Comité pour l'économie verte. Bilan d'activité Comité pour la Fiscalité Écologique (2012-2014) Comité pour l'Économie Verte (2015-2017)

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Comité pour l'économie verte
Résumé
Le Comité pour la fiscalité écologique avait été institué en 2012. Placé sous la présidence du Professeur Christian de Perthuis2, il avait été chargé de formuler des avis et propositions pour<br /> ; « verdir » notre système de prélèvements obligatoires. Ses travaux ont notamment porté sur la fiscalité de l'énergie, puis sur l'économie circulaire, l'eau et la biodiversité. Ils ont largement<br /> ; inspiré la réforme des taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques de la loi de Finances pour 2014, et aussi, ultérieurement en matière de TGAP-déchets, la fixation<br /> ; des évolutions de taux décidées fin 2016.<br /> ; Le Comité pour l'économie verte en a pris la suite début 2015, son mandat étant alors élargi à l'ensemble des outils économiques permettant, en complément des leviers budgétaires et<br /> ; réglementaires traditionnels, de favoriser la transition énergétique et écologique. Il a ainsi pour mission l'analyse de l'ensemble des instruments économiques et financiers susceptibles<br /> ; de modifier le comportement des acteurs privés et de permettre le financement de la transition énergétique et écologique.
Descripteur Urbamet
politique de l'environnement ; économie verte
Descripteur écoplanete
Thème
Environnement - Paysage
Texte intégral
Bilan d?activité Comité pour la Fiscalité Écologique (2012-2014) Comité pour l?Économie Verte (2015-2017) 1 Sommaire Table des matières Avant-propos du Président du Comité pour l?économie Verte, Dominique Bureau...........4 Partie 1 : La fiscalité environnementale..................................................................................8 I- Constat.................................................................................................................................9 1. Principaux chiffres..........................................................................................................9 2. Évolutions récentes.......................................................................................................10 II- Avis du Comité.................................................................................................................11 1. Énergie-climat...............................................................................................................11 2. Lutte contre les pollutions et les nuisances...................................................................12 Partie 2 : Mobilisation des financements privés pour la transition énergétique et écologique.................................................................................................................................14 I- Constat...............................................................................................................................15 II- Avis du Comité.................................................................................................................16 1. Juillet 2015 : Labellisation...........................................................................................16 2. Novembre 2015 : Prise en compte de l?exposition aux risques climatiques.................16 3. Juillet 2016 : Financements pour la croissance verte..................................................17 Partie 3 : La gestion durable des ressources.........................................................................18 I- Artificialisation des sols....................................................................................................19 1. Constat..........................................................................................................................19 2. Avis du Comité...............................................................................................................19 II- Pollution de l?eau.............................................................................................................20 1. Constat..........................................................................................................................20 2. Avis du Comité...............................................................................................................21 III- Gestion durable de la faune et de la flore.......................................................................21 1. Constat..........................................................................................................................21 2. Avis du Comité...............................................................................................................22 IV- Les problématiques liées aux milieux littoraux et marins..............................................22 Annexe 1 : Liste des membres du Comité pour l?Économie Verte et administration du Comité......................................................................................................................................24 Annexe 2 : Avis du Comité pour la Fiscalité Écologique.....................................................27 Annexe 3 : Avis du Comité pour l?Économie Verte..............................................................78 Annexe 4 : Lettre de mission du Comité pour l?Économie Verte......................................139 2 Avant-propos du Président du Comité pour l?économie Verte, Dominique Bureau L?examen environnemental de la France réalisé en 2016 par l?OCDE à propos de la période 2005-2016 évalue les progrès accomplis pour rendre l?économie plus verte et améliorer la gouvernance et la gestion de l?environnement. Dans cette perspective, il avait salué comme un progrès important l?introduction d?une composante carbone dans la taxation des énergies fossiles et la baisse engagée de l?écart de taxation entre le diesel et l?essence. Il observait aussi que plusieurs subventions dommageables à l?environnement1 ont été éliminées. Il appelait en conséquence à la poursuite de ce processus, ainsi qu?à une meilleure orientation des aides publiques vers des comportements favorables à l?environnement et l?utilisation durable de la biodiversité. À cet égard, il soulignait le rôle du Comité pour la fiscalité écologique, créé en 2012 et devenu en 2015 Comité pour l?économie verte, pour la promotion d?un recours accru aux instruments économiques incitatifs et pour faire accepter l?importance de refléter le coût des dommages dans les prix, en construisant les conditions de cette acceptabilité au regard des impacts sociaux ou de compétitivité. Les enjeux La mise en place d?un signal-prix reflétant les coûts sociaux de la dégradation de notre environnement est en effet au coeur des stratégies de croissance verte car la surexploitation des ressources naturelles, la trop grande émission de déchets et de gaz à effet de serre, résultent de la non-prise en compte des effets externes négatifs de pollutions, dans le prix des matières premières, de l?énergie et des ressources. Par ailleurs, beaucoup d?investissements verts ne bénéficient pas assez à leurs promoteurs pour qu?ils soient finançables spontanément. Comme dans la plupart des pays développés, la France a pris des mesures en ce sens, avec en perspective la construction de politiques environnementales efficaces minimisant le coût des efforts à engager pour atteindre l?objectif environnemental fixé. La mise en place d?une tarification directe des activités écologiquement dommageables reste indispensable, pour indiquer que les coûts de la dégradation de l?environnement et de l?utilisation non durable des ressources iront croissant, et permet d?optimiser les efforts. Toutefois, l?opposition politique à laquelle elle se heurte demeure une difficulté majeure. Compétitivité, progrès social et protection des actifs naturels peuvent aller de pair. D?ailleurs, les performances économiques et environnementales seront indissociables à long terme car les ressources naturelles et les services que nous procurent les écosystèmes conditionnent la croissance économique et le bien-être des générations présentes et futures. In fine, politiques 1 Telles que définies en tant que telles par l?OCDE dans son rapport sur la performance des politiques environnementales de la France sur la période 2005-2016. 3 environnementales et réformes économiques structurelles visent le même objectif d?anticiper les risques de blocage de notre développement. Mais cela ne se fait pas spontanément. L?essor des politiques environnementales se trouve conditionné à l?amélioration de leur légitimation dans la dimension économique, à leur capacité à créer un cadre de confiance, propice à l?innovation et l?investissement verts. Ainsi donc, en l?absence d?efforts pour faire face aux enjeux politiques, ou d?acceptabilité, il est probable que la croissance verte continue de susciter de fortes oppositions au niveau de la mise en oeuvre. A contrario, l?expérience montre que la consultation, la progressivité de la mise en oeuvre et la transparence des analyses sont autant de facteurs pouvant contribuer à la bonne marche des mécanismes de tarification et assurer le succès de leur mise en oeuvre. C?est précisément le rôle du Comité pour l?économie verte, qui a pris le relai du Comité pour la fiscalité écologique que de contribuer, par le dialogue avec l?ensemble des parties prenantes concernées, à cette transparence et à la qualité et l?acceptabilité des politiques en ce domaine. Mission et activités Le Comité pour la fiscalité écologique avait été institué en 2012. Placé sous la présidence du Professeur Christian de Perthuis2, il avait été chargé de formuler des avis et propositions pour « verdir » notre système de prélèvements obligatoires. Ses travaux ont notamment porté sur la fiscalité de l?énergie, puis sur l?économie circulaire, l?eau et la biodiversité. Ils ont largement inspiré la réforme des taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques de la loi de Finances pour 2014, et aussi, ultérieurement en matière de TGAP-déchets, la fixation des évolutions de taux décidées fin 2016. Le Comité pour l?économie verte en a pris la suite début 2015, son mandat étant alors élargi à l?ensemble des outils économiques permettant, en complément des leviers budgétaires et réglementaires traditionnels, de favoriser la transition énergétique et écologique. Il a ainsi pour mission l?analyse de l?ensemble des instruments économiques et financiers susceptibles de modifier le comportement des acteurs privés et de permettre le financement de la transition énergétique et écologique, soit : - la fiscalité environnementale, avec en perspective le renforcement des signaux-prix favorables à la baisse des émissions de gaz à effet de serre, des pollutions de l?air et de l?eau et à la préservation de la biodiversité, tout en veillant au maintien du pouvoir d?achat des ménages et à la compétitivité des entreprises ; -les instruments économiques nouveaux susceptibles d?accélérer la transition vers l?économie verte et les investissements de recapitalisation écologique, tels que les marchés de compensation ou les systèmes de paiement pour services environnementaux ; - la mobilisation des financements privés au bénéfice de la transition écologique et énergétique, en considérant à la fois les dimensions sectorielles (bâtiment, infrastructures, innovation) et par types d?actifs (Fonds verts, obligations vertes, Investissement socialement responsable), et en assurant une veille sur les approches 2 Chaire économie du climat, Université Paris-Dauphine 4 innovantes. Celles-ci sont en effet cruciales pour permettre une bonne allocation et un meilleur partage des risques pour les investissements verts, en particulier la couverture de certains risques sensibles pour la réussite de ces projets (notamment pendant les phases de démarrage) ou pour permettre de tirer les bénéfices collectifs d?un déploiement précoce. Au titre du premier thème ont été étudiées les conditions d?une accélération de la trajectoire de la composante carbone, et l?utilisation de ses recettes, ainsi que la taxe d?aménagement, dans une logique de « suppression des incitations à l?artificialisation ». Au titre du second thème, des avis ont été produits à la fois sur les potentialités et conditions d?utilisation de certains instruments (paiements pour services environnementaux, compensation écologique) et sur des thématiques sensibles (utilisation des produits phyto-sanitaires et CEPP, fiscalité et instruments de gestion durable dans le domaine de la mer et du littoral). Enfin, le CEV a contribué à la préparation du décret d?application du IV de l?article 173 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), concernant la prise en compte des risques liés au changement climatique par les investisseurs institutionnels, ainsi qu?à la définition d?un label pour les fonds d?investissements. Gouvernance L?activité du Comité, l?originalité de ses avis généralement établis au consensus, et la manière dont ils ont pu être pris en compte témoignent de l?utilité d?une enceinte permettant aux parties prenantes du dialogue environnemental de construire un diagnostic commun sur les enjeux, les modalités et les conditions d?acceptabilité économique et sociale de mise en oeuvre de ces instruments économiques. Les parties suivantes en rendent compte de manière plus détaillée et identifient différents thèmes restant à approfondir ou émergents. Le retour d?expérience dont on dispose maintenant permet cependant d?identifier un certain nombre de conditions plus générales pour tirer le meilleur parti du Comité, au premier rang desquelles : - sa composition, qui doit en effet rassembler l?ensemble des parties prenantes concernées, au niveau du Comité plénier et de ses groupes de travail ; - l?appui technique des deux ministères, de l?écologie, et de l?économie et des Finances, dont procède le Comité, absolument nécessaire eu égard à la matière fiscale, notamment ; - la mobilisation de l?expertise scientifique et économique pertinente, les Groupes de travail étant systématiquement présidés par des experts indépendants3, reconnus, appartenant notamment au Conseil économique pour le développement durable. Mais ceci ne suffit pas. Il importe que son programme de travail, -qui doit combiner travail de veille sur les sujets les plus structurants et analyse des projets à l?agenda politique-, soit 3 Stefan AMBEC, Philippe BILLET, Matthieu GLACHANT, Harold LEVREL, Katheline SCHUBERT et Michel TROMMETTER. 5 régulièrement actualisé pour contribuer le plus efficacement à la construction des politiques publiques, dans des conditions permettant un suivi des suites données à ses différents avis. A cet égard, l?institutionnalisation d?un point de rendez-vous spécifique à la fin de chaque printemps, fixant notamment le programme de travail, serait source d?efficacité pour l?organisation des travaux et leur appropriation dans le processus de décision. 6 Partie 1 La fiscalité environnementale 7 La fiscalité environnementale vise à inciter à l?adoption de comportements favorables à l?environnement. Définir et délimiter un concept aussi complexe que la fiscalité environnementale est cependant une gageure, qui a donné lieu à de nombreux débats sur le périmètre le plus pertinent à retenir. Sans entrer dans le détail de ces débats, la définition de l?Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), c?est-à-dire « l?ensemble des impôts, taxes et redevances dont l?assiette est constituée par un polluant ou, plus généralement, par un produit ou un service qui détériore l?environnement ou qui se traduit par un prélèvement sur des ressources naturelles » fournit des éléments de cadrage. Il s?agit toutefois d?une approche large : elle va au-delà de la seule fiscalité explicitement conçue pour lutter contre la pollution (par exemple la taxe générale sur les activités polluantes ou TGAP), et intègre des dispositifs dont la finalité première est le financement des services publics, mais qui ont également comme effet de contribuer à limiter la pollution4 (par ex. la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques, ou TICPE). Suivant ces critères, la fiscalité environnementale regroupe actuellement en France environ 40 dispositifs et s?appuie sur le principe de « pollueur-payeur ». Ainsi, via leur contribution fiscale, les pollueurs participent au financement des mesures de prévention, de réduction et de lutte contre la pollution. Bien calibrée, la fiscalité environnementale peut ainsi permettre d?atteindre certains objectifs environnementaux, tout en soulageant le budget de l?État de subventions aujourd?hui de plus en plus difficiles à verser. I- Constat 1. Principaux chiffres Les taxes environnementales s?élèvent à 48 milliards d?euros (Md¤) en 2015, soit 2,2 % du PIB, quand la moyenne de l?UE28 s?établissait (en 2014) à 2,5 %. 4Cette approche large est d?autant plus nécessaire que, comme le notait le Conseil des impôts en 2005 : « la situation peut être considérée comme paradoxale : les effets environnementaux les plus importants sont le fait d?impôts, de taxes ou de redevances pour services rendus, créés bien avant l?émergence des politiques publiques en faveur de l?environnement ; les mesures fiscales inspirées directement de préoccupations environnementales n?ont qu?un effet limité, qu?il s?agisse des diverses composantes de la taxe sur les activités polluantes (TGAP) ou des mesures fiscales dérogatoires ». 8 La part des taxes environnementales dans le PIB baisse globalement depuis 20 ans en France. Elle s?élevait à 2,5 % du PIB en 1995, a atteint son niveau plancher de 1,8 % en 2008, avant de remonter depuis. Cependant, il est nécessaire de rappeler qu?il faut toutefois se méfier d?une lecture trop rapide de ce taux, qui n?a pas vocation à résumer à lui seul la qualité de la politique environnementale d?un pays. En effet, le taux de fiscalité environnementale dépend en partie du périmètre retenu, et est dominé par la fiscalité sur les énergies, laissant peu de place aux autres assiettes de taxation, pourtant essentielles pour limiter certaines pollutions particulières (par exemple la diffusion de pesticides dans l?environnement). Surtout, l?articulation de la fiscalité avec la réglementation environnementale est importante à prendre en compte, puisque l?approche privilégiée en matière de politique environnementale a été historiquement plus souvent réglementaire qu?économique ou fiscale, dans tous les pays développés. La fiscalité verte française est assise aux trois quarts (76 %) sur la consommation d?énergie. Cette part prédominante de la fiscalité énergétique se retrouve dans la totalité des pays européens. À elles seules, les recettes de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) atteignent 25 Md¤, mais dix autres taxes énergétiques viennent s?ajouter à la TICPE. Les taxes sur les transports représentent quant à elles 17 % des taxes environnementales. Dix- huit dispositifs sont concernés, dont la taxe sur les certificats d?immatriculation (« cartes grises »), la taxe additionnelle sur les assurances automobiles, la taxe de l?aviation civile, et la taxe sur les véhicules de société. Les taxes sur les pollutions représentent 7 % de la fiscalité verte. Les taxes pour pollution de l?eau et la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sont les plus importantes. La TGAP comprend plusieurs composantes, permettant de lutter contre les pollutions de l?air et l?émission de déchets ou de produits difficilement assimilables dans l?environnement (huiles et préparations lubrifiantes ou lessives). 9 Comme dans les autres pays européens, les prélèvements sur les ressources représentent une part marginale des recettes fiscales vertes (1 %). Sept taxes sur les ressources sont en vigueur, dont la redevance sur les prélèvements d?eau est la principale. Enfin, certains impôts ne sont pas décomptés comme des taxes environnementales en tant que telles mais se situent à la frontière de la fiscalité environnementale, comme les taxes d?enlèvement des ordures ménagères (TEOM et REOM). 2. Évolutions récentes Plusieurs réformes importantes ont été menées ces dernières années en matière de fiscalité environnementale. La plus emblématique est l?introduction en 2014 d?une composante carbone dans la fiscalité énergétique, dont le montant est proportionnel au niveau de CO2 émis par la combustion des produits à usage combustibles ou carburants. Fixé initialement à 7 ¤/tonne de CO2 émis en 2014, son taux devrait atteindre 56 ¤/tCO2 en 2020 et 100 ¤/tCO2 en 2030 si la trajectoire inscrite dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte est respectée. La mise en oeuvre de cette composante carbone s?appuie notamment sur les travaux du Comité opérés en 2013. En matière de lutte contre la pollution de l?air, la France a mis en place depuis 2015 une politique de rattrapage de la différenciation de taxation entre le gazole et l?essence. Cette différence de taxation, de l?ordre de 18 c¤/l en 2014 a été ramenée à 10 c¤/l en 2017. Cette politique de rattrapage de taxation est là encore conforme à un avis du Comité d?avril 2013. En outre, certaines émissions dans l?air d?origine industrielle sont soumises à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). En 2013 et 2014, douze nouvelles substances ont intégré l?assiette de la taxe, venant s?ajouter aux six déjà couvertes. Cependant, les taux en vigueur restent faibles en regard des coûts (sanitaires notamment) que ces émissions induisent, et en général très inférieurs aux coûts de dépollution et aux coûts d?investissement dans les meilleures technologies disponibles, moins polluantes. Une autre réforme d?importance a été le renforcement de la taxe générale sur les activités polluantes en matière de mise en décharge et d?incinération des déchets. Cette taxe, due par toute installation de mise en décharge ou d?incinération des déchets, vise à inciter au développement de la valorisation matière ou énergétique des déchets. La nouvelle trajectoire votée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2016 s?appuie sur les recommandations du Comité adoptées en novembre 2014 sur cette question. Par ailleurs, en amont, le recours à la « tarification incitative » des déchets s?est récemment développée : elle consiste à faire payer les usagers du service de gestion des déchets selon les quantités qu?ils produisent. Elle vise ainsi à s?attaquer à la source du problème des pollutions dues aux déchets, en diminuant leur quantité. Ce système, en développement en France depuis 2010, concerne 5 millions d?habitants en 2015. Il s?avère très efficace pour inciter au tri et à la réduction des déchets : dans les collectivités où il est appliqué, les quantités d?emballages et papiers triés augmentent d?un tiers et les quantités de déchets non triés sont réduites d?un tiers. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 vise un objectif de 15 millions d?habitants couverts par une tarification incitative en 2020 et de 25 millions en 2025. 10 Enfin, il faut également noter que certaines réformes ont connu des échecs, comme celle liée à l?introduction de l?écotaxe poids lourds en 2013. Cette taxe devait s?appliquer aux véhicules de transport de marchandises qui empruntent le réseau taxable indépendamment du contenu transporté par ces véhicules et son taux variait de 8,8 c¤ à 15,4 c¤ par kilomètre parcouru (taxe variable selon la taille, le poids et le niveau de pollution du camion). Face à une opposition très forte de certains secteurs économiques (transport de marchandises, agriculteurs), le Gouvernement a renoncé à appliquer cette écotaxe en 2014. Ce cas démontre l?importance, quand il s?agit d?introduire une nouvelle taxe environnementale, de s?interroger de manière pertinente sur l?acceptabilité sociale d?un tel mécanisme4. II- Avis du Comité Note : les avis relatifs à des instruments fiscaux visant à mieux gérer les ressources en eau et issues de la biodiversité, et à limiter l?étalement urbain et l?artificialisation des sols sont décrits dans la partie 3 sur la gestion durable des ressources. 1. Énergie-climat Dans son avis du 28 mars 2013, le Comité demandait la mise à l?étude de l?introduction progressive d?une assiette carbone dans notre fiscalité qui réponde à la triple exigence écologique, économique et sociale. Se basant sur l?expérience de 2009 censurée par le Conseil constitutionnel, l?avis indiquait que l?introduction d?une assiette carbone ne peut être acceptée socialement et économiquement sans un dispositif de compensation adapté, simple et lisible par tous. Ce dispositif doit tenir compte des effets attendus de la taxation sur la compétitivité des différents secteurs économiques, en portant une attention particulière aux TPE et PME, et sur les différentes catégories de ménages en ciblant les mesures d?accompagnement sur les catégories les plus vulnérables et ceux ne disposant pas de solution alternative. L?avis indiquait que l?introduction d?une assiette carbone devrait tenir compte de l?expérience de 2009 et des motifs d?inconstitutionnalité soulevés par le Conseil constitutionnel. Dans son avis du 18 avril 2013, le Comité soulignait que l?écart de taxation entre l?essence et le gazole était à l?inverse de ce que recommandait la prise en compte des externalités environnementales. Il rappelait que la défiscalisation du diesel était utilisée comme un instrument de soutien sectoriel en dépit de ses effets défavorables à l?environnement. Sur la base des deux avis précédent cités et adoptés au consensus, le président du Comité avait soumis aux membres une proposition de réforme pluriannuelle de la fiscalité de l?énergie, destinée à rééquilibrer graduellement la taxation de l?essence et du gazole, tout en introduisant une assiette carbone dans la fiscalité énergétique existante. Cette proposition reposait sur une méthode qui distinguait les conditions d?entrée en vigueur de la réforme en 2014, sa montée en régime sur la période 2015-2020 et un dispositif d?évaluation annuelle permettant au Gouvernement et au Parlement de corriger les trajectoires initiales suivant l?évolution du contexte énergétique et économique. 4 On peut également citer l?exemple de la TGAP phytosanitaire qui, peu de temps après son entrée en vigueur, a été remise en cause au motif qu'elle était trop complexe et a été remplacée par une taxation sur l?eau versée aux agences de bassin, 11 L?ensemble de ces discussions du Comité ont abouti par la suite dans le cadre de la loi de finances pour 2014 puisque a été votée l?intégration dans la fiscalité énergétique en France d?une composante carbone dont les taux étaient fixés dans le cadre d?une trajectoire conforme à celle recommandée par les travaux du Comité. Dans un autre avis du 18 avril 2013, le Comité s?est intéressé à la problématique des fluides frigorigènes et a leur impact sur le climat. Ce type de fluide contribuant au changement climatique, le Comité proposait qu?ils fassent l?objet d?une taxation environnementale. Cette proposition n?a pas été suivi d?effet à ce jour. La fiscalité pouvait apparaître, en effet, comme particulièrement inadaptée pour traiter la problématique des fuites de fluides (impossibilité d?avoir une comptabilité précise des stocks de frigorigènes détenus par les entreprises, barème de taxation en fonction des gaz très complexe?). Dans ces conditions il est apparu que la bonne mesure à prendre était une mesure d?ordre réglementaire. Il faut cependant noter que le règlement européen de 2014 sur les gaz fluorés instaure un système de quotas d?émissions qui prévoit des réductions très importantes des quantités de HFC mises sur le marché. Ce règlement prévoit par ailleurs l?interdiction, selon les différents types d?équipements, et à différentes échéances, des gaz fluorés aux pouvoirs de réchauffement planétaire les plus importants. Ensuite, dans son avis diagnostic du 13 février 2014, le Comité s?est interrogé sur les mécanismes de compensation envers les ménages à mettre en oeuvre dans le cadre de la hausse de la fiscalité énergétique liée à l?introduction de la composante carbone. Il préconisait de privilégier une compensation forfaitaire ou modulée suivant une base indépendante de la consommation d?énergie, et des critères qui ne favorisent pas des comportements non souhaitables sur le long terme. Enfin, en 2016, à la demande de la Conférence environnementale 2016, le Comité a examiné les conditions pour adapter la trajectoire de prix du carbone dans un contexte de prix du pétrole bas. Ceci l?avait tout d?abord conduit, dans l?avis du 20 septembre 2016, à définir des principes généraux pour l?utilisation des recettes de la composante carbone, notamment de transparence et d?évaluation systématique de l?impact des choix. L?avis du 10 janvier 2017 porte ensuite sur l?opportunité d?accélérer la trajectoire de la composante carbone pour éviter un relâchement des efforts de réduction des émissions de CO2, et accélérer le financement de la transition écologique. Au-delà des différences d?appréciation entre parties prenantes sur l?opportunité d?une telle accélération, l?avis souligne que la composante carbone ne doit pas être conçue comme un impôt supplémentaire de rendement accroissant les prélèvements, ni comme une recette d?appoint pour équilibrer les comptes publics. Ces recettes devraient être utilisées pour financer la transition écologique dans le respect des dispositions adoptées au 4° du II de l?article 1er de la loi de transition énergétique pour la croissance verte. 2. Lutte contre les pollutions et les nuisances À la demande du Gouvernement, le Comité a réfléchi aux pistes d?amélioration de la fiscalité et du financement de la gestion des déchets. Dans son avis-diagnostic du 12 novembre 2013, le Comité rappelait les efforts menés en France depuis 20 ans en la matière, tout en constatant l?augmentation importante des coûts de gestion de déchets. Il indiquait que la TGAP « déchets » poursuivait sa trajectoire qui devait arriver à son terme en 2015, soulignait le développement des filières de responsabilité élargie du producteur (REP), mais à une cadence moins rapide que celle prévue, et regrettait le faible développement de la tarification incitative des déchets en France. 12 A la lumière de cet avis-diagnostic, le Comité proposait, dans un avis du 10 juillet 2014, plusieurs réformes de la fiscalité et du financement de la gestion des déchets : accélération du développement de la tarification incitative des déchets (25 millions d?habitants couverts en 2025), poursuite de la trajectoire de la TGAP « déchets » sur la période 2015-2025, réduction du taux de TVA sur la prévention des déchets et la valorisation matière et taxation en amont des produits non engagés dans une filière REP. La loi de finances rectificative pour 2016 a acté la poursuite de la trajectoire de la TGAP « déchets » sur une base quasi-identique à celle proposée dans l?avis et les objectifs de population couverte par une tarification incitative ont été adoptés dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Les autres recommandations n?ont pas été suivies d?effet. 13 Partie 2 Mobilisation des financements privés pour la transition énergétique et écologique 14 Une des missions du Comité pour l?économie verte est de formuler, dans le prolongement des travaux de la conférence bancaire et financière relative à la transition énergétique, des propositions sur la mobilisation des financements privés pour la transition écologique et énergétique (TEE). Un des groupes de travail du Comité pour l?économie verte, présidé par Dominique Bureau, a été consacré à cette question. I- Constat La transition vers une économie bas-carbone nécessite un important effort de réallocation des investissements, ainsi que la mobilisation d?investissements supplémentaires permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de contenir l?élévation de la température moyenne de la planète en dessous de 2°C. A titre d?exemple, l?étude d?impact du projet de Stratégie Nationale bas-carbone (SNBC, adoptée en 2015) évaluait à 20Md¤ les investissements annuels moyens supplémentaires nécessaires entre 2015-2018 pour mettre en oeuvre les objectifs de la SNBC (les secteurs des infrastructures ou du bâtiment étant particulièrement concernés). Parmi ces investissements, beaucoup sont caractérisés par un risque élevé et un temps de retour sur investissement long, d?où la nécessité d?interventions publiques ciblées pour corriger leur profil rendement-risque. Dans ce contexte, le comité pour l?économie verte a consacré une partie de ses travaux aux instruments permettant d?orienter des investissements privés nécessaires à la transition vers une économie décarbonée. Au même moment a eu lieu l?émergence d?instruments dédiés explicitement au financement de la transition et permettant de répondre à ses contraintes spécifiques : le développement récent du marché des obligations vertes5 en est un exemple. Par ailleurs, un certain nombre de démarches volontaires ont été mises en place, par exemple par l?instauration de prix interne du carbone par certaines entreprises. Un évènement marquant a été l?adoption de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 (LTECV). Son article 173 a permis d?introduire un ensemble de dispositions sur la publication d?informations liées au climat par les entreprises et sur l?intégration des enjeux climatiques dans le secteur financier. Plus généralement, durant cette période, une prise en compte croissante de l?importance des risques liés au changement climatique par les acteurs économiques a eu lieu, et leurs retours d?expériences pourront utilement alimenter les futurs travaux du comité. A l?avenir, le CEV pourra continuer à assurer une veille sur les approches innovantes permettant une meilleure allocation des financements verts, et, plus généralement, actualiser le diagnostic sur l?adéquation des financements aux besoins d?investissements verts. 5 Obligations dont les fonds levés sont dédiés au financement ou au refinancement d?activités ou de projets contribuant à la transition énergétique et écologique. 15 II- Avis du Comité 1. Juillet 2015 : Labellisation L?avis du 16 juillet 2015 sur la labellisation des fonds d?investissements pour la TEE définit des principes directeurs en matière de conception d?un label relatif à la transition énergétique et écologique. En effet, une information transparente et de qualité est cruciale pour le développement de la finance verte pour assurer la confiance. La labellisation des fonds d?investissements pour la TEE est apparue ainsi comme un enjeu prioritaire dans le contexte de l?émergence de la finance verte, et une manière de rendre les fonds plus lisibles, d?où l?importance des référentiels de labels, aujourd?hui encore relativement peu courants.. L?avis du CEV a permis de consolider des éléments de définition de la finance verte, qui comprend le financement des investissements nécessaires à la transition bas-carbone ainsi qu?un ensemble plus large de pratiques puisqu?elle doit permettre une réorientation des capitaux cohérente avec une trajectoire 2°C. Il dresse également une liste de principes directeurs en matière de conception d?un label relatif à la TEE. Cet avis a contribué à l'élaboration du label TEEC (label transition énergétique et écologique pour le climat). Lancé fin 2015, ce label s?adresse aux fonds dédiés au financement de l?économie verte et garantit l?orientation des investissements vers le financement de la transition écologique et énergétique. Il définit un ensemble d?activités entrant dans le champ de la transition énergétique et écologique, et prévoit des exclusions strictes ou partielles. Le label TEEC a lui-même servi de base à la définition des dépenses éligibles lors de la construction de l?OAT verte de la France. 2. Novembre 2015 : Prise en compte de l?exposition aux risques climatiques Dans le contexte de la préparation des textes d?application de la LTECV et notamment de ceux de l?article 173, le comité a adopté un avis sur la prise en compte de l?exposition aux risques associés au changement climatique et la contribution au respect de l?objectif de limitation du réchauffement climatique par les investisseurs institutionnels6. Cet avis fournit des éléments d?analyse sur les principes qui devraient guider ces dispositions, notamment : la souplesse, le caractère évolutif, la prise en compte des débats internationaux (par exemple les récents travaux menés dans le cadre du G20), la vérifiabilité. L?avis s?interroge également sur les informations pertinentes, quantitatives ou non, qui peuvent être fournies afin d?apprécier l?exposition au risque climatique. Ces travaux du comité ont nourri la préparation du décret d'application7 du VI de l'article 173 de la LTECV sur la prise en compte des risques associés au changement climatique par les investisseurs institutionnels. 6 Avis diagnostic du 20 novembre 2015 sur la prise en compte de l?exposition aux risques associés au changement climatique et la contribution au respect de l?objectif de limitation du réchauffement climatique par les investisseurs institutionnel 7 Décret N° 2015-1850 du 29 décembre 2015 16 3. Juillet 2016 : Financements pour la croissance verte Enfin, le CEV a préparé un avis sur les financements pour la croissance verte, adopté lors de la réunion plénière du 6 juillet 2016. Pour suivre la mise en oeuvre de la Stratégie nationale bas-carbone, et plus généralement la transition vers une économie bas-carbone, l?observation des dépenses d?investissement liées à la TEE est un indicateur crucial. Cet avis du comité fait un état des lieux des financements de la TEE, reprenant des résultats du Panorama des financements climat8 en France réalisé par I4CE, qui documente les dépenses d?investissement qui ont contribué à la réduction des émissions de GES en France (36 Md¤ en 2013) et fait une cartographie de ces financements depuis leur source (ménages, entreprises), jusqu?à leur secteur et objet de destination, en recensant les intermédiaires (Etat, institutions financières) et instruments de distribution (dette, capital). Le comité propose ensuite des pistes pour l?amélioration du suivi des financements liés à la transition écologique et énergétique. Ainsi, il serait pertinent d?enrichir le périmètre des études existantes, de développer la dimension prospective de ces études, ou encore de les compléter par un suivi des emplois verts. Plus généralement, le comité souligne l?intérêt des démarches visant à établir un suivi des financements de la TEE, revu régulièrement (par exemple prenant la forme d?une actualisation annuelle) afin d?en apprécier l?évolution. Une réflexion sur les méthodes de comptabilisation de ces financements est également utile. Un suivi régulier de ces financements pourrait devenir l?une des thématiques futures du comité pour l?économie verte. 8 Edition 2015 17 Partie 3 La gestion durable des ressources 18 Outre ces travaux relatifs à la mobilisation des financements privés pour la transition écologique et ceux relatifs à la fiscalité environnementale, le comité s?est également penché sur la question de la mobilisation des outils économiques permettant d?assurer une gestion durable des ressources et une meilleure préservation de certains milieux, notamment l?eau, les ressources issues de la biodiversité, et les espaces naturels (artificialisation des sols). I- Artificialisation des sols 1. Constat La destruction des espaces biotiques (les espaces supports de milieux vivants) par leur transformation en espaces artificialisés est la principale cause d?érosion de la biodiversité. Cette artificialisation, lorsqu?elle s?accompagne d?une imperméabilisation de la couverture des sols (habitat, bitume, etc.), généralement irréversible, amplifie les phénomènes de ruissellement et augmente de ce fait le niveau des crues, les risques d?inondation et l?intensité érosive, ainsi que les pics de pollution dans les cours d?eau. Elle perturbe également la percolation de l?eau et l?alimentation des nappes phréatiques et modifie localement le climat par un effet « îlot de chaleur urbain ». En outre, l?extension urbaine diffuse et la localisation périphérique des zones d?activités posent de nombreux problèmes de pollution : elles augmentent notamment les déplacements induisant des émissions supplémentaires de CO2 et d?autres polluants. Les surfaces artificialisées représentent 9,3 % de la surface métropolitaine en 2014. Après un pic entre 2006 et 2008, leur progression se stabilise autour de 55 000 hectares par an depuis 2008, soit l?équivalent de 1 % du territoire métropolitain tous les dix ans. Les terres artificialisées entre 2006 et 2014 proviennent pour les deux tiers de surfaces agricoles, et pour un tiers de surfaces naturelles. Plusieurs facteurs contribuent à expliquer l?artificialisation des sols intervenue au cours des 50 dernières années : la croissance de la population, la baisse de la taille moyenne des ménages (liée au vieillissement de la population, à la baisse de la fécondité et aux séparations plus fréquentes), la hausse de la surface habitable moyenne par personne (liée à la hausse des niveaux de vie), et la préférence des Français pour l?habitat individuel (mesurée dans les enquêtes Logement de l?Insee par exemple). Or, la croissance du nombre de ménages et la réduction de leur taille sont appelées à se poursuivre à un rythme soutenu, sous des hypothèses raisonnables de fécondité, de solde migratoire et d?évolution de la mortalité et des comportements de cohabitation. 2. Avis du Comité Le Comité pour la Fiscalité Écologique (CFE) s?est par deux fois prononcé sur des mesures en faveur de la limitation de l?artificialisation des sols. Dans son avis du 28 mars 2013, le Comité posait un diagnostic sur l?artificialisation des sols en France. Il proposait également un ensemble de mesures fiscales visant à limiter le phénomène d?artificialisation : modulations de la taxe d?aménagement, suppression de certaines exonérations de la taxe d?aménagement, instauration dans le plan local d?urbanisme 19 (PLU) d?un seuil minimum de densité dans certaines zones, instauration d?une taxe sur les bureaux vacants... Dans son avis du 13 juin 2013, le Comité a reconnu que les dispositifs fiscaux proposés en vue de limiter l?artificialisation des sols ne doivent pas être isolés du contexte dans lequel ils s?inscrivent et doivent notamment constituer des compléments aux règles d?urbanisme. Il indiquait que la mise en place de mécanismes fiscaux devait reposer sur une évaluation préalable des instruments existants, afin de disposer d?éléments chiffrés concernant notamment la mise en place du seuil minimal de densité et le recouvrement et l?usage de la taxe d?aménagement en lien avec la problématique de l?artificialisation, en particulier s?agissant de la part départementale. Enfin, il préconisait d?exonérer de la taxe d?aménagement les autorisations d?urbanisme délivrées sur les terrains réhabilités, à la suite notamment d?une opération de dépollution ou de déconstruction des bâtiments, ouvrages ou installations existants. Le CEV, dans un avis du 16 juillet 2015, a proposé la mise à l?étude de diverses dispositions fiscales à même de limiter l?étalement urbain. Il proposait en particulier d?utiliser la taxe d?aménagement comme levier pour que la fiscalité locale limite l?artificialisation des sols, cette dernière ayant l?avantage d?être prélevée au moment de la construction. Le Comité proposait de supprimer certaines exonérations existantes et d?étudier les cas où, au contraire, des exonérations seraient justifiées, de façon à favoriser l?utilisation des terrains existants déjà aménagés. A ce jour, aucune des propositions émises par le Comité en matière d?artificialisation des sols n?a été traduite dans la réglementation française. II- Pollution de l?eau 1. Constat La France dispose, en année moyenne, de ressources en eau globalement suffisantes pour les différents usages : agricole, domestique, industriel et milieux naturels (volume d?eau minimal pour préserver les équilibres écologiques dans les milieux aquatiques). Par ailleurs, les prélèvements en eau, estimés au total à 30 milliards de m³ en 2012, baissent pour l?industrie dès la fin des années 1990 et pour la production d?eau potable depuis le milieu des années 2000, alors que dans le même temps la population progresse. Même hors situation de sécheresse, cette ressource peut donc s?avérer ponctuellement ou localement insuffisante. De plus, le changement climatique risque d?exacerber les conflits d?usage, en particulier dans des régions où la demande est déjà forte. En revanche, l?examen de la qualité de l?eau en France montre globalement une très nette régression des pollutions industrielles, domestiques et urbaines depuis la création des agences de l?eau il y a 50 ans, mais un accroissement des pollutions agricoles et d?élevage, essentiellement sur les nitrates et pesticides. Les coûts économiques associés à la potabilisation des eaux sont importants : coûts des traitements curatifs de potabilisation compris entre 260 et 360 M¤ par an, achats d?eau en 20 bouteille par les ménages par crainte d?une contamination de l?eau du robinet par une trop forte teneur en pesticides estimé à 137 M¤ par an. Ce constat a motivé depuis 2007 plusieurs engagements nationaux sur l?agriculture (restrictions de l?usage des pesticides, accroissement de la surface consacrée à l?agriculture biologique, bandes enherbées, maintien du couvert végétal entre deux cultures), la biodiversité (zones humides, trames vertes et bleues) et l?eau (protection des aires d?alimentation des captages). De manière générale sur cette question, le législateur a privilégié la mise en place d?instruments d?ordre réglementaire plutôt que le recours à la fiscalité. Ce point est particulière illustré par la mise en place récentes des certificats d?économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) qui sont accordés aux entreprises en échange de services et de conseils qui permettraient aux agriculteurs de réduire la quantité de produits phytopharmaceutiques achetée de 20 % par rapport à son niveau de 2016. 2. Avis du Comité Un travail sur ce thème avait été demandé lors de l?installation du Comité, avec en perspective l?ordonnance à prendre sur les certificats d?économie de ces produits (dispositif prévu à titre expérimental par la loi d?avenir agricole pour une expérimentation sur 2016- 2020) et la préparation du plan Ecophyto 2. L?avis du Comité du 16 juillet 2015 dresse un diagnostic des externalités engendrées par l?utilisation des produits phytosanitaires et identifie les conditions nécessaires (et imparfaitement remplies à ce jour) pour un bon fonctionnement du dispositif des CEPP. Il préconise notamment de prévoir en amont un système d'information et de suivi statistique du dispositif afin d'en permettre l'évaluation in itinere et ex post, d?identifier le niveau de pénalités approprié, en cas de non-respect de l?objectif individuel de réduction du NODU, afin que le distributeur soit incité au respect de l?objectif qui sera fixé. L?avis proposait également que la redistribution de la recette, notamment aux exploitations engagées dans ces démarches de transition, puisse être utilisée pour maintenir la compétitivité agricole et favoriser les bonnes pratiques, ces modulations de restitution ne devant pas, en effet, remettre en cause l?objectif des CEPP. Il faut cependant noter que l?ordonnance instituant ce mécanisme a été annulé par le Conseil d?État dans sa décision du 28 décembre 2016, pour des raisons de procédure. III- Gestion durable de la faune et de la flore 1. Constat Les espaces biotiques naturels sont menacés par l?étalement urbain et l?artificialisation des sols, mettant en danger les espèces végétales et animales qui les occupent. Au-delà de ce risque de disparition des espaces biotiques naturels, ces derniers sont soumis à plusieurs pressions, et notamment aux pollutions et à la surfréquentation touristique. C?est particulièrement vrai pour certains espaces marins tropicaux ou méditerranéens fragiles ainsi que pour certains sites de montagne. De manière générale, la fiscalité est un outil peu utilisé dans le cadre des politiques de protection de la faune et de la flore. Au-delà des espaces protégés, sont surtout développés 21 d?autres outils visant à assurer la conservation en l?état de l?environnement. Ainsi, on peut à ce titre citer le mécanisme d?offre de compensation, adopté dans la cadre de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016 et qui réaffirme dans la loi la doctrine « éviter, réduire, compenser » : elle vise à minimiser les impacts environnementaux des projets d?aménagement ou d?activité, plans et programmes soumis à évaluation environnementale, étant entendu que la compensation constitue la dernière des solutions à envisager afin de minimiser l?impact écologique : les impacts environnementaux doivent être en priorité évités, et, en cas d?impossibilité, réduits, avant d?envisager toute forme de compensation. 2. Avis du Comité Le Comité s?est intéressé au développement du mécanisme des paiements pour services environnementaux. On parle de paiements pour services environnementaux (PSE) lorsqu?il est envisagé contractuellement de rémunérer des services environnementaux, dans la mesure où les actions associées contribuent de manière effective et additionnelle à la restauration et au bon fonctionnement des écosystèmes. Dans un avis du 29 octobre 2015, le Comité a dressé les avantages et limites des PSE et a formulé des recommandations pour un plus large déploiement et une utilisation efficace de ces instruments. Il a notamment pointé les difficultés qu?il restait encore à surmonter afin de maximiser l?utilisation de ce type d?outil, notamment quant à la mise en place d?un véritable outil dévaluation du développement de ce mécanisme. Le Comité s?est également intéressé à la question de la compensation écologique. L?avis du 6 juillet 2016 formule des recommandations pour un déploiement et une utilisation efficace de la compensation écologique. Il rappelle les grands principes de la compensation écologique précédemment cités. Il se focalise sur trois aspects identifiés par le CEV comme de nature à améliorer l?efficacité de la politique publique encadrant la mise en oeuvre de la compensation écologique, et réduire les coûts de transaction pour l?ensemble des acteurs : - l?intégration de la séquence éviter-réduire-compenser le plus en amont possible ; - le besoin d?outils harmonisés, notamment concernant les méthodes de calcul de l?équivalence écologique ; - les mécanismes de pérennisation des mesures de compensation écologiques. IV- Les problématiques liées aux milieux littoraux et marins Les activités économiques propres à la mer et au littoral (tourisme, navigation marchande ou de plaisance, pêche...), ainsi que d?autres activités émergentes, s?accompagnent de pollutions et de pressions sur les milieux marins et littoraux qui s?ajoutent à celles causées par les activités terrestres et dont les coûts pour la société française sont importants, ce qui fait de la maîtrise de leurs impacts environnementaux un enjeu essentiel, d?autant plus que ces espaces sont particulièrement exposés aux effets des changements climatiques. 22 La problématique des pollutions relatives à la mer et au littoral ne peut donc pas s?appréhender de manière isolée, mais au contraire nécessite une vue d?ensemble de tous les phénomènes touchant ces milieux fragiles. Ainsi, le comité a identifié six pollutions et pressions qui, de par leur importance, représentent des enjeux environnementaux et économiques prioritaires : ? l?artificialisation du littoral, qui se fait au détriment des espaces agricoles et naturels et qui constitue une source de destruction importante de biodiversité. L?artificialisation peut aussi perturber le fonctionnement des milieux naturels par la fragmentation des espaces. Elle a également des impacts socio-économiques à travers la destruction de zones fonctionnelles halieutiques, la dégradation des paysages avec des impacts possibles sur l?attractivité touristique, la capacité des écosystèmes à réguler les risques côtiers et l?érosion du trait de côte de long terme ; ? les pressions associées à la pêche maritime de loisir : cette activité effectue des prélèvements estimés, en 2011, à 5 % des volumes de la pêche professionnelle en métropole. Des études ponctuelles révèlent que, pour certaines espèces, les volumes concernés peuvent être importants et les experts rapportent ainsi des cas localisés de surpêche qui ont nécessité des mesures de gestion spécifiques ; ? l?eutrophisation des écosystèmes côtiers : actuellement, les façades atlantiques, de Manche et de Mer du Nord recueillent environ 85 % des apports de nitrates en métropole, ce qui entraîne des dégradations écologiques importantes : algues vertes, destruction de la biodiversité? ? la pollution des milieux marins et littoraux par les plastiques : en France métropolitaine, on estime à 10 millions de tonnes les quantités de macro-déchets qui atteignent chaque année les milieux marins. Leur impact est avéré sur plus de 800 espèces côtières et marines (étouffement, étranglement, etc.) et leurs habitats. Des éléments suggèrent par ailleurs que les micro-plastiques pourraient perturber le fonctionnement des écosystèmes marins de manière significative ; ? la pollution de l?air engendrée par le transport maritime et la régulation des émissions de gaz à effet de serre du transport maritime: il s'agit d'un enjeu essentiel, d?autant plus que ces émissions sont actuellement exclues des inventaires nationaux et donc des engagements de réduction des émissions des pays ; ? la pollution sonore des milieux marins, les bruits sous-marins liés à certaines activités économiques étant susceptibles d?impacter fortement la biodiversité marine (le bruit ambiant peut par exemple perturber les comportements des espèces, alors que le bruit impulsif génère des nuisances physiologiques pouvant aller jusqu?à la mortalité de certaines espèces)." Dans le cadre de la conception de la stratégie française pour la mer et le littoral (SNML), le conseil national de la mer et du littoral (CNML) a souhaité que le Comité pour l?économie verte (CEV) engage une réflexion d?ensemble sur la fiscalité de la mer et du littoral et sur les outils de financement en appui aux politiques publiques. Un groupe de travail a été mis en place à cet effet, dont les travaux sont toujours en cours à ce jour, et qui vise à proposer une réforme des outils économiques, dont fiscaux, à mettre en oeuvre de sorte à lutter efficacement contre ces pressions et pollutions. 23 Annexe 1 Liste des membres du Comité pour l?Économie Verte Animation du secrétariat général du Comité 24 Représentants des élus nationaux et des assemblées consultatives Assemblée Nationale Sénat Parlement européen Conseil économique, social et environnemental Représentants des élus locaux Association des régions de France Assemblée des départements de France Association des maires de France Assemblée des communautés de France Représentants des entreprises, des commerçants, des artisans et des agriculteurs MEDEF AFEP CPME U2P FNSEA Assemblées consulaires Représentants des salariés FO CGT CFTC CFDT CFE-CGC Représentants des ONG Les Amis de la Terre Écologie sans Frontière Ligue de Protection des Oiseaux France Nature Environnement Fondation Nicolas Hulot Réseau Action Climat WWF Économie sociale et solidaire Humanité et biodiversité Représentants des consommateurs et des familles UFC-Que Choisir Association nationale de défense des consommateurs et des usagers Union Nationale des Associations Familiales Comité pour les relations Nationales et internationales des Associations de Jeunesse et d?Éducation Populaire 25 Secrétariat et rapporteurs du Comité pour l?Économie Verte Commissariat Général au Développement Durable Bureau ERNR 3 Ministère de l?écologie, de l?énergie et de la mer GT eau et biodiversité GT mer et littoral Direction Générale du Trésor Bureau POLSEC4 Ministère de l?économie et des finances GT mobilisation des financements privés Direction de la Législation Fiscale Bureau A Ministère de l?économie et des finances GT artificialisation des sols 26 Annexe 2 Avis du Comité pour la Fiscalité Écologique 27 Sommaire 1. Avis du 28 mars 2013 relatif à l?introduction d?une assiette carbone dans la fiscalité française??????????????...?..?29 2. Avis du 28 mars 2013 relatif à l?artificialisation des sols?..?..?31 3. Avis du 18 avril 2013 relatif à l?écart de taxation entre l?essence et le gazole?????????????????????..??.35 4. Avis du 18 avril 2013 relatif à l?opportunité d?une taxation des fluides frigorigènes??????????????????..?42 5. Avis du 13 juin 2013 relatif à l?artificialisation des sols??..?...45 6. Avis du 12 novembre 2013 portant diagnostic sur la fiscalité et le financement de l?économie circulaire?????????.??....49 7. Avis du 13 février 2014 relatif à la protection des ressources en eau et en biodiversité??????????????.??????56 8. Avis du 10 juillet 2014 relatif à la fiscalité des déchets et financement de l?économie circulaire?????????.???65 9. Avis du 10 juillet 2014 portant diagnostic sur la compensation des ménages vis-à-vis de la fiscalité de l?énergie??..???????73 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 Annexe 3 Avis du Comité pour l?Économie Verte 78 Sommaire 1. Avis du 16 juillet 2015 sur la fiscalité et l?artificialisation des sols????????..???????????????.??80 2. Avis du 16 juillet 2015 portant diagnostic sur les instruments économiques relatifs à l?utilisation des produits phytosanitaires et portant recommandation sur les certificats d?économie de produits phytopharmaceutiques???????????????..?...?90 3. Avis du 16 juillet 2015 sur la labellisation des fonds d?investissements pour la transition énergétique et écologique????????????????..?????...100 4. Avis du 29 octobre 2015 portant sur le développement des paiements pour services environnementaux (PSE)?????...?105 5. Avis du 29 octobre 2015 portant diagnostic sur la prise en compte de l?exposition aux risques associés au changement climatique et la contribution au respect de l?objectif de limitation du réchauffement climatique par les investisseurs institutionnels???...??...?...110 6. Avis du 6 juillet 2016 portant sur la mise en oeuvre de la compensation écologique????..???????????....116 7. Avis du 6 juillet 2016 portant diagnostic sur le suivi des financements liés à la transition énergétique et au climat en France????????????????????????123 8. Avis du 20 septembre 2016 portant sur les principes d?utilisation du relèvement de la composante carbone...???????????129 9. Avis du 10 janvier 2017 sur l?opportunité d?une accélération de la trajectoire de la composante carbone???.???????...?134 79 Avis du 16 juillet 2015 sur la fiscalité et l?artificialisation des sols Le Comité pour la fiscalité écologique a pris acte de l?adoption, dans le cadre de la loi du 24 mars 2014 pour l?accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), d?un chapitre consacré à la « Lutte contre l?étalement urbain et la consommation d?espaces naturels, agricoles et forestiers » et de diverses dispositions à cette fin. Les mécanismes retenus ne remettent cependant pas en cause la nécessité de définir des dispositifs économiques, financiers et fiscaux d?accompagnement, à même d?inciter à limiter l?usage des sols aux fins de constructions de bâtiments et autres aménagements qui se traduisent par une artificialisation des sols9. I- PRINCIPE Le code de l?urbanisme s?ouvre sur des « règles générales d?utilisation des sols » (art. L. 110) qui permettent, à défaut d?être pleinement opérationnelles, de renforcer les fondements des politiques conduites tant par l?Etat que par les collectivités publiques en matière d?affectation et d?utilisation des sols. « Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité publique en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin d'aménager le cadre de vie, d'assurer sans discrimination aux populations résidentes et futures des conditions d'habitat, d'emploi, de services et de transports répondant à la diversité de ses besoins et de ses ressources, de gérer le sol de façon économe, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de réduire les consommations d'énergie, d'économiser les ressources fossiles d'assurer la protection des milieux naturels et des 9 Selon la Commission Européenne (Lignes directrices concernant les meilleures pratiques pour limiter, atténuer ou compenser l?imperméabilisation des sols, Bruxelles 2012), l?imperméabilisation des sols désigne le recouvrement permanent d?un terrain (ou d?une parcelle de terre) et de son sol par un matériau artificiel imperméable (asphalte ou béton, par exemple), notamment lors de la construction de bâtiments et de routes. Seule une partie d?une zone urbanisée est réellement imperméabilisée, car les jardins, les parcs urbains et autres espaces verts ne sont pas recouverts d?une surface étanche. L?artificialisation des terres, également dénommée consommation d?espace, décrit l?augmentation des zones urbanisées au cours du temps. Ce processus couvre notamment l?apparition d?agglomérations dispersées dans les zones rurales, l?expansion des zones urbaines autour d?un noyau urbain (étalement urbain compris) et la reconversion des terres à l?intérieur d?une zone urbaine (densification). En fonction des conditions locales, l?artificialisation des terres se traduit dans une plus ou moins grande mesure par une véritable imperméabilisation des sols (données transmises par Mme Isabelle Feix, Experte nationale « Sols » auprès de l?ADEME) 80 paysages, la préservation de la biodiversité notamment par la conservation, la restauration et la création de continuités écologiques, ainsi que la sécurité et la salubrité publiques et de promouvoir l'équilibre entre les populations résidant dans les zones urbaines et rurales et de rationaliser la demande de déplacements, les collectivités publiques harmonisent, dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions d'utilisation de l'espace. Leur action en matière d'urbanisme contribue à la lutte contre le changement climatique et à l'adaptation à ce changement ». Afin de renforcer les exigences d?économie des sols dans la définition et la mise en oeuvre de leurs décisions financières et fiscales et de les formaliser ainsi, il convient de compléter ce dispositif par une mention comme : « les collectivités publiques harmonisent, dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions d'utilisation de l'espace », « leurs décisions en matière financière et fiscale participant pleinement à ces objectifs » ou Leur action en matière d'urbanisme contribue à la lutte contre le changement climatique et à l'adaptation à ce changement. « Elles veillent à ce que leurs décisions en matière financière et fiscale ne contrarient pas ces objectifs et participent à leur satisfaction ». Le Comité pour une économie verte propose que les principes généraux du droit de l?urbanisme et l?articulation des compétences entre collectivités publiques formalisent la participation des décisions financières et fiscales aux objectifs d?affectation et d?utilisation économe des sols. Il suggère que l?article L. 110 du code de l?urbanisme soit complété en ce sens, comme : « (?) les collectivités publiques harmonisent, dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions d'utilisation de l'espace », « leurs décisions en matière financière et fiscale participant pleinement à ces objectifs » II- - TAXE D?AMÉNAGEMENT La taxe d?aménagement n?a pas pour vocation première d?inciter à l?économie des sols mais d?imposer à certaines personnes (bénéficiaires des autorisations accordées aux opérations d'aménagement et aux opérations de construction, de reconstruction et d'agrandissement des bâtiments, installations ou aménagements de toute nature ou, en cas de construction sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l'autorisation de construire ou d'aménager, les personnes responsables de la construction) de participer aux charges d?équipements collectifs exposées par les communes et intercommunalités. Elle est assise sur la surface de plancher fiscale des immeubles assujettis (« somme des surfaces de plancher closes et couvertes, sous une hauteur de plafond supérieure à 1,80 mètre, calculée à partir du nu intérieur des façades du bâtiment, déduction faite des vides et des trémies » - C. urb., art. L. 331-10) Une modification des règles relatives aux exonérations dont bénéficient certains constructions ou aménagements peut constituer une incitation à 81 économiser quantitativement le sol, comme peut l?être une variation du champ des exonérations en faveur des constructions « vertueuses ». 1. Suppression d?exonérations de la taxe d?aménagement En vue d?inciter à une utilisation raisonnée des sols aux fins de construction et d?aménagement, quel que soit le bénéficiaire de ces constructions et aménagements, le Comité pour une économie verte propose d?étudier la possibilité d?abroger le régime d?exonération de la part communale ou intercommunale et de la part départementale de la taxe d?aménagement (qui remplace les taxes « espaces naturels sensibles des départements » et « CAUE ») dont bénéficient certaines constructions et aménagements destinés à être affectés à un service public ou d?utilité publique ou réalisés au bénéfice de certaines personnes, dont la liste est fixée par décret en Conseil d?Etat. Le régime actuel prévoit que sont notamment exonérés de la part communale ou intercommunale et départementale de la taxe d?aménagement : 1° Les constructions et aménagements destinés à être affectés à un service public ou d'utilité publique, dont la liste est fixée par un décret en Conseil d'Etat (C. urb., art. L. 331-7, 1°) ; ie 1. Les constructions édifiées par l'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements et exemptées de la taxe foncière sur les propriétés bâties en application de 1382 1°CGI, ie 1° Les immeubles nationaux, les immeubles régionaux, les immeubles départementaux pour les taxes perçues par les communes et par le département auquel ils appartiennent et les immeubles communaux pour les taxes perçues par les départements et par la commune à laquelle ils appartiennent, lorsqu'ils sont affectés à un service public ou d'utilité générale et non productifs de revenus, notamment : Les palais, châteaux et bâtiments nationaux, le Palais-Bourbon et le Palais du Luxembourg ; Le Panthéon, l'Hôtel des Invalides, l'Ecole militaire, l'Ecole polytechnique, la Bibliothèque nationale ; Les bâtiments affectés au logement des ministres, des administrations et de leurs bureaux ; Les bâtiments occupés par les cours de justice et les tribunaux ; Les lycées, prytanées, écoles et maisons d'éducation nationale, les bibliothèques publiques et musées ; Les hôtels des préfectures et sous-préfectures, les maisons communales, les maisons d'école appartenant aux communes ; Les hospices, dépôts de mendicité, prisons, maisons de détention ; Les magasins, casernes et autres établissements militaires, à l'exception des arsenaux ; Les bâtiments formant dépendance nécessaire des cimetières, y compris les cimetières constitués en vertu de l'article L. 511 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour la sépulture des militaires alliés et dont l'Etat a concédé la libre disposition aux gouvernements intéressés ; Les haras. 2. Les constructions édifiées pour le compte de l'Etat, des collectivités territoriales ou de leurs groupements, en vertu d'un contrat de partenariat, d'un bail emphytéotique administratif, d'un bail prévu à l'article L. 2122-15 du code général de la propriété des personnes publiques (bail portant sur des bâtiments à construire par le titulaire pour les besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationales, de la formation des personnels qui concourent aux missions de défense et de sécurité civiles, des armées ou des services du ministère de la défense), d'un contrat de conception, construction et aménagement d'établissements pénitentiaires ou de conception, construction, aménagement, entretien et maintenance d'immeubles affectés à la police nationale, à la gendarmerie nationale, aux armées ou aux services du ministère de la défense, ou d'une autorisation d'occupation du domaine public assortie de droits réels, qui sont incorporées au domaine de la personne publique conformément aux clauses du contrat, au plus tard à l'expiration de ce contrat, et exemptées de la taxe foncière sur les propriétés bâties ; 3. Les constructions destinées à recevoir une affectation d'assistance, de bienfaisance, de santé, d'enseignement ou culturelle, scientifique ou sportive et 82 édifiées par, ou, dans le cadre d'un des contrats mentionnés au 2°, pour le compte de ?de divers établissements : EP sans caractère industriel et commercial, fondation à caractère administratif, fondations partenariales, associations, des unions d'associations ou des fondations reconnues d'utilité publique (?) 