CEDD, 2016, « Comment concilier développement économique et environnement ? » : la fiscalité écologique doit être en
cohérence avec les autres muta?ons de l?économie, notamment en ma?ère de numérisa?on.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 24
exemple u?lisées pour diminuer le coût du travail pour les entreprises et l?impôt sur le revenu pour les
ménages, avec des résultats probants en ma?ère de baisse des émissions du secteur résiden?el et ter?aire.
De même, les rece?es de la taxe sur les oxydes d?azote (NOx) sont redistribuées aux entreprises en fonc?on
de leur produc?on d?énergie, afin de ne pas nuire à la compé??vité du secteur dans son ensemble. Ce
faisant, le transfert intersectoriel (un prélèvement du secteur éme?eur de NOx vers le reste de l?économie)
est neutralisé, la redistribu?on intra-sectorielle favorisant les entreprises les moins intensives en pollu?on.
En résumé, le sujet ne peut être évacué par principe, comme le montre l?u?lisa?on des rece?es de la
fiscalité environnementale dans les pays étrangers, marquée le plus souvent par une part d?affecta?on ou
u?lisa?on fléchée17. Mais il peut cependant se régler de manière pragma?que sans affecta?on formelle
dans le cadre des programma?ons budgétaires. Par exemple, il serait u?le que le Gouvernement
communique sur l?u?lisa?on des rece?es de ce?e fiscalité. De nombreux travaux ont démontré que la
communica?on et la transparence sur l?u?lisa?on des rece?es d?une mesure fiscale renforce son
acceptabilité sociale, et la fiscalité environnementale n?y fait pas excep?on. A ?tre d?exemple, lors de
l?introduc?on de la composante carbone en 2014, le ministre chargé du Budget avait indiqué son souhait
que les rece?es de ce?e taxe par?cipent au financement du crédit d?impôt pour la compé??vité et l?emploi
introduit en même temps.
En outre, assurer une meilleure visibilité, un meilleur suivi et une meilleure évalua?on des dépenses
budgétaires vertes peut contribuer à cet objec?f : c?est le travail réalisé dans le cadre de l?Obliga?on
Assimilable du Trésor verte (OAT verte), l?obliga?on souveraine verte émise par la France en janvier 2017 et
dont l?encours a?eint actuellement 14,8 Md¤. En effet, les émissions de l?OAT verte sont adossées à des
dépenses vertes du budget général de l?État, qui sont donc recensées dans ce cadre. L?alloca?on des fonds
fait l?objet d?un rapport annuel. Par ailleurs, l?impact environnemental et clima?que des dépenses vertes
sera évalué par le Conseil d?évalua?on de l?OAT verte, conseil interna?onal composé d?experts
indépendants en évalua?on des poli?ques publiques et en finance verte.
Proposi?ons :
4. Élaborer à l?horizon 2021 des indicateurs de suivi de la fiscalité environnementale,
notamment afin de pouvoir évaluer la modifica,on des comportements couvrant
l?ensemble des pollu,ons et enjeux environnementaux. Sans a-endre, doivent être
mis en place en priorité, des indicateurs perme-ant de me-re en parallèle la
trajectoire en ma,ère de fiscalité environnementale, de démantèlement des
dépenses fiscales et subven,ons publiques dommageables à l?environnement, et de
dépenses fiscales consen,es en faveur de la protec,on de l?environnement ; ainsi
que la trajectoire en ma,ère de redistribu,on des rece-es de ce-e fiscalité et la
trajectoire de l?a-einte des objec,fs fixés.
5. Favoriser une meilleure communica,on sur les enjeux et l?u,lisa,on des rece-es des
taxes environnementales afin d?en renforcer l?acceptabilité sociale et de concré,ser
le pacte fiscal écologique. Pour cela, il convient d?iden,fier précisément les projets
locaux en ma,ère environnementale financés par des fonds publics afin de renforcer
l?acceptabilité sociale de la fiscalité énergé,que, et d?assurer un suivi des
accompagnements (chèques énergie, primes à la conversion des véhicules?) par
territoire. Plus généralement, il est souhaitable que les contribuables puissent
disposer d?un document récapitula,f de la fiscalité environnementale qu?ils paient et
men,onnant les informa,ons rela,ves aux enjeux associés et à son u,lisa,on.
17Voir « Comment les autres pays u?lisent les rece?es des taxes environnementales », présenta?on de B. Leguet (I4CE) lors du
séminaire du 13 février 2018 : « Quel cadre fiscal pour accélérer la transi?on écologique et solidaire » ?
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 25
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 26
Deuxième par?e : Pour un niveau
d?ambi?on répondant aux enjeux
1. Des réformes ambi?euses déjà décidées, à compléter
et à accompagner
Avec le plan na?onal climat adopté en juillet 2017, les mesures adoptées dans le PLF 2018, et les
différentes consulta?ons publiques sur l?économie circulaire, sur les mobilités et sur l?alimenta?on, des
mesures ambi?euses ont été discutées, mises en oeuvre pour certaines (révision de la trajectoire de la
contribu?on climat énergie) ou actées sur le principe pour d?autres (restructura?on de la fiscalité déchets,
taxe HFC). La mise en oeuvre de ce?e ambi?on doit être concré?sée, accompagnée autant que nécessaire,
et complétée.
a. Restructurer la fiscalité des déchets et du recyclage
La feuille de route pour l?économie circulaire (FREC) a été récemment publiée et propose un certain
nombre d?engagements en ma?ère fiscale afin d?accélérer la transi?on vers une économie circulaire. Elle
propose de rendre le recyclage moins coûteux que le stockage et l?incinéra?on avec plusieurs mesures :
- augmenter les tarifs de la taxe générale sur les ac?vités polluantes (TGAP déchets) pour le stockage
des déchets et l?incinéra?on afin de renchérir leur coût par rapport au recyclage ;
- elle propose également de supprimer les réfac?ons de ce?e taxe qui sont contradictoires avec les
objec?fs de tri à la source et de valorisa?on des biodéchets, soit contradictoires avec d?autres
composantes de la TGAP, soit sans lien avec la taxe ;
- afin de rendre la valorisa?on des déchets moins chers que l?élimina?on, ce?e hausse de la TGAP
s?accompagnera d?une baisse de la TVA à 5,5 % pour les opéra?ons de préven?on, collecte séparée,
tri et valorisa?on ma?ère des déchets.
La FREC vise également à développer le recours à la tarifica?on incita?ve des déchets par la mise en place
d?une fiscalité avantageuse pour les collec?vités territoriales en proposant la réduc?on de 8 % à 3 % des
frais de ges?on perçus sur la TEOM pendant les 3 premières années où une collec?vité passe en tarifica?on
incita?ve.
Ces proposi?ons, dont la per?nence est reconnue, doivent être soutenues. Elles devront faire l?objet d?une
traduc?on concrète dans le cadre du PLF pour 2019 car il est essen?el que l?évolu?on de ce?e trajectoire à
l?horizon du quinquennat, et donc sa prévisibilité, soit maintenant fixée. Ainsi, dans le cadre de la
proposi?on rela?ve à la TGAP, l?objec?f vise à renchérir le coût de l?enfouissement et de l?incinéra?on par
rapport au coût de valorisa?on des déchets, qui s?élève en moyenne à 136 ¤/t. Il pourrait donc être
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 27
proposé que le taux applicable au stockage soit augmenté de 65 ¤ d?ici 2025 et ceux de l?incinéra?on de
15 ¤ ou 25 ¤ en fonc?on de la valorisa?on énergé?que ou non liée à ce?e incinéra?on.
Au cours des audi?ons menées pour ce rapport, les représentants des collec?vités territoriales ont souligné
que le caractère temporaire de la baisse des frais de ges?on en cas de passage en tarifica?on incita?ve peut
paraître contradictoire à l?objec?f de développement de ce mode de tarifica?on. Ils ont ainsi rappelé que ce
taux de frais de ges?on de 8 % est tout à fait excep?onnel par rapport au taux des autres imposi?ons
locales qui est en très grande majorité fixé à 3 % et, qu?en conséquence, il serait souhaitable de rendre
permanente ce?e baisse des frais de ges?on à 3 %.
Par ailleurs, ces mêmes représentants ont signalé la possibilité de solu?ons perme?ant d?obtenir la hausse
visée du signal-prix marginal sur la TGAP tout en limitant l?impact financier par le biais d?aba?ements à la
base.
Il y a en effet nécessité à ce que la TGAP reste une taxe incita?ve et favorise une orienta?on des flux vers
les filières industrielles de tri, de recyclage et de valorisa?on des déchets, en prenant en compte les efforts
réalisés par les producteurs de déchets, citoyens et entreprises, et en conservant la philosophie qui a
prévalu lors de son instaura?on par la loi Grenelle.
Au-delà, ceux-ci soulignent en tout état de cause que les mesures fiscales proposées dans le cadre de la
FREC doivent être mises en oeuvre en même temps que l?ensemble des autres ou?ls économiques et
réglementaires proposés dans le cadre de la feuille de route (comme par exemple, la créa?on de nouvelles
filières REP pour certains gisements de déchets). Ce?e modifica?on de la fiscalité sur les déchets ne peut
en effet être cohérente que si elle s?inscrit dans le cadre d?ensemble prévu en la ma?ère, associant ou?ls
fiscaux et mesures réglementaires et effec?vité de celles-ci.
b. Couvrir toutes les émissions de GES
En France, en 2015, les secteurs les plus éme?eurs de GES (en équivalent CO2) sont les transports (29 %),
les logements, bureaux et locaux commerciaux (16,5 %, dont environ 60 % pour le résiden?el), l?agriculture
(17,1 %), l?industrie manufacturière et la construc?on (11 %). En raison de l?importance de la produc?on
électrique nucléaire, l?industrie de l?énergie ne représente en France que 11 % des émissions en France,
contre 33 % en moyenne en Europe.
Figure 2 : Répar,,on par source des émissions de GES en France en 2015 (hors u,lisa,on des terres, de leur
changement et de la forêt ? UTCF)
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 28
Figure 3 : Répar,,on par mode de transport des émissions de GES en France en 2014
Négocier au niveau européen pour un prix plancher du carbone sur le secteur de l?électricité
La tarifica?on de ces émissions relève de deux mécanismes, selon qu?ils proviennent d?industries intenses
en énergie ou de secteurs diffus (transports, résiden?el-ter?aire et agriculture notamment) : au travers de
la composante carbone sur les consomma?ons d?énergies et, pour les entreprises fortement éme?rices de
CO2, au travers du mécanisme du marché des quotas européens. L?ambi?on et la cohérence d?ensemble des
régula?ons ainsi mises en place est essen?elle. Si en ma?ère de composante carbone, la trajectoire est
fixée sur le long-terme en fonc?on d?une valeur tutélaire définie, en raison d?un excès de quotas, le prix du
carbone sur le marché des quotas d?émission de l?UE (ETS) est longtemps resté très faible (5 à 6 ¤/tCO2),
mais le récent accord sur la réforme du marché européen pour la période « post-2010 » devrait entraîner
une hausse du prix18. Toutefois, ce?e hausse risque de ne pas être suffisante pour a?eindre les prix
recommandés pour inciter aux inves?ssements nécessaires pour limiter le réchauffement à 2 °C ni pour
orienter massivement les inves?ssements des entreprises vers des technologies moins polluantes. Ainsi, les
autorités françaises défendent la mise en place d?un prix plancher du carbone sur le secteur de
l?électricité19. Les efforts des autorités françaises sur ce point doivent donc être soutenues et encouragées,
au niveau européen20.
Proposer un calendrier de réforme des dépenses fiscales liées aux énergies fossiles en prévoyant des
mécanismes de compensa,on pour limiter l?impact économique en termes de compé,,vité
La ques?on des dépenses fiscales sectorielles liées à la consomma?on d?énergies fossiles demeure
importante. Ces dépenses fiscales présentent des effets environnementaux néga?fs importants ainsi qu?un
coût budgétaire significa?f (cf. par?e 1). Tant le G7 que le G20, l?Union Européenne et l?OCDE21 ont pointé le
besoin de réduc?on de ces aides dont les impacts sont néga?fs pour l?environnement.
Certaines de ces dépenses fiscales comprennent des enjeux interna?onaux d?ordre juridique ou
économique, de sorte que la ques?on ne peut être réglée au seul niveau français. Ainsi, les exonéra?ons de
TICPE pour le secteur aérien ou pour le secteur mari?me ne peuvent être réformées que dans le cadre
d?une négocia?on interna?onale. De telles négocia?ons en cours, dans le cadre de l?organisa?on mari?me
interna?onale (OMI), doivent être poursuivies et largement soutenues, d?autant plus que l?OMI s?est
18Qui a a?eint 17¤/tCO? en 2018.
19h?ps://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/2017.09.04_bp_depalcement_berlin.pdf
20La recommanda?on d?un prix plancher pour l?ETS était développé dès 2009 par J. Tirole dans son rapport au CAE sur la poli?que
clima?que. Plus récemment elle a été analysée par le rapport Canfin-Grandjean-Mestrallet (2016).
21Déclara?on du G7 de Toyama de 2016 et déclara?on du G20 de Pi?sburgh de 2017, OCDE, septembre 2015 « Rapport
accompagnant l'inventaire OCDE des mesures de sou?en pour les combus?bles fossiles », Commission européenne, novembre
2016, « Une énergie propre pour tous les européens ».
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 29
récemment engagée22 à ce que les émissions de CO? du secteur mari?me diminuent de 50 % entre 2008 et
2050 : de tels objec?fs ne pourront être a?eints qu?avec une poli?que fiscale cohérente, limitant les
sou?ens à la consomma?on d?énergies fossiles.
Certaines dépenses fiscales en revanche relèvent de la seule compétence na?onale et peuvent être
réformées, comme les remboursements de TICPE sur le secteur du transport rou?er de marchandises, du
transport en commun de voyageurs, des taxis, des agriculteurs, ou le taux réduit de TICPE pour le secteur
du BTP et de l?agriculture.
Du point de vue économique, une telle réforme doit être guidée par l?objec?f de tarifica?on des
externalités. Cela signifie que l?objec?f économique d?une telle réforme n?est pas un alignement
systéma?que de tous les taux réduits sectoriels sur un seul taux de référence, et que le taux cible doit
dépendre des externalités effec?vement liées à chaque usage. Ainsi, les usages du gazole non rou?er
(agriculture, BTP) génèrent bien des émissions de CO?, et plus marginalement des émissions impactant la
qualité de l?air, mais ne causent ni a?eintes aux personnes, ni conges?on, qui sont des externalités
néga?ves qui représentent une part importante du coût des externalités néga?ves associées aux
circula?ons rou?ères (transport de marchandises ou transport de personnes).
A minima, ces taux réduits devraient être progressivement relevés pour intégrer au moins la taxe carbone,
selon la trajectoire de taux décidée en LFI 2018, conformément à la proposi?on issue des travaux de
l?Atelier « mobilités plus propres ? Réduire notre empreinte environnementale » des Assises de la Mobilité.
Afin de ne pas pénaliser les secteurs concernés, notamment du fait que ces aides ont un impact important
en ma?ère de compé??vité des entreprises, ce?e suppression devra sans doute s?accompagner de mesures
de compensa?on, par exemple sous la forme de suppression de taxes existantes spécifiques à ces secteurs
qui seraient « inefficaces » ou distorsives (car pesant sur les moyens de produc?on). Des travaux devront
être menés d?ici la fin 2018 avec les par?es prenantes concernées afin de déterminer quelles mesures de
compensa?on semblent per?nentes et juridiquement sûres.
Me-re en oeuvre une tarifica,on appropriée des impacts clima,ques associés aux HFC, un engagement du
Plan Climat
Dans le cadre du Plan Climat, le gouvernement s?est engagé à introduire une fiscalité incita?ve sur les
hydrofluorocarbures (HFC), qui sont de puissants gaz à effet de serre, tout en s?assurant que ces mesures
accélèrent la transforma?on du secteur industriel concerné. En effet, leur pouvoir de réchauffement est
très élevé, entre 700 et 15 000 fois celui du CO2, et ils représentent 5 % des émissions de GES en France,
avec des niveaux d?émission qui ont cru fortement entre 1990 et 2015. Par ailleurs, des solu?ons de
subs?tu?on existent déjà et sont facilement mobilisables dans de nombreux cas, de sorte qu?un
changement de comportement est à me?re en place rapidement pour infléchir l?évolu?on de ces
émissions. Une taxe sur les HFC perme?rait ainsi une baisse rapide, par ordre du mérite du point de vue
des coûts à engager des émissions de ce GES, et s?mulerait la recherche des solu?ons appropriées dans les
différentes situa?ons. Une telle taxe existe déjà dans un certain nombre de pays européens (Suède,
Danemark, Espagne, Pologne, Slovénie). Les taux de la taxe seraient progressifs afin de perme?re aux
acteurs concernés de s?adapter.
Ce?e fiscalité viendrait en complément du marché de quotas européen sur les HFC, dont les quan?tés sont
encadrées par le règlement européen rela?f aux gaz à effet de serre fluorés. Ce règlement prévoit en effet
la mise en place d?un système de quotas pour les producteurs et importateurs de plus de 100 tonnes par an
de HFC, à compter du 1er janvier 2015. Les premiers quotas ont été calculés sur la base des quan?tés mises
sur le marché entre 2009 et 2012 et la quan?té globale de HFC mis sur le marché est réduite
progressivement : 93 % en 2016-2017, 63 % en 2018-2020? pour a?eindre 21 % en 2030.
Ce?e taxe, contestée par les entreprises du secteur concerné, devrait cependant être introduite en
s?assurant de la cohérence d?ensemble des instruments u?lisés au niveau français et européen. Dans ce?e
perspec?ve, les taux devraient se situer à des niveaux cohérents en fonc?on des objec?fs affichés. Ainsi, un
22Cf. conclusions de la 72ème session du comité de protec?on de l?environnement marin (MEPC 72) de l?OMI d?avril 2018.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 30
taux de taxe qui induirait un prix des HFC supérieur aux dommages ne pourrait pas être considéré comme
économiquement efficace, ces dommages devant être appréciés cependant en intégrant pleinement le
pouvoir réchauffant de ces fluides rappelé ci-dessus. Des mesures d?accompagnement en faveur des
u?lisateurs de fluides réfrigérants pourraient être mises en place si la tarifica?on adoptée n?est pas
suffisante pour rendre compé??ve des technologies alterna?ves ou si d?autres imperfec?ons de marché
sont iden?fiées.
Étudier des ou,ls économiques pour accompagner la réduc,on des émissions de GES des ac,vités agricoles
L?élevage peut être d?un côté un producteur non négligeable de gaz à effet de serre par la produc?on de
méthane issue de la rumina?on des vaches. En revanche, les prairies servant à nourrir les animaux ainsi que
les cultures sont de puissants moyens de stocker du carbone. En outre, les effluents d?élevage peuvent être
u?lisés pour produire du biogaz (via le procédé de méthanisa?on) et contribuer ainsi à réduire le contenu
en GES de la consomma?on d?énergie. Dès lors, le meilleur ou?l économique incitant à des démarches
vertueuses devrait être systémique pour capter la logique globale environnementale de l?exploita?on. Cet
ou?l pourrait être un bilan carbone à l?exploita?on avec des bonus ou crédit d?impôt pour les meilleurs
bilans.
Les réflexions sur l?avenir de la Poli?que agricole commune (PAC) pour l?après 2020 placent ce?e
probléma?que au centre : des disposi?fs visant à augmenter le stockage de carbone dans le secteur
agricole sont possibles et en cours de discussion. Dans ses proposi?ons pour l?avenir de la PAC post 202023,
la Commission propose de favoriser la séquestra?on de carbone en augmentant la teneur du sol en
carbone organique. Dans le cadre du nouveau modèle de mise en oeuvre de la PAC davantage orienté sur
les résultats, il est proposé de prendre en compte un indicateur de résultat pour suivre cet objec?f qui
serait la part des terres agricoles faisant l?objet d?engagement en ma?ère de réduc?on des émissions, de
main?en et/ou de renforcement du stockage de carbone. À plus long terme, il serait possible d?envisager
une évolu?on vers un système socio-fiscal incita?f et rémunérateur. Il est néanmoins important d?être
vigilant du point de vue des aides européennes (aides de minimis) : il pourrait être contraire au droit de
l?Union européenne d?adosser une fiscalité incita?ve/avantageuse à une culture ou produc?on adossée à la
PAC.
c. Accompagner les transi?ons : évaluer finement les impacts sociaux et territoriaux de la hausse
programmée de la taxe carbone sur les carburants et les combus?bles de chauffage des ménages
et adapter le dimensionnement des instruments de compensa?on des effets an?-redistribu?fs
de ce2e hausse
En se fixant un objec?f de 86 euros la tonne de CO2 en 2022, la France s?est dotée d?une poli?que
ambi?euse en ma?ère de tarifica?on du carbone24. Ce niveau correspond en effet au niveau généralement
jugé souhaitable pour franchir une première étape dans sa tarifica?on (cf. par exemple le rapport de la
Commission S?glitz-Stern), en ligne avec les engagements na?onaux associés à l?Accord de Paris.
Cependant, ceux-ci demeurent insuffisants pour en a?eindre les objec?fs, le « budget carbone »
compa?ble au niveau mondial avec les 2°C s?épuisant très rapidement. Les travaux du GIEC montrent ainsi
qu?un retard a été pris dans la lu?e contre le changement clima?que. De plus, la faiblesse des prix
d?importa?on des combus?bles fossiles sur la période récente a conduit à relâcher les efforts.
C?est dans ce contexte qu?a été confiée à la Commission présidée par Alain Quinet, sous l?égide de France
Stratégie, la mission de réévaluer la « valeur tutélaire du carbone » appropriée pour guider les poli?ques
23La Commission européenne a présenté son paquet législa?f pour la PAC post 2020 le 1er juin 2018 qui doit maintenant faire l?objet
de discussions et pourrait donc évoluer.
24Cf. Avis du 10 janvier 2017 du CEV sur « l?opportunité d?une accéléra?on de la trajectoire de la composante carbone ».
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 31
publiques dans la perspec?ve de l?objec?f de neutralité carbone à l?horizon 2050 : il s?agit d?évaluer la
valeur de référence du carbone qui perme?rait d?op?miser la transi?on pour a?eindre cet objec?f.
La trajectoire correspondante reflétera donc jusqu?où il faudrait pousser les niveaux d?efforts à chaque
instant pour le tenir, en répar?ssant efficacement les efforts au cours du temps. C?est donc un élément
essen?el pour calibrer les instruments des poli?ques clima?ques, normes techniques, inves?ssements
publics et, évidemment, tarifica?on du carbone, puisque celle-ci est un instrument privilégié pour orienter
les décisions privées dans ce?e perspec?ve. Certes, le passage entre ces travaux de modélisa?on et la
fiscalité n?est pas mécanique, ne serait-ce que parce qu?il faut tenir compte de l?état de la coopéra?on
interna?onale. Cependant, les travaux de modélisa?on réalisés dans ce cadre confirment qu?un relèvement
substan?el des trajectoires de prix du carbone serait souhaitable pour corriger le retard qui a été pris et se
me?re en ordre de marche pour la neutralité carbone.
Toutes les réévalua?ons en cours montrent que ce?e ambi?on est absolument nécessaire pour a?eindre
les objec?fs clima?ques de l?Accord de Paris. En revanche, pour assurer l?acceptabilité des trajectoires
carbone annoncées, les mesures d?accompagnement en termes de pouvoir d?achat de certaines familles
(rurales et précaires énergé?ques) nécessitent des ajustements, a for?ori dans un contexte de relèvement
du prix de marché des combus?bles fossiles.
De même qu?il est envisageable qu?une par?e des rece?es de la composante carbone pourrait être u?lisée
afin de baisser les impôts sur la produc?on des entreprises afin d?agir à iso-fiscalité, il faut également
considérer qu?une autre par?e des rece?es pourrait être recyclée en faveur du pouvoir d?achat des
ménages, par exemple via un élargissement du champ des bénéficiaires du chèque énergie et une hausse
significa?ve de son montant, car le poids de la fiscalité sur l?énergie portant sur les ménages est
prépondérant. De même, il pourrait être également proposé qu?une par?e de ces rece?es soit affectée aux
collec?vités territoriales, pour les ac?ons qu?elles mènent en faveur de la rénova?on énergé?que des
bâ?ments, comme dans le cadre du Programme « Ac?on coeur de ville » qui vient d?être lancé, ou pour
financer l?élabora?on et la mise en oeuvre des Plans Climat-Air-Énergie Territoriaux (PCAET), des Schémas
Régionaux du Climat, de l?Air et de l?Énergie (SRCAE) ou des Schémas Régionaux d?Aménagement et de
Développement Durable et d?Égalité des Territoires (SRADDET).
Plus largement, il est nécessaire de développer l?évalua?on régulière des impacts des ou?ls de
compensa?on mis en oeuvre (nombre de ménages concernés, répar??on par décile, répar??on par
territoire?), afin de les redimensionner si nécessaire.
Suite aux dernières discussions de l?OPEP (juin 2018), il pourrait être suggéré de me?re à profit les
quelques six mois de répit à venir pour analyser de manière fine les impacts de la trajectoire carbone sur
les ménages pour les 4 années qui viennent, afin d?iden?fier les plus fragilisés et handicapés par ce?e
mesure et réfléchir en lien avec les autres réformes à venir de l?accompagnement que l?État devrait me?re
en place pour que la trajectoire puisse être maintenue sans qu?elle n?ait de conséquences sociales
irrémédiables.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 32
Proposi?ons :
6. Me-re en oeuvre dès le PLF 2019 les mesures prévues dans les plans et programmes
na,onaux concernant l?énergie, les transports et l?économie circulaire, pour en
assurer la prévisibilité à l?horizon du quinquennat au moins : outre, la progression de
la trajectoire de la composante carbone, car celle-ci condi,onne l?a-einte des
objec,fs de réduc,on d?émissions du plan na,onal sur le climat et de nos
engagements associés à l?Accord de Paris, les mesures fiscales issues de la feuille de
route économie circulaire (FREC), notamment s?agissant de la taxe générale sur les
ac,vités polluantes (TGAP) « déchets », la tarifica,on appropriée des
hydrofluorocarbures (HFC) et les mesures fiscales issues des Assises de la mobilité.
7. Agir, au niveau européen, afin de favoriser la mise en place d?un prix plancher du
carbone sur le secteur de l?électricité, sur un champ aussi large que possible.
8. Établir en 2019 pour tous les secteurs dont les émissions ne sont pas encore
soumises à un prix du carbone significa,f des stratégies pour y remédier, en
assurant, quand cela est nécessaire, la cohérence des tarifica,ons entre émissions et
puits, ce qui signifie la mise en place de rémunéra,ons de la fonc,on de stockage de
carbone par les espaces naturels comme prévu dans le Plan climat de juillet 2017. Il
convient par ailleurs que les pollu,ons plus locales affectant la santé soient aussi
correctement tarifées. Pour cela, il est nécessaire de proposer dès 2019 un calendrier
de réforme des dépenses fiscales rela,ves à la consomma,on d?énergies fossiles, et
d?ici la fin du quinquennat, d?étudier des ou,ls économiques pour accompagner la
réduc,on des émissions de gaz à effet de serre des ac,vités agricoles. Ces évolu,ons
doivent prendre en compte la compé,,vité des entreprises et secteurs concernés.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 33
2. Des chan?ers à ouvrir
En termes de pollu?ons de l?air, de pollu?on de l?eau, et d?ar?ficialisa?on des sols, les progrès réalisés ne
suffisent pas à nous placer sur des trajectoires en ligne avec les objec?fs visés en ces domaines.
En ma?ère de préserva?on de la biodiversité et de limita?on des a?eintes qu?elle subit, qui sont
mul?formes (ar?ficialisa?on des sols et destruc?ons des habitats, pollu?ons des milieux, changement
clima?que?), la fiscalité reste peu mobilisée en France. Il n?existe par exemple aucun disposi?f fiscal
obligatoire ayant explicitement pour objec?f d?internaliser les coûts environnementaux liés à la destruc?on
d?espaces bio?ques.
a. Pollu?on de l?air : des instruments à créer
Dans le cas de la pollu?on de l?air, les ou?ls réglementaires, par exemple des normes d?émission pour les
véhicules, ou même l?interdic?on pure et simple d?un polluant (en cas de polluants par?culièrement nocifs
pour la santé), sont largement mobilisés pour limiter les émissions de polluants, et les ou?ls économiques
le sont insuffisamment ou imparfaitement par le biais de disposi?fs ne prenant pas assez en compte les
polluants locaux. Pourtant, dans ce domaine, la complémentarité des ou?ls est nécessaire du fait du
nombre important de polluants concernés et des probléma?ques qui varient selon les secteurs et les
sources d?émissions, ponctuelles et fixes pour les installa?ons industrielles ou diffuses et mobiles pour les
transports par exemple.
Les émissions des installa,ons industrielles : renforcer la TGAP « émissions polluantes » ?
Les taux de la TGAP (taxe générale sur les ac?vités polluantes) sont très inférieurs aux coûts socio-
économiques (coûts externes) engendrés par la concentra?on de polluants dans l?air.
Ainsi, l?étude de Clean air for Europe es?me le coût externe d?une tonne de par?cules fines à 12 000 ¤ et
celui d?une tonne d?oxydes d?azote (NOx) à 3 400 ¤. De même, d?après l?arrêté du 5 mai 201125, le coût
externe d?une tonne de NOx est es?mé à 4 400 ¤ (taux de TGAP : 169 ¤/t) et celui d?une tonne de
poussières en suspension à 87 000 ¤ (268 ¤/t). L?Agence européenne de l?environnement es?me le coût
externe d?une tonne de composé organique vola?l non méthanique (COVnM) entre 1 000 et 2 200 ¤ (taux
de TGAP : 140 ¤/t).
Cependant, une augmenta?on significa?ve des taux de la TGAP émissions polluantes pourrait peser sur la
compé??vité de plusieurs secteurs (cf. figure ci-dessous). Il serait alors nécessaire de me?re en place des
mesures d?accompagnement pour faciliter la transi?on du secteur industriel concerné dans une logique de
transforma?on.
25Arrêté du 5 mai 2011 rela?f aux modalités de prise en compte des incidences énergé?ques et environnementales des véhicules à
moteur dans les procédures de commande publique.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 34
Figure 4 : Poids de la valeur ajoutée dans la composante « émissions polluantes » de la TGAP, es,mé avant
réforme et après réforme, par secteurs taxés, en 2014 (en %)
A ?tre d?exemple, les taux pra?qués dans plusieurs pays pour des taxes comparables sont souvent plus
élevés. Par exemple, la Suède a mis en place une redevance sur les émissions de NOx des installa?ons de
combus?on de grande capacité (produc?on de plus de 25 GWh/an), qui s?élève à 5 490 ¤/tNOx. Les rece?es
de ce?e redevance sont en?èrement reversées aux installa?ons les plus propres. Tout en protégeant la
compé??vité de ces secteurs, la redevance a permis de limiter les émissions de NOx de l?industrie,
contribuant ainsi à la baisse des émissions totales de NOx en Suède de 53 % entre 1990 et 2015 (malgré une
hausse du PIB de 69 % sur la période).
La mission IGF-CGEDD-CGIET en cours pourra formuler des recommanda?ons plus précises sur
l?opportunité d?une évolu?on des paramètres de ce?e TGAP ou des autres ou?ls économiques ou
réglementaires pouvant être mis en oeuvre afin de perme?re une limita?on des pollu?ons de l?air d?origine
industrielle.
Progresser vers l?internalisa,on fine des coûts externes des circula,ons liées au transport de marchandises
Les pollu?ons atmosphériques ne peuvent que très imparfaitement être internalisées par des instruments
comme des taxes sur les carburants26, l?améliora?on de la tarifica?on des circula?ons rou?ères et
notamment l?internalisa?on des émissions de polluants passe par la mobilisa?on d?instruments perme?ant
de différencier davantage les coûts externes variables qui sont moins fonc?on de la consomma?on de
carburants et plus fortement dépendants de l?endroit et du moment de la circula?on que les émissions de
gaz à effet de serre.
Ainsi, la mise en place du principe pollueur-payeur pour tous les véhicules - notamment les poids-lourds -
sur le réseau rou?er na?onal non concédé passe par l?instaura?on de péages kilométriques modulés en
fonc?on du type de milieu, de l?axe rou?er, l?heure et le jour et de la catégorie de véhicules. La mise en
place de tels péages modulables perme?rait une internalisa?on fine des coûts externes et notamment de
ceux de pollu?on de l?air engendrés par les circula?ons automobiles27.
26Du fait de l?hétérogénéité de l?impact environnemental en fonc?on des usages (type de carburant mais aussi lieu d?u?lisa?on),
ainsi que des risques de fuite d?assie?e.
27Voir les deux documents de travail du CGDD à paraître en 2018 (« Mobilités - coûts externes et tarifica?on du déplacement » et
« Mobilités - coûts moyens socio-économiques », ?tres provisoires), ainsi que la synthèse du CEDD publiée le 30 mars 3017
(« Mobilité et émissions de gaz à effet de serre. Comment construire les poli?ques de transports ? »), qui décrivent les taux de
couverture des externalités rou?ères pour les différents trafics.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 35
Concernant spécifiquement les poids lourds, la créa?on d?une vigne?e obligatoire pour les poids lourds
circulant sur le réseau non concédé, dont le tarif serait fonc?on du respect des normes an?pollu?on
européennes (norme EURO), pourrait être envisagée, en instrument de second rang. Dans la mesure où les
solu?ons de subs?tu?on autres que les véhicules diesel n?existent quasiment pas aujourd?hui, le recours à
la norme EURO est per?nent : la vigne?e toucherait ainsi principalement les vieux véhicules diesel et pas
les véhicules diesel les plus récents. Ce?e op?on pourrait toutefois entrer en contradic?on avec les
disposi?ons de la nouvelle direc?ve eurovigne?e en cours de révision.
Dans ces condi?ons, c?est une stratégie d?ensemble qu?il faut définir en ma?ère de tarifica?on des
nuisances rou?ères, prenant en compte l?ensemble des coûts sociaux concernés.
Favoriser le développement des péages urbains dans les aggloméra,ons les plus touchées par les épisodes
de pic de pollu,on
La mise en place du principe pollueur-payeur pour tous les véhicules dans les zones urbaines denses peut
aussi passer par la mise en place de péages urbains. Il convient en effet d?augmenter et moduler finement
le coût d?usage du mode rou?er, au moins à due concurrence du coût socio-économique lié à la pollu?on
de l?air qu?il engendre via la mise en place de péages urbains environnementaux.
Au-delà, une internalisa?on op?male de l?ensemble des externalités de la route en zone dense, notamment
la conges?on, requiert d?élever le coût d?usage des véhicules et de coupler un tarif environnemental de
péage avec un tarif prenant en compte les coûts de conges?on. Ainsi, un péage urbain modulé à la fois en
fonc?on de la zone, de l?heure, de la distance parcourue et du niveau de pollu?on des véhicules
(notamment type de motorisa?on - diesel/essence - et année de produc?on, actuellement iden?fiés par les
normes EURO et Euro) est l?instrument le plus efficace économiquement pour réduire les émissions de
polluants liées aux déplacements en ville en faisant payer aux usagers les nuisances locales (y compris
environnementales) liées à l?usage de leur véhicule. Les péages urbains perme?ent de sélec?onner les
automobilistes qui re?rent le plus de bénéfices nets de leurs déplacements automobiles, les usagers
adaptant leur comportement au nouveau signal-prix.
Singapour, Stockholm, Göteborg, Londres (Conges,on Charge), Rome ou Milan depuis 2012 ont mis en
place des péages de déconges?on, tandis que Londres (Low Emission Zone et future Ultra Low Emission
Zone) ou Milan jusqu?en 2012 ont installé des péages environnementaux28. Les exemples européens de
péages urbains ont démontré leur efficacité : ainsi à Stockholm, une baisse du trafic de 20 % a été
constatée la première année et s?est accentuée par la suite, avec une baisse des émissions de polluants
évaluée à 14 % depuis 2006. De même à Londres, une baisse de 30 % de la conges?on rou?ère dès la
première année de fonc?onnement du péage urbain a été constatée, avec une réduc?on des émissions de
polluants dans la zone (NOx : -8 %, PM10 : -7 %, CO2 : -16 %).
Si la mise en place de péages urbains relève de la responsabilité des collec?vités locales, l?État peut
toutefois favoriser leur mise en place de diverses manières, notamment en levant les barrières
réglementaires existantes.
Il conviendrait en tout état de cause pour l?État d?aménager l?ar?cle 65 de la loi Grenelle 2 - qui a ouvert
pour les villes en faisant la demande la possibilité d?expérimenter des péages urbains dans les
aggloméra?ons de plus de 300 000 habitants et pour trois ans maximum - afin d?autoriser une mise en
place au-delà de 3 ans (compte tenu de l?inves?ssement important nécessaire à la mise en place d?un
péage, l?insécurité juridique au-delà de ce terme ajoute au caractère dissuasif du disposi?f pour certaines
collec?vités locales, la durée d?amor?ssement étant bien plus longue, plutôt de l?ordre de 8 ans). Lors du
discours de clôture des Assises de la mobilité le 13 décembre 2017, la ministre des Transports a annoncé
que la future loi d?orienta?on des mobilités devrait perme?re de simplifier les normes pour faciliter le
recours aux péages urbains.
28Voir document de travail de la DG Trésor n°2018/1 publié en avril 2018 « Péages urbains : quels enseignements ?rer des
expériences étrangères ? ».
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 36
Outre la levée des barrières réglementaires actuelles, l?État pourrait par?ciper au renforcement de l?offre
de transports en commun accompagnant la mise en place du péage, sous réserve d?analyses socio-
économiques posi?ves et d?un coût limité pour les finances publiques. Par exemple, en Suède, le
gouvernement a joué un rôle clé dans l?introduc?on de péages urbains à Stockholm et Göteborg en
acceptant de cofinancer, en contrepar?e de l?introduc?on du péage, des grands projets d?infrastructures
locaux ; ce?e contrepar?e a permis de faire accepter plus facilement le projet aux municipalités voisines de
la capitale et à leurs habitants qui font des déplacements pendulaires chaque jour dans la région. En effet,
les impacts redistribu?fs doivent être examinés avec soin.
