Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser

Auteur moral
France. Cour des comptes
Auteur secondaire
Résumé
L'Union européenne harmonise actuellement les données nationales sur les déchets, car les divergences de définition entre États dégradent artificiellement la position comparative de certains d'entre eux, dont la France. Toutefois, même en tenant compte de ce biais, notre pays se situe, au regard des principaux indicateurs (quantité de déchets produite, recyclage, élimination), légèrement en deçà des performances de la moyenne européenne et plus loin encore des pays les plus avancés, que sont l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et les pays scandinaves.
Descripteur Urbamet
déchet ; déchet ménager
Descripteur écoplanete
Thème
Texte intégral
PRÉVENTION, COLLECTE ET TRAITEMENT DES DÉCHETS MÉNAGERS : UNE AMBITION À CONCRÉTISER Rapport public thématique Septembre 2022 ? Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Sommaire Procédures et méthodes ................................................................................ 5 Synthèse ......................................................................................................... 9 Récapitulatif des recommandations ...........................................................17 Introduction ..................................................................................................19 Une réduction des déchets contrariée par un pilotage insuffisant ...........................................................................23 I - Le volume élevé de déchets produits .........................................................23 A - Le volume total des déchets ménagers ........................................................... 23 B - Les ordures ménagères résiduelles .................................................................. 26 II - Des acteurs insuffisamment coordonnés ..................................................27 A - L?organisation des responsabilités : cadrage par l?État et mise en oeuvre par les intercommunalités ......................................................... 28 B - Une programmation qui ne parvient pas à garantir la coordination des différents niveaux territoriaux ........................................................................ 32 III - Un dispositif de suivi toujours défaillant ................................................36 A - La faiblesse des comptes-rendus alimentant les données nationales de l?Ademe ........................................................................................................... 36 B - L?absence d?un tableau de bord synthétique ................................................... 39 IV - Un financement peu lisible et trop faiblement incitatif ..........................43 A - Des dépenses de gestion des déchets en augmentation ................................... 44 B - Des modalités de financement complexes ...................................................... 47 C - Une fiscalité incitative à développer ............................................................... 52 D - La spécificité des territoires touristiques ........................................................ 60 Le dispositif opérationnel : une transformation à accélérer vers l?économie circulaire ........................................................65 I - La prévention : priorité officielle, mais parent pauvre de la gestion des déchets ................................................................................65 A - À l?étape de la production : écoconception et durabilité des produits ............ 66 B - Dans les territoires : une action trop exclusivement centrée sur la communication ............................................................................................ 68 II - La collecte : peu de progrès sur les enjeux prioritaires ............................73 A - Une organisation territoriale multiforme ........................................................ 74 B - Promouvoir la collecte et le tri des bio déchets et des emballages en plastique ........................................................................................................... 77 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 4 III - Le traitement : une coûteuse modernisation à entreprendre ....................85 A - L?adaptation des capacités de traitement : répondre à l?évolution des flux, limiter la hausse des coûts ..................................................................... 86 B - Le recyclage et la valorisation : des performances et une organisation à améliorer ............................................................................................................ 92 C - La valorisation énergétique, un mode de traitement à assumer pour les déchets non recyclables ......................................................................... 103 Conclusion générale ...................................................................................109 Liste des abréviations ................................................................................111 Annexes .......................................................................................................113 Réponses des administrations et des organismes concernés ...................161 ? Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Procédures et méthodes Les rapports de la Cour des comptes sont réalisés par l?une des six chambres thématiques1 que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs chambres et/ou plusieurs chambres régionales ou territoriales des comptes. Trois principes fondamentaux gouvernent l?organisation et l?activité de la Cour ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes, donc aussi bien l?exécution de leurs contrôles et enquêtes que l?élaboration des rapports publics : l?indépendance, la contradiction et la collégialité. L?indépendance institutionnelle des juridictions financières et l?indépendance statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d?appréciation. La contradiction implique que toutes les constatations et appréciations faites lors d?un contrôle ou d?une enquête, de même que toutes les observations et recommandations formulées ensuite, sont systématiquement soumises aux responsables des administrations ou organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu?après prise en compte des réponses reçues et, s?il y a lieu, après audition des responsables concernés. La collégialité intervient pour conclure les principales étapes des procédures de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs. Le rapport d?instruction, comme les projets ultérieurs d?observations et de recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation comprenant au moins trois magistrats. L?un des magistrats assure le rôle de contre-rapporteur et veille à la qualité des contrôles. Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du Gouvernement, la publication d?un rapport est nécessairement précédée par la communication du projet de texte que la Cour se propose de publier aux ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu?aux autres personnes morales ou physiques directement intéressées. Leurs réponses sont présentées en annexe du rapport publié par la Cour. 1 La Cour comprend aussi une chambre contentieuse, dont les arrêts sont rendus publics. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 6 Le présent rapport est issu d?une enquête conduite sur le fondement de l?article L.143-6 du code des juridictions financières qui permet à la Cour de mener des enquêtes thématiques. L?arrêté n°19-129 du 8 février 2019 a créé une formation commune à la Cour et aux chambres régionales des comptes, relative à une enquête sur la prévention et la gestion des déchets, associant la Cour des comptes et onze chambres régionales des comptes : Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Corse, Centre-Val de Loire, Grand-Est, Hauts- de-France, Île-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Provence-Alpes- Côte d?Azur et Pays de la Loire. Sur le fondement d?une note de faisabilité et d?un guide de contrôle adoptés par la formation commune en septembre 2019 et janvier 2020, le périmètre de contrôle a été arrêté aux déchets ménagers et assimilés (DMA). Cette enquête intervient, dix ans après le précédent rapport thématique sur le sujet2 et quelques années après les travaux consacrés aux éco- organismes3. Ce nouveau rapport se nourrit de 51 contrôles des CRC portant sur 23 syndicats mixtes, 3 métropoles (Lyon, Nice, Aix-Marseille), Paris et 22 communautés de communes et d?agglomération, et d?une enquête de la Cour des comptes portant sur la dimension nationale et internationale du sujet. Au niveau national, les contrôles ont principalement porté sur l?action de l?État (direction générale de la prévention des risques du ministère de l?Écologie et Ademe), les éco-organismes, le volet industriel de la valorisation des déchets et les comparaisons internationales. Les rapporteurs ont échangé avec les administrations centrales (Direction générale de la prévention des risques, Commissariat général au développement durable, Direction générale des collectivités locale), l?Ademe, les corps de contrôle compétents (contrôle général économique et financier, conseil général de l?environnement et du développement durable), l?éco-organisme Citeo, l?association des Maires de France, la Fédération des emballages plastiques (ELIPSO), la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l?environnement (FNADE) et les associations Amorce, Zero Waste France et l?UFC Que Choisir. 2 Cour des comptes, Les collectivités territoriales et la gestion des déchets ménagers et assimilés, rapport public thématique, septembre 2011. Un rapport de suivi a été inséré au Rapport public annuel 2014 de la Cour des comptes, intitulé « La gestion des déchets ménagers : des progrès inégaux au regard des enjeux environnementaux ». 3 « Les éco-organismes : un dispositif original à consolider », insertion au Rapport public annuel 2016 et « Les éco-organismes : une performance à confirmer, une régulation à renforcer », chapitre de suivi, Rapport public annuel 2020. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers PROCÉDURES ET MÉTHODES 7 Au niveau territorial, les contrôles ont porté sur la gouvernance, la prévention, la collecte, la valorisation et le financement du service public de gestion des déchets. Des échanges ont eu lieu avec les principaux acteurs concernés au niveau territorial, dont les exécutifs locaux, les présidents et directeurs des services et les responsables de centres de tri. Les contrôles ont été réalisés en s?appuyant sur le guide de contrôle utilisé par tous les rapporteurs. Les juridictions financières ont utilisé les données collectées sur les déchets ménagers et assimilés depuis dix ans par l?Ademe dans SINOE®- déchets, outil d?analyse et de compilation des données locales qu?elles ont rapprochées des données qu?elles avaient elles-mêmes collectées. Les comparaisons internationales portent sur cinq États de l?Union européenne : l?Allemagne, l?Autriche, la Belgique (Flandre), les Pays-Bas et la Suède et ont été réalisées à partir des publications de l?Union européenne, de documents nationaux, d?articles et d?entretiens avec la Commission européenne et les administrations des pays cités. En outre, la formation commune a pris l?initiative de recevoir en audition le directeur général de la prévention des risques, le président de l?Ademe ainsi que trois associations d?élus locaux intéressées (Intercommunalités de France, France Urbaine et Régions de France). ? Le projet de rapport a été préparé, puis délibéré le 12 mai 2022, par la formation interjuridictions susvisée, présidée par Mme Podeur, présidente de chambre, et composée de Mme Catherine Périn, conseillère maître, M. Dominique Roguez, conseiller maître, président de la chambre régionale des comptes Grand Est, Mme Cécile Daussin-Charpantier, conseillère référendaire, présidente de la chambre régionale des comptes Centre-Val de Loire, Mme Nathalie Gervais, conseillère référendaire, présidente de la chambre régionale des comptes Corse, M. Alain Stéphan, président de section à la chambre régionale des comptes Île-de-France, M. Pierre-Jean Espi, président de section à la chambre régionale des comptes Pays de la Loire, M. Jean-Marc Le Gall, président de section à la chambre régionale des comptes Hauts-de-France, ainsi que, en tant que rapporteur général, M. Hervé Boullanger, conseiller maître, en tant que rapporteur général adjoint, M. Armand Thévot, premier conseiller, et en tant que rapporteur, M. Vladimir Dolique, premier conseiller, assistés par Mme Rahima Chabane, vérificatrice, et, en tant que contre-rapporteur, M. Jean-Yves Perrot, conseiller maître. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 8 Le comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, composé de M. Pierre Moscovici, Premier président, M. Morin, M. Andréani, Mme Podeur, MM. Charpy, Gautier et Bertucci, Mme Camby, rapporteure générale du comité, présidents de chambre, MM. Meddah, Martin, Advielle, Lejeune, Mmes Bergogne et Renet, présidents de chambre régionale des comptes, et Mme Hirsch, Procureure générale, a été consulté sur le projet de rapport le 5 juillet 2022. Le Premier président en a approuvé la publication le 27 septembre 2022. Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne sur le site internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/documents/1106 https://www.ccomptes.fr/fr/documents/1106 Synthèse Les déchets ménagers et assimilés (DMA) sont produits à hauteur de 80 % par les ménages et de 20 % par les petites entreprises et les commerces, puis collectés en porte à porte ou en point d?apport volontaire (PAV) et en déchèteries. Plus de dix années se sont écoulées depuis le précédent rapport public thématique des juridictions financières consacré aux politiques publiques de prévention et de gestion de ces déchets, à l?échelon national comme à l?échelon local. Depuis ce rapport, le cadre législatif et réglementaire français a été profondément remanié, en vue d?instaurer une économie dite « circulaire ». Celle-ci considère les déchets comme des ressources réutilisables et hiérarchise leurs modes de traitement dans l?ordre préférentiel suivant : prévention, réemploi, réutilisation, recyclage, valorisation énergétique et enfin élimination. Malgré cette refonte du droit applicable, plusieurs besoins d?améliorations pointés par les juridictions financières en 2011, et qui avaient fait l?objet de recommandations, restent à réaliser. Le volume élevé des déchets produits Le volume d?ordures ménagères produit par habitant en France (583 kg de DMA par habitant en 2019) tend à se stabiliser sur la dernière décennie mais il reste à un niveau élevé. Dès lors, la France n?atteindra l?objectif de baisse des DMA qu?elle s?est fixée à l?horizon 2030 (- 15 % par rapport à 2010) qu?au prix d?une accélération forte de la tendance actuelle. L?Union européenne harmonise actuellement les données nationales sur les déchets, car les divergences de définition entre États dégradent artificiellement la position comparative de certains d?entre eux, dont la France. Toutefois, même en tenant compte de ce biais, notre pays se situe, au regard des principaux indicateurs (quantité de déchets produite, recyclage, élimination), légèrement en deçà des performances de la moyenne européenne et plus loin encore des pays les plus avancés, que sont l?Allemagne, l?Autriche, les Pays-Bas et les pays scandinaves. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/documents/1106 https://www.ccomptes.fr/fr/documents/1106 COUR DES COMPTES 10 En effet, la part non triée des déchets ménagers, soit 249 kg d?ordures ménagères résiduelles (OMR) qui sont jetées en vrac dans le bac tout venant représente encore 249 kg par an et par habitant. Or, 80 % des OMR collectées en France, en particulier les déchets organiques et ceux relevant d?une filière à responsabilité élargie des producteurs (REP), pourraient faire l?objet d?une valorisation adaptée à leur nature si elles étaient triées par les usagers et orientées vers leurs filières de traitement spécifiques. Graphique n° 1 : diminution de la masse de déchets ménagers et assimilés par habitant en France Source : Cour des comptes Des acteurs insuffisamment coordonnés À partir des normes européennes, l?État fixe le cadre législatif et réglementaire dans lequel figurent de nombreux objectifs chiffrés de réduction et de traitement des déchets, assortis d?une échéance. Ces orientations sont mises en oeuvre par le service public de gestion des déchets (SPGD) exercé par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui n?assument, généralement en direct, que la compétence « collecte ». Ils délèguent en effet la compétence «?traitement?», le plus souvent, à des syndicats intercommunaux, parfois de niveau départemental. Pour assurer la déclinaison des objectifs législatifs nationaux au niveau local et la continuité entre prévention, collecte et traitement, une programmation efficace est donc nécessaire. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes SYNTHÈSE 11 Or, ni la programmation nationale, ni les plans régionaux, qui ont vocation à coordonner les actions entreprises à l?échelle des territoires mais qui demeurent insuffisamment précis et contraignants sur les investissements, ni les programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés (PLPDMA), qui peinent à se généraliser et à s?articuler avec l?action des syndicats de traitement, ne s?avèrent à la hauteur des défis à relever. C?est pourquoi les juridictions financières recommandent d?améliorer la planification par l?unification de la programmation nationale et l?adoption d?un programme de mise en oeuvre spécifique par EPCI. Un dispositif de suivi toujours défaillant Comme les juridictions financières l?avaient déjà souligné en 2011, la prévention et la gestion des déchets nécessitent en premier lieu un recueil et une présentation des données pertinentes afin d?orienter l?action publique. Or, les indicateurs réglementaires actuels, à la fois trop nombreux et publiés trop tardivement par l?Ademe à partir de données locales incomplètes, ne parviennent pas à jouer ce rôle. Pour mobiliser citoyens, collectivités territoriales et entreprises autour de priorités partagées, créer une émulation entre territoires et accélérer la mise en oeuvre des objectifs nationaux, les indicateurs devraient être recentrés sur des tableaux de bord synthétiques regroupant les principales données utiles. Ces tableaux de bord annuels devraient être produits par chaque observatoire régional pour les EPCI de leurs territoires, à partir de comptes- rendus annuels locaux simplifiés et par chaque éco-organisme. Consolidés à l?échelon national, ils reprendraient un indicateur-clef pour chacun des six principaux thèmes (prévention, production, financement incitatif, collecte, valorisation, élimination) présentés sous la forme d?un graphique comparant la trajectoire visée et la trajectoire réelle constatée. Ces graphiques ont été réalisés pour partie par les juridictions financières dans ce rapport et repris pour deux d?entre eux dans la présente synthèse, afin d?en démontrer la faisabilité. Un financement peu lisible et trop faiblement incitatif Les DMA représentent 12 % de l?ensemble des déchets produits en France, mais mobilisent 61,5 % du total des dépenses correspondantes, qui s?élèvent à 15,9 Md¤4. De plus, ces dépenses augmentent de manière continue (+ 4,3 % par an au cours des 20 dernières années). 4 En 2016, dernières données disponibles. Ademe. Déchets chiffres-clés 2020 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/28-dechets-chiffres-cles-edition-2020-9791029712135.html COUR DES COMPTES 12 Elles sont financées par la fiscalité ou la tarification locale (81,5 %), par les filières à responsabilité élargie des producteurs (10 %) et, plus marginalement, par la vente des produits du traitement et par des subventions de l?État (Ademe). La France compte une vingtaine de filières à responsabilité élargie des producteurs (REP)5, plus nombreuses que dans les autres pays de l?Union Européenne et dont plus de la moitié concerne des produits du quotidien. De nouvelles filières se mettent en place comme celles des lingettes, des jouets ou des produits du secteur du bâtiment, du bricolage, du jardin ainsi que des sports et loisirs. Comme les juridictions financières l?avaient déjà indiqué en 2011, la part financée par l?usager est insuffisamment incitative. La taxe d?enlèvement des ordures ménagères (TEOM) fondée sur la valeur locative immobilière, et non sur la quantité de déchets produits, reste en effet largement majoritaire et ne décroit que lentement. La tarification incitative (taxe ou redevance d?enlèvement des ordures ménagères), qui devait concerner 15 millions d?habitants en 2020 selon le code de l?environnement (art. L. 541-1), n?atteint aujourd?hui que 6 millions de personnes. Graphique n° 2 : population bénéficiant de la tarification incitative Source : Cour des comptes 5 Cf. « Les éco-organismes : une performance à confirmer, une régulation à renforcer ». Cour des comptes, Rapport public annuel 2020. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2020 SYNTHÈSE 13 Les collectivités chargées de mettre en oeuvre la tarification incitative lui reprochent d?être à la fois complexe, coûteuse dans sa gestion et aléatoire dans son produit. La TEOM, à l?inverse, apparaît plus facile à recouvrer et mieux garantir la ressource. La tarification ou fiscalité incitative a pourtant montré son efficacité dans la réduction des tonnages collectés et des coûts de gestion, en France comme à l?étranger. Une nouvelle étape est donc aujourd?hui nécessaire pour encourager les EPCI à l?adopter. Le financement du service public doit aussi être adapté aux spécificités territoriales. Ainsi, les surcouts causés par la fréquentation touristique doivent être mieux pris en compte pour permettre un financement équilibré entre les usagers du service public habitants et touristes. La prévention, priorité officielle mais parent pauvre de la gestion des déchets Affichée dans la loi comme la priorité, la prévention reste marginale dans les actions des deux principaux acteurs chargés de la prise en charge des déchets : les éco-organismes et les collectivités territoriales. Concernées au premier chef puisqu?elles mettent sur le marché des produits qui deviendront déchets, les entreprises ne sauraient s?exonérer de cette responsabilité par leur seule contribution financière auprès des éco- organismes. Elles doivent aussi réduire les matières mises sur le marché, notamment par une meilleure écoconception de leurs produits, une réduction du volume et de l?impact des emballages, et, parallèlement, par une capacité à mieux réparer les produits. Les collectivités territoriales, de leur côté, ne consacrent qu?environ 1 % du coût total du service public de gestion des déchets (SPGD) à la prévention, et ce ratio évolue peu depuis 2015. Leurs actions sont souvent limitées à une sensibilisation des citoyens en faveur des gestes de tri, qui touche une population réduite et dont les résultats ne sont pas quantifiés. Ces actions de communication sont cependant essentielles pour que le citoyen devienne un consommateur et un trieur averti. Comme le montrent certains exemples français (Besançon) ou étrangers (Belgique et Autriche), l?éventail d?actions de prévention locales plus opérationnelles et ambitieuses peut être élargi avec, notamment, des formes concrètes d?éco- exemplarité comme la lutte contre le gaspillage alimentaire et l?encouragement des réparations et réemplois autour des déchèteries. Pour encourager les éco-organismes et les collectivités territoriales à s?engager davantage dans cette direction, leur effort financier en faveur de la prévention, mesuré par un indicateur-clef de leurs tableaux de bord annuels, devrait s?appuyer sur une liste précise d?actions considérées comme relevant de la prévention. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 14 La collecte : peu de progrès sur les enjeux prioritaires Une organisation de la collecte qui assure une politique réussie de réduction des déchets doit être adaptée à chaque territoire. Elle doit prendre en compte les besoins (notamment la fréquence de collecte), la densité de population et les autres particularités locales (rural/urbain dense, habitat collectif/habitat individuel, logement social). Elle doit aussi rechercher un équilibre optimal entre le coût et la qualité du service proposé. La séparation des biodéchets (qui représentent encore un tiers des OMR), prévue par le code de l?environnement au plus tard au 31 décembre 2023, constitue un enjeu majeur pour limiter leurs coûts de traitement et utiliser leur capacité de valorisation. Pour les territoires fortement urbanisés avec une prédominance d?habitat collectif, la collecte séparée, malgré ses difficultés de mise en place et son coût, et le compostage partagé sont généralement considérés à ce stade comme des solutions pertinentes. Réduire la fréquence des collectes d?OMR par ajout d?une collecte spécifique de biodéchets est expérimentée avec succès dans plusieurs territoires, comme par exemple en zone mixte, rurale et urbaine dans le Puy-de-Dôme ou en zone densément peuplée pour la ville de Milan. Les difficultés techniques, financières et sociales pour parvenir à un meilleur tri et à une valorisation des biodéchets devront être levées au cas par cas, en fonction des spécificités locales, aucune solution n?apparaissant uniformément applicable, ce qui explique que le législateur n?ait pas à ce jour préconisé une solution unique pour tous les territoires. Pour les déchets relevant de la responsabilité élargie des producteurs (REP) d?emballages, les EPCI restent chargés de la commercialisation des matières préparées pour être recyclées, sans toujours disposer des moyens techniques et humains pour l?optimiser. Les matières revendues aux filières de recyclage se diversifient, augmentent en tonnage et subissent de fortes variations de cours. Les collectivités volontaires pourraient choisir de confier cette mission commerciale aux éco-organismes, sous la condition d?un suivi plus rigoureux des obligations qui leur sont fixées dans les cahiers des charges. Le traitement : une coûteuse modernisation à entreprendre L?augmentation continue de la dépense consacrée au traitement (40 % de la dépense totale du service public) va se poursuivre avec les investissements de modernisation, de mise aux normes et de recherche d?une taille critique des équipements. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes SYNTHÈSE 15 Pour y faire face, les syndicats de traitement sont incités à se regrouper à une échelle départementale, voire supra-départementale. La conclusion de partenariats à l?échelle de bassins géographiques très vastes, entre des acteurs aux profils et intérêts potentiellement divergents, n?est toutefois pas aisée. De plus, les syndicats de traitement ne disposent pas toujours des capacités financières et techniques pour assurer la nécessaire modernisation de leurs installations. Dans ce contexte, les régions doivent jouer pleinement leur rôle de planificateur, d?animateur voire de financeur, afin de garantir la mise en oeuvre effective des objectifs arrêtés dans leurs plans. Cette implication régionale est nécessaire pour surmonter les difficultés d?amortissement et de bon dimensionnement des installations et pour assurer une répartition territoriale cohérente des équipements structurants. Un chemin significatif reste à parcourir pour rejoindre les pays les plus avancés, comme l?Allemagne, l?Autriche, les Pays-Bas et les pays scandinaves et atteindre les objectifs actuels de valorisation matière que nous nous sommes fixés (55 % en 2020 et 65 % en 2025, soit 21 points de plus que les dernières données disponibles). Graphique n° 3 : pourcentage des déchets municipaux recyclés dans la production totale de déchets municipaux (2018) Source : Cour des comptes d?après Eurostat. Note : données indisponibles pour Irlande, Grèce et Chypre. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 16 Si la France souhaite atteindre ses objectifs en matière de recyclage des déchets, elle doit mieux mobiliser tous les leviers à sa disposition, au plan national et au plan local. Pour donner leur plein effet aux mesures d?élargissement du tri à la source (plastiques et bio déchets) et répondre à l?augmentation continue des flux collectés en déchèteries, des efforts d?adaptation très importants doivent être poursuivis tant sur les équipements de tri que sur les installations de valorisation de la matière organique (plateformes de compostage, unités de méthanisation). Davantage doit être fait, par ailleurs, pour limiter drastiquement les déchets plastiques. Compte tenu de leurs fortes externalités négatives sur l?environnement et de la diversité de leur forme, ces derniers posent des difficultés de traitement particulières. La généralisation de la collecte en poubelle jaune de tous les déchets plastiques prévue pour la fin 2022 (extension des consignes de tri ou ECT) n?était réalisée qu?à 62% fin 2021. Pour réduire l?impact environnemental de ce type de déchets, de nombreux programmes dotés de financements importants (plan de relance puis plan France 2030, stratégie 3R) sont déployés par l?État depuis 2021 afin de renforcer la filière française de recyclage. En vue d?une meilleure cohérence de toutes ces actions, le plan national devrait comporter une partie consacrée aux enjeux industriels prioritaires, particulièrement la plasturgie et la valorisation énergétique. Parallèlement, l?interdiction de l?enfouissement et de l?incinération des déchets ayant fait l'objet d'une collecte séparée a été instaurée en 2020. Elle s?applique désormais aux emballages plastiques, collectés séparément depuis janvier 2022. Cette stratégie d?élimination de la mise en décharge, couplée avec l?application d?une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) fortement désincitative, devrait permettre d?améliorer notoirement les performances du recyclage en France, comme chez nos voisins (Pays-Bas, Autriche, Belgique, Allemagne) qui ont adopté ce type de mesure depuis les années 1990. Tant que la prévention et les modes de valorisation prioritaires n?auront pas abouti à une réduction drastique des ordures ménagères résiduelles, la valorisation énergétique des déchets non recyclés, grâce à la modernisation des installations, constitue l?alternative la plus crédible à l?enfouissement. Celui-ci recule mais occupe encore une trop grande place (21 % du traitement des déchets) au regard des objectifs du code de l?environnement à l?horizon 2030 et, a fortiori, en comparaison des pays européens les plus performants en termes de recyclage. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Récapitulatif des recommandations Les progrès nécessaires s?articulent autour de deux orientations et de neuf recommandations. Orientation 1 : améliorer la lisibilité et la transparence des résultats 1. Unifier, au plus tard en 2024, les documents de programmation nationale de la prévention et de la gestion des déchets, en y renforçant le volet industriel de la plasturgie et de la valorisation énergétique (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). 2. Rendre obligatoire, au plus tard en 2024, lorsque le programme local de prévention des déchets ménagers est élaboré par le syndicat de traitement, l?adoption d?un programme de mise en oeuvre spécifique par établissement public de coopération intercommunale (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, EPCI). 3. Publier, au plus tard en 2024, un tableau de bord annuel du Service public de gestion des déchets, à l?échelle nationale et par type d?établissement public de coopération intercommunale, des six indicateurs-clefs, incluant la prévention et le poids des ordures ménagères résiduelles, assortis d?une représentation graphique des trajectoires constatées par rapport aux trajectoires cibles (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, EPCI, régions). 4. Publier, au plus tard en 2024, un tableau de bord annuel, pour l?ensemble des filières de Responsabilité élargie du producteur et, pour chacune d?elles, des six indicateurs-clefs, incluant la prévention, assortis d?une représentation graphique des trajectoires constatées par rapport aux trajectoires cibles (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, éco-organismes). 5. Harmoniser, au plus tard en 2024, dans un seul compte-rendu le bilan annuel, par intercommunalité, des actions de prévention et de gestion des déchets ménagers autour des six indicateurs-clefs et du coût du service par habitant (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, EPCI). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 18 Orientation 2 : renforcer les incitations inspirées de l?économie circulaire 6. Favoriser la mise en place de la tarification incitative en allégeant son coût pour l?intercommunalité grâce à un financement complémentaire porté à 80 % des coûts correspondants sur les premiers exercices (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique). 7. Instaurer une surtaxe à la taxe de séjour dont le produit serait affecté aux actions relatives à la prévention et à la gestion des déchets (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique). 8. Fixer dans la réglementation la liste des actions financées par les intercommunalités et les éco organismes pouvant être considérées comme dépenses de prévention (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). 9. Autoriser les collectivités territoriales volontaires à confier aux éco- organismes chargés des emballages la vente des produits issus du tri (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, EPCI). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Introduction Jusqu?au XIXe siècle, les déchets ménagers (« boues ») constituaient un bien commun en tant qu?engrais. Puis, pendant la période hygiéniste6 (1850-1970), leur élimination dans des conditions de sécurité sanitaire et environnementale satisfaisantes a représenté la raison d?être des services de gestion des déchets. Au tournant des années 1970, cette mission s?est élargie à des enjeux économiques et environnementaux. Plus récemment, la crise sanitaire (cf. annexe n°10) a rappelé que la gestion des déchets et, en particulier, le service public de gestion des déchets (SPGD) constitue un service essentiel, assuré par les collectivités territoriales les plus proches des usagers, à savoir les communes ou leurs groupements7. Les déchets ménagers et assimilés (DMA) correspondent pour l?essentiel aux déchets dits « municipaux » dans la terminologie européenne et internationale8. On distingue, d?une part, les déchets qui doivent faire l?objet d?un tri à la source (comme les biodéchets, au plus tard le 31 décembre 20239) ou d?une collecte sélective (notamment les résidus secs des ordures ménagères, RSOM, en papier, verre, métal et plastique10) parmi lesquels avant 2022 les plastiques (films d?emballage)11 qui demeurent encore exclus de la collecte sélective et, d?autre part, les ordures ménagères résiduelles (OMR), c?est-à-dire les déchets jetés en vrac dans les sacs poubelles. 6 L'hygiénisme est un courant de pensée apparu au milieu du XIXe siècle, lié en partie aux travaux de Pasteur et qui considère notamment les déchets comme « un domaine de la vie urbaine à gérer, maîtriser, contrôler » (cf. les décrets de 1883 et 1884 du préfet Poubelle). Voir Baptiste Monsaingeon. Homo Detritus, Seuil, 2017. 7 Articles L. 2224-13 à L. 2224-17-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT). 8 Les « déchets municipaux » au sens d?Eurostat n?incluent pas les déblais et gravats intégrés dans la notion française des « déchets ménagers et assimilés », soit une différence annuelle de 3,5 millions de tonnes. 9 Article L. 541-21-1 du code de l?environnement 10 Article L. 2224-16 du CGCT 11 Article L. 541-1, I 5° du code de l?environnement Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070633/LEGISCTA000006164563/#LEGISCTA000006164563 COUR DES COMPTES 20 Schéma n° 1 : périmètre des déchets ménagers et assimilés Source : Ademe chiffres clés 2019 (parution en juin 2021). Les enjeux financiers sont majeurs. La très grande variété de matières et d?objets qui composent les 39 millions de tonnes de DMA produits en France12, soit 12 % de l?ensemble des déchets13, rend leur collecte et leur traitement à la fois plus complexes et plus coûteux que ceux des autres déchets14 qui représentent pourtant un volume plus significatif. Les dépenses annuelles de gestion des DMA s?élèvent en effet à 10,9 Md¤, soit 61,5 % des dépenses totales de gestion des déchets, estimées à 17,7 Md¤15. Il est, dès lors, apparu utile aux juridictions financières, dix ans après leur précédent rapport thématique16, de réexaminer la pertinence et l?efficience de la politique de prévention et de gestion des déchets ménagers et assimilés. Ce travail s?est appuyé sur une analyse nationale et internationale par la Cour des comptes et sur 51 contrôles menés par les chambres régionales des comptes et portant sur 23 syndicats mixtes, 3 métropoles (Lyon, Nice, Aix-Marseille), un syndicat intercommunal à 12 Données 2019, qui sont les plus récentes. 13 La production nationale de déchets en 2017 représente 326 Mt qui se décomposent comme suit : DMA : 39 Mt, Collectivités : 4 Mt, Déchets des activités économiques (DAE) : 59 Mt, Déchets de construction : 224 Mt. 14 Déchets des activités économiques (DAE) et des déchets du bâtiment et des travaux publics (BTP) 15 Ademe, Déchets chiffres clés ? Edition 2020, p. 68. 16 Cour des comptes, Les collectivités territoriales et la gestion des déchets ménagers et assimilés, rapport public thématique, septembre 2011. Un suivi en a été réalisé au Rapport public annuel 2014 : « La gestion des déchets ménagers : des progrès inégaux au regard des enjeux environnementaux ». Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/2_2_gestion_dechets_menagers_tome_II.pdf https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/2_2_gestion_dechets_menagers_tome_II.pdf INTRODUCTION 21 vocation unique, une société par actions simplifiée, Paris et 22 communautés de communes, d?agglomération et urbaines. Le rapport de 2011 relevait des insuffisances comme autant de points à améliorer (cf. annexe n° 2) qui, dix ans après restent d?actualité : - la périodicité et la qualité insuffisantes des mécanismes de suivi statistique, d?évaluation et de traitement des données ; - une planification élaborée par les collectivités territoriales qui ne constitue pas un levier efficace pour résorber les carences en équipements et oblige encore à transporter les déchets parfois très loin de leur lieu d?origine, avec un coût financier et environnemental élevé ; - un financement complexe et inadapté, car non incitatif, alors même que l?évolution des dépenses n?est pas maîtrisée ; - des retards en matière de recyclage par rapport à nos voisins européens. Afin de réduire à la fois le volume global des déchets ménagers produits et leur part non triée et non valorisée, les États membres de l?Union européenne ont fait évoluer en profondeur leurs législations communes et nationales depuis dix ans. Le cadre législatif et réglementaire français est constitué pour une large part de la transposition d?un droit de l?Union européenne récent17 à travers six lois adoptées depuis 2010 qui ont largement refondu les articles du code l?environnement et du code de la consommation relatifs à cette politique18. Cette évolution législative vise à limiter la part du modèle économique dit « linéaire » (extraire, fabriquer, utiliser et jeter) au profit de l?économie dite « circulaire »19. Dans ce modèle, afin de réduire la pression sur les ressources naturelles, les déchets doivent, autant qu?il est possible et s?ils ne sont évités, constituer à nouveau des ressources susceptibles d?être réutilisées ou recyclées dans un nouveau cycle productif. Ce modèle hiérarchise donc les modes de traitement des déchets avec, par ordre de priorité, la prévention, dont le réemploi et la réutilisation, le recyclage, toute autre valorisation, notamment énergétique, et, en dernier ressort, l?élimination par incinération et enfouissement. 17 Paquet « économie circulaire » de 2018, directive relative à la réduction du plastique à usage unique de 2019, plan pour l?économie circulaire de 2020. 18 Grenelle II en 2010, LTECV en 2015, EGALIM en 2016, loi AGEC du 10 février 2020, ordonnance n°2020-920 du 29 juillet 2020 et loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. 19 Selon la définition de l?Ademe : système économique d?échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l?efficacité de l?utilisation des ressources et à diminuer l?impact sur l?environnement tout en permettant le bien-être des individus. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 22 Depuis 2015, cette dynamique a aussi trouvé un écho dans l?Agenda 2030 des Nations-Unies et dans les objectifs de développement durable20. Schéma n° 2 : hiérarchie des modes de traitement et économie circulaire Source : Cour des comptes Cette ambition de refondation tarde cependant à être suivie d?effets en France, en raison de l?insuffisance, d?une part, de la transposition des objectifs nationaux et internationaux au niveau local et, d?autre part, des efforts de prévention et de recyclage des déchets ménagers. Le présent rapport, examinera dans un premier chapitre les faiblesses persistantes, depuis 2011, du pilotage du service public (coordination, suivi statistique et financement) et, dans le deuxième chapitre, les volets opérationnels de la prévention, de la collecte et du traitement qu?il est indispensable de renforcer pour tendre vers une économie véritablement circulaire. ? 20 ODD n°12 (consommation et production responsables) et ODD n°11 (villes et communautés durables dont gestion municipale des déchets). Cf. annexe sur les indicateurs internationaux. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Une réduction des déchets contrariée par un pilotage insuffisant Le volume des déchets ménagers reste à un niveau élevé en France. Réduire ce gisement nécessite à la fois un cadrage efficace de la politique, un suivi chiffré précis de sa réalisation et un financement incitatif. Dans leur rapport de 2011, les juridictions financières avaient déjà attiré l?attention sur ces priorités (cf. annexe n°2), avec des résultats qui restent aujourd?hui très inégaux ou partiels. I - Le volume élevé de déchets produits A - Le volume total des déchets ménagers Le volume de DMA en France tend à se stabiliser sur la dernière décennie. La production annuelle de déchets, qui avait diminué, entre 2009 et 2015, de 588 à 568 kg par habitant lorsque la consommation des ménages stagnait21, est repartie à la hausse avec une certaine reprise de l?économie. Les dernières données disponibles concernent l?année 2019 (582 kg par habitant)22 et traduisent une faible diminution du volume entre 21 Insee Consommation des ménages 22 Source : SINOE déchets, base de données sur la gestion des DMA, juin 2021 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.insee.fr/fr/statistiques/5413924 https://www.sinoe.org/ COUR DES COMPTES 24 2010 et 2019, de - 0,9 % seulement. Au regard de cette situation, l?objectif de - 10 % en 2020 par rapport à 201023 est loin d?être atteint24. Graphique n° 4 : production de déchets ménagers par habitant en France depuis 2009 (en kilos) Source : Cour des comptes, d?après données SINOE. Note : Production : en trait plein les volumes constatés et en pointillé les projections. Objectifs : partir des chiffres 2009 et des pourcentages de réduction prévus dans la loi. L?indicateur européen de « production des déchets municipaux », distinct de la production des DMA8, permet une comparaison entre États membres et fait apparaître que la production de déchets en France reste supérieure à la moyenne européenne. 23 Art. L. 541-1 1° du code l?environnement issu de la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte (LTECV) 24 Les dernières données disponibles à la date de rédaction concernent l?année 2019 pour les chiffres nationaux et l?année 2018 avec des données provisoires pour les chiffres Eurostat. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 25 Graphique n° 5 : production de déchets municipaux par habitant en Europe Source : Cour des comptes, d?après données Eurostat 2018 Pour l?avenir, comme le montre le graphique ci-dessous, l?hypothèse d?une poursuite de la trajectoire de baisse actuelle rendrait le nouvel objectif ? réduire de 15 % la production en 2030 par rapport à 201025 ? inatteignable. Graphique n° 6 : (indicateur clef n° 3) la diminution de la masse de déchets ménagers et assimilés par habitant en France Source : Cour des comptes 25 Loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire dite loi AGEC de février 2020 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 26 Réduire les DMA implique donc d?agir à la fois sur la prévention des déchets et sur le poids des ordures ménagères résiduelles. B - Les ordures ménagères résiduelles Au sein des DMA, les 249 kg d?ordures ménagères résiduelles (OMR) en 2019, mises en vrac dans les sacs poubelle, restent le principal flux collecté par le service public, en diminution de - 2,2 % entre 2017 et 2019 selon l?Ademe (- 380 000 tonnes). Or, l?examen du contenu de ces OMR montre qu?elles sont constituées à près de 80 % de déchets qui pourraient faire l?objet d?une valorisation s?ils étaient triés par les usagers et orientés vers des filières de traitement26. Tel est le cas d?un tiers de ces OMR, constitué de biodéchets relevant du service public de gestion des déchets et des 40 % d?entre elles relevant d?une filière à responsabilité élargie du producteur (REP). Graphique n° 7 : le contenu des ordures ménagères résiduelles Source : ADEME. Enquête Modecom, 2021. Aujourd?hui, comme indiqué dans le graphique ci-dessous, ces 70 % d?ordures ménagères résiduelles « triables » et valorisables sont pour l?essentiel incinérées ou mises en décharge (stockage). 26 Enquête périodique MODECOM (MODE de Caractérisation des Ordures Ménagères) établies par l?Ademe sur la base de caractérisations et d?un échantillonnage. Cette méthode permet de déterminer la composition des déchets produits par les habitants d?une aire géographique définie. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/4350-modecom-2017.html UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 27 Graphique n° 8 : principaux modes de traitement des ordures ménagères résiduelles Source : ADEME référentiel national des coûts du SPGD (2016) ; note : la catégorie « Autres » comprend le tri en vue du recyclage, le traitement mécano biologique (TMB), etc. II - Des acteurs insuffisamment coordonnés En 2011, les responsabilités étaient organisées autour des rôles d?orientation confiés à l?État, de planification aux départements et de collecte et de traitement aux communes et établissements de coopération intercommunale (EPCI). La période récente est marquée, comme signalé précédemment, par l?intervention croissante du cadre européen et par celle des régions. Par ailleurs, des organisations complexes se sont mises en place au niveau local afin de concilier une plus grande optimisation des coûts et le respect de la responsabilité principale, confiée aux groupements de communes. Pour permettre à ces différents niveaux territoriaux de s?articuler, chaque État européen est libre de concevoir un ou plusieurs plans pour programmer ses actions de gestion et de prévention des déchets, sous réserve qu?ils couvrent l?ensemble du territoire et comportent les rubriques et les objectifs chiffrés énoncés par la directive 2008/9827. La programmation française prend la forme d?une planification en cascade qui part des plans nationaux et se déclinent en plans régionaux, eux-mêmes mis en oeuvre par des plans conçus à l?échelle des intercommunalités. 27 Art. 28 et 29 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets. Art. L. 541-11 du code de l?environnement. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://partagejf.ccomptes.fr/sites/fcjpgdechets/02Synthese/07_CRPP/L?article%20L.%20541-11%20du%20code%20de%20l?environnement COUR DES COMPTES 28 A - L?organisation des responsabilités : cadrage par l?État et mise en oeuvre par les intercommunalités 1 - Le rôle de l?État En matière de déchets, l'État fixe la politique et le cadre légal, à la fois en participant à l?adoption des directives européennes, et en adoptant les dispositions législatives et réglementaires reprises principalement dans le code l?environnement. Celles-ci édictent des obligations, normes et interdictions et prévoient les modes de financement de ce service public. À côté de ces dispositions impératives, figurent dans la réglementation des indicateurs de suivi de la politique des déchets. Les indicateurs de suivi de la politique des déchets La prévention et la gestion des déchets ménagers et assimilés se caractérise par la fixation d?objectifs chiffrés assortis d?une date limite de réalisation. Pour le service public des déchets, ces objectifs sont fixés dans la loi, le plus souvent par transposition du droit européen (p. ex. assurer en 2025 la valorisation énergétique d?au moins 70 % des déchets qui auront fait l?objet d?une collecte séparée ou d?un tri et ne pouvant faire l?objet d?une valorisation matière28). Les documents nationaux de programmation et les traités internationaux (p. ex. Agenda 2030) reprennent ces objectifs ou en ajoutent de nouveaux. Pour les filières économiques, les objectifs sont fixés dans des cahiers des charges repris par arrêté interministériel (p. ex. atteindre un taux de recyclage de 75 % des emballages à domicile d?ici 202229 et de 70 % en poids de tous les déchets d?emballage d?ici 203030). L?État assure la concertation avec les parties prenantes (conseil national des déchets) et délègue à l?Ademe les recherches et études et les interventions (Fonds économie circulaire). Il élabore et fait appliquer la réglementation des installations classées pour la protection de l?environnement (ICPE) intervenant sur les déchets (sites de transport, de traitement, de valorisation énergétique et d?enfouissement). Dès lors que cette réglementation est respectée (respect de la quantité maximale 28 Art. 9° du I. de L. 541-1 du code de l?environnement 29 Dont leurs détenteurs se défont au domicile des ménages comme en dehors des foyers. 30 Arrêté du 29 novembre 2016 relatif à la procédure d?agrément portant cahier des charges des éco-organismes de la filière emballages ménagers, modifié par l?arrêté du 13 avril 2017 et les arrêtés du 4 janvier 2019. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 29 d?entrants autorisés, valeurs limites d?émissions de polluants, etc.), les préfets de région, après avis du conseil régional, délivrent les autorisations permettant d'exploiter les installations. L?État intervient en droit et non en opportunité. À ce titre, il ne dispose pas du pouvoir d?empêcher la création ou la poursuite d?exploitation d?un site inadapté aux besoins du territoire. 2 - Le service public de gestion des déchets La mission opérationnelle ? le service public de gestion des déchets (SPGD) ? s?exerce désormais à l?échelon intercommunal, sur l?ensemble du territoire français. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre31 se sont en effet vu confier cette compétence par la loi. En matière de collecte, ils l?exercent le plus souvent directement, tandis qu?ils délèguent la compétence « traitement » à un syndicat32, parfois de niveau départemental ou même couvrant des territoires sur plusieurs départements33. Les importants changements intervenus dans les périmètres intercommunaux à la suite des fusions impulsées par l?État complexifient encore la situation, avec des appartenances fréquentes à plusieurs syndicats pour un même EPCI, comme en Moselle34. Lorsque les intercommunalités de collecte et celles de traitement exercent leur action sur des territoires différents, la recherche d?économies d?échelle est rendue plus difficile, y compris dans les grandes métropoles, à l?exemple d?Aix-Marseille35. Des schémas d?organisation avec double transfert (compétence traitement confiée à un syndicat mixte qui, lui-même, la transfère à un autre syndicat chargé d?une unité de traitement) ont aussi été relevés par les juridictions financières36. Le comité syndical est composé de représentants des adhérents, sur une base démographique et selon les règles propres à chaque syndicat. Parmi 31 Métropoles et communautés urbaines, communautés d?agglomération et les communautés de communes ; art. L5214-16 et L. 2224-13 à L. 2224-17-1 du CGCT. 32 Cette séparation de l?exercice de la compétence est une spécificité française (rapport de l?Ademe sur le « benchmark tarification incitative 2018 »). 33 Les articles L. 5211-61 alinéas 1 et 2 et L. 2224-13 et L. 5711-1 du CGCT autorisent ce transfert, via une habilitation statutaire et une convention en fixant les modalités. Le transfert peut concerner tout ou partie du territoire et soit la collecte et le traitement de façon conjointe, soit seulement le traitement. 34 CRC Grand Est Syndicat mixte de transport et de traitement des déchets de Lorraine Nord (Sydelon), décembre 2021. 35 CRC Provence-Alpes-Côte d?Azur, métropole d?Aix-Marseille, octobre 2021. 36 CRC Occitanie, SICTOM Pézenas-Agde, février 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070633/LEGISCTA000006164563/#LEGISCTA000006164563 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-transport-et-de-traitement-des-dechets-menagers-de-lorraine-nord https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-transport-et-de-traitement-des-dechets-menagers-de-lorraine-nord https://www.ccomptes.fr/fr/publications/metropole-aix-marseille-provence-mamp-marseille-bouches-du-rhone-gestion-et-prevention https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-intercommunal-de-collecte-et-de-traitement-des-ordures-menageres-sictom-1 COUR DES COMPTES 30 ses délégués, le comité syndical élit un président et des vice-présidents qui composent le bureau, organe exécutif du syndicat. Cette nécessité d?assurer la représentation de toutes les parties prenantes au sein du comité syndical aboutit à un nombre élevé de délégués (à l?image des 115 délégués au comité syndical du département de la Haute-Marne37), ce qui peut limiter les débats lors du vote du budget, de la fixation des contributions financières et des choix d?investissements, et entraîner une faible participation aux réunions comme dans l?Ain38. Le traitement de certaines questions (p. ex. mutualisation de l?achat public) est renvoyé à une comitologie complexe, indépendante des assemblées délibérantes à l?exemple du Tarn39. Les opérations de transport, transit et regroupement des déchets, peuvent être associées tantôt aux activités de collecte, tantôt à celles de traitement. Pour l?ensemble de la chaine des compétences, le service est assuré soit en régie directe, soit par recours à un prestataire (marché de prestations et de délégation de services), ou sous forme d?un groupement d?intérêt économique (GIE) ou d?une délégation à un autre établissement public. L?analyse de l?équilibre économique et du suivi par les intercommunalités de ces contrats, qui concernent prioritairement les investissements les plus lourds, a vocation à être traitée ultérieurement par les juridictions financières. 37 CRC Grand-Est, Syndicat départemental d?énergie et des déchets de la Haute-Marne, décembre 2021. 38 CRC Auvergne-Rhône-Alpes Syndicat mixte d?élimination, de traitement et de valorisation des déchets Beaujolais-Dombes (Sytraival), octobre 2021. 39 CRC Occitanie - Syndicat mixte départemental TRIFYL- septembre 2021 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-departemental-denergie-et-des-dechets-de-la-haute-marne-sded-52 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-delimination-de-traitement-et-de-valorisation-des-dechets-beaujolais https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-delimination-de-traitement-et-de-valorisation-des-dechets-beaujolais https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-departemental-trifyl-tarn UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 31 Schéma n° 3 : les flux des déchets ménagers en France pris en charge par le service public de gestion des déchets Source : Cour des comptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 32 Comme ce schéma le montre, les opérations qui interviennent dans le circuit de collecte, de traitement et d?élimination des DMA sont nombreuses. La volonté de combiner la responsabilité première des EPCI dans la mise en oeuvre de cette chaîne d?opérations, les économies d?échelle dans le traitement et l?intervention des acteurs de la valorisation (depuis les usagers jusqu?aux industries de la fabrication ou de l?énergie) rend inévitable la complexité de ce circuit. L?enquête menée ne permet pas de conclure que ce schéma doive être remis en cause, par exemple par un déplacement de la collecte au niveau départemental. La nécessaire adaptation aux spécificités de chaque territoire invite plutôt au maintien de cette organisation. La contrepartie de cette stabilité organisationnelle, en dépit de sa complexité, est une exigence plus forte en matière de programmation. B - Une programmation qui ne parvient pas à garantir la coordination des différents niveaux territoriaux 1 - Une planification nationale à recentrer sur la prévention Trois documents nationaux déclinent actuellement le cadre prévu par la directive. Le plan national de prévention des déchets (PNPD) est prévu par le code de l?environnement40 pour « atteindre les objectifs nationaux et les orientations des politiques de prévention des déchets »41. Celui actuellement en vigueur (2014-2020), couvre les trois grandes catégories de déchets (DMA, déchets des activités économiques et du BTP) et liste 54 actions confiées aux différents acteurs publics, économiques et ONG. Le prochain plan (2022-2027) est en préparation. Le plan national de gestion des déchets (PNGD), publié en octobre 2019, a constitué la réponse transitoire des autorités françaises à la directive-cadre sur les déchets de 200842. La couverture de l'ensemble du territoire géographique national (métropole et outre-mer) par des plans régionaux de gestion des déchets (cf. annexe n° 3) n?étant pas encore complète, le plan national présente les orientations et objectifs nationaux 40 Art. L. 541-11 du code de l?environnement 41 Objectifs visés à l?art. L.541-1 du code de l?environnement et inscrits dans la feuille de route économie circulaire de 2018, la loi anti gaspillage et la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets, du 22 août 2022. 42 Article 28 de la directive 2008/98/CE. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176142/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043974936/ https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32008L0098 UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 33 selon huit axes au sein desquels sont déclinés des objectifs, les mesures associées, des indicateurs et des fiches régionales. La Feuille de route économie circulaire (FREC), établie en 2018, comporte 50 mesures, dont la moitié est détaillée dans un mode d?emploi de mise en oeuvre. La FREC est un document de nature politique (exposé d?actions générales de mobilisation) alors que le PNPD et le PNGD ont une vocation opérationnelle. Ces deux plans s?imposent aux plans territoriaux (régionaux et locaux), qui doivent être compatibles43 avec leur contenu. L?éclatement de la programmation nationale en trois documents présentés selon des structures et des objectifs prioritaires différents mobilise fortement les services et ne facilite pas la compréhension de la politique menée. À l?occasion de la nouvelle version du programme national de prévention des déchets actuellement en préparation, les juridictions financières recommandent l?élaboration, pour la décennie à venir, d?un document-cadre unique réunissant le PNPD et le PNGD. 2 - Des plans régionaux à généraliser et à enrichir sur le volet investissements Les régions exercent leur compétence de planification à travers l?élaboration de plans régionaux dont la forme et le nom ont plusieurs fois changé récemment44. Ces documents cadre n?imposent pas aux régions d?atteindre les objectifs nationaux, mais seulement d?y contribuer, en fonction de leurs spécificités. Les juridictions financières ont examiné en détail chacun des plans régionaux (cf. annexe n°3). Leurs orientations sont souvent imprécises et manquent de contextualisation locale et de caractère réellement opérationnel, en matière de prévention, de risque sanitaire, de planification des installations et de promotion de la tarification incitative. Les observatoires régionaux des déchets constituent l?appui opérationnel des régions pour l?élaboration et la mise en oeuvre de leurs plans, la collecte et la diffusion des données et la concertation dans les territoires. Le nombre d?observatoires 43 Art. L. 541-15 du code de l?environnement 44 Produit de la loi NOTRe qui confie à la région la compétence de planification en matière de déchets, les plans régionaux de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) remplacent trois plans préexistants. Sauf en Ile-de France, en Corse et dans les Outre-Mer, le PRPGD est appelé à disparaître à mesure que sont arrêtés les schémas régionaux d?aménagement, de développement durable et d?égalité des territoires (Sraddet) se substituant à plusieurs plans régionaux sectoriels. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176161/ COUR DES COMPTES 34 régionaux augmente, mais ils disposent de peu de ressources et n?existent pas dans toutes les régions, notamment en outre-mer45. Les juridictions financières ne méconnaissent pas les contraintes, notamment calendaires et organisationnelles auxquelles les régions ont été confrontées lors de l?élaboration de leur plan. Elles rappellent cependant que la réglementation46 exige des orientations régionales un niveau de précision suffisant pour encadrer les choix d?organisation et d?implantation locales. Or, trop souvent, les plans régionaux, ne présentent pas ce degré de précision. C?est notamment le cas pour les projets d?équipements structurants47, installations qu?il apparaît nécessaire selon les cas de créer, adapter ou fermer afin d?atteindre les objectifs régionaux. Compte tenu de la difficulté inhérente à une planification dans un contexte d?évolution constante des volumes de déchets à traiter, la mobilisation par les régions de l?ensemble des acteurs, dans le cadre d?une animation dynamique de leur plan, est la condition indispensable pour parvenir à des choix d?implantation rationnels et assurer l?interface nécessaire entre le niveau local et le niveau national. 3 - Des programmes locaux à compléter et à mieux articuler avec les syndicats de traitement Les EPCI doivent fixer leur stratégie locale (diagnostic et plan d?actions) permettant d?atteindre l?ensemble des objectifs de la politique nationale dans des programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés (PLPDMA)48. Les PLPDMA doivent indiquer les objectifs chiffrés et des indicateurs de suivi et les mesures, notamment financières, mises en place pour les atteindre49. Ils doivent être compatibles avec les plans régionaux. Or, cette planification locale s?avère également déficiente. Les PLPDMA, qui devaient être élaborés au plus tard le 1er janvier 2012, peinent en effet à se généraliser et sont souvent manquants puisque seuls 45 Les observatoires des Hauts-de-France etdes Pays de la Loire seront réellement opérationnels en 2023. Il n?y a pas d?observatoires en Guyane, en Polynésie Française, en Nouvelle Calédonie ou à Mayotte. 46 Article R. 541-19 et 5° de l?article R 541-16 du code de l?environnement. 47 Exemples : la mise aux normes ou la construction d?une unité de valorisation énergétique, d?un réseau de chaleur alimenté par de la chaleur fatale, d?un centre de tri ou d?un méthaniseur 48 Articles L. 541-1, L. 541-15-1 et R. 541-41-19 et s. du code de l?environnement. 49 Article R. 541-41-23 du code l?environnement. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000022496455/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074220/LEGISCTA000030720147/#LEGISCTA000032728577 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000030720182 UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 35 73 EPCI, couvrant 13 millions d?habitants, en avaient élaboré un en 2019 (dernière référence disponible)50. En l?absence de plan, l?évolution des volumes de déchets traités n?est fixée que dans le seul cadre contractuel des marchés publics, de manière à la fois moins transparente et plus partielle. Dans les territoires qui ont adopté un PLPDMA, le niveau de concertation préalable est très variable : certains s?appuient sur la commission consultative locale (CCES)51, d?autres sont adoptés sans consultation ou sans être mis en ligne. Alors qu?ils sont tenus à une obligation de compatibilité52, il arrive que les PLPDMA divergent du plan régional. Un programme local plus ambitieux que le plan régional (comme à Paris) ne présente pas de difficulté, mais dans une configuration inverse, le plan régional ne joue pas son rôle d?encadrement. Dans l?échantillon contrôlé par les juridictions financières, 90 % des collectivités territoriales ont fixé dans leur PLPDMA des objectifs chiffrés moins ambitieux que les objectifs nationaux. De plus, les résultats issus de leurs indicateurs de suivi sont souvent en deçà de leurs propres objectifs. Même dans l?hypothèse où des collectivités hors de l?échantillon auraient des résultats supérieurs aux objectifs nationaux, la moyenne nationale resterait trop basse. Le positionnement des syndicats de traitement à l?égard du PLPDMA est révélateur de la difficulté de l?EPCI à assumer ses responsabilités de programmation. Alors même qu?ils sont amenés à conduire des opérations aux lourds engagements financiers, les syndicats ne disposent pas en effet de document d?orientation propre (schéma directeur, projet d?établissement, etc.). Afin de contourner cette difficulté et permettre aux syndicats de disposer d?un plan, les EPCI membres peuvent leur confier l?élaboration de leur propre programme local. Le syndicat élabore alors un programme commun à tous les EPCI53. Cette mise en commun des ressources de programmation facilite la bonne coordination entre la collecte pilotée par les EPCI et le traitement assuré par un ou des syndicats. Certains objectifs des EPCI membres (p. ex. réduire les tonnages produits) doivent en effet être rendus compatibles avec 50 Bilan du programme national de prévention des déchets 2014-2020. 51 Article R. 541-41-22 du code de l?environnement. La CCES peut réunir des représentants de l?agglomération, de l?État (Ademe), des organisations professionnelles, des éco- organismes, des associations de protection de l?environnement et du syndicat mixte de traitement. P. ex. Métropole Lyonnaise, Communauté d?agglomération d?Annecy. 52 Article L. 541-15 du code de l?environnement : PNPD, PRGD et PRPGD sont opposables aux PLPDMA. 53 Article R. 541-41-25 ; dans un tel cas, le plan doit être adopté par les organes délibérants de chacune des collectivités dans les mêmes termes. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/metropole-de-lyon-enquete-sur-la-prevention-et-la-gestion-des-dechets https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-dagglomeration-grand-annecy-haute-savoie https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176161/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000030720188 COUR DES COMPTES 36 ceux différents de leur syndicat de traitement (p. ex. optimiser le fonctionnement de ses installations avec maintien des tonnages traités). Cette facilité ne doit cependant pas aboutir à déresponsabiliser l?EPCI des orientations spécifiques à son territoire qui peuvent être sensiblement différentes de celles des autres EPCI membres du syndicat. Les actions de prévention, par exemple, doivent être adaptées aux caractéristiques de l?EPCI (urbain, rural, habitat concentré ou dispersé, etc.) et relèvent rarement d?une stratégie commune à l?ensemble du territoire du syndicat. C?est pourquoi, s?il est utile qu?il n?existe qu?un seul plan pour l?ensemble du territoire couvert par le syndicat, son contenu doit préciser les objectifs et indicateurs spécifiques de chaque EPCI. III - Un dispositif de suivi toujours défaillant La collecte locale et sectorielle des données sur les DMA et leur consolidation au niveau national ne sont pas adaptées à un suivi efficace de la prévention et de la gestion des DMA. A - La faiblesse des comptes-rendus alimentant les données nationales de l?Ademe Les données de suivi des objectifs législatifs et réglementaires sur les DMA sont collectées, compilées et traitées par l?Ademe dans sa base SINOE54 en respectant un cadre fixé par le droit statistique européen55. L?Ademe exploite ces données dans des synthèses nationales, notamment sa publication annuelle « Déchets chiffres clés », qui servent de références pour élaborer la politique de prévention et de gestion des déchets. Pour être pertinentes, ces données doivent être collectées avec fiabilité auprès des acteurs du SPGD et des filières REP. 54 La base SINOE déchets de l?Ademe regroupe l?ensemble de données des dix dernières années sur les flux de déchets et les coûts relatifs à la gestion des DMA. Sa version 3 développée progressivement en 2023 devrait selon l?Ademe, être pleinement opérationnel en 2024. 55 Notamment les règlement n° 2150/2002 et directive 2018/852. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/28-dechets-chiffres-cles-edition-2020-9791029712135.html UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 37 Or, la collecte de ces données rencontre des difficultés persistantes. Comme la Cour l?a déjà souligné56, l?Ademe a eu du mal à obtenir des éco-organismes les données nécessaires57. La loi a dû rendre obligatoire cette transmission en 202058 pour améliorer la situation. Pour le SPGD, la réglementation précise le contenu des comptes-rendus techniques, financiers et analytiques qui doivent comporter les données chiffrées (quantités de déchets, coûts, qualité, recettes issues des valorisations) et des analyses sur les évolutions d?un exercice sur l?autre, de l?efficacité et de l?efficience des actions menées. Une fois élaborés, ces comptes-rendus sont examinés par une commission consultative d?élaboration et de suivi (CCES59), puis présentés à leur assemblée délibérante et publiés. Les données chiffrées de ces comptes-rendus ainsi établis, doivent alors être intégrées dans le dispositif national de recueil des données de l?Ademe. Cette dernière est confrontée de façon générale à la faible qualité et au retard des comptes-rendus sur les DMA que doivent élaborer chaque année les intercommunalités. Tout d?abord, les EPCI ne disposent directement que des données de collecte et dépendent des syndicats et des exploitants des installations pour les données sur le traitement. Or, les informations communiquées aux EPCI sont souvent incomplètes en raison du non-respect fréquent par les délégataires de leurs obligations contractuelles sur la transmission des données ou des faiblesses des applications informatiques mises à leur disposition. De telles carences ont été relevées dans la communauté d?agglomération de Valenciennes60 ou dans la métropole de Lyon, pour laquelle plus de la moitié des indicateurs de suivi obligatoires n?est pas renseignée. En outre, l?échantillon des comptes-rendus examiné par les juridictions financières montre qu?ils ne respectent pas la formalisation prévue par la réglementation, qu?ils sont réalisés selon une fréquence irrégulière (p. ex. CC Gorges Ardèche), ou qu?ils comportent des lacunes 56 Rapport public annuel 2016, chapitre « Les éco-organismes : un dispositif original à consolider ». 57 Art. L. 541-9 du code l?environnement : L?enquête SYDEREP permet de s?assurer du respect des objectifs des producteurs dans le cadre des filières REP. 58 Art. L541-7-1 et L. 541-10-13 à L. 541-10-16 du code de l?environnement imposent aux filières REP une obligation de transmission des données à l?Ademe. 59 Art. R541-41-22 code de l?environnement et R541-41-27 code de l?environnement 60 La difficulté à faire respecter par les titulaires de marchés publics leurs obligations dites de reporting est constatée dans l?ensemble de la commande publique. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/metropole-de-lyon-enquete-sur-la-prevention-et-la-gestion-des-dechets https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-de-communes-des-gorges-de-lardeche-vallon-pont-darc-ardeche https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2016 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2016 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000030720193 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000030720193 COUR DES COMPTES 38 comme l?absence d?indicateurs, d?analyse quantitative ou de mise en perspective (p. ex. Syndicat mixte Kerval-Centre-Armor). Le programme local (PLDMA) de la communauté d?agglomération Valenciennes métropole (2017-2020)61 Les indicateurs de ce PLPDMA, labellisé « Territoire zéro déchet zéro gaspillage »146 et aligné sur les objectifs nationaux sont surtout des indicateurs de moyens (actions à mettre en oeuvre) et peu de résultats (variation de la production de déchets). Ils sont très nombreux (une centaine au total, soit en moyenne quatre par action). Ils ne sont pas accompagnés de cibles chiffrées sur la collecte et le traitement, alors même que l?agglomération gagnerait à suivre la performance des services qui en sont chargés. En raison de leur nombre, de leur hétérogénéité et de leur complexité, ces indicateurs mal suivis, ont limité les possibilités d?une appréciation qualitative des initiatives menées, ont abouti à des incohérences dans les données transmises à l?Ademe, et n?ont pas permis le pilotage des différentes actions selon une logique de priorité. Alors même que les actions prévues ont été dans l?ensemble menées à bien, la construction des indicateurs affecte le bilan du PLPDMA. Enfin, le processus est à l?origine de longs délais de production des informations consolidées62. La réglementation n?imposant pas encore d?échéances pour livrer les données, les EPCI tardent à les transmettre à l?Ademe. Cette transmission, sous la forme de bordereaux papiers, est consommatrice de ressources, aussi bien dans les EPCI et syndicats qui effectuent les saisies qu?à l?Ademe, qui réalise des vérifications et des ressaisies. Dès lors, l?exploitation annuelle des comptes-rendus locaux est difficile et l?Ademe recourt plutôt à des enquêtes bisannuelles63, dont les délais de production ne permettent pas de réaliser les analyses comparatives fréquentes qui aiguillonneraient les EPCI en retard sur les objectifs nationaux et les inciteraient à s?aligner sur les meilleures pratiques. L?impératif d?exhaustivité et de fiabilité a primé jusqu?ici sur l?objectif de réactivité. 61 CRC Hauts-de-France, CA Valenciennes métropole, juin 2021. 62 Le processus nécessite plusieurs mois de travail de mars à décembre de l?année N pour une production de données en mars N+2 des données de N-1. 63 L?enquête « collecte » est réalisée les années impaires auprès des EPCI et communes indépendantes de plus de 1 000 habitants, l?enquête ITOM est réalisée les années paires et porte sur les installations de traitement. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-kerval-centre-armor-cotes-darmor https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-dagglomeration-valenciennes-metropole-tome-2-prevention-et-gestion-des UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 39 Pour améliorer cette situation, l?Ademe poursuit des travaux, sur plusieurs plans : liste des indicateurs à produire, avec leur méthode de calcul et suivi des séries, marge d?erreur acceptable et processus de collecte/contrôle/validation des données. Les travaux avancent, mais tardent à se conclure. Dans les réponses transmises à la Cour à l?occasion de son rapport précédent68, ce chantier était pourtant jugé prioritaire par l?État et devait démarrer de manière imminente. Or, il ne semble pas avoir connu d?avancées décisives, même si un important travail préparatoire a déjà été réalisé. Au regard des enjeux, les juridictions financières invitent donc l?Ademe à accélérer ces chantiers en garantissant la fluidité de la transmission des données. Dans cet esprit, afin de faciliter la bonne compréhension par les EPCI de ce qui est attendu de leur part pour rendre compte de leur activité et afin d?améliorer la lisibilité, la comparabilité et la complétude des comptes- rendus et leur exploitation informatique par l?Ademe, les juridictions financières recommandent que ces comptes-rendus n?existent que sous une seule forme et qu?elle soit harmonisée (rapport type). Or, aujourd?hui, la loi exige des collectivités, non un, mais deux types de compte-rendu : les bilans des programmes locaux (PLPDMA64) et les rapports annuels sur le prix et la qualité du service public de prévention et de gestion des déchets (RPQS)65. Les bilans des PLPDMA pourraient être supprimés66 au profit des seuls RPQS qui deviendraient le document unique de compte-rendu des évolutions locales du SPGD. Cette unification et standardisation des comptes-rendus n?empêcheraient bien sûr pas les collectivités d?y ajouter des informations à caractère plus local pour leurs administrés. B - L?absence d?un tableau de bord synthétique Les objectifs chiffrés nationaux fixés à la politique de prévention et de gestion des déchets ménagers sont tellement nombreux qu?ils ne font l?objet aujourd?hui d?aucun recensement sous forme d?un tableau de synthèse. Au terme de leur enquête, les juridictions financières ont effectué ce recensement qui permet d?évaluer le nombre de ces indicateurs chiffrés à une quarantaine pour le SPGD et à 14 types d?indicateurs repris par arrêtés et déclinés par filières pour les éco-organismes (Cf. annexes n° 4, 5 et 6 du rapport). Collectivités territoriales et éco-organismes soulignent ce grand nombre de données qu?il leur revient de transmettre sans recevoir en retour 64Art. L.541-15-1 du code de l?environnement 65Art. L2224-17-1 et articles D. 2224-1 à D. 2224-5 et annexe XIII du CGCT. 66 Les dispositions utiles du bilan PLPDMA ne figurant pas dans le RPQS pourraient y être ajoutées. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000022496455/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031053352/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031840555/ COUR DES COMPTES 40 ni analyse comparée ni indicateurs fiables. Ils déplorent les délais de production des indicateurs et l?absence de séries statistiques longues pour mesurer les évolutions constatées. Les collectivités indiquent qu?elles préféreraient fournir à l?Ademe des données moins nombreuses choisies parmi celles dont elles disposent au premier trimestre et qui leur donneraient accès à des indicateurs plus fréquents et plus rapidement disponibles. Le nombre trop élevé d?indicateurs à suivre gêne la production des bilans qualitatifs et quantitatifs des actions et donc leur évaluation. Il entrave la définition par les décideurs publics de priorités politiques assumées ainsi que leur compréhension et leur mise en oeuvre par les citoyens, les entreprises, les partenaires professionnels et associatifs67. Les juridictions financières recommandaient déjà il y a dix ans, dans leur rapport public sur les déchets68 une amélioration de ce dispositif. Elles demandaient une sélection des objectifs les plus pertinents et leur présentation annuelle sous une forme synthétique permettant d?identifier les écarts par rapport aux objectifs. La situation s?est peu améliorée sur ce point en dix ans, en dépit du constat déjà partagé de revoir la présentation des données pour les simplifier, en accélérer la production et les rendre plus lisibles pour les citoyens. C?est pourquoi, les juridictions financières souhaitent préciser leurs recommandations antérieures, par deux nouvelles recommandations demandant, pour le SPGD d?une part et pour les filières REP d?autre part, la publication annuelle par l?Ademe de tableaux de bord qui reprendraient les indicateurs-clefs des six champs de la prévention et de la gestion des DMA (prévention, financement incitatif, production de déchets, collecte, valorisation et élimination). Ces tableaux de bord seraient produits pour le SPGD par les observatoires régionaux à partir du compte-rendu annuel unique de chaque EPCI (RPQS fusionné avec le bilan du programme local : voir ci-dessus) et par chaque éco-organisme dans son rapport annuel. Les données de l?ensemble des observatoires régionaux et des éco-organismes seraient 67 Les données rassemblées pourraient aussi éclairer, le cas échéant, l?analyse des tribunaux saisis pour apprécier l?action de l?État pour respecter ses engagements normatifs. Voir, sur ces questions, CE, 12 juillet 2017, Les amis de la Terre, n°394254, publié au recueil Lebon ; CE, 19 novembre 2020, Commune de Grande-Synthe, n°427301, publié au recueil Lebon ; TA de Paris, 3 février 2021, n°1904967-1904968- 1904972-1904976 (affaire dite « L?Affaire du siècle »). 68 Recommandations n°1.3., 1.10. ,1.11, 3.1., 3.2., 3.3., 3.4. du rapport de la Cour des comptes, Les collectivités territoriales et la gestion des déchets ménagers et assimilés, septembre 2011. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 41 consolidées par l?Ademe dès 2024 dans deux tableaux de bord nationaux du SPGD et des filières REP69. Tableau n° 1 : tableaux de bord recommandés pour le suivi des objectifs de prévention et de gestion des déchets ménagers et assimilés N° Thèmes Indicateurs du tableau de bord SPGD Indicateurs du tableau de bord REP70 1 Prévention Dépenses de prévention /coût total du SPGPD (en %). Dépenses de prévention/CA des éco-organismes (en %) 2 Financement incitatif Population couverte par la fiscalité incitative (en million d?habitants) 71 Produits mis sur le marché soumis à une éco-modulation (en %) 3 Production Volume de DMA par habitants (en kg) 72, Gisement de déchets calculé (en kt)73 4 Collecte Volume d?OMR par habitant (en kg) Taux de collecte séparée (en %) 5 Valorisation Quantité de déchets faisant l'objet d'une valorisation sous forme de matière (en Mt) 74 Taux de recyclage par rapport au gisement ou aux mises sur le marché (en %) 6 Élimination Quantités de déchets admis en installation de stockage (en Mt)75 Élimination (en kt) Source : Cour des comptes 69 À publier chaque année sur le portail du site du ministère de la transition écologique (MTE), du ministère de l?économie et des finances et de l?Ademe. Cette dernière est chargée désormais d?une mission de supervision des filières REP et dispose pour ce faire d?un budget annexe financé par une redevance perçue auprès des éco-organismes. 70 Indicateurs prévus dans les cahiers des charges établis par filière, repris par arrêté interministériel et présentés chaque année dans le mémo des filières REP qui constitue une première ébauche de tableau de bord mais, qui comme pour le SPGD, ne comporte ni analyse graphique comparant les objectifs fixés et leurs réalisations, ni d?indicateur- clef consacré à la prévention. 71 10° du L541-1 du code de l?environnement. 72 1° du L541-1 du code de l?environnement. 73 Il existe plusieurs méthodes d?évaluation du gisement de déchets en fonction de paramètres estimatifs (p. ex. comportements de stockage/déstockage des ménages) 74 Quantité de déchets non dangereux non inertes, mesurés en masse faisant l'objet d'une valorisation sous forme de matière, notamment organique (4° du L541-1 du code de l?environnement). 75 Quantités de déchets non dangereux non inertes admis en installation de stockage (7° de l?article L. 541-1 du code de l?environnement). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/4832-memo-rep-2021.html COUR DES COMPTES 42 Comme indiqué dans le tableau ci-dessus, les indicateurs-clefs envisagés sont, pour la plupart, déjà prévus par la réglementation et les données sont disponibles dans la base Sinoe de l?ADEME. Deux autres indicateurs-clefs mériteraient cependant d?être ajoutés dans la réglementation et dans les tableaux de bord : ? les dépenses en faveur de la prévention qui, en dépit de leur importance, ne font l?objet d?aucun indicateur législatif ou réglementaire suivi par le SPGD et les éco-organismes. La notion de dépenses de prévention n?étant pas définie dans les textes, une harmonisation préalable du concept et des dépenses éligibles est nécessaire76. ? la réduction annuelle moyenne par habitant du poids des ordures ménagères résiduelles (OMR) par rapport à une date de référence. Cet indicateur-clef du SPGD présenterait en effet l?avantage d?être révélateur des progrès obtenus dans l?atteinte de l?ensemble des objectifs de collecte et de tri et d?être plus facile à appréhender par les citoyens. Ceux-ci, en attente d?une information pratique et simplifiée pour savoir ce qu?ils doivent faire et si leurs efforts portent leurs fruits, peuvent comprendre facilement la consigne attachée à cet indicateur : faire baisser le poids de sa poubelle non triée. Le poids des OMR est d?ailleurs l?indicateur souvent mis en avant dans les visuels de communication grand public des semaines européennes de la réduction des déchets77. Pour chacun des indicateurs du tableau de bord, une partie graphique pourrait être ajoutée qui permettrait la comparaison simple de la trajectoire théorique nécessaire pour atteindre l?objectif et de la trajectoire observée78. Pour le SPGD, afin de préciser également leur attente à l?égard de cette modalité de présentation, les juridictions financières ont établi, pour quatre des six indicateurs-clefs demandés (ceux déjà prévus dans la réglementation), cette analyse graphique des trajectoires nationales. Les 76 Devront être inclus par exemples les dépenses d?écoconception et de recherches développement des éco-organismes et les dépenses dédiées au réemploi et à la réparation du SPGD. 77 Coordonnée en France par l?Ademe, la Semaine Européenne de la Réduction des Déchets (SERD) est un temps fort de mobilisation annuelle pour diffuser les bonnes pratiques de production et de consommation qui vont dans le sens de la prévention des déchets. 78 Trajectoire observée : obtenue par projection vers l?avenir des résultats déjà observés à action inchangée (en prenant en compte l?ensemble des mesures connues et les actualisations successives). Trajectoire théorique : trajectoire linéaire à partir de la date à laquelle l?objectif a été fixé pour l?atteindre à l?échéance. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 43 graphiques correspondants figurent dans les différents chapitres qui traitent de ces quatre sujets79. Au niveau local, le compte-rendu annuel de chaque intercommunalité (RPQS unifié comme indiqué ci-dessus) pourrait s?ouvrir sur ces graphiques calculés à l?échelon du territoire par les observatoires régionaux pour maintenir un historique détaillé et permettre une exploitation précise par territoire. Les éventuels écarts entre la trajectoire prévue par la loi et la trajectoire réelle constatée localement pourraient être analysés par comparaison avec les collectivités partageant les mêmes caractéristiques : notamment habitat dispersé ou concentré, communes touristiques, communes de montagne, zones de revitalisation rurale, territoires ultramarins, croissance démographique? Pour faciliter cette analyse, l?Ademe pourrait publier une déclinaison des objectifs et résultats par groupes homogènes de collectivités. Une telle approche a été mise en oeuvre avec succès en Flandre belge à une échelle géographique comparable à un EPCI (cf. annexe n° 7 sur les comparaisons internationales). En comparant leurs propres graphiques et celui de leur groupe homogène, les acteurs locaux pourraient ainsi apprécier leur situation relative, ainsi que leur éventuelle marge de progrès. IV - Un financement peu lisible et trop faiblement incitatif Le financement du service public repose globalement sur un équilibre entre la part assumée par le consommateur à travers le prix payé intégrant les participations aux éco organismes et celle restant à la charge du contribuable ?usager, qui supporte la fiscalité ou la tarification. La tarification incitative est un levier important de responsabilisation. En effet, elle permet l?application du principe pollueur- payeur aux usagers du service en intégrant dans la facturation le niveau de production des déchets. 79 Graphiques sur la production de DMA et sur la tarification incitative dans le présent chapitre, graphiques sur le recyclage et l?élimination dans le 2ème chapitre. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 44 A - Des dépenses de gestion des déchets en augmentation La dépense nationale consacrée à la gestion de tous les déchets augmente de manière continue depuis 20 ans avec une hausse annuelle moyenne de 4,3 % entre 2000 et 2017, supérieure à la croissance annuelle du PIB moyenne sur la même période (+ 1,4 %). En 2017, cette dépense s?élevait à 18,1 Md¤80 et représentait le premier poste (37 %) des dépenses françaises de protection de l?environnement (48,9 Md¤ en 2019)81. Les entreprises sont les premiers financeurs de ce poste de dépenses, à hauteur de 52 %, suivies des ménages qui contribuent via la fiscalité locale (34 %) et des administrations publiques (14 %) principalement l?ADEME. En 2016, la prise en charge des déchets par le SPGD, y compris les déchets des entreprises et le nettoyage des rues, a coûté 15,9 Md¤ (graphique ci-dessous). Au sein de cet ensemble, le coût spécifique de la collecte et du traitement des DMA (10,9 Md¤ en 2016) a connu depuis dix ans une hausse de près de 50 %82 en valeur absolue mais une stabilité en valeur relative (la quantité des DMA a augmenté 83 mais leur coût relatif est resté stable autour de 62 % des dépenses du SPGD84). 80 La dépense de gestion des déchets, fiche thématique, rapport sur l?état de l?environnement, 2019. 81 Les dépenses de protection de l?environnement mesurent pour chaque pays européen (règlement Eurostat n°691/2011) l?effort financier des ménages, des entreprises et des administrations publiques pour la prévention, la réduction ou la suppression des dégradations de l?environnement c?est-à-dire les taxes, dépenses et emplois nécessaires à la production de biens et services favorables à l?environnement. Comptes de l?environnement, service des statistiques du ministère de la transition écologique, SDES, éditions 2016, 82 Ces dépenses sont chiffrées en euros courants. En euros constants (après correction de l?inflation), la hausse enregistrée entre 2006 et 2016 s?élève à 31 %. 83 De 8,3 % en 2010 (29,5 Mt sur 355 Mt) à 12 % en 2016 (32 Mt sur 326 Mt). 84 9,3 Md¤ sur 14,9 Md¤ en 2010 et 10,9 Md¤ (dont 9,7 Md¤ de fonctionnement) sur 15,9 Md¤ en 2016. Source : Ademe, Déchets chiffres-clés, Éditions 2014 et 2020. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://ree.developpement-durable.gouv.fr/themes/economie-verte/depenses-pour-l-environnement/depenses-par-domaines/article/la-depense-de-gestion-des-dechets https://ree.developpement-durable.gouv.fr/themes/economie-verte/depenses-pour-l-environnement/depenses-par-domaines/article/la-depense-de-gestion-des-dechets https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/environnement https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/environnement https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/environnement UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 45 Graphique n° 9 : évolution des dépenses totales de gestion des déchets Source : Cour des comptes d?après chiffres clés de l?Ademe 2020. Dépenses en euros courants. Le processus de collecte et de compilation de données applicable ne permet à l?Ademe de publier dans ses chiffres clés de l?année N qu?une synthèse basée sur les chiffres N-4 (voir infra à propos du dispositif inadapté de suivi des objectifs) Comme indiqué dans le graphique ci-dessus, l?ensemble des dépenses du SPGD coûte en moyenne 124 ¤ TTC (117 ¤ HT) par habitant. Les charges de traitement représentant 47 ¤ (38 % du coût HT) et les charges de collecte 49 ¤ (39 %). Coté produits, la vente des matières issues du tri, du recyclage et, plus largement, du traitement des DMA (vente d?