4. Les constructions édifiées par des groupements autres que des associations cultuelles et des missions religieuses mentionnées au 4° ou, dans le cadre d'un des contrats mentionnés au 2°, pour leur compte, destinées à être exclusivement affectées à l'exercice public d'un culte 5. Les constructions édifiées soit par les Etats étrangers ou, dans le cadre d'un des contrats mentionnés au 2°, pour leur compte, à usage de locaux diplomatiques ou consulaires ou pour la résidence d'un chef de poste consulaire de carrière, soit par les organisations internationales intergouvernementales ou, dans le cadre d'un des mêmes contrats, pour leur compte, pour la réalisation de leur objet sous réserve des accords passés entre la France et ces organisations. Le bénéfice des exonérations prévues par le présent article est subordonné à la condition que l'organisme constructeur s'engage, pour lui et ses ayants cause, à conserver à la construction la même affectation pendant une durée minimale de cinq ans à compter de l'achèvement de cette construction. De la même façon, Par délibération prise dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 331-14, les organes délibérants des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale, le conseil de la métropole de Lyon, les conseils départementaux et le conseil régional de la région d'Ile-de-France peuvent exonérer de la taxe d'aménagement, en tout ou partie, chacune des catégories de construction ou aménagement suivantes : 1° Les locaux d'habitation et d'hébergement mentionnés au 1° de l'article L. 331-12 qui ne bénéficient pas de l'exonération prévue au 2° de l'article L. 331-7 ; 2° Dans la limite de 50 % de leur surface, les surfaces des locaux à usage d'habitation principale qui ne bénéficient pas de l'abattement mentionné au 2° de l'article L. 331-12 et qui sont financés à l'aide du prêt ne portant pas intérêt prévu à l'article L. 31-10-1 du code de la construction et de l'habitation ; 3° Les locaux à usage industriel et artisanal mentionnés au 3° de l'article L. 331-12 du présent code ; 4° Les commerces de détail d'une surface de vente inférieure à 400 mètres carrés ; 5° Les immeubles classés parmi les monuments historiques ou inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. 6° Les surfaces annexes à usage de stationnement des locaux mentionnés au 1° et ne bénéficiant pas de l'exonération totale ; 7° Les surfaces des locaux annexes à usage de stationnement des immeubles autres que d'habitations individuelles ; 8° Les abris de jardin, les pigeonniers et colombiers soumis à déclaration préalable. (art. L. 331-9) D?une manière générale, ces exonérations ne sont pas incitatives d?une utilisation moindre des sols. Dans la mesure où l?artificialisation des sols a un coût social et environnemental, il n?existe pas de justification particulière à ce que certaines personnes ou certaines affectations des immeubles bâtis continuent à bénéficier d?exonérations arrêtées à une époque où ces coûts n?étaient pas pris en compte. Il conviendrait dès lors que soit analysées chacune de ces exonérations au vu de ces nouveaux enjeux et qu?elles soient reconsidérées, le cas échéant, et en tout cas que leur maintien soit justifié dans cette nouvelle perspective. 83 http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074075&idArticle=LEGIARTI000023368848&dateTexte=&categorieLien=cid http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074096&idArticle=LEGIARTI000023356560&dateTexte=&categorieLien=cid http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074096&idArticle=LEGIARTI000023356560&dateTexte=&categorieLien=cid http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074075&idArticle=LEGIARTI000006815599&dateTexte=&categorieLien=cid http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074075&idArticle=LEGIARTI000023368821&dateTexte=&categorieLien=cid Il faut cependant veiller à ce que la suppression de certaines exonérations ne contrarie pas leurs objectifs économiques et sociaux et s?inscrive dans la satisfaction des objectifs de l?article L. 110 du code de l?urbanisme. Il n?est pas non plus possible de revenir sur certaines immunités fiscales. Le Comité pour une économie verte recommande que soient analysées toutes les exonérations automatiques ou optionnelles de la part communale et intercommunale et de la part départementale de la taxe d?aménagement afin de mesurer leurs éventuelles incidences sur l?artificialisation des sols puis, le cas échéant, d?envisager leur suppression pour inciter à une moindre artificialisation. Toute suppression doit toutefois faire préalablement l?objet d?une analyse de ses incidences budgétaires, économiques et sociales, pour éviter qu?elle contrarie d?autres objectifs, notamment ceux répondant aux exigences de l?article L. 110 du code de l?urbanisme. 2. Exonération de la taxe d?aménagement au profit d?opérations non consommatrices de sols Si la taxe d?aménagement peut être instrumentalisée en vue de limiter l?artificialisation des sols, il convient, dans la même perspective, de s?interroger sur une possible exonération des opérations qui ne « consomment » pas ou ne « surconsomment » pas de sol, que ce soit de façon « réelle » (surélévation d?immeuble existant, réaménagement d?immeuble existant, aires de stationnement enterrées) ou « théorique » (reconstruction sur place, construction sur des terrains dépollués). 2.1. - Incitations à l?économie « théorique » de sols i/ Reconstruction Si les causes et conditions d?exonération n?ont pas la même finalité, le régime de la taxe d?aménagement connait au moins un cas d?exonération au profit d?une construction qui n?emporte pas consommation des sols par rapport à l?usage précédent : celui de la reconstruction à l?identique d?un immeuble détruit à la suite d?un sinistre. Il s?agit ici de ne pas « pénaliser » le propriétaire victime d?un tel sinistre et comme la construction est identique à la précédente, elle n?emporte pas plus d?utilisation des équipements publics (réseaux viaires et autres) que ne le faisait l?immeuble détruit et ce, même si la construction remplacée n?avait pas fondé une participation du constructeur aux équipements publics via une taxe ou autre contribution. L. 331-2, 7° exonération de « La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans dans les conditions prévues au premier alinéa de l?article L. 111-3, sous réserve des dispositions du 4° de l?article L. 331-30 ainsi que la reconstruction sur d'autres terrains de la même commune ou des communes limitrophes des bâtiments de même nature que les locaux sinistrés dont le terrain d'implantation a été reconnu comme extrêmement dangereux et classé inconstructible, pourvu que le contribuable justifie que les indemnités versées en réparation des dommages occasionnés à l'immeuble ne comprennent pas le montant de la taxe d'aménagement normalement exigible sur les reconstructions ; La reconstruction sur place est donc susceptible, par similarité, de bénéficier d?un tel régime, même si elle ne procède pas de la destruction d?un bâtiment à la suite d?un sinistre et ce, quelles que soient les causes de la démolition du bâtiment. ii/ Réhabilitation de sol pollué 84 Dans ce contexte, un sol pollué interdit juridiquement toute construction et impose de chercher ailleurs une surface à construire, ce qui au final, « double » la consommation de sol. La réhabilitation d?un sol pollué le libère donc pour la construction ou autre usage artificiel et évite ainsi une exportation du besoin en sol sur un autre terrain. Cette réhabilitation bénéficie donc tant au sol qu?à la collectivité en termes de qualité de l?environnement et de santé publique. Une exonération de la taxe d?aménagement permettrait de « compenser » les efforts financiers consentis à cette fin et d?inciter à la réhabilitation plutôt qu?au délaissement d?un tel sol en se tournant vers d?autres. Dans ces perspectives, la question de la notion de « réhabilitation » d?un sol pollué est déterminante. Relative, elle peut s?appréhender par référence au régime qui a été fixé par la loi ALUR. Celui-ci prévoit que les projets de construction (situés dans un secteur d'information sur les sols, mais cette mention est indifférente dans notre perspective) « font l'objet d'une étude des sols afin d'établir les mesures de gestion de la pollution à mettre en oeuvre pour assurer la compatibilité entre l'usage futur et l'état des sols ». « Le maître d'ouvrage fournit dans le dossier de demande de permis une attestation garantissant la réalisation de cette étude des sols et de sa prise en compte dans la conception du projet de construction ou de lotissement. Cette attestation doit être établie par un bureau d'études certifié dans le domaine des sites et sols pollués, conformément à une norme définie par arrêté du ministre chargé de l'environnement, ou équivalent » (C. envir., art. L. 556-2). Il est également possible de se référer au régime des installations classées soumises à autorisation qui prévoit, s?agissant de la remise en état du site, que celle-ci doit notamment permettre « un usage du site cohérent avec ces documents d'urbanisme » ou « un usage futur du site déterminé conjointement avec le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme » (C. envir., art. L. 512-6-1). Compte tenu de ces éléments, le Comité pour une économie verte propose que les collectivités locales compétentes aient la possibilité d?exonérer en tout ou partie des parts communales et départementales de la taxe d?aménagement : - les constructions et aménagements réalisés sur les terrains réhabilités à la suite d?opérations de dépollution effectuées dans des conditions permettant la réaffectation des sols à un usage conforme aux règles d?urbanisme applicables sur ces terrains ; - les opérations de reconstruction à la suite d?une démolition, à l?exclusion des surfaces de plancher qui excèdent celles de l'immeuble avant démolition (eg : 500 m2 initiaux, 650 m2 au final : seuls 150 m2 sont assujettis) L?éventualité d?une telle suppression doit toutefois faire préalablement l?objet d?une analyse de ses incidences budgétaires - notamment pour les collectivités locales - économiques et sociales, pour éviter qu?elle contrarie d?autres objectifs d'intérêt général. 2.2. - Incitations à l?économie « réelle » de sols Certains travaux qui augmentent la surface des bâtiments n?ont pourtant pas d?incidence quantitative effective sur le sol, dès lors qu?ils prennent pour assise un support existant et le développent à la verticale ou, plus largement, dans le volume existant. La taxe d?aménagement peut constituer un levier à fin d?inciter à de tels travaux plutôt qu?à un développement horizontal et ce, dans trois directions : I- La réalisation des aires de stationnement sous l?immeuble desservi par lesdites aires ou sous un immeuble proche permet d?éviter l?artificialisation du sol en surface. 85 L?article L. 331-9 C. urb. prévoit que les organes délibérants des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale, le conseil de la métropole de Lyon, les conseils départementaux et le conseil régional de la région d'Ile-de-France peuvent exonérer de la taxe d'aménagement, en tout ou partie, les surfaces annexes à usage de stationnement de certains locaux (logements réalisées dans le cadre de la politique sociale) et ne bénéficiant pas de l'exonération totale. Sont également concernées les surfaces des locaux annexes à usage de stationnement des immeubles autres que d'habitations individuelles. Ce dispositif est générique, qui ne concerne pas spécifiquement les aires de stationnement situées à l?intérieur ou sous les bâtiments. Il exclut également de son champ d?application les aires de stationnement interne aux immeubles à usage d?habitation autres que ceux spécifiquement visés. Une intégration explicite de ces aires dans le régime dérogatoire éviterait toute restriction les concernant, II- La réalisation de travaux de surélévation d?immeubles existants, pour les seules surfaces superposées (et non celles des éventuelles aires de stationnement associées, sauf si elles sont réalisées en sous-sol). III- La réalisation d?aménagements intérieurs dans le bâti existant, qui se traduit par la création d?une surface de plancher fiscale contenue dans le corps de l?immeuble existant, sans conduire à une artificialisation des sols. Il convient cependant de veiller à ce que les aménagements imposés par la réglementation relative aux accès des personnes à mobilité réduite et qui conduiraient à créer de la surface de plancher fiscale ne soient pas affectés par ces mesures. Le Comité pour une économie verte propose que les communes et autres collectivités intéressées aient la possibilité d?exonérer en tout ou partie de toutes les parts communales et départementales de la taxe d?aménagement - les constructions et aménagements relatifs à des immeubles bâtis existants qui ne se traduisent pas par une artificialisation des sols ; - les aires de stationnement ne constituant pas une emprise au sol, quel que soit l?immeuble concerné, son affectation comme son mode de financement. Les aménagements destinés aux personnes à mobilité réduite doivent toutefois bénéficier de ces exonérations même s?ils conduisent à une telle artificialisation, L?éventualité d?une telle exonération doit toutefois préalablement faire l?objet d?une analyse de ses incidences budgétaires - notamment pour les collectivités locales - économiques et sociales, pour éviter qu?elle ne contrarie d?autres objectifs d'intérêt général. III- TAXE SUR LES BUREAUX VACANTS L?existence de plusieurs milliers de m² de bureaux vacants, de façon structurelle, conduit à envisager la possibilité d?une réaffectation aux fins de logement, permettant ainsi d?éviter d?artificialiser des sols pour produire ces logements, les volumes nécessaires pouvant être « prélevés » sur le stock dormant de surfaces déjà occupées et aménagées à d?autres fins. 86 Le Comité pour la fiscalité écologique recommande donc d?étudier la possibilité et les conditions économiques de cette réaffectation et d?inciter à y recourir par le biais de mécanismes fiscaux. Il conviendrait plus particulièrement de s?attacher, s?agissant d?un dispositif fiscal qui pourrait prendre la dénomination de « Taxe sur les bureaux vacants » : 1. à son champ d?application, impliquant de définir les critères de la vacance sur le fondement d?un faisceau d?indices intégrant notamment la durée et d?autres critères associés (contraintes spécifiques y conduisant, identifiants?, le régime des logements vacants pouvant contribuer à cette définition) ; 2. aux modalités d?identification préalable des besoins en logements de façon sectorisée, la régulation de la vacance des bureaux devant conduire à satisfaire des besoins effectifs ; 3. à la question de l?utilisation de ses recettes, y compris en envisageant son affectation éventuelle à des organismes publics ayant pour mission de soutenir financièrement l?amélioration des logements existants ; 4. à la définition d?un outil pédagogique associé permettant d?expliquer cet outil fiscal, ses objectifs et les modalités de sa mise en oeuvre. Cette recommandation rejoint les préoccupations du Gouvernement telles qu?elles ont été exprimées dans la lettre de mission du 5 mai 2015 « Evaluation de la politique de mobilisation des logements et bureaux vacants », tendant notamment à évaluer « l?efficience et la cohérence des dispositions (notamment fiscales) mises en oeuvre et leur impact sur la vacance (?) ». La « fiche de cadrage » concerne cependant principalement les logements vacants. Le Comité pour une économie verte recommande que ne soit négligée aucune piste, compte tenu du gisement de surface de bureaux vacants disponibles. Le Comité pour une économie verte demande que soit étudiée l'opportunité d?établir une « taxe sur les bureaux vacants » ou dénomination similaire, fondée sur la vacance des immeubles à destination de bureaux, vacance dont les critères doivent faire l?objet d?une définition qui en intègre notamment les causes, la possibilité technique de réaffectation de ces bureaux à fins de logement et les besoins sectorisés effectifs de logements. Cette étude s'inscrira dans le cadre d'un diagnostic plus large de l'ensemble des dispositifs fiscaux sur les bureaux et d?une identification des instruments qui apparaîtraient obsolètes au regard de l'objectif d'ensemble. Il prend acte de la mission d?évaluation en cours et souhaite que ses recommandations soient intégrées dans son champ d?analyses et de propositions. IV- FISCALITÉ DES SURÉLÉVATIONS ET TRANSFORMATION DE LOCAUX Les surélévations de bâtiments présentent l?avantage de créer des surfaces de plancher sans augmenter l?artificialisation des sols tandis que les transformations de locaux permettent d?affecter des locaux à un autre usage sans qu?il soit besoin de construire pour satisfaire cet usage. L?article 61 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové a notamment facilité la surélévation de bâtiments aux fins de créer de nouveaux locaux 87 à usage privatif dans les copropriétés, en ramenant l?unanimité de la décision du syndicat des copropriétaires à une majorité qualifiée (majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix), de même pour la décision d'aliéner aux mêmes fins le droit de surélever un bâtiment existant (Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, art. 35). Cette mesure de la loi ALUR a ainsi permis de renforcer les « Mesures de développement de l?offre de logement » développées dans le cadre de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d?allègement des procédures, « compte tenu du coût du foncier libre et aménagé en zone urbaine dense et considérant que les terrasses et toits de bâtiments constituent des opportunités de foncier disponible pour la construction de logement qui restent pourtant encore sous-utilisés ». Si son objet est de gérer la rareté de la disponibilité foncière, ce dispositif permet toutefois d?éviter de nouvelles emprises au sol. La technique utilisée est de nature fiscale, puisqu?il s?agit d?assouplir le régime de l?imposition des plus-values immobilières au bénéfice : 5. des personnes physiques (en vertu de l?introduction d?un nouveau cas d?exonération dans le II de l?article 150 U du code général des impôts) ; 6. des fonds de placement immobilier et les sociétés ou groupements à prépondérance immobilière (en vertu de la modification de l?article 150 UC du CGI) ; 7. des fiducies (en vertu de la modification de l?article 150 UD du CGI) ; 8. des entreprises relevant de l?impôt sur le revenu et celles relevant de l?impôt sur les sociétés (en vertu du nouvel article 238 octies - 0 A du CGI) ; 9. des contribuables étrangers assujettis à l?impôt sur le revenu (en vertu de la modification du 1° du II de l?article 244 bis A du CGI), 10. des personnes morales étrangères assujetties à l?impôt sur les sociétés, dès lors qu?elles sont résidentes d?un État membre de l?Union européenne ou d?un autre État partie à l?accord sur l?Espace économique européen ayant conclu une convention d?assistance en matière de fraude et d?évasion fiscales (en vertu du III de l?article 244 bis A du CGI, permettant l?application des règles applicables aux personnes morales résidentes de France). Dans le même esprit, la loi du 12 mai 2009 a créé un dispositif temporaire d?application d?un taux d?impôt sur les sociétés réduit, à 19 %, en faveur des plus-values nettes dégagées lors de la cession d?un local à usage de bureau ou à usage commercial par une personne morale soumise à l?IS dans les conditions de droit commun, aux fins de transformation de l?immeuble cédé en un immeuble à usage d?habitation. Comme l?on précisé les rapports parlementaires, « en ne réservant plus le bénéfice du taux réduit à des opérations au profit de sociétés à prépondérance immobilière ou d?organismes en charge du logement social, le présent article permet d?adapter le dispositif à sa finalité, qui est la création de nouveaux logements à usage d?habitation, sans que cette incitation à la création de nouveaux logements soit réservée à des logements créés par des sociétés immobilières ». Ces mesures ont cependant été instituées de façon temporaire (cessions à titre onéreux réalisées entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2014) en vue de « contribuer à créer un effet incitatif à court terme ». Comme il ressort de l?étude d?impact de la loi de 2009, la mesure relative à la cession du droit de surélévation concernerait, sur la période, pour la seule région ÃŽle-de-France, « 2 000 logements d?une surface moyenne de 70 m2 chaque année, tandis que la transformation annuelle de bureaux pourrait porter, dans une hypothèse haute, sur 100 000 m2 dans la même région ». « Ces deux mesures devraient avoir un coût annuel 88 limité, qui est chiffré par l?étude d?impact à moins de 27,5 millions d?euros par an (16 millions au titre de l?impôt sur le revenu et 11,5 millions au titre des prélèvements sociaux) pour celle exonérant les plus-values de cession du droit de surélévation et à 3 millions d?euros par an pour celle relative au taux réduit d?impôt sur les sociétés ». Ces taux réduits et exonérations de plus-values immobilières ont toutefois été prorogés de 3 ans (applicable aux cessions réalisées avant le 31 décembre 2017) par l?article 10 de la loi de finances pour 2015 (loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 : JO 30 déc. 2014, p. 22828), selon le tableau suivant : Art. 150 U II 9° PVI* ? droits de surélévation Exonération des PVI* de cessions par les particuliers de droit de surélévation contre engagement de construction de logements** Cession de droits avant le 31 déc. 2017 Art. 238 octies A PVI* ? droits de surélévation Exonération des PVI* réalisées par les entreprises de cession d?un droit de surélévation contre engagement de construction de logements Cession de droits au plus tard le 31 déc. 2017 Art. 210 F Impôt sur les sociétés ? Plus-values de cession de locaux à usage de bureaux ou à usage commercial destinés à être transformés en local d'habitation Taux réduit à 19 % Fin du régime le 31 déc. 2017 * plus-value immobilière ** concerne également les fonds de placement immobilier et sociétés ou groupements à prépondérance immobilière, les fiducies (en vertu de la modification de l?article 150 UD du CGI), les contribuables étrangers assujettis à l?impôt sur le revenu et les personnes morales étrangères assujetties à l?impôt sur les sociétés, dès lors qu?elles sont résidentes d?un État membre de l?Union européenne ou d?un autre État partie à l?accord sur l?Espace économique européen ayant conclu une convention d?assistance en matière de fraude et d?évasion fiscales, puisque les dispositions fiscales de référence renvoient à l?article 150 U II 9° CGI Le Comité pour une économie verte propose de reconduire, à leur terme, ces dispositifs fiscaux pour une durée de trois ans supplémentaires, tout en maintenant la limite de l?affectation de ces locaux aux fins de logement. Le Comité pour une économie verte souligne l'importance des évaluations à mener sur l'efficience de ces dispostifs. Celles-ci devront être menées en amont de leur éventuelle reconduction et le Comité s'en saisira à cette occasion. 89 Avis du Comité pour l?économie verte portant diagnostic sur les instruments économiques relatifs à l?utilisation des produits phytosanitaires et portant recommandation sur les certificats d?économie de produits phytopharmaceutiques Cet avis constitue la synthèse de la discussion en séance plénière du Comité du 16 juillet 2015. Il reflète l'équilibre qui a pu être trouvé entre parties prenantes à ce propos, qui s'entend cependant sous réserve des commentaires que certaines d'entre elles ont souhaité ajouter à cet avis pour en préciser la portée et qui y sont joints. Dans son avis du 13 février 2014 sur la protection des ressources en eau et en biodiversité, le Comité pour la fiscalité écologique notait que « la France reste loin de ses objectifs dans deux domaines : la baisse de la teneur en nitrates de ses eaux de surface et souterraines ; la réduction des rejets issus des résidus médicamenteux et de l?usage de produits phytosanitaires », soulignant pour ces derniers que l?excès de leurs apports « a des impacts multiples sur la santé et l?équilibre des milieux, la micro flore et faune du sol». À cet égard, il préconisait « [d?]évaluer le renforcement du caractère incitatif de la fiscalité des produits phytosanitaires en prenant appui sur les travaux de l?inspection ; évaluer la mise en place de certificats d?économie de produits phytosanitaires proposés par ces travaux et, le cas échéant, évaluer la mise en place d?un système assurantiel permettant d?accompagner les changements de pratiques. » L?avis précisait également que « une telle réforme de la tarification environnementale des intrants doit être conduite de façon progressive dans le temps, en évaluant par étude d?impact son incidence sur le revenu et la compétitivité des différents systèmes de production agricole qui doivent être maintenus, ainsi que sur l?activité et l?emploi des industries de protection et de distribution de ces intrants ainsi que d?éventuelles distorsions de concurrence internationale.» Le présent avis se situe dans la poursuite de ces préconisations. Tout d?abord, il replace les instruments économiques pour maîtriser le recours aux produits phytosanitaires dans leur contexte et précise leurs complémentarités. Il identifie ensuite les conditions de succès pour le projet de dispositif de « certificats d?économie de produits phytopharmaceutiques », par rapport à l?objectif d?effectivité de modification des pratiques agricoles et, plus généralement, d?efficacité économique et de réduction des risques et des impacts. I. Diagnostic I.1. Le recours aux produits phytosanitaires en France : bénéfices et coûts, socio- économiques, sanitaires, environnementaux 90 Les produits phytosanitaires visent à protéger les végétaux des organismes nuisibles pour les cultures, en les détruisant ou en rendant les végétaux moins vulnérables à leur action. Depuis plus d?une soixantaine d?années, ils contribuent au développement agricole qu?a connu la France, notamment par l?assurance de rendements plus réguliers des exploitations. Le développement agricole permet en particulier de répondre à une demande croissante de consommation : à cet égard, les produits agroalimentaires constituent, après le matériel de transport, le deuxième excédent de la balance commerciale de la France (11,5 Md¤ en 201310). Juste après 1945, les produits phytosanitaires ont participé à la sécurisation des rendements, ont contribué à restaurer la sécurité d?approvisionnement alimentaire du pays et participé à l?essor des exportations, même si des pratiques plus récentes, économes en intrants ou biologiques, concourent également au développement agricole. Les produits phytosanitaires améliorent en effet la sécurité sanitaire des produits agricoles, permettent d?éviter notamment les mycotoxines et les alcaloïdes, dangereux pour la santé humaine et animale. Ils permettent par ailleurs d?augmenter la durée moyenne de conservation des denrées alimentaires et contribuent ainsi à réduire le gaspillage alimentaire tout au long de la chaîne, de la production à la distribution et jusque chez le consommateur (production, stockage, transport, conservation). Au total, les agents économiques impliqués dans la chaîne de production (agriculteurs, producteurs de produits phytosanitaires et metteurs sur le marché, industrie agroalimentaire) ont directement bénéficié du développement agricole, et plus largement les consommateurs, qui ont ainsi bénéficié de produits agro-alimentaires dont la sécurité sanitaire est garantie, et à, des prix abordables. Toutefois, l?utilisation des produits phytosanitaires a également des conséquences sur l?environnement, dont on mesure aujourd?hui les effets : ? l?utilisation de produits phytosanitaires se traduit par une dispersion importante dans les eaux (eaux de surface et eaux souterraines). Le dernier rapport sur l?état de l?environnement en France11 constatait notamment que les cours d?eau sont touchés en premier par la présence de pesticides et que les nappes sont également polluées par ces derniers, constituant la première cause de déclassement au titre de la directive-cadre sur l?eau. Dans 18 % des points de mesures des nappes souterraines, les concentrations totales dépassent les normes de qualité. C?est également le cas dans 5 % des points de mesures des eaux superficielles ; ? les produits phytosanitaires sont aussi détectés dans les sols, notamment ceux qui se fixent aisément sur la matière organique (chlordécone par exemple, qui reste présente dans les sols de la Martinique et de la Guadeloupe plus de dix ans après son interdiction) ; ? les produits phytosanitaires peuvent également être retrouvés dans l?air, avec des concentrations dans l?atmosphère très dépendantes du site (rural ou urbain), des cultures avoisinantes ou des conditions climatiques. Ces conséquences de l?utilisation des produits phytosanitaires sont, au sens économique, des externalités soit entre entreprises, soit entre entreprises et ménages, et induisent un coût pour la société dans son ensemble qui reste encore à évaluer. L?étude réalisée en 2011 par le 10 Cf. GraphAgri France 2014, « Commerce extérieur agroalimentaire », Ministère de l?agriculture, de l?alimentation et de la forêt. 11 Source : « L?environnement en France ? édition 2014 », Références, Service de l?observation et des statistiques (SOeS), Ministère de l?écologie, du développement durable et de l?énergie, pages 58-62. 91 Commissariat général au développement durable12 pour appréhender les conséquences de la présence de pesticides pour la distribution d?eau potable, évaluait ainsi à 260-360 M¤ par an les coûts de « potabilisation de l?eau » du fait de la présence de produits phytosanitaires (respect des normes de qualité relative à la concentration en pesticides). Répondant au souci que les politiques environnementales soient fondées sur une évaluation précise des coûts des dommages que l?on cherche à prévenir, ce chiffrage fournit au moins un premier ordre de grandeur pour évaluer les bénéfices des politiques visant à maitriser l?usage des pesticides, les coûts de potabilisation considérés pesant in fine sur le pouvoir d?achat des consommateurs d?eau. Cette évaluation n?intègre pas toutefois les coûts associés aux pollutions de l?air et des sols, ni ceux dus aux risques sanitaires encourus ou à la biodiversité. En effet, la présence des produits phytosanitaires dans les différents milieux a par ailleurs des conséquences en termes de biodiversité : elle contribue (avec le changement climatique et l?artificialisation du foncier) à la régression d?insectes intervenant dans la chaîne trophique et l?appauvrissement des sols, ou la régression d?insectes pollinisateurs essentiels, notamment pour la production de fruits et de légumes. Les produits phytosanitaires présentent également des risques pour la santé des populations exposées. À ce titre, ces produits font l?objet de réglementation pour leur mise sur le marché, la grande majorité des pesticides utilisés en agriculture (pour la protection des cultures, y compris pendant leur stockage) ou en zone non agricole (par exemple, le désherbage des voi- ries) et pour le jardin et le domicile des particuliers dépendant du règlement européen (CE) n°1107/2009 des produits phytopharmaceutiques, entré en vigueur le 14 juin 2011 et qui suc- cède à la directive 91/414/ CEE, précédent texte de référence en application en France, depuis 1993. Constatant que les enquêtes épidémiologiques, s?appuyant en particulier sur les observations réalisées dans des cohortes de sujets exposés professionnellement, évoquaient l?implication de pesticides dans plusieurs pathologies, notamment des pathologies cancéreuses, des maladies neurologiques et des troubles de la reproduction, il avait été demandé à l?INSERM d?expertiser ce sujet. Le rapport d?expertise collective correspondant, remis en 201313, observait en effet, en préambule, que « même si la disponibilité et l?utilisation des pesticides sont encadrées par des réglementations, la question du risque demeure présente ». Il concluait notamment qu?il existe une présomption forte de lien entre l?exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l?adulte : lymphomes non Hodgkinien, cancer de la prostate, myélome multiple, maladie de Parkinson. Par ailleurs, il existe une présomption forte que les expositions aux pesticides intervenant au cours de la période prénatale et périnatale ainsi que la petite enfance soient particulièrement à risque pour le développement de l?enfant. Il faut cependant signaler que la très grande majorité des substances identifiées par le rapport de l?Inserm comme ayant une présomption de lien moyenne ou forte avec la survenue d?effets sur la santé concerne des substances aujourd?hui interdites14. Concernant les autorisations de mise sur le marché des autres substances identifiées par le rapport de l?Inserm, l?Anses recommande de prendre en compte l?ensemble des éléments disponibles lors de la soumission du dossier de demande de renouvellement de l?approbation. 12 O. Bommelaer et J. Devaux (2011), « Coûts des principales pollutions agricoles de l?eau », Études et Documents n°52, Commissariat général au développement durable, septembre 2011. 13 INSERM (2013), « Pesticides, effets sur la santé », rapport d?expertise collective, juin 2013. 14 Cf. avis de l?Anses du 3 juin 2014 relatif au rapport d?expertise collective de l?Inserm « Pesticides. Effets sur la santé » 92 Il convient de noter que les pratiques agricoles ont évolué, avec notamment une formation de tous les utilisateurs de produits phytosanitaires, une meilleure maîtrise de leur utilisation, un recours plus important aux outils d?aide à la décision, la large diffusion de bulletins de santé des végétaux, un matériel de pulvérisation contrôlé, l?implantation de bandes enherbées le long des cours d?eau, une évolution des assolements, le choix de semences et plants moins sensibles. Les pratiques économes en intrants ou biologiques concourent à un développement agricole soutenable, soucieux de l?environnement et permettent d?éviter que l?emploi répété, sur de grandes surfaces, d?une même substance active ne génère des problèmes de résistance, en conduisant au développement de populations du bio-agresseur résistantes. Par ailleurs, il est reconnu que dans le contexte de changement climatique actuel, les pratiques agricoles doivent évoluer. De son côté, la chimie a l'ambition d'être un fournisseur de réponses aux enjeux du développement durable, notamment en accélérant la mise sur le marché de solutions éco-conçues et en systématisant les analyses de cycle de vie ou d'impact des produits pour que soient bien intégrés les enjeux environnementaux. Dans ce contexte, l?objet de cet avis porte sur l?évaluation des outils économiques pour une utilisation optimale des produits phytosanitaires. Il se place exclusivement dans une logique incitative de modification des comportements, en prenant le cadre réglementaire existant, notamment en matière d'autorisation de mise sur le marché, comme donné. Il n?a pas non plus pour objectif d?établir une analyse coûts-bénéfices pour porter un jugement absolu sur l?utilisation des produits phytosanitaires. Il s?agit au contraire d?identifier les instruments les plus efficaces pour réduire les impacts négatifs notamment par une réduction globale de l?usage. I.2. Mesure du recours aux produits phytosanitaires et évolution sur longue période En 2013, 66,7 kt de substances actives de produits phytosanitaires ont été vendues en France, la situant au deuxième rang européen après l?Espagne (69,6 kt). Ce chiffre est à mettre en regard de l?importance de la production agricole française. Celle-ci représente en effet 18 % de la production agricole de l?Union européenne, la France étant également le pays européen disposant de la plus vaste surface agricole utile (16 % de la surface agricole utile de l?Union européenne). L?usage de ces substances est essentiellement agricole, les autres usages concernant les jardins et potagers, ainsi que les grandes infrastructures linéaires. Lorsqu?on rapporte les quantités vendues à la surface agricole utile, la France se situe désormais au 9 ème rang européen, avec 2,3 kg de substances actives vendues par hectare15 (après s?être trouvée au 6ème rang en 2005 avec 4,0 kg de substances actives par ha). Depuis le début des années 1960, les ventes de produits phytosanitaires, mesurées par leur tonnage, ont connu une progression continue jusqu?au début des années 1990, puis se sont sta- bilisées et ont amorcé une diminution depuis la fin des années 1990. Le tonnage de substances actives vendues en France a diminué de 40% entre 1999 et 200616. Cependant, l?analyse des seules quantités vendues de produits phytosanitaires ne fournit qu?une vue partielle du recours à ces produits, puisqu?elle ne prend pas en compte les substitutions de produits phytosanitaires par des produits plus efficaces et utilisés par conséquent en plus faible dose. L?indicateur du nombre de dose-unités (NODU) vise à y remédier et constitue donc un progrès, dans le sens où il permet de s?affranchir des effets de 15 Source : Eurostat, cité par le projet de plan Ecophyto II soumis à consultation publique : http://agriculture.gouv.fr/Consultation-publique-Ecophyto-II 16 Données UIPP 93 http://agriculture.gouv.fr/Consultation-publique-Ecophyto-II substitution liés à l?usage de nouvelles substances actives. Il constitue l?unité de compte retenue pour suivre le recours aux produits phytosanitaires dans le cadre du premier plan Ecophyto. En intégrant cet indicateur, le rapport Potier17 constate une relative stabilité du recours aux produits phytosanitaires entre 2009 et 2012, qui doit cependant être appréhendée en tenant compte de la variabilité des conditions météorologiques annuelles. Cependant, l?indicateur NODU ne tenant compte que des doses moyennes d?usage estimé, il reste souhaitable, plus généralement, de continuer à perfectionner les indicateurs pour mieux objectiver la situation. I.3. Les leviers réglementaires et techniques et de maîtrise du recours aux produits phytosanitaires Comme il a été rappelé ci-dessus, l?encadrement du recours aux produits phytosanitaires s?inscrit dans un cadre réglementaire européen, constitué notamment de la réglementation relative à l?usage des substances chimiques18 et des différents textes du « paquet pesticides »19. En particulier, les produits phytosanitaires font l?objet d?une autorisation de mise sur le marché, sur la base d?une évaluation nationale au regard notamment des risques sanitaires et environnementaux causés par les produits. L?encadrement du recours aux produits phytosanitaires s?inscrit également dans le cadre réglementaire français, notamment la loi d?avenir pour l?agriculture, l?alimentation et la forêt d?octobre 2014, qui promeut les systèmes agro-écologiques, ou l?arrêté du 19 septembre 2014, qui supprime certaines dérogations pour les épandages aériens de produits phytosanitaires. Par ailleurs, il existe des leviers techniques pour encourager les pratiques agricoles basses en intrants, à même de limiter l?usage, les risques et l?impact des produits phytosanitaires. Ces leviers incluent notamment l?accompagnement des agriculteurs, leur formation pour encoura- ger des pratiques agricoles basses en intrants (plus de 250000 formations Certiphyto en 6 ans soit environ 70% des agriculteurs professionnels), le conseil agréé, le recours aux outils d?aide à la décision, l?amélioration du matériel de pulvérisation, des semences et plants moins sensibles aux maladies et/ou aux ravageurs, la recherche sur des produits phytosanitaires moins dangereux tant pour la santé que pour l?environnement... Ces leviers rejoignent les ou- tils structurants mis en place dans le cadre du plan Ecophyto. Ils visent notamment à modifier de façon durable l?environnement technique des agriculteurs (réseaux de fermes de démons- tration, épidémiosurveillance, diffusion du progrès technique). Plus généralement, il s?agit de mobiliser les leviers se situant dans une perspective de « production intégrée », en intégrant sur des bases scientifiques et techniques renouvelées la gestion des bioagresseurs dans la conception des systèmes de culture et de production, la « santé des systèmes de culture » dé- passant la « lutte contre les ennemis des cultures. » I.4. Un objectif de réduction de moitié du recours aux produits phytosanitaires d?ici 2025 Lancé en 2008, le plan Ecophyto avait pour objectif de réduire de moitié le niveau de l?indicateur NODU, dans un délai de dix ans si possible. 17 « Pesticides et agro-écologie, les champs du possible », rapport de Dominique Potier, député de Meurthe-et- Moselle, au Premier Ministre, décembre 2014. 18 Système REACH qui organise l?autorisation des substances et règlement « CLP » qui en spécifie la classification, l?étiquetage et l?emballage. 19 Notamment le règlement 1107/2009 qui fixe les procédures d?autorisation de mise sur le marché et la directive 2009/128 d?utilisation des produits phytosanitaires compatible avec le développement durable. 94 Néanmoins, le plan n?a pas fourni les résultats escomptés. Dans ce cadre, un plan Ecophyto II a été annoncé et soumis à consultation publique en juin 2015, co-piloté par le Ministre de l?agriculture, de l?alimentation et de la forêt et la Ministre de l'écologie, de développement durable et de l'énergie, avec un objectif réaffirmé en deux temps : une diminution du recours aux produits phytosanitaires de 25 % d?ici 2020 et 50 % d?ici 2025, ce qui nécessitera de disposer et de diffuser des solutions alternatives efficaces comme facteur d?atteinte du nouveau plan. Le plan Ecophyto II se nourrit des recommandations effectuées dans le cadre du rapport du député Dominique Potier, remis en décembre 2014 à la demande du Premier Ministre en vue de la préparation de ce plan. La priorité in fine doit être la réduction des risques et des impacts liés à l?utilisation des produits phytosanitaires. I.5. Les instruments économiques existants ou à venir : la redevance pour pollutions diffuses et les certificats d?économie de produits phytosanitaires Les conséquences négatives sur l?environnement et la santé de l?utilisation des produits phytosanitaires induisent un coût économique pour la société dans son ensemble (voir I.1). Les instruments économiques incitatifs constituent dès lors des outils légitimes pour orienter les comportements, réduire ce coût total et le répartir de façon optimale entre les agents économiques20. À cet égard, les instruments économiques directement liés à l?utilisation des produits phytosanitaires sont actuellement de trois sortes : ? la fiscalité écologique avec la redevance pour pollutions diffuses et la taxe permettant de financer le dispositif de phytopharmacovigilance de l?ANSES21 ; ? le dispositif de certificats d?économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), en cours de finalisation, dont la mise en place est prévue à titre expérimental dans le cadre de la loi d?avenir pour l?agriculture, l?alimentation et la forêt d?octobre 2014 ; ? les aides incitatives à la réduction d?usages des produits phytopharmaceutiques (dont certaines mesures agro-environnementales et climatiques du deuxième pilier de la PAC) voire à l?arrêt de leur usage (aides à la conversion bio). Cependant, ces aides s?inscrivant dans un cadre plus global, non nécessairement lié aux seuls produits phytosanitaires, elles ne seront pas abordées plus en détail dans la suite. Se plaçant dans une logique incitative, « d?internalisation des coûts externes » dans les comportements des agents privés, la fiscalité environnementale permet d?intégrer, dans les coûts supportés par les agents économiques, ceux qu?ils font porter à d?autres agents du fait de leurs activités, en l?espèce, par exemple, les coûts de potabilisation de l?eau. L?utilisation 20 Il s?agit du « principe pollueur-payeur », popularisé par l?OCDE. Plus spécifiquement, voir l?article 9 de la Directive cadre sur l?eau, la dernière communication de la Commission européenne datée du 9 mars 2015 et intitulée « Directive-cadre sur l'eau et directive sur les inondations - mesures à prendre pour atteindre le «bon état» des eaux de l'Union européenne et réduire les risques d'inondation », le rapport annuel de la Cour des comptes de 2010, le rapport du Conseil d?Etat intitulé « L?eau et son droit » de 2010. 21 Cette taxe, applicable à compter de 2015, et dont le rendement est affecté au financement de la mise en place du dispositif de phytopharmacovigilance, est due par tout titulaire d?une autorisation de mise sur le marché ou d?un permis de commerce parallèle d?un produit phytopharmaceutique. Son taux est égal à 0,2 % des ventes des produits phytopharmaceutiques, hors exportations ou à destination d?un pays de l?Union européenne, ou 0,1 % des ventes de certains produits de biocontrôle. 95 appropriée des recettes générées conditionne en général l?acceptabilité de ce type de mesure fiscale en permettant de couvrir une partie des coûts supplémentaires que supportent les agents les plus vulnérables ou ceux qui modifient leurs pratiques pour réduire leur impact sur l?environnement. Elle doit notamment être conçue pour assurer que le développement de meilleures incitations ne pèse pas sur la compétitivité et l?emploi des filières concernées. La redevance pour pollution diffuses n?obéit cependant que partiellement à cette logique. Payée par les agriculteurs, collectée auprès des distributeurs de produits phytosanitaires et perçue par les Agences de l?eau, elle est assise sur les quantités de substances phytopharmaceutiques vendues avec un taux modulé suivant le degré de toxicité22. Son rendement s?élève en moyenne à 100 M¤ par an et contribue en partie à financer le plan Ecophyto. Son assiette a été élargie à cette fin en 2014, avec une augmentation de 30 %. Cette augmentation a été particulièrement impactante dans les filières qui ont un panel de solutions plus limitées. Se situant dans une logique d?obligation de mise en oeuvre de moyens plutôt que de résultats, le dispositif des CEPP viserait à soumettre les distributeurs français de produits phytosanitaires à une obligation de promouvoir, auprès de leurs clients, des actions reconnues en faveur d?un moindre recours aux produits phytosanitaires, ainsi que les agriculteurs français achetant des produits phytosanitaires à l?étranger. L?obligation serait remplie par l?acquisition de certificats d?économie, traduisant l?ampleur des différentes actions mises en oeuvre. Selon le projet de plan Ecophyto II soumis à la consultation du public, l?expérimentation, prévue à partir du 1er janvier 2016, instaurerait un objectif de réduction du NODU de 20 % la cinquième année, réparti suivant les distributeurs et rempli au travers des fiches-actions délivrées23. Ce dispositif résulte des recommandations formulées à la suite des missions d?inspection effectuées respectivement en 2013 sur la fiscalité des produits phytosanitaires et, en 2014, sur la mise en oeuvre pratique d?un tel dispositif. Il repose sur la responsabilisation des distributeurs de produits phytosanitaires pour impulser des changements de pratiques, dans l?utilisation des produits phytosanitaires. Aujourd?hui déjà, les commerciaux qui vendent des produits phytosanitaires ne sont plus rémunérés au volume, condition pour que le distributeur qui les emploie soit agréé par le MAAF. Ces changements de pratiques vont induire un coût, dont la répartition entre agents concernés (agriculteurs, distributeurs, producteurs et fournisseurs de produits phytosanitaires, industries agro-alimentaires, grande distribution, consommateurs) dépendra du partage de la valeur dans la filière, notamment de la capacité de chacun à le pouvoir répercuter sur ses prix de vente. Le rapport Potier livrait d?ores et déjà une analyse du dispositif des CEPP, dans son principe et son mode d?application. Il préconisait notamment de privilégier, dans la liste des actions possibles, celles qui ont le potentiel de réduction le plus important et qu?en outre, chaque action fasse l?objet d?un chiffrage en gain de NODU. Ce dernier point rejoint les recommandations formulées, dans le domaine de l?efficacité énergétique, par la mission d?inspection réalisée en 2014 sur le dispositif de certificats d?énergie. La mission soulignait ainsi la nécessité pour chaque certificat de représenter une économie effective d?énergie, 22 De 0,9 ¤ par kg pour les substances dangereuses relevant de la famille chimique minérale à 5,1 ¤ par kg pour les substances très toxiques, cancérogènes, tératogènes ou mutagènes. 23 À noter qu?il n?y a pas consensus entre les parties prenantes ni sur l?objectif affiché ni sur l?unité de compte retenue. 96 notamment par la révision régulière des gains associés aux différentes actions, fondée sur des analyses ex post. Enfin, les risques de développement des fraudes doivent également être pris en considération et gérés. L?importation et l?utilisation de produits phytopharmaceutiques non réglementaires et de produits chimiques non identifiés (PCNI) est un phénomène qui s?amplifie depuis le début des années 2000. De nombreux principes actifs sont contrefaits et les produits phytopharmaceutiques frauduleux présentent des risques inconnus dont les agriculteurs peuvent être les premières victimes. Ces principes actifs interdits peuvent également être retrouvés dans l?eau. L?augmentation régulière de la fiscalité sur les produits phytopharmaceutiques français et les distorsions de disponibilité de produits phytosanitaires de part et d?autres des frontières (malgré un appui sur des règlements européens pour la délivrance des Autorisations de Mise sur le Marché, le nombre de produits autorisés en France est nettement moindre que dans les États Membres voisins) encouragent des distributeurs étrangers installés à proximité des frontières à cibler aussi les agriculteurs français (accueil et documents en français, livraisons en France?). Les distributeurs français constatent quotidiennement, depuis de nombreuses années, le développement des achats dans les pays voisins par les agriculteurs, ce qui développe une distorsion de concurrence fiscale entre distributeurs français et étrangers. II. Recommandations Concernant le dispositif des CEPP dont l?expérimentation est à venir, le Comité a identifié les éléments suivants comme conditions nécessaires à une bonne évaluation de ce dispositif : ? les fiches actions doivent être construites en toute transparence et en particulier les modes de calcul de la baisse de NODU associée. La priorité devra être donnée aux actions qui baissent directement les usages de pesticide. En effet, il convient d?assurer une évaluation indépendante pertinente des économies potentielles permises par la mise en oeuvre des actions standardisées permettant de générer des CEPP. Cette évaluation est cruciale pour l'efficacité du dispositif et la convergence entre les économies potentielles permises par les actions standardisées et l'évolution réelle du recours aux produits phytosanitaires. Elle doit être conduite pour chaque fiche action et pour l?ensemble du dispositif. Les modalités sont à définir avant la mise en place des CEPP ; ? poursuivre les travaux d?élaboration d?indicateurs pertinents pour rendre compte du recours aux produits phytosanitaires en termes d?impacts ; ? évaluer le niveau d?objectif de réduction atteignable la cinquième année d?expérimentation au regard des solutions alternatives effectivement disponibles ; ? définir une trajectoire pour les 4 années précédentes, ce qui facilitera notamment l?évaluation et des ajustements en cours de dispositif, par exemple à mi-parcours. Il est important en effet de préserver un pas temporel pluriannuel dans l?atteinte de l?objectif afin de prendre en compte les variations des conditions météorologiques et du risque d?attaque de bioagresseurs d?une année à l?autre ; ? concernant le champ du dispositif, analyser l?intérêt d?intégrer les traitements des semences, ce qui inciterait, à développer les recherches appropriées espèce par espèce ; 97 ? être vigilant sur les effets de fuites et d?aubaines potentiels du dispositif : (i) que les gains réalisés au travers des fiches-actions ne soient compensés par un plus fort recours aux produits phytosanitaires chez ceux qui n?ont pas souscrit aux actions proposées par leurs revendeurs (effet de « fuite ») (ii) que les agriculteurs qui réduisent déjà leur usage de produits phytosanitaires en adoptant les mesures décrites dans les fiches-actions ne génèrent pas de crédit (effet d?aubaine) ; ? prévoir en amont un système d'information et de suivi statistique du dispositif afin d'en permettre l'évaluation in itinere et ex post. Cette évaluation nécessitera en particulier d?expliciter le scénario de référence, pour pouvoir isoler l?effet dû aux CEPP de ceux dus à d?autres facteurs (climatiques, etc.). Elle prévoira également de traiter les points suivants : la caractérisation d?un échantillon d?agriculteurs ayant souscrit à des fiches actions (localisation géographique, type d?exploitation, production agricole, évolution du recours aux produits phytosanitaires, dépenses en produits phytosanitaires) ; la comparaison de l?évolution du recours aux produits phytosanitaires chez les agriculteurs ayant souscrit à des fiches actions et chez ceux n?y ayant pas souscrit ; l?évolution du prix de vente des produits phytosanitaires au niveau des fabricants et au niveau des fournisseurs et distributeurs, ainsi que l?évolution des prix agricoles ; ? inscrire le dispositif dans une logique géographique locale pour que, là où les problèmes de pollution sont les plus aigus, la mobilisation des économies de produits phytosanitaires soit précoce. En outre, la question des DOM est importante, mais pourrait être traitée séparément pour prendre en compte les spécificités locales ; ? identifier le niveau de pénalités approprié24, en cas de non respect de l?objectif individuel de réduction du NODU, afin que le distributeur soit incité au respect de l?objectif qui sera fixé. La redistribution de la recette, notamment aux exploitations engagées dans ces démarches de transition, peut être utilisée pour maintenir la compétitivité agricole et favoriser les bonnes pratiques, ces modulations de restitution ne devant pas, en effet, remettre en cause l?objectif des CEPP ; ? s'assurer d'une mise en oeuvre opérationnelle du dispositif en favorisant notamment la mise à disposition d'outils permettant de simplifier autant que possible la tâche des obligés et éligibles et des gestionnaires : plateforme web de demande et comptabilisation des CEPP permettant un suivi en « temps réel » par les détenteurs de compte comme l'administration, mise à disposition d'outils de simulation des économies potentielles de NODU selon les actions promues auprès des agriculteurs et d?information sur la quantité de substance active (QSA) qui correspond aux NODU économisées pour chaque fiche- action afin d?améliorer la lisibilité du dispositif auprès des distributeurs et des agriculteurs ; ? identifier des mécanismes informationnels pouvant s?ajouter au dispositif des CEPP et en stimuler l?efficacité : par exemple, la transmission régulière, à chaque exploitant, d?une information consolidée, non nominative, sur les fiches actions souscrites par ses voisins, de façon à l?inciter à améliorer ses propres pratiques ; 24 Le montant de 11 euros par point de NODU non réduit (en cas de non réduction du NODU selon les objectifs fixés) a été avancé par le Ministre. 98 ? identifier les mécanismes incitatifs qui favorisent l?adoption des actions par les agriculteurs. Le mécanisme des CEPP a cette caractéristique d?être une mesure volontaire pour l?agriculteur qui n?est pas soumis à l?obligation de résultat imposé aux fabricants de produits phytosanitaires mais qui doit supporter le coût supplémentaire des actions de réduction d?usage de produits phytosanitaires. Le modèle économique de fourniture de produits phytosanitaire doit être repensé pour inciter les agriculteurs à adopter volontairement ces actions. Des pratiques telles que des remises sur des produits alternatifs (par exemple, produits de bio-contrôle ou agro-équipement) ou de prestation de conseils en échange de l?adoption des actions donnant droit à des crédits pourraient être identifiées et diffusées au sein de secteur en s?attachant à distinguer les missions de vente et celles de conseil. À cet égard, une piste serait de s?inspirer de l?expérience des certificats d?économie d?énergie. Parallèlement au dispositif des CEPP, et compte-tenu que l?ensemble des mécanismes incitatifs visant l?usage des phyto-sanitaires est appelé à s?enrichir et évoluer, certains membres du Comité ont identifié des instruments économiques dont ils jugent souhaitables de poursuivre l?étude dès maintenant : ? les conditions éventuelles d?évolution vers une obligation de résultat, et non plus de moyens, fixée aux distributeurs et portant sur la réduction de leur NODU, en leur laissant toute liberté sur les modalités pour y parvenir ; ? la mobilisation de la fiscalité incitative, à travers notamment la redevance pour pollutions diffuses. Ceux-ci souhaitent que les conditions du renforcement de son caractère incitatif soient mises à l?étude, dès 2015, ainsi que l?analyse de l?allocation d?une partie de sa recette fiscale comme moyen de soutenir la compétitivité agricole et les exploitations qui évoluent vers des pratiques basses en intrants. L?étude s?attacherait notamment à l?impact d?une telle fiscalité redistribuée, en termes de coûts et bénéfices pour la collectivité, ainsi que sur l?environnement économique des exploitations agricoles, comme préconisé dans l?avis du Comité pour la fiscalité écologique du 13 février 2014. 99 Avis sur la labellisation des fonds d?investissements pour la transition énergétique et écologique du 16 juillet 2015 Finance verte et transition écologique La transition écologique et énergétique nécessite un important effort d?investissement, notamment pour permettre la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et, de manière générale, la limitation de l?empreinte écologique, ainsi que pour assurer la résilience des systèmes énergétiques et urbains au changement climatique. La « finance verte » comprend le financement des investissements nécessaires à ce processus mais recouvre aussi un ensemble beaucoup plus large de pratiques puisqu?elle doit permettre une (ré)allocation du capital cohérente avec le maintien sur une trajectoire « 2°C » (atténuation) et les évolutions climatiques déjà en cours (adaptation) : comment réorienter l?investissement vers les projets qui participent à cette transformation structurelle de l?économie plutôt qu?à ceux qui la freinent ? Cette réallocation nécessite notamment une appropriation stratégique et opérationnelle des enjeux liés aux émissions de gaz à effet de serre et au risque climatique. Elle s?inscrit in fine dans une logique économico-financière, de mobilisation de tous les financements publics et privés nécessaires à la transition vers une économie décarbonée et limitant les impacts environnementaux, allant des financements traditionnels aux financements participatifs. Il est souhaitable que le capital alloué à ces investissements se développe significativement. A cette fin, davantage de projets « verts » doivent être proposés aux banques, en adéquation avec les besoins pour la transition énergétique et écologique identifiés par les travaux de prospective. Dans le même temps, une meilleure structuration des canaux et des instruments financiers offerts aux investisseurs contribueraient positivement à l?essor de l?investissement vert. Notamment, une information transparente et robuste jouera un rôle clé dans le développement de cette finance verte. Les acteurs financiers devront donc fournir plus de renseignements sur leurs stratégies de prise en compte de l?exposition aux risques climatiques, comme le font actuellement un nombre croissant d?entre eux. Un grand nombre des investissements nécessaires à la transition, notamment ceux d?infrastructure, se caractérisent par la longueur des horizons de retour sur investissement, des risques opérationnels non négligeables et des rendements potentiellement insuffisants. Les couples rendements/risques de ces activités peuvent être corrigés par des politiques visant à internaliser les externalités environnementales. Mais leurs caractéristiques en termes de risque ou maturité demeurent sources de difficultés spécifiques pour certains investisseurs. Il en va de même pour les investissements associés à l?innovation verte et son déploiement qui peuvent également présenter des couples rendement/risque relativement défavorables. 100 Quoique la reconnaissance de ces enjeux soit récente, on assiste à l?émergence de produits pour répondre à ces contraintes, aussi bien : ? En obligations tels les « Green Bonds », dont le marché se développe rapidement au niveau mondial depuis 2010 avec plus de 35 Md$ d?émissions en 2014, avec un rôle majeur joué par les acteurs français tant publics (région Ile de France, AFD) que privés (EDF, Engie). ? Et en actions (Fonds de « Private Equity » dédiés aux technologies vertes et Fonds spécialisés dans le financement des infrastructures vertes). Les « Green Bonds » sont des obligations dont les fonds levés sont dédiés au financement (ou au refinancement) de projets (ou activités) spécifiques concourant à la transition écologique : énergies renouvelables ; efficacité énergétique ; gestion soutenable dans le domaine des transports, de l?agriculture, de la gestion de l?eau, ou des déchets ; etc. Par exemple, en mai 2014, GDF Suez a émis une « obligation verte » de 2,5Mds ¤ pour financer le développement ou la construction de nouveaux projets d?énergie renouvelable ou d?efficacité énergétique. Des « Green Bond Principles » ont été élaborés au niveau international par les principaux acteurs du marché pour faciliter le développement de ce type de marché. Ces « principes », qui s?inscrivent dans un cadre de démarche volontaire de bonne gouvernance définissent des exigences sur quatre points clés pour améliorer la confiance des investisseurs et un standard d?émission : (i) l?allocation du produit obligataire ; (ii) la sélection et l?évaluation des projets ; (iii) la gestion du produit obligataire ; (iv) le reporting. Un cadre de gouvernance a été défini en juin 2015 pour clarifier, notamment, le processus de mise à jour de ces principes. Il prévoit la constitution d?un comité exécutif composé de représentants d?organisations qui ont émis ou investis dans des Green Bonds. Des observateurs (ONG, universités, etc.) peuvent participer à la gouvernance et notamment faire des propositions pour la mise à jour des principes, sans participer au comité exécutif. Le secrétariat des « Green Bond Principles » a été confié à l?ICMA (International Capital Market Association). Les fonds communs de placement pour les investissements verts considèrent le même type de sélection thématique. Le « One Sustainibility Fund » (anciennement Living Planet Fund, créé par WWF en 2003 et cédé à un gestionnaire d?actifs en 2013) en fournit une illustration. Son champ général est celui des technologies vertes. Les placements doivent remplir des conditions financières très strictes et appartenir à un domaine particulier pour garantir que les firmes ainsi financées exercent principalement dans les secteurs visés. De plus, des critères d?exclusion sont appliqués aux entreprises qui auraient des activités dans l?armement, le tabac et l?alcool, le nucléaire, l?extraction et le raffinage des combustibles fossiles. Son orientation thématique ou sectorielle distingue ces approches spécifiquement « vertes » de celle de l?investissement socialement responsable (« ISR ») dont l?offre de fonds s?est développée depuis le milieu des années 2000 et représente maintenant environ 7 % du marché des Fonds ouverts. Dans ce cas, la mise en mouvement partait du constat que les décisions prises en matière d?investissements et les pratiques financières de manière générale sont trop guidées par une vision de court-terme qui ne tient pas suffisamment compte des considérations environnementales, sociales et de gouvernance d?entreprise (ESG). Les fonds correspondants procèdent, en général, par sélection, au sein de chaque secteur, des entreprises 101 présentant les meilleures caractéristiques sur le plan de la responsabilité sociale, sans se limiter aux activités vertes (approche dite « Best-in-class »). Au contraire, la finance verte se préoccupe plus directement des enjeux environnementaux et notamment du financement des investissements identifiés comme clés pour la transition écologique et la mobilisation du secteur privé à cette fin. Mais les préoccupations se recoupent en partie puisque l?empreinte environnementale est l?un des trois piliers de toute démarche ESG. Par ailleurs, l?effectivité des engagements pris et la qualité de la gouvernance, notamment la transparence, sont reconnues comme des éléments essentiels de toute démarche ISR ou « verte ». A cet égard, les « principes pour l?investissement responsables » soutenus par l?ONU insistent sur la publication de rapports standardisés, s?appuyant sur la « Global Reporting Initiative » par exemple, et sur le respect des normes et codes de conduite. Dans ce cadre, les fonds « verts » constituent des produits nouveaux et multiples qu?il importe de rendre plus visibles et plus lisibles pour que s?enclenche le processus d?investissement que nécessite la transition écologique et énergétique dans notre pays. Dans cette perspective, le ministère de l?écologie, du développement durable et de l?énergie est en train d?élaborer un projet de label « Transition énergétique et écologique ». Ce label réglementé qui serait certifié par des organismes labellisateurs concernerait les fonds investis dans des entreprises dont une part significative du chiffre d?affaires provient d?éco-activités au sens des nomenclatures européennes (CEPA et CReMA) ou contribuant à la transition énergétique et écologique. Il serait attribué après analyse de la cohérence des objectifs recherchés par les fonds avec la transition énergétique et écologique et après évaluation d?un impact positif, bénéfique à cette transition, en tenant compte aussi de la surveillance des risques de controverse en matière de responsabilité sociétale. L?évaluation de la labellisation des fonds verts De manière générale, les instruments de labellisation constituent l?une des modalités de structuration des marchés où les enjeux de qualité des produits ou services sont importants et où les consommateurs ne sont pas à mêmes de les apprécier aisément. Ils jouent notamment un rôle important dans toutes les activités de services, dont la qualité est à la fois essentielle et plus difficile à mesurer ex ante que pour des biens matériels. En effet, en l?absence de signaux fiables reflétant la « qualité », seuls les biens correspondant aux niveaux de qualité inférieure sont susceptibles d?être fournis par le marché. Le développement du triptyque norme/certification/label, qui combine donc des normes de référence et la certification de la conformité à celles-ci pour déboucher sur l?attribution d?un label, est un moyen de remédier à cette défaillance du marché et permettre ainsi le développement des biens de qualité supérieure. De tels instruments apparaissent aussi déterminants pour tous les processus de transformation de l?économie dans le sens de la croissance verte : alimentation, agriculture, transports, ? Les produits de la Finance verte relèvent de ce cadre d?analyse. En effet, non seulement, les produits envisagés ici sont complexes et de nature diverse (cotés / non cotés ; actions / obligations ; fonds sectoriels ou non?), mais la capacité des épargnants à pouvoir 102 contrôler que les investissements qu?ils financent répondent à leurs attentes est particulièrement critique. Ils relèvent donc d?un domaine où la labellisation a, à l?