Par ailleurs, afin de favoriser l?acceptabilité des péages, la prise en charge totale ou par?elle du coût des
équipements embarqués nécessaires pour rentrer dans la zone à péage pourrait être envisagée, sous
réserve d?un coût limité pour les finances publiques, comme cela a par exemple été fait à Singapour.
L?examen des impacts redistribu?fs est en effet crucial sur ce?e ques?on.
Plus généralement, il s?agit d?un instrument pour lequel la recommanda?on de ce rapport sur l?u?lisa?on
des rece?es se pose avec acuité.
Me-re en place des mécanismes fiscaux incita,fs afin de développer les modes de déplacement plus verts
Les proposi?ons issues des Assises na?onales de la mobilité, notamment de l?atelier consacré aux
modalités de déplacement plus propres, pourraient être soutenues : en effet, cet atelier a émis des
proposi?ons en ma?ère fiscale afin de favoriser des modes de déplacements vertueux d?un point de vue
écologique. Ainsi, dans l?op?que de développer le recours à l?u?lisa?on du vélo, la synthèse de cet atelier
recommande de généraliser et revaloriser l?indemnité kilométrique vélo.
Dans le cadre de ce?e synthèse, il est également proposé d?instaurer un disposi?f d?indemnisa?on
kilométrique unique, quel que soit le mode de déplacement choisi (y compris covoiturage), couvrant les
coûts d?u?lisa?on de la voiture personnelle (plafonnée au niveau des véhicules les moins puissants) et
perme?ant un gain monétaire pour les autres modes de déplacement, de manière à favoriser l?usage d?un
véhicule moins polluant, l?intermodalité et les mobilités ac?ves et les mobilités partagées.
b. Pollu?on de l?eau : lancer une réflexion de fond sur un rééquilibrage des redevances des
Agences de l?eau afin de respecter le principe « pollueur-payeur »
En ma?ère de lu?e contre la pollu?on de l?eau, la France s?est dotée, d?un point de vue fiscal, d?un
ensemble de mesures cohérentes sur le plan des principes. La ges?on des moyens de lu?e contre les
pollu?ons par les Agences de l?eau, financés par des redevances dues par les principaux pollueurs, fournit
une panoplie d?instruments différenciés perme?ant, d?un point de vue théorique, une prise en compte
globale du problème des pollu?ons de l?eau.
Néanmoins, au regard des usages actuels et des sources des pollu?ons, des évolu?ons des taux des
redevances, et des modalités de ges?on de ces taxes souvent par bassins versants individualisées (absence
de seuil ou de plafond de redevances fixés au niveau na?onal par exemple, à l?excep?on de la redevance
pour pollu?on diffuse), une réflexion doit être menée afin d?essayer d?amener plus de cohérence dans le
système des redevances des Agences de l?eau, notamment afin de rééquilibrer l?acqui?ement de celles-ci
en fonc?on des niveaux de pollu?ons émises par chaque pollueur.
Dans ce?e logique, les États généraux de l?alimenta?on ont déjà conclu à la nécessité d?une réévalua?on à
la hausse des taux de la redevance pour pollu?ons diffuses afin de tenir compte de la dangerosité de
certains produits phytosanitaires, et une mesure en ce sens sera portée dans le PLF 2019. Cependant, ce?e
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 37
proposi?on devra tenir compte des alterna?ves techniques existantes ou à venir, des évolu?ons de
pra?ques et des modalités de financement de ces nouveaux moyens par les Agences de l?eau.
La loi sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a également confié de nouvelles
missions aux Agences de l?eau en ma?ère de protec?on de la biodiversité et appelle donc une réflexion sur
les modalités de financement perme?ant de remplir ces nouvelles missions.
Par conséquent, conformément à la le?re de mission du Comité pour l?économie verte, et suite aux
conclusions des Assises de l?eau, il sera nécessaire de lancer au cours du dernier trimestre 2018 un groupe
de travail spécifique sur ces ques?ons qui rendra ses conclusions avant la fin du premier semestre 2019,
pour une mise en oeuvre dans le cadre du PLF pour 2020. Ce groupe de travail pourra approfondir les
recommanda?ons précédentes du CFE et du CEV en ma?ère de lu?e contre les pollu?ons de l?eau29.
Toujours en cohérence avec les conclusions des Assises de l?eau, ce groupe de travail pourrait également
s?interroger de manière plus générale sur la prise en compte générale du cycle de l?eau, notamment sur la
manière de financer le système de l?eau de manière globale. Comme souhaité par certaines collec?vités
territoriales suite à leur retour d?expérience, une réflexion autour du mécanisme de la taxe Gemapi (taxe
locale pour financer la ges?on des milieux aqua?ques et la préven?on des inonda?ons), de son mode de
fonc?onnement et de son dimensionnement semble être opportune, en lien également avec la refonte de
la fiscalité locale et du transfert à moyen terme (2026) de la compétence eau et assainissement aux EPCI.
c. Préserver la biodiversité et lu2er contre l?ar?ficialisa?on des sols : un groupe de travail dédié
En ma?ère de préserva?on de la biodiversité et de limita?on des a?eintes qu?elle subit, qui sont
mul?formes (ar?ficialisa?on des sols et destruc?ons des habitats, pollu?ons des milieux, changement
clima?que...), la fiscalité reste peu mobilisée en France. Il n?existe par exemple aucun disposi?f fiscal
obligatoire ayant explicitement pour objec?f d?internaliser les coûts environnementaux liés à la destruc?on
d?espaces bio?ques. Les réflexions autour de la mise en place d?une fiscalité pour limiter l?ar?ficialisa?on
des sols sont très complexes et nécessitent un travail important afin d?analyser l?ensemble des tenants et
abou?ssants d?une telle fiscalité et l?ensemble des ou?ls économiques qui pourraient être mobilisables.
Conformément à la le?re de mission du CEV, et en bonne cohérence avec la stratégie contre
l?ar?ficialisa?on lancée par le MTES dans le cadre du plan biodiversité, un groupe de travail du CEV rela?f à
l?ar?ficialisa?on des sols a été lancé en juillet 2018 pour travailler au cours du second semestre 2018 et du
premier semestre 2019 afin de proposer des mesures concrètes dans le cadre du PLF pour 2020.
Ce groupe de travail pourra reprendre à son compte les avis de recommanda?ons30 produits à plusieurs
reprises par le CFE et le CEV quant aux différentes mesures fiscales pouvant perme?re de lu?er contre
l?ar?ficialisa?on des sols (modula?ons de la taxe d?aménagement, suppression de certaines exonéra?ons de
la taxe d?aménagement, instaura?on dans le plan local d?urbanisme d?un seuil minimum de densité dans
certaines zones, instaura?on d?une taxe sur les bureaux vacants, taxe sur les plus-values sur la vente de
terrains devenus construc?bles?)
Le GT pourrait en par?culier travailler sur le verdissement de la taxe d?aménagement. Ainsi, afin de rendre
ce?e taxe plus écologique, une composante pourrait être mise en place qui serait calculée en fonc?on de la
surface du terrain total et non plus la surface close et fermée du bâ?ment. Elle inciterait ainsi les
propriétaires à acquérir des terrains plus pe?ts et ainsi favoriser la densifica?on. À l?instar des rece?es
actuelles de la taxe d?aménagement qui doivent financent des équipements collec?fs, les rece?es de ce?e
composante pourraient financer des opéra?ons de préserva?on de la biodiversité mises en oeuvre dans les
communes qui la perçoivent.
29Dans son avis du 13 février 2013, le CFE recommandait notamment d?évaluer le renforcement du caractère incita?f de la fiscalité
des produits phytosanitaires, et le Comité pour l?économie verte, dans son avis du 11 mai 2017, avait fait des proposi?ons analogues
concernant les pollu?ons azotées (système de quotas, système de bonus/malus sur l?u?lisa?on intensive d?engrais?).
30Avis CFE du 28 mars et 13 juin 2013 et avis du CEV du 16 juillet 2015.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 38
Par ailleurs, devrait être examinée la créa?on d?un document de poli?que transversale (DPT) biodiversité
sur le modèle de celui existant sur le climat, pour rendre compte des crédits concernant ce?e théma?que
dans les différents programmes budgétaires.
Proposi?ons :
9. Annoncer, dans le cadre du PLF 2019, pour la durée du quinquennat, les principes
pour l?u,lisa,on des rece-es correspondantes à la fiscalité environnementale,
notamment le produit du relèvement prévu de la composante carbone. Dans ce
cadre, les mesures d?accompagnement qui pourraient être à renforcer pour assurer
l?acceptabilité de la trajectoire de prix du carbone pour certains ménages ruraux ou
en situa,on de précarité énergé,que et certaines pe,tes et moyennes entreprises, si
la remontée des prix des fossiles s?accélère, devraient être définis. Ces mesures ne
doivent cependant pas en réduire le caractère incita,f.
10. Me-re en chan,er une véritable stratégie en ma,ère de tarifica,on rou,ère,
notamment pour le fret et pour les zones urbaines.
11. Proposer dans le cadre du PLF 2020 des mesures d?ensemble perme-ant de limiter
l?ar,ficialisa,on des sols sur la base des recommanda,ons que le groupe de travail
du CEV, lancé à la mi-2018 dans le cadre du plan biodiversité, fera sur ce sujet.
12. Lancer d?ici le second semestre 2019 le groupe de travail du CEV rela,f au
rééquilibrage des redevances des Agences de l?eau avec pour objec,f de présenter
des mesures concrètes dans le cadre du PLF 2020.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 39
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 40
Annexes
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 41
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 42
Annexe 1 : État des lieux de la fiscalité
environnementale par grande
théma?que environnementale
1. Lu2er contre le changement clima?que (CO2 et autres gaz à effet de serre)
a. Enjeux et probléma?ques
L?effet de serre atmosphérique est dû aux gaz qui y sont présents, en par?culier la vapeur d?eau (H2O), le
dioxyde de carbone (CO2 ), le méthane (CH?), le protoxyde d?azote (N?O), l?ozone (O?) et les gaz fluorés,
d?origine industrielle. Ces gaz sont naturellement peu abondants dans l?atmosphère (sauf la vapeur d?eau,
présente en grande quan?té). Cependant, du fait de l?ac?vité humaine et de la consomma?on d?énergies
fossiles notamment, leur concentra?on s?est sensiblement accrue, amplifiant ainsi l?effet de serre.
La France et l?Union européenne ont pris des engagements importants de réduc?on des émissions de gaz à
effet de serre (GES) :
- le cadre énergie-climat 2030, qui a fait l?objet d?un accord au Conseil européen d?octobre 2014 et
cons?tue le nouveau socle des poli?ques européennes en ma?ère clima?que, prévoit une
réduc?on de 40 % des émissions de GES pour l?Union Européenne entre 1990 et 2030 (voir figure
5) ;
- la France s?est également engagée dans le cadre du Plan climat à a?eindre la neutralité carbone
d?ici 2050.
Le Plan climat ainsi que la Stratégie na?onale bas-carbone (SNBC) ont pour objec?f de fixer des
programmes d?ac?on concrets afin de pouvoir tenir l?ensemble des engagements de réduc?on des
émissions de GES auxquels la France a souscrit.
Figure 5 : Évolu,ons des émissions de GES dans l?UE et trajectoire objec,fs 2020-2030
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 43
b. Situa?on actuelle en France
Le CO2 représente 74 % des émissions françaises de GES produites par les ac?vités humaines (en tonnes
équivalent CO2)31. Le méthane représente quant à lui 13 % des émissions de GES, l?azote 9 % et les gaz
fluorés 6 %.
De manière globale, on note en France une baisse importante des émissions de GES des secteurs industriels
entre 1990 et 2014 (-23 %) mais une quasi-stagna?on sur la même période des émissions de GES des
ménages, du transport et de l?agriculture.
D?un point de vue général, depuis 1990 les émissions de GES ont baissé de 16,5 %. Cependant, la situa?on
est différente selon les GES (voir tableaux 1 et 2). On peut dès lors considérer que la baisse générale des
GES depuis 1990 est encourageante mais qu?elle est encore loin des objec?fs fixés par la France, ce qui
nécessite une poli?que publique ambi?euse en ma?ère de lu?e contre les émissions de GES.
Émissions 1990 (en
MteqCO2)
Émissions 2015 (en
MteqCO2)
Varia?on
constatée sur la
période
CO? 399.6 336.6 -16%
Protoxyde d?azote 66 41.3 -37%
Méthane 69.6 58.9 -15%
Gaz fluorés 11.8 20.3 72%
Tableau 1 : Évolu,on des émissions des GES en France 1990-2015
Tableau 2 : Émissions de GES en France en 2015 par secteur
31Les différents gaz ne contribuent pas tous à la même hauteur à l'effet de serre. En effet, certains ont un pouvoir de réchauffement
plus important que d'autres et/ou une durée de vie plus longue. La contribu?on à l'effet de serre de chaque gaz se mesure grâce au
pouvoir de réchauffement global (PRG). Le pouvoir de réchauffement global d'un gaz se définit comme le forçage radia?f (c?est-à-
dire la puissance radia?ve que le gaz à effet de serre renvoie vers le sol), cumulé sur une durée de 100 ans. Ce?e valeur se mesure
rela?vement au CO?.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 44
c. Ou?ls économiques mis en place
Sur les émissions de CO?
Au niveau européen, il existe le système d?échange des quotas d?émission de l?UE (ETS-UE). Celui-ci
fonc?onne selon le principe du plafonnement et des échanges. Un plafond est fixé pour limiter le niveau
total de certains gaz à effet de serre qui peuvent être émis par les installa?ons couvertes par le système. Ce
plafond va en diminuant dans le temps afin de faire baisser le niveau total des émissions. Dans les limites
de ce plafond, les entreprises reçoivent ou achètent des quotas d?émission qu?elles peuvent échanger avec
d'autres entreprises en fonc?on de leurs besoins. Elles peuvent également acheter un nombre limité de
crédits interna?onaux dégagés par des projets de réduc?on des émissions dans le monde en?er. C'est le
plafonnement du nombre total de quotas disponibles qui garan?t la valeur de ceux-ci. À la fin de chaque
année, chaque société doit res?tuer un nombre suffisant de quotas pour couvrir toutes ses émissions sous
peine de s'exposer à de lourdes amendes. Une entreprise qui a réduit ses émissions peut conserver
l?excédent de quotas pour couvrir ses besoins futurs ou bien les vendre à une autre entreprise qui en a
besoin.
En raison d?un excès de quotas, le prix du carbone sur ce marché est longtemps resté très faible (5 à
6¤/tCO?), mais le récent accord sur la réforme du marché carbone européen pour la période post-2010
devrait entraîner une hausse du prix. Toutefois, ce?e hausse ne sera probablement pas suffisante pour
a?eindre les prix recommandés pour inciter aux inves?ssements nécessaires pour limiter le réchauffement
à 2 °C. Lors du sommet One Planet, « les Ministres de l?environnement et du climat de France, Allemagne,
Royaume-Uni, Suède, Pays-Bas [avaient salué] le récent accord au niveau du Conseil sur la réforme du
marché d?échange de permis d?émission européen, qui devrait entraîner un relèvement du prix du carbone,
mais jugent néanmoins que des réformes supplémentaires seraient nécessaires au niveau européen pour
inciter les inves?sseurs et les entreprises à développer des modèles économiques compa?bles avec un
scenario de limita?on à 2 degrés du réchauffement clima?que. En conséquence, ils s?engagent à examiner
la mise en place d?un prix du carbone significa?f, voire, pour certains, à le me?re en place, dans les secteurs
per?nents. ». Un prix à 25 ou 30 ¤/tCO? perme?rait de rendre moins rentable les centrales à charbon par
rapport aux centrales au gaz et pourrait conduire à des réduc?ons d?émissions de 30 à 40 Mt/an s?il était
mis en place en France et en Allemagne.
Au niveau na?onal, la France s?est dotée d?une poli?que ambi?euse en ma?ère de tarifica?on du carbone,
avec la mise en place en 2014 de la contribu?on climat énergie (CCE) de la taxe intérieure de
consomma?on de produits énergé?ques (TICPE). La trajectoire de la CCE a été rehaussée par rapport à la
trajectoire votée lors de la loi de transi?on énergé?que pour une croissance verte (LTECV). Elle a?eint
44,4 ¤/tCO? en 2018 et sera de 86,2 ¤/tCO? en 2022 (voir figure 6). Ce?e augmenta?on du prix du carbone
contribuera à contenir les émissions à un niveau compa?ble avec la mise en oeuvre de l?Accord de Paris sur
le climat en procédant de la manière la moins distorsive et donc la moins coûteuse pour la collec?vité.
Figure 6 : Montants de la trajectoire carbone en LFI 2018 et comparaison avec ceux prévus par la LTECV
(2015)
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 45
Même si cet ou?l ambi?eux permet à la France de se posi?onner parmi les leaders européens en ma?ère
de fiscalité appliquée au carbone, il n?en demeure pas moins que de nombreux secteurs bénéficient de
mesures dérogatoires limitant dès lors l?effet de la composante carbone sur certaines ac?vités pourtant
fortement éme?rices de CO2 (transport de marchandises par exemple). Ainsi selon l?OCDE, en 2015, environ
45 % des émissions de CO2 liées à la consomma?on d?énergie avaient un niveau de taxa?on du carbone,
système de quotas européens inclus, égal à 0 ¤.
Les deux graphiques suivants de l?OCDE (figures 7 et 8) rappellent d?une part les taux de tarifica?on
spécifiques du carbone, et d?autre part les taux effec?fs sur le carbone (incluant en plus les impôts de
rendement assis sur les carburants).
Figure 7 : Part des émissions de CO? liées à la consomma,on d?énergie, selon le niveau de taxa,on à une
taxe carbone, OCDE, Taxing Energy Use ? année de référence : 2015
Figure 8 : Part des émissions de CO? liées à la consomma,on d?énergie, selon le niveau de taxa,on, OCDE,
Effec,ve Carbon Rates? année de référence : 2012
Par ailleurs, la hausse de la fiscalité carbone jusqu?en 2022 votée dans le cadre de la LFI 2018 impactera (ex
ante et toutes choses égales par ailleurs, notamment hors allégements d?autres fiscalités) le pouvoir
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 46
d?achat32 des ménages via leurs dépenses de chauffage et de carburants et notamment les ménages aux
revenus les plus faibles et ceux vivants dans des communes rurales (voir figures 9 et 10, issues de CEDD,
2018, « Un pacte fiscal écologique pour accélérer la transi?on écologique et solidaire »33).
Figure 9 : Disparités de l?impact des mesures de fiscalité énergé,que du PLF 2018 selon la zone d?habita,on
- Source : CGDD, modèle Prometheus, mars 2018
Figure 10 : Disparités de l?impact des mesures de fiscalité énergé,que PLF 2018 selon les revenus - Source :
CGDD, modèle Prometheus, mars 2018
Pour prendre en compte les impacts régressifs de ce?e fiscalité, des mesures d?accompagnement ont été
adoptées ou ont été renforcées : au-delà des ac?ons générales en faveur des ménages (revalorisa?on des
minima sociaux, hausse de la prime d?ac?vité, baisse des co?sa?ons salariales, suppression progressive de
la taxe d?habita?on), ces disposi?fs d?accompagnement ciblés ont pour objec?f d?éviter que ces mesures ne
pèsent sur le pouvoir d?achat des ménages, en par?culier les plus modestes, et de les soutenir
financièrement dans des ac?ons favorisant la transi?on écologique :
32Pour la méthodologie, voir « taxa?on indirecte, rece?es fiscales, pouvoir d?achat et bien être : quels sont les liens ? », note de
conjoncture de l?Insee de mars 2018, pages 61 à 63.
33Les résultats sont es?més par le CGDD à l?aide du modèle de microsimula?on Prometheus. Seule la par?e taxa?on est simulée,
sans prise en compte d?éventuelles compensa?ons.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 47
? Le « chèque énergie » a été généralisé à tout le territoire en 2018 en remplacement des actuels
tarifs sociaux de l?énergie, pour répondre aux probléma?ques de précarité énergé?que : il sera
versé automa?quement à quatre millions de ménages modestes, qui recevront en moyenne 150 ¤
pour les aider à payer leur facture énergé?que. Ce montant sera porté à 200 ¤/an en 2019. Le
chèque énergie ?ent compte des revenus et de la composi?on du ménage, sans favoriser certaines
sources d?énergie.
? Le crédit d?impôt transi?on énergé?que (CITE) a été maintenu en 2018 et recentré sur les ac?ons
les plus efficaces pour réaliser des économies d?énergie. Il sera transformé en 2019 en prime afin
que les ménages en bénéficient dès l?achèvement des travaux, ce qui perme?ra de résoudre les
problèmes de liquidité pour les ménages les plus modestes qui ne pouvaient pas avancer
l?intégralité du financement des travaux. Par ailleurs, le Gouvernement a renforcé l?effort de
l?Agence Na?onale de l?Habitat (Anah) en termes de lu?e contre la précarité énergé?que, en fixant
un objec?f de 75 000 logements rénovés (contre 40 000 en 2016) et en augmentant ses moyens.
? Pour financer leurs travaux de rénova?on lourde, les ménages propriétaires ou copropriétaires
peuvent également mobiliser un éco-prêt à taux zéro (aucun intérêt à rembourser) à hauteur de
30 000 ¤, sans condi?on de ressources, et cumulable avec le CITE depuis 2016. Malgré les
simplifica?ons apportées à ce disposi?f ces dernières années, l?IGF et le CGEDD notaient qu?il
restait "globalement peu mobilisé" par les ménages, en recul depuis sa créa?on (22 725 prêts en
2016 contre plus de 40 000 en 2011), "dans un contexte de taux bas et de faible appétence des
banques pour le produit".
? La prime à la conversion de véhicule a été renforcée pour faciliter le passage d?un vieux véhicule
polluant à une voiture à faible émissions : la prime existante à 1 000 ¤ sera étendue à tous les
ménages et perme?ra d?acheter des véhicules neufs ou d?occasion à faibles émissions (Crit?Air 0, 1
ou 2), et sera portée à 2 000 ¤ pour les ménages non-imposables. Dans le cas de l?achat d?un
véhicule électrique, la prime à la conversion sera de 2 500 ¤, auquel s?ajoutera un bonus dont le
montant est maintenu à 6 000 euros. Dans le même temps, le malus sur les véhicules les plus
polluants est renforcé. Ces mesures s?inscrivent dans une réflexion plus large pour favoriser la
mobilité propre, notamment du quo?dien, dont les conclusions des Assises de la mobilité
cons?tuent un axe essen?el.
Au total, les ménages bénéficient d?un peu plus de 4 Md¤ de subven?ons spécifiques, principalement au
moyen du CITE (1,6 Md¤), du taux réduit de TVA sur les travaux de rénova?on énergé?que (1,2 Md¤), des
aides de l?ANAH (0,8 Md¤) et du chèque-énergie (0,56 Md¤), et marginalement de l?éco-prêt à taux zéro
(51 M¤).
Sur les émissions des autres GES
En revanche, s?agissant des autres GES, il faut noter qu?il n?existe quasiment aucun instrument économique
significa?f perme?ant de limiter des émissions de GES autres que le CO2, à l?excep?on cependant des
émissions industrielles de protoxyde d?azote qui sont taxées dans le cadre de la taxe générale sur les
ac?vités polluantes (TGAP), ou du marché de quotas européen sur les HFC. Pour encadrer les quan?tés
mises sur le marché, le règlement européen rela?f aux gaz à effet de serre fluorés a prévu la mise en place
d'un système de quotas pour les producteurs et importateurs de plus de 100 tonnes par an de HFC, à
compter du 1er janvier 2015. Les premiers quotas ont été calculés sur la base des quan?tés mises sur le
marché entre 2009 et 2012 et la quan?té globale de HFC mis sur le marché est réduite progressivement :
93 % en 2016-2017, 63 % en 2018-2020? pour a?eindre 21 % en 2030.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 48
2. Réduire la pollu?on de l?air
a. Enjeux et probléma?ques
La plupart des ac?vités induisent des émissions dans l?atmosphère de substances néfastes pour
l?environnement et la santé. Ces polluants atmosphériques, qui se présentent sous la forme de gaz ou de
par?cules, peuvent être émis directement (oxydes d?azote, de soufre ou de carbone, poussières primaires,
métaux lourds, composés organiques vola?ls?) ou résulter de transforma?ons physico-chimiques des
substances émises.
Les conséquences de la pollu?on atmosphérique sont lourdes, tant pour la santé humaine, avec plusieurs
milliers de morts prématurées par an (voir ci-dessous), que sur le plan environnemental.
En effet, l'exposi?on des individus à la pollu?on de l?air aggrave la morbidité et induit une mortalité
prématurée à travers notamment ses effets sur les systèmes respiratoires et cardiovasculaires : un certain
nombre d?études épidémiologiques montrent que les polluants (surtout les oxydes d?azote et par?cules)
cons?tuent un facteur de risque sanitaire important, notamment pour les pathologies respiratoires
(asthme, bronchite, cancer des poumons) ou cardiovasculaires (infarctus du myocarde, angine de poitrine).
Ces effets peuvent se manifester à court-terme, suite à un pic de pollu?on (effets aigus) ou à long terme.
Plusieurs études men?onnent un ordre de grandeur d?un peu plus de 40 000 décès annuels en France liés à
la pollu?on de l?air34.
La pollu?on de l?air produit également des impacts sur les écosystèmes causés par l?acidifica?on de l?air et
l?eutrophisa?on. Ainsi, certains polluants, lessivés par la pluie, contaminent les sols et l?eau, perturbant
l?équilibre chimique des végétaux. D?autres, en excès, peuvent conduire à une modifica?on de la répar??on
des espèces et à une érosion de la biodiversité.
Les objec?fs en ma?ère de qualité de l?air sont de deux types : les objec?fs de réduc?on des émissions
na?onales de polluants et les objec?fs de concentra?on locale de polluants.
Concernant les émissions, des plafonds d?émission sur plusieurs agents polluants - dioxyde de soufre (SO2),
oxydes d?azote (NOx), composés organiques vola?ls (COV) et ammoniac (NH3) - ont été introduits par
l?Union européenne en 2001 via la direc?ve Na,onal Emission Ceilings (NEC) 2001/81/EC, révisée en 2016
(2016/2284/UE). Au niveau na?onal, ces objec?fs se déclinent au travers du plan na?onal de réduc?on des
émissions de polluants atmosphériques (PREPA) instauré par l?ar?cle 64 de la loi rela?ve à la transi?on
énergé?que pour la croissance verte.
Concernant les concentra?ons locales de polluants, les direc?ves 2004/107 et 2008/50 CE fixent les normes
sanitaires en ma?ère de concentra?ons atmosphériques à respecter pour plusieurs substances polluantes
dans le but d?éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs sur la santé humaine. Cela se traduit par
l?obliga?on de surveiller la qualité de l?air suivant des exigences fixées au niveau communautaire,
d?informer les popula?ons sur la qualité de l?air et de me?re en oeuvre des plans d?ac?on dans les zones où
des dépassements des concentra?ons en polluants sont observés afin qu?elles soient respectées dans les
délais les plus courts.
Enfin, ces réglementa?ons sont déclinées et complétées par des ac?ons locales (Plan par?cules 2010,
Schéma régional climat, air, énergie?).
34Projet Clean air for Europe, 2005 ; Santé Publique France, 2016 ; Agence européenne de l?environnement, 2012.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 49
b. La situa?on actuelle en France
Les principaux éme?eurs de polluants atmosphériques sont différents selon le type de pollu?on
considérée. La répar??on des émissions par polluant et par secteur est décrite dans le tableau ci-dessous.
Transforma?on
d?énergie
Industrie
manufacturière
Résiden?el
- ter?aire
Agriculture
-
sylviculture
Transports
rou?ers
Autres
transports
PM10 1 % 26 % 31 % 27 % 13 % 2 %
PM2,5 2 % 20 % 48 % 11 % 17 % 2 %
PM1,0 2 % 10 % 66 % 4 % 16 % 2 %
Oxydes d?axote
(NOx)
6 % 12 % 11 % 9 % 56 % 6 %
Composés
organiques
vola?les non
méthaniques
(COVNM)
5 % 35 % 46 % 3 % 9 % 2 %
Dioxyde de
soufre (SO2)
35 % 45 % 17 % 1 % < 1 % 2 %
Ozone (O3) n.d. n.d. n.d. n.d. n.d. n.d.
Monoxyde de
carbone (CO)
1 % 35 % 42 % 5 % 13 % 4 %
Hydrocarbures
aroma?ques
polycycliques
(HAP)
7 % 3 % 65 % 10 % 14 % 1 %
Ammoniac (NH3) < 1 % 1 % < 1 % 98 % < 1 % 0 %
Métaux lourds n.d. n.d. n.d. n.d. n.d. n.d.
Benzène (C6H6) 10 % 58 % 4 % 28%
Tableau 3 : Répar,,on des émissions primaires des polluants par secteur en France en 2015 ? source : DG
Trésor d?après les données du Centre interprofessionnel technique d?études de la pollu,on atmosphérique
(CITEPA)
Le bilan de la qualité de l?air en France en 2016 confirme la tendance amorcée il y a plusieurs années
d'améliora?on globale de la qualité de l?air, sous l?effet des plans et mesures engagés par le Gouvernement,
mais souligne la nécessité de poursuivre l?ac?on dans les zones par?culièrement touchées par la pollu?on
atmosphérique.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 50
On note ainsi une diminu?on globale des concentra?ons de polluants dans l?air ambiant : depuis 2000, en
situa?on de fond, les concentra?ons moyennes annuelles en dioxyde de soufre (SO2) ont baissé d?environ
80 %, celles en dioxyde d?azote (NO2) et en par?cules fines (PM10) d?environ 30 %. En revanche, les teneurs
moyennes es?vales en ozone (O3), très dépendantes des condi?ons météorologiques et du transport
longue distance de polluants, n?évoluent pas de façon significa?ve. Par ailleurs, les concentra?ons
moyennes na?onales ne sont que faiblement significa?ves : elles masquent des disparités très importantes
en fonc?on des zones géographiques, des sources locales d?émission et du moment de l?année. Malgré la
baisse globale des émissions au niveau na?onal, des situa?ons demeurent ainsi localement préoccupantes,
avec des teneurs de polluants dans l?air ponctuellement très élevées, voire durablement orientées à la
hausse. Dans certaines zones (Ile-de-France, Vallée de l?Arve, Grenoble, Marseille?), les concentra?ons de
dioxyde d?azote, de par?cules fines ou d?ozone dépassent de manière récurrente les valeurs limites fixées
par l?Union européenne.
c. Ou?ls fiscaux mis en place
D?un point de vue fiscal, la lu?e contre la pollu?on de l?air se traduit par plusieurs mesures sectorielles.
Concernant le domaine du transport, deux ou?ls sont conjugués : les mesures visant à encourager l?achat
de véhicules moins polluants et les mesures portant sur la consomma?on de carburants.
Il existe des mesures fiscales incita?ves en faveur des véhicules moins polluants (véhicules électriques, gaz
de pétrole liquéfié ou gaz naturel pour véhicules). Le gaz de pétrole liquéfié (GPL) est ainsi beaucoup moins
éme?eur de NOX et de par?cules qu?un véhicule diesel et bénéficie d?un taux de taxes quatre fois inférieur
à celui du gazole, à contenu énergé?que équivalent. De façon analogue, le gaz naturel pour véhicules
(GNV), très faiblement éme?eur, bénéficie d?un taux de TICPE réduit, 13 fois plus faible que celui de
l?essence à contenu énergé?que équivalent. En complément, des aides à l?achat de véhicules par?culiers
« propres » ont été introduites dès 2001 sous la forme d?un crédit d?impôt pour les par?culiers, puis sous
forme de bonus (jusqu?à 6 000 ¤ pour l?achat d?un véhicule électrique) pouvant être cumulé à une prime à
la conversion (jusqu?à 2 500 ¤) si cet achat s?accompagne de la destruc?on d?un véhicule ancien (diesel
d?avant 200135 ou essence d?avant 1997). Par ailleurs, les professionnels bénéficient d?un suramor?ssement
pour les véhicules à motorisa?on GNV et des aides directes à l?acquisi?on ont été accordées par l?Ademe en
2016 et 2017 pour ces mêmes véhicules. Enfin, la taxe sur les véhicules de société est différen?ée selon le
niveau de polluants émis par les véhicules d?une part et leurs émissions de CO2 d?autre part. Les véhicules
les plus âgés (et donc les plus polluants) et éme?ant le plus de CO2 au km parcouru s?acqui?ent ainsi d?une
taxe annuelle plus importante (jusqu?à 5 100 ¤) que les véhicules plus récents et moins éme?eurs de CO2
(les véhicules électriques en sont par exemple exonérés).
Par ailleurs, la consomma?on de carburants est soumise à une taxe sur le volume consommé (taxe
intérieure de consomma?on des produits énergé?ques - TICPE). Le ra?rapage de fiscalité sur les carburants
entre le gazole et l?essence qui abou?ra d?ici la fin du quinquennat cons?tue ainsi une mesure perme?ant
de lu?er contre la pollu?on de l?air. En effet, le gazole étant source d?émissions de polluants
atmosphériques plus importants que l?essence, il était incohérent d?un point de vue écologique que le
gazole bénéficie d?un avantage fiscal favorisant sa consomma?on.
35D?avant 2006 pour les ménages non imposables.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 51
CCE (¤/tCO?)
TICPE
essence
(c¤/L)
TICPE
diesel (c¤/L)
sans
convergence
TICPE
diesel (c¤/L)
avec
convergence
2017 30,5 65,074 53,1 53,1
2018 44,6 68,289 56,8 59,4
2019 55,0 70,660 59,6 64,7
2020 65,4 73,031 62,4 70,1
2021 75,8 75,402 65,1 75,4
2022 86,2 77,774 67,9 78,2
Tableau 4 : Évolu,on de la TICPE pour le diesel et l?essence
Cependant, la TICPE couvre imparfaitement la consomma?on de carburants. En effet, le transport de
marchandises et de voyageurs bénéficie d?un remboursement par?el de TICPE ; de même les engins
agricoles et le BTP bénéficient d?un taux réduit de TICPE pour le gazole non rou?er, la TICPE est
par?ellement remboursée aux agriculteurs et le transport fluvial de marchandise en est totalement
exonéré. Plus généralement, la Cour des comptes, dans son rapport de décembre 2015 rela?f aux
poli?ques publiques en ma?ère de lu?e contre la pollu?on de l?air, indique que les mesures actuelles de
taxa?on des véhicules de transport, non spécifiques à la lu?e contre la pollu?on de l?air, sont en tout état
de cause très insuffisantes pour perme?re l?internalisa?on des effets néga?fs des polluants émis par le
secteur des transports, notamment celui des poids lourds. Il convient cependant de signaler que la taxa?on
des carburants au niveau na?onal comporte un risque de fuite d?assie?e, ce qui plaide pour une
harmonisa?on à l?échelle européenne.
Il existe également un ou?l fiscal en ma?ère d?émission de polluants atmosphériques d?origine industrielle
(la taxe générale sur les ac?vités polluantes (TGAP) pour sa composante « émissions polluantes »). Ce?e
taxe est due par les industries éme?rices lorsque les rejets dans l?atmosphère de certains polluants
dépassent des seuils. La taxe est alors due sur la quan?té de polluants émis dépassant ces seuils.
3. Réduire la pollu?on de l?eau
a. Enjeux et probléma?ques
Les ac?vités humaines sont à l?origine de rejet dans le cours d?eau de plusieurs polluants, soit directement,
soit par infiltra?on dans les nappes phréa?ques. Ces polluants entraînent des réac?ons chimiques de
modifica?on des eaux et peuvent conduire à des phénomènes d?eutrophisa?on. Les impacts de ces
pollu?ons sont doubles : d?une part en termes de modifica?on des écosystèmes et d?appauvrissement de la
biodiversité (phénomène des algues vertes par exemple), d?autre part, en termes de potabilité de l?eau
puisque les pollu?ons de l?eau nécessitent de la traiter chimiquement afin qu?elle puisse être propre à la
consomma?on humaine.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 52
Plusieurs réglementa?ons européennes ont pour objec?f de limiter ce type de pollu?on :
- la direc?ve « Nitrates » de 1991 qui a pour objec?f de réduire la pollu?on des eaux par les nitrates
d?origine agricole. En France, elle se traduit par la défini?on de territoires (les zones vulnérables) où
sont imposées des pra?ques agricoles par?culières pour limiter les risques de pollu?on (le
programme d?ac?on). Ces territoires et ce programme d?ac?on font régulièrement l?objet
d?actualisa?on ;
- la direc?ve-cadre sur l?eau de 2000 qui vise à prévenir et réduire la pollu?on de l'eau, promouvoir
son u?lisa?on durable, protéger l'environnement, améliorer l'état des écosystèmes aqua?ques et
a?énuer les effets des inonda?ons et des sécheresses ;
- le règlement européen de 2004 sur les détergents qui prévoit des ac?ons pour limiter les
phosphates et les composés du phosphore sont introduites pour les détergents des?nés aux
consommateurs.
A côté de cela existent aussi des plans na?onaux sur certains polluants. Ainsi, les plans Ecophyto I et
Ecophyto II ont pour objet de limiter l?u?lisa?on de produits phytosanitaires. Le plan Ecophyto 2, réaffirme
l?objec?f de réduc?on de 50 % du recours aux produits phytosanitaires en France d?ici 2025, en deux
phases : une baisse de 25 % d?ici 2020 et une réduc?on supplémentaire de 25 % d?ici 2025.