énergie après incinération, compost?) représente 9 ¤ (7 % des produits). Les aides apportées par les éco- organismes dans le cadre de la responsabilité élargie du producteur (filières REP) représentent 13 ¤ (10 % des produits). Les subventions (notamment celles de l?Ademe) constituent une recette marginale (2 ¤). Ces trois types de produits permettent de déterminer le reste à charge pour la collectivité gestionnaire du service (dit « coût aidé »). Ce coût « aidé » est de 92,50 euros HT par habitant et par an85. Il est financé par une contribution des ménages de 106 ¤ en moyenne (81,5 %) sous forme d?une fiscalité locale affectée ou d?une redevance (TEOM/REOM)86 ou indirectement (financement intégral ou partiel) par le budget général de la collectivité gestionnaire. Les produits (130 ¤ par habitant) financent donc les charges à hauteur de 105 %. 85 « Référentiel national des coûts du service public de prévention et de gestion des déchets ménagers et assimiles 2016 » et mise à jour 2019. 86 La TEOM représente de loin la première modalité de financement du SGPD (81 % des produits perçus), contre 8 % pour la REOM. Pour une présentation détaillée des modalités de financement du SGPD, voir plus loin la partie sur le financement. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/587-referentiel-national-des-couts-du-service-public-de-prevention-et-de-gestion-des-dechets.html https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/587-referentiel-national-des-couts-du-service-public-de-prevention-et-de-gestion-des-dechets.html https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/575-referentiel-national-des-couts-du-service-public-de-prevention-et-de-gestion-des-dechets-synthese-9791029714450.html COUR DES COMPTES 46 Graphique n° 10 : répartition des coûts de gestion des déchets et de leurs financements (SPGPD)87 Source : Cour des comptes, d?après Ademe référentiel des coûts du SPGPD 2019 (chiffres 2016) Le taux moyen de couverture des charges par les produits est de 105 % : cet excédent des produits sur les charges correspond principalement à la constitution de provisions pour de futurs investissements Plus de la moitié des coûts financés par les ménages au travers de la fiscalité locale (53,1 ¤, soit 57 %) sert à couvrir la prise en charge des OMR. La réduction de leur volume par des actions sur la prévention, le tri, la collecte et le traitement est donc favorable non seulement à l?environnement mais également à la maîtrise des coûts. 87 Produits industriels : ventes de matériaux et d?énergie, prestations à des tiers, Soutien : versement des éco-organismes (filières à responsabilité élargie du producteur/REP), aides : subventions publiques (Ademe notamment). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 47 B - Des modalités de financement complexes 1 - Un financement national marqué par l?augmentation de la TGAP Le précédent rapport de la Cour sur le SPGD en 2011 notait déjà le caractère complexe et inadapté des modes de financement qui n?intégraient guère l?équité sociale, très peu le coût réel du service et surtout marginalement le caractère incitatif (principe du pollueur-payeur). Dix ans après et malgré les recommandations pour améliorer la situation et l?adoption de plusieurs lois, la situation décrite reste largement inchangée. La seule évolution financière marquante est, au niveau national, la forte augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), ressource fiscale pour l?État, qui continuera d?augmenter encore jusqu?en 2025, permettant à la France de rejoindre les pays qui pratiquent depuis longtemps cette politique fiscale efficace pour réduire la mise en décharge et l?incinération. Elle doit inciter les EPCI à privilégier la prévention et accentuer les efforts pour réduire les tonnages d?OMR en utilisant un signal-prix88. La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) : une incitation financière à la réduction des tonnages enfouis et incinérés La TGAP a été instituée par la loi de finances 1999 et a vocation à modifier les comportements et à réduire le volume des déchets non recyclés. Elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2000 avec l?objectif d?appliquer le principe pollueur-payeur et de lever des fonds afin de financer les politiques environnementales. Cette taxe s?applique à chaque tonne d?ordures ménagères ou de tout-venant entrant en centre de stockage ou d?incinération. Elle est due par l?exploitant de l?installation de traitement et finalement assumée par les EPCI en charge de la compétence. Sa croissance a une incidence sur le coût total du service à financer. 88 La méthode du signal-prix, appliquée à la politique des déchets consiste à refléter dans le prix des produits et des services le coût de leur impact sur l'environnement en pénalisant les méthodes de traitement les moins vertueuses (incinération et enfouissement). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 48 Pour favoriser l'atteinte des objectifs de réduction des déchets et d'augmentation de la valorisation, fixés par la loi de transition énergétique (LTECV), les lois de finances pour 2016 et 2019 ont accentué le rôle incitatif de la TGAP. Le taux de la TGAP passera progressivement à 65 ¤ par tonne enfouie en 202589. Une évolution similaire mais moins importante90 s?applique aux tonnages incinérés, conformément à la hiérarchie des modes de traitement. Cette hausse uniforme a l?inconvénient de frapper indistinctement les déchets qui pourraient être mieux triés grâce à l?intervention des collectivités et les déchets non recyclables du fait des choix techniques des entreprises sur les volumes desquels les collectivités ne disposent d?aucun moyen d?action. 2 - Le renforcement de la responsabilité élargie des producteurs En application du principe pollueur-payeur, la responsabilité élargie des producteurs (REP) met à contribution les producteurs pour assurer, au moins en partie, la gestion des déchets issus de leurs produits. Plus précisément, l?obligation est faite aux fabricants et importateurs concernés soit de les prendre en charge eux-mêmes, soit de confier cette prise en charge à un éco-organisme en lui versant une écocontribution91. La France s?appuie ainsi sur une vingtaine de filières REP, dont plus de la moitié concernent des produits du quotidien, susceptibles de grossir le gisement des déchets municipaux : emballages ménagers et papiers graphiques, piles et accumulateurs portables, déchets d?équipements électriques et électroniques, textiles, linges et chaussures. Elles couvrent un plus large spectre que dans les autres pays de l?UE et cette couverture est en augmentation92. Des produits, y compris ceux qui produisent des volumes 89 La TGAP est fixée à 37 ¤ par tonne enfouie en 2021 dans les installations de stockage de déchets non dangereux réalisant une valorisation énergétique de plus de 75 %. 90 La TGAP pour les incinérateurs conformes à la norme internationale ISO 50001 passera de 17 ¤ en 2021 à 25 ¤ en 2025. 91 Les éco-organismes sont des personnes morales de droit privé, à but non lucratif, pouvant prendre des formes juridiques variées : sociétés par actions simplifiées, sociétés agréées par l?État (Ademe). 92 La loi AGEC a ajouté une dizaine de filières en 2022 : jouets, articles de bricolage et jardin, sports et loisirs de l?autre, produits et matériaux du secteur de la construction et du bâtiment (opérationnelle à compter du 1er janvier 2023). La filière des lingettes doit être créée au 1er janvier 2024. La création d?une REP pour tous types d?emballages est prévue au 31décembre 2024. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 49 significatifs de déchets (couches et litières par exemples), ne sont pas encore rattachés à une filière REP. Les contributions perçues par les éco-organismes en 2019 étaient de 1,464 Md¤ (+ 200 M¤ par rapport à 201793). Les éco- organismes utilisent ces contributions en partie pour prendre en charge directement des coûts de collecte et de traitement (508 M¤ en 2017) et en partie pour participer au financement du service public de gestion des déchets (805 M¤ de soutiens financiers versés aux collectivités locales, dont plus de 80 % versés par l?éco-organisme Citéo au titre des emballages ménagers)94. 3 - Un financement du SPGD marqué par la diversité des recettes et la prédominance de la TEOM Une fois déduites les ventes des produits issus du traitement et les aides des éco-organismes et de l?État, le financement du reste à charge (dit « coût aidé »), relève quasi-exclusivement au plan local de décisions des EPCI à fiscalité propre95, y compris à travers leur participation à un syndicat mixte. a) Les différentes fiscalités affectées Comme le prévoit le code général des impôts96, les EPCI peuvent instituer une fiscalité affectée « à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés ». Modalité dominante de financement du SPGD par les usagers, la taxe d?enlèvement des ordures ménagères (TEOM) présente, en plus de sa simplicité d?application et de sa garantie de rendement appréciable pour les collectivités, un avantage redistributif de par la nature de sa base d?imposition. 93 La principale filière est la filière emballages ménagers avec 708,7 M¤ en 2019, suivie de la filière DEEE (déchets d?équipements électriques et électroniques) avec 188 M¤ puis celle des papiers graphiques avec 95,8 M¤. 94 On distingue ainsi les éco-organismes « opérationnels ». Articles L. 541-10 à L. 541- 15-2 du code de l?environnement qui prennent en charge directement les déchets des entreprises de leur secteur (p. ex. piles électriques) et qui représentent 40 % de la prise en charge des DMA et les éco-organismes financeurs qui reversent aux collectivités locales les contributions (p. ex. emballages). Les éco-organismes mixtes (p. ex. ameublement) financent la collecte par les collectivités mais assurent le traitement. 95 Communautés de communes, communautés d?agglomération, communautés urbaines et métropoles. 96 Article 1520 du code général des impôts. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037986339/ COUR DES COMPTES 50 La base de la TEOM, commune avec la taxe foncière sur les propriétés bâties est la valeur locative foncière, qui permet de prendre en compte la valeur du patrimoine foncier imposé97. À titre d?exemple, une personne seule habitant une habitation individuelle vaste verra son imposition à la TEOM plus élevée qu?une famille de six personnes occupant un appartement exigu, du fait de la valeur locative foncière des habitations respectives. Si cette situation peut paraître partiellement contestable du fait de l?inadéquation entre le montant de l?imposition et la quantité de déchets produite, elle présente un certain avantage social98. La TEOM permet aussi l?imposition de surfaces commerciales (par exemple la grande distribution) qui génèrent indirectement des quantités importantes de déchets (notamment les emballages même si les grandes surfaces n?utilisent pas les prestations du SPGD). Une tarification incitative peut être adossée à la TEOM (TEOMi). À la place de la TEOM, l?EPCI peut instituer la redevance d?enlèvement des ordures ménagères (REOM) versée par l?usager comme contrepartie directe de la prestation et souvent liée à la composition de la famille de l?usager (nombre de personnes dans le foyer). Cette redevance dite « classique » ne reflète pas la quantité réellement produite et les efforts de réduction des déchets réalisés par l?usager. Le montant de la REOM peut aussi se fonder sur le volume et le nombre de présentation des bacs à la collecte (ce qui implique l?identification des bacs par la benne à ordures ménagères), voire le poids des déchets par la mise en place d?une pesée embarquée. Dans ce cas, elle est qualifiée de redevance incitative (RI ou REOMI). 97 La Cour des comptes indiquait, dans son rapport public annuel de 2009, que « le processus d'établissement des bases cadastrales par la DGFIP est d'une grande opacité : il est à la fois exagérément complexe, fragile, et d'un coût mal cerné. En outre, l'absence de révision générale des bases depuis 1970, combinée à une mise en oeuvre trop restreinte des procédures d'actualisation par les services fiscaux, dans le cadre du droit existant, produit une situation obsolète et inéquitable ». 98 L?absence d?actualisation des valeurs locatives foncières vient toutefois limiter cet effet social favorable. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 51 La redevance spéciale (RS) : une tentative non aboutie de financement dédié des déchets non ménagers La redevance spéciale (RS) désormais facultative permet de facturer le coût de la collecte et du traitement des déchets dits « assimilés » aux ordures ménagères (produits par certaines activités économiques : commerces, PME, restauration, etc. et estimés par l?ADEME à 20 % de l?ensemble des DMA). Elle a été instaurée pour éviter de faire payer aux ménages l?élimination des déchets non ménagers. Sa mise en place très aléatoire et limitée a conduit à l?abandon du caractère obligatoire qui lui avait été conféré en 1993, alors que la Cour recommandait en 2011 d?imposer sa généralisation. Quand elle est instaurée, les recettes de RS sont souvent restreintes et ne représentent qu?une part très marginale du financement du service public (exemple de la CA de Bastia). L?échec de la généralisation de la RS montre la difficulté de distinguer l?origine des flux de déchets et au sein des DMA les déchets ménagers des déchets assimilés. Les EPCI sont le plus souvent dans l?incapacité de fournir ces données qui permettraient un financement différencié. Cette situation conduit à un report exclusif de la charge du financement du SPGD vers l?usager habitant. b) La combinaison de la fiscalité affectée et du budget général Les collectivités peuvent choisir différentes modalités pour assurer le financement du reste à charge par l?usager du service public : TEOM, Budget général, RS, REOM, REOMi ou TEOMi (cf. annexe n° 9). Les modes de financement retenus sont donc très variés, souvent complexes, mixant TEOM et participation du budget principal, parfois avec une part de taxe sur le foncier bâti explicitement dédiée. En raison de ses avantages et malgré ses inconvénients, la TEOM reste toutefois très largement majoritaire. La combinaison des modalités de financement est soumise à plusieurs règles d?incompatibilités juridiques. Ainsi, par exemple, le choix du financement du reste à charge par la REOM induit la qualification de service public industriel et commercial (SPIC), l?obligation d?un budget Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 52 annexe dédié et son équilibre par des recettes propres sans recours à une participation du budget principal99. La fiscalité affectée instituée par les EPCI doit pourvoir à la gestion des DMA et non à d?autres dépenses de la collectivité. Le juge administratif rappelle constamment cette interdiction du suréquilibre100 lorsque le produit de la TEOM est nettement supérieur101 aux dépenses consacrées au SPGD. Afin de définir les conditions de financement du SPGD sans suréquilibre, il est essentiel de connaître le périmètre des dépenses à prendre en compte. Comme le regrettait déjà le rapport des juridictions financières en 2011, ce périmètre n?est connu qu?imparfaitement par une construction jurisprudentielle inachevée. Le juge a ainsi exclu des charges du SPGD le ramassage des corbeilles de propreté et les déchets des marchés alimentaires et forains. C - Une fiscalité incitative à développer 1 - Une fiscalité incitative devenue prioritaire en raison de ses atouts L?objectif de baisse des quantités collectées de DMA102 et le surenchérissement de la TGAP qui pénalise de plus en plus fortement l?incinération et l?enfouissement conduisent à privilégier une incitation financière des usagers pour réduire leurs déchets. La France était, en 2011, très en retard dans la mise en place d?une tarification incitative en comparaison de plusieurs pays (graphique n°1) et sa progression très lente depuis cette date ne lui a pas permis de le rattraper. Le caractère incitatif de la tarification est mis en avant par la LTECV103 comme un des leviers permettant d?atteindre les objectifs de réduction des volumes de déchets en envoyant un « signal prix » à l?usager 99 Dans un délai de quatre ans suivant l?instauration de la REOM 100 La situation de suréquilibre consiste à lever une fiscalité (TEOM) d?un montant supérieur au coût net (en enlevant les autres recettes : ventes de produits, recettes ces éco organismes et subventions) du service pour la collectivité. 101 Le niveau du surfinancement acceptable a varié mais semble s?établir selon les dernières jurisprudences à 115 % au maximum de couverture des dépenses. 102 Art. L. 541-1 1° du code de l?environnement - 10 % en 2020 / 2010 et - 15 % en 2030 / 2010 103 10° de L. 141-1 code de l?environnement. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 53 et en liant le prix qu?il paie au coût réel du service et à la quantité d?ordures ménagères résiduelles qu?il produit. L?efficacité dans ce domaine de la tarification incitative est confirmée par plusieurs études récentes104. En moyenne, la mise en place de la tarification incitative permet de réduire de 41 % la quantité d?OMR, d?augmenter à due concurrence la collecte des recyclables et de réduire de 8 % les DMA. La relation forte entre la performance des EPCI et la mise en place d?une fiscalité incitative est ainsi établie, en France comme à l?étranger, selon une étude de l?Ademe105. 97 % des intercommunalités qui produisent moins de 150 kg d?OMR et 100 % de celles qui produisent moins de 100 kg d?OMR par habitant ont recours à une tarification incitative. Par ailleurs, le coût moyen aidé des déchets est de 20 % en deçà de la moyenne dans les territoires en tarification incitative car celle-ci pousse à l?optimisation des coûts de collecte et de traitement106. La baisse des OMR après mise en oeuvre de la tarification incitative, avec l?ensemble des mesures d'accompagnement, a créé un effet report sur les volumes collectés en déchèteries (avec des qualités et des taux de tri/valorisation variables) dans une proportion non quantifiable. Les avantages de la tarification incitative ont conduit la Convention citoyenne pour le climat (CCC) à proposer de « remplacer une part significative de la taxe d?enlèvement des ordures ménagères (TEOM) par des modalités plus justes et favorisant les comportements écoresponsables » (proposition C3.4). Les associations d?élus représentants les groupements intercommunaux (Communautés de France et France urbaine) considèrent cependant que la fiscalité incitative n?est qu?un levier parmi d?autres de la réduction des OMR même si Communautés de France se déclare favorable au déploiement d?une dimension incitative dans la tarification du SPGD. 104 Étude du commissariat général au développement durable de mars 2016 et étude de l?Ademe sur l?implantation de la TI (bilan à mi-parcours TI AMO). 4/11/2021. 105 Le parangonnage des pratiques de tarification incitative pour la gestion des déchets ménagers dans plusieurs pays industrialisés » (Ademe 2018) indique que « dans tous les territoires ayant mis en place une TI, la production d?OMR a diminué. » 106 Ademe, Étude sur les territoires pionniers de la prévention, confirmé par contrôles de la communauté d?agglomération de Mauges et de la communauté urbaine de Besançon. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://partagejf.ccomptes.fr/sites/fcjpgdechets/02Synthese/07_CRPP/La%20tarification%20incitative%20de%20la%20gestion%20des%20ordures%20ménagères%20:%20quels%20impacts%20sur%20les%20quantités%20collectées https://www.ademe.fr/dossier/modes-financement-service-public-gestion-dechets/tarification-incitative-ti https://www.ademe.fr/dossier/modes-financement-service-public-gestion-dechets/tarification-incitative-ti https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/3628-territoires-pionniers-de-la-prevention-des-dechets.html https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-dagglomeration-mauges-communaute-maine-et-loire https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-urbaine-du-grand-besancon-doubs COUR DES COMPTES 54 2 - Une complexité qui ralentit sa diffusion La tarification incitative reste cependant insuffisamment attractive pour les collectivités du fait des coûts ainsi que de la complexité de sa mise en place et des incertitudes sur les recettes perçues par le service public. La tarification incitative reste très peu mise en oeuvre dans l'échantillon des EPCI de l?enquête, même s?il est fait régulièrement mention de sa mise à l?étude. Les territoires ayant mis en oeuvre la tarification incitative en France sont souvent ruraux ou mixtes et, à de rares exceptions (par exemple l?agglomération de Besançon), les territoires les plus urbanisés ne sont pas engagés dans des démarches de fiscalité incitative. La part des collectivités qui recourent à la TEOM sans part incitative comme mode majoritaire, voire exclusif, de financement ne décroit que très lentement. La population qui reste soumise à cette imposition est constante, principalement dans les zones fortement urbanisées (à l?exemple de la région Ile-de-France). La part de la TEOM dans le financement du service public de gestion des déchets continue de croitre en 2020 et en 2021 (7,1 Md¤ en 2020 et 7,4 Md¤ en 2021) et demeure très largement dominante par rapport à la redevance. Même lorsqu?elle est mise en place, la part réellement incitative107 reste résiduelle dans le prix payé par l?usager et représente, en 2020, moins de 0,5 % de l?ensemble du produit de la TEOM108. Les espoirs placés dans une tarification plus incitative (TEOMI ou REOMI) qui devait concerner 15 millions d?habitants en 2020 et 25 millions en 2025 sont pour l?instant déçus par le rythme très lent de sa mise en place (moins de 6 millions d?habitants concernés en 2019109). Le graphique ci-dessous montre l?écart important entre ces objectifs législatifs et l?évolution de la population bénéficiant d?une tarification incitative. L?objectif de 25 millions d?habitants en 2025110 apparaît hors d?atteinte sans accélération très forte et sans nouvelles mesures encourageant cette mise en place. 107 La part incitative ne représente que 10 à 45 % de la TEOMI, la part fixe majoritaire reste basée sur la valeur locative foncière (VLF) de l?habitation. 108 34 M¤ sur les 7 137 M¤ du produit total de la TEOM (Source : DGCL Bis 151 fiscalité locale 2020). 109 Au 1er janvier 2019, 195 collectivités appliquaient une tarification incitative (5,6 M d?habitants) dont 18 en TEOMI (0,940 M d?habitants). Au 1er janvier 2020 : 5,9 millions d?habitants et 9,3 millions si on inclut les collectivités en cours de mise en oeuvre (source Ademe). Par ailleurs en 2020 et 2021, des collectivités représentant 9 millions d?habitants bénéficient des études de faisabilité aidées par l?Ademe. 110 Ces deux objectifs sont fixés par la LTECV de 2015. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 55 Graphique n° 11 : (indicateur-clef n° 2) population bénéficiant de la tarification incitative Source : Cour des comptes La fiscalité incitative est souvent perçue comme compliquée et coûteuse dans sa gestion (transfert de la gestion du fichier des redevables de la direction des finances publiques à l?EPCI, insécurité sur les recettes) et peut être source de rejet de la part des usagers. Les modalités de collecte sont en effet plus complexes et impliquent l?équipement : - des bacs à puces chez les usagers permettant déterminer leur nombre réellement collecté et ainsi individualiser la facturation ; - des points d?apport volontaire (PAV) avec un système de tambour à reconnaissance par carte du propriétaire, des sacs apportés ; - des bennes avec des systèmes électroniques de reconnaissance des puces des bacs. Comme le montre l?exemple ci-dessous, la mise en place d?une fiscalité incitative ou d?une redevance incitative est un processus long et peut s?étaler sur sept années entre l?étude d?opportunité et la mise en place effective111. 111 Ce délai peut toutefois être réduit à l?exemple de communauté de communes d?Oléron qui prévoit une mise en place de la REOMI en 2022 à la suite d?une démarche initiée en 2018. Cf. CRC Nouvelle-Aquitaine, Communauté de communes de l?Ile d?Oléron, décembre 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-de-communes-de-lile-doleron-saint-pierre-doleron-charente-maritime https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-de-communes-de-lile-doleron-saint-pierre-doleron-charente-maritime COUR DES COMPTES 56 Organigramme n° 1 : processus d?instauration de la TEOMI sur le territoire du syndicat du Bois de l?Aumône (Puy De Dôme) Source : présentation webinaire du 30 juin 2021 ADEME, CITEO et Région Occitanie Plusieurs études de mise en place, voire de délibérations, n?ont pas été suivies d?effet, notamment du fait du coût des investissements à réaliser pour déployer un nouveau schéma de collecte en cohérence. Par exemple, la communauté de communes Coeur du Var a décidé en 2016, après étude, de reporter la décision de la mise en place d?une TEOMI à 2021 puis au-delà de 2025 au motif de la lourdeur des investissements à réaliser et des bouleversements induits dans son organisation. La mise en place d?une fiscalité incitative implique en outre des efforts importants en termes de portage politique, de communication auprès des usagers et d?engagements des services techniques des collectivités. L?absence d?attention suffisante à ces préalables ou leur sous- évaluation peut conduire à l?échec voire à des abandons et retours vers des modes de fiscalité sans lien avec la qualité du tri, le plus souvent la TEOM (à l?exemple de la communauté de communes des Gorges de l?Ardèche). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-de-communes-des-gorges-de-lardeche-vallon-pont-darc-ardeche UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 57 Les conditions de la réussite de la mise en place d?une tarification incitative : le contre-exemple des Gorges de l?Ardèche. La communauté de communes des Gorges de l?Ardèche issue de la fusion en 2017 de plusieurs intercommunalités dont certaines avaient mis en place une tarification incitative pour une partie de leur territoire, a décidé en 2018 une généralisation de la REOMI au 1er janvier 2021. Des carences dans la conduite de ce projet, la sous-estimation des coûts induits par les changements, le manque d?anticipation ont abouti, après plusieurs reports et décalages par rapport au calendrier prévisionnel, à son abandon au deuxième trimestre 2020 et à la généralisation de la TEOM en 2021. La modification des modalités de collecte (généralisation de la collecte en PAV en remplacement du PAP) simultanément à la mise en place de la fiscalité incitative a amplifié les difficultés rencontrées par l?EPCI, montrant la difficulté de mener de front deux chantiers lourds modifiant à la fois les modalités de collecte et de financement du service public. Les regroupements d?EPCI issus des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI issus de la loi NOTRE de 2015) ont souvent conduit à la généralisation de la TEOM, alors que certains territoires fusionnés avaient élaboré des politiques ambitieuses basées sur une fiscalité incitative ou la redevance d?enlèvement des ordures ménagères (REOM). La communauté de communes d?Oléron : un exemple de passage de la REOM vers la REOMI112 La CC d?Oléron, actuellement en REOM, a décidé en 2018 de mettre en oeuvre la REOMI à l?horizon 2023 avec un objectif de réduction de 20 % des DMA. Le système retenu prévoit une part forfaitaire établie sur la base d?un nombre de levées ou de dépôts minimaux et de la taille du bac de l?usager ou à la taille du tambour des colonnes d?apport volontaire. Au-delà de ce forfait, la part variable est calculée pour toutes les levées et apports supplémentaires. Le calendrier prévoit la réalisation d?une enquête auprès de chaque usager et, en 2022, une facturation « à blanc » (simulation de facturation incitative permettant la comparaison avec la facturation réelle). 112 Cf. CRC Nouvelle-Aquitaine, CC de l?île d?Oléron, décembre 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-de-communes-de-lile-doleron-saint-pierre-doleron-charente-maritime COUR DES COMPTES 58 3 - Accélérer la mise en place de la fiscalité incitative Les recommandations de développement de la tarification incitative formulées antérieurement par la Cour113 n?ont pas été suivies d?effets et doivent être réitérées. La redevance d?enlèvement des ordures ménagères incitative, dont la mise en place est mieux adaptée à l?habitat individuel, a connu un certain développement, dans les zones rurales et péri-urbaines mais ses possibilités d?extension en milieu urbain sont limitées par les contraintes spécifiques de l?individualisation du tri dans l?habitat collectif. Plus récemment, un mouvement semble s?amorcer, de collectivités urbaines qui cherchent à s?engager ou qui expérimentent la mise en oeuvre de la tarification incitative sous forme de TEOMi (Grenoble Alpes Métropole et Versailles Grand Parc notamment), tandis que d'autres l?étudient. Nombreux sont ceux qui considèrent que l?application sur l?intégralité du territoire sera difficile alors qu?elle pourrait être plus facilement envisagée sur seulement une partie du territoire (habitat pavillonnaire, communes périphériques, ?) : une dérogation à l?obligation d?uniformité du mode de financement sur un EPCI à fiscalité propre et donc l?autorisation de faire cohabiter formes classique et incitative d?un mode de financement donné (TEOM/TEOMi ou REOM/REOMi) au-delà des sept ans explicitement prévus au Code général des impôts pour la TEOMi pourrait répondre à cette difficulté et favoriserait le développement de la TI en milieu urbain, au prix sans doute d?une certaine complexité de gestion voire d?une insécurité juridique. La sécurité financière apportée par la TEOM pour les collectivités gestionnaires du service public, son caractère redistributif et sa très large implantation sur le territoire, amènent à ne pas remettre en cause cette fiscalité, mais plutôt à favoriser l?introduction d?une part incitative (TEOMI) dans les limites actuellement prévues par la loi (10 à 45 % de part incitative dans la TEOM totale). La métropole de Rennes, relayée par l?association France urbaine, étudie la possibilité d?une TEOMI « collective » qui ne serait plus individualisée mais établie au niveau du quartier ou d?un secteur géographique. 113 Rapport 2011, Les collectivités locales et la gestion des déchets ménagers et assimilés, op. cit. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 59 La Métropole de Rennes étudie un dispositif innovant mais aux bases juridiques fragiles. Devant la difficulté à établir une individualisation de la performance de tri en milieu fortement urbanisé, Rennes métropole a étudié la possibilité d?établir la part incitative non pas sur les quantités d?OMR produites par chaque usager, mais en tenant compte de la performance collective réalisée au niveau d?un quartier. Ce dispositif permettrait, selon la métropole rennaise, de développer des dynamiques collectives sur des secteurs territoriaux et de limiter les coûts de gestion administrative pour consacrer plus de moyens à l?animation du dispositif. Toutefois, sa mise en place se heurte à des difficultés juridiques. En effet, le passage d?une individualisation de la taxe au prorata des valeurs locatives à une performance de tri collective (au niveau d?un quartier ou d?un secteur) n?est pas autorisé par la règlementation et pourrait se révéler juridiquement fragile au regard du principe d?égalité. Un des principaux obstacles au développement de la tarification incitative est le coût de sa mise en place, estimé entre 20 et 40 ¤ par habitant, ramené à 15 ¤ après pris en compte des aides (soit de 45 à 75 % d?aides)114. Ce surcoût est dû principalement aux investissements à réaliser au démarrage, mais aussi à l?accompagnement de la démarche qui doit se poursuivre sur une longue période115. Toutefois, les économies réalisées du fait de la baisse des tonnages d?OMR (et donc de la baisse des coûts de traitement) doivent permettre de couvrir les frais initiaux. En effet, l?économie observée réalisée sur le coût aidé (reste à charge) par les EPCI ayant mis en place une tarification incitative est, en moyenne en 2021116, de 13 euros par habitant. Les aides au démarrage sont donc essentielles pour soutenir les collectivités qui mettent en place la tarification incitative. Pour encourager plus fortement les EPCI à recourir à la TEOMI, la loi de finances initiale pour 2019 comporte deux mesures : l?année d?instauration de la part incitative, le produit de TEOM peut augmenter 114 Source : Ademe 2020 - chiffres clés : coût de la mise en place de la TI. 115 En 2022, l?Ademe a enrichi l?offre de soutien aux collectivités en tarification incitative au travers une nouvelle modalité d?aide d?accompagnement de l?information individuelle des usagers sur leur utilisation du service. 116 Source : Ademe 2021 - chiffres clés : coût de la mise en place de la TI. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 60 jusqu?à 10 % (par rapport à l?année précédente) et les frais de gestion levés par l?État, fixés à 8 % sur la TEOM, sont limités à 3 % pendant cinq ans. Ces incitations se sont cependant avérées insuffisantes, au regard des coûts induits par cette évolution et n?ont pas permis de rendre la TEOMI plus attractive que la TEOM. Afin de développer la tarification incitative (TEOMI ou REOMI), la Cour recommande donc d?accentuer les aides au démarrage, en allégeant le coût de sa mise en place, en portant la part du financement extérieur à 80 % du surcoût117. Ces aides ponctuelles pourraient prendre la forme par exemple de subventions directes (fonds chaleur et fonds économie circulaire gérés par l?Ademe) ou d?une atténuation supplémentaire des frais de gestion grevant la TEOMI. D - La spécificité des territoires touristiques Les territoires à forte activité touristique118, le plus souvent saisonnière, connaissent des problèmes spécifiques pour adapter leurs fréquences de collecte à la variation parfois très importante des populations utilisant le service public. Les tournées supplémentaires et le traitement des tonnages générés par l?activité touristique entrainent pour ces territoires des coûts plus élevés. La moyenne des tonnages collectés par habitant indique la même tendance en étant supérieure à la moyenne nationale tant pour les DMA (669 kg/habitant pour 529 kg/habitant) que pour les OMR (356 kg/habitant pour 249 kg/habitant en moyenne nationale)119. Cette différence est encore accentuée pour la sous-catégorie120 des territoires dits « très touristiques »121. 117 La part couverte par des aides extérieures à l?EPCI est actuellement, en moyenne, de 50 %. 118 « Territoires à dominante touristique » selon la classification proposée par l?Ademe 119 Source : Ademe chiffres clés de la collecte en 2019. 120 La typologie des habitats de l?Ademe comprend cinq catégories et dix sous- catégories. Dans la catégorie touristique sont distingués : les territoires très touristiques, les touristiques urbains et les autres touristiques. 121 La région Provence-Alpes-Côte d?Azur (PACA), aux caractéristiques touristiques affirmées, présente par exemple des tonnages d?ordures ménagères exceptionnellement élevés avec 713 kg de DMA par an et par habitant et 372? kg d?OMR en 2019 (source : observatoire régional des déchets PACA). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 61 Graphique n° 12 : ratios de collecte des OMR par typologie de territoires en 2019 Source : Ademe chiffres clés 2019 (parution : juin 2021) La taxe de séjour (TS) : une taxe affectée au développement touristique Créée par une loi de 1910, la taxe de séjour est instituée à l?initiative des communes réalisant des dépenses favorisant l?accueil des touristes. À l'origine, elle ne pouvait être instituée que par les stations classées de tourisme. Cette possibilité s?est élargie au fur et à mesure des années (aux communes de montagne, du littoral, réalisant des actions de promotion touristique ou de gestion de leurs espaces naturels ?). Elle est due par personne et par nuit et son montant varie selon le type d'hébergement (hôtel, meublé de tourisme, camping) et selon le classement de l'hébergement. Les recettes de la taxe de séjour sont affectées obligatoirement aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique d'une commune ou d'une intercommunalité. Afin de permettre la couverture des charges supplémentaires du service public des déchets générés spécifiquement par la fréquentation touristique, pourrait être envisagée l?affectation d?une part additionnelle à la taxe de séjour (surtaxe) perçue par les EPCI122. Le produit de la TS resterait ainsi affecté au développement touristique mais les territoires classés « touristiques », selon la classification de l?Ademe, pourraient percevoir, sur la même base que la TS, cette part complémentaire affectée au financement des opérations de prévention, de collecte et de traitement des ordures ménagères. 122 La TS est actuellement obligatoirement affectée aux offices de tourisme et ne peut donc financer des surcoûts liés à la collecte et au traitement des déchets. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 62 __________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________ En France, le volume d?ordures ménagères par habitant, notamment résiduelles, se stabilise à un niveau supérieur à la moyenne européenne. Le service public de gestion des déchets (SPGD) est exercé par les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats intercommunaux de traitement, dans le cadre d?une programmation tripartite État-région-intercommunalités. Or, cette programmation est trop complexe et souffre d?une articulation insuffisante entre les différents niveaux territoriaux qui la rend finalement inefficace. Pour permettre à la France de réaliser les objectifs que le législateur a fixés dans le code de l?environnement et rejoindre les meilleurs standards européens de prévention et de gestion des DMA, la programmation doit être améliorée. Une simplification des documents de programmation nationaux, une programmation régionale plus opérationnelle, grâce à davantage de précisions sur les investissements à réaliser et à des plans locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés déclinés pour chaque EPCI, contribueraient à une plus grande lisibilité des différents niveaux et outils de programmation. Par ailleurs, comme la Cour l?avait déjà souligné en 2011, la mobilisation des parties prenantes implique de disposer de tableaux de bord synthétiques permettant de confirmer une direction et un rythme de réalisation adéquats. Pour atteindre ce résultat, la collecte locale des données doit être accélérée et simplifiée dans un compte-rendu unique et harmonisé. Les dépenses du service public de gestion des déchets augmentent de manière continue depuis vingt ans et sont financées principalement par la fiscalité ou la tarification locale et les filières REP. Pour réduire cette dépense et atteindre l?objectif prioritaire de réduction des quantités de déchets collectées et traitées, les modalités de tarification (ou de fiscalité) doivent inciter plus clairement l?usager à des efforts de tri. La tarification incitative (REOMi ou TEOMi) permet de limiter les quantités d?OMR en liant, au moins partiellement, la qualité du tri et le prix payé par l?usager. Toutefois, son développement, prévu par la loi, se heurte à des difficultés de mise en place et à des coûts de démarrage importants qui doivent être mieux pris en charge. La spécificité des territoires touristiques entraine des charges pour le SPGD qui nécessitent la mobilisation de moyens complémentaires. Une part additionnelle de taxe de séjour payée par les usagers à l?origine de ces surcoûts permettrait de les financer. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 63 Au vu de l?ensemble de ces constats, les juridictions financières formulent les recommandations suivantes : 1. Unifier, au plus tard en 2024 les documents de programmation nationale de la prévention et de la gestion des déchets, en y renforçant le volet industriel de la plasturgie et de la valorisation énergétique (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). 2. Rendre obligatoire, au plus tard en 2024, lorsque le programme local de prévention des déchets ménagers est élaboré par le syndicat de traitement, l?adoption d?un programme de mise en oeuvre spécifique par EPCI (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). 3. Publier, au plus tard en 2024, un tableau de bord annuel du Service public de gestion des déchets, à l?échelon national et par type d?établissement public de coopération intercommunale, des six indicateurs-clefs, incluant la prévention et le poids des ordures ménagères résiduelles assortis d?une représentation graphique des trajectoires constatées par rapport aux trajectoires cibles (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, régions). 4. Publier, au plus tard en 2024, un tableau de bord annuel, pour l?ensemble des filières de Responsabilité élargie du producteur et, pour chacune d?elles, des six indicateurs-clefs, incluant la prévention, assortis d?une représentation graphique des trajectoires constatées par rapport aux trajectoires cibles (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, éco-organismes). 5. Harmoniser, au plus tard en 2024, dans un seul compte-rendu le bilan annuel, par intercommunalité, des actions de prévention et de gestion des déchets ménagers autour des six indicateurs-clefs et du coût du service par habitant (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). 6. Favoriser la mise en place de la tarification incitative en allégeant son coût pour l?intercommunalité grâce à un financement complémentaire porté à 80 % sur les premiers exercices (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique) ; 7. Instaurer une surtaxe à la taxe de séjour dont le produit serait affecté aux actions relatives à la prévention et à la gestion des déchets (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction Publique). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Le dispositif opérationnel : une transformation à accélérer vers l?économie circulaire Le présent chapitre examine les étapes du processus de gestion des déchets ménagers et assimilés (la prévention, la collecte et le traitement) telles qu?elles sont mises en oeuvre par les organismes qui en ont la charge. Les résultats atteints par la France et les choix de gestion de déchets y sont exposés et comparés à ceux des autres pays de l?Union Européenne. Ces comparaisons et les exemples de bonnes pratiques comme les difficultés rencontrées aux niveaux local et national, illustrent la complexité de cette politique et mettent en évidence les efforts qui doivent être réalisés en France pour atteindre les objectifs fixés. I - La prévention : priorité officielle, mais parent pauvre de la gestion des déchets L?article L. 541-1 du code de l?environnement prévoit de « donner la priorité à la prévention ». La prévention consiste à réduire la quantité de déchets produits et leur dangerosité en intervenant à la fois sur les modes de Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 66 production et de consommation des produits123. Elle relève au premier chef des entreprises puisqu?elles sont en mesure de réduire à la source la quantité de matière des produits qu?elles mettent sur le marché. Certains territoires, pionniers mais trop minoritaires, montrent qu?ils peuvent aussi avoir une action déterminante sur la prévention en accompagnant la consommation responsable, l?autogestion des déchets et le geste de tri des citoyens. A - À l?étape de la production : écoconception et durabilité des produits 80 % des incidences des produits sur l?environnement sont déterminées lors de la phase de conception124. Cette responsabilité des entreprises se traduit par les écocontributions qu?une partie d?entre elles paient aux éco-organismes. Ce principe pollueur-payeur doit les inciter à réduire les quantités de matière125 ainsi qu?à prêter attention aux conditions d?approvisionnement en matières premières et au recyclage des biens fabriqués. Par exemple, pour prévenir les déchets plastiques, les entreprises ont la possibilité de supprimer les contenants à usage unique ou sans fonction technique (comme les propriétés barrière pour les produits alimentaires) ou les produits et objets qui perturbent les chaînes de recyclage parce qu?ils sont trop petits ou dépourvus de filière de recyclage opérationnelle126 . Les entreprises sont également invitées, tant par la réglementation européenne que par la législation française, à construire des biens incorporant des matières premières recyclées, qui soient susceptibles d?être réparés et réutilisés127 ou à développer l?économie dite de la fonctionnalité. Les fabricants de produits générateurs de déchets sont tenus de soutenir les réseaux de réemploi, de réutilisation et de réparation, notamment ceux gérés par les structures de l?économie sociale et solidaire128. 123 Selon l?article L. 541-1-1 du code de l?environnement, qui regroupe les définitions des termes en lien avec les déchets, la prévention désigne l?ensemble des mesures qui visent à réduire la quantité de déchets, leur nocivité et les matières nocives entrant dans les produits. 124 Rapport du Parlement européen pour aboutir à une économie circulaire du 10-02-2021 125 Par exemple, l?écocontribution payée annuellement par les metteurs en marché est modulée aux poids et à l?Unité de Vente Consommateur (UVC) qui intègrent les emballages. 126 C?est-à-dire les produits et objets hors filières déjà opérationnelles (p. ex. bouteilles en plastique de PET) ou en passe de le devenir (p. ex. pot de yaourt en PS). 127 Un indice de réparabilité doit pouvoir être communiqué pour les équipements électriques et électroniques et, à compter du 1er janvier 2024, un indice de durabilité. Règlement (UE) 2021/341 de la Commission du 23/2/21. 128 Article L. 541-10 du code de l?environnement Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176087/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041599099 LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 67 L?économie de la fonctionnalité L?économie de la fonctionnalité privilégie l?usage souvent ponctuel (se déplacer, s?alimenter, habiter, etc.) à la possession permanente et tend à vendre des services (location, etc.) plutôt que les produits eux-mêmes. Conservant la propriété des matériels, le loueur a intérêt à allonger leur durée de vie et réduire la consommation des intrants (énergie, engrais, etc.), comme par exemple pour un contrat d?installation et d?entretien se substituant à la vente d?une chaudière. Dans le tableau de bord national des éco-organismes que les juridictions financières recommandent de créer, un des six objectifs devrait être, comme proposé supra, un indicateur de l?effort de financement de la prévention (dépenses en faveur de la prévention/ pourcentage du chiffre d?affaires des éco-organismes). L?évolution de la demande des consommateurs a une influence de plus en plus forte sur l?engagement des entreprises dans ces directions129. L?écoconception peut aussi être encouragée par des mécanismes incitatifs ou prescriptifs mis en place par les pouvoirs publics. Les mécanismes incitatifs prévus dans la loi comme les éco-modulations130, pour les produits soumis à une REP, conservent la préférence des entreprises. Ils peuvent même aboutir, dans certains cas, au versement à l?entreprise d?une prime supérieure à son écocontribution131. Les instruments prescriptifs se développent quant à eux dans le cadre de l?harmonisation des conditions du marché unique européen132. Tel 129 L?indicateur 9 du PNPD 2014-2020 mesure la sensibilité des Français à la prévention (Indice global calculé par l?Ademe à partir d?enquêtes). 130 L?art. L. 541-10-3 du code l?environnement issu de la loi AGEC (annexe IV bis à la directive 2008/98) rend possible le recours aux contributions financières pour promouvoir l?incorporation de matériaux recyclés et le réemploi. Ces « éco- modulations » sont des modifications (en %) de l?écocontribution, acquittée par les producteurs à l?éco-organisme. 131 Arrêté du 25/12/2020 modifiant le cahier des charges de la filière emballages ménagers et créant une prime pour intégration de 10 % de matière plastique recyclée dans ces emballages. Ce dispositif fait l?objet d?un recours au motif qu?il revient à faire financer la prise en charge des déchets du bénéficiaire par les autres adhérents et constitue donc une rupture avec le principe d?internalisation des externalités négatives générées par la mise en marché. 132 Dans sa proposition de règlement relatif aux batteries du 10 décembre 2020, la Commission propose qu?à partir de 2030, les batteries respectent des objectifs de collecte et des proportions minimales de contenu recyclé. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043974919 COUR DES COMPTES 68 a été le cas avec l?interdiction progressive par la directive sur le plastique à usage unique « single use plastic » (SUP) de tous les plastiques à usage unique entre 2016 et 2040133. La mise sur le marché de certaines catégories de produits et de matériaux peut également être subordonnée au respect d?un taux minimal d?incorporation de matières recyclées134 (p. ex. 25 % de plastique recyclé en 2025 pour les bouteilles pour boisson fabriquées en PET)135 , d?intégration des déchets produits dans une filière de recyclage 136 ou d?affichage d?un indice de réparabilité ou de durabilité137. Si l?engagement des entreprises en faveur de la prévention demeure insuffisant, l?État disposera de la possibilité de renforcer les mécanismes incitatifs et prescriptifs (interdiction de certains produits ou matériaux, incorporation obligatoire de matières recyclées, ratio minimal de dépenses de prévention). B - Dans les territoires : une action trop exclusivement centrée sur la communication Pour les EPCI qui en disposent, les programmes locaux mentionnent peu d?actions de prévention ou sont défaillants, tant dans le champ de la prévention couvert que dans les moyens mis en oeuvre ou dans les outils de suivi prévus. Dans les programmes intercommunaux et leurs comptes-rendus de mise en oeuvre déjà présentés en première partie du rapport, le volet prévention est presque systématiquement manquant ou lacunaire. N?y figurent ni bilan chiffré des quantités de déchets évitées (p. ex. tonnages de bio déchets détournés à la suite d?actions de communication ou de composteurs subventionnés138), ni analyse des facteurs de réussite et d?échec des actions conduites139 (p. ex. mise en rapport dans certains cas 133 Directive (UE) du 5 juin 2019 relative à la réduction de l?incidence de certains produits en plastique sur l?environnement. Cf. détail année par année des interdictions en annexe 2. 134 II. de l?article L. 541-9 du code de l?environnement 135 Article 6 de la directive 2019/904 et annexe II de la directive emballages. 136 III. et IV. de l?article L. 541-9 du code de l?environnement. 137 Art. L. 541-9-2.-I du code de l?environnement 138 Le prix d?un composteur subventionné à Valenciennes varie de 13 à 22 ¤ selon leur matière (bois ou plastique) et leur volume (400 à 800 litres) 139 Des indicateurs de prévention sont pourtant proposés pour les RPQS, dans le progiciel ComptaCoût® alimentant SINOE. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074220/LEGISCTA000006176616/#LEGISCTA000023268652 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074220/LEGISCTA000006176616/#LEGISCTA000023268652 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041555848/ LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 69 de la hausse des dépenses de communication sur le tri et de l?augmentation des taux de refus de tri sur la même période). Lorsqu?ils sont précisés, les crédits et les ressources humaines140 alloués aux actions de prévention sont, pour la plupart, inférieurs à 1 % du coût total du service public (au maximum 2 % pour certaines collectivités). Avec une moyenne nationale de dépenses de prévention par habitant de 1,5 ¤ en 2018 et 2019141, le nombre de personnes touchées, y compris dans les territoires pilotes, est faible. Dans les programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés (PLDMA), la prévention se limite le plus souvent à des actions générales insuffisamment adaptées aux différents publics de communication pour former des « écocitoyens » : sensibilisation du public au tri142, au jardinage durable et à la gestion des déchets verts, au recyclage et aux nuisances des dépôts sauvages. Ce type d?actions est utile dans l?accompagnement des particuliers pour modifier leurs comportements notamment en phase d?extension des consignes de tri ou de mise en place de la tarification incitative. Cependant, comme le montre le schéma ci-dessous et comme on le constate dans les collectivités territoriales pionnières en France et à l?étranger, les actions de prévention pouvant être mises en oeuvre par les intercommunalités couvrent un champ plus large que la seule communication143. 140 Par exemple 3,8 ETP en moyenne au SMICTOM Alsace centrale (CRC Grand Est, novembre 2021). 141 Ademe, synthèse du guide « Élaborer et conduire avec succès un PLPDMA » (2018) La moyenne en 2016 était de 0,8. Exemples (2019) : 0,19 ¤ par habitant pour le syndicat du département de la Haute-Marne. 1,14 ¤ pour la métropole de Lyon, 0,9 ¤ pour la métropole de Nice (objectif de 2,48 ¤ pour la période 2022-2026). 142 Distribution de mémo-tri et guides du compostage, porte à porte, recrutement d?ambassadeurs de tri et de référents compostage pour faire du porte-à-porte, manifestations grand public, lettres d?information, animations scolaires et extra- scolaires, autocollants « stop pub », nettoyage citoyen. 143 Pour le gaspillage alimentaire dans la restauration scolaire et périscolaire, le réseau REGAL (RÉseaux de lutte contre le Gaspillage Alimentaire), lancé par le ministère de l?Agriculture qui vise mobiliser, à l'échelle d'un territoire, l'ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire (professionnels de l?alimentation, associations, acteurs institutionnels, porteurs de projets, citoyens). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-intercommunal-de-collecte-et-de-traitement-des-ordures-menageres-8 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-intercommunal-de-collecte-et-de-traitement-des-ordures-menageres-8 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-departemental-denergie-et-des-dechets-de-la-haute-marne-sded-52 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-departemental-denergie-et-des-dechets-de-la-haute-marne-sded-52 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/metropole-de-lyon-enquete-sur-la-prevention-et-la-gestion-des-dechets https://www.ccomptes.fr/fr/publications/metropole-nice-cote-dazur-nca-nice-alpes-maritimes https://agriculture.gouv.fr/avec-regal-les-regions-se-mobilisent-contre-le-gaspillage-alimentaire COUR DES COMPTES 70 Schéma n° 4 : les actions de prévention accessibles aux collectivités territoriales Source : Cour des comptes Le plan local de prévention de Besançon144 Le syndicat de traitement de l?agglomération de Besançon145 a appuyé son action de prévention sur un plan Territoire Zéro Déchets Zéro Gaspillage146 bénéficiant d?un soutien financier significatif de l?Ademe (450 000 ¤). 144 CRC Bourgogne-Franche-Comté, Syndicat de traitement de l?agglomération de Besançon (Sybert), janvier 2021. 145 Le Sybert couvre un territoire d?environ 1250 km2 et traite les déchets de 163 communes regroupant 225 000 habitants. C?est un territoire au profil mixte, composé d?une zone urbaine très dense, la ville de Besançon (qui regroupe 52 % de la population desservie) et de zones rurales. 146 Le programme « Territoire Zéro Déchet Zéro Gaspillage » (TZDZG) de l?Ademe a pour l?objet est l?accompagnement des collectivités dans une dynamique d'économie circulaire. Les 153 EPCI retenus bénéficient de soutien financier et d?un accompagnement méthodologique de l?agence pour l?élaboration d?un plan d?actions aux fins d?amélioration du recyclage et de la valorisation des déchets. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-besancon-et-de-sa-region-pour-le-traitement-des-dechets-sybert-0 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-besancon-et-de-sa-region-pour-le-traitement-des-dechets-sybert-0 LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 71 La deuxième version de ce plan (2015-2020), qui a été conçue comme un accompagnement de la mise en oeuvre de la redevance incitative, affichait parmi les indicateurs clés une cible moyenne de 100 kg d?OMR par an et par habitant en 2022. Le plan, quantifiait notamment les objectifs de baisse de volume des OMR, des DMA et des déchets dangereux déposés en déchèteries et de ceux détournés de l?élimination vers le réemploi via les ressourceries. Pour atteindre ces objectifs, le Sybert avait retenu d?abord un axe de travail relatif à la promotion et l?accompagnement des différents modes de compostage (collectif en pieds d?immeuble, chalet de compostage, composteur électromécanique en collectif dense, lombricompostage, vente de composteurs individuels). Il prévoyait également des actions de sensibilisation du public telles que le prêt de vaisselle réutilisable, la promotion d?un « Gourmet Bag » auprès des restaurateurs pour prévenir le gaspillage alimentaire et la mise en place d?une stratégie de communication. En outre, des dispositifs d?évitement des déchets étaient développés comme le prêt d?un kit de couches lavables et l?accompagnement des structures volontaires, la promotion du réemploi et de la réparation à travers l?installation de locaux dédiés aux ressourceries dans chacune des déchèteries du territoire. Ces actions ont contribué, à côté du déploiement de la tarification incitative, de l?extension des consignes de tri et de mesures telles que la baisse des fréquences de collecte, à la réduction des volumes d?ordures ménagères résiduelles. Fin 2020, le volume d?OMR collecté par le Sybert s?élevait à 136 kg par an et par habitant, soit une très bonne performance par rapport à la moyenne nationale (les meilleurs ratios, soit 95 kg par habitant et par an, sont relevés dans des territoires à forte dominante rurale). À l?interface entre la prévention et le recyclage, les actions dites en « R » (réparation, réemploi147, ressourcerie148 et réutilisation) offrent des perspectives prometteuses. La loi prévoit qu?en 2030, 5 % du tonnage de déchets ménagers, notamment des textiles et des équipements électriques et électroniques et d'ameublement, soient concernés149. 147 Le réemploi consiste à collecter en déchetteries des matières et objets (meubles, vaisselles, jouets textiles?) les reconditionner et réparer et les revendre (produits de seconde main). 148 Une ressourcerie est une structure qui gère la récupération, la valorisation et la revente de biens sur un territoire donné. 154 étaient en activité en 2020 dont une vingtaine à Paris. Le taux de remise sur le marché est de 41 % des objets collectés. (Observatoire annuel des ressourceries). 149 Art. L. 541-1 I. 3° du code de l?environnement Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://ressourceries.info/?FfF https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ COUR DES COMPTES 72 Les collectivités territoriales doivent depuis 2020, dans toutes leurs déchèteries, qui jouent déjà un rôle central de vecteur des messages de prévention, disposer d?une zone de dépôt destinée aux produits réemployables150. Elles ont l?obligation de permettre par contrat aux acteurs de l'économie sociale et solidaire d?y récupérer et traiter les objets en bon état et réparables. Elles peuvent aussi subventionner ces associations lorsqu?elles collectent les articles chez les particuliers. En cas de carence des initiatives privées, elles peuvent structurer les filières de réemploi par la création de sociétés d?économie mixte151 qui peuvent contractualiser avec les éco-organismes et développer une activité commerciale.152 Les déchèteries peuvent devenir ainsi des éco-pôles mettant en relation les ameneurs et les preneurs pour offrir une deuxième vie aux objets, à l?image de ce qui se fait en Autriche, en Flandre belge, mais aussi en France, par exemple en Gironde 153. Des exemples étrangers de réseaux de réemploi À titre d?exemples, la Belgique (Flandre) et l?Autriche, considérées comme pionnières dans ce domaine, ont mis en place, des réseaux denses de réemploi/ seconde main. En Flandre, ils sont présents dans chaque municipalité (ou centre commun à plusieurs municipalités voisines), avec des objectifs fixés en termes de biens réutilisés en kg par habitant. Les biens sont déposés par les habitants dans ces centres ou collectés dans les déchèteries (une benne pour les biens hors d?usage et une benne pour les biens réparables/réutilisables) afin d?être revendus. En Autriche, le réseau « repanet » regroupe 27 organisations employant 1 800 personnes dans 140 lieux (principalement pour le textile et les équipements électroniques). Cet adossement des ressourceries aux déchèteries est encore trop rare, mais il se heurte, il est vrai, à certaines contraintes (sites des déchèteries manquant de place, trop excentrés ou mal sécurisés). La mise en place de nouvelles REP qui collectent désormais des objets et appareils en amont des déchèteries154répond aussi à cet objectif. 150 Article L. 2224-13 du CGCT 151 Centre Vosges TLC de tri textile de valorisation par la revente, l?export ou l?incinération et d?insertion des personnes en difficulté au regard de l?emploi. 330 bornes d?apport volontaire. 30 salariés et 150 tonnes collectées chaque mois. 152 Article L. 2224-13 du CGCT 153 En Gironde, le SMICVAL, profitant de la modernisation de son réseau de déchèteries, a créé un supermarché inversé, lieu de réemploi mais aussi de formation et de sensibilisation, fonctionnant sur le principe du « donnez, prenez, recyclez ». 154 Exemples : jouets, articles de sport, de loisirs, de bricolage et de jardins, deux roues. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041598995/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041598995/ LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 73 Les intercommunalités et les éco-organismes doivent être incités à augmenter la part de leurs dépenses consacrées à la prévention et à financer des actions plus opérationnelles et ambitieuses que la communication. Les recommandations n°3 et 4 présentées ci-dessus et visant à publier des tableaux de bord annuel de six indicateurs-clefs parmi lesquels la prévention (ratio dépenses de prévention/ dépenses totales), répondent aussi à cet objectif. Pour permettre le calcul et la publication de cet indicateur, les juridictions financières recommandent dans un premier temps de dresser dans la réglementation la liste des actions financées par les EPCI et les REP pouvant être considérées comme dépenses de prévention (État). II - La collecte : peu de progrès sur les enjeux prioritaires Malgré leur réduction régulière (249 kg/habitant en 2019 pour 298 kg/habitant en 2009), les tonnages d?OMR (16 611 kt en 2019) restent la part la plus importante de l?ensemble des déchets collectés. Tableau n° 2 : les tonnages collectés en 2019 Source : ADEME, chiffres clés 2019 (parution juin 2021) La dernière étude de caractérisation MODECOM de 2017 montre que les OMR sont composées d?une majorité de produits valorisables dont Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 74 40 % de flux ciblés par des filières REP existantes et 38 % potentiellement concernés par une valorisation organique (dont un tiers de bio déchets). L?enjeu est donc de développer les efforts de pré-collecte155 et de collecte afin de distraire des OMR le plus possible de produits valorisables. A - Une organisation territoriale multiforme 1 - Une gestion partagée entre régie et marchés de prestations de service La collecte s?exerce soit en régie (directement par les services de la collectivité ou par des contrats de prestation de service), soit en délégation de service public (DSP). L?enquête a révélé plusieurs exemples mixtes avec une partie du territoire en gestion directe (régie ou marchés publics) et une autre en DSP. Cette organisation résulte de la volonté de maintenir une forme de concurrence entre les différents modes de gestion et aussi de conserver la compétence technique permettant d?évoluer dans les choix de gestion. Nice et Lyon : une volonté de maintenir un fonctionnement mixte entre collecte en régie ou confiée à des prestataires Pour Nice-Côte d?Azur, la compétence est exercée à la fois en régie (51 % de la population en 2022), s?agissant notamment de la collecte de la ville de Nice et via des marchés (49 %) attribués à des entreprises différentes pour d?autres secteurs géographiques. La métropole de Lyon a fait le choix d?une collecte effectuée en partie en régie directe par ses propres services et en partie par des entreprises prestataires. La part de ces dernières est passée de 49 à 57 % des tonnages collectés entre 2015 et 2019. La collectivité explique l?externalisation partielle du service collecte et le maintien d?un système mixte par la volonté de mettre en place une émulation entre les secteurs public et privé ainsi qu?une démarche d?amélioration continue. Cette organisation permet, selon la métropole, un meilleur contrôle des prestataires grâce à la connaissance technique du métier détenue par ses services et permet de limiter les blocages en cas de grève. 155 La pré-collecte est l?ensemble des opérations (principalement de tri) qui précèdent le ramassage des déchets par le service d?enlèvement. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/metropole-nice-cote-dazur-nca-nice-alpes-maritimes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/metropole-de-lyon-enquete-sur-la-prevention-et-la-gestion-des-dechets LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 75 La différence de coûts entre la gestion en régie et le recours à un prestataire est difficile à établir compte tenu de la diversité des conditions de collecte. Toutefois, le coût à la tonne collectée en régie peut être supérieur au coût de la collecte par un prestataire : par exemple pour le SICTOM Pézenas-Agde156, les tonnages collectés par un prestataire sur le secteur d?Agde représentent un tiers des tonnages totaux alors que le coût ne représente que 22 % du total157. Certaines collectivités constatent que lorsque la collecte est assurée par un prestataire (dans le cadre d?un marché par exemple), il est plus difficile de contrôler la qualité du tri. L?enjeu pour les EPCI reste d?assurer un équilibre optimal entre l?indispensable maîtrise des coûts et la qualité du service proposé. 2 - Un équilibre à trouver entre qualité et coût du service rendu La diversité des types d?habitat au sein de la très grande majorité des EPCI conduit à différentes modalités de collecte, prenant en compte la densité de population et le type d?habitat (ville-centre, zones périurbaines, zones plus rurales, habitat collectif/habitat individuel). Cette hétérogénéité n?est pas un problème : l?adaptation de la collecte (notamment sa fréquence) aux particularités d?un territoire intercommunal est une condition de la réussite d?une politique de réduction des déchets. La collecte est organisée selon trois modalités adaptées aux différentes typologies de territoire et à la nature des produits triés : - La collecte en porte à porte (PAP) particulièrement adaptée au milieu urbain dense ; - La collecte en points d?apports volontaires (PAV) souvent utilisée pour une partie au moins du tri sélectif et quasiment généralisée pour le verre ; - La collecte en points de regroupement158, utilisée dans les secteurs à faible densité de population. 156 cf. CRC Occitanie, Smictom Pézenas-Agde, février 2021. 157 La configuration du territoire (densité de population beaucoup plus forte sur la commune d?Agde et activité touristique importante) peut expliquer ces différences de coûts. 158 Les points de regroupement concernent des usagers identifiés, ce qui n?est le cas des PAV. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-intercommunal-de-collecte-et-de-traitement-des-ordures-menageres-sictom-1 COUR DES COMPTES 76 Photo n° 1 : les trois modalités du tri à la source des bio déchets Source : Présentation de la société Les Alchimistes à destination des juridictions financières octobre 2020 Si la collecte en porte à porte présente de nombreux avantages dont un plus grand confort pour les usagers, elle engendre les coûts les plus élevés tant en matériel qu?en personnel159. L?amélioration de la qualité du tri conduit à des arbitrages sur les fréquences de collecte. Ainsi, l?ajout d?une tournée spécifique (par exemple pour les bio déchets) ne peut se faire à coût égal qu?en supprimant une tournée de collecte des OMR. 3 - Professionnels : une orientation prioritaire vers les déchèteries Un accès facilité aux déchèteries (notamment pour les professionnels) permet de développer le tri et de limiter les dépôts sauvages, sources de nuisances et de coûts importants. C?est pourquoi le volume des dépôts en déchèteries, hors secteur urbain dense, est en forte augmentation et les modalités d?accès à ces équipements, la qualité du tri réalisé et le développement de filières de traitement deviennent des enjeux déterminants pour le service public des déchets. L?étude MODECOM 2017 montre que, dans les déchèteries, la benne tout-venant peut contenir encore potentiellement 28 % de déchets relevant d?une filière REP et 40 % de déchets (plastiques, métaux, bois non transformé, etc.) qui pourraient faire l?objet d?une valorisation matière. La 159 Le coût moyen par habitant de la collecte en porte à porte est supérieur de 20 % au coût moyen en point d?apport volontaire (référentiel national des coûts 2016 de l?Ademe. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 77 recommandation précitée de retenir la quantité d?OMR collectée, y compris les bio déchets, les emballages et les déchets des professionnels, comme indicateur-clef pour mesurer la performance du service public, permettra aussi de suivre les avancées dans ces domaines. B - Promouvoir la collecte et le tri des bio déchets et des emballages en plastique 1 - Les fortes potentialités de la collecte des bio déchets malgré sa complexité a) La complexité propre à la collecte des bio déchets La séparation des biodéchets du flux des déchets résiduels et leur exploitation par le compostage, l?épandage ou la méthanisation a un impact déterminant sur le poids des OMR. Elle constitue, depuis la loi sur la transition énergétique et pour une croissance verte (LTECV), un des objectifs prioritaires des politiques de gestion des déchets. Le tiers des OMR encore composé de bio déchets (75 kg par habitant et par an) est une source de gaspillage de ressources importante160. Ces matières fermentescibles contiennent des matières organiques précieuses dont le traitement non spécifique (par exemple leur incinération) se révèle inutilement coûteux161. La LTECV fixe l?objectif de la généralisation du tri à la source des bio déchets au 31 décembre 2023162. Toutefois, elle ne comporte pas l?obligation d?organiser la collecte distincte des biodéchets. L?article 70 de cette loi précise que : « Chaque citoyen disposera d?une solution lui permettant de ne pas jeter ses biodéchets dans les ordures ménagères résiduelles. » Les solutions possibles sont donc les collectes séparées et/ou la gestion de proximité à l?aide de composteurs individuels ou partagés en pied d?immeuble, à l?échelle d?un quartier ou d?un village. Des 160 Le retour au sol des bio déchets est particulièrement utile car la majorité des sols agricoles du territoire français sont appauvris en matières organiques. 161 Les bio déchets sont composés majoritairement d?eau rendant leur incinération (lorsqu?ils sont traités en OMR) encore plus regrettable. 162 La date initialement fixée au 1er janvier 2025 a été avancée au 31 décembre 2023 par la loi AGEC. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 78 expérimentations technologiques pour réduire les coûts sont actuellement en cours mais ne peuvent pas encore être évaluées. Toutefois, le tri des biodéchets peut se révéler délicat compte tenu des difficultés techniques, financières et sociales pour mobiliser ces flux. La collecte séparée des biodéchets devrait, selon l?Ademe, induire à elle seule un coût supplémentaire de 15 à 25 ¤ par habitant. Les modalités de tri à la source devront être adaptées à chaque spécificité locale et il n?apparaît pas opportun de recommander, à ce stade, une modalité plutôt qu?une autre. La diversité des solutions envisageables et surtout la possibilité de les combiner sur un même territoire pour les adapter aux typologies d?habitat, conduisent à ne pas imposer de mesures généralisées trop radicales (comme la collecte sélective des biodéchets) qui pourraient se révéler contre-productives et coûteuses. Les EPCI présentant les politiques les plus efficaces de tri des bio déchets sont le plus souvent engagés sur de longues périodes avec une planification et une programmation d?actions précises associées à des évaluations fréquentes, à l?exemple du syndicat intercommunal pour la valorisation et le traitement des déchets ménagers du Puy-de-Dôme (Valtom). Une politique volontariste de collecte des bio déchets Le syndicat intercommunal pour la valorisation et le traitement des déchets ménagers du Puy-de-Dôme (Valtom163) assure le traitement des DMA pour neuf EPCI du Puy de Dôme et de la Haute Loire. Le Valtom a mis en oeuvre un schéma territorial de gestion des déchets organiques (STGDO), adopté en 2017, pour le compte de ses membres avec des objectifs à l?horizon 2025 en référence à 2017 : réduire de moitié la quantité des bio déchets présents dans les OMR, tripler le volume de bio déchets alimentaires traités et diminuer de 12 % les tonnages de déchets verts à traiter en déchèterie. Le schéma prévoit d?utiliser plusieurs leviers comprenant la création d?un réseau de maitres-composteurs (9 emplois), la diffusion d?un grand nombre de composteurs : 50 000 individuels, 225 en pied d?immeuble, près de 1 000 en quartier et 450 en établissement. 163 Cf. rapport CRC Auvergne-Rhône-Alpes, syndicat Valtom, juin 2022. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://agirpourlatransition.ademe.fr/collectivites/fiches/valorisation-biodechets-agir https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-pour-la-valorisation-et-le-traitement-des-dechets-menagers-et-assimiles-du LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 79 Selon les premières estimations présentées dans les rapports d?activité du Valtom (rapport 2020), le développement du compostage aurait permis de détourner 4 812 tonnes de bio déchets soit environ 10 % du gisement annuel. La plus grande part de ce détournement tiendrait au compostage individuel (3 859 t), puis au compostage en établissement (484 t), en pied d?immeuble (275 t) et enfin en quartier (194 t). La difficulté pour mesurer les quantités de bio déchets, distraites des OMR ne permet pas de suivi précis de l?évolution du tri. C?est pourquoi, comme indiqué précédemment, la quantité d?OMR collectée doit faire partie des indicateurs-clefs pour mesurer la performance du service public car il intègre la réduction de la part des biodéchets, principale composante des OMR. b) La solution du compostage de proximité Carte n° 1 : Gestion de proximité des bio déchets Source : ADEME Le compostage de proximité apparaît comme un axe de progrès, y compris en milieu urbain dense, puisqu?il permet l?accès à un équipement pour l?ensemble des usagers, professionnels et particuliers. Traditionnellement centré sur le compostage autonome domestique (à l?aide d?un composteur individuel), le compostage de proximité peut prendre d?autres formes. Le mode partagé consiste pour un établissement à ouvrir son équipement à d?autres usagers. Le mode collectif regroupe différents foyers avec une organisation propre sur un lieu choisi en commun. Des expériences de compostage partagé existent aussi dans le cadre des résidences collectives, parfois de tailles importantes, et contribuent, outre leur intérêt intrinsèque, au renforcement du lien social. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 80 Une expérience de distribution de composteurs individuels rapidement amortie : la CC de l?Ile d?Oléron (CCIO) 164 Depuis 2019, la CCIO a précisé et étendu sa politique en matière de bio déchets, en décidant que le tri à la source des bio déchets serait déployé par la distribution de composteurs gratuits (15 000 individuels renouvelables tous les huit ans pour les usagers pouvant composter et 50 à 60 partagés pour les particuliers ne disposant pas d?assez d?espace, avec une gestion et un suivi par les services techniques des communes ou de l?EPCI), et par une collecte séparée des bio déchets pour les gros producteurs ne pouvant pas composter. Le développement du compostage individuel a permis d?éviter la production de 700 tonnes de bio déchets en 2019 avec une économie annuelle de coût de transfert et de traitement estimée par la CCIO à 120 000 ¤ correspondant au coût d?investissement en composteurs. Le coût de ce schéma de développement du tri est estimé (sur les six ans) à 10,5 M¤ mais la réduction du coût de traitement est évaluée à 14 M¤. Une première évaluation produite en février 2021 indique un détournement de plus de 10 % de biodéchets représentant près de 5 000 tonnes du gisement. c) Le défi du tri des biodéchets dans l?habitat urbain dense Le tri et la collecte des biodéchets posent des problèmes spécifiques dans les territoires fortement urbanisés alors même que les tonnages produits sont très importants. Les capacités de stockage limitées dans l?habitat vertical et les désagréments (odeurs et risque sanitaire) liés à la conservation des biodéchets comptent parmi les principaux obstacles au développement du tri sélectif des bio déchets. 164 Cf .CRC Nouvelle-Aquitaine, décembre 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-de-communes-de-lile-doleron-saint-pierre-doleron-charente-maritime LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 81 La Ville de Paris : des objectifs ambitieux qui peinent à se concrétiser165 La Ville de Paris, compétente pour la collecte et le traitement des ordures ménagères, s?est fixé des objectifs parfois plus ambitieux que les dispositions législatives en matière de biodéchets. Elle projetait notamment de généraliser leur tri à l?horizon 2020. Toutefois, en 2021, la collecte séparée des déchets organiques n?est réalisée que dans trois arrondissements166 et seulement auprès des ménages et des établissements de l?administration parisienne, à l?exclusion des professionnels et notamment des restaurateurs. En 2018, selon le baromètre comportemental167 de la Ville, 74 % des parisiens interrogés déclaraient jeter les restes alimentaires à la poubelle montrant les importantes marges de progrès restant à réaliser. Le tonnage de biodéchets collectés augmente dans les trois arrondissements mais reste encore minime par rapport au gisement. Les bacs d?OMR y sont encore composés à hauteur de 21 % de déchets alimentaires168. Les 3 000 tonnes, tous usagers confondus, collectées à Paris restent très éloignées de l?objectif à atteindre d?ici la fin de 2023. La difficulté spécifique, souvent relevée, pour la collecte en milieu urbain dense n?est cependant pas absolue, aussi bien en France que dans d?autres pays comme le montrent les expériences probantes relevées par les juridictions financières. Ainsi, la métropole de Rennes (avec 500 aires de compostage partagé desservant 28 000 logements) obtient un tonnage d?OMR par habitant (185?kg par habitant en 2019) peu élevé pour une collectivité de cette taille169. D?autres collectivités ont entrepris des démarches similaires comme l?agglomération de Lorient depuis 2002 ou plus récemment Grenoble. Plusieurs métropoles françaises (Paris, Strasbourg, Aix- 165 Cf. CRC Ile-de-France, mars 2022. 166 Depuis mai 2017, dans les 2ème et 12ème arrondissements étendue au 19ème arrondissement en 2019. 167 La mairie de Paris réalise tous les deux ans un sondage comportemental auprès d?un échantillon représentatif de 3 500 Parisiens. 168 Campagne de caractérisation des déchets de 2017. Rapportés aux OMR (752 000 tonnes en 2019), les bio déchets représentent donc 157 000 tonnes. 169 450 000 habitants Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/ville-de-paris-prevention-et-gestion-des-dechets COUR DES COMPTES 82 Marseille, Nantes et Lyon) sont également engagées dans des expérimentations170 de collectes sélectives des biodéchets. Même si elles ne concernent qu?une partie des territoires métropolitains, les premiers résultats de ces expérimentations171 indiquent une collecte entre 15 et 20 % du gisement estimé de biodéchets et la nécessité, pour obtenir des résultats probants d?utiliser l?ensemble des leviers possibles (collecte en PAP, en PAV, compostage de proximité individuel ou collectif). Des exemples étrangers confirment ces potentialités (cf. annexe n° 7 sur les comparaisons internationales), notamment en Allemagne où la collecte spécifique des biodéchets est assurée, pour 70 % de la population, mais aussi aux Pays-Bas et en Flandre. Un exemple européen de collecte des biodéchets en milieu fortement urbanisé : la ville de Milan172 Milan compte une population urbaine d?environ 1,7 millions d?habitants (7 520 hab./km2). Milan est trois fois plus densément peuplée que Rome et plus de 80 % de ses habitants vivent en appartement. La ville a développé des plans ambitieux de gestion des déchets depuis les années 1990 : 55 000 points de collecte, collecte des déchets alimentaires des habitants et des commerces en sacs compostables, recyclage organique. Elle est passée de 35 % de collective sélective en 2011, à 50 % dès 2014 et à 61,8 % en 2022, soit plus de 800 000 tonnes collectées dont 85 % de bio déchets. Milan est la plus grande métropole européenne à avoir mis en place un système de collecte des déchets alimentaires à l'échelle de la ville173, impliquant presque 100 % des habitants dès 2014. Le compostage partagé dans les centres urbains peut être une solution d?accompagnement, à condition que la gestion des chalets/station de compostage soit professionnalisée : c?est la solution mise en oeuvre par le Sybert174, syndicat en charge du traitement des déchets de Grand Besançon, qui à côté de la collecte en PAV des biodéchets réalisée par la communauté urbaine, assure la gestion en régie de chalets de compostage urbains. 170 Article « déchetsinfos » du 20/10/2021. 171 Installation d?abribacs en métal contenant un bac roulant dans lequel les habitants que la collectivité a équipés de bio-seaux et sacs en plastique biodégradable ou en papier viennent apporter de manière volontaire leurs bio déchets (hors déchets verts). 172 « Guide économie circulaire » France Urbaine et Science po, août 2021. 173 Tous les nouveaux immeubles disposent d?un espace dédié à la collecte des déchets, géré par un résident désigné. Les citoyens y amènent leurs déchets alimentaires dans des sacs compostables collectés deux fois par semaine en porte à porte. 174 Cf. CRC Bourgogne-Franche-Comté, janvier 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.amsa.it/fr/cittadini https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-besancon-et-de-sa-region-pour-le-traitement-des-dechets-sybert-0 LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 83 2 - La collecte séparée et la prise en charge des emballages en plastique : une responsabilité à mieux partager Le rattrapage du retard pris par la France dans le recyclage des emballages est largement conditionné par la qualité de la collecte séparée des emballages en plastique qui reste très inférieure aux moyennes européennes. a) Des intercommunalités confrontées à l?extension des consignes de tri L?extension des consignes de tri (ECT) L?ECT consiste à demander à l?usager de jeter la totalité des emballages plastiques (pots, barquettes, films, tubes?), dans le bac jaune et les collecteurs de tri et non plus seulement certains d?entre eux (bouteilles et flacons). Cette évolution facilite le geste de tri des citoyens, améliore leur respect des consignes et augmente les quantités d?emballages collectés (+10 % soit + 4 kg par habitant et par an). La loi prévoit cette extension à tous les habitants d?ici fin 2022175. Malgré les progrès constatés, 70 % de la population couverte au 31 juin 2022176, cet objectif parait difficilement atteignable. Pour mettre en place l?ECT, les collectivités doivent préalablement développer des actions de communication et entreprendre de lourds investissements d?adaptation des centres de tri à ces nouveaux flux qui obligent les EPCI à se regrouper pour y faire face. L?ampleur de ces investissements entraine des délais au-delà de 2022, à l?exemple du centre de tri de la communauté d?agglomération de Valenciennes et de son syndicat (Siaved)177. b) Des éco-organismes à mieux responsabiliser L?un des objectifs principaux des filières REP est, via une collecte sélective de qualité, de détourner des OMR le plus de déchets possibles. Or, seule la moitié du gisement de déchets issus des filières REP était en 2018 recyclée, le reste relevant donc toujours des ordures résiduelles. 175 5° de L. 541-1 du code de l?environnement issu de la loi LTECV de 2015 176 Source : Citéo 177 CRC Hauts-de France, CA Valenciennes Métropole, juin 2021 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-dagglomeration-valenciennes-metropole-tome-2-prevention-et-gestion-des COUR DES COMPTES 84 Comme la Cour l?a déjà souligné178, les résultats insuffisants sont constatés dans plusieurs filières, mais concernent au premier chef les emballages plastiques. Pour l?ensemble des emballages (dont un quart d?emballages plastiques) le taux de recyclage est de 68 % en 2020 et 72 % en 2021 au lieu des 75 % visés dans le cadre du cahier des charges fixé par l?État. Or la consommation de plastiques en France est de 70 kg par an et par habitant, dont près de la moitié pour les emballages179. La loi AGEC du 10 février 2020 revoit le dispositif en supprimant cet objectif de 75% de recyclage pour toutes les matières d?emballage au profit d?une déclinaison des objectifs par matière180 qui permettra de mieux isoler les retards de collecte des emballages en plastique. Par ailleurs, jusqu?à présent, la filière ne pouvait pas faire l?objet de sanctions administratives en cas de non-atteinte de ses objectifs. L?État n?avait le choix qu?entre un retrait d?agrément aux lourdes conséquences et une amende de 30 000 ¤, peu dissuasive au regard de la surface financière des éco-organismes. Le nouveau système de sanctions est davantage incitatif181 et devrait permettre un suivi plus rigoureux des obligations auxquelles les éco-organismes s?engagent à la faveur du renouvellement de leurs cahiers des charges en 2022. Le principal savoir-faire des collectivités territoriales concerne la collecte, le transport, le tri et la préparation des déchets. Pour la reprise des matières issues du tri, elles n?ont pas la responsabilité de la gestion des déchets collectés relevant de la compétence exclusive des éco-organismes de la filière, qui prennent en charge le traitement final de ces déchets 182. 178 Rapport public annuel 2020, « Les éco-organismes : une performance à confirmer, une régulation à renforcer » ; rapport public annuel 2016, « Les éco-organismes : un dispositif original à consolider ». 179 Stratégie 3R. Avril 2022 180 II de l?article L. 541-10 du code de l?environnement : les objectifs des REP doivent être en cohérence avec les objectifs nationaux de l?article L. 541-1 : . 181 Jusqu?à présent, si les objectifs n?étaient pas atteints, la perspective de la pénalité financière était bien inférieure aux économies permises par la non-atteinte des objectifs. Désormais, la sanction sera équivalente à 1,5 fois l?économie attendue, car par définition, non réalisée. (Article L. 541-9-6 du code de l?environnement). 182 Les filières dites opérationnelles sont majoritaires en nombre, mais pas en volume. Elles prennent en charge directement les déchets des entreprises de leur secteur en contractualisant avec les collectivités. Dans le cas du syndicat SMICTOM d?Alsace centrale, trois types de contrats ont utilisés : l?un avec des éco-organismes pour les meubles, piles, déchets d?équipements électriques et électroniques ; l?un pour les huiles végétales, les radiographies, les objets réemployables (recyclerie) et les cartouches d?encre ; et des marchés publics de prestations pour les gravats, papiers-cartons, déchets incinérables, bois, déchets diffus spécifiques, métaux-ferrailles, plâtre, déchets verts, huiles minérales. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-02/20200225-11-TomeI-eco-organismes.pdf https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-02/20200225-11-TomeI-eco-organismes.pdf https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/05-eco-organismes-RPA2016-Tome-1.pdf https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/05-eco-organismes-RPA2016-Tome-1.pdf https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041599099/2021-01-01 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041583353/ https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-intercommunal-de-collecte-et-de-traitement-des-ordures-menageres-8 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-intercommunal-de-collecte-et-de-traitement-des-ordures-menageres-8 LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 85 Les emballages constituent à cet égard une exception. Les EPCI (ou leur syndicat de traitement) restent aujourd?hui chargés de la commercialisation des matières préparées pour être recyclées. Elles doivent négocier individuellement avec les repreneurs. Les éco-organismes des emballages sont dits « financeurs », c?est-à-dire qu?ils ne prennent pas en charge les déchets collectés mais versent aux collectivités territoriales 80 % des coûts de collecte et de traitement qu?elles supportent. Ces éco- organismes disposent pourtant d?une réelle compétence pour la commercialisation sur les marchés des matières recyclées puisqu?ils accomplissent cette mission pour les emballages collectés dans les entreprises. Cette compétence supplémentaire de commercialisation est lourde pour les collectivités territoriales alors qu?elles ont encore beaucoup à accomplir dans leurs missions principales de collecte et de tri avec l?extension des consignes de tri. Elles doivent en outre s?adapter à un contexte marqué par de fortes variations des cours, une augmentation continue des tonnages et une diversification croissante des filières. Elles sont impuissantes enfin à encourager les débouchés pour les emballages en plastique encore peu recyclables. Afin de répondre à ces inconvénients, les collectivités territoriales pourraient aussi être autorisées à faire le choix, alternatif, de déléguer cette compétence de commercialisation, sur la base du volontariat, aux éco- organismes chargés des emballages183. Cette prise en charge devrait se réaliser à coût zéro pour les collectivités, et donc pour les contribuables, sur le modèle du dispositif en vigueur en Belgique (système Fost+ ; cf. annexe n° 7). III - Le traitement : une coûteuse modernisation à entreprendre Le traitement des déchets collectés regroupe leur préparation (le tri dans des centres de tri préalable au traitement), leur valorisation (recyclage, 183 Le caractère opérationnel de l?