évidence, un rôle important à jouer. Plus précisément, le financement de la croissance verte sera facilité si les investisseurs qui veulent y contribuer, notamment ceux qui sont prêts à sacrifier quelque rendement dès lors qu?ils sont convaincus que cela servira à promouvoir des changements tangibles dans le sens de leurs valeurs, trouvent les produits répondant à ces attentes. Ces produits doivent non seulement se conformer aux réglementations habituelles assurant que les investisseurs sont correctement informés sur les risques qu?ils prennent, mais, dès lors qu?une allégation « verte » est mise en avant, il importe que ce qu?elle recouvre soit transparent. L?objet de la labellisation se situe à ce niveau. Pour être légitimes et source de confiance, ces labels doivent dans tous les cas s?appuyer sur des gouvernances robustes. Ensuite, la fixation du niveau d?exigence est toujours un exercice délicat car il nécessite d?arbitrer entre : la maximisation de la qualité environnementale et le risque d?exclusion d?entreprises ou de produits de qualité environnementale certes inférieure mais non rédhibitoire). Par ailleurs, la fixation des labels peut être utilisée par certaines entreprises pour modifier les conditions de concurrence sur les marchés considérés, la dimension stratégique primant alors sur leur vocation informationnelle. A la limite, le label sert uniquement de caution dans une compétition entre des intérêts qui sont seulement privés, et perd son autonomie. La définition d?un label public peut être un moyen pour établir le meilleur équilibre entre ces risques, ou éviter une prolifération des labels qui conduirait à leur perte de signification, leur ôtant toute capacité à rétablir la confiance dans la qualité des produits. En pratique, il est courant d?aboutir à deux niveaux de label : l?un, reflétant une démarche de « marché », se situant par rapport aux besoins de certification de la qualité perçus par les entreprises ; l?autre, une approche plus volontariste, le souci étant de diffuser des comportements jugés exemplaires. Le compromis entre les deux logiques est difficile en général, et pas forcément souhaitable : si les contenus sont transparents et restent accessibles pour les utilisateurs, mieux vaut souvent développer des labels complémentaires, répondant à des objectifs différents. En effet, on ne peut décréter des marchés indépendamment des attentes des consommateurs, ici les épargnants. Il faut donc définir précisément les caractéristiques des labels d?une finance verte, soit, techniquement : les « métriques » pour mesurer le caractère « vert » des investissements et les critères de sélection et/ou d?exclusion retenus. Les choix doivent refléter la nature de l?épargne qui est visée avec un continuum : entre les investisseurs n?ayant pas d?objectif « éthique » marqué mais considérant seulement que les entreprises « environnementalement responsables » sont plus profitables dans le long-terme; des investisseurs voulant adopter une attitude long-termiste face au court-termisme perçu des marchés financiers ; ou faciliter l?accès au financement des entreprises et projets dans les secteurs critiques pour la transition énergétique et écologique (et ainsi inciter les autres à s?y engager) ; et au sein de cette dernière catégorie, selon qu?est visé un phénomène de masse ou au contraire l?émergence précoce de modèles alternatifs. Certains investisseurs privilégieront une approche « Best-in-class » avec peu d?exclusion sectorielle tandis que d?autres pourront préférer une sélection thématique et retiendront plus 103 d?exclusions. L?équilibre envisagé doit apprécier notamment le coût lié à l?affaiblissement de la diversification des portefeuilles qui résulte d?une sélection plus étroite, l?épargnant se surexposant ainsi à un nombre limité d?industries et d?entreprises. Celui-ci doit cependant aussi être sensibilisé sur le fait que certains actifs sont susceptibles de dépréciations. De surcroît, il faudra que le label « vert » joue parfaitement son rôle informationnel. En effet, les travaux académiques25 ayant analysé les raisons qui expliquent que les labels ISR existants ne jouent encore qu?un rôle limité suggèrent que ces labels ont été conçus plus du point de vue des sociétés de gestion que des particuliers-épargnants. De ce fait, ils ne fourniraient pas les informations que recherchent les consommateurs. Par ailleurs, ces labels n?auraient pas été suffisamment diffusés par les réseaux des banques et assurances. Il importerait donc d?avoir en tête ces éléments lors de l?élaboration d?un label pour les fonds « verts ». Dans tous les cas, les projets de labellisation des fonds pour la transition énergétique et écologique doivent premièrement considérer que celle-ci est un instrument pour construire des marchés qui ont besoin de confiance pour exister. Ceux-ci sont déterminants pour assurer l?essor des investissements verts, faire intégrer les risques à long-terme dans les modèles d?investissement et réorienter les capitaux ainsi mobilisés vers une économie bas-carbone ou avec une empreinte écologique optimisée. 25Le rôle de la labellisation dans la construction d?un marché. Le cas de l?ISR en France, Revue française de gestion, 2013 104 Avis du Comité pour l?économie verte du 29 octobre 2015 portant sur le développement des paiements pour services environnementaux (PSE)26 Le présent avis vise à préciser des éléments de diagnostic des avantages et limites des paiements pour services environnementaux, en apportant des pistes d?orientation pour une utilisation plus efficace de ces instruments économiques. I. Diagnostic des avantages et limites des paiements pour services environnementaux I.1 ? Concept de paiements pour services environnementaux (PSE) ? La notion de service écosystémique (dont l?usage s?est largement répandu à partir de 2005 et du Millenium ecosystem assessment) représente les avantages que nos sociétés retirent du fonctionnement des écosystèmes. Ces avantages sont pour l?essentiel des biens issus des écosystèmes, des services de régulation, et des services culturels. ? L?évaluation économique de ces services écosystémiques vise à révéler, le plus souvent (ceci dépendant de la méthode appliquée) la valeur des coûts de dommages résultant de la perte de ces écosystèmes, soit la contribution actuelle des écosystèmes à notre bien être. S?ils n?ont pas vocation à être rémunérés (ce qui reviendrait à rémunérer la Nature), les coûts des dommages doivent cependant être intégrés au processus de prise de décision publique dans le cadre d?analyses coûts-avantages, même si la décision publique intègre d?autres critères et même si l?approche monétarisée ne saurait épuiser la question de la pertinence de la protection des écosystèmes. ? Les services environnementaux sont quant à eux des services que des acteurs se rendent entre eux ou rendent à la société dans son ensemble (il est question le plus souvent d?échanges de services entre fournisseurs et bénéficiaires), et qui visent à réduire la pression exercée sur les écosystèmes ou qui améliorent leur fonctionnement. ? On parle de paiements pour services environnementaux (PSE) lorsqu'il est envisagé contractuellement de rémunérer des services environnementaux, dans la mesure où les actions associées contribuent de manière effective et additionnelle à la restauration et au bon fonctionnement des écosystèmes. En particulier, ceux-ci n?ont pas vocation à rémunérer un acteur pour une action visant au respect de ses obligations règlementaires. 26 Cet avis a été adopté au consensus. L?UPA s?est abstenue. 105 ? La définition la plus utilisée dans la littérature d'un paiement pour services environnementaux (PSE) est celle de Sven Wunder (2005)27, premier économiste à avoir essayé de formaliser cet instrument. Il le définit comme : (i) Une transaction volontaire où, (ii) un service environnemental bien défini, (iii) est acheté par (au moins) un acheteur de services, (iv) à (au moins) un fournisseur de services, (v) si et seulement si le fournisseur du service le procure effectivement (conditionnalité). Trois principes élémentaires doivent être remplis pour pouvoir parler de PSE : l?additionnalité, la conditionnalité et l?accord volontaire. Le principe d?additionnalité signifie que les PSE doivent rémunérer un effort et une production de services qui n?auraient pas été obtenus sans cette incitation financière. Il faut pouvoir justifier l?effet additionnel de la mesure par rapport à un scénario de type « statu quo ». Le principe de conditionnalité est fondé sur l?idée que le paiement ne devrait avoir lieu qu?une fois le gain de services environnementaux est observé. Ce paiement ne peut ensuite être prolongé que s?il est démontré que le service disparaîtrait si l?effort pour le produire n?était pas maintenu dans le temps. La dimension volontaire interdit la mise en oeuvre autoritaire de cet outil. ? Il y a « additionnalité » des actions fournissant des services environnementaux lorsque : ? un ou plusieurs bénéficiaires rémunèrent un ou plusieurs prestataires de services environnementaux pour des actions bénéfiques pour l?environnement qui s?ajoutent aux obligations légales des prestataires, dans le respect du principe pollueur-payeur. ? et lorsque ces actions, destinées à produire un bénéfice environnemental, n?auraient pas été accomplies sans le PSE. ? Le montant de la rémunération, soit le dimensionnement du PSE, doit être évalué suivant une approche coût-efficacité, dans laquelle l?objectif est l?incitation à la réduction des impacts négatifs de l?activité humaine sur l?écosystème et au développement d?actions contribuant à son amélioration ou à son bon fonctionnement, en vue de restaurer les services écosystémiques au bénéfice de tous. Il est clair que ces paiements ne peuvent pas être considérés pour compenser l'éventualité d'une pollution ou d'une destruction de l?écosystème par le prestataire. I.2 ? Avantages des paiements pour services environnementaux ? Ils permettent de développer une meilleure connaissance et reconnaissance de la contribution d?activités locales au bon fonctionnement des écosystèmes. ? Les paiements pour services environnementaux constituent un mécanisme de financement innovant en faveur des écosystèmes et présentent un intérêt important pour la mobilisation de flux de financement privés et publics28. 27 Wunder, S., (2005) « Payments for environmental services : some nuts and bolts. », CIFOR. 28 OECD (2013), Scaling-up Finance Mechanisms for Biodiversity, OECD Publishing. http://dx.doi.org/10.1787/9789264193833-en 106 http://dx.doi.org/10.1787/9789264193833-en ? Cet instrument peut être déployé sur le modèle d'accords contractuels volontaires entre acteurs, ce qui est de nature à en faciliter l'acceptabilité. De manière spontanée, de multiples initiatives existent d'ores et déjà en France pour le développement d'instruments de ce type. Plusieurs secteurs d?activité (agriculture, foresterie, pêche?) sont déjà mobilisés en tant qu'opérateurs au service des aménageurs et des collectivités pour accompagner des politiques publiques nationales et locales (Trame verte et bleue, stockage de carbone des prairies, responsabilité sociale des entreprises, etc.). ? Il s'agit d'un outil permettant d'accompagner des acteurs dans la transition écologique de leurs pratiques environnementales et conduire les territoires vers le développement durable. ? Les paiements pour services environnementaux peuvent accompagner et renforcer des actions collectives d'acteurs autour d'une finalité environnementale partagée. ? Les paiements pour services environnementaux contribuent à la dynamisation des services écosystémiques qui ont des effets bénéfiques pour la société dans son ensemble (résilience des activités, tourisme, pollinisation, régulateur des ravageurs de cultures, cohésion sociale?) I.3 ? Difficultés liées à la mise en place des paiements pour services environnementaux Il est nécessaire de mobiliser de nouvelles compétences, en premier lieu l'ingénierie écologique pour mieux lier certaines pratiques environnementales (des agriculteurs, forestiers, gestionnaires d'infrastructures, etc.) aux résultats écologiques attendus. Le gain écologique est souvent dépendant des effets d'échelles et de la configuration géographique des espaces concernés. La réussite d'un mécanisme de PSE résultera souvent de sa capacité à créer une mobilisation collective et, par conséquent, repose sur la coordination des acteurs. La définition d?indicateurs de résultat et leur mesure en lien avec des pratiques est souvent insuffisante. Si le paiement repose sur une obligation de résultats, les contrats doivent prendre en compte les risques de non atteinte de ces objectifs. Si le paiement repose sur une obligation de moyens, l'efficacité écologique de la mesure peut s'avérer très limitée si le nombre d'acteurs engagés est insuffisant ou si le lien entre pratiques et résultats n'est pas effectif. Par ailleurs, il faut prendre en compte les variabilités et les temps de réponse écologiques aux actions menées. L'asymétrie d'information entre le fournisseur et le bénéficiaire peut conduire au paiement d'actions qui auraient été spontanément entreprises. Il convient de pleinement prendre en compte ce problème lors de la conception du contrat. La mise en place de paiements pour services environnementaux pose la difficulté de pérennisation des pratiques au-delà de la durée du contrat. Certains facteurs peuvent s'avérer un frein à une utilisation plus étendue des paiements pour services environnementaux s'agissant notamment de leur assimilation possible à des aides d'Etat, ou à un soutien à la production agricole. Des diagnostics sont en cours pour 107 évaluer les marges de manoeuvre offertes par le cadre de l'OMC pour développer plus largement cet outil. Les coûts de transaction peuvent constituer un frein à la mise en place de paiements pour services environnementaux. Il importe que les PSE se développent dans un cadre d?ensemble cohérent d?un point de vue de l?équilibre écologique et d?usage des sols. II. Recommandations Le Comité pour l?économie verte constate que le cadre institutionnel et réglementaire national existant permet déjà la mise en place de contrats de type « PSE », sans pour autant qu?il existe de lignes directrices. Néanmoins, il existe des marges de manoeuvre pour en faciliter la mise en oeuvre. Des études de cas sont disponibles principalement dans le domaine de la qualité de l?eau (exemples : Vittel, Evian, Lons-le-Saulnier). De nombreux modèles différents de paiements pour services environnementaux sont possibles. Toutefois, ils doivent respecter un certain nombre de grands principes tels que ceux mentionnés précédemment : additionnalité, priorité aux objectifs de résultats, mécanismes permettant de réduire les rentes informationnelles. De manière générale, le Comité pour l?économie verte recommande : ? d?étudier, au niveau juridique, la qualification des rémunérations des services environnementaux qui, par leur définition, correspondent à la rémunération d?une prestation de service, et non à la subvention d?une activité ; ? de nécessairement mettre en place des formes institutionnelles et organisationnelles propices au développement de ces mécanismes pour réduire les coûts de transaction (asymétrie d?informations) : élaboration par exemple de sociétés, de groupements ou d'associations ad hoc? De même, il sera nécessaire de s?assurer du rôle mobilisateur et évaluateur de l'Etat et des collectivités, sans toutefois conduire à un cadre législatif rigide (besoin de souplesse et de simplification des procédures). L?évaluation portera notamment sur l?efficacité de la part de financement public dédié aux PSE ; ? de préciser dans chaque contrat la notion d?additionnalité selon les enjeux géographiques ou économiques locaux ; ? l'objectif de pérennité des résultats écologiques ne devrait pas dépendre d'une pérennisation des paiements. Pour éviter cet écueil, la conception d'un PSE doit privilégier l'accompagnement d'un changement de pratiques économiquement pérennes ; ? de renforcer des connaissances sur le lien entre certaines pratiques et leurs effets sur les écosystèmes. Par ailleurs, le Comité pour l?économie verte recommande également de mener des études pour : ? identifier des conditions juridiques à l?émergence des PSE en France : ? approfondir la notion d?additionnalité permettant de mettre en oeuvre de manière opérationnelle les PSE avec le souci que les actions ne constituent pas le simple 108 maintien d?actions ou de non actions, mais l?adoption de nouvelles pratiques et leur pérennité. Dans ce cadre, la notion de maintien devra être précisée ; ? analyser les marges de manoeuvre offertes par le cadre de l?Union européenne et de l?OMC (aides publiques dissimulées, soutien à la production agricole) ; ? analyser les marges de manoeuvre offertes par les règles de libre concurrence (code des marchés publics) dans le cas de paiements par des opérateurs publics ; ? étudier l?articulation des PSE avec les autres outils contractuels existant ou en gestation (cf. projet loi biodiversité), en évaluant leur particularité ; ? identifier les facteurs et conditions d'une utilisation plus efficace de ces instruments économiques : ? évaluation du potentiel du développement des PSE ; ? création des conditions à une remontée d?informations pour les flux financiers mis en oeuvre en vue d?alimenter les rapportages à la stratégie de mobilisation des ressources pour la biodiversité (CDB) ; ? définition du cadre d?évaluation de la pertinence et de l?efficacité environnementale du dispositif (quelles modalités et instances de validation ?) ; ? stratégies à adopter pour réduire la rente informationnelle : ? définir des schémas à privilégier pour le choix des formes institutionnelles et organisationnelles les plus appropriées (enchères inversées, etc.) ; ? identifier les intermédiaires et leur rôle pour faciliter la contractualisation (réalisation de contrats d'ingénierie écologique destinés à identifier et quantifier les liens entre pratique et résultat écologique par exemple) ; ? création de dynamiques collectives : format de l?incitation (bonus d?agglomération, etc.) ; ? obligation sur laquelle doit reposer le contrat : résultats versus moyens. Il s?agit d?étudier ici la faisabilité et l?acceptation de tels arrangements. * * * Positions exprimées par les membres du Comité CGT Pour la CGT, l'avis reflète une réflexion sur des paiements pour services environnementaux qui doit se poursuivre. Cette démarche inclut l'action de l'Etat et plus largement des opérateurs publics pour le respect de la réglementation en particulier lorsqu'il doit y avoir compensation et la mise en oeuvre de sanctions lorsque les obligations ne sont pas respectées. Les mesures contractuelles de PSE doivent donc bien être additionnelles. Elles doivent viser un bénéfice environnemental dans une perspective de développement durable prenant en compte pleinement les enjeux sociaux et sociétaux. 109 Avis du 29 octobre 2015 portant diagnostic sur la prise en compte de l?exposition aux risques associés au changement climatique et la contribution au respect de l?objectif de limitation du réchauffement climatique par les investisseurs institutionnels Les orientations de cet avis ont été adoptées au consensus lors de la séance plénière du 29 octobre 2015. L?article 173 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, et notamment son point VI, prévoit la publication d?informations par les investisseurs institutionnels1 relatives à leur exposition aux risques associés au changement climatique et à leur contribution au respect de l?objectif de limitation du réchauffement climatique et à la transition énergétique et écologique. Il étend aux investisseurs institutionnels l?obligation de rendre compte dans leur rapport annuel de la manière dont les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont pris en compte dans leur politique d?investissement, en cohérence avec la stratégie nationale bas-carbone. A ce titre, il concerne à la fois les aspects environnementaux, sociaux et de qualité de gouvernance, avec un approfondissement des enjeux liés aux risques associés au changement climatique. Il est ainsi précisé que deux éléments ayant trait aux politiques climatiques figurent parmi les informations sur les aspects environnementaux: - la prise en compte de l?exposition aux risques climatiques, notamment la mesure des émissions de gaz à effet de serre des actifs détenus ; - la contribution au respect de l?objectif international de limitation du réchauffement climatique et à l?atteinte des objectifs de la transition énergétique et écologique, contribution qui est notamment appréciée au regard de cibles indicatives définies, en fonction de la nature de leurs activités et du type de leurs investissements, en cohérence avec la stratégie nationale bas-carbone. L?objet de cet avis diagnostic est d?éclairer sur les enjeux et les solutions possibles pour mettre en oeuvre ces objectifs, étant rappelé que l?obligation visée par cet article 173 n?est pas 1 Par investisseurs institutionnels on entend : les entreprises d?assurance et de réassurance régies par le code des assurances, les mutuelles ou unions régies par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance et leurs unions régies par le code de la sécurité sociale, les sociétés d?investissement à capital variable, la Caisse des dépôts et consignations, les institutions de retraite complémentaire régies par le code de la sécurité sociale, l?institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l?Etat et des collectivités publiques, l?établissement public gérant le régime public de retraite additionnel obligatoire, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. 110 d?imposer aux investisseurs institutionnels d?investir dans une catégorie d?actifs donnés2. Il s?agit d?une obligation d?information, sur les modalités de prise en compte dans leur politique d?investissement des critères relatifs au respect d?objectifs ESG et sur les moyens mis en oeuvre pour contribuer à la transition énergétique et écologique. L?objectif est de pousser les institutions financières à intégrer ces enjeux, dans des conditions compatibles avec leurs caractéristiques et modèles économiques, en privilégiant la supervision plutôt que l?édiction de normes rigides. Ces exigences nouvelles d?information s?inscrivent dans une démarche, au niveau français et au niveau international3, de mobilisation des financements pour financer une économie décarbonée et de meilleure orientation de l?investissement dans cette perspective, intégrant pleinement le risque que ferait peser sur nos économies un défaut d?anticipation de l?enjeu climatique et des transformations structurelles à opérer pour nos économies. A cet égard, la France apparait pionnière dans sa réflexion pour construire une Finance durable et aligner son système financier dans cette perspective d?empreinte carbone plus limitée, son expérience en matière de cadres pour la divulgation de l?information intéressant beaucoup d?autres pays4. Plus précisément, deux préoccupations, d?orientation des financements et de risque, se rencontrent à propos des choix des investisseurs institutionnels, qui poursuivent des stratégies d?investissement à long terme : ? ils sont d?une part particulièrement concernés par les démarches ESG et les logiques d?engagement, celles-ci pouvant justement être menées avec l?objectif de contribuer à la transition énergétique ; ? d?autre part les investisseurs sont soumis à certains risques associés au changement climatique. Pour cette raison, ils commencent de fait à intégrer les enjeux liés au changement climatique, non plus seulement comme un sujet extra financier mais comme un risque financier potentiel significatif pesant sur les modèles économiques des entreprises et sur la rentabilité à long-terme des portefeuilles5, que plusieurs types de risques pourraient affecter6 (risques physiques, risques de contentieux et risques liés au processus de transition). Ces différents risques se caractérisent par différents horizons temporels, qui sont ceux auxquels se déploient les politiques publiques ou les cycles des affaires. Ainsi, les investisseurs institutionnels ne peuvent plus ignorer l?impact des menaces liées à la dégradation de notre environnement sur les rendements et la gestion des risques financiers. Simultanément, il apparait nécessaire de réduire l?incertitude sur les investissements verts pour faciliter leur accès au financement. 2 Cf. Conseil Constitutionnel. Décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015, §§ 47 à 51. 3 En avril 2015, le G20 a donné mandat au Conseil de Stabilité Financière (FSB) d?étudier la prise en compte par le secteur financier des enjeux liés au changement climatique. Dans une lettre aux ministres des finances du G20 datée du 5 octobre, le président du Conseil de Stabilité Financière (M. Carney) indique qu?il a recommandé au Conseil d?examiner l?opportunité d?améliorer la divulgation de leur risque par les investisseurs institutionnels. Un groupe d?étude pourrait être constitué par l?industrie financière sur cette question. 4 Cf. www.unepinquiry.org 5 A ce stade les travaux pointent plutôt l?idée que c?est d?abord un risque pour les investisseurs avant d?être un sujet de stabilité financière, les deux devant en tout état de cause être bien distingués. 6 Cf. M. Carney, ?Breaking the Tragedy of the Horizon ? Climate change and financial stability?, sept. 2015 et note du FSB http://www.financialstabilityboard.org/wp-content/uploads/Disclosure-task-force-on-climate- related-risks.pdf 111 Cependant, si ces logiques concourent à des évolutions des politiques d?investissements et à une réallocation des actifs pour assurer la cohérence de l?investissement avec la dynamique de la transition énergétique, et sont convergentes à moyen terme, tel n?est pas nécessairement le cas à court terme. En tout état de cause, ce processus visant à tenir compte du possible impact financier d?éléments relevant de l?extra-financier en est aujourd?hui à ses débuts, ce qui nécessite d?expliciter les enjeux et choix de mise en oeuvre, sachant que les méthodologies disponibles -au niveau de l?analyse des classes de risques et au niveau des projets d?investissements ; par l?analyse de scénarios de mise en place de politiques publiques contraignantes ; par référence à un prix du carbone ou aux impacts physiques à plus ou moins long terme du changement climatique- pour fournir ces informations sont encore en évolution. Un objectif est de stimuler l?essor des cadres d?analyse les plus appropriés. L?évaluation des risques dépend en particulier de celle des politiques qui seront mises en place, qui rencontrent donc comme impératif de créer de la lisibilité et de réduire l?incertitude. A ce titre, de manière générale l?établissement d?une trajectoire lisible de prix du carbone7 -, ou la suppression des subventions aux énergies fossiles8 est favorable à la stabilité financière et à ce titre au développement économique. Outre les principes de lisibilité et d?effectivité, plusieurs principes doivent guider la mise en oeuvre de ces dispositions, à l?aune desquelles devra être évaluée la qualité de la réglementation envisagée : ? La souplesse. Les textes d?application doivent tenir compte de la diversité des entreprises et institutions concernées par cette obligation et de la diversité des méthodes qui existent. Selon les cas et selon les secteurs, il convient donc de choisir entre la prescription d?une méthode identifiant un nombre restreint de critères, ce qui facilite la compréhension par tous (gouvernement, souscripteurs, société civile, etc.) et permet la comparabilité des informations, ou la définition du seul cadre sur les informations qui seront fournies. ? Favoriser l?émergence et la diffusion des meilleures pratiques, afin d?accompagner le développement de la prise en compte des enjeux. ? Le caractère évolutif : comme indiqué précédemment, un certain nombre de questions méthodologiques se posent encore, les textes d?application doivent donc pouvoir être adaptés pour tenir compte des progrès qui seront réalisés dans les prochaines années dans ce domaine. ? Il convient d?assurer par un mécanisme de suivi la pertinence du dispositif dans un contexte évolutif et en pleine mutation. ? La prise en compte des débats internationaux : les débats débutent au niveau international, par exemple dans le cadre du Conseil de Stabilité Financière, qui devrait recommander au G20 la mise en place d?une « task force » sur la définition de standards volontaires d?information par les entreprises sur les risques associés au changement climatique. Les textes français devront tenir compte de cette réflexion, pour continuer à 7 La loi de transition énergétique définit ainsi une trajectoire à horizon 2030 et le rapport Canfin-Grandjean propose, par exemple, un corridor des prix du carbone (proposition 2). 8 On peut évoquer par exemple l?annonce par le Premier ministre le 11 septembre 2015 de la suppression immédiate de l?assurance crédits export pour les nouveaux projets de centrale à charbon dénuées de dispositifs de capture et de stockage du CO2. 112 l?anticiper et à l?influencer, tout en veillant à ce que l?approche soit adaptée aux spécificités du système financier français. ? La vérifiabilité : comme toute obligation réglementaire, ces éléments entrent dans le champ de compétence des superviseurs, et doivent donc être formulés dans des termes compatibles avec leurs approches et compétences, notamment en matière de sanctions et de moyens de contrôle. ? Pour favoriser l?efficacité du dispositif, il serait souhaitable de contribuer à la montée en compétence des investisseurs institutionnels sur la prise en compte de ces enjeux. Un bilan d?émissions de GES est devenu courant aujourd?hui pour les entreprises industrielles. « L'empreinte carbone » d'une personne ou d'une organisation mesure la quantité de GES émise pour satisfaire l'ensemble de sa consommation. Cet inventaire peut être divisé en trois périmètres ou scopes : scope 1 (les émissions directes), scope 2 (les émissions indirectes liées à la consommation d'électricité, de chaleur ou de vapeur nécessaire à la fabrication du produit), ou scope 3 (les autres émissions indirectes). Si les calculs de scope 1 ou 2 des entreprises industrielles ou des portefeuilles d?actions d?investisseurs institutionnels sont devenus courants, il n?y a pas de méthodologie établie pour les émissions de scope 3. Les acteurs financiers indiquent qu?ils savent mieux appréhender le scope 3 de certains secteurs (comme le secteur de l?énergie) que d?autres. Il serait par ailleurs opportun que le calcul de l?empreinte carbone prenne également en compte le stockage du carbone, que certaines activités économiques permettent de réaliser, comme l?agriculture. Le calcul de l?empreinte carbone doit être adapté aux différentes classes d?actifs. Pour les obligations, qui constituent une part conséquente des portefeuilles des investisseurs institutionnels, les méthodes (qui nécessitent d?attribuer les émissions aux différents financeurs ? en fonds propres et en dette ? de l?entreprise) ne sont pas encore stabilisées (pour les obligations souveraines notamment)9. L?enjeu est d?importance car la transition énergétique et écologique réclame des investissements divers, renvoyant à différentes structures de financement. Les investissements dans le private equity, les infrastructures, dans l?immobilier et les financements de projets, qui jouent également un rôle important dans la transition énergétique, ne doivent donc pas être oubliés. La contribution sur ces sujets des agences de notation financières ou extra-financière pourrait être intéressante. L?empreinte carbone ne fournit qu?une photographie des émissions passées et ne tient pas compte de la dynamique10. A ce titre, il est intéressant aussi d?identifier les investisseurs institutionnels qui choisissent d?investir dans des entreprises émettrices de CO2 qui s?engagent à réduire leurs émissions et/ou prenne d?ores et déjà en compte le risque carbone dans leur stratégie, assurer la divulgation d?une information fiable en ce domaine. La cohérence de la stratégie d?une entreprise avec une trajectoire de réchauffement climatique limitée à 2°C s?apprécie au regard de la situation actuelle de ces actifs, des investissements 9 Il existe des initiatives, comme par exemple les principes et critères de certification des obligations dites « vertes » qui pourraient faciliter l?analyse des portefeuilles d?actifs. 10 D?autres facteurs sont importants aussi pour mesurer l?exposition au risque lié à la transition énergétique, et l?intégrer dans l?exposition nette au risque : structure de coûts de l?émetteur, niveau d?endettement, etc. De même, l?exposition à des risques physiques doit faire l?objet d?une analyse spécifique, prenant en compte l?exposition des émetteurs à des zones à risque (sècheresse, ouragans, ?) et la sensibilité de leurs ventes à des évènements météorologiques. 113 réalisés par celle-ci et des technologies déployées et non de son empreinte carbone (qui reflète le passé sans vision prospective)11. Le risque carbone doit aussi être apprécié au regard de la nature de l?exposition considérée. Enfin, l?empreinte carbone ne permet pas de rendre compte directement de la problématique des « stranded assets » qui sont pourtant la manifestation la plus immédiate du risque carbone. Des éléments qualitatifs sont donc indispensables pour rendre compte au mieux de la prise en compte des risques associés au changement climatique par les investisseurs institutionnels. En particulier, l?une des questions importantes est l?engagement des investisseurs institutionnels dans l?exercice de leurs droits de vote. La prise en compte de l?exposition au risque associé au changement climatique doit également être appréhendée de manière plus globale. Ceci nécessite de prendre en compte la structure du portefeuille d?un investisseur institutionnel et la nature des actifs détenus, pour évaluer leur exposition12, en prenant notamment en compte les corrélations entre actifs. Cette approche complémente une analyse détaillée entreprise par entreprise des investissements13. L?intérêt des bénéficiaires finaux (épargnants, cotisants, etc.) est crucial. La mise à disposition d?informations doit en premier lieu permettre aux gestionnaires d?exercer leur responsabilité fiduciaire, voire d?informer par ailleurs d?un éventuel risque systémique. En résumé, l?information à fournir en matière d?exposition au risque climat a nécessairement une dimension quantitative. A cet égard, l?appréciation aussi complète et pertinente que possible d?une empreinte carbone apparait, en l?état des méthodologies disponibles, être un point de départ précieux pour les démarches de progrès. Mais elle doit donc être enrichie par de l?information, certes aussi précise et vérifiable mais plus qualitative, sur la stratégie suivie : poursuite ou non d?un objectif de décarbonation ; et approche retenue en ce domaine, entre, par exemple, une stratégie passive de réduction de l?exposition à ce risque sans affecter les autres14, versus stratégies plus actives de désinvestissement ou d?engagement. Une autre gamme d?informations vise à évaluer plus positivement la contribution au respect de l?objectif international de limitation du réchauffement climatique et à l?atteinte des objectifs nationaux de la transition énergétique et écologique des investisseurs institutionnels. A cet égard, une méthode consiste à mesurer l?acquisition d?actifs financiers permettant de soutenir le financement d?activités permettant d?éviter des émissions de carbone et son 11 La durée de vie des installations par exemple constitue également un des indicateurs pertinents de l?analyse de l?exposition au risque. 12 Parmi les méthodes disponibles pour corriger la structure des portefeuilles, on peut citer l?estimation de la sensibilité aux facteurs de risque associé au changement climatique par classe d?actifs (méthode proposée par Mercer). Au-delà de risques spécifiques bien identifiés, ce type d?analyse ne suggère pas cependant de facteurs de risques conduisant à des impacts potentiels très significatifs sur des horizons courts. Ce qui ressort comme caractéristique générale de l?appréciation des risques liés au changement climatique est la nécessité de mettre en place des approches d?analyses prospectives par scénario, confrontant les portefeuilles à différentes réalisations du futur, différentes options de transitions et différents impacts climatiques. 13 Ce qui ressort comme caractéristique générale de l?appréciation des risques liés au changement climatique est la nécessité de mettre en place des approches d?analyses prospectives par scénario, confrontant les portefeuilles à différentes réalisations du futur, différentes options de transitions et différents impacts climatiques. 14 Cf. « Hedging Climate Risk with Decarbonized Indices », Andersson, Bolton, Samama, conférence ? Paris 2015 and beyond?, Collège de France, 2015. 114 évolution (ce qu?il est convenu d?appeler « part verte » des investissements)15. Cette méthode implique de définir précisément les classes d?investissements considérés, secteurs ou technologies contribuant à la transition énergétique et écologique, selon une nomenclature précise (labels tels que le label « transition énergétique et écologique pour le climat » ou principes comme les principes des obligations dites « vertes » par exemple), ou contribuant à réduire le défit de financement dont peuvent souffrir certaines activités. Ainsi, on peut fixer un ou des objectifs reflétant une certaine cible d?allocation des investissements cohérente avec la transition énergétique et écologique, cet objectif étant fixé au niveau d?un secteur/technologie (par exemple un objectif 30% de renouvelables dans le mix énergétique des actions du secteur de la production d?électricité). Cette approche nécessite de choisir quel scénario est pris comme référence en fonction du secteur considéré. Mais, il convient d?apprécier le pari implicite que cela emporte sur les technologies considérées. D?autres approches16 cherchent plutôt à traduire plusieurs scénarios de référence17 en termes de composition des portefeuilles, ce qui permet de garder une cohérence avec des objectifs climatiques et de comparer le portefeuille à différents « futurs possibles ». 15 Sur ce point, voir le précédent avis du Comité pour l?économie verte sur « la labellisation des fonds d?investissements pour la transition énergétique et écologique », juillet 2015. 16 https://ec.europa.eu/easme/en/news/assessing-alignment-investment-portfolios-climate-goals-join-road-show. 17 Comme celui de l?AIE, de Greenpeace, etc. cf aussi le projet développé dans le programme européen H2020. 115 Avis du Comité pour l?économie verte portant sur la mise en oeuvre de la compensation écologique Les recommandations de cet avis ont été adoptées au consensus lors de la séance plénière du 16 juillet 2016. Les mesures de compensation écologique29 s?inscrivent dans la séquence « Eviter ? réduire ? compenser » (ERC), qui vise à minimiser les impacts environnementaux des projets d?aménagement ou d?activité, plans et programmes30 soumis à évaluation environnementale. La séquence ERC s?applique à l?ensemble des impacts environnementaux (biodiversité, sol, eau, air, bruit?). En particulier pour la biodiversité, la mise en oeuvre de cette approche a pour objectif de permettre de maintenir globalement la qualité environnementale des milieux et le bon état de conservation des espèces, et si possible d'obtenir un gain net, compte-tenu de leur sensibilité. Suivant cette séquence, les atteintes aux enjeux majeurs31 doivent être, en premier lieu, évitées. En effet, l'évitement est la seule solution qui permette de s'assurer, sans le moindre doute ou risque, de la non-dégradation du milieu par le projet. Dans le processus d?élaboration du projet, il est donc indispensable que le maître d'ouvrage intègre l?environnement, et notamment les milieux naturels, dès les phases amont de choix des solutions (type de projet, localisation, choix techniques...), au même titre que les enjeux économiques ou sociaux. Au sein de la séquence ERC, la réduction intervient dans un second temps, dès lors que les impacts négatifs sur l?environnement n?ont pu être pleinement évités. Ces impacts doivent alors être suffisamment réduits, notamment par la mobilisation de solutions techniques de minimisation de l'impact à un coût raisonnable, pour ne plus constituer que des impacts négatifs résiduels les plus faibles possibles. Enfin, si des impacts négatifs résiduels significatifs demeurent, il s?agit, pour autant que le projet puisse être approuvé ou autorisé, d?envisager la façon la plus appropriée d?assurer la compensation de ses impacts. En d?autres termes, les impacts environnementaux doivent être en priorité évités, et, en cas d?impossibilité, réduits, avant d?envisager toute forme de compensation. Les années 2000 ont été l?occasion d?un renforcement réglementaire autour des mesures compensatoires ainsi que de la séquence ERC de manière générale. Ce renforcement réglementaire a été accompagné de l?élaboration en 2012 d?une Doctrine mais également en 29 En anglais, on parle de « compensation or offsetting schemes » (cf. Stratégie pour la biodiversité de la Commission européenne, 2011), le terme d?offsets étant donc souvent utilisé à ce propos. 30 Dans cet avis, on emploiera le terme de « projet » pour désigner l?ensemble des projets, plans et programmes auxquels s?applique la séquence ERC. 31 On entend par « enjeux majeurs » ceux relatifs à la biodiversité remarquable (espèces menacées, sites Natura 2000, réservoirs biologiques, cours d'eau en très bon état écologique...), aux principales continuités écologiques (axes migrateurs, continuités identifiées dans les schémas régionaux de cohérence écologique lorsque l'échelle territoriale pertinente est la région...). Il convient aussi d'intégrer les services écosystémiques clés au niveau du territoire (paysage, récréation, épuration des eaux, santé...). 116 2013 de Lignes directrices32 nationales, en vue de rendre opérationnelles les innovations légales pour le plus grand nombre. Pour autant, on peut regretter le manque de cadrage concernant la mise en oeuvre des actions de compensation, tant du point de vue technique (pas d?outils standardisés de calcul d?équivalence écologique entre pertes et gain, pas d?indicateurs de référence pour les suivis, etc.) que réglementaire (manque de clarté sur les niveaux de performance écologique que les administrations doivent exiger). La séquence ERC vise à garantir le maintien ou l?amélioration de la qualité de l?environnement et à fournir ainsi les incitations économiques appropriées pour stimuler la recherche des solutions les plus efficaces pour cela. La séquence ERC s?inscrit donc dans une démarche générale de maintien du capital naturel33 en recourant à des instruments de politique publique effectifs et économiquement efficaces. Des réflexions sont à poursuivre pour en assurer l?essor et le bon usage, notamment pour mieux articuler la démarche entre le niveau des « plans et programmes » et celui des projets, de travaux et d?aménagement. Les avis du CEV ont vocation à se nourrir des expériences internationales les plus abouties. En matière de compensation écologique, on peut citer, par exemple, le cas des Etats-Unis, où des méthodes de calcul d?équivalence écologique sont approuvées et diffusées par les pouvoirs publics, et où les mécanismes contractuels et financiers de pérennisation des sites hébergeant des mesures compensatoires sont particulièrement développés. Le présent avis se focalise sur trois aspects identifiés par le CEV comme de nature à améliorer l?efficacité de la politique publique encadrant la mise en oeuvre de la compensation écologique, et réduire les coûts de transaction pour l?ensemble des acteurs : ? l?intégration de la séquence éviter-réduire-compenser le plus en amont possible ; ? le besoin d?outils harmonisés, notamment concernant les méthodes de calcul de l?équivalence écologique ; ? les mécanismes de pérennisation des mesures de compensation écologiques. I. Intégrer la séquence éviter-réduire-compenser le plus en amont possible, en recherchant les synergies I.1. Constat Voir en annexe la présentation des différentes procédures administratives susceptibles de donner lieu à une obligation de mise en oeuvre de mesures de compensation écologique. L?encadrement réglementaire de la compensation écologique s?est construit progressivement depuis son introduction dans la loi sur la nature de 1976, précisant les obligations qui en découlent pour les maîtres d?ouvrages, ainsi que les procédures administratives applicables par type de projets ou d?enjeux environnementaux. Actuellement, un même projet peut donc relever de plusieurs régimes de déclaration ou d?autorisation environnementale, et être soumis à plusieurs obligations réglementaires de compensation écologique. Au moment de la mise en oeuvre des mesures de compensation écologiques, ceci peut occasionner des difficultés d?articulation entre différentes obligations de compensation pour un même projet (ex : obligations parfois contradictoires au titre de la loi sur l?eau et des espèces menacées). Des pratiques d?harmonisation sont alors mises en place au cas par cas, ce qui nécessite l?accord des autorités administratives et qui peut ralentir l?instruction du projet. 32 Cf. lignes directrices et document de doctrine publiés par l?administration. 33 Souvent associée à l?énoncé d?objectifs de type « no net loss », comme, aux Etats-Unis, dans le Clean Water Act ou le Endangered Species Act. 117 http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Doctrine_ERC.pdf http://www.developpement-durable.gouv.fr/Lignes-directrices-nationales-sur.html Certaines procédures administratives, comme la demande de dérogation à la protection stricte des espèces, qui est à l?origine chaque année de plus de 200 actes administratifs fixant des mesures ERC aux maîtres d?ouvrages concernés, interviennent tardivement dans les projets, à un moment où les maîtres d?ouvrage n?ont plus beaucoup de marges de manoeuvre pour revoir leur projet en profondeur (mesures d?évitement34 et de réduction) et ajuster le coût des mesures ERC dans leur budget. Les mesures de compensation écologiques peuvent alors même devenir un objet de contentieux juridique. Depuis 2014, des expérimentations sont menées par les services de l?Etat autour de la notion d?autorisation environnementale unique pour les ICPE (installations classées pour la protection de l?environnement) et les IOTA (Installations, ouvrages, travaux et activités) et des réflexions du groupe de travail de modernisation du droit de l?environnement piloté par Jean- Pierre Duport en vue d?étudier la faisabilité d?un permis environnemental unique. Ces travaux devraient aboutir en janvier 2017 à la création d?une autorisation environnementale, construite sur la base des expérimentations ICPE/IOTA/certificat de projet, qui devrait permettre une approche plus intégrée des impacts d?un projet sur l?environnement. Plusieurs documents et recommandations (Lignes directrices nationales de 2013, Rapport Dubois remis à la ministre Ségolène Royal en 2015) font état de la nécessité d?une meilleure intégration en amont des projets de la séquence ERC. Par ailleurs, il est important de signaler que le projet d?ordonnance portant réforme de l?évaluation environnementale (plan programme et projet) prévoit de renforcer les « procédures communes et coordonnées » entre les plans-programme d?une part et les projets d?autre part en matière d?évaluation environnementale. I.2. Recommandation L?articulation entre les différentes procédures d?évaluation environnementale, celles qui concernent les plans et programmes et les projets d?activité ou d?aménagement, doit être recherchée, notamment pour anticiper les enjeux environnementaux (et éviter les situations de blocage lorsque ces projets entrent en phase de demande des différentes autorisations environnementales). Tout en gardant à l?esprit le fait que les « planificateurs » ont des responsabilités distinctes des maîtres d?ouvrage des projets d?aménagement, il s?agit ainsi de passer d?une approche « procédure » caractérisée par la réaction, à une approche privilégiant la planification territoriale et la complémentarité des actions entre l?élaboration du plan programme et la conception du projet. Pour mettre en oeuvre cette planification territoriale à droit constant, il est possible : ? de s?appuyer sur les collectivités territoriales au sein desquelles ces actions sont menées, les Etablissement Publics Fonciers (EPF), les Sociétés d?Aménagement Foncier et d?Etablissement Rural (SAFER) et les Commissions départementales de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers (CDPENAF). Cette planification des actions de compensation devrait par ailleurs viser des objectifs sociaux complémentaires aux objectifs écologiques initiaux (accès à des espaces récréatifs) ; ? pour les acteurs locaux, de s?auto-organiser par exemple, dans le cadre de programmes d?aménagement (zone industrielle, Grand ports maritime, par ex : projet stratégique de 34 En particulier, dans le cadre de certaines déclarations d?utilité publique (DUP), les mesures d?évitement devraient être étudiées dès l?instruction de la DUP, voire avant. 118 Dunkerque) pour réaliser très en amont une mutualisation des études environnementales au niveau de l?ensemble du territoire, qui permettra aux multiples maîtres d?ouvrages qui viendront s?y implanter, de réaliser des économies d?échelle, tout en assurant une cohérence au niveau de l?identification des enjeux écologiques. Il faut déterminer les moyens de mettre en oeuvre les mesures de compensation écologique à l?occasion de l?élaboration des plans et programmes soumis à évaluation environnementale. Ce type de démarches permettrait de faciliter des actions d?évitement et de réduction d?ampleur et efficaces, et de créer des opportunités de mutualisation des mesures compensatoires, en vue d?alimenter les stratégies Trame verte-trame bleue et de rechercher les synergies entre différentes actions de restauration écologique. II. Un besoin d?outils, notamment d?harmonisation des méthodes de calcul de l?équivalence écologique II.1. Constat La compensation écologique implique de pouvoir mettre en perspective les pertes de biodiversité induites par le projet faisant l?objet des mesures compensatoires (ou « pertes écologiques »), avec les gains de biodiversité permis par les mesures compensatoires (ou « gains écologiques »). En effet, il doit y avoir une équivalence entre pertes et gains : on parle d? « équivalence écologique ». Or, la notion d?équivalence écologique manque actuellement d?outils harmonisés de traduction opérationnelle. La difficulté est évidemment qu?il convient de pleinement prendre en compte la complexité des écosystèmes et de leur dynamique. Actuellement, une multiplicité d?initiatives dans le domaine du calcul de l?équivalence écologique émergent au sein de bureaux d?étude, d?ONG environnementales ou de collectivités territoriales. Cependant, ces méthodes manquent de transparence et présentent des risques de manque de rigueur préjudiciables à la mise en oeuvre des mesures compensatoires. Cette diversité de méthodes est excessive. Finalement source d?incertitude, elle ne fournit pas l?outil de dialogue adéquat sur les mesures compensatoires, que ce soit pour les opérateurs de compensation, les services de l?Etat ou les aménageurs. On observe également un recours important à des logiques « surfaciques », fondées sur des ratios fixes entre surfaces impactées et surfaces à compenser (utilisées notamment pour la compensation des atteintes à certaines espèces protégées, aux milieux aquatiques ou pour la compensation défrichement). Ces logiques sont insuffisantes pour établir l?équivalence écologique dans sa dimension qualitative. II.2. Recommandation Au-delà du respect de normes incontournables de transparence, il serait important d?avoir une forme d?harmonisation autour de l?équivalence écologique grâce à des outils standardisés de manière à créer des règles du jeu pertinentes, lisibles et partagées à l?échelle nationale. Ces outils devraient être adaptés aux exigences réglementaires spécifiques (Loi sur l?eau, Natura 2000, espèces protégées, directives européennes, etc.), en privilégiant la qualité et l?efficacité de la compensation plutôt que le simple critère surfacique. Ces méthodes devraient ainsi permettre d?aboutir à des mesures compensatoires qui répondent aux besoins de restauration des habitats favorables aux espèces impactées, ainsi qu?à la restauration des fonctions et des continuités écologiques relevant des milieux impactés. Plusieurs exemples montrent qu?il est possible d?identifier et de diffuser des méthodes harmonisées, pragmatiques, solides et conformes à la réglementation en vigueur en France : la 119 méthode d'évaluation des fonctions des zones humides, publiée en juin 2016, dont les travaux ont été pilotés notamment par le Muséum national d?histoire naturelle (MNHN) et l'Office national de l?eau et des milieux aquatiques (Onema). Il faudrait généraliser ce type de démarches à l?ensemble des habitats. On peut aussi mentionner les travaux en cours sur l?adaptation en France, dans le cadre de la loi sur la responsabilité environnementale, des méthodes de type « Habitat equivalency analysis » (HEA), utilisées de manière routinière et partagée aux Etats-Unis. Des méthodes de suivi harmonisées selon les différents types d?habitat et d?espèce devraient aussi être mises en place pour faciliter le contrôle de l?efficacité des mesures compensatoires. Les retours d?expérience issus de ces contrôles permettraient par ailleurs d?améliorer et conforter les méthodes standardisées de calcul d?équivalence écologique. III. Garantir l?adéquation entre la durée des impacts du projet et celle des effets de la compensation III.1. Constat La « doctrine nationale »35 sur la séquence éviter-réduire-compenser précise que « la durée de gestion des mesures [compensatoires] doit être justifiée et déterminée en fonction de la durée prévue des impacts, du type de milieux naturels ciblé en priorité par la mesure, des modalités de gestion et du temps estimé nécessaire à l?atteinte des objectifs ». Pour apporter une contrepartie effective aux impacts d?un projet, les mesures compensatoires doivent non seulement être assorties d?objectifs de résultat et de modalités de suivi de leur efficacité, mais être conçues de manière à produire des effets sur une durée équivalente à celle des impacts du projet. III.2. Recommandation La durée d?engagement des éventuels contrats associés aux mesures compensatoires que le maître d?ouvrage signe avec ses prestataires ou les propriétaires des terrains doit donc être en rapport avec la durée des impacts que ces mesures ont pour objet de compenser. Cela pose deux enjeux relatifs à cette adéquation : ? la durée des actions mises en oeuvre doit être en adéquation avec la dynamique écologique des espèces ou habitats compensés ; ? le contrat36 doit garantir que la durée des effets de la compensation correspondra à la durée des impacts. A ce jour existent déjà des mécanismes qui visent à ces adéquations. Ainsi, à la suite d?une acquisition foncière et d?une action de restauration écologique ayant démontré ses effets après cinq, dix ou vingt ans, une cession est parfois réalisée en faveur des conseils départementaux au titre des espaces naturels sensibles, du Conservatoire du Littoral ou des Conservatoires d?espaces naturels. Par ailleurs, le bail rural à clauses environnementales ou la future obligation réelle environnementale offrent des opportunités de garantir sur le long terme la finalité environnementale du foncier dédié à la compensation, comme alternative à l?acquisition. En outre, des guides pratiques ou recommandations opérationnelles permettant de sécuriser le recours à des outils contractuels de mise en oeuvre des mesures compensatoires (futurs sites 35 Op.cit. 36 Au sens large, incluant, par exemple, les « obligations réelles », qui sont justement un instrument pour assurer la pérennité des mesures en en assurant la poursuite malgré l?éventuelle transmission du foncier. 120 naturels de compensation, futures obligations réelles environnementales prévus dans le cadre du projet de loi relative à la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, ou tout autre type de contrats) sont absolument nécessaires. Il convient de réfléchir à des innovations financières qui permettraient de faciliter la pérennisation des mesures compensatoires, par exemple : ? dans le cadre des sites naturels de compensation, la mobilisation d?un fonds générant des intérêts à même de couvrir les frais d?entretien à long terme des espaces supports de compensation ; ? des dispositifs assurantiels permettant de prémunir les opérateurs de compensation contre l?incertitude économique ou environnementale. 121 Annexe Principales procédures susceptibles de conduire à une obligation de mise en oeuvre de mesures de compensation écologique Étude d?impact : Articles L. 122-1 à L. 122-3 et R. 122-1 à R.122-15 du code de l?environnement. Installations classées pour la protection de l?environnement (ICPE) : Articles L.511-1, L.511- 2, R.512 et R.122-5-7 du code de l?environnement. Aménagements fonciers agricoles et forestiers dans le cas d?un grand ouvrage : Articles L.121-1 à L.128-2 du code rural, et R.120-1 à R.128-10 du code rural. Évaluation des incidences Natura 2000 : Articles L.414-4 à L.414-7, et R.414-19 à R.414-29 du code de l?environnement. Étude des incidences au titre de la loi sur l?eau : Articles L.214-1 à L.214-11, L.216-1 à L.216-2, R.211-6, R.214-1 à R.214-56, R.214-6 et R.214-32 du code de l?environnement. Dérogation à la protection stricte des espèces (espèces protégées) : Articles L. 411-1 à L. 411- 6, R.411-1 à R. 411-14 du code de l?environnement. 122 Avis diagnostic sur le suivi des financements liés à la transition énergétique et au climat en France Cet avis a adopté le 6 juillet 2016 Pour un diagnostic régulier des financements liés à la transition vers une économie bas- carbone 1- Pour réussir à maintenir le réchauffement planétaire sous la barre des 2°C, un effort d?investissement approprié est nécessaire, notamment en matière d?infrastructures et d?installations énergétiques, intégrant que les durées de vie de ces équipements sont particulièrement longues. La stratégie nationale bas-carbone (SNBC), adoptée en 2015, établit ainsi comme premier enjeu la réorientation des investissements, vers les projets qui participent à la transition énergétique plutôt que vers ceux qui la freinent. Les besoins d?investissement correspondants sont identifiés dans la SNBC, avec un double mouvement de baisse dans les secteurs intensifs en carbone et de renforcement des investissements contribuant à la transition bas carbone. Sur le plan macroéconomique, le rapport de la Commission Mondiale sur la New Climate Economy (NCE), publié en 2014, souligne par ailleurs que cette réorientation doit s?inscrire dans un contexte de reprise d?un rythme plus élevé qu?aujourd?hui des investissements, notamment dans les infrastructures. 2- Outre les énergies renouvelables, la SNBC cite comme secteurs particulièrement concernés: ? L?innovation et son déploiement, les efforts de structuration et de soutien à la R&D devant être poursuivis et amplifiés pour encourager le développement et la diffusion rapide des technologies du futur, dans la perspective d'un monde bas-carbone. ? Les infrastructures, pour que les investissements dans ce domaine soient compatibles avec la transition vers une économie bas-carbone et un objectif de réduction d?émissions de 40% en 2030 par rapport à 1990. En outre, les infrastructures numériques seront aussi concernées. ? Les bâtiments, sachant que les émissions directes du secteur résidentiel-tertiaire représentent 20% des émissions de GES (près d'un quart si on tient compte des émissions indirectes associées à la production d'électricité et de chaleur pour les bâtiments). L'objectif central à cet égard est de parvenir à baisser ces émissions de 54% à l'horizon du troisième budget carbone et d'au moins 87% à l'horizon 2050, par rapport à 2013. 123 3- Pour suivre la mise en oeuvre de cette stratégie, l?observation des dépenses d?investissement liées à la transition écologique et de leur financement est cruciale. En effet, il faut : s?assurer que l?environnement financier est propice à l?essor de ces investissements, en considérant à la fois leurs caractéristiques, en termes de risque, par exemple, et celles de notre système financier, comme le poids du crédit bancaire dans le financement de l?économie ; et mesurer comment les investissements réalisés sont en ligne avec les objectifs, ce qui est un moyen de détecter les obstacles restant à lever. Différents indicateurs ont déjà été proposés, par exemple la part des investissements verts dans les investissements totaux1, qui pourraient contribuer à ce suivi. Un outil visant à mesurer l?engagement des entreprises dans la réduction de leurs émissions de GES, à vocation globale et mise en oeuvre par l?Ademe et l?ONG anglaise CDP (Carbon Disclosure Project), est par ailleurs en cours d?expérimentation ; il s?agit de l?expérience ACT (Assessing low-carbon Transition). 4- Sur le plan qualitatif, une étude de cas de l?enquête du PNUE «le système financier dont nous avons besoin» (2015) sur l?alignement du système financier sur le développement durable a été réalisée pour la France par Inquiry-I4CE-PNUE. L'étude2 constitue la première analyse en profondeur de l'intégration des enjeux environnementaux dans le secteur financier en France. Elle identifie un vaste « écosystème » d'acteurs privés, venant du secteur public ou d'organisations à but non lucratif mobilisés pour une meilleure articulation des enjeux de durabilité par le secteur financier. Elle met en lumière l?avance de notre pays au travers des mesures d'évaluation du risque et de reporting en lien avec le climat - notamment l'Article 173 - qui ont été adoptées dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 : ces dispositions, qui demandent aux investisseurs de divulguer leur contribution à la transition énergétique et qui impliquent aussi l'établissement d'une stratégie d'intégration des critères climat dans l?évaluation des risques au sein du secteur bancaire, demeurent inédites. 5- L'approche correspondante promeut des principes de transparence, de divulgation des informations et de bonne gouvernance. Elle vise à améliorer les pratiques des acteurs, tout en leur laissant la latitude suffisante pour agir de la façon qui soit la plus compatible avec leurs propres intérêts et modèles économiques. Elle privilégie donc la supervision, par des mesures : ? Se concentrant sur l'amélioration de la disponibilité de l'information à travers le développement d'un jeu complet de mesures de reporting visant à la fois le secteur financier et les entreprises qu'il finance. ? Promouvant le développement d'une expertise de marché à travers une combinaison d'initiatives publiques et privées et des débats nationaux sur les enjeux de développement durable rassemblant un large éventail de parties prenantes. ? Stimulant l'amélioration de l'évaluation des risques en appliquant aux institutions des exigences minimales de divulgation de leur exposition aux risques liés au climat. Parallèlement, se développe certains instruments dédiés explicitement au financement de la transition. L?examen du développement des obligations vertes (qui constitue un exemple emblématique de ces évolutions) montre que, pour que ces principes débouchent sur de nouveaux marchés, attirant les investisseurs, il faut que l?information correspondante puisse-t- être aisément appropriée par ceux-ci. Il en résulte donc, dans ce cadre, un arbitrage délicat 1 Proposition 4 du rapport Canfin-Grandjean. 2 France?s Financial (Eco)system (2015). 124 entre la latitude laissée aux émetteurs et le besoin de standardisation pour les investisseurs, notamment sur la nature des projets qui sont qualifiés de «verts». Le développement de standards doit aller de pair avec la clarification de leurs objectifs, permettant de mieux cerner l?impact des projets financés. Par ailleurs, d?une façon générale, il est nécessaire d?évaluer la rentabilité des investissements liés à la transition énergétique, qu?il s?agisse d?investissement public ou privé. 6- Le «panorama des financements climat en France», établi par I4CE, constitue par ailleurs un document irremplaçable pour établir le diagnostic concret sur où nous en sommes. Cette initiative doit donc être saluée et poursuivie. Le présent avis vise à en tirer les enseignements, à la fois sur le plan méthodologique et des résultats mis en lumière. Le diagnostic des financements liés à la transition énergétique permet d?identifier un certain nombre de problèmes méthodologiques, et les efforts entrepris pour les corriger 7- En 2015, I4CE a publié son Panorama des financements climat en France3, qui couvre les années 2011 à 20144. «Boîte à outils» des financements climat en France, celui-ci documente et caractérise les dépenses d?investissement et les flux de financement qui ont contribué, directement ou indirectement, à la réduction des émissions de GES en France. Ce panorama couvre les investissements en capital tangible5 aboutissant à une baisse des émissions de GES. Les investissements sont mis en rapport avec la contribution des principaux mécanismes financiers, issus du public ou du privé. Les domaines pris en compte sont : l?efficacité énergétique, les ENR, le nucléaire, les infrastructures durables et le «hors énergie», qui inclut par exemple les forêts. Les dépenses d?investissement sont prises en compte, mais ce n?est pas le cas des dépenses de R&D et des dépenses d?exploitation. Pour chaque secteur, l?étude recense et mesure les ordres de grandeur des dépenses en investissement qui ont permis directement ou indirectement à la réduction d?émissions de GES, en s?inspirant de la méthodologie développée par Climate Policy Initiative (CPI) utilisée au niveau international, en l?adaptant au contexte français. L?étude se fonde sur des données existantes de plusieurs sources du domaine public, et si nécessaire et possible, également du secteur privé. Dans un premier temps, les données publiques existantes sont analysées et mobilisées. Elles sont validées et complétées par des entretiens avec des experts pour établir des hypothèses détaillées sur l?utilisation des flux (outils, canaux, finalités). 8- L?identification précise de l?ensemble des financements liés à la transition énergétique n?est pas toujours possible : Certaines données existantes sur le financement de la transition énergétique sont incomplètes, ou ne sont pas disponibles. Les secteurs où les données manquent le plus sont le tertiaire, l?industrie et l?agriculture. 3 Cette partie s?appuie sur la présentation réalisée par I4CE au groupe de travail sur les financements du Comité pour l?économie verte. 4 Suite à la première édition de ce Panorama des financements climatiques en France a été élaborée en 2014[4], et décrit les financements climat en France en 2011. 5 Investissements en actifs matériels et certains biens durables comme les véhicules neufs. Les dépenses dans l?éducation, la formation et la R&D ne sont pas comptabilisées. 125 La classification des flux financiers dans des secteurs relevant ou non de la transition énergétique est importante pour parvenir à des résultats cohérents, mais n?est pas toujours évidente puisque leur nature est diverse. Par exemple, avec la méthodologie adoptée par I4CE, certains soutiens publics, comme le taux de TVA préférentiel aux opérations d?efficacité énergétique dans le bâtiment, ou le tarif d?achat des énergies renouvelables électriques, ne sont pas pris en compte. Dans le dernier cas, les subventions étant versées durant toute la durée du projet, elles apparaissent comme une recette d?exploitation, le coût de l?investissement étant supporté par dette bancaire. Dans certains cas, le déclenchement des travaux n?a pas lieu en même temps que le financement Par exemple, dans le Panorama, le CITE est compté à l?année où ont lieu les travaux, même si le versement se produit ultérieurement. Il y a donc un décalage d?un an avec les chiffres du PLF. Enfin, on est amené à distinguer entre des projets qui sont intégralement comptés comme verts (cas des ENR), et d?autres où il faut estimer les surcoûts de la durabilité. Par exemple, en matière d?efficacité énergétique dans la construction neuve, il faut distinguer ce qui relève de l?amélioration énergétique et de la construction ; le niveau de référence retenu est celui de la RT2005, le surcoût de la RT2012 étant estimé entre 7% et 11%. 