Enfin, le « plan na?onal micropolluants », a été élaboré pour la période 2016-2021 pour réduire les
émissions de polluants et préserver ainsi la qualité des eaux et la biodiversité. Il a pour but de protéger à la
fois les eaux de surface con?nentales et li?orales, les eaux souterraines, le biote, les sédiments et les eaux
des?nées à la consomma?on humaine, afin de répondre aux objec?fs de bon état des eaux fixés par la
direc?ve cadre sur l?eau (DCE) et par?cipe également à ceux de la direc?ve cadre stratégie pour le milieu
marin (DCSMM) en limitant l?apport de polluants via les cours d?eau du milieu marin.
b. Situa?on en France
L?examen de la qualité de l?eau en France montre globalement une régression des pollu?ons depuis la
créa?on des agences de l?eau il y a 50 ans. En 2015, 75 % de la pollu?on de l?eau due aux nitrates et 70 %
de la pollu?on due à l?usage de pes?cides est d?origine agricole. En termes de consomma?on des produits
phytosanitaires, après avoir fortement baissé sur la période 1997-2009, en raison notamment d?un
moindre recours aux fongicides, la consomma?on de pes?cides est stable depuis. Ce?e situa?on peut
s?expliquer par l?évolu?on du prix des intrants, de la pression parasitaire ou des pra?ques culturales
(assolement notamment). Elle peut également refléter l?usage de pes?cides plus efficaces à faibles doses.
Des indicateurs complémentaires ont été mis en place pour traduire l?intensité du recours de l?agriculture
aux pes?cides : le nombre de doses unité (NODU) et l?indice de fréquence de traitement. Ainsi, la moyenne
triennale du NODU augmente de 5 % entre les périodes 2009-2011 et 2011-2013. De même, entre 2006 et
2011, le nombre total moyen de traitements phytosanitaires a peu évolué pour les régions pour lesquelles
ce?e analyse peut être effectuée.36.
En 2015, sur 53 % des points de mesure de la qualité des eaux de surface, la norme de qualité nécessaire
pour l?eau potable est dépassée. C?est aussi le cas dans 31 % des nappes souterraines. Si entre 2009 et
2014, une légère baisse de la présence de pes?cides dans les cours d?eau a été démontrée (figure 11), ce
phénomène est principalement dû aux interdic?ons de certains pes?cides. En effet, pour les pes?cides dont
l?usage est toujours autorisé, la situa?on est plus nuancée.
36CGDD, « L?eau et les milieux aqua?ques ? chiffres clés », février 2016.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 53
Figure 11 : Évolu,on d?usage de pes,cides sur la période 2009-2014
D?un point de vue des nitrates, leurs concentra?ons augmentent jusqu?au début des années 2000, se
stabilisent sur la décennie 2000-2010, et semblent décroître depuis. Il existe néanmoins des disparités
régionales avec des améliora?ons observées pour certaines nappes alors que d?autres con?nuent à se
dégrader. De même, bien que dans certaines régions, des améliora?ons aient été notées, elles restent
insuffisantes. Ainsi en Bretagne, les taux constatés sont redescendus à leur niveau proche des années 80,
mais se situent à un peu plus de 30 mg/l. La situa?on dès lors peut être délicate : alors qu?au-delà du seuil
de 25 mg/l la potabilisa?on de l?eau devient difficile, la présence de nitrates à des concentra?ons
supérieures à ce seuil affecte 43 % de la superficie de la métropole (figure 12). Seul 27 % de la superficie de
la France, cons?tuée majoritairement par la haute montagne et les territoires avec un sol sablo-argileux,
témoigne d?une quasi-absence de pollu?on.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 54
Figure 12 : Concentra,on moyenne en nitrates dans les eaux souterraines par unité hydrogéologique en
2014
Au-delà des dommages écologiques qu?elle génère, la pollu?on par les nitrates d?origine agricole induit
également un ensemble de coûts économiques directs : coûts des traitements cura?fs de potabilisa?on et
d?épura?on compris entre 220 et 510 M¤ par an, achats d?eau en bouteille par les ménages par crainte
d?une trop forte teneur en nitrates de l?eau du robinet es?més à 55 M¤ par an, coûts de ne?oyage des
algues vertes sur les li?oraux et pertes locales d?ac?vité touris?que37.
c. Ou?ls fiscaux mis en place
En ma?ère de lu?e contre la pollu?on de l?eau, la France applique le système « pollueur-payeur », au
travers des redevances des Agences de l?eau. Ainsi, ceux qui sont à l?origine des principales pollu?ons de
l?eau (agriculture, collec?vités territoriales, industries, par?culiers?) contribuent, via des redevances liées
aux usages ou aux pollu?ons, au financement des poli?ques publiques mises en oeuvre par les Agences de
l?eau en ma?ère de lu?e contre la pollu?on de l?eau.
Néanmoins, la Cour des comptes a démontré que ce principe n?a pas été suffisamment strictement
appliqué, les plus pollueurs n?étant pas ceux qui contribuaient le plus38. Ainsi, en 2013, 87 % des redevances
perçues par les agences étaient supportées par les usagers domes?ques et assimilés, 6 % par les
agriculteurs et 7 % par l?industrie. Quand bien même la contribu?on du monde agricole au moyen des
redevances pour pollu?on est passée de 1 % à 6 % entre 2005 et 2015, elle reste très inférieure à
37V. Marcus, O. Simon (2015) : « Les pollu?ons par les engrais azotés et les produits phytosanitaires : coûts et solu?ons - Études et
documents n° 136 ? CGDD.
38Cour des comptes, Rapport public annuel, février 2015.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 55
l?importance de ce secteur quant aux coûts environnementaux causés par les pollu?ons qui leur sont
directement imputables. Les redevances acqui?ées par l?agriculture semblent ainsi peu incita?ves.
Enfin, il faut noter une quasi-absence de fiscalité sur les rejets agricoles d?azote dans l?eau. Il existe une
redevance « élevage » acqui?ée uniquement par les plus grands élevages. Ainsi, en 2015, seul 5 % des
élevages en France étaient concernés par ce?e taxe. En revanche, aucune fiscalité n?existe sur l?u?lisa?on
des engrais azotés de synthèse pour les cultures.
4. Engager la transi?on vers l?économie circulaire (notamment déchets et ressources)
a. Enjeux, probléma?ques
Le modèle linéaire « fabriquer, consommer, puis jeter » appliqué depuis des décennies dans notre société,
accompagné d?une hausse de la consomma?on de biens et de services se traduit nécessairement par une
u?lisa?on de plus en plus importante de ressources non renouvelables et de leur épuisement. Face à
l?impossibilité de renouveler ces ressources, il est nécessaire de promouvoir des modes de consomma?on
plus sobre, un allongement de la durée de vie des produits et une réu?lisa?on de nos déchets.
En ma?ère d?économie circulaire, la France a besoin de largement progresser. Le taux de valorisa?on des
déchets ménagers et assimilés était en 2014 de 39 %, un taux très inférieur à celui de nos voisins allemands
(65 %) ou belges (50 %). Le reste, composé pour moi?é de déchets organiques, est donc incinéré ou mis en
décharge ce qui engendre des nuisances locales ainsi qu?un gaspillage énergé?que incompa?ble avec nos
objec?fs clima?ques. Sur le plas?que les taux de collecte plafonnent. 20 % des emballages plas?ques sont
effec?vement recyclés quand la moyenne européenne est de 30 %. Le taux de collecte des bouteilles en
plas?que est en moyenne de 55 % alors que dans les pays nordiques plus de 90 % des bouteilles en
plas?que sont recyclées.
b. Ou?ls fiscaux mis en place
Quatre ou?ls sont principalement mis en oeuvre. D?une part, la TGAP « Déchets » taxe les installa?ons de
traitement des déchets en fonc?on des modes de traitement de ceux-ci. Les taux sont fixés selon une
trajectoire qui a été révisée dans le cadre du PLF 2018 (hausse des taux et poursuite de la trajectoire sur la
période 2017-2025).
D?autre part, le service public des déchets ménagers et assimilés, en charge des opéra?ons de collecte et de
traitement des déchets, est géré et financé par les collec?vités selon deux modalités principales : soit au
travers de la taxe d?enlèvement des ordures ménagères (TEOM), assise sur la taxe foncière sur les
propriétés bâ?es, et collectée auprès des propriétaires, que ces derniers peuvent répercuter sur les
occupants de leur bien de façon addi?onnelle au montant du loyer d?occupa?on, soit au travers la
redevance d?enlèvement des ordures ménagères (REOM) perçue auprès des occupants d?immeubles. La
TEOM reste prépondérante avec deux ?ers des communes françaises concernées représentant 90 % de la
popula?on. Le service public rela?f aux déchets ménagers et assimilés concerne la ges?on des déchets, qui
intègre tant leur collecte que leur traitement. Dans le cas de la REOM, les coûts sont connus et facturés à
chaque ménage et le financement est directement lié au service rendu, à travers un budget séparé,
équilibré en dépenses et en rece?es. En revanche dans le cas de la TEOM, il n?y a pas de lien direct entre
rece?es et dépenses. Cependant, le produit de la TEOM (et donc indirectement le taux qui en découle) ne
doit pas être manifestement dispropor?onné au montant des dépenses exposées par la commune pour
assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et non couvertes par des rece?es non
fiscales.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 56
Enfin, la France a mis en place depuis 2012 un mécanisme de tarifica?on incita?ve des déchets ménagers.
Ce?e tarifica?on incita?ve, faculta?ve, permet aux collec?vités qui la me?ent en place de faire varier le
montant de la taxe due au ?tre de l?enlèvement des ordures ménagères en fonc?on du poids ou du volume
de déchets réellement produit par chaque ménage. Les déchets triés ne sont pas compris dans l?assie?e de
la taxe. D?un point de vue de l?efficacité de ce mécanisme, on constate dans les communes ayant mis en
place une tarifica?on incita?ve des déchets une baisse sensible de la collecte d?ordures ménagères
résiduelles (OMR) et une hausse des tonnages triés (verres, papiers emballages?). Ainsi, le basculement
vers une tarifica?on incita?ve peut entraîner une baisse de 30 % des OMR39.
Sans être un ou?l fiscal à proprement parler, il est u?le de préciser qu?il existe également des filières dites
« responsabilité élargie du producteur » (REP) qui ont pour objec?f d?obliger les professionnels à par?ciper
à la ges?on et au traitement des produits qu?ils commercialisent, une fois ceux-ci mis au rebut par leurs
clients. Ce?e par?cipa?on se traduit notamment par le biais des « éco-par?cipa?ons », c?est-à-dire d?un
montant prélevé sur des produits vendus par des professionnels pour lesquels une filière REP a été mise en
place (produits informa?ques par exemple).
5. Préserver la biodiversité et lu2er contre l?ar?ficialisa?on des sols
a. Enjeux et probléma?ques
La transforma?on des espaces naturels supports de milieux vivants par leur ar?ficialisa?on est la principale
cause de perte de biodiversité. Ces espaces naturels sont également soumis à de nombreuses pollu?ons
(de l?eau et de l?air), mais aussi à la surfréquenta?on touris?que. C?est notamment vrai pour les espaces
li?oraux et certains sites de montagne. Ce?e sur fréquenta?on peut nuire au bon fonc?onnement des
écosystèmes de diverses manières : dérangement et modifica?ons comportementales de la faune,
pié?nement et prélèvement de la flore, érosion des sols, pollu?on?
b. Situa?on en France
En France, environ 60 000 ha/an sont ar?ficialisés qui proviennent pour 70 % de terres agricoles et 30 %
d?espaces naturels. Entre 2006 et 2014, la des?na?on des sols ar?ficialisés est la suivante :
? 46 % : logements individuels, dont la moi?é en jardins ;
? 16 % : réseaux de transport ;
? 8 % : bâ?ments agricoles, aires de stockage et chemins d?exploita?on ;
? 6 % : chan?ers et ac?vités de construc?on ;
? 5 % : sports et loisirs ;
? 4 % : commerces ;
? 3 % : logements collec?fs.
39A. Gal?er, septembre 2016, « Déchets ménagers : efficacité de la tarifica?on incita?ve », CGDD, Théma essen?el.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 57
En France, les zones ar?ficialisées occupent près de 5,16 millions d?hectares en 2015, soit environ 9,4 % de
la métropole. En 2014, la moi?é de ces zones ar?ficialisées correspondait à des sols revêtus ou stabilisés
(routes, parkings?).
Le rythme d?ar?ficialisa?on ne s?explique pas toujours par la croissance de la popula?on. Ce?e
décorréla?on de l?ar?ficialisa?on vis-à-vis de l?évolu?on démographique des territoires est clairement
désignée par les chiffres de l?environnement 2016 ainsi que par l?étude « Thema ar?ficialisa?on, de la
mesure à l?ac?on » (janvier 2017) qui observe effec?vement que « l?ar?ficialisa?on augmente avec la
popula?on mais ne diminue pas avec elle » (p.16). Ainsi, près de 20 % de la surface ar?ficialisée entre 2006
et 2013 se situe dans des communes dont la popula?on décroît. En outre, 40 % de la surface ar?ficialisée
se produit dans des communes en couronne de grands pôles et 25 % dans des communes hors aires
urbaines.
Enfin, parmi les 29 pays de l?OCDE, la France se dis?ngue par une ar?ficialisa?on soutenue sous forme de
mitage. Elle a?eint ainsi le 5ème rang pour la part de la popula?on résidant à l?extérieur du centre urbain et
le 9ème rang pour le nombre de fragments par km².
c. Ou?ls fiscaux mis en place
En ma?ère de préserva?on de la biodiversité et de lu?e contre l?ar?ficialisa?on des sols, l?ou?l fiscal est
actuellement peu mobilisé en France. En effet, actuellement, il n?existe pas de disposi?f fiscal obligatoire
ayant explicitement pour objec?f d?internaliser les coûts environnementaux liés à la destruc?on d?espaces
bio?ques. En revanche, les ac?vités qui induisent la perte ou la dégrada?on d?espaces bio?ques terrestres
sont très réglementées.
S?agissant des ou?ls en faveur d?une ges?on durable de la faune et de la flore, il existe des exonéra?ons de
taxe foncière pour certains sites (Natura 2000, coeur de Parc na?onal), couplée à des exonéra?ons de droits
de muta?on. S?ils ont pu être déterminants dans les débats locaux pour la mise en oeuvre de ces sites, ces
mécanismes restent en revanche insuffisants pour assurer dans le temps le main?en de la protec?on de ces
espaces naturels.
De manière générale, la fiscalité appliquée aux espaces naturels par rapport à d?autres types
d?inves?ssement est moins avantageuse de par la nature même de la fiscalité appliquée (la fiscalité foncière
ne s?appliquant pas par nature sur des inves?ssements sur les marchés financiers par exemple) et les
récentes réformes de la fiscalité des revenus de l?épargne ont accentué ce désavantage de la fiscalité
appliquée aux espaces naturels, rendant les rendements financiers d?espaces naturels moins anrants
fiscalement par rapport à d?autres inves?ssements.
En ma?ère d?ar?ficialisa?on des sols, il n?existe qu?un seul ou?l qui puisse être véritablement considéré
comme tel. Le versement pour sous-densité permet ainsi à une commune de taxer les construc?ons
lorsqu?elles ne respectent pas un seuil de densité défini dans la commune. À ce jour, cet ou?l faculta?f n?a
été mis en oeuvre que dans une vingtaine de communes en France et il est difficile de ?rer des conclusions
quant à son efficacité. Toutefois, des études40 ont démontré que l?u?lisa?on de ce mécanisme pourrait
avoir un impact posi?f en termes de limita?on de l?ar?ficialisa?on des sols.
40Cf. Point Climat, mai 2014, I4CE : « Le versement pour sous densité : analyse d?un ou?l de densifica?on urbaine et premiers
retours d'expériences ».
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 58
Annexe 2 : Données compara?ves de la
fiscalité environnementale en France et
dans le reste de l?Europe
Figure 13 : Part de la fiscalité énergé?que par contributeur dans les pays de l?UE
Source : Eurostat
NDL : Pour la France, la part « ménages » (households) comprend également les entreprises individuelles.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 59
Figure 14 : Part de la fiscalité transport par contributeur dans les pays de l?UE
Source : Eurostat
NDL : Pour la France, la part « ménages » (households) comprend également les entreprises individuelles.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 60
Figure 15 : Montant des taxes environnementales par habitants dans les pays de l?UE
(en euros/habitant)
Source : Calculs internes d?après données Eurostat
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 61
Tableau 5 : U?lisa?on des rece2es des taxes sur la consomma?on d?énergie dans certains pays membres de l?OCDE (2016)
Rece2e
(en M¤)
Part affectée
Montant affecté par catégorie (en M¤)
Redistribu?on aux
collec?vités
territoriales
Infrastructures
rou?ères
Dépenses
environnementales
Dépenses
d?améliora?on de
l?efficacité
énergé?que
Autres (dont
redistribu?on vers
ménages ou
entreprises)
Allemagne 40 100 0 %
Autriche 12 091 13 % 1 576
Belgique 5 064 8 % 33 350
Danemark 3 019 99 % 2 994
Espagne 10 785 0 %
Estonie 489 0 %
France 25 910 49 % 12 093 715
Grèce 4 052 0 %
Hongrie 2 079 0 %
Irlande 2 179 0 %
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 62
Italie 29 450 0 %
Le2onie 504 0 %
Luxembourg 876 79 % 556 135
Pays-Bas 11 407 29 % 3 316
Pologne 7 421 13 % 940
Portugal 3 093 23 % 683 21
République
Tchèque
3 289 8 % 265
Royaume-Uni 34 406 1 % 10 234
Slovaquie 1 214
Slovénie 993
Suède 2 488 100 % 2488
Source : OCDE
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 63
Tableau 6 : U?lisa?on des rece2es des taxes sur le carbone dans les pays de l?UE (2016)
Rece2e
(en M¤)
Part affectée
Montant affecté par catégorie (en M¤)
Ménages
(sous forme de
réduc,on de PO)
Entreprises
(sous forme de
réduc,on de PO)
Dépenses
environnementales
Dépenses
d?améliora?on de
l?efficacité
énergé?que
Redistribu?on aux
électro intensifs et
risques fuite carbone
Danemark 480 99 % 476
France 3 800 79 % 3 000
Finlande 1 402 100 % 1 402
Irlande 434 100% 384 50
Le2onie 1 0 %
Portugal 134 100 % 119 15
Royaume-Uni 1 272 0 %
Slovénie 124 0 %
Suède 2 549 100% 2 549
Source : OCDE
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 64
Tableau 7 : U?lisa?on des rece2es de l?ETS-UE dans les pays de l?UE (2016)
Rece?e
(en M¤)
Part
affecté
e
Montant affecté par catégorie (en M¤)
Dépenses
d?améliora?on
de l?efficacité
énergé?que
Sou?en au
développemen
t des énergies
renouvelables
Sou?en
aux
mobilités
durables
Subven?ons
en R&D
Dépenses en
faveur de la
protec?on et
conserva?on
de la
biodiversité
Redistribu?on
aux électro
intensifs et
risques fuite
carbone
Autres dépenses
environnementale
s
Baisse
des PO
Allemagne 850 189 %* 844 80 200 131 11 244 96
Autriche 79 89 % 28 28 6 8
Belgique 108 19 % 20
Danemark 54 39 % 21
Espagne 369 100 % 26 342 0.2
Estonie 24 51 % 11 1 0.1
France 235 100 % 235
Grèce 148 100 % 19 129
Hongrie 64 80 % 37 3 10
Irlande 40 100 % 13 26 1
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 65
Italie 412 28 % 68 4 40 3 0.03 2
Le?onie 12 65 % 7 0.2
Luxembourg 5 0 %
Pays-Bas 143 50 %
Pologne 136 47 % 64
Portugal 75 100 % 3 1 64 1 10
République
Tchèque
117 105 %* 63 59 2
Royaume-Uni 423 92 % 306 81 0.2
Slovaquie 65 39 % 15 0.4 10 0.1
Slovénie 19 143 %* 8 16 3 0.03
Suède 39 0 %
Source : OCDE
* Pour l?Allemagne, la Slovénie et la République Tchèque, les montants affectés reportés auprès de l?OCDE sont supérieurs au montant total des revenus
provenant du marché de quota. Pour l?Allemagne, cela est expliqué par le fait que le Fond de rénova,on énergé,que auquel est versé une par,e de ces
rece-es a été abondé par l?État en 2016 pour couvrir le montant des dépenses de ce fond. Pour la Slovénie et la République Tchèque, pas d?explica,ons
fournies.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 66
Annexe 3 : Commentaires des par?es
prenantes
Quoique le présent rapport ait, dans la mesure du possible, pris en compte les observa,ons des par,es
prenantes, celui-ci a été établi sous la responsabilité des deux coprésidents (Mme Bénédicte Peyrol et M.
Dominique Bureau). Certaines par,es prenantes ont souhaité faire part de leurs commentaires, ceux-ci sont
rassemblés ci-dessous.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 67
Commentaire de l?AFEP
L?Afep considère que la fiscalité environnementale doit être spécifiquement consacrée à l?a?einte d?un
objec?f environnemental qui puisse être mis en oeuvre par une modifica?on des comportements associée à
la disponibilité technique et économique de solu?ons environnementales plus performantes que dans la
situa?on ini?ale. L?évolu?on de la fiscalité écologique doit donc faire l?objet d?un double examen : est-elle le
meilleur moyen de faire évoluer les comportements et les autres ou?ls à la disposi?on des pouvoirs publics
et des agents économiques tels que les engagements volontaires, la réglementa?on, la forma?on, etc ? ne
sont-ils pas préférables et plus efficaces ? Comment ce?e évolu?on s?intègre-t-elle avec les objec?fs
économiques du gouvernement soutenus par les entreprises de rétablissement des finances publiques, de
réduc?on des dépenses et de réduc?on des prélèvements obligatoires ?
Comme l?indique le rapport final en page 24 : « La fiscalité environnementale ne peut en effet se développer
si elle reste perçue comme un moyen de couvrir des impasses budgétaires ».
Il importe que le suivi de la fiscalité environnementale concerne non seulement le suivi des rece?es et leur
u?lisa?on mais surtout qu?il s?a?ache à l?évolu?on effec?ve des comportements et à l?a?einte réelle des
objec?fs environnementaux ini?alement visés par les mesures fiscales. Ce?e évalua?on est indispensable
et doit donner lieu soit à une évolu?on du calibrage de l?ou?l fiscal, soit à l?u?lisa?on d?un autre instrument
plus performant.
L?Afep sou?ent le besoin indispensable d?iso-fiscalité (baisse équivalente de la fiscalité de produc?on en cas
de hausse de la fiscalité environnementale) men?onné dans le rapport et rappelle la nécessité de baisser
les prélèvements obligatoires comme le Président de la République l?a prévu dans son programme.
L?Associa?on rappelle que les instruments fiscaux représentent un type d?instruments parmi d?autres
(règlement, quotas, normes?). Elle précise le besoin de conduire un diagnos?c ex ante pour chacun des
objec?fs environnementaux à a?eindre avant de choisir la fiscalité parmi l?ensemble des moyens
disponibles. Il convient notamment de privilégier des instruments qui puissent être compa?bles avec les
logiques et les contraintes d?inves?ssements généraux de l?ou?l de produc?on, qui s?imposent aux
entreprises selon leurs secteurs d?ac?vité.
Par ailleurs, l?Associa?on souligne le besoin d?éviter la superposi?on entre les différents instruments pour
une bonne lisibilité par les décideurs et le déclenchement des inves?ssements.
Pour conclure, l?Afep souligne l?intérêt des proposi?ons du rapport mais souligne ses fortes réserves sur 2
d?entre elles :
? Proposi?on 6 sur l?introduc?on dès le PLF 2019 de nouvelles mesures de fiscalité
environnementale : l?Afep es?me qu?il n?est pas opportun d?introduire une nouvelle fiscalité sur
les HFC dans la mesure où ces émissions sont déjà couvertes par le règlement « F Gases » ; il y
aurait superposi?on entre deux instruments et la taxe française serait de pur rendement, sans
effet environnemental ; une analyse partagée entre administra?on et industriels du
fonc?onnement du règlement européen des « F Gas » apparaît essen?elle dès la rentrée de
septembre 2018.
? Proposi?on 7 sur la mise en place d?un prix plancher du carbone pour le secteur de
l?électricité : l?Afep a souligné à de mul?ples reprises que ce?e mesure n?a pas été discutée au
sein du Comité pour l?économie verte ; elle a précisé que ce?e proposi?on, devant être mise en
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 68
oeuvre en dehors de la direc?ve ETS pour la période actuelle jusqu?à 2030, ne pouvait être
promue que sur la base d?études d?impacts convaincantes concernant son effet sur la réduc?on
des émissions de gaz à effet de serre, ses conséquences sur le prix de l?électricité et les moyens
de limiter ces conséquences prix pour les entreprises électro-intensives par?culièrement
soumises à la concurrence interna?onale.
Or, une étude néerlandaise vient de paraître en juillet 2018 précisant l?impact d?un prix
plancher, soit aux Pays-Bas uniquement, soit dans une coali?on de 5 pays (France + Allemagne
+ Benelux)
Dans sa planche 9, il est indiqué qu?un prix plancher dans la coali?on réduit les émissions dans
ces 5 pays de 97 MteCO?, mais que ces dernières augmentent de 82 MteCO? ailleurs. L?effet
net est de 15 MtCO?, ce qui n?est pas négligeable, mais pas à la hauteur des efforts (et du
coût). Une autre étude menée en 2017 par EWI précisait qu?un prix plancher à 30 ¤/t entraînait
en France une hausse du prix de l?électricité de 3-5 ¤/MWh et en Allemagne de 8-10 ¤/MWh. Il
convient d?évaluer l?impact de telles hausses.
L?Afep souhaite soit que le rapport rappelle dans ce?e proposi?on que ce2e proposi?on
nécessite une étude d?impacts avant de conclure favorablement à une telle op?on ; à défaut,
l?Associa?on demande que ce2e recommanda?on soit supprimée.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 69
Commentaire d?AMORCE
Amorce souhaite saluer ce travail approfondi de réflexion sur les fondamentaux de la fiscalité écologique.
L?associa?on souhaite également soutenir les proposi?ons visant à donner davantage de lisibilité y compris
pour le Parlement sur l'évolu?on des trajectoires de la fiscalité écologique mais aussi sur la trajectoire
d'u?lisa?on (au moins par?elle des rece?es) à son objet.
Cependant, Amorce ?ent à soulever certaines réserves. Ainsi, pour l'associa?on, les rece?es engendrées
par des taxes environnementales doivent principalement perme?re de financer des ac?ons, de modifier
des comportements, d'inciter dans le domaine environnemental concerné. Elles ne doivent pas avoir pour
principal objec?f de baisser les impôts sur la produc?on ou compenser la suppression de la taxe
d'habita?on ce qui risque de provoquer une réac?on de rejet par les popula?ons et des acteurs
économiques sur la fiscalité environnementale. Les collec?vités ne peuvent que regre?er une telle fiscalité
qui serait irrémédiablement perçue comme puni?ve.
Amorce constate d?ailleurs que la proposi?on d?alloca?on des 15 milliards d?euros de rece?es générées par
la fiscalité carbone à la mise en oeuvre des poli?ques territoriales de lu?e contre le changement clima?que
et de transi?on énergé?que fait aujourd?hui la quasi-unanimité des acteurs de la transi?on écologique
(Associa?ons de collec?vités, ONG, Associa?ons de consommateurs, syndicats?).
En outre, il faut rappeler que la proposi?on de réforme de la TGAP prévue dans le cadre de la FREC suscite
désormais l'opposi?on unanime des associa?ons de collec?vités. Si elles avaient soutenu à l'origine le
principe d'une réforme de la fiscalité sur les déchets, les représentants des collec?vités ont exprimé à ce
stade leur profonde opposi?on à la réforme de la fiscalité sur les déchets qu?ils considèrent comme
incohérente, injuste et inefficace :
- D'une part parce qu?elle s'applique uniquement à taxer les collec?vités en charge de l'élimina?on de
tous les déchets en fin de vie, alors qu?une vraie fiscalité environnementale comportementale devrait
d'abord consister à interdire ou a minima à taxer les produits non recyclables qui représentent près de la
moi?é des déchets éliminés et qui de fait le resteront.
- D'autre part parce qu?une par?e des déchets ménagers et assimilés assujens à ce?e TGAP sont issus
des ac?vités économiques et font l'objet de réglementa?on imposant depuis plusieurs années leur collecte
sélec?ve et leur recyclage, mais que ce?e réglementa?on n?est pas contrôlée ni sanc?onnée par les
représentants de l'Etat et donc pas appliquée. Taxer davantage les collec?vités en charge du service public
n'a là aussi aucune cohérence et aucune efficacité.
- En outre, que les mesures visant à imposer aux filières de responsabilité élargie des producteurs ne sont
aujourd?hui pas connues et pas garan?es sachant qu?aucune des filières REP actuelles ne respecte ses
objec?fs de recyclage, et que plus globalement la plupart de ces mesures pourraient être confirmées après
le vote de la réforme alors qu?elles devraient garan?r la réduc?on des déchets résiduels avant toute
réforme de la fiscalité sous peine de provoquer une augmenta?on très forte de la fiscalité sur le service
public des déchets (jusqu?à un milliard).
- Enfin, les représentants des collec?vités demandent que la rece?e de TGAP déchets alimente
majoritairement un fonds en faveur de l'économie circulaire dont ils assureraient avec l'Ademe la co-
gouvernance, alors que le produit actuel de la TGAP alimente très majoritairement le budget de l?État- et
pour par?e le fonds Déchets géré par l'Ademe.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 70
En conséquence de quoi, la réforme fiscale proposée par le gouvernement aura pour principal effet
d?augmenter le coût de la ges?on des déchets et par conséquent la fiscalité locale plutôt que de développer
le recyclage et de mobiliser les acteurs responsables, et cela au moment même où l?État demande aux
collec?vités de mieux maîtriser leurs coûts de fonc?onnement.
Enfin, Amorce ?ent également à faire remarquer que le projet de rapport ne fait pas men?on de la
ponc?on budgétaire opérée sur les budgets des agences de l'eau et ne se prononce pas sur ce point alors
que celui-ci va à l'encontre du principe de « l'eau paie l'eau » et qu?il remet en cause de nombreux projets
pourtant nécessaires.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 71
Commentaire de la CLCV
La CLCV main?ent son avis exprimé en juillet lors de la discussion rela?ve au pré-rapport tout en notant
quelques u?les approfondissements analy?ques.
Elle ne partage pas plusieurs opinions émises et la tonalité des recommanda?ons du rapport, qui tend par
trop à être un plaidoyer en faveur de l?ac?on menée par les pouvoirs publics ce qui n?est pas a priori le rôle
d?un comité consulta?f.
En substance, les points de désaccord portent d?abord sur :
1. La capacité incita?ve du signal prix
En effet, l?efficacité concrète du signal-prix sur l?évolu?on de la consomma?on d?énergie fossile semble être
considérée comme une évidence par les rédacteurs alors que cela n?est pas le cas. Le débat est ancien car la
li?érature économétrique donne des résultats variables. Plus encore, on dispose maintenant de
suffisamment de recul pour apprécier la rela?on prix/consomma?on depuis la nouvelle ère de 2004/2005
qui a donné lieu à une hausse tendancielle du prix marqué par des cycles très haussiers et (principalement)
un cycle très baissier. Durant ce?e période la consomma?on de carburant en France a connu peu
d?évolu?on évidente (en gros une stabilité, avec certes une augmenta?on de la popula?on mais aussi, a
priori, la hausse du rendement moteur). La rela?on de cause à effet est bien plus établie dans des
domaines soumis à une planifica?on industrielle (le chauffage urbain par exemple) mais assez peu sur un
parc diffus.
Plutôt que de croire à l?évidence, Il serait bon que l?exper?se gouvernementale se penche de façon plus
approfondie sur ce?e ques?on ne serait ce que pour mieux iden?fier les freins à lever. Par ailleurs le texte
n?interroge pas suffisamment la per?nence d?une poli?que qui augmente les taxes quelle que soit
l?évolu?on du prix alors même que théoriquement il s?agit d?un signal-prix et non d?un signal taxe.
2. Par ailleurs, il importe de souligner que l?augmenta?on des taxes et du prix a un impact de
pouvoir d?achat au-delà des segments « précarité énergé?que »
Les pouvoirs publics (CEV, CGDD, Insee) ont réalisé en dix ans un important travail d?iden?fica?on des
segments de popula?ons par?culièrement touchés par la hausse des prix de l?énergie (notamment, au-delà
du revenu, la fracture territoriale). Rien à redire sur ce sujet mais il ne faut pas pour autant sous-es?mer
l?impact sur le pouvoir d?achat pour beaucoup d?autres ménages (en substance tous ceux qui u?lisent
quo?diennement la voiture et dont les revenus ne sont pas dans le décile ou les deux déciles les plus
hauts). Ces ménages ne sont pas en précarité énergé?que mais une hausse de quelques centaines d?euros
par an de leurs dépenses reste un effet réel de pouvoir d?achat (pouvant avoir des conséquences
macroéconomiques de type report d?achat de bien durable ou de consomma?on de loisir).
Enfin, il faut reconnaître que le texte, et le comité d?une manière générale, soulève réellement le problème
de l?u?lisa?on des rece?es fiscales de l?énergie.
Nous es?mons néanmoins qu?il est primordial de faire apparaître une donnée déjà présente dans tous les
rapports d?étapes du CEV et absente du rapport final : Les ménages acqui2ent près de 23 Mds¤ de
fiscalité sur leurs consomma?ons énergé?ques fossiles, dont 5 Mds¤ au ?tre de la composante carbone
en 2018, et bénéficient seulement en retour d?un peu plus de 4 Mds¤ de subven?ons directes.
La qualité indéniable du rapport sur ce sujet ne peut occulter le fait que depuis 2014 les pouvoirs publics
ont pris des décisions d?affecta?on des rece?es systéma?quement défavorables tant aux par?culiers qu?aux
économies d?énergie. Il s?agit d?un problème de fond important et, en aucun cas comme vous le suggérez,
d?un problème de communica?on ou de pédagogie.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 72
Au final, la CLCV demande principalement :
1. que les taxes sur l?énergie fossile ne soient pas augmentées dans la prochaine loi de finances vu
la récente forte croissance du prix. D?une manière générale il s?agit de tenir compte de l?évolu?on
du prix hors taxe avant d?augmenter les taxes ;
2. qu?un volume bien plus conséquent de rece2es des taxes sur l?énergie soient affectées à des
aides pour les économies d?énergies notamment pour les ménages. Ne pas limiter cet effort
supplémentaire aux seuls précaires ;
3. D?un point de vue strictement analy?que, de réouvrir l?étude des élas?cités prix de la
consomma?on d?énergie.
Pour les autres domaines abordés (ar?ficialisa?on agence de l?eau) il nous semble qu?il faille faire un point à
part, car le débat est spécifique (notamment pour les agences de l?eau), ce que vous suggérez d?ailleurs.
Simplement nous soutenons l?idée, répétée depuis vingt ans dans les rapports publics, d?un réel
rééquilibrage des redevances eau par catégorie d?usager.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 73
Commentaire de FNE
France Nature Environnement se réjouit de ce que les travaux du Comité pour l?Economie verte, cons?tué
dès 2015 mais faisant suite aux travaux du Comité pour la fiscalité écologique (2012-2014), fassent enfin
l?objet d?un exercice de synthèse sous la forme d?un rapport sur la construc?on de la fiscalité
environnementale sur la durée du quinquennat et au-delà. Ce rapport vient s?ajouter à une produc?on
analy?que déjà dense, qu?il s?agisse de rapports parlementaires (Bricq, 1998 ; Diefenbacher & Launay,
2009), de produc?ons de la Cour des comptes (Migaud, novembre 2011), du Commissariat Général au
Développement Durable (Etat des lieux de la fiscalité écologique & inventaire des taxes
environnementales en France), sans même parler de la produc?on du Conseil des impôts (« fiscalité et
environnement », 2005) ou des instances et organisa?ons intergouvernementales a?en?ves au sujet
(OCDE 2011 et 2014). Ce travail a cependant une spécificité et une légi?mité forte, puisqu?il émane d?une
enceinte de co-construc?on ouverte à la société civile, circonstance qui traduit un degré minimal
d?accepta?on collec?ve des mesures préconisées. La fédéra?on France Nature Environnement sera donc
a?en?ve à son portage comme au devenir desdites proposi?ons, qui doivent effec?vement influencer
posi?vement les poli?ques publiques.
Dans un ordre d?idées similaire, il importe d?emblée de signaler que FNE souhaite voir portées, et mises en
oeuvres, les préconisa,ons contenus dans le « corpus » d?avis des deux comités, CFE et CEV : ceux-ci ont
adopté successivement pas moins de dix-neuf avis. La mesure dans laquelle ceux-ci ont été repris et
traduits en loi de finance devrait faire l?objet d?un exercice de synthèse, et les mesures non-reprises à ce
stade ? à n?en pas douter les plus nombreuses ? devraient être actualisées en fonc?on des évolu?ons
réglementaires, fiscales et budgétaires intervenues entre-temps.
Sur le fond :
« Introduc?on », p.5 : Un éclaircissement préalable sur l?objet du rapport, comparé avec les a?ribu?ons
du Comité, aurait été opportun. En effet, le CEV produit ici un rapport sur la fiscalité écologique, alors que
ses a?ribu?ons sont plus vastes : le « comité pour la fiscalité écologique » a fait place au « comité pour
l?économie verte ». La nuance est d?importance dans la mesure où, comme le signale le texte à plusieurs
reprises, d?autres instruments que l?ou?l fiscal peuvent être employés pour influencer le signal-prix et
l?antude des acteurs économiques : la ques?on de l?orienta?on des inves?ssements, publics et privés, est
primordiale ; la produc?on de « green bonds » et d?émissions souveraines ne l?est pas moins, et
l?adapta?on des instruments budgétaires (sous la forme de « budgets verts », d?ailleurs évoqués), l?est
également. L?idée d?un « mix » de mesures, préféren?ellement incita?ves, au sein duquel la fiscalité doit
tenir un rôle prééminent à côté d?autres instruments, aurait pu être affichée d?emblée pour plus de clarté.
Première par?e : « La nécessité d?un cadre intégré et lisible, pour assurer l?essor d?une fiscalité
écologique à la hauteur des enjeux »
« Un verdissement indéniable de la fiscalité dans un cadre qui fait cependant l?objet de cri?ques
récurrentes jus?fiées », pp. 11- 14 : Dans ce?e par?e encore largement introduc?ve et contextuelle, si
l?ancienneté de certaines taxes est men?onnée (TIP, 1928) et si le développement historique des ou?ls
fiscaux, à une époque où la sensibilité aux enjeux environnementaux était peu développée, est en soi
intéressant, il aurait fallu rappeler que la montée en charge de la fiscalité écologique est aussi une
obliga,on juridique interna,onale rela,vement ancienne, à laquelle la France, comme les pays OCDE,
n?ont que très imparfaitement répondu. L?ar?cle 8.32 de l?Agenda 21, en 1992, enjoignait déjà aux
signataires de supprimer ou de réduire les subven?ons publiques incompa?bles avec des objec?fs de
développement durable.