éco-organisme a été renforcée pour la filière REP emballages ménagers par l?arrêté du 15 mars 2022. L?éco-organisme en charge des emballages (CITEO) expérimente l?enlèvement aux collectivités, le surtri (matière déjà triée qui doit être triée à nouveau pour un meilleur affinage) et l?envoi vers des filières de recyclage. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 86 valorisation organique et énergétique) et leur élimination (stockage, incinération sans valorisation énergétique). La réduction des modes d?élimination de déchets sans valorisation visée par les objectifs nationaux impose une adaptation des capacités industrielles de traitement à des besoins en évolution continue. Elle rend également indispensable l?amélioration des performances de recyclage, qui restent très variables selon les matières et selon les groupements de collectivités en charge de la compétence traitement. C?est pourquoi la valorisation énergétique des déchets est un mode de traitement qu?il faut assumer, tant que la prévention et les modes de valorisation prioritaires n?auront pas abouti à une réduction drastique des OMR. A - L?adaptation des capacités de traitement : répondre à l?évolution des flux, limiter la hausse des coûts Le parc des installations de traitement s?est fortement transformé au cours de la dernière décennie en France comme dans l?ensemble de l?Union Européenne, avec le développement des installations de valorisation matière (tri, compostage) et la réduction progressive du nombre des installations de stockage comme illustré dans le graphique ci-après : Graphique n° 13 : évolution des modes de traitement des déchets municipaux en France sur la période 2009-2018 Source : Cour des comptes d?après données Eurostat. L?adaptation du parc va se poursuivre. La priorité donnée à la réduction des OMR rend encore plus cruciale l?optimisation des capacités de traitement des unités existantes pour gérer un flux de déchets amené à évoluer quantitativement et qualitativement au cours des prochaines Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 87 années. L?importance des investissements à réaliser par les collectivités (voir infra) impose une planification à l?échelle régionale, en recherchant la meilleure coordination entre EPCI voisins, afin d?en limiter l?impact sur le coût du service. Cette nouvelle planification régionale et cette coordination renforcée entre EPCI pourraient favoriser un rééquilibrage des relations contractuelles avec les grands délégataires pour la construction et la gestion des équipements lourds, sujet qui a vocation être traitée ultérieurement par les juridictions financières. 1 - Un coût du traitement des déchets en augmentation continue Comme indiqué dans le chapitre 1, la dépense nationale consacrée à la gestion des déchets184 augmente de manière continue depuis 20 ans (hausse annuelle de 4,3 %, supérieure à la croissance du PIB) et en 2016, la prise en charge des déchets par le SPGD a coûté en moyenne 117 ¤ (HT) par habitant et par an. La collecte et le traitement avec respectivement 49 ¤ et 47 ¤ par habitant et par an, concentrent les enjeux d?optimisation de la logistique et de l?exploitation des équipements, mais c?est le traitement des déchets qui, avec 40 % des dépenses du SPGD, constitue la partie du service dont le coût connaît la progression la plus dynamique, le coût de la collecte tendant à se stabiliser. Cette tendance haussière va s?inscrire dans la durée du fait des dépenses induites par les investissements nécessaires à la modernisation et à la mise aux normes d?un outil industriel français de traitement vieillissant185. Celui-ci doit mieux répondre aux objectifs nationaux, qu?il s?agisse d?améliorer la performance des unités de valorisation énergétique ou d?accompagner l?extension des consignes de tri (ETC) et le traitement des bio déchets. Par ailleurs, la recherche d?une taille critique est indispensable pour assurer une gestion plus efficiente du traitement. En matière de tri par exemple, elle pousse à la création de centres de tri de grande capacité (comme pour le 184 Gestion des déchets pris en charge par le SPGD, la gestion des déchets des entreprises ainsi que le nettoyage des rues. 185 Le parc des usines d?incinération a un âge moyen de 28 ans (Chiffres Ademe, enquête Itom 2018). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 88 syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers de Lorraine nord)186 et à la recherche de débouchés pour les matières recyclables à une échelle départementale, voire supra-départementale, en raison des investissements requis et de la technicité des missions. Dans un rapport publié en 2020187, la Commission européenne a estimé que, si la France ne semblait pas présenter un risque de manquer l?objectif européen de 50 % des déchets municipaux recyclés en 2020, ceux fixés pour 2035 (65 %) nécessiteraient des investissements estimés à 3,3 Md¤ pour la période 2021-2027, dont environ 1,5 Md¤ à la charge des collectivités territoriales, soit le niveau le plus élevé de l?Union européenne en valeur absolue. En dépit des subventions de l?État, ces investissements devront être financés au premier chef par la fiscalité locale et indirectement, dans le partage de l?effort, par les filières de responsabilité élargie des producteurs. L?ampleur et la variété des investissements que les syndicats en charge du traitement des déchets doivent réaliser pour assurer la modernisation de leurs équipements et disposer d?infrastructures de traitement répondant aux enjeux et aux normes du SPGDP, parfois dans des délais courts (Syndicat de traitement et de valorisation de la région de Toulouse, Syndicat de traitement des déchets des microrégions Sud et Ouest de la Réunion - Ileva) conduisent à s?interroger sur la capacité financière et technique des acteurs locaux à porter ces projets (Syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers de Lorraine nord). Ces investissements exercent une pression sur le coût du service. Quelques exemples donnent la mesure des efforts que doivent réaliser les collectivités locales pour absorber la hausse significative du coût de traitement. Ainsi la rénovation de l?unité de valorisation énergétique du syndicat de traitement de la région de Besançon188 pour 58M¤ a entraîné une augmentation de 22 % du coût de traitement des OMR. Le syndicat de traitement de l?agglomération d?Annecy189 prévoit pour sa part que la rénovation de son unité de valorisation énergétique pour 83 M¤ se traduira par une augmentation de l?ordre de 10 % des tarifs facturés à ses membres. Le syndicat de traitement départemental du Tarn TRIFYL, qui a prévu 186 Citéo n?accompagne financièrement que la création, modernisation des centres de tri d?une capacité supérieure à 50 000 tonnes/an. 187 Rapport 2020 pour la France : évaluation des progrès des réformes structurelles et résultats des bilans approfondis au titre du règlement UE n° 1176/2011 188 Rapport CRC Bourgogne-Franche-Comté, Sybert, janvier 2021 189 Rapport CRC Auvergne-Rhône-Alpes, Sila, juin 2021 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-transport-et-de-traitement-des-dechets-menagers-de-lorraine-nord https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-transport-et-de-traitement-des-dechets-menagers-de-lorraine-nord https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-traitement-des-dechets-des-microregions-sud-et-ouest-de-la-reunion https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-traitement-des-dechets-des-microregions-sud-et-ouest-de-la-reunion https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-transport-et-de-traitement-des-dechets-menagers-de-lorraine-nord https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-transport-et-de-traitement-des-dechets-menagers-de-lorraine-nord https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-besancon-et-de-sa-region-pour-le-traitement-des-dechets-sybert-0 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-du-lac-dannecy-haute-savoie-1 LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 89 d?investir quelque 190 M¤ dans ses équipements de traitement d?ici 2030, anticipe de même une augmentation de 8 % des tarifs facturés à ses membres. Ces décisions d?investissement se prennent dans un certain contexte économique (besoins actuels des usagers), environnemental (hiérarchie en vigueur des modes de traitement) ou réglementaire, qui peut rendre les collectivités territoriales prisonnières de solutions technologiques coûteuses. Des changements affectant le volume ou la nature des déchets, des recettes de l?énergie produite moins assurées (surtout l?électricité avec la fin des prix garantis de rachat et la modulation de la TGAP en fonction des performances énergétiques et environnementales des installations) peuvent rendre ensuite ces installations obsolètes ou mal dimensionnées. La remise en cause par le législateur du tri mécano-biologique (TMB)190 comme solution de prétraitement des OMR, un temps privilégié pour limiter la valorisation énergétique et l?élimination des déchets, illustre ce risque. Plusieurs syndicats mixtes ayant investi dans ce procédé se trouvent contraints de réviser leur stratégie industrielle (syndicat de traitement de la région de Villerupt, Syndicat départemental de Vendée Trivalis191). D?autres organismes qui ont fait des choix de technologies non matures, comme une valorisation énergétique basée sur la production de biogaz connaissent également des difficultés (Syndicat traitement déchets du Douaisis-Symevad). Dans ce contexte, les choix technologiques et le dimensionnement des installations (fours, centres de tri, méthaniseurs) nécessitent un effort d?anticipation et d?adaptation lors de la programmation des équipements, afin d?éviter d?investir massivement dans des solutions de traitement dont les coûts de fonctionnement ne seraient pas soutenables. Une telle analyse implique une capacité d?expertise des collectivités territoriales et de leurs groupements pour, le cas échéant, remettre en question les offres 190 Le procédé de traitement mécano-biologique permet d?extraire la fraction organique et bio dégradable des déchets ménagers par des opérations mécaniques de tri, en la séparant des autres matériaux recyclables (métaux, plastiques et verre) ou non. Les déchets organiques issus du TMB sont traités biologiquement pour devenir du compost ou du biogaz ; les déchets non recyclables sont, eux, broyés et séchés pour être transformés en produits « stabilisés » avant envoi en décharge ou en usine d?incinération. Avec la loi LTECV du 17 aoûts 2015, qui généralise le tri à la source des biodéchets et a fortiori avec la loi AGEC du 10 février 2020, qui interdit d'utiliser la fraction fermentescible des déchets issus de ces installations dans la fabrication de compost à partir de 2027, le TMB comme solution de prétraitement des OMR perd de sa pertinence. 191 Rapport CRC Pays de la Loire, mars 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-trivalis-vendee COUR DES COMPTES 90 techniques du secteur très concentré de l?industrie des déchets. L?État intervient par l?intermédiaire de l?Ademe, mais les conseils de l?agence sont limités aux installations de tri qu?elle finance (il en va de même pour l?éco-organisme CITEO). Les maîtres d?ouvrage locaux (EPCI et syndicats de traitement) en revanche, peuvent s?appuyer, au-delà des bureaux d?études qu?ils mobilisent, sur des associations telles qu?Amorce192qui assure une mise en commun des expertises publiques locales. 2 - La nécessité d?une meilleure coordination des investissements Pour adapter la capacité de traitement aux besoins, surmonter les difficultés d?amortissement induites par des investissements lourds et éviter une concurrence néfaste entre des projets d?équipements publics nécessitant une taille critique, une bonne coordination entre structures et entre territoires est indispensable. Certains acteurs privilégient délibérément un sous-dimensionnement de leur équipement par rapport à la quantité de déchets traités, en cohérence avec la priorité donnée à la prévention et à la diminution des quantités (Grand Besançon193, Grenoble Alpes Métropole194, Grand Paris195). D?autres au contraire, confrontés à un surdimensionnement du fait de la baisse des volumes d?OMR, sont contraints de rechercher des volumes de déchets extérieurs au territoire ou issus du secteur privé pour assurer l?équilibre financier des installations et éviter les augmentations du coût du traitement (Syndicat mixte Flandre Morinie196, Syndicat d'Études et de Réalisations pour le Traitement intercommunal des Déchets de Belfort197). Pour gérer la période de transition durant laquelle les équipements de traitement ne sont pas correctement dimensionnés ou répartis et pour assurer la rentabilité des investissements réalisés, des coopérations doivent être nouées à une échelle élargie, entre organismes ayant besoin d?exutoires à leurs déchets et ceux qui ont intérêt à les accueillir pour couvrir leurs coûts marginaux d?exploitation. Prendre l?initiative de ces partenariats dès l?élaboration des projets d?investissement comme l?a fait la métropole 192 Association nationale des collectivités territoriales et de leurs partenaires pour la gestion de l?énergie, des déchets, de l?eau et de l?assainissement, en faveur de la transition écologique et de la protection du climat. 193 Rapport CRC Bourgogne-Franche-Comté, CU de Besançon, novembre 2021 194 Rapport CRC Auvergne-Rhône-Alpes, septembre 2021 195 Rapport CRC Ile de France, Ville de Paris 196 Rapport CRC Hauts-de-France, août 2021 197 Rapport CRC Bourgogne-Franche-Comté, Sertrid, décembre 2016 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-urbaine-du-grand-besancon-doubs https://www.ccomptes.fr/fr/publications/grenoble-alpes-metropole-isere-1 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/ville-de-paris-prevention-et-gestion-des-dechets https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-flandre-morinie-smfm-dont-enquete-sur-la-prevention-et-la-gestion-des https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-detudes-et-de-realisations-pour-le-traitement-intercommunal-des-dechets LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 91 grenobloise avec ses communes limitrophes pour le renouvellement et l?exploitation de son centre de tri et de son unité de valorisation énergétique, évite d?y être contraint. Ainsi, le Syndicat Valor 3E198 (Maine- et-Loire), confronté à une mauvaise évaluation et à une saturation des capacités de ses installations suite à l?extension de la consigne de tri aux plastiques et en attendant le projet de centre de tri interrégional, a enregistré une détérioration de ses performances de tri. Le niveau régional serait le plus pertinent pour organiser une programmation et une coordination optimales des investissements. En principe, les plans régionaux (PRPGD et Sraddet) adoptés en 2018-2019, doivent planifier les besoins en installations de traitement sur les 12 prochaines années. En pratique, ils manquent souvent de déclinaison temporelle et géographique détaillée des actions à mener pour atteindre les objectifs du plan. Pour assurer cependant une mise en oeuvre effective des objectifs arrêtés dans les plans régionaux, les projets d?investissement des équipements structurants doivent y être indiqués avec la précision exigée par la loi. Celle-ci prévoit que les plans doivent mentionner toutes « les installations qu'il apparaît nécessaire de créer, d'adapter ou de fermer afin d'atteindre les objectifs » nationaux (5° de l?article R. 541-16 du code de l?environnement). Or, dans leur volet prospectif, les plans ne recensent le plus souvent que les installations de stockage et d?incinération sans valorisation énergétique et les limites de capacité qui sont visées par les articles R.541- 17 et R.541-19 du code de l?environnement. La formulation vague des objectifs souvent constatée dans les plans (Ile de France, Bourgogne- Franche-Comté, Bretagne, Rhône-Alpes-Auvergne) quant à la localisation des installations, au type de déchets et à l?évolution des quantités associées, prive d?effectivité leur opposabilité aux décisions locales d?investissement. La répartition cohérente des équipements structurants implique que la région joue pleinement son rôle de planificateur (voir l?analyse des 12 plans régionaux en annexe n°3). Compte tenu de l?évolution continue du volume, de la nature des déchets et des technologies de traitement, une animation dynamique de leur plan par les régions, de manière à actualiser les objectifs régionaux en fonction de ces évolutions est une autre condition de la réussite de la planification régionale. Pour assurer une localisation des besoins en équipements dans les documents d'urbanisme en fonction des règles établies dans leurs plans et parvenir à une adaptation des exutoires aux 198 Rapport CRC Pays de la Loire, septembre 2021 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-pour-le-traitement-et-la-valorisation-des-dechets-menagers-valor3e COUR DES COMPTES 92 besoins, les régions doivent associer l?ensemble des acteurs (collectivités territoriales, filières, Dréal, Ademe) et offrir une assistance technique et un accompagnement financier des projets d?équipement, comme le font déjà certaines régions (Provence-Alpes-Côte d?Azur, Occitanie, Grand Est ou Normandie) et comme d?autres ont prévu de le faire (Nouvelle-Aquitaine). B - Le recyclage et la valorisation : des performances et une organisation à améliorer A la faveur de l?amélioration de la collecte et du tri sélectif, des volumes croissants de déchets ont été détournés ces dix dernières années de l?enfouissement et de l?incinération. Ces résultats sont le fait des évolutions réglementaires qui, tout en affichant des objectifs de recyclage plus ambitieux, ont contraint les organismes en charge à mieux exploiter les gisements de matières recyclables (extension de la consigne de tri) et en ont facilité l?exploitation (augmentation et meilleure structuration des filières REP). Grâce à l?ensemble de ces mesures, le taux de recyclage français est aujourd?hui de 44 %199. Sous réserve de l?harmonisation des données européennes prévue en 2023,200 ce taux situe la France légèrement en dessous de la moyenne européenne (47 %), comme le montre le graphique ci-dessous. Un chemin significatif reste donc à parcourir pour rejoindre les pays les plus avancés, comme l?Allemagne, l?Autriche, les Pays-Bas et les pays scandinaves et atteindre les objectifs actuels de valorisation matière201 que nous nous sommes fixés 55 % en 2020 et 65 % en 2025, soit 21 points de plus que les dernières données disponibles). 199 Le taux de recyclage dans les données Eurostat comprend la valorisation matière ainsi que la valorisation organique (compostage et méthanisation). 200 Décisions d?exécution (UE) de la Commission 2019/665 du 17/4/ 2019, 2019/1004 du 6/7/2019 et 2019/1885 du 6/10/2019. Les pays seront plus ou moins impactés par ces réformes statistiques en fonction de leur mode actuel de calcul. La situation relative de la France pourrait s?en trouver améliorée car elle pratique déjà la prise en compte préconisée par l?UE des seuls flux sortants des centres de tri (orientés vers une filière de valorisation) et non la méthode d?autres États dont l?Allemagne qui comptabilise aussi les flux entrants (incluant les refus de tri et autres flux à ne pas prendre en compte comme les mâchefers?). Pour l?Allemagne par exemple, cette nouvelle comptabilisation aboutirait à dégrader 750 000 tonnes de déchets de la catégorie « recyclés » à la catégorie « stockés » soit une variation de 1,8 % d?une catégorie à l?autre. 201 4° de L. 541-1 du code de l?environnement issu de LTECV. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 93 Graphique n° 14 : pourcentage des déchets municipaux recyclés dans la production totale de déchets municipaux (2018) Source : Cour des comptes d?après Eurostat. N.B : données non disponibles pour Irlande, Grèce et Chypre. Comme le montre le graphique ci-dessous qui retrace l?un des six indicateurs-clefs recommandés dans ce rapport, ces objectifs paraissent difficilement atteignables, compte tenu du rythme de progression enregistré au cours des années précédentes. Si des territoires à dominante rurale, où il est plus aisé de détourner la part fermentescible des OMR, parviennent déjà à atteindre des taux de valorisation de l?ordre de 75 %, très supérieurs aux objectifs nationaux (Syndicat Mixte à Vocation Unique pour la Valorisation et l'Élimination des Ordures ménagères de Haute Saône202, Communauté d?agglomération Clisson Sèvre et Maine203), c?est loin d?être le cas des territoires urbains. En 2019, Paris se situait à seulement 27 % tandis que le syndicat chargé du traitement des déchets de Besançon, agglomération pourtant engagée de longue date dans des démarches de prévention et de valorisation des déchets, présentait un taux de valorisation matières de 60 %. 202 Rapport de la CRC Bourgogne-Franche-Comté, juillet 2020. 203 Rapport de la CRC Pays de la Loire, octobre 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-vocation-unique-pour-le-transfert-lelimination-et-la-valorisation-des-0 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-dagglomeration-clisson-sevre-et-maine-agglo-loire-atlantique COUR DES COMPTES 94 Graphique n° 15 : (Indicateur-clef n°5) valorisation matière204 Source : Cour des comptes Si la France souhaite atteindre ses objectifs en matière de recyclage des déchets, elle doit mieux mobiliser tous les leviers à sa disposition, au plan national et au plan local. 204 Quantité de déchets non dangereux non inertes, mesurés en masse faisant l'objet d'une valorisation sous forme de matière, notamment organique Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 95 1 - Une stratégie industrielle nationale à accentuer en faveur de la filière de recyclage du plastique a) Des résultats de valorisation très inégaux selon les matières qui doivent orienter les actions de l?État La performance de la valorisation d?une matière recyclable recouvre deux aspects : l?un porte sur la quantité de matière recyclée rapportée à la quantité mise sur le marché (taux de recyclage) ; l?autre porte sur la quantité de matière recyclée intégrée dans un nouveau cycle de production (taux d?incorporation205). Les performances de recyclage et d?incorporation sont très variables d?un matériau à l?autre en fonction de différents critères notamment de leurs pr0opriétés physiques (l?aluminium et le verre sont recyclables à l?infini, pas les autres matières), de la maturité de la filière de recyclage et de régénération, du prix de la matière recyclée par rapport au cours variable des matières premières, des coûts de production, de l?intégration ou non de la filière et de l?existence d?une demande pour la matière recyclée. Ainsi, l?acier et la fonte recyclés ou le verre recyclé avec respectivement 49 % et 56 %206 des matériaux utilisés dans les productions connaissent de très bons taux à la fois de recyclage et d?incorporation. De même, le papier-carton, première industrie de recyclage en France malgré ses difficultés récentes207 connaît un taux d?incorporation de 67 % pour 92 % d?emballages recyclés. 205 Dix filières matériaux sont concernées par l?incorporation (métaux ferreux, métaux non ferreux (aluminium, cuivre, zinc, plomb), verre, papiers-cartons, plastiques, déchets inertes du BTP, et bois https://www.ademe.fr/bilan-national-recyclage-bnr- 2008-2017-acv-flux-dechets-recycles 206 L?industrie verrière connait un taux de collecte de 78 % (contre 76 % dans l?UE) mais avec 100 % d?utilisation de la matière recyclée (soit 58 % de substitution de matières vierges par des MPR). La France dispose d?industries de recyclage du verre en nombre suffisant (14 centres de traitement, 22 verreries de verre creux et 5 verreries de verre plat). La France est le 2ème producteur européen de verre d?emballage (bouteilles, flacons et pots) derrière l?Allemagne. 207 Avec un taux de collecte de 79 % (contre 72 % en moyenne européenne) et un taux d?utilisation des papiers-cartons recyclés de 66,3 %, cette industrie qui conserve une bonne capacité pour la préparation et l?utilisation des cartons (emballage, hygiène) a été touchée par la fermeture en juin 2020 de l?usine de La Chapelle Darblay qui a fait perdre à la France toute capacité de recycler du papier (papier écriture et presse). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 96 Globalement, en 2017, la France incorporait environ 17 Mt de matières recyclées dans ses processus de fabrication (hors bois et granulats du BTP). L?Ademe souligne à juste titre que si ces quantités peuvent paraître faibles au regard de la consommation en matières premières de l?économie française (787 Mt), elles sont, en revanche, primordiales dans l?approvisionnement de certaines de ces matières premières. En revanche pour les plastiques, comme le montre le tableau ci- dessous, les résultats obtenus en France sont très en retrait, tant en termes de taux de recyclage que d?incorporation. Tableau n° 3 : taux de valorisation (recyclage et incorporation) des emballages ménagers et non ménagers en France en 2018 En tonnes Déchets d'emballages produits Recyclage/ déchets produits Valorisation énergétique/ déchets produits Enfouissement/ déchets produits Taux d?incorporation Plastique 2 356 851 27 % 43 % 30 % 6 % Bois 2 404 392 31 % 9 % 60 % Acier 464 213 91 % 0 % 9 % 49 % Aluminium 65 673 63 % 8 % 29 % 50 % Verre 2 858 804 76 % 8 % 16 % 58 % Papier et carton 5 062 561 92 % 4 % 3 % 67 % Autres 5 301 Total 13 217 795 66 % 13 % 21 % Source : Cour des comptes d?après le rapport sur la valorisation des emballages en France, Chiffres-clés 2020 et bilan national du recyclage 2008-2017 Au regard des taux de recyclage actuels des matières plastiques, les nombreux objectifs fixés208 sont peu réalistes si aucune action n?est envisagée pour corriger les obstacles à leur recyclage et incorporation. Pour la sous-catégorie des déchets plastiques que sont les emballages, le taux de recyclage français plafonne autour de 26 % depuis une dizaine d?années (26,9 % en 2018). Ce chiffre est éloigné des taux allant jusqu?à près de 50 % en Allemagne et aux Pays-Bas, ainsi que de ceux des autres filières françaises de recyclage et des objectifs fixés (50 % en 2025 et 55 % en 2030). 208 Comme, par exemple, tendre vers 100 % de plastique recyclé au 1er janvier 2025 ou réduire de 20 % les emballages plastiques à usage unique mis sur le marché pour les cinq prochaines années (2021-2015). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 97 b) Les difficultés spécifiques du recyclage des plastiques : une industrie à accompagner L?impact du plastique est désormais bien connu (cf. annexe n°8) sur l?empreinte carbone209, la santé210 et la biodiversité. Les juridictions financières ne méconnaissent pas ces risques,211 même si elles ne les ont pas traités spécifiquement dans ce rapport. Pour réduire les risques, il convient d?agir tant sur la collecte que sur le traitement et tant sur les plastiques facilement recyclables (principalement les bouteilles) que sur les autres plastiques. De nouvelles pistes doivent être envisagées pour réduire les déchets plastiques encore trop présents dans les OMR. Outre l?extension des consignes de tri et les actions pour réguler les emballages en plastique212, l?article L. 541-10-11 du code de l?environnement prévoit la possibilité de mettre en place une consigne sur les bouteilles en plastique après 2023 si l?analyse des performances de recyclage montre que l?objectif européen fixant à 90 % le taux de collecte de ces bouteilles en 2029, risque de ne pas être atteint. Le recyclage et l?utilisation du plastique recyclé se heurtent en premier lieu à des freins technologiques communs à tous les pays en raison de la variété et de la complexité des usages et des résines. La rentabilité du plastique recyclé est par ailleurs affectée par sa grande sensibilité au cours des matières premières vierges. En France, le manque de maturité de la filière explique aussi en grande partie le retard du recyclage plastique. À ce jour, il n?y existe pas encore d?industries de recyclage pour toutes les résines et celles qui 209 En 2020, la production, l?élimination et l?incinération de matières plastiques avaient rejeté autant de gaz à effet de serre que 189 centrales à charbon (3,8% des émissions mondiales soit plus que le secteur de l?aviation). D?ici à 2050, le plastique pourrait représenter 15 % du budget carbone mondial (cf. Sénat, Pollution plastique : une bombe à retardement décembre 2020 et Stratégie 3R, avril 2022). 210 L?effet de l?essaimage des microparticules plastiques et des nanoparticules, y compris lors du traitement des déchets, sur la santé humaine ne sont pas encore parfaitement connus. On constate qu?un être humain ingère en moyenne chaque semaine l?équivalent en plastique du poids d?une carte de crédit (5 grammes). 211 Les 3/4 des déchets plastiques produits dans le monde restent rejetés dans les milieux naturels et se décomposent en micro- plastiques qui entrent dans la chaîne alimentaire. 1,4 million d?oiseaux et 14 000 mammifères meurent chaque année de l?ingestion de plastiques. 212 Art. L. 541-10-17 du code de l?environnement et décret du 29 avril 2021 « 3R ». Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.senat.fr/espace_presse/actualites/202012/pollution_plastique.html https://www.senat.fr/espace_presse/actualites/202012/pollution_plastique.html https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041555598/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041599010/ COUR DES COMPTES 98 existent sont distinctes des industries chimiques qui produisent les résines vierges (contrairement aux autres filières où les producteurs de matières vierges gèrent la filière de recyclage). Un rapprochement entre filières va cependant se développer en raison de la nécessité pour les metteurs sur le marché d?objets plastiques de développer des solutions d?écoconception et des décisions prises par plusieurs pays de fermer leurs frontières aux déchets en provenance de l?Union européenne. Pour accélérer cette mutation, des soutiens financiers importants ont été déployés par l?État à partir de 2021, notamment à travers des aides financées par l?Ademe au titre des plans de relance et de France 2030. Quelque 870 M¤ de soutiens financiers ont ainsi été affichés pour le développement du recyclage des plastiques : 200 M¤ dans le plan de relance, 300 M¤ dans le plan France 2030 et 370 M¤, pour la stratégie 3R « recyclabilité, recyclage et réincorporation », dans le dernier programme d?investissement d?avenir. Les crédits réellement affectés à cette action pourraient toutefois être inférieurs à cette somme en raison de reports d?un plan à l?autre. La stratégie 3R, arrêtée 2021, fait du recyclage du plastique une de ses priorités et doit favoriser la constitution d?une filière française intégrée de collecte, tri et de recyclage des plastiques. Par ailleurs, le nouveau cahier des charges de la filière emballage arrêté en mars 2022 prévoit des incitations tarifaires pour pousser les entreprises à un recours croissant à des emballages qui incorporent des plastiques recyclés. Pour donner une cohérence à toutes ces actions, le plan national devrait intégrer un volet industriel substantiel sur la plasturgie, cohérent avec le partenariat conclu entre l?État et la filière. L?État devra veiller à ce que les nombreuses mesures de soutien se traduisent effectivement par une consolidation de la filière. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 99 Graphique n° 16 : évolution du taux de recyclage des déchets d?emballages plastiques dans l?Union européenne 2009-2018 (en %) Source : Cour des comptes à partir des données Eurostat En outre, la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l?économie circulaire a introduit des règles plus coercitives à l?encontre des plastiques non recyclés. Depuis août 2020, les déchets ayant fait l'objet d'une collecte séparée en vue de la réutilisation ou un recyclage ne peuvent plus être enfouis ou incinérés. Cette interdiction s?applique en particulier aux emballages plastiques, collectés séparément depuis janvier 2022. Par ailleurs, pour les plastiques qui resteront collectés en mélange (dans les ordures ménagères résiduelles, sous forme d?encombrants ou dans les déchèteries), une interdiction progressive de mise en décharge s?applique progressivement à partir du 1er janvier 2022 jusqu?au 1er janvier 2030, avec l?entrée en vigueur du décret du 16 septembre 2021 relatif aux conditions d'élimination des déchets non dangereux. Au regard des résultats constatés chez nos voisins, une telle mesure devrait permettre d?améliorer notoirement les performances du recyclage, en France. Les pays européens ayant décidé cette interdiction il y a une vingtaine d?années, sont en effet également les pays présentant à la fois les meilleurs taux de recyclage et la meilleure utilisation, par l?incinération avec valorisation énergétique, du fort pouvoir calorifique des plastiques comme le montre le graphique n°13 ci-dessus. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 100 2 - Des capacités de tri et de recyclage à consolider Pour donner leur plein effet aux mesures d?élargissement du tri à la source (plastiques et bio déchets) et répondre à l?augmentation continue des flux collectés en déchèteries, des efforts d?adaptation très importants doivent être réalisés sur les équipements de tri. Au cours des vingt dernières années, le nombre de centres de tri a augmenté de 50 % (entre 2000 et 2016 213) permettant de prendre en charge des tonnages qui ont plus que doublé (4,9 Mt de déchets envoyées en centres de tri en 2000 contre 11,1 Mt en 2016). La massification des flux de matières et le développement de la valorisation économique et industrielle des déchets d?emballages impose l?automatisation, l?augmentation des capacités et la haute qualité du tri. Or, la France se caractérise par un coût élevé, une performance insuffisante et une dispersion sur le territoire de centres de tri214 de taille modeste215, qui résultent de l?organisation du SPGD au niveau des EPCI. Pour tendre vers les objectifs de recyclage fixés par le code de l?environnement et rendre les centres de tri plus performants dans la séparation des matières216, des investissements sont donc nécessaires. Le principal défi à relever est l?extension des consignes de tri (ECT) aux plastiques. La plupart des organismes concernés ont déjà adapté leurs équipements de tri pour répondre à ces nouveaux flux ou sont en train de le faire, avec des soutiens financiers de Citéo et de l?Ademe. Un nombre important d?EPCI ne dispose cependant pas en 2022 de centres de tri capables d?accueillir l?ensemble des emballages plastiques et se voit donc contraint de différer la mise en oeuvre des nouvelles consignes. Pour les EPCI qui ont mis en place la mesure d?extension en lien avec leur syndicat de traitement, les résultats obtenus sont contrastés : ils montrent les efforts à poursuivre pour accompagner les changements, comportementaux et de mode de gestion, induits par cette mesure. Ces efforts sont nécessaires pour éviter l?augmentation des taux de refus de tri 213 Il s?agit du nombre total de centres de tri sur le territoire accueillant des DMA (cela recouvre ainsi également des centres qui trient principalement des déchets issus des activités économiques). Source : Ademe, enquête ITOM, 2018 214 Taille moyenne par centre de tri de 12 000 tonnes et zone moyenne de chalandise de 250 000 habitants pour 500 000 habitants en Espagne, un million d?habitants en Allemagne et en Belgique. Étude prospective sur la collecte et le tri des déchets d?emballages et de papier dans le SPGD, réalisé pour l?Ademe (mai 2014). 215 Cour des comptes, Rapport public annuel 2016, Tome I. Les éco-organismes : un dispositif original à consolider. 216 En 2016, sur 11,1 Mt de déchets reçus dans les centres de tri recevant des DMA, 6,6 Mt de déchets triés ont été envoyés en recyclage. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 101 souvent constaté après l?instauration de l?extension. Certains organismes ont mené l?extension avec succès et ont obtenu une réduction ou une stabilisation des volumes d?OMR tout en assurant un meilleur recyclage des plastiques (Syndicat mixte pour le développement durable de l?Est Var, Grand Besançon). D?autres ont engagé la mesure mais ont mal anticipé l?augmentation des volumes associés, conduisant à une valorisation énergétique de flux voués initialement au recyclage (Syndicat de traitement Valor 3E). De manière générale, les EPCI et leurs syndicats de traitement doivent profiter des évolutions en cours pour s?interroger sur le dimensionnement des installations de tri en lien avec leur zone de chalandise, comme l?a fait le Syndicat de valorisation des ordures ménagères de la Marne, en concevant un nouveau centre de tri mutualisé avec les acteurs du territoire voisin de la Meuse. Parallèlement, les volumes croissants de déchets collectés en déchèteries (en moyenne de l?ordre de 40 % de la masse totale des DMA et dépassant dans certains territoires la masse des OMR) poussent les syndicats de traitement à se doter de nouvelles capacités de tri pour mieux valoriser les matières collectées. Même si le développement progressif de nouvelles filières REP contribue à structurer les débouchés, des volumes importants de déchets restent collectés dans des bennes « tout-venant » dans les déchèteries et sont donc incinérés ou enfouis. L?adoption d?une organisation et de moyens adaptés pour assurer le traitement de ces flux revêt donc une importance croissante. Certains organismes se dotent d?unités de tri spécifiques aux déchets occasionnels (déchèteries et encombrants) pour répondre à cet enjeu (installation de tri-massification de l?agglomération de Besançon, valorisation en combustibles solides de récupération par les syndicats Sytraival - Beaujolais-Dombes et Trifyl). 3 - Le développement de la valorisation organique Les déchets ménagers organiques collectés séparément (principalement déchets verts, déchets alimentaires et bio déchets collectés à la source), lorsqu?ils ne sont pas compostés par les ménages eux-mêmes, sont principalement orientés vers des plateformes de compostage217 et plus marginalement, vers des installations de méthanisation218. 217 657 installations traitaient 8,7 Mt de biodéchets en 2018, Ademe, enquête ITOM 2018 218 13 unités de méthanisation étaient en activité en 2018, pour seulement 240 000 tonnes de biodéchets traités, Ademe, enquête ITOM 2018 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-urbaine-du-grand-besancon-doubs https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-urbaine-du-grand-besancon-doubs https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-pour-le-traitement-et-la-valorisation-des-dechets-menagers-valor3e https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-pour-le-traitement-et-la-valorisation-des-dechets-menagers-valor3e https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-delimination-de-traitement-et-de-valorisation-des-dechets-beaujolais https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-departemental-trifyl-tarn COUR DES COMPTES 102 Avec le développement du tri à la source des biodéchets (et probablement les collectes sélectives), le besoin en exutoire va aller croissant. Les collectivités vont donc être amenées soit à mettre en place leurs propres installations, soit à s?appuyer sur des installations existantes, et notamment les unités de méthanisation agricole qui sont encouragées par les politiques publiques depuis plusieurs années. Le nombre de plateformes de compostage va continuer de croitre régulièrement et, s?agissant du parc d?unités de méthanisation, il se développera du fait de l?extension aux DMA de l?accès aux installations auparavant consacrées aux seuls déchets agricoles ou agroalimentaires. Le nombre d?unités de traitement mécano-biologique des OMR est appelé quant à lui à décroitre. La production de compost à partir des installations de TMB étant proscrite à compter de 2027, les collectivités gestionnaires de ces équipements sont contraintes de réorienter progressivement les flux de déchets vers la méthanisation et vers la production de combustibles solides de récupération (CSR), sans certitude de pouvoir rentabiliser les équipements associés à ce nouveau procédé de valorisation (Syndicat Trivalis). Graphique n° 17 : évolution du parc d?installations de traitement Source : Ademe, Enquête ITOM 2018 TMB : Tri mécano-biologique ISDND : Installation de stockage de déchets non dangereux Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-trivalis-vendee LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 103 C - La valorisation énergétique, un mode de traitement à assumer pour les déchets non recyclables En France, les déchets ménagers et assimilés non recyclés sont principalement valorisés par la production d?énergie ou mis en décharge. Ce dernier mode de traitement (on parle aussi de stockage ou d?enfouissement) ne doit concerner que les DMA ne pouvant faire l?objet d?aucune valorisation. Encore supérieur à la valorisation énergétique il y a 15 ans, l?enfouissement des déchets a vu sa part relative diminuer année après année. Alors qu?il représentait encore en France 30 % du traitement des déchets produits en 2009, ce taux est passé à 21 % en 2018, pour une moyenne européenne à 23 %. Les installations de stockage, dont le nombre a été divisé par deux entre 2000 et 2016, ont été modernisées et agrandies avec une récupération et une valorisation des gaz qui s?en échappent. Ce besoin de modernisation des installations de stockage est particulièrement marquant dans un contexte insulaire. Ainsi, en Corse, le refus de l?incinération et l?absence d?équipements de traitement se traduit par un taux d?enfouissement de plus de 2/3 des déchets. Un exemple de problématique insulaire : l?île de La Réunion219 L?île de La Réunion, territoire complexe (rural, urbain et touristique à la fois, composé de cinq EPCI et de deux syndicats mixtes de traitement des déchets) est confronté à des enjeux spécifiques. La densité contrastée de population sur un territoire au relief accidenté, parfois peu accessible, et la forte volumétrie des déchets verts ont un impact sur les modalités techniques et les coûts de gestion des déchets. Avec une part de plus de 83 % (hors déchets verts), l?enfouissement reste le principal mode de traitement alors que les sites de stockage sont en état de saturation. 219 Cf. CRC la Réunion, SYDNE, septembre 2021, et ILEVA, avril 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-traitement-des-dechets-du-nord-et-de-lest-de-la-reunion-sydne https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-dagglomeration-du-territoire-de-la-cote-ouest-tco-cahier-2-la-reunion COUR DES COMPTES 104 L?enjeu central des syndicats de traitement de l?île réside donc dans la mise en oeuvre rapide d?une solution alternative à l?enfouissement. Le recyclage apparaît comme une solution peu rentable en raison des coûts de transport des matériaux vers la métropole ou d?autres pays. La taille limitée du territoire restreint les capacités de production et les débouchés des matières recyclées. À l?inverse, la construction d?une unité de valorisation énergétique (UVE) constitue une solution qui concilie les enjeux énergétiques et de gestion des déchets. Tel est le choix réalisé par le syndicat du sud et ouest ILEVA pour faire face à la saturation du site de Pierrefonds. L?extension des zones de stockage demeure une alternative dont la pérennité n?est plus assurée, ce qui conduit également le syndicat du nord et de l?est (SYDNE) à envisager la mise oeuvre d?une UVE. Cependant le montage de ce projet se heurte à des difficultés juridiques et économiques qui retardent la mise en service d?une filière de valorisation énergétique des déchets pour près de 40 % de la population de l?île. Comme le montre le graphique ci-dessous qui illustre l?un des six indicateurs-clefs, la France, en diminuant l?enfouissement au profit des filières de valorisation matière (recyclage) ou organique (bio déchets) a déjà atteint une partie des objectifs qu?elle s?était fixée, à savoir une réduction de 30 % entre 2010 et 2020 des quantités de déchets (DNDDI) admis en installation de stockage (loi LTECV). Si l?amélioration constatée au cours de la dernière décennie se poursuit dans les prochaines années au même rythme, la part des déchets enfouis restera encore trop élevée, pour atteindre nos objectifs (- 50 % entre 2020 et 2025 ; - 10 % au plus du poids des DMA produits d?ici 2035220) et a fortiori en comparaison des pays européens qui sont à la fois les plus performants en termes de recyclage et qui ont aussi éliminé la mise en décharge. 220 7 bis art. L. 541-1 du code de l?environnement. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043974936/2022-06-14 LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 105 Graphique n° 18 : indicateur-clef n°6 ? Stockage (Quantités de déchets non dangereux non inertes admis en installation de stockage) Source : Cour des comptes La stratégie d?élimination de la mise en décharge, avec une TGAP fortement désincitative221 et l?interdiction de certaines catégories de déchets, oriente la France dans la même direction que les États (Pays-Bas, Autriche, Belgique, Allemagne) qui ont adopté ce type de mesure depuis les années 1990. Cette application plus ferme du principe pollueur-payeur rend caduque la politique d?élimination et le choix prioritaire de l?enfouissement qu?avaient fait de nombreux organismes par souci de limitation des coûts de traitement et qu?ils vont devoir revoir rapidement (syndicat de traitement de l?agglomération de Lorient, syndicat départemental de traitement Valor Aisne, communauté d?agglomération du Grand Villeneuvois, syndicat 221 Le syndicat de collecte et de traitement de la Dordogne SMD3, devra régler 65 ¤ la tonne en 2025 pour ses installations de stockage des déchets, contre 17 ¤ en 2019. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-departemental-de-traitement-des-dechets-menagers-de-laisne-valoraisne-2 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-departemental-de-traitement-des-dechets-menagers-de-laisne-valoraisne-2 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-dagglomeration-du-grand-villeneuvois-cagv-casseneuil-lot-et-garonne-0 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-departemental-delimination-des-dechets-de-laube-sdeda COUR DES COMPTES 106 départemental d?élimination des déchets de l?Aube). Pour gérer la transition, tant que la prévention et les modes de valorisation prioritaires n?auront pas abouti à une réduction drastique des OMR, la valorisation énergétique va rester un mode de traitement indispensable. La valorisation énergétique En 2020, 35 % des déchets municipaux produits en France étaient valorisés énergétiquement, sous forme d?électricité de chaleur ou de carburant, ce qui place la France au-dessus de la moyenne européenne à 29 %, selon Eurostat. Proche de l?Allemagne, du Benelux, de l?Autriche, ce taux reste toutefois inférieur à celui des pays scandinaves qui atteignent des taux supérieurs à 50 %. Les tonnages incinérés avec production d?énergie ont progressé entre 2000 et 2016 passant de 10 à 14,4 Mt, soit + 40 %. Cette augmentation s?est produite dans un contexte de limitation des émissions de polluants des usines d?incinération222 et sans augmentation équivalente du nombre d?usines. Leur nombre est passé de 109 en 2000 à 118 en 2018. La part de l?incinération au sein des différents modes de traitement n?ayant pas augmenté, cette hausse ne s?est donc pas faite au détriment du recyclage. L?analyse des besoins permet de prévoir que le nombre d?unités de valorisation énergétique (UVE) restera globalement stable, même si des besoins ponctuels existent. Le parc sera en revanche contraint de se moderniser pour s?aligner sur la norme européenne de rendement énergétique (44 % des DMA sont incinérés en France dans des incinérateurs n?atteignant pas le seuil attendu223). L?adoption obligatoire des meilleures techniques disponibles au niveau européen d?ici 2023224 permettra, parallèlement, de limiter encore plus drastiquement l?impact environnemental des unités de valorisation énergétique, en poursuivant les travaux de réduction et de suivi de leurs émissions atmosphériques. La modulation de la TGAP pénalisant les unités d?incinération à mauvais 222 Entre 1990 et 2003, les émissions de dioxines liées au traitement des déchets ont baissé de 90 %, conséquence de la fermeture graduelle des anciens incinérateurs ou leur mise aux normes. Depuis 2006, les émissions de dioxines par les unités d?incinération de déchets sont très réduites. 223 Directive 2008/98 CE, le statut d?installation de valorisation énergétique est atteint si le rendement est supérieur à 65 %. 224 La législation continue de se renforcer : adoption d?ici fin 2023 des meilleures pratiques européennes rendue obligatoire par la directive 2010/75/UE sur les émissions industrielles et le « BREF sur l?incinération des déchets » adopté par la Commission Européenne en novembre 2019 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-departemental-delimination-des-dechets-de-laube-sdeda LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 107 rendement et présentant des niveaux d?émission de fumées médiocres va permettre d?accélérer l?adoption de ces standards de qualité, indispensables à une meilleure acceptation publique des équipements de traitement. Dans cette nouvelle situation, la production de chaleur issue de l?incinération des déchets peut fournir à un prix attractif une énergie en substitution de sources d?énergie non renouvelable plus polluantes. La valorisation énergétique doit pouvoir, à côté d?autres sources d?énergie renouvelable, contribuer au développement des réseaux de chaleur qui restent insuffisamment exploités comme la Cour l?a relevé dans son rapport de 2021 consacré au chauffage urbain225. L?État devrait intégrer dans le plan national un volet industriel substantiel couvrant, outre la filière plasturgie, comme indiqué précédemment, la filière valorisation énergétique. En France, la hiérarchie entre prévention, recyclage, valorisation énergétique et enfouissement n?est que partiellement respectée dans la prise en charge des déchets ménagers et assimilés. La prévention reste un volet insuffisamment pris en compte dans les actions mises en oeuvre. Les progrès de la collecte se heurtent au retard pris pour s?aligner sur les meilleures pratiques concernant les biodéchets, pour adapter les installations à l?extension des consignes de tri du plastique et pour mieux commercialiser les matières triées. Si la valorisation par recyclage et production d?énergie gagne du terrain au détriment du stockage, elle reste insuffisante. 225 Cour des comptes, rapport public thématique, le chauffage urbain, septembre 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-chauffage-urbain COUR DES COMPTES 108 __________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________ Les performances de recyclage et d?incorporation des plastiques en France sont très en retrait par rapport à d?autres pays européens. Pour réduire l?impact du plastique sur l?empreinte carbone, sur la biodiversité et la santé, il convient d?agir tant sur la prévention, sur le tri sélectif que sur le traitement. Pour surmonter les freins technologiques et de rentabilité que rencontre la filière du plastique recyclé, des soutiens financiers ont été déployés par l?État qui par ailleurs a interdit l?incinération des déchets ayant fait l'objet d'une collecte séparée. Les pays européens ayant décidé cette interdiction sont ceux qui présentent les meilleurs taux de traitement des plastiques. Au vu de ces constats, les juridictions financières formulent les recommandations suivantes : 8. Fixer dans la réglementation la liste des actions financées par les intercommunalités et les éco-organismes pouvant être considérées comme dépenses de prévention (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). 9. Autoriser les collectivités territoriales volontaires à confier aux éco- organismes chargés des emballages la vente des produits issus du tri (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, EPCI). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Conclusion générale La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire du 11 février 2020 vise à substituer progressivement à une économie linéaire fondée sur le triptyque « fabriquer, conserver, jeter », un nouveau paradigme, celui de l?économie circulaire. Elle repose sur toute une série de mesures qui ont vocation à entrer progressivement en vigueur et qui, dans leur ensemble, visent à lutter contre le gaspillage et l?obsolescence programmée, ainsi qu?à favoriser le réemploi. Sont ainsi prévues la création de nouvelles filières REP dans des secteurs importants (produits et matériaux de construction du bâtiment, jouets et articles de sport dès 2022, emballages professionnels en 2025, lutte contre le gaspillage alimentaire, réduction progressive des emballages plastiques à usage unique, avec une étape importante prévue au 1er janvier 2025 de recyclage des emballages plastiques à usage unique). C?est donc désormais dans ce cadre que devra s?inscrire la question de la collecte et du traitement des déchets ménagers sur laquelle l?enquête menée par les juridictions financières en 2021-2022 confirme qu?il existe d?importants progrès à réaliser. Pour accompagner la transition vers l?économie circulaire recherchée par les réformes législatives de cette dernière décennie, notamment les plus récentes, une meilleure prise en charge des déchets existants par un tri, une collecte et un traitement performants doit être réalisée. L?accélération de ce mouvement est nécessaire à la fois pour réduire la hausse continue des dépenses du service public de gestion des déchets et pour le faire mieux contribuer à la transition écologique. La prévention, c?est-à-dire la réduction de la production de déchets, en constitue un volet fondamental et doit être véritablement amplifiée. Le meilleur déchet est en effet celui qui n?est pas produit. Les orientations et recommandations retenues s?inscrivent dans cette vision. Le citoyen ne peut pas être responsabilisé sur ses déchets uniquement à travers la hausse des prélèvements obligatoires qui concernent ce domaine. Les entreprises, les éco-organismes, l?État et les collectivités territoriales doivent conjointement lui offrir les moyens de modifier ses habitudes de consommation en vue de réduire le gisement des déchets. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Liste des abréviations ADEME??.. Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie AGEC???.. Loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l?économie circulaire CCC????.Convention citoyenne pour le climat CCES???..Commission Consultative d'Élaboration et de Suivi CGCT???.Code général des collectivités territoriales CSR????.Combustible solide de récupération C.envir???Code de l?environnement DMA ............ Déchets ménagers et assimilés DNDNI??.. Déchets non dangereux non inertes ECT????.Extension des consignes de tri EEE????.Équipements électriques et électroniques EPCI???.. Établissement public de coopération intercommunale ISDND??? Installation de stockage de déchets non dangereux FREC???. Feuille de route économie circulaire LTECV???. Loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte MTE???...Ministère de la transition écologique ODD ???.Objectifs de développement durable OMR ............ Ordures ménagères résiduelles PAP??........Porte à porte (collecte en) PAV ???..Point d?apport volontaire PLPDMA ?..Programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés PNGD??? Plan national de gestion des déchets PNPD??? Programme national de prévention des déchets PRPGD ......... Plan régional de prévention et de gestion des déchets REOM .......... Redevance d?enlèvement des ordures ménagères REOMi??.. Redevance d?enlèvement des ordures ménagères Incitative REP .............. Responsabilité élargie du producteur RPQS???.Rapport sur le prix et la qualité du service Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 112 RS????..Redevance spéciale RSOM .......... Recyclables secs des ordures ménagères SPGD ........... Service public de gestion des déchets SUP????Directive (UE) 2019/904 relative à la réduction de l?incidence de certains produits en plastique sur l?environnement (SUP pour single use plastic) TEOM .......... Taxe d?enlèvement des ordures ménagères TEOMi ......... Taxe d'enlèvement des ordures ménagères incitative TGAP ........... Taxe générale sur les activités polluantes TI .................. Tarification incitative TMB???..Tri mécano-biologique TZDZG??..Territoire Zéro Déchet Zéro Gaspillage UIOM ........... Usine d'incinération d'ordures ménagères UVE ............. Unité de valorisation énergétique Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexes Annexe n° 1 : présentation de l?échantillon des contrôles réalisés par la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) ..........................................................................................114 Annexe n° 2 : le suivi des recommandations des juridictions financières sur les déchets ménagers............................................................117 Annexe n° 3 : les Plans Régionaux de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD) ........................................................................................121 Annexe n° 4 : les indicateurs internationaux ................................................127 Annexe n° 5 : les indicateurs du service public des déchets ........................129 Annexe n° 6 : les indicateurs des filières à responsabilité élargie du producteur (REP) .........................................................................................135 Annexe n° 7 : comparaisons internationales ................................................137 Annexe n° 8 : les déchets en matière plastique ............................................147 Annexe n° 9 : comparatif entre les différentes modalités de financement du service public ......................................................................158 Annexe n° 10 : les conséquences de la crise sanitaire sur la gestion des déchets .........................................................................................................159 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 114 Annexe n° 1 : présentation de l?échantillon des contrôles réalisés par la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) Tableau n° 4 : contrôle de la Cour des comptes Contrôle réalisé dans le cadre de la formation commune Prévention et gestion des déchets : aspects nationaux et internationaux Tableau n° 5 : contrôles effectués par les chambres régionales et territoriales des comptes CRTC Nom de l?organisme Contrôles réalisés dans le cadre de la formation commune Auvergne -Rhône- Alpes Communauté de communes Gorges de l?Ardèche Communauté de communes le Grésivaudan Syndicat intercommunal de traitement des déchets ménagers du Puy-de-Dôme (VALTOM) Métropole de Lyon Syndicat mixte d'élimination, de traitement et de valorisation des déchets du Beaujolais Dombes (SYTRAIVAL) Communauté d'Agglomération du Grand Annecy SMIX Savoie Déchets Bourgogn e- Franche- Comté Communauté urbaine du Grand Besançon Métropole Centre- Val de Loire SMICTOM d?Amboise Corse Communauté de Communes Fium'Orbu Castellu Communauté d'agglomération de de Bastia Communauté de Communes du Cap Corse Communauté de Communes du Centre Corse Grand Est Syndicat Départemental d?Élimination des Déchets de l?Aube (SDEDA) Syndicat Intercommunal d'Élimination des Déchets Ménagers du Territoire d'Orient (SIEDMTO) Syndicat de Valorisation des Ordures Ménagères de la Marne (SYVALOM) Véolia Auréade Unité de valorisation énergétique et agronomique - Marne Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 115 Syndicat Mixte de Traitement des Om de la Région de Villerupt Communauté de Communes de Cattenom et environs Syndicat Mixte de Transport et Traitement des Déchets de Lorraine Nord (SYDELON) Syndicat Mixte Intercommunal de Collecte et Traitement des Ordures Ménagères d'Als ace Centrale Communauté de Communes de Sélestat Syndicat départemental d'énergie et des déchets (SDED 52) EVODIA Hauts-de- France Communauté d'Agglomération du Saint-quentinois Valor'Aisne Communauté de communes Flandre Lys Communauté d'Agglomération Valenciennes Métropole Communauté de Communes Pévèle Carembault Syndicat Intercommunal de Valorisation des Déchets Ménagers du Hainaut Valenciennois Ecovalor Syndicat Mixte du Département de l'Oise (SMDO) Syndicat mixte élimination et valorisation des déchets CA Douaisis-Hénin-Carvin et communes Osartis (SYMEVAD) Syndicat mixte Flandre Morinie (SMFM) Syndicat Mixte Lys Audomarois Ile-de- France Ville de Paris ? Direction de la propreté et de l?eau (DPE) Nouvelle- Aquitaine Communauté de Communes de l'Ile de Ré Communauté de Communes de l'Ile d'Oléron Occitanie Sictom Pézenas Agde Decoset Syndicat Mixte départemental pour la valorisation des déchets ménagers et assimilés et pôle des énergies renouvelables / Trifyl PACA Métropole Nice Côte d?Azur Métropole Aix-Marseille Provence Communauté d'Agglomération Var Esterel Méditerranée Communauté de Communes Coeur du Var Syndicat Mixte du Développement Durable de l'Est Var (SMIDDEV) Pays de la Loire Trivalis Communauté d'Agglomération Clisson Sèvre et Maine Agglo Communauté d'Agglomération de la Presqu'île de Guérande Atlantique Communauté d'Agglomération Mauges Communauté Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 116 VALOR3E Communauté de Communes Loué-brûlon-noyen Contrôles réalisés hors formation commune mais ayant servi pour le rapport Auvergne -Rhône- Alpes Communauté de communes de la plaine de l'Ain Grenoble Alpes Métropole Syndicat Mixte du Lac d'Annecy Communauté de communes du Diois Bretagne Lorient agglomération Grand Est Métropole du grand Nancy Régie Haganis Hauts-de- France Communauté d?agglomération porte du Hainaut Communauté d?agglomération du St-Quentinois Communauté d?agglomération Maubeuge Val de Sambre Nouvelle- Aquitaine Syndicat mixte départemental pour la gestion et le traitement des déchets ménagers et assimilés (SMD3) Communauté d'agglomération du grand Villeneuvois Pays de la Loire Communauté urbaine Angers Loire métropole Communauté de communes du bocage Mayennais Syndicat mixte de collecte des ordures ménagères Est-Vendéen (SCOM) La Réunion Mayotte Syndicat mixte de traitement des déchets des microrégions Sud et Ouest de la Réunion (ILEVA) Société publique locale SUDEC Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexe n° 2 : le suivi des recommandations des juridictions financières sur les déchets ménagers Au cours de la décennie 2010-2020, la Cour des comptes, seule ou en lien avec une ou plusieurs chambres régionales des comptes, a publié deux rapports portant spécifiquement sur les déchets ménagers et assimilés et des rapports consacrés aux éco-organismes. Suites données aux rapports consacrés au déchets ménagers Le rapport public thématique Les collectivités territoriales et la gestion des déchets ménagers et assimilés, publié en septembre 2011, formulait trente recommandations réparties au sein de quatre rubriques principales. Un rapport de suivi de ce rapport public thématique a été inséré au Rapport public annuel 2014 de la Cour des comptes, intitulé « La gestion des déchets ménagers : des progrès inégaux au regard des enjeux environnementaux ». Celui-ci comportait huit recommandations, certaines reconduisant celles formulées en 2011. Les recommandations visant à rendre plus claire et plus adaptée la répartition des compétences entre les collectivités territoriales ont été pour l?essentiel satisfaites ou rendues sans objet par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République qui a redistribué les compétences territoriales226. Ainsi en est-il également de la recommandation visant à promouvoir la prise en charge par une même collectivité ou groupement (département ou syndicat mixte) du traitement des déchets et des installations nécessaires227. Les recommandations visant à renforcer le rôle des préfets en matière de contrôle et de suivi des plans, d'autorisation et de contrôle des équipements228 n?ont pas été mises en oeuvre. L?instruction du présent rapport fait apparaître en effet que les dispositions encadrant les PRPGD/SRADDET229 et le rôle de l?État déconcentré en matière d?autorisation et de contrôle des ICPE ne suffisent toujours pas à planifier et organiser les équipements à la hauteur des besoins. 226 Références des recommandations dans les rapports : rapport public thématique 2011 (pour la suite des références « RPT 2011 ») recommandation 1.1 et Rapport public annuel 2014 (pour la suite des références « RPA 2014 ») recommandation 1. 227 RPT 2011 recommandation 1.8 satisfaite par l?article L. 2224-13 du CGCT. 228 RPT 2011 recommandation 1.12, 1.14, RPA 2014 recommandation 2. 229 Les plans, programmes et décisions des EPCI doivent être compatibles (L. 541-15 code de l'environnement). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers COUR DES COMPTES 118 La recommandation visant à décliner au niveau régional et intercommunal certains objectifs nationaux et d?en rendre compte au moyen d?un rapport annuel, ainsi que la mise en place d?observatoires locaux230, est satisfaite par les dispositions de la loi NOTRe précitée et par celles de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC). En revanche demeurent pertinentes les critiques émises par les juridictions financières en 2011 qui relevaient les « limites des mécanismes de pilotage, de suivi, d?évaluation et d?appui » et qui recommandaient une plus grande fréquence et qualité dans la collecte et le traitement des données231. Les évolutions dans les mécanismes de financement du SPGD qu?appelaient plusieurs recommandations, n?ont pas été suivies d?effets significatifs. L?adaptation des textes pour encourager la tarification incitative a été réalisée par la réduction des frais de gestion232 mais cet encouragement est insuffisant pour en permettre l?essor. La clarification du cadre juridique du financement du SPGD n?a pas été réalisée : ni la codification de la jurisprudence définissant le suréquilibre233, ni les dispositions sur les compensations, exonérations et dérogations aux augmentations de TEOM234 ni la remise à plat de la distinction des services publics entre administratifs et industriels et commerciaux235. Une recommandation a connu une suite inverse à la demande formulée : la redevance spéciale est devenue facultative alors que la Cour demandait sa généralisation236. Les recommandations concernant la mise en oeuvre d?une comptabilité analytique et d?un budget annexe consacrés au SPGD237 ont été partiellement suivies d?effet : la réglementation prévoit désormais l?obligation de comptabilité analytique238 mais le budget annexe demeure facultatif pour les collectivités, majoritaires, qui financent le service par la TEOM. Les recommandations des juridictions financières pour corriger l?insuffisance des équipements de proximité pour l?incinération et le 230 RPT 2011 recommandation 1.10. 231 RPT 2011 recommandations 1.11, 3.1, 3.2, 3.3 et 3.5. 232 Recommandations 4.1. et 4.2. du RPT 2011 et recommandation 7 du RPA 2014 satisfaites par l?art.7 de la LFI 2019. 233 Recommandation 4.6 du RPT 2011. 234 Recommandation 4.4 et 4.5 du RPT 2011. 235 RPT 2011 recommandation 4.6 et RPA 2014 recommandation 6. 236 Recommandation 4.3. du RPT 2011et recommandation 3 du RPA 2014. 237 RPT 2011 recommandation 2.1, 2.2, et RPA 2014 recommandations 5 et 8. 238 L. 2224-17-1 CGCT. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 119 stockage (carence en exutoires)239 n?ont pas été mises en oeuvre : la TGAP n?a pas été augmentée240 pour les déchets exportés ou réceptionnés au-delà des limites d?un périmètre car le ministère chargé de l?environnement considère qu?une telle augmentation encouragerait la création d?installations d?élimination alors que l?objectif général est de respecter autant qu?il est possible la hiérarchie des modes de traitement des déchets. Suites réservées aux dix recommandations formulées par les rapports consacrés aux éco-organismes Les recommandations formulées dans le rapport « Les éco- organismes : un dispositif original à consolider, insertion au rapport public annuel 2016 » et le rapport « Les éco-organismes : une performance à confirmer, une régulation à renforcer », insertion de suivi de l?insertion précitée, publiée dans le rapport public annuel 2020, ont donné lieu à des suites satisfaisantes. Les dispositions de la loi AGEC et de ses textes d?application concernant les éco-organismes satisfont neuf recommandations sur dix. La simplification des cahiers des charges des éco-organismes s?accompagne du renforcement des exigences (fixation et contrôle des résultats, dispositifs de sanctions)241 et la durée des agréments des éco-organismes est adaptée entre un et six ans242. La loi renforce et précise les informations qui devront figurer sur les produits pour renseigner les citoyens sur les gestes de tri et l?État pourra fédérer plusieurs éco-organismes pour des campagnes d?information243. Le conditionnement des soutiens aux collectivités versés par l?éco-organisme chargé de la filière REP emballages à la mise à jour des consignes de tri est prévu par le cahier des charges de l?organisme qui est approuvé par l?État244. Le partage avec les pouvoirs publics, les producteurs et les collectivités des données et des informations détenues par les éco-organismes est clarifié245 et l?extension des consignes de tri, couplé à la subordination des autorisations concernant les centres de tri mécano biologiques à la mise en place du tri à la source 239 RPT 2011 recommandation 3.6 et 3.7 et RPA 2014 recommandation 4. 240 L. 2333-92 et s. du CGCT. 241 RPA 2020 recommandation 1, 4 et 5 satisfaites par les articles L541-10 II (encadrement des cahiers des charges) et L. 541-9-6 (sanctions). 242 RPA 2020 recommandation 3. 243 RPA 2016 recommandation 1, RPA 2020 recommandation 2 satisfaites par l?article L. 541-9-3 du code de l'environnement. 244 RPA 2016 recommandation 2. 245 RPA 2016 recommandation 4. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2016 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2016 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2016 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2020 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2020 COUR DES COMPTES 120 des biodéchets vont dans le sens d?une modernisation des centres de tri et, nécessairement, d?une diminution de leur nombre246. La visibilité sur les produits de l?écocontribution247 est en revanche écartée car regardée comme source de confusion (logo pouvant être pris pour le signe d?un produit fait en matière recyclée ou d?un produit à recycler). Enfin, un rapport propre à l?Île-de-France a été inséré au rapport public annuel 2017 de la Cour. Ce dernier comportait six recommandations, dont deux à caractère général et quatre adressées aux collectivités et aux syndicats de traitement des ordures ménagères de la région. 246 RPA 2016 recommandation 5. 247 RPA 2016 recommandation 3. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexe n° 3 : les Plans Régionaux de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD) Régi par les dispositions des articles L. 541-13 à L. 541-15-2 et R. 541-13 à R. 541-27 du code de l?environnement248, le Plan régional de prévention et gestion des déchets (PRPGD) est un document élaboré par le conseil régional qui a pour but de coordonner à l'échelle régionale les actions entreprises par l'ensemble des parties prenantes. Instrument de planification et de programmation prévu par la réglementation européenne249, le PRPGD est appelé à disparaître à mesure que seront arrêtés les schémas régionaux d?aménagement, de développement durable et d?égalité des territoires (SRADDET)250. Les PRPGD sont opposables aux décisions prises par les personnes morales de droit public et leurs concessionnaires251 notamment pour les installations à adapter, créer ou fermer. Le plan sert ainsi de cadre aux services déconcentrés de l?État pour délivrer les diverses autorisations en matière d?Installations Classées pour la Protection de l?Environnement (ICPE). Les juridictions financières ont analysé dans le cadre du présent rapport les 12 plans adoptés. 248 Introduit par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe) 249 Articles 28 et 29 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets 250 Articles L. 4251-1 à L. 4251-10 et R. 4251-1 à R. 4251-17 du code général des collectivités territoriales (CGCT). L?Île-de-France, les régions d'outre-mer et les collectivités territoriales à statut particulier constituent des cas spécifiques, dans la mesure où des plans régionaux ou territoriaux de prévention et de gestion des déchets continuent de s?appliquer de façon autonome, à côté d?un autre document de planification stratégique (tel que le SDRIF en Ile de France ou le PADDUC en Corse). 251 Article L. 541-15 du code de l?environnement Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176161 COUR DES COMPTES 122 Le code l?environnement252 fixe le contenu des PRPGD et rend obligatoires notamment les rubriques suivantes : 1/ État des lieux : (production, prévention, collecte et installations existantes) Réalisée grâce à plusieurs bases de données du ministère de l?écologie et de l?ADEME et des observatoires locaux253, cette partie descriptive est dans certains plans complète et exhaustive254 avec des niveaux de précision géographiques variables255. Des lacunes de données que ni l?État ni les régions n?ont comblées par des enquêtes de terrain, nuisent à la fiabilité de l?état des lieux256 : exutoires inconnus, informations manquantes quant à la catégorie d?ICPE, tonnages par installations, traitement réalisé supérieur aux capacités ? Par ailleurs, on relève des problèmes de lisibilité des données257, qui gênent la clarté de l?information donnée aux collectivités locales infrarégionales. Du fait des différences de couverture des territoires par la tarification incitative, les états des lieux sur ce sujet sont d?amplitude et de qualité variables. Dans les régions où elle est plus développée, des résultats éclairants montrent son efficacité sur la réduction des OMR et l?augmentation des collectes de recyclables258. Enfin, la description des mesures visant à promouvoir le développement de cette tarification incitative est souvent très sommaire. Ainsi, le plan de la Normandie a été partiellement annulé par la décision n°1802969 du tribunal administratif de Caen du 20 juin 2019 car il ne présentait pas d?actions de développement de la tarification incitative en contradiction avec 252 Art. L. 541-13 et l?article R-541-16 du code de l?environnement 253 Par exemple, la base de données GEREQ, le registre ICPE ou encore le registre IREP et le registre ITOM 254 Par exemple, la région Auvergne-Rhône-Alpes détaille les 33 millions de tonnes (en 2015) qu?elle a produits. 255 Par exemple, le Plan de la région Grand Est présente des données départementales là où la région Occitanie présente des données agrégées au niveau régional. 256 Voir par exemple le tableau 86 (p169) du Plan des Pays de la Loire où les capacités réglementaires en tonnes des plateformes de compostage de la région sont manquantes pour 18 des 39 installations, ou la figure 86 (p.115) du Plan Grand Est où 409 tonnes de déchets produites dans l?Aube ont un exutoire « non précisé ». 257 Voir par exemple les données sur les combustibles solides de récupération (CSR) sont difficilement interprétables dans le Plan des Pays de la Loire, p. 193 et p. 87. 258 Par exemple, le Plan de Nouvelle-Aquitaine, où la tarification incitative couvre 6 % de la population régionale, montre que les quantités d?OMR ont diminué de 36 % et les recyclables secs hors verre collectés ont augmenté de 26 % (voir pp 76-78). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes http://manche-nature.fr/wp-content/uploads/2019/07/jgt_PRPGD.pdf http://manche-nature.fr/wp-content/uploads/2019/07/jgt_PRPGD.pdf ANNEXES 123 les dispositions de l?article D. 541-16-2 du code de l?environnement259. À la suite de cette décision de justice, la région Normandie a dû amender son plan et adopter, le 22 juin 2020, deux compléments portant sur les actions prévues pour le développement de la tarification incitative260 et sur la planification des installations dédiées à la valorisation énergétique des combustibles de récupération. Sur ce point, le niveau de généralité des autres plans régionaux ne diffère pas de la première version du plan de la région Normandie. 2/ Prospective des gisements à 6 et 12 ans et objectifs de prévention, recyclage et valorisation Cette prospective se fonde sur la présentation de deux scenarii : l?un évalue les quantités produites en l?absence de mesures de prévention, le second les prend en compte261. On constate cependant des différences quant au niveau de précision et de détails fournis et quant à la justification des scénarios de référence. 3/ Planification de la prévention des déchets à 6 et 12 ans La prévention se présente dans les plans sous la forme d?un ensemble cohérent d'actions par types de déchets262. Les objectifs manquent cependant de caractère opérationnel et de contextualisation locale et sont trop généraux263. 259 Dans sa première version, le Plan de la région Normandie ne donnait aucune modalité pratique d?implantation ni d?objectifs clairs quant à la couverture de cette taxe en termes de population ou de volumes de déchets et préconisait seulement d?« Engager une réflexion sur la mise en place de la TI à travers la réalisation d?études de faisabilité ; Valoriser les retours d?expériences ? ; Intégrer la TI dans une réflexion d?optimisation globale ? ; Définir les moyens humains pour le développement de la TI ; Informer et sensibiliser les usagers ? » (p103). 260 La région Normandie se fixe désormais l?objectif d'un taux de couverture de 30% de la population régionale par la tarification incitative, à l'horizon 2025 261 Ainsi, la région Île-de-France prévoit un scénario dit « tendanciel » (sans prévention) où 5 607 262 tonnes de DMA seront générées en 2020, 5 971 954 en 2025 et 6 358 105 en 2031. Le scénario « avec mesures de prévention » prévoit 5 483 938 tonnes de DMA en 2025 et n?a toutefois pas de valeur cible en 2031 (p.52, Chapitre 1) 262 Ainsi, la région Bretagne décline des objectifs pour les DMA et DAE relatifs aux déchets végétaux (stabilisation en 2020 par rapport à 2016 et réduction de 20 % en 2030 par rapport à 2016, p32), aux biodéchets (100 % de la population doit avoir accès à une solution de tri à la source des biodéchets d?ici 2023, accès au tri à la source pour les professionnels d?ici 2023, p34). 263 Par exemple, la région Bretagne mentionne l?objectif de réduire le gaspillage alimentaire par une liste d?objectifs vagues tels que « l?accompagnement de la restauration collective [?] dans la mise en place d?actions » (p. 36, Chapitre II), le développement du « don alimentaire » (p. 36, Chapitre II), « Accompagner les entreprises et administrations dans la réduction de la production de leurs déchets », « Accompagner la mise en oeuvre des PLPDMA » ou encore « Sensibiliser tous les acteurs ». Les actions sont quasiment identiques à celles que l?on trouve Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042662953 COUR DES COMPTES 124 Nombreux sont les renvois aux programmes locaux auxquels est laissée la mise en oeuvre concrète264. 4/ Planification de la gestion des déchets à termes de 6 et 12 ans, incluant les installations nécessaires afin d?atteindre les objectifs. Au même titre que pour la prévention, l?ensemble des actions portant sur la gestion des déchets, bien que cohérentes entre elles et axées autour d?objectifs, apparaissent le plus souvent vagues et sans caractère réellement opérationnel265. La planification des installations qu?il apparaît nécessaire de créer, adapter ou fermer afin d?atteindre les objectifs est une lacune significative dans les plans alors que cette précision est exigée par l?article R. 541-19 et le 5° de l?article R 541-16 du code de l?environnement. En effet, les plans ne recensent que les installations de stockage ainsi que d?incinération sans valorisation énergétique266. Ils ne recensent pas les autres types d?installation et renvoient sur ce point à des études ultérieures267. Même les plans les plus aboutis ne planifient pas à un niveau suffisamment précis l?évolution des équipements et des capacités de traitement associés, pour toutes les natures de déchets et d?installation268. dans tous les autres plans et ne comportent aucune spécificité liée à la région, ni de plan d?action précis en termes de dates et de budget. 264 Ainsi, les Plans des Hauts-de-France (p.117) et de Centre-Val de Loire (p.229) renvoient au déploiement des programmes locaux pour la mise en oeuvre des stratégies Zéro Déchets Zéro Gaspillage 265 Ainsi, le Plan des Hauts-de-France (pp.123-130 du fascicule des règles) ne comprend aucune planification précise des installations de traitement et se limite à des orientations générales telles que « Renforcer la performance environnementale des installations de valorisation énergétique en appliquant le principe de proximité et en prenant en compte l?impact CO2 des zones de chalandise » ou « Pour tout projet de modernisation des installations de valorisation énergétique, tenir compte de l?évolution des nouvelles normes européennes à l?horizon 2022- 2024.. Il en va de même du plan de la région Occitanie (pp 248 -256). 266 Ainsi par exemple le plan de la région Bourogne-Franche-Comté, après avoir recensé de manière détaillée, à l?échelle de chaque département, les déficits ou excédents de capacité de traitement (p 109), se limite à la planification des installations de stockage. 267 Ainsi, par exemple, le Plan de la région Centre-Val de Loire, concernant les installations de valorisation organique, «il sera nécessaire d?identifier et suivre les capacités de traitement des déchets organiques et anticiper les besoins à venir. » p.289 268 Sur le thème de la planification des installations, le plan PACA, divisé en 4 bassins de vie, est divisé en flux de déchets et positionné sur la capacité de traitement des biodéchets triés à la source représente néanmoins un exemple intéressant. On peut aussi citer l?exemple du plan de la région Grand Est, qui décline de manière détaillée, à l?échelle départementale, les installations de stockage qu?il sera nécessaire de créer (pp Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032728246/2016-06-20 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032728264/2016-06-20 ANNEXES 125 Les 12 plans adoptés ne relèvent pas d?une véritable planification et apparaissent trop vagues quant au nombre, au type de déchets associés et leurs quantités et à la localisation des installations269. À ce titre, les plans ne revêtent pas leur pleine valeur prescriptive et n?épuisent pas la compétence de la région. Suivi des plans Les modalités de suivi des plans prévues lors de l?adoption de ces derniers sont souvent incomplètes, même pour ceux qui sont les plus aboutis270. En effet, bien que les indicateurs de suivi du plan soient explicités, associés aux actions dont ils relèvent et recensés de manière exhaustive271, nombreux sont les plans qui manquent d?une réelle planification du suivi272. Sept régions sont couvertes par un observatoire de déchets chargé d?obtenir et de consolider les données à l?échelle régionale, d?améliorer la connaissance des gisements et de s?assurer du suivi des objectifs, les 5 régions restantes prévoient seulement d?en créer273. 347-352) et qui projette les besoins en capacité de traitement à l?échelle de deux bassins de vie (Est et Ouest) les besoins. 269 Le plan de Normandie, par exemple, « n?interdit pas la création de nouvelles capacités de valorisation des déchets ménagers résiduels » (p103) ou le plan des Hauts- de-France, où la « règle de planification » prévoit « d?adapter les capacités régionales d?incinération et de valorisation [?] en cohérence avec le développement de la prévention et de la valorisation matière conformément à la hiérarchie des modes de gestion [?] » (p148). 270 Les qualités et défauts des plans sont multiformes, aucun d?eux ne peut être considéré comme un modèle. Le PRGPD de la région PACA a le mérite de préciser (voir pages 137-138 du fascicule des règles du SRADDET, les moyens financiers que la région entend consacrer, dans le cadre de ses contrats régionaux d?équilibre territorial, au soutien des projets d?équipement structurants pour le territoire en matière de recyclage et de valorisation des déchets, d?économie d?énergie et de développement des énergies renouvelables. 271 Voir par exemple les pages 318-325 du Plan de la région Auvergne-Rhône-Alpes ou 284-288 du Plan de la région Hauts-de-France 272 La région Bourgogne-Franche-Comté liste les indicateurs et modalités de suivi du Plan, sans mention de son organisation pratique (voir pp 158-166). 273 Le PRPGD Grand Est est très précis quant aux missions de l?observatoire qu?il entend créer. On peut par ailleurs saluer l?effort de prévision budgétaire effectué (en moyens humains et financiers) p478-479. Les autres régions manquent de précision quant au budget : la Bourgogne-Franche-Comté, par exemple, ne mentionne que le projet de création p88, sans en préciser les modalités pratiques. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexe n° 4 : les indicateurs internationaux En septembre 2015, les 193 États membres de l?ONU ont adopté un programme de développement durable Agenda 2030 structuré autour de 17 objectifs de développement durable (ODD). Les déchets sont concernés par l?ODD n°11 qui porte notamment la thématique de la ville durable et l?ODD n°12 : « Consommation et production responsables » (impact environnemental et social de l?ensemble de la chaîne de valeur des produits). Ces ODD généraux comportent des indicateurs qui ont été repris dans la programmation nationale française : le PNPD 2014-2020 et la feuille de route de la France pour l?économie circulaire (FREC). Indicateurs issus des ODD N° Taux de recyclage des déchets municipaux274 11.6.1. Empreinte matières275 12.2.1 Consommation intérieure de matière276 12.2.2 Perte et gaspillage alimentaire 12.3.1 Taux de recyclage national et tonnes de matériaux recyclés 12.5.1 274 Proportion de déchets urbains solides régulièrement collectés et éliminés de façon adéquate sur le total des déchets urbains solides générés, par ville. 275 Empreinte matérielle, Empreinte matières (RMC) Empreinte matière par habitant (RMC/hab.) et Empreinte matière par unité de PIB (PIB/RMC). Repris dans les indicateurs 2 et 8 du PNPD 2014-2020 (INSSE SDES). 276 Consommation matérielle nationale, consommation matérielle nationale par habitant et consommation matérielle nationale par unité de PIB. Indicateurs n°12 et n°7 du PNPD 2014-2020 et indicateur FREC sous la forme « Réduire la consommation de ressources liées à la consommation française de 30 % entre 2010 et 2030 » et « recyclage de100 % de plastiques en 2030 » (INSEE. EUROSTAT) Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/010596190#Documentation https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/010596191 https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/010596192 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexe n° 5 : les indicateurs du service public des déchets Il n?existait à ce jour aucun recensement des objectifs chiffrés assortis d?une échéance qui ont été fixés par l?État (code de l?environnement ou programmation) pour le service public des déchets. Les juridictions financières se sont attachées à ce recensement. Comme indiqué dans le rapport, pour faciliter et simplifier le suivi de l?ensemble de ces objectifs, une partie d?entre eux représentatifs des autres doit être choisie afin de bâtir un tableau de bord annuel (indicateurs numérotés ci-dessous 1, 2, 10 et 23 surlignés en jaune) auxquels les juridictions financières recommandent d?ajouter deux indicateurs qui n?existent pas encore dans la réglementation : la quantité des OMR (Volume d?OMR par habitant en kg et par an) et la prévention (dépenses de prévention /coût total du SPGPD en %). Tableau n° 6 : les indicateurs généraux du service public des déchets Nos Objectifs Base juridique PRODUCTION 1 Production des DMA par habitant277 - 7% entre 2009 et 2014 -10 % en 2020 / 2010278 - 15 % en 2030 / 2010 279 Art. L. 541-1 1° c.envir TARIFICATION INCITATIVE 2 Couvrir 15 millions d?habitants en 2020 et 25 millions en 2022 10° de l?art. L. 541-1 code de l?environnement280 COLLECTE et TRI A LA SOURCE 277 Indicateur 1 du PNPD 2014-2020 et du PNGD 2019. Déchets ménagers collectés par habitant en année n ? déchets collectés en 2010) /déchets ménagers et assimilés en 2010 * 100 - Enquête collecte Ademe 278 Loi LTECV 279 Loi AGEC et ordonnance n°2020-920 du 29 juillet 2020 280 L?article 46 loi n°2009-967 de la loi de programmation Grenelle prévoyait déjà que La TEOM et la REOM doivent intégrer au plus tard en 2014 une part variable incitative. Axe 3 du PNGD 2019 « Étendre le déploiement de la fiscalité incitative (nombre de collectivités et population) » Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://partagejf.ccomptes.fr/sites/fcjpgdechets/02Synthese/07_CRPP/issu%20de%20l?ord.%202020-920%20-%20Directive%202008/98%20modifiée%202018/851 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ COUR DES COMPTES 130 Nos Objectifs Base juridique 3 Généralisation du tri à la source des biodéchets au plus tard au 31 décembre 2023 Art. L. 541-21-1 code de l?environnement281 4 Étendre à l?ensemble des emballages plastiques les consignes de tri avant 2022 (en millions de personnes) 5° de L. 541-1 code de l?environnement 5 Généralisation d'ici au 1er janvier 2025 de la collecte séparée pour les produits consommés hors foyer (corbeilles de tri). IV. de L. 541-10-18 6 Collecte bouteilles en plastique : 77% en 2025 et 90% en 2030 L. 541-10-11 du Code de l?environnement282 7 Atteindre 100% de collecte des emballages plastiques ménagers en 2025 Axe 4 PNGD 2019 8 Augmenter les quantités de bouteilles et canettes collectées dans le secteur des cafés, hôtels et restaurants (CHR) VALORISATION 9 Préparation en vue du réemploi et recyclage 55% en 2025 et 60% en 2030 et 65% en 2035 des DMA en masse 4 bis de L. 541-1 283 10 Quantité de DNDNI284 faisant l'objet d'une valorisation sous forme de matière, notamment organique : 55 % en 2020 et 65 % en 2025 4° de L. 541-1 11 Assurer en 2025 la valorisation énergétique d?au moins 70% des déchets qui auront fait l?objet d?une collecte séparée ou d?un tri et ne pouvant faire l?objet d?une valorisation matière 9° du I. de L. 541-1 12 Atteindre un tonnage de produits réemployés et. /ou de déchets préparés à la réutilisation de 4° art. L.541-1du code de l?environnement 281 Art. 22 directive (UE) 2018/851 et Axe 5 PNGD 2019. Art. L. 2224-16 du Code général des collectivités territoriales 282 Article 9 de la directive SUP (collecte séparée) 283 Issu de l?ord. 2020-920 - Articles 6 et 11 Directive 2008/98 modifiée 2018/851. Indicateur non chiffré axe 2 PNGD 2019. Directive 1994/62/CE : « Atteindre 50 % en 2025 et 55 % en 2030 de déchets d?emballages en plastique recyclé » 284 Les déchets non dangereux non inertes (DNDNI), mesurés en masse, recouvrent les DMA et les déchets d?activités économiques et excluent les déchets du BTP. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041989925 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ https://partagejf.ccomptes.fr/sites/fcjpgdechets/02Synthese/07_CRPP/règlement%20européen%20d?interdiction%20d?enfouissement%20des%20DMA%20collectés%20séparément ANNEXES 131 Nos Objectifs Base juridique l?