9- Des efforts sont actuellement entrepris pour améliorer la pertinence des éditions futures, la répétition de l?exercice sur plusieurs années ou dans plusieurs pays européens étant un moyen d?améliorer ou approfondir l?analyse. Une manière d?améliorer ces diagnostics pourrait également passer par une définition plus précise des investissements qui sont verts. Cela permettrait à la fois de renforcer la crédibilité de ces investissements et de pouvoir en faire des panoramas plus précis. A titre d?exemple, c?est ce qui a été entrepris pour les obligations vertes. Dans ce domaine où il n?existe pas à ce jour de cadre strict, des initiatives comme les Green Bonds Principles ou la Climate Bonds Initiative fournissent des lignes directrices (différentes toutefois) pour vérifier que les fonds levés par les obligations vertes sont bien destinés à financer des projets compatibles avec la transition énergétique. En France, le référentiel du label transition énergétique et écologique pour le climat définit les activités entrant dans le champ de la transition énergétique et écologique et prévoit des exclusions strictes ou partielles. Le « Panorama des financements climat en France » fournit une première mesure du fossé à combler. 10- Suivant I4CE, les investissements qui ont contribué, directement ou indirectement, à la réduction d?émissions de GES en France peuvent être évalués à 36 milliards d?euros en France en 2013, dont la moitié dans le secteur de l?efficacité énergétique du bâtiment (18 Md¤), les infrastructures durables notamment dans le secteur des transports (11,8 Md¤), les énergies renouvelables (5 Md¤). 11- La première édition de cette étude recensait seulement 22 Md¤ d?investissements en France en 2011. La variation observée est due à la fois : aux additions au périmètre de l?étude et aux changements dans la méthodologie (8 Md¤) ; et à une augmentation des investissements de 6 Md¤ entre 2011 et 2013. Une hausse des investissements dans le secteur du bâtiment et des infrastructures a été observée (8,3 Md¤ en 2011). En revanche les investissements dans les ENR, photovoltaïque principalement, ont diminué (9 Md¤ en 2011). 126 L?étude fait par ailleurs une cartographie des canaux de financement à travers l?économie française, depuis leur source (ménages, entreprises) jusqu?à leur secteur et objet de destination, en recensant notamment les intermédiaires (Etat, institutions financières) et instruments de distribution (dette, capital, aides). La sphère publique soutient plus de la moitié de ces investissements, via : ? Un soutien public dans des domaines d?intervention traditionnels de la puissance publique : infrastructures de transport, logement... (14,8 Md¤ en 2014). ? Un soutien pour créer un effet d?entraînement (3,9 Md¤ en 2014). Selon I4CE, les investissements devront augmenter pour atteindre les niveaux nécessaires pour l'atteinte des objectifs en matière de climat, et en particulier ceux définis par la SNBC. I4CE a par exemple estimé que des investissements d?environ 10 Md¤ supplémentaires par an seraient nécessaires pour la rénovation des bâtiments (9 Md¤ supplémentaires) et la production d?énergie (1 Md¤). Vers une amélioration du suivi des financements liés à la transition énergétique 12- L?étude d?impact du projet de Stratégie nationale bas-carbone évaluait quant à elle à environ 20 milliards d?euros les investissements annuels moyens supplémentaires entre 2015 et 2018 pour mettre en oeuvre les orientations du premier budget carbone (SNBC, 2015). Ces montants ne sont pas directement comparables aux montants couverts dans le panorama réalisé par I4CE, du fait de la manière dont sont comptabilisés les financements contribuant à la transition énergétique. Les différences qui peuvent être observées entre la méthodologie utilisé par l?étude d?I4CE et la manière dont la SNBC évalue les financements nécessaires à la transition énergétique soulèvent les questions suivantes : Un certain nombre d?indicateurs de suivi de la transition énergétique ont déjà été identifiés. Est-il opportun d?ajouter des indicateurs supplémentaires ? Les catégories choisies pour les investissements (sectorielles notamment) sont-elles les plus pertinentes ? Est-il préférable de prendre en compte les montants totaux des investissements ou uniquement les parties incrémentales correspondant au coût additionnel de la part bas-carbone des investissements (cf supra, surcoût des nouvelles normes pour les bâtiments) ? 13- A ce stade, le comité pour l?économie verte peut formuler les propositions suivantes : Les études existantes sur l?état des lieux de la transition énergétique pourraient être enrichies en étendant leur périmètre. A titre d?exemple, des versions ultérieures du panorama sur les financements climatiques d?I4CE pourraient intégrer les financements liés à la recherche et développement, l?utilisation des fonds du programme d?investissement d?avenir (PIA), le plan Juncker, ou certaines actions des plans de développement rural et plus généralement de l?agriculture. De même, il convient de cerner plus avant les financements du secteur privé. 127 Les études prospectives sur les financements pour la transition énergétique, telles que celles mises en oeuvre lors du lancement de la SNBC, devraient être développées et suivies dans le temps. Au-delà, l?articulation entre les études fournissant un panorama des financements existants et une projection des besoins à venir mériterait d?être également approfondie afin d?évaluer les efforts d?investissements restant à fournir, avec, en perspective d?être en capacité d?élaborer des stratégies de financement couvrant l?ensemble des investissements privés et publics déclinés par enjeux et activités (ex : rénovation des bâtiments, mobilité etc.). Afin d?obtenir un panorama plus complet de l?état d?avancement de la transition énergétique, les tableaux décrivant son financement et ceux concernant les emplois verts devraient être rapprochés6. Le suivi de l?encours au label Transition énergétique et écologique pour le climat pourrait être intégré à ce panorama. 6 En 2016, I4CE a d'ores et déjà prévu de proposer des évolutions, notamment concernant le financement de la R&D, et d'étudier les possibilités de publications conjointes avec les publications "Marché et emplois" de l'ADEME qui constituent déjà une de leurs sources de données. Des complémentarités avec le "compte satellite de l'énergie" en cours de mise au point par le SOeS sont également possibles. 128 Avis du Comité pour l?économie verte sur les principes d?utilisation des recettes du relèvement de la composante carbone Cet avis a été discuté et adopté lors de la séance plénière du 20 septembre 2016 Le présent avis porte sur l?utilisation des recettes du relèvement de la composante carbone, qui doit être portée à 56 ¤/tCO2 en 2020. Il rappelle que le choix d?utilisation des recettes est éminemment politique, mais qu?il doit être éclairé par des analyses d?impact rigoureuses et faire l?objet d?un suivi régulier, afin d?asseoir la légitimité et d?améliorer l?acceptabilité de la composante carbone. Il propose à cette fin sept principes de gouvernance. Le relèvement de la composante carbone prévu par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte 1- La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé les objectifs de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et de diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050. Pour cela, elle pose en principe général de procéder à un élargissement progressif de la composante carbone, assise sur le contenu en carbone fossile dans les énergies consommées. De manière plus précise, elle établit l?objectif, pour la composante carbone intégrée aux tarifs des taxes intérieures sur la consommation des produits énergétiques inscrites au tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes, d'atteindre une valeur de la tonne carbone de 30,50 ¤ en 2017, de 39 ¤ en 2018, de 47,50 ¤ en 2019, de 56 ¤ en 2020 et de 100 ¤ en 2030. Ces objectifs, en ligne avec les évaluations de valeur tutélaire du carbone des rapports Quinet, ont été rappelés lors de la Conférence environnementale d?avril 2016. En revanche, la manière d?en utiliser la recette devra encore être précisée, dans le cadre des lois de Finances qui en assureront la mise en oeuvre. 129 https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006071570&idArticle=LEGIARTI000006615102&dateTexte=&categorieLien=cid https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006071570&idArticle=LEGIARTI000006615102&dateTexte=&categorieLien=cid Les travaux antérieurs du Comité pour la fiscalité écologique 2- Dans son avis du 28 mars 2013, le Comité pour la fiscalité écologique (CFE), devenu depuis Comité pour l?économie verte, appuyait la création d?une composante carbone pour renforcer les actions de réduction des émissions de CO2, et soutenait l?idée de son relèvement progressif. En parallèle, le président du CFE avait proposé, et soumis à débat au sein du CFE, le 13 juin 2013, des modalités de mise en oeuvre de l?assiette carbone sur la période 2014- 2020, combiné à un rééquilibrage de la taxation essence-diesel, qui ont grandement inspiré le législateur. Le Comité soulignait cependant que la création d?une composante carbone ne pouvait être acceptée « socialement et économiquement sans un dispositif d?utilisation de la recette adapté, simple et lisible par tous. Ce dispositif doit tenir compte des effets attendus de la taxation sur la compétitivité des différents secteurs économiques, en portant une attention particulière aux TPE et PME, et sur les différentes catégories de ménages en ciblant les mesures d?accompagnement sur les catégories les plus vulnérables et ceux ne disposant pas de solution alternative ». Pour assurer la compréhension et l?adhésion nécessaires des citoyens à un tel projet, le Comité soulignait que l?introduction d?une assiette carbone devait absolument être comprise comme un instrument incitatif et non comme un impôt supplémentaire de rendement accroissant les prélèvements. A cette fin, la réalisation d?études d?impact complètes et transparentes, portant sur l?ensemble des impacts, est cruciale. 3- Dans cette perspective, ce même Comité s?était penché plus précisément sur la conception d?éventuelles compensations aux ménages (avis n°7 du 13 février 2014). A cette occasion, il avait pointé qu?il était prévu que trois quarts des recettes issues de la hausse de TIC, résultant de l?introduction de la composante carbone, participent au financement du crédit d?impôt pour la compétitivité et l?emploi à destination des entreprises (CICE). Il était noté que cette affectation ne faisait pas l?objet d?un consensus au sein du Comité, certains de ses membres faisant valoir que la hausse de la TIC est directement payée aux deux-tiers environ par les ménages. Les instruments dont on dispose pour effectuer cette compensation ont évolué suite à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte : - création du chèque énergie, actuellement en cours d?expérimentation dans quatre départements. Celui-ci est attribué aux ménages dont le revenu fiscal de référence annuel par unité de consommation ne dépasse pas 7 700 euros. Son montant dépend du revenu et de la composition familiale : pour les foyers les plus modestes, il varie entre 144 ¤ (célibataire) et 227 ¤ (couple avec deux enfants ou plus)37 ; - création du compte d?affectation spéciale « transition énergétique » par la loi de finances rectificative pour 2015 ; - entrée en vigueur à partir du 1er janvier 2016 d?une obligation pour les vendeurs d?énergie de soutenir les opérations d?efficacité énergétique chez les particuliers en 37 Pour mémoire, la dépense énergétique moyenne d?un ménage (gaz, électricité, combustibles solides et liquides) atteignait environ 1 633 ¤ en 2014 (source : « Bilan énergétique pour la France 2014 », RéférenceS, juillet 2015, Commissariat général au développement durable, ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer. 130 situation de précarité énergétique, dans le cadre du dispositif de certificats d?économie d?énergie. Trois possibilités d?utilisation des recettes 4- En application notamment de l?article L. 100-2 4° du code de l?énergie, l?utilisation des recettes de la fiscalité écologique doit arbitrer entre trois possibilités (non exclusives) : - la réduction d?autres prélèvements, dans une logique de « double-dividende », c?est- à-dire l?idée que la mise en place d?une fiscalité environnementale peut permettre simultanément deux améliorations pour la collectivité. Le premier « dividende » est la réduction de la pollution, lié à l?effet incitatif de la taxe sur les comportements (« signal-prix »). Le second « dividende » correspond dans ce cas d?affectation des recettes à la diminution des taux de taxes distorsives économiquement, permise par les recettes budgétaires générées par la taxe, par exemple en abaissant la fiscalité pesant sur le travail afin de favoriser l?emploi ; - le financement d?interventions publiques dans le but de favoriser la transition énergétique ; - et des compensations forfaitaires pour maintenir le pouvoir d?achat des catégories de ménages ou d?entreprises qui, sinon, seraient les plus touchés. Le choix est éminemment politique, mais il doit être éclairé par des analyses d?impact rigoureuses. De plus, les parties prenantes demandent que ce choix soit transparent et posé dans la durée : changer de pratique en ce domaine leur apparaît comme une condition cruciale pour inscrire la légitimité de la composante carbone. Eléments d?analyse pour éclairer le choix d?utilisation des recettes 5- Les choix doivent tenir compte du contexte, notamment macroéconomique, et de la situation des finances publiques, aussi bien pour l?Etat que pour les collectivités territoriales. A cet égard, la faiblesse passagère du prix des combustibles fossiles est non seulement un élément essentiel pour motiver le relèvement de la composante carbone, conformément aux orientations données dans la loi « LTECV », mais celle-ci implique aussi différents impacts à prendre en compte pour apprécier les besoins de compensation. En effet, la note de conjoncture de l?INSEE de mars 2016 a évalué de manière très détaillée comment le gain, d?abord reçu par les branches de première transformation des énergies fossiles (raffinage du pétrole et fabrication de combustible gazeux), a été transmis rapidement aux autres branches et aux ménages. De plus, parmi les différentes catégories de ménages, toutes ont gagné en pouvoir d?achat à des degrés divers selon leurs revenus et leur lieu de résidence. Parmi les entreprises, les principales bénéficiaires de la chute du cours des matières premières énergétiques appartiennent aux branches qui en sont fortement consommatrices : industrie chimique et services de transport principalement. Pour ces branches, la baisse du prix des hydrocarbures a contribué à la reconstitution de leurs marges entre 2013 et 2015, via la hausse de valeur ajoutée. Mais la baisse du prix des énergies fossiles se transmet ensuite progressivement à l?ensemble de l?économie, car les branches qui en ont bénéficié les premières abaissent à leur tour leur prix de production. 131 6- Pour éclairer les choix d?utilisation de la recette du relèvement de la composante carbone, on dispose désormais d?éléments factuels nouveaux. Mais ceux-ci en soulignent plutôt l?acuité qu?ils ne fournissent la solution. D?un côté, le poids et la structure de la fiscalité française tels qu?ils ressortent des comparaisons internationales plaident pour une restructuration fiscale « à la suédoise », les recettes procurées par l?éco-fiscalité étant prioritairement orientées vers la baisse des prélèvements les plus pénalisants pour l?activité économique. De l?autre, l?observation des expériences étrangères montre un large périmètre de secteurs ou projets qui peuvent bénéficier du recyclage de ces recettes, selon une logique d?appui à la transition écologique. Certains pays ciblent ainsi les réductions d?émissions les moins coûteuses, telles que les économies d?énergie dans les bâtiments publics et privés. La Californie et le Québec, quant à eux, utilisent des plans pluriannuels d?affectation des revenus pour diriger ces recettes vers de nombreux objectifs, incluant la sensibilisation, la préservation et la décarbonation de leur secteur le plus émetteur : le transport. On sait par ailleurs mieux chiffrer combien l?introduction en 2014 de la composante carbone a renchéri le coût des énergies fossiles que les ménages utilisent pour se déplacer et se chauffer, et les coûts de production des entreprises qui y sont soumises. Pour mémoire, sont en effet exonérées de la composante carbone les entreprises grandes consommatrices d'énergie relevant du système européen d?échange de quotas de carbone ou considérées comme exposées à un risque important de fuite de carbone, au titre de l?article 265 nonies du code des douanes. En 2016, l?effet moyen de l?introduction de cette composante carbone sur lalala facture énergétique des ménages est estimé à un montant de 83 ¤ (3 % de leur facture), relativement à une situation où la composante carbone n?aurait pas été introduite38. L?effet de cette mesure varie selon la situation du ménage (type d?énergie de chauffage, mode de détention de véhicule, composition du ménage, localisation, etc.). L?effet de l?introduction d?une composante carbone sur les coûts de production des entreprises avait par ailleurs été estimé en 2009 par l?Ademe39. Selon cette analyse, qui nécessiterait d?être mise à jour et précisée, une composante carbone de 32 ¤/tCO2 coûterait au tertiaire en moyenne 0,08 % de sa valeur ajoutée (VA), et à l?industrie (hors secteurs exonérés) 0,78 % de sa VA (hors carburant et électricité). Les impacts sont cependant très variables d?une branche à l?autre. Sept principes pour une gouvernance transparente 7- A défaut de fournir une solution consensuelle sur l?affectation des recettes du relèvement de la composante carbone, le Comité adhère aux principes de gouvernance suivants, inspirés des travaux de M. Vaidyula et E. Alberola de I4CE (Institute for Climate Economics)40 : 38 Cf. Simon O. et Thao Khamsing W. (2016), « L?impact, pour les ménages, d?une composante carbone dans le prix des énergies fossiles », Le point sur n°225, Commissariat général au développement durable, ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer. 39 Le Callonec (2009), « La Contribution Climat Énergie : un double dividende écologique et économique », La lettre ADEME & vous - Stratégie & études n°17. 40 Vaidyula M. et Alberola, E. (2016), « Recycler les revenus issus des politiques de tarification du carbone : transformer les coûts en opportunités », I4CE - Institute for Climate Economics. 132 1. Planifier l?utilisation des revenus carbone dès la conception des politiques de tarification du carbone et établir des objectifs pluriannuels et des lignes directrices pour l?affectation de ces revenus, de manière à assurer la stabilité des règles pour les acteurs économiques, et construire la confiance du public dans la fiscalité environnementale ; 2. Engager une consultation publique avec les parties prenantes afin d?identifier clairement les priorités en matière de dépenses et de garantir leur soutien ; 3. Réaliser les études d?impact nécessaires sur les effets de la composante carbone et de l?utilisation de ses recettes, sur les plans environnemental, économique (par secteur d?activité et taille d?entreprise) et social (par niveau de vie), en intégrant explicitement les dimensions territoriales ; 4. Déterminer des points d?étape pour actualiser les objectifs et le plan de dépenses des recettes afin d?améliorer leur efficacité environnementale et économique ; 5. Développer des garanties pour compenser les bénéficiaires des recettes en cas de manque à gagner sur les revenus attendus ; 6. Communiquer régulièrement au public sur les progrès de la transition énergétique et encourager la transparence sur l?efficacité des politiques de tarification du carbone et l?affectation des recettes ; 7. Identifier les moyens de maximiser l?utilité de ces revenus carbone. A titre d?exemple, étudier comment maximiser leur effet levier pour attirer des financements privés additionnels, en particulier pour les projets à grande échelle. 133 Avis sur l?opportunité d?une accélération de la trajectoire de la composante carbone Cet avis a été adopté à l?unanimité des membres présents lors de la séance plénière du 10 janvier 2017 A la demande de la Conférence environnementale 2016, le Comité pour l?économie verte (CEV) a examiné les conditions pour adapter la trajectoire de prix du carbone dans un contexte de prix du pétrole bas. Ceci l?avait tout d?abord conduit à définir des principes généraux pour l?utilisation des recettes de la composante carbone, notamment de transparence et d?évaluation systématique de l?impact des choix41. Le présent avis porte sur l?opportunité d?accélérer la trajectoire de la composante carbone pour éviter un relâchement des efforts de réduction des émissions de CO2, et accélérer le financement de la transition écologique. Au-delà des différences d?appréciation entre parties prenantes sur la balance entre opportunités et risques d?une telle accélération, il souligne que la composante carbone ne doit pas être conçue comme un impôt supplémentaire de rendement accroissant les prélèvements, ni comme une recette d?appoint pour équilibrer les comptes publics. Ces recettes devraient être utilisées pour financer la transition écologique dans le respect des dispositions adoptées au 4° du II de l?article 1er de la loi sur la transition énergétique pour une croissance verte42. Le contexte actuel des marchés des combustibles fossiles justifie ce réexamen Lors de son introduction en 2014, les scénarios sous-tendant le barème de la composante carbone avait été établis sur la base d?un prix du pétrole durablement élevé. Depuis l?entrée en vigueur de cette disposition, les prix du pétrole ont fortement chuté, de sorte que, sur les dernières années, la hausse de la fiscalité sur l?énergie liée à la composante carbone a été plus que compensée par la baisse des prix de l?énergie. A titre d?ordre de grandeur, une diminution 41Cf. Avis du Comité pour l?économie verte sur les principes d?utilisation des recettes du relèvement de la composante carbone, 2016. 42 Article L.100-2 : « Pour atteindre les objectifs définis à l'article L. 100-1 l'Etat, en cohérence avec les collectivités territoriales et leurs groupements et en mobilisant les entreprises, les associations et les citoyens, veille, en particulier, à : (?) 4° Procéder à un élargissement progressif de la part carbone, assise sur le contenu en carbone fossile, dans les taxes intérieures de consommation sur les énergies, dans la perspective d'une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre, cette augmentation étant compensée, à due concurrence, par un allègement de la fiscalité pesant sur d'autres produits, travaux ou revenus ; 134 du prix du pétrole de 40 ¤/baril43 représente environ 100 ¤/tCO2. En comparaison, le prix du carbone est de 30,5 ¤/tCO2 en 2017 (après 22 ¤/tCO2 en 2016), conformément à la trajectoire définie par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV). Celle-ci a en effet repris la référence-cible de 100 ¤ à l?horizon 2030 qui avait été établie par le rapport au Premier ministre sur « la valeur tutélaire du carbone », dit rapport Quinet (2009), ainsi que son approche d?une montée en régime très progressive du prix du carbone. Ce rapport avertissait cependant que : « les valeurs carbone proposées restent valables pour un prix du pétrole compris entre 50 et 100 euros le baril et pour un prix du charbon compris entre 60 et 120 euros la tonne. Une révision pourrait devenir nécessaire si la tendance de prix des énergies fossiles s?écartait durablement de cette fourchette ». Une réflexion sur les valeurs de référence du carbone paraît également nécessaire au vu de l?objectif climatique mondial instauré par l?accord de Paris. La faiblesse des prix de l?énergie fossile depuis la fin 2014 (cf. graphique ci-dessous qui souligne que si les prix du pétrole ont diminué ces dernières années, ils ne cessent de varier de manière substantielle) pose la question de l?adaptation de la trajectoire initialement prévue à ce nouveau contexte : faut-il profiter des prix bas de l?énergie pour accélérer la trajectoire de la composante carbone ? En dépit de la probable remontée des cours du pétrole dans les prochaines années, mais à un horizon incertain compte-tenu des révisions concernant les perspectives de demande, quels risques fait peser un bas prix final des combustibles fossiles sur les comportements de réductions des émissions de CO2 ? Graphique ? Prix du pétrole (Brent) Source : Insee Eléments d?évaluation Afin d?apprécier les impacts d?une éventuelle accélération de la trajectoire carbone, le CEV a réuni les éléments d?évaluation disponibles et sollicité de nouvelles simulations. Ces dernières ont été calibrées sur une hypothèse conventionnelle de travail homogène, suivant laquelle cette accélération aurait pris la forme d?une application dès le 1er janvier 2017 d?une valeur du carbone de 39 ¤/tonne de CO2, égale à la valeur prévue pour 2018. Dans ce scénario, le signal- 43 Soit l?écart entre le prix du pétrole qui prévalait jusqu?à la mi-2014 et son niveau à l?automne 2016. 135 prix passait, à titre d?exemple, à compter du 1er janvier 2017, d?un taux de 22 ¤/tonne de CO2 à un taux de 39 ¤/tonne de CO2. Cette hausse supplémentaire de 8,5 ¤/tonne de CO2 par rapport au taux pour 2017 représente environ 2c¤/L, soit une hausse du prix TTC d?environ +1,8 % pour le super, de +2,5 % pour le gazole, et de +4,4 % pour le fioul domestique. Compte tenu de l?assiette de la composante carbone, la hausse s?applique principalement à l?ensemble des émissions diffuses du transport (133 MtCO2éq. en 2013) et du résidentiel ? tertiaire (87 MtCO2éq.). L?impact correspondant par ménage s?élève à 40 ¤/an, le poids de la composante carbone dans son ensemble atteignant alors environ 160 ¤ par ménage et par an44. A titre de comparaison, la baisse des prix de l?énergie depuis 2013 leur a procuré un gain de pouvoir d?achat de 450 ¤/an. En poids relatif, l?impact est sensiblement plus élevé pour les ménages les plus modestes, appartenant au premier décile de la distribution des revenus. En termes de recettes fiscales, cette augmentation, appliquée aux tarifs de la TICPE, devrait permettre d?engendrer plus de 1,5 Md¤ de recettes supplémentaires en 2017. S?agissant de l?évaluation de l?impact sur les entreprises, et donc sur la compétitivité-prix, il faut rappeler que sont exonérées de composante carbone : les entreprises soumises à l?EU- ETS, les industries intensives en énergies soumises à un risque important de fuite du carbone, et les entreprises exonérées totalement ou partiellement de « TIC » (transports routiers, taxis, pêche, agriculture?). Seraient donc essentiellement impactées les entreprises du tertiaire et les entreprises industrielles non intensives en énergie45. Pour apprécier l?impact sur les émissions de CO2, on peut s?appuyer sur les méta-analyses récentes, qui synthétisent l?ensemble des résultats disponibles sur la sensibilité de la consommation énergétique à son prix, qui estiment les élasticités correspondantes à -0,2/0,3 à court-terme et -0,6 à long-terme. En d?autres termes, une hausse de 10 % du prix de l?énergie réduit la demande de 6 % à long terme. Ce mécanisme explique que la baisse de la consommation énergétique finale, corrigée des variations climatiques, se soit interrompue en 2015, alors qu?elle s?établissait à -0,9% par an entre 2008 et 2014. Le CEV n?a pas examiné, au-delà, les impacts sur la croissance et l?emploi, ce qui nécessiterait de recourir à des modèles macroéconomiques46. 44 En tenant compte de la hausse de TVA induite par la hausse de la composante carbone. 45 A hauteur de 0,02 % de leur valeur ajoutée pour les premières, et de 0,08 % pour les secondes, si l?on extrapole les estimations réalisées en 2009 par l?Ademe. A cet égard, les éléments d?étude d?impact dont on dispose actuellement mériteraient d?être actualisés en appréciant précisément les impacts en fonction des secteurs et de la taille des entreprises, notamment les TPE/PME. 46 A cet égard, les travaux macroéconomiques réalisés dans le cadre de la Stratégie nationale bas carbone indiquaient que l?application de la trajectoire de la composante carbone jusqu?en 2030 devrait permettre d?atteindre à la fois un gain écologique et un gain économique, estimé par le modèle ThreeMe à 0,2 pt de PIB en 2035, dans le cas où les recettes sont utilisées pour baisser les impôts des ménages et les cotisations sociales employeurs. Les travaux qui avaient été réalisés antérieurement par le Comité « trajectoires 2020-2050 vers une trajectoire sobre en carbone », sous la présidence de Christian de Perthuis (2012) estimaient que la mise en place d?une taxe carbone « sans recyclage des revenus », le produit de la taxe allant simplement alléger le solde des Finances publiques, conduisait à une baisse de l?activité économique et de l?emploi. En revanche, l?impact était jugé favorable en cas de recyclage sous forme de baisse des charges sur le travail supportées par les entreprises, l?effet étant accru avec un recyclage « hybride », combinant baisse de ces charges et soutien à l?innovation. 136 Sur les conditions d?une accélération de la trajectoire carbone et de son opportunité Après avoir analysé les conséquences d?une telle accélération de la trajectoire de la composante carbone, à l?aide des éléments d?évaluation disponibles, les membres du CEV restent partagés quant à son opportunité. Toutefois, les objections portent plus en fait sur la capacité à construire un projet d?ensemble satisfaisant que sur le renforcement du signal-prix carbone dans le contexte actuel. A cet égard, les membres du CEV, à l?exception des représentants des entreprises, signalent les relâchements de comportements déjà à l?oeuvre et souscrivent donc pleinement à l?opportunité que constitue cette accélération qui, tout en ayant un impact limité sur la facture énergétique des ménages et des entreprises, permettrait de dégager des sources de financement pour la transition énergétique et écologique : augmentation du montant du chèque énergie, aides plus fortes aux rénovations des logements, stimulation des investissements dans la transition énergétique du secteur privé dont des aides pour le renouvellement du matériel productif. Ceux-ci soulignent que le financement de la transition énergétique et écologique est essentiel si la France veut respecter ses engagements internationaux en matière de réduction d?émissions de gaz à effet de serre : alors que la France a été en première ligne dans le cadre de la COP21 et de la ratification de l?accord de Paris par le plus grand nombre, consolider la volonté politique d?assurer et de sécuriser le financement de la transition énergétique serait un signal positif quant à la volonté de la France d?assumer ses engagements. Ils constatent que le montant actuel des financements climat demeure insuffisant au regard des objectifs fixés dans la Stratégie nationale bas-carbone. Dans cette perspective, ils recommandent que les recettes générées par les futures augmentations, indépendamment d?une éventuelle accélération de la trajectoire de la composante carbone, soient affectées à des dépenses en lien avec l?objectif de transition écologique en intégrant sur ce plan des objectifs de recherche, d?innovation et d?efficacité. A l?exception des représentants des entreprises qui sont opposés à une utilisation intégrale des recettes de la composante carbone à cet objet, les autres membres demandent que ce soit l?ensemble des recettes de la composante carbone qui soient affectées à de telles dépenses. Les membres du CEV s?étonnent ainsi de ne pas avoir été consultés sur l?utilisation des recettes générées par l?augmentation de 22 à 30,5 ¤/tCO2 de la Contribution Climat Énergie en 2017 et rappellent qu?il n?y a pas de consensus sur les bénéfices supposés du double dividende au sein du comité. Ces recettes devraient donc servir à financer l?ensemble des politiques publiques relatives à la transition énergétique dans ses différentes composantes (maîtrise de l?énergie, lutte contre la précarité énergétique, production d?énergie renouvelable sous toutes ses formes, ainsi qu?au financement de l?adaptation au changement climatique), et profiter à tous les acteurs de la société engagés dans ce processus : les ménages, les entreprises et les collectivités territoriales. A ce stade, les représentants des entreprises sont en revanche opposés à l?accélération de cette trajectoire compte tenu des enjeux de compétitivité. Ils mettent notamment en avant le contexte macroéconomique dégradé en rappelant que si l?érosion de l?emploi industriel s?explique en partie par des gains de productivité et par l?externalisation de certaines fonctions vers les services, la France est, depuis une dizaine d?années, l?un des pays développés où le mouvement de désindustrialisation est le plus fort. Ils pointent aussi le manque d?explications des pouvoirs publics sur l?usage des revenus additionnels de la taxation. Pour ceux-là, la trajectoire existante, qui a été intégrée dans la loi sur la transition 137 énergétique pour une croissance verte (LTECV) et mise en oeuvre dans les récentes lois de finances, est déjà ambitieuse et a le mérite de fournir une bonne lisibilité dans le temps. Par ailleurs, pour les représentants des entreprises, cette accélération porte le risque d?une hausse des prélèvements obligatoires et pourrait nuire à la compétitivité de certaines entreprises47. Ceux-là insistent donc sur la nécessité que le développement de la composante carbone s?intègre dans une stratégie de réduction de la pression fiscale et dans un cadre stable et clairement défini par les pouvoirs publics d?usage des revenus additionnels liés à cette éventuelle accélération. Ce cadre stable pourrait notamment privilégier le financement sur le moyen-long terme de l?innovation en faveur des solutions bas carbone compétitives sur le plan international et présentant un retour positif pour les entreprises localisées sur le territoire national. A cet égard, ils considèrent que l?ensemble des études réalisées sur la fiscalité carbone ne permet pas de piloter la trajectoire de la taxe carbone. Ils considèrent qu?en l?état, on ne dispose pas d?étude d?impact économique et social spécifique de la trajectoire de taxe carbone, en particulier sur la compétitivité des entreprises exposées à la concurrence internationale. Ils demandent qu?une telle étude d?impact spécifique et un cadrage pluriannuel de l?utilisation de sa recette envisageant une hypothèse de remontée des prix du pétrole soient réalisés, possiblement via l?Ademe, en préalable à toute modification de sa trajectoire48. Une telle étude devrait ainsi insister sur les effets de la taxation au regard de la compétitivité intracommunautaire, seules les entreprises françaises étant soumises à la composante carbone. Ils rappellent de plus que la LTECV dispose à son article 1er que la hausse de la composante carbone dans les énergies doit être compensée, à due concurrence, par un allègement de la fiscalité pesant sur d'autres produits, travaux ou revenus et qu?ils demeurent attachés à l?application de cette disposition prévue par la loi. Enfin, ils insistent sur la nécessité, pour l?acceptabilité de cet impôt, qu?il soit compris de l?ensemble des contribuables qui le supportent (ménages et entreprises). En dépit des controverses sur les choix précis d?utilisation des recettes, deux éléments de cadrage jugés incontournables sont pointés : il est nécessaire de prévoir des compensations pour certains ménages et certaines entreprises ; et le dispositif mis en place ne doit pas entraîner de transferts importants entre ménages et entreprises, d?autant que la fiscalité indirecte pesant sur les ménages est déjà élevée. Plus généralement, il convient d?examiner soigneusement les transferts induits et leurs conséquences, y compris au sein des entreprises. 47 La CPME qui n?avait pu être présente lors de cette séance plénière, et n?a donc pas pu prendre part au vote, a indiqué postérieurement l?importance qu?elle attachait à ce risque et par là la nécessité, de son point de vue, de s?inscrire strictement dans la mise en oeuvre des dispositions adoptées au 4° du II de l?article 1er de la loi sur la transition énergétique pour une croissance verte. 48Dans cette perspective, le CEV se propose d?examiner le type de règles pouvant être mis en oeuvre en cas de variabilité importante des prix des matières énergétiques. Le CEV devrait être également saisi pour examiner les impacts de la composante carbone des TIC en cas de projet d?évolution de la trajectoire carbone de long terme (2050 notamment) à l?échelle de l?Union européenne. 138 Annexe 4 Lettre de mission du Comité pour l?Économie Verte 139 140 141  Avant-propos du Président du Comité pour l?économie Verte, Dominique Bureau  Partie 1  La fiscalité environnementale  I- Constat  1. Principaux chiffres  2. Évolutions récentes  II- Avis du Comité  1. Énergie-climat  2. Lutte contre les pollutions et les nuisances  Partie 2  Mobilisation des financements privés pour la transition énergétique et écologique  I- Constat  II- Avis du Comité  1. Juillet 2015: Labellisation  2. Novembre 2015: Prise en compte de l?exposition aux risques climatiques  3. Juillet 2016: Financements pour la croissance verte  Partie 3  La gestion durable des ressources  I- Artificialisation des sols  1. Constat  2. Avis du Comité  II- Pollution de l?eau  1. Constat  2. Avis du Comité  III- Gestion durable de la faune et de la flore  1. Constat  2. Avis du Comité  IV- Les problématiques liées aux milieux littoraux et marins  Annexe 1  Liste des membres du Comité pour l?Économie Verte  Animation du secrétariat général du Comité  Annexe 2  Avis du Comité pour la Fiscalité Écologique  Annexe 3  Avis du Comité pour l?Économie Verte  Constatant que les enquêtes épidémiologiques, s?appuyant en particulier sur les observations réalisées dans des cohortes de sujets exposés professionnellement, évoquaient l?implication de pesticides dans plusieurs pathologies, notamment des pathologies cancéreuses, des maladies neurologiques et des troubles de la reproduction, il avait été demandé à l?INSERM d?expertiser ce sujet. Le rapport d?expertise collective correspondant, remis en 2013, observait en effet, en préambule, que« même si la disponibilité et l?utilisation des pesticides sont encadrées par des réglementations, la question du risque demeure présente ».  Il concluait notamment qu?il existe une présomption forte de lien entre l?exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l?adulte : lymphomes non Hodgkinien, cancer de la prostate, myélome multiple, maladie de Parkinson. Par ailleurs, il existe une présomption forte que les expositions aux pesticides intervenant au cours de la période prénatale et périnatale ainsi que la petite enfance soient particulièrement à risque pour le développement de l?enfant.  Avis sur la labellisation des fonds d?investissements pour la transition énergétique et écologique du 16 juillet 2015  Finance verte et transition écologique    Avis du 29 octobre 2015 portant diagnostic sur la prise en compte de l?exposition aux risques associés au changement climatique et la contribution au respect de l?objectif de limitation du réchauffement climatique par les investisseurs institutionnels    Avis diagnostic sur le suivi des financements liés à la transition énergétique et au climat en France  Annexe 4  Lettre de mission du Comité pour l?Économie Verte (ATTENTION: OPTION gnostic I.1. Le recours aux produits phytosanitaires en France : bénéfices et coûts, socio- économiques, sanitaires, environnementaux 90 Les produits phytosanitaires visent à protéger les végétaux des organismes nuisibles pour les cultures, en les détruisant ou en rendant les végétaux moins vulnérables à leur action. Depuis plus d?une soixantaine d?années, ils contribuent au développement agricole qu?a connu la France, notamment par l?assurance de rendements plus réguliers des exploitations. Le développement agricole permet en particulier de répondre à une demande croissante de consommation : à cet égard, les produits agroalimentaires constituent, après le matériel de transport, le deuxième excédent de la balance commerciale de la France (11,5 Md¤ en 201310). Juste après 1945, les produits phytosanitaires ont participé à la sécurisation des rendements, ont contribué à restaurer la sécurité d?approvisionnement alimentaire du pays et participé à l?essor des exportations, même si des pratiques plus récentes, économes en intrants ou biologiques, concourent également au développement agricole. Les produits phytosanitaires améliorent en effet la sécurité sanitaire des produits agricoles, permettent d?éviter notamment les mycotoxines et les alcaloïdes, dangereux pour la santé humaine et animale. Ils permettent par ailleurs d?augmenter la durée moyenne de conservation des denrées alimentaires et contribuent ainsi à réduire le gaspillage alimentaire tout au long de la chaîne, de la production à la distribution et jusque chez le consommateur (production, stockage, transport, conservation). Au total, les agents économiques impliqués dans la chaîne de production (agriculteurs, producteurs de produits phytosanitaires et metteurs sur le marché, industrie agroalimentaire) ont directement bénéficié du développement agricole, et plus largement les consommateurs, qui ont ainsi bénéficié de produits agro-alimentaires dont la sécurité sanitaire est garantie, et à, des prix abordables. Toutefois, l?utilisation des produits phytosanitaires a également des conséquences sur l?environnement, dont on mesure aujourd?hui les effets : ? l?utilisation de produits phytosanitaires se traduit par une dispersion importante dans les eaux (eaux de surface et eaux souterraines). Le dernier rapport sur l?état de l?environnement en France11 constatait notamment que les cours d?eau sont touchés en premier par la présence de pesticides et que les nappes sont également polluées par ces derniers, constituant la première cause de déclassement au titre de la directive-cadre sur l?eau. Dans 18 % des points de mesures des nappes souterraines, les concentrations totales dépassent les normes de qualité. C?est également le cas dans 5 % des points de mesures des eaux superficielles ; ? les produits phytosanitaires sont aussi détectés dans les sols, notamment ceux qui se fixent aisément sur la matière organique (chlordécone par exemple, qui reste présente dans les sols de la Martinique et de la Guadeloupe plus de dix ans après son interdiction) ; ? les produits phytosanitaires peuvent également être retrouvés dans l?air, avec des concentrations dans l?atmosphère très dépendantes du site (rural ou urbain), des cultures avoisinantes ou des conditions climatiques. Ces conséquences de l?utilisation des produits phytosanitaires sont, au sens économique, des externalités soit entre entreprises, soit entre entreprises et ménages, et induisent un coût pour la société dans son ensemble qui reste encore à évaluer. L?étude réalisée en 2011 par le 10 Cf. GraphAgri France 2014, « Commerce extérieur agroalimentaire », Ministère de l?agriculture, de l?alimentation et de la forêt. 11 Source : « L?environnement en France ? édition 2014 », Références, Service de l?observation et des statistiques (SOeS), Ministère de l?écologie, du développement durable et de l?énergie, pages 58-62. 91 Commissariat général au développement durable12 pour appréhender les conséquences de la présence de pesticides pour la distribution d?eau potable, évaluait ainsi à 260-360 M¤ par an les coûts de « potabilisation de l?eau » du fait de la présence de produits phytosanitaires (respect des normes de qualité relative à la concentration en pesticides). Répondant au souci que les politiques environnementales soient fondées sur une évaluation précise des coûts des dommages que l?on cherche à prévenir, ce chiffrage fournit au moins un premier ordre de grandeur pour évaluer les bénéfices des politiques visant à maitriser l?usage des pesticides, les coûts de potabilisation considérés pesant in fine sur le pouvoir d?achat des consommateurs d?eau. Cette évaluation n?intègre pas toutefois les coûts associés aux pollutions de l?air et des sols, ni ceux dus aux risques sanitaires encourus ou à la biodiversité. En effet, la présence des produits phytosanitaires dans les différents milieux a par ailleurs des conséquences en termes de biodiversité : elle contribue (avec le changement climatique et l?artificialisation du foncier) à la régression d?insectes intervenant dans la chaîne trophique et l?appauvrissement des sols, ou la régression d?insectes pollinisateurs essentiels, notamment pour la production de fruits et de légumes. Les produits phytosanitaires présentent également des risques pour la santé des populations exposées. À ce titre, ces produits font l?objet de réglementation pour leur mise sur le marché, la grande majorité des pesticides utilisés en agriculture (pour la protection des cultures, y compris pendant leur stockage) ou en zone non agricole (par exemple, le désherbage des voi- ries) et pour le jardin et le domicile des particuliers dépendant du règlement européen (CE) n°1107/2009 des produits phytopharmaceutiques, entré en vigueur le 14 juin 2011 et qui suc- cède à la directive 91/414/ CEE, précédent texte de référence en application en France, depuis 1993. Constatant que les enquêtes épidémiologiques, s?appuyant en particulier sur les observations réalisées dans des cohortes de sujets exposés professionnellement, évoquaient l?implication de pesticides dans plusieurs pathologies, notamment des pathologies cancéreuses, des maladies neurologiques et des troubles de la reproduction, il avait été demandé à l?INSERM d?expertiser ce sujet. Le rapport d?expertise collective correspondant, remis en 201313, observait en effet, en préambule, que « même si la disponibilité et l?utilisation des pesticides sont encadrées par des réglementations, la question du risque demeure présente ». Il concluait notamment qu?il existe une présomption forte de lien entre l?exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l?adulte : lymphomes non Hodgkinien, cancer de la prostate, myélome multiple, maladie de Parkinson. Par ailleurs, il existe une présomption forte que les expositions aux pesticides intervenant au cours de la période prénatale et périnatale ainsi que la petite enfance soient particulièrement à risque pour le développement de l?enfant. Il faut cependant signaler que la très grande majorité des substances identifiées par le rapport de l?Inserm comme ayant une présomption de lien moyenne ou forte avec la survenue d?effets sur la santé concerne des substances aujourd?hui interdites14. Concernant les autorisations de mise sur le marché des autres substances identifiées par le rapport de l?Inserm, l?Anses recommande de prendre en compte l?ensemble des éléments disponibles lors de la soumission du dossier de demande de renouvellement de l?approbation. 12 O. Bommelaer et J. Devaux (2011), « Coûts des principales pollutions agricoles de l?eau », Études et Documents n°52, Commissariat général au développement durable, septembre 2011. 13 INSERM (2013), « Pesticides, effets sur la santé », rapport d?expertise collective, juin 2013. 14 Cf. avis de l?Anses du 3 juin 2014 relatif au rapport d?expertise collective de l?Inserm « Pesticides. Effets sur la santé » 92 Il convient de noter que les pratiques agricoles ont évolué, avec notamment une formation de tous les utilisateurs de produits phytosanitaires, une meilleure maîtrise de leur utilisation, un recours plus important aux outils d?aide à la décision, la large diffusion de bulletins de santé des végétaux, un matériel de pulvérisation contrôlé, l?implantation de bandes enherbées le long des cours d?eau, une évolution des assolements, le choix de semences et plants moins sensibles. Les pratiques économes en intrants ou biologiques concourent à un développement agricole soutenable, soucieux de l?environnement et permettent d?éviter que l?emploi répété, sur de grandes surfaces, d?une même substance active ne génère des problèmes de résistance, en conduisant au développement de populations du bio-agresseur résistantes. Par ailleurs, il est reconnu que dans le contexte de changement climatique actuel, les pratiques agricoles doivent évoluer. De son côté, la chimie a l'ambition d'être un fournisseur de réponses aux enjeux du développement durable, notamment en accélérant la mise sur le marché de solutions éco-conçues et en systématisant les analyses de cycle de vie ou d'impact des produits pour que soient bien intégrés les enjeux environnementaux. Dans ce contexte, l?objet de cet avis porte sur l?évaluation des outils économiques pour une utilisation optimale des produits phytosanitaires. Il se place exclusivement dans une logique incitative de modification des comportements, en prenant le cadre réglementaire existant, notamment en matière d'autorisation de mise sur le marché, comme donné. Il n?a pas non plus pour objectif d?établir une analyse coûts-bénéfices pour porter un jugement absolu sur l?utilisation des produits phytosanitaires. Il s?agit au contraire d?identifier les instruments les plus efficaces pour réduire les impacts négatifs notamment par une réduction globale de l?usage. I.2. Mesure du recours aux produits phytosanitaires et évolution sur longue période En 2013, 66,7 kt de substances actives de produits phytosanitaires ont été vendues en France, la situant au deuxième rang européen après l?Espagne (69,6 kt). Ce chiffre est à mettre en regard de l?importance de la production agricole française. Celle-ci représente en effet 18 % de la production agricole de l?Union européenne, la France étant également le pays européen disposant de la plus vaste surface agricole utile (16 % de la surface agricole utile de l?Union européenne). L?usage de ces substances est essentiellement agricole, les autres usages concernant les jardins et potagers, ainsi que les grandes infrastructures linéaires. Lorsqu?on rapporte les quantités vendues à la surface agricole utile, la France se situe désormais au 9 ème rang européen, avec 2,3 kg de substances actives vendues par hectare15 (après s?être trouvée au 6ème rang en 2005 avec 4,0 kg de substances actives par ha). Depuis le début des années 1960, les ventes de produits phytosanitaires, mesurées par leur tonnage, ont connu une progression continue jusqu?au début des années 1990, puis se sont sta- bilisées et ont amorcé une diminution depuis la fin des années 1990. Le tonnage de substances actives vendues en France a diminué de 40% entre 1999 et 200616. Cependant, l?analyse des seules quantités vendues de produits phytosanitaires ne fournit qu?une vue partielle du recours à ces produits, puisqu?elle ne prend pas en compte les substitutions de produits phytosanitaires par des produits plus efficaces et utilisés par conséquent en plus faible dose. L?indicateur du nombre de dose-unités (NODU) vise à y remédier et constitue donc un progrès, dans le sens où il permet de s?affranchir des effets de 15 Source : Eurostat, cité par le projet de plan Ecophyto II soumis à consultation publique : http://agriculture.gouv.fr/Consultation-publique-Ecophyto-II 16 Données UIPP 93 http://agriculture.gouv.fr/Consultation-publique-Ecophyto-II substitution liés à l?usage de nouvelles substances actives. Il constitue l?unité de compte retenue pour suivre le recours aux produits phytosanitaires dans le cadre du premier plan Ecophyto. En intégrant cet indicateur, le rapport Potier17 constate une relative stabilité du recours aux produits phytosanitaires entre 2009 et 2012, qui doit cependant être appréhendée en tenant compte de la variabilité des conditions météorologiques annuelles. Cependant, l?indicateur NODU ne tenant compte que des doses moyennes d?usage estimé, il reste souhaitable, plus généralement, de continuer à perfectionner les indicateurs pour mieux objectiver la situation. I.3. Les leviers réglementaires et techniques et de maîtrise du recours aux produits phytosanitaires Comme il a été rappelé ci-dessus, l?encadrement du recours aux produits phytosanitaires s?inscrit dans un cadre réglementaire européen, constitué notamment de la réglementation relative à l?usage des substances chimiques18 et des différents textes du « paquet pesticides »19. En particulier, les produits phytosanitaires font l?objet d?une autorisation de mise sur le marché, sur la base d?une évaluation nationale au regard notamment des risques sanitaires et environnementaux causés par les produits. L?encadrement du recours aux produits phytosanitaires s?inscrit également dans le cadre réglementaire français, notamment la loi d?avenir pour l?agriculture, l?alimentation et la forêt d?octobre 2014, qui promeut les systèmes agro-écologiques, ou l?arrêté du 19 septembre 2014, qui supprime certaines dérogations pour les épandages aériens de produits phytosanitaires. Par ailleurs, il existe des leviers techniques pour encourager les pratiques agricoles basses en intrants, à même de limiter l?usage, les risques et l?impact des produits phytosanitaires. Ces leviers incluent notamment l?accompagnement des agriculteurs, leur formation pour encoura- ger des pratiques agricoles basses en intrants (plus de 250000 formations Certiphyto en 6 ans soit environ 70% des agriculteurs professionnels), le conseil agréé, le recours aux outils d?aide à la décision, l?amélioration du matériel de pulvérisation, des semences et plants moins sensibles aux maladies et/ou aux ravageurs, la recherche sur des produits phytosanitaires moins dangereux tant pour la santé que pour l?environnement... Ces leviers rejoignent les ou- tils structurants mis en place dans le cadre du plan Ecophyto. Ils visent notamment à modifier de façon durable l?environnement technique des agriculteurs (réseaux de fermes de démons- tration, épidémiosurveillance, diffusion du progrès technique). Plus généralement, il s?agit de mobiliser les leviers se situant dans une perspective de « production intégrée », en intégrant sur des bases scientifiques et techniques renouvelées la gestion des bioagresseurs dans la conception des systèmes de culture et de production, la « santé des systèmes de culture » dé- passant la « lutte contre les ennemis des cultures. » I.4. Un objectif de réduction de moitié du recours aux produits phytosanitaires d?ici 2025 Lancé en 2008, le plan Ecophyto avait pour objectif de réduire de moitié le niveau de l?indicateur NODU, dans un délai de dix ans si possible. 17 « Pesticides et agro-écologie, les champs du possible », rapport de Dominique Potier, député de Meurthe-et- Moselle, au Premier Ministre, décembre 2014. 18 Système REACH qui organise l?autorisation des substances et règlement « CLP » qui en spécifie la classification, l?étiquetage et l?emballage. 19 Notamment le règlement 1107/2009 qui fixe les procédures d?autorisation de mise sur le marché et la directive 2009/128 d?utilisation des produits phytosanitaires compatible avec le développement durable. 94 Néanmoins, le plan n?a pas fourni les résultats escomptés. Dans ce cadre, un plan Ecophyto II a été annoncé et soumis à consultation publique en juin 2015, co-piloté par le Ministre de l?agriculture, de l?alimentation et de la forêt et la Ministre de l'écologie, de développement durable et de l'énergie, avec un objectif réaffirmé en deux temps : une diminution du recours aux produits phytosanitaires de 25 % d?ici 2020 et 50 % d?ici 2025, ce qui nécessitera de disposer et de diffuser des solutions alternatives efficaces comme facteur d?atteinte du nouveau plan. Le plan Ecophyto II se nourrit des recommandations effectuées dans le cadre du rapport du député Dominique Potier, remis en décembre 2014 à la demande du Premier Ministre en vue de la préparation de ce plan. La priorité in fine doit être la réduction des risques et des impacts liés à l?utilisation des produits phytosanitaires. I.5. Les instruments économiques existants ou à venir : la redevance pour pollutions diffuses et les certificats d?économie de produits phytosanitaires Les conséquences négatives sur l?environnement et la santé de l?utilisation des produits phytosanitaires induisent un coût économique pour la société dans son ensemble (voir I.1). Les instruments économiques incitatifs constituent dès lors des outils légitimes pour orienter les comportements, réduire ce coût total et le répartir de façon optimale entre les agents économiques20. À cet égard, les instruments économiques directement liés à l?utilisation des produits phytosanitaires sont actuellement de trois sortes : ? la fiscalité écologique avec la redevance pour pollutions diffuses et la taxe permettant de financer le dispositif de phytopharmacovigilance de l?ANSES21 ; ? le dispositif de certificats d?économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), en cours de finalisation, dont la mise en place est prévue à titre expérimental dans le cadre de la loi d?avenir pour l?agriculture, l?alimentation et la forêt d?octobre 2014 ; ? les aides incitatives à la réduction d?usages des produits phytopharmaceutiques (dont certaines mesures agro-environnementales et climatiques du deuxième pilier de la PAC) voire à l?arrêt de leur usage (aides à la conversion bio). Cependant, ces aides s?inscrivant dans un cadre plus global, non nécessairement lié aux seuls produits phytosanitaires, elles ne seront pas abordées plus en détail dans la suite. Se plaçant dans une logique incitative, « d?internalisation des coûts externes » dans les comportements des agents privés, la fiscalité environnementale permet d?intégrer, dans les coûts supportés par les agents économiques, ceux qu?ils font porter à d?autres agents du fait de leurs activités, en l?espèce, par exemple, les coûts de potabilisation de l?eau. L?utilisation 20 Il s?agit du « principe pollueur-payeur », popularisé par l?OCDE. Plus spécifiquement, voir l?article 9 de la Directive cadre sur l?eau, la dernière communication de la Commission européenne datée du 9 mars 2015 et intitulée « Directive-cadre sur l'eau et directive sur les inondations - mesures à prendre pour atteindre le «bon état» des eaux de l'Union européenne et réduire les risques d'inondation », le rapport annuel de la Cour des comptes de 2010, le rapport du Conseil d?Etat intitulé « L?eau et son droit » de 2010. 21 Cette taxe, applicable à compter de 2015, et dont le rendement est affecté au financement de la mise en place du dispositif de phytopharmacovigilance, est due par tout titulaire d?une autorisation de mise sur le marché ou d?un permis de commerce parallèle d?un produit phytopharmaceutique. Son taux est égal à 0,2 % des ventes des produits phytopharmaceutiques, hors exportations ou à destination d?un pays de l?Union européenne, ou 0,1 % des ventes de certains produits de biocontrôle. 95 appropriée des recettes générées conditionne en général l?acceptabilité de ce type de mesure fiscale en permettant de couvrir une partie des coûts supplémentaires que supportent les agents les plus vulnérables ou ceux qui modifient leurs pratiques pour réduire leur impact sur l?environnement. Elle doit notamment être conçue pour assurer que le développement de meilleures incitations ne pèse pas sur la compétitivité et l?emploi des filières concernées. La redevance pour pollution diffuses n?obéit cependant que partiellement à cette logique. Payée par les agriculteurs, collectée auprès des distributeurs de produits phytosanitaires et perçue par les Agences de l?eau, elle est assise sur les quantités de substances phytopharmaceutiques vendues avec un taux modulé suivant le degré de toxicité22. Son rendement s?élève en moyenne à 100 M¤ par an et contribue en partie à financer le plan Ecophyto. Son assiette a été élargie à cette fin en 2014, avec une augmentation de 30 %. Cette augmentation a été particulièrement impactante dans les filières qui ont un panel de solutions plus limitées. Se situant dans une logique d?obligation de mise en oeuvre de moyens plutôt que de résultats, le dispositif des CEPP viserait à soumettre les distributeurs français de produits phytosanitaires à une obligation de promouvoir, auprès de leurs clients, des actions reconnues en faveur d?un moindre recours aux produits phytosanitaires, ainsi que les agriculteurs français achetant des produits phytosanitaires à l?étranger. L?obligation serait remplie par l?acquisition de certificats d?économie, traduisant l?ampleur des différentes actions mises en oeuvre. Selon le projet de plan Ecophyto II soumis à la consultation du public, l?expérimentation, prévue à partir du 1er janvier 2016, instaurerait un objectif de réduction du NODU de 20 % la cinquième année, réparti suivant les distributeurs et rempli au travers des fiches-actions délivrées23. Ce dispositif résulte des recommandations formulées à la suite des missions d?inspection effectuées respectivement en 2013 sur la fiscalité des produits phytosanitaires et, en 2014, sur la mise en oeuvre pratique d?un tel dispositif. Il repose sur la responsabilisation des distributeurs de produits phytosanitaires pour impulser des changements de pratiques, dans l?utilisation des produits phytosanitaires. Aujourd?hui déjà, les commerciaux qui vendent des produits phytosanitaires ne sont plus rémunérés au volume, condition pour que le distributeur qui les emploie soit agréé par le MAAF. Ces changements de pratiques vont induire un coût, dont la répartition entre agents concernés (agriculteurs, distributeurs, producteurs et fournisseurs de produits phytosanitaires, industries agro-alimentaires, grande distribution, consommateurs) dépendra du partage de la valeur dans la filière, notamment de la capacité de chacun à le pouvoir répercuter sur ses prix de vente. Le rapport Potier livrait d?ores et déjà une analyse du dispositif des CEPP, dans son principe et son mode d?application. Il préconisait notamment de privilégier, dans la liste des actions possibles, celles qui ont le potentiel de réduction le plus important et qu?en outre, chaque action fasse l?objet d?un chiffrage en gain de NODU. Ce dernier point rejoint les recommandations formulées, dans le domaine de l?efficacité énergétique, par la mission d?inspection réalisée en 2014 sur le dispositif de certificats d?énergie. La mission soulignait ainsi la nécessité pour chaque certificat de représenter une économie effective d?énergie, 22 De 0,9 ¤ par kg pour les substances dangereuses relevant de la famille chimique minérale à 5,1 ¤ par kg pour les substances très toxiques, cancérogènes, tératogènes ou mutagènes. 23 À noter qu?il n?y a pas consensus entre les parties prenantes ni sur l?objectif affiché ni sur l?unité de compte retenue. 96 notamment par la révision régulière des gains associés aux différentes actions, fondée sur des analyses ex post. Enfin, les risques de développement des fraudes doivent également être pris en considération et gérés. L?importation et l?utilisation de produits phytopharmaceutiques non réglementaires et de produits chimiques non identifiés (PCNI) est un phénomène qui s?amplifie depuis le début des années 2000. De nombreux principes actifs sont contrefaits et les produits phytopharmaceutiques frauduleux présentent des risques inconnus dont les agriculteurs peuvent être les premières victimes. Ces principes actifs interdits peuvent également être retrouvés dans l?eau. L?augmentation régulière de la fiscalité sur les produits phytopharmaceutiques français et les distorsions de disponibilité de produits phytosanitaires de part et d?autres des frontières (malgré un appui sur des règlements européens pour la délivrance des Autorisations de Mise sur le Marché, le nombre de produits autorisés en France est nettement moindre que dans les États Membres voisins) encouragent des distributeurs étrangers installés à proximité des frontières à cibler aussi les agriculteurs français (accueil et documents en français, livraisons en France?). Les distributeurs français constatent quotidiennement, depuis de nombreuses années, le développement des achats dans les pays voisins par les agriculteurs, ce qui développe une distorsion de concurrence fiscale entre distributeurs français et étrangers. II. Recommandations Concernant le dispositif des CEPP dont l?expérimentation est à venir, le Comité a identifié les éléments suivants comme conditions nécessaires à une bonne évaluation de ce dispositif : ? les fiches actions doivent être construites en toute transparence et en particulier les modes de calcul de la baisse de NODU associée. La priorité devra être donnée aux actions qui baissent directement les usages de pesticide. En effet, il convient d?assurer une évaluation indépendante pertinente des économies potentielles permises par la mise en oeuvre des actions standardisées permettant de générer des CEPP. Cette évaluation est cruciale pour l'efficacité du dispositif et la convergence entre les économies potentielles permises par les actions standardisées et l'évolution réelle du recours aux produits phytosanitaires. Elle doit être conduite pour chaque fiche action et pour l?ensemble du dispositif. Les modalités sont à définir avant la mise en place des CEPP ; ? poursuivre les travaux d?élaboration d?indicateurs pertinents pour rendre compte du recours aux produits phytosanitaires en termes d?impacts ; ? évaluer le niveau d?objectif de réduction atteignable la cinquième année d?expérimentation au regard des solutions alternatives effectivement disponibles ; ? définir une trajectoire pour les 4 années précédentes, ce qui facilitera notamment l?évaluation et des ajustements en cours de dispositif, par exemple à mi-parcours. Il est important en effet de préserver un pas temporel pluriannuel dans l?atteinte de l?objectif afin de prendre en compte les variations des conditions météorologiques et du risque d?attaque de bioagresseurs d?une année à l?autre ; ? concernant le champ du dispositif, analyser l?intérêt d?intégrer les traitements des semences, ce qui inciterait, à développer les recherches appropriées espèce par espèce ; 97 ? être vigilant sur les effets de fuites et d?aubaines potentiels du dispositif : (i) que les gains réalisés au travers des fiches-actions ne soient compensés par un plus fort recours aux produits phytosanitaires chez ceux qui n?ont pas souscrit aux actions proposées par leurs revendeurs (effet de « fuite ») (ii) que les agriculteurs qui réduisent déjà leur usage de produits phytosanitaires en adoptant les mesures décrites dans les fiches-actions ne génèrent pas de crédit (effet d?aubaine) ; ? prévoir en amont un système d'information et de suivi statistique du dispositif afin d'en permettre l'évaluation in itinere et ex post. Cette évaluation nécessitera en particulier d?expliciter le scénario de référence, pour pouvoir isoler l?effet dû aux CEPP de ceux dus à d?autres facteurs (climatiques, etc.). Elle prévoira également de traiter les points suivants : la caractérisation d?un échantillon d?agriculteurs ayant souscrit à des fiches actions (localisation géographique, type d?exploitation, production agricole, évolution du recours aux produits phytosanitaires, dépenses en produits phytosanitaires) ; la comparaison de l?évolution du recours aux produits phytosanitaires chez les agriculteurs ayant souscrit à des fiches actions et chez ceux n?y ayant pas souscrit ; l?évolution du prix de vente des produits phytosanitaires au niveau des fabricants et au niveau des fournisseurs et distributeurs, ainsi que l?