A cet égard, FNE salue la men?on très explicite de la nécessité de lu?er contre les subven?ons
dommageables à l?environnement (p. 14), mais une actualisa?on spécifique de ce sujet aurait été
nécessaire. Surtout, nous déplorons que ce thème ne fasse pas l?objet d?une proposi,on spécifique. A
défaut, le sujet pourrait, à moyen terme, être examiné dans le cadre d?un groupe de travail du CEV.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 74
« D?un verdissement de la fiscalité à un verdissement d?ensemble des finances publiques », pp. 15-21 :
Ce chapitre, dans la con?nuité du précédent, traduit les ingrédients récurrents du débat sur la fiscalité
écologique tant au sein du Comité qu?en-dehors, à savoir : préférence pour une fiscalité comportementale
« posi?ve », défiance envers les taxes affectées à faible rendement, contraintes juridiques (au regard des
principes d?égalité et d?universalité budgétaire), nécessité d?assurer l?acceptabilité des mesures fiscales.
Si les contraintes juridiques sont bien exposées (pages 16 et suivantes), il aurait été intéressant d?une part,
de confronter leur portée avec celle du principe pollueur-payeur inscrit à l?ar,cle L. 110-1 du code de
l?environnement (ar?cula?on dont il est surtout dit qu?elle est source de « difficultés avec des débats
récurrents »), et d?autre part, de comparer l?existence et l?intensité de ces obstacles à l?interna,onal, afin
de déterminer si nos voisins sont soumis aux mêmes restric?ons. Une men?on du rôle de la doctrine
administra,ve fiscale, telle qu?exprimée notamment dans les BOFIP, en tant que source du droit et
d?éventuelles contraintes juridiques, aurait été opportune.
Le lecteur est amené à observer que la ques?on de l?u?lisa?on des rece?es de la fiscalité écologique, en
lien avec celle de son acceptabilité, est une préoccupa?on récurrente au travers du rapport : examinée
dans ce chapitre, elle l?est aussi au suivant.
« Une ambi?on fixée, des acteurs à embarquer : comment construire l?écofiscalité comportementale » :
pp 22-25 : Les ingrédients de compréhension, d?acceptabilité, de visibilité sont majoritairement exposés
ici. L?u?lisa?on des rece?es de la fiscalité environnementale fait l?objet de trois approches cumula?ves ou
alterna?ves, sources de débats, qu?évoque le rapport : 1° baisse corréla?ve d?imposi?ons pesant sur les
entreprises et/ou le travail, dans une logique de « basculement des régula?ons » ou de « green tax shiq » ;
2° compensa?on des impacts sociaux défavorables, par exemple sur les popula?ons locales concernées
par la hausse de la fiscalité sur les carburants ; 3° u?lisa?on budgétaire générique par inscrip?on au
budget général, dans une pure op?que de fiscalité de rendement. Nous constatons que la ques,on de
l?affecta,on à des poli,ques publiques de préserva,on de l?environnement est largement escamotée de ce
débat, alors que tous les impacts environnementaux ne peuvent être réduits à l?équa?on incita?ve du
« signal-prix » : dans les domaines de l?ar?ficialisa?on des sols, ou de la protec?on de la biodiversité, les
moyens d?une poli,que de recapitalisa,on écologique doivent être mobilisés au profit de la réhabilita?on
des coeurs de villes moyennes ? objet précisément d?un plan dédié, mais ponctuel ?, des con?nuités
écologiques, de la préserva?on et de la recons?tu?on des milieux.
Au regard de ce besoin, l?idée exprimée par le rapport et reprise en proposi?on, selon laquelle il
conviendrait que le gouvernement « communique sur l?u?lisa?on de ce?e fiscalité », est faible et passe
sous silence la ques?on du financement des poli?ques publiques concernées. Celles-ci ne pourront
éternellement bénéficier, à l?instar d?ailleurs de poli?ques publiques parfois étrangères aux enjeux
environnementaux ? sports hier, infrastructures peut-être demain ? de la seule solu?on consistant à
opérer des prélèvements sur les revenus des agences de l?eau.
Deuxième par?e : « Pour un niveau d?ambi?on répondant aux enjeux », pp. 27 et suivantes :
? Sur l?eau (page 37, et annexe, page 52 et suivantes) : Le rapport observe, s?agissant de la
redevance pour pollu?on diffuse (RPD), qu?au regard des évolu?ons des taux des redevances « une
réflexion doit être menée afin d?essayer d?amener plus de cohérence (?) en fonc?on des niveaux de
pollu?on émises par chaque pollueur ». France Nature Environnement es?me que la RPD doit
pouvoir s?appliquer à tous les pes?cides, et que les taux doivent être effec?vement augmentés et
être propor?onnels à la dangerosité des substances employées : il faut accroître très sérieusement
les taux de la redevance en fonc?on de la toxicité des pes?cides. Les revenus de ce?e taxe doivent
être employés pour des ac?ons de restaura?on des milieux pollués. S?agissant de la redevance
prélèvement, il conviendrait que le principe « préleveur-payeur » soit bien appliqué, au moyen de
taux planchers suffisamment importants pour rendre la redevance dissuasive.
? Sur la transi?on vers l?économie circulaire (annexe, p. 56) : FNE partage le constat selon lequel le
modèle linéaire « fabriquer, consommer, puis jeter » se traduit « par une u?lisa?on de plus en plus
importante de ressources non renouvelables et (par) leur épuisement ». Il n?y a malheureusement
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 75
pas de proposi?on spécifique, et l?exposé des mesures mises en place évoque essen?ellement la
REOM et la TEOM. Il conviendrait d?élaborer des mesures fiscales sur les produits jetables et
notamment sur les plas,ques à usage unique : pailles et barque?es en plas?que jetables, rasoirs,
film cellophane? Pour l?heure, aucune interdic?on claire ne figure parmi les mesures de la feuille
de route économie circulaire (FREC) alors que l?Europe a proposé, en début d?année, une stratégie
plus ambi?euse en la ma?ère. Une TVA réduite sur les ac?vités de répara?on pourrait également
être envisagée.
? Sur l?ar?ficialisa?on (p. 38, et annexe, p. 57) : Le rapport exprime la difficulté du sujet, constat
auquel on ne peut qu?adhérer (« il n?existe aucun disposi?f fiscal obligatoire ayant explicitement
pour objec?f d?internaliser les coûts environnementaux » (dans ce domaine). De fait, le paysage
fiscal applicable aux usages du foncier se caractérise d?un côté par l?antériorité de taxes à voca?on
budgétaires, pesant sur le stock bâ? (comme la TFB), et de l?autre par une mul?plicité
d?instruments aux finalités éminemment variables mais qui ont en commun de n?avoir pas pour
voca?on explicite de lu?er contre le phénomène, quand ils n?ont pas? l?objec?f inverse de « libérer
le foncier » (majora?on de la valeur loca?ve en foncier non bâ? ; taxe sur la cession à ?tre onéreux
de terrains nus rendus construc?bles ; par?cipa?on assainissement collec?f ; taxe
d?aménagement?). Le rapport, outre qu?il n?expose pas ce paysage, insiste peu sur les
déterminants économiques et fiscaux de l?ar,ficialisa,on, sujet qui n?a pas encore été abordé en
groupe de travail à l?heure où nous écrivons. Or, nous tenons à souligner que :
? L?ar?ficialisa?on est induite également par le sur-dimensionnement des inves?ssements dans
le secteur de l?immobilier ter?aire, logis?que et commercial : nourris pour par?e par les
« private equi?es », dont l?implica?on se traduit par des opéra?ons LBO agressives, en
par?culier dans le secteur de la grande distribu?on, et dont la finalité consiste à poursuivre
des taux de retour sur inves?ssement (TRI) de l?ordre de 23%, ce modèle économique, non
content d?être un « moteur » de la poursuite de l?ar?ficialisa?on, se traduit par une facture
territoriale, bien souvent dans le ?ssu commercial urbain des villes moyennes qu?on se
propose justement de revitaliser. Il est en outre cons?tu?f d?une « bulle », ainsi que l?a relevé
le haut Conseil à la Stabilité financière (analyse du marché de l?immobilier commercial, 2016).
Ces réalités doivent pouvoir être abordées.
? La préserva?on du foncier naturel, non-ar?ficialisé, doit pouvoir bénéficier d?un contexte
fiscal favorable et incita?f. Or, dans un contexte de minora?on de la valeur du foncier rural
non ar?ficialisable, certaines réformes récentes, comme le remplacement de l?ISF par un
impôt sur la fortune immobilière, produisent un effet incita?f contre-produc?f, incitant à la
vente des terrains nus et, corréla?vement, à leur ar?ficialisa?on. Ce phénomène est abordé
en page 58 du rapport mais devrait, idéalement, être considéré avec plus d?a?en?on.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 76
(ATTENTION: OPTION ais aussi lieu d?u?lisa?on),
ainsi que des risques de fuite d?assie?e.
27Voir les deux documents de travail du CGDD à paraître en 2018 (« Mobilités - coûts externes et tarifica?on du déplacement » et
« Mobilités - coûts moyens socio-économiques », ?tres provisoires), ainsi que la synthèse du CEDD publiée le 30 mars 3017
(« Mobilité et émissions de gaz à effet de serre. Comment construire les poli?ques de transports ? »), qui décrivent les taux de
couverture des externalités rou?ères pour les différents trafics.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 35
Concernant spécifiquement les poids lourds, la créa?on d?une vigne?e obligatoire pour les poids lourds
circulant sur le réseau non concédé, dont le tarif serait fonc?on du respect des normes an?pollu?on
européennes (norme EURO), pourrait être envisagée, en instrument de second rang. Dans la mesure où les
solu?ons de subs?tu?on autres que les véhicules diesel n?existent quasiment pas aujourd?hui, le recours à
la norme EURO est per?nent : la vigne?e toucherait ainsi principalement les vieux véhicules diesel et pas
les véhicules diesel les plus récents. Ce?e op?on pourrait toutefois entrer en contradic?on avec les
disposi?ons de la nouvelle direc?ve eurovigne?e en cours de révision.
Dans ces condi?ons, c?est une stratégie d?ensemble qu?il faut définir en ma?ère de tarifica?on des
nuisances rou?ères, prenant en compte l?ensemble des coûts sociaux concernés.
Favoriser le développement des péages urbains dans les aggloméra,ons les plus touchées par les épisodes
de pic de pollu,on
La mise en place du principe pollueur-payeur pour tous les véhicules dans les zones urbaines denses peut
aussi passer par la mise en place de péages urbains. Il convient en effet d?augmenter et moduler finement
le coût d?usage du mode rou?er, au moins à due concurrence du coût socio-économique lié à la pollu?on
de l?air qu?il engendre via la mise en place de péages urbains environnementaux.
Au-delà, une internalisa?on op?male de l?ensemble des externalités de la route en zone dense, notamment
la conges?on, requiert d?élever le coût d?usage des véhicules et de coupler un tarif environnemental de
péage avec un tarif prenant en compte les coûts de conges?on. Ainsi, un péage urbain modulé à la fois en
fonc?on de la zone, de l?heure, de la distance parcourue et du niveau de pollu?on des véhicules
(notamment type de motorisa?on - diesel/essence - et année de produc?on, actuellement iden?fiés par les
normes EURO et Euro) est l?instrument le plus efficace économiquement pour réduire les émissions de
polluants liées aux déplacements en ville en faisant payer aux usagers les nuisances locales (y compris
environnementales) liées à l?usage de leur véhicule. Les péages urbains perme?ent de sélec?onner les
automobilistes qui re?rent le plus de bénéfices nets de leurs déplacements automobiles, les usagers
adaptant leur comportement au nouveau signal-prix.
Singapour, Stockholm, Göteborg, Londres (Conges,on Charge), Rome ou Milan depuis 2012 ont mis en
place des péages de déconges?on, tandis que Londres (Low Emission Zone et future Ultra Low Emission
Zone) ou Milan jusqu?en 2012 ont installé des péages environnementaux28. Les exemples européens de
péages urbains ont démontré leur efficacité : ainsi à Stockholm, une baisse du trafic de 20 % a été
constatée la première année et s?est accentuée par la suite, avec une baisse des émissions de polluants
évaluée à 14 % depuis 2006. De même à Londres, une baisse de 30 % de la conges?on rou?ère dès la
première année de fonc?onnement du péage urbain a été constatée, avec une réduc?on des émissions de
polluants dans la zone (NOx : -8 %, PM10 : -7 %, CO2 : -16 %).
Si la mise en place de péages urbains relève de la responsabilité des collec?vités locales, l?État peut
toutefois favoriser leur mise en place de diverses manières, notamment en levant les barrières
réglementaires existantes.
Il conviendrait en tout état de cause pour l?État d?aménager l?ar?cle 65 de la loi Grenelle 2 - qui a ouvert
pour les villes en faisant la demande la possibilité d?expérimenter des péages urbains dans les
aggloméra?ons de plus de 300 000 habitants et pour trois ans maximum - afin d?autoriser une mise en
place au-delà de 3 ans (compte tenu de l?inves?ssement important nécessaire à la mise en place d?un
péage, l?insécurité juridique au-delà de ce terme ajoute au caractère dissuasif du disposi?f pour certaines
collec?vités locales, la durée d?amor?ssement étant bien plus longue, plutôt de l?ordre de 8 ans). Lors du
discours de clôture des Assises de la mobilité le 13 décembre 2017, la ministre des Transports a annoncé
que la future loi d?orienta?on des mobilités devrait perme?re de simplifier les normes pour faciliter le
recours aux péages urbains.
28Voir document de travail de la DG Trésor n°2018/1 publié en avril 2018 « Péages urbains : quels enseignements ?rer des
expériences étrangères ? ».
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 36
Outre la levée des barrières réglementaires actuelles, l?État pourrait par?ciper au renforcement de l?offre
de transports en commun accompagnant la mise en place du péage, sous réserve d?analyses socio-
économiques posi?ves et d?un coût limité pour les finances publiques. Par exemple, en Suède, le
gouvernement a joué un rôle clé dans l?introduc?on de péages urbains à Stockholm et Göteborg en
acceptant de cofinancer, en contrepar?e de l?introduc?on du péage, des grands projets d?infrastructures
locaux ; ce?e contrepar?e a permis de faire accepter plus facilement le projet aux municipalités voisines de
la capitale et à leurs habitants qui font des déplacements pendulaires chaque jour dans la région. En effet,
les impacts redistribu?fs doivent être examinés avec soin.
Par ailleurs, afin de favoriser l?acceptabilité des péages, la prise en charge totale ou par?elle du coût des
équipements embarqués nécessaires pour rentrer dans la zone à péage pourrait être envisagée, sous
réserve d?un coût limité pour les finances publiques, comme cela a par exemple été fait à Singapour.
L?examen des impacts redistribu?fs est en effet crucial sur ce?e ques?on.
Plus généralement, il s?agit d?un instrument pour lequel la recommanda?on de ce rapport sur l?u?lisa?on
des rece?es se pose avec acuité.
Me-re en place des mécanismes fiscaux incita,fs afin de développer les modes de déplacement plus verts
Les proposi?ons issues des Assises na?onales de la mobilité, notamment de l?atelier consacré aux
modalités de déplacement plus propres, pourraient être soutenues : en effet, cet atelier a émis des
proposi?ons en ma?ère fiscale afin de favoriser des modes de déplacements vertueux d?un point de vue
écologique. Ainsi, dans l?op?que de développer le recours à l?u?lisa?on du vélo, la synthèse de cet atelier
recommande de généraliser et revaloriser l?indemnité kilométrique vélo.
Dans le cadre de ce?e synthèse, il est également proposé d?instaurer un disposi?f d?indemnisa?on
kilométrique unique, quel que soit le mode de déplacement choisi (y compris covoiturage), couvrant les
coûts d?u?lisa?on de la voiture personnelle (plafonnée au niveau des véhicules les moins puissants) et
perme?ant un gain monétaire pour les autres modes de déplacement, de manière à favoriser l?usage d?un
véhicule moins polluant, l?intermodalité et les mobilités ac?ves et les mobilités partagées.
b. Pollu?on de l?eau : lancer une réflexion de fond sur un rééquilibrage des redevances des
Agences de l?eau afin de respecter le principe « pollueur-payeur »
En ma?ère de lu?e contre la pollu?on de l?eau, la France s?est dotée, d?un point de vue fiscal, d?un
ensemble de mesures cohérentes sur le plan des principes. La ges?on des moyens de lu?e contre les
pollu?ons par les Agences de l?eau, financés par des redevances dues par les principaux pollueurs, fournit
une panoplie d?instruments différenciés perme?ant, d?un point de vue théorique, une prise en compte
globale du problème des pollu?ons de l?eau.
Néanmoins, au regard des usages actuels et des sources des pollu?ons, des évolu?ons des taux des
redevances, et des modalités de ges?on de ces taxes souvent par bassins versants individualisées (absence
de seuil ou de plafond de redevances fixés au niveau na?onal par exemple, à l?excep?on de la redevance
pour pollu?on diffuse), une réflexion doit être menée afin d?essayer d?amener plus de cohérence dans le
système des redevances des Agences de l?eau, notamment afin de rééquilibrer l?acqui?ement de celles-ci
en fonc?on des niveaux de pollu?ons émises par chaque pollueur.
Dans ce?e logique, les États généraux de l?alimenta?on ont déjà conclu à la nécessité d?une réévalua?on à
la hausse des taux de la redevance pour pollu?ons diffuses afin de tenir compte de la dangerosité de
certains produits phytosanitaires, et une mesure en ce sens sera portée dans le PLF 2019. Cependant, ce?e
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 37
proposi?on devra tenir compte des alterna?ves techniques existantes ou à venir, des évolu?ons de
pra?ques et des modalités de financement de ces nouveaux moyens par les Agences de l?eau.
La loi sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a également confié de nouvelles
missions aux Agences de l?eau en ma?ère de protec?on de la biodiversité et appelle donc une réflexion sur
les modalités de financement perme?ant de remplir ces nouvelles missions.
Par conséquent, conformément à la le?re de mission du Comité pour l?économie verte, et suite aux
conclusions des Assises de l?eau, il sera nécessaire de lancer au cours du dernier trimestre 2018 un groupe
de travail spécifique sur ces ques?ons qui rendra ses conclusions avant la fin du premier semestre 2019,
pour une mise en oeuvre dans le cadre du PLF pour 2020. Ce groupe de travail pourra approfondir les
recommanda?ons précédentes du CFE et du CEV en ma?ère de lu?e contre les pollu?ons de l?eau29.
Toujours en cohérence avec les conclusions des Assises de l?eau, ce groupe de travail pourrait également
s?interroger de manière plus générale sur la prise en compte générale du cycle de l?eau, notamment sur la
manière de financer le système de l?eau de manière globale. Comme souhaité par certaines collec?vités
territoriales suite à leur retour d?expérience, une réflexion autour du mécanisme de la taxe Gemapi (taxe
locale pour financer la ges?on des milieux aqua?ques et la préven?on des inonda?ons), de son mode de
fonc?onnement et de son dimensionnement semble être opportune, en lien également avec la refonte de
la fiscalité locale et du transfert à moyen terme (2026) de la compétence eau et assainissement aux EPCI.
c. Préserver la biodiversité et lu2er contre l?ar?ficialisa?on des sols : un groupe de travail dédié
En ma?ère de préserva?on de la biodiversité et de limita?on des a?eintes qu?elle subit, qui sont
mul?formes (ar?ficialisa?on des sols et destruc?ons des habitats, pollu?ons des milieux, changement
clima?que...), la fiscalité reste peu mobilisée en France. Il n?existe par exemple aucun disposi?f fiscal
obligatoire ayant explicitement pour objec?f d?internaliser les coûts environnementaux liés à la destruc?on
d?espaces bio?ques. Les réflexions autour de la mise en place d?une fiscalité pour limiter l?ar?ficialisa?on
des sols sont très complexes et nécessitent un travail important afin d?analyser l?ensemble des tenants et
abou?ssants d?une telle fiscalité et l?ensemble des ou?ls économiques qui pourraient être mobilisables.
Conformément à la le?re de mission du CEV, et en bonne cohérence avec la stratégie contre
l?ar?ficialisa?on lancée par le MTES dans le cadre du plan biodiversité, un groupe de travail du CEV rela?f à
l?ar?ficialisa?on des sols a été lancé en juillet 2018 pour travailler au cours du second semestre 2018 et du
premier semestre 2019 afin de proposer des mesures concrètes dans le cadre du PLF pour 2020.
Ce groupe de travail pourra reprendre à son compte les avis de recommanda?ons30 produits à plusieurs
reprises par le CFE et le CEV quant aux différentes mesures fiscales pouvant perme?re de lu?er contre
l?ar?ficialisa?on des sols (modula?ons de la taxe d?aménagement, suppression de certaines exonéra?ons de
la taxe d?aménagement, instaura?on dans le plan local d?urbanisme d?un seuil minimum de densité dans
certaines zones, instaura?on d?une taxe sur les bureaux vacants, taxe sur les plus-values sur la vente de
terrains devenus construc?bles?)
Le GT pourrait en par?culier travailler sur le verdissement de la taxe d?aménagement. Ainsi, afin de rendre
ce?e taxe plus écologique, une composante pourrait être mise en place qui serait calculée en fonc?on de la
surface du terrain total et non plus la surface close et fermée du bâ?ment. Elle inciterait ainsi les
propriétaires à acquérir des terrains plus pe?ts et ainsi favoriser la densifica?on. À l?instar des rece?es
actuelles de la taxe d?aménagement qui doivent financent des équipements collec?fs, les rece?es de ce?e
composante pourraient financer des opéra?ons de préserva?on de la biodiversité mises en oeuvre dans les
communes qui la perçoivent.
29Dans son avis du 13 février 2013, le CFE recommandait notamment d?évaluer le renforcement du caractère incita?f de la fiscalité
des produits phytosanitaires, et le Comité pour l?économie verte, dans son avis du 11 mai 2017, avait fait des proposi?ons analogues
concernant les pollu?ons azotées (système de quotas, système de bonus/malus sur l?u?lisa?on intensive d?engrais?).
30Avis CFE du 28 mars et 13 juin 2013 et avis du CEV du 16 juillet 2015.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 38
Par ailleurs, devrait être examinée la créa?on d?un document de poli?que transversale (DPT) biodiversité
sur le modèle de celui existant sur le climat, pour rendre compte des crédits concernant ce?e théma?que
dans les différents programmes budgétaires.
Proposi?ons :
9. Annoncer, dans le cadre du PLF 2019, pour la durée du quinquennat, les principes
pour l?u,lisa,on des rece-es correspondantes à la fiscalité environnementale,
notamment le produit du relèvement prévu de la composante carbone. Dans ce
cadre, les mesures d?accompagnement qui pourraient être à renforcer pour assurer
l?acceptabilité de la trajectoire de prix du carbone pour certains ménages ruraux ou
en situa,on de précarité énergé,que et certaines pe,tes et moyennes entreprises, si
la remontée des prix des fossiles s?accélère, devraient être définis. Ces mesures ne
doivent cependant pas en réduire le caractère incita,f.
10. Me-re en chan,er une véritable stratégie en ma,ère de tarifica,on rou,ère,
notamment pour le fret et pour les zones urbaines.
11. Proposer dans le cadre du PLF 2020 des mesures d?ensemble perme-ant de limiter
l?ar,ficialisa,on des sols sur la base des recommanda,ons que le groupe de travail
du CEV, lancé à la mi-2018 dans le cadre du plan biodiversité, fera sur ce sujet.
12. Lancer d?ici le second semestre 2019 le groupe de travail du CEV rela,f au
rééquilibrage des redevances des Agences de l?eau avec pour objec,f de présenter
des mesures concrètes dans le cadre du PLF 2020.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 39
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 40
Annexes
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 41
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 42
Annexe 1 : État des lieux de la fiscalité
environnementale par grande
théma?que environnementale
1. Lu2er contre le changement clima?que (CO2 et autres gaz à effet de serre)
a. Enjeux et probléma?ques
L?effet de serre atmosphérique est dû aux gaz qui y sont présents, en par?culier la vapeur d?eau (H2O), le
dioxyde de carbone (CO2 ), le méthane (CH?), le protoxyde d?azote (N?O), l?ozone (O?) et les gaz fluorés,
d?origine industrielle. Ces gaz sont naturellement peu abondants dans l?atmosphère (sauf la vapeur d?eau,
présente en grande quan?té). Cependant, du fait de l?ac?vité humaine et de la consomma?on d?énergies
fossiles notamment, leur concentra?on s?est sensiblement accrue, amplifiant ainsi l?effet de serre.
La France et l?Union européenne ont pris des engagements importants de réduc?on des émissions de gaz à
effet de serre (GES) :
- le cadre énergie-climat 2030, qui a fait l?objet d?un accord au Conseil européen d?octobre 2014 et
cons?tue le nouveau socle des poli?ques européennes en ma?ère clima?que, prévoit une
réduc?on de 40 % des émissions de GES pour l?Union Européenne entre 1990 et 2030 (voir figure
5) ;
- la France s?est également engagée dans le cadre du Plan climat à a?eindre la neutralité carbone
d?ici 2050.
Le Plan climat ainsi que la Stratégie na?onale bas-carbone (SNBC) ont pour objec?f de fixer des
programmes d?ac?on concrets afin de pouvoir tenir l?ensemble des engagements de réduc?on des
émissions de GES auxquels la France a souscrit.
Figure 5 : Évolu,ons des émissions de GES dans l?UE et trajectoire objec,fs 2020-2030
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 43
b. Situa?on actuelle en France
Le CO2 représente 74 % des émissions françaises de GES produites par les ac?vités humaines (en tonnes
équivalent CO2)31. Le méthane représente quant à lui 13 % des émissions de GES, l?azote 9 % et les gaz
fluorés 6 %.
De manière globale, on note en France une baisse importante des émissions de GES des secteurs industriels
entre 1990 et 2014 (-23 %) mais une quasi-stagna?on sur la même période des émissions de GES des
ménages, du transport et de l?agriculture.
D?un point de vue général, depuis 1990 les émissions de GES ont baissé de 16,5 %. Cependant, la situa?on
est différente selon les GES (voir tableaux 1 et 2). On peut dès lors considérer que la baisse générale des
GES depuis 1990 est encourageante mais qu?elle est encore loin des objec?fs fixés par la France, ce qui
nécessite une poli?que publique ambi?euse en ma?ère de lu?e contre les émissions de GES.
Émissions 1990 (en
MteqCO2)
Émissions 2015 (en
MteqCO2)
Varia?on
constatée sur la
période
CO? 399.6 336.6 -16%
Protoxyde d?azote 66 41.3 -37%
Méthane 69.6 58.9 -15%
Gaz fluorés 11.8 20.3 72%
Tableau 1 : Évolu,on des émissions des GES en France 1990-2015
Tableau 2 : Émissions de GES en France en 2015 par secteur
31Les différents gaz ne contribuent pas tous à la même hauteur à l'effet de serre. En effet, certains ont un pouvoir de réchauffement
plus important que d'autres et/ou une durée de vie plus longue. La contribu?on à l'effet de serre de chaque gaz se mesure grâce au
pouvoir de réchauffement global (PRG). Le pouvoir de réchauffement global d'un gaz se définit comme le forçage radia?f (c?est-à-
dire la puissance radia?ve que le gaz à effet de serre renvoie vers le sol), cumulé sur une durée de 100 ans. Ce?e valeur se mesure
rela?vement au CO?.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 44
c. Ou?ls économiques mis en place
Sur les émissions de CO?
Au niveau européen, il existe le système d?échange des quotas d?émission de l?UE (ETS-UE). Celui-ci
fonc?onne selon le principe du plafonnement et des échanges. Un plafond est fixé pour limiter le niveau
total de certains gaz à effet de serre qui peuvent être émis par les installa?ons couvertes par le système. Ce
plafond va en diminuant dans le temps afin de faire baisser le niveau total des émissions. Dans les limites
de ce plafond, les entreprises reçoivent ou achètent des quotas d?émission qu?elles peuvent échanger avec
d'autres entreprises en fonc?on de leurs besoins. Elles peuvent également acheter un nombre limité de
crédits interna?onaux dégagés par des projets de réduc?on des émissions dans le monde en?er. C'est le
plafonnement du nombre total de quotas disponibles qui garan?t la valeur de ceux-ci. À la fin de chaque
année, chaque société doit res?tuer un nombre suffisant de quotas pour couvrir toutes ses émissions sous
peine de s'exposer à de lourdes amendes. Une entreprise qui a réduit ses émissions peut conserver
l?excédent de quotas pour couvrir ses besoins futurs ou bien les vendre à une autre entreprise qui en a
besoin.
En raison d?un excès de quotas, le prix du carbone sur ce marché est longtemps resté très faible (5 à
6¤/tCO?), mais le récent accord sur la réforme du marché carbone européen pour la période post-2010
devrait entraîner une hausse du prix. Toutefois, ce?e hausse ne sera probablement pas suffisante pour
a?eindre les prix recommandés pour inciter aux inves?ssements nécessaires pour limiter le réchauffement
à 2 °C. Lors du sommet One Planet, « les Ministres de l?environnement et du climat de France, Allemagne,
Royaume-Uni, Suède, Pays-Bas [avaient salué] le récent accord au niveau du Conseil sur la réforme du
marché d?échange de permis d?émission européen, qui devrait entraîner un relèvement du prix du carbone,
mais jugent néanmoins que des réformes supplémentaires seraient nécessaires au niveau européen pour
inciter les inves?sseurs et les entreprises à développer des modèles économiques compa?bles avec un
scenario de limita?on à 2 degrés du réchauffement clima?que. En conséquence, ils s?engagent à examiner
la mise en place d?un prix du carbone significa?f, voire, pour certains, à le me?re en place, dans les secteurs
per?nents. ». Un prix à 25 ou 30 ¤/tCO? perme?rait de rendre moins rentable les centrales à charbon par
rapport aux centrales au gaz et pourrait conduire à des réduc?ons d?émissions de 30 à 40 Mt/an s?il était
mis en place en France et en Allemagne.
Au niveau na?onal, la France s?est dotée d?une poli?que ambi?euse en ma?ère de tarifica?on du carbone,
avec la mise en place en 2014 de la contribu?on climat énergie (CCE) de la taxe intérieure de
consomma?on de produits énergé?ques (TICPE). La trajectoire de la CCE a été rehaussée par rapport à la
trajectoire votée lors de la loi de transi?on énergé?que pour une croissance verte (LTECV). Elle a?eint
44,4 ¤/tCO? en 2018 et sera de 86,2 ¤/tCO? en 2022 (voir figure 6). Ce?e augmenta?on du prix du carbone
contribuera à contenir les émissions à un niveau compa?ble avec la mise en oeuvre de l?Accord de Paris sur
le climat en procédant de la manière la moins distorsive et donc la moins coûteuse pour la collec?vité.
Figure 6 : Montants de la trajectoire carbone en LFI 2018 et comparaison avec ceux prévus par la LTECV
(2015)
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 45
Même si cet ou?l ambi?eux permet à la France de se posi?onner parmi les leaders européens en ma?ère
de fiscalité appliquée au carbone, il n?en demeure pas moins que de nombreux secteurs bénéficient de
mesures dérogatoires limitant dès lors l?effet de la composante carbone sur certaines ac?vités pourtant
fortement éme?rices de CO2 (transport de marchandises par exemple). Ainsi selon l?OCDE, en 2015, environ
45 % des émissions de CO2 liées à la consomma?on d?énergie avaient un niveau de taxa?on du carbone,
système de quotas européens inclus, égal à 0 ¤.
Les deux graphiques suivants de l?OCDE (figures 7 et 8) rappellent d?une part les taux de tarifica?on
spécifiques du carbone, et d?autre part les taux effec?fs sur le carbone (incluant en plus les impôts de
rendement assis sur les carburants).
Figure 7 : Part des émissions de CO? liées à la consomma,on d?énergie, selon le niveau de taxa,on à une
taxe carbone, OCDE, Taxing Energy Use ? année de référence : 2015
Figure 8 : Part des émissions de CO? liées à la consomma,on d?énergie, selon le niveau de taxa,on, OCDE,
Effec,ve Carbon Rates? année de référence : 2012
Par ailleurs, la hausse de la fiscalité carbone jusqu?en 2022 votée dans le cadre de la LFI 2018 impactera (ex
ante et toutes choses égales par ailleurs, notamment hors allégements d?autres fiscalités) le pouvoir
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 46
d?achat32 des ménages via leurs dépenses de chauffage et de carburants et notamment les ménages aux
revenus les plus faibles et ceux vivants dans des communes rurales (voir figures 9 et 10, issues de CEDD,
2018, « Un pacte fiscal écologique pour accélérer la transi?on écologique et solidaire »33).
Figure 9 : Disparités de l?impact des mesures de fiscalité énergé,que du PLF 2018 selon la zone d?habita,on
- Source : CGDD, modèle Prometheus, mars 2018
Figure 10 : Disparités de l?impact des mesures de fiscalité énergé,que PLF 2018 selon les revenus - Source :
CGDD, modèle Prometheus, mars 2018
Pour prendre en compte les impacts régressifs de ce?e fiscalité, des mesures d?accompagnement ont été
adoptées ou ont été renforcées : au-delà des ac?ons générales en faveur des ménages (revalorisa?on des
minima sociaux, hausse de la prime d?ac?vité, baisse des co?sa?ons salariales, suppression progressive de
la taxe d?habita?on), ces disposi?fs d?accompagnement ciblés ont pour objec?f d?éviter que ces mesures ne
pèsent sur le pouvoir d?achat des ménages, en par?culier les plus modestes, et de les soutenir
financièrement dans des ac?ons favorisant la transi?on écologique :
32Pour la méthodologie, voir « taxa?on indirecte, rece?es fiscales, pouvoir d?achat et bien être : quels sont les liens ? », note de
conjoncture de l?Insee de mars 2018, pages 61 à 63.
33Les résultats sont es?més par le CGDD à l?aide du modèle de microsimula?on Prometheus. Seule la par?e taxa?on est simulée,
sans prise en compte d?éventuelles compensa?ons.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 47
? Le « chèque énergie » a été généralisé à tout le territoire en 2018 en remplacement des actuels
tarifs sociaux de l?énergie, pour répondre aux probléma?ques de précarité énergé?que : il sera
versé automa?quement à quatre millions de ménages modestes, qui recevront en moyenne 150 ¤
pour les aider à payer leur facture énergé?que. Ce montant sera porté à 200 ¤/an en 2019. Le
chèque énergie ?ent compte des revenus et de la composi?on du ménage, sans favoriser certaines
sources d?énergie.
? Le crédit d?impôt transi?on énergé?que (CITE) a été maintenu en 2018 et recentré sur les ac?ons
les plus efficaces pour réaliser des économies d?énergie. Il sera transformé en 2019 en prime afin
que les ménages en bénéficient dès l?achèvement des travaux, ce qui perme?ra de résoudre les
problèmes de liquidité pour les ménages les plus modestes qui ne pouvaient pas avancer
l?intégralité du financement des travaux. Par ailleurs, le Gouvernement a renforcé l?effort de
l?Agence Na?onale de l?Habitat (Anah) en termes de lu?e contre la précarité énergé?que, en fixant
un objec?f de 75 000 logements rénovés (contre 40 000 en 2016) et en augmentant ses moyens.
? Pour financer leurs travaux de rénova?on lourde, les ménages propriétaires ou copropriétaires
peuvent également mobiliser un éco-prêt à taux zéro (aucun intérêt à rembourser) à hauteur de
30 000 ¤, sans condi?on de ressources, et cumulable avec le CITE depuis 2016. Malgré les
simplifica?ons apportées à ce disposi?f ces dernières années, l?IGF et le CGEDD notaient qu?il
restait "globalement peu mobilisé" par les ménages, en recul depuis sa créa?on (22 725 prêts en
2016 contre plus de 40 000 en 2011), "dans un contexte de taux bas et de faible appétence des
banques pour le produit".
? La prime à la conversion de véhicule a été renforcée pour faciliter le passage d?un vieux véhicule
polluant à une voiture à faible émissions : la prime existante à 1 000 ¤ sera étendue à tous les
ménages et perme?ra d?acheter des véhicules neufs ou d?occasion à faibles émissions (Crit?Air 0, 1
ou 2), et sera portée à 2 000 ¤ pour les ménages non-imposables. Dans le cas de l?achat d?un
véhicule électrique, la prime à la conversion sera de 2 500 ¤, auquel s?ajoutera un bonus dont le
montant est maintenu à 6 000 euros. Dans le même temps, le malus sur les véhicules les plus
polluants est renforcé. Ces mesures s?inscrivent dans une réflexion plus large pour favoriser la
mobilité propre, notamment du quo?dien, dont les conclusions des Assises de la mobilité
cons?tuent un axe essen?el.
Au total, les ménages bénéficient d?un peu plus de 4 Md¤ de subven?ons spécifiques, principalement au
moyen du CITE (1,6 Md¤), du taux réduit de TVA sur les travaux de rénova?on énergé?que (1,2 Md¤), des
aides de l?ANAH (0,8 Md¤) et du chèque-énergie (0,56 Md¤), et marginalement de l?éco-prêt à taux zéro
(51 M¤).