équivalent de 5 % du tonnage de déchets ménagers en 2030285 13 Réduire de 50% les quantités de produits manufacturés non recyclables mis sur le marché (2020/2015) Art. 8° de L. 541-1 14 La mise sur le marché de certains produits ou matériaux peut être subordonnée à l?incorporation d?un taux minimal de matière recyclée II. art. L. 541-9 code de l?environnement 15 Tendre vers l?objectif de 100% de plastiques recyclés au 1er janvier 2025 4ter du I. de L. 541- 1286 16 Atteindre 400 000 tonnes de plastiques régénérés réincorporés en 2025 FREC avril 2018287 17 Intégrer 25% de matière recyclée dans les bouteilles en PET en 2025 et 30% (toutes bouteilles en 2030) Article 6 de la directive SUP 18 5% des emballages mis sur le marché sont des emballages réemployés en 2023, 10% en 2027288 I. 1° de L. 541-1 code de l?environnement 19 65 % de recyclage de l?ensemble des déchets de papiers gérés par le SPGD289 L. 541-10-1 code de l?environnement 20 Au 1/1 2030, les producteurs290, doivent justifier que les déchets des produits sont de nature à intégrer une filière de recyclage. Art L.541-9 code de l?environnement PREVENTION 285 Produits réemployés et/ou déchets préparés à la réutilisation / déchets ménagers et assimilés. Ademe - Observatoire du réemploi à venir (notamment D3E, textiles et éléments d?ameublements). 286 Stratégie européenne sur les matières plastiques dans une économie circulaire (01/18) et FREC p.3 et Axe 4 PNGD 2019 287 Stratégie de la Commission européenne sur les matières plastiques dans l?économie circulaire COM (2018) 28 final (Atteindre 10 millions de tonnes de plastiques recyclés incorporés dans de nouveaux produits dans l?Union européenne en 2025) 288 Unité de vente ou équivalent 289 Tonnage des papiers recyclés issus de la collecte sélective / tonnage total de papiers graphiques pris en charge par le SPGD. 290 Ceux qui mettent sur le marché au moins 10 000 unités de produits par an et réalisent 10 M¤ CA Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://partagejf.ccomptes.fr/sites/fcjpgdechets/02Synthese/07_CRPP/Stratégie%20européenne%20sur%20les%20matières%20plastiques%20dans%20une%20économie%20circulaire%20(01/18) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ COUR DES COMPTES 132 Nos Objectifs Base juridique 21 Interdiction des plastiques à usage unique : ventes sacs de caisse (1/1/2016), sacs d?emballage (1/1/2017), particules produits cosmétiques (1/1/2018), cotons tiges, vaisselle jetable, bouteilles d?eau plate (écoles), pailles, bâtonnets mélangeurs, gobelets et couvercles, plateaux-repas, pots à glace, saladiers (1/1/2020), fabrication/importation des sacs interdits à la vente, distribution gratuite des bouteilles (1/1/2021), sachets de thé non biodégradables, jouets dans restauration, suremballage des fruits et légumes frais, emballages presse et publicités, étiquette sur fruits et légumes, achat par l?État (1/1/2022), vaisselle jetable dans la restauration pour les repas servis sur place (1/1/2023), microplastiques médicaux (1/1/2024), contenants cuisson en cantines (1/1/2025) tous les emballage plastique à usage unique (2040) Art. L541-10-5 et L541-15-10 du code de l?environnement 291 22 Publication d?un indice de durabilité (1/1/2024) Art. L541-2 c.envir ELIMINATION 23 Quantités de déchets non dangereux non inertes admis en installation de stockage : - 30% entre 2010 et 2020 - 50% entre 2010 et 2025 7° art. L. 541-1 code de l?environnement292 24 Interdiction progressive de la mise en décharge des déchets non dangereux valorisable 7° art. L. 541-1 c.envir293 et décret du 16.09.2021 25 Réduire les quantités de DMA admis en installation de stockage en 2035 à 10% au plus du poids des DMA produits 7 bis art. L. 541-1 294code de l?environnement 291 Interdictions introduites par la directive SUP et transposées par la LTECV, modifiées en 2016, 2018 (loi ELIM) et 2020 (loi AGEC). 292 p. 3 FREC Axe 7 du PNGD 293 Règlement européen d?interdiction d?enfouissement des DMA collectés séparément 3 bis du 2. de l?article 5 de la directive 1999/31 concernant la mise en décharge des déchets 294 5. du 2 de l?article 5 de la directive 1999/31/CE Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://partagejf.ccomptes.fr/sites/fcjpgdechets/02Synthese/07_CRPP/règlement%20européen%20d?interdiction%20d?enfouissement%20des%20DMA%20collectés%20séparément https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ ANNEXES 133 Nos Objectifs Base juridique 26 Arrêt d?ici 2025 des unités d?incinération des ordures ménagères (UIOM) sans valorisation énergétique et renforcement de l?efficience des UIOM dont la valorisation énergétique est insatisfaisante Plan de réduction et de valorisation des déchets 2014-2020295 Tableau n° 7 : les indicateurs sectoriels (exemples) TEXTILES LINGES CHAUSSURES296 1 Atteindre un taux de collecte de 50 % du gisement mis en marché (soit 4,6 kg par habitant) en 2019 2 Atteindre un taux de valorisation matière (réutilisation et recyclage) de 95 % 3 Atteindre un maximum de 2 % de déchets éliminés (déchets ne faisant l?objet d?aucune valorisation). ELEMENTS AMEUBLEMENT MENAGERS 4 Atteindre un taux de collecte séparée en 2023 des DEA de 40 % des quantités d?éléments d?ameublement mis sur le marché 5 Un taux de recyclage et de réutilisation de 45 % sur la période 2018-2021 et de 50 % pour la période 2022-2023 des DEA collectés séparément 6 Mettre à disposition des acteurs de l?économie sociale et solidaire 1,5 % des DEA collectés à partir de 2021 pour ceux détenus par les ménages 7 Valoriser (réutilisation, recyclage et valorisation énergétique) en 2022 90 % des DEA collectés séparément des autres déchets EQUIPEMENTS ELECTRIQUES ELECTRONIQUES (EEE) 8 Atteindre un taux de collecte de 65 % des équipements électriques et électroniques mis sur le marché 9 Taux minimaux de recyclage et de valorisation pour les DEEE ménagers pris en charge DECHETS DE SOINS 10 Taux de collecte de 80 % en 2021297 295 Axe 2 du PNGD 2019 « Améliorer la valorisation énergétique des déchets » 296 Ademe : Déclarations des producteurs, y compris distributeurs et importateurs d?équipements destinés aux particuliers 297 Quantités collectées année N /moyenne des quantités mises sur le marché moyenne des quantités de produits mis sur le marché des années N et N-1. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 134 11 Taux de collecte d?au moins 3% / an tous DDS ménagers confondus (soit une collecte de 0,6 kg de DDS ménagers par habitant à fin 2024) 12 Taux de valorisation énergétique : 90 % des DDS ménagers 13 2024 - taux de valorisation matière de 5 % des tonnages de DDS ménagers collectés 14 Atteindre chaque année 45% de taux de collecte séparée de piles et accumulateurs portables par rapport aux mises sur le marché 15 Taux de recyclage poids moyen des piles et accumulateurs portables : 65% (plomb-acide), 75 % (nickel-cadmium) et 50 % (autres) Source : Cour des comptes, à partir du tableau de suivi préparé par la DGPR et communiqué dans le cadre de l?instruction ? Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 135 Annexe n° 6 : les indicateurs des filières à responsabilité élargie du producteur (REP) Les éco-organismes sont agréés par l?État pour une durée maximale de six ans renouvelable, sous réserve de répondre aux exigences d?un cahier des charges établi par filière et fixé par arrêté interministériel. Ces arrêtés leur fixent des missions, mesurées par l?atteinte d?objectifs précis et cohérents avec les objectifs nationaux298. Des sanctions sévères sont prévues299 en cas de non-respect de ces objectifs. L?ADEME publie chaque année un Mémo des filières REP qui reprend de façon groupé les résultats des 14 principaux indicateurs ci- dessous pour chacune des filières. Comme indiqué dans le rapport, pour faciliter et simplifier le suivi de l?ensemble de ces objectifs, une partie d?entre eux représentatifs des autres, doit être choisie afin de bâtir un tableau de bord annuel (indicateurs numérotés ci-dessous 2, 4, 9, 10 et 11 surlignés en jaune) auxquels les juridictions financières recommandent d?ajouter un indicateur qui n?existent pas encore dans la réglementation : la prévention (dépenses de prévention/CA des éco-organismes (en %). Tableau n° 8 : objectifs-indicateurs du « mémo des filières REP » N° Thèmes Formulations techniques 1 Production Mise sur le marché de produits assujettis en milliers de tonnes 2 Gisement de déchets calculé en milliers de tonnes 3 Collecte Collecte séparée en milliers de tonnes 4 Taux de collecte séparée ou taux de collecte séparée apparent pour valorisation 5 Valorisation (matière et énergétique) en milliers de tonnes 6 Taux de valorisation par rapport aux tonnages collectés séparément Recyclage (dont réutilisation) en milliers de tonnes 298 II de l?article L. 541-10 du code de l?environnement 299 Article L. 541-9-6 du code de l?environnement (amende administrative limitée à 10 % des charges annuelles relatives à la gestion des déchets). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/4832-memo-rep-2021.html https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041599099/2021-01-01 COUR DES COMPTES 136 N° Thèmes Formulations techniques 7 Taux de recyclage par rapport aux tonnages collectés séparément 8 Taux de recyclage par rapport au gisement ou aux mises sur le marché 9 Quantités réellement réemployées et réutilisées en milliers de tonnes300 10 Élimination Élimination en milliers de tonnes 11 Financement incitatif Produits mis sur le marché soumis à une éco- modulation en pourcentage (bonus et malus) 12 Financement Montant total des écocontributions perçues par les éco-organismes en millions d?euros 13 Montant total des coûts opérationnels des éco organismes en millions d?euros 14 Montant total des soutiens reversés aux collectivités (opération et communication) en millions d?euro Source : Cour des comptes 300 En ?unités de vente ou équivalent unités de vente? pour le suivi des objectifs des filières équipements électriques et électroniques, des textiles et des éléments d?ameublements Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 137 Annexe n° 7 : comparaisons internationales Selon Eurostat, la production des déchets municipaux en France à 582 kg en 2019 par habitant est supérieure à la moyenne européenne (487 kg/habitant). Les fortes disparités existantes au sein de l?UE apparaissant dans la carte ci-dessous reflètent le lien entre activité économique (Danemark, Allemagne, Luxembourg) et touristique par habitant (Chypre, Malte) et la production de déchets par habitant. Carte n° 2 : déchets municipaux produits par habitant en Europe en 2018 (hors déblais et gravats) Source : Eurostat Le découplage de la croissance économique et de la production de déchets est donc un des enjeux principaux de la politique de prévention et Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 138 gestion des DMA. L?augmentation de la part des déchets à recycler constitue un autre défi commun à l?ensemble de ces pays en vue des objectifs européens de recyclage de 60 % à horizon 2030. Il implique de diminuer la part des déchets recyclables qui se trouvent encore dans les OMR. Les comparaisons internationales ci-dessous ont été choisies en raison des succès de ces pays dans les domaines suivants : un taux de recyclage des déchets municipaux proche ou supérieur à 50 % (cible européenne pour 2020). l?élimination de la mise en décharge par orientation vers le recyclage et l?incinération à valorisation énergétique301 rendus plus attractifs que les autres modes de traitement par la mise en place d?une taxe pour la mise en décharge, par l?interdiction directe (Allemagne) ou indirecte (Autriche) d?enfouissement des déchets non traités et par l?interdiction d?incinérer et d?enfouir les déchets ayant fait l?objet d?une collecte séparée (Pays-Bas) ; la responsabilité opérationnelle des producteurs d?emballages pour le tri et la valorisation : Allemagne, Flandre, Pays-Bas ; les systèmes de consigne (Allemagne, Pays-Bas, Suède). Allemagne ? Production : L?Allemagne est le 3ème plus important producteur de déchets par habitant en Europe. Le recyclage est le principal mode de traitement des déchets municipaux (68 %)302. L?incinération s?élève à 30 %. ? Gouvernance : La responsabilité de la gestion des déchets est partagée entre le gouvernement national, les Länder et les autorités locales. Ces dernières sont en charge de l?élimination des déchets municipaux (294 arrondissements ? Landkreise et 110 grandes villes). Les collectivités déterminent chacune leur système de collecte et le montant des redevances dans le cadre des objectifs de planification arrêtés par les 301 La directive décharge 31/99 CE du 26 avril 1999 marque une étape décisive dans la mise en oeuvre de l?évitement de la mise en décharge. 302 La mise en oeuvre des nouvelles règles européennes statistiques de comptabilisation des déchets municipaux devrait dégrader le classement allemand qui devrait cependant rester supérieur à 50 %. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 139 Länder303. À l?exception d?objectifs de recyclage pour les emballages, peu d?objectifs quantitatifs ont été fixés au niveau fédéral. À l?inverse de la France, les éco-organismes des emballages sont tous « opérationnels »304. ? Collecte : 70 % de la population est concernée par une collecte séparée des biodéchets. Il reste des progrès à faire notamment dans les grandes villes (exemple de Berlin)305. La consigne pour les emballages de boissons à usage unique mise en place depuis 2003 est un dispositif obligatoire : lors de l?achat dans les magasins de détail, le consommateur doit s?acquitter d?un « pfand » de 25 cts (une consigne) qui est remboursée lorsque l?emballage est restitué dans les réceptacles automatiques prévus à cet effet dans les magasins (qui absorbent la bouteille et la compactent). ? Valorisation et élimination : L?Allemagne a atteint un très faible niveau de mise en décharge (1 %) sans passer par une taxe, contrairement à ses voisins européens, mais en interdisant la mise en décharge de déchets préalablement non traités306, et en imposant la collecte séparée des bio déchets et du papier dès le début des années 90. Les DMA sont soit incinérés, à un coût très élevé (100 ¤ la tonne pour les déchets municipaux), soit recyclés. De par cet effet prix, collecter les déchets en flux séparés coûte moins cher que de collecter des déchets mélangés qui devront être traités puis incinérés307. Fruit de plusieurs décennies de politique orientées dans la même direction, le geste de tri et l?incinération avec valorisation énergétique sont aujourd?hui largement acceptés en Allemagne308 (environ 70 U.V.E. sur le territoire avec une capacité de 303 À titre d?exemple, dans le Land de Hessen, les autorités locales en charge de la gestion des déchets doivent, en application des objectifs de planification arrêtés dans la loi d?application régionale « hessische Ausführungsgesetz zum Kreislaufwirtschaftsgesetz », diminuer les quantités d?ordures ménagère résiduelles en deçà d?une quantité cible 150 kg/an/habitant d?ici 2025. Cet objectif est valable tant en secteur à dominante urbaine qu?en secteur plutôt rural. 304 Voir définition de ce terme dans la note de bas de page de l?annexe sur les éco- organismes 305 Source : entretien avec M. Jaron, chef de la division Économie circulaire au ministère de l?environnement allemand. 306 Depuis 2005, ne peuvent être stockés que les déchets ayant fait l?objet d?un prétraitement en installations de traitement mécano-biologique ou en incinérateurs (résidus de ce traitement) ou les déchets inertes. 307 À l?inverse de la situation française par exemple où les collectivités indiquent que la collecte séparée peut représenter un coût trop élevé. 308 Le rapport de l?Agence européenne de l?environnement datant de 2009 sur la mise en oeuvre de la directive ?Décharge (« Diverting waste from landfill, effectiveness of Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 140 18,8 Mt309? à comparer aux 125 unités en France avec une capacité de 15,6 Mt310). L?Allemagne présente un taux de recyclage de 46 % des emballages en plastique, supérieur à celui de la France (26 %) et 98 % des emballages de boissons en plastiques. Autriche ? Production : 570 kg/habitant (supérieure à la moyenne européenne). ? Gouvernance : elle est répartie entre le gouvernement fédéral et les provinces. ? Prévention : L?Autriche est considérée avec la Flandre comme l?un des pionniers pour la mise en place de réseaux de réutilisation offrant des biens d?occasion de qualité. L?initiative la plus importante, « Repanet » est un réseau de réparation et de réemploi, principalement le textile et les équipements électroniques, qui regroupe 27 organisations employant 1 800 personnes dans 140 lieux. ? Collecte : L?Autriche a mis en place une collecte séparée des déchets « biogéniques » et des emballages en papier dès 1992, accompagnée de mesures visant à réglementer la qualité du compost afin d?assurer sa compétitivité311. 22 % des DMA faisant l?objet d?une collecte séparée sont des bio déchets (hors compost au domicile ou communautaire) valorisés au sein de sites de compostage agricoles, municipaux ou commerciaux312 ou au sein de sites de méthanisation. Dans les zones fortement urbanisées, comme Vienne, les déchets collectés ne sont pas de qualités suffisantes pour pouvoir être compostés. ? Valorisation et élimination : L?Autriche a élaboré une stratégie d?élimination de la mise en décharge qui repose sur une double approche d?interdiction pour les déchets non traités, biodégradables et organiques waste-management policies in the EU ») souligne l?importance de l?acceptation publique en matière de traitement de déchets. 309 Cf. Wilts Henning et Von Gries Najda, Europe?s waste incineration capacity in a circular economy, ICE proceedings, mai 2015 310 Ademe. Le traitement des déchets ménagers et assimilés en 2018, Exploitation des données de l?enquête sur les installations de traitement des déchets ménagers et assimilés en France en 2018, Décembre 2020 311 Agence européenne de l?environnement. Municipal Waste management in Austria, Février 2013. 312 Fertilisant pour les espaces verts, cimetières, etc. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://ec.europa.eu/environment/eir/pdf/report_at_en.pdf ANNEXES 141 (ce qui comprend le plastique) et de taxation. Selon la Commission européenne313, l?Autriche fait partie des États les plus performants : le taux de mise en décharge est parmi les plus faibles de l?UE (2 %), le taux de recyclage à 58 % en 2018 dont 33 % de compostage314 est le plus élevé de l?UE, derrière l?Allemagne. À compter de 2004, et graduellement jusqu?en 2008, la mise en décharge des déchets non traités a été interdite pour les biodéchets et les déchets plastiques315. L?Autriche a également adopté une taxe sur la mise en décharge des déchets, moins élevée pour les installations à la pointe de la technologie afin de moderniser les sites. Malgré la diminution du revenu de la taxe, elle a été maintenue. La situation autrichienne montre une très forte corrélation entre l?augmentation des taxes et l?interdiction du stockage et la diminution des déchets effectivement enfouis. Les emballages plastiques ménagers et commerciaux sont couverts par une filière REP. En cas de chute du prix de la matière recyclée, les éco-organismes doivent compenser en augmentant les prix versés aux collectivités territoriales collectrices. En 2015, le taux de recyclage des emballages plastiques s?élevait à 34 % pour un taux européen de 67,5 %. Belgique ?Flandre ? Production : 490 kg/hab. (-10 % sur dix ans) ? Gouvernance : En Belgique, les questions environnementales relèvent des régions. S?agissant de la Flandre, c?est l?OVAM (Agence publique des déchets de Flandre) qui définit les objectifs définit et les règles communes obligatoires (p. ex. le nombre de flux faisant l?objet d?une collecte séparée, la fréquence des collectes) pour les 300 municipalités en charge de la gestion opérationnelle des déchets. La politique de gestion des déchets en Flandre remonte au début des années 1980. Depuis lors, tous les quatre ou cinq ans, l?OVAM adopte de nouveaux 313 Commission européenne. The environmental implementation review 2019 ? country report Austria, avril 2019. 314 L?Autriche présente par ailleurs le plus haut niveau de recyclage en Europe s?agissant des déchets organiques. 315 Cette interdiction s?applique aux déchets présentant un taux de COT (« Carbone organique total ») supérieurs à 5 %. Ce seuil revient à interdire la mise en décharge des déchets plastiques. Le carbone atome caractéristique des matières vivantes est également à la base du pétrole et donc des matériaux en plastique. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 142 plans et en assure le suivi et l?accompagnement316. La gouvernance du système ne repose pas sur une approche coercitive mais d?une part sur une coopération de long terme entre les municipalités et l?OVAM, cette dernière accompagnant les autorités locales techniquement et financièrement et d?autre part sur un système transparent de publication des résultats (« naming and shaming 317»). ? Prévention : Des réseaux de réemploi / seconde main sont installés dans chaque municipalité ou centre commun à plusieurs municipalités voisines, avec des objectifs fixés en termes de biens réutilisés en kg par habitant. ? Collecte : Les tarifs payés par le citoyen pour les collectes séparées sont plus faibles que pour les OMR318. Les déchets organiques (déchets verts d?un côté et fruits et légumes d?un autre côté) font également l?objet d?une collecte séparée depuis 1991. La Flandre ne dispose pas de système de consigne pour la collecte des bouteilles en plastique. ? Valorisation et élimination : D?après la Commission européenne, la Belgique, particulièrement la Flandre319, figure parmi les pays les plus performants avec un taux de recyclage de 54 % en 2017. La Belgique a mis en place à la fois l?une des taxes les plus élevées en Europe et une interdiction de l?enfouissement garantissant que le coût de la mise en décharge (1 % en 2018) est supérieur à celui de l?incinération qui doit- être lui-même supérieur au coût du recyclage. La Belgique présente un taux de recyclage de 55 % et un taux d?incinération de 44 % et pour les emballages de 80 % (le plus haut niveau en Europe). Les emballages plastiques non recyclables font l?objet d?un malus très élevé. Dans le système REP, les producteurs restent propriétaires de la matière sur le marché jusqu?au stade du déchet et doivent investir dans les centres de tri et dans les capacités de recyclage nécessaire pour faire face à 316 OVAM. Implementation plan for household waste and comparable industrial waste- summary 317 Cette locution anglaise (litt. « nommer et couvrir de honte »), pouvant être traduite par l?expression française « mise au pilori », désigne ici le fait de déclarer publiquement les mauvais résultats d?une municipalité. 318 Concernant les collectes séparées, les municipalités peuvent fixer les tarifs, à l?exception du papier/cartons qui n?est pas taxé, compte tenu de la valeur recyclable. 319 La Flandre est la région la plus peuplée de Belgique avec 6,6 millions d?habitants sur un total de 11,5 millions et compte une densité de population élevée de 489 habitants au mètre carré. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 143 l?extension des emballages collectés320. La prise en charge totale de la filière REP emballages se réalise à coût zéro pour les collectivités et donc les contribuables (système Fost+). Dans son plan 2016-2022, l?office de gestion des déchets de Flandres (OVAM) impose des cibles chiffrées aux municipalités en matière d?OMR, de réemploi et de déchets abandonnés. Ce programme est fondé sur une approche en « clusters » de municipalités avec déclinaison d?objectifs locaux. Les municipalités sont regroupées en 16 groupes de municipalités à profil socio- économique similaire ou « clusters » (le profil prend en compte notamment le type d?habitat, l?intensité de l?activité économique et le dynamisme démographique321). Chacun de ces 16 clusters se voit attribuer 11 objectifs chiffrés spécifiques. Pour les OMR, les objectifs chiffrés sont compris entre 116 kg par habitant pour les municipalités les plus rurales et 258 kg/habt pour les municipalités touristiques. Carte n° 3 : déclinaison des objectifs de réduction des OMR à horizon 2022 par « clusters » de municipalités Source : OVAM (Agence flamande pour l?environnement). Implementation plan for household waste and comparable industrial waste, 2017-2022. 320 L?entreprise flamande Eco-oh (https://www.eco-oh.com/fr/groupe-eco-oh) recycle 22 000 tonnes par an d?emballages plastiques mixtes soit l?équivalent de la production de déchets de 2,5 millions de flamands. L?entreprise recycle les déchets plastiques et soit les vend déjà transformés aux fins d?application industrielle soit les transforme au sein d?usine en objets plastiques dits « design ». 321 Exemple de groupes de municipalités : municipalités côtières, grandes villes, municipalités à fort taux d?urbanisation et à faible revenu, villes moyennes, métropoles avec activités tertiaires? Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.eco-oh.com/fr/groupe-eco-oh COUR DES COMPTES 144 Pays-Bas ? Production : 511 kg par habitant en 2017, ce qui reste supérieur à la moyenne européenne mais représente une baisse de 15 % sur dix ans. ? Gouvernance : Elle est recentralisée depuis 1996 par transfert de la responsabilité du niveau des provinces au niveau du gouvernement central. Le ministère de l?environnement est chargé élaborer tous les six ans le plan national de gestion des déchets. Les municipalités sont chargées de la collecte des déchets ménagers sur leur territoire. ? Valorisation et élimination : Le taux de recyclage des DMA est parmi les plus élevés en Europe et le taux de mise en décharge l?un des plus bas (inférieur à 1 %). Avec un taux de 56 % (2018) parmi les plus élevés de l?UE (moyenne européenne à 48 %), les Pays-Bas ont dépassé dès 2013 la cible européenne de recyclage de 50 % des déchets municipaux prévue pour 2020. L?incinération de déchets municipaux atteint 43 %. La mise en décharge est parmi les plus basses d?Europe (1 %), bien en- deçà de la moyenne européenne à 24 %, du fait de l?effet combiné des interdictions et taxes pesant sur les mises en décharge. En 1995, le gouvernement a en effet pris un décret interdisant la mise en décharge de 35 catégories de déchets incluant les OMR et les déchets organiques. Une taxe sur la mise en décharge a également été introduite la même année et a augmenté jusqu?en 2010 afin de rendre l?incinération et le recyclage financièrement plus attractif que la mise en décharge. La taxe néerlandaise devient alors la plus élevée d?Europe (107,5 ¤ par tonne). Deux ans plus tard, le gouvernement décide sa suppression, le faible niveau de mise en décharge ne justifiant plus son existence et la taxe ayant rempli son objectif. Suède ? Production : 443 kg/habitant (4,5 Mt) ? Collecte : Le système de consigne permet de collecter et recycler environ 90 % des canettes en aluminium et bouteilles PET. La Suède a introduit ce dispositif pour les canettes dès 1984 (0,10 ¤ par canette), puis sur les bouteilles plastiques PET en 1994 (entre 0,10 ¤ et 0,20 ¤). Plus de 75 % des 290 communes suédoises proposent désormais un bac spécial aux ménages pour collecter leurs déchets alimentaires. Les ménages peuvent bénéficier, à proportion de leur tri sélectif, d?une réduction non Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 145 harmonisée de leur redevance annuelle communale de traitement des déchets. ? Valorisation et élimination (données 2018) : 50 % des déchets ménagers suédois sont aujourd?hui incinérés, 35 % sont recyclés (taux en-dessous de pays comme l?Allemagne), et 15 % font l?objet d?un traitement biologique. Les pays nordiques dans leur ensemble poursuivent une politique à l?égard des DMA qui visent à un équilibre 50 % recyclage / 50 % combustion. La mise en décharge des déchets ménagers ne subsiste plus qu?à l?état résiduel (0,7 %) à la suite de l?introduction d?une taxe sur la mise en décharge des déchets. Le recours accru à l?incinération des déchets non organiques représente aujourd?hui 20 % de l?énergie utilisée par les réseaux urbains de chaleur qui approvisionnent en chauffage 92 % des appartements suédois et a contribué à la disparition des combustibles fossiles du secteur du chauffage en Suède. Cette politique conduit les communes suédoises à importer des déchets frontaliers pour alimenter en continu leur réseau et amène des inquiétudes dans l?opinion publique sur les rejets des polluants dans l?atmosphère. La Suède opère la méthanisation des déchets organiques pour produire du biocarburant pour les transports en commun. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexe n° 8 : les déchets en matière plastique Le plastique est léger, polyvalent, adapté à l?automatisation et difficilement remplaçable pour la protection des produits de consommation et leur distribution. C?est pourquoi, les 359 millions de tonnes (2018) de plastiques produits chaque année dans le monde, qui représentent 4 à 6 % de la consommation annuelle mondiale de pétrole (350 Md$)322, ont des usages très divers et sont notamment utilisés323 pour les emballages tels que les pots de yaourt ou les bouteilles d'eau (40 % de la consommation européenne de plastiques et plus de 60 % des déchets plastiques), le BTP (20 %), l?industrie automobile (10 %), les appareils électriques et électroniques (EEE) (6 %)324. L?utilisation de ce matériau est en pleine expansion depuis 1950 avec un doublement de la demande depuis 2000, aujourd?hui tirée par les pays en voie de développement qui consomment encore 20 fois moins de plastique que les pays de l?OCDE. Le développement de la consommation d'aliments et de boissons « à emporter » favorise l?essor des plastiques à usage unique. Un "pic du plastique" pourrait cependant être atteint en 2027 selon les experts325, avec une croissance de la demande qui passerait ensuite de 4 % à moins de 1 % par an. 322 Le commerce mondial des plastiques représente 1 000 milliards de dollars par an soit 5 % du commerce global de marchandises. https://unctad.org/fr/news/nouvelle- etude-le-commerce-mondial-du-plastique-depasse-de-40-les-evaluations-precedentes 323 CGEDD et CGEIET Les filières de recyclage de déchets en France métropolitaine, Rapport conjoint, janvier 2020. 324 Les déchets d'équipements électriques et électroniques DEEE sont constitués pour 20 % de plastique. 325 ?The Future?s Not in Plastics: Why plastics demand won?t rescue the oil sector?. 4 septembre 2020. Carbon tracker think tank Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.economie.gouv.fr/cge/filieres-dechets-recyclage COUR DES COMPTES 148 Externalités négatives des déchets plastiques Les effets des matières plastiques sont significatifs sur le réchauffement climatique (l?équivalent du fonctionnement de 189 centrales à charbon326), la biodiversité327, la consommation d?eau et d?énergie, la santé et indirectement sur l?économie pour des activités telles que le tourisme, la pêche328 et le transport maritime. L?ensemble de ces externalités négatives du plastique est évalué financièrement à 1 000 dollars par tonne. Les trois-quarts des déchets plastiques (6,3 milliards de tonnes) sont rejetés dans les milieux naturels329 dont entre 4,8 et 12,7 millions de tonnes de déchets plastiques déversées chaque année dans les océans (les rejets européens représente l?équivalent chaque minute du contenu d?un camion poubelle jeté en mer330). Qualifié de « continent » ou de « soupe », les déchets plastique en mer se décomposent en microplastiques, (fragments de moins de 5 mm), entrent dans la chaîne alimentaire via les organismes marins, l?air et l?eau potable. Sans que l?on connaisse encore l?effet sur la santé humaine, on constate qu?un être humain ingère en moyenne chaque 326 5 tonnes de CO2 émises par tonne de plastique produite. Centrales à charbon de 500 mégawatts en tenant compte des différentes étapes du cycle des plastiques : (extraction, transport, fabrication, gestion de la fin de vie des déchets), le bilan carbone des plastiques représenterait 860 Mt de CO2 par an. En 2050, l?industrie plastique pourrait représenter 10 à 15 % des émissions mondiales de CO2. Sénat Pollution plastique : une bombe à retardement décembre 2020 327 Une méta-analyse récente a estimé à 2 249 le nombre de plantes, d?animaux et de microbes affectés par la pollution plastique à l?échelle mondiale. 328 1 % des recettes des captures réalisées de la flotte de l'Union européenne. 329 Les 8,3 milliards de tonnes de plastiques fabriquées depuis 60 ans n?ont été pris en charge qu?à hauteur d?un quart (9 % ont été recyclées, 12 % incinérées). Si rien n?est fait 12 milliards de tonnes de déchets plastiques pourraient leur être ajoutées d?ici 2050. Ce phénomène de rejet dans les milieux naturels concerne peu l?Europe : 83 % des plastiques dans les océans viennent de 20 pays dont aucun situé en Europe et selon les données de l?Ademe et une extrapolation des enseignements issus du rapport WWF, en France, plus de 98 % des emballages ménagers sont collectés. Production, use, and fate of all plastics ever made. Science Advances Roland Geyer1, Jenna R. Jambeck and Kara Lavender Law Vol. 3 n°7 19 juillet 2017 330La tendance est anticipée à la hausse jusqu?en 2100 au moins. (UE : 150 000 et 500 000 tonnes par l?Union européenne) Jambeck, Jenna R. et al., « Plastic waste inputs from land into the ocean », Science, volume 347, Février 2015 et Study to support the development pf measures to combat a range of marie litter resource Eunomia report for European Commission Janvier 2016 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.senat.fr/espace_presse/actualites/202012/pollution_plastique.html https://www.senat.fr/espace_presse/actualites/202012/pollution_plastique.html ANNEXES 149 semaine l?équivalent du poids d?une carte de crédit331, que l?on retrouve notamment dans le placenta des femmes enceintes332. La contrainte technique du recyclage des plastiques Les objectifs fixés en matière de recyclage des déchets plastiques, en général (« tendre » vers 100 % de plastique recyclé au 1er janvier 2025) ou pour le cas particulier des emballages (20 % de réduction des emballages plastique à usage unique mis sur le marché pour les cinq prochaines années 2021-2025) semblent hors d?atteinte au regard du rythme de réduction actuel. Les progrès du recyclage des plastiques sont en effet entravés par certaines contraintes de cette matière : ? La variété des plastiques (résines ou polymères) implique pour chacun une filière de recyclage spécifique. Les résines utilisées sont nombreuses (une cinquantaine parmi lesquelles cinq principales333 : voir tableau ci- dessous). 331 Soit cinq grammes de plastique ?Assessing plastic ingestion from nature to people WWF, Dalberg and the university of Newcastle Australia juin 2019 (Soit cinq grammes de plastique constitués de 52.000 microparticules de plastique par an, 121.000 si l?on prend en compte la pollution de l?air). 332 Revue Environment International. Janvier 2021 Plasticenta : First evidence of microplastics in human placenta. Antonia Ragusa 333 Les emballages sont cependant constitués pour 90 % des cinq principales résines, dont la moitié sont déjà recyclable., Les 598 000 tonnes de déchets recyclées sont essentiellement du PET et du PEHD (61 % de ces deux matières sont recyclés). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 150 Tableau n° 9 : les 5 principales variétés de plastiques334 Variétés de plastique et part de marché en Europe Utilisation primaire Possibilités de recyclage et débouchés335 Polytétraphtalate d?éthylène (PET) 7,9% Bouteilles boissons et détergents Facile (40% du gisement) : retour possible au contact alimentaire (p. ex. nouvelles bouteilles). 336 Polyéthylène (PE) Haute (PEHD) et basse intensité (PELD/PEBD) 29,8% Bâtiment, films alimentaires, barquettes, jouets bouchons, bouteilles de lait, flacons pour la cosmétique, sac, pots de glace Possible : sacs poubelles, flacons de détergent, mobilier urbain, stylos, tuyaux, automobile? Polypropylène (PP)19,4% Automobile, EEE, emballages alimentaires, masques et tissus Difficile. Pas de retour possible à l?alimentaire. Polystyrène (PS) expansé et autres 6,2% Protection des appareils, emballages alimentaires (comme les pots de yaourt, barquettes), EEE Difficile. Pots de yaourt (4 %) : béton allégé, rembourrage, boites, cintres, pots de fleurs Polychlorure de vinyle (PVC) 10% Surtout bâtiment : canalisation, fenêtres, sols et murs et aussi blisters et automobile Moyen. Fenêtres, canalisations, sols, tuyaux, meubles de jardin Autres résines complexes (PUR, thermoplastiques, ?) 26,7 % Optique, télécommunications, médical, isolation Très difficile Source : Cour des comptes ? La complexité des usages : S?ajoutent à la variété des résines une complexification supplémentaire due au marketing (bouteilles d?eau de couleur), aux additifs chimiques polluants (p. ex. DEEE), aux combinaisons de matériaux impossibles à séparer dans la phase de recyclage337 et à la décontamination obligatoire des plastiques recyclés 334 La nouvelle grille tarifaire en vigueur sur les mises en marché 2020 distingue 7 catégories d?emballages. 335 La couleur exprime le degré de facilité technique du recyclage 336 On parle de boucle fermée du recyclage lorsqu?un type de plastique (le PET clair des bouteilles par exemple) permet de produire à nouveau des contenants eux-mêmes recyclables. 337 P. ex. aluminium et plastique dans les sacs de chips et de barres chocolatées et les blisters de médicaments, carton et plastique dans les boîtes de pizza. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 151 utilisés pour un usage alimentaire. Ni les nouvelles résines ni les nouveaux usages ne font pas l?objet d?études d?impact de recyclage préalables. ? Les contraintes du tri : Le recyclage est principalement mécanique (transformation des déchets plastique en matières premières secondaires ?granulats338- sans changer la structure chimique de la matière) et pour l?instant plus marginalement chimique (retour aux composants chimiques de base équivalent à la qualité de la matière vierge). Les différents types de plastiques fondant à différentes températures, un tri précis est nécessaire. Les plastiques d?emballage non triés ne peuvent produire que des produits grossiers tels que des plaques ou des canaux ou, après broyage, des carburants secondaires pour la production d?énergie dans l?industrie. ? L?altération progressive de la structure, de la qualité visuelle (transparence) et des qualités sanitaires du plastique par les opérations successives de recyclage. Un à trois recyclages pour une bouteille qui deviendra un « polaire » avant de devenir définitivement un déchet. ? La taille : Les produits qui ne seront jamais recyclables car trop petits ou trop techniques (sachets de thé, papier bonbon, petit emballage). Un emballage de fromage à la coupe de 10?microns contient six couches de différents plastiques. ? Les pertes en ligne dans le recyclage : en raison des liquides, adhérences, matières qui compromettent la pureté (pour certains plastiques, 20 à 30 %). ? Le manque de maturité de la filière : La plasturgie française reste un secteur atomisé339, faible en investissement, et spécialisée par résine. Au sein de ce secteur, les filières françaises de recyclage sont prises en étau entre, en amont, les chaînes de collecte et de tri, aux coûts et volumes de production rigides, et en aval, les utilisateurs de plastiques qui comparent le prix du recyclé au cours fluctuant des matières vierges. Ces PME du recyclage sont cependant progressivement acquises par des grands 338 41 000 tonnes des granulés sont perdues dans la nature chaque année, soit l'équivalent de 11,5 milliards de bouteilles en plastique. 339 4 000 PME et TPE dont 56 % de 1 à 9 salariés et 1/3 d?entreprises indépendantes 130 000 salariés et 30 Md¤ et faibles capacités industrielles (20-40 000 tonnes/an) Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 152 groupes, qui veulent maîtriser leur approvisionnement en produits recyclés et s?assurer une intégration verticale340. ? La sensibilité du plastique recyclé au cours des matières premières vierges (prix du pétrole) : Si certains plastiques sont recyclables « en théorie », leur coût comparé avec le plastique vierge est prohibitif (du simple au double), expliquant la faible demande de matières plastiques recyclées de 6-7 % en Europe341. Les plastiques recyclés issus des PEHD peinent à trouver preneurs aujourd?hui tandis qu?à l?inverse la demande de PET est très forte (annonce marketing de contenants 100 % recyclés) provoquant des prix spéculatifs. Les nouvelles pistes pour prévenir et gérer les déchets plastiques ? La taxe européenne sur les emballages plastiques non recyclés Une taxe européenne de 800 euros par tonne de déchets d'emballages plastiques non recyclés est instituée depuis le 1er janvier 2021342 et doit être versé du budget national vers le budget européen La France pourrait ainsi être le 1er ou le 2e plus gros contributeur d?Europe (1.2?Md¤ inscrit en LFI 2021) en raison du poids d?emballages plastiques qu?elle met sur le marché et des faibles taux de recyclage. Lorsque la France disposera d?une REP sur les emballages ménagers et industriels à partir de 2025, cette taxe sera répercutée avec un faible taux sur de nombreux assujettis (fabricants, metteurs en marché et importateurs puis éco-organismes) à partir de 2025. ? La consigne des bouteilles Dans ce système, qui permet d?obtenir des matières de meilleure qualité, plus facilement valorisables, le consommateur doit s?acquitter, au moment de l?achat, d?une somme consignée ? qui majore le prix de vente. Cette somme lui est remboursée, sous forme monétaire ou de bons d?achat, quand il rapporte son emballage vide pour qu?il soit recyclé. Selon l?ADEME, la trajectoire de collecte des bouteilles en plastique pour boisson (autour de 57 % aujourd?hui, 71,5 % en 2025 et 78,9 % en 340 Un géant mondial du soda est actionnaire à 50 % de PlastikPack, le n°1 européen de la régénération du plastique. 341 Les acteurs économiques et l?environnement, édition 2017 Insee références 342 Réunion extraordinaire du Conseil européen (17, 18, 19, 20 et 21 juillet 2020). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 153 2030) ne permettra pas d?atteindre l?objectif européen de 90 % en 2030343. Les régions rurales atteindraient cet objectif, mais les régions urbaines (10 % de collecte seulement aujourd?hui dans les villes de Paris et Marseille) n?y parviendront vraisemblablement pas sans la mise en place de la consigne ou d?autres mesures ambitieuses et contraignantes. Tableau n° 10 : taux de recyclage des emballages plastiques En % 2017 2018 2019 2020 Bouteilles et flacons 55,6 58,3 56,6 54,7 Autres emballages plastiques 3,9 4,2 6,2 7,5 Source : Cgefi Dans les États membres qui l?ont mise en place344, la consigne a fait la preuve de son efficacité avec un taux de collecte en moyenne de plus de 80 % des bouteilles en PET, contre une moyenne de 58 % dans l?ensemble de l?UE345. La loi AGEC a renvoyé pour sa part cette option à 2023 si l?analyse des performances de collecte et de recyclage issue du rapport annuel de l?ADEME confirme que l?objectif 2030 de 90 % ne sera pas atteint346. D?ici là, divers tests de consigne sont mis en place347et l?ensemble des parties prenantes concernées sont associées à la réflexion pour mettre en balance avantages mais aussi inconvénients 348. Une disposition de la loi AGEC349 institue par ailleurs un dispositif de reprise obligatoire par les distributeurs des produits usagés relevant d?une REP. ? La communication pédagogique à l?égard du public 343 Dont 77 % des bouteilles en PET dès 2025 - Directive européenne sur les plastiques à usage unique dite « directive SUP (single-use-plastic) UE n° 2019/904 du 5 juin 2019. 344 Danemark, Estonie, Pays-Bas, Allemagne, Croatie, Lituanie, Finlande et Suède. Hors UE : Norvège et Islande. 345Cf. annexe sur les comparaisons internationales et Cour des comptes européennes. Les mesures prises par l?UE pour lutter contre le problème des déchets plastiques, 2020. 346 Art. L. 541-10-11.-I code de l?environnement. L?article 9 de la directive sur les plastiques à usage unique n?oblige pas à recourir à la consigne mais la cite comme possibilité. 347 420 automates CITEO donnant 1 ou 2 centimes d?euros par bouteille triée, bouteilles contre places de cinéma dans l?habitat social d?Argenteuil. 348Confusion pour le citoyen avec les instructions qu?il a reçues depuis 20 ans de mettre les bouteilles en plastique dans la poubelle jaune, crainte des collectivités locales des pertes de recettes associées à la revente des bouteilles et à la surcapacité des centres de tri sans soutien compensatoire de l?éco-organisme. 349 Article L. 541-10-8 du code de l?environnement Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/RW20_04/RW_Plastic_waste_FR.pdf https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/RW20_04/RW_Plastic_waste_FR.pdf COUR DES COMPTES 154 En dépit des documents pédagogiques et des efforts d?explication proposés par l?ADEME350, les médias et nombre d?acteurs publics et privés, les citoyens ne sont pas en mesure de savoir quelle attitude écoresponsable choisir, à l?égard par exemples des nouveaux produits pouvant perturber le geste de tri et le traitement, de la différence entre un sac en plastique biosourcé et un sac en plastique biodégradable ou des avantages relatifs d?un pot de yaourt en verre par rapport à un pot en plastique (voir tableau ci-dessous). Tableau n° 11 : impacts environnementaux comparés du polystyrène et du verre pour l?emballage des yaourts Impacts environnementaux Avantage verre Avantage plastique Explication Recyclabilité X 76 % de recyclage contre 27% Ressources (matières premières d?origine) X (+430 %) Le sable comme le pétrole est une ressource rare Consommation d?eau X +27 % Durée de décomposition dans la nature X 450 ans contre 1 million d?années Changement climatique (CO2) X + 306 % (12 fois plus de camions de transport) et énergie pour la fabrication Toxicité et pollution pour l?environnement, la santé et la biodiversité X Microplastiques dans la chaine alimentaire des organismes vivants Source : Cour des comptes à partir de différents articles d?analyse de cycle de vie351 350 L?Ademe renforce ses travaux d?ACV et réalise depuis 2002 un Bilan national du recyclage, auquel est joint une Analyse du cycle de vie des flux de déchets recyclés sur le territoire français. 351 La synthèse proposée par ce tableau rend compte des impacts environnementaux issus des ACV. L?état actuel de la recherche scientifique ne permet cependant pas encore de tirer un bilan global qui serait une aide à la décision. Les ACV menées par les fédérations professionnelles ne comportent en général pas de "revue critique" par des experts indépendants validant la méthodologie. L?Ademe travaille à un tel référentiel méthodologique. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 155 L?analyse du cycle de vie (ACV) L?ACV est une « compilation et évaluation des intrants, des extrants (flux physiques de matière et d?énergie associés) et des impacts environnementaux potentiels d?un système de produits au cours de son cycle de vie » : distribution, utilisation, collecte et élimination vers les filières de fin de vie ainsi que transport. L?ACV est l'outil d?évaluation multicritères le plus abouti fondé sur la normalisation internationale352. L?utilisation des ACV pour formuler des recommandations ne permet cependant pas les généralisations. Une ACV ne peut être prise en compte que pour les hypothèses sur laquelle elle est fondée (situation à l?instant « t », emballage ou produit spécifique pris en compte, méthodes de mesure la pollution). Source : Cour des comptes à partir de l?ADEME353 ? Les changements intervenus sur le marché international des déchets Les décisions prises par plusieurs pays de fermer leurs frontières aux déchets en provenance de l?Union européenne aura pour conséquence à court terme une augmentation des produits incinérés ou mis en décharge mais, à moyen terme, ces décisions devraient conduire à développer de réelles capacités industrielles en Europe354. ? Le soutien de l?État à la structuration et au renforcement de la filière L?État peut intervenir par des subventions pour réduire les prix des matières premières recyclées, encourager la recherche et développement (Crédit Impôt Recherche, Programme d?Investissement d?Avenir-PIA, Banque Publique d?Investissement), mettre en place des « clusters » de coopération scientifique et industrielle, commander des études scientifiques, voire prendre des participations directes ou indirectes (CDC) dans certaines entreprises ou favoriser fiscalement le secteur (capital risque ou suramortissement). L?État dispose en outre d?autres leviers comme les interventions de la puissance publique pour soutenir ou contrer certaines 352 Normes ISO (14040 à 14043) 353https://www.ademe.fr/expertises/consommer-autrement/passer-a- laction/dossier/lanalyse-cycle-vie/quest-lacv et https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Rapport_Quel_Potentiel_3R.pdf 354 EEA-ETC/WMGE, 2019/5, Plastic waste trade and environment, octobre 2019. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ademe.fr/expertises/consommer-autrement/passer-a-laction/dossier/lanalyse-cycle-vie/quest-lacv https://www.ademe.fr/expertises/consommer-autrement/passer-a-laction/dossier/lanalyse-cycle-vie/quest-lacv https://www.eea.europa.eu/publications/the-plastic-waste-trade-in COUR DES COMPTES 156 opérations de fusion-acquisition dans les activités d?importance vitale 355, les normes techniques et les achats publics. Dans le cadre du Plan France relance pour la transition écologique, plus de 200 millions d?euros sont dédiés à la filière Plastique (dispositif ORPLAST) afin de doubler la capacité annuelle d?incorporation pour atteindre 700 000 tonnes d?ici fin 2022. Le dispositif Orplast Lancé en 2016 et piloté par l?Ademe, le dispositif Orplast ? objectif recyclage plastiques- vise spécifiquement à soutenir la filière aval de recyclage des plastiques en augmentant l?incorporation de matières premières de recyclage (MPR) plastiques par les plasturgistes en substitution à de la matière vierge (soutien aux investissements dédiés à l?incorporation de matière plastique recyclée et aux technologies de recyclage). En complément, dans le cadre de la stratégie d?accélération visant l?augmentation du recyclage, le Programme d?investissement d?Avenir (PIA 4) dispose d?actions de soutien à l?innovation pour augmenter le recyclage des plastiques et des composites356. ? Le levier réglementaire pour lutter contre les déchets plastiques non recyclés - L?incorporation obligatoires et les interdictions de matières La loi permet d?imposer des taux minimaux d?incorporation de matières recyclées dans les produits neufs, d?interdire des « substances ou éléments susceptibles de compromettre l'utilisation du matériau recyclé »357(perturbation des chaînes de tri et du recyclage) et l?obligation de justifier que les déchets peuvent intégrer une filière de recyclage358. 355 Le décret du 23 février 2006 définit les activités d?importance vitale comme « un ensemble d?activités, essentielles et difficilement substituables ou remplaçables, concourant à un même objectif ou visant à produire et à distribuer des biens ou des services indispensables ». Voir aussi l?article L1332-1 du code de la défense. 356 Sur 4 ans : 15 M¤ pour les technologies de tri, 60 M¤ sur la recyclabilité des plastiques, 15 M¤ sur la recyclabilité des composites 357 L?art. L. 541-10-17 du code de l?environnement décliné dans le décret du 29 avril 2021 dit « 3R »fixe l?objectif d'atteindre la fin de la mise sur le marché d'emballages en plastique à usage unique d'ici à 2040 et la stratégie pour y parvenir pour la période 2021-2025). 358 IV de L. 541-9 du code de l?environnement : au plus tard en 2030, les personnes mettant sur le marché plus de 10 000 unités par an et réalisant un chiffre d?affaires supérieur à 10 M¤ doivent justifier que les déchets induits par les produits peuvent intégrer une filière de recyclage. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041555598/ https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043458675 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043458675 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041599010/ ANNEXES 157 - L?interdiction d?enfouissement Cette mesure a été très efficace chez nos voisins européens (cf. annexe sur les comparaisons internationales) particulièrement pour les déchets triés, notamment ceux en plastique. Le décret n°2021-1199 du 16 septembre 2021 relatif aux conditions d?élimination des déchets non dangereux pris en application de la loi AGEC359 constitue la version française de cette interdiction. Graphique n° 19 : recyclage (vert), incinération (jaune) et enfouissement (rouge) des déchets plastiques en Europe en 2018 Source : Les filières de recyclage des déchets en France, CGEDD, Janvier 2020, données Plastics Europe. Les pays en pointillés ont déjà mis en oeuvre l?interdiction de l?enfouissement des déchets plastiques 359 Article 6 d?AGEC « la mise en décharge des déchets non dangereux valorisables est progressivement interdite » et Article 10 « les producteurs ou détenteurs de déchets ne peuvent éliminer ou faire éliminer leurs déchets dans des installations ? que s?ils justifient qu?ils respectent les obligations de tri ». Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044060460 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044060460 COUR DES COMPTES 158 Annexe n° 9 : comparatif entre les différentes modalités de financement du service public Production de déchets Sécurité budgétaire et de recouvrement Service rendu et investissement nécessaire Équité pour les usagers Pour Contre Pour Contre Pour Contre Pour Contre TEOM Limitation du risque de dépôts sauvages Aucun lien entre quantité de déchets et facturation Grande facilité et sécurité de la ressource aucun Moindre investissement sur les outils de collecte (bennes et bacs) Relation plus distendue avec l'usager (faible communication) Caractère social des bases d'imposition Sans lien avec les quantités produites. Valeurs locatives obsolètes TEOMI Incitatif (effet prix) Risques de détournement (dépôts sauvages) Sécurité budgétaire grâce à la part fixe. Recouvrement assurée par les services de l'État. Établissement du rôle plus complexe (décalage d'un an de la prise en compte de la part variable). Meilleure connaissance des usagers Investissements (bennes et bacs- puçage). Efforts de communication et de suivi des usagers Lien partiel coût du service /quantités produites mais maintien base liée au patrimoine (VLF) Part variable minoritaire (de 10 à 45 %) REOM Lien théorique avec les quantités de déchets produites Lien indirect entre prix payé par l'usager et sa production de déchets (absence de caractère incitatif). Aucun avantage Complexité (tenue du rôle et gestion des impayés par la collectivité) Pas d'investissements à prévoir. Gestion des évolutions du rôle des usagers complexe (p. ex. changement de composition du foyer). Apparence d'équité (si pertinence des critères retenus) Perte de l'aspect redistributif (social). Critères pouvant être contestés REOMI Prix payé directement lié à la production de déchets. Risques d'effet de détournement (dépôts sauvages) Meilleure connaissance des usagers Investissements indispensables (bennes et bacs- puçage). Efforts de communication et de suivi des usagers L'usager paie pour les quantités produites Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 159 Annexe n° 10 : les conséquences de la crise sanitaire sur la gestion des déchets La production des déchets en général, a été inférieure à ce qu'elle est en période normale, notamment en raison d'une moindre production de déchets issus des activités économiques (- 25 % en Ile-de-France) mais les emballages en plastique ont augmenté (+30 % du fait de leur réputation de sécurité sanitaire et de la hausse des ventes de plats à emporter). Les nouveaux protocoles sanitaires (masques, règles de distanciation sociale dans les temps de pause et croisement des équipes) et le manque de personnel ont généré une perte du temps de travail et une diminution des performances de gestion de déchets et, pour certains territoires, la fin des collectes sélectives et de l?exploitation des centres de tri (arrêts provisoires en raison de l?impossibilité de se déplacer des salariés des entreprises de maintenance). Près de 100 % des déchèteries ont été fermées au niveau national. Or, dans le même temps, certaines activités des ménages productrices de déchets (jardinage, bricolage, tri) ont été plus intenses que d?ordinaire. Par conséquent, des déchets qui auraient normalement dû être évacués en déchèteries ont été présentés dans les bacs d?ordures ménagères conduisant à une forte augmentation des dépôts sauvages sur les points d?apport volontaire et du taux de refus de tri (+ 15 %). Les volumes déposés ont fortement augmenté après les périodes de confinement, conduisant à des augmentations des coûts de transport. Les dépenses du SPGD ont augmenté en outre, du fait de l?achat de masques, de produits d?entretien, d?actions de communication pour la réouverture des équipements et des charges supplémentaires en moyens humains. Les recettes quant à elles, ont baissé puisque les effets de la crise ont induit une chute des quantités de produits valorisables collectées en déchèterie, et une baisse des soutiens des éco-organismes (par exemple - 25 % pour la communauté de communes du Grésivaudan). Les masques déposés dans les OMR n?ont pas été recyclés pour des raisons sanitaires et de coût (12 fois plus cher qu?un emballage plastique)360. 360 Les masques sont responsables de 40 000 tonnes de déchets non recyclés supplémentaires en 2020. 16?millions d?euros d?aides ont ainsi été accordés aux recycleurs des masques et le plan de relance comporte une mesure de soutien de 10 millions d?euros sur la période 2021-2022. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Réponses des administrations et des organismes concernés Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Sommaire des réponses reçues à la date de la publication Les réponses parvenues après la publication du présent document ne sont pas incluses ici mais publiées avec le rapport sur le site de la Cour des comptes. Madame la présidente de l?Association des régions de France (ARF) .................................................................. 167 Monsieur le président de l?Association des Intercommunalités de France ........................................................... 171 Madame la présidente de France Urbaine ............................................... 175 Monsieur le président de l'Association des maires de France (AMF) .................................................................. 182 Monsieur le président de la Métropole de Lyon ..................................... 189 Madame la présidente de la communauté de communes de l'Île d'Oléron ................................................................ 191 Monsieur le président du conseil régional de Bretagne .......................... 194 Monsieur le président du conseil régional Grand Est ............................. 195 Monsieur le président du conseil régional de Normandie ....................... 198 Monsieur le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine ......... 198 Monsieur le président du conseil régional Provence-Alpes-Côte d?Azur .................................................................. 202 Madame la maire de Paris ....................................................................... 204 Monsieur le président du Syndicat mixte départemental en charge d'études et du traitement des déchets ménagers et assimilés de la Vendée (TRIVALIS) .................................................. 205 Monsieur le président de l?Association AMORCE ................................. 210 Destinataires n?ayant pas d?observation Madame la présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence Madame la présidente de la communauté urbaine du Grand Besançon Métropole Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/ COUR DES COMPTES 164 Monsieur le président de la Métropole de Nice Côte d?Azur Monsieur le président de la communauté d?agglomération Valenciennes Métropole Monsieur le président du conseil régional des Hauts-de-France Madame la présidente du conseil régional d?Occitanie Monsieur le président du Syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers de Lorraine Nord (SYDELON) Monsieur le président du Syndicat mixte pour le traitement et la valorisation des déchets ménagers résiduels - « Valor3e » Monsieur le président du Syndicat départemental d'élimination des déchets de l'Aube (SDEDA) Monsieur le président du Syndicat Inter-Arrondissement de valorisation et d?élimination des déchets (SIAVED) Monsieur le président du Syndicat d?études et de réalisations pour le traitement intercommunal des déchets de Belfort (SERTRID) Destinataires n?ayant pas répondu à la date de la publication Madame la Première ministre Madame la présidente du conseil régional des Pays de la Loire Monsieur le président de la communauté d'agglomération du Grand Villeneuvois Monsieur le président de la communauté de communes des Gorges de l'Ardèche Monsieur le président de la communauté de communes de l'Île d'Oléron Monsieur le président du conseil régional d?Auvergne-Rhône-Alpes Monsieur le président du conseil régional Centre-Val de Loire Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 165 Madame la présidente du conseil régional d?Île-de-France Monsieur le président du Syndicat mixte Flandre Morinie (SMFM) Monsieur le président du Syndicat mixte de traitement des ordures ménagères de la région de Villerupt Monsieur le président du Syndicat mixte d?élimination et de valorisation des déchets des Communautés d'Agglomération du Douaisis, Hénin-Carvin et de la Communauté de Communes d?Osartis-Marquion (SYMEVAD) Monsieur le président du Service Intercommunal de collecte de traitement des ordures ménagères (SICTOM) de Pézenas-Agde Monsieur le président du Syndicat pour la valorisation et le traitement des déchets ménagers et assimilés (VALTOM) Monsieur le directeur général de CITEO Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes MADAME LA PRÉSIDENTE DE L?ASSOCIATION DES RÉGIONS DE FRANCE (ARF) Par courrier en date du 18 juillet 2022, vous m?avez transmis le relevé d?observations provisoires portant sur les rôles respectifs des divers niveaux territoriaux en matière de déchets ménagers et assimilés, document préparatoire à un chapitre du rapport public annuel publié au premier trimestre 2023. Dans le cadre de la préparation du rapport interne de la Cour sur le panorama institutionnel et économique sur l?évolution des Déchets ménagers et assimilés en France, Régions de France avait transmis une contribution portant sur des éléments d?éclairage sur l?exercice de la compétence de planification de la prévention et de la gestion des déchets par les Régions et sur leur collaboration avec l?État et les collectivités en charge de la mise en oeuvre. Les recommandations formulées par la Cour des comptes dans son document préparatoire m?amènent à vous formuler les remarques complémentaires suivantes : 1 - Sur l?observation régionale de la gestion et de la prévention des déchets La Cour recommande de confier en 2023 aux observatoires régionaux de la gestion et de la prévention des déchets le suivi de la mise en oeuvre par les intercommunalités des objectifs nationaux (Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, régions). En 2022, la majorité des Régions sont déjà couvertes par un observatoire régional. Ceux-ci sont d?ailleurs représentés par le RARE au sein du Comité National Observation Economie Circulaire piloté par le Ministère (qui s?est réuni une première fois le 5 juillet 2022). Le RARE rassemble les observatoires régionaux des déchets français : - Auvergne-Rhône-Alpes : SINDRA (portée par AURA-EE) - Bourgogne-Franche-Comté : Alterre Bourgogne-Franche-Comté - Bretagne : Observatoire Environnement Bretagne - Centre Val de Loire : pas d?observatoire (consulter la page du Conseil régional) - Corse : Observatoire territorial des déchets - Grand Est : Observatoire des déchets et de l?économie circulaire - Guadeloupe : Observatoire des déchets de la Guadeloupe (portée par Synerg?Ile) Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 168 COUR DES COMPTES - Guyane : Observatoire des déchets de la Guyane - Hauts de France : ODEMA - Ile de France : ORDIF (porté par l?Institut Paris Région) - Martinique : pas d?observatoire - Mayotte : pas d?observatoire - Normandie : Biomasse Normandie et NEC (alimenté par les travaux de Biomasse Normandie et de la CERC) - Nouvelle-Aquitaine : ORDEC Nouvelle-Aquitaine (porté par l?AREC Nouvelle-Aquitaine) - Occitanie : ORDECO - Provence-Alpes-Côte-d?Azur : ORD&EC - Pays de la Loire : TEO Pays de la Loire - Réunion : Observatoire Réunionnais des Déchets Les observatoires régionaux des déchets ont pour mission de contribuer à la prévention et à l?amélioration de la gestion des déchets et de leurs impacts, par l?étude et la diffusion d?informations et de données. Ils appuient l?élaboration des planifications régionales et suivent leur mise en oeuvre. Enfin, ils peuvent contribuer aux échanges et à la concertation sur ces enjeux prégnants des territoires. Disposant d?une véritable expertise de la donnée, ils constituent un appui opérationnel des Régions et de l?ADEME pour la mise en place des stratégies de prévention et de gestion des déchets et des ressources. Les observatoires régionaux des déchets peuvent être hébergés au sein d?une agence régionale de l?environnement, d?une autre structure, ou mis en oeuvre directement par leurs pilotes (Conseil régional, ADEME en général). Le RARE leur offre un espace d?échanges et de mutualisation unique et indispensable à l?amélioration des pratiques et l?optimisation des moyens. Un cadre de discussion national entre Régions de France et le RARE permet d?assurer une convergence méthodologique des observatoires répondant aux stratégies et objectifs régionaux. Le cofinancement par l?ADEME de l?observation a constitué un apport financier indispensable pour l?émergence des observatoires régionaux dont la question de la pérennisation financière reste entière. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 169 2- Sur le renforcement du rôle planificateur des régions La Cour des comptes appelle à un nécessaire renforcement du rôle des régions avec un rôle de planification à affirmer et mentionne que dans le cadre de la libre administration des collectivités territoriales, les niveaux supra-intercommunaux, c?est-à-dire l?État et les régions interviennent aujourd?hui en recourant principalement aux outils de planification et de cofinancement. Le renforcement de ces outils implique moins une évolution significative des compétences de l?État ou de ses opérateurs qu?une plus grande implication des régions. Une meilleure articulation entre le Code général des collectivités territoriales (volet SRADDET) et le code de l?environnement (volet PRPGD) pourrait être utile pour assurer la bonne lisibilité des obligations législatives et réglementaires qui incombent aux Régions et aux EPCI. 3- Sur la déclinaison régionale des objectifs des REP La Cour propose d?intégrer aux prochains arrêtés de cahier des charges des filières REP une déclinaison de leurs objectifs au niveau régional (Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). L?intégration aux prochains arrêtés de cahier des charges des filières REP d?une déclinaison de leurs objectifs au niveau régional semble cohérente avec le rôle de planification et de coordination confié aux Régions d?autant que les quantités de déchets traitées par les filières REP sont importantes puisqu?elles représentent plus de 10% des déchets non dangereux non inertes. Cependant la déclinaison régionale des objectifs nationaux et européens peut s?avérer complexe en fonction des filières et des territoires. Il faut noter que des partenariats techniques et financiers existent entre certaines filières REP et certaines Régions, lesquels peuvent s?appuyer sur des conventions bipartites (voire tripartites avec l?ADEME). Cette proposition viendrait compléter les éléments inscrits dans le projet d?arrêté relatif aux données des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) mis en consultation du public du 7 juin au 29 juillet 2022. Celui-ci prévoit que les éco-organismes transmettent chaque année des informations aux Régions pour l?élaboration et le suivi des SRADDET. Les Régions réitèrent leur demande que ces données soient des données transmises à l?échelle territorialisée des EPCI et syndicats. En effet, le maillage territorial des données devra permettre de répondre à l?article R.541-16 du code de l?Environnement qui mentionne que : « I. 5° [?] Le plan mentionne notamment les installations qu?il Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 170 COUR DES COMPTES apparaît nécessaire de créer, d?adapter ou de fermer afin d?atteindre ces objectifs et de gérer l?ensemble de déchets pris en compte [?]et en cohérence avec les principes de proximité et d?autosuffisance, appliqués de manière proportionnée aux flux de déchets concernés [?] et adaptée aux bassins de vie? ». Par ailleurs, la mise à disposition à ces autorités compétentes des données régionales sur les biens mis sur le marché est nécessaire à la déclinaison régionale des objectifs européens et nationaux. 4 ? Sur la généralisation de la délégation des crédits ADEME via les CPER La Cour propose de généraliser à chaque contrat de plan État- Région la délégation des crédits de l?ADEME en matière de transition énergétique et d'économie circulaire (Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, régions). Un transfert du fonds économie circulaire (ou une partie) aux Régions aurait été préférable pour offrir aux Régions toute latitude pour financer des projets sur le territoire et mettre en oeuvre les objectifs de la planification, comme Régions de France l?a fait valoir lors des discussions parlementaires du projet de loi 3DS qui a malgré tout disposé dans son article 57 une délégation de gestion pour les régions volontaires. Jugée lourde administrativement et techniquement, très encadrée et partielle, la mise en oeuvre de cette délégation apparait peu effective après plusieurs mois de discussions. En effet, il conviendrait que les Régions puissent disposer de l?autonomie d?emploi des crédits pour mettre en oeuvre la planification et accompagner les territoires en cohérence avec les stratégies, plans et feuilles de routes régionaux. Par exemple, les critères d?intervention de l?ADEME ne permettent pas de soutenir des opérations de mise aux normes réglementaires alors même que certaines régions sont en retard sur le sujet. Or les délégations ne peuvent se faire que sur la base des critères d?intervention de l?ADEME. La mise en place de critères d?intervention régionalisés et adaptés aux besoins propres des territoires semble nécessaire pour permettre de financer davantage les équipements structurants et indispensables à la réalisation des objectifs régionaux et nationaux. Tels sont les remarques dont je voulais vous faire part en vue de leur prise en compte dans le rapport de la Cour. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 171 MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE L?ASSOCIATION DES INTERCOMMUNALITÉS DE FRANCE Au nom d?Intercommunalités de France, je tiens à vous remercier pour avoir sollicité, par votre courrier du 28 juillet 2022, les réactions de notre association au projet de rapport public thématique « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser » que la Cour publiera prochainement. Ce projet appelle de notre part les observations exprimées dans le présent courrier. Intercommunalités de France salue tout d?abord l?important travail d?analyse mené par la Cour au travers de ce rapport et confirme l?implication de notre association dans l?accompagnement à la prévention et la gestion des déchets. A ce titre, nous partageons avec la Cour le constat de la non-atteinte des objectifs nationaux de réduction des déchets collectés et traités. Notre association considère cependant que les comparaisons chiffrées avec d?autres pays sont à relativiser au regard des incertitudes documentées sur les différences de méthodes statistiques, ainsi que tous les autres facteurs culturels, économiques dans chaque pays. Par ailleurs, nous tenons à souligner que ce mandat sera marqué par l?entrée en vigueur de nouvelles obligations qui permettront une réduction à la source de la production de certains déchets : ? Généralisation de l?extension des consignes de tri plastique à compter du 31 décembre 2022 ? Généralisation du tri à la source des biodéchets ? Mise en oeuvre de nouvelles filières REP Nous souscrivons aux recommandations formulées par la Cour d?unification des documents nationaux de programmation (PNPD et PNGD) ainsi que d?harmonisation des documents locaux (RPQS et PLPDMA) considérant qu?elles répondent à un besoin d?une plus grande intégration des enjeux de prévention dans les stratégies de gestion des déchets. Intercommunalités de France s?interroge toutefois sur les propositions formulées par la Cour dans sa recommandation n°6 pour encourager le déploiement de la tarification incitative en renforçant le soutien financier aux collectivités qui semblent à ce jour insuffisantes pour contourner les difficultés de sa mise en oeuvre. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 172 COUR DES COMPTES 1. Réduction des déchets à la source : la responsabilité des metteurs en marché Nous réitérons notre analyse consistant à remarquer que les différents acteurs en responsabilité en France, ne bénéficient pas des mêmes remarques et injonctions à agir. Les collectivités, pourtant situées « au bout du tuyau » du cycle « production vente usage destruction ou abandon des produits », sont sommées d?être les acteurs principaux de la politique de prévention-réduction. Ainsi, si l?on excepte les biodéchets, ce sont davantage les stratégies commerciales des metteurs en marché, qui orientent les comportements des consommateurs. Au regard des dépenses de publicité, faites par les producteurs et les distributeurs ? plus de 470 ¤ par Français en 2021361, soit trois fois le coût du service public de gestion des déchets (SPGD) ? il conviendrait de laisser aux premiers la prise en charge totale des coûts des services de tri et de collecte des produits de chaque filière actuellement supportés par les collectivités afin de rééquilibrer la répartition des coûts entre producteurs et consommateurs. En parallèle, les objectifs attribués aux acteurs des filières REP sont pour le moins vagues mais surtout non contrôlés. Intercommunalités de France regrette cette situation, qui en plus de laisser à charge des contribuables locaux ce qui devrait être à charge des consommateurs, ne concerne pas toutes les productions commercialisées qui pourtant finissent dans les circuits de collecte et de traitement des collectivités. Par ailleurs, la loi de finances de 2019 a acté une trajectoire haussière de la TGAP, dans l?objectif de pénaliser le traitement par enfouissement ou incinération et encourager le déploiement d?une économie circulaire. Cette hausse est particulièrement problématique pour les collectivités qui ne disposent pas de leviers d?action pour influer sur la réemployabilité et la recyclabilité des produits ou encore sur l?acte d?achat. Il existe un volume incompressible de déchets qui doivent être dirigés aujourd?hui vers ces exutoires et qui pourrait faire l?objet d?un tarif de base révisé. Nous renouvelons donc notre proposition d?une TGAP amont sur tous les produits des filières pour responsabiliser les metteurs en marché ; cela concernerait autant d?incitation à la durabilité, à la réutilisation qu?au recyclage matière. Cette tarification, outre qu?elle permettrait la prise en charge de tous les produits manufacturés devenus déchets (qui seront facturés par l?État 6,5 centimes par kg en 2025), sans pour cela que le consommateur puisse arbitrer sur ses achats puisque c?est le contribuable qui paie la TGAP. 361 Baromètre unifié du marché publicitaire, Kantar, 2021 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 173 Nous rappelons aussi que l?atteinte des objectifs nationaux et régionaux assignés aux politiques et actions d?économie circulaire suppose des ressources comme la TGAP nantie d?une hausse programmée par un accord conclu lors du Grenelle de l?Environnement en 2008 et qui devait alimenter la politique déchets via l?ADEME. Ces ressources sont aujourd?hui dissoutes dans le budget de l?État sans que les fonds nécessaires pour la prévention et pour l?économie circulaire ne soient rendus disponibles. Intercommunalités de France continue d?appeler à un retour des recettes de la TGAP vers le financement d?actions vertueuses dans lesquelles s?engagent les collectivités dans le traitement des déchets. Cette piste vient soutenir la proposition de la Cour, que nous partageons, d?impliquer davantage les régions dans la planification, l?animation, et le financement qui acterait le lien entre les Plans Régionaux de Prévention et de Gestion des Déchets et les Plans régionaux pour l?Économie Circulaire. 2. Assouplir le cadre de déploiement de la tarification incitative Une nouvelle fois la Cour insiste sur l?efficacité de la tarification incitative dans certains des territoires où sa mise en oeuvre a pu être vérifiée sur un temps long et un effort soutenu sur le tri à la source des biodéchets. Le rendez-vous de la généralisation obligatoire de ce tri à la source des biodéchets devrait nous instruire sur les limites de l?exercice du signal prix sur le comportement des citoyens contribuables consommateurs. En effet toutes les expériences en cours et les études de dimensionnement des services nécessaires à ce tri à la source indiquent une hausse des dépenses du SPGD, effaçant les bénéfices jusqu?alors promis aux « bons élèves » et contraignant encore les budgets des collectivités. Par ailleurs, le volume croissant des déchets issus de produits manufacturés collectés en déchèterie interroge sur l?extension des systèmes de facturation liée à ce type de collecte et donc sur le coût global de la redevance. Ces équipements qui reçoivent des tonnages équivalents à ceux du porte-à-porte, doivent régulièrement être mis à niveau : l?augmentation du nombre de filières suppose des extensions foncières souvent difficiles à envisager sans parler de la formation technique et administrative des agents chargés de faire appliquer des réglementations souvent vécues comme contraignantes par les usagers, et auxquelles s?ajoutent des relations tendues avec les prestataires des REP opérationnelles. Intercommunalités de France demeure favorable au déploiement d?une dimension incitative dans la tarification du SPGD lorsque cela est Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 174 COUR DES COMPTES possible mais estime qu?elle ne constitue qu?un levier parmi d?autres de prévention des ordures ménagères résiduelles (OMR), d?autant plus qu?elle opère en aval de la chaîne, après les actes de production et de consommation. Afin de tendre vers une plus grande couverture de la population, au- delà des frontières administratives, Intercommunalités de France appelle ainsi à adopter certaines souplesses dans le cadre de la tarification incitative. En premier lieu, Intercommunalités de France propose de permettre par la loi une coexistence pérenne de plusieurs régimes de tarification sur un même territoire. Cette possibilité existe déjà à titre transitoire que ce soit pour permettre l?expérimentation de la taxe incitative362 ou pour tenir compte de la fusion d?intercommunalités aux régimes différents363. En effet, les principales difficultés techniques identifiées pour ce déploiement apparaissent dans les milieux urbains denses et dans les milieux touristiques ; ceux-ci caractérisent rarement l?intégralité d?un territoire intercommunal. Une seconde alternative transitoire pourrait consister en une capacité de zonage de la TEOM, en fonction des performances à l?image de ce qui est déjà permis aujourd?hui mais en fonction de l?importance du service rendu364. ? Faciliter l?accès des collectivités au fichier de taxe sur le foncier bâti : Intercommunalités de France souhaite attirer l?attention de la Cour sur un autre défi technique propre à la mise en oeuvre de la tarification incitative. La taxation et le recouvrement de la part incitative de la TEOM sont effectués dans le cadre de la taxation et du recouvrement de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Les collectivités qui souhaitent mettre en place une part incitative de la TEOM sont conduites à repartir du fichier foncier de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Elles ont la charge d?établir et de notifier aux services de la DGFiP, avant le 31 mars de l?année d?imposition, le montant, en valeur absolue, de la part incitative de la TEOM pour chaque local imposé à la TEOM. A cet effet, les services de la DGFiP leur fournissent un fichier dit « d?appel » recensant les locaux imposables au 1er janvier de l'année d'imposition (hors constructions neuves) et notamment la valeur locative foncière retenue pour l?établissement de la TEOM (décret de 2012). Ce fichier doit être complété par la collectivité avec les éléments utiles à l?administration fiscale pour établir l?imposition, à savoir : le montant de 362 Article 1522 bis du Code général des impôts, pour une durée portée à 7 ans 363 Article 1639 A bis du Code général des impôts et article L2333-76 du Code général des collectivités territoriales 364 Article 1636 B undecies du Code général des impôts Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 175 cotisation correspondant à la part incitative de la TEOM pour chaque local imposable. Il est malheureusement fréquent que ces fichiers, soient incomplets et que l?interface informatique rende compliqué l?appariement du fichier foncier avec le fichier des usagers du service de déchets. De fait, alors que la redevance est payée par l?usager (qu?il soit propriétaire ou locataire), la TEOM est considérée comme une taxe additionnelle à la taxe foncière, payée par les seuls propriétaires, tout en étant considérée comme une charge récupérable. Par conséquent, les fichiers de TEOM comportent le nom des propriétaires, alors que l?individualisation de la part incitative nécessite d?identifier le « producteur de déchets », c?est-à-dire le locataire. Il peut en résulter des difficultés de connexion entre le fichier fourni par la DGFiP et les bacs nominatifs. Par conséquent, la mise en oeuvre de la tarification incitative en habitat collectif représente une réelle difficulté d?identification des redevables potentiels Ces difficultés sont connues et rapportées par de nombreuses collectivités qui renoncent de ce fait à instituer une part incitative de TEOM. Ainsi, Intercommunalités de France considère que la mise en place et le bon fonctionnement d?une tarification incitative nécessite que l?administration fiscale, qui par ailleurs prélève un pourcentage au titre de la gestion et du recouvrement de la fiscalité foncière et de la TEOM, facilite le travail de recoupement des fichiers. Telles sont les observations que nous souhaitions porter à votre connaissance. Espérant que ces éléments répondront à vos attentes et pourront contribuer au travail d?évaluation et de propositions de la Cour, je vous prie de croire, Monsieur le Premier président, à l?assurance de mes sentiments les meilleurs. MADAME LA PRÉSIDENTE DE FRANCE URBAINE Par courrier en date du 28 juillet 2022, vous nous avez adressé le projet de rapport public thématique « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser » que la Cour se propose de publier prochainement. Ce projet de rapport appelle de notre part les observations exprimées dans la présente lettre. France urbaine salue le travail d?analyse de la Cour et souscrit à plusieurs de ses recommandations, qu?il s?agisse d?aller vers une harmonisation des bilans PLPDMA et des rapports annuels sur le prix et la qualité du service public de prévention et de gestion des déchets (PROS) en les fusionnant en un compte-rendu unique (n°5), d?« instaurer une taxe Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 176 COUR DES COMPTES de séjour additionnelle dont le produit serait affecté aux actions relatives à la prévention et à la gestion des déchets », permettant de couvrir les coûts supplémentaires spécifiques supportés par les communes touristique, ou de réduire le nombre d?indicateurs de pilotage à quelques indicateurs-clefs dans un tableau de bord national annuel et par type d?EPCI, une mesure qui nous paraît aller dans le bon sens, dès lors que les collectivités et leurs groupements seront associés à leur construction et à la définition de leur périmètre. Nous nous félicitons que la Cour préconise dans sa recommandation n°7 de renforcer le soutien financier aux collectivités qui souhaiteraient déployer la tarification incitative, plutôt que d?aller vers un système plus contraignant qui viendrait pénaliser celles qui y ont renoncé, pour des raisons de coût de mise en oeuvre et/ou de complexification opérationnelle. Nous doutons toutefois qu?elle soit suffisante pour infléchir significativement la tendance dans les zones urbaines, lesquelles sont notamment confrontées aux difficultés techniques inhérentes aux copropriétés en habitat collectif. La tarification incitative n?est qu?un des leviers de réduction des OMR... Il nous apparaît que si la tarification incitative agit comme un levier de réorientation des flux et peut contribuer à l?amélioration des gestes de tri, elle n?induit pas, comme le souligne le Cercle national du recyclage, « de tendance à la baisse des quantités totales de déchets ménagers collectés »365, et ne semble pas avoir d?effet notable sur la réduction globale du volume des OMR, si l?on s?en réfère notamment à l?exemple allemand366. Il est de surcroît difficile d?attribuer ces réallocations entre flux à la seule mise en place de la tarification incitative, tant elle n'est souvent que l?un des éléments d?une politique globale d?amélioration des performances, si bien, comme le rappelle le CGDD, que « l?écart constaté entre les tonnages collectés dans les collectivités en REOMi et dans celles qui ne le sont pas ne peut s?interpréter comme directement causé par le passage en REOMi. En effet, les collectivités ayant adopté ce type de tarification peuvent présenter d?autres caractéristiques qui expliquent cet 365 Tarification incitative : la communication en première ligne, mars 2018, Centre National du Recyclage, page 65. 366 En Allemagne, où part de communes ayant institué la tarification incitative avoisine les 100 %, la production de DMA était de 625 kg par habitant en 2015, contre 573 kg en France la même année. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 177 écart367 ». Car la mise en place de la tarification incitative s?accompagne généralement d?autres actions de sensibilisation et de prévention, et il est utile de rappeler que les baisses des tonnages des OMR interviennent « avant la mise en place effective de la tarification incitative, plus précisément entre l?année de communication sur ce nouveau mode de financement et l?année de la première facturation. Après la mise en place effective de la tarification incitative il est possible d?observer pour les quatre collectivités étudiées une stabilisation des quantités d?ordures ménagères résiduelles. Ceci prouve que ce n?est pas la tarification incitative en elle-même qui peut jouer un rôle mais l?annonce de la tarification incitative »368. La réduction des tonnages d?OMR devrait par ailleurs connaître une nouvelle baisse avec l?entrée en vigueur récente ou prochaine de nouvelles dispositions législatives et réglementaires, qu?il s?agisse : - de la généralisation de l?extension des consignes de tri plastique à tous les EPCI d?ici le 31 décembre 2022 : dans les territoires où elle a été expérimentée, la simplification des gestes de tri des emballages a permis d?augmenter la part des déchets triés de de 3 kg par habitant369 ; - de la généralisation au plus tard au 31 décembre 2023 prévue par la loi AGEC, du tri à la source des biodéchets (en collecte séparée, en porte à porte, ou en gestion de proximité, avec compostage individuel ou partagé) qui représentent, comme le rappelle la Cour, jusqu?à un tiers des volumes des déchets des ménages et des entreprises ; - de la création de nouvelles filières REP sur les produits du tabac, les jouets, les articles de sport, de loisir, de bricolage et de jardin370, et les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment371 ; - de la montée en puissance des filières REP existantes ; - des nouvelles règles visant à rendre la quasi-totalité des biens physiques présents sur le marché de l'Union européenne plus écologiques, circulaires et sobres en énergie tout au long de leur cycle de vie, englobant la conception, l'utilisation courante, la réaffectation et l'élimination des 367 La tarification incitative de la gestion des ordures ménagères - Quels impacts sur les quantités collectées ? ? CGDD 2016 (page 21). 368 Tarification incitative : la communication en première ligne, mars 2018, Cercle National du Recyclage, page 60. 369 https://www.citeo.com/le-mag/simplification-du-tri-en-france-fait-le-point/ 370 Décret n° 2021-1213 du 22 septembre 2021. 371 Décret n° 2021-1941 du 31 décembre 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.citeo.com/le-mag/simplification-du-tri-en-france-fait-le-point/ 178 COUR DES COMPTES produits, telles qu?annoncées par la Commission européenne le 30 mars 2022 dans son plan d?action pour une économie circulaire372. Assouplir le cadre de la tarification incitative Alors que ces mesures vont diminuer mécaniquement et significativement les volumes de déchets, un allégement des coûts de mise en oeuvre de la tarification incitative des premières années, objet de la recommandation n°6 de la Cour, sera-t-il de nature à enclencher une nouvelle dynamique en faveur de la tarification incitative ? Si France urbaine accueille cette proposition favorablement, elle constate également son caractère limité dans le temps, alors que les coûts de mise en oeuvre de la tarification incitative demeurent, eux, pérennes. Nous savons par ailleurs par expérience que l?État cherche toujours à réduire dans le temps le niveau de ses transferts aux collectivités, et qu?il pourrait chercher à compenser d?une manière ou d?une autre l?effort qu?il consentirait sur la réduction des frais de gestion sur la TEOMi mise en oeuvre par les collectivités. Cette question est par ailleurs posée dans un contexte où les collectivités sont confrontées à de nouvelles contraintes et d?immenses défis : - l?explosion des prix de l?énergie, dont tout laisse à penser qu?elle sera durable, contraint très fortement leurs budgets, et entraîne déjà des arbitrages difficiles allant parfois jusqu?à la réduction de la disponibilité voire la fermeture de certains équipements ; - les enjeux climatiques vont nécessiter de leur part de lourds investissements, tant pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre que pour adapter leur territoire aux bouleversements climatiques en cours et à venir. C?est pourquoi, au-delà des mesures d?accompagnement financier, il nous semble indispensable de simplifier les modalités de mise en oeuvre de la tarification incitative dans les zones urbaines. en l?adaptant aux contraintes et aux spécificités de ces territoires, où il est souvent très complexe de mettre en oeuvre une mesure individuelle de la production de déchets. 