évolution des prix agricoles ; ? inscrire le dispositif dans une logique géographique locale pour que, là où les problèmes de pollution sont les plus aigus, la mobilisation des économies de produits phytosanitaires soit précoce. En outre, la question des DOM est importante, mais pourrait être traitée séparément pour prendre en compte les spécificités locales ; ? identifier le niveau de pénalités approprié24, en cas de non respect de l?objectif individuel de réduction du NODU, afin que le distributeur soit incité au respect de l?objectif qui sera fixé. La redistribution de la recette, notamment aux exploitations engagées dans ces démarches de transition, peut être utilisée pour maintenir la compétitivité agricole et favoriser les bonnes pratiques, ces modulations de restitution ne devant pas, en effet, remettre en cause l?objectif des CEPP ; ? s'assurer d'une mise en oeuvre opérationnelle du dispositif en favorisant notamment la mise à disposition d'outils permettant de simplifier autant que possible la tâche des obligés et éligibles et des gestionnaires : plateforme web de demande et comptabilisation des CEPP permettant un suivi en « temps réel » par les détenteurs de compte comme l'administration, mise à disposition d'outils de simulation des économies potentielles de NODU selon les actions promues auprès des agriculteurs et d?information sur la quantité de substance active (QSA) qui correspond aux NODU économisées pour chaque fiche- action afin d?améliorer la lisibilité du dispositif auprès des distributeurs et des agriculteurs ; ? identifier des mécanismes informationnels pouvant s?ajouter au dispositif des CEPP et en stimuler l?efficacité : par exemple, la transmission régulière, à chaque exploitant, d?une information consolidée, non nominative, sur les fiches actions souscrites par ses voisins, de façon à l?inciter à améliorer ses propres pratiques ; 24 Le montant de 11 euros par point de NODU non réduit (en cas de non réduction du NODU selon les objectifs fixés) a été avancé par le Ministre. 98 ? identifier les mécanismes incitatifs qui favorisent l?adoption des actions par les agriculteurs. Le mécanisme des CEPP a cette caractéristique d?être une mesure volontaire pour l?agriculteur qui n?est pas soumis à l?obligation de résultat imposé aux fabricants de produits phytosanitaires mais qui doit supporter le coût supplémentaire des actions de réduction d?usage de produits phytosanitaires. Le modèle économique de fourniture de produits phytosanitaire doit être repensé pour inciter les agriculteurs à adopter volontairement ces actions. Des pratiques telles que des remises sur des produits alternatifs (par exemple, produits de bio-contrôle ou agro-équipement) ou de prestation de conseils en échange de l?adoption des actions donnant droit à des crédits pourraient être identifiées et diffusées au sein de secteur en s?attachant à distinguer les missions de vente et celles de conseil. À cet égard, une piste serait de s?inspirer de l?expérience des certificats d?économie d?énergie. Parallèlement au dispositif des CEPP, et compte-tenu que l?ensemble des mécanismes incitatifs visant l?usage des phyto-sanitaires est appelé à s?enrichir et évoluer, certains membres du Comité ont identifié des instruments économiques dont ils jugent souhaitables de poursuivre l?étude dès maintenant : ? les conditions éventuelles d?évolution vers une obligation de résultat, et non plus de moyens, fixée aux distributeurs et portant sur la réduction de leur NODU, en leur laissant toute liberté sur les modalités pour y parvenir ; ? la mobilisation de la fiscalité incitative, à travers notamment la redevance pour pollutions diffuses. Ceux-ci souhaitent que les conditions du renforcement de son caractère incitatif soient mises à l?étude, dès 2015, ainsi que l?analyse de l?allocation d?une partie de sa recette fiscale comme moyen de soutenir la compétitivité agricole et les exploitations qui évoluent vers des pratiques basses en intrants. L?étude s?attacherait notamment à l?impact d?une telle fiscalité redistribuée, en termes de coûts et bénéfices pour la collectivité, ainsi que sur l?environnement économique des exploitations agricoles, comme préconisé dans l?avis du Comité pour la fiscalité écologique du 13 février 2014. 99 Avis sur la labellisation des fonds d?investissements pour la transition énergétique et écologique du 16 juillet 2015 Finance verte et transition écologique La transition écologique et énergétique nécessite un important effort d?investissement, notamment pour permettre la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et, de manière générale, la limitation de l?empreinte écologique, ainsi que pour assurer la résilience des systèmes énergétiques et urbains au changement climatique. La « finance verte » comprend le financement des investissements nécessaires à ce processus mais recouvre aussi un ensemble beaucoup plus large de pratiques puisqu?elle doit permettre une (ré)allocation du capital cohérente avec le maintien sur une trajectoire « 2°C » (atténuation) et les évolutions climatiques déjà en cours (adaptation) : comment réorienter l?investissement vers les projets qui participent à cette transformation structurelle de l?économie plutôt qu?à ceux qui la freinent ? Cette réallocation nécessite notamment une appropriation stratégique et opérationnelle des enjeux liés aux émissions de gaz à effet de serre et au risque climatique. Elle s?inscrit in fine dans une logique économico-financière, de mobilisation de tous les financements publics et privés nécessaires à la transition vers une économie décarbonée et limitant les impacts environnementaux, allant des financements traditionnels aux financements participatifs. Il est souhaitable que le capital alloué à ces investissements se développe significativement. A cette fin, davantage de projets « verts » doivent être proposés aux banques, en adéquation avec les besoins pour la transition énergétique et écologique identifiés par les travaux de prospective. Dans le même temps, une meilleure structuration des canaux et des instruments financiers offerts aux investisseurs contribueraient positivement à l?essor de l?investissement vert. Notamment, une information transparente et robuste jouera un rôle clé dans le développement de cette finance verte. Les acteurs financiers devront donc fournir plus de renseignements sur leurs stratégies de prise en compte de l?exposition aux risques climatiques, comme le font actuellement un nombre croissant d?entre eux. Un grand nombre des investissements nécessaires à la transition, notamment ceux d?infrastructure, se caractérisent par la longueur des horizons de retour sur investissement, des risques opérationnels non négligeables et des rendements potentiellement insuffisants. Les couples rendements/risques de ces activités peuvent être corrigés par des politiques visant à internaliser les externalités environnementales. Mais leurs caractéristiques en termes de risque ou maturité demeurent sources de difficultés spécifiques pour certains investisseurs. Il en va de même pour les investissements associés à l?innovation verte et son déploiement qui peuvent également présenter des couples rendement/risque relativement défavorables. 100 Quoique la reconnaissance de ces enjeux soit récente, on assiste à l?émergence de produits pour répondre à ces contraintes, aussi bien : ? En obligations tels les « Green Bonds », dont le marché se développe rapidement au niveau mondial depuis 2010 avec plus de 35 Md$ d?émissions en 2014, avec un rôle majeur joué par les acteurs français tant publics (région Ile de France, AFD) que privés (EDF, Engie). ? Et en actions (Fonds de « Private Equity » dédiés aux technologies vertes et Fonds spécialisés dans le financement des infrastructures vertes). Les « Green Bonds » sont des obligations dont les fonds levés sont dédiés au financement (ou au refinancement) de projets (ou activités) spécifiques concourant à la transition écologique : énergies renouvelables ; efficacité énergétique ; gestion soutenable dans le domaine des transports, de l?agriculture, de la gestion de l?eau, ou des déchets ; etc. Par exemple, en mai 2014, GDF Suez a émis une « obligation verte » de 2,5Mds ¤ pour financer le développement ou la construction de nouveaux projets d?énergie renouvelable ou d?efficacité énergétique. Des « Green Bond Principles » ont été élaborés au niveau international par les principaux acteurs du marché pour faciliter le développement de ce type de marché. Ces « principes », qui s?inscrivent dans un cadre de démarche volontaire de bonne gouvernance définissent des exigences sur quatre points clés pour améliorer la confiance des investisseurs et un standard d?émission : (i) l?allocation du produit obligataire ; (ii) la sélection et l?évaluation des projets ; (iii) la gestion du produit obligataire ; (iv) le reporting. Un cadre de gouvernance a été défini en juin 2015 pour clarifier, notamment, le processus de mise à jour de ces principes. Il prévoit la constitution d?un comité exécutif composé de représentants d?organisations qui ont émis ou investis dans des Green Bonds. Des observateurs (ONG, universités, etc.) peuvent participer à la gouvernance et notamment faire des propositions pour la mise à jour des principes, sans participer au comité exécutif. Le secrétariat des « Green Bond Principles » a été confié à l?ICMA (International Capital Market Association). Les fonds communs de placement pour les investissements verts considèrent le même type de sélection thématique. Le « One Sustainibility Fund » (anciennement Living Planet Fund, créé par WWF en 2003 et cédé à un gestionnaire d?actifs en 2013) en fournit une illustration. Son champ général est celui des technologies vertes. Les placements doivent remplir des conditions financières très strictes et appartenir à un domaine particulier pour garantir que les firmes ainsi financées exercent principalement dans les secteurs visés. De plus, des critères d?exclusion sont appliqués aux entreprises qui auraient des activités dans l?armement, le tabac et l?alcool, le nucléaire, l?extraction et le raffinage des combustibles fossiles. Son orientation thématique ou sectorielle distingue ces approches spécifiquement « vertes » de celle de l?investissement socialement responsable (« ISR ») dont l?offre de fonds s?est développée depuis le milieu des années 2000 et représente maintenant environ 7 % du marché des Fonds ouverts. Dans ce cas, la mise en mouvement partait du constat que les décisions prises en matière d?investissements et les pratiques financières de manière générale sont trop guidées par une vision de court-terme qui ne tient pas suffisamment compte des considérations environnementales, sociales et de gouvernance d?entreprise (ESG). Les fonds correspondants procèdent, en général, par sélection, au sein de chaque secteur, des entreprises 101 présentant les meilleures caractéristiques sur le plan de la responsabilité sociale, sans se limiter aux activités vertes (approche dite « Best-in-class »). Au contraire, la finance verte se préoccupe plus directement des enjeux environnementaux et notamment du financement des investissements identifiés comme clés pour la transition écologique et la mobilisation du secteur privé à cette fin. Mais les préoccupations se recoupent en partie puisque l?empreinte environnementale est l?un des trois piliers de toute démarche ESG. Par ailleurs, l?effectivité des engagements pris et la qualité de la gouvernance, notamment la transparence, sont reconnues comme des éléments essentiels de toute démarche ISR ou « verte ». A cet égard, les « principes pour l?investissement responsables » soutenus par l?ONU insistent sur la publication de rapports standardisés, s?appuyant sur la « Global Reporting Initiative » par exemple, et sur le respect des normes et codes de conduite. Dans ce cadre, les fonds « verts » constituent des produits nouveaux et multiples qu?il importe de rendre plus visibles et plus lisibles pour que s?enclenche le processus d?investissement que nécessite la transition écologique et énergétique dans notre pays. Dans cette perspective, le ministère de l?écologie, du développement durable et de l?énergie est en train d?élaborer un projet de label « Transition énergétique et écologique ». Ce label réglementé qui serait certifié par des organismes labellisateurs concernerait les fonds investis dans des entreprises dont une part significative du chiffre d?affaires provient d?éco-activités au sens des nomenclatures européennes (CEPA et CReMA) ou contribuant à la transition énergétique et écologique. Il serait attribué après analyse de la cohérence des objectifs recherchés par les fonds avec la transition énergétique et écologique et après évaluation d?un impact positif, bénéfique à cette transition, en tenant compte aussi de la surveillance des risques de controverse en matière de responsabilité sociétale. L?évaluation de la labellisation des fonds verts De manière générale, les instruments de labellisation constituent l?une des modalités de structuration des marchés où les enjeux de qualité des produits ou services sont importants et où les consommateurs ne sont pas à mêmes de les apprécier aisément. Ils jouent notamment un rôle important dans toutes les activités de services, dont la qualité est à la fois essentielle et plus difficile à mesurer ex ante que pour des biens matériels. En effet, en l?absence de signaux fiables reflétant la « qualité », seuls les biens correspondant aux niveaux de qualité inférieure sont susceptibles d?être fournis par le marché. Le développement du triptyque norme/certification/label, qui combine donc des normes de référence et la certification de la conformité à celles-ci pour déboucher sur l?attribution d?un label, est un moyen de remédier à cette défaillance du marché et permettre ainsi le développement des biens de qualité supérieure. De tels instruments apparaissent aussi déterminants pour tous les processus de transformation de l?économie dans le sens de la croissance verte : alimentation, agriculture, transports, ? Les produits de la Finance verte relèvent de ce cadre d?analyse. En effet, non seulement, les produits envisagés ici sont complexes et de nature diverse (cotés / non cotés ; actions / obligations ; fonds sectoriels ou non?), mais la capacité des épargnants à pouvoir 102 contrôler que les investissements qu?ils financent répondent à leurs attentes est particulièrement critique. Ils relèvent donc d?un domaine où la labellisation a, à l?évidence, un rôle important à jouer. Plus précisément, le financement de la croissance verte sera facilité si les investisseurs qui veulent y contribuer, notamment ceux qui sont prêts à sacrifier quelque rendement dès lors qu?ils sont convaincus que cela servira à promouvoir des changements tangibles dans le sens de leurs valeurs, trouvent les produits répondant à ces attentes. Ces produits doivent non seulement se conformer aux réglementations habituelles assurant que les investisseurs sont correctement informés sur les risques qu?ils prennent, mais, dès lors qu?une allégation « verte » est mise en avant, il importe que ce qu?elle recouvre soit transparent. L?objet de la labellisation se situe à ce niveau. Pour être légitimes et source de confiance, ces labels doivent dans tous les cas s?appuyer sur des gouvernances robustes. Ensuite, la fixation du niveau d?exigence est toujours un exercice délicat car il nécessite d?arbitrer entre : la maximisation de la qualité environnementale et le risque d?exclusion d?entreprises ou de produits de qualité environnementale certes inférieure mais non rédhibitoire). Par ailleurs, la fixation des labels peut être utilisée par certaines entreprises pour modifier les conditions de concurrence sur les marchés considérés, la dimension stratégique primant alors sur leur vocation informationnelle. A la limite, le label sert uniquement de caution dans une compétition entre des intérêts qui sont seulement privés, et perd son autonomie. La définition d?un label public peut être un moyen pour établir le meilleur équilibre entre ces risques, ou éviter une prolifération des labels qui conduirait à leur perte de signification, leur ôtant toute capacité à rétablir la confiance dans la qualité des produits. En pratique, il est courant d?aboutir à deux niveaux de label : l?un, reflétant une démarche de « marché », se situant par rapport aux besoins de certification de la qualité perçus par les entreprises ; l?autre, une approche plus volontariste, le souci étant de diffuser des comportements jugés exemplaires. Le compromis entre les deux logiques est difficile en général, et pas forcément souhaitable : si les contenus sont transparents et restent accessibles pour les utilisateurs, mieux vaut souvent développer des labels complémentaires, répondant à des objectifs différents. En effet, on ne peut décréter des marchés indépendamment des attentes des consommateurs, ici les épargnants. Il faut donc définir précisément les caractéristiques des labels d?une finance verte, soit, techniquement : les « métriques » pour mesurer le caractère « vert » des investissements et les critères de sélection et/ou d?exclusion retenus. Les choix doivent refléter la nature de l?épargne qui est visée avec un continuum : entre les investisseurs n?ayant pas d?objectif « éthique » marqué mais considérant seulement que les entreprises « environnementalement responsables » sont plus profitables dans le long-terme; des investisseurs voulant adopter une attitude long-termiste face au court-termisme perçu des marchés financiers ; ou faciliter l?accès au financement des entreprises et projets dans les secteurs critiques pour la transition énergétique et écologique (et ainsi inciter les autres à s?y engager) ; et au sein de cette dernière catégorie, selon qu?est visé un phénomène de masse ou au contraire l?émergence précoce de modèles alternatifs. Certains investisseurs privilégieront une approche « Best-in-class » avec peu d?exclusion sectorielle tandis que d?autres pourront préférer une sélection thématique et retiendront plus 103 d?exclusions. L?équilibre envisagé doit apprécier notamment le coût lié à l?affaiblissement de la diversification des portefeuilles qui résulte d?une sélection plus étroite, l?épargnant se surexposant ainsi à un nombre limité d?industries et d?entreprises. Celui-ci doit cependant aussi être sensibilisé sur le fait que certains actifs sont susceptibles de dépréciations. De surcroît, il faudra que le label « vert » joue parfaitement son rôle informationnel. En effet, les travaux académiques25 ayant analysé les raisons qui expliquent que les labels ISR existants ne jouent encore qu?un rôle limité suggèrent que ces labels ont été conçus plus du point de vue des sociétés de gestion que des particuliers-épargnants. De ce fait, ils ne fourniraient pas les informations que recherchent les consommateurs. Par ailleurs, ces labels n?auraient pas été suffisamment diffusés par les réseaux des banques et assurances. Il importerait donc d?avoir en tête ces éléments lors de l?élaboration d?un label pour les fonds « verts ». Dans tous les cas, les projets de labellisation des fonds pour la transition énergétique et écologique doivent premièrement considérer que celle-ci est un instrument pour construire des marchés qui ont besoin de confiance pour exister. Ceux-ci sont déterminants pour assurer l?essor des investissements verts, faire intégrer les risques à long-terme dans les modèles d?investissement et réorienter les capitaux ainsi mobilisés vers une économie bas-carbone ou avec une empreinte écologique optimisée. 25Le rôle de la labellisation dans la construction d?un marché. Le cas de l?ISR en France, Revue française de gestion, 2013 104 Avis du Comité pour l?économie verte du 29 octobre 2015 portant sur le développement des paiements pour services environnementaux (PSE)26 Le présent avis vise à préciser des éléments de diagnostic des avantages et limites des paiements pour services environnementaux, en apportant des pistes d?orientation pour une utilisation plus efficace de ces instruments économiques. I. Diagnostic des avantages et limites des paiements pour services environnementaux I.1 ? Concept de paiements pour services environnementaux (PSE) ? La notion de service écosystémique (dont l?usage s?est largement répandu à partir de 2005 et du Millenium ecosystem assessment) représente les avantages que nos sociétés retirent du fonctionnement des écosystèmes. Ces avantages sont pour l?essentiel des biens issus des écosystèmes, des services de régulation, et des services culturels. ? L?évaluation économique de ces services écosystémiques vise à révéler, le plus souvent (ceci dépendant de la méthode appliquée) la valeur des coûts de dommages résultant de la perte de ces écosystèmes, soit la contribution actuelle des écosystèmes à notre bien être. S?ils n?ont pas vocation à être rémunérés (ce qui reviendrait à rémunérer la Nature), les coûts des dommages doivent cependant être intégrés au processus de prise de décision publique dans le cadre d?analyses coûts-avantages, même si la décision publique intègre d?autres critères et même si l?approche monétarisée ne saurait épuiser la question de la pertinence de la protection des écosystèmes. ? Les services environnementaux sont quant à eux des services que des acteurs se rendent entre eux ou rendent à la société dans son ensemble (il est question le plus souvent d?échanges de services entre fournisseurs et bénéficiaires), et qui visent à réduire la pression exercée sur les écosystèmes ou qui améliorent leur fonctionnement. ? On parle de paiements pour services environnementaux (PSE) lorsqu'il est envisagé contractuellement de rémunérer des services environnementaux, dans la mesure où les actions associées contribuent de manière effective et additionnelle à la restauration et au bon fonctionnement des écosystèmes. En particulier, ceux-ci n?ont pas vocation à rémunérer un acteur pour une action visant au respect de ses obligations règlementaires. 26 Cet avis a été adopté au consensus. L?UPA s?est abstenue. 105 ? La définition la plus utilisée dans la littérature d'un paiement pour services environnementaux (PSE) est celle de Sven Wunder (2005)27, premier économiste à avoir essayé de formaliser cet instrument. Il le définit comme : (i) Une transaction volontaire où, (ii) un service environnemental bien défini, (iii) est acheté par (au moins) un acheteur de services, (iv) à (au moins) un fournisseur de services, (v) si et seulement si le fournisseur du service le procure effectivement (conditionnalité). Trois principes élémentaires doivent être remplis pour pouvoir parler de PSE : l?additionnalité, la conditionnalité et l?accord volontaire. Le principe d?additionnalité signifie que les PSE doivent rémunérer un effort et une production de services qui n?auraient pas été obtenus sans cette incitation financière. Il faut pouvoir justifier l?effet additionnel de la mesure par rapport à un scénario de type « statu quo ». Le principe de conditionnalité est fondé sur l?idée que le paiement ne devrait avoir lieu qu?une fois le gain de services environnementaux est observé. Ce paiement ne peut ensuite être prolongé que s?il est démontré que le service disparaîtrait si l?effort pour le produire n?était pas maintenu dans le temps. La dimension volontaire interdit la mise en oeuvre autoritaire de cet outil. ? Il y a « additionnalité » des actions fournissant des services environnementaux lorsque : ? un ou plusieurs bénéficiaires rémunèrent un ou plusieurs prestataires de services environnementaux pour des actions bénéfiques pour l?environnement qui s?ajoutent aux obligations légales des prestataires, dans le respect du principe pollueur-payeur. ? et lorsque ces actions, destinées à produire un bénéfice environnemental, n?auraient pas été accomplies sans le PSE. ? Le montant de la rémunération, soit le dimensionnement du PSE, doit être évalué suivant une approche coût-efficacité, dans laquelle l?objectif est l?incitation à la réduction des impacts négatifs de l?activité humaine sur l?écosystème et au développement d?actions contribuant à son amélioration ou à son bon fonctionnement, en vue de restaurer les services écosystémiques au bénéfice de tous. Il est clair que ces paiements ne peuvent pas être considérés pour compenser l'éventualité d'une pollution ou d'une destruction de l?écosystème par le prestataire. I.2 ? Avantages des paiements pour services environnementaux ? Ils permettent de développer une meilleure connaissance et reconnaissance de la contribution d?activités locales au bon fonctionnement des écosystèmes. ? Les paiements pour services environnementaux constituent un mécanisme de financement innovant en faveur des écosystèmes et présentent un intérêt important pour la mobilisation de flux de financement privés et publics28. 27 Wunder, S., (2005) « Payments for environmental services : some nuts and bolts. », CIFOR. 28 OECD (2013), Scaling-up Finance Mechanisms for Biodiversity, OECD Publishing. http://dx.doi.org/10.1787/9789264193833-en 106 http://dx.doi.org/10.1787/9789264193833-en ? Cet instrument peut être déployé sur le modèle d'accords contractuels volontaires entre acteurs, ce qui est de nature à en faciliter l'acceptabilité. De manière spontanée, de multiples initiatives existent d'ores et déjà en France pour le développement d'instruments de ce type. Plusieurs secteurs d?activité (agriculture, foresterie, pêche?) sont déjà mobilisés en tant qu'opérateurs au service des aménageurs et des collectivités pour accompagner des politiques publiques nationales et locales (Trame verte et bleue, stockage de carbone des prairies, responsabilité sociale des entreprises, etc.). ? Il s'agit d'un outil permettant d'accompagner des acteurs dans la transition écologique de leurs pratiques environnementales et conduire les territoires vers le développement durable. ? Les paiements pour services environnementaux peuvent accompagner et renforcer des actions collectives d'acteurs autour d'une finalité environnementale partagée. ? Les paiements pour services environnementaux contribuent à la dynamisation des services écosystémiques qui ont des effets bénéfiques pour la société dans son ensemble (résilience des activités, tourisme, pollinisation, régulateur des ravageurs de cultures, cohésion sociale?) I.3 ? Difficultés liées à la mise en place des paiements pour services environnementaux Il est nécessaire de mobiliser de nouvelles compétences, en premier lieu l'ingénierie écologique pour mieux lier certaines pratiques environnementales (des agriculteurs, forestiers, gestionnaires d'infrastructures, etc.) aux résultats écologiques attendus. Le gain écologique est souvent dépendant des effets d'échelles et de la configuration géographique des espaces concernés. La réussite d'un mécanisme de PSE résultera souvent de sa capacité à créer une mobilisation collective et, par conséquent, repose sur la coordination des acteurs. La définition d?indicateurs de résultat et leur mesure en lien avec des pratiques est souvent insuffisante. Si le paiement repose sur une obligation de résultats, les contrats doivent prendre en compte les risques de non atteinte de ces objectifs. Si le paiement repose sur une obligation de moyens, l'efficacité écologique de la mesure peut s'avérer très limitée si le nombre d'acteurs engagés est insuffisant ou si le lien entre pratiques et résultats n'est pas effectif. Par ailleurs, il faut prendre en compte les variabilités et les temps de réponse écologiques aux actions menées. L'asymétrie d'information entre le fournisseur et le bénéficiaire peut conduire au paiement d'actions qui auraient été spontanément entreprises. Il convient de pleinement prendre en compte ce problème lors de la conception du contrat. La mise en place de paiements pour services environnementaux pose la difficulté de pérennisation des pratiques au-delà de la durée du contrat. Certains facteurs peuvent s'avérer un frein à une utilisation plus étendue des paiements pour services environnementaux s'agissant notamment de leur assimilation possible à des aides d'Etat, ou à un soutien à la production agricole. Des diagnostics sont en cours pour 107 évaluer les marges de manoeuvre offertes par le cadre de l'OMC pour développer plus largement cet outil. Les coûts de transaction peuvent constituer un frein à la mise en place de paiements pour services environnementaux. Il importe que les PSE se développent dans un cadre d?ensemble cohérent d?un point de vue de l?équilibre écologique et d?usage des sols. II. Recommandations Le Comité pour l?économie verte constate que le cadre institutionnel et réglementaire national existant permet déjà la mise en place de contrats de type « PSE », sans pour autant qu?il existe de lignes directrices. Néanmoins, il existe des marges de manoeuvre pour en faciliter la mise en oeuvre. Des études de cas sont disponibles principalement dans le domaine de la qualité de l?eau (exemples : Vittel, Evian, Lons-le-Saulnier). De nombreux modèles différents de paiements pour services environnementaux sont possibles. Toutefois, ils doivent respecter un certain nombre de grands principes tels que ceux mentionnés précédemment : additionnalité, priorité aux objectifs de résultats, mécanismes permettant de réduire les rentes informationnelles. De manière générale, le Comité pour l?économie verte recommande : ? d?étudier, au niveau juridique, la qualification des rémunérations des services environnementaux qui, par leur définition, correspondent à la rémunération d?une prestation de service, et non à la subvention d?une activité ; ? de nécessairement mettre en place des formes institutionnelles et organisationnelles propices au développement de ces mécanismes pour réduire les coûts de transaction (asymétrie d?informations) : élaboration par exemple de sociétés, de groupements ou d'associations ad hoc? De même, il sera nécessaire de s?assurer du rôle mobilisateur et évaluateur de l'Etat et des collectivités, sans toutefois conduire à un cadre législatif rigide (besoin de souplesse et de simplification des procédures). L?évaluation portera notamment sur l?efficacité de la part de financement public dédié aux PSE ; ? de préciser dans chaque contrat la notion d?additionnalité selon les enjeux géographiques ou économiques locaux ; ? l'objectif de pérennité des résultats écologiques ne devrait pas dépendre d'une pérennisation des paiements. Pour éviter cet écueil, la conception d'un PSE doit privilégier l'accompagnement d'un changement de pratiques économiquement pérennes ; ? de renforcer des connaissances sur le lien entre certaines pratiques et leurs effets sur les écosystèmes. Par ailleurs, le Comité pour l?économie verte recommande également de mener des études pour : ? identifier des conditions juridiques à l?émergence des PSE en France : ? approfondir la notion d?additionnalité permettant de mettre en oeuvre de manière opérationnelle les PSE avec le souci que les actions ne constituent pas le simple 108 maintien d?actions ou de non actions, mais l?adoption de nouvelles pratiques et leur pérennité. Dans ce cadre, la notion de maintien devra être précisée ; ? analyser les marges de manoeuvre offertes par le cadre de l?Union européenne et de l?OMC (aides publiques dissimulées, soutien à la production agricole) ; ? analyser les marges de manoeuvre offertes par les règles de libre concurrence (code des marchés publics) dans le cas de paiements par des opérateurs publics ; ? étudier l?articulation des PSE avec les autres outils contractuels existant ou en gestation (cf. projet loi biodiversité), en évaluant leur particularité ; ? identifier les facteurs et conditions d'une utilisation plus efficace de ces instruments économiques : ? évaluation du potentiel du développement des PSE ; ? création des conditions à une remontée d?informations pour les flux financiers mis en oeuvre en vue d?alimenter les rapportages à la stratégie de mobilisation des ressources pour la biodiversité (CDB) ; ? définition du cadre d?évaluation de la pertinence et de l?efficacité environnementale du dispositif (quelles modalités et instances de validation ?) ; ? stratégies à adopter pour réduire la rente informationnelle : ? définir des schémas à privilégier pour le choix des formes institutionnelles et organisationnelles les plus appropriées (enchères inversées, etc.) ; ? identifier les intermédiaires et leur rôle pour faciliter la contractualisation (réalisation de contrats d'ingénierie écologique destinés à identifier et quantifier les liens entre pratique et résultat écologique par exemple) ; ? création de dynamiques collectives : format de l?incitation (bonus d?agglomération, etc.) ; ? obligation sur laquelle doit reposer le contrat : résultats versus moyens. Il s?agit d?étudier ici la faisabilité et l?acceptation de tels arrangements. * * * Positions exprimées par les membres du Comité CGT Pour la CGT, l'avis reflète une réflexion sur des paiements pour services environnementaux qui doit se poursuivre. Cette démarche inclut l'action de l'Etat et plus largement des opérateurs publics pour le respect de la réglementation en particulier lorsqu'il doit y avoir compensation et la mise en oeuvre de sanctions lorsque les obligations ne sont pas respectées. Les mesures contractuelles de PSE doivent donc bien être additionnelles. Elles doivent viser un bénéfice environnemental dans une perspective de développement durable prenant en compte pleinement les enjeux sociaux et sociétaux. 109 Avis du 29 octobre 2015 portant diagnostic sur la prise en compte de l?exposition aux risques associés au changement climatique et la contribution au respect de l?objectif de limitation du réchauffement climatique par les investisseurs institutionnels Les orientations de cet avis ont été adoptées au consensus lors de la séance plénière du 29 octobre 2015. L?article 173 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, et notamment son point VI, prévoit la publication d?informations par les investisseurs institutionnels1 relatives à leur exposition aux risques associés au changement climatique et à leur contribution au respect de l?objectif de limitation du réchauffement climatique et à la transition énergétique et écologique. Il étend aux investisseurs institutionnels l?obligation de rendre compte dans leur rapport annuel de la manière dont les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont pris en compte dans leur politique d?investissement, en cohérence avec la stratégie nationale bas-carbone. A ce titre, il concerne à la fois les aspects environnementaux, sociaux et de qualité de gouvernance, avec un approfondissement des enjeux liés aux risques associés au changement climatique. Il est ainsi précisé que deux éléments ayant trait aux politiques climatiques figurent parmi les informations sur les aspects environnementaux: - la prise en compte de l?exposition aux risques climatiques, notamment la mesure des émissions de gaz à effet de serre des actifs détenus ; - la contribution au respect de l?objectif international de limitation du réchauffement climatique et à l?atteinte des objectifs de la transition énergétique et écologique, contribution qui est notamment appréciée au regard de cibles indicatives définies, en fonction de la nature de leurs activités et du type de leurs investissements, en cohérence avec la stratégie nationale bas-carbone. L?objet de cet avis diagnostic est d?éclairer sur les enjeux et les solutions possibles pour mettre en oeuvre ces objectifs, étant rappelé que l?obligation visée par cet article 173 n?est pas 1 Par investisseurs institutionnels on entend : les entreprises d?assurance et de réassurance régies par le code des assurances, les mutuelles ou unions régies par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance et leurs unions régies par le code de la sécurité sociale, les sociétés d?investissement à capital variable, la Caisse des dépôts et consignations, les institutions de retraite complémentaire régies par le code de la sécurité sociale, l?institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l?Etat et des collectivités publiques, l?établissement public gérant le régime public de retraite additionnel obligatoire, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. 110 d?imposer aux investisseurs institutionnels d?investir dans une catégorie d?actifs donnés2. Il s?agit d?une obligation d?information, sur les modalités de prise en compte dans leur politique d?investissement des critères relatifs au respect d?objectifs ESG et sur les moyens mis en oeuvre pour contribuer à la transition énergétique et écologique. L?objectif est de pousser les institutions financières à intégrer ces enjeux, dans des conditions compatibles avec leurs caractéristiques et modèles économiques, en privilégiant la supervision plutôt que l?édiction de normes rigides. Ces exigences nouvelles d?information s?inscrivent dans une démarche, au niveau français et au niveau international3, de mobilisation des financements pour financer une économie décarbonée et de meilleure orientation de l?investissement dans cette perspective, intégrant pleinement le risque que ferait peser sur nos économies un défaut d?anticipation de l?enjeu climatique et des transformations structurelles à opérer pour nos économies. A cet égard, la France apparait pionnière dans sa réflexion pour construire une Finance durable et aligner son système financier dans cette perspective d?empreinte carbone plus limitée, son expérience en matière de cadres pour la divulgation de l?information intéressant beaucoup d?autres pays4. Plus précisément, deux préoccupations, d?orientation des financements et de risque, se rencontrent à propos des choix des investisseurs institutionnels, qui poursuivent des stratégies d?investissement à long terme : ? ils sont d?une part particulièrement concernés par les démarches ESG et les logiques d?engagement, celles-ci pouvant justement être menées avec l?objectif de contribuer à la transition énergétique ; ? d?autre part les investisseurs sont soumis à certains risques associés au changement climatique. Pour cette raison, ils commencent de fait à intégrer les enjeux liés au changement climatique, non plus seulement comme un sujet extra financier mais comme un risque financier potentiel significatif pesant sur les modèles économiques des entreprises et sur la rentabilité à long-terme des portefeuilles5, que plusieurs types de risques pourraient affecter6 (risques physiques, risques de contentieux et risques liés au processus de transition). Ces différents risques se caractérisent par différents horizons temporels, qui sont ceux auxquels se déploient les politiques publiques ou les cycles des affaires. Ainsi, les investisseurs institutionnels ne peuvent plus ignorer l?impact des menaces liées à la dégradation de notre environnement sur les rendements et la gestion des risques financiers. Simultanément, il apparait nécessaire de réduire l?incertitude sur les investissements verts pour faciliter leur accès au financement. 2 Cf. Conseil Constitutionnel. Décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015, §§ 47 à 51. 3 En avril 2015, le G20 a donné mandat au Conseil de Stabilité Financière (FSB) d?étudier la prise en compte par le secteur financier des enjeux liés au changement climatique. Dans une lettre aux ministres des finances du G20 datée du 5 octobre, le président du Conseil de Stabilité Financière (M. Carney) indique qu?il a recommandé au Conseil d?examiner l?opportunité d?améliorer la divulgation de leur risque par les investisseurs institutionnels. Un groupe d?étude pourrait être constitué par l?industrie financière sur cette question. 4 Cf. www.unepinquiry.org 5 A ce stade les travaux pointent plutôt l?idée que c?est d?abord un risque pour les investisseurs avant d?être un sujet de stabilité financière, les deux devant en tout état de cause être bien distingués. 6 Cf. M. Carney, ?Breaking the Tragedy of the Horizon ? Climate change and financial stability?, sept. 2015 et note du FSB http://www.financialstabilityboard.org/wp-content/uploads/Disclosure-task-force-on-climate- related-risks.pdf 111 Cependant, si ces logiques concourent à des évolutions des politiques d?investissements et à une réallocation des actifs pour assurer la cohérence de l?investissement avec la dynamique de la transition énergétique, et sont convergentes à moyen terme, tel n?est pas nécessairement le cas à court terme. En tout état de cause, ce processus visant à tenir compte du possible impact financier d?éléments relevant de l?extra-financier en est aujourd?hui à ses débuts, ce qui nécessite d?expliciter les enjeux et choix de mise en oeuvre, sachant que les méthodologies disponibles -au niveau de l?analyse des classes de risques et au niveau des projets d?investissements ; par l?analyse de scénarios de mise en place de politiques publiques contraignantes ; par référence à un prix du carbone ou aux impacts physiques à plus ou moins long terme du changement climatique- pour fournir ces informations sont encore en évolution. Un objectif est de stimuler l?essor des cadres d?analyse les plus appropriés. L?évaluation des risques dépend en particulier de celle des politiques qui seront mises en place, qui rencontrent donc comme impératif de créer de la lisibilité et de réduire l?incertitude. A ce titre, de manière générale l?établissement d?une trajectoire lisible de prix du carbone7 -, ou la suppression des subventions aux énergies fossiles8 est favorable à la stabilité financière et à ce titre au développement économique. Outre les principes de lisibilité et d?effectivité, plusieurs principes doivent guider la mise en oeuvre de ces dispositions, à l?aune desquelles devra être évaluée la qualité de la réglementation envisagée : ? La souplesse. Les textes d?application doivent tenir compte de la diversité des entreprises et institutions concernées par cette obligation et de la diversité des méthodes qui existent. Selon les cas et selon les secteurs, il convient donc de choisir entre la prescription d?une méthode identifiant un nombre restreint de critères, ce qui facilite la compréhension par tous (gouvernement, souscripteurs, société civile, etc.) et permet la comparabilité des informations, ou la définition du seul cadre sur les informations qui seront fournies. ? Favoriser l?émergence et la diffusion des meilleures pratiques, afin d?accompagner le développement de la prise en compte des enjeux. ? Le caractère évolutif : comme indiqué précédemment, un certain nombre de questions méthodologiques se posent encore, les textes d?application doivent donc pouvoir être adaptés pour tenir compte des progrès qui seront réalisés dans les prochaines années dans ce domaine. ? Il convient d?assurer par un mécanisme de suivi la pertinence du dispositif dans un contexte évolutif et en pleine mutation. ? La prise en compte des débats internationaux : les débats débutent au niveau international, par exemple dans le cadre du Conseil de Stabilité Financière, qui devrait recommander au G20 la mise en place d?une « task force » sur la définition de standards volontaires d?information par les entreprises sur les risques associés au changement climatique. Les textes français devront tenir compte de cette réflexion, pour continuer à 7 La loi de transition énergétique définit ainsi une trajectoire à horizon 2030 et le rapport Canfin-Grandjean propose, par exemple, un corridor des prix du carbone (proposition 2). 8 On peut évoquer par exemple l?annonce par le Premier ministre le 11 septembre 2015 de la suppression immédiate de l?assurance crédits export pour les nouveaux projets de centrale à charbon dénuées de dispositifs de capture et de stockage du CO2. 112 l?anticiper et à l?influencer, tout en veillant à ce que l?approche soit adaptée aux spécificités du système financier français. ? La vérifiabilité : comme toute obligation réglementaire, ces éléments entrent dans le champ de compétence des superviseurs, et doivent donc être formulés dans des termes compatibles avec leurs approches et compétences, notamment en matière de sanctions et de moyens de contrôle. ? Pour favoriser l?efficacité du dispositif, il serait souhaitable de contribuer à la montée en compétence des investisseurs institutionnels sur la prise en compte de ces enjeux. Un bilan d?émissions de GES est devenu courant aujourd?hui pour les entreprises industrielles. « L'empreinte carbone » d'une personne ou d'une organisation mesure la quantité de GES émise pour satisfaire l'ensemble de sa consommation. Cet inventaire peut être divisé en trois périmètres ou scopes : scope 1 (les émissions directes), scope 2 (les émissions indirectes liées à la consommation d'électricité, de chaleur ou de vapeur nécessaire à la fabrication du produit), ou scope 3 (les autres émissions indirectes). Si les calculs de scope 1 ou 2 des entreprises industrielles ou des portefeuilles d?actions d?investisseurs institutionnels sont devenus courants, il n?y a pas de méthodologie établie pour les émissions de scope 3. Les acteurs financiers indiquent qu?ils savent mieux appréhender le scope 3 de certains secteurs (comme le secteur de l?énergie) que d?autres. Il serait par ailleurs opportun que le calcul de l?empreinte carbone prenne également en compte le stockage du carbone, que certaines activités économiques permettent de réaliser, comme l?agriculture. Le calcul de l?empreinte carbone doit être adapté aux différentes classes d?actifs. Pour les obligations, qui constituent une part conséquente des portefeuilles des investisseurs institutionnels, les méthodes (qui nécessitent d?attribuer les émissions aux différents financeurs ? en fonds propres et en dette ? de l?entreprise) ne sont pas encore stabilisées (pour les obligations souveraines notamment)9. L?enjeu est d?importance car la transition énergétique et écologique réclame des investissements divers, renvoyant à différentes structures de financement. Les investissements dans le private equity, les infrastructures, dans l?immobilier et les financements de projets, qui jouent également un rôle important dans la transition énergétique, ne doivent donc pas être oubliés. La contribution sur ces sujets des agences de notation financières ou extra-financière pourrait être intéressante. L?empreinte carbone ne fournit qu?une photographie des émissions passées et ne tient pas compte de la dynamique10. A ce titre, il est intéressant aussi d?identifier les investisseurs institutionnels qui choisissent d?investir dans des entreprises émettrices de CO2 qui s?engagent à réduire leurs émissions et/ou prenne d?ores et déjà en compte le risque carbone dans leur stratégie, assurer la divulgation d?une information fiable en ce domaine. La cohérence de la stratégie d?une entreprise avec une trajectoire de réchauffement climatique limitée à 2°C s?apprécie au regard de la situation actuelle de ces actifs, des investissements 9 Il existe des initiatives, comme par exemple les principes et critères de certification des obligations dites « vertes » qui pourraient faciliter l?analyse des portefeuilles d?actifs. 10 D?autres facteurs sont importants aussi pour mesurer l?exposition au risque lié à la transition énergétique, et l?intégrer dans l?exposition nette au risque : structure de coûts de l?émetteur, niveau d?endettement, etc. De même, l?exposition à des risques physiques doit faire l?objet d?une analyse spécifique, prenant en compte l?exposition des émetteurs à des zones à risque (sècheresse, ouragans, ?) et la sensibilité de leurs ventes à des évènements météorologiques. 113 réalisés par celle-ci et des technologies déployées et non de son empreinte carbone (qui reflète le passé sans vision prospective)11. Le risque carbone doit aussi être apprécié au regard de la nature de l?exposition considérée. Enfin, l?empreinte carbone ne permet pas de rendre compte directement de la problématique des « stranded assets » qui sont pourtant la manifestation la plus immédiate du risque carbone. Des éléments qualitatifs sont donc indispensables pour rendre compte au mieux de la prise en compte des risques associés au changement climatique par les investisseurs institutionnels. En particulier, l?une des questions importantes est l?engagement des investisseurs institutionnels dans l?exercice de leurs droits de vote. La prise en compte de l?exposition au risque associé au changement climatique doit également être appréhendée de manière plus globale. Ceci nécessite de prendre en compte la structure du portefeuille d?un investisseur institutionnel et la nature des actifs détenus, pour évaluer leur exposition12, en prenant notamment en compte les corrélations entre actifs. Cette approche complémente une analyse détaillée entreprise par entreprise des investissements13. L?intérêt des bénéficiaires finaux (épargnants, cotisants, etc.) est crucial. La mise à disposition d?informations doit en premier lieu permettre aux gestionnaires d?exercer leur responsabilité fiduciaire, voire d?informer par ailleurs d?un éventuel risque systémique. En résumé, l?information à fournir en matière d?exposition au risque climat a nécessairement une dimension quantitative. A cet égard, l?appréciation aussi complète et pertinente que possible d?une empreinte carbone apparait, en l?état des méthodologies disponibles, être un point de départ précieux pour les démarches de progrès. Mais elle doit donc être enrichie par de l?information, certes aussi précise et vérifiable mais plus qualitative, sur la stratégie suivie : poursuite ou non d?un objectif de décarbonation ; et approche retenue en ce domaine, entre, par exemple, une stratégie passive de réduction de l?exposition à ce risque sans affecter les autres14, versus stratégies plus actives de désinvestissement ou d?engagement. Une autre gamme d?informations vise à évaluer plus positivement la contribution au respect de l?objectif international de limitation du réchauffement climatique et à l?atteinte des objectifs nationaux de la transition énergétique et écologique des investisseurs institutionnels. A cet égard, une méthode consiste à mesurer l?acquisition d?actifs financiers permettant de soutenir le financement d?activités permettant d?éviter des émissions de carbone et son 11 La durée de vie des installations par exemple constitue également un des indicateurs pertinents de l?analyse de l?exposition au risque. 12 Parmi les méthodes disponibles pour corriger la structure des portefeuilles, on peut citer l?estimation de la sensibilité aux facteurs de risque associé au changement climatique par classe d?actifs (méthode proposée par Mercer). Au-delà de risques spécifiques bien identifiés, ce type d?analyse ne suggère pas cependant de facteurs de risques conduisant à des impacts potentiels très significatifs sur des horizons courts. Ce qui ressort comme caractéristique générale de l?appréciation des risques liés au changement climatique est la nécessité de mettre en place des approches d?analyses prospectives par scénario, confrontant les portefeuilles à différentes réalisations du futur, différentes options de transitions et différents impacts climatiques. 13 Ce qui ressort comme caractéristique générale de l?appréciation des risques liés au changement climatique est la nécessité de mettre en place des approches d?analyses prospectives par scénario, confrontant les portefeuilles à différentes réalisations du futur, différentes options de transitions et différents impacts climatiques. 14 Cf. « Hedging Climate Risk with Decarbonized Indices », Andersson, Bolton, Samama, conférence ? Paris 2015 and beyond?, Collège de France, 2015. 114 évolution (ce qu?il est convenu d?appeler « part verte » des investissements)15. Cette méthode implique de définir précisément les classes d?investissements considérés, secteurs ou technologies contribuant à la transition énergétique et écologique, selon une nomenclature précise (labels tels que le label « transition énergétique et écologique pour le climat » ou principes comme les principes des obligations dites « vertes » par exemple), ou contribuant à réduire le défit de financement dont peuvent souffrir certaines activités. Ainsi, on peut fixer un ou des objectifs reflétant une certaine cible d?allocation des investissements cohérente avec la transition énergétique et écologique, cet objectif étant fixé au niveau d?un secteur/technologie (par exemple un objectif 30% de renouvelables dans le mix énergétique des actions du secteur de la production d?électricité). Cette approche nécessite de choisir quel scénario est pris comme référence en fonction du secteur considéré. Mais, il convient d?apprécier le pari implicite que cela emporte sur les technologies considérées. D?autres approches16 cherchent plutôt à traduire plusieurs scénarios de référence17 en termes de composition des portefeuilles, ce qui permet de garder une cohérence avec des objectifs climatiques et de comparer le portefeuille à différents « futurs possibles ». 15 Sur ce point, voir le précédent avis du Comité pour l?économie verte sur « la labellisation des fonds d?investissements pour la transition énergétique et écologique », juillet 2015. 16 https://ec.europa.eu/easme/en/news/assessing-alignment-investment-portfolios-climate-goals-join-road-show. 17 Comme celui de l?AIE, de Greenpeace, etc. cf aussi le projet développé dans le programme européen H2020. 115 Avis du Comité pour l?économie verte portant sur la mise en oeuvre de la compensation écologique Les recommandations de cet avis ont été adoptées au consensus lors de la séance plénière du 16 juillet 2016. Les mesures de compensation écologique29 s?inscrivent dans la séquence « Eviter ? réduire ? compenser » (ERC), qui vise à minimiser les impacts environnementaux des projets d?aménagement ou d?activité, plans et programmes30 soumis à évaluation environnementale. La séquence ERC s?applique à l?ensemble des impacts environnementaux (biodiversité, sol, eau, air, bruit?). En particulier pour la biodiversité, la mise en oeuvre de cette approche a pour objectif de permettre de maintenir globalement la qualité environnementale des milieux et le bon état de conservation des espèces, et si possible d'obtenir un gain net, compte-tenu de leur sensibilité. Suivant cette séquence, les atteintes aux enjeux majeurs31 doivent être, en premier lieu, évitées. En effet, l'évitement est la seule solution qui permette de s'assurer, sans le moindre doute ou risque, de la non-dégradation du milieu par le projet. Dans le processus d?élaboration du projet, il est donc indispensable que le maître d'ouvrage intègre l?environnement, et notamment les milieux naturels, dès les phases amont de choix des solutions (type de projet, localisation, choix techniques...), au même titre que les enjeux économiques ou sociaux. Au sein de la séquence ERC, la réduction intervient dans un second temps, dès lors que les impacts négatifs sur l?environnement n?ont pu être pleinement évités. Ces impacts doivent alors être suffisamment réduits, notamment par la mobilisation de solutions techniques de minimisation de l'impact à un coût raisonnable, pour ne plus constituer que des impacts négatifs résiduels les plus faibles possibles. Enfin, si des impacts négatifs résiduels significatifs demeurent, il s?agit, pour autant que le projet puisse être approuvé ou autorisé, d?envisager la façon la plus appropriée d?assurer la compensation de ses impacts. En d?autres termes, les impacts environnementaux doivent être en priorité évités, et, en cas d?impossibilité, réduits, avant d?envisager toute forme de compensation. Les années 2000 ont été l?occasion d?un renforcement réglementaire autour des mesures compensatoires ainsi que de la séquence ERC de manière générale. Ce renforcement réglementaire a été accompagné de l?élaboration en 2012 d?une Doctrine mais également en 29 En anglais, on parle de « compensation or offsetting schemes » (cf. Stratégie pour la biodiversité de la Commission européenne, 2011), le terme d?offsets étant donc souvent utilisé à ce propos. 30 Dans cet avis, on emploiera le terme de « projet » pour désigner l?ensemble des projets, plans et programmes auxquels s?applique la séquence ERC. 31 On entend par « enjeux majeurs » ceux relatifs à la biodiversité remarquable (espèces menacées, sites Natura 2000, réservoirs biologiques, cours d'eau en très bon état écologique...), aux principales continuités écologiques (axes migrateurs, continuités identifiées dans les schémas régionaux de cohérence écologique lorsque l'échelle territoriale pertinente est la région...). Il convient aussi d'intégrer les services écosystémiques clés au niveau du territoire (paysage, récréation, épuration des eaux, santé...). 116 2013 de Lignes directrices32 nationales, en vue de rendre opérationnelles les innovations légales pour le plus grand nombre. Pour autant, on peut regretter le manque de cadrage concernant la mise en oeuvre des actions de compensation, tant du point de vue technique (pas d?outils standardisés de calcul d?équivalence écologique entre pertes et gain, pas d?indicateurs de référence pour les suivis, etc.) que réglementaire (manque de clarté sur les niveaux de performance écologique que les administrations doivent exiger). La séquence ERC vise à garantir le maintien ou l?amélioration de la qualité de l?environnement et à fournir ainsi les incitations économiques appropriées pour stimuler la recherche des solutions les plus efficaces pour cela. La séquence ERC s?inscrit donc dans une démarche générale de maintien du capital naturel33 en recourant à des instruments de politique publique effectifs et économiquement efficaces. Des réflexions sont à poursuivre pour en assurer l?essor et le bon usage, notamment pour mieux articuler la démarche entre le niveau des « plans et programmes » et celui des projets, de travaux et d?aménagement. Les avis du CEV ont vocation à se nourrir des expériences internationales les plus abouties. En matière de compensation écologique, on peut citer, par exemple, le cas des Etats-Unis, où des méthodes de calcul d?équivalence écologique sont approuvées et diffusées par les pouvoirs publics, et où les mécanismes contractuels et financiers de pérennisation des sites hébergeant des mesures compensatoires sont particulièrement développés. Le présent avis se focalise sur trois aspects identifiés par le CEV comme de nature à améliorer l?efficacité de la politique publique encadrant la mise en oeuvre de la compensation écologique, et réduire les coûts de transaction pour l?ensemble des acteurs : ? l?intégration de la séquence éviter-réduire-compenser le plus en amont possible ; ? le besoin d?outils harmonisés, notamment concernant les méthodes de calcul de l?équivalence écologique ; ? les mécanismes de pérennisation des mesures de compensation écologiques. I. Intégrer la séquence éviter-réduire-compenser le plus en amont possible, en recherchant les synergies I.1. Constat Voir en annexe la présentation des différentes procédures administratives susceptibles de donner lieu à une obligation de mise en oeuvre de mesures de compensation écologique. L?encadrement réglementaire de la compensation écologique s?est construit progressivement depuis son introduction dans la loi sur la nature de 1976, précisant les obligations qui en découlent pour les maîtres d?ouvrages, ainsi que les procédures administratives applicables par type de projets ou d?enjeux environnementaux. Actuellement, un même projet peut donc relever de plusieurs régimes de déclaration ou d?autorisation environnementale, et être soumis à plusieurs obligations réglementaires de compensation écologique. Au moment de la mise en oeuvre des mesures de compensation écologiques, ceci peut occasionner des difficultés d?articulation entre différentes obligations de compensation pour un même projet (ex : obligations parfois contradictoires au titre de la loi sur l?eau et des espèces menacées). Des pratiques d?harmonisation sont alors mises en place au cas par cas, ce qui nécessite l?accord des autorités administratives et qui peut ralentir l?instruction du projet. 32 Cf. lignes directrices et document de doctrine publiés par l?administration. 33 Souvent associée à l?énoncé d?objectifs de type « no net loss », comme, aux Etats-Unis, dans le Clean Water Act ou le Endangered Species Act. 117 http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Doctrine_ERC.pdf http://www.developpement-durable.gouv.fr/Lignes-directrices-nationales-sur.html Certaines procédures administratives, comme la demande de dérogation à la protection stricte des espèces, qui est à l?origine chaque année de plus de 200 actes administratifs fixant des mesures ERC aux maîtres d?ouvrages concernés, interviennent tardivement dans les projets, à un moment où les maîtres d?ouvrage n?ont plus beaucoup de marges de manoeuvre pour revoir leur projet en profondeur (mesures d?évitement34 et de réduction) et ajuster le coût des mesures ERC dans leur budget. Les mesures de compensation écologiques peuvent alors même devenir un objet de contentieux juridique. Depuis 2014, des expérimentations sont menées par les services de l?Etat autour de la notion d?autorisation environnementale unique pour les ICPE (installations classées pour la protection de l?environnement) et les IOTA (Installations, ouvrages, travaux et activités) et des réflexions du groupe de travail de modernisation du droit de l?environnement piloté par Jean- Pierre Duport en vue d?étudier la faisabilité d?un permis environnemental unique. Ces travaux devraient aboutir en janvier 2017 à la création d?une autorisation environnementale, construite sur la base des expérimentations ICPE/IOTA/certificat de projet, qui devrait permettre une approche plus intégrée des impacts d?un projet sur l?environnement. Plusieurs documents et recommandations (Lignes directrices nationales de 2013, Rapport Dubois remis à la ministre Ségolène Royal en 2015) font état de la nécessité d?une meilleure intégration en amont des projets de la séquence ERC. Par ailleurs, il est important de signaler que le projet d?ordonnance portant réforme de l?évaluation environnementale (plan programme et projet) prévoit de renforcer les « procédures communes et coordonnées » entre les plans-programme d?une part et les projets d?autre part en matière d?évaluation environnementale. I.2. Recommandation L?articulation entre les différentes procédures d?évaluation environnementale, celles qui concernent les plans et programmes et les projets d?activité ou d?aménagement, doit être recherchée, notamment pour anticiper les enjeux environnementaux (et éviter les situations de blocage lorsque ces projets entrent en phase de demande des différentes autorisations environnementales). Tout en gardant à l?esprit le fait que les « planificateurs » ont des responsabilités distinctes des maîtres d?ouvrage des projets d?aménagement, il s?agit ainsi de passer d?une approche « procédure » caractérisée par la réaction, à une approche privilégiant la planification territoriale et la complémentarité des actions entre l?élaboration du plan programme et la conception du projet. Pour mettre en oeuvre cette planification territoriale à droit constant, il est possible : ? de s?appuyer sur les collectivités territoriales au sein desquelles ces actions sont menées, les Etablissement Publics Fonciers (EPF), les Sociétés d?Aménagement Foncier et d?Etablissement Rural (SAFER) et les Commissions départementales de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers (CDPENAF). Cette planification des actions de compensation devrait par ailleurs viser des objectifs sociaux complémentaires aux objectifs écologiques initiaux (accès à des espaces récréatifs) ; ? pour les acteurs locaux, de s?auto-organiser par exemple, dans le cadre de programmes d?aménagement (zone industrielle, Grand ports maritime, par ex : projet stratégique de 34 En particulier, dans le cadre de certaines déclarations d?utilité publique (DUP), les mesures d?évitement devraient être étudiées dès l?instruction de la DUP, voire avant. 118 Dunkerque) pour réaliser très en amont une mutualisation des études environnementales au niveau de l?ensemble du territoire, qui permettra aux multiples maîtres d?ouvrages qui viendront s?y implanter, de réaliser des économies d?échelle, tout en assurant une cohérence au niveau de l?identification des enjeux écologiques. Il faut déterminer les moyens de mettre en oeuvre les mesures de compensation écologique à l?occasion de l?élaboration des plans et programmes soumis à évaluation environnementale. Ce type de démarches permettrait de faciliter des actions d?évitement et de réduction d?ampleur et efficaces, et de créer des opportunités de mutualisation des mesures compensatoires, en vue d?alimenter les stratégies Trame verte-trame bleue et de rechercher les synergies entre différentes actions de restauration écologique. II. Un besoin d?outils, notamment d?harmonisation des méthodes de calcul de l?équivalence écologique II.1. Constat La compensation écologique implique de pouvoir mettre en perspective les pertes de biodiversité induites par le projet faisant l?objet des mesures compensatoires (ou « pertes écologiques »), avec les gains de biodiversité permis par les mesures compensatoires (ou « gains écologiques »). En effet, il doit y avoir une équivalence entre pertes et gains : on parle d? « équivalence écologique ». Or, la notion d?équivalence écologique manque actuellement d?outils harmonisés de traduction opérationnelle. La difficulté est évidemment qu?il convient de pleinement prendre en compte la complexité des écosystèmes et de leur dynamique. Actuellement, une multiplicité d?initiatives dans le domaine du calcul de l?équivalence écologique émergent au sein de bureaux d?étude, d?ONG environnementales ou de collectivités territoriales. Cependant, ces méthodes manquent de transparence et présentent des risques de manque de rigueur préjudiciables à la mise en oeuvre des mesures compensatoires. Cette diversité de méthodes est excessive. Finalement source d?incertitude, elle ne fournit pas l?outil de dialogue adéquat sur les mesures compensatoires, que ce soit pour les opérateurs de compensation, les services de l?Etat ou les aménageurs. On observe également un recours important à des logiques « surfaciques », fondées sur des ratios fixes entre surfaces impactées et surfaces à compenser (utilisées notamment pour la compensation des atteintes à certaines espèces protégées, aux milieux aquatiques ou pour la compensation défrichement). Ces logiques sont insuffisantes pour établir l?équivalence écologique dans sa dimension qualitative. II.2. Recommandation Au-delà du respect de normes incontournables de transparence, il serait important d?avoir une forme d?harmonisation autour de l?équivalence écologique grâce à des outils standardisés de manière à créer des règles du jeu pertinentes, lisibles et partagées à l?échelle nationale. Ces outils devraient être adaptés aux exigences réglementaires spécifiques (Loi sur l?eau, Natura 2000, espèces protégées, directives européennes, etc.), en privilégiant la qualité et l?efficacité de la compensation plutôt que le simple critère surfacique. Ces méthodes devraient ainsi permettre d?aboutir à des mesures compensatoires qui répondent aux besoins de restauration des habitats favorables aux espèces impactées, ainsi qu?à la restauration des fonctions et des continuités écologiques relevant des milieux impactés. Plusieurs exemples montrent qu?il est possible d?identifier et de diffuser des méthodes harmonisées, pragmatiques, solides et conformes à la réglementation en vigueur en France : la 119 méthode d'évaluation des fonctions des zones humides, publiée en juin 2016, dont les travaux ont été pilotés notamment par le Muséum national d?histoire naturelle (MNHN) et l'Office national de l?eau et des milieux aquatiques (Onema). Il faudrait généraliser ce type de démarches à l?ensemble des habitats. On peut aussi mentionner les travaux en cours sur l?adaptation en France, dans le cadre de la loi sur la responsabilité environnementale, des méthodes de type « Habitat equivalency analysis » (HEA), utilisées de manière routinière et partagée aux Etats-Unis. Des méthodes de suivi harmonisées selon les différents types d?habitat et d?espèce devraient aussi être mises en place pour faciliter le contrôle de l?efficacité des mesures compensatoires. Les retours d?expérience issus de ces contrôles permettraient par ailleurs d?améliorer et conforter les méthodes standardisées de calcul d?