Sur les émissions des autres GES
En revanche, s?agissant des autres GES, il faut noter qu?il n?existe quasiment aucun instrument économique
significa?f perme?ant de limiter des émissions de GES autres que le CO2, à l?excep?on cependant des
émissions industrielles de protoxyde d?azote qui sont taxées dans le cadre de la taxe générale sur les
ac?vités polluantes (TGAP), ou du marché de quotas européen sur les HFC. Pour encadrer les quan?tés
mises sur le marché, le règlement européen rela?f aux gaz à effet de serre fluorés a prévu la mise en place
d'un système de quotas pour les producteurs et importateurs de plus de 100 tonnes par an de HFC, à
compter du 1er janvier 2015. Les premiers quotas ont été calculés sur la base des quan?tés mises sur le
marché entre 2009 et 2012 et la quan?té globale de HFC mis sur le marché est réduite progressivement :
93 % en 2016-2017, 63 % en 2018-2020? pour a?eindre 21 % en 2030.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 48
2. Réduire la pollu?on de l?air
a. Enjeux et probléma?ques
La plupart des ac?vités induisent des émissions dans l?atmosphère de substances néfastes pour
l?environnement et la santé. Ces polluants atmosphériques, qui se présentent sous la forme de gaz ou de
par?cules, peuvent être émis directement (oxydes d?azote, de soufre ou de carbone, poussières primaires,
métaux lourds, composés organiques vola?ls?) ou résulter de transforma?ons physico-chimiques des
substances émises.
Les conséquences de la pollu?on atmosphérique sont lourdes, tant pour la santé humaine, avec plusieurs
milliers de morts prématurées par an (voir ci-dessous), que sur le plan environnemental.
En effet, l'exposi?on des individus à la pollu?on de l?air aggrave la morbidité et induit une mortalité
prématurée à travers notamment ses effets sur les systèmes respiratoires et cardiovasculaires : un certain
nombre d?études épidémiologiques montrent que les polluants (surtout les oxydes d?azote et par?cules)
cons?tuent un facteur de risque sanitaire important, notamment pour les pathologies respiratoires
(asthme, bronchite, cancer des poumons) ou cardiovasculaires (infarctus du myocarde, angine de poitrine).
Ces effets peuvent se manifester à court-terme, suite à un pic de pollu?on (effets aigus) ou à long terme.
Plusieurs études men?onnent un ordre de grandeur d?un peu plus de 40 000 décès annuels en France liés à
la pollu?on de l?air34.
La pollu?on de l?air produit également des impacts sur les écosystèmes causés par l?acidifica?on de l?air et
l?eutrophisa?on. Ainsi, certains polluants, lessivés par la pluie, contaminent les sols et l?eau, perturbant
l?équilibre chimique des végétaux. D?autres, en excès, peuvent conduire à une modifica?on de la répar??on
des espèces et à une érosion de la biodiversité.
Les objec?fs en ma?ère de qualité de l?air sont de deux types : les objec?fs de réduc?on des émissions
na?onales de polluants et les objec?fs de concentra?on locale de polluants.
Concernant les émissions, des plafonds d?émission sur plusieurs agents polluants - dioxyde de soufre (SO2),
oxydes d?azote (NOx), composés organiques vola?ls (COV) et ammoniac (NH3) - ont été introduits par
l?Union européenne en 2001 via la direc?ve Na,onal Emission Ceilings (NEC) 2001/81/EC, révisée en 2016
(2016/2284/UE). Au niveau na?onal, ces objec?fs se déclinent au travers du plan na?onal de réduc?on des
émissions de polluants atmosphériques (PREPA) instauré par l?ar?cle 64 de la loi rela?ve à la transi?on
énergé?que pour la croissance verte.
Concernant les concentra?ons locales de polluants, les direc?ves 2004/107 et 2008/50 CE fixent les normes
sanitaires en ma?ère de concentra?ons atmosphériques à respecter pour plusieurs substances polluantes
dans le but d?éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs sur la santé humaine. Cela se traduit par
l?obliga?on de surveiller la qualité de l?air suivant des exigences fixées au niveau communautaire,
d?informer les popula?ons sur la qualité de l?air et de me?re en oeuvre des plans d?ac?on dans les zones où
des dépassements des concentra?ons en polluants sont observés afin qu?elles soient respectées dans les
délais les plus courts.
Enfin, ces réglementa?ons sont déclinées et complétées par des ac?ons locales (Plan par?cules 2010,
Schéma régional climat, air, énergie?).
34Projet Clean air for Europe, 2005 ; Santé Publique France, 2016 ; Agence européenne de l?environnement, 2012.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 49
b. La situa?on actuelle en France
Les principaux éme?eurs de polluants atmosphériques sont différents selon le type de pollu?on
considérée. La répar??on des émissions par polluant et par secteur est décrite dans le tableau ci-dessous.
Transforma?on
d?énergie
Industrie
manufacturière
Résiden?el
- ter?aire
Agriculture
-
sylviculture
Transports
rou?ers
Autres
transports
PM10 1 % 26 % 31 % 27 % 13 % 2 %
PM2,5 2 % 20 % 48 % 11 % 17 % 2 %
PM1,0 2 % 10 % 66 % 4 % 16 % 2 %
Oxydes d?axote
(NOx)
6 % 12 % 11 % 9 % 56 % 6 %
Composés
organiques
vola?les non
méthaniques
(COVNM)
5 % 35 % 46 % 3 % 9 % 2 %
Dioxyde de
soufre (SO2)
35 % 45 % 17 % 1 % < 1 % 2 %
Ozone (O3) n.d. n.d. n.d. n.d. n.d. n.d.
Monoxyde de
carbone (CO)
1 % 35 % 42 % 5 % 13 % 4 %
Hydrocarbures
aroma?ques
polycycliques
(HAP)
7 % 3 % 65 % 10 % 14 % 1 %
Ammoniac (NH3) < 1 % 1 % < 1 % 98 % < 1 % 0 %
Métaux lourds n.d. n.d. n.d. n.d. n.d. n.d.
Benzène (C6H6) 10 % 58 % 4 % 28%
Tableau 3 : Répar,,on des émissions primaires des polluants par secteur en France en 2015 ? source : DG
Trésor d?après les données du Centre interprofessionnel technique d?études de la pollu,on atmosphérique
(CITEPA)
Le bilan de la qualité de l?air en France en 2016 confirme la tendance amorcée il y a plusieurs années
d'améliora?on globale de la qualité de l?air, sous l?effet des plans et mesures engagés par le Gouvernement,
mais souligne la nécessité de poursuivre l?ac?on dans les zones par?culièrement touchées par la pollu?on
atmosphérique.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 50
On note ainsi une diminu?on globale des concentra?ons de polluants dans l?air ambiant : depuis 2000, en
situa?on de fond, les concentra?ons moyennes annuelles en dioxyde de soufre (SO2) ont baissé d?environ
80 %, celles en dioxyde d?azote (NO2) et en par?cules fines (PM10) d?environ 30 %. En revanche, les teneurs
moyennes es?vales en ozone (O3), très dépendantes des condi?ons météorologiques et du transport
longue distance de polluants, n?évoluent pas de façon significa?ve. Par ailleurs, les concentra?ons
moyennes na?onales ne sont que faiblement significa?ves : elles masquent des disparités très importantes
en fonc?on des zones géographiques, des sources locales d?émission et du moment de l?année. Malgré la
baisse globale des émissions au niveau na?onal, des situa?ons demeurent ainsi localement préoccupantes,
avec des teneurs de polluants dans l?air ponctuellement très élevées, voire durablement orientées à la
hausse. Dans certaines zones (Ile-de-France, Vallée de l?Arve, Grenoble, Marseille?), les concentra?ons de
dioxyde d?azote, de par?cules fines ou d?ozone dépassent de manière récurrente les valeurs limites fixées
par l?Union européenne.
c. Ou?ls fiscaux mis en place
D?un point de vue fiscal, la lu?e contre la pollu?on de l?air se traduit par plusieurs mesures sectorielles.
Concernant le domaine du transport, deux ou?ls sont conjugués : les mesures visant à encourager l?achat
de véhicules moins polluants et les mesures portant sur la consomma?on de carburants.
Il existe des mesures fiscales incita?ves en faveur des véhicules moins polluants (véhicules électriques, gaz
de pétrole liquéfié ou gaz naturel pour véhicules). Le gaz de pétrole liquéfié (GPL) est ainsi beaucoup moins
éme?eur de NOX et de par?cules qu?un véhicule diesel et bénéficie d?un taux de taxes quatre fois inférieur
à celui du gazole, à contenu énergé?que équivalent. De façon analogue, le gaz naturel pour véhicules
(GNV), très faiblement éme?eur, bénéficie d?un taux de TICPE réduit, 13 fois plus faible que celui de
l?essence à contenu énergé?que équivalent. En complément, des aides à l?achat de véhicules par?culiers
« propres » ont été introduites dès 2001 sous la forme d?un crédit d?impôt pour les par?culiers, puis sous
forme de bonus (jusqu?à 6 000 ¤ pour l?achat d?un véhicule électrique) pouvant être cumulé à une prime à
la conversion (jusqu?à 2 500 ¤) si cet achat s?accompagne de la destruc?on d?un véhicule ancien (diesel
d?avant 200135 ou essence d?avant 1997). Par ailleurs, les professionnels bénéficient d?un suramor?ssement
pour les véhicules à motorisa?on GNV et des aides directes à l?acquisi?on ont été accordées par l?Ademe en
2016 et 2017 pour ces mêmes véhicules. Enfin, la taxe sur les véhicules de société est différen?ée selon le
niveau de polluants émis par les véhicules d?une part et leurs émissions de CO2 d?autre part. Les véhicules
les plus âgés (et donc les plus polluants) et éme?ant le plus de CO2 au km parcouru s?acqui?ent ainsi d?une
taxe annuelle plus importante (jusqu?à 5 100 ¤) que les véhicules plus récents et moins éme?eurs de CO2
(les véhicules électriques en sont par exemple exonérés).
Par ailleurs, la consomma?on de carburants est soumise à une taxe sur le volume consommé (taxe
intérieure de consomma?on des produits énergé?ques - TICPE). Le ra?rapage de fiscalité sur les carburants
entre le gazole et l?essence qui abou?ra d?ici la fin du quinquennat cons?tue ainsi une mesure perme?ant
de lu?er contre la pollu?on de l?air. En effet, le gazole étant source d?émissions de polluants
atmosphériques plus importants que l?essence, il était incohérent d?un point de vue écologique que le
gazole bénéficie d?un avantage fiscal favorisant sa consomma?on.
35D?avant 2006 pour les ménages non imposables.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 51
CCE (¤/tCO?)
TICPE
essence
(c¤/L)
TICPE
diesel (c¤/L)
sans
convergence
TICPE
diesel (c¤/L)
avec
convergence
2017 30,5 65,074 53,1 53,1
2018 44,6 68,289 56,8 59,4
2019 55,0 70,660 59,6 64,7
2020 65,4 73,031 62,4 70,1
2021 75,8 75,402 65,1 75,4
2022 86,2 77,774 67,9 78,2
Tableau 4 : Évolu,on de la TICPE pour le diesel et l?essence
Cependant, la TICPE couvre imparfaitement la consomma?on de carburants. En effet, le transport de
marchandises et de voyageurs bénéficie d?un remboursement par?el de TICPE ; de même les engins
agricoles et le BTP bénéficient d?un taux réduit de TICPE pour le gazole non rou?er, la TICPE est
par?ellement remboursée aux agriculteurs et le transport fluvial de marchandise en est totalement
exonéré. Plus généralement, la Cour des comptes, dans son rapport de décembre 2015 rela?f aux
poli?ques publiques en ma?ère de lu?e contre la pollu?on de l?air, indique que les mesures actuelles de
taxa?on des véhicules de transport, non spécifiques à la lu?e contre la pollu?on de l?air, sont en tout état
de cause très insuffisantes pour perme?re l?internalisa?on des effets néga?fs des polluants émis par le
secteur des transports, notamment celui des poids lourds. Il convient cependant de signaler que la taxa?on
des carburants au niveau na?onal comporte un risque de fuite d?assie?e, ce qui plaide pour une
harmonisa?on à l?échelle européenne.
Il existe également un ou?l fiscal en ma?ère d?émission de polluants atmosphériques d?origine industrielle
(la taxe générale sur les ac?vités polluantes (TGAP) pour sa composante « émissions polluantes »). Ce?e
taxe est due par les industries éme?rices lorsque les rejets dans l?atmosphère de certains polluants
dépassent des seuils. La taxe est alors due sur la quan?té de polluants émis dépassant ces seuils.
3. Réduire la pollu?on de l?eau
a. Enjeux et probléma?ques
Les ac?vités humaines sont à l?origine de rejet dans le cours d?eau de plusieurs polluants, soit directement,
soit par infiltra?on dans les nappes phréa?ques. Ces polluants entraînent des réac?ons chimiques de
modifica?on des eaux et peuvent conduire à des phénomènes d?eutrophisa?on. Les impacts de ces
pollu?ons sont doubles : d?une part en termes de modifica?on des écosystèmes et d?appauvrissement de la
biodiversité (phénomène des algues vertes par exemple), d?autre part, en termes de potabilité de l?eau
puisque les pollu?ons de l?eau nécessitent de la traiter chimiquement afin qu?elle puisse être propre à la
consomma?on humaine.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 52
Plusieurs réglementa?ons européennes ont pour objec?f de limiter ce type de pollu?on :
- la direc?ve « Nitrates » de 1991 qui a pour objec?f de réduire la pollu?on des eaux par les nitrates
d?origine agricole. En France, elle se traduit par la défini?on de territoires (les zones vulnérables) où
sont imposées des pra?ques agricoles par?culières pour limiter les risques de pollu?on (le
programme d?ac?on). Ces territoires et ce programme d?ac?on font régulièrement l?objet
d?actualisa?on ;
- la direc?ve-cadre sur l?eau de 2000 qui vise à prévenir et réduire la pollu?on de l'eau, promouvoir
son u?lisa?on durable, protéger l'environnement, améliorer l'état des écosystèmes aqua?ques et
a?énuer les effets des inonda?ons et des sécheresses ;
- le règlement européen de 2004 sur les détergents qui prévoit des ac?ons pour limiter les
phosphates et les composés du phosphore sont introduites pour les détergents des?nés aux
consommateurs.
A côté de cela existent aussi des plans na?onaux sur certains polluants. Ainsi, les plans Ecophyto I et
Ecophyto II ont pour objet de limiter l?u?lisa?on de produits phytosanitaires. Le plan Ecophyto 2, réaffirme
l?objec?f de réduc?on de 50 % du recours aux produits phytosanitaires en France d?ici 2025, en deux
phases : une baisse de 25 % d?ici 2020 et une réduc?on supplémentaire de 25 % d?ici 2025.
Enfin, le « plan na?onal micropolluants », a été élaboré pour la période 2016-2021 pour réduire les
émissions de polluants et préserver ainsi la qualité des eaux et la biodiversité. Il a pour but de protéger à la
fois les eaux de surface con?nentales et li?orales, les eaux souterraines, le biote, les sédiments et les eaux
des?nées à la consomma?on humaine, afin de répondre aux objec?fs de bon état des eaux fixés par la
direc?ve cadre sur l?eau (DCE) et par?cipe également à ceux de la direc?ve cadre stratégie pour le milieu
marin (DCSMM) en limitant l?apport de polluants via les cours d?eau du milieu marin.
b. Situa?on en France
L?examen de la qualité de l?eau en France montre globalement une régression des pollu?ons depuis la
créa?on des agences de l?eau il y a 50 ans. En 2015, 75 % de la pollu?on de l?eau due aux nitrates et 70 %
de la pollu?on due à l?usage de pes?cides est d?origine agricole. En termes de consomma?on des produits
phytosanitaires, après avoir fortement baissé sur la période 1997-2009, en raison notamment d?un
moindre recours aux fongicides, la consomma?on de pes?cides est stable depuis. Ce?e situa?on peut
s?expliquer par l?évolu?on du prix des intrants, de la pression parasitaire ou des pra?ques culturales
(assolement notamment). Elle peut également refléter l?usage de pes?cides plus efficaces à faibles doses.
Des indicateurs complémentaires ont été mis en place pour traduire l?intensité du recours de l?agriculture
aux pes?cides : le nombre de doses unité (NODU) et l?indice de fréquence de traitement. Ainsi, la moyenne
triennale du NODU augmente de 5 % entre les périodes 2009-2011 et 2011-2013. De même, entre 2006 et
2011, le nombre total moyen de traitements phytosanitaires a peu évolué pour les régions pour lesquelles
ce?e analyse peut être effectuée.36.
En 2015, sur 53 % des points de mesure de la qualité des eaux de surface, la norme de qualité nécessaire
pour l?eau potable est dépassée. C?est aussi le cas dans 31 % des nappes souterraines. Si entre 2009 et
2014, une légère baisse de la présence de pes?cides dans les cours d?eau a été démontrée (figure 11), ce
phénomène est principalement dû aux interdic?ons de certains pes?cides. En effet, pour les pes?cides dont
l?usage est toujours autorisé, la situa?on est plus nuancée.
36CGDD, « L?eau et les milieux aqua?ques ? chiffres clés », février 2016.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 53
Figure 11 : Évolu,on d?usage de pes,cides sur la période 2009-2014
D?un point de vue des nitrates, leurs concentra?ons augmentent jusqu?au début des années 2000, se
stabilisent sur la décennie 2000-2010, et semblent décroître depuis. Il existe néanmoins des disparités
régionales avec des améliora?ons observées pour certaines nappes alors que d?autres con?nuent à se
dégrader. De même, bien que dans certaines régions, des améliora?ons aient été notées, elles restent
insuffisantes. Ainsi en Bretagne, les taux constatés sont redescendus à leur niveau proche des années 80,
mais se situent à un peu plus de 30 mg/l. La situa?on dès lors peut être délicate : alors qu?au-delà du seuil
de 25 mg/l la potabilisa?on de l?eau devient difficile, la présence de nitrates à des concentra?ons
supérieures à ce seuil affecte 43 % de la superficie de la métropole (figure 12). Seul 27 % de la superficie de
la France, cons?tuée majoritairement par la haute montagne et les territoires avec un sol sablo-argileux,
témoigne d?une quasi-absence de pollu?on.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 54
Figure 12 : Concentra,on moyenne en nitrates dans les eaux souterraines par unité hydrogéologique en
2014
Au-delà des dommages écologiques qu?elle génère, la pollu?on par les nitrates d?origine agricole induit
également un ensemble de coûts économiques directs : coûts des traitements cura?fs de potabilisa?on et
d?épura?on compris entre 220 et 510 M¤ par an, achats d?eau en bouteille par les ménages par crainte
d?une trop forte teneur en nitrates de l?eau du robinet es?més à 55 M¤ par an, coûts de ne?oyage des
algues vertes sur les li?oraux et pertes locales d?ac?vité touris?que37.
c. Ou?ls fiscaux mis en place
En ma?ère de lu?e contre la pollu?on de l?eau, la France applique le système « pollueur-payeur », au
travers des redevances des Agences de l?eau. Ainsi, ceux qui sont à l?origine des principales pollu?ons de
l?eau (agriculture, collec?vités territoriales, industries, par?culiers?) contribuent, via des redevances liées
aux usages ou aux pollu?ons, au financement des poli?ques publiques mises en oeuvre par les Agences de
l?eau en ma?ère de lu?e contre la pollu?on de l?eau.
Néanmoins, la Cour des comptes a démontré que ce principe n?a pas été suffisamment strictement
appliqué, les plus pollueurs n?étant pas ceux qui contribuaient le plus38. Ainsi, en 2013, 87 % des redevances
perçues par les agences étaient supportées par les usagers domes?ques et assimilés, 6 % par les
agriculteurs et 7 % par l?industrie. Quand bien même la contribu?on du monde agricole au moyen des
redevances pour pollu?on est passée de 1 % à 6 % entre 2005 et 2015, elle reste très inférieure à
37V. Marcus, O. Simon (2015) : « Les pollu?ons par les engrais azotés et les produits phytosanitaires : coûts et solu?ons - Études et
documents n° 136 ? CGDD.
38Cour des comptes, Rapport public annuel, février 2015.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 55
l?importance de ce secteur quant aux coûts environnementaux causés par les pollu?ons qui leur sont
directement imputables. Les redevances acqui?ées par l?agriculture semblent ainsi peu incita?ves.
Enfin, il faut noter une quasi-absence de fiscalité sur les rejets agricoles d?azote dans l?eau. Il existe une
redevance « élevage » acqui?ée uniquement par les plus grands élevages. Ainsi, en 2015, seul 5 % des
élevages en France étaient concernés par ce?e taxe. En revanche, aucune fiscalité n?existe sur l?u?lisa?on
des engrais azotés de synthèse pour les cultures.
4. Engager la transi?on vers l?économie circulaire (notamment déchets et ressources)
a. Enjeux, probléma?ques
Le modèle linéaire « fabriquer, consommer, puis jeter » appliqué depuis des décennies dans notre société,
accompagné d?une hausse de la consomma?on de biens et de services se traduit nécessairement par une
u?lisa?on de plus en plus importante de ressources non renouvelables et de leur épuisement. Face à
l?impossibilité de renouveler ces ressources, il est nécessaire de promouvoir des modes de consomma?on
plus sobre, un allongement de la durée de vie des produits et une réu?lisa?on de nos déchets.
En ma?ère d?économie circulaire, la France a besoin de largement progresser. Le taux de valorisa?on des
déchets ménagers et assimilés était en 2014 de 39 %, un taux très inférieur à celui de nos voisins allemands
(65 %) ou belges (50 %). Le reste, composé pour moi?é de déchets organiques, est donc incinéré ou mis en
décharge ce qui engendre des nuisances locales ainsi qu?un gaspillage énergé?que incompa?ble avec nos
objec?fs clima?ques. Sur le plas?que les taux de collecte plafonnent. 20 % des emballages plas?ques sont
effec?vement recyclés quand la moyenne européenne est de 30 %. Le taux de collecte des bouteilles en
plas?que est en moyenne de 55 % alors que dans les pays nordiques plus de 90 % des bouteilles en
plas?que sont recyclées.
b. Ou?ls fiscaux mis en place
Quatre ou?ls sont principalement mis en oeuvre. D?une part, la TGAP « Déchets » taxe les installa?ons de
traitement des déchets en fonc?on des modes de traitement de ceux-ci. Les taux sont fixés selon une
trajectoire qui a été révisée dans le cadre du PLF 2018 (hausse des taux et poursuite de la trajectoire sur la
période 2017-2025).
D?autre part, le service public des déchets ménagers et assimilés, en charge des opéra?ons de collecte et de
traitement des déchets, est géré et financé par les collec?vités selon deux modalités principales : soit au
travers de la taxe d?enlèvement des ordures ménagères (TEOM), assise sur la taxe foncière sur les
propriétés bâ?es, et collectée auprès des propriétaires, que ces derniers peuvent répercuter sur les
occupants de leur bien de façon addi?onnelle au montant du loyer d?occupa?on, soit au travers la
redevance d?enlèvement des ordures ménagères (REOM) perçue auprès des occupants d?immeubles. La
TEOM reste prépondérante avec deux ?ers des communes françaises concernées représentant 90 % de la
popula?on. Le service public rela?f aux déchets ménagers et assimilés concerne la ges?on des déchets, qui
intègre tant leur collecte que leur traitement. Dans le cas de la REOM, les coûts sont connus et facturés à
chaque ménage et le financement est directement lié au service rendu, à travers un budget séparé,
équilibré en dépenses et en rece?es. En revanche dans le cas de la TEOM, il n?y a pas de lien direct entre
rece?es et dépenses. Cependant, le produit de la TEOM (et donc indirectement le taux qui en découle) ne
doit pas être manifestement dispropor?onné au montant des dépenses exposées par la commune pour
assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et non couvertes par des rece?es non
fiscales.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 56
Enfin, la France a mis en place depuis 2012 un mécanisme de tarifica?on incita?ve des déchets ménagers.
Ce?e tarifica?on incita?ve, faculta?ve, permet aux collec?vités qui la me?ent en place de faire varier le
montant de la taxe due au ?tre de l?enlèvement des ordures ménagères en fonc?on du poids ou du volume
de déchets réellement produit par chaque ménage. Les déchets triés ne sont pas compris dans l?assie?e de
la taxe. D?un point de vue de l?efficacité de ce mécanisme, on constate dans les communes ayant mis en
place une tarifica?on incita?ve des déchets une baisse sensible de la collecte d?ordures ménagères
résiduelles (OMR) et une hausse des tonnages triés (verres, papiers emballages?). Ainsi, le basculement
vers une tarifica?on incita?ve peut entraîner une baisse de 30 % des OMR39.
Sans être un ou?l fiscal à proprement parler, il est u?le de préciser qu?il existe également des filières dites
« responsabilité élargie du producteur » (REP) qui ont pour objec?f d?obliger les professionnels à par?ciper
à la ges?on et au traitement des produits qu?ils commercialisent, une fois ceux-ci mis au rebut par leurs
clients. Ce?e par?cipa?on se traduit notamment par le biais des « éco-par?cipa?ons », c?est-à-dire d?un
montant prélevé sur des produits vendus par des professionnels pour lesquels une filière REP a été mise en
place (produits informa?ques par exemple).
5. Préserver la biodiversité et lu2er contre l?ar?ficialisa?on des sols
a. Enjeux et probléma?ques
La transforma?on des espaces naturels supports de milieux vivants par leur ar?ficialisa?on est la principale
cause de perte de biodiversité. Ces espaces naturels sont également soumis à de nombreuses pollu?ons
(de l?eau et de l?air), mais aussi à la surfréquenta?on touris?que. C?est notamment vrai pour les espaces
li?oraux et certains sites de montagne. Ce?e sur fréquenta?on peut nuire au bon fonc?onnement des
écosystèmes de diverses manières : dérangement et modifica?ons comportementales de la faune,
pié?nement et prélèvement de la flore, érosion des sols, pollu?on?
b. Situa?on en France
En France, environ 60 000 ha/an sont ar?ficialisés qui proviennent pour 70 % de terres agricoles et 30 %
d?espaces naturels. Entre 2006 et 2014, la des?na?on des sols ar?ficialisés est la suivante :
? 46 % : logements individuels, dont la moi?é en jardins ;
? 16 % : réseaux de transport ;
? 8 % : bâ?ments agricoles, aires de stockage et chemins d?exploita?on ;
? 6 % : chan?ers et ac?vités de construc?on ;
? 5 % : sports et loisirs ;
? 4 % : commerces ;
? 3 % : logements collec?fs.
39A. Gal?er, septembre 2016, « Déchets ménagers : efficacité de la tarifica?on incita?ve », CGDD, Théma essen?el.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 57
En France, les zones ar?ficialisées occupent près de 5,16 millions d?hectares en 2015, soit environ 9,4 % de
la métropole. En 2014, la moi?é de ces zones ar?ficialisées correspondait à des sols revêtus ou stabilisés
(routes, parkings?).
Le rythme d?ar?ficialisa?on ne s?explique pas toujours par la croissance de la popula?on. Ce?e
décorréla?on de l?ar?ficialisa?on vis-à-vis de l?évolu?on démographique des territoires est clairement
désignée par les chiffres de l?environnement 2016 ainsi que par l?étude « Thema ar?ficialisa?on, de la
mesure à l?ac?on » (janvier 2017) qui observe effec?vement que « l?ar?ficialisa?on augmente avec la
popula?on mais ne diminue pas avec elle » (p.16). Ainsi, près de 20 % de la surface ar?ficialisée entre 2006
et 2013 se situe dans des communes dont la popula?on décroît. En outre, 40 % de la surface ar?ficialisée
se produit dans des communes en couronne de grands pôles et 25 % dans des communes hors aires
urbaines.
Enfin, parmi les 29 pays de l?OCDE, la France se dis?ngue par une ar?ficialisa?on soutenue sous forme de
mitage. Elle a?eint ainsi le 5ème rang pour la part de la popula?on résidant à l?extérieur du centre urbain et
le 9ème rang pour le nombre de fragments par km².
c. Ou?ls fiscaux mis en place
En ma?ère de préserva?on de la biodiversité et de lu?e contre l?ar?ficialisa?on des sols, l?ou?l fiscal est
actuellement peu mobilisé en France. En effet, actuellement, il n?existe pas de disposi?f fiscal obligatoire
ayant explicitement pour objec?f d?internaliser les coûts environnementaux liés à la destruc?on d?espaces
bio?ques. En revanche, les ac?vités qui induisent la perte ou la dégrada?on d?espaces bio?ques terrestres
sont très réglementées.
S?agissant des ou?ls en faveur d?une ges?on durable de la faune et de la flore, il existe des exonéra?ons de
taxe foncière pour certains sites (Natura 2000, coeur de Parc na?onal), couplée à des exonéra?ons de droits
de muta?on. S?ils ont pu être déterminants dans les débats locaux pour la mise en oeuvre de ces sites, ces
mécanismes restent en revanche insuffisants pour assurer dans le temps le main?en de la protec?on de ces
espaces naturels.
De manière générale, la fiscalité appliquée aux espaces naturels par rapport à d?autres types
d?inves?ssement est moins avantageuse de par la nature même de la fiscalité appliquée (la fiscalité foncière
ne s?appliquant pas par nature sur des inves?ssements sur les marchés financiers par exemple) et les
récentes réformes de la fiscalité des revenus de l?épargne ont accentué ce désavantage de la fiscalité
appliquée aux espaces naturels, rendant les rendements financiers d?espaces naturels moins anrants
fiscalement par rapport à d?autres inves?ssements.
En ma?ère d?ar?ficialisa?on des sols, il n?existe qu?un seul ou?l qui puisse être véritablement considéré
comme tel. Le versement pour sous-densité permet ainsi à une commune de taxer les construc?ons
lorsqu?elles ne respectent pas un seuil de densité défini dans la commune. À ce jour, cet ou?l faculta?f n?a
été mis en oeuvre que dans une vingtaine de communes en France et il est difficile de ?rer des conclusions
quant à son efficacité. Toutefois, des études40 ont démontré que l?u?lisa?on de ce mécanisme pourrait
avoir un impact posi?f en termes de limita?on de l?ar?ficialisa?on des sols.
40Cf. Point Climat, mai 2014, I4CE : « Le versement pour sous densité : analyse d?un ou?l de densifica?on urbaine et premiers
retours d'expériences ».
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 58
Annexe 2 : Données compara?ves de la
fiscalité environnementale en France et
dans le reste de l?Europe
Figure 13 : Part de la fiscalité énergé?que par contributeur dans les pays de l?UE
Source : Eurostat
NDL : Pour la France, la part « ménages » (households) comprend également les entreprises individuelles.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 59
Figure 14 : Part de la fiscalité transport par contributeur dans les pays de l?UE
Source : Eurostat
NDL : Pour la France, la part « ménages » (households) comprend également les entreprises individuelles.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 60
Figure 15 : Montant des taxes environnementales par habitants dans les pays de l?UE
(en euros/habitant)
Source : Calculs internes d?après données Eurostat
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 61
Tableau 5 : U?lisa?on des rece2es des taxes sur la consomma?on d?énergie dans certains pays membres de l?OCDE (2016)
Rece2e
(en M¤)
Part affectée
Montant affecté par catégorie (en M¤)
Redistribu?on aux
collec?vités
territoriales
Infrastructures
rou?ères
Dépenses
environnementales
Dépenses
d?améliora?on de
l?efficacité
énergé?que
Autres (dont
redistribu?on vers
ménages ou
entreprises)
Allemagne 40 100 0 %
Autriche 12 091 13 % 1 576
Belgique 5 064 8 % 33 350
Danemark 3 019 99 % 2 994
Espagne 10 785 0 %
Estonie 489 0 %
France 25 910 49 % 12 093 715
Grèce 4 052 0 %
Hongrie 2 079 0 %
Irlande 2 179 0 %
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 62
Italie 29 450 0 %
Le2onie 504 0 %
Luxembourg 876 79 % 556 135
Pays-Bas 11 407 29 % 3 316
Pologne 7 421 13 % 940
Portugal 3 093 23 % 683 21
République
Tchèque
3 289 8 % 265
Royaume-Uni 34 406 1 % 10 234
Slovaquie 1 214
Slovénie 993
Suède 2 488 100 % 2488
Source : OCDE
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 63
Tableau 6 : U?lisa?on des rece2es des taxes sur le carbone dans les pays de l?UE (2016)
Rece2e
(en M¤)
Part affectée
Montant affecté par catégorie (en M¤)
Ménages
(sous forme de
réduc,on de PO)
Entreprises
(sous forme de
réduc,on de PO)
Dépenses
environnementales
Dépenses
d?améliora?on de
l?efficacité
énergé?que
Redistribu?on aux
électro intensifs et
risques fuite carbone
Danemark 480 99 % 476
France 3 800 79 % 3 000
Finlande 1 402 100 % 1 402
Irlande 434 100% 384 50
Le2onie 1 0 %
Portugal 134 100 % 119 15
Royaume-Uni 1 272 0 %
Slovénie 124 0 %
Suède 2 549 100% 2 549
Source : OCDE
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 64
Tableau 7 : U?lisa?on des rece2es de l?ETS-UE dans les pays de l?UE (2016)
Rece?e
(en M¤)
Part
affecté
e
Montant affecté par catégorie (en M¤)
Dépenses
d?améliora?on
de l?efficacité
énergé?que
Sou?en au
développemen
t des énergies
renouvelables
Sou?en
aux
mobilités
durables
Subven?ons
en R&D
Dépenses en
faveur de la
protec?on et
conserva?on
de la
biodiversité
Redistribu?on
aux électro
intensifs et
risques fuite
carbone
Autres dépenses
environnementale
s
Baisse
des PO
Allemagne 850 189 %* 844 80 200 131 11 244 96
Autriche 79 89 % 28 28 6 8
Belgique 108 19 % 20
Danemark 54 39 % 21
Espagne 369 100 % 26 342 0.2
Estonie 24 51 % 11 1 0.1
France 235 100 % 235
Grèce 148 100 % 19 129
Hongrie 64 80 % 37 3 10
Irlande 40 100 % 13 26 1
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 65
Italie 412 28 % 68 4 40 3 0.03 2
Le?onie 12 65 % 7 0.2
Luxembourg 5 0 %
Pays-Bas 143 50 %
Pologne 136 47 % 64
Portugal 75 100 % 3 1 64 1 10
République
Tchèque
117 105 %* 63 59 2
Royaume-Uni 423 92 % 306 81 0.2
Slovaquie 65 39 % 15 0.4 10 0.1
Slovénie 19 143 %* 8 16 3 0.03
Suède 39 0 %
Source : OCDE
* Pour l?Allemagne, la Slovénie et la République Tchèque, les montants affectés reportés auprès de l?OCDE sont supérieurs au montant total des revenus
provenant du marché de quota. Pour l?Allemagne, cela est expliqué par le fait que le Fond de rénova,on énergé,que auquel est versé une par,e de ces
rece-es a été abondé par l?État en 2016 pour couvrir le montant des dépenses de ce fond. Pour la Slovénie et la République Tchèque, pas d?explica,ons
fournies.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 66
Annexe 3 : Commentaires des par?es
prenantes
Quoique le présent rapport ait, dans la mesure du possible, pris en compte les observa,ons des par,es
prenantes, celui-ci a été établi sous la responsabilité des deux coprésidents (Mme Bénédicte Peyrol et M.
Dominique Bureau). Certaines par,es prenantes ont souhaité faire part de leurs commentaires, ceux-ci sont
rassemblés ci-dessous.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 67
Commentaire de l?AFEP
L?Afep considère que la fiscalité environnementale doit être spécifiquement consacrée à l?a?einte d?un
objec?f environnemental qui puisse être mis en oeuvre par une modifica?on des comportements associée à
la disponibilité technique et économique de solu?ons environnementales plus performantes que dans la
situa?on ini?ale. L?évolu?on de la fiscalité écologique doit donc faire l?objet d?un double examen : est-elle le
meilleur moyen de faire évoluer les comportements et les autres ou?ls à la disposi?on des pouvoirs publics
et des agents économiques tels que les engagements volontaires, la réglementa?on, la forma?on, etc ? ne
sont-ils pas préférables et plus efficaces ? Comment ce?e évolu?on s?intègre-t-elle avec les objec?fs
économiques du gouvernement soutenus par les entreprises de rétablissement des finances publiques, de
réduc?on des dépenses et de réduc?on des prélèvements obligatoires ?
Comme l?indique le rapport final en page 24 : « La fiscalité environnementale ne peut en effet se développer
si elle reste perçue comme un moyen de couvrir des impasses budgétaires ».
Il importe que le suivi de la fiscalité environnementale concerne non seulement le suivi des rece?es et leur
u?lisa?on mais surtout qu?il s?a?ache à l?évolu?on effec?ve des comportements et à l?a?einte réelle des
objec?fs environnementaux ini?alement visés par les mesures fiscales. Ce?e évalua?on est indispensable
et doit donner lieu soit à une évolu?on du calibrage de l?ou?l fiscal, soit à l?u?lisa?on d?un autre instrument
plus performant.
L?Afep sou?ent le besoin indispensable d?iso-fiscalité (baisse équivalente de la fiscalité de produc?on en cas
de hausse de la fiscalité environnementale) men?onné dans le rapport et rappelle la nécessité de baisser
les prélèvements obligatoires comme le Président de la République l?a prévu dans son programme.
L?Associa?on rappelle que les instruments fiscaux représentent un type d?instruments parmi d?autres
(règlement, quotas, normes?). Elle précise le besoin de conduire un diagnos?c ex ante pour chacun des
objec?fs environnementaux à a?eindre avant de choisir la fiscalité parmi l?ensemble des moyens
disponibles. Il convient notamment de privilégier des instruments qui puissent être compa?bles avec les
logiques et les contraintes d?inves?ssements généraux de l?ou?l de produc?on, qui s?imposent aux
entreprises selon leurs secteurs d?ac?vité.
Par ailleurs, l?Associa?on souligne le besoin d?éviter la superposi?on entre les différents instruments pour
une bonne lisibilité par les décideurs et le déclenchement des inves?ssements.
Pour conclure, l?Afep souligne l?intérêt des proposi?ons du rapport mais souligne ses fortes réserves sur 2
d?entre elles :
? Proposi?on 6 sur l?introduc?on dès le PLF 2019 de nouvelles mesures de fiscalité
environnementale : l?Afep es?me qu?il n?est pas opportun d?introduire une nouvelle fiscalité sur
les HFC dans la mesure où ces émissions sont déjà couvertes par le règlement « F Gases » ; il y
aurait superposi?on entre deux instruments et la taxe française serait de pur rendement, sans
effet environnemental ; une analyse partagée entre administra?on et industriels du
fonc?onnement du règlement européen des « F Gas » apparaît essen?elle dès la rentrée de
septembre 2018.