372 Communication from the Commission to the European parliament, the Council, the European economic and social committee and the Committee of the regions on making sustainable products the norm, 30 mars 2022. https://eur-lex.europa.eu/legal- content/EN/TXT/PDF/?uri=COM:2022:140:FIN&from=DA Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=COM:2022:140:FIN&from=DA https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=COM:2022:140:FIN&from=DA RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 179 Le franchissement de ces obstacles techniques suppose, lorsque cela est possible, d?engager de lourds investissements, qui pourraient certes être en partie subventionnés par un rehaussement des mesures de soutien sur les premiers exercices, mais dont les effets de moyen/long terme sur les coûts de traitement restent limités : pré-collecte et collecte ne représentent pour mémoire que 40% du coût total du SPGD, et la part variable du SPGD n?est elle-même que d?une vingtaine de pourcent de ce coût total. Assouplir le cadre pour tenir compte des spécificités de ces territoires permettrait d?aboutir à des résultats de même ordre, à des coûts considérablement réduits, et sans complexification opérationnelle de la collecte. Deux mesures nous sembleraient ainsi de nature à lever les blocages : 1. autoriser la cohabitation pérenne de la TEOM et de la TEOMi sur un même territoire, une option qui permettrait aux collectivités volontaires d?instituer une part incitative dans les zones à faible densité d?habitation sans avoir à craindre une généralisation, avant d?envisager une extension progressive à d?autres secteurs. À défaut d?une coexistence pérenne TEOM/TEOMi, il conviendrait a minima d?allonger significativement le délai au-delà duquel s?opère une bascule vers l?un ou l?autre modèle, à condition dans ce cas d?imaginer des solutions moins coûteuses pour développer la tarification incitative en zones denses. Depuis 2012, la TEOM incitative (TEOMi) peut être instituée sur une partie du territoire d?une collectivité, dans le cadre d?une expérimentation initialement limitée à 5 ans ? puis portée à 7 ans par la loi de finance 2021 - à l?issue de laquelle la tarification incitative doit être généralisée, ou abandonnée. Cet allongement de deux ans ne résout pas fondamentalement le problème qui retient de nombreuses collectivités de se lancer dans la démarche ; 2. permettre la mise en oeuvre d?une tarification incitative collective sur tout un territoire, ou autoriser la cohabitation des deux types de tarification incitative (individuelle et collective) au sein d?un même territoire. Une métropole adhérente a ainsi étudié trois scénarios de passage à l?incitatif : un basculement en REOMi, l?instauration d?une TEOMi, ou la mise en place d?une « tarification incitative collective », basée sur une production de déchets mesurée collectivement par secteur (communes, quartiers de la ville centre). Dans ce dernier scénario, la répartition des quantités de déchets, sur lesquelles seraient appliquées des tarifs, serait en fonction de la valeur locative de chaque local soumis à la TEOM, au prorata de la valeur locative du secteur (ménages et professionnels, hors bases des locaux non-utilisateurs). L?objectif de cette solution est de créer des Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 180 COUR DES COMPTES dynamiques collectives de réduction des déchets sur les zones concernées, d?éviter certains comportements d?évitement (jets clandestins etc.) parfois associés à la tarification individuelle, et de consacrer plus de moyens aux actions de prévention, plutôt que de les affecter aux importantes tâches administratives et opérationnelles nécessaires à la mise en oeuvre d?une tarification individuelle. La tarification incitative collective mériterait, dans l?esprit de la loi 3DS, d?être expérimentée dans des collectivités volontaires sur la totalité de leur territoire ou, au choix des collectivités, n?être activée que dans les zones denses, avec une tarification incitative individuelle dans les zones de faible densité. Nous notons avec satisfaction que cette dernière proposition est citée dans le rapport de la Cour. Réduire la production de déchets produits à la source... Au-delà des questions de fiscalité, il nous semble indispensable de considérer l?ensemble de la chaîne de « production de déchets », car plan de réduction drastique des tonnages ne saurait reposer sur le seul aval, c?est-à-dire une fois que le déchet a été créé. Il faut agir le plus en amont possible, en poursuivant les efforts de développement d?une économie circulaire et de la fonctionnalité, en interdisant les emballages objectivement inutiles et en réduisant le volume de tous ceux qui peuvent l?être, et en envoyant un signal prix au moment où il est le plus efficace pour orienter les choix de consommation et éviter que le déchet ne soit créé, c?est-à-dire au moment de l?acte d?achat. Or le financement du traitement du SPGD, qui repose aujourd?hui à 80 % sur les collectivités, traduit un profond déséquilibre entre acteurs que France urbaine juge impératif de corriger pour tendre a minima vers la parité. La proposition C.4 de la Convention citoyenne pour le climat, citée par la Cour, de « remplacer une part significative de la taxe d?enlèvement des ordures ménagères (TEOM) par des modalités plus justes et favorisant les comportements écoresponsables » peut aussi s?entendre comme un nécessaire rééquilibrage des responsabilités et des contributions entre acteurs. La TGAP dans sa version actuelle mériterait ainsi d?être entièrement revue, car si l?objectif de réduction des mises en décharge et d?incinération est évidemment légitime, la forte augmentation décidée par la loi de finances 2019 pénalise fortement les collectivités et, comme le souligne la Cour, « cette hausse uniforme a l?inconvénient de frapper indistinctement les déchets qui pourraient être mieux triés grâce à l?intervention des collectivités et les déchets non recyclables du fait des choix techniques des entreprises sur les volumes desquels les collectivités ne disposent d?aucun moyen d?action. » D?autant que contrairement aux Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 181 demandes réitérées des collectivités, les recettes supplémentaires générées par cette hausse n?ont pas été fléchées vers des projets d?économie circulaire, et que la mise en place des nouvelles filières REP prévue par la loi AGEC de 2020, qui devait constituer l?une des contreparties de la hausse de la TGAP, a pris un retard (bâtiment, bricolage, jouets et sport, notamment) qui n?a fait l?objet d?aucune compensation pour les collectivités373. La question de l?instauration d?une taxation amont de tous les déchets non ou difficilement recyclables, qui avait fait l?objet d?un débat lors du vote de l?augmentation de la TGAP en 2019, doit à nos yeux être relancée. Cette taxation, qui enverrait le signal prix évoqué supra, pourrait prendre la forme d?une TGAP dite « amont », ou d?une REP « déchets résiduels », qui garantirait un retour des recettes afférentes aux collectivités374. Les recettes dégagées par ces nouvelles taxes amont (et l?augmentation de taxe aval décidée en 2019) pourraient ainsi être affectées à des fonds ou actions de réduction des déchets à la source, qu?il s?agisse : - du fonds « économie circulaire » de l?ADEME visant à « accompagner la politique des pouvoirs publics et orienter le comportement des acteurs et les investissements en multipliant les actions de prévention portées par les collectivités locales et les entreprises, en déployant les démarches territoriales intégrées de prévention et de gestion, et en soutenant les investissements de tri, de recyclage, de valorisation organique et énergétiques nécessaires »375 ; - de subventionner la collecte des biodéchets, dont la valorisation deviendra obligatoire au 1er janvier 2024, et qui n?est pas aujourd?hui aidée ; 373 Le déséquilibre des efforts se lit aussi dans le niveau d?efforts demandés aux collectivités par rapport aux acteurs économiques : la loi AGEC votée en 2000 fixe en effet un objectif de réduction de 15 % des quantités de DMA produits par habitant, quand elle ne demande un effort limité à 5 % sur les quantités de déchets résultant d?activités économiques (par unité de valeur produite). 374 Les éco-contributions associés à une REP « déchets résiduels » pourraient par ailleurs être modulées en fonction de l?intégration en amont par le fabricant d?une démarche de développement durable (ex : utilisation de matières recyclées). 375 https://expertises.ademe.fr/economie-circulaire/dechets/passer-a-laction/fonds- economie-circulaire Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://expertises.ademe.fr/economie-circulaire/dechets/passer-a-laction/fonds-economie-circulaire https://expertises.ademe.fr/economie-circulaire/dechets/passer-a-laction/fonds-economie-circulaire 182 COUR DES COMPTES - ou de créer un fonds spécifique d?aide aux actions de prévention de la production de déchets à la source, actions qui comme le souligne la Cour dans le paragraphe B/ du rapport mériteraient d?être renforcées, tant qualitativement que quantitativement. France urbaine s?est constamment positionnée en faveur de la prévention et de la réduction de la production de déchets à la source, en poussant cet axe pendant les débats parlementaires autour de la loi AGEC, ou en participant à des initiatives comme celle des territoires zéro plastique376. La prévention et la réduction sont les volets prioritaires à privilégier et à renforcer, tout comme le respect de la hiérarchie des modes de traitement des déchets inscrite dans le code l?environnement : réutilisation, recyclage, valorisation et élimination377. La création d?un tel fonds apparaît d?autant plus nécessaire que si nous partageons entièrement la nécessité d?allouer un volant plus important de crédits au volet prévention, le contexte budgétaire, marqué par la poursuite de la hausse de la TGAP, et l?impact des coûts afférents à la collecte séparative des biodéchets, qui devrait selon l?ADEME être de l?ordre de 15 à 25 ¤ par habitant378, va réduire les marges de manoeuvre budgétaires des collectivités. Telles sont les observations que nous souhaitions porter à votre connaissance. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE (AMF) Vous avez bien voulu transmettre à l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité le projet de rapport public thématique intitulé « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser » et je vous en remercie. L'AMF souhaite vous faire part de ses remarques concernant, d'une part vos recommandations, et d'autre part votre analyse plus générale de la gestion des déchets. Concernant les recommandations n°1 à n°5, qui ont pour objectifs de simplifier et de rationaliser les documents de planification et de suivi, mais également de mettre en place six indicateurs de suivi, l'AMF appuie 376 Guide « territoires zéro pollution plastique », WWF des territoires zéro plastique, WWF, septembre 2020 : https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2020- 09/20200920_Guide_Territoires-Zéro-Pollution-Plastique_WWF.pdf 377 Article L. 541-1 II du Code de l?Environnement 378 https://agirpourlatransition.ademe.fr/collectivites/fiches/valorisation-biodechets-agir Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2020-09/20200920_Guide_Territoires-Zéro-Pollution-Plastique_WWF.pdf https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2020-09/20200920_Guide_Territoires-Zéro-Pollution-Plastique_WWF.pdf https://agirpourlatransition.ademe.fr/collectivites/fiches/valorisation-biodechets-agir RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 183 ces recommandations. La multiplication de documents ayant sensiblement les mêmes objectifs nuit à la clarté de la politique de prévention et de gestion des déchets. Les acteurs opérationnels s'épuisent à fournir des données pour alimenter des démarches de planification qui sont obsolètes à peine publiées. C'est particulièrement vrai pour les plans régionaux qui ont fait l'objet de nombreuses modifications législatives ou réglementaires nécessitant une refonte des documents. L'AMF estime donc qu'il est préférable de mettre en oeuvre un plan imparfait plutôt que de perfectionner sans cesse un document qui restera incomplet. Les collectivités ont besoin de temps et de visibilité pour donner un sens à une démarche de planification. Concernant les indicateurs de suivi, l'AMF ne peut que converger avec votre analyse. Comme les autres acteurs de la gestion des déchets, les collectivités sont sollicitées pour fournir des données afin d'alimenter un grand nombre d'études initiées par l'ADEME. En dehors du fait que ces données étant spécifiques à chaque étude, elles demandent souvent des recherches et des calculs, augmentant de ce fait le temps qui leur est consacré, elles sont trop spécifiques à l'objet de l'étude pour pouvoir être utilisées pour le suivi de la mise en oeuvre de la politique des déchets. Épuisées par ces demandes incessantes de données, les collectivités éprouvent un agacement certain de ne pas pouvoir obtenir des indicateurs fiables en retour. Sans remettre en cause la pertinence des études réalisées, l'ensemble des acteurs, et les collectivités en particulier, ont besoin d'indicateurs faciles à renseigner, raisonnablement fiables et surtout stables dans le temps, afin de constituer des séries statistiques susceptibles de mesurer les évolutions constatées. L'harmonisation des différents bilans et rapports demandés aux EPCI éviterait également la dispersion des informations, qui rendent souvent illisibles des documents, pourtant destinés à informer les citoyens. Cette standardisation, qui n'empêche pas les collectivités d'y ajouter des informations à caractère plus local pour leurs administrés, permettrait également une meilleure comparaison, voire une compilation plus aisée de ces documents. Il serait également pertinent de mettre en place des indicateurs, nationaux et locaux, qui pourraient être communiqués rapidement car ils sont calculés sur la base de données à date, sans attendre la clôture définitive de tous les comptes. Par exemple, les tonnages collectés et recyclés, ainsi qu'une estimation fiable des dépenses engagées et des recettes perçues, sont disponibles au premier trimestre de l'année suivante. Ces données, même incomplètes, pourraient être utilisées pour mettre en place des indicateurs immédiatement disponibles et sans attendre deux ans Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 184 COUR DES COMPTES une validation statistique qui portera sur une variation inférieure à 5%. Les collectivités de traitement sont en capacité de renseigner de tels indicateurs rapidement, ce qui permettrait aux EPCI de disposer d'un meilleur suivi de la gestion de leurs déchets. A l'échelle nationale, les autorités publiques gagneraient également à disposer d'indicateurs moins précis, mais plus fréquents, afin de mieux suivre les politiques publiques mises en place. L'AMF est également sensible à votre recommandation de décliner les plans de prévention élaborés par les syndicats de traitement au niveau de chaque EPCI. Nous suggérons même, dans la mesure du possible, de laisser chaque commune s'approprier certains éléments de ce plan pour les mettre en oeuvre. Si la collecte et le traitement sont des opérations techniques qui bénéficient de la mutualisation, la prévention des déchets est l'affaire de chacun, qui peut agir à son échelle. Concernant votre recommandation n°6 qui propose de favoriser la mise en place de la tarification incitative en allégeant le coût pour les collectivités grâce à un financement complémentaire de 80% sur les premiers exercices, l'AMF trouve cette proposition intéressante et adaptée aux obstacles rencontrés pour effectuer les investissements nécessaires. Nous avons particulièrement apprécié la mesure et les nuances de votre analyse concernant les difficultés rencontrées par les collectivités pour mettre en place la tarification incitative. Dans ce domaine, les collectivités ne sont pas opposées à cette évolution de la tarification des déchets, mais elles sont inquiètes face à la perspective de plusieurs risques : la fragilisation de leurs ressources alors qu'elles ont besoin d'assurer un service de salubrité, les investissements conséquents que représente l'acquisition des matériels nécessaires (identification des bacs, bennes équipées de systèmes de mesures, logiciels de suivi), la crainte d'une multiplication des dépôts sauvages et la gestion des impayés. La gestion des impayés tend à devenir de plus en plus en plus difficile et fait peser des risques financiers sur les collectivités. C'est le cas des redevances qui ne permettent pas de compenser les déficits par le budget général. Il devient urgent de traiter ces problèmes si les pouvoirs publics veulent réellement inciter les collectivités à la mettre en oeuvre. S'agissant de la TEOM, l'AMF partage votre souhait de clarification du périmètre des dépenses prises en compte. Toutefois, nous trouvons regrettable que la jurisprudence tende à exclure des dépenses éligibles le ramassage des corbeilles de rue, le nettoyage des marchés alimentaires et forains ; il s'agit de déchets ménagers et assimilés ou de déchets des services des collectivités (de la voirie plus particulièrement), collectés dans le cadre du service public afin d'assurer la salubrité et traités avec Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 185 les autres DMA. Dans le contexte actuel, il semble inutile et non pertinent d'ouvrir ce chantier. Concernant votre recommandation n°9 qui ouvre la possibilité pour les collectivités de confier la vente des produits issus du tri à l'éco- organisme des emballages, l'AMF est particulièrement attentive à ce que cette opportunité soit fondée sur le volontariat des collectivités. De plus, les marchés des matériaux ayant des caractéristiques différentes en fonction des matières, il est préférable que ce choix soit effectué matériau par matériau, comme c'est le cas pour les options de reprise. Concernant la prévention, son arrivée dans le débat public encourage les collectivités à mettre en place des politiques dépassant largement la seule sensibilisation. Il serait regrettable que la prévention soit réservée uniquement aux intercommunalités et aux syndicats de gestion des déchets. Si la réduction des déchets a des impacts directs sur les quantités et la qualité des déchets gérés, elle se prépare bien en amont. Les politiques de prévention doivent être partagées par tous les niveaux des collectivités, dans la gestion de leurs propres déchets, mais aussi dans la mise en oeuvre de leurs autres politiques. Toutefois, I'AMF est opposée à l'idée d'adosser systématiquement des ressourceries aux déchèteries. En effet, les déchèteries sont situées dans des zones peu attractives et les particuliers s'y rendent uniquement pour se débarrasser de leurs déchets puis en repartent aussitôt. Ils ne viennent pas pour y faire des achats. Le succès de l'initiative de la « déchèterie à l'envers » n'est pas reproductible partout. Que les déchèteries servent à alimenter les ressourceries est tout à fait envisageable, mais les déchets récupérés pour réemploi ne doivent pas rester sur le même site. Les déchèteries ne sont pas aménagées pour cela et le risque de pillage et de violence n'est pas négligeable. Et quoi qu'il en soit, cette décision est du domaine de la libre administration des collectivités. Concernant la gestion des déchets produits par les activités économiques, l'AMF tient à faire observer que, si la gestion des déchets des particuliers fait l'objet de nombreux contrôles à travers les collectivités et les éco-organismes, il n'en est pas de même des déchets des activités économiques, qui représentent des tonnages dix fois supérieurs. Les difficultés rencontrées pour faire appliquer le décret « 5 flux » puis « 7 flux », en sont l'illustration. En effet, les services de l'État sont compétents pour les installations de traitement des déchets, les maires pour les espaces publics et la voirie, mais personne ne peut contrôler la gestion des déchets à l'intérieur des entreprises. Cette dissymétrie dans les obligations et les responsabilités nuit à l'efficacité de la politique nationale de gestion des déchets. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 186 COUR DES COMPTES L'AMF ne partage pas votre souhait de voir les déchets des professionnels rejoindre les installations de collecte des collectivités, notamment les déchèteries. Depuis plus de 10 ans, les collectivités gérant des déchèteries essaient d'éviter d'accueillir les déchets de professionnels. En effet, les professionnels n'ont ni les mêmes attentes que les particuliers (notamment en terme d'horaires d'ouverture ou de volumes acceptés), ni les mêmes déchets (déchets dangereux spécifiques aux activités professionnelles, quantité et taille des cartons d'emballages par exemple). De ce fait, les professionnels ne sont pas satisfaits du service et la présence des déchets professionnels perturbe le fonctionnement pour les particuliers. De plus, il est souvent difficile de faire payer le service par les professionnels alors qu'il semble gratuit pour les particuliers (en fait il est payé par leurs impôts). Dans ce cas, la gestion des déchets des professionnels est financée par les ménages. Enfin, lorsqu'il existe une filière REP pour les déchets ménagers, l'accès des professionnels à la déchèterie conduit la collectivité à devoir payer pour le traitement des déchets des professionnels, qui ne sont pas de sa compétence, alors que la filière REP prend en charge gratuitement les déchets des ménages. C'est pourquoi, les collectivités sont réticentes à accueillir les déchets des professionnels dans leurs installations car ils sont sources de désorganisation, de problèmes techniques et de pertes financières. En outre, l'acceptation des déchets des professionnels dans les dites installations nuit à la mise en place de solutions pertinentes de valorisation de ces déchets. Cette situation prolonge l'existence de solutions à faibles coûts pour les déchets des professionnels qui ne permettent pas de dégager les financements nécessaires aux investissements. Concernant la collecte des déchets des ménages, l'AMF vous signale que vous n'avez pas mentionné la collecte pneumatique dans les modes d'organisation cités dans votre rapport. Bien que limitée à certains territoires, elle aurait mérité une analyse, notamment de son coût et de son efficacité. Par ailleurs, la répartition entre le porte-à-porte et l'apport volontaire est en train de bouger. En effet, certaines collectivités s'interrogent sur le coût environnemental de la collecte en porte-à-porte, notamment en matière de contribution à la pollution atmosphérique et à l'utilisation de carburants. La difficulté à organiser les calendriers de collecte, surtout avec la multiplication des collectes séparées, conduit certaines collectivités à envisager d'autres organisations. Cette réflexion est trop récente pour en tirer des conclusions dès à présent, mais elle intéresse de plus en plus de collectivités. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 187 Concernant la collecte et la valorisation des déchets biodégradables, l'AMF partage votre constat d'un faible développement des collectes séparées des biodéchets. Toutefois, cette situation tient essentiellement à la faiblesse des débouchés. Depuis presque un an, les collectivités attendent une modernisation des normes « compost » qui serait de nature à sécuriser les utilisateurs et les producteurs de compost. En fait les différents ministères concernés (en particulier ceux de l'environnement et de l'agriculture) ne semblent pas arriver à trouver un accord sur les normes nécessaires. Les perspectives de débouchés qui semblaient s'ouvrir avec le développement de la méthanisation ont été déçues pour plusieurs raisons : une difficulté à trouver le cadre juridique pertinent pour une coopération avec les opérateurs de méthanisation agricole, la gestion des digestats qui se heurtent aux mêmes difficultés que les composts, mais surtout l'impossibilité d'implanter des installations de méthanisation. Alors que l'économie circulaire commence à intéresser le public, il est encore plus difficile de faire accepter les installations nécessaires aux riverains. Dans ce contexte difficile, les collectivités déplorent la grande prudence des pouvoirs publics, au niveau préfectoral comme au niveau national, qui se traduit par un faible appui aux projets en matière de méthanisation. Tant que les incertitudes sur les débouchés ne seront pas levées, les collectivités continueront à expérimenter des modalités de collecte ; elles pourront les déployer largement quand il existera réellement des débouchés. Enfin, une association des communes au développement des collectes de proximité organisées par les EPCI permet de lever certains obstacles locaux et d'améliorer la sensibilisation des habitants. Concernant la collecte séparée des emballages plastiques, l'AMF ne partage pas votre appréciation. En effet, à la fin du premier trimestre 2022, toutes les collectivités avaient déposé un dossier de modification de leurs centres de tri et nous pouvons raisonnablement penser que l'ensemble des territoires métropolitains passera à l'extension des consignes de collecte en 2023. Les territoires ultramarins auront besoin d'un délai supplémentaire en raison de leurs contraintes spécifiques. Si la collecte sera au rendez-vous de l'échéance de 2023, la rénovation et l'adaptation de la totalité des centres de tri ne seront pas terminées au 1er janvier 2023. Ces retards ont des causes multiples : débat sur la consigne qui a conduit certaines collectivités à suspendre leurs projets dans l'attente d'une plus grande visibilité sur les produits entrant dans le centre de tri (présence ou non des bouteilles), décalage de certaines décisions en raison des circonstances des élections municipales, perturbations du calendrier des travaux du fait de la crise sanitaire, saturation des carnets de commandes des équipementiers. Pour prévenir Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 188 COUR DES COMPTES les conséquences de ces retards, l'éco-organisme des emballages et les collectivités ont mis en place des solutions transitoires, afin de trier les tonnages collectés dans de bonnes conditions et sans dégrader la qualité, même pendant la période d'indisponibilité de certains nouveaux centres. Concernant la valorisation des matériaux, l'AMF confirme que la complexité et la spécialisation des marchés des matériaux recyclables rend leur commercialisation de plus en plus difficile pour les collectivités : leur fonctionnement n'est pas adapté à la réactivité nécessaire. La priorité pour les collectivités, qui a été un préalable à leur participation aux filières REP dès 1992, reste l'enlèvement des déchets triés, à coût positif ou nul au départ du centre de tri ; elles ne peuvent pas arrêter de collecter et leurs capacités de stockage sont limitées. En conséquence, si les collectivités doivent renoncer à la commercialisation des matériaux triés (et aux recettes qui les accompagnent), c'est à la condition non négociable d'avoir la garantie des enlèvements. Cette exigence est valable pour toutes les filières REP. Concernant l'incinération, l'AMF regrette la dégradation du parc des unités de valorisation énergétique depuis plus de 15 ans. L'effort de modernisation, notamment en ce qui concerne les traitements des fumées, qui a été mené dans les années 1990-2000, s'est heurté ensuite à l'impopularité des installations de traitement. Les difficultés d'implantation et l'hostilité des pouvoirs publics n'ont pas permis d'investir dans les capacités nécessaires, ni parfois de procéder aux rénovations indispensables. Une intense campagne de communication « anti-incinération » a parfois conduit à compromettre des opérations de valorisation énergétique ; des occasions de développement de réseaux de chaleur ont été écartées. Même la constatation que cette politique bénéficiait surtout à la mise en décharge n'a pas permis une révision réelle de l'absence de soutien de l'État. Le développement des combustibles solides de récupération est actuellement entravé par des obstacles réglementaires, alors que leur production présente des avantages en matière de stockage et de souplesse d'utilisation. L'incinération aux normes les plus exigeantes constitue un des maillons dans la chaîne du traitement des déchets par une valorisation énergétique pertinente. Il n'est pas possible de réduire et de recycler la totalité des déchets, même s'il existe encore d'importantes marges de progression. Pour développer la réutilisation et le recyclage, il faut massivement investir dans la création de débouchés pour les matériaux. En l'absence de débouchés, la réduction arbitraire des capacités d'élimination ne permet pas de développer le recyclage, mais elle favorise les solutions illégales et les Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 189 dépôts sauvages. A cette occasion, l'AMF regrette qu'il ne soit pas prévu d'utiliser l'augmentation de la TGAP pour soutenir financièrement les investissements nécessaires dans le domaine de l'économie circulaire, par exemple pour le déploiement des nouvelles collectes, la construction des infrastructures et des installations nécessaires, mais aussi la création de débouchés innovants. La TGAP devient une simple sanction, loin des ambitions de développement et d'amélioration qui existaient lors de sa création Concernant la gestion des dépôts sauvages, l'AMF regrette que cette question ne soit pas abordée dans votre rapport. Il est vrai qu'elle ne relève pas de la gestion des déchets au sens strict et qu'elle n'est pas de la compétence des mêmes collectivités. Toutefois, l'existence des dépôts sauvages est directement liée aux faiblesses de la politique de gestion des déchets. En effet, l'absence de contrôles, notamment des déchets des professionnels, le manque d'installations de traitement et les difficultés opérationnelles de sanctionner les actes d'incivisme sont des causes de l'existence de certains dépôts sauvages. Leur élimination constitue la principale difficulté pour les élus et leurs équipes, c'est également la première source de nuisances évoquées par les habitants au sujet des déchets. Si la loi AGEC a apporté quelques améliorations, les collectivités restent seules et démunies pour lutter contre ce fléau. L'ampleur du phénomène ne permet plus de se contenter de perfectionner les moyens à la disposition des collectivités, il faut mobiliser l'ensemble des autorités publiques, depuis les collectivités jusqu'à l'État, en passant par le ministère de la Justice. Les élus, en particulier les maires, sont déterminés à lutter contre les dépôts sauvages, mais ils ne pourront pas en venir à bout seuls, et il leur faut des moyens juridiques. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA MÉTROPOLE DE LYON Par lettre du 28 juillet 2022, vous m?avez communiqué le rapport public thématique que la Cour des Comptes se propose de publier prochainement sur la prévention, la collecte et le traitement des déchets ménagers. J?ai pris connaissance avec un très vif intérêt des observations formulées par la Cour sur la gestion de cette politique publique essentielle, à laquelle la Métropole de Lyon accorde la plus grande attention. Ces observations confirment la pertinence des orientations retenues par notre collectivité, à la faveur de l?adoption, en juin 2022, du schéma directeur des déchets à l?horizon 2030. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 190 COUR DES COMPTES La Métropole de Lyon vise en effet la sobriété en matière de consommation et de production de déchets et une meilleure valorisation des déchets résiduels produits. Nos objectifs pour 2030 sont de réduire de 25 % la production de déchets par habitant, de 50 % la quantité incinérée et d?atteindre 60 % de valorisation matière (réemploi, recyclage, compostage?) des déchets ménagers et assimilés. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, un plan d?actions articulé autour de trois axes a été défini. Tout d?abord, déployer des solutions adaptées aux usagers pour réduire et trier les déchets. La Métropole de Lyon va développer des équipements complémentaires pour mieux trier (silos à verre, silos à emballages, silos textiles) sur l?ensemble du territoire métropolitain. D?ici 2024, elle équipera l?ensemble des quartiers densément peuplés, de bornes à compost (1 million d?habitants couverts par ce nouveau service) pour permettre le tri de tous les déchets alimentaires. En parallèle, les distributions de composteurs pour les habitants en maison individuelle et les installations de composteurs partagés en pied d?immeuble ou dans les quartiers, seront poursuivies. Les déchèteries existantes seront modernisées en vue de favoriser le don, le réemploi, la réutilisation et le recyclage. Ainsi, des écocentres verront prochainement le jour sur le territoire. Ensuite, accompagner les usagers dans le changement de pratiques. La Métropole va mettre en place une communication régulière et ciblée pour faire connaître les nouveaux services mis à disposition des usagers, mais aussi pour les informer sur la qualité du tri et sur la quantité des déchets produits. Pour inciter au changement, le nombre de personnes sensibilisées par an sera doublé, passant de 70 000 à 140 000. Une attention particulière sera portée aux jeunes publics, notamment les scolaires et collégiens. En complément, la Métropole de Lyon déploiera des opérations de contrôle et de sanction. Elle prévoit ainsi d?assermenter 180 agents pour faire respecter le règlement de collecte des déchets ménagers et assimilés. Enfin, faire des déchets des ressources durables. Pour répondre aux objectifs métropolitains, la collectivité doit, en lien avec les territoires voisins, augmenter les capacités de tri et de valorisation de la collecte sélective par la création d?un nouveau centre de tri. Parallèlement, des plateformes de compostage métropolitaines seront créées pour accueillir et traiter les déchets alimentaires collectés via les bornes à compost. Enfin, les deux incinérateurs du territoire devront également être modernisés et repensés à horizon 2030, afin de s?adapter Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 191 aux évolutions quantitatives et qualitatives des déchets et de développer des partenariats et des mutualisations avec les territoires voisins. Ainsi, au-delà de budgets de fonctionnement significatifs, quelques 145 M¤ seront consacrés en investissements à la politique des déchets pendant le mandat 2020-2026. Telles sont les précisions que j?estimais utiles de porter à votre connaissance. MADAME LA PRÉSIDENTE DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE L'ÎLE D'OLÉRON Par courrier en date du 28 juillet 2022, vous me proposez de réagir au rapport public thématique intitulé "Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser". La région Bourgogne- Franche-Comté a une responsabilité en termes de planification régionale de la prévention et de la gestion des déchets, suite au transfert de compétence issue de la loi NOTRé du 08 aout 2015. L'analyse du rapport amène les observations suivantes : Élaboration du PRPGD (p. 33) La Région a adopté en novembre 2019 son Plan Régional de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD) qui fait désormais partie intégrante du SRADDET, adopté en 2020. ? La loi NOTRé a transféré aux Régions l'élaboration des PRPGD, imposant des délais impossibles à tenir (février 2017) pour des collectivités nouvelles, issues des fusions au 1 er janvier 2016. Le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté a choisi néanmoins de prendre le temps nécessaire à la concertation tout en accélérant l'élaboration de son PRPGD afin de répondre à la demande de l'État dans le cadre du précontentieux qui l'oppose à l'Union Européenne. Sachant que, par ailleurs, les procédures administratives entre l'arrêt du projet et l'approbation du plan, qui s'étalent sur une année complète, viennent raccourcir d'autant les phases rédactionnelles. Le PRPGD a donc, dans les faits, été rédigé dès l'automne 2018. Ce temps, très contraint, n'a pas permis de creuser des solutions opérationnelles ni d'engager dans le même temps la création d'un observatoire à l'échelle du territoire. ? L'état des lieux des gisements, en particulier issus des acteurs économiques et du BTP, a été et reste très aléatoire en raison de la multitude des producteurs, majoritairement des TPE. Par ailleurs, les Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 192 COUR DES COMPTES données présentes dans les bases de l'État ne concernent pas tous les producteurs et ne constituent donc qu'une source d'information partielle. ? L'élaboration du PRPGD s'est faite en concertation avec les acteurs du territoire afin de définir des objectifs communs de réduction, de valorisation et de gestion des déchets. La rédaction du document final s'est faite en étroite collaboration avec les services de la DREAL et de l'ADEME, en particulier concernant la planification des installations de stockage, usines d'incinération et centres de tri des DMA. ? Le conseil régional n'ayant pas autorité en matière d'ouverture ou de fermeture des installations de traitement (p. 34), mission qui incombe aux services de l'État, nous avons eu une approche par bassin et en tenant compte des réalités de terrain afin de proposer une adéquation des capacités et des gisements. Vous noterez que, dans le temps d'élaboration du PRPGD, de nouvelles autorisations ont été accordées par l'État et sont venues modifier la trajectoire concernant la baisse des capacités de traitement sur notre territoire, décalant de trois ans l'atteinte des objectifs prévus dans le Plan. La Région avait suggéré aux services de l'État qu'ils prononcent un sursis à statuer, par analogie à cette faculté existant dans le droit de l'urbanisme ; ceux-ci n'ont pas souhaité donner suite. ? De même, le conseil régional ne peut prévoir la création d'installations de gestion ou traitement, création qui appartient au domaine concurrentiel, limitant ainsi le pouvoir de planification à constater des décalages entre les besoins et les capacités présentes sur le territoire. ? Enfin, il est nécessaire de rappeler que la mise en oeuvre de cette nouvelle mission dévolue aux Régions n'a fait l'objet, en Bourgogne- Franche-Comté, d'aucun transfert de ressources humaines des Départements et d'une compensation financière équivalente à 20 K¤ du département de la Haute-Saône sans commune mesure avec la charge transférée. Madame la préfète de Région n'a pas donné suite à la demande de la Région de prononcer le transfert de charges de 5 équivalents temps plein issus des 8 départements de Bourgogne- Franche-Comté, dont l'existence était pourtant avérée. Par ailleurs, les Régions ont proposé à l'État depuis plusieurs années, un transfert partiel de TGAP afin d'accélérer la mise en oeuvre des actions sur le terrain. La possibilité de gestion d'une partie du fonds déchets de l'ADEME ne constitue pas une réponse satisfaisante à cette demande car le budget global alloué aux territoires reste constant et serait délégué aux Régions sous l'autorité de l'ADEME, limitant strictement l'intérêt et les marges de manoeuvre pour les Régions. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 193 Mise en oeuvre du PRPGD ? Depuis la rédaction du PRPGD (projet achevé fin 2018), de nombreuses actions ont été mises en place par la Région. En premier lieu, la réglementation imposait un plan d'action économie circulaire, inclus dans le PRPGD. La région Bourgogne-Franche-Comté a fait le choix de se doter dès juin 2020, d'une Feuille de Route Économie Circulaire (FREC) très opérationnelle qui permet de décliner des actions de terrain en coopération avec les acteurs du territoire (téléchargeable sur notre site internet : https://www.bourgognefranchecomte.frivers-le-zero- dechet) (p. 65-73). ? Concernant l'animation du territoire, la région BFC anime un réseau des collectivités en complément du réseau A3P porté par l'ADEME et soutient financièrement d'autres réseaux portés par des acteurs de notre territoire. Chaque année, une thématique fait l'objet d'une déclinaison en termes de communication et de soutien aux actions : vrac, réemploi, biodéchets. ? La Cour salue les initiatives de financement des équipements par certaines Régions. La Région ne dispose pas de clause générale de compétence depuis la loi NOTRé. Par conséquent, elle ne peut engager des financements qu'autre titre de sa compétence planification. Il convient, en effet, de rappeler que le mode de financement de la gestion des déchets (p. 43-48) repose sur la TEOM et/ou la REOM pour service rendu, les financements ADEME provenant de la TGAP et les éco- organismes, prélevant les contributions des producteurs de déchets. Pour autant, la Région finance depuis 2018 en cogestion avec l'ADEME, avec un renfort budgétaire notable en 2021 via le Plan d'Accélération de l'Investissement Régional (PAIR), des projets d'économie circulaire, d'installations de traitement et, depuis 2020, des projets liés à la généralisation du tri à la source des biodéchets. ? Enfin, pour ce qui est de l'observation (p. 33), la Région est désormais dotée d'un observatoire régional, porté par l'association ALTERRE BFC et en cours de mise en place d'un outil de collecte des données innovant qui permettra à l'avenir de limiter les sollicitations des producteurs et de favoriser les échanges avec d'autres bases existantes. L'enquête relative à la collecte et aux traitements des DMA a été mise en oeuvre sous maitrise d'ouvrage de la Région en 2021. Par ailleurs, la Région participe activement aux ateliers menés par l'ADEME nationale dans le but d'améliorer et d'harmoniser la collecte des données. Il est rappelé que la région Bourgogne-Franche-Comté a déjà déposé le 15 avril 2022 un certain nombre de remarques sur la plateforme, Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 194 COUR DES COMPTES suite à la sollicitation que la Cour des Comptes avait faite auprès de Régions de France. Nos premières remarques n'ont toutefois pas été intégrées dans le projet définitif. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL DE BRETAGNE Je tiens tout d?abord à redire que je partage l?analyse de Régions de France, retranscrite dans son courrier du 11 avril dernier. Les problématiques et les conditions particulières encadrant la mise en oeuvre de la compétence régionale de la planification de la prévention et de la gestion des déchets y sont parfaitement traduites et illustrent concrètement les difficultés que nous rencontrons aussi en Bretagne. Dès le transfert de compétence issu de la loi NOTRé, la Région s?est largement engagée dans son rôle de chef de file et d?animation pour la prévention et la gestion des déchets, tous flux confondus. En dépit d?un contexte réglementaire marqué depuis plusieurs années par de nombreuses évolutions législatives, non toujours transcrites rapidement de façon opérationnelle, la Région a adopté en mars 2020 son PRPGD, en juillet 2020 une Feuille de route bretonne dédiée à l?Économie circulaire, et son SRADDET en novembre 2020. Le PRPGD breton est le fruit de démarches partenariales et concertées avec l?ensemble des parties prenantes de la prévention et de la gestion des déchets. Outre les 10 principes fondamentaux du plan, les 18 objectifs inscrits dans le PRPGD déclinent et renforcent, en prenant en compte le contexte et les particularités bretonnes, les objectifs européens et nationaux. Une trajectoire très ambitieuse est fixée par la Région dans le PRPGD avec le « zéro enfouissement des déchets » à l?horizon 2030 et le « zéro déchets » en 2040. Le déploiement de l?économie circulaire, la recherche de l?efficacité collective et l?engagement de tous au quotidien constituent autant de moyens pour y parvenir. Malgré la volonté clairement partagée par la Région et l?ensemble des partenaires et acteurs concernés en Bretagne de relever les défis, le déploiement de certaines actions de prévention et de gestion des déchets reste complexe. Certaines dispositions structurelles, règlementaires, techniques ou financières limitent l?efficacité de l?action et l?engagement des collectivités locales, des opérateurs et acteurs des déchets sur le terrain. Le déploiement actuel des nouvelles filières REP par certains éco- Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 195 organismes, parfois insuffisamment partagé avec les collectivités pourtant directement concernées, ou encore l?absence de moyens d?accompagnement suffisants pour les installations de combustion (chaudières CSR) constituent deux exemples parmi bien d?autres, révélateurs des difficultés auxquelles doivent faire face les parties prenantes bretonnes. La Région entend pourtant, malgré toutes ces difficultés, relever les défis et poursuivre son engagement, avec conviction, sens des responsabilités et sans relâcher ses efforts. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL GRAND EST Par une correspondance en date du 28 juillet 2022, vous avez bien voulu porter à ma connaissance le rapport public thématique intitulé « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser », et je vous en remercie. - J?ai procédé à une lecture attentive de ce document et souhaite vous apporter des éléments de réponse. Concernant le chapitre III / A ? 2 « La nécessité d?une meilleure coordination des investissements La Région Grand Est, en co-animation avec la DREAL Grand Est, rassemble dans un groupe de travail depuis février 2019, l?ensemble des exploitants des installations de stockage de déchets non dangereux et de valorisation énergétique (UVE), ainsi que les plus gros producteurs de déchets. L'objectif de ce groupe de travail est de permettre une optimisation du traitement des flux de déchets résiduels, dans le respect des préconisations et des règles du SRADDET, à savoir : - Principe de proximité (gestion des déchets au plus près de leur zone de production, et de proche en proche) ; - Respect de la hiérarchie des modes de traitement en saturant les incinérateurs. L?objectif est de mettre autour de la table l?ensemble des acteurs afin de faire des projections quasiment en temps réel des besoins en matière de traitement, et d?anticiper les éventuels points de blocage. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 196 COUR DES COMPTES Ces derniers peuvent être liés aux arrêts techniques, aux incidents et accidents et aux situations exceptionnelles. La région a été marquée par une suite d?évènements entre 2016 et fin 2019, qui ont fortement réduit ses capacités de traitement jusque ce début d?année 2022. Le partage des données régionalisées (sur les tonnages stockés et incinérés, les coûts appliqués, les besoins de détournements de flux vers d?autres exutoires et la prise d?arrêtés d?exploiter par les préfets concernés) a permis d?assoir le rôle de la Région en tant que planificateur. La non augmentation des capacités de stockage fortement demandées par les acteurs, même pendant les années difficiles, a été respectée. Le partenariat Région / DREAL a par ailleurs montré sa force dans le rassemblement d?acteurs à la base concurrents, pour trouver ensemble les solutions. Ainsi, la Région a diminué ses capacités entre 2015 et 2022, et tend vers l?objectif au travers des nouveaux arrêtés d?exploitation pris et à venir. Le groupe de travail a permis pour cela de décliner, dans les arrêtés d?exploitation, les règles et principes du SRADDET en termes de demande de prolongation ou de création, ou encore de modification de zone de chalandise ; cela avec pour finalité d?atteindre les objectifs de réduction, en définissant notamment des capacités maximales. La suite de la réflexion se fait autour des actions à mettre en oeuvre pour l?atteinte des objectifs, au travers de la projection à 2025 et 2031, des capacités réelles à prévoir sur 3 bassins de vie. Deux groupes de travail « stockage » et « incinération » ont découlé de ce premier groupe et traitent des sujets spécifiques à chacune de ces 2 thématiques (points d?alerte, actions possibles, coordination des arrêts techniques, veille règlementaire, ?). Concernant l?annexe 3 relative aux Plans Régionaux de Prévention et de Gestion des Déchets La Région Grand Est présente non seulement des données départementalisées dans son état des lieux (données DAE, DMA, BTP ou certains déchets dangereux), mais également pour ses objectifs à atteindre en matière de capacité d?installations de stockage de déchets inertes (ISDI), notamment dans la mesure où il s?agit de gestion de déchets de proximité (déchets du BTP). Le présent rapport fait état de lacunes de données que ni l?État, ni les régions n?ont comblées par des enquêtes de terrain. Pour ce qui est de Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 197 la Région Grand Est, il s?agit de 408 tonnes pour lesquels l?exutoire n?est pas précisé, sur un total de 1 994 000 tonnes. Tous les autres tonnages ont un exutoire. Le plan de la Région Grand Est décline de manière détaillée, à l?échelle départementale, les installations de stockage qu?il sera nécessaire de créer et projette les besoins en capacité de traitement à l?échelle de deux bassins de vie (Est et Ouest). La Région Grand Est a effectivement fait le choix de décliner finement la planification de ses installations, pour être au plus près des besoins. L?observatoire « déchets », lancé le 23 novembre 2020 en Région Grand Est, est un des premiers de ce type en France (marchés à lots / partenaires publiques / prestations internes). Contrairement à d?autres observatoires, il recouvre l?ensemble des typologies de déchets. Il s?agit d?une initiative volontariste de la Région Grand Est (l?observation n?est pas règlementaire), demandée par les acteurs de la Commission Consultative d?Élaboration et de Suivi (CCES), dès les premiers travaux du Plan. L?Observatoire « Déchet et Économie Circulaire » a fait l?objet d?une délibération de la Commission Permanente du Conseil Régional Grand Est, votée en Séance le 26 avril 2019, soit avant même l?adoption du SRADDET en février 2020. Son déploiement rapide a été permis par la volonté régionale d?anticiper et de doter cet observatoire des moyens humains et financiers conséquents, mais nécessaires pour sa mise en oeuvre. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 198 COUR DES COMPTES Il joue, outre sa fonction de suivi des objectifs, un rôle primordial en matière d?information et d?appui aux collectivités locales et aux entreprises sur : ? les Déchets Ménagers et Assimilés (DMA) ; ? les Déchets d?Activités Économiques (DAE) ; ? les Déchets Dangereux (DD) ; ? les déchets de Chantiers du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP). Je reste naturellement à votre disposition pour toute information complémentaire. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL DE NORMANDIE A la lecture de ce rapport, je suis étonné du peu d'évolution, au final, du rapport malgré l'envoi d'éléments complémentaires transmis à vos services le 1 avril 2022, dont je ne retrouve pas trace ni intégration. En effet, votre position reste inchangée par rapport à la description, que vous qualifiez de sommaire, quant aux mesures prises pour atteindre l'objectif de couverture de 30 % de la population normande par une tarification incitative. Pourtant et grâce à sa dynamique d'animation régionale, et sa présence auprès des acteurs normands, la Région a réussi à avancer sereinement vers cet objectif que je qualifierais d'ambitieux afin d'atteindre les 30 % en 2025. Par ailleurs, et comme vous, je porte une attention particulière à l'efficience de nos politiques publiques. A cette fin, je réitère l'ambition de la Région Normandie de revendiquer son droit à l'expérimentation en se portant volontaire pour que sa compétence en matière de prévention et de gestion des déchets soit étendue comme l'indiquait le rapport « Évolution des capacités de traitement des déchets en France à l'horizon 2040 » rédigé par Jean-Louis Chaussade et remis à Barbara Pompili. Mes services se tiennent à votre entière disposition pour vous fournir des informations plus détaillées sur nos travaux et réflexions à venir. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL DE NOUVELLE-AQUITAINE Dans le cadre du rapport public thématique « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers » que vous m?avez adressé par courrier Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 199 du 28 juillet 2022 reçu le même jour, j?ai pris connaissance avec attention de ce document. Je partage pour l?essentiel les propositions émises notamment concernant le nécessaire renforcement des actions en matière de prévention, l?amélioration de la collecte des données et la simplification des actions avec le fonctionnement des filières à la responsabilité élargie du producteur. Je me permets d?apporter des précisions complémentaires concernant plusieurs thèmes : 1. Massifier le soutien aux actions de prévention et de réduction des déchets Je partage le constat de la Cour concernant le manque de moyens sur la prévention. Pour les collectivités territoriales, les moyens humains et financiers allouées aux actions de prévention manquent pour atteindre les objectifs nationaux. La mobilisation et l?accompagnement technique et financier auprès des parties prenantes doivent être accrus et partagés entre les différents financeurs. Les conseillers régionaux délégués et les services de la Région ont identifié la prévention comme la priorité pour répondre aux enjeux environnementaux de la gestion des déchets et j?ai traduit cette priorité régionale en actes en impliquant fortement sur le sujet l?ensemble des acteurs (collectivités, entreprises et associations) : élaboration d?une feuille de route déchets, lancement en 2022 de conventions avec les EPCI pour accompagner la réalisation des programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés (PLPDMA), lancement en 2022 d?un nouvel appel à projets pour les EPCI avec un axe prévention? 2. L?amélioration de la collecte des données permettra de clarifier l?atteinte des objectifs La Région Nouvelle-Aquitaine est déjà pleinement mobilisée et prête à jouer un rôle encore plus important en matière de consolidation des données relatives aux déchets. En effet, la Région, avec son observatoire des déchets porté par l?AREC (Agence Régionale Évaluation environnement et Climat) enquête déjà les intercommunalités à compétence Déchets. La confiance instaurée avec les collectivités nous permet d?avoir une remontée des données effectives et un suivi des évolutions sans difficulté dans la remontée de ces informations régionales. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 200 COUR DES COMPTES Je partage avec la Cour : - le besoin de simplifier et d?uniformiser les informations transmises par les EPCI à l?échelle nationale en s?assurant notamment que les bases de calcul soient identiques afin de faciliter une comparaison des indicateurs à l?échelle nationale ; - la proposition de compiler les différents documents ou plan nationaux. Cela permettrait de faciliter la compréhension et l?appropriation des objectifs à atteindre pour les territoires et de les mettre en cohérence avec les documents cadres régionaux. 3. Inciter les filières à responsabilité élargie du producteur (REP) à améliorer le suivi, amélioration du tri et la prévention Je constate ces dernières années une multiplication du nombre de filières à responsabilité élargie du producteur (REP). Je m?interroge sur l?efficacité de ces dispositifs, la visibilité et le suivi des filières REP, la multiplicité des interlocuteurs pour les collectivités et les besoins spécifiques de point de collecte notamment dans les déchetteries. Les éco-organismes des filières REP doivent améliorer le suivi des tonnages et le tri sur les sites de collecte. En outre, je partage votre proposition concernant la nécessité d?augmenter la participation aux efforts de prévention à travers le financement d?actions à fort impact sur les flux collectés. Dans la mesure où l?éco-conception doit être une priorité pour nos entreprises, comme j?ai souhaité l?intégrer dans le nouveau SRDEII de la Région, les dispositifs incitatifs et prescriptifs doivent être renforcés et le financement par les filières REP massifié. 4. Une nécessaire distinction entre planification et programmation Si la Région peut en sa qualité de planificateur et d?animateur faciliter les coopérations et l?émergence de solutions partagées, il me semble important de rappeler que les collectivités en charge du traitement restent les seules décisionnaires. La Région planifie mais ne peut pas programmer la réalisation des installations. Ainsi la Région joue d?ores et déjà un rôle clef pour faciliter les synergies locales dans la programmation des équipements de gestion des déchets et ce en tenant compte des disparités géographiques, historiques et/ou des spécificités locales. Ce travail se fait dans le respect du principe de libre administration, d?absence de tutelle et donc des choix locaux des intercommunalités qui restent pleinement décisionnaires en matière de programmation des équipements. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 201 En outre, il me semble important de rappeler que ce sont les services de l?État qui restent compétents sur la délivrance des autorisations relatives aux installations classées pour la protection de l?environnement (ICPE) pour les EPCI à compétence Déchets. Afin de s?assurer de la compatibilité avec le volet Déchets du SRADDET, l?État saisit la Région, qui ensuite émet un avis (opposabilité du plan), qui n?engage pas l?État dans sa décision finale. Ainsi, la compétence régionale en matière de prévention et de gestion des déchets est essentielle, mais sa portée peut s?en voir limitée du fait de la multiplicité des acteurs concernés et de leurs différentes compétences. Les étapes successives de décentralisation et de transfert de compétences ont amené à cette multiplicité des acteurs qui nécessite désormais une coordination de ceux-ci afin de s?assurer de la complémentarité et de la pertinence des actions. 5. Une plus forte mobilisation des Régions qui se heurte à la limitation des moyens octroyés L?échelle régionale paraît être la plus pertinente pour la programmation et la coordination des investissements pour les installations de traitement à travers le SRADDET et le dialogue entre l?État, la Région et les EPCI. La cour appelle de ses voeux dans sa synthèse à un renforcement du rôle de « financeur » des Régions. Si je partage le principe de renforcement de la compétence de la Région sur le financement des grands équipements structurants régionaux, notamment pour faciliter la « cohérence territoriale », l?opérationnalité d?une telle proposition se heurte à l?absence de moyens alloués aux Régions. En effet, je vous rappelle que le transfert de la compétence planification des déchets des Départements auprès de la Région Nouvelle-Aquitaine s?est réalisé sans moyen. La recommandation d?une plus grande mobilisation de la Région en matière de financement doit donc s?accompagner d?une réflexion plus globale sur son financement. Les recommandations de la Cour en matière de financement portent sur l?échelon intercommunal et les spécificités littorales uniquement ; elles gagneraient donc à être complétées par des propositions pour l?échelon régional. Le principe de pollueur payeur a bien guidé l?instauration de la Taxe Générale sur les Activités Polluantes pour les déchets s?appliquant aux installations de traitement des déchets, mais le fruit de cette taxe revient au budget de l?État et à son agence l?ADEME et nullement aux Régions. Il en va de même pour les éco-contributions des filières REP, dont les ressources reviennent aux éco-organismes et nullement aux Régions malgré leur compétence en matière de développement économique. Enfin, je tiens à vous témoigner du travail mené par les conseillers régionaux et les agents de la Région Nouvelle-Aquitaine sur le sujet de la Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 202 COUR DES COMPTES prévention et de la réduction des déchets, et de mon engagement à le poursuivre. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL PROVENCE-ALPES-CÔTE D?AZUR Par courrier en date du 28 juillet 2022, vous m?avez communiqué le projet de rapport public thématique intitulé « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser » que la Cour propose de publier prochainement avec les réponses des destinataires intéressés conformément aux articles L 143-8 et R. 143-13 du Code des juridictions financières. Je vous en remercie. L?objet du rapport est de réexaminer la pertinence et l?efficience de la politique de prévention et de gestion des déchets. La Région Provence-Alpes-Côte d?Azur a été consultée, en mars 2022, sur un extrait du rapport d?observations provisoires relatif à l?enquête nationale que la Cour des comptes et les Chambres régionales des comptes ont mené sur les déchets ménagers et assimilés en vue du futur rapport public thématique. La Cour des comptes appelle les Régions à « jouer pleinement leur rôle de planificateur, d?animateur voire de financeur, afin de garantir la mise en oeuvre effective des objectifs arrêtés dans leurs plans. » Elle pointe une « programmation à renforcer » et des plans régionaux qui demeurent insuffisamment précis et contraignants sur les investissements et qui ne « s?avèrent pas à la hauteur des défis à relever. » Elle précise que le « niveau régional serait le plus pertinent pour organiser une programmation et une coordination optimales des investissements. » Le Plan régional de prévention et de gestion des déchets de la région Provence-Alpes-Côte d?Azur a été approuvé le 26 juin 2019, puis intégré au Schéma régional d?aménagement, de développement durable et d?égalité des territoires et abrogé le 16 octobre 2021. Le Schéma régional d?aménagement, de développement durable et d?égalité des territoires de la région Provence-Alpes-Côte d?Azur a été arrêté par le Préfet le 15 octobre 2019. Celui-ci comporte un volet « planification régionale des déchets » qui est opposable à toutes les décisions publiques prises en matière de déchets, d?autorisations environnementales ou d?installations classées pour la protection de l?environnement. Pour une localisation des équipements adaptée aux Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 203 contextes des collectivités, le Schéma régional d?aménagement, de développement durable et d?égalité des territoires de la région Provence Alpes-Côte d?Azur a fixé trois règles pour permettre aux acteurs compétents en matière de prévention et de gestion des déchets de spatialiser les besoins en équipements en fonction d?état des lieux territoriaux et dans leurs documents d?urbanisme. Conformément à l?article L1111-9 du Code général des collectivités territoriales, la Région, en tant que chef de file dans les questions environnementales, exerce pleinement son rôle de planificateur, de coordinateur et d?animateur des projets structurants en matière de prévention et de gestion des déchets. Cependant, outre la définition des besoins en équipements par bassin de vie, une évaluation économique, présentée lors de la phase d?enquête publique, mentionnait 700 M¤ d?investissements nécessaires pour atteindre les objectifs. Aussi un transfert partiel ou total du « Fonds économie circulaire », actuellement géré par l?ADEME, aux Régions est nécessaire afin de leur permettre d?accompagner efficacement les projets sur le territoire et mettre en oeuvre les objectifs de la planification. En effet, il conviendrait que la Région puisse disposer de l?autonomie d?emploi des crédits pour mettre en oeuvre la planification et accompagner les territoires en adéquation avec les priorités soulignées par la planification régionale. Par exemple, les critères actuels d?intervention de l?ADEME ne permettent pas de soutenir des opérations de mise aux normes réglementaires alors même que certaines régions sont en retard sur le sujet. Or les délégations ne peuvent se faire que sur la base des critères d?intervention de l?ADEME. La mise en place de critères d?intervention régionalisés et adaptés aux besoins propres des territoires semble nécessaire pour permettre de financer davantage les équipements structurants et indispensables à la réalisation des objectifs régionaux et nationaux. En matière de planification de la gestion des déchets, expressément prévue à l?article R541-16 du Code de l?environnement, la Région travaille en étroite collaboration avec les services de l?État sur les dossiers de demande d?autorisation environnementale en matière d?Installations de stockage des déchets non dangereux et d?Unités de valorisation énergétique. La Région formule des avis sur les dossiers de demande d?autorisation environnementale au titre des collectivités intéressées par le projet au regard des incidences environnementales. Ces avis arrivent après l?enquête publique et servent aux services de l?État pour rédiger les arrêtés préfectoraux. Le Code de l?environnement ne prévoit pas explicitement une saisine de la Région au titre de sa compétence « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 204 COUR DES COMPTES planification » et en amont de l?enquête publique durant notamment la phase d?instruction des dossiers par les services de l?État. Un éclaircissement sur ce point permettrait de renforcer le rôle du planificateur. Par ailleurs, la Région propose une meilleure articulation entre le Code général des collectivités territoriales (volet Schéma régional d?aménagement, de développement durable et d?égalité des territoires) et le Code de l?environnement (volet plan régional de prévention et de gestion des déchets) pour assurer une meilleure lisibilité des obligations législatives et réglementaires qui incombent aux Régions et aux EPCI. Mes services se tiennent à votre disposition pour vous fournir des informations plus détaillées sur les actions et travaux en cours. MADAME LA MAIRE DE PARIS Par courrier du 20 juillet dernier, vous m?avez transmis le rapport public thématique intitulé Prévention, collecte et traitement des déchets : une ambition à concrétiser. Je souhaite vous apporter des précisions concernant l?encart consacré à l?action de la Ville de Paris pour la collecte de déchets organiques. La tonalité globale de cet encart peut en effet laisser à penser que la Ville aurait revu ses ambitions à la baisse, notamment au regard du rythme de déploiement de la collecte séparative en porte-à-porte. Je tiens à souligner que la situation est toute autre, la Ville ayant au contraire multiplié les vecteurs de collecte dans les immeubles et dans l?espace public, afin de permettre à tous les Parisiens de trier leurs déchets alimentaires, en maximiser la collecte et ainsi la valorisation. Comme vous le savez, la Ville de Paris a ouvert le chemin en matière de collecte séparative des déchets alimentaires et ce, plus de cinq ans avant que la loi ne la rende obligatoire au 1er janvier 2024. La Ville collecte ainsi en porte-à-porte 350 000 habitants des 2ème, 12ème et 19ème arrondissements. Suite à l?arrêt de cette collecte pendant le premier confinement, nous l?avons relancée à travers des actions de sensibilisation et la distribution aux habitants de kits et de sacs leur permettant de trier leurs déchets alimentaires. Afin de répondre aux besoins et usages différents des habitants et professionnels, nous déployons également différentes solutions de tri, dont des bornes d?apport dit « volontaire ». Nous avons équipé la soixantaine Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 205 de marchés alimentaires de bacs dans lesquels les Parisiens peuvent apporter leurs déchets alimentaires et tous les marchés seront équipés en bacs fixes à partir de cette rentrée. En complément, sera ajouté un module dédié aux déchets alimentaires aux stations Trilib?, qui étaient au nombre de 340 au 1er septembre 2022 et seront 500 au terme de leur déploiement. Nous avons aussi augmenté l?installation de bacs à composts (plus de 1 000 à ce jour) et soutenons la mise en oeuvre de solutions innovantes de compostage. Un appel à projet « compostage de proximité » a été lancé l?été dernier et les premiers projets, dont certains semi-industriels, seront cofinancés par la Ville. Nous avons enfin distribué plus de 5 600 lombricomposteurs. Par ailleurs, la Ville collecte les déchets alimentaires d?une grande partie des écoles et des restaurants administratifs parisiens. A partir de 2024, la totalité des restaurants, écoles, collèges et crèches sera collectée. Entre 2020 et 2021, les déchets collectés ont ainsi connu une forte augmentation de plus de 26 %. La Ville poursuivra ses efforts pour déployer ces dispositifs jusqu?en 2024, date de l?obligation légale de tri à la source, dans le souci permanent de proposer à tous les Parisiens et à proximité de chez eux, une solution simple de tri de leurs déchets alimentaires, permettant une collecte efficace au coût le plus maîtrisé possible. Le moment venu, nous pourrons partager avec la Cour et nos homologues une évaluation précise de l?efficience des différents modes de collecte. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU SYNDICAT MIXTE DÉPARTEMENTAL EN CHARGE D'ÉTUDES ET DU TRAITEMENT DES DÉCHETS MÉNAGERS ET ASSIMILÉS DE LA VENDÉE (TRIVALIS) Suite à la lecture du rapport public : « Prévention, collecte et traitement des déchets Ménagers : une ambition à concrétiser », je souhaite réagir en tant que Président de Trivalis, syndicat public de traitement des déchets de la Vendée, qui couvre depuis 2003 l?ensemble du territoire départemental pour une population DGF de plus de 800 000 habitants. Je tiens d?abord à saluer votre initiative de rédiger ce rapport qui met en avant la complexité de la gestion des déchets et l?importance de ce service dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Les déchets ont souvent Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 206 COUR DES COMPTES été considérés à tort comme le « parent pauvre » de la transition écologique. Je souhaite malgré tout apporter des éléments complémentaires et des précisions sur trois sujets particuliers évoqués dans votre rapport, et pour lesquels Trivalis a parfois été cité. Une stratégie nationale basée sur des objectifs de résultats plutôt que de moyens Vous évoquez dans le rapport,, la nécessité pour le traitement des déchets de gagner en cohérence, en indiquant en préambule sur la partie des biodéchets : « Les difficultés techniques, financières et sociales pour parvenir à un meilleur tri et à une valorisation des biodéchets devront être levées au cas par cas, en fonction des spécificités locales , aucune solution n?apparaissant uniformément applicable, ce qui explique que le législateur n?ait pas à ce jour préconisé une solution unique pour tous les territoires ». Je vous rejoins parfaitement sur ce constat, que le territoire français n?est pas uniforme et que le législateur ne devrait pas exclure ou préconiser des moyens de traitement des déchets mais plutôt des objectifs de résultats : respect de seuils, de qualité, objectif de collecte, des tonnages maximum ou minimum? Pour reprendre l?exemple des biodéchets (mais ce constat est hélas extensible à d?autres matières), il ne faut pas penser que toutes les collectivités ont attendu la loi AGEC pour s?intéresser aux biodéchets et au tri à la source. À titre d?exemple, depuis 2003, c?est plus de 160 000 composteurs individuels qui ont été distribués aux ménages vendéens pour détourner la matière fermentescible des ordures ménagères. Ce choix ancien de détournement amont des biodéchets est une des raisons, avec la redevance incitative (j?y reviendrai) et l?extension des consignes de tri dès 2017, qui explique une baisse de 118 kg/an/hab d?Ordures Ménagères résiduelles (OMr) en Vendée depuis 2003, en passant de 260 kg/an/hab. à 142 kg/an/hab. en 2021. La collecte en porte à porte des biodéchets, promue fortement par le ministère de la transition écologique, pourra s?effectuer peut-être ponctuellement sur des territoires denses. En revanche, c?est une absurdité économique et environnementale en zone rurale. Il n?en demeure pas moins que malgré une politique forte de détournement en amont de biodéchets par le compostage individuel, le compostage collectif et la collecte en porte à porte sur certains secteurs, il Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 207 restera encore de l?organique dans les OMr, sans doute entre 20 % et 30 % si on se réfère à certains exemples allemands de villes qui ont mis en place la collecte de biodéchets depuis plus 25 ans. C?est pour cette raison que le choix du législateur que vous évoque, de remise en cause du tri- mécano-biologique (TMB) n?est pas pertinente. Le Tri-Compostage est un moyen complémentaire de la politique des biodéchets. Le législateur a remis en cause un moyen, alors qu?il aurait dû fixer un objectif de résultats. Il aurait été plus cohérent de définir des nouveaux seuils de qualité pour valider un compost issu de Tri-Compostage. Rappelons d?ailleurs que plus 95 % des composts de TMB produits en France respectent très facilement à la NFU 44-051. C?est la même norme imposée au compost de biodéchets. Cette obligation de résultats aurait permis à des territoires ruraux de développer une technique qui valide les obligations environnementales et répond à une demande locale d?économie circulaire puisque la production de compost de TMB est reprise intégralement par des agriculteurs locaux. L?importance de la matière organique que vous citez dans votre rapport, incite à trouver des solutions tous azimuts pour éviter qu?elle ne se retrouve dans un trou ou dans un four. Au lieu d?opposer les moyens de captation sans argumentation scientifique, le législateur devrait favoriser la complémentarité des techniques afin de pallier la diminution drastique de l?élevage qui génère donc moins de matière organique pour l?agriculture. Cette situation est encore aggravée aujourd?hui par la guerre en Ukraine et la crise énergétique qui limitent fortement la production d?amendement pour les sols. Tarification incitative, l?État doit soutenir les territoires qui ont fait ce choix Vous évoquez à juste raison l?importance de la tarification incitative comme levier d?action sur la réduction des déchets. Dans le rapport vous mettez en exergue la complexité de la tarification incitative qui ralentit sa diffusion. Également, vous soulignez que les espoirs de voir 15 millions d?habitants concernés par la tarification incitative en 2020, puis 25 millions en 2025, ont été rapidement déçus puisque seulement 6 millions d?habitants étaient concernés en France en 2019. J?ai été surpris que la Vendée n?ait pas été citée en exemple dans votre rapport, puisqu?en 2019, 60 % de la population vendéenne étaient à la REOMI, et presque 75 % en 2023. Cela signifie que pour une population INSEE de 685 642 habitants en 2019, donc environ 411 000 habitants à la Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 208 COUR DES COMPTES REOMI, les vendéens représentaient 6,85 % des Français à la tarification incitative, alors que le département ne pesait en 2019 que 1 % de la population française. Je pense donc, qu?au-delà de la complexité, une volonté politique forte est nécessaire. Cette dernière peut être incitée et récompensée par un bonus ou un dégrèvement qui viennent soutenir les collectivités qui s?investissent dans cette direction. Il pourrait y avoir par exemple une baisse de la TGAP ciblée sur les territoires leaders en ce domaine. Cette orientation rejoint votre recommandation n°6 en page 63. L?implication dans l?économie circulaire est un risque assumé qu?il faut défendre Vous citez en page 102 de votre rapport l?exemple de Trivalis qui fait évoluer un de ses TMB en ajoutant une unité de préparation de CSR. Vous soulignez : « Ce procédé étant désormais proscrit (il s?agit du Tri Compostage) pour produire du compost, les collectivités sont contraintes de réorienter les flux de déchets vers la seule méthanisation et vers la production de combustibles solides de récupération, sans certitude de pouvoir rentabiliser les équipements associés à ce nouveau procédé de valorisation ». Je souhaite d?abord préciser que l?interdiction de la production de compost par Tri-Compostage ne sera active qu?en 2027, si la loi AGEC n?est pas modifiée. Par ailleurs, indiquer que les flux de déchets sont réorientés vers la production de CSR est une erreur. Les flux concernés par la production de CSR dans un TMB sont les refus primaires, donc les flux qui n?étaient pas valorisés mais enfouis. La production de CSR n?intervient donc pas sur la matière organique qui continue à être valorisée en compost normé. Il ne s?agit donc pas d?une réorientation de flux mais d?une nouvelle valorisation de flux existant. Je rappelle que la fabrication de CSR a comme finalité la fabrication d?un combustible, mais qu?au préalable va être extrait de ces refus tout ce qui peut être « valorisé matière » : ferraille, aluminium, certains plastiques? Le choix de Trivalis d?une unité de préparation de CSR accolée à une unité de Tri-Compostage d?OMr, est sans doute la meilleure chaine de valorisation des déchets existante aujourd?hui en France, bien plus qu?un incinérateur urbain ou l?enfouissement brut. C?est d?ailleurs pour cette raison que l?on ne parle plus de TMB mais d?UVEOr pour Unité de Valorisation Énergétique et Organique. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 209 Vous évoquez « l?incertitude de pouvoir rentabiliser les équipements associés? », rappelons que ce choix cherche d?abord à respecter la loi. D?abord la loi TEPCV de 2015 qui exige une valorisation énergétique (donc CSR) de 70 % des déchets ultimes mis à l?enfouissement mais aussi de la loi AGEC de 2020 qui fixe des objectifs de réduction de l?enfouissement très importants dans des délais très courts. Si la prévention comme vous le rappelez souvent dans le rapport est un axe à développer fortement, et je vous rejoins parfaitement sur ce point, il ne faut pas nier que ces changements de comportement s?effectueront dans un temps long alors que le législateur a fixé des objectifs de réduction ambitieux dans un temps court. En complément, je précise que les grands principes de changement de comportement peuvent être balayés très rapidement, comme lors de la pandémie de covid, où l?emballage sanitaire est devenu la norme et qu?il a fallu que les équipements de traitement soient en pleine capacité. La cohérence de la stratégie nationale, évoquée dans le premier point, doit aussi s?inscrire dans une temporalité acceptable avec la capacité de revoyure en fonction des situations de crise. Le choix de la production de CSR en Vendée, avec ce facteur risque de rentabilité que vous soulignez, s?inscrit aussi dans un principe d?économie circulaire de territoire puisque l?objectif est que ce produit alimente une chaudière industrielle de proximité dont l?enquête publique est en cours. Cette nécessité de favoriser l?économie circulaire, soulignée à plusieurs reprises dans votre rapport, implique le soutien des initiatives locales en acceptant une part de risque. D?ailleurs, la rentabilité financière de la gestion des déchets est un concept limité. Il s?agit plutôt d?une maîtrise de l?évolution des coûts en améliorant la qualité environnementale. Pour conclure, je souhaite vraiment qu?il puisse exister au niveau national une réelle stratégie de gestion et de valorisation des déchets. Cette stratégie doit fixer des objectifs de résultats cohérents et scientifiques, sans dogmatisme. Les collectivités locales sous l?égide des plans régionaux ont la capacité d?assurer de manière opérationnelle l?atteinte de ces objectifs, mais avec une liberté d?adaptation des moyens en fonction de la particularité des territoires. Je suis d?accord avec vous, sur la nécessité que les collectivités se réunissent et massifient leurs actions pour atteindre les objectifs. Certaines comme Trivalis, l?ont déjà effectué. Il est indispensable que l?État soutiennent les collectivités qui fournissent des efforts, celles qui se sont emparées des sujets en évoluant vers le caractère incitatif du financement de la gestion des déchets, celles Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 210 COUR DES COMPTES qui évoluent vers une économie circulaire concrète et anticipent des choix de prévention et de meilleure valorisation matière. Enfin, la situation actuelle de crise des matières premières et de l?énergie, doit être un accélérateur pour faire de nos déchets des ressources. De nombreuses initiatives locales et publiques vont dans ce sens, il est nécessaire de faciliter leur développement. À ce titre une vigilance particulière devra être portée sur le développement massif des REP. Il ne faudrait pas que l?intention bénéfique du principe de pollueur payeur masque un dessaisissement du service public des déchets et une réorientation des recettes uniquement vers les entreprises privées gestionnaires des REP. En espérant avoir contribué à l?éclairage de certains aspects du rapport et instauré une vision plus positive des évolutions à venir, je vous prie d?agréer, Monsieur le Premier Président, l?expression de ma haute considération. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE L?ASSOCIATION AMORCE A propos d?AMORCE Rassemblant plus de 1000 adhérents pour plus de 60 millions d?habitants représentés, AMORCE constitue le premier réseau français d?information, de partage d?expériences et d?accompagnement des collectivités (communes, intercommunalités, conseils départementaux, conseils régionaux) et autres acteurs locaux (entreprises, associations, fédérations professionnelles) en matière de politiques Énergie-Climat des territoires (maîtrise de l?énergie, lutte contre la précarité énergétique, production d?énergie décentralisée, distribution d?énergie, planification), de gestion territoriale des déchets (planification, prévention, collecte, valorisation, traitement des déchets) et de gestion de l?eau. Objet de la consultation Une nouvelle enquête de la Cour des Comptes intitulée? Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser? a abouti à la production d?un projet rapport public thématique soumis à l?avis d?AMORCE avant publication définitive. Cette enquête intervient 10 ans après le précédent rapport thématique de septembre 2011, complété Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 211 par un rapport de suivi inséré au rapport public annuel de 2014 de la Cour des Comptes intitulé ?La gestion des déchets ménagers, des progrès inégaux au regard des enjeux environnementaux?. Des travaux avaient été également consacrés aux éco-organismes insérés aux rapports publics annuels de 2016 (Les éco-organismes : un dispositif original à consolider) et 2020 (Les éco-organismes : une performance à confirmer, une régulation à renforcer) de la Cour des Comptes. Ce nouveau rapport est basé sur 51 contrôles des Cours Régionales des Comptes et des échanges avec les administrations centrales, l?ADEME, CITEO, l?AMF, ELIPSO, la FNADE, UFC que Choisir, Zéro Waste France et AMORCE lors de 2 auditions en 2022. Avis d?AMORCE validé lors du Conseil d?Administration du 7 Septembre 2022. Le rapport pointe le retard pris par la France dans l?atteinte des objectifs nationaux et européens et formule des recommandations pour améliorer l?organisation et le financement de la gestion des déchets. Pour AMORCE, il ressort au premier plan une absence criante de l?accompagnement de l?État en matière de gestion des déchets, qui ne joue notamment pas son rôle de régulateur auprès des éco-organismes pour mieux affecter les soutiens perçus auprès des metteurs sur le marché vers les collectivités. In fine, le citoyen se retrouve toujours à devoir supporter une grande partie du coût de gestion des déchets. Au niveau de la comparaison des performances européennes, les calculs ne sont pas homogènes d'un pays à l'autre car l?Europe ne disposait pas, avant la Directive déchets de 2018, d?une méthode de mesure uniforme. Chaque pays proposait des méthodes de calcul qui lui sont propres : par exemple, dans le domaine du tri des emballages ménagers, la France ne comptabilise comme recyclé que les matières effectivement remises sur le marché, déduction faite des refus de tri, alors que l?Allemagne comptabilise tous les tonnages entrant en centre de tri soit un écart dans les comptes de 17% en faveur de cette dernière à tonnages entrants égaux. Une tentative, non encore aboutie, d?harmonisation des calculs réalisée par un groupe d?experts au niveau Européen montre que la France se situe effectivement plutôt dans la moyenne des pays Européens. A noter que, malgré les travaux de refonte de l?observatoire national de suivi des déchets piloté par l?ADEME et entamés depuis près de 2 ans, les collectivités ne disposent toujours pas de la méthode officielle de calcul de l?objectif de préparation ou recyclage des déchets introduit par l?Ordonnance n° 2020-920 du 29 juillet 2020 et nécessaire au pilotage du SPGD (indicateur européen également). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 212 COUR DES COMPTES Il est par ailleurs mis en avant que ni la programmation nationale, ni les PRPGD (insuffisamment précis et contraignants sur les investissements), ni les PLPDMA ne sont à la hauteur des défis à relever : il est proposé dans le rapport d?améliorer la planification par une unification de la programmation nationale et l?adoption d'un programme de mise en oeuvre spécifique par EPCI. AMORCE partage le même constat : le planificateur ne met pas en place les moyens de ses objectifs, avec les mêmes objectifs et la même échéance. Les régions doivent jouer pleinement leur rôle de planificateur, d'animateur voir de financeur (pour surmonter effectivement les difficultés d'amortissement) pour garantir la mise en oeuvre des objectifs et une répartition territoriale cohérente des équipements structurants. Pour aller plus loin dans la démarche jusqu?à l?échelon territorial, AMORCE préconise de décliner les objectifs et actions pour les atteindre dans un plan intercommunal, avec un dialogue équilibré intercommunalités - régions. Il semble par ailleurs nécessaire de réfléchir à un financement en permettant que les régions perçoivent une part de la recette de TGAP et puissent établir un dispositif d'aide adapté qui correspond à l'application du PRPGD. Le simple transfert d?une partie du fonds Économie Circulaire vers les régions ne permet en effet pas aux régions de piloter ce fonds en fonction des priorités identifiées au PRPGD. La création d?une composante locale de la TGAP (défalquée du montant de la TGAP nationale) permettrait également de donner des moyens financiers aux territoires en charge du SPGD. Pour le dispositif de suivi des plans à améliorer avec des indicateurs annuels pertinents et synthétiques, le rapport préconise de publier d?ici 2024 un tableau de bord annuel du SPGD à l?échelle nationale produits par les observatoires régionaux à partir de comptes-rendus simplifiés et par type d'EPCI avec 6 indicateurs clés, complété par un tableau de bord des filières REP selon le même principe et par chaque éco-organisme regroupant les principales données utiles. AMORCE est favorable à des indicateurs de pilotage pertinents et communs à l?ensemble des échelons - à définir conjointement avec les acteurs du déchets - mais qui doivent comporter des indicateurs amont en lien avec les mises sur le marché. A noter que le travail de refonte de l?Observatoire des déchets cité ci-avant piloté par l?ADEME n?a pas abouti pour l?instant (en tout cas non transmis aux parties prenantes) à une meilleure visibilité sur les indicateurs pertinents à retenir ni pour le moment à la définition d?une méthode harmonisée de calcul des indicateurs nationaux manquants. Le rapport de la Cour des Comptes envisage également de simplifier le rapport annuel sur le prix et la qualité du SPGD d?ici 2024 autour de ces 6 indicateurs associés aux coûts de gestion des déchets à l'habitant : AMORCE y est favorable. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 213 Au niveau du retard pris en matière de prévention des déchets, pour AMORCE la responsabilité en revient principalement aux metteurs sur le marché qui n'ont pas respecté les objectifs fixés par l'État. En effet, à l'exception du compostage de proximité qui dépend d'une politique ambitieuse de tri source des biodéchets (cf. point ci-après), les actions de prévention d'une collectivité sont nécessaires mais impactent peu la baisse des tonnages. Elles dépendent davantage des évolutions de consommation et des metteurs sur le marché qu'il s'agirait pour AMORCE de contraindre davantage. La Cour des comptes propose par ailleurs de rendre obligatoire, quand le PLPDMA est élaboré par un syndicat de traitement, une déclinaison territoriale. Quant au financement complexe de la gestion des déchets dont en particulier la recommandation de la Cour des Comptes de favoriser la tarification incitative en allégeant son coût pour les EPCI grâce à un financement complémentaire porté à 80% des coûts sur les premiers exercices, Il faut pour AMORCE se poser en réalité deux questions : ? Quel type de signal prix ou autre forme d?incitation ou de dissuasion financière ou fiscal faut-il développer et sur quel acteur, pour que les citoyens contribuent davantage par leur comportement d?achat, d?utilisation, de réparation, de tri au respect des objectifs de prévention, de réemploi, de collecte sélective et de tri à la source, de recyclage et de valorisation des déchets ménagers et assimilés ? Cela impose inéluctablement d?évaluer l?efficacité de signaux prix portant sur le prix du produit, la fiscalité locale des déchets, la fiscalité nationale de la gestion des déchets. La réflexion sur les mesures et dispositifs incitatifs en faveur de la réduction des déchets ne doit pas porter uniquement sur les usagers du service public mais sur l?ensemble des acteurs qui peuvent favoriser l?action des citoyens en faveur des objectifs de la France en matière d?économie circulaire (prévention- réutilisation, recyclage, réduction de l?enfouissement), à chaque étape du cycle de vie d?un produit (de sa conception, son achat, son utilisation et sa fin de vie) : ? Le citoyen consommateur : qui doit être informé et incité dans ses actes de consommation avec des mesures portant sur la taxation amont (REP généralisée), la TVA, des logiques de bonus/malus et leur information grand public dans le cadre des filières REP. ? Le citoyen usager du service public : qui doit comprendre en tant qu?utilisateur du SPGD l?impact de son geste de tri sur les coûts et être intéressé à la prévention et au tri la source efficace de ses déchets avec des mesures incitatives. Cette seule approche permet Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 214 COUR DES COMPTES d'améliorer le geste de tri mais ne modifie pas les habitudes de consommation. Il est donc nécessaire d'agir sur toute la chaîne. ? Le citoyen contribuable : qui, en tant que financeur d?une partie des services, doit appréhender le coût de la gestion des déchets et son mode de financement avec des mesures portant sur l?affichage, la compréhension et la lisibilité des taxes TGAP/TVA, des recettes et de la fiscalité locale (TEOM, REOM). ? Comment doit se répartir le financement de la gestion de la gestion des déchets ou plus largement la boucle d?économie circulaire au regard des responsabilités de chacun des acteurs de la chaîne d?économie circulaire (collectivités via la fiscalité locale, metteurs sur le marché via les REP, acteurs économiques du recyclage et de la valorisation via les prix de reprise et recette de valorisation, État via les aides de l?ADEME issues des recettes de TGAP (bien que non affectées) ? À noter que la TGAP doit être revue dans sa trajectoire pour qu'elle soit incitative (aujourd'hui sa trajectoire ne permet pas les investissements des collectivités pourtant nécessaires). Il s?agit par ailleurs, d?une fiscalité écologique dont le principe même est d?inciter à la prévention des déchets, au recyclage et à la limitation de l?