équivalence écologique. III. Garantir l?adéquation entre la durée des impacts du projet et celle des effets de la compensation III.1. Constat La « doctrine nationale »35 sur la séquence éviter-réduire-compenser précise que « la durée de gestion des mesures [compensatoires] doit être justifiée et déterminée en fonction de la durée prévue des impacts, du type de milieux naturels ciblé en priorité par la mesure, des modalités de gestion et du temps estimé nécessaire à l?atteinte des objectifs ». Pour apporter une contrepartie effective aux impacts d?un projet, les mesures compensatoires doivent non seulement être assorties d?objectifs de résultat et de modalités de suivi de leur efficacité, mais être conçues de manière à produire des effets sur une durée équivalente à celle des impacts du projet. III.2. Recommandation La durée d?engagement des éventuels contrats associés aux mesures compensatoires que le maître d?ouvrage signe avec ses prestataires ou les propriétaires des terrains doit donc être en rapport avec la durée des impacts que ces mesures ont pour objet de compenser. Cela pose deux enjeux relatifs à cette adéquation : ? la durée des actions mises en oeuvre doit être en adéquation avec la dynamique écologique des espèces ou habitats compensés ; ? le contrat36 doit garantir que la durée des effets de la compensation correspondra à la durée des impacts. A ce jour existent déjà des mécanismes qui visent à ces adéquations. Ainsi, à la suite d?une acquisition foncière et d?une action de restauration écologique ayant démontré ses effets après cinq, dix ou vingt ans, une cession est parfois réalisée en faveur des conseils départementaux au titre des espaces naturels sensibles, du Conservatoire du Littoral ou des Conservatoires d?espaces naturels. Par ailleurs, le bail rural à clauses environnementales ou la future obligation réelle environnementale offrent des opportunités de garantir sur le long terme la finalité environnementale du foncier dédié à la compensation, comme alternative à l?acquisition. En outre, des guides pratiques ou recommandations opérationnelles permettant de sécuriser le recours à des outils contractuels de mise en oeuvre des mesures compensatoires (futurs sites 35 Op.cit. 36 Au sens large, incluant, par exemple, les « obligations réelles », qui sont justement un instrument pour assurer la pérennité des mesures en en assurant la poursuite malgré l?éventuelle transmission du foncier. 120 naturels de compensation, futures obligations réelles environnementales prévus dans le cadre du projet de loi relative à la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, ou tout autre type de contrats) sont absolument nécessaires. Il convient de réfléchir à des innovations financières qui permettraient de faciliter la pérennisation des mesures compensatoires, par exemple : ? dans le cadre des sites naturels de compensation, la mobilisation d?un fonds générant des intérêts à même de couvrir les frais d?entretien à long terme des espaces supports de compensation ; ? des dispositifs assurantiels permettant de prémunir les opérateurs de compensation contre l?incertitude économique ou environnementale. 121 Annexe Principales procédures susceptibles de conduire à une obligation de mise en oeuvre de mesures de compensation écologique Étude d?impact : Articles L. 122-1 à L. 122-3 et R. 122-1 à R.122-15 du code de l?environnement. Installations classées pour la protection de l?environnement (ICPE) : Articles L.511-1, L.511- 2, R.512 et R.122-5-7 du code de l?environnement. Aménagements fonciers agricoles et forestiers dans le cas d?un grand ouvrage : Articles L.121-1 à L.128-2 du code rural, et R.120-1 à R.128-10 du code rural. Évaluation des incidences Natura 2000 : Articles L.414-4 à L.414-7, et R.414-19 à R.414-29 du code de l?environnement. Étude des incidences au titre de la loi sur l?eau : Articles L.214-1 à L.214-11, L.216-1 à L.216-2, R.211-6, R.214-1 à R.214-56, R.214-6 et R.214-32 du code de l?environnement. Dérogation à la protection stricte des espèces (espèces protégées) : Articles L. 411-1 à L. 411- 6, R.411-1 à R. 411-14 du code de l?environnement. 122 Avis diagnostic sur le suivi des financements liés à la transition énergétique et au climat en France Cet avis a adopté le 6 juillet 2016 Pour un diagnostic régulier des financements liés à la transition vers une économie bas- carbone 1- Pour réussir à maintenir le réchauffement planétaire sous la barre des 2°C, un effort d?investissement approprié est nécessaire, notamment en matière d?infrastructures et d?installations énergétiques, intégrant que les durées de vie de ces équipements sont particulièrement longues. La stratégie nationale bas-carbone (SNBC), adoptée en 2015, établit ainsi comme premier enjeu la réorientation des investissements, vers les projets qui participent à la transition énergétique plutôt que vers ceux qui la freinent. Les besoins d?investissement correspondants sont identifiés dans la SNBC, avec un double mouvement de baisse dans les secteurs intensifs en carbone et de renforcement des investissements contribuant à la transition bas carbone. Sur le plan macroéconomique, le rapport de la Commission Mondiale sur la New Climate Economy (NCE), publié en 2014, souligne par ailleurs que cette réorientation doit s?inscrire dans un contexte de reprise d?un rythme plus élevé qu?aujourd?hui des investissements, notamment dans les infrastructures. 2- Outre les énergies renouvelables, la SNBC cite comme secteurs particulièrement concernés: ? L?innovation et son déploiement, les efforts de structuration et de soutien à la R&D devant être poursuivis et amplifiés pour encourager le développement et la diffusion rapide des technologies du futur, dans la perspective d'un monde bas-carbone. ? Les infrastructures, pour que les investissements dans ce domaine soient compatibles avec la transition vers une économie bas-carbone et un objectif de réduction d?émissions de 40% en 2030 par rapport à 1990. En outre, les infrastructures numériques seront aussi concernées. ? Les bâtiments, sachant que les émissions directes du secteur résidentiel-tertiaire représentent 20% des émissions de GES (près d'un quart si on tient compte des émissions indirectes associées à la production d'électricité et de chaleur pour les bâtiments). L'objectif central à cet égard est de parvenir à baisser ces émissions de 54% à l'horizon du troisième budget carbone et d'au moins 87% à l'horizon 2050, par rapport à 2013. 123 3- Pour suivre la mise en oeuvre de cette stratégie, l?observation des dépenses d?investissement liées à la transition écologique et de leur financement est cruciale. En effet, il faut : s?assurer que l?environnement financier est propice à l?essor de ces investissements, en considérant à la fois leurs caractéristiques, en termes de risque, par exemple, et celles de notre système financier, comme le poids du crédit bancaire dans le financement de l?économie ; et mesurer comment les investissements réalisés sont en ligne avec les objectifs, ce qui est un moyen de détecter les obstacles restant à lever. Différents indicateurs ont déjà été proposés, par exemple la part des investissements verts dans les investissements totaux1, qui pourraient contribuer à ce suivi. Un outil visant à mesurer l?engagement des entreprises dans la réduction de leurs émissions de GES, à vocation globale et mise en oeuvre par l?Ademe et l?ONG anglaise CDP (Carbon Disclosure Project), est par ailleurs en cours d?expérimentation ; il s?agit de l?expérience ACT (Assessing low-carbon Transition). 4- Sur le plan qualitatif, une étude de cas de l?enquête du PNUE «le système financier dont nous avons besoin» (2015) sur l?alignement du système financier sur le développement durable a été réalisée pour la France par Inquiry-I4CE-PNUE. L'étude2 constitue la première analyse en profondeur de l'intégration des enjeux environnementaux dans le secteur financier en France. Elle identifie un vaste « écosystème » d'acteurs privés, venant du secteur public ou d'organisations à but non lucratif mobilisés pour une meilleure articulation des enjeux de durabilité par le secteur financier. Elle met en lumière l?avance de notre pays au travers des mesures d'évaluation du risque et de reporting en lien avec le climat - notamment l'Article 173 - qui ont été adoptées dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 : ces dispositions, qui demandent aux investisseurs de divulguer leur contribution à la transition énergétique et qui impliquent aussi l'établissement d'une stratégie d'intégration des critères climat dans l?évaluation des risques au sein du secteur bancaire, demeurent inédites. 5- L'approche correspondante promeut des principes de transparence, de divulgation des informations et de bonne gouvernance. Elle vise à améliorer les pratiques des acteurs, tout en leur laissant la latitude suffisante pour agir de la façon qui soit la plus compatible avec leurs propres intérêts et modèles économiques. Elle privilégie donc la supervision, par des mesures : ? Se concentrant sur l'amélioration de la disponibilité de l'information à travers le développement d'un jeu complet de mesures de reporting visant à la fois le secteur financier et les entreprises qu'il finance. ? Promouvant le développement d'une expertise de marché à travers une combinaison d'initiatives publiques et privées et des débats nationaux sur les enjeux de développement durable rassemblant un large éventail de parties prenantes. ? Stimulant l'amélioration de l'évaluation des risques en appliquant aux institutions des exigences minimales de divulgation de leur exposition aux risques liés au climat. Parallèlement, se développe certains instruments dédiés explicitement au financement de la transition. L?examen du développement des obligations vertes (qui constitue un exemple emblématique de ces évolutions) montre que, pour que ces principes débouchent sur de nouveaux marchés, attirant les investisseurs, il faut que l?information correspondante puisse-t- être aisément appropriée par ceux-ci. Il en résulte donc, dans ce cadre, un arbitrage délicat 1 Proposition 4 du rapport Canfin-Grandjean. 2 France?s Financial (Eco)system (2015). 124 entre la latitude laissée aux émetteurs et le besoin de standardisation pour les investisseurs, notamment sur la nature des projets qui sont qualifiés de «verts». Le développement de standards doit aller de pair avec la clarification de leurs objectifs, permettant de mieux cerner l?impact des projets financés. Par ailleurs, d?une façon générale, il est nécessaire d?évaluer la rentabilité des investissements liés à la transition énergétique, qu?il s?agisse d?investissement public ou privé. 6- Le «panorama des financements climat en France», établi par I4CE, constitue par ailleurs un document irremplaçable pour établir le diagnostic concret sur où nous en sommes. Cette initiative doit donc être saluée et poursuivie. Le présent avis vise à en tirer les enseignements, à la fois sur le plan méthodologique et des résultats mis en lumière. Le diagnostic des financements liés à la transition énergétique permet d?identifier un certain nombre de problèmes méthodologiques, et les efforts entrepris pour les corriger 7- En 2015, I4CE a publié son Panorama des financements climat en France3, qui couvre les années 2011 à 20144. «Boîte à outils» des financements climat en France, celui-ci documente et caractérise les dépenses d?investissement et les flux de financement qui ont contribué, directement ou indirectement, à la réduction des émissions de GES en France. Ce panorama couvre les investissements en capital tangible5 aboutissant à une baisse des émissions de GES. Les investissements sont mis en rapport avec la contribution des principaux mécanismes financiers, issus du public ou du privé. Les domaines pris en compte sont : l?efficacité énergétique, les ENR, le nucléaire, les infrastructures durables et le «hors énergie», qui inclut par exemple les forêts. Les dépenses d?investissement sont prises en compte, mais ce n?est pas le cas des dépenses de R&D et des dépenses d?exploitation. Pour chaque secteur, l?étude recense et mesure les ordres de grandeur des dépenses en investissement qui ont permis directement ou indirectement à la réduction d?émissions de GES, en s?inspirant de la méthodologie développée par Climate Policy Initiative (CPI) utilisée au niveau international, en l?adaptant au contexte français. L?étude se fonde sur des données existantes de plusieurs sources du domaine public, et si nécessaire et possible, également du secteur privé. Dans un premier temps, les données publiques existantes sont analysées et mobilisées. Elles sont validées et complétées par des entretiens avec des experts pour établir des hypothèses détaillées sur l?utilisation des flux (outils, canaux, finalités). 8- L?identification précise de l?ensemble des financements liés à la transition énergétique n?est pas toujours possible : Certaines données existantes sur le financement de la transition énergétique sont incomplètes, ou ne sont pas disponibles. Les secteurs où les données manquent le plus sont le tertiaire, l?industrie et l?agriculture. 3 Cette partie s?appuie sur la présentation réalisée par I4CE au groupe de travail sur les financements du Comité pour l?économie verte. 4 Suite à la première édition de ce Panorama des financements climatiques en France a été élaborée en 2014[4], et décrit les financements climat en France en 2011. 5 Investissements en actifs matériels et certains biens durables comme les véhicules neufs. Les dépenses dans l?éducation, la formation et la R&D ne sont pas comptabilisées. 125 La classification des flux financiers dans des secteurs relevant ou non de la transition énergétique est importante pour parvenir à des résultats cohérents, mais n?est pas toujours évidente puisque leur nature est diverse. Par exemple, avec la méthodologie adoptée par I4CE, certains soutiens publics, comme le taux de TVA préférentiel aux opérations d?efficacité énergétique dans le bâtiment, ou le tarif d?achat des énergies renouvelables électriques, ne sont pas pris en compte. Dans le dernier cas, les subventions étant versées durant toute la durée du projet, elles apparaissent comme une recette d?exploitation, le coût de l?investissement étant supporté par dette bancaire. Dans certains cas, le déclenchement des travaux n?a pas lieu en même temps que le financement Par exemple, dans le Panorama, le CITE est compté à l?année où ont lieu les travaux, même si le versement se produit ultérieurement. Il y a donc un décalage d?un an avec les chiffres du PLF. Enfin, on est amené à distinguer entre des projets qui sont intégralement comptés comme verts (cas des ENR), et d?autres où il faut estimer les surcoûts de la durabilité. Par exemple, en matière d?efficacité énergétique dans la construction neuve, il faut distinguer ce qui relève de l?amélioration énergétique et de la construction ; le niveau de référence retenu est celui de la RT2005, le surcoût de la RT2012 étant estimé entre 7% et 11%. 9- Des efforts sont actuellement entrepris pour améliorer la pertinence des éditions futures, la répétition de l?exercice sur plusieurs années ou dans plusieurs pays européens étant un moyen d?améliorer ou approfondir l?analyse. Une manière d?améliorer ces diagnostics pourrait également passer par une définition plus précise des investissements qui sont verts. Cela permettrait à la fois de renforcer la crédibilité de ces investissements et de pouvoir en faire des panoramas plus précis. A titre d?exemple, c?est ce qui a été entrepris pour les obligations vertes. Dans ce domaine où il n?existe pas à ce jour de cadre strict, des initiatives comme les Green Bonds Principles ou la Climate Bonds Initiative fournissent des lignes directrices (différentes toutefois) pour vérifier que les fonds levés par les obligations vertes sont bien destinés à financer des projets compatibles avec la transition énergétique. En France, le référentiel du label transition énergétique et écologique pour le climat définit les activités entrant dans le champ de la transition énergétique et écologique et prévoit des exclusions strictes ou partielles. Le « Panorama des financements climat en France » fournit une première mesure du fossé à combler. 10- Suivant I4CE, les investissements qui ont contribué, directement ou indirectement, à la réduction d?émissions de GES en France peuvent être évalués à 36 milliards d?euros en France en 2013, dont la moitié dans le secteur de l?efficacité énergétique du bâtiment (18 Md¤), les infrastructures durables notamment dans le secteur des transports (11,8 Md¤), les énergies renouvelables (5 Md¤). 11- La première édition de cette étude recensait seulement 22 Md¤ d?investissements en France en 2011. La variation observée est due à la fois : aux additions au périmètre de l?étude et aux changements dans la méthodologie (8 Md¤) ; et à une augmentation des investissements de 6 Md¤ entre 2011 et 2013. Une hausse des investissements dans le secteur du bâtiment et des infrastructures a été observée (8,3 Md¤ en 2011). En revanche les investissements dans les ENR, photovoltaïque principalement, ont diminué (9 Md¤ en 2011). 126 L?étude fait par ailleurs une cartographie des canaux de financement à travers l?économie française, depuis leur source (ménages, entreprises) jusqu?à leur secteur et objet de destination, en recensant notamment les intermédiaires (Etat, institutions financières) et instruments de distribution (dette, capital, aides). La sphère publique soutient plus de la moitié de ces investissements, via : ? Un soutien public dans des domaines d?intervention traditionnels de la puissance publique : infrastructures de transport, logement... (14,8 Md¤ en 2014). ? Un soutien pour créer un effet d?entraînement (3,9 Md¤ en 2014). Selon I4CE, les investissements devront augmenter pour atteindre les niveaux nécessaires pour l'atteinte des objectifs en matière de climat, et en particulier ceux définis par la SNBC. I4CE a par exemple estimé que des investissements d?environ 10 Md¤ supplémentaires par an seraient nécessaires pour la rénovation des bâtiments (9 Md¤ supplémentaires) et la production d?énergie (1 Md¤). Vers une amélioration du suivi des financements liés à la transition énergétique 12- L?étude d?impact du projet de Stratégie nationale bas-carbone évaluait quant à elle à environ 20 milliards d?euros les investissements annuels moyens supplémentaires entre 2015 et 2018 pour mettre en oeuvre les orientations du premier budget carbone (SNBC, 2015). Ces montants ne sont pas directement comparables aux montants couverts dans le panorama réalisé par I4CE, du fait de la manière dont sont comptabilisés les financements contribuant à la transition énergétique. Les différences qui peuvent être observées entre la méthodologie utilisé par l?étude d?I4CE et la manière dont la SNBC évalue les financements nécessaires à la transition énergétique soulèvent les questions suivantes : Un certain nombre d?indicateurs de suivi de la transition énergétique ont déjà été identifiés. Est-il opportun d?ajouter des indicateurs supplémentaires ? Les catégories choisies pour les investissements (sectorielles notamment) sont-elles les plus pertinentes ? Est-il préférable de prendre en compte les montants totaux des investissements ou uniquement les parties incrémentales correspondant au coût additionnel de la part bas-carbone des investissements (cf supra, surcoût des nouvelles normes pour les bâtiments) ? 13- A ce stade, le comité pour l?économie verte peut formuler les propositions suivantes : Les études existantes sur l?état des lieux de la transition énergétique pourraient être enrichies en étendant leur périmètre. A titre d?exemple, des versions ultérieures du panorama sur les financements climatiques d?I4CE pourraient intégrer les financements liés à la recherche et développement, l?utilisation des fonds du programme d?investissement d?avenir (PIA), le plan Juncker, ou certaines actions des plans de développement rural et plus généralement de l?agriculture. De même, il convient de cerner plus avant les financements du secteur privé. 127 Les études prospectives sur les financements pour la transition énergétique, telles que celles mises en oeuvre lors du lancement de la SNBC, devraient être développées et suivies dans le temps. Au-delà, l?articulation entre les études fournissant un panorama des financements existants et une projection des besoins à venir mériterait d?être également approfondie afin d?évaluer les efforts d?investissements restant à fournir, avec, en perspective d?être en capacité d?élaborer des stratégies de financement couvrant l?ensemble des investissements privés et publics déclinés par enjeux et activités (ex : rénovation des bâtiments, mobilité etc.). Afin d?obtenir un panorama plus complet de l?état d?avancement de la transition énergétique, les tableaux décrivant son financement et ceux concernant les emplois verts devraient être rapprochés6. Le suivi de l?encours au label Transition énergétique et écologique pour le climat pourrait être intégré à ce panorama. 6 En 2016, I4CE a d'ores et déjà prévu de proposer des évolutions, notamment concernant le financement de la R&D, et d'étudier les possibilités de publications conjointes avec les publications "Marché et emplois" de l'ADEME qui constituent déjà une de leurs sources de données. Des complémentarités avec le "compte satellite de l'énergie" en cours de mise au point par le SOeS sont également possibles. 128 Avis du Comité pour l?économie verte sur les principes d?utilisation des recettes du relèvement de la composante carbone Cet avis a été discuté et adopté lors de la séance plénière du 20 septembre 2016 Le présent avis porte sur l?utilisation des recettes du relèvement de la composante carbone, qui doit être portée à 56 ¤/tCO2 en 2020. Il rappelle que le choix d?utilisation des recettes est éminemment politique, mais qu?il doit être éclairé par des analyses d?impact rigoureuses et faire l?objet d?un suivi régulier, afin d?asseoir la légitimité et d?améliorer l?acceptabilité de la composante carbone. Il propose à cette fin sept principes de gouvernance. Le relèvement de la composante carbone prévu par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte 1- La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé les objectifs de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et de diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050. Pour cela, elle pose en principe général de procéder à un élargissement progressif de la composante carbone, assise sur le contenu en carbone fossile dans les énergies consommées. De manière plus précise, elle établit l?objectif, pour la composante carbone intégrée aux tarifs des taxes intérieures sur la consommation des produits énergétiques inscrites au tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes, d'atteindre une valeur de la tonne carbone de 30,50 ¤ en 2017, de 39 ¤ en 2018, de 47,50 ¤ en 2019, de 56 ¤ en 2020 et de 100 ¤ en 2030. Ces objectifs, en ligne avec les évaluations de valeur tutélaire du carbone des rapports Quinet, ont été rappelés lors de la Conférence environnementale d?avril 2016. En revanche, la manière d?en utiliser la recette devra encore être précisée, dans le cadre des lois de Finances qui en assureront la mise en oeuvre. 129 https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006071570&idArticle=LEGIARTI000006615102&dateTexte=&categorieLien=cid https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006071570&idArticle=LEGIARTI000006615102&dateTexte=&categorieLien=cid Les travaux antérieurs du Comité pour la fiscalité écologique 2- Dans son avis du 28 mars 2013, le Comité pour la fiscalité écologique (CFE), devenu depuis Comité pour l?économie verte, appuyait la création d?une composante carbone pour renforcer les actions de réduction des émissions de CO2, et soutenait l?idée de son relèvement progressif. En parallèle, le président du CFE avait proposé, et soumis à débat au sein du CFE, le 13 juin 2013, des modalités de mise en oeuvre de l?assiette carbone sur la période 2014- 2020, combiné à un rééquilibrage de la taxation essence-diesel, qui ont grandement inspiré le législateur. Le Comité soulignait cependant que la création d?une composante carbone ne pouvait être acceptée « socialement et économiquement sans un dispositif d?utilisation de la recette adapté, simple et lisible par tous. Ce dispositif doit tenir compte des effets attendus de la taxation sur la compétitivité des différents secteurs économiques, en portant une attention particulière aux TPE et PME, et sur les différentes catégories de ménages en ciblant les mesures d?accompagnement sur les catégories les plus vulnérables et ceux ne disposant pas de solution alternative ». Pour assurer la compréhension et l?adhésion nécessaires des citoyens à un tel projet, le Comité soulignait que l?introduction d?une assiette carbone devait absolument être comprise comme un instrument incitatif et non comme un impôt supplémentaire de rendement accroissant les prélèvements. A cette fin, la réalisation d?études d?impact complètes et transparentes, portant sur l?ensemble des impacts, est cruciale. 3- Dans cette perspective, ce même Comité s?était penché plus précisément sur la conception d?éventuelles compensations aux ménages (avis n°7 du 13 février 2014). A cette occasion, il avait pointé qu?il était prévu que trois quarts des recettes issues de la hausse de TIC, résultant de l?introduction de la composante carbone, participent au financement du crédit d?impôt pour la compétitivité et l?emploi à destination des entreprises (CICE). Il était noté que cette affectation ne faisait pas l?objet d?un consensus au sein du Comité, certains de ses membres faisant valoir que la hausse de la TIC est directement payée aux deux-tiers environ par les ménages. Les instruments dont on dispose pour effectuer cette compensation ont évolué suite à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte : - création du chèque énergie, actuellement en cours d?expérimentation dans quatre départements. Celui-ci est attribué aux ménages dont le revenu fiscal de référence annuel par unité de consommation ne dépasse pas 7 700 euros. Son montant dépend du revenu et de la composition familiale : pour les foyers les plus modestes, il varie entre 144 ¤ (célibataire) et 227 ¤ (couple avec deux enfants ou plus)37 ; - création du compte d?affectation spéciale « transition énergétique » par la loi de finances rectificative pour 2015 ; - entrée en vigueur à partir du 1er janvier 2016 d?une obligation pour les vendeurs d?énergie de soutenir les opérations d?efficacité énergétique chez les particuliers en 37 Pour mémoire, la dépense énergétique moyenne d?un ménage (gaz, électricité, combustibles solides et liquides) atteignait environ 1 633 ¤ en 2014 (source : « Bilan énergétique pour la France 2014 », RéférenceS, juillet 2015, Commissariat général au développement durable, ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer. 130 situation de précarité énergétique, dans le cadre du dispositif de certificats d?économie d?énergie. Trois possibilités d?utilisation des recettes 4- En application notamment de l?article L. 100-2 4° du code de l?énergie, l?utilisation des recettes de la fiscalité écologique doit arbitrer entre trois possibilités (non exclusives) : - la réduction d?autres prélèvements, dans une logique de « double-dividende », c?est- à-dire l?idée que la mise en place d?une fiscalité environnementale peut permettre simultanément deux améliorations pour la collectivité. Le premier « dividende » est la réduction de la pollution, lié à l?effet incitatif de la taxe sur les comportements (« signal-prix »). Le second « dividende » correspond dans ce cas d?affectation des recettes à la diminution des taux de taxes distorsives économiquement, permise par les recettes budgétaires générées par la taxe, par exemple en abaissant la fiscalité pesant sur le travail afin de favoriser l?emploi ; - le financement d?interventions publiques dans le but de favoriser la transition énergétique ; - et des compensations forfaitaires pour maintenir le pouvoir d?achat des catégories de ménages ou d?entreprises qui, sinon, seraient les plus touchés. Le choix est éminemment politique, mais il doit être éclairé par des analyses d?impact rigoureuses. De plus, les parties prenantes demandent que ce choix soit transparent et posé dans la durée : changer de pratique en ce domaine leur apparaît comme une condition cruciale pour inscrire la légitimité de la composante carbone. Eléments d?analyse pour éclairer le choix d?utilisation des recettes 5- Les choix doivent tenir compte du contexte, notamment macroéconomique, et de la situation des finances publiques, aussi bien pour l?Etat que pour les collectivités territoriales. A cet égard, la faiblesse passagère du prix des combustibles fossiles est non seulement un élément essentiel pour motiver le relèvement de la composante carbone, conformément aux orientations données dans la loi « LTECV », mais celle-ci implique aussi différents impacts à prendre en compte pour apprécier les besoins de compensation. En effet, la note de conjoncture de l?INSEE de mars 2016 a évalué de manière très détaillée comment le gain, d?abord reçu par les branches de première transformation des énergies fossiles (raffinage du pétrole et fabrication de combustible gazeux), a été transmis rapidement aux autres branches et aux ménages. De plus, parmi les différentes catégories de ménages, toutes ont gagné en pouvoir d?achat à des degrés divers selon leurs revenus et leur lieu de résidence. Parmi les entreprises, les principales bénéficiaires de la chute du cours des matières premières énergétiques appartiennent aux branches qui en sont fortement consommatrices : industrie chimique et services de transport principalement. Pour ces branches, la baisse du prix des hydrocarbures a contribué à la reconstitution de leurs marges entre 2013 et 2015, via la hausse de valeur ajoutée. Mais la baisse du prix des énergies fossiles se transmet ensuite progressivement à l?ensemble de l?économie, car les branches qui en ont bénéficié les premières abaissent à leur tour leur prix de production. 131 6- Pour éclairer les choix d?utilisation de la recette du relèvement de la composante carbone, on dispose désormais d?éléments factuels nouveaux. Mais ceux-ci en soulignent plutôt l?acuité qu?ils ne fournissent la solution. D?un côté, le poids et la structure de la fiscalité française tels qu?ils ressortent des comparaisons internationales plaident pour une restructuration fiscale « à la suédoise », les recettes procurées par l?éco-fiscalité étant prioritairement orientées vers la baisse des prélèvements les plus pénalisants pour l?activité économique. De l?autre, l?observation des expériences étrangères montre un large périmètre de secteurs ou projets qui peuvent bénéficier du recyclage de ces recettes, selon une logique d?appui à la transition écologique. Certains pays ciblent ainsi les réductions d?émissions les moins coûteuses, telles que les économies d?énergie dans les bâtiments publics et privés. La Californie et le Québec, quant à eux, utilisent des plans pluriannuels d?affectation des revenus pour diriger ces recettes vers de nombreux objectifs, incluant la sensibilisation, la préservation et la décarbonation de leur secteur le plus émetteur : le transport. On sait par ailleurs mieux chiffrer combien l?introduction en 2014 de la composante carbone a renchéri le coût des énergies fossiles que les ménages utilisent pour se déplacer et se chauffer, et les coûts de production des entreprises qui y sont soumises. Pour mémoire, sont en effet exonérées de la composante carbone les entreprises grandes consommatrices d'énergie relevant du système européen d?échange de quotas de carbone ou considérées comme exposées à un risque important de fuite de carbone, au titre de l?article 265 nonies du code des douanes. En 2016, l?effet moyen de l?introduction de cette composante carbone sur lalala facture énergétique des ménages est estimé à un montant de 83 ¤ (3 % de leur facture), relativement à une situation où la composante carbone n?aurait pas été introduite38. L?effet de cette mesure varie selon la situation du ménage (type d?énergie de chauffage, mode de détention de véhicule, composition du ménage, localisation, etc.). L?effet de l?introduction d?une composante carbone sur les coûts de production des entreprises avait par ailleurs été estimé en 2009 par l?Ademe39. Selon cette analyse, qui nécessiterait d?être mise à jour et précisée, une composante carbone de 32 ¤/tCO2 coûterait au tertiaire en moyenne 0,08 % de sa valeur ajoutée (VA), et à l?industrie (hors secteurs exonérés) 0,78 % de sa VA (hors carburant et électricité). Les impacts sont cependant très variables d?une branche à l?autre. Sept principes pour une gouvernance transparente 7- A défaut de fournir une solution consensuelle sur l?affectation des recettes du relèvement de la composante carbone, le Comité adhère aux principes de gouvernance suivants, inspirés des travaux de M. Vaidyula et E. Alberola de I4CE (Institute for Climate Economics)40 : 38 Cf. Simon O. et Thao Khamsing W. (2016), « L?impact, pour les ménages, d?une composante carbone dans le prix des énergies fossiles », Le point sur n°225, Commissariat général au développement durable, ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer. 39 Le Callonec (2009), « La Contribution Climat Énergie : un double dividende écologique et économique », La lettre ADEME & vous - Stratégie & études n°17. 40 Vaidyula M. et Alberola, E. (2016), « Recycler les revenus issus des politiques de tarification du carbone : transformer les coûts en opportunités », I4CE - Institute for Climate Economics. 132 1. Planifier l?utilisation des revenus carbone dès la conception des politiques de tarification du carbone et établir des objectifs pluriannuels et des lignes directrices pour l?affectation de ces revenus, de manière à assurer la stabilité des règles pour les acteurs économiques, et construire la confiance du public dans la fiscalité environnementale ; 2. Engager une consultation publique avec les parties prenantes afin d?identifier clairement les priorités en matière de dépenses et de garantir leur soutien ; 3. Réaliser les études d?impact nécessaires sur les effets de la composante carbone et de l?utilisation de ses recettes, sur les plans environnemental, économique (par secteur d?activité et taille d?entreprise) et social (par niveau de vie), en intégrant explicitement les dimensions territoriales ; 4. Déterminer des points d?étape pour actualiser les objectifs et le plan de dépenses des recettes afin d?améliorer leur efficacité environnementale et économique ; 5. Développer des garanties pour compenser les bénéficiaires des recettes en cas de manque à gagner sur les revenus attendus ; 6. Communiquer régulièrement au public sur les progrès de la transition énergétique et encourager la transparence sur l?efficacité des politiques de tarification du carbone et l?affectation des recettes ; 7. Identifier les moyens de maximiser l?utilité de ces revenus carbone. A titre d?exemple, étudier comment maximiser leur effet levier pour attirer des financements privés additionnels, en particulier pour les projets à grande échelle. 133 Avis sur l?opportunité d?une accélération de la trajectoire de la composante carbone Cet avis a été adopté à l?unanimité des membres présents lors de la séance plénière du 10 janvier 2017 A la demande de la Conférence environnementale 2016, le Comité pour l?économie verte (CEV) a examiné les conditions pour adapter la trajectoire de prix du carbone dans un contexte de prix du pétrole bas. Ceci l?avait tout d?abord conduit à définir des principes généraux pour l?utilisation des recettes de la composante carbone, notamment de transparence et d?évaluation systématique de l?impact des choix41. Le présent avis porte sur l?opportunité d?accélérer la trajectoire de la composante carbone pour éviter un relâchement des efforts de réduction des émissions de CO2, et accélérer le financement de la transition écologique. Au-delà des différences d?appréciation entre parties prenantes sur la balance entre opportunités et risques d?une telle accélération, il souligne que la composante carbone ne doit pas être conçue comme un impôt supplémentaire de rendement accroissant les prélèvements, ni comme une recette d?appoint pour équilibrer les comptes publics. Ces recettes devraient être utilisées pour financer la transition écologique dans le respect des dispositions adoptées au 4° du II de l?article 1er de la loi sur la transition énergétique pour une croissance verte42. Le contexte actuel des marchés des combustibles fossiles justifie ce réexamen Lors de son introduction en 2014, les scénarios sous-tendant le barème de la composante carbone avait été établis sur la base d?un prix du pétrole durablement élevé. Depuis l?entrée en vigueur de cette disposition, les prix du pétrole ont fortement chuté, de sorte que, sur les dernières années, la hausse de la fiscalité sur l?énergie liée à la composante carbone a été plus que compensée par la baisse des prix de l?énergie. A titre d?ordre de grandeur, une diminution 41Cf. Avis du Comité pour l?économie verte sur les principes d?utilisation des recettes du relèvement de la composante carbone, 2016. 42 Article L.100-2 : « Pour atteindre les objectifs définis à l'article L. 100-1 l'Etat, en cohérence avec les collectivités territoriales et leurs groupements et en mobilisant les entreprises, les associations et les citoyens, veille, en particulier, à : (?) 4° Procéder à un élargissement progressif de la part carbone, assise sur le contenu en carbone fossile, dans les taxes intérieures de consommation sur les énergies, dans la perspective d'une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre, cette augmentation étant compensée, à due concurrence, par un allègement de la fiscalité pesant sur d'autres produits, travaux ou revenus ; 134 du prix du pétrole de 40 ¤/baril43 représente environ 100 ¤/tCO2. En comparaison, le prix du carbone est de 30,5 ¤/tCO2 en 2017 (après 22 ¤/tCO2 en 2016), conformément à la trajectoire définie par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV). Celle-ci a en effet repris la référence-cible de 100 ¤ à l?horizon 2030 qui avait été établie par le rapport au Premier ministre sur « la valeur tutélaire du carbone », dit rapport Quinet (2009), ainsi que son approche d?une montée en régime très progressive du prix du carbone. Ce rapport avertissait cependant que : « les valeurs carbone proposées restent valables pour un prix du pétrole compris entre 50 et 100 euros le baril et pour un prix du charbon compris entre 60 et 120 euros la tonne. Une révision pourrait devenir nécessaire si la tendance de prix des énergies fossiles s?écartait durablement de cette fourchette ». Une réflexion sur les valeurs de référence du carbone paraît également nécessaire au vu de l?objectif climatique mondial instauré par l?accord de Paris. La faiblesse des prix de l?énergie fossile depuis la fin 2014 (cf. graphique ci-dessous qui souligne que si les prix du pétrole ont diminué ces dernières années, ils ne cessent de varier de manière substantielle) pose la question de l?adaptation de la trajectoire initialement prévue à ce nouveau contexte : faut-il profiter des prix bas de l?énergie pour accélérer la trajectoire de la composante carbone ? En dépit de la probable remontée des cours du pétrole dans les prochaines années, mais à un horizon incertain compte-tenu des révisions concernant les perspectives de demande, quels risques fait peser un bas prix final des combustibles fossiles sur les comportements de réductions des émissions de CO2 ? Graphique ? Prix du pétrole (Brent) Source : Insee Eléments d?évaluation Afin d?apprécier les impacts d?une éventuelle accélération de la trajectoire carbone, le CEV a réuni les éléments d?évaluation disponibles et sollicité de nouvelles simulations. Ces dernières ont été calibrées sur une hypothèse conventionnelle de travail homogène, suivant laquelle cette accélération aurait pris la forme d?une application dès le 1er janvier 2017 d?une valeur du carbone de 39 ¤/tonne de CO2, égale à la valeur prévue pour 2018. Dans ce scénario, le signal- 43 Soit l?écart entre le prix du pétrole qui prévalait jusqu?à la mi-2014 et son niveau à l?automne 2016. 135 prix passait, à titre d?exemple, à compter du 1er janvier 2017, d?un taux de 22 ¤/tonne de CO2 à un taux de 39 ¤/tonne de CO2. Cette hausse supplémentaire de 8,5 ¤/tonne de CO2 par rapport au taux pour 2017 représente environ 2c¤/L, soit une hausse du prix TTC d?environ +1,8 % pour le super, de +2,5 % pour le gazole, et de +4,4 % pour le fioul domestique. Compte tenu de l?assiette de la composante carbone, la hausse s?applique principalement à l?ensemble des émissions diffuses du transport (133 MtCO2éq. en 2013) et du résidentiel ? tertiaire (87 MtCO2éq.). L?impact correspondant par ménage s?élève à 40 ¤/an, le poids de la composante carbone dans son ensemble atteignant alors environ 160 ¤ par ménage et par an44. A titre de comparaison, la baisse des prix de l?énergie depuis 2013 leur a procuré un gain de pouvoir d?achat de 450 ¤/an. En poids relatif, l?impact est sensiblement plus élevé pour les ménages les plus modestes, appartenant au premier décile de la distribution des revenus. En termes de recettes fiscales, cette augmentation, appliquée aux tarifs de la TICPE, devrait permettre d?engendrer plus de 1,5 Md¤ de recettes supplémentaires en 2017. S?agissant de l?évaluation de l?impact sur les entreprises, et donc sur la compétitivité-prix, il faut rappeler que sont exonérées de composante carbone : les entreprises soumises à l?EU- ETS, les industries intensives en énergies soumises à un risque important de fuite du carbone, et les entreprises exonérées totalement ou partiellement de « TIC » (transports routiers, taxis, pêche, agriculture?). Seraient donc essentiellement impactées les entreprises du tertiaire et les entreprises industrielles non intensives en énergie45. Pour apprécier l?impact sur les émissions de CO2, on peut s?appuyer sur les méta-analyses récentes, qui synthétisent l?ensemble des résultats disponibles sur la sensibilité de la consommation énergétique à son prix, qui estiment les élasticités correspondantes à -0,2/0,3 à court-terme et -0,6 à long-terme. En d?autres termes, une hausse de 10 % du prix de l?énergie réduit la demande de 6 % à long terme. Ce mécanisme explique que la baisse de la consommation énergétique finale, corrigée des variations climatiques, se soit interrompue en 2015, alors qu?elle s?établissait à -0,9% par an entre 2008 et 2014. Le CEV n?a pas examiné, au-delà, les impacts sur la croissance et l?emploi, ce qui nécessiterait de recourir à des modèles macroéconomiques46. 44 En tenant compte de la hausse de TVA induite par la hausse de la composante carbone. 45 A hauteur de 0,02 % de leur valeur ajoutée pour les premières, et de 0,08 % pour les secondes, si l?on extrapole les estimations réalisées en 2009 par l?Ademe. A cet égard, les éléments d?étude d?impact dont on dispose actuellement mériteraient d?être actualisés en appréciant précisément les impacts en fonction des secteurs et de la taille des entreprises, notamment les TPE/PME. 46 A cet égard, les travaux macroéconomiques réalisés dans le cadre de la Stratégie nationale bas carbone indiquaient que l?application de la trajectoire de la composante carbone jusqu?en 2030 devrait permettre d?atteindre à la fois un gain écologique et un gain économique, estimé par le modèle ThreeMe à 0,2 pt de PIB en 2035, dans le cas où les recettes sont utilisées pour baisser les impôts des ménages et les cotisations sociales employeurs. Les travaux qui avaient été réalisés antérieurement par le Comité « trajectoires 2020-2050 vers une trajectoire sobre en carbone », sous la présidence de Christian de Perthuis (2012) estimaient que la mise en place d?une taxe carbone « sans recyclage des revenus », le produit de la taxe allant simplement alléger le solde des Finances publiques, conduisait à une baisse de l?activité économique et de l?emploi. En revanche, l?impact était jugé favorable en cas de recyclage sous forme de baisse des charges sur le travail supportées par les entreprises, l?effet étant accru avec un recyclage « hybride », combinant baisse de ces charges et soutien à l?innovation. 136 Sur les conditions d?une accélération de la trajectoire carbone et de son opportunité Après avoir analysé les conséquences d?une telle accélération de la trajectoire de la composante carbone, à l?aide des éléments d?évaluation disponibles, les membres du CEV restent partagés quant à son opportunité. Toutefois, les objections portent plus en fait sur la capacité à construire un projet d?ensemble satisfaisant que sur le renforcement du signal-prix carbone dans le contexte actuel. A cet égard, les membres du CEV, à l?exception des représentants des entreprises, signalent les relâchements de comportements déjà à l?oeuvre et souscrivent donc pleinement à l?opportunité que constitue cette accélération qui, tout en ayant un impact limité sur la facture énergétique des ménages et des entreprises, permettrait de dégager des sources de financement pour la transition énergétique et écologique : augmentation du montant du chèque énergie, aides plus fortes aux rénovations des logements, stimulation des investissements dans la transition énergétique du secteur privé dont des aides pour le renouvellement du matériel productif. Ceux-ci soulignent que le financement de la transition énergétique et écologique est essentiel si la France veut respecter ses engagements internationaux en matière de réduction d?émissions de gaz à effet de serre : alors que la France a été en première ligne dans le cadre de la COP21 et de la ratification de l?accord de Paris par le plus grand nombre, consolider la volonté politique d?assurer et de sécuriser le financement de la transition énergétique serait un signal positif quant à la volonté de la France d?assumer ses engagements. Ils constatent que le montant actuel des financements climat demeure insuffisant au regard des objectifs fixés dans la Stratégie nationale bas-carbone. Dans cette perspective, ils recommandent que les recettes générées par les futures augmentations, indépendamment d?une éventuelle accélération de la trajectoire de la composante carbone, soient affectées à des dépenses en lien avec l?objectif de transition écologique en intégrant sur ce plan des objectifs de recherche, d?innovation et d?efficacité. A l?exception des représentants des entreprises qui sont opposés à une utilisation intégrale des recettes de la composante carbone à cet objet, les autres membres demandent que ce soit l?ensemble des recettes de la composante carbone qui soient affectées à de telles dépenses. Les membres du CEV s?étonnent ainsi de ne pas avoir été consultés sur l?utilisation des recettes générées par l?augmentation de 22 à 30,5 ¤/tCO2 de la Contribution Climat Énergie en 2017 et rappellent qu?il n?y a pas de consensus sur les bénéfices supposés du double dividende au sein du comité. Ces recettes devraient donc servir à financer l?ensemble des politiques publiques relatives à la transition énergétique dans ses différentes composantes (maîtrise de l?énergie, lutte contre la précarité énergétique, production d?énergie renouvelable sous toutes ses formes, ainsi qu?au financement de l?adaptation au changement climatique), et profiter à tous les acteurs de la société engagés dans ce processus : les ménages, les entreprises et les collectivités territoriales. A ce stade, les représentants des entreprises sont en revanche opposés à l?accélération de cette trajectoire compte tenu des enjeux de compétitivité. Ils mettent notamment en avant le contexte macroéconomique dégradé en rappelant que si l?érosion de l?emploi industriel s?explique en partie par des gains de productivité et par l?externalisation de certaines fonctions vers les services, la France est, depuis une dizaine d?années, l?un des pays développés où le mouvement de désindustrialisation est le plus fort. Ils pointent aussi le manque d?explications des pouvoirs publics sur l?usage des revenus additionnels de la taxation. Pour ceux-là, la trajectoire existante, qui a été intégrée dans la loi sur la transition 137 énergétique pour une croissance verte (LTECV) et mise en oeuvre dans les récentes lois de finances, est déjà ambitieuse et a le mérite de fournir une bonne lisibilité dans le temps. Par ailleurs, pour les représentants des entreprises, cette accélération porte le risque d?une hausse des prélèvements obligatoires et pourrait nuire à la compétitivité de certaines entreprises47. Ceux-là insistent donc sur la nécessité que le développement de la composante carbone s?intègre dans une stratégie de réduction de la pression fiscale et dans un cadre stable et clairement défini par les pouvoirs publics d?usage des revenus additionnels liés à cette éventuelle accélération. Ce cadre stable pourrait notamment privilégier le financement sur le moyen-long terme de l?innovation en faveur des solutions bas carbone compétitives sur le plan international et présentant un retour positif pour les entreprises localisées sur le territoire national. A cet égard, ils considèrent que l?ensemble des études réalisées sur la fiscalité carbone ne permet pas de piloter la trajectoire de la taxe carbone. Ils considèrent qu?en l?état, on ne dispose pas d?étude d?impact économique et social spécifique de la trajectoire de taxe carbone, en particulier sur la compétitivité des entreprises exposées à la concurrence internationale. Ils demandent qu?une telle étude d?impact spécifique et un cadrage pluriannuel de l?utilisation de sa recette envisageant une hypothèse de remontée des prix du pétrole soient réalisés, possiblement via l?Ademe, en préalable à toute modification de sa trajectoire48. Une telle étude devrait ainsi insister sur les effets de la taxation au regard de la compétitivité intracommunautaire, seules les entreprises françaises étant soumises à la composante carbone. Ils rappellent de plus que la LTECV dispose à son article 1er que la hausse de la composante carbone dans les énergies doit être compensée, à due concurrence, par un allègement de la fiscalité pesant sur d'autres produits, travaux ou revenus et qu?ils demeurent attachés à l?application de cette disposition prévue par la loi. Enfin, ils insistent sur la nécessité, pour l?acceptabilité de cet impôt, qu?il soit compris de l?ensemble des contribuables qui le supportent (ménages et entreprises). En dépit des controverses sur les choix précis d?utilisation des recettes, deux éléments de cadrage jugés incontournables sont pointés : il est nécessaire de prévoir des compensations pour certains ménages et certaines entreprises ; et le dispositif mis en place ne doit pas entraîner de transferts importants entre ménages et entreprises, d?autant que la fiscalité indirecte pesant sur les ménages est déjà élevée. Plus généralement, il convient d?examiner soigneusement les transferts induits et leurs conséquences, y compris au sein des entreprises. 47 La CPME qui n?avait pu être présente lors de cette séance plénière, et n?a donc pas pu prendre part au vote, a indiqué postérieurement l?importance qu?elle attachait à ce risque et par là la nécessité, de son point de vue, de s?inscrire strictement dans la mise en oeuvre des dispositions adoptées au 4° du II de l?article 1er de la loi sur la transition énergétique pour une croissance verte. 48Dans cette perspective, le CEV se propose d?examiner le type de règles pouvant être mis en oeuvre en cas de variabilité importante des prix des matières énergétiques. Le CEV devrait être également saisi pour examiner les impacts de la composante carbone des TIC en cas de projet d?évolution de la trajectoire carbone de long terme (2050 notamment) à l?échelle de l?Union européenne. 138 Annexe 4 Lettre de mission du Comité pour l?Économie Verte 139 140 141 Avant-propos du Président du Comité pour l?économie Verte, Dominique Bureau Partie 1 La fiscalité environnementale I- Constat 1. Principaux chiffres 2. Évolutions récentes II- Avis du Comité 1. Énergie-climat 2. Lutte contre les pollutions et les nuisances Partie 2 Mobilisation des financements privés pour la transition énergétique et écologique I- Constat II- Avis du Comité 1. Juillet 2015: Labellisation 2. Novembre 2015: Prise en compte de l?exposition aux risques climatiques 3. Juillet 2016: Financements pour la croissance verte Partie 3 La gestion durable des ressources I- Artificialisation des sols 1. Constat 2. Avis du Comité II- Pollution de l?eau 1. Constat 2. Avis du Comité III- Gestion durable de la faune et de la flore 1. Constat 2. Avis du Comité IV- Les problématiques liées aux milieux littoraux et marins Annexe 1 Liste des membres du Comité pour l?Économie Verte Animation du secrétariat général du Comité Annexe 2 Avis du Comité pour la Fiscalité Écologique Annexe 3 Avis du Comité pour l?Économie Verte Constatant que les enquêtes épidémiologiques, s?appuyant en particulier sur les observations réalisées dans des cohortes de sujets exposés professionnellement, évoquaient l?implication de pesticides dans plusieurs pathologies, notamment des pathologies cancéreuses, des maladies neurologiques et des troubles de la reproduction, il avait été demandé à l?INSERM d?expertiser ce sujet. Le rapport d?expertise collective correspondant, remis en 2013, observait en effet, en préambule, que« même si la disponibilité et l?utilisation des pesticides sont encadrées par des réglementations, la question du risque demeure présente ». Il concluait notamment qu?il existe une présomption forte de lien entre l?exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l?adulte : lymphomes non Hodgkinien, cancer de la prostate, myélome multiple, maladie de Parkinson. Par ailleurs, il existe une présomption forte que les expositions aux pesticides intervenant au cours de la période prénatale et périnatale ainsi que la petite enfance soient particulièrement à risque pour le développement de l?enfant. Avis sur la labellisation des fonds d?investissements pour la transition énergétique et écologique du 16 juillet 2015 Finance verte et transition écologique Avis du 29 octobre 2015 portant diagnostic sur la prise en compte de l?exposition aux risques associés au changement climatique et la contribution au respect de l?objectif de limitation du réchauffement climatique par les investisseurs institutionnels Avis diagnostic sur le suivi des financements liés à la transition énergétique et au climat en France Annexe 4 Lettre de mission du Comité pour l?Économie Verte INVALIDE) (ATTENTION: OPTION ©ger les végétaux des organismes nuisibles pour les cultures, en les détruisant ou en rendant les végétaux moins vulnérables à leur action. Depuis plus d?une soixantaine d?années, ils contribuent au développement agricole qu?a connu la France, notamment par l?assurance de rendements plus réguliers des exploitations. Le développement agricole permet en particulier de répondre à une demande croissante de consommation : à cet égard, les produits agroalimentaires constituent, après le matériel de transport, le deuxième excédent de la balance commerciale de la France (11,5 Md¤ en 201310). Juste après 1945, les produits phytosanitaires ont participé à la sécurisation des rendements, ont contribué à restaurer la sécurité d?approvisionnement alimentaire du pays et participé à l?essor des exportations, même si des pratiques plus récentes, économes en intrants ou biologiques, concourent également au développement agricole. Les produits phytosanitaires améliorent en effet la sécurité sanitaire des produits agricoles, permettent d?éviter notamment les mycotoxines et les alcaloïdes, dangereux pour la santé humaine et animale. Ils permettent par ailleurs d?augmenter la durée moyenne de conservation des denrées alimentaires et contribuent ainsi à réduire le gaspillage alimentaire tout au long de la chaîne, de la production à la distribution et jusque chez le consommateur (production, stockage, transport, conservation). Au total, les agents économiques impliqués dans la chaîne de production (agriculteurs, producteurs de produits phytosanitaires et metteurs sur le marché, industrie agroalimentaire) ont directement bénéficié du développement agricole, et plus largement les consommateurs, qui ont ainsi bénéficié de produits agro-alimentaires dont la sécurité sanitaire est garantie, et à, des prix abordables. Toutefois, l?utilisation des produits phytosanitaires a également des conséquences sur l?environnement, dont on mesure aujourd?hui les effets : ? l?utilisation de produits phytosanitaires se traduit par une dispersion importante dans les eaux (eaux de surface et eaux souterraines). Le dernier rapport sur l?état de l?environnement en France11 constatait notamment que les cours d?eau sont touchés en premier par la présence de pesticides et que les nappes sont également polluées par ces derniers, constituant la première cause de déclassement au titre de la directive-cadre sur l?eau. Dans 18 % des points de mesures des nappes souterraines, les concentrations totales dépassent les normes de qualité. C?est également le cas dans 5 % des points de mesures des eaux superficielles ; ? les produits phytosanitaires sont aussi détectés dans les sols, notamment ceux qui se fixent aisément sur la matière organique (chlordécone par exemple, qui reste présente dans les sols de la Martinique et de la Guadeloupe plus de dix ans après son interdiction) ; ? les produits phytosanitaires peuvent également être retrouvés dans l?air, avec des concentrations dans l?atmosphère très dépendantes du site (rural ou urbain), des cultures avoisinantes ou des conditions climatiques. Ces conséquences de l?utilisation des produits phytosanitaires sont, au sens économique, des externalités soit entre entreprises, soit entre entreprises et ménages, et induisent un coût pour la société dans son ensemble qui reste encore à évaluer. L?étude réalisée en 2011 par le 10 Cf. GraphAgri France 2014, « Commerce extérieur agroalimentaire », Ministère de l?agriculture, de l?alimentation et de la forêt. 11 Source : « L?environnement en France ? édition 2014 », Références, Service de l?observation et des statistiques (SOeS), Ministère de l?écologie, du développement durable et de l?énergie, pages 58-62. 91 Commissariat général au développement durable12 pour appréhender les conséquences de la présence de pesticides pour la distribution d?eau potable, évaluait ainsi à 260-360 M¤ par an les coûts de « potabilisation de l?eau » du fait de la présence de produits phytosanitaires (respect des normes de qualité relative à la concentration en pesticides). Répondant au souci que les politiques environnementales soient fondées sur une évaluation précise des coûts des dommages que l?on cherche à prévenir, ce chiffrage fournit au moins un premier ordre de grandeur pour évaluer les bénéfices des politiques visant à maitriser l?usage des pesticides, les coûts de potabilisation considérés pesant in fine sur le pouvoir d?achat des consommateurs d?eau. Cette évaluation n?intègre pas toutefois les coûts associés aux pollutions de l?air et des sols, ni ceux dus aux risques sanitaires encourus ou à la biodiversité. En effet, la présence des produits phytosanitaires dans les différents milieux a par ailleurs des conséquences en termes de biodiversité : elle contribue (avec le changement climatique et l?artificialisation du foncier) à la régression d?insectes intervenant dans la chaîne trophique et l?appauvrissement des sols, ou la régression d?insectes pollinisateurs essentiels, notamment pour la production de fruits et de légumes. Les produits phytosanitaires présentent également des risques pour la santé des populations exposées. À ce titre, ces produits font l?objet de réglementation pour leur mise sur le marché, la grande majorité des pesticides utilisés en agriculture (pour la protection des cultures, y compris pendant leur stockage) ou en zone non agricole (par exemple, le désherbage des voi- ries) et pour le jardin et le domicile des particuliers dépendant du règlement européen (CE) n°1107/2009 des produits phytopharmaceutiques, entré en vigueur le 14 juin 2011 et qui suc- cède à la directive 91/414/ CEE, précédent texte de référence en application en France, depuis 1993. Constatant que les enquêtes épidémiologiques, s?appuyant en particulier sur les observations réalisées dans des cohortes de sujets exposés professionnellement, évoquaient l?implication de pesticides dans plusieurs pathologies, notamment des pathologies cancéreuses, des maladies neurologiques et des troubles de la reproduction, il avait été demandé à l?INSERM d?expertiser ce sujet. Le rapport d?expertise collective correspondant, remis en 201313, observait en effet, en préambule, que « même si la disponibilité et l?utilisation des pesticides sont encadrées par des réglementations, la question du risque demeure présente ». Il concluait notamment qu?il existe une présomption forte de lien entre l?exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l?adulte : lymphomes non Hodgkinien, cancer de la prostate, myélome multiple, maladie de Parkinson. Par ailleurs, il existe une présomption forte que les expositions aux pesticides intervenant au cours de la période prénatale et périnatale ainsi que la petite enfance soient particulièrement à risque pour le développement de l?enfant. Il faut cependant signaler que la très grande majorité des substances identifiées par le rapport de l?Inserm comme ayant une présomption de lien moyenne ou forte avec la survenue d?effets sur la santé concerne des substances aujourd?hui interdites14. Concernant les autorisations de mise sur le marché des autres substances identifiées par le rapport de l?Inserm, l?Anses recommande de prendre en compte l?ensemble des éléments disponibles lors de la soumission du dossier de demande de renouvellement de l?approbation. 12 O. Bommelaer et J. Devaux (2011), « Coûts des principales pollutions agricoles de l?eau », Études et Documents n°52, Commissariat général au développement durable, septembre 2011. 13 INSERM (2013), « Pesticides, effets sur la santé », rapport d?expertise collective, juin 2013. 14 Cf. avis de l?Anses du 3 juin 2014 relatif au rapport d?expertise collective de l?Inserm « Pesticides. Effets sur la santé » 92 Il convient de noter que les pratiques agricoles ont évolué, avec notamment une formation de tous les utilisateurs de produits phytosanitaires, une meilleure maîtrise de leur utilisation, un recours plus important aux outils d?aide à la décision, la large diffusion de bulletins de santé des végétaux, un matériel de pulvérisation contrôlé, l?implantation de bandes enherbées le long des cours d?eau, une évolution des assolements, le choix de semences et plants moins sensibles. Les pratiques économes en intrants ou biologiques concourent à un développement agricole soutenable, soucieux de l?environnement et permettent d?éviter que l?emploi répété, sur de grandes surfaces, d?une même substance active ne génère des problèmes de résistance, en conduisant au développement de populations du bio-agresseur résistantes. Par ailleurs, il est reconnu que dans le contexte de changement climatique actuel, les pratiques agricoles doivent évoluer. De son côté, la chimie a l'ambition d'être un fournisseur de réponses aux enjeux du développement durable, notamment en accélérant la mise sur le marché de solutions éco-conçues et en systématisant les analyses de cycle de vie ou d'impact des produits pour que soient bien intégrés les enjeux environnementaux. Dans ce contexte, l?objet de cet avis porte sur l?évaluation des outils économiques pour une utilisation optimale des produits phytosanitaires. Il se place exclusivement dans une logique incitative de modification des comportements, en prenant le cadre réglementaire existant, notamment en matière d'autorisation de mise sur le marché, comme donné. Il n?a pas non plus pour objectif d?établir une analyse coûts-bénéfices pour porter un jugement absolu sur l?utilisation des produits phytosanitaires. Il s?agit au contraire d?identifier les instruments les plus efficaces pour réduire les impacts négatifs notamment par une réduction globale de l?usage. I.2. Mesure du recours aux produits phytosanitaires et évolution sur longue période En 2013, 66,7 kt de substances actives de produits phytosanitaires ont été vendues en France, la situant au deuxième rang européen après l?Espagne (69,6 kt). Ce chiffre est à mettre en regard de l?importance de la production agricole française. Celle-ci représente en effet 18 % de la production agricole de l?Union européenne, la France étant également le pays européen disposant de la plus vaste surface agricole utile (16 % de la surface agricole utile de l?Union européenne). L?usage de ces substances est essentiellement agricole, les autres usages concernant les jardins et potagers, ainsi que les grandes infrastructures linéaires. Lorsqu?on rapporte les quantités vendues à la surface agricole utile, la France se situe désormais au 9 ème rang européen, avec 2,3 kg de substances actives vendues par hectare15 (après s?être trouvée au 6ème rang en 2005 avec 4,0 kg de substances actives par ha). Depuis le début des années 1960, les ventes de produits phytosanitaires, mesurées par leur tonnage, ont connu une progression continue jusqu?au début des années 1990, puis se sont sta- bilisées et ont amorcé une diminution depuis la fin des années 1990. Le tonnage de substances actives vendues en France a diminué de 40% entre 1999 et 200616. Cependant, l?analyse des seules quantités vendues de produits phytosanitaires ne fournit qu?une vue partielle du recours à ces produits, puisqu?elle ne prend pas en compte les substitutions de produits phytosanitaires par des produits plus efficaces et utilisés par conséquent en plus faible dose. L?indicateur du nombre de dose-unités (NODU) vise à y remédier et constitue donc un progrès, dans le sens où il permet de s?affranchir des effets de 15 Source : Eurostat, cité par le projet de plan Ecophyto II soumis à consultation publique : http://agriculture.gouv.fr/Consultation-publique-Ecophyto-II 16 Données UIPP 93 http://agriculture.gouv.fr/Consultation-publique-Ecophyto-II substitution liés à l?usage de nouvelles substances actives. Il constitue l?unité de compte retenue pour suivre le recours aux produits phytosanitaires dans le cadre du premier plan Ecophyto. En intégrant cet indicateur, le rapport Potier17 constate une relative stabilité du recours aux produits phytosanitaires entre 2009 et 2012, qui doit cependant être appréhendée en tenant compte de la variabilité des conditions météorologiques annuelles. Cependant, l?indicateur NODU ne tenant compte que des doses moyennes d?usage estimé, il reste souhaitable, plus généralement, de continuer à perfectionner les indicateurs pour mieux objectiver la situation. I.3. Les leviers réglementaires et techniques et de maîtrise du recours aux produits phytosanitaires Comme il a été rappelé ci-dessus, l?encadrement du recours aux produits phytosanitaires s?inscrit dans un cadre réglementaire européen, constitué notamment de la réglementation relative à l?usage des substances chimiques18 et des différents textes du « paquet pesticides »19. En particulier, les produits phytosanitaires font l?objet d?une autorisation de mise sur le marché, sur la base d?une évaluation nationale au regard notamment des risques sanitaires et environnementaux causés par les produits. L?encadrement du recours aux produits phytosanitaires s?inscrit également dans le cadre réglementaire français, notamment la loi d?avenir pour l?agriculture, l?alimentation et la forêt d?octobre 2014, qui promeut les systèmes agro-écologiques, ou l?arrêté du 19 septembre 2014, qui supprime certaines dérogations pour les épandages aériens de produits phytosanitaires. Par ailleurs, il existe des leviers techniques pour encourager les pratiques agricoles basses en intrants, à même de limiter l?usage, les risques et l?impact des produits phytosanitaires. Ces leviers incluent notamment l?accompagnement des agriculteurs, leur formation pour encoura- ger des pratiques agricoles basses en intrants (plus de 250000 formations Certiphyto en 6 ans soit environ 70% des agriculteurs professionnels), le conseil agréé, le recours aux outils d?aide à la décision, l?amélioration du matériel de pulvérisation, des semences et plants moins sensibles aux maladies et/ou aux ravageurs, la recherche sur des produits phytosanitaires moins dangereux tant pour la santé que pour l?environnement... Ces leviers rejoignent les ou- tils structurants mis en place dans le cadre du plan Ecophyto. Ils visent notamment à modifier de façon durable l?environnement technique des agriculteurs (réseaux de fermes de démons- tration, épidémiosurveillance, diffusion du progrès technique). Plus généralement, il s?agit de mobiliser les leviers se situant dans une perspective de « production intégrée », en intégrant sur des bases scientifiques et techniques renouvelées la gestion des bioagresseurs dans la conception des systèmes de culture et de production, la « santé des systèmes de culture » dé- passant la « lutte contre les ennemis des cultures. » I.4. Un objectif de réduction de moitié du recours aux produits phytosanitaires d?ici 2025 Lancé en 2008, le plan Ecophyto avait pour objectif de réduire de moitié le niveau de l?indicateur NODU, dans un délai de dix ans si possible. 