? Proposi?on 7 sur la mise en place d?un prix plancher du carbone pour le secteur de
l?électricité : l?Afep a souligné à de mul?ples reprises que ce?e mesure n?a pas été discutée au
sein du Comité pour l?économie verte ; elle a précisé que ce?e proposi?on, devant être mise en
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 68
oeuvre en dehors de la direc?ve ETS pour la période actuelle jusqu?à 2030, ne pouvait être
promue que sur la base d?études d?impacts convaincantes concernant son effet sur la réduc?on
des émissions de gaz à effet de serre, ses conséquences sur le prix de l?électricité et les moyens
de limiter ces conséquences prix pour les entreprises électro-intensives par?culièrement
soumises à la concurrence interna?onale.
Or, une étude néerlandaise vient de paraître en juillet 2018 précisant l?impact d?un prix
plancher, soit aux Pays-Bas uniquement, soit dans une coali?on de 5 pays (France + Allemagne
+ Benelux)
Dans sa planche 9, il est indiqué qu?un prix plancher dans la coali?on réduit les émissions dans
ces 5 pays de 97 MteCO?, mais que ces dernières augmentent de 82 MteCO? ailleurs. L?effet
net est de 15 MtCO?, ce qui n?est pas négligeable, mais pas à la hauteur des efforts (et du
coût). Une autre étude menée en 2017 par EWI précisait qu?un prix plancher à 30 ¤/t entraînait
en France une hausse du prix de l?électricité de 3-5 ¤/MWh et en Allemagne de 8-10 ¤/MWh. Il
convient d?évaluer l?impact de telles hausses.
L?Afep souhaite soit que le rapport rappelle dans ce?e proposi?on que ce2e proposi?on
nécessite une étude d?impacts avant de conclure favorablement à une telle op?on ; à défaut,
l?Associa?on demande que ce2e recommanda?on soit supprimée.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 69
Commentaire d?AMORCE
Amorce souhaite saluer ce travail approfondi de réflexion sur les fondamentaux de la fiscalité écologique.
L?associa?on souhaite également soutenir les proposi?ons visant à donner davantage de lisibilité y compris
pour le Parlement sur l'évolu?on des trajectoires de la fiscalité écologique mais aussi sur la trajectoire
d'u?lisa?on (au moins par?elle des rece?es) à son objet.
Cependant, Amorce ?ent à soulever certaines réserves. Ainsi, pour l'associa?on, les rece?es engendrées
par des taxes environnementales doivent principalement perme?re de financer des ac?ons, de modifier
des comportements, d'inciter dans le domaine environnemental concerné. Elles ne doivent pas avoir pour
principal objec?f de baisser les impôts sur la produc?on ou compenser la suppression de la taxe
d'habita?on ce qui risque de provoquer une réac?on de rejet par les popula?ons et des acteurs
économiques sur la fiscalité environnementale. Les collec?vités ne peuvent que regre?er une telle fiscalité
qui serait irrémédiablement perçue comme puni?ve.
Amorce constate d?ailleurs que la proposi?on d?alloca?on des 15 milliards d?euros de rece?es générées par
la fiscalité carbone à la mise en oeuvre des poli?ques territoriales de lu?e contre le changement clima?que
et de transi?on énergé?que fait aujourd?hui la quasi-unanimité des acteurs de la transi?on écologique
(Associa?ons de collec?vités, ONG, Associa?ons de consommateurs, syndicats?).
En outre, il faut rappeler que la proposi?on de réforme de la TGAP prévue dans le cadre de la FREC suscite
désormais l'opposi?on unanime des associa?ons de collec?vités. Si elles avaient soutenu à l'origine le
principe d'une réforme de la fiscalité sur les déchets, les représentants des collec?vités ont exprimé à ce
stade leur profonde opposi?on à la réforme de la fiscalité sur les déchets qu?ils considèrent comme
incohérente, injuste et inefficace :
- D'une part parce qu?elle s'applique uniquement à taxer les collec?vités en charge de l'élimina?on de
tous les déchets en fin de vie, alors qu?une vraie fiscalité environnementale comportementale devrait
d'abord consister à interdire ou a minima à taxer les produits non recyclables qui représentent près de la
moi?é des déchets éliminés et qui de fait le resteront.
- D'autre part parce qu?une par?e des déchets ménagers et assimilés assujens à ce?e TGAP sont issus
des ac?vités économiques et font l'objet de réglementa?on imposant depuis plusieurs années leur collecte
sélec?ve et leur recyclage, mais que ce?e réglementa?on n?est pas contrôlée ni sanc?onnée par les
représentants de l'Etat et donc pas appliquée. Taxer davantage les collec?vités en charge du service public
n'a là aussi aucune cohérence et aucune efficacité.
- En outre, que les mesures visant à imposer aux filières de responsabilité élargie des producteurs ne sont
aujourd?hui pas connues et pas garan?es sachant qu?aucune des filières REP actuelles ne respecte ses
objec?fs de recyclage, et que plus globalement la plupart de ces mesures pourraient être confirmées après
le vote de la réforme alors qu?elles devraient garan?r la réduc?on des déchets résiduels avant toute
réforme de la fiscalité sous peine de provoquer une augmenta?on très forte de la fiscalité sur le service
public des déchets (jusqu?à un milliard).
- Enfin, les représentants des collec?vités demandent que la rece?e de TGAP déchets alimente
majoritairement un fonds en faveur de l'économie circulaire dont ils assureraient avec l'Ademe la co-
gouvernance, alors que le produit actuel de la TGAP alimente très majoritairement le budget de l?État- et
pour par?e le fonds Déchets géré par l'Ademe.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 70
En conséquence de quoi, la réforme fiscale proposée par le gouvernement aura pour principal effet
d?augmenter le coût de la ges?on des déchets et par conséquent la fiscalité locale plutôt que de développer
le recyclage et de mobiliser les acteurs responsables, et cela au moment même où l?État demande aux
collec?vités de mieux maîtriser leurs coûts de fonc?onnement.
Enfin, Amorce ?ent également à faire remarquer que le projet de rapport ne fait pas men?on de la
ponc?on budgétaire opérée sur les budgets des agences de l'eau et ne se prononce pas sur ce point alors
que celui-ci va à l'encontre du principe de « l'eau paie l'eau » et qu?il remet en cause de nombreux projets
pourtant nécessaires.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 71
Commentaire de la CLCV
La CLCV main?ent son avis exprimé en juillet lors de la discussion rela?ve au pré-rapport tout en notant
quelques u?les approfondissements analy?ques.
Elle ne partage pas plusieurs opinions émises et la tonalité des recommanda?ons du rapport, qui tend par
trop à être un plaidoyer en faveur de l?ac?on menée par les pouvoirs publics ce qui n?est pas a priori le rôle
d?un comité consulta?f.
En substance, les points de désaccord portent d?abord sur :
1. La capacité incita?ve du signal prix
En effet, l?efficacité concrète du signal-prix sur l?évolu?on de la consomma?on d?énergie fossile semble être
considérée comme une évidence par les rédacteurs alors que cela n?est pas le cas. Le débat est ancien car la
li?érature économétrique donne des résultats variables. Plus encore, on dispose maintenant de
suffisamment de recul pour apprécier la rela?on prix/consomma?on depuis la nouvelle ère de 2004/2005
qui a donné lieu à une hausse tendancielle du prix marqué par des cycles très haussiers et (principalement)
un cycle très baissier. Durant ce?e période la consomma?on de carburant en France a connu peu
d?évolu?on évidente (en gros une stabilité, avec certes une augmenta?on de la popula?on mais aussi, a
priori, la hausse du rendement moteur). La rela?on de cause à effet est bien plus établie dans des
domaines soumis à une planifica?on industrielle (le chauffage urbain par exemple) mais assez peu sur un
parc diffus.
Plutôt que de croire à l?évidence, Il serait bon que l?exper?se gouvernementale se penche de façon plus
approfondie sur ce?e ques?on ne serait ce que pour mieux iden?fier les freins à lever. Par ailleurs le texte
n?interroge pas suffisamment la per?nence d?une poli?que qui augmente les taxes quelle que soit
l?évolu?on du prix alors même que théoriquement il s?agit d?un signal-prix et non d?un signal taxe.
2. Par ailleurs, il importe de souligner que l?augmenta?on des taxes et du prix a un impact de
pouvoir d?achat au-delà des segments « précarité énergé?que »
Les pouvoirs publics (CEV, CGDD, Insee) ont réalisé en dix ans un important travail d?iden?fica?on des
segments de popula?ons par?culièrement touchés par la hausse des prix de l?énergie (notamment, au-delà
du revenu, la fracture territoriale). Rien à redire sur ce sujet mais il ne faut pas pour autant sous-es?mer
l?impact sur le pouvoir d?achat pour beaucoup d?autres ménages (en substance tous ceux qui u?lisent
quo?diennement la voiture et dont les revenus ne sont pas dans le décile ou les deux déciles les plus
hauts). Ces ménages ne sont pas en précarité énergé?que mais une hausse de quelques centaines d?euros
par an de leurs dépenses reste un effet réel de pouvoir d?achat (pouvant avoir des conséquences
macroéconomiques de type report d?achat de bien durable ou de consomma?on de loisir).
Enfin, il faut reconnaître que le texte, et le comité d?une manière générale, soulève réellement le problème
de l?u?lisa?on des rece?es fiscales de l?énergie.
Nous es?mons néanmoins qu?il est primordial de faire apparaître une donnée déjà présente dans tous les
rapports d?étapes du CEV et absente du rapport final : Les ménages acqui2ent près de 23 Mds¤ de
fiscalité sur leurs consomma?ons énergé?ques fossiles, dont 5 Mds¤ au ?tre de la composante carbone
en 2018, et bénéficient seulement en retour d?un peu plus de 4 Mds¤ de subven?ons directes.
La qualité indéniable du rapport sur ce sujet ne peut occulter le fait que depuis 2014 les pouvoirs publics
ont pris des décisions d?affecta?on des rece?es systéma?quement défavorables tant aux par?culiers qu?aux
économies d?énergie. Il s?agit d?un problème de fond important et, en aucun cas comme vous le suggérez,
d?un problème de communica?on ou de pédagogie.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 72
Au final, la CLCV demande principalement :
1. que les taxes sur l?énergie fossile ne soient pas augmentées dans la prochaine loi de finances vu
la récente forte croissance du prix. D?une manière générale il s?agit de tenir compte de l?évolu?on
du prix hors taxe avant d?augmenter les taxes ;
2. qu?un volume bien plus conséquent de rece2es des taxes sur l?énergie soient affectées à des
aides pour les économies d?énergies notamment pour les ménages. Ne pas limiter cet effort
supplémentaire aux seuls précaires ;
3. D?un point de vue strictement analy?que, de réouvrir l?étude des élas?cités prix de la
consomma?on d?énergie.
Pour les autres domaines abordés (ar?ficialisa?on agence de l?eau) il nous semble qu?il faille faire un point à
part, car le débat est spécifique (notamment pour les agences de l?eau), ce que vous suggérez d?ailleurs.
Simplement nous soutenons l?idée, répétée depuis vingt ans dans les rapports publics, d?un réel
rééquilibrage des redevances eau par catégorie d?usager.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 73
Commentaire de FNE
France Nature Environnement se réjouit de ce que les travaux du Comité pour l?Economie verte, cons?tué
dès 2015 mais faisant suite aux travaux du Comité pour la fiscalité écologique (2012-2014), fassent enfin
l?objet d?un exercice de synthèse sous la forme d?un rapport sur la construc?on de la fiscalité
environnementale sur la durée du quinquennat et au-delà. Ce rapport vient s?ajouter à une produc?on
analy?que déjà dense, qu?il s?agisse de rapports parlementaires (Bricq, 1998 ; Diefenbacher & Launay,
2009), de produc?ons de la Cour des comptes (Migaud, novembre 2011), du Commissariat Général au
Développement Durable (Etat des lieux de la fiscalité écologique & inventaire des taxes
environnementales en France), sans même parler de la produc?on du Conseil des impôts (« fiscalité et
environnement », 2005) ou des instances et organisa?ons intergouvernementales a?en?ves au sujet
(OCDE 2011 et 2014). Ce travail a cependant une spécificité et une légi?mité forte, puisqu?il émane d?une
enceinte de co-construc?on ouverte à la société civile, circonstance qui traduit un degré minimal
d?accepta?on collec?ve des mesures préconisées. La fédéra?on France Nature Environnement sera donc
a?en?ve à son portage comme au devenir desdites proposi?ons, qui doivent effec?vement influencer
posi?vement les poli?ques publiques.
Dans un ordre d?idées similaire, il importe d?emblée de signaler que FNE souhaite voir portées, et mises en
oeuvres, les préconisa,ons contenus dans le « corpus » d?avis des deux comités, CFE et CEV : ceux-ci ont
adopté successivement pas moins de dix-neuf avis. La mesure dans laquelle ceux-ci ont été repris et
traduits en loi de finance devrait faire l?objet d?un exercice de synthèse, et les mesures non-reprises à ce
stade ? à n?en pas douter les plus nombreuses ? devraient être actualisées en fonc?on des évolu?ons
réglementaires, fiscales et budgétaires intervenues entre-temps.
Sur le fond :
« Introduc?on », p.5 : Un éclaircissement préalable sur l?objet du rapport, comparé avec les a?ribu?ons
du Comité, aurait été opportun. En effet, le CEV produit ici un rapport sur la fiscalité écologique, alors que
ses a?ribu?ons sont plus vastes : le « comité pour la fiscalité écologique » a fait place au « comité pour
l?économie verte ». La nuance est d?importance dans la mesure où, comme le signale le texte à plusieurs
reprises, d?autres instruments que l?ou?l fiscal peuvent être employés pour influencer le signal-prix et
l?antude des acteurs économiques : la ques?on de l?orienta?on des inves?ssements, publics et privés, est
primordiale ; la produc?on de « green bonds » et d?émissions souveraines ne l?est pas moins, et
l?adapta?on des instruments budgétaires (sous la forme de « budgets verts », d?ailleurs évoqués), l?est
également. L?idée d?un « mix » de mesures, préféren?ellement incita?ves, au sein duquel la fiscalité doit
tenir un rôle prééminent à côté d?autres instruments, aurait pu être affichée d?emblée pour plus de clarté.
Première par?e : « La nécessité d?un cadre intégré et lisible, pour assurer l?essor d?une fiscalité
écologique à la hauteur des enjeux »
« Un verdissement indéniable de la fiscalité dans un cadre qui fait cependant l?objet de cri?ques
récurrentes jus?fiées », pp. 11- 14 : Dans ce?e par?e encore largement introduc?ve et contextuelle, si
l?ancienneté de certaines taxes est men?onnée (TIP, 1928) et si le développement historique des ou?ls
fiscaux, à une époque où la sensibilité aux enjeux environnementaux était peu développée, est en soi
intéressant, il aurait fallu rappeler que la montée en charge de la fiscalité écologique est aussi une
obliga,on juridique interna,onale rela,vement ancienne, à laquelle la France, comme les pays OCDE,
n?ont que très imparfaitement répondu. L?ar?cle 8.32 de l?Agenda 21, en 1992, enjoignait déjà aux
signataires de supprimer ou de réduire les subven?ons publiques incompa?bles avec des objec?fs de
développement durable.
A cet égard, FNE salue la men?on très explicite de la nécessité de lu?er contre les subven?ons
dommageables à l?environnement (p. 14), mais une actualisa?on spécifique de ce sujet aurait été
nécessaire. Surtout, nous déplorons que ce thème ne fasse pas l?objet d?une proposi,on spécifique. A
défaut, le sujet pourrait, à moyen terme, être examiné dans le cadre d?un groupe de travail du CEV.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 74
« D?un verdissement de la fiscalité à un verdissement d?ensemble des finances publiques », pp. 15-21 :
Ce chapitre, dans la con?nuité du précédent, traduit les ingrédients récurrents du débat sur la fiscalité
écologique tant au sein du Comité qu?en-dehors, à savoir : préférence pour une fiscalité comportementale
« posi?ve », défiance envers les taxes affectées à faible rendement, contraintes juridiques (au regard des
principes d?égalité et d?universalité budgétaire), nécessité d?assurer l?acceptabilité des mesures fiscales.
Si les contraintes juridiques sont bien exposées (pages 16 et suivantes), il aurait été intéressant d?une part,
de confronter leur portée avec celle du principe pollueur-payeur inscrit à l?ar,cle L. 110-1 du code de
l?environnement (ar?cula?on dont il est surtout dit qu?elle est source de « difficultés avec des débats
récurrents »), et d?autre part, de comparer l?existence et l?intensité de ces obstacles à l?interna,onal, afin
de déterminer si nos voisins sont soumis aux mêmes restric?ons. Une men?on du rôle de la doctrine
administra,ve fiscale, telle qu?exprimée notamment dans les BOFIP, en tant que source du droit et
d?éventuelles contraintes juridiques, aurait été opportune.
Le lecteur est amené à observer que la ques?on de l?u?lisa?on des rece?es de la fiscalité écologique, en
lien avec celle de son acceptabilité, est une préoccupa?on récurrente au travers du rapport : examinée
dans ce chapitre, elle l?est aussi au suivant.
« Une ambi?on fixée, des acteurs à embarquer : comment construire l?écofiscalité comportementale » :
pp 22-25 : Les ingrédients de compréhension, d?acceptabilité, de visibilité sont majoritairement exposés
ici. L?u?lisa?on des rece?es de la fiscalité environnementale fait l?objet de trois approches cumula?ves ou
alterna?ves, sources de débats, qu?évoque le rapport : 1° baisse corréla?ve d?imposi?ons pesant sur les
entreprises et/ou le travail, dans une logique de « basculement des régula?ons » ou de « green tax shiq » ;
2° compensa?on des impacts sociaux défavorables, par exemple sur les popula?ons locales concernées
par la hausse de la fiscalité sur les carburants ; 3° u?lisa?on budgétaire générique par inscrip?on au
budget général, dans une pure op?que de fiscalité de rendement. Nous constatons que la ques,on de
l?affecta,on à des poli,ques publiques de préserva,on de l?environnement est largement escamotée de ce
débat, alors que tous les impacts environnementaux ne peuvent être réduits à l?équa?on incita?ve du
« signal-prix » : dans les domaines de l?ar?ficialisa?on des sols, ou de la protec?on de la biodiversité, les
moyens d?une poli,que de recapitalisa,on écologique doivent être mobilisés au profit de la réhabilita?on
des coeurs de villes moyennes ? objet précisément d?un plan dédié, mais ponctuel ?, des con?nuités
écologiques, de la préserva?on et de la recons?tu?on des milieux.
Au regard de ce besoin, l?idée exprimée par le rapport et reprise en proposi?on, selon laquelle il
conviendrait que le gouvernement « communique sur l?u?lisa?on de ce?e fiscalité », est faible et passe
sous silence la ques?on du financement des poli?ques publiques concernées. Celles-ci ne pourront
éternellement bénéficier, à l?instar d?ailleurs de poli?ques publiques parfois étrangères aux enjeux
environnementaux ? sports hier, infrastructures peut-être demain ? de la seule solu?on consistant à
opérer des prélèvements sur les revenus des agences de l?eau.
Deuxième par?e : « Pour un niveau d?ambi?on répondant aux enjeux », pp. 27 et suivantes :
? Sur l?eau (page 37, et annexe, page 52 et suivantes) : Le rapport observe, s?agissant de la
redevance pour pollu?on diffuse (RPD), qu?au regard des évolu?ons des taux des redevances « une
réflexion doit être menée afin d?essayer d?amener plus de cohérence (?) en fonc?on des niveaux de
pollu?on émises par chaque pollueur ». France Nature Environnement es?me que la RPD doit
pouvoir s?appliquer à tous les pes?cides, et que les taux doivent être effec?vement augmentés et
être propor?onnels à la dangerosité des substances employées : il faut accroître très sérieusement
les taux de la redevance en fonc?on de la toxicité des pes?cides. Les revenus de ce?e taxe doivent
être employés pour des ac?ons de restaura?on des milieux pollués. S?agissant de la redevance
prélèvement, il conviendrait que le principe « préleveur-payeur » soit bien appliqué, au moyen de
taux planchers suffisamment importants pour rendre la redevance dissuasive.
? Sur la transi?on vers l?économie circulaire (annexe, p. 56) : FNE partage le constat selon lequel le
modèle linéaire « fabriquer, consommer, puis jeter » se traduit « par une u?lisa?on de plus en plus
importante de ressources non renouvelables et (par) leur épuisement ». Il n?y a malheureusement
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 75
pas de proposi?on spécifique, et l?exposé des mesures mises en place évoque essen?ellement la
REOM et la TEOM. Il conviendrait d?élaborer des mesures fiscales sur les produits jetables et
notamment sur les plas,ques à usage unique : pailles et barque?es en plas?que jetables, rasoirs,
film cellophane? Pour l?heure, aucune interdic?on claire ne figure parmi les mesures de la feuille
de route économie circulaire (FREC) alors que l?Europe a proposé, en début d?année, une stratégie
plus ambi?euse en la ma?ère. Une TVA réduite sur les ac?vités de répara?on pourrait également
être envisagée.
? Sur l?ar?ficialisa?on (p. 38, et annexe, p. 57) : Le rapport exprime la difficulté du sujet, constat
auquel on ne peut qu?adhérer (« il n?existe aucun disposi?f fiscal obligatoire ayant explicitement
pour objec?f d?internaliser les coûts environnementaux » (dans ce domaine). De fait, le paysage
fiscal applicable aux usages du foncier se caractérise d?un côté par l?antériorité de taxes à voca?on
budgétaires, pesant sur le stock bâ? (comme la TFB), et de l?autre par une mul?plicité
d?instruments aux finalités éminemment variables mais qui ont en commun de n?avoir pas pour
voca?on explicite de lu?er contre le phénomène, quand ils n?ont pas? l?objec?f inverse de « libérer
le foncier » (majora?on de la valeur loca?ve en foncier non bâ? ; taxe sur la cession à ?tre onéreux
de terrains nus rendus construc?bles ; par?cipa?on assainissement collec?f ; taxe
d?aménagement?). Le rapport, outre qu?il n?expose pas ce paysage, insiste peu sur les
déterminants économiques et fiscaux de l?ar,ficialisa,on, sujet qui n?a pas encore été abordé en
groupe de travail à l?heure où nous écrivons. Or, nous tenons à souligner que :
? L?ar?ficialisa?on est induite également par le sur-dimensionnement des inves?ssements dans
le secteur de l?immobilier ter?aire, logis?que et commercial : nourris pour par?e par les
« private equi?es », dont l?implica?on se traduit par des opéra?ons LBO agressives, en
par?culier dans le secteur de la grande distribu?on, et dont la finalité consiste à poursuivre
des taux de retour sur inves?ssement (TRI) de l?ordre de 23%, ce modèle économique, non
content d?être un « moteur » de la poursuite de l?ar?ficialisa?on, se traduit par une facture
territoriale, bien souvent dans le ?ssu commercial urbain des villes moyennes qu?on se
propose justement de revitaliser. Il est en outre cons?tu?f d?une « bulle », ainsi que l?a relevé
le haut Conseil à la Stabilité financière (analyse du marché de l?immobilier commercial, 2016).
Ces réalités doivent pouvoir être abordées.
? La préserva?on du foncier naturel, non-ar?ficialisé, doit pouvoir bénéficier d?un contexte
fiscal favorable et incita?f. Or, dans un contexte de minora?on de la valeur du foncier rural
non ar?ficialisable, certaines réformes récentes, comme le remplacement de l?ISF par un
impôt sur la fortune immobilière, produisent un effet incita?f contre-produc?f, incitant à la
vente des terrains nus et, corréla?vement, à leur ar?ficialisa?on. Ce phénomène est abordé
en page 58 du rapport mais devrait, idéalement, être considéré avec plus d?a?en?on.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 76
INVALIDE) (ATTENTION: OPTION » et
« Mobilités - coûts moyens socio-économiques », ?tres provisoires), ainsi que la synthèse du CEDD publiée le 30 mars 3017
(« Mobilité et émissions de gaz à effet de serre. Comment construire les poli?ques de transports ? »), qui décrivent les taux de
couverture des externalités rou?ères pour les différents trafics.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 35
Concernant spécifiquement les poids lourds, la créa?on d?une vigne?e obligatoire pour les poids lourds
circulant sur le réseau non concédé, dont le tarif serait fonc?on du respect des normes an?pollu?on
européennes (norme EURO), pourrait être envisagée, en instrument de second rang. Dans la mesure où les
solu?ons de subs?tu?on autres que les véhicules diesel n?existent quasiment pas aujourd?hui, le recours à
la norme EURO est per?nent : la vigne?e toucherait ainsi principalement les vieux véhicules diesel et pas
les véhicules diesel les plus récents. Ce?e op?on pourrait toutefois entrer en contradic?on avec les
disposi?ons de la nouvelle direc?ve eurovigne?e en cours de révision.
Dans ces condi?ons, c?est une stratégie d?ensemble qu?il faut définir en ma?ère de tarifica?on des
nuisances rou?ères, prenant en compte l?ensemble des coûts sociaux concernés.
Favoriser le développement des péages urbains dans les aggloméra,ons les plus touchées par les épisodes
de pic de pollu,on
La mise en place du principe pollueur-payeur pour tous les véhicules dans les zones urbaines denses peut
aussi passer par la mise en place de péages urbains. Il convient en effet d?augmenter et moduler finement
le coût d?usage du mode rou?er, au moins à due concurrence du coût socio-économique lié à la pollu?on
de l?air qu?il engendre via la mise en place de péages urbains environnementaux.
Au-delà, une internalisa?on op?male de l?ensemble des externalités de la route en zone dense, notamment
la conges?on, requiert d?élever le coût d?usage des véhicules et de coupler un tarif environnemental de
péage avec un tarif prenant en compte les coûts de conges?on. Ainsi, un péage urbain modulé à la fois en
fonc?on de la zone, de l?heure, de la distance parcourue et du niveau de pollu?on des véhicules
(notamment type de motorisa?on - diesel/essence - et année de produc?on, actuellement iden?fiés par les
normes EURO et Euro) est l?instrument le plus efficace économiquement pour réduire les émissions de
polluants liées aux déplacements en ville en faisant payer aux usagers les nuisances locales (y compris
environnementales) liées à l?usage de leur véhicule. Les péages urbains perme?ent de sélec?onner les
automobilistes qui re?rent le plus de bénéfices nets de leurs déplacements automobiles, les usagers
adaptant leur comportement au nouveau signal-prix.
Singapour, Stockholm, Göteborg, Londres (Conges,on Charge), Rome ou Milan depuis 2012 ont mis en
place des péages de déconges?on, tandis que Londres (Low Emission Zone et future Ultra Low Emission
Zone) ou Milan jusqu?en 2012 ont installé des péages environnementaux28. Les exemples européens de
péages urbains ont démontré leur efficacité : ainsi à Stockholm, une baisse du trafic de 20 % a été
constatée la première année et s?est accentuée par la suite, avec une baisse des émissions de polluants
évaluée à 14 % depuis 2006. De même à Londres, une baisse de 30 % de la conges?on rou?ère dès la
première année de fonc?onnement du péage urbain a été constatée, avec une réduc?on des émissions de
polluants dans la zone (NOx : -8 %, PM10 : -7 %, CO2 : -16 %).
Si la mise en place de péages urbains relève de la responsabilité des collec?vités locales, l?État peut
toutefois favoriser leur mise en place de diverses manières, notamment en levant les barrières
réglementaires existantes.
Il conviendrait en tout état de cause pour l?État d?aménager l?ar?cle 65 de la loi Grenelle 2 - qui a ouvert
pour les villes en faisant la demande la possibilité d?expérimenter des péages urbains dans les
aggloméra?ons de plus de 300 000 habitants et pour trois ans maximum - afin d?autoriser une mise en
place au-delà de 3 ans (compte tenu de l?inves?ssement important nécessaire à la mise en place d?un
péage, l?insécurité juridique au-delà de ce terme ajoute au caractère dissuasif du disposi?f pour certaines
collec?vités locales, la durée d?amor?ssement étant bien plus longue, plutôt de l?ordre de 8 ans). Lors du
discours de clôture des Assises de la mobilité le 13 décembre 2017, la ministre des Transports a annoncé
que la future loi d?orienta?on des mobilités devrait perme?re de simplifier les normes pour faciliter le
recours aux péages urbains.
28Voir document de travail de la DG Trésor n°2018/1 publié en avril 2018 « Péages urbains : quels enseignements ?rer des
expériences étrangères ? ».
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 36
Outre la levée des barrières réglementaires actuelles, l?État pourrait par?ciper au renforcement de l?offre
de transports en commun accompagnant la mise en place du péage, sous réserve d?analyses socio-
économiques posi?ves et d?un coût limité pour les finances publiques. Par exemple, en Suède, le
gouvernement a joué un rôle clé dans l?introduc?on de péages urbains à Stockholm et Göteborg en
acceptant de cofinancer, en contrepar?e de l?introduc?on du péage, des grands projets d?infrastructures
locaux ; ce?e contrepar?e a permis de faire accepter plus facilement le projet aux municipalités voisines de
la capitale et à leurs habitants qui font des déplacements pendulaires chaque jour dans la région. En effet,
les impacts redistribu?fs doivent être examinés avec soin.
Par ailleurs, afin de favoriser l?acceptabilité des péages, la prise en charge totale ou par?elle du coût des
équipements embarqués nécessaires pour rentrer dans la zone à péage pourrait être envisagée, sous
réserve d?un coût limité pour les finances publiques, comme cela a par exemple été fait à Singapour.
L?examen des impacts redistribu?fs est en effet crucial sur ce?e ques?on.
Plus généralement, il s?agit d?un instrument pour lequel la recommanda?on de ce rapport sur l?u?lisa?on
des rece?es se pose avec acuité.
Me-re en place des mécanismes fiscaux incita,fs afin de développer les modes de déplacement plus verts
Les proposi?ons issues des Assises na?onales de la mobilité, notamment de l?atelier consacré aux
modalités de déplacement plus propres, pourraient être soutenues : en effet, cet atelier a émis des
proposi?ons en ma?ère fiscale afin de favoriser des modes de déplacements vertueux d?un point de vue
écologique. Ainsi, dans l?op?que de développer le recours à l?u?lisa?on du vélo, la synthèse de cet atelier
recommande de généraliser et revaloriser l?indemnité kilométrique vélo.
Dans le cadre de ce?e synthèse, il est également proposé d?instaurer un disposi?f d?indemnisa?on
kilométrique unique, quel que soit le mode de déplacement choisi (y compris covoiturage), couvrant les
coûts d?u?lisa?on de la voiture personnelle (plafonnée au niveau des véhicules les moins puissants) et
perme?ant un gain monétaire pour les autres modes de déplacement, de manière à favoriser l?usage d?un
véhicule moins polluant, l?intermodalité et les mobilités ac?ves et les mobilités partagées.
b. Pollu?on de l?eau : lancer une réflexion de fond sur un rééquilibrage des redevances des
Agences de l?eau afin de respecter le principe « pollueur-payeur »
En ma?ère de lu?e contre la pollu?on de l?eau, la France s?est dotée, d?un point de vue fiscal, d?un
ensemble de mesures cohérentes sur le plan des principes. La ges?on des moyens de lu?e contre les
pollu?ons par les Agences de l?eau, financés par des redevances dues par les principaux pollueurs, fournit
une panoplie d?instruments différenciés perme?ant, d?un point de vue théorique, une prise en compte
globale du problème des pollu?ons de l?eau.
Néanmoins, au regard des usages actuels et des sources des pollu?ons, des évolu?ons des taux des
redevances, et des modalités de ges?on de ces taxes souvent par bassins versants individualisées (absence
de seuil ou de plafond de redevances fixés au niveau na?onal par exemple, à l?excep?on de la redevance
pour pollu?on diffuse), une réflexion doit être menée afin d?essayer d?amener plus de cohérence dans le
système des redevances des Agences de l?eau, notamment afin de rééquilibrer l?acqui?ement de celles-ci
en fonc?on des niveaux de pollu?ons émises par chaque pollueur.
Dans ce?e logique, les États généraux de l?alimenta?on ont déjà conclu à la nécessité d?une réévalua?on à
la hausse des taux de la redevance pour pollu?ons diffuses afin de tenir compte de la dangerosité de
certains produits phytosanitaires, et une mesure en ce sens sera portée dans le PLF 2019. Cependant, ce?e
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 37
proposi?on devra tenir compte des alterna?ves techniques existantes ou à venir, des évolu?ons de
pra?ques et des modalités de financement de ces nouveaux moyens par les Agences de l?eau.
La loi sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a également confié de nouvelles
missions aux Agences de l?eau en ma?ère de protec?on de la biodiversité et appelle donc une réflexion sur
les modalités de financement perme?ant de remplir ces nouvelles missions.
Par conséquent, conformément à la le?re de mission du Comité pour l?économie verte, et suite aux
conclusions des Assises de l?eau, il sera nécessaire de lancer au cours du dernier trimestre 2018 un groupe
de travail spécifique sur ces ques?ons qui rendra ses conclusions avant la fin du premier semestre 2019,
pour une mise en oeuvre dans le cadre du PLF pour 2020. Ce groupe de travail pourra approfondir les
recommanda?ons précédentes du CFE et du CEV en ma?ère de lu?e contre les pollu?ons de l?eau29.
Toujours en cohérence avec les conclusions des Assises de l?eau, ce groupe de travail pourrait également
s?interroger de manière plus générale sur la prise en compte générale du cycle de l?eau, notamment sur la
manière de financer le système de l?eau de manière globale. Comme souhaité par certaines collec?vités
territoriales suite à leur retour d?expérience, une réflexion autour du mécanisme de la taxe Gemapi (taxe
locale pour financer la ges?on des milieux aqua?ques et la préven?on des inonda?ons), de son mode de
fonc?onnement et de son dimensionnement semble être opportune, en lien également avec la refonte de
la fiscalité locale et du transfert à moyen terme (2026) de la compétence eau et assainissement aux EPCI.
c. Préserver la biodiversité et lu2er contre l?ar?ficialisa?on des sols : un groupe de travail dédié
En ma?ère de préserva?on de la biodiversité et de limita?on des a?eintes qu?elle subit, qui sont
mul?formes (ar?ficialisa?on des sols et destruc?ons des habitats, pollu?ons des milieux, changement
clima?que...), la fiscalité reste peu mobilisée en France. Il n?existe par exemple aucun disposi?f fiscal
obligatoire ayant explicitement pour objec?f d?internaliser les coûts environnementaux liés à la destruc?on
d?espaces bio?ques. Les réflexions autour de la mise en place d?une fiscalité pour limiter l?ar?ficialisa?on
des sols sont très complexes et nécessitent un travail important afin d?analyser l?ensemble des tenants et
abou?ssants d?une telle fiscalité et l?ensemble des ou?ls économiques qui pourraient être mobilisables.
Conformément à la le?re de mission du CEV, et en bonne cohérence avec la stratégie contre
l?ar?ficialisa?on lancée par le MTES dans le cadre du plan biodiversité, un groupe de travail du CEV rela?f à
l?ar?ficialisa?on des sols a été lancé en juillet 2018 pour travailler au cours du second semestre 2018 et du
premier semestre 2019 afin de proposer des mesures concrètes dans le cadre du PLF pour 2020.
Ce groupe de travail pourra reprendre à son compte les avis de recommanda?ons30 produits à plusieurs
reprises par le CFE et le CEV quant aux différentes mesures fiscales pouvant perme?re de lu?er contre
l?ar?ficialisa?on des sols (modula?ons de la taxe d?aménagement, suppression de certaines exonéra?ons de
la taxe d?aménagement, instaura?on dans le plan local d?urbanisme d?un seuil minimum de densité dans
certaines zones, instaura?on d?une taxe sur les bureaux vacants, taxe sur les plus-values sur la vente de
terrains devenus construc?bles?)
Le GT pourrait en par?culier travailler sur le verdissement de la taxe d?aménagement. Ainsi, afin de rendre
ce?e taxe plus écologique, une composante pourrait être mise en place qui serait calculée en fonc?on de la
surface du terrain total et non plus la surface close et fermée du bâ?ment. Elle inciterait ainsi les
propriétaires à acquérir des terrains plus pe?ts et ainsi favoriser la densifica?on. À l?instar des rece?es
actuelles de la taxe d?aménagement qui doivent financent des équipements collec?fs, les rece?es de ce?e
composante pourraient financer des opéra?ons de préserva?on de la biodiversité mises en oeuvre dans les
communes qui la perçoivent.
29Dans son avis du 13 février 2013, le CFE recommandait notamment d?évaluer le renforcement du caractère incita?f de la fiscalité
des produits phytosanitaires, et le Comité pour l?économie verte, dans son avis du 11 mai 2017, avait fait des proposi?ons analogues
concernant les pollu?ons azotées (système de quotas, système de bonus/malus sur l?u?lisa?on intensive d?engrais?).
30Avis CFE du 28 mars et 13 juin 2013 et avis du CEV du 16 juillet 2015.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 38
Par ailleurs, devrait être examinée la créa?on d?un document de poli?que transversale (DPT) biodiversité
sur le modèle de celui existant sur le climat, pour rendre compte des crédits concernant ce?e théma?que
dans les différents programmes budgétaires.
Proposi?ons :
9. Annoncer, dans le cadre du PLF 2019, pour la durée du quinquennat, les principes
pour l?u,lisa,on des rece-es correspondantes à la fiscalité environnementale,
notamment le produit du relèvement prévu de la composante carbone. Dans ce
cadre, les mesures d?accompagnement qui pourraient être à renforcer pour assurer
l?acceptabilité de la trajectoire de prix du carbone pour certains ménages ruraux ou
en situa,on de précarité énergé,que et certaines pe,tes et moyennes entreprises, si
la remontée des prix des fossiles s?accélère, devraient être définis. Ces mesures ne
doivent cependant pas en réduire le caractère incita,f.
10. Me-re en chan,er une véritable stratégie en ma,ère de tarifica,on rou,ère,
notamment pour le fret et pour les zones urbaines.
11. Proposer dans le cadre du PLF 2020 des mesures d?ensemble perme-ant de limiter
l?ar,ficialisa,on des sols sur la base des recommanda,ons que le groupe de travail
du CEV, lancé à la mi-2018 dans le cadre du plan biodiversité, fera sur ce sujet.