élimination. Il est donc nécessaire de la rendre incitative. Sur ce sujet, AMORCE défend depuis de nombreuses années des évolutions de cette fiscalité (minoration du montant pour les collectivités performantes, franchise de TGAP sur le gisement sur lequel les collectivités ne peuvent agir...). Sur la proposition d?instaurer une surtaxe à la taxe de séjour avec produit affecté aux actions de prévention et gestion déchets : cette mesure est intéressante mais si elle est clairement insuffisante pour AMORCE. Une plus grande réflexion sur le financement et sa dimension locale devrait être menée (notamment TGAP localisée). Le tri à la source des biodéchets est souligné comme étant à juste titre un enjeu majeur pour les territoires. Cependant, au regard du retard de déploiement pris au niveau national, AMORCE préconise de modifier la date de mise en oeuvre de l?obligation de sorte à ce que la date butoir du 31 décembre 2023 ne soit plus une obligation de généralisation mais une obligation d?étude de faisabilité sous peine de ne plus pouvoir bénéficier des aides de l?ADEME à échéance de l?obligation de tri à la source des biodéchets prévu au 31 décembre 2023 et qui serait alors reportée au 31 décembre 2025. AMORCE demande également un renforcement du dispositif financier pour garantir l'absence de surcoûts à la collectivité (cf. études ADEME et FNADE/CME) et accélérer le déploiement dans des conditions financières acceptables. Le nouveau système de financement et Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 215 d?aides pour l'accélération du développement du tri à la source des biodéchets peut s?appuyer sur les propositions suivantes : - Affecter jusqu?en 2025, la totalité des recettes de la TGAP afin d?augmenter de 300 millions d?euros le fonds Économie Circulaire en particulier au profit des solutions de tri à la source des biodéchets, permettant d?assurer une aide de 90% pour les études de faisabilité et de 100% sur les investissements de compostage de proximité (dont compostage individuel non soutenu actuellement), de pré-collecte, de collecte et de valorisation des biodéchets jusqu?au 31 décembre 2025, permettant de compenser les surcoûts, - Introduire une modulation de TGAP de 30 euros la tonne éliminée d?OMR (soit environ 10 euros par habitant) pour les collectivités qui ont mis en place le tri à la source des biodéchets, - Permettre l?application d?un taux de TVA réduit aux matières fermentescibles d?origine résiduaire, - Créer un système de bonus à l?usage de matières fertilisantes issues des biodéchets dans les sols ou instaurer des quotas à l?usage d?engrais chimiques pour les producteurs de denrées et produits alimentaires bruts (céréales, légumes, fruits) à hauteur des parts de marchés des produits agro-alimentaires, AMORCE demande également une modification du cadre réglementaire pour : - Revoir la réglementation sur les conditions de traitement et l?interdiction de mélanger des biodéchets avec d?autres déchets n?ayant pas fait l?objet d?un même tri, - Clarifier de manière opérationnelle les conditions de limitations de la fraction organique des déchets dans les ordures ménagères résiduelles à éliminer. Au niveau des matières revendues aux filières de recyclage qui se diversifient et subissent de fortes variations de cours, la Cour des Comptes préconise que les collectivités volontaires puissent choisir de confier cette mission commerciale aux éco-organismes, sous condition de suivi rigoureux des obligations qui leur sont fixées dans les cahiers des charges. AMORCE s?oppose au choix de confier la revente de matières commerciales aux éco-organismes car les REP financent déjà mal les collectivités locales alors qu'elles essaient de reprendre la main sur les matériaux qui ont plus de valeur. Les collectivités ont besoin de ces reventes matières pour compenser le manque de soutien des éco- organismes. La seule condition acceptable du transfert de la revente matière serait un financement à plus de 80% des coûts par la REP. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 216 COUR DES COMPTES Enfin au niveau des enjeux industriels prioritaires qui doivent être mieux intégrés au plan national : ? sur le volet de la plasturgie, avec les difficultés de traitement des plastiques dues à leur diversité et la cible de généralisation de l?ECT fin 2022 qui n?est pas atteinte : AMORCE appelle à ne pas se focaliser que sur les emballages ménagers qui représentent 1MT sur 4MT de plastiques mais sur l?ensemble des plastiques (4MT) et à réaliser un inventaire des résines et des installations capables de les traiter. ? sur la place de la valorisation énergétique des déchets : pour AMORCE elle doit être réaffirmée, dans le respect de la hiérarchie des modes de traitement, en tant source d?énergie renouvelable produite localement et issue de déchets non recyclables constituant un potentiel de valeur qui mérite d?être mieux exploité. Elle participe à l?autonomie de la France sur le plan énergétique. En résumé pour AMORCE il s?agit donc avant tout de : ? Renforcer l?efficacité de la planification écologique et rééquilibrer le financement de la gestion des déchets. ? Réaffirmer la nécessité de faire évoluer et de renforcer les outils de planification de l?État et des collectivités en faveur de l?atteinte des objectifs nationaux en unifiant les objectifs et les échéances ainsi que les indicateurs de suivi communs et en adoptant un programme de mise en oeuvre spécifique par EPCI pour dialoguer avec les PRPGD. ? Demander une affectation financière plus efficace pour mettre en oeuvre la planification territoriale avec un signal prix fort en amont au niveau des metteurs sur le marché impactant les habitudes de consommation, au niveau intermédiaire avec les modulations des filières REP et la tarification incitative appliquée aux usagers et en aval via la TGAP, pour la rendre plus incitative (minoration à la performance des collectivités) et pour redistribuer son produit en faveur d?investissements pour la transition écologique dans les territoires. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes  Sommaire  Procédures et méthodes  Synthèse  Récapitulatif des recommandations  Introduction  Chapitre I Une réduction des déchets contrariée par un pilotage insuffisant  I - Le volume élevé de déchets produits  II - Des acteurs insuffisamment coordonnés  III - Un dispositif de suivi toujours défaillant  IV - Un financement peu lisible et trop faiblement incitatif  Chapitre II Le dispositif opérationnel : une transformation à accélérer vers l?économie circulaire  I - La prévention : priorité officielle, mais parent pauvre de la gestion des déchets  II - La collecte : peu de progrès sur les enjeux prioritaires  III - Le traitement : une coûteuse modernisation à entreprendre  Conclusion générale  Liste des abréviations  Annexes  Annexe n° 1 : présentation de l?échantillon des contrôles réalisés par la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC)  Annexe n° 2 : le suivi des recommandations des juridictions financières sur les déchets ménagers  Annexe n° 3 : les Plans Régionaux de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD  Annexe n° 4 : les indicateurs internationaux  Annexe n° 5 : les indicateurs du service public des déchets  Annexe n° 6 : les indicateurs des filières à responsabilité élargie du producteur (REP)  Annexe n° 7 : comparaisons internationales  Annexe n° 8 : les déchets en matière plastique  Annexe n° 9 : comparatif entre les différentes modalités de financement du service public  Annexe n° 10 : les conséquences de la crise sanitaire sur la gestion des déchets  Réponses des administrations et des organismes concernés (ATTENTION: OPTION raitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://ree.developpement-durable.gouv.fr/themes/economie-verte/depenses-pour-l-environnement/depenses-par-domaines/article/la-depense-de-gestion-des-dechets https://ree.developpement-durable.gouv.fr/themes/economie-verte/depenses-pour-l-environnement/depenses-par-domaines/article/la-depense-de-gestion-des-dechets https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/environnement https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/environnement https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/environnement UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 45 Graphique n° 9 : évolution des dépenses totales de gestion des déchets Source : Cour des comptes d?après chiffres clés de l?Ademe 2020. Dépenses en euros courants. Le processus de collecte et de compilation de données applicable ne permet à l?Ademe de publier dans ses chiffres clés de l?année N qu?une synthèse basée sur les chiffres N-4 (voir infra à propos du dispositif inadapté de suivi des objectifs) Comme indiqué dans le graphique ci-dessus, l?ensemble des dépenses du SPGD coûte en moyenne 124 ¤ TTC (117 ¤ HT) par habitant. Les charges de traitement représentant 47 ¤ (38 % du coût HT) et les charges de collecte 49 ¤ (39 %). Coté produits, la vente des matières issues du tri, du recyclage et, plus largement, du traitement des DMA (vente d?énergie après incinération, compost?) représente 9 ¤ (7 % des produits). Les aides apportées par les éco- organismes dans le cadre de la responsabilité élargie du producteur (filières REP) représentent 13 ¤ (10 % des produits). Les subventions (notamment celles de l?Ademe) constituent une recette marginale (2 ¤). Ces trois types de produits permettent de déterminer le reste à charge pour la collectivité gestionnaire du service (dit « coût aidé »). Ce coût « aidé » est de 92,50 euros HT par habitant et par an85. Il est financé par une contribution des ménages de 106 ¤ en moyenne (81,5 %) sous forme d?une fiscalité locale affectée ou d?une redevance (TEOM/REOM)86 ou indirectement (financement intégral ou partiel) par le budget général de la collectivité gestionnaire. Les produits (130 ¤ par habitant) financent donc les charges à hauteur de 105 %. 85 « Référentiel national des coûts du service public de prévention et de gestion des déchets ménagers et assimiles 2016 » et mise à jour 2019. 86 La TEOM représente de loin la première modalité de financement du SGPD (81 % des produits perçus), contre 8 % pour la REOM. Pour une présentation détaillée des modalités de financement du SGPD, voir plus loin la partie sur le financement. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/587-referentiel-national-des-couts-du-service-public-de-prevention-et-de-gestion-des-dechets.html https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/587-referentiel-national-des-couts-du-service-public-de-prevention-et-de-gestion-des-dechets.html https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/575-referentiel-national-des-couts-du-service-public-de-prevention-et-de-gestion-des-dechets-synthese-9791029714450.html COUR DES COMPTES 46 Graphique n° 10 : répartition des coûts de gestion des déchets et de leurs financements (SPGPD)87 Source : Cour des comptes, d?après Ademe référentiel des coûts du SPGPD 2019 (chiffres 2016) Le taux moyen de couverture des charges par les produits est de 105 % : cet excédent des produits sur les charges correspond principalement à la constitution de provisions pour de futurs investissements Plus de la moitié des coûts financés par les ménages au travers de la fiscalité locale (53,1 ¤, soit 57 %) sert à couvrir la prise en charge des OMR. La réduction de leur volume par des actions sur la prévention, le tri, la collecte et le traitement est donc favorable non seulement à l?environnement mais également à la maîtrise des coûts. 87 Produits industriels : ventes de matériaux et d?énergie, prestations à des tiers, Soutien : versement des éco-organismes (filières à responsabilité élargie du producteur/REP), aides : subventions publiques (Ademe notamment). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 47 B - Des modalités de financement complexes 1 - Un financement national marqué par l?augmentation de la TGAP Le précédent rapport de la Cour sur le SPGD en 2011 notait déjà le caractère complexe et inadapté des modes de financement qui n?intégraient guère l?équité sociale, très peu le coût réel du service et surtout marginalement le caractère incitatif (principe du pollueur-payeur). Dix ans après et malgré les recommandations pour améliorer la situation et l?adoption de plusieurs lois, la situation décrite reste largement inchangée. La seule évolution financière marquante est, au niveau national, la forte augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), ressource fiscale pour l?État, qui continuera d?augmenter encore jusqu?en 2025, permettant à la France de rejoindre les pays qui pratiquent depuis longtemps cette politique fiscale efficace pour réduire la mise en décharge et l?incinération. Elle doit inciter les EPCI à privilégier la prévention et accentuer les efforts pour réduire les tonnages d?OMR en utilisant un signal-prix88. La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) : une incitation financière à la réduction des tonnages enfouis et incinérés La TGAP a été instituée par la loi de finances 1999 et a vocation à modifier les comportements et à réduire le volume des déchets non recyclés. Elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2000 avec l?objectif d?appliquer le principe pollueur-payeur et de lever des fonds afin de financer les politiques environnementales. Cette taxe s?applique à chaque tonne d?ordures ménagères ou de tout-venant entrant en centre de stockage ou d?incinération. Elle est due par l?exploitant de l?installation de traitement et finalement assumée par les EPCI en charge de la compétence. Sa croissance a une incidence sur le coût total du service à financer. 88 La méthode du signal-prix, appliquée à la politique des déchets consiste à refléter dans le prix des produits et des services le coût de leur impact sur l'environnement en pénalisant les méthodes de traitement les moins vertueuses (incinération et enfouissement). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 48 Pour favoriser l'atteinte des objectifs de réduction des déchets et d'augmentation de la valorisation, fixés par la loi de transition énergétique (LTECV), les lois de finances pour 2016 et 2019 ont accentué le rôle incitatif de la TGAP. Le taux de la TGAP passera progressivement à 65 ¤ par tonne enfouie en 202589. Une évolution similaire mais moins importante90 s?applique aux tonnages incinérés, conformément à la hiérarchie des modes de traitement. Cette hausse uniforme a l?inconvénient de frapper indistinctement les déchets qui pourraient être mieux triés grâce à l?intervention des collectivités et les déchets non recyclables du fait des choix techniques des entreprises sur les volumes desquels les collectivités ne disposent d?aucun moyen d?action. 2 - Le renforcement de la responsabilité élargie des producteurs En application du principe pollueur-payeur, la responsabilité élargie des producteurs (REP) met à contribution les producteurs pour assurer, au moins en partie, la gestion des déchets issus de leurs produits. Plus précisément, l?obligation est faite aux fabricants et importateurs concernés soit de les prendre en charge eux-mêmes, soit de confier cette prise en charge à un éco-organisme en lui versant une écocontribution91. La France s?appuie ainsi sur une vingtaine de filières REP, dont plus de la moitié concernent des produits du quotidien, susceptibles de grossir le gisement des déchets municipaux : emballages ménagers et papiers graphiques, piles et accumulateurs portables, déchets d?équipements électriques et électroniques, textiles, linges et chaussures. Elles couvrent un plus large spectre que dans les autres pays de l?UE et cette couverture est en augmentation92. Des produits, y compris ceux qui produisent des volumes 89 La TGAP est fixée à 37 ¤ par tonne enfouie en 2021 dans les installations de stockage de déchets non dangereux réalisant une valorisation énergétique de plus de 75 %. 90 La TGAP pour les incinérateurs conformes à la norme internationale ISO 50001 passera de 17 ¤ en 2021 à 25 ¤ en 2025. 91 Les éco-organismes sont des personnes morales de droit privé, à but non lucratif, pouvant prendre des formes juridiques variées : sociétés par actions simplifiées, sociétés agréées par l?État (Ademe). 92 La loi AGEC a ajouté une dizaine de filières en 2022 : jouets, articles de bricolage et jardin, sports et loisirs de l?autre, produits et matériaux du secteur de la construction et du bâtiment (opérationnelle à compter du 1er janvier 2023). La filière des lingettes doit être créée au 1er janvier 2024. La création d?une REP pour tous types d?emballages est prévue au 31décembre 2024. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 49 significatifs de déchets (couches et litières par exemples), ne sont pas encore rattachés à une filière REP. Les contributions perçues par les éco-organismes en 2019 étaient de 1,464 Md¤ (+ 200 M¤ par rapport à 201793). Les éco- organismes utilisent ces contributions en partie pour prendre en charge directement des coûts de collecte et de traitement (508 M¤ en 2017) et en partie pour participer au financement du service public de gestion des déchets (805 M¤ de soutiens financiers versés aux collectivités locales, dont plus de 80 % versés par l?éco-organisme Citéo au titre des emballages ménagers)94. 3 - Un financement du SPGD marqué par la diversité des recettes et la prédominance de la TEOM Une fois déduites les ventes des produits issus du traitement et les aides des éco-organismes et de l?État, le financement du reste à charge (dit « coût aidé »), relève quasi-exclusivement au plan local de décisions des EPCI à fiscalité propre95, y compris à travers leur participation à un syndicat mixte. a) Les différentes fiscalités affectées Comme le prévoit le code général des impôts96, les EPCI peuvent instituer une fiscalité affectée « à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés ». Modalité dominante de financement du SPGD par les usagers, la taxe d?enlèvement des ordures ménagères (TEOM) présente, en plus de sa simplicité d?application et de sa garantie de rendement appréciable pour les collectivités, un avantage redistributif de par la nature de sa base d?imposition. 93 La principale filière est la filière emballages ménagers avec 708,7 M¤ en 2019, suivie de la filière DEEE (déchets d?équipements électriques et électroniques) avec 188 M¤ puis celle des papiers graphiques avec 95,8 M¤. 94 On distingue ainsi les éco-organismes « opérationnels ». Articles L. 541-10 à L. 541- 15-2 du code de l?environnement qui prennent en charge directement les déchets des entreprises de leur secteur (p. ex. piles électriques) et qui représentent 40 % de la prise en charge des DMA et les éco-organismes financeurs qui reversent aux collectivités locales les contributions (p. ex. emballages). Les éco-organismes mixtes (p. ex. ameublement) financent la collecte par les collectivités mais assurent le traitement. 95 Communautés de communes, communautés d?agglomération, communautés urbaines et métropoles. 96 Article 1520 du code général des impôts. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037986339/ COUR DES COMPTES 50 La base de la TEOM, commune avec la taxe foncière sur les propriétés bâties est la valeur locative foncière, qui permet de prendre en compte la valeur du patrimoine foncier imposé97. À titre d?exemple, une personne seule habitant une habitation individuelle vaste verra son imposition à la TEOM plus élevée qu?une famille de six personnes occupant un appartement exigu, du fait de la valeur locative foncière des habitations respectives. Si cette situation peut paraître partiellement contestable du fait de l?inadéquation entre le montant de l?imposition et la quantité de déchets produite, elle présente un certain avantage social98. La TEOM permet aussi l?imposition de surfaces commerciales (par exemple la grande distribution) qui génèrent indirectement des quantités importantes de déchets (notamment les emballages même si les grandes surfaces n?utilisent pas les prestations du SPGD). Une tarification incitative peut être adossée à la TEOM (TEOMi). À la place de la TEOM, l?EPCI peut instituer la redevance d?enlèvement des ordures ménagères (REOM) versée par l?usager comme contrepartie directe de la prestation et souvent liée à la composition de la famille de l?usager (nombre de personnes dans le foyer). Cette redevance dite « classique » ne reflète pas la quantité réellement produite et les efforts de réduction des déchets réalisés par l?usager. Le montant de la REOM peut aussi se fonder sur le volume et le nombre de présentation des bacs à la collecte (ce qui implique l?identification des bacs par la benne à ordures ménagères), voire le poids des déchets par la mise en place d?une pesée embarquée. Dans ce cas, elle est qualifiée de redevance incitative (RI ou REOMI). 97 La Cour des comptes indiquait, dans son rapport public annuel de 2009, que « le processus d'établissement des bases cadastrales par la DGFIP est d'une grande opacité : il est à la fois exagérément complexe, fragile, et d'un coût mal cerné. En outre, l'absence de révision générale des bases depuis 1970, combinée à une mise en oeuvre trop restreinte des procédures d'actualisation par les services fiscaux, dans le cadre du droit existant, produit une situation obsolète et inéquitable ». 98 L?absence d?actualisation des valeurs locatives foncières vient toutefois limiter cet effet social favorable. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 51 La redevance spéciale (RS) : une tentative non aboutie de financement dédié des déchets non ménagers La redevance spéciale (RS) désormais facultative permet de facturer le coût de la collecte et du traitement des déchets dits « assimilés » aux ordures ménagères (produits par certaines activités économiques : commerces, PME, restauration, etc. et estimés par l?ADEME à 20 % de l?ensemble des DMA). Elle a été instaurée pour éviter de faire payer aux ménages l?élimination des déchets non ménagers. Sa mise en place très aléatoire et limitée a conduit à l?abandon du caractère obligatoire qui lui avait été conféré en 1993, alors que la Cour recommandait en 2011 d?imposer sa généralisation. Quand elle est instaurée, les recettes de RS sont souvent restreintes et ne représentent qu?une part très marginale du financement du service public (exemple de la CA de Bastia). L?échec de la généralisation de la RS montre la difficulté de distinguer l?origine des flux de déchets et au sein des DMA les déchets ménagers des déchets assimilés. Les EPCI sont le plus souvent dans l?incapacité de fournir ces données qui permettraient un financement différencié. Cette situation conduit à un report exclusif de la charge du financement du SPGD vers l?usager habitant. b) La combinaison de la fiscalité affectée et du budget général Les collectivités peuvent choisir différentes modalités pour assurer le financement du reste à charge par l?usager du service public : TEOM, Budget général, RS, REOM, REOMi ou TEOMi (cf. annexe n° 9). Les modes de financement retenus sont donc très variés, souvent complexes, mixant TEOM et participation du budget principal, parfois avec une part de taxe sur le foncier bâti explicitement dédiée. En raison de ses avantages et malgré ses inconvénients, la TEOM reste toutefois très largement majoritaire. La combinaison des modalités de financement est soumise à plusieurs règles d?incompatibilités juridiques. Ainsi, par exemple, le choix du financement du reste à charge par la REOM induit la qualification de service public industriel et commercial (SPIC), l?obligation d?un budget Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 52 annexe dédié et son équilibre par des recettes propres sans recours à une participation du budget principal99. La fiscalité affectée instituée par les EPCI doit pourvoir à la gestion des DMA et non à d?autres dépenses de la collectivité. Le juge administratif rappelle constamment cette interdiction du suréquilibre100 lorsque le produit de la TEOM est nettement supérieur101 aux dépenses consacrées au SPGD. Afin de définir les conditions de financement du SPGD sans suréquilibre, il est essentiel de connaître le périmètre des dépenses à prendre en compte. Comme le regrettait déjà le rapport des juridictions financières en 2011, ce périmètre n?est connu qu?imparfaitement par une construction jurisprudentielle inachevée. Le juge a ainsi exclu des charges du SPGD le ramassage des corbeilles de propreté et les déchets des marchés alimentaires et forains. C - Une fiscalité incitative à développer 1 - Une fiscalité incitative devenue prioritaire en raison de ses atouts L?objectif de baisse des quantités collectées de DMA102 et le surenchérissement de la TGAP qui pénalise de plus en plus fortement l?incinération et l?enfouissement conduisent à privilégier une incitation financière des usagers pour réduire leurs déchets. La France était, en 2011, très en retard dans la mise en place d?une tarification incitative en comparaison de plusieurs pays (graphique n°1) et sa progression très lente depuis cette date ne lui a pas permis de le rattraper. Le caractère incitatif de la tarification est mis en avant par la LTECV103 comme un des leviers permettant d?atteindre les objectifs de réduction des volumes de déchets en envoyant un « signal prix » à l?usager 99 Dans un délai de quatre ans suivant l?instauration de la REOM 100 La situation de suréquilibre consiste à lever une fiscalité (TEOM) d?un montant supérieur au coût net (en enlevant les autres recettes : ventes de produits, recettes ces éco organismes et subventions) du service pour la collectivité. 101 Le niveau du surfinancement acceptable a varié mais semble s?établir selon les dernières jurisprudences à 115 % au maximum de couverture des dépenses. 102 Art. L. 541-1 1° du code de l?environnement - 10 % en 2020 / 2010 et - 15 % en 2030 / 2010 103 10° de L. 141-1 code de l?environnement. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 53 et en liant le prix qu?il paie au coût réel du service et à la quantité d?ordures ménagères résiduelles qu?il produit. L?efficacité dans ce domaine de la tarification incitative est confirmée par plusieurs études récentes104. En moyenne, la mise en place de la tarification incitative permet de réduire de 41 % la quantité d?OMR, d?augmenter à due concurrence la collecte des recyclables et de réduire de 8 % les DMA. La relation forte entre la performance des EPCI et la mise en place d?une fiscalité incitative est ainsi établie, en France comme à l?étranger, selon une étude de l?Ademe105. 97 % des intercommunalités qui produisent moins de 150 kg d?OMR et 100 % de celles qui produisent moins de 100 kg d?OMR par habitant ont recours à une tarification incitative. Par ailleurs, le coût moyen aidé des déchets est de 20 % en deçà de la moyenne dans les territoires en tarification incitative car celle-ci pousse à l?optimisation des coûts de collecte et de traitement106. La baisse des OMR après mise en oeuvre de la tarification incitative, avec l?ensemble des mesures d'accompagnement, a créé un effet report sur les volumes collectés en déchèteries (avec des qualités et des taux de tri/valorisation variables) dans une proportion non quantifiable. Les avantages de la tarification incitative ont conduit la Convention citoyenne pour le climat (CCC) à proposer de « remplacer une part significative de la taxe d?enlèvement des ordures ménagères (TEOM) par des modalités plus justes et favorisant les comportements écoresponsables » (proposition C3.4). Les associations d?élus représentants les groupements intercommunaux (Communautés de France et France urbaine) considèrent cependant que la fiscalité incitative n?est qu?un levier parmi d?autres de la réduction des OMR même si Communautés de France se déclare favorable au déploiement d?une dimension incitative dans la tarification du SPGD. 104 Étude du commissariat général au développement durable de mars 2016 et étude de l?Ademe sur l?implantation de la TI (bilan à mi-parcours TI AMO). 4/11/2021. 105 Le parangonnage des pratiques de tarification incitative pour la gestion des déchets ménagers dans plusieurs pays industrialisés » (Ademe 2018) indique que « dans tous les territoires ayant mis en place une TI, la production d?OMR a diminué. » 106 Ademe, Étude sur les territoires pionniers de la prévention, confirmé par contrôles de la communauté d?agglomération de Mauges et de la communauté urbaine de Besançon. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://partagejf.ccomptes.fr/sites/fcjpgdechets/02Synthese/07_CRPP/La%20tarification%20incitative%20de%20la%20gestion%20des%20ordures%20ménagères%20:%20quels%20impacts%20sur%20les%20quantités%20collectées https://www.ademe.fr/dossier/modes-financement-service-public-gestion-dechets/tarification-incitative-ti https://www.ademe.fr/dossier/modes-financement-service-public-gestion-dechets/tarification-incitative-ti https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/3628-territoires-pionniers-de-la-prevention-des-dechets.html https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-dagglomeration-mauges-communaute-maine-et-loire https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-urbaine-du-grand-besancon-doubs COUR DES COMPTES 54 2 - Une complexité qui ralentit sa diffusion La tarification incitative reste cependant insuffisamment attractive pour les collectivités du fait des coûts ainsi que de la complexité de sa mise en place et des incertitudes sur les recettes perçues par le service public. La tarification incitative reste très peu mise en oeuvre dans l'échantillon des EPCI de l?enquête, même s?il est fait régulièrement mention de sa mise à l?étude. Les territoires ayant mis en oeuvre la tarification incitative en France sont souvent ruraux ou mixtes et, à de rares exceptions (par exemple l?agglomération de Besançon), les territoires les plus urbanisés ne sont pas engagés dans des démarches de fiscalité incitative. La part des collectivités qui recourent à la TEOM sans part incitative comme mode majoritaire, voire exclusif, de financement ne décroit que très lentement. La population qui reste soumise à cette imposition est constante, principalement dans les zones fortement urbanisées (à l?exemple de la région Ile-de-France). La part de la TEOM dans le financement du service public de gestion des déchets continue de croitre en 2020 et en 2021 (7,1 Md¤ en 2020 et 7,4 Md¤ en 2021) et demeure très largement dominante par rapport à la redevance. Même lorsqu?elle est mise en place, la part réellement incitative107 reste résiduelle dans le prix payé par l?usager et représente, en 2020, moins de 0,5 % de l?ensemble du produit de la TEOM108. Les espoirs placés dans une tarification plus incitative (TEOMI ou REOMI) qui devait concerner 15 millions d?habitants en 2020 et 25 millions en 2025 sont pour l?instant déçus par le rythme très lent de sa mise en place (moins de 6 millions d?habitants concernés en 2019109). Le graphique ci-dessous montre l?écart important entre ces objectifs législatifs et l?évolution de la population bénéficiant d?une tarification incitative. L?objectif de 25 millions d?habitants en 2025110 apparaît hors d?atteinte sans accélération très forte et sans nouvelles mesures encourageant cette mise en place. 107 La part incitative ne représente que 10 à 45 % de la TEOMI, la part fixe majoritaire reste basée sur la valeur locative foncière (VLF) de l?habitation. 108 34 M¤ sur les 7 137 M¤ du produit total de la TEOM (Source : DGCL Bis 151 fiscalité locale 2020). 109 Au 1er janvier 2019, 195 collectivités appliquaient une tarification incitative (5,6 M d?habitants) dont 18 en TEOMI (0,940 M d?habitants). Au 1er janvier 2020 : 5,9 millions d?habitants et 9,3 millions si on inclut les collectivités en cours de mise en oeuvre (source Ademe). Par ailleurs en 2020 et 2021, des collectivités représentant 9 millions d?habitants bénéficient des études de faisabilité aidées par l?Ademe. 110 Ces deux objectifs sont fixés par la LTECV de 2015. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 55 Graphique n° 11 : (indicateur-clef n° 2) population bénéficiant de la tarification incitative Source : Cour des comptes La fiscalité incitative est souvent perçue comme compliquée et coûteuse dans sa gestion (transfert de la gestion du fichier des redevables de la direction des finances publiques à l?EPCI, insécurité sur les recettes) et peut être source de rejet de la part des usagers. Les modalités de collecte sont en effet plus complexes et impliquent l?équipement : - des bacs à puces chez les usagers permettant déterminer leur nombre réellement collecté et ainsi individualiser la facturation ; - des points d?apport volontaire (PAV) avec un système de tambour à reconnaissance par carte du propriétaire, des sacs apportés ; - des bennes avec des systèmes électroniques de reconnaissance des puces des bacs. Comme le montre l?exemple ci-dessous, la mise en place d?une fiscalité incitative ou d?une redevance incitative est un processus long et peut s?étaler sur sept années entre l?étude d?opportunité et la mise en place effective111. 111 Ce délai peut toutefois être réduit à l?exemple de communauté de communes d?Oléron qui prévoit une mise en place de la REOMI en 2022 à la suite d?une démarche initiée en 2018. Cf. CRC Nouvelle-Aquitaine, Communauté de communes de l?Ile d?Oléron, décembre 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-de-communes-de-lile-doleron-saint-pierre-doleron-charente-maritime https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-de-communes-de-lile-doleron-saint-pierre-doleron-charente-maritime COUR DES COMPTES 56 Organigramme n° 1 : processus d?instauration de la TEOMI sur le territoire du syndicat du Bois de l?Aumône (Puy De Dôme) Source : présentation webinaire du 30 juin 2021 ADEME, CITEO et Région Occitanie Plusieurs études de mise en place, voire de délibérations, n?ont pas été suivies d?effet, notamment du fait du coût des investissements à réaliser pour déployer un nouveau schéma de collecte en cohérence. Par exemple, la communauté de communes Coeur du Var a décidé en 2016, après étude, de reporter la décision de la mise en place d?une TEOMI à 2021 puis au-delà de 2025 au motif de la lourdeur des investissements à réaliser et des bouleversements induits dans son organisation. La mise en place d?une fiscalité incitative implique en outre des efforts importants en termes de portage politique, de communication auprès des usagers et d?engagements des services techniques des collectivités. L?absence d?attention suffisante à ces préalables ou leur sous- évaluation peut conduire à l?échec voire à des abandons et retours vers des modes de fiscalité sans lien avec la qualité du tri, le plus souvent la TEOM (à l?exemple de la communauté de communes des Gorges de l?Ardèche). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-de-communes-des-gorges-de-lardeche-vallon-pont-darc-ardeche UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 57 Les conditions de la réussite de la mise en place d?une tarification incitative : le contre-exemple des Gorges de l?Ardèche. La communauté de communes des Gorges de l?Ardèche issue de la fusion en 2017 de plusieurs intercommunalités dont certaines avaient mis en place une tarification incitative pour une partie de leur territoire, a décidé en 2018 une généralisation de la REOMI au 1er janvier 2021. Des carences dans la conduite de ce projet, la sous-estimation des coûts induits par les changements, le manque d?anticipation ont abouti, après plusieurs reports et décalages par rapport au calendrier prévisionnel, à son abandon au deuxième trimestre 2020 et à la généralisation de la TEOM en 2021. La modification des modalités de collecte (généralisation de la collecte en PAV en remplacement du PAP) simultanément à la mise en place de la fiscalité incitative a amplifié les difficultés rencontrées par l?EPCI, montrant la difficulté de mener de front deux chantiers lourds modifiant à la fois les modalités de collecte et de financement du service public. Les regroupements d?EPCI issus des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI issus de la loi NOTRE de 2015) ont souvent conduit à la généralisation de la TEOM, alors que certains territoires fusionnés avaient élaboré des politiques ambitieuses basées sur une fiscalité incitative ou la redevance d?enlèvement des ordures ménagères (REOM). La communauté de communes d?Oléron : un exemple de passage de la REOM vers la REOMI112 La CC d?Oléron, actuellement en REOM, a décidé en 2018 de mettre en oeuvre la REOMI à l?horizon 2023 avec un objectif de réduction de 20 % des DMA. Le système retenu prévoit une part forfaitaire établie sur la base d?un nombre de levées ou de dépôts minimaux et de la taille du bac de l?usager ou à la taille du tambour des colonnes d?apport volontaire. Au-delà de ce forfait, la part variable est calculée pour toutes les levées et apports supplémentaires. Le calendrier prévoit la réalisation d?une enquête auprès de chaque usager et, en 2022, une facturation « à blanc » (simulation de facturation incitative permettant la comparaison avec la facturation réelle). 112 Cf. CRC Nouvelle-Aquitaine, CC de l?île d?Oléron, décembre 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-de-communes-de-lile-doleron-saint-pierre-doleron-charente-maritime COUR DES COMPTES 58 3 - Accélérer la mise en place de la fiscalité incitative Les recommandations de développement de la tarification incitative formulées antérieurement par la Cour113 n?ont pas été suivies d?effets et doivent être réitérées. La redevance d?enlèvement des ordures ménagères incitative, dont la mise en place est mieux adaptée à l?habitat individuel, a connu un certain développement, dans les zones rurales et péri-urbaines mais ses possibilités d?extension en milieu urbain sont limitées par les contraintes spécifiques de l?individualisation du tri dans l?habitat collectif. Plus récemment, un mouvement semble s?amorcer, de collectivités urbaines qui cherchent à s?engager ou qui expérimentent la mise en oeuvre de la tarification incitative sous forme de TEOMi (Grenoble Alpes Métropole et Versailles Grand Parc notamment), tandis que d'autres l?étudient. Nombreux sont ceux qui considèrent que l?application sur l?intégralité du territoire sera difficile alors qu?elle pourrait être plus facilement envisagée sur seulement une partie du territoire (habitat pavillonnaire, communes périphériques, ?) : une dérogation à l?obligation d?uniformité du mode de financement sur un EPCI à fiscalité propre et donc l?autorisation de faire cohabiter formes classique et incitative d?un mode de financement donné (TEOM/TEOMi ou REOM/REOMi) au-delà des sept ans explicitement prévus au Code général des impôts pour la TEOMi pourrait répondre à cette difficulté et favoriserait le développement de la TI en milieu urbain, au prix sans doute d?une certaine complexité de gestion voire d?une insécurité juridique. La sécurité financière apportée par la TEOM pour les collectivités gestionnaires du service public, son caractère redistributif et sa très large implantation sur le territoire, amènent à ne pas remettre en cause cette fiscalité, mais plutôt à favoriser l?introduction d?une part incitative (TEOMI) dans les limites actuellement prévues par la loi (10 à 45 % de part incitative dans la TEOM totale). La métropole de Rennes, relayée par l?association France urbaine, étudie la possibilité d?une TEOMI « collective » qui ne serait plus individualisée mais établie au niveau du quartier ou d?un secteur géographique. 113 Rapport 2011, Les collectivités locales et la gestion des déchets ménagers et assimilés, op. cit. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 59 La Métropole de Rennes étudie un dispositif innovant mais aux bases juridiques fragiles. Devant la difficulté à établir une individualisation de la performance de tri en milieu fortement urbanisé, Rennes métropole a étudié la possibilité d?établir la part incitative non pas sur les quantités d?OMR produites par chaque usager, mais en tenant compte de la performance collective réalisée au niveau d?un quartier. Ce dispositif permettrait, selon la métropole rennaise, de développer des dynamiques collectives sur des secteurs territoriaux et de limiter les coûts de gestion administrative pour consacrer plus de moyens à l?animation du dispositif. Toutefois, sa mise en place se heurte à des difficultés juridiques. En effet, le passage d?une individualisation de la taxe au prorata des valeurs locatives à une performance de tri collective (au niveau d?un quartier ou d?un secteur) n?est pas autorisé par la règlementation et pourrait se révéler juridiquement fragile au regard du principe d?égalité. Un des principaux obstacles au développement de la tarification incitative est le coût de sa mise en place, estimé entre 20 et 40 ¤ par habitant, ramené à 15 ¤ après pris en compte des aides (soit de 45 à 75 % d?aides)114. Ce surcoût est dû principalement aux investissements à réaliser au démarrage, mais aussi à l?accompagnement de la démarche qui doit se poursuivre sur une longue période115. Toutefois, les économies réalisées du fait de la baisse des tonnages d?OMR (et donc de la baisse des coûts de traitement) doivent permettre de couvrir les frais initiaux. En effet, l?économie observée réalisée sur le coût aidé (reste à charge) par les EPCI ayant mis en place une tarification incitative est, en moyenne en 2021116, de 13 euros par habitant. Les aides au démarrage sont donc essentielles pour soutenir les collectivités qui mettent en place la tarification incitative. Pour encourager plus fortement les EPCI à recourir à la TEOMI, la loi de finances initiale pour 2019 comporte deux mesures : l?année d?instauration de la part incitative, le produit de TEOM peut augmenter 114 Source : Ademe 2020 - chiffres clés : coût de la mise en place de la TI. 115 En 2022, l?Ademe a enrichi l?offre de soutien aux collectivités en tarification incitative au travers une nouvelle modalité d?aide d?accompagnement de l?information individuelle des usagers sur leur utilisation du service. 116 Source : Ademe 2021 - chiffres clés : coût de la mise en place de la TI. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 60 jusqu?à 10 % (par rapport à l?année précédente) et les frais de gestion levés par l?État, fixés à 8 % sur la TEOM, sont limités à 3 % pendant cinq ans. Ces incitations se sont cependant avérées insuffisantes, au regard des coûts induits par cette évolution et n?ont pas permis de rendre la TEOMI plus attractive que la TEOM. Afin de développer la tarification incitative (TEOMI ou REOMI), la Cour recommande donc d?accentuer les aides au démarrage, en allégeant le coût de sa mise en place, en portant la part du financement extérieur à 80 % du surcoût117. Ces aides ponctuelles pourraient prendre la forme par exemple de subventions directes (fonds chaleur et fonds économie circulaire gérés par l?Ademe) ou d?une atténuation supplémentaire des frais de gestion grevant la TEOMI. D - La spécificité des territoires touristiques Les territoires à forte activité touristique118, le plus souvent saisonnière, connaissent des problèmes spécifiques pour adapter leurs fréquences de collecte à la variation parfois très importante des populations utilisant le service public. Les tournées supplémentaires et le traitement des tonnages générés par l?activité touristique entrainent pour ces territoires des coûts plus élevés. La moyenne des tonnages collectés par habitant indique la même tendance en étant supérieure à la moyenne nationale tant pour les DMA (669 kg/habitant pour 529 kg/habitant) que pour les OMR (356 kg/habitant pour 249 kg/habitant en moyenne nationale)119. Cette différence est encore accentuée pour la sous-catégorie120 des territoires dits « très touristiques »121. 117 La part couverte par des aides extérieures à l?EPCI est actuellement, en moyenne, de 50 %. 118 « Territoires à dominante touristique » selon la classification proposée par l?Ademe 119 Source : Ademe chiffres clés de la collecte en 2019. 120 La typologie des habitats de l?Ademe comprend cinq catégories et dix sous- catégories. Dans la catégorie touristique sont distingués : les territoires très touristiques, les touristiques urbains et les autres touristiques. 121 La région Provence-Alpes-Côte d?Azur (PACA), aux caractéristiques touristiques affirmées, présente par exemple des tonnages d?ordures ménagères exceptionnellement élevés avec 713 kg de DMA par an et par habitant et 372? kg d?OMR en 2019 (source : observatoire régional des déchets PACA). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 61 Graphique n° 12 : ratios de collecte des OMR par typologie de territoires en 2019 Source : Ademe chiffres clés 2019 (parution : juin 2021) La taxe de séjour (TS) : une taxe affectée au développement touristique Créée par une loi de 1910, la taxe de séjour est instituée à l?initiative des communes réalisant des dépenses favorisant l?accueil des touristes. À l'origine, elle ne pouvait être instituée que par les stations classées de tourisme. Cette possibilité s?est élargie au fur et à mesure des années (aux communes de montagne, du littoral, réalisant des actions de promotion touristique ou de gestion de leurs espaces naturels ?). Elle est due par personne et par nuit et son montant varie selon le type d'hébergement (hôtel, meublé de tourisme, camping) et selon le classement de l'hébergement. Les recettes de la taxe de séjour sont affectées obligatoirement aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique d'une commune ou d'une intercommunalité. Afin de permettre la couverture des charges supplémentaires du service public des déchets générés spécifiquement par la fréquentation touristique, pourrait être envisagée l?affectation d?une part additionnelle à la taxe de séjour (surtaxe) perçue par les EPCI122. Le produit de la TS resterait ainsi affecté au développement touristique mais les territoires classés « touristiques », selon la classification de l?Ademe, pourraient percevoir, sur la même base que la TS, cette part complémentaire affectée au financement des opérations de prévention, de collecte et de traitement des ordures ménagères. 122 La TS est actuellement obligatoirement affectée aux offices de tourisme et ne peut donc financer des surcoûts liés à la collecte et au traitement des déchets. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 62 __________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________ En France, le volume d?ordures ménagères par habitant, notamment résiduelles, se stabilise à un niveau supérieur à la moyenne européenne. Le service public de gestion des déchets (SPGD) est exercé par les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats intercommunaux de traitement, dans le cadre d?une programmation tripartite État-région-intercommunalités. Or, cette programmation est trop complexe et souffre d?une articulation insuffisante entre les différents niveaux territoriaux qui la rend finalement inefficace. Pour permettre à la France de réaliser les objectifs que le législateur a fixés dans le code de l?environnement et rejoindre les meilleurs standards européens de prévention et de gestion des DMA, la programmation doit être améliorée. Une simplification des documents de programmation nationaux, une programmation régionale plus opérationnelle, grâce à davantage de précisions sur les investissements à réaliser et à des plans locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés déclinés pour chaque EPCI, contribueraient à une plus grande lisibilité des différents niveaux et outils de programmation. Par ailleurs, comme la Cour l?avait déjà souligné en 2011, la mobilisation des parties prenantes implique de disposer de tableaux de bord synthétiques permettant de confirmer une direction et un rythme de réalisation adéquats. Pour atteindre ce résultat, la collecte locale des données doit être accélérée et simplifiée dans un compte-rendu unique et harmonisé. Les dépenses du service public de gestion des déchets augmentent de manière continue depuis vingt ans et sont financées principalement par la fiscalité ou la tarification locale et les filières REP. Pour réduire cette dépense et atteindre l?objectif prioritaire de réduction des quantités de déchets collectées et traitées, les modalités de tarification (ou de fiscalité) doivent inciter plus clairement l?usager à des efforts de tri. La tarification incitative (REOMi ou TEOMi) permet de limiter les quantités d?OMR en liant, au moins partiellement, la qualité du tri et le prix payé par l?usager. Toutefois, son développement, prévu par la loi, se heurte à des difficultés de mise en place et à des coûts de démarrage importants qui doivent être mieux pris en charge. La spécificité des territoires touristiques entraine des charges pour le SPGD qui nécessitent la mobilisation de moyens complémentaires. Une part additionnelle de taxe de séjour payée par les usagers à l?origine de ces surcoûts permettrait de les financer. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 63 Au vu de l?ensemble de ces constats, les juridictions financières formulent les recommandations suivantes : 1. Unifier, au plus tard en 2024 les documents de programmation nationale de la prévention et de la gestion des déchets, en y renforçant le volet industriel de la plasturgie et de la valorisation énergétique (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). 2. Rendre obligatoire, au plus tard en 2024, lorsque le programme local de prévention des déchets ménagers est élaboré par le syndicat de traitement, l?adoption d?un programme de mise en oeuvre spécifique par EPCI (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). 3. Publier, au plus tard en 2024, un tableau de bord annuel du Service public de gestion des déchets, à l?échelon national et par type d?établissement public de coopération intercommunale, des six indicateurs-clefs, incluant la prévention et le poids des ordures ménagères résiduelles assortis d?une représentation graphique des trajectoires constatées par rapport aux trajectoires cibles (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, régions). 4. Publier, au plus tard en 2024, un tableau de bord annuel, pour l?ensemble des filières de Responsabilité élargie du producteur et, pour chacune d?elles, des six indicateurs-clefs, incluant la prévention, assortis d?une représentation graphique des trajectoires constatées par rapport aux trajectoires cibles (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, éco-organismes). 5. Harmoniser, au plus tard en 2024, dans un seul compte-rendu le bilan annuel, par intercommunalité, des actions de prévention et de gestion des déchets ménagers autour des six indicateurs-clefs et du coût du service par habitant (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). 6. Favoriser la mise en place de la tarification incitative en allégeant son coût pour l?intercommunalité grâce à un financement complémentaire porté à 80 % sur les premiers exercices (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique) ; 7. Instaurer une surtaxe à la taxe de séjour dont le produit serait affecté aux actions relatives à la prévention et à la gestion des déchets (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction Publique). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Le dispositif opérationnel : une transformation à accélérer vers l?économie circulaire Le présent chapitre examine les étapes du processus de gestion des déchets ménagers et assimilés (la prévention, la collecte et le traitement) telles qu?elles sont mises en oeuvre par les organismes qui en ont la charge. Les résultats atteints par la France et les choix de gestion de déchets y sont exposés et comparés à ceux des autres pays de l?Union Européenne. Ces comparaisons et les exemples de bonnes pratiques comme les difficultés rencontrées aux niveaux local et national, illustrent la complexité de cette politique et mettent en évidence les efforts qui doivent être réalisés en France pour atteindre les objectifs fixés. I - La prévention : priorité officielle, mais parent pauvre de la gestion des déchets L?article L. 541-1 du code de l?environnement prévoit de « donner la priorité à la prévention ». La prévention consiste à réduire la quantité de déchets produits et leur dangerosité en intervenant à la fois sur les modes de Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 66 production et de consommation des produits123. Elle relève au premier chef des entreprises puisqu?elles sont en mesure de réduire à la source la quantité de matière des produits qu?elles mettent sur le marché. Certains territoires, pionniers mais trop minoritaires, montrent qu?ils peuvent aussi avoir une action déterminante sur la prévention en accompagnant la consommation responsable, l?autogestion des déchets et le geste de tri des citoyens. A - À l?étape de la production : écoconception et durabilité des produits 80 % des incidences des produits sur l?environnement sont déterminées lors de la phase de conception124. Cette responsabilité des entreprises se traduit par les écocontributions qu?une partie d?entre elles paient aux éco-organismes. Ce principe pollueur-payeur doit les inciter à réduire les quantités de matière125 ainsi qu?à prêter attention aux conditions d?approvisionnement en matières premières et au recyclage des biens fabriqués. Par exemple, pour prévenir les déchets plastiques, les entreprises ont la possibilité de supprimer les contenants à usage unique ou sans fonction technique (comme les propriétés barrière pour les produits alimentaires) ou les produits et objets qui perturbent les chaînes de recyclage parce qu?ils sont trop petits ou dépourvus de filière de recyclage opérationnelle126 . Les entreprises sont également invitées, tant par la réglementation européenne que par la législation française, à construire des biens incorporant des matières premières recyclées, qui soient susceptibles d?être réparés et réutilisés127 ou à développer l?économie dite de la fonctionnalité. Les fabricants de produits générateurs de déchets sont tenus de soutenir les réseaux de réemploi, de réutilisation et de réparation, notamment ceux gérés par les structures de l?économie sociale et solidaire128. 123 Selon l?article L. 541-1-1 du code de l?environnement, qui regroupe les définitions des termes en lien avec les déchets, la prévention désigne l?ensemble des mesures qui visent à réduire la quantité de déchets, leur nocivité et les matières nocives entrant dans les produits. 124 Rapport du Parlement européen pour aboutir à une économie circulaire du 10-02-2021 125 Par exemple, l?écocontribution payée annuellement par les metteurs en marché est modulée aux poids et à l?Unité de Vente Consommateur (UVC) qui intègrent les emballages. 126 C?est-à-dire les produits et objets hors filières déjà opérationnelles (p. ex. bouteilles en plastique de PET) ou en passe de le devenir (p. ex. pot de yaourt en PS). 127 Un indice de réparabilité doit pouvoir être communiqué pour les équipements électriques et électroniques et, à compter du 1er janvier 2024, un indice de durabilité. Règlement (UE) 2021/341 de la Commission du 23/2/21. 128 Article L. 541-10 du code de l?environnement Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176087/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041599099 LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 67 L?économie de la fonctionnalité L?économie de la fonctionnalité privilégie l?usage souvent ponctuel (se déplacer, s?alimenter, habiter, etc.) à la possession permanente et tend à vendre des services (location, etc.) plutôt que les produits eux-mêmes. Conservant la propriété des matériels, le loueur a intérêt à allonger leur durée de vie et réduire la consommation des intrants (énergie, engrais, etc.), comme par exemple pour un contrat d?installation et d?entretien se substituant à la vente d?une chaudière. Dans le tableau de bord national des éco-organismes que les juridictions financières recommandent de créer, un des six objectifs devrait être, comme proposé supra, un indicateur de l?effort de financement de la prévention (dépenses en faveur de la prévention/ pourcentage du chiffre d?affaires des éco-organismes). L?évolution de la demande des consommateurs a une influence de plus en plus forte sur l?engagement des entreprises dans ces directions129. L?écoconception peut aussi être encouragée par des mécanismes incitatifs ou prescriptifs mis en place par les pouvoirs publics. Les mécanismes incitatifs prévus dans la loi comme les éco-modulations130, pour les produits soumis à une REP, conservent la préférence des entreprises. Ils peuvent même aboutir, dans certains cas, au versement à l?entreprise d?une prime supérieure à son écocontribution131. Les instruments prescriptifs se développent quant à eux dans le cadre de l?harmonisation des conditions du marché unique européen132. Tel 129 L?indicateur 9 du PNPD 2014-2020 mesure la sensibilité des Français à la prévention (Indice global calculé par l?Ademe à partir d?enquêtes). 130 L?art. L. 541-10-3 du code l?environnement issu de la loi AGEC (annexe IV bis à la directive 2008/98) rend possible le recours aux contributions financières pour promouvoir l?incorporation de matériaux recyclés et le réemploi. Ces « éco- modulations » sont des modifications (en %) de l?écocontribution, acquittée par les producteurs à l?éco-organisme. 131 Arrêté du 25/12/2020 modifiant le cahier des charges de la filière emballages ménagers et créant une prime pour intégration de 10 % de matière plastique recyclée dans ces emballages. Ce dispositif fait l?objet d?un recours au motif qu?il revient à faire financer la prise en charge des déchets du bénéficiaire par les autres adhérents et constitue donc une rupture avec le principe d?internalisation des externalités négatives générées par la mise en marché. 132 Dans sa proposition de règlement relatif aux batteries du 10 décembre 2020, la Commission propose qu?à partir de 2030, les batteries respectent des objectifs de collecte et des proportions minimales de contenu recyclé. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043974919 COUR DES COMPTES 68 a été le cas avec l?interdiction progressive par la directive sur le plastique à usage unique « single use plastic » (SUP) de tous les plastiques à usage unique entre 2016 et 2040133. La mise sur le marché de certaines catégories de produits et de matériaux peut également être subordonnée au respect d?un taux minimal d?incorporation de matières recyclées134 (p. ex. 25 % de plastique recyclé en 2025 pour les bouteilles pour boisson fabriquées en PET)135 , d?intégration des déchets produits dans une filière de recyclage 136 ou d?affichage d?un indice de réparabilité ou de durabilité137. Si l?engagement des entreprises en faveur de la prévention demeure insuffisant, l?État disposera de la possibilité de renforcer les mécanismes incitatifs et prescriptifs (interdiction de certains produits ou matériaux, incorporation obligatoire de matières recyclées, ratio minimal de dépenses de prévention). B - Dans les territoires : une action trop exclusivement centrée sur la communication Pour les EPCI qui en disposent, les programmes locaux mentionnent peu d?actions de prévention ou sont défaillants, tant dans le champ de la prévention couvert que dans les moyens mis en oeuvre ou dans les outils de suivi prévus. Dans les programmes intercommunaux et leurs comptes-rendus de mise en oeuvre déjà présentés en première partie du rapport, le volet prévention est presque systématiquement manquant ou lacunaire. N?y figurent ni bilan chiffré des quantités de déchets évitées (p. ex. tonnages de bio déchets détournés à la suite d?actions de communication ou de composteurs subventionnés138), ni analyse des facteurs de réussite et d?échec des actions conduites139 (p. ex. mise en rapport dans certains cas 133 Directive (UE) du 5 juin 2019 relative à la réduction de l?incidence de certains produits en plastique sur l?environnement. Cf. détail année par année des interdictions en annexe 2. 134 II. de l?article L. 541-9 du code de l?environnement 135 Article 6 de la directive 2019/904 et annexe II de la directive emballages. 136 III. et IV. de l?article L. 541-9 du code de l?environnement. 137 Art. L. 541-9-2.-I du code de l?environnement 138 Le prix d?un composteur subventionné à Valenciennes varie de 13 à 22 ¤ selon leur matière (bois ou plastique) et leur volume (400 à 800 litres) 139 Des indicateurs de prévention sont pourtant proposés pour les RPQS, dans le progiciel ComptaCoût® alimentant SINOE. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074220/LEGISCTA000006176616/#LEGISCTA000023268652 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074220/LEGISCTA000006176616/#LEGISCTA000023268652 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041555848/ LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 69 de la hausse des dépenses de communication sur le tri et de l?augmentation des taux de refus de tri sur la même période). Lorsqu?ils sont précisés, les crédits et les ressources humaines140 alloués aux actions de prévention sont, pour la plupart, inférieurs à 1 % du coût total du service public (au maximum 2 % pour certaines collectivités). Avec une moyenne nationale de dépenses de prévention par habitant de 1,5 ¤ en 2018 et 2019141, le nombre de personnes touchées, y compris dans les territoires pilotes, est faible. Dans les programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés (PLDMA), la prévention se limite le plus souvent à des actions générales insuffisamment adaptées aux différents publics de communication pour former des « écocitoyens » : sensibilisation du public au tri142, au jardinage durable et à la gestion des déchets verts, au recyclage et aux nuisances des dépôts sauvages. Ce type d?actions est utile dans l?accompagnement des particuliers pour modifier leurs comportements notamment en phase d?extension des consignes de tri ou de mise en place de la tarification incitative. Cependant, comme le montre le schéma ci-dessous et comme on le constate dans les collectivités territoriales pionnières en France et à l?étranger, les actions de prévention pouvant être mises en oeuvre par les intercommunalités couvrent un champ plus large que la seule communication143. 140 Par exemple 3,8 ETP en moyenne au SMICTOM Alsace centrale (CRC Grand Est, novembre 2021). 141 Ademe, synthèse du guide « Élaborer et conduire avec succès un PLPDMA » (2018) La moyenne en 2016 était de 0,8. Exemples (2019) : 0,19 ¤ par habitant pour le syndicat du département de la Haute-Marne. 1,14 ¤ pour la métropole de Lyon, 0,9 ¤ pour la métropole de Nice (objectif de 2,48 ¤ pour la période 2022-2026). 142 Distribution de mémo-tri et guides du compostage, porte à porte, recrutement d?ambassadeurs de tri et de référents compostage pour faire du porte-à-porte, manifestations grand public, lettres d?information, animations scolaires et extra- scolaires, autocollants « stop pub », nettoyage citoyen. 143 Pour le gaspillage alimentaire dans la restauration scolaire et périscolaire, le réseau REGAL (RÉseaux de lutte contre le Gaspillage Alimentaire), lancé par le ministère de l?Agriculture qui vise mobiliser, à l'échelle d'un territoire, l'ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire (professionnels de l?alimentation, associations, acteurs institutionnels, porteurs de projets, citoyens). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-intercommunal-de-collecte-et-de-traitement-des-ordures-menageres-8 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-intercommunal-de-collecte-et-de-traitement-des-ordures-menageres-8 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-departemental-denergie-et-des-dechets-de-la-haute-marne-sded-52 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-departemental-denergie-et-des-dechets-de-la-haute-marne-sded-52 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/metropole-de-lyon-enquete-sur-la-prevention-et-la-gestion-des-dechets https://www.ccomptes.fr/fr/publications/metropole-nice-cote-dazur-nca-nice-alpes-maritimes https://agriculture.gouv.fr/avec-regal-les-regions-se-mobilisent-contre-le-gaspillage-alimentaire COUR DES COMPTES 70 Schéma n° 4 : les actions de prévention accessibles aux collectivités territoriales Source : Cour des comptes Le plan local de prévention de Besançon144 Le syndicat de traitement de l?agglomération de Besançon145 a appuyé son action de prévention sur un plan Territoire Zéro Déchets Zéro Gaspillage146 bénéficiant d?un soutien financier significatif de l?Ademe (450 000 ¤). 144 CRC Bourgogne-Franche-Comté, Syndicat de traitement de l?agglomération de Besançon (Sybert), janvier 2021. 145 Le Sybert couvre un territoire d?environ 1250 km2 et traite les déchets de 163 communes regroupant 225 000 habitants. C?est un territoire au profil mixte, composé d?une zone urbaine très dense, la ville de Besançon (qui regroupe 52 % de la population desservie) et de zones rurales. 146 Le programme « Territoire Zéro Déchet Zéro Gaspillage » (TZDZG) de l?Ademe a pour l?objet est l?accompagnement des collectivités dans une dynamique d'économie circulaire. Les 153 EPCI retenus bénéficient de soutien financier et d?un accompagnement méthodologique de l?agence pour l?élaboration d?un plan d?actions aux fins d?amélioration du recyclage et de la valorisation des déchets. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-besancon-et-de-sa-region-pour-le-traitement-des-dechets-sybert-0 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-besancon-et-de-sa-region-pour-le-traitement-des-dechets-sybert-0 LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 71 La deuxième version de ce plan (2015-2020), qui a été conçue comme un accompagnement de la mise en oeuvre de la redevance incitative, affichait parmi les indicateurs clés une cible moyenne de 100 kg d?OMR par an et par habitant en 2022. Le plan, quantifiait notamment les objectifs de baisse de volume des OMR, des DMA et des déchets dangereux déposés en déchèteries et de ceux détournés de l?élimination vers le réemploi via les ressourceries. Pour atteindre ces objectifs, le Sybert avait retenu d?abord un axe de travail relatif à la promotion et l?accompagnement des différents modes de compostage (collectif en pieds d?immeuble, chalet de compostage, composteur électromécanique en collectif dense, lombricompostage, vente de composteurs individuels). Il prévoyait également des actions de sensibilisation du public telles que le prêt de vaisselle réutilisable, la promotion d?un « Gourmet Bag » auprès des restaurateurs pour prévenir le gaspillage alimentaire et la mise en place d?une stratégie de communication. En outre, des dispositifs d?évitement des déchets étaient développés comme le prêt d?un kit de couches lavables et l?accompagnement des structures volontaires, la promotion du réemploi et de la réparation à travers l?installation de locaux dédiés aux ressourceries dans chacune des déchèteries du territoire. Ces actions ont contribué, à côté du déploiement de la tarification incitative, de l?extension des consignes de tri et de mesures telles que la baisse des fréquences de collecte, à la réduction des volumes d?ordures ménagères résiduelles. Fin 2020, le volume d?OMR collecté par le Sybert s?élevait à 136 kg par an et par habitant, soit une très bonne performance par rapport à la moyenne nationale (les meilleurs ratios, soit 95 kg par habitant et par an, sont relevés dans des territoires à forte dominante rurale). À l?interface entre la prévention et le recyclage, les actions dites en « R » (réparation, réemploi147, ressourcerie148 et réutilisation) offrent des perspectives prometteuses. La loi prévoit qu?en 2030, 5 % du tonnage de déchets ménagers, notamment des textiles et des équipements électriques et électroniques et d'ameublement, soient concernés149. 147 Le réemploi consiste à collecter en déchetteries des matières et objets (meubles, vaisselles, jouets textiles?) les reconditionner et réparer et les revendre (produits de seconde main). 148 Une ressourcerie est une structure qui gère la récupération, la valorisation et la revente de biens sur un territoire donné. 154 étaient en activité en 2020 dont une vingtaine à Paris. Le taux de remise sur le marché est de 41 % des objets collectés. (Observatoire annuel des ressourceries). 149 Art. L. 541-1 I. 3° du code de l?environnement Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://ressourceries.info/?FfF https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ COUR DES COMPTES 72 Les collectivités territoriales doivent depuis 2020, dans toutes leurs déchèteries, qui jouent déjà un rôle central de vecteur des messages de prévention, disposer d?une zone de dépôt destinée aux produits réemployables150. Elles ont l?obligation de permettre par contrat aux acteurs de l'économie sociale et solidaire d?y récupérer et traiter les objets en bon état et réparables. Elles peuvent aussi subventionner ces associations lorsqu?elles collectent les articles chez les particuliers. En cas de carence des initiatives privées, elles peuvent structurer les filières de réemploi par la création de sociétés d?économie mixte151 qui peuvent contractualiser avec les éco-organismes et développer une activité commerciale.152 Les déchèteries peuvent devenir ainsi des éco-pôles mettant en relation les ameneurs et les preneurs pour offrir une deuxième vie aux objets, à l?image de ce qui se fait en Autriche, en Flandre belge, mais aussi en France, par exemple en Gironde 153. Des exemples étrangers de réseaux de réemploi À titre d?exemples, la Belgique (Flandre) et l?Autriche, considérées comme pionnières dans ce domaine, ont mis en place, des réseaux denses de réemploi/ seconde main. En Flandre, ils sont présents dans chaque municipalité (ou centre commun à plusieurs municipalités voisines), avec des objectifs fixés en termes de biens réutilisés en kg par habitant. Les biens sont déposés par les habitants dans ces centres ou collectés dans les déchèteries (une benne pour les biens hors d?usage et une benne pour les biens réparables/réutilisables) afin d?être revendus. En Autriche, le réseau « repanet » regroupe 27 organisations employant 1 800 personnes dans 140 lieux (principalement pour le textile et les équipements électroniques). Cet adossement des ressourceries aux déchèteries est encore trop rare, mais il se heurte, il est vrai, à certaines contraintes (sites des déchèteries manquant de place, trop excentrés ou mal sécurisés). La mise en place de nouvelles REP qui collectent désormais des objets et appareils en amont des déchèteries154répond aussi à cet objectif. 150 Article L. 2224-13 du CGCT 151 Centre Vosges TLC de tri textile de valorisation par la revente, l?export ou l?incinération et d?insertion des personnes en difficulté au regard de l?emploi. 330 bornes d?apport volontaire. 30 salariés et 150 tonnes collectées chaque mois. 152 Article L. 2224-13 du CGCT 153 En Gironde, le SMICVAL, profitant de la modernisation de son réseau de déchèteries, a créé un supermarché inversé, lieu de réemploi mais aussi de formation et de sensibilisation, fonctionnant sur le principe du « donnez, prenez, recyclez ». 154 Exemples : jouets, articles de sport, de loisirs, de bricolage et de jardins, deux roues. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041598995/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041598995/ LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 73 Les intercommunalités et les éco-organismes doivent être incités à augmenter la part de leurs dépenses consacrées à la prévention et à financer des actions plus opérationnelles et ambitieuses que la communication. Les recommandations n°3 et 4 présentées ci-dessus et visant à publier des tableaux de bord annuel de six indicateurs-clefs parmi lesquels la prévention (ratio dépenses de prévention/ dépenses totales), répondent aussi à cet objectif. Pour permettre le calcul et la publication de cet indicateur, les juridictions financières recommandent dans un premier temps de dresser dans la réglementation la liste des actions financées par les EPCI et les REP pouvant être considérées comme dépenses de prévention (État). II - La collecte : peu de progrès sur les enjeux prioritaires Malgré leur réduction régulière (249 kg/habitant en 2019 pour 298 kg/habitant en 2009), les tonnages d?OMR (16 611 kt en 2019) restent la part la plus importante de l?ensemble des déchets collectés. Tableau n° 2 : les tonnages collectés en 2019 Source : ADEME, chiffres clés 2019 (parution juin 2021) La dernière étude de caractérisation MODECOM de 2017 montre que les OMR sont composées d?une majorité de produits valorisables dont Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 74 40 % de flux ciblés par des filières REP existantes et 38 % potentiellement concernés par une valorisation organique (dont un tiers de bio déchets). L?enjeu est donc de développer les efforts de pré-collecte155 et de collecte afin de distraire des OMR le plus possible de produits valorisables. A - Une organisation territoriale multiforme 1 - Une gestion partagée entre régie et marchés de prestations de service La collecte s?exerce soit en régie (directement par les services de la collectivité ou par des contrats de prestation de service), soit en délégation de service public (DSP). L?enquête a révélé plusieurs exemples mixtes avec une partie du territoire en gestion directe (régie ou marchés publics) et une autre en DSP. Cette organisation résulte de la volonté de maintenir une forme de concurrence entre les différents modes de gestion et aussi de conserver la compétence technique permettant d?évoluer dans les choix de gestion. Nice et Lyon : une volonté de maintenir un fonctionnement mixte entre collecte en régie ou confiée à des prestataires Pour Nice-Côte d?Azur, la compétence est exercée à la fois en régie (51 % de la population en 2022), s?agissant notamment de la collecte de la ville de Nice et via des marchés (49 %) attribués à des entreprises différentes pour d?autres secteurs géographiques. La métropole de Lyon a fait le choix d?une collecte effectuée en partie en régie directe par ses propres services et en partie par des entreprises prestataires. La part de ces dernières est passée de 49 à 57 % des tonnages collectés entre 2015 et 2019. La collectivité explique l?externalisation partielle du service collecte et le maintien d?un système mixte par la volonté de mettre en place une émulation entre les secteurs public et privé ainsi qu?une démarche d?amélioration continue. Cette organisation permet, selon la métropole, un meilleur contrôle des prestataires grâce à la connaissance technique du métier détenue par ses services et permet de limiter les blocages en cas de grève. 155 La pré-collecte est l?ensemble des opérations (principalement de tri) qui précèdent le ramassage des déchets par le service d?enlèvement. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/metropole-nice-cote-dazur-nca-nice-alpes-maritimes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/metropole-de-lyon-enquete-sur-la-prevention-et-la-gestion-des-dechets LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 75 La différence de coûts entre la gestion en régie et le recours à un prestataire est difficile à établir compte tenu de la diversité des conditions de collecte. Toutefois, le coût à la tonne collectée en régie peut être supérieur au coût de la collecte par un prestataire : par exemple pour le SICTOM Pézenas-Agde156, les tonnages collectés par un prestataire sur le secteur d?Agde représentent un tiers des tonnages totaux alors que le coût ne représente que 22 % du total157. Certaines collectivités constatent que lorsque la collecte est assurée par un prestataire (dans le cadre d?un marché par exemple), il est plus difficile de contrôler la qualité du tri. L?enjeu pour les EPCI reste d?assurer un équilibre optimal entre l?indispensable maîtrise des coûts et la qualité du service proposé. 2 - Un équilibre à trouver entre qualité et coût du service rendu La diversité des types d?habitat au sein de la très grande majorité des EPCI conduit à différentes modalités de collecte, prenant en compte la densité de population et le type d?habitat (ville-centre, zones périurbaines, zones plus rurales, habitat collectif/habitat individuel). Cette hétérogénéité n?est pas un problème : l?adaptation de la collecte (notamment sa fréquence) aux particularités d?un territoire intercommunal est une condition de la réussite d?une politique de réduction des déchets. La collecte est organisée selon trois modalités adaptées aux différentes typologies de territoire et à la nature des produits triés : - La collecte en porte à porte (PAP) particulièrement adaptée au milieu urbain dense ; - La collecte en points d?apports volontaires (PAV) souvent utilisée pour une partie au moins du tri sélectif et quasiment généralisée pour le verre ; - La collecte en points de regroupement158, utilisée dans les secteurs à faible densité de population. 156 cf. CRC Occitanie, Smictom Pézenas-Agde, février 2021. 157 La configuration du territoire (densité de population beaucoup plus forte sur la commune d?Agde et activité touristique importante) peut expliquer ces différences de coûts. 158 Les points de regroupement concernent des usagers identifiés, ce qui n?est le cas des PAV. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-intercommunal-de-collecte-et-de-traitement-des-ordures-menageres-sictom-1 COUR DES COMPTES 76 Photo n° 1 : les trois modalités du tri à la source des bio déchets Source : Présentation de la société Les Alchimistes à destination des juridictions financières octobre 2020 Si la collecte en porte à porte présente de nombreux avantages dont un plus grand confort pour les usagers, elle engendre les coûts les plus élevés tant en matériel qu?en personnel159. L?amélioration de la qualité du tri conduit à des arbitrages sur les fréquences de collecte. Ainsi, l?ajout d?une tournée spécifique (par exemple pour les bio déchets) ne peut se faire à coût égal qu?en supprimant une tournée de collecte des OMR. 3 - Professionnels : une orientation prioritaire vers les déchèteries Un accès facilité aux déchèteries (notamment pour les professionnels) permet de développer le tri et de limiter les dépôts sauvages, sources de nuisances et de coûts importants. C?est pourquoi le volume des dépôts en déchèteries, hors secteur urbain dense, est en forte augmentation et les modalités d?accès à ces équipements, la qualité du tri réalisé et le développement de filières de traitement deviennent des enjeux déterminants pour le service public des déchets. L?étude MODECOM 2017 montre que, dans les déchèteries, la benne tout-venant peut contenir encore potentiellement 28 % de déchets relevant d?une filière REP et 40 % de déchets (plastiques, métaux, bois non transformé, etc.) qui pourraient faire l?objet d?une valorisation matière. La 159 Le coût moyen par habitant de la collecte en porte à porte est supérieur de 20 % au coût moyen en point d?apport volontaire (référentiel national des coûts 2016 de l?Ademe. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 77 recommandation précitée de retenir la quantité d?OMR collectée, y compris les bio déchets, les emballages et les déchets des professionnels, comme indicateur-clef pour mesurer la performance du service public, permettra aussi de suivre les avancées dans ces domaines. B - Promouvoir la collecte et le tri des bio déchets et des emballages en plastique 1 - Les fortes potentialités de la collecte des bio déchets malgré sa complexité a) La complexité propre à la collecte des bio déchets La séparation des biodéchets du flux des déchets résiduels et leur exploitation par le compostage, l?épandage ou la méthanisation a un impact déterminant sur le poids des OMR. Elle constitue, depuis la loi sur la transition énergétique et pour une croissance verte (LTECV), un des objectifs prioritaires des politiques de gestion des déchets. Le tiers des OMR encore composé de bio déchets (75 kg par habitant et par an) est une source de gaspillage de ressources importante160. Ces matières fermentescibles contiennent des matières organiques précieuses dont le traitement non spécifique (par exemple leur incinération) se révèle inutilement coûteux161. La LTECV fixe l?objectif de la généralisation du tri à la source des bio déchets au 31 décembre 2023162. Toutefois, elle ne comporte pas l?obligation d?organiser la collecte distincte des biodéchets. L?article 70 de cette loi précise que : « Chaque citoyen disposera d?une solution lui permettant de ne pas jeter ses biodéchets dans les ordures ménagères résiduelles. » Les solutions possibles sont donc les collectes séparées et/ou la gestion de proximité à l?aide de composteurs individuels ou partagés en pied d?immeuble, à l?échelle d?un quartier ou d?un village. Des 160 Le retour au sol des bio déchets est particulièrement utile car la majorité des sols agricoles du territoire français sont appauvris en matières organiques. 161 Les bio déchets sont composés majoritairement d?eau rendant leur incinération (lorsqu?ils sont traités en OMR) encore plus regrettable. 162 La date initialement fixée au 1er janvier 2025 a été avancée au 31 décembre 2023 par la loi AGEC. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 78 expérimentations technologiques pour réduire les coûts sont actuellement en cours mais ne peuvent pas encore être évaluées. Toutefois, le tri des biodéchets peut se révéler délicat compte tenu des difficultés techniques, financières et sociales pour mobiliser ces flux. La collecte séparée des biodéchets devrait, selon l?Ademe, induire à elle seule un coût supplémentaire de 15 à 25 ¤ par habitant. Les modalités de tri à la source devront être adaptées à chaque spécificité locale et il n?apparaît pas opportun de recommander, à ce stade, une modalité plutôt qu?une autre. La diversité des solutions envisageables et surtout la possibilité de les combiner sur un même territoire pour les adapter aux typologies d?habitat, conduisent à ne pas imposer de mesures généralisées trop radicales (comme la collecte sélective des biodéchets) qui pourraient se révéler contre-productives et coûteuses. Les EPCI présentant les politiques les plus efficaces de tri des bio déchets sont le plus souvent engagés sur de longues périodes avec une planification et une programmation d?actions précises associées à des évaluations fréquentes, à l?exemple du syndicat intercommunal pour la valorisation et le traitement des déchets ménagers du Puy-de-Dôme (Valtom). Une politique volontariste de collecte des bio déchets Le syndicat intercommunal pour la valorisation et le traitement des déchets ménagers du Puy-de-Dôme (Valtom163) assure le traitement des DMA pour neuf EPCI du Puy de Dôme et de la Haute Loire. Le Valtom a mis en oeuvre un schéma territorial de gestion des déchets organiques (STGDO), adopté en 2017, pour le compte de ses membres avec des objectifs à l?horizon 2025 en référence à 2017 : réduire de moitié la quantité des bio déchets présents dans les OMR, tripler le volume de bio déchets alimentaires traités et diminuer de 12 % les tonnages de déchets verts à traiter en déchèterie. Le schéma prévoit d?utiliser plusieurs leviers comprenant la création d?un réseau de maitres-composteurs (9 emplois), la diffusion d?un grand nombre de composteurs : 50 000 individuels, 225 en pied d?immeuble, près de 1 000 en quartier et 450 en établissement. 163 Cf. rapport CRC Auvergne-Rhône-Alpes, syndicat Valtom, juin 2022. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://agirpourlatransition.ademe.fr/collectivites/fiches/valorisation-biodechets-agir https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-pour-la-valorisation-et-le-traitement-des-dechets-menagers-et-assimiles-du LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 79 Selon les premières estimations présentées dans les rapports d?activité du Valtom (rapport 2020), le développement du compostage aurait permis de détourner 4 812 tonnes de bio déchets soit environ 10 % du gisement annuel. La plus grande part de ce détournement tiendrait au compostage individuel (3 859 t), puis au compostage en établissement (484 t), en pied d?immeuble (275 t) et enfin en quartier (194 t). La difficulté pour mesurer les quantités de bio déchets, distraites des OMR ne permet pas de suivi précis de l?évolution du tri. C?est pourquoi, comme indiqué précédemment, la quantité d?OMR collectée doit faire partie des indicateurs-clefs pour mesurer la performance du service public car il intègre la réduction de la part des biodéchets, principale composante des OMR. b) La solution du compostage de proximité Carte n° 1 : Gestion de proximité des bio déchets Source : ADEME Le compostage de proximité apparaît comme un axe de progrès, y compris en milieu urbain dense, puisqu?il permet l?accès à un équipement pour l?ensemble des usagers, professionnels et particuliers. Traditionnellement centré sur le compostage autonome domestique (à l?aide d?un composteur individuel), le compostage de proximité peut prendre d?autres formes. Le mode partagé consiste pour un établissement à ouvrir son équipement à d?autres usagers. Le mode collectif regroupe différents foyers avec une organisation propre sur un lieu choisi en commun. Des expériences de compostage partagé existent aussi dans le cadre des résidences collectives, parfois de tailles importantes, et contribuent, outre leur intérêt intrinsèque, au renforcement du lien social. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 80 Une expérience de distribution de composteurs individuels rapidement amortie : la CC de l?Ile d?Oléron (CCIO) 164 Depuis 2019, la CCIO a précisé et étendu sa politique en matière de bio déchets, en décidant que le tri à la source des bio déchets serait déployé par la distribution de composteurs gratuits (15 000 individuels renouvelables tous les huit ans pour les usagers pouvant composter et 50 à 60 partagés pour les particuliers ne disposant pas d?assez d?espace, avec une gestion et un suivi par les services techniques des communes ou de l?EPCI), et par une collecte séparée des bio déchets pour les gros producteurs ne pouvant pas composter. Le développement du compostage individuel a permis d?éviter la production de 700 tonnes de bio déchets en 2019 avec une économie annuelle de coût de transfert et de traitement estimée par la CCIO à 120 000 ¤ correspondant au coût d?investissement en composteurs. Le coût de ce schéma de développement du tri est estimé (sur les six ans) à 10,5 M¤ mais la réduction du coût de traitement est évaluée à 14 M¤. Une première évaluation produite en février 2021 indique un détournement de plus de 10 % de biodéchets représentant près de 5 000 tonnes du gisement. c) Le défi du tri des biodéchets dans l?habitat urbain dense Le tri et la collecte des biodéchets posent des problèmes spécifiques dans les territoires fortement urbanisés alors même que les tonnages produits sont très importants. Les capacités de stockage limitées dans l?habitat vertical et les désagréments (odeurs et risque sanitaire) liés à la conservation des biodéchets comptent parmi les principaux obstacles au développement du tri sélectif des bio déchets. 164 Cf .CRC Nouvelle-Aquitaine, décembre 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-de-communes-de-lile-doleron-saint-pierre-doleron-charente-maritime LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 81 La Ville de Paris : des objectifs ambitieux qui peinent à se concrétiser165 La Ville de Paris, compétente pour la collecte et le traitement des ordures ménagères, s?est fixé des objectifs parfois plus ambitieux que les dispositions législatives en matière de biodéchets. Elle projetait notamment de généraliser leur tri à l?horizon 2020. Toutefois, en 2021, la collecte séparée des déchets organiques n?est réalisée que dans trois arrondissements166 et seulement auprès des ménages et des établissements de l?administration parisienne, à l?exclusion des professionnels et notamment des restaurateurs. En 2018, selon le baromètre comportemental167 de la Ville, 74 % des parisiens interrogés déclaraient jeter les restes alimentaires à la poubelle montrant les importantes marges de progrès restant à réaliser. Le tonnage de biodéchets collectés augmente dans les trois arrondissements mais reste encore minime par rapport au gisement. Les bacs d?OMR y sont encore composés à hauteur de 21 % de déchets alimentaires168. Les 3 000 tonnes, tous usagers confondus, collectées à Paris restent très éloignées de l?objectif à atteindre d?ici la fin de 2023. La difficulté spécifique, souvent relevée, pour la collecte en milieu urbain dense n?est cependant pas absolue, aussi bien en France que dans d?autres pays comme le montrent les expériences probantes relevées par les juridictions financières. Ainsi, la métropole de Rennes (avec 500 aires de compostage partagé desservant 28 000 logements) obtient un tonnage d?OMR par habitant (185?kg par habitant en 2019) peu élevé pour une collectivité de cette taille169. D?autres collectivités ont entrepris des démarches similaires comme l?agglomération de Lorient depuis 2002 ou plus récemment Grenoble. Plusieurs métropoles françaises (Paris, Strasbourg, Aix- 165 Cf. CRC Ile-de-France, mars 2022. 166 Depuis mai 2017, dans les 2ème et 12ème arrondissements étendue au 19ème arrondissement en 2019. 167 La mairie de Paris réalise tous les deux ans un sondage comportemental auprès d?un échantillon représentatif de 3 500 Parisiens. 168 Campagne de caractérisation des déchets de 2017. Rapportés aux OMR (752 000 tonnes en 2019), les bio déchets représentent donc 157 000 tonnes. 169 450 000 habitants Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/ville-de-paris-prevention-et-gestion-des-dechets COUR DES COMPTES 82 Marseille, Nantes et Lyon) sont également engagées dans des expérimentations170 de collectes sélectives des biodéchets. Même si elles ne concernent qu?une partie des territoires métropolitains, les premiers résultats de ces expérimentations171 indiquent une collecte entre 15 et 20 % du gisement estimé de biodéchets et la nécessité, pour obtenir des résultats probants d?utiliser l?ensemble des leviers possibles (collecte en PAP, en PAV, compostage de proximité individuel ou collectif). Des exemples étrangers confirment ces potentialités (cf. annexe n° 7 sur les comparaisons internationales), notamment en Allemagne où la collecte spécifique des biodéchets est assurée, pour 70 % de la population, mais aussi aux Pays-Bas et en Flandre. Un exemple européen de collecte des biodéchets en milieu fortement urbanisé : la ville de Milan172 Milan compte une population urbaine d?environ 1,7 millions d?habitants (7 520 hab./km2). Milan est trois fois plus densément peuplée que Rome et plus de 80 % de ses habitants vivent en appartement. La ville a développé des plans ambitieux de gestion des déchets depuis les années 1990 : 55 000 points de collecte, collecte des déchets alimentaires des habitants et des commerces en sacs compostables, recyclage organique. Elle est passée de 35 % de collective sélective en 2011, à 50 % dès 2014 et à 61,8 % en 2022, soit plus de 800 000 tonnes collectées dont 85 % de bio déchets. Milan est la plus grande métropole européenne à avoir mis en place un système de collecte des déchets alimentaires à l'échelle de la ville173, impliquant presque 100 % des habitants dès 2014. Le compostage partagé dans les centres urbains peut être une solution d?accompagnement, à condition que la gestion des chalets/station de compostage soit professionnalisée : c?est la solution mise en oeuvre par le Sybert174, syndicat en charge du traitement des déchets de Grand Besançon, qui à côté de la collecte en PAV des biodéchets réalisée par la communauté urbaine, assure la gestion en régie de chalets de compostage urbains. 170 Article « déchetsinfos » du 20/10/2021. 