17 « Pesticides et agro-écologie, les champs du possible », rapport de Dominique Potier, député de Meurthe-et- Moselle, au Premier Ministre, décembre 2014. 18 Système REACH qui organise l?autorisation des substances et règlement « CLP » qui en spécifie la classification, l?étiquetage et l?emballage. 19 Notamment le règlement 1107/2009 qui fixe les procédures d?autorisation de mise sur le marché et la directive 2009/128 d?utilisation des produits phytosanitaires compatible avec le développement durable. 94 Néanmoins, le plan n?a pas fourni les résultats escomptés. Dans ce cadre, un plan Ecophyto II a été annoncé et soumis à consultation publique en juin 2015, co-piloté par le Ministre de l?agriculture, de l?alimentation et de la forêt et la Ministre de l'écologie, de développement durable et de l'énergie, avec un objectif réaffirmé en deux temps : une diminution du recours aux produits phytosanitaires de 25 % d?ici 2020 et 50 % d?ici 2025, ce qui nécessitera de disposer et de diffuser des solutions alternatives efficaces comme facteur d?atteinte du nouveau plan. Le plan Ecophyto II se nourrit des recommandations effectuées dans le cadre du rapport du député Dominique Potier, remis en décembre 2014 à la demande du Premier Ministre en vue de la préparation de ce plan. La priorité in fine doit être la réduction des risques et des impacts liés à l?utilisation des produits phytosanitaires. I.5. Les instruments économiques existants ou à venir : la redevance pour pollutions diffuses et les certificats d?économie de produits phytosanitaires Les conséquences négatives sur l?environnement et la santé de l?utilisation des produits phytosanitaires induisent un coût économique pour la société dans son ensemble (voir I.1). Les instruments économiques incitatifs constituent dès lors des outils légitimes pour orienter les comportements, réduire ce coût total et le répartir de façon optimale entre les agents économiques20. À cet égard, les instruments économiques directement liés à l?utilisation des produits phytosanitaires sont actuellement de trois sortes : ? la fiscalité écologique avec la redevance pour pollutions diffuses et la taxe permettant de financer le dispositif de phytopharmacovigilance de l?ANSES21 ; ? le dispositif de certificats d?économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), en cours de finalisation, dont la mise en place est prévue à titre expérimental dans le cadre de la loi d?avenir pour l?agriculture, l?alimentation et la forêt d?octobre 2014 ; ? les aides incitatives à la réduction d?usages des produits phytopharmaceutiques (dont certaines mesures agro-environnementales et climatiques du deuxième pilier de la PAC) voire à l?arrêt de leur usage (aides à la conversion bio). Cependant, ces aides s?inscrivant dans un cadre plus global, non nécessairement lié aux seuls produits phytosanitaires, elles ne seront pas abordées plus en détail dans la suite. Se plaçant dans une logique incitative, « d?internalisation des coûts externes » dans les comportements des agents privés, la fiscalité environnementale permet d?intégrer, dans les coûts supportés par les agents économiques, ceux qu?ils font porter à d?autres agents du fait de leurs activités, en l?espèce, par exemple, les coûts de potabilisation de l?eau. L?utilisation 20 Il s?agit du « principe pollueur-payeur », popularisé par l?OCDE. Plus spécifiquement, voir l?article 9 de la Directive cadre sur l?eau, la dernière communication de la Commission européenne datée du 9 mars 2015 et intitulée « Directive-cadre sur l'eau et directive sur les inondations - mesures à prendre pour atteindre le «bon état» des eaux de l'Union européenne et réduire les risques d'inondation », le rapport annuel de la Cour des comptes de 2010, le rapport du Conseil d?Etat intitulé « L?eau et son droit » de 2010. 21 Cette taxe, applicable à compter de 2015, et dont le rendement est affecté au financement de la mise en place du dispositif de phytopharmacovigilance, est due par tout titulaire d?une autorisation de mise sur le marché ou d?un permis de commerce parallèle d?un produit phytopharmaceutique. Son taux est égal à 0,2 % des ventes des produits phytopharmaceutiques, hors exportations ou à destination d?un pays de l?Union européenne, ou 0,1 % des ventes de certains produits de biocontrôle. 95 appropriée des recettes générées conditionne en général l?acceptabilité de ce type de mesure fiscale en permettant de couvrir une partie des coûts supplémentaires que supportent les agents les plus vulnérables ou ceux qui modifient leurs pratiques pour réduire leur impact sur l?environnement. Elle doit notamment être conçue pour assurer que le développement de meilleures incitations ne pèse pas sur la compétitivité et l?emploi des filières concernées. La redevance pour pollution diffuses n?obéit cependant que partiellement à cette logique. Payée par les agriculteurs, collectée auprès des distributeurs de produits phytosanitaires et perçue par les Agences de l?eau, elle est assise sur les quantités de substances phytopharmaceutiques vendues avec un taux modulé suivant le degré de toxicité22. Son rendement s?élève en moyenne à 100 M¤ par an et contribue en partie à financer le plan Ecophyto. Son assiette a été élargie à cette fin en 2014, avec une augmentation de 30 %. Cette augmentation a été particulièrement impactante dans les filières qui ont un panel de solutions plus limitées. Se situant dans une logique d?obligation de mise en oeuvre de moyens plutôt que de résultats, le dispositif des CEPP viserait à soumettre les distributeurs français de produits phytosanitaires à une obligation de promouvoir, auprès de leurs clients, des actions reconnues en faveur d?un moindre recours aux produits phytosanitaires, ainsi que les agriculteurs français achetant des produits phytosanitaires à l?étranger. L?obligation serait remplie par l?acquisition de certificats d?économie, traduisant l?ampleur des différentes actions mises en oeuvre. Selon le projet de plan Ecophyto II soumis à la consultation du public, l?expérimentation, prévue à partir du 1er janvier 2016, instaurerait un objectif de réduction du NODU de 20 % la cinquième année, réparti suivant les distributeurs et rempli au travers des fiches-actions délivrées23. Ce dispositif résulte des recommandations formulées à la suite des missions d?inspection effectuées respectivement en 2013 sur la fiscalité des produits phytosanitaires et, en 2014, sur la mise en oeuvre pratique d?un tel dispositif. Il repose sur la responsabilisation des distributeurs de produits phytosanitaires pour impulser des changements de pratiques, dans l?utilisation des produits phytosanitaires. Aujourd?hui déjà, les commerciaux qui vendent des produits phytosanitaires ne sont plus rémunérés au volume, condition pour que le distributeur qui les emploie soit agréé par le MAAF. Ces changements de pratiques vont induire un coût, dont la répartition entre agents concernés (agriculteurs, distributeurs, producteurs et fournisseurs de produits phytosanitaires, industries agro-alimentaires, grande distribution, consommateurs) dépendra du partage de la valeur dans la filière, notamment de la capacité de chacun à le pouvoir répercuter sur ses prix de vente. Le rapport Potier livrait d?ores et déjà une analyse du dispositif des CEPP, dans son principe et son mode d?application. Il préconisait notamment de privilégier, dans la liste des actions possibles, celles qui ont le potentiel de réduction le plus important et qu?en outre, chaque action fasse l?objet d?un chiffrage en gain de NODU. Ce dernier point rejoint les recommandations formulées, dans le domaine de l?efficacité énergétique, par la mission d?inspection réalisée en 2014 sur le dispositif de certificats d?énergie. La mission soulignait ainsi la nécessité pour chaque certificat de représenter une économie effective d?énergie, 22 De 0,9 ¤ par kg pour les substances dangereuses relevant de la famille chimique minérale à 5,1 ¤ par kg pour les substances très toxiques, cancérogènes, tératogènes ou mutagènes. 23 À noter qu?il n?y a pas consensus entre les parties prenantes ni sur l?objectif affiché ni sur l?unité de compte retenue. 96 notamment par la révision régulière des gains associés aux différentes actions, fondée sur des analyses ex post. Enfin, les risques de développement des fraudes doivent également être pris en considération et gérés. L?importation et l?utilisation de produits phytopharmaceutiques non réglementaires et de produits chimiques non identifiés (PCNI) est un phénomène qui s?amplifie depuis le début des années 2000. De nombreux principes actifs sont contrefaits et les produits phytopharmaceutiques frauduleux présentent des risques inconnus dont les agriculteurs peuvent être les premières victimes. Ces principes actifs interdits peuvent également être retrouvés dans l?eau. L?augmentation régulière de la fiscalité sur les produits phytopharmaceutiques français et les distorsions de disponibilité de produits phytosanitaires de part et d?autres des frontières (malgré un appui sur des règlements européens pour la délivrance des Autorisations de Mise sur le Marché, le nombre de produits autorisés en France est nettement moindre que dans les États Membres voisins) encouragent des distributeurs étrangers installés à proximité des frontières à cibler aussi les agriculteurs français (accueil et documents en français, livraisons en France?). Les distributeurs français constatent quotidiennement, depuis de nombreuses années, le développement des achats dans les pays voisins par les agriculteurs, ce qui développe une distorsion de concurrence fiscale entre distributeurs français et étrangers. II. Recommandations Concernant le dispositif des CEPP dont l?expérimentation est à venir, le Comité a identifié les éléments suivants comme conditions nécessaires à une bonne évaluation de ce dispositif : ? les fiches actions doivent être construites en toute transparence et en particulier les modes de calcul de la baisse de NODU associée. La priorité devra être donnée aux actions qui baissent directement les usages de pesticide. En effet, il convient d?assurer une évaluation indépendante pertinente des économies potentielles permises par la mise en oeuvre des actions standardisées permettant de générer des CEPP. Cette évaluation est cruciale pour l'efficacité du dispositif et la convergence entre les économies potentielles permises par les actions standardisées et l'évolution réelle du recours aux produits phytosanitaires. Elle doit être conduite pour chaque fiche action et pour l?ensemble du dispositif. Les modalités sont à définir avant la mise en place des CEPP ; ? poursuivre les travaux d?élaboration d?indicateurs pertinents pour rendre compte du recours aux produits phytosanitaires en termes d?impacts ; ? évaluer le niveau d?objectif de réduction atteignable la cinquième année d?expérimentation au regard des solutions alternatives effectivement disponibles ; ? définir une trajectoire pour les 4 années précédentes, ce qui facilitera notamment l?évaluation et des ajustements en cours de dispositif, par exemple à mi-parcours. Il est important en effet de préserver un pas temporel pluriannuel dans l?atteinte de l?objectif afin de prendre en compte les variations des conditions météorologiques et du risque d?attaque de bioagresseurs d?une année à l?autre ; ? concernant le champ du dispositif, analyser l?intérêt d?intégrer les traitements des semences, ce qui inciterait, à développer les recherches appropriées espèce par espèce ; 97 ? être vigilant sur les effets de fuites et d?aubaines potentiels du dispositif : (i) que les gains réalisés au travers des fiches-actions ne soient compensés par un plus fort recours aux produits phytosanitaires chez ceux qui n?ont pas souscrit aux actions proposées par leurs revendeurs (effet de « fuite ») (ii) que les agriculteurs qui réduisent déjà leur usage de produits phytosanitaires en adoptant les mesures décrites dans les fiches-actions ne génèrent pas de crédit (effet d?aubaine) ; ? prévoir en amont un système d'information et de suivi statistique du dispositif afin d'en permettre l'évaluation in itinere et ex post. Cette évaluation nécessitera en particulier d?expliciter le scénario de référence, pour pouvoir isoler l?effet dû aux CEPP de ceux dus à d?autres facteurs (climatiques, etc.). Elle prévoira également de traiter les points suivants : la caractérisation d?un échantillon d?agriculteurs ayant souscrit à des fiches actions (localisation géographique, type d?exploitation, production agricole, évolution du recours aux produits phytosanitaires, dépenses en produits phytosanitaires) ; la comparaison de l?évolution du recours aux produits phytosanitaires chez les agriculteurs ayant souscrit à des fiches actions et chez ceux n?y ayant pas souscrit ; l?évolution du prix de vente des produits phytosanitaires au niveau des fabricants et au niveau des fournisseurs et distributeurs, ainsi que l?évolution des prix agricoles ; ? inscrire le dispositif dans une logique géographique locale pour que, là où les problèmes de pollution sont les plus aigus, la mobilisation des économies de produits phytosanitaires soit précoce. En outre, la question des DOM est importante, mais pourrait être traitée séparément pour prendre en compte les spécificités locales ; ? identifier le niveau de pénalités approprié24, en cas de non respect de l?objectif individuel de réduction du NODU, afin que le distributeur soit incité au respect de l?objectif qui sera fixé. La redistribution de la recette, notamment aux exploitations engagées dans ces démarches de transition, peut être utilisée pour maintenir la compétitivité agricole et favoriser les bonnes pratiques, ces modulations de restitution ne devant pas, en effet, remettre en cause l?objectif des CEPP ; ? s'assurer d'une mise en oeuvre opérationnelle du dispositif en favorisant notamment la mise à disposition d'outils permettant de simplifier autant que possible la tâche des obligés et éligibles et des gestionnaires : plateforme web de demande et comptabilisation des CEPP permettant un suivi en « temps réel » par les détenteurs de compte comme l'administration, mise à disposition d'outils de simulation des économies potentielles de NODU selon les actions promues auprès des agriculteurs et d?information sur la quantité de substance active (QSA) qui correspond aux NODU économisées pour chaque fiche- action afin d?améliorer la lisibilité du dispositif auprès des distributeurs et des agriculteurs ; ? identifier des mécanismes informationnels pouvant s?ajouter au dispositif des CEPP et en stimuler l?efficacité : par exemple, la transmission régulière, à chaque exploitant, d?une information consolidée, non nominative, sur les fiches actions souscrites par ses voisins, de façon à l?inciter à améliorer ses propres pratiques ; 24 Le montant de 11 euros par point de NODU non réduit (en cas de non réduction du NODU selon les objectifs fixés) a été avancé par le Ministre. 98 ? identifier les mécanismes incitatifs qui favorisent l?adoption des actions par les agriculteurs. Le mécanisme des CEPP a cette caractéristique d?être une mesure volontaire pour l?agriculteur qui n?est pas soumis à l?obligation de résultat imposé aux fabricants de produits phytosanitaires mais qui doit supporter le coût supplémentaire des actions de réduction d?usage de produits phytosanitaires. Le modèle économique de fourniture de produits phytosanitaire doit être repensé pour inciter les agriculteurs à adopter volontairement ces actions. Des pratiques telles que des remises sur des produits alternatifs (par exemple, produits de bio-contrôle ou agro-équipement) ou de prestation de conseils en échange de l?adoption des actions donnant droit à des crédits pourraient être identifiées et diffusées au sein de secteur en s?attachant à distinguer les missions de vente et celles de conseil. À cet égard, une piste serait de s?inspirer de l?expérience des certificats d?économie d?énergie. Parallèlement au dispositif des CEPP, et compte-tenu que l?ensemble des mécanismes incitatifs visant l?usage des phyto-sanitaires est appelé à s?enrichir et évoluer, certains membres du Comité ont identifié des instruments économiques dont ils jugent souhaitables de poursuivre l?étude dès maintenant : ? les conditions éventuelles d?évolution vers une obligation de résultat, et non plus de moyens, fixée aux distributeurs et portant sur la réduction de leur NODU, en leur laissant toute liberté sur les modalités pour y parvenir ; ? la mobilisation de la fiscalité incitative, à travers notamment la redevance pour pollutions diffuses. Ceux-ci souhaitent que les conditions du renforcement de son caractère incitatif soient mises à l?étude, dès 2015, ainsi que l?analyse de l?allocation d?une partie de sa recette fiscale comme moyen de soutenir la compétitivité agricole et les exploitations qui évoluent vers des pratiques basses en intrants. L?étude s?attacherait notamment à l?impact d?une telle fiscalité redistribuée, en termes de coûts et bénéfices pour la collectivité, ainsi que sur l?environnement économique des exploitations agricoles, comme préconisé dans l?avis du Comité pour la fiscalité écologique du 13 février 2014. 99 Avis sur la labellisation des fonds d?investissements pour la transition énergétique et écologique du 16 juillet 2015 Finance verte et transition écologique La transition écologique et énergétique nécessite un important effort d?investissement, notamment pour permettre la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et, de manière générale, la limitation de l?empreinte écologique, ainsi que pour assurer la résilience des systèmes énergétiques et urbains au changement climatique. La « finance verte » comprend le financement des investissements nécessaires à ce processus mais recouvre aussi un ensemble beaucoup plus large de pratiques puisqu?elle doit permettre une (ré)allocation du capital cohérente avec le maintien sur une trajectoire « 2°C » (atténuation) et les évolutions climatiques déjà en cours (adaptation) : comment réorienter l?investissement vers les projets qui participent à cette transformation structurelle de l?économie plutôt qu?à ceux qui la freinent ? Cette réallocation nécessite notamment une appropriation stratégique et opérationnelle des enjeux liés aux émissions de gaz à effet de serre et au risque climatique. Elle s?inscrit in fine dans une logique économico-financière, de mobilisation de tous les financements publics et privés nécessaires à la transition vers une économie décarbonée et limitant les impacts environnementaux, allant des financements traditionnels aux financements participatifs. Il est souhaitable que le capital alloué à ces investissements se développe significativement. A cette fin, davantage de projets « verts » doivent être proposés aux banques, en adéquation avec les besoins pour la transition énergétique et écologique identifiés par les travaux de prospective. Dans le même temps, une meilleure structuration des canaux et des instruments financiers offerts aux investisseurs contribueraient positivement à l?essor de l?investissement vert. Notamment, une information transparente et robuste jouera un rôle clé dans le développement de cette finance verte. Les acteurs financiers devront donc fournir plus de renseignements sur leurs stratégies de prise en compte de l?exposition aux risques climatiques, comme le font actuellement un nombre croissant d?entre eux. Un grand nombre des investissements nécessaires à la transition, notamment ceux d?infrastructure, se caractérisent par la longueur des horizons de retour sur investissement, des risques opérationnels non négligeables et des rendements potentiellement insuffisants. Les couples rendements/risques de ces activités peuvent être corrigés par des politiques visant à internaliser les externalités environnementales. Mais leurs caractéristiques en termes de risque ou maturité demeurent sources de difficultés spécifiques pour certains investisseurs. Il en va de même pour les investissements associés à l?innovation verte et son déploiement qui peuvent également présenter des couples rendement/risque relativement défavorables. 100 Quoique la reconnaissance de ces enjeux soit récente, on assiste à l?émergence de produits pour répondre à ces contraintes, aussi bien : ? En obligations tels les « Green Bonds », dont le marché se développe rapidement au niveau mondial depuis 2010 avec plus de 35 Md$ d?émissions en 2014, avec un rôle majeur joué par les acteurs français tant publics (région Ile de France, AFD) que privés (EDF, Engie). ? Et en actions (Fonds de « Private Equity » dédiés aux technologies vertes et Fonds spécialisés dans le financement des infrastructures vertes). Les « Green Bonds » sont des obligations dont les fonds levés sont dédiés au financement (ou au refinancement) de projets (ou activités) spécifiques concourant à la transition écologique : énergies renouvelables ; efficacité énergétique ; gestion soutenable dans le domaine des transports, de l?agriculture, de la gestion de l?eau, ou des déchets ; etc. Par exemple, en mai 2014, GDF Suez a émis une « obligation verte » de 2,5Mds ¤ pour financer le développement ou la construction de nouveaux projets d?énergie renouvelable ou d?efficacité énergétique. Des « Green Bond Principles » ont été élaborés au niveau international par les principaux acteurs du marché pour faciliter le développement de ce type de marché. Ces « principes », qui s?inscrivent dans un cadre de démarche volontaire de bonne gouvernance définissent des exigences sur quatre points clés pour améliorer la confiance des investisseurs et un standard d?émission : (i) l?allocation du produit obligataire ; (ii) la sélection et l?évaluation des projets ; (iii) la gestion du produit obligataire ; (iv) le reporting. Un cadre de gouvernance a été défini en juin 2015 pour clarifier, notamment, le processus de mise à jour de ces principes. Il prévoit la constitution d?un comité exécutif composé de représentants d?organisations qui ont émis ou investis dans des Green Bonds. Des observateurs (ONG, universités, etc.) peuvent participer à la gouvernance et notamment faire des propositions pour la mise à jour des principes, sans participer au comité exécutif. Le secrétariat des « Green Bond Principles » a été confié à l?ICMA (International Capital Market Association). Les fonds communs de placement pour les investissements verts considèrent le même type de sélection thématique. Le « One Sustainibility Fund » (anciennement Living Planet Fund, créé par WWF en 2003 et cédé à un gestionnaire d?actifs en 2013) en fournit une illustration. Son champ général est celui des technologies vertes. Les placements doivent remplir des conditions financières très strictes et appartenir à un domaine particulier pour garantir que les firmes ainsi financées exercent principalement dans les secteurs visés. De plus, des critères d?exclusion sont appliqués aux entreprises qui auraient des activités dans l?armement, le tabac et l?alcool, le nucléaire, l?extraction et le raffinage des combustibles fossiles. Son orientation thématique ou sectorielle distingue ces approches spécifiquement « vertes » de celle de l?investissement socialement responsable (« ISR ») dont l?offre de fonds s?est développée depuis le milieu des années 2000 et représente maintenant environ 7 % du marché des Fonds ouverts. Dans ce cas, la mise en mouvement partait du constat que les décisions prises en matière d?investissements et les pratiques financières de manière générale sont trop guidées par une vision de court-terme qui ne tient pas suffisamment compte des considérations environnementales, sociales et de gouvernance d?entreprise (ESG). Les fonds correspondants procèdent, en général, par sélection, au sein de chaque secteur, des entreprises 101 présentant les meilleures caractéristiques sur le plan de la responsabilité sociale, sans se limiter aux activités vertes (approche dite « Best-in-class »). Au contraire, la finance verte se préoccupe plus directement des enjeux environnementaux et notamment du financement des investissements identifiés comme clés pour la transition écologique et la mobilisation du secteur privé à cette fin. Mais les préoccupations se recoupent en partie puisque l?empreinte environnementale est l?un des trois piliers de toute démarche ESG. Par ailleurs, l?effectivité des engagements pris et la qualité de la gouvernance, notamment la transparence, sont reconnues comme des éléments essentiels de toute démarche ISR ou « verte ». A cet égard, les « principes pour l?investissement responsables » soutenus par l?ONU insistent sur la publication de rapports standardisés, s?appuyant sur la « Global Reporting Initiative » par exemple, et sur le respect des normes et codes de conduite. Dans ce cadre, les fonds « verts » constituent des produits nouveaux et multiples qu?il importe de rendre plus visibles et plus lisibles pour que s?enclenche le processus d?investissement que nécessite la transition écologique et énergétique dans notre pays. Dans cette perspective, le ministère de l?écologie, du développement durable et de l?énergie est en train d?élaborer un projet de label « Transition énergétique et écologique ». Ce label réglementé qui serait certifié par des organismes labellisateurs concernerait les fonds investis dans des entreprises dont une part significative du chiffre d?affaires provient d?éco-activités au sens des nomenclatures européennes (CEPA et CReMA) ou contribuant à la transition énergétique et écologique. Il serait attribué après analyse de la cohérence des objectifs recherchés par les fonds avec la transition énergétique et écologique et après évaluation d?un impact positif, bénéfique à cette transition, en tenant compte aussi de la surveillance des risques de controverse en matière de responsabilité sociétale. L?évaluation de la labellisation des fonds verts De manière générale, les instruments de labellisation constituent l?une des modalités de structuration des marchés où les enjeux de qualité des produits ou services sont importants et où les consommateurs ne sont pas à mêmes de les apprécier aisément. Ils jouent notamment un rôle important dans toutes les activités de services, dont la qualité est à la fois essentielle et plus difficile à mesurer ex ante que pour des biens matériels. En effet, en l?absence de signaux fiables reflétant la « qualité », seuls les biens correspondant aux niveaux de qualité inférieure sont susceptibles d?être fournis par le marché. Le développement du triptyque norme/certification/label, qui combine donc des normes de référence et la certification de la conformité à celles-ci pour déboucher sur l?attribution d?un label, est un moyen de remédier à cette défaillance du marché et permettre ainsi le développement des biens de qualité supérieure. De tels instruments apparaissent aussi déterminants pour tous les processus de transformation de l?économie dans le sens de la croissance verte : alimentation, agriculture, transports, ? Les produits de la Finance verte relèvent de ce cadre d?analyse. En effet, non seulement, les produits envisagés ici sont complexes et de nature diverse (cotés / non cotés ; actions / obligations ; fonds sectoriels ou non?), mais la capacité des épargnants à pouvoir 102 contrôler que les investissements qu?ils financent répondent à leurs attentes est particulièrement critique. Ils relèvent donc d?un domaine où la labellisation a, à l?évidence, un rôle important à jouer. Plus précisément, le financement de la croissance verte sera facilité si les investisseurs qui veulent y contribuer, notamment ceux qui sont prêts à sacrifier quelque rendement dès lors qu?ils sont convaincus que cela servira à promouvoir des changements tangibles dans le sens de leurs valeurs, trouvent les produits répondant à ces attentes. Ces produits doivent non seulement se conformer aux réglementations habituelles assurant que les investisseurs sont correctement informés sur les risques qu?ils prennent, mais, dès lors qu?une allégation « verte » est mise en avant, il importe que ce qu?elle recouvre soit transparent. L?objet de la labellisation se situe à ce niveau. Pour être légitimes et source de confiance, ces labels doivent dans tous les cas s?appuyer sur des gouvernances robustes. Ensuite, la fixation du niveau d?exigence est toujours un exercice délicat car il nécessite d?arbitrer entre : la maximisation de la qualité environnementale et le risque d?exclusion d?entreprises ou de produits de qualité environnementale certes inférieure mais non rédhibitoire). Par ailleurs, la fixation des labels peut être utilisée par certaines entreprises pour modifier les conditions de concurrence sur les marchés considérés, la dimension stratégique primant alors sur leur vocation informationnelle. A la limite, le label sert uniquement de caution dans une compétition entre des intérêts qui sont seulement privés, et perd son autonomie. La définition d?un label public peut être un moyen pour établir le meilleur équilibre entre ces risques, ou éviter une prolifération des labels qui conduirait à leur perte de signification, leur ôtant toute capacité à rétablir la confiance dans la qualité des produits. En pratique, il est courant d?aboutir à deux niveaux de label : l?un, reflétant une démarche de « marché », se situant par rapport aux besoins de certification de la qualité perçus par les entreprises ; l?autre, une approche plus volontariste, le souci étant de diffuser des comportements jugés exemplaires. Le compromis entre les deux logiques est difficile en général, et pas forcément souhaitable : si les contenus sont transparents et restent accessibles pour les utilisateurs, mieux vaut souvent développer des labels complémentaires, répondant à des objectifs différents. En effet, on ne peut décréter des marchés indépendamment des attentes des consommateurs, ici les épargnants. Il faut donc définir précisément les caractéristiques des labels d?une finance verte, soit, techniquement : les « métriques » pour mesurer le caractère « vert » des investissements et les critères de sélection et/ou d?exclusion retenus. Les choix doivent refléter la nature de l?épargne qui est visée avec un continuum : entre les investisseurs n?ayant pas d?objectif « éthique » marqué mais considérant seulement que les entreprises « environnementalement responsables » sont plus profitables dans le long-terme; des investisseurs voulant adopter une attitude long-termiste face au court-termisme perçu des marchés financiers ; ou faciliter l?accès au financement des entreprises et projets dans les secteurs critiques pour la transition énergétique et écologique (et ainsi inciter les autres à s?y engager) ; et au sein de cette dernière catégorie, selon qu?est visé un phénomène de masse ou au contraire l?émergence précoce de modèles alternatifs. Certains investisseurs privilégieront une approche « Best-in-class » avec peu d?exclusion sectorielle tandis que d?autres pourront préférer une sélection thématique et retiendront plus 103 d?exclusions. L?équilibre envisagé doit apprécier notamment le coût lié à l?affaiblissement de la diversification des portefeuilles qui résulte d?une sélection plus étroite, l?épargnant se surexposant ainsi à un nombre limité d?industries et d?entreprises. Celui-ci doit cependant aussi être sensibilisé sur le fait que certains actifs sont susceptibles de dépréciations. De surcroît, il faudra que le label « vert » joue parfaitement son rôle informationnel. En effet, les travaux académiques25 ayant analysé les raisons qui expliquent que les labels ISR existants ne jouent encore qu?un rôle limité suggèrent que ces labels ont été conçus plus du point de vue des sociétés de gestion que des particuliers-épargnants. De ce fait, ils ne fourniraient pas les informations que recherchent les consommateurs. Par ailleurs, ces labels n?auraient pas été suffisamment diffusés par les réseaux des banques et assurances. Il importerait donc d?avoir en tête ces éléments lors de l?élaboration d?un label pour les fonds « verts ». Dans tous les cas, les projets de labellisation des fonds pour la transition énergétique et écologique doivent premièrement considérer que celle-ci est un instrument pour construire des marchés qui ont besoin de confiance pour exister. Ceux-ci sont déterminants pour assurer l?essor des investissements verts, faire intégrer les risques à long-terme dans les modèles d?investissement et réorienter les capitaux ainsi mobilisés vers une économie bas-carbone ou avec une empreinte écologique optimisée. 25Le rôle de la labellisation dans la construction d?un marché. Le cas de l?ISR en France, Revue française de gestion, 2013 104 Avis du Comité pour l?économie verte du 29 octobre 2015 portant sur le développement des paiements pour services environnementaux (PSE)26 Le présent avis vise à préciser des éléments de diagnostic des avantages et limites des paiements pour services environnementaux, en apportant des pistes d?orientation pour une utilisation plus efficace de ces instruments économiques. I. Diagnostic des avantages et limites des paiements pour services environnementaux I.1 ? Concept de paiements pour services environnementaux (PSE) ? La notion de service écosystémique (dont l?usage s?est largement répandu à partir de 2005 et du Millenium ecosystem assessment) représente les avantages que nos sociétés retirent du fonctionnement des écosystèmes. Ces avantages sont pour l?essentiel des biens issus des écosystèmes, des services de régulation, et des services culturels. ? L?évaluation économique de ces services écosystémiques vise à révéler, le plus souvent (ceci dépendant de la méthode appliquée) la valeur des coûts de dommages résultant de la perte de ces écosystèmes, soit la contribution actuelle des écosystèmes à notre bien être. S?ils n?ont pas vocation à être rémunérés (ce qui reviendrait à rémunérer la Nature), les coûts des dommages doivent cependant être intégrés au processus de prise de décision publique dans le cadre d?analyses coûts-avantages, même si la décision publique intègre d?autres critères et même si l?approche monétarisée ne saurait épuiser la question de la pertinence de la protection des écosystèmes. ? Les services environnementaux sont quant à eux des services que des acteurs se rendent entre eux ou rendent à la société dans son ensemble (il est question le plus souvent d?échanges de services entre fournisseurs et bénéficiaires), et qui visent à réduire la pression exercée sur les écosystèmes ou qui améliorent leur fonctionnement. ? On parle de paiements pour services environnementaux (PSE) lorsqu'il est envisagé contractuellement de rémunérer des services environnementaux, dans la mesure où les actions associées contribuent de manière effective et additionnelle à la restauration et au bon fonctionnement des écosystèmes. En particulier, ceux-ci n?ont pas vocation à rémunérer un acteur pour une action visant au respect de ses obligations règlementaires. 26 Cet avis a été adopté au consensus. L?UPA s?est abstenue. 105 ? La définition la plus utilisée dans la littérature d'un paiement pour services environnementaux (PSE) est celle de Sven Wunder (2005)27, premier économiste à avoir essayé de formaliser cet instrument. Il le définit comme : (i) Une transaction volontaire où, (ii) un service environnemental bien défini, (iii) est acheté par (au moins) un acheteur de services, (iv) à (au moins) un fournisseur de services, (v) si et seulement si le fournisseur du service le procure effectivement (conditionnalité). Trois principes élémentaires doivent être remplis pour pouvoir parler de PSE : l?additionnalité, la conditionnalité et l?accord volontaire. Le principe d?additionnalité signifie que les PSE doivent rémunérer un effort et une production de services qui n?auraient pas été obtenus sans cette incitation financière. Il faut pouvoir justifier l?effet additionnel de la mesure par rapport à un scénario de type « statu quo ». Le principe de conditionnalité est fondé sur l?idée que le paiement ne devrait avoir lieu qu?une fois le gain de services environnementaux est observé. Ce paiement ne peut ensuite être prolongé que s?il est démontré que le service disparaîtrait si l?effort pour le produire n?était pas maintenu dans le temps. La dimension volontaire interdit la mise en oeuvre autoritaire de cet outil. ? Il y a « additionnalité » des actions fournissant des services environnementaux lorsque : ? un ou plusieurs bénéficiaires rémunèrent un ou plusieurs prestataires de services environnementaux pour des actions bénéfiques pour l?environnement qui s?ajoutent aux obligations légales des prestataires, dans le respect du principe pollueur-payeur. ? et lorsque ces actions, destinées à produire un bénéfice environnemental, n?auraient pas été accomplies sans le PSE. ? Le montant de la rémunération, soit le dimensionnement du PSE, doit être évalué suivant une approche coût-efficacité, dans laquelle l?objectif est l?incitation à la réduction des impacts négatifs de l?activité humaine sur l?écosystème et au développement d?actions contribuant à son amélioration ou à son bon fonctionnement, en vue de restaurer les services écosystémiques au bénéfice de tous. Il est clair que ces paiements ne peuvent pas être considérés pour compenser l'éventualité d'une pollution ou d'une destruction de l?écosystème par le prestataire. I.2 ? Avantages des paiements pour services environnementaux ? Ils permettent de développer une meilleure connaissance et reconnaissance de la contribution d?activités locales au bon fonctionnement des écosystèmes. ? Les paiements pour services environnementaux constituent un mécanisme de financement innovant en faveur des écosystèmes et présentent un intérêt important pour la mobilisation de flux de financement privés et publics28. 27 Wunder, S., (2005) « Payments for environmental services : some nuts and bolts. », CIFOR. 28 OECD (2013), Scaling-up Finance Mechanisms for Biodiversity, OECD Publishing. http://dx.doi.org/10.1787/9789264193833-en 106 http://dx.doi.org/10.1787/9789264193833-en ? Cet instrument peut être déployé sur le modèle d'accords contractuels volontaires entre acteurs, ce qui est de nature à en faciliter l'acceptabilité. De manière spontanée, de multiples initiatives existent d'ores et déjà en France pour le développement d'instruments de ce type. Plusieurs secteurs d?activité (agriculture, foresterie, pêche?) sont déjà mobilisés en tant qu'opérateurs au service des aménageurs et des collectivités pour accompagner des politiques publiques nationales et locales (Trame verte et bleue, stockage de carbone des prairies, responsabilité sociale des entreprises, etc.). ? Il s'agit d'un outil permettant d'accompagner des acteurs dans la transition écologique de leurs pratiques environnementales et conduire les territoires vers le développement durable. ? Les paiements pour services environnementaux peuvent accompagner et renforcer des actions collectives d'acteurs autour d'une finalité environnementale partagée. ? Les paiements pour services environnementaux contribuent à la dynamisation des services écosystémiques qui ont des effets bénéfiques pour la société dans son ensemble (résilience des activités, tourisme, pollinisation, régulateur des ravageurs de cultures, cohésion sociale?) I.3 ? Difficultés liées à la mise en place des paiements pour services environnementaux Il est nécessaire de mobiliser de nouvelles compétences, en premier lieu l'ingénierie écologique pour mieux lier certaines pratiques environnementales (des agriculteurs, forestiers, gestionnaires d'infrastructures, etc.) aux résultats écologiques attendus. Le gain écologique est souvent dépendant des effets d'échelles et de la configuration géographique des espaces concernés. La réussite d'un mécanisme de PSE résultera souvent de sa capacité à créer une mobilisation collective et, par conséquent, repose sur la coordination des acteurs. La définition d?indicateurs de résultat et leur mesure en lien avec des pratiques est souvent insuffisante. Si le paiement repose sur une obligation de résultats, les contrats doivent prendre en compte les risques de non atteinte de ces objectifs. Si le paiement repose sur une obligation de moyens, l'efficacité écologique de la mesure peut s'avérer très limitée si le nombre d'acteurs engagés est insuffisant ou si le lien entre pratiques et résultats n'est pas effectif. Par ailleurs, il faut prendre en compte les variabilités et les temps de réponse écologiques aux actions menées. L'asymétrie d'information entre le fournisseur et le bénéficiaire peut conduire au paiement d'actions qui auraient été spontanément entreprises. Il convient de pleinement prendre en compte ce problème lors de la conception du contrat. La mise en place de paiements pour services environnementaux pose la difficulté de pérennisation des pratiques au-delà de la durée du contrat. Certains facteurs peuvent s'avérer un frein à une utilisation plus étendue des paiements pour services environnementaux s'agissant notamment de leur assimilation possible à des aides d'Etat, ou à un soutien à la production agricole. Des diagnostics sont en cours pour 107 évaluer les marges de manoeuvre offertes par le cadre de l'OMC pour développer plus largement cet outil. Les coûts de transaction peuvent constituer un frein à la mise en place de paiements pour services environnementaux. Il importe que les PSE se développent dans un cadre d?ensemble cohérent d?un point de vue de l?équilibre écologique et d?usage des sols. II. Recommandations Le Comité pour l?économie verte constate que le cadre institutionnel et réglementaire national existant permet déjà la mise en place de contrats de type « PSE », sans pour autant qu?il existe de lignes directrices. Néanmoins, il existe des marges de manoeuvre pour en faciliter la mise en oeuvre. Des études de cas sont disponibles principalement dans le domaine de la qualité de l?eau (exemples : Vittel, Evian, Lons-le-Saulnier). De nombreux modèles différents de paiements pour services environnementaux sont possibles. Toutefois, ils doivent respecter un certain nombre de grands principes tels que ceux mentionnés précédemment : additionnalité, priorité aux objectifs de résultats, mécanismes permettant de réduire les rentes informationnelles. De manière générale, le Comité pour l?économie verte recommande : ? d?étudier, au niveau juridique, la qualification des rémunérations des services environnementaux qui, par leur définition, correspondent à la rémunération d?une prestation de service, et non à la subvention d?une activité ; ? de nécessairement mettre en place des formes institutionnelles et organisationnelles propices au développement de ces mécanismes pour réduire les coûts de transaction (asymétrie d?informations) : élaboration par exemple de sociétés, de groupements ou d'associations ad hoc? De même, il sera nécessaire de s?assurer du rôle mobilisateur et évaluateur de l'Etat et des collectivités, sans toutefois conduire à un cadre législatif rigide (besoin de souplesse et de simplification des procédures). L?évaluation portera notamment sur l?efficacité de la part de financement public dédié aux PSE ; ? de préciser dans chaque contrat la notion d?additionnalité selon les enjeux géographiques ou économiques locaux ; ? l'objectif de pérennité des résultats écologiques ne devrait pas dépendre d'une pérennisation des paiements. Pour éviter cet écueil, la conception d'un PSE doit privilégier l'accompagnement d'un changement de pratiques économiquement pérennes ; ? de renforcer des connaissances sur le lien entre certaines pratiques et leurs effets sur les écosystèmes. Par ailleurs, le Comité pour l?économie verte recommande également de mener des études pour : ? identifier des conditions juridiques à l?émergence des PSE en France : ? approfondir la notion d?additionnalité permettant de mettre en oeuvre de manière opérationnelle les PSE avec le souci que les actions ne constituent pas le simple 108 maintien d?actions ou de non actions, mais l?adoption de nouvelles pratiques et leur pérennité. Dans ce cadre, la notion de maintien devra être précisée ; ? analyser les marges de manoeuvre offertes par le cadre de l?Union européenne et de l?OMC (aides publiques dissimulées, soutien à la production agricole) ; ? analyser les marges de manoeuvre offertes par les règles de libre concurrence (code des marchés publics) dans le cas de paiements par des opérateurs publics ; ? étudier l?articulation des PSE avec les autres outils contractuels existant ou en gestation (cf. projet loi biodiversité), en évaluant leur particularité ; ? identifier les facteurs et conditions d'une utilisation plus efficace de ces instruments économiques : ? évaluation du potentiel du développement des PSE ; ? création des conditions à une remontée d?informations pour les flux financiers mis en oeuvre en vue d?alimenter les rapportages à la stratégie de mobilisation des ressources pour la biodiversité (CDB) ; ? définition du cadre d?évaluation de la pertinence et de l?efficacité environnementale du dispositif (quelles modalités et instances de validation ?) ; ? stratégies à adopter pour réduire la rente informationnelle : ? définir des schémas à privilégier pour le choix des formes institutionnelles et organisationnelles les plus appropriées (enchères inversées, etc.) ; ? identifier les intermédiaires et leur rôle pour faciliter la contractualisation (réalisation de contrats d'ingénierie écologique destinés à identifier et quantifier les liens entre pratique et résultat écologique par exemple) ; ? création de dynamiques collectives : format de l?incitation (bonus d?agglomération, etc.) ; ? obligation sur laquelle doit reposer le contrat : résultats versus moyens. Il s?agit d?étudier ici la faisabilité et l?acceptation de tels arrangements. * * * Positions exprimées par les membres du Comité CGT Pour la CGT, l'avis reflète une réflexion sur des paiements pour services environnementaux qui doit se poursuivre. Cette démarche inclut l'action de l'Etat et plus largement des opérateurs publics pour le respect de la réglementation en particulier lorsqu'il doit y avoir compensation et la mise en oeuvre de sanctions lorsque les obligations ne sont pas respectées. Les mesures contractuelles de PSE doivent donc bien être additionnelles. Elles doivent viser un bénéfice environnemental dans une perspective de développement durable prenant en compte pleinement les enjeux sociaux et sociétaux. 109 Avis du 29 octobre 2015 portant diagnostic sur la prise en compte de l?exposition aux risques associés au changement climatique et la contribution au respect de l?objectif de limitation du réchauffement climatique par les investisseurs institutionnels Les orientations de cet avis ont été adoptées au consensus lors de la séance plénière du 29 octobre 2015. L?article 173 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, et notamment son point VI, prévoit la publication d?informations par les investisseurs institutionnels1 relatives à leur exposition aux risques associés au changement climatique et à leur contribution au respect de l?objectif de limitation du réchauffement climatique et à la transition énergétique et écologique. Il étend aux investisseurs institutionnels l?obligation de rendre compte dans leur rapport annuel de la manière dont les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont pris en compte dans leur politique d?investissement, en cohérence avec la stratégie nationale bas-carbone. A ce titre, il concerne à la fois les aspects environnementaux, sociaux et de qualité de gouvernance, avec un approfondissement des enjeux liés aux risques associés au changement climatique. Il est ainsi précisé que deux éléments ayant trait aux politiques climatiques figurent parmi les informations sur les aspects environnementaux: - la prise en compte de l?exposition aux risques climatiques, notamment la mesure des émissions de gaz à effet de serre des actifs détenus ; - la contribution au respect de l?objectif international de limitation du réchauffement climatique et à l?atteinte des objectifs de la transition énergétique et écologique, contribution qui est notamment appréciée au regard de cibles indicatives définies, en fonction de la nature de leurs activités et du type de leurs investissements, en cohérence avec la stratégie nationale bas-carbone. L?objet de cet avis diagnostic est d?éclairer sur les enjeux et les solutions possibles pour mettre en oeuvre ces objectifs, étant rappelé que l?obligation visée par cet article 173 n?est pas 1 Par investisseurs institutionnels on entend : les entreprises d?assurance et de réassurance régies par le code des assurances, les mutuelles ou unions régies par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance et leurs unions régies par le code de la sécurité sociale, les sociétés d?investissement à capital variable, la Caisse des dépôts et consignations, les institutions de retraite complémentaire régies par le code de la sécurité sociale, l?institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l?Etat et des collectivités publiques, l?établissement public gérant le régime public de retraite additionnel obligatoire, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. 110 d?imposer aux investisseurs institutionnels d?investir dans une catégorie d?actifs donnés2. Il s?agit d?une obligation d?information, sur les modalités de prise en compte dans leur politique d?investissement des critères relatifs au respect d?objectifs ESG et sur les moyens mis en oeuvre pour contribuer à la transition énergétique et écologique. L?objectif est de pousser les institutions financières à intégrer ces enjeux, dans des conditions compatibles avec leurs caractéristiques et modèles économiques, en privilégiant la supervision plutôt que l?édiction de normes rigides. Ces exigences nouvelles d?information s?inscrivent dans une démarche, au niveau français et au niveau international3, de mobilisation des financements pour financer une économie décarbonée et de meilleure orientation de l?investissement dans cette perspective, intégrant pleinement le risque que ferait peser sur nos économies un défaut d?anticipation de l?enjeu climatique et des transformations structurelles à opérer pour nos économies. A cet égard, la France apparait pionnière dans sa réflexion pour construire une Finance durable et aligner son système financier dans cette perspective d?empreinte carbone plus limitée, son expérience en matière de cadres pour la divulgation de l?information intéressant beaucoup d?autres pays4. Plus précisément, deux préoccupations, d?orientation des financements et de risque, se rencontrent à propos des choix des investisseurs institutionnels, qui poursuivent des stratégies d?investissement à long terme : ? ils sont d?une part particulièrement concernés par les démarches ESG et les logiques d?engagement, celles-ci pouvant justement être menées avec l?objectif de contribuer à la transition énergétique ; ? d?autre part les investisseurs sont soumis à certains risques associés au changement climatique. Pour cette raison, ils commencent de fait à intégrer les enjeux liés au changement climatique, non plus seulement comme un sujet extra financier mais comme un risque financier potentiel significatif pesant sur les modèles économiques des entreprises et sur la rentabilité à long-terme des portefeuilles5, que plusieurs types de risques pourraient affecter6 (risques physiques, risques de contentieux et risques liés au processus de transition). Ces différents risques se caractérisent par différents horizons temporels, qui sont ceux auxquels se déploient les politiques publiques ou les cycles des affaires. Ainsi, les investisseurs institutionnels ne peuvent plus ignorer l?impact des menaces liées à la dégradation de notre environnement sur les rendements et la gestion des risques financiers. Simultanément, il apparait nécessaire de réduire l?incertitude sur les investissements verts pour faciliter leur accès au financement. 2 Cf. Conseil Constitutionnel. Décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015, §§ 47 à 51. 3 En avril 2015, le G20 a donné mandat au Conseil de Stabilité Financière (FSB) d?étudier la prise en compte par le secteur financier des enjeux liés au changement climatique. Dans une lettre aux ministres des finances du G20 datée du 5 octobre, le président du Conseil de Stabilité Financière (M. Carney) indique qu?il a recommandé au Conseil d?examiner l?opportunité d?améliorer la divulgation de leur risque par les investisseurs institutionnels. Un groupe d?étude pourrait être constitué par l?industrie financière sur cette question. 4 Cf. www.unepinquiry.org 5 A ce stade les travaux pointent plutôt l?idée que c?est d?abord un risque pour les investisseurs avant d?être un sujet de stabilité financière, les deux devant en tout état de cause être bien distingués. 6 Cf. M. Carney, ?Breaking the Tragedy of the Horizon ? Climate change and financial stability?, sept. 2015 et note du FSB http://www.financialstabilityboard.org/wp-content/uploads/Disclosure-task-force-on-climate- related-risks.pdf 111 Cependant, si ces logiques concourent à des évolutions des politiques d?investissements et à une réallocation des actifs pour assurer la cohérence de l?investissement avec la dynamique de la transition énergétique, et sont convergentes à moyen terme, tel n?est pas nécessairement le cas à court terme. En tout état de cause, ce processus visant à tenir compte du possible impact financier d?éléments relevant de l?extra-financier en est aujourd?hui à ses débuts, ce qui nécessite d?expliciter les enjeux et choix de mise en oeuvre, sachant que les méthodologies disponibles -au niveau de l?analyse des classes de risques et au niveau des projets d?investissements ; par l?analyse de scénarios de mise en place de politiques publiques contraignantes ; par référence à un prix du carbone ou aux impacts physiques à plus ou moins long terme du changement climatique- pour fournir ces informations sont encore en évolution. Un objectif est de stimuler l?essor des cadres d?analyse les plus appropriés. L?évaluation des risques dépend en particulier de celle des politiques qui seront mises en place, qui rencontrent donc comme impératif de créer de la lisibilité et de réduire l?incertitude. A ce titre, de manière générale l?établissement d?une trajectoire lisible de prix du carbone7 -, ou la suppression des subventions aux énergies fossiles8 est favorable à la stabilité financière et à ce titre au développement économique. Outre les principes de lisibilité et d?effectivité, plusieurs principes doivent guider la mise en oeuvre de ces dispositions, à l?aune desquelles devra être évaluée la qualité de la réglementation envisagée : ? La souplesse. Les textes d?application doivent tenir compte de la diversité des entreprises et institutions concernées par cette obligation et de la diversité des méthodes qui existent. Selon les cas et selon les secteurs, il convient donc de choisir entre la prescription d?une méthode identifiant un nombre restreint de critères, ce qui facilite la compréhension par tous (gouvernement, souscripteurs, société civile, etc.) et permet la comparabilité des informations, ou la définition du seul cadre sur les informations qui seront fournies. ? Favoriser l?émergence et la diffusion des meilleures pratiques, afin d?accompagner le développement de la prise en compte des enjeux. ? Le caractère évolutif : comme indiqué précédemment, un certain nombre de questions méthodologiques se posent encore, les textes d?application doivent donc pouvoir être adaptés pour tenir compte des progrès qui seront réalisés dans les prochaines années dans ce domaine. ? Il convient d?assurer par un mécanisme de suivi la pertinence du dispositif dans un contexte évolutif et en pleine mutation. ? La prise en compte des débats internationaux : les débats débutent au niveau international, par exemple dans le cadre du Conseil de Stabilité Financière, qui devrait recommander au G20 la mise en place d?une « task force » sur la définition de standards volontaires d?information par les entreprises sur les risques associés au changement climatique. Les textes français devront tenir compte de cette réflexion, pour continuer à 7 La loi de transition énergétique définit ainsi une trajectoire à horizon 2030 et le rapport Canfin-Grandjean propose, par exemple, un corridor des prix du carbone (proposition 2). 8 On peut évoquer par exemple l?annonce par le Premier ministre le 11 septembre 2015 de la suppression immédiate de l?assurance crédits export pour les nouveaux projets de centrale à charbon dénuées de dispositifs de capture et de stockage du CO2. 112 l?anticiper et à l?influencer, tout en veillant à ce que l?approche soit adaptée aux spécificités du système financier français. ? La vérifiabilité : comme toute obligation réglementaire, ces éléments entrent dans le champ de compétence des superviseurs, et doivent donc être formulés dans des termes compatibles avec leurs approches et compétences, notamment en matière de sanctions et de moyens de contrôle. ? Pour favoriser l?efficacité du dispositif, il serait souhaitable de contribuer à la montée en compétence des investisseurs institutionnels sur la prise en compte de ces enjeux. Un bilan d?émissions de GES est devenu courant aujourd?hui pour les entreprises industrielles. « L'empreinte carbone » d'une personne ou d'une organisation mesure la quantité de GES émise pour satisfaire l'ensemble de sa consommation. Cet inventaire peut être divisé en trois périmètres ou scopes : scope 1 (les émissions directes), scope 2 (les émissions indirectes liées à la consommation d'électricité, de chaleur ou de vapeur nécessaire à la fabrication du produit), ou scope 3 (les autres émissions indirectes). Si les calculs de scope 1 ou 2 des entreprises industrielles ou des portefeuilles d?actions d?investisseurs institutionnels sont devenus courants, il n?y a pas de méthodologie établie pour les émissions de scope 3. Les acteurs financiers indiquent qu?ils savent mieux appréhender le scope 3 de certains secteurs (comme le secteur de l?énergie) que d?autres. Il serait par ailleurs opportun que le calcul de l?empreinte carbone prenne également en compte le stockage du carbone, que certaines activités économiques permettent de réaliser, comme l?agriculture. Le calcul de l?empreinte carbone doit être adapté aux différentes classes d?actifs. Pour les obligations, qui constituent une part conséquente des portefeuilles des investisseurs institutionnels, les méthodes (qui nécessitent d?attribuer les émissions aux différents financeurs ? en fonds propres et en dette ? de l?entreprise) ne sont pas encore stabilisées (pour les obligations souveraines notamment)9. L?enjeu est d?importance car la transition énergétique et écologique réclame des investissements divers, renvoyant à différentes structures de financement. Les investissements dans le private equity, les infrastructures, dans l?immobilier et les financements de projets, qui jouent également un rôle important dans la transition énergétique, ne doivent donc pas être oubliés. La contribution sur ces sujets des agences de notation financières ou extra-financière pourrait être intéressante. L?empreinte carbone ne fournit qu?une photographie des émissions passées et ne tient pas compte de la dynamique10. A ce titre, il est intéressant aussi d?identifier les investisseurs institutionnels qui choisissent d?investir dans des entreprises émettrices de CO2 qui s?engagent à réduire leurs émissions et/ou prenne d?ores et déjà en compte le risque carbone dans leur stratégie, assurer la divulgation d?une information fiable en ce domaine. La cohérence de la stratégie d?une entreprise avec une trajectoire de réchauffement climatique limitée à 2°C s?apprécie au regard de la situation actuelle de ces actifs, des investissements 9 Il existe des initiatives, comme par exemple les principes et critères de certification des obligations dites « vertes » qui pourraient faciliter l?analyse des portefeuilles d?actifs. 10 D?autres facteurs sont importants aussi pour mesurer l?exposition au risque lié à la transition énergétique, et l?intégrer dans l?exposition nette au risque : structure de coûts de l?émetteur, niveau d?endettement, etc. De même, l?exposition à des risques physiques doit faire l?objet d?une analyse spécifique, prenant en compte l?exposition des émetteurs à des zones à risque (sècheresse, ouragans, ?) et la sensibilité de leurs ventes à des évènements météorologiques. 113 réalisés par celle-ci et des technologies déployées et non de son empreinte carbone (qui reflète le passé sans vision prospective)11. Le risque carbone doit aussi être apprécié au regard de la nature de l?exposition considérée. Enfin, l?empreinte carbone ne permet pas de rendre compte directement de la problématique des « stranded assets » qui sont pourtant la manifestation la plus immédiate du risque carbone. Des éléments qualitatifs sont donc indispensables pour rendre compte au mieux de la prise en compte des risques associés au changement climatique par les investisseurs institutionnels. En particulier, l?une des questions importantes est l?engagement des investisseurs institutionnels dans l?exercice de leurs droits de vote. La prise en compte de l?exposition au risque associé au changement climatique doit également être appréhendée de manière plus globale. Ceci nécessite de prendre en compte la structure du portefeuille d?un investisseur institutionnel et la nature des actifs détenus, pour évaluer leur exposition12, en prenant notamment en compte les corrélations entre actifs. Cette approche complémente une analyse détaillée entreprise par entreprise des investissements13. L?intérêt des bénéficiaires finaux (épargnants, cotisants, etc.) est crucial. La mise à disposition d?informations doit en premier lieu permettre aux gestionnaires d?exercer leur responsabilité fiduciaire, voire d?informer par ailleurs d?un éventuel risque systémique. En résumé, l?information à fournir en matière d?exposition au risque climat a nécessairement une dimension quantitative. A cet égard, l?appréciation aussi complète et pertinente que possible d?une empreinte carbone apparait, en l?état des méthodologies disponibles, être un point de départ précieux pour les démarches de progrès. Mais elle doit donc être enrichie par de l?information, certes aussi précise et vérifiable mais plus qualitative, sur la stratégie suivie : poursuite ou non d?un objectif de décarbonation ; et approche retenue en ce domaine, entre, par exemple, une stratégie passive de réduction de l?exposition à ce risque sans affecter les autres14, versus stratégies plus actives de désinvestissement ou d?engagement. Une autre gamme d?informations vise à évaluer plus positivement la contribution au respect de l?objectif international de limitation du réchauffement climatique et à l?atteinte des objectifs nationaux de la transition énergétique et écologique des investisseurs institutionnels. A cet égard, une méthode consiste à mesurer l?acquisition d?actifs financiers permettant de soutenir le financement d?activités permettant d?éviter des émissions de carbone et son 11 La durée de vie des installations par exemple constitue également un des indicateurs pertinents de l?analyse de l?exposition au risque. 12 Parmi les méthodes disponibles pour corriger la structure des portefeuilles, on peut citer l?estimation de la sensibilité aux facteurs de risque associé au changement climatique par classe d?actifs (méthode proposée par Mercer). Au-delà de risques spécifiques bien identifiés, ce type d?analyse ne suggère pas cependant de facteurs de risques conduisant à des impacts potentiels très significatifs sur des horizons courts. Ce qui ressort comme caractéristique générale de l?appréciation des risques liés au changement climatique est la nécessité de mettre en place des approches d?analyses prospectives par scénario, confrontant les portefeuilles à différentes réalisations du futur, différentes options de transitions et différents impacts climatiques. 13 Ce qui ressort comme caractéristique générale de l?appréciation des risques liés au changement climatique est la nécessité de mettre en place des approches d?analyses prospectives par scénario, confrontant les portefeuilles à différentes réalisations du futur, différentes options de transitions et différents impacts climatiques. 14 Cf. « Hedging Climate Risk with Decarbonized Indices », Andersson, Bolton, Samama, conférence ? Paris 2015 and beyond?, Collège de France, 2015. 114 évolution (ce qu?il est convenu d?appeler « part verte » des investissements)15. Cette méthode implique de définir précisément les classes d?investissements considérés, secteurs ou technologies contribuant à la transition énergétique et écologique, selon une nomenclature précise (labels tels que le label « transition énergétique et écologique pour le climat » ou principes comme les principes des obligations dites « vertes » par exemple), ou contribuant à réduire le défit de financement dont peuvent souffrir certaines activités. Ainsi, on peut fixer un ou des objectifs reflétant une certaine cible d?allocation des investissements cohérente avec la transition énergétique et écologique, cet objectif étant fixé au niveau d?un secteur/technologie (par exemple un objectif 30% de renouvelables dans le mix énergétique des actions du secteur de la production d?électricité). Cette approche nécessite de choisir quel scénario est pris comme référence en fonction du secteur considéré. Mais, il convient d?apprécier le pari implicite que cela emporte sur les technologies considérées. D?autres approches16 cherchent plutôt à traduire plusieurs scénarios de référence17 en termes de composition des portefeuilles, ce qui permet de garder une cohérence avec des objectifs climatiques et de comparer le portefeuille à différents « futurs possibles ». 15 Sur ce point, voir le précédent avis du Comité pour l?économie verte sur « la labellisation des fonds d?investissements pour la transition énergétique et écologique », juillet 2015. 16 https://ec.europa.eu/easme/en/news/assessing-alignment-investment-portfolios-climate-goals-join-road-show. 17 Comme celui de l?AIE, de Greenpeace, etc. cf aussi le projet développé dans le programme européen H2020. 115 Avis du Comité pour l?économie verte portant sur la mise en oeuvre de la compensation écologique Les recommandations de cet avis ont été adoptées au consensus lors de la séance plénière du 16 juillet 2016. Les mesures de compensation écologique29 s?inscrivent dans la séquence « Eviter ? réduire ? compenser » (ERC), qui vise à minimiser les impacts environnementaux des projets d?aménagement ou d?activité, plans et programmes30 soumis à évaluation environnementale. La séquence ERC s?applique à l?ensemble des impacts environnementaux (biodiversité, sol, eau, air, bruit?). En particulier pour la biodiversité, la mise en oeuvre de cette approche a pour objectif de permettre de maintenir globalement la qualité environnementale des milieux et le bon état de conservation des espèces, et si possible d'obtenir un gain net, compte-tenu de leur sensibilité. Suivant cette séquence, les atteintes aux enjeux majeurs31 doivent être, en premier lieu, évitées. En effet, l'évitement est la seule solution qui permette de s'assurer, sans le moindre doute ou risque, de la non-dégradation du milieu par le projet. Dans le processus d?