12. Lancer d?ici le second semestre 2019 le groupe de travail du CEV rela,f au
rééquilibrage des redevances des Agences de l?eau avec pour objec,f de présenter
des mesures concrètes dans le cadre du PLF 2020.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 39
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 40
Annexes
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 41
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 42
Annexe 1 : État des lieux de la fiscalité
environnementale par grande
théma?que environnementale
1. Lu2er contre le changement clima?que (CO2 et autres gaz à effet de serre)
a. Enjeux et probléma?ques
L?effet de serre atmosphérique est dû aux gaz qui y sont présents, en par?culier la vapeur d?eau (H2O), le
dioxyde de carbone (CO2 ), le méthane (CH?), le protoxyde d?azote (N?O), l?ozone (O?) et les gaz fluorés,
d?origine industrielle. Ces gaz sont naturellement peu abondants dans l?atmosphère (sauf la vapeur d?eau,
présente en grande quan?té). Cependant, du fait de l?ac?vité humaine et de la consomma?on d?énergies
fossiles notamment, leur concentra?on s?est sensiblement accrue, amplifiant ainsi l?effet de serre.
La France et l?Union européenne ont pris des engagements importants de réduc?on des émissions de gaz à
effet de serre (GES) :
- le cadre énergie-climat 2030, qui a fait l?objet d?un accord au Conseil européen d?octobre 2014 et
cons?tue le nouveau socle des poli?ques européennes en ma?ère clima?que, prévoit une
réduc?on de 40 % des émissions de GES pour l?Union Européenne entre 1990 et 2030 (voir figure
5) ;
- la France s?est également engagée dans le cadre du Plan climat à a?eindre la neutralité carbone
d?ici 2050.
Le Plan climat ainsi que la Stratégie na?onale bas-carbone (SNBC) ont pour objec?f de fixer des
programmes d?ac?on concrets afin de pouvoir tenir l?ensemble des engagements de réduc?on des
émissions de GES auxquels la France a souscrit.
Figure 5 : Évolu,ons des émissions de GES dans l?UE et trajectoire objec,fs 2020-2030
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 43
b. Situa?on actuelle en France
Le CO2 représente 74 % des émissions françaises de GES produites par les ac?vités humaines (en tonnes
équivalent CO2)31. Le méthane représente quant à lui 13 % des émissions de GES, l?azote 9 % et les gaz
fluorés 6 %.
De manière globale, on note en France une baisse importante des émissions de GES des secteurs industriels
entre 1990 et 2014 (-23 %) mais une quasi-stagna?on sur la même période des émissions de GES des
ménages, du transport et de l?agriculture.
D?un point de vue général, depuis 1990 les émissions de GES ont baissé de 16,5 %. Cependant, la situa?on
est différente selon les GES (voir tableaux 1 et 2). On peut dès lors considérer que la baisse générale des
GES depuis 1990 est encourageante mais qu?elle est encore loin des objec?fs fixés par la France, ce qui
nécessite une poli?que publique ambi?euse en ma?ère de lu?e contre les émissions de GES.
Émissions 1990 (en
MteqCO2)
Émissions 2015 (en
MteqCO2)
Varia?on
constatée sur la
période
CO? 399.6 336.6 -16%
Protoxyde d?azote 66 41.3 -37%
Méthane 69.6 58.9 -15%
Gaz fluorés 11.8 20.3 72%
Tableau 1 : Évolu,on des émissions des GES en France 1990-2015
Tableau 2 : Émissions de GES en France en 2015 par secteur
31Les différents gaz ne contribuent pas tous à la même hauteur à l'effet de serre. En effet, certains ont un pouvoir de réchauffement
plus important que d'autres et/ou une durée de vie plus longue. La contribu?on à l'effet de serre de chaque gaz se mesure grâce au
pouvoir de réchauffement global (PRG). Le pouvoir de réchauffement global d'un gaz se définit comme le forçage radia?f (c?est-à-
dire la puissance radia?ve que le gaz à effet de serre renvoie vers le sol), cumulé sur une durée de 100 ans. Ce?e valeur se mesure
rela?vement au CO?.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 44
c. Ou?ls économiques mis en place
Sur les émissions de CO?
Au niveau européen, il existe le système d?échange des quotas d?émission de l?UE (ETS-UE). Celui-ci
fonc?onne selon le principe du plafonnement et des échanges. Un plafond est fixé pour limiter le niveau
total de certains gaz à effet de serre qui peuvent être émis par les installa?ons couvertes par le système. Ce
plafond va en diminuant dans le temps afin de faire baisser le niveau total des émissions. Dans les limites
de ce plafond, les entreprises reçoivent ou achètent des quotas d?émission qu?elles peuvent échanger avec
d'autres entreprises en fonc?on de leurs besoins. Elles peuvent également acheter un nombre limité de
crédits interna?onaux dégagés par des projets de réduc?on des émissions dans le monde en?er. C'est le
plafonnement du nombre total de quotas disponibles qui garan?t la valeur de ceux-ci. À la fin de chaque
année, chaque société doit res?tuer un nombre suffisant de quotas pour couvrir toutes ses émissions sous
peine de s'exposer à de lourdes amendes. Une entreprise qui a réduit ses émissions peut conserver
l?excédent de quotas pour couvrir ses besoins futurs ou bien les vendre à une autre entreprise qui en a
besoin.
En raison d?un excès de quotas, le prix du carbone sur ce marché est longtemps resté très faible (5 à
6¤/tCO?), mais le récent accord sur la réforme du marché carbone européen pour la période post-2010
devrait entraîner une hausse du prix. Toutefois, ce?e hausse ne sera probablement pas suffisante pour
a?eindre les prix recommandés pour inciter aux inves?ssements nécessaires pour limiter le réchauffement
à 2 °C. Lors du sommet One Planet, « les Ministres de l?environnement et du climat de France, Allemagne,
Royaume-Uni, Suède, Pays-Bas [avaient salué] le récent accord au niveau du Conseil sur la réforme du
marché d?échange de permis d?émission européen, qui devrait entraîner un relèvement du prix du carbone,
mais jugent néanmoins que des réformes supplémentaires seraient nécessaires au niveau européen pour
inciter les inves?sseurs et les entreprises à développer des modèles économiques compa?bles avec un
scenario de limita?on à 2 degrés du réchauffement clima?que. En conséquence, ils s?engagent à examiner
la mise en place d?un prix du carbone significa?f, voire, pour certains, à le me?re en place, dans les secteurs
per?nents. ». Un prix à 25 ou 30 ¤/tCO? perme?rait de rendre moins rentable les centrales à charbon par
rapport aux centrales au gaz et pourrait conduire à des réduc?ons d?émissions de 30 à 40 Mt/an s?il était
mis en place en France et en Allemagne.
Au niveau na?onal, la France s?est dotée d?une poli?que ambi?euse en ma?ère de tarifica?on du carbone,
avec la mise en place en 2014 de la contribu?on climat énergie (CCE) de la taxe intérieure de
consomma?on de produits énergé?ques (TICPE). La trajectoire de la CCE a été rehaussée par rapport à la
trajectoire votée lors de la loi de transi?on énergé?que pour une croissance verte (LTECV). Elle a?eint
44,4 ¤/tCO? en 2018 et sera de 86,2 ¤/tCO? en 2022 (voir figure 6). Ce?e augmenta?on du prix du carbone
contribuera à contenir les émissions à un niveau compa?ble avec la mise en oeuvre de l?Accord de Paris sur
le climat en procédant de la manière la moins distorsive et donc la moins coûteuse pour la collec?vité.
Figure 6 : Montants de la trajectoire carbone en LFI 2018 et comparaison avec ceux prévus par la LTECV
(2015)
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 45
Même si cet ou?l ambi?eux permet à la France de se posi?onner parmi les leaders européens en ma?ère
de fiscalité appliquée au carbone, il n?en demeure pas moins que de nombreux secteurs bénéficient de
mesures dérogatoires limitant dès lors l?effet de la composante carbone sur certaines ac?vités pourtant
fortement éme?rices de CO2 (transport de marchandises par exemple). Ainsi selon l?OCDE, en 2015, environ
45 % des émissions de CO2 liées à la consomma?on d?énergie avaient un niveau de taxa?on du carbone,
système de quotas européens inclus, égal à 0 ¤.
Les deux graphiques suivants de l?OCDE (figures 7 et 8) rappellent d?une part les taux de tarifica?on
spécifiques du carbone, et d?autre part les taux effec?fs sur le carbone (incluant en plus les impôts de
rendement assis sur les carburants).
Figure 7 : Part des émissions de CO? liées à la consomma,on d?énergie, selon le niveau de taxa,on à une
taxe carbone, OCDE, Taxing Energy Use ? année de référence : 2015
Figure 8 : Part des émissions de CO? liées à la consomma,on d?énergie, selon le niveau de taxa,on, OCDE,
Effec,ve Carbon Rates? année de référence : 2012
Par ailleurs, la hausse de la fiscalité carbone jusqu?en 2022 votée dans le cadre de la LFI 2018 impactera (ex
ante et toutes choses égales par ailleurs, notamment hors allégements d?autres fiscalités) le pouvoir
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 46
d?achat32 des ménages via leurs dépenses de chauffage et de carburants et notamment les ménages aux
revenus les plus faibles et ceux vivants dans des communes rurales (voir figures 9 et 10, issues de CEDD,
2018, « Un pacte fiscal écologique pour accélérer la transi?on écologique et solidaire »33).
Figure 9 : Disparités de l?impact des mesures de fiscalité énergé,que du PLF 2018 selon la zone d?habita,on
- Source : CGDD, modèle Prometheus, mars 2018
Figure 10 : Disparités de l?impact des mesures de fiscalité énergé,que PLF 2018 selon les revenus - Source :
CGDD, modèle Prometheus, mars 2018
Pour prendre en compte les impacts régressifs de ce?e fiscalité, des mesures d?accompagnement ont été
adoptées ou ont été renforcées : au-delà des ac?ons générales en faveur des ménages (revalorisa?on des
minima sociaux, hausse de la prime d?ac?vité, baisse des co?sa?ons salariales, suppression progressive de
la taxe d?habita?on), ces disposi?fs d?accompagnement ciblés ont pour objec?f d?éviter que ces mesures ne
pèsent sur le pouvoir d?achat des ménages, en par?culier les plus modestes, et de les soutenir
financièrement dans des ac?ons favorisant la transi?on écologique :
32Pour la méthodologie, voir « taxa?on indirecte, rece?es fiscales, pouvoir d?achat et bien être : quels sont les liens ? », note de
conjoncture de l?Insee de mars 2018, pages 61 à 63.
33Les résultats sont es?més par le CGDD à l?aide du modèle de microsimula?on Prometheus. Seule la par?e taxa?on est simulée,
sans prise en compte d?éventuelles compensa?ons.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 47
? Le « chèque énergie » a été généralisé à tout le territoire en 2018 en remplacement des actuels
tarifs sociaux de l?énergie, pour répondre aux probléma?ques de précarité énergé?que : il sera
versé automa?quement à quatre millions de ménages modestes, qui recevront en moyenne 150 ¤
pour les aider à payer leur facture énergé?que. Ce montant sera porté à 200 ¤/an en 2019. Le
chèque énergie ?ent compte des revenus et de la composi?on du ménage, sans favoriser certaines
sources d?énergie.
? Le crédit d?impôt transi?on énergé?que (CITE) a été maintenu en 2018 et recentré sur les ac?ons
les plus efficaces pour réaliser des économies d?énergie. Il sera transformé en 2019 en prime afin
que les ménages en bénéficient dès l?achèvement des travaux, ce qui perme?ra de résoudre les
problèmes de liquidité pour les ménages les plus modestes qui ne pouvaient pas avancer
l?intégralité du financement des travaux. Par ailleurs, le Gouvernement a renforcé l?effort de
l?Agence Na?onale de l?Habitat (Anah) en termes de lu?e contre la précarité énergé?que, en fixant
un objec?f de 75 000 logements rénovés (contre 40 000 en 2016) et en augmentant ses moyens.
? Pour financer leurs travaux de rénova?on lourde, les ménages propriétaires ou copropriétaires
peuvent également mobiliser un éco-prêt à taux zéro (aucun intérêt à rembourser) à hauteur de
30 000 ¤, sans condi?on de ressources, et cumulable avec le CITE depuis 2016. Malgré les
simplifica?ons apportées à ce disposi?f ces dernières années, l?IGF et le CGEDD notaient qu?il
restait "globalement peu mobilisé" par les ménages, en recul depuis sa créa?on (22 725 prêts en
2016 contre plus de 40 000 en 2011), "dans un contexte de taux bas et de faible appétence des
banques pour le produit".
? La prime à la conversion de véhicule a été renforcée pour faciliter le passage d?un vieux véhicule
polluant à une voiture à faible émissions : la prime existante à 1 000 ¤ sera étendue à tous les
ménages et perme?ra d?acheter des véhicules neufs ou d?occasion à faibles émissions (Crit?Air 0, 1
ou 2), et sera portée à 2 000 ¤ pour les ménages non-imposables. Dans le cas de l?achat d?un
véhicule électrique, la prime à la conversion sera de 2 500 ¤, auquel s?ajoutera un bonus dont le
montant est maintenu à 6 000 euros. Dans le même temps, le malus sur les véhicules les plus
polluants est renforcé. Ces mesures s?inscrivent dans une réflexion plus large pour favoriser la
mobilité propre, notamment du quo?dien, dont les conclusions des Assises de la mobilité
cons?tuent un axe essen?el.
Au total, les ménages bénéficient d?un peu plus de 4 Md¤ de subven?ons spécifiques, principalement au
moyen du CITE (1,6 Md¤), du taux réduit de TVA sur les travaux de rénova?on énergé?que (1,2 Md¤), des
aides de l?ANAH (0,8 Md¤) et du chèque-énergie (0,56 Md¤), et marginalement de l?éco-prêt à taux zéro
(51 M¤).
Sur les émissions des autres GES
En revanche, s?agissant des autres GES, il faut noter qu?il n?existe quasiment aucun instrument économique
significa?f perme?ant de limiter des émissions de GES autres que le CO2, à l?excep?on cependant des
émissions industrielles de protoxyde d?azote qui sont taxées dans le cadre de la taxe générale sur les
ac?vités polluantes (TGAP), ou du marché de quotas européen sur les HFC. Pour encadrer les quan?tés
mises sur le marché, le règlement européen rela?f aux gaz à effet de serre fluorés a prévu la mise en place
d'un système de quotas pour les producteurs et importateurs de plus de 100 tonnes par an de HFC, à
compter du 1er janvier 2015. Les premiers quotas ont été calculés sur la base des quan?tés mises sur le
marché entre 2009 et 2012 et la quan?té globale de HFC mis sur le marché est réduite progressivement :
93 % en 2016-2017, 63 % en 2018-2020? pour a?eindre 21 % en 2030.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 48
2. Réduire la pollu?on de l?air
a. Enjeux et probléma?ques
La plupart des ac?vités induisent des émissions dans l?atmosphère de substances néfastes pour
l?environnement et la santé. Ces polluants atmosphériques, qui se présentent sous la forme de gaz ou de
par?cules, peuvent être émis directement (oxydes d?azote, de soufre ou de carbone, poussières primaires,
métaux lourds, composés organiques vola?ls?) ou résulter de transforma?ons physico-chimiques des
substances émises.
Les conséquences de la pollu?on atmosphérique sont lourdes, tant pour la santé humaine, avec plusieurs
milliers de morts prématurées par an (voir ci-dessous), que sur le plan environnemental.
En effet, l'exposi?on des individus à la pollu?on de l?air aggrave la morbidité et induit une mortalité
prématurée à travers notamment ses effets sur les systèmes respiratoires et cardiovasculaires : un certain
nombre d?études épidémiologiques montrent que les polluants (surtout les oxydes d?azote et par?cules)
cons?tuent un facteur de risque sanitaire important, notamment pour les pathologies respiratoires
(asthme, bronchite, cancer des poumons) ou cardiovasculaires (infarctus du myocarde, angine de poitrine).
Ces effets peuvent se manifester à court-terme, suite à un pic de pollu?on (effets aigus) ou à long terme.
Plusieurs études men?onnent un ordre de grandeur d?un peu plus de 40 000 décès annuels en France liés à
la pollu?on de l?air34.
La pollu?on de l?air produit également des impacts sur les écosystèmes causés par l?acidifica?on de l?air et
l?eutrophisa?on. Ainsi, certains polluants, lessivés par la pluie, contaminent les sols et l?eau, perturbant
l?équilibre chimique des végétaux. D?autres, en excès, peuvent conduire à une modifica?on de la répar??on
des espèces et à une érosion de la biodiversité.
Les objec?fs en ma?ère de qualité de l?air sont de deux types : les objec?fs de réduc?on des émissions
na?onales de polluants et les objec?fs de concentra?on locale de polluants.
Concernant les émissions, des plafonds d?émission sur plusieurs agents polluants - dioxyde de soufre (SO2),
oxydes d?azote (NOx), composés organiques vola?ls (COV) et ammoniac (NH3) - ont été introduits par
l?Union européenne en 2001 via la direc?ve Na,onal Emission Ceilings (NEC) 2001/81/EC, révisée en 2016
(2016/2284/UE). Au niveau na?onal, ces objec?fs se déclinent au travers du plan na?onal de réduc?on des
émissions de polluants atmosphériques (PREPA) instauré par l?ar?cle 64 de la loi rela?ve à la transi?on
énergé?que pour la croissance verte.
Concernant les concentra?ons locales de polluants, les direc?ves 2004/107 et 2008/50 CE fixent les normes
sanitaires en ma?ère de concentra?ons atmosphériques à respecter pour plusieurs substances polluantes
dans le but d?éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs sur la santé humaine. Cela se traduit par
l?obliga?on de surveiller la qualité de l?air suivant des exigences fixées au niveau communautaire,
d?informer les popula?ons sur la qualité de l?air et de me?re en oeuvre des plans d?ac?on dans les zones où
des dépassements des concentra?ons en polluants sont observés afin qu?elles soient respectées dans les
délais les plus courts.
Enfin, ces réglementa?ons sont déclinées et complétées par des ac?ons locales (Plan par?cules 2010,
Schéma régional climat, air, énergie?).
34Projet Clean air for Europe, 2005 ; Santé Publique France, 2016 ; Agence européenne de l?environnement, 2012.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 49
b. La situa?on actuelle en France
Les principaux éme?eurs de polluants atmosphériques sont différents selon le type de pollu?on
considérée. La répar??on des émissions par polluant et par secteur est décrite dans le tableau ci-dessous.
Transforma?on
d?énergie
Industrie
manufacturière
Résiden?el
- ter?aire
Agriculture
-
sylviculture
Transports
rou?ers
Autres
transports
PM10 1 % 26 % 31 % 27 % 13 % 2 %
PM2,5 2 % 20 % 48 % 11 % 17 % 2 %
PM1,0 2 % 10 % 66 % 4 % 16 % 2 %
Oxydes d?axote
(NOx)
6 % 12 % 11 % 9 % 56 % 6 %
Composés
organiques
vola?les non
méthaniques
(COVNM)
5 % 35 % 46 % 3 % 9 % 2 %
Dioxyde de
soufre (SO2)
35 % 45 % 17 % 1 % < 1 % 2 %
Ozone (O3) n.d. n.d. n.d. n.d. n.d. n.d.
Monoxyde de
carbone (CO)
1 % 35 % 42 % 5 % 13 % 4 %
Hydrocarbures
aroma?ques
polycycliques
(HAP)
7 % 3 % 65 % 10 % 14 % 1 %
Ammoniac (NH3) < 1 % 1 % < 1 % 98 % < 1 % 0 %
Métaux lourds n.d. n.d. n.d. n.d. n.d. n.d.
Benzène (C6H6) 10 % 58 % 4 % 28%
Tableau 3 : Répar,,on des émissions primaires des polluants par secteur en France en 2015 ? source : DG
Trésor d?après les données du Centre interprofessionnel technique d?études de la pollu,on atmosphérique
(CITEPA)
Le bilan de la qualité de l?air en France en 2016 confirme la tendance amorcée il y a plusieurs années
d'améliora?on globale de la qualité de l?air, sous l?effet des plans et mesures engagés par le Gouvernement,
mais souligne la nécessité de poursuivre l?ac?on dans les zones par?culièrement touchées par la pollu?on
atmosphérique.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 50
On note ainsi une diminu?on globale des concentra?ons de polluants dans l?air ambiant : depuis 2000, en
situa?on de fond, les concentra?ons moyennes annuelles en dioxyde de soufre (SO2) ont baissé d?environ
80 %, celles en dioxyde d?azote (NO2) et en par?cules fines (PM10) d?environ 30 %. En revanche, les teneurs
moyennes es?vales en ozone (O3), très dépendantes des condi?ons météorologiques et du transport
longue distance de polluants, n?évoluent pas de façon significa?ve. Par ailleurs, les concentra?ons
moyennes na?onales ne sont que faiblement significa?ves : elles masquent des disparités très importantes
en fonc?on des zones géographiques, des sources locales d?émission et du moment de l?année. Malgré la
baisse globale des émissions au niveau na?onal, des situa?ons demeurent ainsi localement préoccupantes,
avec des teneurs de polluants dans l?air ponctuellement très élevées, voire durablement orientées à la
hausse. Dans certaines zones (Ile-de-France, Vallée de l?Arve, Grenoble, Marseille?), les concentra?ons de
dioxyde d?azote, de par?cules fines ou d?ozone dépassent de manière récurrente les valeurs limites fixées
par l?Union européenne.
c. Ou?ls fiscaux mis en place
D?un point de vue fiscal, la lu?e contre la pollu?on de l?air se traduit par plusieurs mesures sectorielles.
Concernant le domaine du transport, deux ou?ls sont conjugués : les mesures visant à encourager l?achat
de véhicules moins polluants et les mesures portant sur la consomma?on de carburants.
Il existe des mesures fiscales incita?ves en faveur des véhicules moins polluants (véhicules électriques, gaz
de pétrole liquéfié ou gaz naturel pour véhicules). Le gaz de pétrole liquéfié (GPL) est ainsi beaucoup moins
éme?eur de NOX et de par?cules qu?un véhicule diesel et bénéficie d?un taux de taxes quatre fois inférieur
à celui du gazole, à contenu énergé?que équivalent. De façon analogue, le gaz naturel pour véhicules
(GNV), très faiblement éme?eur, bénéficie d?un taux de TICPE réduit, 13 fois plus faible que celui de
l?essence à contenu énergé?que équivalent. En complément, des aides à l?achat de véhicules par?culiers
« propres » ont été introduites dès 2001 sous la forme d?un crédit d?impôt pour les par?culiers, puis sous
forme de bonus (jusqu?à 6 000 ¤ pour l?achat d?un véhicule électrique) pouvant être cumulé à une prime à
la conversion (jusqu?à 2 500 ¤) si cet achat s?accompagne de la destruc?on d?un véhicule ancien (diesel
d?avant 200135 ou essence d?avant 1997). Par ailleurs, les professionnels bénéficient d?un suramor?ssement
pour les véhicules à motorisa?on GNV et des aides directes à l?acquisi?on ont été accordées par l?Ademe en
2016 et 2017 pour ces mêmes véhicules. Enfin, la taxe sur les véhicules de société est différen?ée selon le
niveau de polluants émis par les véhicules d?une part et leurs émissions de CO2 d?autre part. Les véhicules
les plus âgés (et donc les plus polluants) et éme?ant le plus de CO2 au km parcouru s?acqui?ent ainsi d?une
taxe annuelle plus importante (jusqu?à 5 100 ¤) que les véhicules plus récents et moins éme?eurs de CO2
(les véhicules électriques en sont par exemple exonérés).
Par ailleurs, la consomma?on de carburants est soumise à une taxe sur le volume consommé (taxe
intérieure de consomma?on des produits énergé?ques - TICPE). Le ra?rapage de fiscalité sur les carburants
entre le gazole et l?essence qui abou?ra d?ici la fin du quinquennat cons?tue ainsi une mesure perme?ant
de lu?er contre la pollu?on de l?air. En effet, le gazole étant source d?émissions de polluants
atmosphériques plus importants que l?essence, il était incohérent d?un point de vue écologique que le
gazole bénéficie d?un avantage fiscal favorisant sa consomma?on.
35D?avant 2006 pour les ménages non imposables.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 51
CCE (¤/tCO?)
TICPE
essence
(c¤/L)
TICPE
diesel (c¤/L)
sans
convergence
TICPE
diesel (c¤/L)
avec
convergence
2017 30,5 65,074 53,1 53,1
2018 44,6 68,289 56,8 59,4
2019 55,0 70,660 59,6 64,7
2020 65,4 73,031 62,4 70,1
2021 75,8 75,402 65,1 75,4
2022 86,2 77,774 67,9 78,2
Tableau 4 : Évolu,on de la TICPE pour le diesel et l?essence
Cependant, la TICPE couvre imparfaitement la consomma?on de carburants. En effet, le transport de
marchandises et de voyageurs bénéficie d?un remboursement par?el de TICPE ; de même les engins
agricoles et le BTP bénéficient d?un taux réduit de TICPE pour le gazole non rou?er, la TICPE est
par?ellement remboursée aux agriculteurs et le transport fluvial de marchandise en est totalement
exonéré. Plus généralement, la Cour des comptes, dans son rapport de décembre 2015 rela?f aux
poli?ques publiques en ma?ère de lu?e contre la pollu?on de l?air, indique que les mesures actuelles de
taxa?on des véhicules de transport, non spécifiques à la lu?e contre la pollu?on de l?air, sont en tout état
de cause très insuffisantes pour perme?re l?internalisa?on des effets néga?fs des polluants émis par le
secteur des transports, notamment celui des poids lourds. Il convient cependant de signaler que la taxa?on
des carburants au niveau na?onal comporte un risque de fuite d?assie?e, ce qui plaide pour une
harmonisa?on à l?échelle européenne.
Il existe également un ou?l fiscal en ma?ère d?émission de polluants atmosphériques d?origine industrielle
(la taxe générale sur les ac?vités polluantes (TGAP) pour sa composante « émissions polluantes »). Ce?e
taxe est due par les industries éme?rices lorsque les rejets dans l?atmosphère de certains polluants
dépassent des seuils. La taxe est alors due sur la quan?té de polluants émis dépassant ces seuils.
3. Réduire la pollu?on de l?eau
a. Enjeux et probléma?ques
Les ac?vités humaines sont à l?origine de rejet dans le cours d?eau de plusieurs polluants, soit directement,
soit par infiltra?on dans les nappes phréa?ques. Ces polluants entraînent des réac?ons chimiques de
modifica?on des eaux et peuvent conduire à des phénomènes d?eutrophisa?on. Les impacts de ces
pollu?ons sont doubles : d?une part en termes de modifica?on des écosystèmes et d?appauvrissement de la
biodiversité (phénomène des algues vertes par exemple), d?autre part, en termes de potabilité de l?eau
puisque les pollu?ons de l?eau nécessitent de la traiter chimiquement afin qu?elle puisse être propre à la
consomma?on humaine.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 52
Plusieurs réglementa?ons européennes ont pour objec?f de limiter ce type de pollu?on :
- la direc?ve « Nitrates » de 1991 qui a pour objec?f de réduire la pollu?on des eaux par les nitrates
d?origine agricole. En France, elle se traduit par la défini?on de territoires (les zones vulnérables) où
sont imposées des pra?ques agricoles par?culières pour limiter les risques de pollu?on (le
programme d?ac?on). Ces territoires et ce programme d?ac?on font régulièrement l?objet
d?actualisa?on ;
- la direc?ve-cadre sur l?eau de 2000 qui vise à prévenir et réduire la pollu?on de l'eau, promouvoir
son u?lisa?on durable, protéger l'environnement, améliorer l'état des écosystèmes aqua?ques et
a?énuer les effets des inonda?ons et des sécheresses ;
- le règlement européen de 2004 sur les détergents qui prévoit des ac?ons pour limiter les
phosphates et les composés du phosphore sont introduites pour les détergents des?nés aux
consommateurs.
A côté de cela existent aussi des plans na?onaux sur certains polluants. Ainsi, les plans Ecophyto I et
Ecophyto II ont pour objet de limiter l?u?lisa?on de produits phytosanitaires. Le plan Ecophyto 2, réaffirme
l?objec?f de réduc?on de 50 % du recours aux produits phytosanitaires en France d?ici 2025, en deux
phases : une baisse de 25 % d?ici 2020 et une réduc?on supplémentaire de 25 % d?ici 2025.
Enfin, le « plan na?onal micropolluants », a été élaboré pour la période 2016-2021 pour réduire les
émissions de polluants et préserver ainsi la qualité des eaux et la biodiversité. Il a pour but de protéger à la
fois les eaux de surface con?nentales et li?orales, les eaux souterraines, le biote, les sédiments et les eaux
des?nées à la consomma?on humaine, afin de répondre aux objec?fs de bon état des eaux fixés par la
direc?ve cadre sur l?eau (DCE) et par?cipe également à ceux de la direc?ve cadre stratégie pour le milieu
marin (DCSMM) en limitant l?apport de polluants via les cours d?eau du milieu marin.
b. Situa?on en France
L?examen de la qualité de l?eau en France montre globalement une régression des pollu?ons depuis la
créa?on des agences de l?eau il y a 50 ans. En 2015, 75 % de la pollu?on de l?eau due aux nitrates et 70 %
de la pollu?on due à l?usage de pes?cides est d?origine agricole. En termes de consomma?on des produits
phytosanitaires, après avoir fortement baissé sur la période 1997-2009, en raison notamment d?un
moindre recours aux fongicides, la consomma?on de pes?cides est stable depuis. Ce?e situa?on peut
s?expliquer par l?évolu?on du prix des intrants, de la pression parasitaire ou des pra?ques culturales
(assolement notamment). Elle peut également refléter l?usage de pes?cides plus efficaces à faibles doses.
Des indicateurs complémentaires ont été mis en place pour traduire l?intensité du recours de l?agriculture
aux pes?cides : le nombre de doses unité (NODU) et l?indice de fréquence de traitement. Ainsi, la moyenne
triennale du NODU augmente de 5 % entre les périodes 2009-2011 et 2011-2013. De même, entre 2006 et
2011, le nombre total moyen de traitements phytosanitaires a peu évolué pour les régions pour lesquelles
ce?e analyse peut être effectuée.36.
En 2015, sur 53 % des points de mesure de la qualité des eaux de surface, la norme de qualité nécessaire
pour l?eau potable est dépassée. C?est aussi le cas dans 31 % des nappes souterraines. Si entre 2009 et
2014, une légère baisse de la présence de pes?cides dans les cours d?eau a été démontrée (figure 11), ce
phénomène est principalement dû aux interdic?ons de certains pes?cides. En effet, pour les pes?cides dont
l?usage est toujours autorisé, la situa?on est plus nuancée.
36CGDD, « L?eau et les milieux aqua?ques ? chiffres clés », février 2016.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 53
Figure 11 : Évolu,on d?usage de pes,cides sur la période 2009-2014
D?un point de vue des nitrates, leurs concentra?ons augmentent jusqu?au début des années 2000, se
stabilisent sur la décennie 2000-2010, et semblent décroître depuis. Il existe néanmoins des disparités
régionales avec des améliora?ons observées pour certaines nappes alors que d?autres con?nuent à se
dégrader. De même, bien que dans certaines régions, des améliora?ons aient été notées, elles restent
insuffisantes. Ainsi en Bretagne, les taux constatés sont redescendus à leur niveau proche des années 80,
mais se situent à un peu plus de 30 mg/l. La situa?on dès lors peut être délicate : alors qu?au-delà du seuil
de 25 mg/l la potabilisa?on de l?eau devient difficile, la présence de nitrates à des concentra?ons
supérieures à ce seuil affecte 43 % de la superficie de la métropole (figure 12). Seul 27 % de la superficie de
la France, cons?tuée majoritairement par la haute montagne et les territoires avec un sol sablo-argileux,
témoigne d?une quasi-absence de pollu?on.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 54
Figure 12 : Concentra,on moyenne en nitrates dans les eaux souterraines par unité hydrogéologique en
2014
Au-delà des dommages écologiques qu?elle génère, la pollu?on par les nitrates d?origine agricole induit
également un ensemble de coûts économiques directs : coûts des traitements cura?fs de potabilisa?on et
d?épura?on compris entre 220 et 510 M¤ par an, achats d?eau en bouteille par les ménages par crainte
d?une trop forte teneur en nitrates de l?eau du robinet es?més à 55 M¤ par an, coûts de ne?oyage des
algues vertes sur les li?oraux et pertes locales d?ac?vité touris?que37.
c. Ou?ls fiscaux mis en place
En ma?ère de lu?e contre la pollu?on de l?eau, la France applique le système « pollueur-payeur », au
travers des redevances des Agences de l?eau. Ainsi, ceux qui sont à l?origine des principales pollu?ons de
l?eau (agriculture, collec?vités territoriales, industries, par?culiers?) contribuent, via des redevances liées
aux usages ou aux pollu?ons, au financement des poli?ques publiques mises en oeuvre par les Agences de
l?eau en ma?ère de lu?e contre la pollu?on de l?eau.
Néanmoins, la Cour des comptes a démontré que ce principe n?a pas été suffisamment strictement
appliqué, les plus pollueurs n?étant pas ceux qui contribuaient le plus38. Ainsi, en 2013, 87 % des redevances
perçues par les agences étaient supportées par les usagers domes?ques et assimilés, 6 % par les
agriculteurs et 7 % par l?industrie. Quand bien même la contribu?on du monde agricole au moyen des
redevances pour pollu?on est passée de 1 % à 6 % entre 2005 et 2015, elle reste très inférieure à
37V. Marcus, O. Simon (2015) : « Les pollu?ons par les engrais azotés et les produits phytosanitaires : coûts et solu?ons - Études et
documents n° 136 ? CGDD.
38Cour des comptes, Rapport public annuel, février 2015.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 55
l?importance de ce secteur quant aux coûts environnementaux causés par les pollu?ons qui leur sont
directement imputables. Les redevances acqui?ées par l?agriculture semblent ainsi peu incita?ves.
Enfin, il faut noter une quasi-absence de fiscalité sur les rejets agricoles d?azote dans l?eau. Il existe une
redevance « élevage » acqui?ée uniquement par les plus grands élevages. Ainsi, en 2015, seul 5 % des
élevages en France étaient concernés par ce?e taxe. En revanche, aucune fiscalité n?existe sur l?u?lisa?on
des engrais azotés de synthèse pour les cultures.
4. Engager la transi?on vers l?économie circulaire (notamment déchets et ressources)
a. Enjeux, probléma?ques
Le modèle linéaire « fabriquer, consommer, puis jeter » appliqué depuis des décennies dans notre société,
accompagné d?une hausse de la consomma?on de biens et de services se traduit nécessairement par une
u?lisa?on de plus en plus importante de ressources non renouvelables et de leur épuisement. Face à
l?impossibilité de renouveler ces ressources, il est nécessaire de promouvoir des modes de consomma?on
plus sobre, un allongement de la durée de vie des produits et une réu?lisa?on de nos déchets.
En ma?ère d?économie circulaire, la France a besoin de largement progresser. Le taux de valorisa?on des
déchets ménagers et assimilés était en 2014 de 39 %, un taux très inférieur à celui de nos voisins allemands
(65 %) ou belges (50 %). Le reste, composé pour moi?é de déchets organiques, est donc incinéré ou mis en
décharge ce qui engendre des nuisances locales ainsi qu?un gaspillage énergé?que incompa?ble avec nos
objec?fs clima?ques. Sur le plas?que les taux de collecte plafonnent. 20 % des emballages plas?ques sont
effec?vement recyclés quand la moyenne européenne est de 30 %. Le taux de collecte des bouteilles en
plas?que est en moyenne de 55 % alors que dans les pays nordiques plus de 90 % des bouteilles en
plas?que sont recyclées.
b. Ou?ls fiscaux mis en place
Quatre ou?ls sont principalement mis en oeuvre. D?une part, la TGAP « Déchets » taxe les installa?ons de
traitement des déchets en fonc?on des modes de traitement de ceux-ci. Les taux sont fixés selon une
trajectoire qui a été révisée dans le cadre du PLF 2018 (hausse des taux et poursuite de la trajectoire sur la
période 2017-2025).
D?autre part, le service public des déchets ménagers et assimilés, en charge des opéra?ons de collecte et de
traitement des déchets, est géré et financé par les collec?vités selon deux modalités principales : soit au
travers de la taxe d?enlèvement des ordures ménagères (TEOM), assise sur la taxe foncière sur les
propriétés bâ?es, et collectée auprès des propriétaires, que ces derniers peuvent répercuter sur les
occupants de leur bien de façon addi?onnelle au montant du loyer d?occupa?on, soit au travers la
redevance d?enlèvement des ordures ménagères (REOM) perçue auprès des occupants d?immeubles. La
TEOM reste prépondérante avec deux ?ers des communes françaises concernées représentant 90 % de la
popula?on. Le service public rela?f aux déchets ménagers et assimilés concerne la ges?on des déchets, qui
intègre tant leur collecte que leur traitement. Dans le cas de la REOM, les coûts sont connus et facturés à
chaque ménage et le financement est directement lié au service rendu, à travers un budget séparé,
équilibré en dépenses et en rece?es. En revanche dans le cas de la TEOM, il n?y a pas de lien direct entre
rece?es et dépenses. Cependant, le produit de la TEOM (et donc indirectement le taux qui en découle) ne
doit pas être manifestement dispropor?onné au montant des dépenses exposées par la commune pour
assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et non couvertes par des rece?es non
fiscales.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 56
Enfin, la France a mis en place depuis 2012 un mécanisme de tarifica?on incita?ve des déchets ménagers.
Ce?e tarifica?on incita?ve, faculta?ve, permet aux collec?vités qui la me?ent en place de faire varier le
montant de la taxe due au ?tre de l?enlèvement des ordures ménagères en fonc?on du poids ou du volume
de déchets réellement produit par chaque ménage. Les déchets triés ne sont pas compris dans l?assie?e de
la taxe. D?un point de vue de l?efficacité de ce mécanisme, on constate dans les communes ayant mis en
place une tarifica?on incita?ve des déchets une baisse sensible de la collecte d?ordures ménagères
résiduelles (OMR) et une hausse des tonnages triés (verres, papiers emballages?). Ainsi, le basculement
vers une tarifica?on incita?ve peut entraîner une baisse de 30 % des OMR39.