171 Installation d?abribacs en métal contenant un bac roulant dans lequel les habitants que la collectivité a équipés de bio-seaux et sacs en plastique biodégradable ou en papier viennent apporter de manière volontaire leurs bio déchets (hors déchets verts). 172 « Guide économie circulaire » France Urbaine et Science po, août 2021. 173 Tous les nouveaux immeubles disposent d?un espace dédié à la collecte des déchets, géré par un résident désigné. Les citoyens y amènent leurs déchets alimentaires dans des sacs compostables collectés deux fois par semaine en porte à porte. 174 Cf. CRC Bourgogne-Franche-Comté, janvier 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.amsa.it/fr/cittadini https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-besancon-et-de-sa-region-pour-le-traitement-des-dechets-sybert-0 LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 83 2 - La collecte séparée et la prise en charge des emballages en plastique : une responsabilité à mieux partager Le rattrapage du retard pris par la France dans le recyclage des emballages est largement conditionné par la qualité de la collecte séparée des emballages en plastique qui reste très inférieure aux moyennes européennes. a) Des intercommunalités confrontées à l?extension des consignes de tri L?extension des consignes de tri (ECT) L?ECT consiste à demander à l?usager de jeter la totalité des emballages plastiques (pots, barquettes, films, tubes?), dans le bac jaune et les collecteurs de tri et non plus seulement certains d?entre eux (bouteilles et flacons). Cette évolution facilite le geste de tri des citoyens, améliore leur respect des consignes et augmente les quantités d?emballages collectés (+10 % soit + 4 kg par habitant et par an). La loi prévoit cette extension à tous les habitants d?ici fin 2022175. Malgré les progrès constatés, 70 % de la population couverte au 31 juin 2022176, cet objectif parait difficilement atteignable. Pour mettre en place l?ECT, les collectivités doivent préalablement développer des actions de communication et entreprendre de lourds investissements d?adaptation des centres de tri à ces nouveaux flux qui obligent les EPCI à se regrouper pour y faire face. L?ampleur de ces investissements entraine des délais au-delà de 2022, à l?exemple du centre de tri de la communauté d?agglomération de Valenciennes et de son syndicat (Siaved)177. b) Des éco-organismes à mieux responsabiliser L?un des objectifs principaux des filières REP est, via une collecte sélective de qualité, de détourner des OMR le plus de déchets possibles. Or, seule la moitié du gisement de déchets issus des filières REP était en 2018 recyclée, le reste relevant donc toujours des ordures résiduelles. 175 5° de L. 541-1 du code de l?environnement issu de la loi LTECV de 2015 176 Source : Citéo 177 CRC Hauts-de France, CA Valenciennes Métropole, juin 2021 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-dagglomeration-valenciennes-metropole-tome-2-prevention-et-gestion-des COUR DES COMPTES 84 Comme la Cour l?a déjà souligné178, les résultats insuffisants sont constatés dans plusieurs filières, mais concernent au premier chef les emballages plastiques. Pour l?ensemble des emballages (dont un quart d?emballages plastiques) le taux de recyclage est de 68 % en 2020 et 72 % en 2021 au lieu des 75 % visés dans le cadre du cahier des charges fixé par l?État. Or la consommation de plastiques en France est de 70 kg par an et par habitant, dont près de la moitié pour les emballages179. La loi AGEC du 10 février 2020 revoit le dispositif en supprimant cet objectif de 75% de recyclage pour toutes les matières d?emballage au profit d?une déclinaison des objectifs par matière180 qui permettra de mieux isoler les retards de collecte des emballages en plastique. Par ailleurs, jusqu?à présent, la filière ne pouvait pas faire l?objet de sanctions administratives en cas de non-atteinte de ses objectifs. L?État n?avait le choix qu?entre un retrait d?agrément aux lourdes conséquences et une amende de 30 000 ¤, peu dissuasive au regard de la surface financière des éco-organismes. Le nouveau système de sanctions est davantage incitatif181 et devrait permettre un suivi plus rigoureux des obligations auxquelles les éco-organismes s?engagent à la faveur du renouvellement de leurs cahiers des charges en 2022. Le principal savoir-faire des collectivités territoriales concerne la collecte, le transport, le tri et la préparation des déchets. Pour la reprise des matières issues du tri, elles n?ont pas la responsabilité de la gestion des déchets collectés relevant de la compétence exclusive des éco-organismes de la filière, qui prennent en charge le traitement final de ces déchets 182. 178 Rapport public annuel 2020, « Les éco-organismes : une performance à confirmer, une régulation à renforcer » ; rapport public annuel 2016, « Les éco-organismes : un dispositif original à consolider ». 179 Stratégie 3R. Avril 2022 180 II de l?article L. 541-10 du code de l?environnement : les objectifs des REP doivent être en cohérence avec les objectifs nationaux de l?article L. 541-1 : . 181 Jusqu?à présent, si les objectifs n?étaient pas atteints, la perspective de la pénalité financière était bien inférieure aux économies permises par la non-atteinte des objectifs. Désormais, la sanction sera équivalente à 1,5 fois l?économie attendue, car par définition, non réalisée. (Article L. 541-9-6 du code de l?environnement). 182 Les filières dites opérationnelles sont majoritaires en nombre, mais pas en volume. Elles prennent en charge directement les déchets des entreprises de leur secteur en contractualisant avec les collectivités. Dans le cas du syndicat SMICTOM d?Alsace centrale, trois types de contrats ont utilisés : l?un avec des éco-organismes pour les meubles, piles, déchets d?équipements électriques et électroniques ; l?un pour les huiles végétales, les radiographies, les objets réemployables (recyclerie) et les cartouches d?encre ; et des marchés publics de prestations pour les gravats, papiers-cartons, déchets incinérables, bois, déchets diffus spécifiques, métaux-ferrailles, plâtre, déchets verts, huiles minérales. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-02/20200225-11-TomeI-eco-organismes.pdf https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-02/20200225-11-TomeI-eco-organismes.pdf https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/05-eco-organismes-RPA2016-Tome-1.pdf https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/05-eco-organismes-RPA2016-Tome-1.pdf https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041599099/2021-01-01 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041583353/ https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-intercommunal-de-collecte-et-de-traitement-des-ordures-menageres-8 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-intercommunal-de-collecte-et-de-traitement-des-ordures-menageres-8 LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 85 Les emballages constituent à cet égard une exception. Les EPCI (ou leur syndicat de traitement) restent aujourd?hui chargés de la commercialisation des matières préparées pour être recyclées. Elles doivent négocier individuellement avec les repreneurs. Les éco-organismes des emballages sont dits « financeurs », c?est-à-dire qu?ils ne prennent pas en charge les déchets collectés mais versent aux collectivités territoriales 80 % des coûts de collecte et de traitement qu?elles supportent. Ces éco- organismes disposent pourtant d?une réelle compétence pour la commercialisation sur les marchés des matières recyclées puisqu?ils accomplissent cette mission pour les emballages collectés dans les entreprises. Cette compétence supplémentaire de commercialisation est lourde pour les collectivités territoriales alors qu?elles ont encore beaucoup à accomplir dans leurs missions principales de collecte et de tri avec l?extension des consignes de tri. Elles doivent en outre s?adapter à un contexte marqué par de fortes variations des cours, une augmentation continue des tonnages et une diversification croissante des filières. Elles sont impuissantes enfin à encourager les débouchés pour les emballages en plastique encore peu recyclables. Afin de répondre à ces inconvénients, les collectivités territoriales pourraient aussi être autorisées à faire le choix, alternatif, de déléguer cette compétence de commercialisation, sur la base du volontariat, aux éco- organismes chargés des emballages183. Cette prise en charge devrait se réaliser à coût zéro pour les collectivités, et donc pour les contribuables, sur le modèle du dispositif en vigueur en Belgique (système Fost+ ; cf. annexe n° 7). III - Le traitement : une coûteuse modernisation à entreprendre Le traitement des déchets collectés regroupe leur préparation (le tri dans des centres de tri préalable au traitement), leur valorisation (recyclage, 183 Le caractère opérationnel de l?éco-organisme a été renforcée pour la filière REP emballages ménagers par l?arrêté du 15 mars 2022. L?éco-organisme en charge des emballages (CITEO) expérimente l?enlèvement aux collectivités, le surtri (matière déjà triée qui doit être triée à nouveau pour un meilleur affinage) et l?envoi vers des filières de recyclage. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 86 valorisation organique et énergétique) et leur élimination (stockage, incinération sans valorisation énergétique). La réduction des modes d?élimination de déchets sans valorisation visée par les objectifs nationaux impose une adaptation des capacités industrielles de traitement à des besoins en évolution continue. Elle rend également indispensable l?amélioration des performances de recyclage, qui restent très variables selon les matières et selon les groupements de collectivités en charge de la compétence traitement. C?est pourquoi la valorisation énergétique des déchets est un mode de traitement qu?il faut assumer, tant que la prévention et les modes de valorisation prioritaires n?auront pas abouti à une réduction drastique des OMR. A - L?adaptation des capacités de traitement : répondre à l?évolution des flux, limiter la hausse des coûts Le parc des installations de traitement s?est fortement transformé au cours de la dernière décennie en France comme dans l?ensemble de l?Union Européenne, avec le développement des installations de valorisation matière (tri, compostage) et la réduction progressive du nombre des installations de stockage comme illustré dans le graphique ci-après : Graphique n° 13 : évolution des modes de traitement des déchets municipaux en France sur la période 2009-2018 Source : Cour des comptes d?après données Eurostat. L?adaptation du parc va se poursuivre. La priorité donnée à la réduction des OMR rend encore plus cruciale l?optimisation des capacités de traitement des unités existantes pour gérer un flux de déchets amené à évoluer quantitativement et qualitativement au cours des prochaines Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 87 années. L?importance des investissements à réaliser par les collectivités (voir infra) impose une planification à l?échelle régionale, en recherchant la meilleure coordination entre EPCI voisins, afin d?en limiter l?impact sur le coût du service. Cette nouvelle planification régionale et cette coordination renforcée entre EPCI pourraient favoriser un rééquilibrage des relations contractuelles avec les grands délégataires pour la construction et la gestion des équipements lourds, sujet qui a vocation être traitée ultérieurement par les juridictions financières. 1 - Un coût du traitement des déchets en augmentation continue Comme indiqué dans le chapitre 1, la dépense nationale consacrée à la gestion des déchets184 augmente de manière continue depuis 20 ans (hausse annuelle de 4,3 %, supérieure à la croissance du PIB) et en 2016, la prise en charge des déchets par le SPGD a coûté en moyenne 117 ¤ (HT) par habitant et par an. La collecte et le traitement avec respectivement 49 ¤ et 47 ¤ par habitant et par an, concentrent les enjeux d?optimisation de la logistique et de l?exploitation des équipements, mais c?est le traitement des déchets qui, avec 40 % des dépenses du SPGD, constitue la partie du service dont le coût connaît la progression la plus dynamique, le coût de la collecte tendant à se stabiliser. Cette tendance haussière va s?inscrire dans la durée du fait des dépenses induites par les investissements nécessaires à la modernisation et à la mise aux normes d?un outil industriel français de traitement vieillissant185. Celui-ci doit mieux répondre aux objectifs nationaux, qu?il s?agisse d?améliorer la performance des unités de valorisation énergétique ou d?accompagner l?extension des consignes de tri (ETC) et le traitement des bio déchets. Par ailleurs, la recherche d?une taille critique est indispensable pour assurer une gestion plus efficiente du traitement. En matière de tri par exemple, elle pousse à la création de centres de tri de grande capacité (comme pour le 184 Gestion des déchets pris en charge par le SPGD, la gestion des déchets des entreprises ainsi que le nettoyage des rues. 185 Le parc des usines d?incinération a un âge moyen de 28 ans (Chiffres Ademe, enquête Itom 2018). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 88 syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers de Lorraine nord)186 et à la recherche de débouchés pour les matières recyclables à une échelle départementale, voire supra-départementale, en raison des investissements requis et de la technicité des missions. Dans un rapport publié en 2020187, la Commission européenne a estimé que, si la France ne semblait pas présenter un risque de manquer l?objectif européen de 50 % des déchets municipaux recyclés en 2020, ceux fixés pour 2035 (65 %) nécessiteraient des investissements estimés à 3,3 Md¤ pour la période 2021-2027, dont environ 1,5 Md¤ à la charge des collectivités territoriales, soit le niveau le plus élevé de l?Union européenne en valeur absolue. En dépit des subventions de l?État, ces investissements devront être financés au premier chef par la fiscalité locale et indirectement, dans le partage de l?effort, par les filières de responsabilité élargie des producteurs. L?ampleur et la variété des investissements que les syndicats en charge du traitement des déchets doivent réaliser pour assurer la modernisation de leurs équipements et disposer d?infrastructures de traitement répondant aux enjeux et aux normes du SPGDP, parfois dans des délais courts (Syndicat de traitement et de valorisation de la région de Toulouse, Syndicat de traitement des déchets des microrégions Sud et Ouest de la Réunion - Ileva) conduisent à s?interroger sur la capacité financière et technique des acteurs locaux à porter ces projets (Syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers de Lorraine nord). Ces investissements exercent une pression sur le coût du service. Quelques exemples donnent la mesure des efforts que doivent réaliser les collectivités locales pour absorber la hausse significative du coût de traitement. Ainsi la rénovation de l?unité de valorisation énergétique du syndicat de traitement de la région de Besançon188 pour 58M¤ a entraîné une augmentation de 22 % du coût de traitement des OMR. Le syndicat de traitement de l?agglomération d?Annecy189 prévoit pour sa part que la rénovation de son unité de valorisation énergétique pour 83 M¤ se traduira par une augmentation de l?ordre de 10 % des tarifs facturés à ses membres. Le syndicat de traitement départemental du Tarn TRIFYL, qui a prévu 186 Citéo n?accompagne financièrement que la création, modernisation des centres de tri d?une capacité supérieure à 50 000 tonnes/an. 187 Rapport 2020 pour la France : évaluation des progrès des réformes structurelles et résultats des bilans approfondis au titre du règlement UE n° 1176/2011 188 Rapport CRC Bourgogne-Franche-Comté, Sybert, janvier 2021 189 Rapport CRC Auvergne-Rhône-Alpes, Sila, juin 2021 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-transport-et-de-traitement-des-dechets-menagers-de-lorraine-nord https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-transport-et-de-traitement-des-dechets-menagers-de-lorraine-nord https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-traitement-des-dechets-des-microregions-sud-et-ouest-de-la-reunion https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-traitement-des-dechets-des-microregions-sud-et-ouest-de-la-reunion https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-transport-et-de-traitement-des-dechets-menagers-de-lorraine-nord https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-transport-et-de-traitement-des-dechets-menagers-de-lorraine-nord https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-besancon-et-de-sa-region-pour-le-traitement-des-dechets-sybert-0 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-du-lac-dannecy-haute-savoie-1 LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 89 d?investir quelque 190 M¤ dans ses équipements de traitement d?ici 2030, anticipe de même une augmentation de 8 % des tarifs facturés à ses membres. Ces décisions d?investissement se prennent dans un certain contexte économique (besoins actuels des usagers), environnemental (hiérarchie en vigueur des modes de traitement) ou réglementaire, qui peut rendre les collectivités territoriales prisonnières de solutions technologiques coûteuses. Des changements affectant le volume ou la nature des déchets, des recettes de l?énergie produite moins assurées (surtout l?électricité avec la fin des prix garantis de rachat et la modulation de la TGAP en fonction des performances énergétiques et environnementales des installations) peuvent rendre ensuite ces installations obsolètes ou mal dimensionnées. La remise en cause par le législateur du tri mécano-biologique (TMB)190 comme solution de prétraitement des OMR, un temps privilégié pour limiter la valorisation énergétique et l?élimination des déchets, illustre ce risque. Plusieurs syndicats mixtes ayant investi dans ce procédé se trouvent contraints de réviser leur stratégie industrielle (syndicat de traitement de la région de Villerupt, Syndicat départemental de Vendée Trivalis191). D?autres organismes qui ont fait des choix de technologies non matures, comme une valorisation énergétique basée sur la production de biogaz connaissent également des difficultés (Syndicat traitement déchets du Douaisis-Symevad). Dans ce contexte, les choix technologiques et le dimensionnement des installations (fours, centres de tri, méthaniseurs) nécessitent un effort d?anticipation et d?adaptation lors de la programmation des équipements, afin d?éviter d?investir massivement dans des solutions de traitement dont les coûts de fonctionnement ne seraient pas soutenables. Une telle analyse implique une capacité d?expertise des collectivités territoriales et de leurs groupements pour, le cas échéant, remettre en question les offres 190 Le procédé de traitement mécano-biologique permet d?extraire la fraction organique et bio dégradable des déchets ménagers par des opérations mécaniques de tri, en la séparant des autres matériaux recyclables (métaux, plastiques et verre) ou non. Les déchets organiques issus du TMB sont traités biologiquement pour devenir du compost ou du biogaz ; les déchets non recyclables sont, eux, broyés et séchés pour être transformés en produits « stabilisés » avant envoi en décharge ou en usine d?incinération. Avec la loi LTECV du 17 aoûts 2015, qui généralise le tri à la source des biodéchets et a fortiori avec la loi AGEC du 10 février 2020, qui interdit d'utiliser la fraction fermentescible des déchets issus de ces installations dans la fabrication de compost à partir de 2027, le TMB comme solution de prétraitement des OMR perd de sa pertinence. 191 Rapport CRC Pays de la Loire, mars 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-trivalis-vendee COUR DES COMPTES 90 techniques du secteur très concentré de l?industrie des déchets. L?État intervient par l?intermédiaire de l?Ademe, mais les conseils de l?agence sont limités aux installations de tri qu?elle finance (il en va de même pour l?éco-organisme CITEO). Les maîtres d?ouvrage locaux (EPCI et syndicats de traitement) en revanche, peuvent s?appuyer, au-delà des bureaux d?études qu?ils mobilisent, sur des associations telles qu?Amorce192qui assure une mise en commun des expertises publiques locales. 2 - La nécessité d?une meilleure coordination des investissements Pour adapter la capacité de traitement aux besoins, surmonter les difficultés d?amortissement induites par des investissements lourds et éviter une concurrence néfaste entre des projets d?équipements publics nécessitant une taille critique, une bonne coordination entre structures et entre territoires est indispensable. Certains acteurs privilégient délibérément un sous-dimensionnement de leur équipement par rapport à la quantité de déchets traités, en cohérence avec la priorité donnée à la prévention et à la diminution des quantités (Grand Besançon193, Grenoble Alpes Métropole194, Grand Paris195). D?autres au contraire, confrontés à un surdimensionnement du fait de la baisse des volumes d?OMR, sont contraints de rechercher des volumes de déchets extérieurs au territoire ou issus du secteur privé pour assurer l?équilibre financier des installations et éviter les augmentations du coût du traitement (Syndicat mixte Flandre Morinie196, Syndicat d'Études et de Réalisations pour le Traitement intercommunal des Déchets de Belfort197). Pour gérer la période de transition durant laquelle les équipements de traitement ne sont pas correctement dimensionnés ou répartis et pour assurer la rentabilité des investissements réalisés, des coopérations doivent être nouées à une échelle élargie, entre organismes ayant besoin d?exutoires à leurs déchets et ceux qui ont intérêt à les accueillir pour couvrir leurs coûts marginaux d?exploitation. Prendre l?initiative de ces partenariats dès l?élaboration des projets d?investissement comme l?a fait la métropole 192 Association nationale des collectivités territoriales et de leurs partenaires pour la gestion de l?énergie, des déchets, de l?eau et de l?assainissement, en faveur de la transition écologique et de la protection du climat. 193 Rapport CRC Bourgogne-Franche-Comté, CU de Besançon, novembre 2021 194 Rapport CRC Auvergne-Rhône-Alpes, septembre 2021 195 Rapport CRC Ile de France, Ville de Paris 196 Rapport CRC Hauts-de-France, août 2021 197 Rapport CRC Bourgogne-Franche-Comté, Sertrid, décembre 2016 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-urbaine-du-grand-besancon-doubs https://www.ccomptes.fr/fr/publications/grenoble-alpes-metropole-isere-1 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/ville-de-paris-prevention-et-gestion-des-dechets https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-flandre-morinie-smfm-dont-enquete-sur-la-prevention-et-la-gestion-des https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-detudes-et-de-realisations-pour-le-traitement-intercommunal-des-dechets LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 91 grenobloise avec ses communes limitrophes pour le renouvellement et l?exploitation de son centre de tri et de son unité de valorisation énergétique, évite d?y être contraint. Ainsi, le Syndicat Valor 3E198 (Maine- et-Loire), confronté à une mauvaise évaluation et à une saturation des capacités de ses installations suite à l?extension de la consigne de tri aux plastiques et en attendant le projet de centre de tri interrégional, a enregistré une détérioration de ses performances de tri. Le niveau régional serait le plus pertinent pour organiser une programmation et une coordination optimales des investissements. En principe, les plans régionaux (PRPGD et Sraddet) adoptés en 2018-2019, doivent planifier les besoins en installations de traitement sur les 12 prochaines années. En pratique, ils manquent souvent de déclinaison temporelle et géographique détaillée des actions à mener pour atteindre les objectifs du plan. Pour assurer cependant une mise en oeuvre effective des objectifs arrêtés dans les plans régionaux, les projets d?investissement des équipements structurants doivent y être indiqués avec la précision exigée par la loi. Celle-ci prévoit que les plans doivent mentionner toutes « les installations qu'il apparaît nécessaire de créer, d'adapter ou de fermer afin d'atteindre les objectifs » nationaux (5° de l?article R. 541-16 du code de l?environnement). Or, dans leur volet prospectif, les plans ne recensent le plus souvent que les installations de stockage et d?incinération sans valorisation énergétique et les limites de capacité qui sont visées par les articles R.541- 17 et R.541-19 du code de l?environnement. La formulation vague des objectifs souvent constatée dans les plans (Ile de France, Bourgogne- Franche-Comté, Bretagne, Rhône-Alpes-Auvergne) quant à la localisation des installations, au type de déchets et à l?évolution des quantités associées, prive d?effectivité leur opposabilité aux décisions locales d?investissement. La répartition cohérente des équipements structurants implique que la région joue pleinement son rôle de planificateur (voir l?analyse des 12 plans régionaux en annexe n°3). Compte tenu de l?évolution continue du volume, de la nature des déchets et des technologies de traitement, une animation dynamique de leur plan par les régions, de manière à actualiser les objectifs régionaux en fonction de ces évolutions est une autre condition de la réussite de la planification régionale. Pour assurer une localisation des besoins en équipements dans les documents d'urbanisme en fonction des règles établies dans leurs plans et parvenir à une adaptation des exutoires aux 198 Rapport CRC Pays de la Loire, septembre 2021 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-pour-le-traitement-et-la-valorisation-des-dechets-menagers-valor3e COUR DES COMPTES 92 besoins, les régions doivent associer l?ensemble des acteurs (collectivités territoriales, filières, Dréal, Ademe) et offrir une assistance technique et un accompagnement financier des projets d?équipement, comme le font déjà certaines régions (Provence-Alpes-Côte d?Azur, Occitanie, Grand Est ou Normandie) et comme d?autres ont prévu de le faire (Nouvelle-Aquitaine). B - Le recyclage et la valorisation : des performances et une organisation à améliorer A la faveur de l?amélioration de la collecte et du tri sélectif, des volumes croissants de déchets ont été détournés ces dix dernières années de l?enfouissement et de l?incinération. Ces résultats sont le fait des évolutions réglementaires qui, tout en affichant des objectifs de recyclage plus ambitieux, ont contraint les organismes en charge à mieux exploiter les gisements de matières recyclables (extension de la consigne de tri) et en ont facilité l?exploitation (augmentation et meilleure structuration des filières REP). Grâce à l?ensemble de ces mesures, le taux de recyclage français est aujourd?hui de 44 %199. Sous réserve de l?harmonisation des données européennes prévue en 2023,200 ce taux situe la France légèrement en dessous de la moyenne européenne (47 %), comme le montre le graphique ci-dessous. Un chemin significatif reste donc à parcourir pour rejoindre les pays les plus avancés, comme l?Allemagne, l?Autriche, les Pays-Bas et les pays scandinaves et atteindre les objectifs actuels de valorisation matière201 que nous nous sommes fixés 55 % en 2020 et 65 % en 2025, soit 21 points de plus que les dernières données disponibles). 199 Le taux de recyclage dans les données Eurostat comprend la valorisation matière ainsi que la valorisation organique (compostage et méthanisation). 200 Décisions d?exécution (UE) de la Commission 2019/665 du 17/4/ 2019, 2019/1004 du 6/7/2019 et 2019/1885 du 6/10/2019. Les pays seront plus ou moins impactés par ces réformes statistiques en fonction de leur mode actuel de calcul. La situation relative de la France pourrait s?en trouver améliorée car elle pratique déjà la prise en compte préconisée par l?UE des seuls flux sortants des centres de tri (orientés vers une filière de valorisation) et non la méthode d?autres États dont l?Allemagne qui comptabilise aussi les flux entrants (incluant les refus de tri et autres flux à ne pas prendre en compte comme les mâchefers?). Pour l?Allemagne par exemple, cette nouvelle comptabilisation aboutirait à dégrader 750 000 tonnes de déchets de la catégorie « recyclés » à la catégorie « stockés » soit une variation de 1,8 % d?une catégorie à l?autre. 201 4° de L. 541-1 du code de l?environnement issu de LTECV. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 93 Graphique n° 14 : pourcentage des déchets municipaux recyclés dans la production totale de déchets municipaux (2018) Source : Cour des comptes d?après Eurostat. N.B : données non disponibles pour Irlande, Grèce et Chypre. Comme le montre le graphique ci-dessous qui retrace l?un des six indicateurs-clefs recommandés dans ce rapport, ces objectifs paraissent difficilement atteignables, compte tenu du rythme de progression enregistré au cours des années précédentes. Si des territoires à dominante rurale, où il est plus aisé de détourner la part fermentescible des OMR, parviennent déjà à atteindre des taux de valorisation de l?ordre de 75 %, très supérieurs aux objectifs nationaux (Syndicat Mixte à Vocation Unique pour la Valorisation et l'Élimination des Ordures ménagères de Haute Saône202, Communauté d?agglomération Clisson Sèvre et Maine203), c?est loin d?être le cas des territoires urbains. En 2019, Paris se situait à seulement 27 % tandis que le syndicat chargé du traitement des déchets de Besançon, agglomération pourtant engagée de longue date dans des démarches de prévention et de valorisation des déchets, présentait un taux de valorisation matières de 60 %. 202 Rapport de la CRC Bourgogne-Franche-Comté, juillet 2020. 203 Rapport de la CRC Pays de la Loire, octobre 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-vocation-unique-pour-le-transfert-lelimination-et-la-valorisation-des-0 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-dagglomeration-clisson-sevre-et-maine-agglo-loire-atlantique COUR DES COMPTES 94 Graphique n° 15 : (Indicateur-clef n°5) valorisation matière204 Source : Cour des comptes Si la France souhaite atteindre ses objectifs en matière de recyclage des déchets, elle doit mieux mobiliser tous les leviers à sa disposition, au plan national et au plan local. 204 Quantité de déchets non dangereux non inertes, mesurés en masse faisant l'objet d'une valorisation sous forme de matière, notamment organique Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 95 1 - Une stratégie industrielle nationale à accentuer en faveur de la filière de recyclage du plastique a) Des résultats de valorisation très inégaux selon les matières qui doivent orienter les actions de l?État La performance de la valorisation d?une matière recyclable recouvre deux aspects : l?un porte sur la quantité de matière recyclée rapportée à la quantité mise sur le marché (taux de recyclage) ; l?autre porte sur la quantité de matière recyclée intégrée dans un nouveau cycle de production (taux d?incorporation205). Les performances de recyclage et d?incorporation sont très variables d?un matériau à l?autre en fonction de différents critères notamment de leurs pr0opriétés physiques (l?aluminium et le verre sont recyclables à l?infini, pas les autres matières), de la maturité de la filière de recyclage et de régénération, du prix de la matière recyclée par rapport au cours variable des matières premières, des coûts de production, de l?intégration ou non de la filière et de l?existence d?une demande pour la matière recyclée. Ainsi, l?acier et la fonte recyclés ou le verre recyclé avec respectivement 49 % et 56 %206 des matériaux utilisés dans les productions connaissent de très bons taux à la fois de recyclage et d?incorporation. De même, le papier-carton, première industrie de recyclage en France malgré ses difficultés récentes207 connaît un taux d?incorporation de 67 % pour 92 % d?emballages recyclés. 205 Dix filières matériaux sont concernées par l?incorporation (métaux ferreux, métaux non ferreux (aluminium, cuivre, zinc, plomb), verre, papiers-cartons, plastiques, déchets inertes du BTP, et bois https://www.ademe.fr/bilan-national-recyclage-bnr- 2008-2017-acv-flux-dechets-recycles 206 L?industrie verrière connait un taux de collecte de 78 % (contre 76 % dans l?UE) mais avec 100 % d?utilisation de la matière recyclée (soit 58 % de substitution de matières vierges par des MPR). La France dispose d?industries de recyclage du verre en nombre suffisant (14 centres de traitement, 22 verreries de verre creux et 5 verreries de verre plat). La France est le 2ème producteur européen de verre d?emballage (bouteilles, flacons et pots) derrière l?Allemagne. 207 Avec un taux de collecte de 79 % (contre 72 % en moyenne européenne) et un taux d?utilisation des papiers-cartons recyclés de 66,3 %, cette industrie qui conserve une bonne capacité pour la préparation et l?utilisation des cartons (emballage, hygiène) a été touchée par la fermeture en juin 2020 de l?usine de La Chapelle Darblay qui a fait perdre à la France toute capacité de recycler du papier (papier écriture et presse). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 96 Globalement, en 2017, la France incorporait environ 17 Mt de matières recyclées dans ses processus de fabrication (hors bois et granulats du BTP). L?Ademe souligne à juste titre que si ces quantités peuvent paraître faibles au regard de la consommation en matières premières de l?économie française (787 Mt), elles sont, en revanche, primordiales dans l?approvisionnement de certaines de ces matières premières. En revanche pour les plastiques, comme le montre le tableau ci- dessous, les résultats obtenus en France sont très en retrait, tant en termes de taux de recyclage que d?incorporation. Tableau n° 3 : taux de valorisation (recyclage et incorporation) des emballages ménagers et non ménagers en France en 2018 En tonnes Déchets d'emballages produits Recyclage/ déchets produits Valorisation énergétique/ déchets produits Enfouissement/ déchets produits Taux d?incorporation Plastique 2 356 851 27 % 43 % 30 % 6 % Bois 2 404 392 31 % 9 % 60 % Acier 464 213 91 % 0 % 9 % 49 % Aluminium 65 673 63 % 8 % 29 % 50 % Verre 2 858 804 76 % 8 % 16 % 58 % Papier et carton 5 062 561 92 % 4 % 3 % 67 % Autres 5 301 Total 13 217 795 66 % 13 % 21 % Source : Cour des comptes d?après le rapport sur la valorisation des emballages en France, Chiffres-clés 2020 et bilan national du recyclage 2008-2017 Au regard des taux de recyclage actuels des matières plastiques, les nombreux objectifs fixés208 sont peu réalistes si aucune action n?est envisagée pour corriger les obstacles à leur recyclage et incorporation. Pour la sous-catégorie des déchets plastiques que sont les emballages, le taux de recyclage français plafonne autour de 26 % depuis une dizaine d?années (26,9 % en 2018). Ce chiffre est éloigné des taux allant jusqu?à près de 50 % en Allemagne et aux Pays-Bas, ainsi que de ceux des autres filières françaises de recyclage et des objectifs fixés (50 % en 2025 et 55 % en 2030). 208 Comme, par exemple, tendre vers 100 % de plastique recyclé au 1er janvier 2025 ou réduire de 20 % les emballages plastiques à usage unique mis sur le marché pour les cinq prochaines années (2021-2015). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 97 b) Les difficultés spécifiques du recyclage des plastiques : une industrie à accompagner L?impact du plastique est désormais bien connu (cf. annexe n°8) sur l?empreinte carbone209, la santé210 et la biodiversité. Les juridictions financières ne méconnaissent pas ces risques,211 même si elles ne les ont pas traités spécifiquement dans ce rapport. Pour réduire les risques, il convient d?agir tant sur la collecte que sur le traitement et tant sur les plastiques facilement recyclables (principalement les bouteilles) que sur les autres plastiques. De nouvelles pistes doivent être envisagées pour réduire les déchets plastiques encore trop présents dans les OMR. Outre l?extension des consignes de tri et les actions pour réguler les emballages en plastique212, l?article L. 541-10-11 du code de l?environnement prévoit la possibilité de mettre en place une consigne sur les bouteilles en plastique après 2023 si l?analyse des performances de recyclage montre que l?objectif européen fixant à 90 % le taux de collecte de ces bouteilles en 2029, risque de ne pas être atteint. Le recyclage et l?utilisation du plastique recyclé se heurtent en premier lieu à des freins technologiques communs à tous les pays en raison de la variété et de la complexité des usages et des résines. La rentabilité du plastique recyclé est par ailleurs affectée par sa grande sensibilité au cours des matières premières vierges. En France, le manque de maturité de la filière explique aussi en grande partie le retard du recyclage plastique. À ce jour, il n?y existe pas encore d?industries de recyclage pour toutes les résines et celles qui 209 En 2020, la production, l?élimination et l?incinération de matières plastiques avaient rejeté autant de gaz à effet de serre que 189 centrales à charbon (3,8% des émissions mondiales soit plus que le secteur de l?aviation). D?ici à 2050, le plastique pourrait représenter 15 % du budget carbone mondial (cf. Sénat, Pollution plastique : une bombe à retardement décembre 2020 et Stratégie 3R, avril 2022). 210 L?effet de l?essaimage des microparticules plastiques et des nanoparticules, y compris lors du traitement des déchets, sur la santé humaine ne sont pas encore parfaitement connus. On constate qu?un être humain ingère en moyenne chaque semaine l?équivalent en plastique du poids d?une carte de crédit (5 grammes). 211 Les 3/4 des déchets plastiques produits dans le monde restent rejetés dans les milieux naturels et se décomposent en micro- plastiques qui entrent dans la chaîne alimentaire. 1,4 million d?oiseaux et 14 000 mammifères meurent chaque année de l?ingestion de plastiques. 212 Art. L. 541-10-17 du code de l?environnement et décret du 29 avril 2021 « 3R ». Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.senat.fr/espace_presse/actualites/202012/pollution_plastique.html https://www.senat.fr/espace_presse/actualites/202012/pollution_plastique.html https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041555598/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041599010/ COUR DES COMPTES 98 existent sont distinctes des industries chimiques qui produisent les résines vierges (contrairement aux autres filières où les producteurs de matières vierges gèrent la filière de recyclage). Un rapprochement entre filières va cependant se développer en raison de la nécessité pour les metteurs sur le marché d?objets plastiques de développer des solutions d?écoconception et des décisions prises par plusieurs pays de fermer leurs frontières aux déchets en provenance de l?Union européenne. Pour accélérer cette mutation, des soutiens financiers importants ont été déployés par l?État à partir de 2021, notamment à travers des aides financées par l?Ademe au titre des plans de relance et de France 2030. Quelque 870 M¤ de soutiens financiers ont ainsi été affichés pour le développement du recyclage des plastiques : 200 M¤ dans le plan de relance, 300 M¤ dans le plan France 2030 et 370 M¤, pour la stratégie 3R « recyclabilité, recyclage et réincorporation », dans le dernier programme d?investissement d?avenir. Les crédits réellement affectés à cette action pourraient toutefois être inférieurs à cette somme en raison de reports d?un plan à l?autre. La stratégie 3R, arrêtée 2021, fait du recyclage du plastique une de ses priorités et doit favoriser la constitution d?une filière française intégrée de collecte, tri et de recyclage des plastiques. Par ailleurs, le nouveau cahier des charges de la filière emballage arrêté en mars 2022 prévoit des incitations tarifaires pour pousser les entreprises à un recours croissant à des emballages qui incorporent des plastiques recyclés. Pour donner une cohérence à toutes ces actions, le plan national devrait intégrer un volet industriel substantiel sur la plasturgie, cohérent avec le partenariat conclu entre l?État et la filière. L?État devra veiller à ce que les nombreuses mesures de soutien se traduisent effectivement par une consolidation de la filière. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 99 Graphique n° 16 : évolution du taux de recyclage des déchets d?emballages plastiques dans l?Union européenne 2009-2018 (en %) Source : Cour des comptes à partir des données Eurostat En outre, la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l?économie circulaire a introduit des règles plus coercitives à l?encontre des plastiques non recyclés. Depuis août 2020, les déchets ayant fait l'objet d'une collecte séparée en vue de la réutilisation ou un recyclage ne peuvent plus être enfouis ou incinérés. Cette interdiction s?applique en particulier aux emballages plastiques, collectés séparément depuis janvier 2022. Par ailleurs, pour les plastiques qui resteront collectés en mélange (dans les ordures ménagères résiduelles, sous forme d?encombrants ou dans les déchèteries), une interdiction progressive de mise en décharge s?applique progressivement à partir du 1er janvier 2022 jusqu?au 1er janvier 2030, avec l?entrée en vigueur du décret du 16 septembre 2021 relatif aux conditions d'élimination des déchets non dangereux. Au regard des résultats constatés chez nos voisins, une telle mesure devrait permettre d?améliorer notoirement les performances du recyclage, en France. Les pays européens ayant décidé cette interdiction il y a une vingtaine d?années, sont en effet également les pays présentant à la fois les meilleurs taux de recyclage et la meilleure utilisation, par l?incinération avec valorisation énergétique, du fort pouvoir calorifique des plastiques comme le montre le graphique n°13 ci-dessus. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 100 2 - Des capacités de tri et de recyclage à consolider Pour donner leur plein effet aux mesures d?élargissement du tri à la source (plastiques et bio déchets) et répondre à l?augmentation continue des flux collectés en déchèteries, des efforts d?adaptation très importants doivent être réalisés sur les équipements de tri. Au cours des vingt dernières années, le nombre de centres de tri a augmenté de 50 % (entre 2000 et 2016 213) permettant de prendre en charge des tonnages qui ont plus que doublé (4,9 Mt de déchets envoyées en centres de tri en 2000 contre 11,1 Mt en 2016). La massification des flux de matières et le développement de la valorisation économique et industrielle des déchets d?emballages impose l?automatisation, l?augmentation des capacités et la haute qualité du tri. Or, la France se caractérise par un coût élevé, une performance insuffisante et une dispersion sur le territoire de centres de tri214 de taille modeste215, qui résultent de l?organisation du SPGD au niveau des EPCI. Pour tendre vers les objectifs de recyclage fixés par le code de l?environnement et rendre les centres de tri plus performants dans la séparation des matières216, des investissements sont donc nécessaires. Le principal défi à relever est l?extension des consignes de tri (ECT) aux plastiques. La plupart des organismes concernés ont déjà adapté leurs équipements de tri pour répondre à ces nouveaux flux ou sont en train de le faire, avec des soutiens financiers de Citéo et de l?Ademe. Un nombre important d?EPCI ne dispose cependant pas en 2022 de centres de tri capables d?accueillir l?ensemble des emballages plastiques et se voit donc contraint de différer la mise en oeuvre des nouvelles consignes. Pour les EPCI qui ont mis en place la mesure d?extension en lien avec leur syndicat de traitement, les résultats obtenus sont contrastés : ils montrent les efforts à poursuivre pour accompagner les changements, comportementaux et de mode de gestion, induits par cette mesure. Ces efforts sont nécessaires pour éviter l?augmentation des taux de refus de tri 213 Il s?agit du nombre total de centres de tri sur le territoire accueillant des DMA (cela recouvre ainsi également des centres qui trient principalement des déchets issus des activités économiques). Source : Ademe, enquête ITOM, 2018 214 Taille moyenne par centre de tri de 12 000 tonnes et zone moyenne de chalandise de 250 000 habitants pour 500 000 habitants en Espagne, un million d?habitants en Allemagne et en Belgique. Étude prospective sur la collecte et le tri des déchets d?emballages et de papier dans le SPGD, réalisé pour l?Ademe (mai 2014). 215 Cour des comptes, Rapport public annuel 2016, Tome I. Les éco-organismes : un dispositif original à consolider. 216 En 2016, sur 11,1 Mt de déchets reçus dans les centres de tri recevant des DMA, 6,6 Mt de déchets triés ont été envoyés en recyclage. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 101 souvent constaté après l?instauration de l?extension. Certains organismes ont mené l?extension avec succès et ont obtenu une réduction ou une stabilisation des volumes d?OMR tout en assurant un meilleur recyclage des plastiques (Syndicat mixte pour le développement durable de l?Est Var, Grand Besançon). D?autres ont engagé la mesure mais ont mal anticipé l?augmentation des volumes associés, conduisant à une valorisation énergétique de flux voués initialement au recyclage (Syndicat de traitement Valor 3E). De manière générale, les EPCI et leurs syndicats de traitement doivent profiter des évolutions en cours pour s?interroger sur le dimensionnement des installations de tri en lien avec leur zone de chalandise, comme l?a fait le Syndicat de valorisation des ordures ménagères de la Marne, en concevant un nouveau centre de tri mutualisé avec les acteurs du territoire voisin de la Meuse. Parallèlement, les volumes croissants de déchets collectés en déchèteries (en moyenne de l?ordre de 40 % de la masse totale des DMA et dépassant dans certains territoires la masse des OMR) poussent les syndicats de traitement à se doter de nouvelles capacités de tri pour mieux valoriser les matières collectées. Même si le développement progressif de nouvelles filières REP contribue à structurer les débouchés, des volumes importants de déchets restent collectés dans des bennes « tout-venant » dans les déchèteries et sont donc incinérés ou enfouis. L?adoption d?une organisation et de moyens adaptés pour assurer le traitement de ces flux revêt donc une importance croissante. Certains organismes se dotent d?unités de tri spécifiques aux déchets occasionnels (déchèteries et encombrants) pour répondre à cet enjeu (installation de tri-massification de l?agglomération de Besançon, valorisation en combustibles solides de récupération par les syndicats Sytraival - Beaujolais-Dombes et Trifyl). 3 - Le développement de la valorisation organique Les déchets ménagers organiques collectés séparément (principalement déchets verts, déchets alimentaires et bio déchets collectés à la source), lorsqu?ils ne sont pas compostés par les ménages eux-mêmes, sont principalement orientés vers des plateformes de compostage217 et plus marginalement, vers des installations de méthanisation218. 217 657 installations traitaient 8,7 Mt de biodéchets en 2018, Ademe, enquête ITOM 2018 218 13 unités de méthanisation étaient en activité en 2018, pour seulement 240 000 tonnes de biodéchets traités, Ademe, enquête ITOM 2018 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-urbaine-du-grand-besancon-doubs https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-urbaine-du-grand-besancon-doubs https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-pour-le-traitement-et-la-valorisation-des-dechets-menagers-valor3e https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-pour-le-traitement-et-la-valorisation-des-dechets-menagers-valor3e https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-delimination-de-traitement-et-de-valorisation-des-dechets-beaujolais https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-departemental-trifyl-tarn COUR DES COMPTES 102 Avec le développement du tri à la source des biodéchets (et probablement les collectes sélectives), le besoin en exutoire va aller croissant. Les collectivités vont donc être amenées soit à mettre en place leurs propres installations, soit à s?appuyer sur des installations existantes, et notamment les unités de méthanisation agricole qui sont encouragées par les politiques publiques depuis plusieurs années. Le nombre de plateformes de compostage va continuer de croitre régulièrement et, s?agissant du parc d?unités de méthanisation, il se développera du fait de l?extension aux DMA de l?accès aux installations auparavant consacrées aux seuls déchets agricoles ou agroalimentaires. Le nombre d?unités de traitement mécano-biologique des OMR est appelé quant à lui à décroitre. La production de compost à partir des installations de TMB étant proscrite à compter de 2027, les collectivités gestionnaires de ces équipements sont contraintes de réorienter progressivement les flux de déchets vers la méthanisation et vers la production de combustibles solides de récupération (CSR), sans certitude de pouvoir rentabiliser les équipements associés à ce nouveau procédé de valorisation (Syndicat Trivalis). Graphique n° 17 : évolution du parc d?installations de traitement Source : Ademe, Enquête ITOM 2018 TMB : Tri mécano-biologique ISDND : Installation de stockage de déchets non dangereux Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-trivalis-vendee LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 103 C - La valorisation énergétique, un mode de traitement à assumer pour les déchets non recyclables En France, les déchets ménagers et assimilés non recyclés sont principalement valorisés par la production d?énergie ou mis en décharge. Ce dernier mode de traitement (on parle aussi de stockage ou d?enfouissement) ne doit concerner que les DMA ne pouvant faire l?objet d?aucune valorisation. Encore supérieur à la valorisation énergétique il y a 15 ans, l?enfouissement des déchets a vu sa part relative diminuer année après année. Alors qu?il représentait encore en France 30 % du traitement des déchets produits en 2009, ce taux est passé à 21 % en 2018, pour une moyenne européenne à 23 %. Les installations de stockage, dont le nombre a été divisé par deux entre 2000 et 2016, ont été modernisées et agrandies avec une récupération et une valorisation des gaz qui s?en échappent. Ce besoin de modernisation des installations de stockage est particulièrement marquant dans un contexte insulaire. Ainsi, en Corse, le refus de l?incinération et l?absence d?équipements de traitement se traduit par un taux d?enfouissement de plus de 2/3 des déchets. Un exemple de problématique insulaire : l?île de La Réunion219 L?île de La Réunion, territoire complexe (rural, urbain et touristique à la fois, composé de cinq EPCI et de deux syndicats mixtes de traitement des déchets) est confronté à des enjeux spécifiques. La densité contrastée de population sur un territoire au relief accidenté, parfois peu accessible, et la forte volumétrie des déchets verts ont un impact sur les modalités techniques et les coûts de gestion des déchets. Avec une part de plus de 83 % (hors déchets verts), l?enfouissement reste le principal mode de traitement alors que les sites de stockage sont en état de saturation. 219 Cf. CRC la Réunion, SYDNE, septembre 2021, et ILEVA, avril 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-traitement-des-dechets-du-nord-et-de-lest-de-la-reunion-sydne https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-dagglomeration-du-territoire-de-la-cote-ouest-tco-cahier-2-la-reunion COUR DES COMPTES 104 L?enjeu central des syndicats de traitement de l?île réside donc dans la mise en oeuvre rapide d?une solution alternative à l?enfouissement. Le recyclage apparaît comme une solution peu rentable en raison des coûts de transport des matériaux vers la métropole ou d?autres pays. La taille limitée du territoire restreint les capacités de production et les débouchés des matières recyclées. À l?inverse, la construction d?une unité de valorisation énergétique (UVE) constitue une solution qui concilie les enjeux énergétiques et de gestion des déchets. Tel est le choix réalisé par le syndicat du sud et ouest ILEVA pour faire face à la saturation du site de Pierrefonds. L?extension des zones de stockage demeure une alternative dont la pérennité n?est plus assurée, ce qui conduit également le syndicat du nord et de l?est (SYDNE) à envisager la mise oeuvre d?une UVE. Cependant le montage de ce projet se heurte à des difficultés juridiques et économiques qui retardent la mise en service d?une filière de valorisation énergétique des déchets pour près de 40 % de la population de l?île. Comme le montre le graphique ci-dessous qui illustre l?un des six indicateurs-clefs, la France, en diminuant l?enfouissement au profit des filières de valorisation matière (recyclage) ou organique (bio déchets) a déjà atteint une partie des objectifs qu?elle s?était fixée, à savoir une réduction de 30 % entre 2010 et 2020 des quantités de déchets (DNDDI) admis en installation de stockage (loi LTECV). Si l?amélioration constatée au cours de la dernière décennie se poursuit dans les prochaines années au même rythme, la part des déchets enfouis restera encore trop élevée, pour atteindre nos objectifs (- 50 % entre 2020 et 2025 ; - 10 % au plus du poids des DMA produits d?ici 2035220) et a fortiori en comparaison des pays européens qui sont à la fois les plus performants en termes de recyclage et qui ont aussi éliminé la mise en décharge. 220 7 bis art. L. 541-1 du code de l?environnement. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043974936/2022-06-14 LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 105 Graphique n° 18 : indicateur-clef n°6 ? Stockage (Quantités de déchets non dangereux non inertes admis en installation de stockage) Source : Cour des comptes La stratégie d?élimination de la mise en décharge, avec une TGAP fortement désincitative221 et l?interdiction de certaines catégories de déchets, oriente la France dans la même direction que les États (Pays-Bas, Autriche, Belgique, Allemagne) qui ont adopté ce type de mesure depuis les années 1990. Cette application plus ferme du principe pollueur-payeur rend caduque la politique d?élimination et le choix prioritaire de l?enfouissement qu?avaient fait de nombreux organismes par souci de limitation des coûts de traitement et qu?ils vont devoir revoir rapidement (syndicat de traitement de l?agglomération de Lorient, syndicat départemental de traitement Valor Aisne, communauté d?agglomération du Grand Villeneuvois, syndicat 221 Le syndicat de collecte et de traitement de la Dordogne SMD3, devra régler 65 ¤ la tonne en 2025 pour ses installations de stockage des déchets, contre 17 ¤ en 2019. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-departemental-de-traitement-des-dechets-menagers-de-laisne-valoraisne-2 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-departemental-de-traitement-des-dechets-menagers-de-laisne-valoraisne-2 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-dagglomeration-du-grand-villeneuvois-cagv-casseneuil-lot-et-garonne-0 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-departemental-delimination-des-dechets-de-laube-sdeda COUR DES COMPTES 106 départemental d?élimination des déchets de l?Aube). Pour gérer la transition, tant que la prévention et les modes de valorisation prioritaires n?auront pas abouti à une réduction drastique des OMR, la valorisation énergétique va rester un mode de traitement indispensable. La valorisation énergétique En 2020, 35 % des déchets municipaux produits en France étaient valorisés énergétiquement, sous forme d?électricité de chaleur ou de carburant, ce qui place la France au-dessus de la moyenne européenne à 29 %, selon Eurostat. Proche de l?Allemagne, du Benelux, de l?Autriche, ce taux reste toutefois inférieur à celui des pays scandinaves qui atteignent des taux supérieurs à 50 %. Les tonnages incinérés avec production d?énergie ont progressé entre 2000 et 2016 passant de 10 à 14,4 Mt, soit + 40 %. Cette augmentation s?est produite dans un contexte de limitation des émissions de polluants des usines d?incinération222 et sans augmentation équivalente du nombre d?usines. Leur nombre est passé de 109 en 2000 à 118 en 2018. La part de l?incinération au sein des différents modes de traitement n?ayant pas augmenté, cette hausse ne s?est donc pas faite au détriment du recyclage. L?analyse des besoins permet de prévoir que le nombre d?unités de valorisation énergétique (UVE) restera globalement stable, même si des besoins ponctuels existent. Le parc sera en revanche contraint de se moderniser pour s?aligner sur la norme européenne de rendement énergétique (44 % des DMA sont incinérés en France dans des incinérateurs n?atteignant pas le seuil attendu223). L?adoption obligatoire des meilleures techniques disponibles au niveau européen d?ici 2023224 permettra, parallèlement, de limiter encore plus drastiquement l?impact environnemental des unités de valorisation énergétique, en poursuivant les travaux de réduction et de suivi de leurs émissions atmosphériques. La modulation de la TGAP pénalisant les unités d?incinération à mauvais 222 Entre 1990 et 2003, les émissions de dioxines liées au traitement des déchets ont baissé de 90 %, conséquence de la fermeture graduelle des anciens incinérateurs ou leur mise aux normes. Depuis 2006, les émissions de dioxines par les unités d?incinération de déchets sont très réduites. 223 Directive 2008/98 CE, le statut d?installation de valorisation énergétique est atteint si le rendement est supérieur à 65 %. 224 La législation continue de se renforcer : adoption d?ici fin 2023 des meilleures pratiques européennes rendue obligatoire par la directive 2010/75/UE sur les émissions industrielles et le « BREF sur l?incinération des déchets » adopté par la Commission Européenne en novembre 2019 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-departemental-delimination-des-dechets-de-laube-sdeda LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 107 rendement et présentant des niveaux d?émission de fumées médiocres va permettre d?accélérer l?adoption de ces standards de qualité, indispensables à une meilleure acceptation publique des équipements de traitement. Dans cette nouvelle situation, la production de chaleur issue de l?incinération des déchets peut fournir à un prix attractif une énergie en substitution de sources d?énergie non renouvelable plus polluantes. La valorisation énergétique doit pouvoir, à côté d?autres sources d?énergie renouvelable, contribuer au développement des réseaux de chaleur qui restent insuffisamment exploités comme la Cour l?a relevé dans son rapport de 2021 consacré au chauffage urbain225. L?État devrait intégrer dans le plan national un volet industriel substantiel couvrant, outre la filière plasturgie, comme indiqué précédemment, la filière valorisation énergétique. En France, la hiérarchie entre prévention, recyclage, valorisation énergétique et enfouissement n?est que partiellement respectée dans la prise en charge des déchets ménagers et assimilés. La prévention reste un volet insuffisamment pris en compte dans les actions mises en oeuvre. Les progrès de la collecte se heurtent au retard pris pour s?aligner sur les meilleures pratiques concernant les biodéchets, pour adapter les installations à l?extension des consignes de tri du plastique et pour mieux commercialiser les matières triées. Si la valorisation par recyclage et production d?énergie gagne du terrain au détriment du stockage, elle reste insuffisante. 225 Cour des comptes, rapport public thématique, le chauffage urbain, septembre 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-chauffage-urbain COUR DES COMPTES 108 __________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________ Les performances de recyclage et d?incorporation des plastiques en France sont très en retrait par rapport à d?autres pays européens. Pour réduire l?impact du plastique sur l?empreinte carbone, sur la biodiversité et la santé, il convient d?agir tant sur la prévention, sur le tri sélectif que sur le traitement. Pour surmonter les freins technologiques et de rentabilité que rencontre la filière du plastique recyclé, des soutiens financiers ont été déployés par l?État qui par ailleurs a interdit l?incinération des déchets ayant fait l'objet d'une collecte séparée. Les pays européens ayant décidé cette interdiction sont ceux qui présentent les meilleurs taux de traitement des plastiques. Au vu de ces constats, les juridictions financières formulent les recommandations suivantes : 8. Fixer dans la réglementation la liste des actions financées par les intercommunalités et les éco-organismes pouvant être considérées comme dépenses de prévention (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). 9. Autoriser les collectivités territoriales volontaires à confier aux éco- organismes chargés des emballages la vente des produits issus du tri (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, EPCI). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Conclusion générale La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire du 11 février 2020 vise à substituer progressivement à une économie linéaire fondée sur le triptyque « fabriquer, conserver, jeter », un nouveau paradigme, celui de l?économie circulaire. Elle repose sur toute une série de mesures qui ont vocation à entrer progressivement en vigueur et qui, dans leur ensemble, visent à lutter contre le gaspillage et l?obsolescence programmée, ainsi qu?à favoriser le réemploi. Sont ainsi prévues la création de nouvelles filières REP dans des secteurs importants (produits et matériaux de construction du bâtiment, jouets et articles de sport dès 2022, emballages professionnels en 2025, lutte contre le gaspillage alimentaire, réduction progressive des emballages plastiques à usage unique, avec une étape importante prévue au 1er janvier 2025 de recyclage des emballages plastiques à usage unique). C?est donc désormais dans ce cadre que devra s?inscrire la question de la collecte et du traitement des déchets ménagers sur laquelle l?enquête menée par les juridictions financières en 2021-2022 confirme qu?il existe d?importants progrès à réaliser. Pour accompagner la transition vers l?économie circulaire recherchée par les réformes législatives de cette dernière décennie, notamment les plus récentes, une meilleure prise en charge des déchets existants par un tri, une collecte et un traitement performants doit être réalisée. L?accélération de ce mouvement est nécessaire à la fois pour réduire la hausse continue des dépenses du service public de gestion des déchets et pour le faire mieux contribuer à la transition écologique. La prévention, c?est-à-dire la réduction de la production de déchets, en constitue un volet fondamental et doit être véritablement amplifiée. Le meilleur déchet est en effet celui qui n?est pas produit. Les orientations et recommandations retenues s?inscrivent dans cette vision. Le citoyen ne peut pas être responsabilisé sur ses déchets uniquement à travers la hausse des prélèvements obligatoires qui concernent ce domaine. Les entreprises, les éco-organismes, l?État et les collectivités territoriales doivent conjointement lui offrir les moyens de modifier ses habitudes de consommation en vue de réduire le gisement des déchets. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Liste des abréviations ADEME??.. Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie AGEC???.. Loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l?économie circulaire CCC????.Convention citoyenne pour le climat CCES???..Commission Consultative d'Élaboration et de Suivi CGCT???.Code général des collectivités territoriales CSR????.Combustible solide de récupération C.envir???Code de l?environnement DMA ............ Déchets ménagers et assimilés DNDNI??.. Déchets non dangereux non inertes ECT????.Extension des consignes de tri EEE????.Équipements électriques et électroniques EPCI???.. Établissement public de coopération intercommunale ISDND??? Installation de stockage de déchets non dangereux FREC???. Feuille de route économie circulaire LTECV???. Loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte MTE???...Ministère de la transition écologique ODD ???.Objectifs de développement durable OMR ............ Ordures ménagères résiduelles PAP??........Porte à porte (collecte en) PAV ???..Point d?apport volontaire PLPDMA ?..Programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés PNGD??? Plan national de gestion des déchets PNPD??? Programme national de prévention des déchets PRPGD ......... Plan régional de prévention et de gestion des déchets REOM .......... Redevance d?enlèvement des ordures ménagères REOMi??.. Redevance d?enlèvement des ordures ménagères Incitative REP .............. Responsabilité élargie du producteur RPQS???.Rapport sur le prix et la qualité du service Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 112 RS????..Redevance spéciale RSOM .......... Recyclables secs des ordures ménagères SPGD ........... Service public de gestion des déchets SUP????Directive (UE) 2019/904 relative à la réduction de l?incidence de certains produits en plastique sur l?environnement (SUP pour single use plastic) TEOM .......... Taxe d?enlèvement des ordures ménagères TEOMi ......... Taxe d'enlèvement des ordures ménagères incitative TGAP ........... Taxe générale sur les activités polluantes TI .................. Tarification incitative TMB???..Tri mécano-biologique TZDZG??..Territoire Zéro Déchet Zéro Gaspillage UIOM ........... Usine d'incinération d'ordures ménagères UVE ............. Unité de valorisation énergétique Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexes Annexe n° 1 : présentation de l?échantillon des contrôles réalisés par la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) ..........................................................................................114 Annexe n° 2 : le suivi des recommandations des juridictions financières sur les déchets ménagers............................................................117 Annexe n° 3 : les Plans Régionaux de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD) ........................................................................................121 Annexe n° 4 : les indicateurs internationaux ................................................127 Annexe n° 5 : les indicateurs du service public des déchets ........................129 Annexe n° 6 : les indicateurs des filières à responsabilité élargie du producteur (REP) .........................................................................................135 Annexe n° 7 : comparaisons internationales ................................................137 Annexe n° 8 : les déchets en matière plastique ............................................147 Annexe n° 9 : comparatif entre les différentes modalités de financement du service public ......................................................................158 Annexe n° 10 : les conséquences de la crise sanitaire sur la gestion des déchets .........................................................................................................159 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 114 Annexe n° 1 : présentation de l?échantillon des contrôles réalisés par la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) Tableau n° 4 : contrôle de la Cour des comptes Contrôle réalisé dans le cadre de la formation commune Prévention et gestion des déchets : aspects nationaux et internationaux Tableau n° 5 : contrôles effectués par les chambres régionales et territoriales des comptes CRTC Nom de l?organisme Contrôles réalisés dans le cadre de la formation commune Auvergne -Rhône- Alpes Communauté de communes Gorges de l?Ardèche Communauté de communes le Grésivaudan Syndicat intercommunal de traitement des déchets ménagers du Puy-de-Dôme (VALTOM) Métropole de Lyon Syndicat mixte d'élimination, de traitement et de valorisation des déchets du Beaujolais Dombes (SYTRAIVAL) Communauté d'Agglomération du Grand Annecy SMIX Savoie Déchets Bourgogn e- Franche- Comté Communauté urbaine du Grand Besançon Métropole Centre- Val de Loire SMICTOM d?Amboise Corse Communauté de Communes Fium'Orbu Castellu Communauté d'agglomération de de Bastia Communauté de Communes du Cap Corse Communauté de Communes du Centre Corse Grand Est Syndicat Départemental d?Élimination des Déchets de l?Aube (SDEDA) Syndicat Intercommunal d'Élimination des Déchets Ménagers du Territoire d'Orient (SIEDMTO) Syndicat de Valorisation des Ordures Ménagères de la Marne (SYVALOM) Véolia Auréade Unité de valorisation énergétique et agronomique - Marne Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 115 Syndicat Mixte de Traitement des Om de la Région de Villerupt Communauté de Communes de Cattenom et environs Syndicat Mixte de Transport et Traitement des Déchets de Lorraine Nord (SYDELON) Syndicat Mixte Intercommunal de Collecte et Traitement des Ordures Ménagères d'Als ace Centrale Communauté de Communes de Sélestat Syndicat départemental d'énergie et des déchets (SDED 52) EVODIA Hauts-de- France Communauté d'Agglomération du Saint-quentinois Valor'Aisne Communauté de communes Flandre Lys Communauté d'Agglomération Valenciennes Métropole Communauté de Communes Pévèle Carembault Syndicat Intercommunal de Valorisation des Déchets Ménagers du Hainaut Valenciennois Ecovalor Syndicat Mixte du Département de l'Oise (SMDO) Syndicat mixte élimination et valorisation des déchets CA Douaisis-Hénin-Carvin et communes Osartis (SYMEVAD) Syndicat mixte Flandre Morinie (SMFM) Syndicat Mixte Lys Audomarois Ile-de- France Ville de Paris ? Direction de la propreté et de l?eau (DPE) Nouvelle- Aquitaine Communauté de Communes de l'Ile de Ré Communauté de Communes de l'Ile d'Oléron Occitanie Sictom Pézenas Agde Decoset Syndicat Mixte départemental pour la valorisation des déchets ménagers et assimilés et pôle des énergies renouvelables / Trifyl PACA Métropole Nice Côte d?Azur Métropole Aix-Marseille Provence Communauté d'Agglomération Var Esterel Méditerranée Communauté de Communes Coeur du Var Syndicat Mixte du Développement Durable de l'Est Var (SMIDDEV) Pays de la Loire Trivalis Communauté d'Agglomération Clisson Sèvre et Maine Agglo Communauté d'Agglomération de la Presqu'île de Guérande Atlantique Communauté d'Agglomération Mauges Communauté Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 116 VALOR3E Communauté de Communes Loué-brûlon-noyen Contrôles réalisés hors formation commune mais ayant servi pour le rapport Auvergne -Rhône- Alpes Communauté de communes de la plaine de l'Ain Grenoble Alpes Métropole Syndicat Mixte du Lac d'Annecy Communauté de communes du Diois Bretagne Lorient agglomération Grand Est Métropole du grand Nancy Régie Haganis Hauts-de- France Communauté d?agglomération porte du Hainaut Communauté d?agglomération du St-Quentinois Communauté d?agglomération Maubeuge Val de Sambre Nouvelle- Aquitaine Syndicat mixte départemental pour la gestion et le traitement des déchets ménagers et assimilés (SMD3) Communauté d'agglomération du grand Villeneuvois Pays de la Loire Communauté urbaine Angers Loire métropole Communauté de communes du bocage Mayennais Syndicat mixte de collecte des ordures ménagères Est-Vendéen (SCOM) La Réunion Mayotte Syndicat mixte de traitement des déchets des microrégions Sud et Ouest de la Réunion (ILEVA) Société publique locale SUDEC Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexe n° 2 : le suivi des recommandations des juridictions financières sur les déchets ménagers Au cours de la décennie 2010-2020, la Cour des comptes, seule ou en lien avec une ou plusieurs chambres régionales des comptes, a publié deux rapports portant spécifiquement sur les déchets ménagers et assimilés et des rapports consacrés aux éco-organismes. Suites données aux rapports consacrés au déchets ménagers Le rapport public thématique Les collectivités territoriales et la gestion des déchets ménagers et assimilés, publié en septembre 2011, formulait trente recommandations réparties au sein de quatre rubriques principales. Un rapport de suivi de ce rapport public thématique a été inséré au Rapport public annuel 2014 de la Cour des comptes, intitulé « La gestion des déchets ménagers : des progrès inégaux au regard des enjeux environnementaux ». Celui-ci comportait huit recommandations, certaines reconduisant celles formulées en 2011. Les recommandations visant à rendre plus claire et plus adaptée la répartition des compétences entre les collectivités territoriales ont été pour l?essentiel satisfaites ou rendues sans objet par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République qui a redistribué les compétences territoriales226. Ainsi en est-il également de la recommandation visant à promouvoir la prise en charge par une même collectivité ou groupement (département ou syndicat mixte) du traitement des déchets et des installations nécessaires227. Les recommandations visant à renforcer le rôle des préfets en matière de contrôle et de suivi des plans, d'autorisation et de contrôle des équipements228 n?ont pas été mises en oeuvre. L?instruction du présent rapport fait apparaître en effet que les dispositions encadrant les PRPGD/SRADDET229 et le rôle de l?État déconcentré en matière d?autorisation et de contrôle des ICPE ne suffisent toujours pas à planifier et organiser les équipements à la hauteur des besoins. 226 Références des recommandations dans les rapports : rapport public thématique 2011 (pour la suite des références « RPT 2011 ») recommandation 1.1 et Rapport public annuel 2014 (pour la suite des références « RPA 2014 ») recommandation 1. 227 RPT 2011 recommandation 1.8 satisfaite par l?article L. 2224-13 du CGCT. 228 RPT 2011 recommandation 1.12, 1.14, RPA 2014 recommandation 2. 229 Les plans, programmes et décisions des EPCI doivent être compatibles (L. 541-15 code de l'environnement). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers COUR DES COMPTES 118 La recommandation visant à décliner au niveau régional et intercommunal certains objectifs nationaux et d?en rendre compte au moyen d?un rapport annuel, ainsi que la mise en place d?observatoires locaux230, est satisfaite par les dispositions de la loi NOTRe précitée et par celles de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC). En revanche demeurent pertinentes les critiques émises par les juridictions financières en 2011 qui relevaient les « limites des mécanismes de pilotage, de suivi, d?évaluation et d?appui » et qui recommandaient une plus grande fréquence et qualité dans la collecte et le traitement des données231. Les évolutions dans les mécanismes de financement du SPGD qu?appelaient plusieurs recommandations, n?ont pas été suivies d?effets significatifs. L?adaptation des textes pour encourager la tarification incitative a été réalisée par la réduction des frais de gestion232 mais cet encouragement est insuffisant pour en permettre l?essor. La clarification du cadre juridique du financement du SPGD n?a pas été réalisée : ni la codification de la jurisprudence définissant le suréquilibre233, ni les dispositions sur les compensations, exonérations et dérogations aux augmentations de TEOM234 ni la remise à plat de la distinction des services publics entre administratifs et industriels et commerciaux235. Une recommandation a connu une suite inverse à la demande formulée : la redevance spéciale est devenue facultative alors que la Cour demandait sa généralisation236. Les recommandations concernant la mise en oeuvre d?une comptabilité analytique et d?un budget annexe consacrés au SPGD237 ont été partiellement suivies d?effet : la réglementation prévoit désormais l?obligation de comptabilité analytique238 mais le budget annexe demeure facultatif pour les collectivités, majoritaires, qui financent le service par la TEOM. Les recommandations des juridictions financières pour corriger l?insuffisance des équipements de proximité pour l?incinération et le 230 RPT 2011 recommandation 1.10. 231 RPT 2011 recommandations 1.11, 3.1, 3.2, 3.3 et 3.5. 232 Recommandations 4.1. et 4.2. du RPT 2011 et recommandation 7 du RPA 2014 satisfaites par l?art.7 de la LFI 2019. 233 Recommandation 4.6 du RPT 2011. 234 Recommandation 4.4 et 4.5 du RPT 2011. 235 RPT 2011 recommandation 4.6 et RPA 2014 recommandation 6. 236 Recommandation 4.3. du RPT 2011et recommandation 3 du RPA 2014. 237 RPT 2011 recommandation 2.1, 2.2, et RPA 2014 recommandations 5 et 8. 238 L. 2224-17-1 CGCT. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 119 stockage (carence en exutoires)239 n?ont pas été mises en oeuvre : la TGAP n?a pas été augmentée240 pour les déchets exportés ou réceptionnés au-delà des limites d?un périmètre car le ministère chargé de l?environnement considère qu?une telle augmentation encouragerait la création d?installations d?élimination alors que l?objectif général est de respecter autant qu?il est possible la hiérarchie des modes de traitement des déchets. Suites réservées aux dix recommandations formulées par les rapports consacrés aux éco-organismes Les recommandations formulées dans le rapport « Les éco- organismes : un dispositif original à consolider, insertion au rapport public annuel 2016 » et le rapport « Les éco-organismes : une performance à confirmer, une régulation à renforcer », insertion de suivi de l?insertion précitée, publiée dans le rapport public annuel 2020, ont donné lieu à des suites satisfaisantes. Les dispositions de la loi AGEC et de ses textes d?application concernant les éco-organismes satisfont neuf recommandations sur dix. La simplification des cahiers des charges des éco-organismes s?accompagne du renforcement des exigences (fixation et contrôle des résultats, dispositifs de sanctions)241 et la durée des agréments des éco-organismes est adaptée entre un et six ans242. La loi renforce et précise les informations qui devront figurer sur les produits pour renseigner les citoyens sur les gestes de tri et l?État pourra fédérer plusieurs éco-organismes pour des campagnes d?information243. Le conditionnement des soutiens aux collectivités versés par l?éco-organisme chargé de la filière REP emballages à la mise à jour des consignes de tri est prévu par le cahier des charges de l?organisme qui est approuvé par l?État244. Le partage avec les pouvoirs publics, les producteurs et les collectivités des données et des informations détenues par les éco-organismes est clarifié245 et l?extension des consignes de tri, couplé à la subordination des autorisations concernant les centres de tri mécano biologiques à la mise en place du tri à la source 239 RPT 2011 recommandation 3.6 et 3.7 et RPA 2014 recommandation 4. 240 L. 2333-92 et s. du CGCT. 241 RPA 2020 recommandation 1, 4 et 5 satisfaites par les articles L541-10 II (encadrement des cahiers des charges) et L. 541-9-6 (sanctions). 242 RPA 2020 recommandation 3. 243 RPA 2016 recommandation 1, RPA 2020 recommandation 2 satisfaites par l?article L. 541-9-3 du code de l'environnement. 244 RPA 2016 recommandation 2. 245 RPA 2016 recommandation 4. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2016 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2016 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2016 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2020 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2020 COUR DES COMPTES 120 des biodéchets vont dans le sens d?une modernisation des centres de tri et, nécessairement, d?une diminution de leur nombre246. La visibilité sur les produits de l?écocontribution247 est en revanche écartée car regardée comme source de confusion (logo pouvant être pris pour le signe d?un produit fait en matière recyclée ou d?un produit à recycler). Enfin, un rapport propre à l?Île-de-France a été inséré au rapport public annuel 2017 de la Cour. Ce dernier comportait six recommandations, dont deux à caractère général et quatre adressées aux collectivités et aux syndicats de traitement des ordures ménagères de la région. 246 RPA 2016 recommandation 5. 247 RPA 2016 recommandation 3. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexe n° 3 : les Plans Régionaux de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD) Régi par les dispositions des articles L. 541-13 à L. 541-15-2 et R. 541-13 à R. 541-27 du code de l?environnement248, le Plan régional de prévention et gestion des déchets (PRPGD) est un document élaboré par le conseil régional qui a pour but de coordonner à l'échelle régionale les actions entreprises par l'ensemble des parties prenantes. Instrument de planification et de programmation prévu par la réglementation européenne249, le PRPGD est appelé à disparaître à mesure que seront arrêtés les schémas régionaux d?aménagement, de développement durable et d?égalité des territoires (SRADDET)250. Les PRPGD sont opposables aux décisions prises par les personnes morales de droit public et leurs concessionnaires251 notamment pour les installations à adapter, créer ou fermer. Le plan sert ainsi de cadre aux services déconcentrés de l?État pour délivrer les diverses autorisations en matière d?Installations Classées pour la Protection de l?Environnement (ICPE). Les juridictions financières ont analysé dans le cadre du présent rapport les 12 plans adoptés. 248 Introduit par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe) 249 Articles 28 et 29 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets 250 Articles L. 4251-1 à L. 4251-10 et R. 4251-1 à R. 4251-17 du code général des collectivités territoriales (CGCT). L?Île-de-France, les régions d'outre-mer et les collectivités territoriales à statut particulier constituent des cas spécifiques, dans la mesure où des plans régionaux ou territoriaux de prévention et de gestion des déchets continuent de s?appliquer de façon autonome, à côté d?un autre document de planification stratégique (tel que le SDRIF en Ile de France ou le PADDUC en Corse). 251 Article L. 541-15 du code de l?environnement Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176161 COUR DES COMPTES 122 Le code l?environnement252 fixe le contenu des PRPGD et rend obligatoires notamment les rubriques suivantes : 1/ État des lieux : (production, prévention, collecte et installations existantes) Réalisée grâce à plusieurs bases de données du ministère de l?écologie et de l?ADEME et des observatoires locaux253, cette partie descriptive est dans certains plans complète et exhaustive254 avec des niveaux de précision géographiques variables255. Des lacunes de données que ni l?État ni les régions n?ont comblées par des enquêtes de terrain, nuisent à la fiabilité de l?état des lieux256 : exutoires inconnus, informations manquantes quant à la catégorie d?ICPE, tonnages par installations, traitement réalisé supérieur aux capacités ? Par ailleurs, on relève des problèmes de lisibilité des données257, qui gênent la clarté de l?information donnée aux collectivités locales infrarégionales. Du fait des différences de couverture des territoires par la tarification incitative, les états des lieux sur ce sujet sont d?amplitude et de qualité variables. Dans les régions où elle est plus développée, des résultats éclairants montrent son efficacité sur la réduction des OMR et l?augmentation des collectes de recyclables258. Enfin, la description des mesures visant à promouvoir le développement de cette tarification incitative est souvent très sommaire. Ainsi, le plan de la Normandie a été partiellement annulé par la décision n°1802969 du tribunal administratif de Caen du 20 juin 2019 car il ne présentait pas d?actions de développement de la tarification incitative en contradiction avec 252 Art. L. 541-13 et l?article R-541-16 du code de l?environnement 253 Par exemple, la base de données GEREQ, le registre ICPE ou encore le registre IREP et le registre ITOM 254 Par exemple, la région Auvergne-Rhône-Alpes détaille les 33 millions de tonnes (en 2015) qu?elle a produits. 255 Par exemple, le Plan de la région Grand Est présente des données départementales là où la région Occitanie présente des données agrégées au niveau régional. 256 Voir par exemple le tableau 86 (p169) du Plan des Pays de la Loire où les capacités réglementaires en tonnes des plateformes de compostage de la région sont manquantes pour 18 des 39 installations, ou la figure 86 (p.115) du Plan Grand Est où 409 tonnes de déchets produites dans l?Aube ont un exutoire « non précisé ». 257 Voir par exemple les données sur les combustibles solides de récupération (CSR) sont difficilement interprétables dans le Plan des Pays de la Loire, p. 193 et p. 87. 258 Par exemple, le Plan de Nouvelle-Aquitaine, où la tarification incitative couvre 6 % de la population régionale, montre que les quantités d?OMR ont diminué de 36 % et les recyclables secs hors verre collectés ont augmenté de 26 % (voir pp 76-78). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes http://manche-nature.fr/wp-content/uploads/2019/07/jgt_PRPGD.pdf http://manche-nature.fr/wp-content/uploads/2019/07/jgt_PRPGD.pdf ANNEXES 123 les dispositions de l?article D. 541-16-2 du code de l?environnement259. À la suite de cette décision de justice, la région Normandie a dû amender son plan et adopter, le 22 juin 2020, deux compléments portant sur les actions prévues pour le développement de la tarification incitative260 et sur la planification des installations dédiées à la valorisation énergétique des combustibles de récupération. Sur ce point, le niveau de généralité des autres plans régionaux ne diffère pas de la première version du plan de la région Normandie. 2/ Prospective des gisements à 6 et 12 ans et objectifs de prévention, recyclage et valorisation Cette prospective se fonde sur la présentation de deux scenarii : l?un évalue les quantités produites en l?absence de mesures de prévention, le second les prend en compte261. On constate cependant des différences quant au niveau de précision et de détails fournis et quant à la justification des scénarios de référence. 3/ Planification de la prévention des déchets à 6 et 12 ans La prévention se présente dans les plans sous la forme d?un ensemble cohérent d'actions par types de déchets262. Les objectifs manquent cependant de caractère opérationnel et de contextualisation locale et sont trop généraux263. 259 Dans sa première version, le Plan de la région Normandie ne donnait aucune modalité pratique d?implantation ni d?objectifs clairs quant à la couverture de cette taxe en termes de population ou de volumes de déchets et préconisait seulement d?« Engager une réflexion sur la mise en place de la TI à travers la réalisation d?études de faisabilité ; Valoriser les retours d?expériences ? ; Intégrer la TI dans une réflexion d?optimisation globale ? ; Définir les moyens humains pour le développement de la TI ; Informer et sensibiliser les usagers ? » (p103). 260 La région Normandie se fixe désormais l?objectif d'un taux de couverture de 30% de la population régionale par la tarification incitative, à l'horizon 2025 261 Ainsi, la région Île-de-France prévoit un scénario dit « tendanciel » (sans prévention) où 5 607 262 tonnes de DMA seront générées en 2020, 5 971 954 en 2025 et 6 358 105 en 2031. Le scénario « avec mesures de prévention » prévoit 5 483 938 tonnes de DMA en 2025 et n?a toutefois pas de valeur cible en 2031 (p.52, Chapitre 1) 262 Ainsi, la région Bretagne décline des objectifs pour les DMA et DAE relatifs aux déchets végétaux (stabilisation en 2020 par rapport à 2016 et réduction de 20 % en 2030 par rapport à 2016, p32), aux biodéchets (100 % de la population doit avoir accès à une solution de tri à la source des biodéchets d?ici 2023, accès au tri à la source pour les professionnels d?ici 2023, p34). 263 Par exemple, la région Bretagne mentionne l?objectif de réduire le gaspillage alimentaire par une liste d?objectifs vagues tels que « l?accompagnement de la restauration collective [?] dans la mise en place d?actions » (p. 36, Chapitre II), le développement du « don alimentaire » (p. 36, Chapitre II), « Accompagner les entreprises et administrations dans la réduction de la production de leurs déchets », « Accompagner la mise en oeuvre des PLPDMA » ou encore « Sensibiliser tous les acteurs ». Les actions sont quasiment identiques à celles que l?on trouve Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042662953 COUR DES COMPTES 124 Nombreux sont les renvois aux programmes locaux auxquels est laissée la mise en oeuvre concrète264. 4/ Planification de la gestion des déchets à termes de 6 et 12 ans, incluant les installations nécessaires afin d?atteindre les objectifs. Au même titre que pour la prévention, l?ensemble des actions portant sur la gestion des déchets, bien que cohérentes entre elles et axées autour d?objectifs, apparaissent le plus souvent vagues et sans caractère réellement opérationnel265. La planification des installations qu?il apparaît nécessaire de créer, adapter ou fermer afin d?atteindre les objectifs est une lacune significative dans les plans alors que cette précision est exigée par l?article R. 541-19 et le 5° de l?article R 541-16 du code de l?environnement. En effet, les plans ne recensent que les installations de stockage ainsi que d?incinération sans valorisation énergétique266. Ils ne recensent pas les autres types d?installation et renvoient sur ce point à des études ultérieures267. Même les plans les plus aboutis ne planifient pas à un niveau suffisamment précis l?évolution des équipements et des capacités de traitement associés, pour toutes les natures de déchets et d?installation268. dans tous les autres plans et ne comportent aucune spécificité liée à la région, ni de plan d?action précis en termes de dates et de budget. 264 Ainsi, les Plans des Hauts-de-France (p.117) et de Centre-Val de Loire (p.229) renvoient au déploiement des programmes locaux pour la mise en oeuvre des stratégies Zéro Déchets Zéro Gaspillage 265 Ainsi, le Plan des Hauts-de-France (pp.123-130 du fascicule des règles) ne comprend aucune planification précise des installations de traitement et se limite à des orientations générales telles que « Renforcer la performance environnementale des installations de valorisation énergétique en appliquant le principe de proximité et en prenant en compte l?impact CO2 des zones de chalandise » ou « Pour tout projet de modernisation des installations de valorisation énergétique, tenir compte de l?évolution des nouvelles normes européennes à l?horizon 2022- 2024.. Il en va de même du plan de la région Occitanie (pp 248 -256). 266 Ainsi par exemple le plan de la région Bourogne-Franche-Comté, après avoir recensé de manière détaillée, à l?échelle de chaque département, les déficits ou excédents de capacité de traitement (p 109), se limite à la planification des installations de stockage. 267 Ainsi, par exemple, le Plan de la région Centre-Val de Loire, concernant les installations de valorisation organique, «il sera nécessaire d?identifier et suivre les capacités de traitement des déchets organiques et anticiper les besoins à venir. » p.289 268 Sur le thème de la planification des installations, le plan PACA, divisé en 4 bassins de vie, est divisé en flux de déchets et positionné sur la capacité de traitement des biodéchets triés à la source représente néanmoins un exemple intéressant. On peut aussi citer l?exemple du plan de la région Grand Est, qui décline de manière détaillée, à l?échelle départementale, les installations de stockage qu?il sera nécessaire de créer (pp Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032728246/2016-06-20 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032728264/2016-06-20 ANNEXES 125 Les 12 plans adoptés ne relèvent pas d?une véritable planification et apparaissent trop vagues quant au nombre, au type de déchets associés et leurs quantités et à la localisation des installations269. À ce titre, les plans ne revêtent pas leur pleine valeur prescriptive et n?