élaboration du projet, il est donc indispensable que le maître d'ouvrage intègre l?environnement, et notamment les milieux naturels, dès les phases amont de choix des solutions (type de projet, localisation, choix techniques...), au même titre que les enjeux économiques ou sociaux. Au sein de la séquence ERC, la réduction intervient dans un second temps, dès lors que les impacts négatifs sur l?environnement n?ont pu être pleinement évités. Ces impacts doivent alors être suffisamment réduits, notamment par la mobilisation de solutions techniques de minimisation de l'impact à un coût raisonnable, pour ne plus constituer que des impacts négatifs résiduels les plus faibles possibles. Enfin, si des impacts négatifs résiduels significatifs demeurent, il s?agit, pour autant que le projet puisse être approuvé ou autorisé, d?envisager la façon la plus appropriée d?assurer la compensation de ses impacts. En d?autres termes, les impacts environnementaux doivent être en priorité évités, et, en cas d?impossibilité, réduits, avant d?envisager toute forme de compensation. Les années 2000 ont été l?occasion d?un renforcement réglementaire autour des mesures compensatoires ainsi que de la séquence ERC de manière générale. Ce renforcement réglementaire a été accompagné de l?élaboration en 2012 d?une Doctrine mais également en 29 En anglais, on parle de « compensation or offsetting schemes » (cf. Stratégie pour la biodiversité de la Commission européenne, 2011), le terme d?offsets étant donc souvent utilisé à ce propos. 30 Dans cet avis, on emploiera le terme de « projet » pour désigner l?ensemble des projets, plans et programmes auxquels s?applique la séquence ERC. 31 On entend par « enjeux majeurs » ceux relatifs à la biodiversité remarquable (espèces menacées, sites Natura 2000, réservoirs biologiques, cours d'eau en très bon état écologique...), aux principales continuités écologiques (axes migrateurs, continuités identifiées dans les schémas régionaux de cohérence écologique lorsque l'échelle territoriale pertinente est la région...). Il convient aussi d'intégrer les services écosystémiques clés au niveau du territoire (paysage, récréation, épuration des eaux, santé...). 116 2013 de Lignes directrices32 nationales, en vue de rendre opérationnelles les innovations légales pour le plus grand nombre. Pour autant, on peut regretter le manque de cadrage concernant la mise en oeuvre des actions de compensation, tant du point de vue technique (pas d?outils standardisés de calcul d?équivalence écologique entre pertes et gain, pas d?indicateurs de référence pour les suivis, etc.) que réglementaire (manque de clarté sur les niveaux de performance écologique que les administrations doivent exiger). La séquence ERC vise à garantir le maintien ou l?amélioration de la qualité de l?environnement et à fournir ainsi les incitations économiques appropriées pour stimuler la recherche des solutions les plus efficaces pour cela. La séquence ERC s?inscrit donc dans une démarche générale de maintien du capital naturel33 en recourant à des instruments de politique publique effectifs et économiquement efficaces. Des réflexions sont à poursuivre pour en assurer l?essor et le bon usage, notamment pour mieux articuler la démarche entre le niveau des « plans et programmes » et celui des projets, de travaux et d?aménagement. Les avis du CEV ont vocation à se nourrir des expériences internationales les plus abouties. En matière de compensation écologique, on peut citer, par exemple, le cas des Etats-Unis, où des méthodes de calcul d?équivalence écologique sont approuvées et diffusées par les pouvoirs publics, et où les mécanismes contractuels et financiers de pérennisation des sites hébergeant des mesures compensatoires sont particulièrement développés. Le présent avis se focalise sur trois aspects identifiés par le CEV comme de nature à améliorer l?efficacité de la politique publique encadrant la mise en oeuvre de la compensation écologique, et réduire les coûts de transaction pour l?ensemble des acteurs : ? l?intégration de la séquence éviter-réduire-compenser le plus en amont possible ; ? le besoin d?outils harmonisés, notamment concernant les méthodes de calcul de l?équivalence écologique ; ? les mécanismes de pérennisation des mesures de compensation écologiques. I. Intégrer la séquence éviter-réduire-compenser le plus en amont possible, en recherchant les synergies I.1. Constat Voir en annexe la présentation des différentes procédures administratives susceptibles de donner lieu à une obligation de mise en oeuvre de mesures de compensation écologique. L?encadrement réglementaire de la compensation écologique s?est construit progressivement depuis son introduction dans la loi sur la nature de 1976, précisant les obligations qui en découlent pour les maîtres d?ouvrages, ainsi que les procédures administratives applicables par type de projets ou d?enjeux environnementaux. Actuellement, un même projet peut donc relever de plusieurs régimes de déclaration ou d?autorisation environnementale, et être soumis à plusieurs obligations réglementaires de compensation écologique. Au moment de la mise en oeuvre des mesures de compensation écologiques, ceci peut occasionner des difficultés d?articulation entre différentes obligations de compensation pour un même projet (ex : obligations parfois contradictoires au titre de la loi sur l?eau et des espèces menacées). Des pratiques d?harmonisation sont alors mises en place au cas par cas, ce qui nécessite l?accord des autorités administratives et qui peut ralentir l?instruction du projet. 32 Cf. lignes directrices et document de doctrine publiés par l?administration. 33 Souvent associée à l?énoncé d?objectifs de type « no net loss », comme, aux Etats-Unis, dans le Clean Water Act ou le Endangered Species Act. 117 http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Doctrine_ERC.pdf http://www.developpement-durable.gouv.fr/Lignes-directrices-nationales-sur.html Certaines procédures administratives, comme la demande de dérogation à la protection stricte des espèces, qui est à l?origine chaque année de plus de 200 actes administratifs fixant des mesures ERC aux maîtres d?ouvrages concernés, interviennent tardivement dans les projets, à un moment où les maîtres d?ouvrage n?ont plus beaucoup de marges de manoeuvre pour revoir leur projet en profondeur (mesures d?évitement34 et de réduction) et ajuster le coût des mesures ERC dans leur budget. Les mesures de compensation écologiques peuvent alors même devenir un objet de contentieux juridique. Depuis 2014, des expérimentations sont menées par les services de l?Etat autour de la notion d?autorisation environnementale unique pour les ICPE (installations classées pour la protection de l?environnement) et les IOTA (Installations, ouvrages, travaux et activités) et des réflexions du groupe de travail de modernisation du droit de l?environnement piloté par Jean- Pierre Duport en vue d?étudier la faisabilité d?un permis environnemental unique. Ces travaux devraient aboutir en janvier 2017 à la création d?une autorisation environnementale, construite sur la base des expérimentations ICPE/IOTA/certificat de projet, qui devrait permettre une approche plus intégrée des impacts d?un projet sur l?environnement. Plusieurs documents et recommandations (Lignes directrices nationales de 2013, Rapport Dubois remis à la ministre Ségolène Royal en 2015) font état de la nécessité d?une meilleure intégration en amont des projets de la séquence ERC. Par ailleurs, il est important de signaler que le projet d?ordonnance portant réforme de l?évaluation environnementale (plan programme et projet) prévoit de renforcer les « procédures communes et coordonnées » entre les plans-programme d?une part et les projets d?autre part en matière d?évaluation environnementale. I.2. Recommandation L?articulation entre les différentes procédures d?évaluation environnementale, celles qui concernent les plans et programmes et les projets d?activité ou d?aménagement, doit être recherchée, notamment pour anticiper les enjeux environnementaux (et éviter les situations de blocage lorsque ces projets entrent en phase de demande des différentes autorisations environnementales). Tout en gardant à l?esprit le fait que les « planificateurs » ont des responsabilités distinctes des maîtres d?ouvrage des projets d?aménagement, il s?agit ainsi de passer d?une approche « procédure » caractérisée par la réaction, à une approche privilégiant la planification territoriale et la complémentarité des actions entre l?élaboration du plan programme et la conception du projet. Pour mettre en oeuvre cette planification territoriale à droit constant, il est possible : ? de s?appuyer sur les collectivités territoriales au sein desquelles ces actions sont menées, les Etablissement Publics Fonciers (EPF), les Sociétés d?Aménagement Foncier et d?Etablissement Rural (SAFER) et les Commissions départementales de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers (CDPENAF). Cette planification des actions de compensation devrait par ailleurs viser des objectifs sociaux complémentaires aux objectifs écologiques initiaux (accès à des espaces récréatifs) ; ? pour les acteurs locaux, de s?auto-organiser par exemple, dans le cadre de programmes d?aménagement (zone industrielle, Grand ports maritime, par ex : projet stratégique de 34 En particulier, dans le cadre de certaines déclarations d?utilité publique (DUP), les mesures d?évitement devraient être étudiées dès l?instruction de la DUP, voire avant. 118 Dunkerque) pour réaliser très en amont une mutualisation des études environnementales au niveau de l?ensemble du territoire, qui permettra aux multiples maîtres d?ouvrages qui viendront s?y implanter, de réaliser des économies d?échelle, tout en assurant une cohérence au niveau de l?identification des enjeux écologiques. Il faut déterminer les moyens de mettre en oeuvre les mesures de compensation écologique à l?occasion de l?élaboration des plans et programmes soumis à évaluation environnementale. Ce type de démarches permettrait de faciliter des actions d?évitement et de réduction d?ampleur et efficaces, et de créer des opportunités de mutualisation des mesures compensatoires, en vue d?alimenter les stratégies Trame verte-trame bleue et de rechercher les synergies entre différentes actions de restauration écologique. II. Un besoin d?outils, notamment d?harmonisation des méthodes de calcul de l?équivalence écologique II.1. Constat La compensation écologique implique de pouvoir mettre en perspective les pertes de biodiversité induites par le projet faisant l?objet des mesures compensatoires (ou « pertes écologiques »), avec les gains de biodiversité permis par les mesures compensatoires (ou « gains écologiques »). En effet, il doit y avoir une équivalence entre pertes et gains : on parle d? « équivalence écologique ». Or, la notion d?équivalence écologique manque actuellement d?outils harmonisés de traduction opérationnelle. La difficulté est évidemment qu?il convient de pleinement prendre en compte la complexité des écosystèmes et de leur dynamique. Actuellement, une multiplicité d?initiatives dans le domaine du calcul de l?équivalence écologique émergent au sein de bureaux d?étude, d?ONG environnementales ou de collectivités territoriales. Cependant, ces méthodes manquent de transparence et présentent des risques de manque de rigueur préjudiciables à la mise en oeuvre des mesures compensatoires. Cette diversité de méthodes est excessive. Finalement source d?incertitude, elle ne fournit pas l?outil de dialogue adéquat sur les mesures compensatoires, que ce soit pour les opérateurs de compensation, les services de l?Etat ou les aménageurs. On observe également un recours important à des logiques « surfaciques », fondées sur des ratios fixes entre surfaces impactées et surfaces à compenser (utilisées notamment pour la compensation des atteintes à certaines espèces protégées, aux milieux aquatiques ou pour la compensation défrichement). Ces logiques sont insuffisantes pour établir l?équivalence écologique dans sa dimension qualitative. II.2. Recommandation Au-delà du respect de normes incontournables de transparence, il serait important d?avoir une forme d?harmonisation autour de l?équivalence écologique grâce à des outils standardisés de manière à créer des règles du jeu pertinentes, lisibles et partagées à l?échelle nationale. Ces outils devraient être adaptés aux exigences réglementaires spécifiques (Loi sur l?eau, Natura 2000, espèces protégées, directives européennes, etc.), en privilégiant la qualité et l?efficacité de la compensation plutôt que le simple critère surfacique. Ces méthodes devraient ainsi permettre d?aboutir à des mesures compensatoires qui répondent aux besoins de restauration des habitats favorables aux espèces impactées, ainsi qu?à la restauration des fonctions et des continuités écologiques relevant des milieux impactés. Plusieurs exemples montrent qu?il est possible d?identifier et de diffuser des méthodes harmonisées, pragmatiques, solides et conformes à la réglementation en vigueur en France : la 119 méthode d'évaluation des fonctions des zones humides, publiée en juin 2016, dont les travaux ont été pilotés notamment par le Muséum national d?histoire naturelle (MNHN) et l'Office national de l?eau et des milieux aquatiques (Onema). Il faudrait généraliser ce type de démarches à l?ensemble des habitats. On peut aussi mentionner les travaux en cours sur l?adaptation en France, dans le cadre de la loi sur la responsabilité environnementale, des méthodes de type « Habitat equivalency analysis » (HEA), utilisées de manière routinière et partagée aux Etats-Unis. Des méthodes de suivi harmonisées selon les différents types d?habitat et d?espèce devraient aussi être mises en place pour faciliter le contrôle de l?efficacité des mesures compensatoires. Les retours d?expérience issus de ces contrôles permettraient par ailleurs d?améliorer et conforter les méthodes standardisées de calcul d?équivalence écologique. III. Garantir l?adéquation entre la durée des impacts du projet et celle des effets de la compensation III.1. Constat La « doctrine nationale »35 sur la séquence éviter-réduire-compenser précise que « la durée de gestion des mesures [compensatoires] doit être justifiée et déterminée en fonction de la durée prévue des impacts, du type de milieux naturels ciblé en priorité par la mesure, des modalités de gestion et du temps estimé nécessaire à l?atteinte des objectifs ». Pour apporter une contrepartie effective aux impacts d?un projet, les mesures compensatoires doivent non seulement être assorties d?objectifs de résultat et de modalités de suivi de leur efficacité, mais être conçues de manière à produire des effets sur une durée équivalente à celle des impacts du projet. III.2. Recommandation La durée d?engagement des éventuels contrats associés aux mesures compensatoires que le maître d?ouvrage signe avec ses prestataires ou les propriétaires des terrains doit donc être en rapport avec la durée des impacts que ces mesures ont pour objet de compenser. Cela pose deux enjeux relatifs à cette adéquation : ? la durée des actions mises en oeuvre doit être en adéquation avec la dynamique écologique des espèces ou habitats compensés ; ? le contrat36 doit garantir que la durée des effets de la compensation correspondra à la durée des impacts. A ce jour existent déjà des mécanismes qui visent à ces adéquations. Ainsi, à la suite d?une acquisition foncière et d?une action de restauration écologique ayant démontré ses effets après cinq, dix ou vingt ans, une cession est parfois réalisée en faveur des conseils départementaux au titre des espaces naturels sensibles, du Conservatoire du Littoral ou des Conservatoires d?espaces naturels. Par ailleurs, le bail rural à clauses environnementales ou la future obligation réelle environnementale offrent des opportunités de garantir sur le long terme la finalité environnementale du foncier dédié à la compensation, comme alternative à l?acquisition. En outre, des guides pratiques ou recommandations opérationnelles permettant de sécuriser le recours à des outils contractuels de mise en oeuvre des mesures compensatoires (futurs sites 35 Op.cit. 36 Au sens large, incluant, par exemple, les « obligations réelles », qui sont justement un instrument pour assurer la pérennité des mesures en en assurant la poursuite malgré l?éventuelle transmission du foncier. 120 naturels de compensation, futures obligations réelles environnementales prévus dans le cadre du projet de loi relative à la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, ou tout autre type de contrats) sont absolument nécessaires. Il convient de réfléchir à des innovations financières qui permettraient de faciliter la pérennisation des mesures compensatoires, par exemple : ? dans le cadre des sites naturels de compensation, la mobilisation d?un fonds générant des intérêts à même de couvrir les frais d?entretien à long terme des espaces supports de compensation ; ? des dispositifs assurantiels permettant de prémunir les opérateurs de compensation contre l?incertitude économique ou environnementale. 121 Annexe Principales procédures susceptibles de conduire à une obligation de mise en oeuvre de mesures de compensation écologique Étude d?impact : Articles L. 122-1 à L. 122-3 et R. 122-1 à R.122-15 du code de l?environnement. Installations classées pour la protection de l?environnement (ICPE) : Articles L.511-1, L.511- 2, R.512 et R.122-5-7 du code de l?environnement. Aménagements fonciers agricoles et forestiers dans le cas d?un grand ouvrage : Articles L.121-1 à L.128-2 du code rural, et R.120-1 à R.128-10 du code rural. Évaluation des incidences Natura 2000 : Articles L.414-4 à L.414-7, et R.414-19 à R.414-29 du code de l?environnement. Étude des incidences au titre de la loi sur l?eau : Articles L.214-1 à L.214-11, L.216-1 à L.216-2, R.211-6, R.214-1 à R.214-56, R.214-6 et R.214-32 du code de l?environnement. Dérogation à la protection stricte des espèces (espèces protégées) : Articles L. 411-1 à L. 411- 6, R.411-1 à R. 411-14 du code de l?environnement. 122 Avis diagnostic sur le suivi des financements liés à la transition énergétique et au climat en France Cet avis a adopté le 6 juillet 2016 Pour un diagnostic régulier des financements liés à la transition vers une économie bas- carbone 1- Pour réussir à maintenir le réchauffement planétaire sous la barre des 2°C, un effort d?investissement approprié est nécessaire, notamment en matière d?infrastructures et d?installations énergétiques, intégrant que les durées de vie de ces équipements sont particulièrement longues. La stratégie nationale bas-carbone (SNBC), adoptée en 2015, établit ainsi comme premier enjeu la réorientation des investissements, vers les projets qui participent à la transition énergétique plutôt que vers ceux qui la freinent. Les besoins d?investissement correspondants sont identifiés dans la SNBC, avec un double mouvement de baisse dans les secteurs intensifs en carbone et de renforcement des investissements contribuant à la transition bas carbone. Sur le plan macroéconomique, le rapport de la Commission Mondiale sur la New Climate Economy (NCE), publié en 2014, souligne par ailleurs que cette réorientation doit s?inscrire dans un contexte de reprise d?un rythme plus élevé qu?aujourd?hui des investissements, notamment dans les infrastructures. 2- Outre les énergies renouvelables, la SNBC cite comme secteurs particulièrement concernés: ? L?innovation et son déploiement, les efforts de structuration et de soutien à la R&D devant être poursuivis et amplifiés pour encourager le développement et la diffusion rapide des technologies du futur, dans la perspective d'un monde bas-carbone. ? Les infrastructures, pour que les investissements dans ce domaine soient compatibles avec la transition vers une économie bas-carbone et un objectif de réduction d?émissions de 40% en 2030 par rapport à 1990. En outre, les infrastructures numériques seront aussi concernées. ? Les bâtiments, sachant que les émissions directes du secteur résidentiel-tertiaire représentent 20% des émissions de GES (près d'un quart si on tient compte des émissions indirectes associées à la production d'électricité et de chaleur pour les bâtiments). L'objectif central à cet égard est de parvenir à baisser ces émissions de 54% à l'horizon du troisième budget carbone et d'au moins 87% à l'horizon 2050, par rapport à 2013. 123 3- Pour suivre la mise en oeuvre de cette stratégie, l?observation des dépenses d?investissement liées à la transition écologique et de leur financement est cruciale. En effet, il faut : s?assurer que l?environnement financier est propice à l?essor de ces investissements, en considérant à la fois leurs caractéristiques, en termes de risque, par exemple, et celles de notre système financier, comme le poids du crédit bancaire dans le financement de l?économie ; et mesurer comment les investissements réalisés sont en ligne avec les objectifs, ce qui est un moyen de détecter les obstacles restant à lever. Différents indicateurs ont déjà été proposés, par exemple la part des investissements verts dans les investissements totaux1, qui pourraient contribuer à ce suivi. Un outil visant à mesurer l?engagement des entreprises dans la réduction de leurs émissions de GES, à vocation globale et mise en oeuvre par l?Ademe et l?ONG anglaise CDP (Carbon Disclosure Project), est par ailleurs en cours d?expérimentation ; il s?agit de l?expérience ACT (Assessing low-carbon Transition). 4- Sur le plan qualitatif, une étude de cas de l?enquête du PNUE «le système financier dont nous avons besoin» (2015) sur l?alignement du système financier sur le développement durable a été réalisée pour la France par Inquiry-I4CE-PNUE. L'étude2 constitue la première analyse en profondeur de l'intégration des enjeux environnementaux dans le secteur financier en France. Elle identifie un vaste « écosystème » d'acteurs privés, venant du secteur public ou d'organisations à but non lucratif mobilisés pour une meilleure articulation des enjeux de durabilité par le secteur financier. Elle met en lumière l?avance de notre pays au travers des mesures d'évaluation du risque et de reporting en lien avec le climat - notamment l'Article 173 - qui ont été adoptées dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 : ces dispositions, qui demandent aux investisseurs de divulguer leur contribution à la transition énergétique et qui impliquent aussi l'établissement d'une stratégie d'intégration des critères climat dans l?évaluation des risques au sein du secteur bancaire, demeurent inédites. 5- L'approche correspondante promeut des principes de transparence, de divulgation des informations et de bonne gouvernance. Elle vise à améliorer les pratiques des acteurs, tout en leur laissant la latitude suffisante pour agir de la façon qui soit la plus compatible avec leurs propres intérêts et modèles économiques. Elle privilégie donc la supervision, par des mesures : ? Se concentrant sur l'amélioration de la disponibilité de l'information à travers le développement d'un jeu complet de mesures de reporting visant à la fois le secteur financier et les entreprises qu'il finance. ? Promouvant le développement d'une expertise de marché à travers une combinaison d'initiatives publiques et privées et des débats nationaux sur les enjeux de développement durable rassemblant un large éventail de parties prenantes. ? Stimulant l'amélioration de l'évaluation des risques en appliquant aux institutions des exigences minimales de divulgation de leur exposition aux risques liés au climat. Parallèlement, se développe certains instruments dédiés explicitement au financement de la transition. L?examen du développement des obligations vertes (qui constitue un exemple emblématique de ces évolutions) montre que, pour que ces principes débouchent sur de nouveaux marchés, attirant les investisseurs, il faut que l?information correspondante puisse-t- être aisément appropriée par ceux-ci. Il en résulte donc, dans ce cadre, un arbitrage délicat 1 Proposition 4 du rapport Canfin-Grandjean. 2 France?s Financial (Eco)system (2015). 124 entre la latitude laissée aux émetteurs et le besoin de standardisation pour les investisseurs, notamment sur la nature des projets qui sont qualifiés de «verts». Le développement de standards doit aller de pair avec la clarification de leurs objectifs, permettant de mieux cerner l?impact des projets financés. Par ailleurs, d?une façon générale, il est nécessaire d?évaluer la rentabilité des investissements liés à la transition énergétique, qu?il s?agisse d?investissement public ou privé. 6- Le «panorama des financements climat en France», établi par I4CE, constitue par ailleurs un document irremplaçable pour établir le diagnostic concret sur où nous en sommes. Cette initiative doit donc être saluée et poursuivie. Le présent avis vise à en tirer les enseignements, à la fois sur le plan méthodologique et des résultats mis en lumière. Le diagnostic des financements liés à la transition énergétique permet d?identifier un certain nombre de problèmes méthodologiques, et les efforts entrepris pour les corriger 7- En 2015, I4CE a publié son Panorama des financements climat en France3, qui couvre les années 2011 à 20144. «Boîte à outils» des financements climat en France, celui-ci documente et caractérise les dépenses d?investissement et les flux de financement qui ont contribué, directement ou indirectement, à la réduction des émissions de GES en France. Ce panorama couvre les investissements en capital tangible5 aboutissant à une baisse des émissions de GES. Les investissements sont mis en rapport avec la contribution des principaux mécanismes financiers, issus du public ou du privé. Les domaines pris en compte sont : l?efficacité énergétique, les ENR, le nucléaire, les infrastructures durables et le «hors énergie», qui inclut par exemple les forêts. Les dépenses d?investissement sont prises en compte, mais ce n?est pas le cas des dépenses de R&D et des dépenses d?exploitation. Pour chaque secteur, l?étude recense et mesure les ordres de grandeur des dépenses en investissement qui ont permis directement ou indirectement à la réduction d?émissions de GES, en s?inspirant de la méthodologie développée par Climate Policy Initiative (CPI) utilisée au niveau international, en l?adaptant au contexte français. L?étude se fonde sur des données existantes de plusieurs sources du domaine public, et si nécessaire et possible, également du secteur privé. Dans un premier temps, les données publiques existantes sont analysées et mobilisées. Elles sont validées et complétées par des entretiens avec des experts pour établir des hypothèses détaillées sur l?utilisation des flux (outils, canaux, finalités). 8- L?identification précise de l?ensemble des financements liés à la transition énergétique n?est pas toujours possible : Certaines données existantes sur le financement de la transition énergétique sont incomplètes, ou ne sont pas disponibles. Les secteurs où les données manquent le plus sont le tertiaire, l?industrie et l?agriculture. 3 Cette partie s?appuie sur la présentation réalisée par I4CE au groupe de travail sur les financements du Comité pour l?économie verte. 4 Suite à la première édition de ce Panorama des financements climatiques en France a été élaborée en 2014[4], et décrit les financements climat en France en 2011. 5 Investissements en actifs matériels et certains biens durables comme les véhicules neufs. Les dépenses dans l?éducation, la formation et la R&D ne sont pas comptabilisées. 125 La classification des flux financiers dans des secteurs relevant ou non de la transition énergétique est importante pour parvenir à des résultats cohérents, mais n?est pas toujours évidente puisque leur nature est diverse. Par exemple, avec la méthodologie adoptée par I4CE, certains soutiens publics, comme le taux de TVA préférentiel aux opérations d?efficacité énergétique dans le bâtiment, ou le tarif d?achat des énergies renouvelables électriques, ne sont pas pris en compte. Dans le dernier cas, les subventions étant versées durant toute la durée du projet, elles apparaissent comme une recette d?exploitation, le coût de l?investissement étant supporté par dette bancaire. Dans certains cas, le déclenchement des travaux n?a pas lieu en même temps que le financement Par exemple, dans le Panorama, le CITE est compté à l?année où ont lieu les travaux, même si le versement se produit ultérieurement. Il y a donc un décalage d?un an avec les chiffres du PLF. Enfin, on est amené à distinguer entre des projets qui sont intégralement comptés comme verts (cas des ENR), et d?autres où il faut estimer les surcoûts de la durabilité. Par exemple, en matière d?efficacité énergétique dans la construction neuve, il faut distinguer ce qui relève de l?amélioration énergétique et de la construction ; le niveau de référence retenu est celui de la RT2005, le surcoût de la RT2012 étant estimé entre 7% et 11%. 9- Des efforts sont actuellement entrepris pour améliorer la pertinence des éditions futures, la répétition de l?exercice sur plusieurs années ou dans plusieurs pays européens étant un moyen d?améliorer ou approfondir l?analyse. Une manière d?améliorer ces diagnostics pourrait également passer par une définition plus précise des investissements qui sont verts. Cela permettrait à la fois de renforcer la crédibilité de ces investissements et de pouvoir en faire des panoramas plus précis. A titre d?exemple, c?est ce qui a été entrepris pour les obligations vertes. Dans ce domaine où il n?existe pas à ce jour de cadre strict, des initiatives comme les Green Bonds Principles ou la Climate Bonds Initiative fournissent des lignes directrices (différentes toutefois) pour vérifier que les fonds levés par les obligations vertes sont bien destinés à financer des projets compatibles avec la transition énergétique. En France, le référentiel du label transition énergétique et écologique pour le climat définit les activités entrant dans le champ de la transition énergétique et écologique et prévoit des exclusions strictes ou partielles. Le « Panorama des financements climat en France » fournit une première mesure du fossé à combler. 10- Suivant I4CE, les investissements qui ont contribué, directement ou indirectement, à la réduction d?émissions de GES en France peuvent être évalués à 36 milliards d?euros en France en 2013, dont la moitié dans le secteur de l?efficacité énergétique du bâtiment (18 Md¤), les infrastructures durables notamment dans le secteur des transports (11,8 Md¤), les énergies renouvelables (5 Md¤). 11- La première édition de cette étude recensait seulement 22 Md¤ d?investissements en France en 2011. La variation observée est due à la fois : aux additions au périmètre de l?étude et aux changements dans la méthodologie (8 Md¤) ; et à une augmentation des investissements de 6 Md¤ entre 2011 et 2013. Une hausse des investissements dans le secteur du bâtiment et des infrastructures a été observée (8,3 Md¤ en 2011). En revanche les investissements dans les ENR, photovoltaïque principalement, ont diminué (9 Md¤ en 2011). 126 L?étude fait par ailleurs une cartographie des canaux de financement à travers l?économie française, depuis leur source (ménages, entreprises) jusqu?à leur secteur et objet de destination, en recensant notamment les intermédiaires (Etat, institutions financières) et instruments de distribution (dette, capital, aides). La sphère publique soutient plus de la moitié de ces investissements, via : ? Un soutien public dans des domaines d?intervention traditionnels de la puissance publique : infrastructures de transport, logement... (14,8 Md¤ en 2014). ? Un soutien pour créer un effet d?entraînement (3,9 Md¤ en 2014). Selon I4CE, les investissements devront augmenter pour atteindre les niveaux nécessaires pour l'atteinte des objectifs en matière de climat, et en particulier ceux définis par la SNBC. I4CE a par exemple estimé que des investissements d?environ 10 Md¤ supplémentaires par an seraient nécessaires pour la rénovation des bâtiments (9 Md¤ supplémentaires) et la production d?énergie (1 Md¤). Vers une amélioration du suivi des financements liés à la transition énergétique 12- L?étude d?impact du projet de Stratégie nationale bas-carbone évaluait quant à elle à environ 20 milliards d?euros les investissements annuels moyens supplémentaires entre 2015 et 2018 pour mettre en oeuvre les orientations du premier budget carbone (SNBC, 2015). Ces montants ne sont pas directement comparables aux montants couverts dans le panorama réalisé par I4CE, du fait de la manière dont sont comptabilisés les financements contribuant à la transition énergétique. Les différences qui peuvent être observées entre la méthodologie utilisé par l?étude d?I4CE et la manière dont la SNBC évalue les financements nécessaires à la transition énergétique soulèvent les questions suivantes : Un certain nombre d?indicateurs de suivi de la transition énergétique ont déjà été identifiés. Est-il opportun d?ajouter des indicateurs supplémentaires ? Les catégories choisies pour les investissements (sectorielles notamment) sont-elles les plus pertinentes ? Est-il préférable de prendre en compte les montants totaux des investissements ou uniquement les parties incrémentales correspondant au coût additionnel de la part bas-carbone des investissements (cf supra, surcoût des nouvelles normes pour les bâtiments) ? 13- A ce stade, le comité pour l?économie verte peut formuler les propositions suivantes : Les études existantes sur l?état des lieux de la transition énergétique pourraient être enrichies en étendant leur périmètre. A titre d?exemple, des versions ultérieures du panorama sur les financements climatiques d?I4CE pourraient intégrer les financements liés à la recherche et développement, l?utilisation des fonds du programme d?investissement d?avenir (PIA), le plan Juncker, ou certaines actions des plans de développement rural et plus généralement de l?agriculture. De même, il convient de cerner plus avant les financements du secteur privé. 127 Les études prospectives sur les financements pour la transition énergétique, telles que celles mises en oeuvre lors du lancement de la SNBC, devraient être développées et suivies dans le temps. Au-delà, l?articulation entre les études fournissant un panorama des financements existants et une projection des besoins à venir mériterait d?être également approfondie afin d?évaluer les efforts d?investissements restant à fournir, avec, en perspective d?être en capacité d?élaborer des stratégies de financement couvrant l?ensemble des investissements privés et publics déclinés par enjeux et activités (ex : rénovation des bâtiments, mobilité etc.). Afin d?obtenir un panorama plus complet de l?état d?avancement de la transition énergétique, les tableaux décrivant son financement et ceux concernant les emplois verts devraient être rapprochés6. Le suivi de l?encours au label Transition énergétique et écologique pour le climat pourrait être intégré à ce panorama. 6 En 2016, I4CE a d'ores et déjà prévu de proposer des évolutions, notamment concernant le financement de la R&D, et d'étudier les possibilités de publications conjointes avec les publications "Marché et emplois" de l'ADEME qui constituent déjà une de leurs sources de données. Des complémentarités avec le "compte satellite de l'énergie" en cours de mise au point par le SOeS sont également possibles. 128 Avis du Comité pour l?économie verte sur les principes d?utilisation des recettes du relèvement de la composante carbone Cet avis a été discuté et adopté lors de la séance plénière du 20 septembre 2016 Le présent avis porte sur l?utilisation des recettes du relèvement de la composante carbone, qui doit être portée à 56 ¤/tCO2 en 2020. Il rappelle que le choix d?utilisation des recettes est éminemment politique, mais qu?il doit être éclairé par des analyses d?impact rigoureuses et faire l?objet d?un suivi régulier, afin d?asseoir la légitimité et d?améliorer l?acceptabilité de la composante carbone. Il propose à cette fin sept principes de gouvernance. Le relèvement de la composante carbone prévu par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte 1- La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé les objectifs de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et de diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050. Pour cela, elle pose en principe général de procéder à un élargissement progressif de la composante carbone, assise sur le contenu en carbone fossile dans les énergies consommées. De manière plus précise, elle établit l?objectif, pour la composante carbone intégrée aux tarifs des taxes intérieures sur la consommation des produits énergétiques inscrites au tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes, d'atteindre une valeur de la tonne carbone de 30,50 ¤ en 2017, de 39 ¤ en 2018, de 47,50 ¤ en 2019, de 56 ¤ en 2020 et de 100 ¤ en 2030. Ces objectifs, en ligne avec les évaluations de valeur tutélaire du carbone des rapports Quinet, ont été rappelés lors de la Conférence environnementale d?avril 2016. En revanche, la manière d?en utiliser la recette devra encore être précisée, dans le cadre des lois de Finances qui en assureront la mise en oeuvre. 129 https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006071570&idArticle=LEGIARTI000006615102&dateTexte=&categorieLien=cid https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006071570&idArticle=LEGIARTI000006615102&dateTexte=&categorieLien=cid Les travaux antérieurs du Comité pour la fiscalité écologique 2- Dans son avis du 28 mars 2013, le Comité pour la fiscalité écologique (CFE), devenu depuis Comité pour l?économie verte, appuyait la création d?une composante carbone pour renforcer les actions de réduction des émissions de CO2, et soutenait l?idée de son relèvement progressif. En parallèle, le président du CFE avait proposé, et soumis à débat au sein du CFE, le 13 juin 2013, des modalités de mise en oeuvre de l?assiette carbone sur la période 2014- 2020, combiné à un rééquilibrage de la taxation essence-diesel, qui ont grandement inspiré le législateur. Le Comité soulignait cependant que la création d?une composante carbone ne pouvait être acceptée « socialement et économiquement sans un dispositif d?utilisation de la recette adapté, simple et lisible par tous. Ce dispositif doit tenir compte des effets attendus de la taxation sur la compétitivité des différents secteurs économiques, en portant une attention particulière aux TPE et PME, et sur les différentes catégories de ménages en ciblant les mesures d?accompagnement sur les catégories les plus vulnérables et ceux ne disposant pas de solution alternative ». Pour assurer la compréhension et l?adhésion nécessaires des citoyens à un tel projet, le Comité soulignait que l?introduction d?une assiette carbone devait absolument être comprise comme un instrument incitatif et non comme un impôt supplémentaire de rendement accroissant les prélèvements. A cette fin, la réalisation d?études d?impact complètes et transparentes, portant sur l?ensemble des impacts, est cruciale. 3- Dans cette perspective, ce même Comité s?était penché plus précisément sur la conception d?éventuelles compensations aux ménages (avis n°7 du 13 février 2014). A cette occasion, il avait pointé qu?il était prévu que trois quarts des recettes issues de la hausse de TIC, résultant de l?introduction de la composante carbone, participent au financement du crédit d?impôt pour la compétitivité et l?emploi à destination des entreprises (CICE). Il était noté que cette affectation ne faisait pas l?objet d?un consensus au sein du Comité, certains de ses membres faisant valoir que la hausse de la TIC est directement payée aux deux-tiers environ par les ménages. Les instruments dont on dispose pour effectuer cette compensation ont évolué suite à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte : - création du chèque énergie, actuellement en cours d?expérimentation dans quatre départements. Celui-ci est attribué aux ménages dont le revenu fiscal de référence annuel par unité de consommation ne dépasse pas 7 700 euros. Son montant dépend du revenu et de la composition familiale : pour les foyers les plus modestes, il varie entre 144 ¤ (célibataire) et 227 ¤ (couple avec deux enfants ou plus)37 ; - création du compte d?affectation spéciale « transition énergétique » par la loi de finances rectificative pour 2015 ; - entrée en vigueur à partir du 1er janvier 2016 d?une obligation pour les vendeurs d?énergie de soutenir les opérations d?efficacité énergétique chez les particuliers en 37 Pour mémoire, la dépense énergétique moyenne d?un ménage (gaz, électricité, combustibles solides et liquides) atteignait environ 1 633 ¤ en 2014 (source : « Bilan énergétique pour la France 2014 », RéférenceS, juillet 2015, Commissariat général au développement durable, ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer. 130 situation de précarité énergétique, dans le cadre du dispositif de certificats d?économie d?énergie. Trois possibilités d?utilisation des recettes 4- En application notamment de l?article L. 100-2 4° du code de l?énergie, l?utilisation des recettes de la fiscalité écologique doit arbitrer entre trois possibilités (non exclusives) : - la réduction d?autres prélèvements, dans une logique de « double-dividende », c?est- à-dire l?idée que la mise en place d?une fiscalité environnementale peut permettre simultanément deux améliorations pour la collectivité. Le premier « dividende » est la réduction de la pollution, lié à l?effet incitatif de la taxe sur les comportements (« signal-prix »). Le second « dividende » correspond dans ce cas d?affectation des recettes à la diminution des taux de taxes distorsives économiquement, permise par les recettes budgétaires générées par la taxe, par exemple en abaissant la fiscalité pesant sur le travail afin de favoriser l?emploi ; - le financement d?interventions publiques dans le but de favoriser la transition énergétique ; - et des compensations forfaitaires pour maintenir le pouvoir d?achat des catégories de ménages ou d?entreprises qui, sinon, seraient les plus touchés. Le choix est éminemment politique, mais il doit être éclairé par des analyses d?impact rigoureuses. De plus, les parties prenantes demandent que ce choix soit transparent et posé dans la durée : changer de pratique en ce domaine leur apparaît comme une condition cruciale pour inscrire la légitimité de la composante carbone. Eléments d?analyse pour éclairer le choix d?utilisation des recettes 5- Les choix doivent tenir compte du contexte, notamment macroéconomique, et de la situation des finances publiques, aussi bien pour l?Etat que pour les collectivités territoriales. A cet égard, la faiblesse passagère du prix des combustibles fossiles est non seulement un élément essentiel pour motiver le relèvement de la composante carbone, conformément aux orientations données dans la loi « LTECV », mais celle-ci implique aussi différents impacts à prendre en compte pour apprécier les besoins de compensation. En effet, la note de conjoncture de l?INSEE de mars 2016 a évalué de manière très détaillée comment le gain, d?abord reçu par les branches de première transformation des énergies fossiles (raffinage du pétrole et fabrication de combustible gazeux), a été transmis rapidement aux autres branches et aux ménages. De plus, parmi les différentes catégories de ménages, toutes ont gagné en pouvoir d?achat à des degrés divers selon leurs revenus et leur lieu de résidence. Parmi les entreprises, les principales bénéficiaires de la chute du cours des matières premières énergétiques appartiennent aux branches qui en sont fortement consommatrices : industrie chimique et services de transport principalement. Pour ces branches, la baisse du prix des hydrocarbures a contribué à la reconstitution de leurs marges entre 2013 et 2015, via la hausse de valeur ajoutée. Mais la baisse du prix des énergies fossiles se transmet ensuite progressivement à l?ensemble de l?économie, car les branches qui en ont bénéficié les premières abaissent à leur tour leur prix de production. 131 6- Pour éclairer les choix d?utilisation de la recette du relèvement de la composante carbone, on dispose désormais d?éléments factuels nouveaux. Mais ceux-ci en soulignent plutôt l?acuité qu?ils ne fournissent la solution. D?un côté, le poids et la structure de la fiscalité française tels qu?ils ressortent des comparaisons internationales plaident pour une restructuration fiscale « à la suédoise », les recettes procurées par l?éco-fiscalité étant prioritairement orientées vers la baisse des prélèvements les plus pénalisants pour l?activité économique. De l?autre, l?observation des expériences étrangères montre un large périmètre de secteurs ou projets qui peuvent bénéficier du recyclage de ces recettes, selon une logique d?appui à la transition écologique. Certains pays ciblent ainsi les réductions d?émissions les moins coûteuses, telles que les économies d?énergie dans les bâtiments publics et privés. La Californie et le Québec, quant à eux, utilisent des plans pluriannuels d?affectation des revenus pour diriger ces recettes vers de nombreux objectifs, incluant la sensibilisation, la préservation et la décarbonation de leur secteur le plus émetteur : le transport. On sait par ailleurs mieux chiffrer combien l?introduction en 2014 de la composante carbone a renchéri le coût des énergies fossiles que les ménages utilisent pour se déplacer et se chauffer, et les coûts de production des entreprises qui y sont soumises. Pour mémoire, sont en effet exonérées de la composante carbone les entreprises grandes consommatrices d'énergie relevant du système européen d?échange de quotas de carbone ou considérées comme exposées à un risque important de fuite de carbone, au titre de l?article 265 nonies du code des douanes. En 2016, l?effet moyen de l?introduction de cette composante carbone sur lalala facture énergétique des ménages est estimé à un montant de 83 ¤ (3 % de leur facture), relativement à une situation où la composante carbone n?aurait pas été introduite38. L?effet de cette mesure varie selon la situation du ménage (type d?énergie de chauffage, mode de détention de véhicule, composition du ménage, localisation, etc.). L?effet de l?introduction d?une composante carbone sur les coûts de production des entreprises avait par ailleurs été estimé en 2009 par l?Ademe39. Selon cette analyse, qui nécessiterait d?être mise à jour et précisée, une composante carbone de 32 ¤/tCO2 coûterait au tertiaire en moyenne 0,08 % de sa valeur ajoutée (VA), et à l?industrie (hors secteurs exonérés) 0,78 % de sa VA (hors carburant et électricité). Les impacts sont cependant très variables d?une branche à l?autre. Sept principes pour une gouvernance transparente 7- A défaut de fournir une solution consensuelle sur l?affectation des recettes du relèvement de la composante carbone, le Comité adhère aux principes de gouvernance suivants, inspirés des travaux de M. Vaidyula et E. Alberola de I4CE (Institute for Climate Economics)40 : 38 Cf. Simon O. et Thao Khamsing W. (2016), « L?impact, pour les ménages, d?une composante carbone dans le prix des énergies fossiles », Le point sur n°225, Commissariat général au développement durable, ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer. 39 Le Callonec (2009), « La Contribution Climat Énergie : un double dividende écologique et économique », La lettre ADEME & vous - Stratégie & études n°17. 40 Vaidyula M. et Alberola, E. (2016), « Recycler les revenus issus des politiques de tarification du carbone : transformer les coûts en opportunités », I4CE - Institute for Climate Economics. 132 1. Planifier l?utilisation des revenus carbone dès la conception des politiques de tarification du carbone et établir des objectifs pluriannuels et des lignes directrices pour l?affectation de ces revenus, de manière à assurer la stabilité des règles pour les acteurs économiques, et construire la confiance du public dans la fiscalité environnementale ; 2. Engager une consultation publique avec les parties prenantes afin d?identifier clairement les priorités en matière de dépenses et de garantir leur soutien ; 3. Réaliser les études d?impact nécessaires sur les effets de la composante carbone et de l?utilisation de ses recettes, sur les plans environnemental, économique (par secteur d?activité et taille d?entreprise) et social (par niveau de vie), en intégrant explicitement les dimensions territoriales ; 4. Déterminer des points d?étape pour actualiser les objectifs et le plan de dépenses des recettes afin d?améliorer leur efficacité environnementale et économique ; 5. Développer des garanties pour compenser les bénéficiaires des recettes en cas de manque à gagner sur les revenus attendus ; 6. Communiquer régulièrement au public sur les progrès de la transition énergétique et encourager la transparence sur l?efficacité des politiques de tarification du carbone et l?affectation des recettes ; 7. Identifier les moyens de maximiser l?utilité de ces revenus carbone. A titre d?exemple, étudier comment maximiser leur effet levier pour attirer des financements privés additionnels, en particulier pour les projets à grande échelle. 133 Avis sur l?opportunité d?une accélération de la trajectoire de la composante carbone Cet avis a été adopté à l?unanimité des membres présents lors de la séance plénière du 10 janvier 2017 A la demande de la Conférence environnementale 2016, le Comité pour l?économie verte (CEV) a examiné les conditions pour adapter la trajectoire de prix du carbone dans un contexte de prix du pétrole bas. Ceci l?avait tout d?abord conduit à définir des principes généraux pour l?utilisation des recettes de la composante carbone, notamment de transparence et d?évaluation systématique de l?impact des choix41. Le présent avis porte sur l?opportunité d?accélérer la trajectoire de la composante carbone pour éviter un relâchement des efforts de réduction des émissions de CO2, et accélérer le financement de la transition écologique. Au-delà des différences d?appréciation entre parties prenantes sur la balance entre opportunités et risques d?une telle accélération, il souligne que la composante carbone ne doit pas être conçue comme un impôt supplémentaire de rendement accroissant les prélèvements, ni comme une recette d?appoint pour équilibrer les comptes publics. Ces recettes devraient être utilisées pour financer la transition écologique dans le respect des dispositions adoptées au 4° du II de l?article 1er de la loi sur la transition énergétique pour une croissance verte42. Le contexte actuel des marchés des combustibles fossiles justifie ce réexamen Lors de son introduction en 2014, les scénarios sous-tendant le barème de la composante carbone avait été établis sur la base d?un prix du pétrole durablement élevé. Depuis l?entrée en vigueur de cette disposition, les prix du pétrole ont fortement chuté, de sorte que, sur les dernières années, la hausse de la fiscalité sur l?énergie liée à la composante carbone a été plus que compensée par la baisse des prix de l?énergie. A titre d?ordre de grandeur, une diminution 41Cf. Avis du Comité pour l?économie verte sur les principes d?utilisation des recettes du relèvement de la composante carbone, 2016. 42 Article L.100-2 : « Pour atteindre les objectifs définis à l'article L. 100-1 l'Etat, en cohérence avec les collectivités territoriales et leurs groupements et en mobilisant les entreprises, les associations et les citoyens, veille, en particulier, à : (?) 4° Procéder à un élargissement progressif de la part carbone, assise sur le contenu en carbone fossile, dans les taxes intérieures de consommation sur les énergies, dans la perspective d'une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre, cette augmentation étant compensée, à due concurrence, par un allègement de la fiscalité pesant sur d'autres produits, travaux ou revenus ; 134 du prix du pétrole de 40 ¤/baril43 représente environ 100 ¤/tCO2. En comparaison, le prix du carbone est de 30,5 ¤/tCO2 en 2017 (après 22 ¤/tCO2 en 2016), conformément à la trajectoire définie par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV). Celle-ci a en effet repris la référence-cible de 100 ¤ à l?horizon 2030 qui avait été établie par le rapport au Premier ministre sur « la valeur tutélaire du carbone », dit rapport Quinet (2009), ainsi que son approche d?une montée en régime très progressive du prix du carbone. Ce rapport avertissait cependant que : « les valeurs carbone proposées restent valables pour un prix du pétrole compris entre 50 et 100 euros le baril et pour un prix du charbon compris entre 60 et 120 euros la tonne. Une révision pourrait devenir nécessaire si la tendance de prix des énergies fossiles s?écartait durablement de cette fourchette ». Une réflexion sur les valeurs de référence du carbone paraît également nécessaire au vu de l?objectif climatique mondial instauré par l?accord de Paris. La faiblesse des prix de l?énergie fossile depuis la fin 2014 (cf. graphique ci-dessous qui souligne que si les prix du pétrole ont diminué ces dernières années, ils ne cessent de varier de manière substantielle) pose la question de l?adaptation de la trajectoire initialement prévue à ce nouveau contexte : faut-il profiter des prix bas de l?énergie pour accélérer la trajectoire de la composante carbone ? En dépit de la probable remontée des cours du pétrole dans les prochaines années, mais à un horizon incertain compte-tenu des révisions concernant les perspectives de demande, quels risques fait peser un bas prix final des combustibles fossiles sur les comportements de réductions des émissions de CO2 ? Graphique ? Prix du pétrole (Brent) Source : Insee Eléments d?évaluation Afin d?apprécier les impacts d?une éventuelle accélération de la trajectoire carbone, le CEV a réuni les éléments d?évaluation disponibles et sollicité de nouvelles simulations. Ces dernières ont été calibrées sur une hypothèse conventionnelle de travail homogène, suivant laquelle cette accélération aurait pris la forme d?une application dès le 1er janvier 2017 d?une valeur du carbone de 39 ¤/tonne de CO2, égale à la valeur prévue pour 2018. Dans ce scénario, le signal- 43 Soit l?écart entre le prix du pétrole qui prévalait jusqu?à la mi-2014 et son niveau à l?automne 2016. 135 prix passait, à titre d?exemple, à compter du 1er janvier 2017, d?un taux de 22 ¤/tonne de CO2 à un taux de 39 ¤/tonne de CO2. Cette hausse supplémentaire de 8,5 ¤/tonne de CO2 par rapport au taux pour 2017 représente environ 2c¤/L, soit une hausse du prix TTC d?environ +1,8 % pour le super, de +2,5 % pour le gazole, et de +4,4 % pour le fioul domestique. Compte tenu de l?assiette de la composante carbone, la hausse s?applique principalement à l?ensemble des émissions diffuses du transport (133 MtCO2éq. en 2013) et du résidentiel ? tertiaire (87 MtCO2éq.). L?impact correspondant par ménage s?élève à 40 ¤/an, le poids de la composante carbone dans son ensemble atteignant alors environ 160 ¤ par ménage et par an44. A titre de comparaison, la baisse des prix de l?énergie depuis 2013 leur a procuré un gain de pouvoir d?achat de 450 ¤/an. En poids relatif, l?impact est sensiblement plus élevé pour les ménages les plus modestes, appartenant au premier décile de la distribution des revenus. En termes de recettes fiscales, cette augmentation, appliquée aux tarifs de la TICPE, devrait permettre d?engendrer plus de 1,5 Md¤ de recettes supplémentaires en 2017. S?agissant de l?évaluation de l?impact sur les entreprises, et donc sur la compétitivité-prix, il faut rappeler que sont exonérées de composante carbone : les entreprises soumises à l?EU- ETS, les industries intensives en énergies soumises à un risque important de fuite du carbone, et les entreprises exonérées totalement ou partiellement de « TIC » (transports routiers, taxis, pêche, agriculture?). Seraient donc essentiellement impactées les entreprises du tertiaire et les entreprises industrielles non intensives en énergie45. Pour apprécier l?impact sur les émissions de CO2, on peut s?appuyer sur les méta-analyses récentes, qui synthétisent l?ensemble des résultats disponibles sur la sensibilité de la consommation énergétique à son prix, qui estiment les élasticités correspondantes à -0,2/0,3 à court-terme et -0,6 à long-terme. En d?autres termes, une hausse de 10 % du prix de l?énergie réduit la demande de 6 % à long terme. Ce mécanisme explique que la baisse de la consommation énergétique finale, corrigée des variations climatiques, se soit interrompue en 2015, alors qu?elle s?établissait à -0,9% par an entre 2008 et 2014. Le CEV n?a pas examiné, au-delà, les impacts sur la croissance et l?emploi, ce qui nécessiterait de recourir à des modèles macroéconomiques46. 44 En tenant compte de la hausse de TVA induite par la hausse de la composante carbone. 45 A hauteur de 0,02 % de leur valeur ajoutée pour les premières, et de 0,08 % pour les secondes, si l?on extrapole les estimations réalisées en 2009 par l?Ademe. A cet égard, les éléments d?étude d?impact dont on dispose actuellement mériteraient d?être actualisés en appréciant précisément les impacts en fonction des secteurs et de la taille des entreprises, notamment les TPE/PME. 46 A cet égard, les travaux macroéconomiques réalisés dans le cadre de la Stratégie nationale bas carbone indiquaient que l?application de la trajectoire de la composante carbone jusqu?en 2030 devrait permettre d?atteindre à la fois un gain écologique et un gain économique, estimé par le modèle ThreeMe à 0,2 pt de PIB en 2035, dans le cas où les recettes sont utilisées pour baisser les impôts des ménages et les cotisations sociales employeurs. Les travaux qui avaient été réalisés antérieurement par le Comité « trajectoires 2020-2050 vers une trajectoire sobre en carbone », sous la présidence de Christian de Perthuis (2012) estimaient que la mise en place d?une taxe carbone « sans recyclage des revenus », le produit de la taxe allant simplement alléger le solde des Finances publiques, conduisait à une baisse de l?activité économique et de l?emploi. En revanche, l?impact était jugé favorable en cas de recyclage sous forme de baisse des charges sur le travail supportées par les entreprises, l?effet étant accru avec un recyclage « hybride », combinant baisse de ces charges et soutien à l?innovation. 136 Sur les conditions d?une accélération de la trajectoire carbone et de son opportunité Après avoir analysé les conséquences d?une telle accélération de la trajectoire de la composante carbone, à l?aide des éléments d?évaluation disponibles, les membres du CEV restent partagés quant à son opportunité. Toutefois, les objections portent plus en fait sur la capacité à construire un projet d?ensemble satisfaisant que sur le renforcement du signal-prix carbone dans le contexte actuel. A cet égard, les membres du CEV, à l?exception des représentants des entreprises, signalent les relâchements de comportements déjà à l?oeuvre et souscrivent donc pleinement à l?opportunité que constitue cette accélération qui, tout en ayant un impact limité sur la facture énergétique des ménages et des entreprises, permettrait de dégager des sources de financement pour la transition énergétique et écologique : augmentation du montant du chèque énergie, aides plus fortes aux rénovations des logements, stimulation des investissements dans la transition énergétique du secteur privé dont des aides pour le renouvellement du matériel productif. Ceux-ci soulignent que le financement de la transition énergétique et écologique est essentiel si la France veut respecter ses engagements internationaux en matière de réduction d?émissions de gaz à effet de serre : alors que la France a été en première ligne dans le cadre de la COP21 et de la ratification de l?accord de Paris par le plus grand nombre, consolider la volonté politique d?assurer et de sécuriser le financement de la transition énergétique serait un signal positif quant à la volonté de la France d?assumer ses engagements. Ils constatent que le montant actuel des financements climat demeure insuffisant au regard des objectifs fixés dans la Stratégie nationale bas-carbone. Dans cette perspective, ils recommandent que les recettes générées par les futures augmentations, indépendamment d?une éventuelle accélération de la trajectoire de la composante carbone, soient affectées à des dépenses en lien avec l?objectif de transition écologique en intégrant sur ce plan des objectifs de recherche, d?innovation et d?efficacité. A l?exception des représentants des entreprises qui sont opposés à une utilisation intégrale des recettes de la composante carbone à cet objet, les autres membres demandent que ce soit l?ensemble des recettes de la composante carbone qui soient affectées à de telles dépenses. Les membres du CEV s?étonnent ainsi de ne pas avoir été consultés sur l?utilisation des recettes générées par l?augmentation de 22 à 30,5 ¤/tCO2 de la Contribution Climat Énergie en 2017 et rappellent qu?il n?y a pas de consensus sur les bénéfices supposés du double dividende au sein du comité. Ces recettes devraient donc servir à financer l?ensemble des politiques publiques relatives à la transition énergétique dans ses différentes composantes (maîtrise de l?énergie, lutte contre la précarité énergétique, production d?énergie renouvelable sous toutes ses formes, ainsi qu?au financement de l?adaptation au changement climatique), et profiter à tous les acteurs de la société engagés dans ce processus : les ménages, les entreprises et les collectivités territoriales. A ce stade, les représentants des entreprises sont en revanche opposés à l?accélération de cette trajectoire compte tenu des enjeux de compétitivité. Ils mettent notamment en avant le contexte macroéconomique dégradé en rappelant que si l?érosion de l?emploi industriel s?explique en partie par des gains de productivité et par l?externalisation de certaines fonctions vers les services, la France est, depuis une dizaine d?années, l?un des pays développés où le mouvement de désindustrialisation est le plus fort. Ils pointent aussi le manque d?explications des pouvoirs publics sur l?usage des revenus additionnels de la taxation. Pour ceux-là, la trajectoire existante, qui a été intégrée dans la loi sur la transition 137 énergétique pour une croissance verte (LTECV) et mise en oeuvre dans les récentes lois de finances, est déjà ambitieuse et a le mérite de fournir une bonne lisibilité dans le temps. Par ailleurs, pour les représentants des entreprises, cette accélération porte le risque d?une hausse des prélèvements obligatoires et pourrait nuire à la compétitivité de certaines entreprises47. Ceux-là insistent donc sur la nécessité que le développement de la composante carbone s?intègre dans une stratégie de réduction de la pression fiscale et dans un cadre stable et clairement défini par les pouvoirs publics d?usage des revenus additionnels liés à cette éventuelle accélération. Ce cadre stable pourrait notamment privilégier le financement sur le moyen-long terme de l?innovation en faveur des solutions bas carbone compétitives sur le plan international et présentant un retour positif pour les entreprises localisées sur le territoire national. A cet égard, ils considèrent que l?ensemble des études réalisées sur la fiscalité carbone ne permet pas de piloter la trajectoire de la taxe carbone. Ils considèrent qu?en l?état, on ne dispose pas d?étude d?impact économique et social spécifique de la trajectoire de taxe carbone, en particulier sur la compétitivité des entreprises exposées à la concurrence internationale. Ils demandent qu?une telle étude d?impact spécifique et un cadrage pluriannuel de l?utilisation de sa recette envisageant une hypothèse de remontée des prix du pétrole soient réalisés, possiblement via l?Ademe, en préalable à toute modification de sa trajectoire48. Une telle étude devrait ainsi insister sur les effets de la taxation au regard de la compétitivité intracommunautaire, seules les entreprises françaises étant soumises à la composante carbone. Ils rappellent de plus que la LTECV dispose à son article 1er que la hausse de la composante carbone dans les énergies doit être compensée, à due concurrence, par un allègement de la fiscalité pesant sur d'autres produits, travaux ou revenus et qu?ils demeurent attachés à l?application de cette disposition prévue par la loi. Enfin, ils insistent sur la nécessité, pour l?acceptabilité de cet impôt, qu?il soit compris de l?ensemble des contribuables qui le supportent (ménages et entreprises). En dépit des controverses sur les choix précis d?utilisation des recettes, deux éléments de cadrage jugés incontournables sont pointés : il est nécessaire de prévoir des compensations pour certains ménages et certaines entreprises ; et le dispositif mis en place ne doit pas entraîner de transferts importants entre ménages et entreprises, d?autant que la fiscalité indirecte pesant sur les ménages est déjà élevée. Plus généralement, il convient d?examiner soigneusement les transferts induits et leurs conséquences, y compris au sein des entreprises. 47 La CPME qui n?avait pu être présente lors de cette séance plénière, et n?a donc pas pu prendre part au vote, a indiqué postérieurement l?importance qu?elle attachait à ce risque et par là la nécessité, de son point de vue, de s?inscrire strictement dans la mise en oeuvre des dispositions adoptées au 4° du II de l?article 1er de la loi sur la transition énergétique pour une croissance verte. 48Dans cette perspective, le CEV se propose d?examiner le type de règles pouvant être mis en oeuvre en cas de variabilité importante des prix des matières énergétiques. Le CEV devrait être également saisi pour examiner les impacts de la composante carbone des TIC en cas de projet d?évolution de la trajectoire carbone de long terme (2050 notamment) à l?échelle de l?Union européenne. 138 Annexe 4 Lettre de mission du Comité pour l?Économie Verte 139 140 141 Avant-propos du Président du Comité pour l?économie Verte, Dominique Bureau Partie 1 La fiscalité environnementale I- Constat 1. Principaux chiffres 2. Évolutions récentes II- Avis du Comité 1. Énergie-climat 2. Lutte contre les pollutions et les nuisances Partie 2 Mobilisation des financements privés pour la transition énergétique et écologique I- Constat II- Avis du Comité 1. Juillet 2015: Labellisation 2. Novembre 2015: Prise en compte de l?exposition aux risques climatiques 3. Juillet 2016: Financements pour la croissance verte Partie 3 La gestion durable des ressources I- Artificialisation des sols 1. Constat 2. Avis du Comité II- Pollution de l?eau 1. Constat 2. Avis du Comité III- Gestion durable de la faune et de la flore 1. Constat 2. Avis du Comité IV- Les problématiques liées aux milieux littoraux et marins Annexe 1 Liste des membres du Comité pour l?Économie Verte Animation du secrétariat général du Comité Annexe 2 Avis du Comité pour la Fiscalité Écologique Annexe 3 Avis du Comité pour l?Économie Verte Constatant que les enquêtes épidémiologiques, s?appuyant en particulier sur les observations réalisées dans des cohortes de sujets exposés professionnellement, évoquaient l?implication de pesticides dans plusieurs pathologies, notamment des pathologies cancéreuses, des maladies neurologiques et des troubles de la reproduction, il avait été demandé à l?INSERM d?expertiser ce sujet. Le rapport d?expertise collective correspondant, remis en 2013, observait en effet, en préambule, que« même si la disponibilité et l?utilisation des pesticides sont encadrées par des réglementations, la question du risque demeure présente ». Il concluait notamment qu?il existe une présomption forte de lien entre l?exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l?adulte : lymphomes non Hodgkinien, cancer de la prostate, myélome multiple, maladie de Parkinson. Par ailleurs, il existe une présomption forte que les expositions aux pesticides intervenant au cours de la période prénatale et périnatale ainsi que la petite enfance soient particulièrement à risque pour le développement de l?enfant. Avis sur la labellisation des fonds d?investissements pour la transition énergétique et écologique du 16 juillet 2015 Finance verte et transition écologique Avis du 29 octobre 2015 portant diagnostic sur la prise en compte de l?exposition aux risques associés au changement climatique et la contribution au respect de l?objectif de limitation du réchauffement climatique par les investisseurs institutionnels Avis diagnostic sur le suivi des financements liés à la transition énergétique et au climat en France Annexe 4 Lettre de mission du Comité pour l?Économie Verte INVALIDE)

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