Sans être un ou?l fiscal à proprement parler, il est u?le de préciser qu?il existe également des filières dites
« responsabilité élargie du producteur » (REP) qui ont pour objec?f d?obliger les professionnels à par?ciper
à la ges?on et au traitement des produits qu?ils commercialisent, une fois ceux-ci mis au rebut par leurs
clients. Ce?e par?cipa?on se traduit notamment par le biais des « éco-par?cipa?ons », c?est-à-dire d?un
montant prélevé sur des produits vendus par des professionnels pour lesquels une filière REP a été mise en
place (produits informa?ques par exemple).
5. Préserver la biodiversité et lu2er contre l?ar?ficialisa?on des sols
a. Enjeux et probléma?ques
La transforma?on des espaces naturels supports de milieux vivants par leur ar?ficialisa?on est la principale
cause de perte de biodiversité. Ces espaces naturels sont également soumis à de nombreuses pollu?ons
(de l?eau et de l?air), mais aussi à la surfréquenta?on touris?que. C?est notamment vrai pour les espaces
li?oraux et certains sites de montagne. Ce?e sur fréquenta?on peut nuire au bon fonc?onnement des
écosystèmes de diverses manières : dérangement et modifica?ons comportementales de la faune,
pié?nement et prélèvement de la flore, érosion des sols, pollu?on?
b. Situa?on en France
En France, environ 60 000 ha/an sont ar?ficialisés qui proviennent pour 70 % de terres agricoles et 30 %
d?espaces naturels. Entre 2006 et 2014, la des?na?on des sols ar?ficialisés est la suivante :
? 46 % : logements individuels, dont la moi?é en jardins ;
? 16 % : réseaux de transport ;
? 8 % : bâ?ments agricoles, aires de stockage et chemins d?exploita?on ;
? 6 % : chan?ers et ac?vités de construc?on ;
? 5 % : sports et loisirs ;
? 4 % : commerces ;
? 3 % : logements collec?fs.
39A. Gal?er, septembre 2016, « Déchets ménagers : efficacité de la tarifica?on incita?ve », CGDD, Théma essen?el.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 57
En France, les zones ar?ficialisées occupent près de 5,16 millions d?hectares en 2015, soit environ 9,4 % de
la métropole. En 2014, la moi?é de ces zones ar?ficialisées correspondait à des sols revêtus ou stabilisés
(routes, parkings?).
Le rythme d?ar?ficialisa?on ne s?explique pas toujours par la croissance de la popula?on. Ce?e
décorréla?on de l?ar?ficialisa?on vis-à-vis de l?évolu?on démographique des territoires est clairement
désignée par les chiffres de l?environnement 2016 ainsi que par l?étude « Thema ar?ficialisa?on, de la
mesure à l?ac?on » (janvier 2017) qui observe effec?vement que « l?ar?ficialisa?on augmente avec la
popula?on mais ne diminue pas avec elle » (p.16). Ainsi, près de 20 % de la surface ar?ficialisée entre 2006
et 2013 se situe dans des communes dont la popula?on décroît. En outre, 40 % de la surface ar?ficialisée
se produit dans des communes en couronne de grands pôles et 25 % dans des communes hors aires
urbaines.
Enfin, parmi les 29 pays de l?OCDE, la France se dis?ngue par une ar?ficialisa?on soutenue sous forme de
mitage. Elle a?eint ainsi le 5ème rang pour la part de la popula?on résidant à l?extérieur du centre urbain et
le 9ème rang pour le nombre de fragments par km².
c. Ou?ls fiscaux mis en place
En ma?ère de préserva?on de la biodiversité et de lu?e contre l?ar?ficialisa?on des sols, l?ou?l fiscal est
actuellement peu mobilisé en France. En effet, actuellement, il n?existe pas de disposi?f fiscal obligatoire
ayant explicitement pour objec?f d?internaliser les coûts environnementaux liés à la destruc?on d?espaces
bio?ques. En revanche, les ac?vités qui induisent la perte ou la dégrada?on d?espaces bio?ques terrestres
sont très réglementées.
S?agissant des ou?ls en faveur d?une ges?on durable de la faune et de la flore, il existe des exonéra?ons de
taxe foncière pour certains sites (Natura 2000, coeur de Parc na?onal), couplée à des exonéra?ons de droits
de muta?on. S?ils ont pu être déterminants dans les débats locaux pour la mise en oeuvre de ces sites, ces
mécanismes restent en revanche insuffisants pour assurer dans le temps le main?en de la protec?on de ces
espaces naturels.
De manière générale, la fiscalité appliquée aux espaces naturels par rapport à d?autres types
d?inves?ssement est moins avantageuse de par la nature même de la fiscalité appliquée (la fiscalité foncière
ne s?appliquant pas par nature sur des inves?ssements sur les marchés financiers par exemple) et les
récentes réformes de la fiscalité des revenus de l?épargne ont accentué ce désavantage de la fiscalité
appliquée aux espaces naturels, rendant les rendements financiers d?espaces naturels moins anrants
fiscalement par rapport à d?autres inves?ssements.
En ma?ère d?ar?ficialisa?on des sols, il n?existe qu?un seul ou?l qui puisse être véritablement considéré
comme tel. Le versement pour sous-densité permet ainsi à une commune de taxer les construc?ons
lorsqu?elles ne respectent pas un seuil de densité défini dans la commune. À ce jour, cet ou?l faculta?f n?a
été mis en oeuvre que dans une vingtaine de communes en France et il est difficile de ?rer des conclusions
quant à son efficacité. Toutefois, des études40 ont démontré que l?u?lisa?on de ce mécanisme pourrait
avoir un impact posi?f en termes de limita?on de l?ar?ficialisa?on des sols.
40Cf. Point Climat, mai 2014, I4CE : « Le versement pour sous densité : analyse d?un ou?l de densifica?on urbaine et premiers
retours d'expériences ».
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 58
Annexe 2 : Données compara?ves de la
fiscalité environnementale en France et
dans le reste de l?Europe
Figure 13 : Part de la fiscalité énergé?que par contributeur dans les pays de l?UE
Source : Eurostat
NDL : Pour la France, la part « ménages » (households) comprend également les entreprises individuelles.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 59
Figure 14 : Part de la fiscalité transport par contributeur dans les pays de l?UE
Source : Eurostat
NDL : Pour la France, la part « ménages » (households) comprend également les entreprises individuelles.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 60
Figure 15 : Montant des taxes environnementales par habitants dans les pays de l?UE
(en euros/habitant)
Source : Calculs internes d?après données Eurostat
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? - 61
Tableau 5 : U?lisa?on des rece2es des taxes sur la consomma?on d?énergie dans certains pays membres de l?OCDE (2016)
Rece2e
(en M¤)
Part affectée
Montant affecté par catégorie (en M¤)
Redistribu?on aux
collec?vités
territoriales
Infrastructures
rou?ères
Dépenses
environnementales
Dépenses
d?améliora?on de
l?efficacité
énergé?que
Autres (dont
redistribu?on vers
ménages ou
entreprises)
Allemagne 40 100 0 %
Autriche 12 091 13 % 1 576
Belgique 5 064 8 % 33 350
Danemark 3 019 99 % 2 994
Espagne 10 785 0 %
Estonie 489 0 %
France 25 910 49 % 12 093 715
Grèce 4 052 0 %
Hongrie 2 079 0 %
Irlande 2 179 0 %
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 62
Italie 29 450 0 %
Le2onie 504 0 %
Luxembourg 876 79 % 556 135
Pays-Bas 11 407 29 % 3 316
Pologne 7 421 13 % 940
Portugal 3 093 23 % 683 21
République
Tchèque
3 289 8 % 265
Royaume-Uni 34 406 1 % 10 234
Slovaquie 1 214
Slovénie 993
Suède 2 488 100 % 2488
Source : OCDE
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 63
Tableau 6 : U?lisa?on des rece2es des taxes sur le carbone dans les pays de l?UE (2016)
Rece2e
(en M¤)
Part affectée
Montant affecté par catégorie (en M¤)
Ménages
(sous forme de
réduc,on de PO)
Entreprises
(sous forme de
réduc,on de PO)
Dépenses
environnementales
Dépenses
d?améliora?on de
l?efficacité
énergé?que
Redistribu?on aux
électro intensifs et
risques fuite carbone
Danemark 480 99 % 476
France 3 800 79 % 3 000
Finlande 1 402 100 % 1 402
Irlande 434 100% 384 50
Le2onie 1 0 %
Portugal 134 100 % 119 15
Royaume-Uni 1 272 0 %
Slovénie 124 0 %
Suède 2 549 100% 2 549
Source : OCDE
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 64
Tableau 7 : U?lisa?on des rece2es de l?ETS-UE dans les pays de l?UE (2016)
Rece?e
(en M¤)
Part
affecté
e
Montant affecté par catégorie (en M¤)
Dépenses
d?améliora?on
de l?efficacité
énergé?que
Sou?en au
développemen
t des énergies
renouvelables
Sou?en
aux
mobilités
durables
Subven?ons
en R&D
Dépenses en
faveur de la
protec?on et
conserva?on
de la
biodiversité
Redistribu?on
aux électro
intensifs et
risques fuite
carbone
Autres dépenses
environnementale
s
Baisse
des PO
Allemagne 850 189 %* 844 80 200 131 11 244 96
Autriche 79 89 % 28 28 6 8
Belgique 108 19 % 20
Danemark 54 39 % 21
Espagne 369 100 % 26 342 0.2
Estonie 24 51 % 11 1 0.1
France 235 100 % 235
Grèce 148 100 % 19 129
Hongrie 64 80 % 37 3 10
Irlande 40 100 % 13 26 1
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 65
Italie 412 28 % 68 4 40 3 0.03 2
Le?onie 12 65 % 7 0.2
Luxembourg 5 0 %
Pays-Bas 143 50 %
Pologne 136 47 % 64
Portugal 75 100 % 3 1 64 1 10
République
Tchèque
117 105 %* 63 59 2
Royaume-Uni 423 92 % 306 81 0.2
Slovaquie 65 39 % 15 0.4 10 0.1
Slovénie 19 143 %* 8 16 3 0.03
Suède 39 0 %
Source : OCDE
* Pour l?Allemagne, la Slovénie et la République Tchèque, les montants affectés reportés auprès de l?OCDE sont supérieurs au montant total des revenus
provenant du marché de quota. Pour l?Allemagne, cela est expliqué par le fait que le Fond de rénova,on énergé,que auquel est versé une par,e de ces
rece-es a été abondé par l?État en 2016 pour couvrir le montant des dépenses de ce fond. Pour la Slovénie et la République Tchèque, pas d?explica,ons
fournies.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 66
Annexe 3 : Commentaires des par?es
prenantes
Quoique le présent rapport ait, dans la mesure du possible, pris en compte les observa,ons des par,es
prenantes, celui-ci a été établi sous la responsabilité des deux coprésidents (Mme Bénédicte Peyrol et M.
Dominique Bureau). Certaines par,es prenantes ont souhaité faire part de leurs commentaires, ceux-ci sont
rassemblés ci-dessous.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 67
Commentaire de l?AFEP
L?Afep considère que la fiscalité environnementale doit être spécifiquement consacrée à l?a?einte d?un
objec?f environnemental qui puisse être mis en oeuvre par une modifica?on des comportements associée à
la disponibilité technique et économique de solu?ons environnementales plus performantes que dans la
situa?on ini?ale. L?évolu?on de la fiscalité écologique doit donc faire l?objet d?un double examen : est-elle le
meilleur moyen de faire évoluer les comportements et les autres ou?ls à la disposi?on des pouvoirs publics
et des agents économiques tels que les engagements volontaires, la réglementa?on, la forma?on, etc ? ne
sont-ils pas préférables et plus efficaces ? Comment ce?e évolu?on s?intègre-t-elle avec les objec?fs
économiques du gouvernement soutenus par les entreprises de rétablissement des finances publiques, de
réduc?on des dépenses et de réduc?on des prélèvements obligatoires ?
Comme l?indique le rapport final en page 24 : « La fiscalité environnementale ne peut en effet se développer
si elle reste perçue comme un moyen de couvrir des impasses budgétaires ».
Il importe que le suivi de la fiscalité environnementale concerne non seulement le suivi des rece?es et leur
u?lisa?on mais surtout qu?il s?a?ache à l?évolu?on effec?ve des comportements et à l?a?einte réelle des
objec?fs environnementaux ini?alement visés par les mesures fiscales. Ce?e évalua?on est indispensable
et doit donner lieu soit à une évolu?on du calibrage de l?ou?l fiscal, soit à l?u?lisa?on d?un autre instrument
plus performant.
L?Afep sou?ent le besoin indispensable d?iso-fiscalité (baisse équivalente de la fiscalité de produc?on en cas
de hausse de la fiscalité environnementale) men?onné dans le rapport et rappelle la nécessité de baisser
les prélèvements obligatoires comme le Président de la République l?a prévu dans son programme.
L?Associa?on rappelle que les instruments fiscaux représentent un type d?instruments parmi d?autres
(règlement, quotas, normes?). Elle précise le besoin de conduire un diagnos?c ex ante pour chacun des
objec?fs environnementaux à a?eindre avant de choisir la fiscalité parmi l?ensemble des moyens
disponibles. Il convient notamment de privilégier des instruments qui puissent être compa?bles avec les
logiques et les contraintes d?inves?ssements généraux de l?ou?l de produc?on, qui s?imposent aux
entreprises selon leurs secteurs d?ac?vité.
Par ailleurs, l?Associa?on souligne le besoin d?éviter la superposi?on entre les différents instruments pour
une bonne lisibilité par les décideurs et le déclenchement des inves?ssements.
Pour conclure, l?Afep souligne l?intérêt des proposi?ons du rapport mais souligne ses fortes réserves sur 2
d?entre elles :
? Proposi?on 6 sur l?introduc?on dès le PLF 2019 de nouvelles mesures de fiscalité
environnementale : l?Afep es?me qu?il n?est pas opportun d?introduire une nouvelle fiscalité sur
les HFC dans la mesure où ces émissions sont déjà couvertes par le règlement « F Gases » ; il y
aurait superposi?on entre deux instruments et la taxe française serait de pur rendement, sans
effet environnemental ; une analyse partagée entre administra?on et industriels du
fonc?onnement du règlement européen des « F Gas » apparaît essen?elle dès la rentrée de
septembre 2018.
? Proposi?on 7 sur la mise en place d?un prix plancher du carbone pour le secteur de
l?électricité : l?Afep a souligné à de mul?ples reprises que ce?e mesure n?a pas été discutée au
sein du Comité pour l?économie verte ; elle a précisé que ce?e proposi?on, devant être mise en
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 68
oeuvre en dehors de la direc?ve ETS pour la période actuelle jusqu?à 2030, ne pouvait être
promue que sur la base d?études d?impacts convaincantes concernant son effet sur la réduc?on
des émissions de gaz à effet de serre, ses conséquences sur le prix de l?électricité et les moyens
de limiter ces conséquences prix pour les entreprises électro-intensives par?culièrement
soumises à la concurrence interna?onale.
Or, une étude néerlandaise vient de paraître en juillet 2018 précisant l?impact d?un prix
plancher, soit aux Pays-Bas uniquement, soit dans une coali?on de 5 pays (France + Allemagne
+ Benelux)
Dans sa planche 9, il est indiqué qu?un prix plancher dans la coali?on réduit les émissions dans
ces 5 pays de 97 MteCO?, mais que ces dernières augmentent de 82 MteCO? ailleurs. L?effet
net est de 15 MtCO?, ce qui n?est pas négligeable, mais pas à la hauteur des efforts (et du
coût). Une autre étude menée en 2017 par EWI précisait qu?un prix plancher à 30 ¤/t entraînait
en France une hausse du prix de l?électricité de 3-5 ¤/MWh et en Allemagne de 8-10 ¤/MWh. Il
convient d?évaluer l?impact de telles hausses.
L?Afep souhaite soit que le rapport rappelle dans ce?e proposi?on que ce2e proposi?on
nécessite une étude d?impacts avant de conclure favorablement à une telle op?on ; à défaut,
l?Associa?on demande que ce2e recommanda?on soit supprimée.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 69
Commentaire d?AMORCE
Amorce souhaite saluer ce travail approfondi de réflexion sur les fondamentaux de la fiscalité écologique.
L?associa?on souhaite également soutenir les proposi?ons visant à donner davantage de lisibilité y compris
pour le Parlement sur l'évolu?on des trajectoires de la fiscalité écologique mais aussi sur la trajectoire
d'u?lisa?on (au moins par?elle des rece?es) à son objet.
Cependant, Amorce ?ent à soulever certaines réserves. Ainsi, pour l'associa?on, les rece?es engendrées
par des taxes environnementales doivent principalement perme?re de financer des ac?ons, de modifier
des comportements, d'inciter dans le domaine environnemental concerné. Elles ne doivent pas avoir pour
principal objec?f de baisser les impôts sur la produc?on ou compenser la suppression de la taxe
d'habita?on ce qui risque de provoquer une réac?on de rejet par les popula?ons et des acteurs
économiques sur la fiscalité environnementale. Les collec?vités ne peuvent que regre?er une telle fiscalité
qui serait irrémédiablement perçue comme puni?ve.
Amorce constate d?ailleurs que la proposi?on d?alloca?on des 15 milliards d?euros de rece?es générées par
la fiscalité carbone à la mise en oeuvre des poli?ques territoriales de lu?e contre le changement clima?que
et de transi?on énergé?que fait aujourd?hui la quasi-unanimité des acteurs de la transi?on écologique
(Associa?ons de collec?vités, ONG, Associa?ons de consommateurs, syndicats?).
En outre, il faut rappeler que la proposi?on de réforme de la TGAP prévue dans le cadre de la FREC suscite
désormais l'opposi?on unanime des associa?ons de collec?vités. Si elles avaient soutenu à l'origine le
principe d'une réforme de la fiscalité sur les déchets, les représentants des collec?vités ont exprimé à ce
stade leur profonde opposi?on à la réforme de la fiscalité sur les déchets qu?ils considèrent comme
incohérente, injuste et inefficace :
- D'une part parce qu?elle s'applique uniquement à taxer les collec?vités en charge de l'élimina?on de
tous les déchets en fin de vie, alors qu?une vraie fiscalité environnementale comportementale devrait
d'abord consister à interdire ou a minima à taxer les produits non recyclables qui représentent près de la
moi?é des déchets éliminés et qui de fait le resteront.
- D'autre part parce qu?une par?e des déchets ménagers et assimilés assujens à ce?e TGAP sont issus
des ac?vités économiques et font l'objet de réglementa?on imposant depuis plusieurs années leur collecte
sélec?ve et leur recyclage, mais que ce?e réglementa?on n?est pas contrôlée ni sanc?onnée par les
représentants de l'Etat et donc pas appliquée. Taxer davantage les collec?vités en charge du service public
n'a là aussi aucune cohérence et aucune efficacité.
- En outre, que les mesures visant à imposer aux filières de responsabilité élargie des producteurs ne sont
aujourd?hui pas connues et pas garan?es sachant qu?aucune des filières REP actuelles ne respecte ses
objec?fs de recyclage, et que plus globalement la plupart de ces mesures pourraient être confirmées après
le vote de la réforme alors qu?elles devraient garan?r la réduc?on des déchets résiduels avant toute
réforme de la fiscalité sous peine de provoquer une augmenta?on très forte de la fiscalité sur le service
public des déchets (jusqu?à un milliard).
- Enfin, les représentants des collec?vités demandent que la rece?e de TGAP déchets alimente
majoritairement un fonds en faveur de l'économie circulaire dont ils assureraient avec l'Ademe la co-
gouvernance, alors que le produit actuel de la TGAP alimente très majoritairement le budget de l?État- et
pour par?e le fonds Déchets géré par l'Ademe.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 70
En conséquence de quoi, la réforme fiscale proposée par le gouvernement aura pour principal effet
d?augmenter le coût de la ges?on des déchets et par conséquent la fiscalité locale plutôt que de développer
le recyclage et de mobiliser les acteurs responsables, et cela au moment même où l?État demande aux
collec?vités de mieux maîtriser leurs coûts de fonc?onnement.
Enfin, Amorce ?ent également à faire remarquer que le projet de rapport ne fait pas men?on de la
ponc?on budgétaire opérée sur les budgets des agences de l'eau et ne se prononce pas sur ce point alors
que celui-ci va à l'encontre du principe de « l'eau paie l'eau » et qu?il remet en cause de nombreux projets
pourtant nécessaires.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 71
Commentaire de la CLCV
La CLCV main?ent son avis exprimé en juillet lors de la discussion rela?ve au pré-rapport tout en notant
quelques u?les approfondissements analy?ques.
Elle ne partage pas plusieurs opinions émises et la tonalité des recommanda?ons du rapport, qui tend par
trop à être un plaidoyer en faveur de l?ac?on menée par les pouvoirs publics ce qui n?est pas a priori le rôle
d?un comité consulta?f.
En substance, les points de désaccord portent d?abord sur :
1. La capacité incita?ve du signal prix
En effet, l?efficacité concrète du signal-prix sur l?évolu?on de la consomma?on d?énergie fossile semble être
considérée comme une évidence par les rédacteurs alors que cela n?est pas le cas. Le débat est ancien car la
li?érature économétrique donne des résultats variables. Plus encore, on dispose maintenant de
suffisamment de recul pour apprécier la rela?on prix/consomma?on depuis la nouvelle ère de 2004/2005
qui a donné lieu à une hausse tendancielle du prix marqué par des cycles très haussiers et (principalement)
un cycle très baissier. Durant ce?e période la consomma?on de carburant en France a connu peu
d?évolu?on évidente (en gros une stabilité, avec certes une augmenta?on de la popula?on mais aussi, a
priori, la hausse du rendement moteur). La rela?on de cause à effet est bien plus établie dans des
domaines soumis à une planifica?on industrielle (le chauffage urbain par exemple) mais assez peu sur un
parc diffus.
Plutôt que de croire à l?évidence, Il serait bon que l?exper?se gouvernementale se penche de façon plus
approfondie sur ce?e ques?on ne serait ce que pour mieux iden?fier les freins à lever. Par ailleurs le texte
n?interroge pas suffisamment la per?nence d?une poli?que qui augmente les taxes quelle que soit
l?évolu?on du prix alors même que théoriquement il s?agit d?un signal-prix et non d?un signal taxe.
2. Par ailleurs, il importe de souligner que l?augmenta?on des taxes et du prix a un impact de
pouvoir d?achat au-delà des segments « précarité énergé?que »
Les pouvoirs publics (CEV, CGDD, Insee) ont réalisé en dix ans un important travail d?iden?fica?on des
segments de popula?ons par?culièrement touchés par la hausse des prix de l?énergie (notamment, au-delà
du revenu, la fracture territoriale). Rien à redire sur ce sujet mais il ne faut pas pour autant sous-es?mer
l?impact sur le pouvoir d?achat pour beaucoup d?autres ménages (en substance tous ceux qui u?lisent
quo?diennement la voiture et dont les revenus ne sont pas dans le décile ou les deux déciles les plus
hauts). Ces ménages ne sont pas en précarité énergé?que mais une hausse de quelques centaines d?euros
par an de leurs dépenses reste un effet réel de pouvoir d?achat (pouvant avoir des conséquences
macroéconomiques de type report d?achat de bien durable ou de consomma?on de loisir).
Enfin, il faut reconnaître que le texte, et le comité d?une manière générale, soulève réellement le problème
de l?u?lisa?on des rece?es fiscales de l?énergie.
Nous es?mons néanmoins qu?il est primordial de faire apparaître une donnée déjà présente dans tous les
rapports d?étapes du CEV et absente du rapport final : Les ménages acqui2ent près de 23 Mds¤ de
fiscalité sur leurs consomma?ons énergé?ques fossiles, dont 5 Mds¤ au ?tre de la composante carbone
en 2018, et bénéficient seulement en retour d?un peu plus de 4 Mds¤ de subven?ons directes.
La qualité indéniable du rapport sur ce sujet ne peut occulter le fait que depuis 2014 les pouvoirs publics
ont pris des décisions d?affecta?on des rece?es systéma?quement défavorables tant aux par?culiers qu?aux
économies d?énergie. Il s?agit d?un problème de fond important et, en aucun cas comme vous le suggérez,
d?un problème de communica?on ou de pédagogie.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 72
Au final, la CLCV demande principalement :
1. que les taxes sur l?énergie fossile ne soient pas augmentées dans la prochaine loi de finances vu
la récente forte croissance du prix. D?une manière générale il s?agit de tenir compte de l?évolu?on
du prix hors taxe avant d?augmenter les taxes ;
2. qu?un volume bien plus conséquent de rece2es des taxes sur l?énergie soient affectées à des
aides pour les économies d?énergies notamment pour les ménages. Ne pas limiter cet effort
supplémentaire aux seuls précaires ;
3. D?un point de vue strictement analy?que, de réouvrir l?étude des élas?cités prix de la
consomma?on d?énergie.
Pour les autres domaines abordés (ar?ficialisa?on agence de l?eau) il nous semble qu?il faille faire un point à
part, car le débat est spécifique (notamment pour les agences de l?eau), ce que vous suggérez d?ailleurs.
Simplement nous soutenons l?idée, répétée depuis vingt ans dans les rapports publics, d?un réel
rééquilibrage des redevances eau par catégorie d?usager.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 73
Commentaire de FNE
France Nature Environnement se réjouit de ce que les travaux du Comité pour l?Economie verte, cons?tué
dès 2015 mais faisant suite aux travaux du Comité pour la fiscalité écologique (2012-2014), fassent enfin
l?objet d?un exercice de synthèse sous la forme d?un rapport sur la construc?on de la fiscalité
environnementale sur la durée du quinquennat et au-delà. Ce rapport vient s?ajouter à une produc?on
analy?que déjà dense, qu?il s?agisse de rapports parlementaires (Bricq, 1998 ; Diefenbacher & Launay,
2009), de produc?ons de la Cour des comptes (Migaud, novembre 2011), du Commissariat Général au
Développement Durable (Etat des lieux de la fiscalité écologique & inventaire des taxes
environnementales en France), sans même parler de la produc?on du Conseil des impôts (« fiscalité et
environnement », 2005) ou des instances et organisa?ons intergouvernementales a?en?ves au sujet
(OCDE 2011 et 2014). Ce travail a cependant une spécificité et une légi?mité forte, puisqu?il émane d?une
enceinte de co-construc?on ouverte à la société civile, circonstance qui traduit un degré minimal
d?accepta?on collec?ve des mesures préconisées. La fédéra?on France Nature Environnement sera donc
a?en?ve à son portage comme au devenir desdites proposi?ons, qui doivent effec?vement influencer
posi?vement les poli?ques publiques.
Dans un ordre d?idées similaire, il importe d?emblée de signaler que FNE souhaite voir portées, et mises en
oeuvres, les préconisa,ons contenus dans le « corpus » d?avis des deux comités, CFE et CEV : ceux-ci ont
adopté successivement pas moins de dix-neuf avis. La mesure dans laquelle ceux-ci ont été repris et
traduits en loi de finance devrait faire l?objet d?un exercice de synthèse, et les mesures non-reprises à ce
stade ? à n?en pas douter les plus nombreuses ? devraient être actualisées en fonc?on des évolu?ons
réglementaires, fiscales et budgétaires intervenues entre-temps.
Sur le fond :
« Introduc?on », p.5 : Un éclaircissement préalable sur l?objet du rapport, comparé avec les a?ribu?ons
du Comité, aurait été opportun. En effet, le CEV produit ici un rapport sur la fiscalité écologique, alors que
ses a?ribu?ons sont plus vastes : le « comité pour la fiscalité écologique » a fait place au « comité pour
l?économie verte ». La nuance est d?importance dans la mesure où, comme le signale le texte à plusieurs
reprises, d?autres instruments que l?ou?l fiscal peuvent être employés pour influencer le signal-prix et
l?antude des acteurs économiques : la ques?on de l?orienta?on des inves?ssements, publics et privés, est
primordiale ; la produc?on de « green bonds » et d?émissions souveraines ne l?est pas moins, et
l?adapta?on des instruments budgétaires (sous la forme de « budgets verts », d?ailleurs évoqués), l?est
également. L?idée d?un « mix » de mesures, préféren?ellement incita?ves, au sein duquel la fiscalité doit
tenir un rôle prééminent à côté d?autres instruments, aurait pu être affichée d?emblée pour plus de clarté.
Première par?e : « La nécessité d?un cadre intégré et lisible, pour assurer l?essor d?une fiscalité
écologique à la hauteur des enjeux »
« Un verdissement indéniable de la fiscalité dans un cadre qui fait cependant l?objet de cri?ques
récurrentes jus?fiées », pp. 11- 14 : Dans ce?e par?e encore largement introduc?ve et contextuelle, si
l?ancienneté de certaines taxes est men?onnée (TIP, 1928) et si le développement historique des ou?ls
fiscaux, à une époque où la sensibilité aux enjeux environnementaux était peu développée, est en soi
intéressant, il aurait fallu rappeler que la montée en charge de la fiscalité écologique est aussi une
obliga,on juridique interna,onale rela,vement ancienne, à laquelle la France, comme les pays OCDE,
n?ont que très imparfaitement répondu. L?ar?cle 8.32 de l?Agenda 21, en 1992, enjoignait déjà aux
signataires de supprimer ou de réduire les subven?ons publiques incompa?bles avec des objec?fs de
développement durable.
A cet égard, FNE salue la men?on très explicite de la nécessité de lu?er contre les subven?ons
dommageables à l?environnement (p. 14), mais une actualisa?on spécifique de ce sujet aurait été
nécessaire. Surtout, nous déplorons que ce thème ne fasse pas l?objet d?une proposi,on spécifique. A
défaut, le sujet pourrait, à moyen terme, être examiné dans le cadre d?un groupe de travail du CEV.
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 74
« D?un verdissement de la fiscalité à un verdissement d?ensemble des finances publiques », pp. 15-21 :
Ce chapitre, dans la con?nuité du précédent, traduit les ingrédients récurrents du débat sur la fiscalité
écologique tant au sein du Comité qu?en-dehors, à savoir : préférence pour une fiscalité comportementale
« posi?ve », défiance envers les taxes affectées à faible rendement, contraintes juridiques (au regard des
principes d?égalité et d?universalité budgétaire), nécessité d?assurer l?acceptabilité des mesures fiscales.
Si les contraintes juridiques sont bien exposées (pages 16 et suivantes), il aurait été intéressant d?une part,
de confronter leur portée avec celle du principe pollueur-payeur inscrit à l?ar,cle L. 110-1 du code de
l?environnement (ar?cula?on dont il est surtout dit qu?elle est source de « difficultés avec des débats
récurrents »), et d?autre part, de comparer l?existence et l?intensité de ces obstacles à l?interna,onal, afin
de déterminer si nos voisins sont soumis aux mêmes restric?ons. Une men?on du rôle de la doctrine
administra,ve fiscale, telle qu?exprimée notamment dans les BOFIP, en tant que source du droit et
d?éventuelles contraintes juridiques, aurait été opportune.
Le lecteur est amené à observer que la ques?on de l?u?lisa?on des rece?es de la fiscalité écologique, en
lien avec celle de son acceptabilité, est une préoccupa?on récurrente au travers du rapport : examinée
dans ce chapitre, elle l?est aussi au suivant.
« Une ambi?on fixée, des acteurs à embarquer : comment construire l?écofiscalité comportementale » :
pp 22-25 : Les ingrédients de compréhension, d?acceptabilité, de visibilité sont majoritairement exposés
ici. L?u?lisa?on des rece?es de la fiscalité environnementale fait l?objet de trois approches cumula?ves ou
alterna?ves, sources de débats, qu?évoque le rapport : 1° baisse corréla?ve d?imposi?ons pesant sur les
entreprises et/ou le travail, dans une logique de « basculement des régula?ons » ou de « green tax shiq » ;
2° compensa?on des impacts sociaux défavorables, par exemple sur les popula?ons locales concernées
par la hausse de la fiscalité sur les carburants ; 3° u?lisa?on budgétaire générique par inscrip?on au
budget général, dans une pure op?que de fiscalité de rendement. Nous constatons que la ques,on de
l?affecta,on à des poli,ques publiques de préserva,on de l?environnement est largement escamotée de ce
débat, alors que tous les impacts environnementaux ne peuvent être réduits à l?équa?on incita?ve du
« signal-prix » : dans les domaines de l?ar?ficialisa?on des sols, ou de la protec?on de la biodiversité, les
moyens d?une poli,que de recapitalisa,on écologique doivent être mobilisés au profit de la réhabilita?on
des coeurs de villes moyennes ? objet précisément d?un plan dédié, mais ponctuel ?, des con?nuités
écologiques, de la préserva?on et de la recons?tu?on des milieux.
Au regard de ce besoin, l?idée exprimée par le rapport et reprise en proposi?on, selon laquelle il
conviendrait que le gouvernement « communique sur l?u?lisa?on de ce?e fiscalité », est faible et passe
sous silence la ques?on du financement des poli?ques publiques concernées. Celles-ci ne pourront
éternellement bénéficier, à l?instar d?ailleurs de poli?ques publiques parfois étrangères aux enjeux
environnementaux ? sports hier, infrastructures peut-être demain ? de la seule solu?on consistant à
opérer des prélèvements sur les revenus des agences de l?eau.
Deuxième par?e : « Pour un niveau d?ambi?on répondant aux enjeux », pp. 27 et suivantes :
? Sur l?eau (page 37, et annexe, page 52 et suivantes) : Le rapport observe, s?agissant de la
redevance pour pollu?on diffuse (RPD), qu?au regard des évolu?ons des taux des redevances « une
réflexion doit être menée afin d?essayer d?amener plus de cohérence (?) en fonc?on des niveaux de
pollu?on émises par chaque pollueur ». France Nature Environnement es?me que la RPD doit
pouvoir s?appliquer à tous les pes?cides, et que les taux doivent être effec?vement augmentés et
être propor?onnels à la dangerosité des substances employées : il faut accroître très sérieusement
les taux de la redevance en fonc?on de la toxicité des pes?cides. Les revenus de ce?e taxe doivent
être employés pour des ac?ons de restaura?on des milieux pollués. S?agissant de la redevance
prélèvement, il conviendrait que le principe « préleveur-payeur » soit bien appliqué, au moyen de
taux planchers suffisamment importants pour rendre la redevance dissuasive.
? Sur la transi?on vers l?économie circulaire (annexe, p. 56) : FNE partage le constat selon lequel le
modèle linéaire « fabriquer, consommer, puis jeter » se traduit « par une u?lisa?on de plus en plus
importante de ressources non renouvelables et (par) leur épuisement ». Il n?y a malheureusement
Comment construire la fiscalité environnementale pour le quinquennat et après 2022 ? 75
pas de proposi?on spécifique, et l?exposé des mesures mises en place évoque essen?ellement la
REOM et la TEOM. Il conviendrait d?élaborer des mesures fiscales sur les produits jetables et
notamment sur les plas,ques à usage unique : pailles et barque?es en plas?que jetables, rasoirs,
film cellophane? Pour l?heure, aucune interdic?on claire ne figure parmi les mesures de la feuille
de route économie circulaire (FREC) alors que l?Europe a proposé, en début d?année, une stratégie
plus ambi?euse en la ma?ère. Une TVA réduite sur les ac?vités de répara?on pourrait également
être envisagée.
? Sur l?ar?ficialisa?on (p. 38, et annexe, p. 57) : Le rapport exprime la difficulté du sujet, constat
auquel on ne peut qu?adhérer (« il n?existe aucun disposi?f fiscal obligatoire ayant explicitement
pour objec?f d?internaliser les coûts environnementaux » (dans ce domaine). De fait, le paysage
fiscal applicable aux usages du foncier se caractérise d?un côté par l?antériorité de taxes à voca?on
budgétaires, pesant sur le stock bâ? (comme la TFB), et de l?autre par une mul?plicité
d?instruments aux finalités éminemment variables mais qui ont en commun de n?avoir pas pour
voca?on explicite de lu?er contre le phénomène, quand ils n?ont pas? l?objec?f inverse de « libérer
le foncier » (majora?on de la valeur loca?ve en foncier non bâ? ; taxe sur la cession à ?tre onéreux
de terrains nus rendus construc?bles ; par?cipa?on assainissement collec?f ; taxe
d?aménagement?). Le rapport, outre qu?il n?expose pas ce paysage, insiste peu sur les
déterminants économiques et fiscaux de l?ar,ficialisa,on, sujet qui n?a pas encore été abordé en
groupe de travail à l?heure où nous écrivons. Or, nous tenons à souligner que :
? L?ar?ficialisa?on est induite également par le sur-dimensionnement des inves?ssements dans
le secteur de l?immobilier ter?aire, logis?que et commercial : nourris pour par?e par les
« private equi?es », dont l?implica?on se traduit par des opéra?ons LBO agressives, en
par?culier dans le secteur de la grande distribu?on, et dont la finalité consiste à poursuivre
des taux de retour sur inves?ssement (TRI) de l?ordre de 23%, ce modèle économique, non
content d?être un « moteur » de la poursuite de l?ar?ficialisa?on, se traduit par une facture
territoriale, bien souvent dans le ?ssu commercial urbain des villes moyennes qu?on se
propose justement de revitaliser. Il est en outre cons?tu?f d?une « bulle », ainsi que l?a relevé
le haut Conseil à la Stabilité financière (analyse du marché de l?immobilier commercial, 2016).
Ces réalités doivent pouvoir être abordées.
? La préserva?on du foncier naturel, non-ar?ficialisé, doit pouvoir bénéficier d?un contexte
fiscal favorable et incita?f. Or, dans un contexte de minora?on de la valeur du foncier rural
non ar?ficialisable, certaines réformes récentes, comme le remplacement de l?ISF par un
impôt sur la fortune immobilière, produisent un effet incita?f contre-produc?f, incitant à la
vente des terrains nus et, corréla?vement, à leur ar?ficialisa?on. Ce phénomène est abordé
en page 58 du rapport mais devrait, idéalement, être considéré avec plus d?a?en?on.
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