épuisent pas la compétence de la région. Suivi des plans Les modalités de suivi des plans prévues lors de l?adoption de ces derniers sont souvent incomplètes, même pour ceux qui sont les plus aboutis270. En effet, bien que les indicateurs de suivi du plan soient explicités, associés aux actions dont ils relèvent et recensés de manière exhaustive271, nombreux sont les plans qui manquent d?une réelle planification du suivi272. Sept régions sont couvertes par un observatoire de déchets chargé d?obtenir et de consolider les données à l?échelle régionale, d?améliorer la connaissance des gisements et de s?assurer du suivi des objectifs, les 5 régions restantes prévoient seulement d?en créer273. 347-352) et qui projette les besoins en capacité de traitement à l?échelle de deux bassins de vie (Est et Ouest) les besoins. 269 Le plan de Normandie, par exemple, « n?interdit pas la création de nouvelles capacités de valorisation des déchets ménagers résiduels » (p103) ou le plan des Hauts- de-France, où la « règle de planification » prévoit « d?adapter les capacités régionales d?incinération et de valorisation [?] en cohérence avec le développement de la prévention et de la valorisation matière conformément à la hiérarchie des modes de gestion [?] » (p148). 270 Les qualités et défauts des plans sont multiformes, aucun d?eux ne peut être considéré comme un modèle. Le PRGPD de la région PACA a le mérite de préciser (voir pages 137-138 du fascicule des règles du SRADDET, les moyens financiers que la région entend consacrer, dans le cadre de ses contrats régionaux d?équilibre territorial, au soutien des projets d?équipement structurants pour le territoire en matière de recyclage et de valorisation des déchets, d?économie d?énergie et de développement des énergies renouvelables. 271 Voir par exemple les pages 318-325 du Plan de la région Auvergne-Rhône-Alpes ou 284-288 du Plan de la région Hauts-de-France 272 La région Bourgogne-Franche-Comté liste les indicateurs et modalités de suivi du Plan, sans mention de son organisation pratique (voir pp 158-166). 273 Le PRPGD Grand Est est très précis quant aux missions de l?observatoire qu?il entend créer. On peut par ailleurs saluer l?effort de prévision budgétaire effectué (en moyens humains et financiers) p478-479. Les autres régions manquent de précision quant au budget : la Bourgogne-Franche-Comté, par exemple, ne mentionne que le projet de création p88, sans en préciser les modalités pratiques. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexe n° 4 : les indicateurs internationaux En septembre 2015, les 193 États membres de l?ONU ont adopté un programme de développement durable Agenda 2030 structuré autour de 17 objectifs de développement durable (ODD). Les déchets sont concernés par l?ODD n°11 qui porte notamment la thématique de la ville durable et l?ODD n°12 : « Consommation et production responsables » (impact environnemental et social de l?ensemble de la chaîne de valeur des produits). Ces ODD généraux comportent des indicateurs qui ont été repris dans la programmation nationale française : le PNPD 2014-2020 et la feuille de route de la France pour l?économie circulaire (FREC). Indicateurs issus des ODD N° Taux de recyclage des déchets municipaux274 11.6.1. Empreinte matières275 12.2.1 Consommation intérieure de matière276 12.2.2 Perte et gaspillage alimentaire 12.3.1 Taux de recyclage national et tonnes de matériaux recyclés 12.5.1 274 Proportion de déchets urbains solides régulièrement collectés et éliminés de façon adéquate sur le total des déchets urbains solides générés, par ville. 275 Empreinte matérielle, Empreinte matières (RMC) Empreinte matière par habitant (RMC/hab.) et Empreinte matière par unité de PIB (PIB/RMC). Repris dans les indicateurs 2 et 8 du PNPD 2014-2020 (INSSE SDES). 276 Consommation matérielle nationale, consommation matérielle nationale par habitant et consommation matérielle nationale par unité de PIB. Indicateurs n°12 et n°7 du PNPD 2014-2020 et indicateur FREC sous la forme « Réduire la consommation de ressources liées à la consommation française de 30 % entre 2010 et 2030 » et « recyclage de100 % de plastiques en 2030 » (INSEE. EUROSTAT) Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/010596190#Documentation https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/010596191 https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/010596192 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexe n° 5 : les indicateurs du service public des déchets Il n?existait à ce jour aucun recensement des objectifs chiffrés assortis d?une échéance qui ont été fixés par l?État (code de l?environnement ou programmation) pour le service public des déchets. Les juridictions financières se sont attachées à ce recensement. Comme indiqué dans le rapport, pour faciliter et simplifier le suivi de l?ensemble de ces objectifs, une partie d?entre eux représentatifs des autres doit être choisie afin de bâtir un tableau de bord annuel (indicateurs numérotés ci-dessous 1, 2, 10 et 23 surlignés en jaune) auxquels les juridictions financières recommandent d?ajouter deux indicateurs qui n?existent pas encore dans la réglementation : la quantité des OMR (Volume d?OMR par habitant en kg et par an) et la prévention (dépenses de prévention /coût total du SPGPD en %). Tableau n° 6 : les indicateurs généraux du service public des déchets Nos Objectifs Base juridique PRODUCTION 1 Production des DMA par habitant277 - 7% entre 2009 et 2014 -10 % en 2020 / 2010278 - 15 % en 2030 / 2010 279 Art. L. 541-1 1° c.envir TARIFICATION INCITATIVE 2 Couvrir 15 millions d?habitants en 2020 et 25 millions en 2022 10° de l?art. L. 541-1 code de l?environnement280 COLLECTE et TRI A LA SOURCE 277 Indicateur 1 du PNPD 2014-2020 et du PNGD 2019. Déchets ménagers collectés par habitant en année n ? déchets collectés en 2010) /déchets ménagers et assimilés en 2010 * 100 - Enquête collecte Ademe 278 Loi LTECV 279 Loi AGEC et ordonnance n°2020-920 du 29 juillet 2020 280 L?article 46 loi n°2009-967 de la loi de programmation Grenelle prévoyait déjà que La TEOM et la REOM doivent intégrer au plus tard en 2014 une part variable incitative. Axe 3 du PNGD 2019 « Étendre le déploiement de la fiscalité incitative (nombre de collectivités et population) » Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://partagejf.ccomptes.fr/sites/fcjpgdechets/02Synthese/07_CRPP/issu%20de%20l?ord.%202020-920%20-%20Directive%202008/98%20modifiée%202018/851 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ COUR DES COMPTES 130 Nos Objectifs Base juridique 3 Généralisation du tri à la source des biodéchets au plus tard au 31 décembre 2023 Art. L. 541-21-1 code de l?environnement281 4 Étendre à l?ensemble des emballages plastiques les consignes de tri avant 2022 (en millions de personnes) 5° de L. 541-1 code de l?environnement 5 Généralisation d'ici au 1er janvier 2025 de la collecte séparée pour les produits consommés hors foyer (corbeilles de tri). IV. de L. 541-10-18 6 Collecte bouteilles en plastique : 77% en 2025 et 90% en 2030 L. 541-10-11 du Code de l?environnement282 7 Atteindre 100% de collecte des emballages plastiques ménagers en 2025 Axe 4 PNGD 2019 8 Augmenter les quantités de bouteilles et canettes collectées dans le secteur des cafés, hôtels et restaurants (CHR) VALORISATION 9 Préparation en vue du réemploi et recyclage 55% en 2025 et 60% en 2030 et 65% en 2035 des DMA en masse 4 bis de L. 541-1 283 10 Quantité de DNDNI284 faisant l'objet d'une valorisation sous forme de matière, notamment organique : 55 % en 2020 et 65 % en 2025 4° de L. 541-1 11 Assurer en 2025 la valorisation énergétique d?au moins 70% des déchets qui auront fait l?objet d?une collecte séparée ou d?un tri et ne pouvant faire l?objet d?une valorisation matière 9° du I. de L. 541-1 12 Atteindre un tonnage de produits réemployés et. /ou de déchets préparés à la réutilisation de 4° art. L.541-1du code de l?environnement 281 Art. 22 directive (UE) 2018/851 et Axe 5 PNGD 2019. Art. L. 2224-16 du Code général des collectivités territoriales 282 Article 9 de la directive SUP (collecte séparée) 283 Issu de l?ord. 2020-920 - Articles 6 et 11 Directive 2008/98 modifiée 2018/851. Indicateur non chiffré axe 2 PNGD 2019. Directive 1994/62/CE : « Atteindre 50 % en 2025 et 55 % en 2030 de déchets d?emballages en plastique recyclé » 284 Les déchets non dangereux non inertes (DNDNI), mesurés en masse, recouvrent les DMA et les déchets d?activités économiques et excluent les déchets du BTP. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041989925 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ https://partagejf.ccomptes.fr/sites/fcjpgdechets/02Synthese/07_CRPP/règlement%20européen%20d?interdiction%20d?enfouissement%20des%20DMA%20collectés%20séparément ANNEXES 131 Nos Objectifs Base juridique l?équivalent de 5 % du tonnage de déchets ménagers en 2030285 13 Réduire de 50% les quantités de produits manufacturés non recyclables mis sur le marché (2020/2015) Art. 8° de L. 541-1 14 La mise sur le marché de certains produits ou matériaux peut être subordonnée à l?incorporation d?un taux minimal de matière recyclée II. art. L. 541-9 code de l?environnement 15 Tendre vers l?objectif de 100% de plastiques recyclés au 1er janvier 2025 4ter du I. de L. 541- 1286 16 Atteindre 400 000 tonnes de plastiques régénérés réincorporés en 2025 FREC avril 2018287 17 Intégrer 25% de matière recyclée dans les bouteilles en PET en 2025 et 30% (toutes bouteilles en 2030) Article 6 de la directive SUP 18 5% des emballages mis sur le marché sont des emballages réemployés en 2023, 10% en 2027288 I. 1° de L. 541-1 code de l?environnement 19 65 % de recyclage de l?ensemble des déchets de papiers gérés par le SPGD289 L. 541-10-1 code de l?environnement 20 Au 1/1 2030, les producteurs290, doivent justifier que les déchets des produits sont de nature à intégrer une filière de recyclage. Art L.541-9 code de l?environnement PREVENTION 285 Produits réemployés et/ou déchets préparés à la réutilisation / déchets ménagers et assimilés. Ademe - Observatoire du réemploi à venir (notamment D3E, textiles et éléments d?ameublements). 286 Stratégie européenne sur les matières plastiques dans une économie circulaire (01/18) et FREC p.3 et Axe 4 PNGD 2019 287 Stratégie de la Commission européenne sur les matières plastiques dans l?économie circulaire COM (2018) 28 final (Atteindre 10 millions de tonnes de plastiques recyclés incorporés dans de nouveaux produits dans l?Union européenne en 2025) 288 Unité de vente ou équivalent 289 Tonnage des papiers recyclés issus de la collecte sélective / tonnage total de papiers graphiques pris en charge par le SPGD. 290 Ceux qui mettent sur le marché au moins 10 000 unités de produits par an et réalisent 10 M¤ CA Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://partagejf.ccomptes.fr/sites/fcjpgdechets/02Synthese/07_CRPP/Stratégie%20européenne%20sur%20les%20matières%20plastiques%20dans%20une%20économie%20circulaire%20(01/18) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ COUR DES COMPTES 132 Nos Objectifs Base juridique 21 Interdiction des plastiques à usage unique : ventes sacs de caisse (1/1/2016), sacs d?emballage (1/1/2017), particules produits cosmétiques (1/1/2018), cotons tiges, vaisselle jetable, bouteilles d?eau plate (écoles), pailles, bâtonnets mélangeurs, gobelets et couvercles, plateaux-repas, pots à glace, saladiers (1/1/2020), fabrication/importation des sacs interdits à la vente, distribution gratuite des bouteilles (1/1/2021), sachets de thé non biodégradables, jouets dans restauration, suremballage des fruits et légumes frais, emballages presse et publicités, étiquette sur fruits et légumes, achat par l?État (1/1/2022), vaisselle jetable dans la restauration pour les repas servis sur place (1/1/2023), microplastiques médicaux (1/1/2024), contenants cuisson en cantines (1/1/2025) tous les emballage plastique à usage unique (2040) Art. L541-10-5 et L541-15-10 du code de l?environnement 291 22 Publication d?un indice de durabilité (1/1/2024) Art. L541-2 c.envir ELIMINATION 23 Quantités de déchets non dangereux non inertes admis en installation de stockage : - 30% entre 2010 et 2020 - 50% entre 2010 et 2025 7° art. L. 541-1 code de l?environnement292 24 Interdiction progressive de la mise en décharge des déchets non dangereux valorisable 7° art. L. 541-1 c.envir293 et décret du 16.09.2021 25 Réduire les quantités de DMA admis en installation de stockage en 2035 à 10% au plus du poids des DMA produits 7 bis art. L. 541-1 294code de l?environnement 291 Interdictions introduites par la directive SUP et transposées par la LTECV, modifiées en 2016, 2018 (loi ELIM) et 2020 (loi AGEC). 292 p. 3 FREC Axe 7 du PNGD 293 Règlement européen d?interdiction d?enfouissement des DMA collectés séparément 3 bis du 2. de l?article 5 de la directive 1999/31 concernant la mise en décharge des déchets 294 5. du 2 de l?article 5 de la directive 1999/31/CE Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://partagejf.ccomptes.fr/sites/fcjpgdechets/02Synthese/07_CRPP/règlement%20européen%20d?interdiction%20d?enfouissement%20des%20DMA%20collectés%20séparément https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ ANNEXES 133 Nos Objectifs Base juridique 26 Arrêt d?ici 2025 des unités d?incinération des ordures ménagères (UIOM) sans valorisation énergétique et renforcement de l?efficience des UIOM dont la valorisation énergétique est insatisfaisante Plan de réduction et de valorisation des déchets 2014-2020295 Tableau n° 7 : les indicateurs sectoriels (exemples) TEXTILES LINGES CHAUSSURES296 1 Atteindre un taux de collecte de 50 % du gisement mis en marché (soit 4,6 kg par habitant) en 2019 2 Atteindre un taux de valorisation matière (réutilisation et recyclage) de 95 % 3 Atteindre un maximum de 2 % de déchets éliminés (déchets ne faisant l?objet d?aucune valorisation). ELEMENTS AMEUBLEMENT MENAGERS 4 Atteindre un taux de collecte séparée en 2023 des DEA de 40 % des quantités d?éléments d?ameublement mis sur le marché 5 Un taux de recyclage et de réutilisation de 45 % sur la période 2018-2021 et de 50 % pour la période 2022-2023 des DEA collectés séparément 6 Mettre à disposition des acteurs de l?économie sociale et solidaire 1,5 % des DEA collectés à partir de 2021 pour ceux détenus par les ménages 7 Valoriser (réutilisation, recyclage et valorisation énergétique) en 2022 90 % des DEA collectés séparément des autres déchets EQUIPEMENTS ELECTRIQUES ELECTRONIQUES (EEE) 8 Atteindre un taux de collecte de 65 % des équipements électriques et électroniques mis sur le marché 9 Taux minimaux de recyclage et de valorisation pour les DEEE ménagers pris en charge DECHETS DE SOINS 10 Taux de collecte de 80 % en 2021297 295 Axe 2 du PNGD 2019 « Améliorer la valorisation énergétique des déchets » 296 Ademe : Déclarations des producteurs, y compris distributeurs et importateurs d?équipements destinés aux particuliers 297 Quantités collectées année N /moyenne des quantités mises sur le marché moyenne des quantités de produits mis sur le marché des années N et N-1. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 134 11 Taux de collecte d?au moins 3% / an tous DDS ménagers confondus (soit une collecte de 0,6 kg de DDS ménagers par habitant à fin 2024) 12 Taux de valorisation énergétique : 90 % des DDS ménagers 13 2024 - taux de valorisation matière de 5 % des tonnages de DDS ménagers collectés 14 Atteindre chaque année 45% de taux de collecte séparée de piles et accumulateurs portables par rapport aux mises sur le marché 15 Taux de recyclage poids moyen des piles et accumulateurs portables : 65% (plomb-acide), 75 % (nickel-cadmium) et 50 % (autres) Source : Cour des comptes, à partir du tableau de suivi préparé par la DGPR et communiqué dans le cadre de l?instruction ? Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 135 Annexe n° 6 : les indicateurs des filières à responsabilité élargie du producteur (REP) Les éco-organismes sont agréés par l?État pour une durée maximale de six ans renouvelable, sous réserve de répondre aux exigences d?un cahier des charges établi par filière et fixé par arrêté interministériel. Ces arrêtés leur fixent des missions, mesurées par l?atteinte d?objectifs précis et cohérents avec les objectifs nationaux298. Des sanctions sévères sont prévues299 en cas de non-respect de ces objectifs. L?ADEME publie chaque année un Mémo des filières REP qui reprend de façon groupé les résultats des 14 principaux indicateurs ci- dessous pour chacune des filières. Comme indiqué dans le rapport, pour faciliter et simplifier le suivi de l?ensemble de ces objectifs, une partie d?entre eux représentatifs des autres, doit être choisie afin de bâtir un tableau de bord annuel (indicateurs numérotés ci-dessous 2, 4, 9, 10 et 11 surlignés en jaune) auxquels les juridictions financières recommandent d?ajouter un indicateur qui n?existent pas encore dans la réglementation : la prévention (dépenses de prévention/CA des éco-organismes (en %). Tableau n° 8 : objectifs-indicateurs du « mémo des filières REP » N° Thèmes Formulations techniques 1 Production Mise sur le marché de produits assujettis en milliers de tonnes 2 Gisement de déchets calculé en milliers de tonnes 3 Collecte Collecte séparée en milliers de tonnes 4 Taux de collecte séparée ou taux de collecte séparée apparent pour valorisation 5 Valorisation (matière et énergétique) en milliers de tonnes 6 Taux de valorisation par rapport aux tonnages collectés séparément Recyclage (dont réutilisation) en milliers de tonnes 298 II de l?article L. 541-10 du code de l?environnement 299 Article L. 541-9-6 du code de l?environnement (amende administrative limitée à 10 % des charges annuelles relatives à la gestion des déchets). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/4832-memo-rep-2021.html https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041599099/2021-01-01 COUR DES COMPTES 136 N° Thèmes Formulations techniques 7 Taux de recyclage par rapport aux tonnages collectés séparément 8 Taux de recyclage par rapport au gisement ou aux mises sur le marché 9 Quantités réellement réemployées et réutilisées en milliers de tonnes300 10 Élimination Élimination en milliers de tonnes 11 Financement incitatif Produits mis sur le marché soumis à une éco- modulation en pourcentage (bonus et malus) 12 Financement Montant total des écocontributions perçues par les éco-organismes en millions d?euros 13 Montant total des coûts opérationnels des éco organismes en millions d?euros 14 Montant total des soutiens reversés aux collectivités (opération et communication) en millions d?euro Source : Cour des comptes 300 En ?unités de vente ou équivalent unités de vente? pour le suivi des objectifs des filières équipements électriques et électroniques, des textiles et des éléments d?ameublements Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 137 Annexe n° 7 : comparaisons internationales Selon Eurostat, la production des déchets municipaux en France à 582 kg en 2019 par habitant est supérieure à la moyenne européenne (487 kg/habitant). Les fortes disparités existantes au sein de l?UE apparaissant dans la carte ci-dessous reflètent le lien entre activité économique (Danemark, Allemagne, Luxembourg) et touristique par habitant (Chypre, Malte) et la production de déchets par habitant. Carte n° 2 : déchets municipaux produits par habitant en Europe en 2018 (hors déblais et gravats) Source : Eurostat Le découplage de la croissance économique et de la production de déchets est donc un des enjeux principaux de la politique de prévention et Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 138 gestion des DMA. L?augmentation de la part des déchets à recycler constitue un autre défi commun à l?ensemble de ces pays en vue des objectifs européens de recyclage de 60 % à horizon 2030. Il implique de diminuer la part des déchets recyclables qui se trouvent encore dans les OMR. Les comparaisons internationales ci-dessous ont été choisies en raison des succès de ces pays dans les domaines suivants : un taux de recyclage des déchets municipaux proche ou supérieur à 50 % (cible européenne pour 2020). l?élimination de la mise en décharge par orientation vers le recyclage et l?incinération à valorisation énergétique301 rendus plus attractifs que les autres modes de traitement par la mise en place d?une taxe pour la mise en décharge, par l?interdiction directe (Allemagne) ou indirecte (Autriche) d?enfouissement des déchets non traités et par l?interdiction d?incinérer et d?enfouir les déchets ayant fait l?objet d?une collecte séparée (Pays-Bas) ; la responsabilité opérationnelle des producteurs d?emballages pour le tri et la valorisation : Allemagne, Flandre, Pays-Bas ; les systèmes de consigne (Allemagne, Pays-Bas, Suède). Allemagne ? Production : L?Allemagne est le 3ème plus important producteur de déchets par habitant en Europe. Le recyclage est le principal mode de traitement des déchets municipaux (68 %)302. L?incinération s?élève à 30 %. ? Gouvernance : La responsabilité de la gestion des déchets est partagée entre le gouvernement national, les Länder et les autorités locales. Ces dernières sont en charge de l?élimination des déchets municipaux (294 arrondissements ? Landkreise et 110 grandes villes). Les collectivités déterminent chacune leur système de collecte et le montant des redevances dans le cadre des objectifs de planification arrêtés par les 301 La directive décharge 31/99 CE du 26 avril 1999 marque une étape décisive dans la mise en oeuvre de l?évitement de la mise en décharge. 302 La mise en oeuvre des nouvelles règles européennes statistiques de comptabilisation des déchets municipaux devrait dégrader le classement allemand qui devrait cependant rester supérieur à 50 %. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 139 Länder303. À l?exception d?objectifs de recyclage pour les emballages, peu d?objectifs quantitatifs ont été fixés au niveau fédéral. À l?inverse de la France, les éco-organismes des emballages sont tous « opérationnels »304. ? Collecte : 70 % de la population est concernée par une collecte séparée des biodéchets. Il reste des progrès à faire notamment dans les grandes villes (exemple de Berlin)305. La consigne pour les emballages de boissons à usage unique mise en place depuis 2003 est un dispositif obligatoire : lors de l?achat dans les magasins de détail, le consommateur doit s?acquitter d?un « pfand » de 25 cts (une consigne) qui est remboursée lorsque l?emballage est restitué dans les réceptacles automatiques prévus à cet effet dans les magasins (qui absorbent la bouteille et la compactent). ? Valorisation et élimination : L?Allemagne a atteint un très faible niveau de mise en décharge (1 %) sans passer par une taxe, contrairement à ses voisins européens, mais en interdisant la mise en décharge de déchets préalablement non traités306, et en imposant la collecte séparée des bio déchets et du papier dès le début des années 90. Les DMA sont soit incinérés, à un coût très élevé (100 ¤ la tonne pour les déchets municipaux), soit recyclés. De par cet effet prix, collecter les déchets en flux séparés coûte moins cher que de collecter des déchets mélangés qui devront être traités puis incinérés307. Fruit de plusieurs décennies de politique orientées dans la même direction, le geste de tri et l?incinération avec valorisation énergétique sont aujourd?hui largement acceptés en Allemagne308 (environ 70 U.V.E. sur le territoire avec une capacité de 303 À titre d?exemple, dans le Land de Hessen, les autorités locales en charge de la gestion des déchets doivent, en application des objectifs de planification arrêtés dans la loi d?application régionale « hessische Ausführungsgesetz zum Kreislaufwirtschaftsgesetz », diminuer les quantités d?ordures ménagère résiduelles en deçà d?une quantité cible 150 kg/an/habitant d?ici 2025. Cet objectif est valable tant en secteur à dominante urbaine qu?en secteur plutôt rural. 304 Voir définition de ce terme dans la note de bas de page de l?annexe sur les éco- organismes 305 Source : entretien avec M. Jaron, chef de la division Économie circulaire au ministère de l?environnement allemand. 306 Depuis 2005, ne peuvent être stockés que les déchets ayant fait l?objet d?un prétraitement en installations de traitement mécano-biologique ou en incinérateurs (résidus de ce traitement) ou les déchets inertes. 307 À l?inverse de la situation française par exemple où les collectivités indiquent que la collecte séparée peut représenter un coût trop élevé. 308 Le rapport de l?Agence européenne de l?environnement datant de 2009 sur la mise en oeuvre de la directive ?Décharge (« Diverting waste from landfill, effectiveness of Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 140 18,8 Mt309? à comparer aux 125 unités en France avec une capacité de 15,6 Mt310). L?Allemagne présente un taux de recyclage de 46 % des emballages en plastique, supérieur à celui de la France (26 %) et 98 % des emballages de boissons en plastiques. Autriche ? Production : 570 kg/habitant (supérieure à la moyenne européenne). ? Gouvernance : elle est répartie entre le gouvernement fédéral et les provinces. ? Prévention : L?Autriche est considérée avec la Flandre comme l?un des pionniers pour la mise en place de réseaux de réutilisation offrant des biens d?occasion de qualité. L?initiative la plus importante, « Repanet » est un réseau de réparation et de réemploi, principalement le textile et les équipements électroniques, qui regroupe 27 organisations employant 1 800 personnes dans 140 lieux. ? Collecte : L?Autriche a mis en place une collecte séparée des déchets « biogéniques » et des emballages en papier dès 1992, accompagnée de mesures visant à réglementer la qualité du compost afin d?assurer sa compétitivité311. 22 % des DMA faisant l?objet d?une collecte séparée sont des bio déchets (hors compost au domicile ou communautaire) valorisés au sein de sites de compostage agricoles, municipaux ou commerciaux312 ou au sein de sites de méthanisation. Dans les zones fortement urbanisées, comme Vienne, les déchets collectés ne sont pas de qualités suffisantes pour pouvoir être compostés. ? Valorisation et élimination : L?Autriche a élaboré une stratégie d?élimination de la mise en décharge qui repose sur une double approche d?interdiction pour les déchets non traités, biodégradables et organiques waste-management policies in the EU ») souligne l?importance de l?acceptation publique en matière de traitement de déchets. 309 Cf. Wilts Henning et Von Gries Najda, Europe?s waste incineration capacity in a circular economy, ICE proceedings, mai 2015 310 Ademe. Le traitement des déchets ménagers et assimilés en 2018, Exploitation des données de l?enquête sur les installations de traitement des déchets ménagers et assimilés en France en 2018, Décembre 2020 311 Agence européenne de l?environnement. Municipal Waste management in Austria, Février 2013. 312 Fertilisant pour les espaces verts, cimetières, etc. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://ec.europa.eu/environment/eir/pdf/report_at_en.pdf ANNEXES 141 (ce qui comprend le plastique) et de taxation. Selon la Commission européenne313, l?Autriche fait partie des États les plus performants : le taux de mise en décharge est parmi les plus faibles de l?UE (2 %), le taux de recyclage à 58 % en 2018 dont 33 % de compostage314 est le plus élevé de l?UE, derrière l?Allemagne. À compter de 2004, et graduellement jusqu?en 2008, la mise en décharge des déchets non traités a été interdite pour les biodéchets et les déchets plastiques315. L?Autriche a également adopté une taxe sur la mise en décharge des déchets, moins élevée pour les installations à la pointe de la technologie afin de moderniser les sites. Malgré la diminution du revenu de la taxe, elle a été maintenue. La situation autrichienne montre une très forte corrélation entre l?augmentation des taxes et l?interdiction du stockage et la diminution des déchets effectivement enfouis. Les emballages plastiques ménagers et commerciaux sont couverts par une filière REP. En cas de chute du prix de la matière recyclée, les éco-organismes doivent compenser en augmentant les prix versés aux collectivités territoriales collectrices. En 2015, le taux de recyclage des emballages plastiques s?élevait à 34 % pour un taux européen de 67,5 %. Belgique ?Flandre ? Production : 490 kg/hab. (-10 % sur dix ans) ? Gouvernance : En Belgique, les questions environnementales relèvent des régions. S?agissant de la Flandre, c?est l?OVAM (Agence publique des déchets de Flandre) qui définit les objectifs définit et les règles communes obligatoires (p. ex. le nombre de flux faisant l?objet d?une collecte séparée, la fréquence des collectes) pour les 300 municipalités en charge de la gestion opérationnelle des déchets. La politique de gestion des déchets en Flandre remonte au début des années 1980. Depuis lors, tous les quatre ou cinq ans, l?OVAM adopte de nouveaux 313 Commission européenne. The environmental implementation review 2019 ? country report Austria, avril 2019. 314 L?Autriche présente par ailleurs le plus haut niveau de recyclage en Europe s?agissant des déchets organiques. 315 Cette interdiction s?applique aux déchets présentant un taux de COT (« Carbone organique total ») supérieurs à 5 %. Ce seuil revient à interdire la mise en décharge des déchets plastiques. Le carbone atome caractéristique des matières vivantes est également à la base du pétrole et donc des matériaux en plastique. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 142 plans et en assure le suivi et l?accompagnement316. La gouvernance du système ne repose pas sur une approche coercitive mais d?une part sur une coopération de long terme entre les municipalités et l?OVAM, cette dernière accompagnant les autorités locales techniquement et financièrement et d?autre part sur un système transparent de publication des résultats (« naming and shaming 317»). ? Prévention : Des réseaux de réemploi / seconde main sont installés dans chaque municipalité ou centre commun à plusieurs municipalités voisines, avec des objectifs fixés en termes de biens réutilisés en kg par habitant. ? Collecte : Les tarifs payés par le citoyen pour les collectes séparées sont plus faibles que pour les OMR318. Les déchets organiques (déchets verts d?un côté et fruits et légumes d?un autre côté) font également l?objet d?une collecte séparée depuis 1991. La Flandre ne dispose pas de système de consigne pour la collecte des bouteilles en plastique. ? Valorisation et élimination : D?après la Commission européenne, la Belgique, particulièrement la Flandre319, figure parmi les pays les plus performants avec un taux de recyclage de 54 % en 2017. La Belgique a mis en place à la fois l?une des taxes les plus élevées en Europe et une interdiction de l?enfouissement garantissant que le coût de la mise en décharge (1 % en 2018) est supérieur à celui de l?incinération qui doit- être lui-même supérieur au coût du recyclage. La Belgique présente un taux de recyclage de 55 % et un taux d?incinération de 44 % et pour les emballages de 80 % (le plus haut niveau en Europe). Les emballages plastiques non recyclables font l?objet d?un malus très élevé. Dans le système REP, les producteurs restent propriétaires de la matière sur le marché jusqu?au stade du déchet et doivent investir dans les centres de tri et dans les capacités de recyclage nécessaire pour faire face à 316 OVAM. Implementation plan for household waste and comparable industrial waste- summary 317 Cette locution anglaise (litt. « nommer et couvrir de honte »), pouvant être traduite par l?expression française « mise au pilori », désigne ici le fait de déclarer publiquement les mauvais résultats d?une municipalité. 318 Concernant les collectes séparées, les municipalités peuvent fixer les tarifs, à l?exception du papier/cartons qui n?est pas taxé, compte tenu de la valeur recyclable. 319 La Flandre est la région la plus peuplée de Belgique avec 6,6 millions d?habitants sur un total de 11,5 millions et compte une densité de population élevée de 489 habitants au mètre carré. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 143 l?extension des emballages collectés320. La prise en charge totale de la filière REP emballages se réalise à coût zéro pour les collectivités et donc les contribuables (système Fost+). Dans son plan 2016-2022, l?office de gestion des déchets de Flandres (OVAM) impose des cibles chiffrées aux municipalités en matière d?OMR, de réemploi et de déchets abandonnés. Ce programme est fondé sur une approche en « clusters » de municipalités avec déclinaison d?objectifs locaux. Les municipalités sont regroupées en 16 groupes de municipalités à profil socio- économique similaire ou « clusters » (le profil prend en compte notamment le type d?habitat, l?intensité de l?activité économique et le dynamisme démographique321). Chacun de ces 16 clusters se voit attribuer 11 objectifs chiffrés spécifiques. Pour les OMR, les objectifs chiffrés sont compris entre 116 kg par habitant pour les municipalités les plus rurales et 258 kg/habt pour les municipalités touristiques. Carte n° 3 : déclinaison des objectifs de réduction des OMR à horizon 2022 par « clusters » de municipalités Source : OVAM (Agence flamande pour l?environnement). Implementation plan for household waste and comparable industrial waste, 2017-2022. 320 L?entreprise flamande Eco-oh (https://www.eco-oh.com/fr/groupe-eco-oh) recycle 22 000 tonnes par an d?emballages plastiques mixtes soit l?équivalent de la production de déchets de 2,5 millions de flamands. L?entreprise recycle les déchets plastiques et soit les vend déjà transformés aux fins d?application industrielle soit les transforme au sein d?usine en objets plastiques dits « design ». 321 Exemple de groupes de municipalités : municipalités côtières, grandes villes, municipalités à fort taux d?urbanisation et à faible revenu, villes moyennes, métropoles avec activités tertiaires? Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.eco-oh.com/fr/groupe-eco-oh COUR DES COMPTES 144 Pays-Bas ? Production : 511 kg par habitant en 2017, ce qui reste supérieur à la moyenne européenne mais représente une baisse de 15 % sur dix ans. ? Gouvernance : Elle est recentralisée depuis 1996 par transfert de la responsabilité du niveau des provinces au niveau du gouvernement central. Le ministère de l?environnement est chargé élaborer tous les six ans le plan national de gestion des déchets. Les municipalités sont chargées de la collecte des déchets ménagers sur leur territoire. ? Valorisation et élimination : Le taux de recyclage des DMA est parmi les plus élevés en Europe et le taux de mise en décharge l?un des plus bas (inférieur à 1 %). Avec un taux de 56 % (2018) parmi les plus élevés de l?UE (moyenne européenne à 48 %), les Pays-Bas ont dépassé dès 2013 la cible européenne de recyclage de 50 % des déchets municipaux prévue pour 2020. L?incinération de déchets municipaux atteint 43 %. La mise en décharge est parmi les plus basses d?Europe (1 %), bien en- deçà de la moyenne européenne à 24 %, du fait de l?effet combiné des interdictions et taxes pesant sur les mises en décharge. En 1995, le gouvernement a en effet pris un décret interdisant la mise en décharge de 35 catégories de déchets incluant les OMR et les déchets organiques. Une taxe sur la mise en décharge a également été introduite la même année et a augmenté jusqu?en 2010 afin de rendre l?incinération et le recyclage financièrement plus attractif que la mise en décharge. La taxe néerlandaise devient alors la plus élevée d?Europe (107,5 ¤ par tonne). Deux ans plus tard, le gouvernement décide sa suppression, le faible niveau de mise en décharge ne justifiant plus son existence et la taxe ayant rempli son objectif. Suède ? Production : 443 kg/habitant (4,5 Mt) ? Collecte : Le système de consigne permet de collecter et recycler environ 90 % des canettes en aluminium et bouteilles PET. La Suède a introduit ce dispositif pour les canettes dès 1984 (0,10 ¤ par canette), puis sur les bouteilles plastiques PET en 1994 (entre 0,10 ¤ et 0,20 ¤). Plus de 75 % des 290 communes suédoises proposent désormais un bac spécial aux ménages pour collecter leurs déchets alimentaires. Les ménages peuvent bénéficier, à proportion de leur tri sélectif, d?une réduction non Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 145 harmonisée de leur redevance annuelle communale de traitement des déchets. ? Valorisation et élimination (données 2018) : 50 % des déchets ménagers suédois sont aujourd?hui incinérés, 35 % sont recyclés (taux en-dessous de pays comme l?Allemagne), et 15 % font l?objet d?un traitement biologique. Les pays nordiques dans leur ensemble poursuivent une politique à l?égard des DMA qui visent à un équilibre 50 % recyclage / 50 % combustion. La mise en décharge des déchets ménagers ne subsiste plus qu?à l?état résiduel (0,7 %) à la suite de l?introduction d?une taxe sur la mise en décharge des déchets. Le recours accru à l?incinération des déchets non organiques représente aujourd?hui 20 % de l?énergie utilisée par les réseaux urbains de chaleur qui approvisionnent en chauffage 92 % des appartements suédois et a contribué à la disparition des combustibles fossiles du secteur du chauffage en Suède. Cette politique conduit les communes suédoises à importer des déchets frontaliers pour alimenter en continu leur réseau et amène des inquiétudes dans l?opinion publique sur les rejets des polluants dans l?atmosphère. La Suède opère la méthanisation des déchets organiques pour produire du biocarburant pour les transports en commun. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexe n° 8 : les déchets en matière plastique Le plastique est léger, polyvalent, adapté à l?automatisation et difficilement remplaçable pour la protection des produits de consommation et leur distribution. C?est pourquoi, les 359 millions de tonnes (2018) de plastiques produits chaque année dans le monde, qui représentent 4 à 6 % de la consommation annuelle mondiale de pétrole (350 Md$)322, ont des usages très divers et sont notamment utilisés323 pour les emballages tels que les pots de yaourt ou les bouteilles d'eau (40 % de la consommation européenne de plastiques et plus de 60 % des déchets plastiques), le BTP (20 %), l?industrie automobile (10 %), les appareils électriques et électroniques (EEE) (6 %)324. L?utilisation de ce matériau est en pleine expansion depuis 1950 avec un doublement de la demande depuis 2000, aujourd?hui tirée par les pays en voie de développement qui consomment encore 20 fois moins de plastique que les pays de l?OCDE. Le développement de la consommation d'aliments et de boissons « à emporter » favorise l?essor des plastiques à usage unique. Un "pic du plastique" pourrait cependant être atteint en 2027 selon les experts325, avec une croissance de la demande qui passerait ensuite de 4 % à moins de 1 % par an. 322 Le commerce mondial des plastiques représente 1 000 milliards de dollars par an soit 5 % du commerce global de marchandises. https://unctad.org/fr/news/nouvelle- etude-le-commerce-mondial-du-plastique-depasse-de-40-les-evaluations-precedentes 323 CGEDD et CGEIET Les filières de recyclage de déchets en France métropolitaine, Rapport conjoint, janvier 2020. 324 Les déchets d'équipements électriques et électroniques DEEE sont constitués pour 20 % de plastique. 325 ?The Future?s Not in Plastics: Why plastics demand won?t rescue the oil sector?. 4 septembre 2020. Carbon tracker think tank Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.economie.gouv.fr/cge/filieres-dechets-recyclage COUR DES COMPTES 148 Externalités négatives des déchets plastiques Les effets des matières plastiques sont significatifs sur le réchauffement climatique (l?équivalent du fonctionnement de 189 centrales à charbon326), la biodiversité327, la consommation d?eau et d?énergie, la santé et indirectement sur l?économie pour des activités telles que le tourisme, la pêche328 et le transport maritime. L?ensemble de ces externalités négatives du plastique est évalué financièrement à 1 000 dollars par tonne. Les trois-quarts des déchets plastiques (6,3 milliards de tonnes) sont rejetés dans les milieux naturels329 dont entre 4,8 et 12,7 millions de tonnes de déchets plastiques déversées chaque année dans les océans (les rejets européens représente l?équivalent chaque minute du contenu d?un camion poubelle jeté en mer330). Qualifié de « continent » ou de « soupe », les déchets plastique en mer se décomposent en microplastiques, (fragments de moins de 5 mm), entrent dans la chaîne alimentaire via les organismes marins, l?air et l?eau potable. Sans que l?on connaisse encore l?effet sur la santé humaine, on constate qu?un être humain ingère en moyenne chaque 326 5 tonnes de CO2 émises par tonne de plastique produite. Centrales à charbon de 500 mégawatts en tenant compte des différentes étapes du cycle des plastiques : (extraction, transport, fabrication, gestion de la fin de vie des déchets), le bilan carbone des plastiques représenterait 860 Mt de CO2 par an. En 2050, l?industrie plastique pourrait représenter 10 à 15 % des émissions mondiales de CO2. Sénat Pollution plastique : une bombe à retardement décembre 2020 327 Une méta-analyse récente a estimé à 2 249 le nombre de plantes, d?animaux et de microbes affectés par la pollution plastique à l?échelle mondiale. 328 1 % des recettes des captures réalisées de la flotte de l'Union européenne. 329 Les 8,3 milliards de tonnes de plastiques fabriquées depuis 60 ans n?ont été pris en charge qu?à hauteur d?un quart (9 % ont été recyclées, 12 % incinérées). Si rien n?est fait 12 milliards de tonnes de déchets plastiques pourraient leur être ajoutées d?ici 2050. Ce phénomène de rejet dans les milieux naturels concerne peu l?Europe : 83 % des plastiques dans les océans viennent de 20 pays dont aucun situé en Europe et selon les données de l?Ademe et une extrapolation des enseignements issus du rapport WWF, en France, plus de 98 % des emballages ménagers sont collectés. Production, use, and fate of all plastics ever made. Science Advances Roland Geyer1, Jenna R. Jambeck and Kara Lavender Law Vol. 3 n°7 19 juillet 2017 330La tendance est anticipée à la hausse jusqu?en 2100 au moins. (UE : 150 000 et 500 000 tonnes par l?Union européenne) Jambeck, Jenna R. et al., « Plastic waste inputs from land into the ocean », Science, volume 347, Février 2015 et Study to support the development pf measures to combat a range of marie litter resource Eunomia report for European Commission Janvier 2016 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.senat.fr/espace_presse/actualites/202012/pollution_plastique.html https://www.senat.fr/espace_presse/actualites/202012/pollution_plastique.html ANNEXES 149 semaine l?équivalent du poids d?une carte de crédit331, que l?on retrouve notamment dans le placenta des femmes enceintes332. La contrainte technique du recyclage des plastiques Les objectifs fixés en matière de recyclage des déchets plastiques, en général (« tendre » vers 100 % de plastique recyclé au 1er janvier 2025) ou pour le cas particulier des emballages (20 % de réduction des emballages plastique à usage unique mis sur le marché pour les cinq prochaines années 2021-2025) semblent hors d?atteinte au regard du rythme de réduction actuel. Les progrès du recyclage des plastiques sont en effet entravés par certaines contraintes de cette matière : ? La variété des plastiques (résines ou polymères) implique pour chacun une filière de recyclage spécifique. Les résines utilisées sont nombreuses (une cinquantaine parmi lesquelles cinq principales333 : voir tableau ci- dessous). 331 Soit cinq grammes de plastique ?Assessing plastic ingestion from nature to people WWF, Dalberg and the university of Newcastle Australia juin 2019 (Soit cinq grammes de plastique constitués de 52.000 microparticules de plastique par an, 121.000 si l?on prend en compte la pollution de l?air). 332 Revue Environment International. Janvier 2021 Plasticenta : First evidence of microplastics in human placenta. Antonia Ragusa 333 Les emballages sont cependant constitués pour 90 % des cinq principales résines, dont la moitié sont déjà recyclable., Les 598 000 tonnes de déchets recyclées sont essentiellement du PET et du PEHD (61 % de ces deux matières sont recyclés). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 150 Tableau n° 9 : les 5 principales variétés de plastiques334 Variétés de plastique et part de marché en Europe Utilisation primaire Possibilités de recyclage et débouchés335 Polytétraphtalate d?éthylène (PET) 7,9% Bouteilles boissons et détergents Facile (40% du gisement) : retour possible au contact alimentaire (p. ex. nouvelles bouteilles). 336 Polyéthylène (PE) Haute (PEHD) et basse intensité (PELD/PEBD) 29,8% Bâtiment, films alimentaires, barquettes, jouets bouchons, bouteilles de lait, flacons pour la cosmétique, sac, pots de glace Possible : sacs poubelles, flacons de détergent, mobilier urbain, stylos, tuyaux, automobile? Polypropylène (PP)19,4% Automobile, EEE, emballages alimentaires, masques et tissus Difficile. Pas de retour possible à l?alimentaire. Polystyrène (PS) expansé et autres 6,2% Protection des appareils, emballages alimentaires (comme les pots de yaourt, barquettes), EEE Difficile. Pots de yaourt (4 %) : béton allégé, rembourrage, boites, cintres, pots de fleurs Polychlorure de vinyle (PVC) 10% Surtout bâtiment : canalisation, fenêtres, sols et murs et aussi blisters et automobile Moyen. Fenêtres, canalisations, sols, tuyaux, meubles de jardin Autres résines complexes (PUR, thermoplastiques, ?) 26,7 % Optique, télécommunications, médical, isolation Très difficile Source : Cour des comptes ? La complexité des usages : S?ajoutent à la variété des résines une complexification supplémentaire due au marketing (bouteilles d?eau de couleur), aux additifs chimiques polluants (p. ex. DEEE), aux combinaisons de matériaux impossibles à séparer dans la phase de recyclage337 et à la décontamination obligatoire des plastiques recyclés 334 La nouvelle grille tarifaire en vigueur sur les mises en marché 2020 distingue 7 catégories d?emballages. 335 La couleur exprime le degré de facilité technique du recyclage 336 On parle de boucle fermée du recyclage lorsqu?un type de plastique (le PET clair des bouteilles par exemple) permet de produire à nouveau des contenants eux-mêmes recyclables. 337 P. ex. aluminium et plastique dans les sacs de chips et de barres chocolatées et les blisters de médicaments, carton et plastique dans les boîtes de pizza. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 151 utilisés pour un usage alimentaire. Ni les nouvelles résines ni les nouveaux usages ne font pas l?objet d?études d?impact de recyclage préalables. ? Les contraintes du tri : Le recyclage est principalement mécanique (transformation des déchets plastique en matières premières secondaires ?granulats338- sans changer la structure chimique de la matière) et pour l?instant plus marginalement chimique (retour aux composants chimiques de base équivalent à la qualité de la matière vierge). Les différents types de plastiques fondant à différentes températures, un tri précis est nécessaire. Les plastiques d?emballage non triés ne peuvent produire que des produits grossiers tels que des plaques ou des canaux ou, après broyage, des carburants secondaires pour la production d?énergie dans l?industrie. ? L?altération progressive de la structure, de la qualité visuelle (transparence) et des qualités sanitaires du plastique par les opérations successives de recyclage. Un à trois recyclages pour une bouteille qui deviendra un « polaire » avant de devenir définitivement un déchet. ? La taille : Les produits qui ne seront jamais recyclables car trop petits ou trop techniques (sachets de thé, papier bonbon, petit emballage). Un emballage de fromage à la coupe de 10?microns contient six couches de différents plastiques. ? Les pertes en ligne dans le recyclage : en raison des liquides, adhérences, matières qui compromettent la pureté (pour certains plastiques, 20 à 30 %). ? Le manque de maturité de la filière : La plasturgie française reste un secteur atomisé339, faible en investissement, et spécialisée par résine. Au sein de ce secteur, les filières françaises de recyclage sont prises en étau entre, en amont, les chaînes de collecte et de tri, aux coûts et volumes de production rigides, et en aval, les utilisateurs de plastiques qui comparent le prix du recyclé au cours fluctuant des matières vierges. Ces PME du recyclage sont cependant progressivement acquises par des grands 338 41 000 tonnes des granulés sont perdues dans la nature chaque année, soit l'équivalent de 11,5 milliards de bouteilles en plastique. 339 4 000 PME et TPE dont 56 % de 1 à 9 salariés et 1/3 d?entreprises indépendantes 130 000 salariés et 30 Md¤ et faibles capacités industrielles (20-40 000 tonnes/an) Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 152 groupes, qui veulent maîtriser leur approvisionnement en produits recyclés et s?assurer une intégration verticale340. ? La sensibilité du plastique recyclé au cours des matières premières vierges (prix du pétrole) : Si certains plastiques sont recyclables « en théorie », leur coût comparé avec le plastique vierge est prohibitif (du simple au double), expliquant la faible demande de matières plastiques recyclées de 6-7 % en Europe341. Les plastiques recyclés issus des PEHD peinent à trouver preneurs aujourd?hui tandis qu?à l?inverse la demande de PET est très forte (annonce marketing de contenants 100 % recyclés) provoquant des prix spéculatifs. Les nouvelles pistes pour prévenir et gérer les déchets plastiques ? La taxe européenne sur les emballages plastiques non recyclés Une taxe européenne de 800 euros par tonne de déchets d'emballages plastiques non recyclés est instituée depuis le 1er janvier 2021342 et doit être versé du budget national vers le budget européen La France pourrait ainsi être le 1er ou le 2e plus gros contributeur d?Europe (1.2?Md¤ inscrit en LFI 2021) en raison du poids d?emballages plastiques qu?elle met sur le marché et des faibles taux de recyclage. Lorsque la France disposera d?une REP sur les emballages ménagers et industriels à partir de 2025, cette taxe sera répercutée avec un faible taux sur de nombreux assujettis (fabricants, metteurs en marché et importateurs puis éco-organismes) à partir de 2025. ? La consigne des bouteilles Dans ce système, qui permet d?obtenir des matières de meilleure qualité, plus facilement valorisables, le consommateur doit s?acquitter, au moment de l?achat, d?une somme consignée ? qui majore le prix de vente. Cette somme lui est remboursée, sous forme monétaire ou de bons d?achat, quand il rapporte son emballage vide pour qu?il soit recyclé. Selon l?ADEME, la trajectoire de collecte des bouteilles en plastique pour boisson (autour de 57 % aujourd?hui, 71,5 % en 2025 et 78,9 % en 340 Un géant mondial du soda est actionnaire à 50 % de PlastikPack, le n°1 européen de la régénération du plastique. 341 Les acteurs économiques et l?environnement, édition 2017 Insee références 342 Réunion extraordinaire du Conseil européen (17, 18, 19, 20 et 21 juillet 2020). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 153 2030) ne permettra pas d?atteindre l?objectif européen de 90 % en 2030343. Les régions rurales atteindraient cet objectif, mais les régions urbaines (10 % de collecte seulement aujourd?hui dans les villes de Paris et Marseille) n?y parviendront vraisemblablement pas sans la mise en place de la consigne ou d?autres mesures ambitieuses et contraignantes. Tableau n° 10 : taux de recyclage des emballages plastiques En % 2017 2018 2019 2020 Bouteilles et flacons 55,6 58,3 56,6 54,7 Autres emballages plastiques 3,9 4,2 6,2 7,5 Source : Cgefi Dans les États membres qui l?ont mise en place344, la consigne a fait la preuve de son efficacité avec un taux de collecte en moyenne de plus de 80 % des bouteilles en PET, contre une moyenne de 58 % dans l?ensemble de l?UE345. La loi AGEC a renvoyé pour sa part cette option à 2023 si l?analyse des performances de collecte et de recyclage issue du rapport annuel de l?ADEME confirme que l?objectif 2030 de 90 % ne sera pas atteint346. D?ici là, divers tests de consigne sont mis en place347et l?ensemble des parties prenantes concernées sont associées à la réflexion pour mettre en balance avantages mais aussi inconvénients 348. Une disposition de la loi AGEC349 institue par ailleurs un dispositif de reprise obligatoire par les distributeurs des produits usagés relevant d?une REP. ? La communication pédagogique à l?égard du public 343 Dont 77 % des bouteilles en PET dès 2025 - Directive européenne sur les plastiques à usage unique dite « directive SUP (single-use-plastic) UE n° 2019/904 du 5 juin 2019. 344 Danemark, Estonie, Pays-Bas, Allemagne, Croatie, Lituanie, Finlande et Suède. Hors UE : Norvège et Islande. 345Cf. annexe sur les comparaisons internationales et Cour des comptes européennes. Les mesures prises par l?UE pour lutter contre le problème des déchets plastiques, 2020. 346 Art. L. 541-10-11.-I code de l?environnement. L?article 9 de la directive sur les plastiques à usage unique n?oblige pas à recourir à la consigne mais la cite comme possibilité. 347 420 automates CITEO donnant 1 ou 2 centimes d?euros par bouteille triée, bouteilles contre places de cinéma dans l?habitat social d?Argenteuil. 348Confusion pour le citoyen avec les instructions qu?il a reçues depuis 20 ans de mettre les bouteilles en plastique dans la poubelle jaune, crainte des collectivités locales des pertes de recettes associées à la revente des bouteilles et à la surcapacité des centres de tri sans soutien compensatoire de l?éco-organisme. 349 Article L. 541-10-8 du code de l?environnement Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/RW20_04/RW_Plastic_waste_FR.pdf https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/RW20_04/RW_Plastic_waste_FR.pdf COUR DES COMPTES 154 En dépit des documents pédagogiques et des efforts d?explication proposés par l?ADEME350, les médias et nombre d?acteurs publics et privés, les citoyens ne sont pas en mesure de savoir quelle attitude écoresponsable choisir, à l?égard par exemples des nouveaux produits pouvant perturber le geste de tri et le traitement, de la différence entre un sac en plastique biosourcé et un sac en plastique biodégradable ou des avantages relatifs d?un pot de yaourt en verre par rapport à un pot en plastique (voir tableau ci-dessous). Tableau n° 11 : impacts environnementaux comparés du polystyrène et du verre pour l?emballage des yaourts Impacts environnementaux Avantage verre Avantage plastique Explication Recyclabilité X 76 % de recyclage contre 27% Ressources (matières premières d?origine) X (+430 %) Le sable comme le pétrole est une ressource rare Consommation d?eau X +27 % Durée de décomposition dans la nature X 450 ans contre 1 million d?années Changement climatique (CO2) X + 306 % (12 fois plus de camions de transport) et énergie pour la fabrication Toxicité et pollution pour l?environnement, la santé et la biodiversité X Microplastiques dans la chaine alimentaire des organismes vivants Source : Cour des comptes à partir de différents articles d?analyse de cycle de vie351 350 L?Ademe renforce ses travaux d?ACV et réalise depuis 2002 un Bilan national du recyclage, auquel est joint une Analyse du cycle de vie des flux de déchets recyclés sur le territoire français. 351 La synthèse proposée par ce tableau rend compte des impacts environnementaux issus des ACV. L?état actuel de la recherche scientifique ne permet cependant pas encore de tirer un bilan global qui serait une aide à la décision. Les ACV menées par les fédérations professionnelles ne comportent en général pas de "revue critique" par des experts indépendants validant la méthodologie. L?Ademe travaille à un tel référentiel méthodologique. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 155 L?analyse du cycle de vie (ACV) L?ACV est une « compilation et évaluation des intrants, des extrants (flux physiques de matière et d?énergie associés) et des impacts environnementaux potentiels d?un système de produits au cours de son cycle de vie » : distribution, utilisation, collecte et élimination vers les filières de fin de vie ainsi que transport. L?ACV est l'outil d?évaluation multicritères le plus abouti fondé sur la normalisation internationale352. L?utilisation des ACV pour formuler des recommandations ne permet cependant pas les généralisations. Une ACV ne peut être prise en compte que pour les hypothèses sur laquelle elle est fondée (situation à l?instant « t », emballage ou produit spécifique pris en compte, méthodes de mesure la pollution). Source : Cour des comptes à partir de l?ADEME353 ? Les changements intervenus sur le marché international des déchets Les décisions prises par plusieurs pays de fermer leurs frontières aux déchets en provenance de l?Union européenne aura pour conséquence à court terme une augmentation des produits incinérés ou mis en décharge mais, à moyen terme, ces décisions devraient conduire à développer de réelles capacités industrielles en Europe354. ? Le soutien de l?État à la structuration et au renforcement de la filière L?État peut intervenir par des subventions pour réduire les prix des matières premières recyclées, encourager la recherche et développement (Crédit Impôt Recherche, Programme d?Investissement d?Avenir-PIA, Banque Publique d?Investissement), mettre en place des « clusters » de coopération scientifique et industrielle, commander des études scientifiques, voire prendre des participations directes ou indirectes (CDC) dans certaines entreprises ou favoriser fiscalement le secteur (capital risque ou suramortissement). L?État dispose en outre d?autres leviers comme les interventions de la puissance publique pour soutenir ou contrer certaines 352 Normes ISO (14040 à 14043) 353https://www.ademe.fr/expertises/consommer-autrement/passer-a- laction/dossier/lanalyse-cycle-vie/quest-lacv et https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Rapport_Quel_Potentiel_3R.pdf 354 EEA-ETC/WMGE, 2019/5, Plastic waste trade and environment, octobre 2019. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ademe.fr/expertises/consommer-autrement/passer-a-laction/dossier/lanalyse-cycle-vie/quest-lacv https://www.ademe.fr/expertises/consommer-autrement/passer-a-laction/dossier/lanalyse-cycle-vie/quest-lacv https://www.eea.europa.eu/publications/the-plastic-waste-trade-in COUR DES COMPTES 156 opérations de fusion-acquisition dans les activités d?importance vitale 355, les normes techniques et les achats publics. Dans le cadre du Plan France relance pour la transition écologique, plus de 200 millions d?euros sont dédiés à la filière Plastique (dispositif ORPLAST) afin de doubler la capacité annuelle d?incorporation pour atteindre 700 000 tonnes d?ici fin 2022. Le dispositif Orplast Lancé en 2016 et piloté par l?Ademe, le dispositif Orplast ? objectif recyclage plastiques- vise spécifiquement à soutenir la filière aval de recyclage des plastiques en augmentant l?incorporation de matières premières de recyclage (MPR) plastiques par les plasturgistes en substitution à de la matière vierge (soutien aux investissements dédiés à l?incorporation de matière plastique recyclée et aux technologies de recyclage). En complément, dans le cadre de la stratégie d?accélération visant l?augmentation du recyclage, le Programme d?investissement d?Avenir (PIA 4) dispose d?actions de soutien à l?innovation pour augmenter le recyclage des plastiques et des composites356. ? Le levier réglementaire pour lutter contre les déchets plastiques non recyclés - L?incorporation obligatoires et les interdictions de matières La loi permet d?imposer des taux minimaux d?incorporation de matières recyclées dans les produits neufs, d?interdire des « substances ou éléments susceptibles de compromettre l'utilisation du matériau recyclé »357(perturbation des chaînes de tri et du recyclage) et l?obligation de justifier que les déchets peuvent intégrer une filière de recyclage358. 355 Le décret du 23 février 2006 définit les activités d?importance vitale comme « un ensemble d?activités, essentielles et difficilement substituables ou remplaçables, concourant à un même objectif ou visant à produire et à distribuer des biens ou des services indispensables ». Voir aussi l?article L1332-1 du code de la défense. 356 Sur 4 ans : 15 M¤ pour les technologies de tri, 60 M¤ sur la recyclabilité des plastiques, 15 M¤ sur la recyclabilité des composites 357 L?art. L. 541-10-17 du code de l?environnement décliné dans le décret du 29 avril 2021 dit « 3R »fixe l?objectif d'atteindre la fin de la mise sur le marché d'emballages en plastique à usage unique d'ici à 2040 et la stratégie pour y parvenir pour la période 2021-2025). 358 IV de L. 541-9 du code de l?environnement : au plus tard en 2030, les personnes mettant sur le marché plus de 10 000 unités par an et réalisant un chiffre d?affaires supérieur à 10 M¤ doivent justifier que les déchets induits par les produits peuvent intégrer une filière de recyclage. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041555598/ https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043458675 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043458675 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041599010/ ANNEXES 157 - L?interdiction d?enfouissement Cette mesure a été très efficace chez nos voisins européens (cf. annexe sur les comparaisons internationales) particulièrement pour les déchets triés, notamment ceux en plastique. Le décret n°2021-1199 du 16 septembre 2021 relatif aux conditions d?élimination des déchets non dangereux pris en application de la loi AGEC359 constitue la version française de cette interdiction. Graphique n° 19 : recyclage (vert), incinération (jaune) et enfouissement (rouge) des déchets plastiques en Europe en 2018 Source : Les filières de recyclage des déchets en France, CGEDD, Janvier 2020, données Plastics Europe. Les pays en pointillés ont déjà mis en oeuvre l?interdiction de l?enfouissement des déchets plastiques 359 Article 6 d?AGEC « la mise en décharge des déchets non dangereux valorisables est progressivement interdite » et Article 10 « les producteurs ou détenteurs de déchets ne peuvent éliminer ou faire éliminer leurs déchets dans des installations ? que s?ils justifient qu?ils respectent les obligations de tri ». Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044060460 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044060460 COUR DES COMPTES 158 Annexe n° 9 : comparatif entre les différentes modalités de financement du service public Production de déchets Sécurité budgétaire et de recouvrement Service rendu et investissement nécessaire Équité pour les usagers Pour Contre Pour Contre Pour Contre Pour Contre TEOM Limitation du risque de dépôts sauvages Aucun lien entre quantité de déchets et facturation Grande facilité et sécurité de la ressource aucun Moindre investissement sur les outils de collecte (bennes et bacs) Relation plus distendue avec l'usager (faible communication) Caractère social des bases d'imposition Sans lien avec les quantités produites. Valeurs locatives obsolètes TEOMI Incitatif (effet prix) Risques de détournement (dépôts sauvages) Sécurité budgétaire grâce à la part fixe. Recouvrement assurée par les services de l'État. Établissement du rôle plus complexe (décalage d'un an de la prise en compte de la part variable). Meilleure connaissance des usagers Investissements (bennes et bacs- puçage). Efforts de communication et de suivi des usagers Lien partiel coût du service /quantités produites mais maintien base liée au patrimoine (VLF) Part variable minoritaire (de 10 à 45 %) REOM Lien théorique avec les quantités de déchets produites Lien indirect entre prix payé par l'usager et sa production de déchets (absence de caractère incitatif). Aucun avantage Complexité (tenue du rôle et gestion des impayés par la collectivité) Pas d'investissements à prévoir. Gestion des évolutions du rôle des usagers complexe (p. ex. changement de composition du foyer). Apparence d'équité (si pertinence des critères retenus) Perte de l'aspect redistributif (social). Critères pouvant être contestés REOMI Prix payé directement lié à la production de déchets. Risques d'effet de détournement (dépôts sauvages) Meilleure connaissance des usagers Investissements indispensables (bennes et bacs- puçage). Efforts de communication et de suivi des usagers L'usager paie pour les quantités produites Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 159 Annexe n° 10 : les conséquences de la crise sanitaire sur la gestion des déchets La production des déchets en général, a été inférieure à ce qu'elle est en période normale, notamment en raison d'une moindre production de déchets issus des activités économiques (- 25 % en Ile-de-France) mais les emballages en plastique ont augmenté (+30 % du fait de leur réputation de sécurité sanitaire et de la hausse des ventes de plats à emporter). Les nouveaux protocoles sanitaires (masques, règles de distanciation sociale dans les temps de pause et croisement des équipes) et le manque de personnel ont généré une perte du temps de travail et une diminution des performances de gestion de déchets et, pour certains territoires, la fin des collectes sélectives et de l?exploitation des centres de tri (arrêts provisoires en raison de l?impossibilité de se déplacer des salariés des entreprises de maintenance). Près de 100 % des déchèteries ont été fermées au niveau national. Or, dans le même temps, certaines activités des ménages productrices de déchets (jardinage, bricolage, tri) ont été plus intenses que d?ordinaire. Par conséquent, des déchets qui auraient normalement dû être évacués en déchèteries ont été présentés dans les bacs d?ordures ménagères conduisant à une forte augmentation des dépôts sauvages sur les points d?apport volontaire et du taux de refus de tri (+ 15 %). Les volumes déposés ont fortement augmenté après les périodes de confinement, conduisant à des augmentations des coûts de transport. Les dépenses du SPGD ont augmenté en outre, du fait de l?achat de masques, de produits d?entretien, d?actions de communication pour la réouverture des équipements et des charges supplémentaires en moyens humains. Les recettes quant à elles, ont baissé puisque les effets de la crise ont induit une chute des quantités de produits valorisables collectées en déchèterie, et une baisse des soutiens des éco-organismes (par exemple - 25 % pour la communauté de communes du Grésivaudan). Les masques déposés dans les OMR n?ont pas été recyclés pour des raisons sanitaires et de coût (12 fois plus cher qu?un emballage plastique)360. 360 Les masques sont responsables de 40 000 tonnes de déchets non recyclés supplémentaires en 2020. 16?millions d?euros d?aides ont ainsi été accordés aux recycleurs des masques et le plan de relance comporte une mesure de soutien de 10 millions d?euros sur la période 2021-2022. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Réponses des administrations et des organismes concernés Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Sommaire des réponses reçues à la date de la publication Les réponses parvenues après la publication du présent document ne sont pas incluses ici mais publiées avec le rapport sur le site de la Cour des comptes. Madame la présidente de l?Association des régions de France (ARF) .................................................................. 167 Monsieur le président de l?Association des Intercommunalités de France ........................................................... 171 Madame la présidente de France Urbaine ............................................... 175 Monsieur le président de l'Association des maires de France (AMF) .................................................................. 182 Monsieur le président de la Métropole de Lyon ..................................... 189 Madame la présidente de la communauté de communes de l'Île d'Oléron ................................................................ 191 Monsieur le président du conseil régional de Bretagne .......................... 194 Monsieur le président du conseil régional Grand Est ............................. 195 Monsieur le président du conseil régional de Normandie ....................... 198 Monsieur le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine ......... 198 Monsieur le président du conseil régional Provence-Alpes-Côte d?Azur .................................................................. 202 Madame la maire de Paris ....................................................................... 204 Monsieur le président du Syndicat mixte départemental en charge d'études et du traitement des déchets ménagers et assimilés de la Vendée (TRIVALIS) .................................................. 205 Monsieur le président de l?Association AMORCE ................................. 210 Destinataires n?ayant pas d?observation Madame la présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence Madame la présidente de la communauté urbaine du Grand Besançon Métropole Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/ COUR DES COMPTES 164 Monsieur le président de la Métropole de Nice Côte d?Azur Monsieur le président de la communauté d?agglomération Valenciennes Métropole Monsieur le président du conseil régional des Hauts-de-France Madame la présidente du conseil régional d?Occitanie Monsieur le président du Syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers de Lorraine Nord (SYDELON) Monsieur le président du Syndicat mixte pour le traitement et la valorisation des déchets ménagers résiduels - « Valor3e » Monsieur le président du Syndicat départemental d'élimination des déchets de l'Aube (SDEDA) Monsieur le président du Syndicat Inter-Arrondissement de valorisation et d?élimination des déchets (SIAVED) Monsieur le président du Syndicat d?études et de réalisations pour le traitement intercommunal des déchets de Belfort (SERTRID) Destinataires n?ayant pas répondu à la date de la publication Madame la Première ministre Madame la présidente du conseil régional des Pays de la Loire Monsieur le président de la communauté d'agglomération du Grand Villeneuvois Monsieur le président de la communauté de communes des Gorges de l'Ardèche Monsieur le président de la communauté de communes de l'Île d'Oléron Monsieur le président du conseil régional d?Auvergne-Rhône-Alpes Monsieur le président du conseil régional Centre-Val de Loire Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 165 Madame la présidente du conseil régional d?Île-de-France Monsieur le président du Syndicat mixte Flandre Morinie (SMFM) Monsieur le président du Syndicat mixte de traitement des ordures ménagères de la région de Villerupt Monsieur le président du Syndicat mixte d?élimination et de valorisation des déchets des Communautés d'Agglomération du Douaisis, Hénin-Carvin et de la Communauté de Communes d?Osartis-Marquion (SYMEVAD) Monsieur le président du Service Intercommunal de collecte de traitement des ordures ménagères (SICTOM) de Pézenas-Agde Monsieur le président du Syndicat pour la valorisation et le traitement des déchets ménagers et assimilés (VALTOM) Monsieur le directeur général de CITEO Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes MADAME LA PRÉSIDENTE DE L?ASSOCIATION DES RÉGIONS DE FRANCE (ARF) Par courrier en date du 18 juillet 2022, vous m?avez transmis le relevé d?observations provisoires portant sur les rôles respectifs des divers niveaux territoriaux en matière de déchets ménagers et assimilés, document préparatoire à un chapitre du rapport public annuel publié au premier trimestre 2023. Dans le cadre de la préparation du rapport interne de la Cour sur le panorama institutionnel et économique sur l?évolution des Déchets ménagers et assimilés en France, Régions de France avait transmis une contribution portant sur des éléments d?éclairage sur l?exercice de la compétence de planification de la prévention et de la gestion des déchets par les Régions et sur leur collaboration avec l?État et les collectivités en charge de la mise en oeuvre. Les recommandations formulées par la Cour des comptes dans son document préparatoire m?amènent à vous formuler les remarques complémentaires suivantes : 1 - Sur l?observation régionale de la gestion et de la prévention des déchets La Cour recommande de confier en 2023 aux observatoires régionaux de la gestion et de la prévention des déchets le suivi de la mise en oeuvre par les intercommunalités des objectifs nationaux (Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, régions). En 2022, la majorité des Régions sont déjà couvertes par un observatoire régional. Ceux-ci sont d?ailleurs représentés par le RARE au sein du Comité National Observation Economie Circulaire piloté par le Ministère (qui s?est réuni une première fois le 5 juillet 2022). Le RARE rassemble les observatoires régionaux des déchets français : - Auvergne-Rhône-Alpes : SINDRA (portée par AURA-EE) - Bourgogne-Franche-Comté : Alterre Bourgogne-Franche-Comté - Bretagne : Observatoire Environnement Bretagne - Centre Val de Loire : pas d?observatoire (consulter la page du Conseil régional) - Corse : Observatoire territorial des déchets - Grand Est : Observatoire des déchets et de l?économie circulaire - Guadeloupe : Observatoire des déchets de la Guadeloupe (portée par Synerg?Ile) Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 168 COUR DES COMPTES - Guyane : Observatoire des déchets de la Guyane - Hauts de France : ODEMA - Ile de France : ORDIF (porté par l?Institut Paris Région) - Martinique : pas d?observatoire - Mayotte : pas d?observatoire - Normandie : Biomasse Normandie et NEC (alimenté par les travaux de Biomasse Normandie et de la CERC) - Nouvelle-Aquitaine : ORDEC Nouvelle-Aquitaine (porté par l?AREC Nouvelle-Aquitaine) - Occitanie : ORDECO - Provence-Alpes-Côte-d?Azur : ORD&EC - Pays de la Loire : TEO Pays de la Loire - Réunion : Observatoire Réunionnais des Déchets Les observatoires régionaux des déchets ont pour mission de contribuer à la prévention et à l?amélioration de la gestion des déchets et de leurs impacts, par l?étude et la diffusion d?informations et de données. Ils appuient l?élaboration des planifications régionales et suivent leur mise en oeuvre. Enfin, ils peuvent contribuer aux échanges et à la concertation sur ces enjeux prégnants des territoires. Disposant d?une véritable expertise de la donnée, ils constituent un appui opérationnel des Régions et de l?ADEME pour la mise en place des stratégies de prévention et de gestion des déchets et des ressources. Les observatoires régionaux des déchets peuvent être hébergés au sein d?une agence régionale de l?environnement, d?une autre structure, ou mis en oeuvre directement par leurs pilotes (Conseil régional, ADEME en général). Le RARE leur offre un espace d?échanges et de mutualisation unique et indispensable à l?amélioration des pratiques et l?optimisation des moyens. Un cadre de discussion national entre Régions de France et le RARE permet d?assurer une convergence méthodologique des observatoires répondant aux stratégies et objectifs régionaux. Le cofinancement par l?ADEME de l?observation a constitué un apport financier indispensable pour l?émergence des observatoires régionaux dont la question de la pérennisation financière reste entière. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 169 2- Sur le renforcement du rôle planificateur des régions La Cour des comptes appelle à un nécessaire renforcement du rôle des régions avec un rôle de planification à affirmer et mentionne que dans le cadre de la libre administration des collectivités territoriales, les niveaux supra-intercommunaux, c?est-à-dire l?État et les régions interviennent aujourd?hui en recourant principalement aux outils de planification et de cofinancement. Le renforcement de ces outils implique moins une évolution significative des compétences de l?État ou de ses opérateurs qu?une plus grande implication des régions. Une meilleure articulation entre le Code général des collectivités territoriales (volet SRADDET) et le code de l?environnement (volet PRPGD) pourrait être utile pour assurer la bonne lisibilité des obligations législatives et réglementaires qui incombent aux Régions et aux EPCI. 3- Sur la déclinaison régionale des objectifs des REP La Cour propose d?intégrer aux prochains arrêtés de cahier des charges des filières REP une déclinaison de leurs objectifs au niveau régional (Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). L?intégration aux prochains arrêtés de cahier des charges des filières REP d?une déclinaison de leurs objectifs au niveau régional semble cohérente avec le rôle de planification et de coordination confié aux Régions d?autant que les quantités de déchets traitées par les filières REP sont importantes puisqu?elles représentent plus de 10% des déchets non dangereux non inertes. Cependant la déclinaison régionale des objectifs nationaux et européens peut s?avérer complexe en fonction des filières et des territoires. Il faut noter que des partenariats techniques et financiers existent entre certaines filières REP et certaines Régions, lesquels peuvent s?appuyer sur des conventions bipartites (voire tripartites avec l?ADEME). Cette proposition viendrait compléter les éléments inscrits dans le projet d?arrêté relatif aux données des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) mis en consultation du public du 7 juin au 29 juillet 2022. Celui-ci prévoit que les éco-organismes transmettent chaque année des informations aux Régions pour l?élaboration et le suivi des SRADDET. Les Régions réitèrent leur demande que ces données soient des données transmises à l?échelle territorialisée des EPCI et syndicats. En effet, le maillage territorial des données devra permettre de répondre à l?article R.541-16 du code de l?Environnement qui mentionne que : « I. 5° [?] Le plan mentionne notamment les installations qu?il Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 170 COUR DES COMPTES apparaît nécessaire de créer, d?adapter ou de fermer afin d?atteindre ces objectifs et de gérer l?ensemble de déchets pris en compte [?]et en cohérence avec les principes de proximité et d?autosuffisance, appliqués de manière proportionnée aux flux de déchets concernés [?] et adaptée aux bassins de vie? ». Par ailleurs, la mise à disposition à ces autorités compétentes des données régionales sur les biens mis sur le marché est nécessaire à la déclinaison régionale des objectifs européens et nationaux. 4 ? Sur la généralisation de la délégation des crédits ADEME via les CPER La Cour propose de généraliser à chaque contrat de plan État- Région la délégation des crédits de l?ADEME en matière de transition énergétique et d'économie circulaire (Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, régions). Un transfert du fonds économie circulaire (ou une partie) aux Régions aurait été préférable pour offrir aux Régions toute latitude pour financer des projets sur le territoire et mettre en oeuvre les objectifs de la planification, comme Régions de France l?a fait valoir lors des discussions parlementaires du projet de loi 3DS qui a malgré tout disposé dans son article 57 une délégation de gestion pour les régions volontaires. Jugée lourde administrativement et techniquement, très encadrée et partielle, la mise en oeuvre de cette délégation apparait peu effective après plusieurs mois de discussions. En effet, il conviendrait que les Régions puissent disposer de l?autonomie d?emploi des crédits pour mettre en oeuvre la planification et accompagner les territoires en cohérence avec les stratégies, plans et feuilles de routes régionaux. Par exemple, les critères d?intervention de l?ADEME ne permettent pas de soutenir des opérations de mise aux normes réglementaires alors même que certaines régions sont en retard sur le sujet. Or les délégations ne peuvent se faire que sur la base des critères d?intervention de l?ADEME. La mise en place de critères d?intervention régionalisés et adaptés aux besoins propres des territoires semble nécessaire pour permettre de financer davantage les équipements structurants et indispensables à la réalisation des objectifs régionaux et nationaux. Tels sont les remarques dont je voulais vous faire part en vue de leur prise en compte dans le rapport de la Cour. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 171 MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE L?ASSOCIATION DES INTERCOMMUNALITÉS DE FRANCE Au nom d?Intercommunalités de France, je tiens à vous remercier pour avoir sollicité, par votre courrier du 28 juillet 2022, les réactions de notre association au projet de rapport public thématique « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser » que la Cour publiera prochainement. Ce projet appelle de notre part les observations exprimées dans le présent courrier. Intercommunalités de France salue tout d?abord l?important travail d?analyse mené par la Cour au travers de ce rapport et confirme l?implication de notre association dans l?accompagnement à la prévention et la gestion des déchets. A ce titre, nous partageons avec la Cour le constat de la non-atteinte des objectifs nationaux de réduction des déchets collectés et traités. Notre association considère cependant que les comparaisons chiffrées avec d?autres pays sont à relativiser au regard des incertitudes documentées sur les différences de méthodes statistiques, ainsi que tous les autres facteurs culturels, économiques dans chaque pays. Par ailleurs, nous tenons à souligner que ce mandat sera marqué par l?entrée en vigueur de nouvelles obligations qui permettront une réduction à la source de la production de certains déchets : ? Généralisation de l?extension des consignes de tri plastique à compter du 31 décembre 2022 ? Généralisation du tri à la source des biodéchets ? Mise en oeuvre de nouvelles filières REP Nous souscrivons aux recommandations formulées par la Cour d?unification des documents nationaux de programmation (PNPD et PNGD) ainsi que d?harmonisation des documents locaux (RPQS et PLPDMA) considérant qu?elles répondent à un besoin d?une plus grande intégration des enjeux de prévention dans les stratégies de gestion des déchets. Intercommunalités de France s?interroge toutefois sur les propositions formulées par la Cour dans sa recommandation n°6 pour encourager le déploiement de la tarification incitative en renforçant le soutien financier aux collectivités qui semblent à ce jour insuffisantes pour contourner les difficultés de sa mise en oeuvre. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 172 COUR DES COMPTES 1. Réduction des déchets à la source : la responsabilité des metteurs en marché Nous réitérons notre analyse consistant à remarquer que les différents acteurs en responsabilité en France, ne bénéficient pas des mêmes remarques et injonctions à agir. Les collectivités, pourtant situées « au bout du tuyau » du cycle « production vente usage destruction ou abandon des produits », sont sommées d?être les acteurs principaux de la politique de prévention-réduction. Ainsi, si l?on excepte les biodéchets, ce sont davantage les stratégies commerciales des metteurs en marché, qui orientent les comportements des consommateurs. Au regard des dépenses de publicité, faites par les producteurs et les distributeurs ? plus de 470 ¤ par Français en 2021361, soit trois fois le coût du service public de gestion des déchets (SPGD) ? il conviendrait de laisser aux premiers la prise en charge totale des coûts des services de tri et de collecte des produits de chaque filière actuellement supportés par les collectivités afin de rééquilibrer la répartition des coûts entre producteurs et consommateurs. En parallèle, les objectifs attribués aux acteurs des filières REP sont pour le moins vagues mais surtout non contrôlés. Intercommunalités de France regrette cette situation, qui en plus de laisser à charge des contribuables locaux ce qui devrait être à charge des consommateurs, ne concerne pas toutes les productions commercialisées qui pourtant finissent dans les circuits de collecte et de traitement des collectivités. Par ailleurs, la loi de finances de 2019 a acté une trajectoire haussière de la TGAP, dans l?objectif de pénaliser le traitement par enfouissement ou incinération et encourager le déploiement d?une économie circulaire. Cette hausse est particulièrement problématique pour les collectivités qui ne disposent pas de leviers d?action pour influer sur la réemployabilité et la recyclabilité des produits ou encore sur l?acte d?achat. Il existe un volume incompressible de déchets qui doivent être dirigés aujourd?hui vers ces exutoires et qui pourrait faire l?objet d?un tarif de base révisé. Nous renouvelons donc notre proposition d?une TGAP amont sur tous les produits des filières pour responsabiliser les metteurs en marché ; cela concernerait autant d?incitation à la durabilité, à la réutilisation qu?au recyclage matière. Cette tarification, outre qu?elle permettrait la prise en charge de tous les produits manufacturés devenus déchets (qui seront facturés par l?État 6,5 centimes par kg en 2025), sans pour cela que le consommateur puisse arbitrer sur ses achats puisque c?est le contribuable qui paie la TGAP. 361 Baromètre unifié du marché publicitaire, Kantar, 2021 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 173 Nous rappelons aussi que l?atteinte des objectifs nationaux et régionaux assignés aux politiques et actions d?économie circulaire suppose des ressources comme la TGAP nantie d?une hausse programmée par un accord conclu lors du Grenelle de l?Environnement en 2008 et qui devait alimenter la politique déchets via l?ADEME. Ces ressources sont aujourd?hui dissoutes dans le budget de l?État sans que les fonds nécessaires pour la prévention et pour l?économie circulaire ne soient rendus disponibles. Intercommunalités de France continue d?appeler à un retour des recettes de la TGAP vers le financement d?actions vertueuses dans lesquelles s?engagent les collectivités dans le traitement des déchets. Cette piste vient soutenir la proposition de la Cour, que nous partageons, d?impliquer davantage les régions dans la planification, l?animation, et le financement qui acterait le lien entre les Plans Régionaux de Prévention et de Gestion des Déchets et les Plans régionaux pour l?Économie Circulaire. 2. Assouplir le cadre de déploiement de la tarification incitative Une nouvelle fois la Cour insiste sur l?efficacité de la tarification incitative dans certains des territoires où sa mise en oeuvre a pu être vérifiée sur un temps long et un effort soutenu sur le tri à la source des biodéchets. Le rendez-vous de la généralisation obligatoire de ce tri à la source des biodéchets devrait nous instruire sur les limites de l?exercice du signal prix sur le comportement des citoyens contribuables consommateurs. En effet toutes les expériences en cours et les études de dimensionnement des services nécessaires à ce tri à la source indiquent une hausse des dépenses du SPGD, effaçant les bénéfices jusqu?alors promis aux « bons élèves » et contraignant encore les budgets des collectivités. Par ailleurs, le volume croissant des déchets issus de produits manufacturés collectés en déchèterie interroge sur l?extension des systèmes de facturation liée à ce type de collecte et donc sur le coût global de la redevance. Ces équipements qui reçoivent des tonnages équivalents à ceux du porte-à-porte, doivent régulièrement être mis à niveau : l?augmentation du nombre de filières suppose des extensions foncières souvent difficiles à envisager sans parler de la formation technique et administrative des agents chargés de faire appliquer des réglementations souvent vécues comme contraignantes par les usagers, et auxquelles s?ajoutent des relations tendues avec les prestataires des REP opérationnelles. Intercommunalités de France demeure favorable au déploiement d?une dimension incitative dans la tarification du SPGD lorsque cela est Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 174 COUR DES COMPTES possible mais estime qu?elle ne constitue qu?un levier parmi d?autres de prévention des ordures ménagères résiduelles (OMR), d?autant plus qu?elle opère en aval de la chaîne, après les actes de production et de consommation. Afin de tendre vers une plus grande couverture de la population, au- delà des frontières administratives, Intercommunalités de France appelle ainsi à adopter certaines souplesses dans le cadre de la tarification incitative. En premier lieu, Intercommunalités de France propose de permettre par la loi une coexistence pérenne de plusieurs régimes de tarification sur un même territoire. Cette possibilité existe déjà à titre transitoire que ce soit pour permettre l?expérimentation de la taxe incitative362 ou pour tenir compte de la fusion d?intercommunalités aux régimes différents363. En effet, les principales difficultés techniques identifiées pour ce déploiement apparaissent dans les milieux urbains denses et dans les milieux touristiques ; ceux-ci caractérisent rarement l?intégralité d?un territoire intercommunal. Une seconde alternative transitoire pourrait consister en une capacité de zonage de la TEOM, en fonction des performances à l?image de ce qui est déjà permis aujourd?hui mais en fonction de l?importance du service rendu364. ? Faciliter l?accès des collectivités au fichier de taxe sur le foncier bâti : Intercommunalités de France souhaite attirer l?attention de la Cour sur un autre défi technique propre à la mise en oeuvre de la tarification incitative. La taxation et le recouvrement de la part incitative de la TEOM sont effectués dans le cadre de la taxation et du recouvrement de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Les collectivités qui souhaitent mettre en place une part incitative de la TEOM sont conduites à repartir du fichier foncier de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Elles ont la charge d?établir et de notifier aux services de la DGFiP, avant le 31 mars de l?année d?imposition, le montant, en valeur absolue, de la part incitative de la TEOM pour chaque local imposé à la TEOM. A cet effet, les services de la DGFiP leur fournissent un fichier dit « d?appel » recensant les locaux imposables au 1er janvier de l'année d'imposition (hors constructions neuves) et notamment la valeur locative foncière retenue pour l?établissement de la TEOM (décret de 2012). Ce fichier doit être complété par la collectivité avec les éléments utiles à l?administration fiscale pour établir l?imposition, à savoir : le montant de 362 Article 1522 bis du Code général des impôts, pour une durée portée à 7 ans 363 Article 1639 A bis du Code général des impôts et article L2333-76 du Code général des collectivités territoriales 364 Article 1636 B undecies du Code général des impôts Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 175 cotisation correspondant à la part incitative de la TEOM pour chaque local imposable. Il est malheureusement fréquent que ces fichiers, soient incomplets et que l?interface informatique rende compliqué l?appariement du fichier foncier avec le fichier des usagers du service de déchets. De fait, alors que la redevance est payée par l?usager (qu?il soit propriétaire ou locataire), la TEOM est considérée comme une taxe additionnelle à la taxe foncière, payée par les seuls propriétaires, tout en étant considérée comme une charge récupérable. Par conséquent, les fichiers de TEOM comportent le nom des propriétaires, alors que l?individualisation de la part incitative nécessite d?identifier le « producteur de déchets », c?est-à-dire le locataire. Il peut en résulter des difficultés de connexion entre le fichier fourni par la DGFiP et les bacs nominatifs. Par conséquent, la mise en oeuvre de la tarification incitative en habitat collectif représente une réelle difficulté d?identification des redevables potentiels Ces difficultés sont connues et rapportées par de nombreuses collectivités qui renoncent de ce fait à instituer une part incitative de TEOM. Ainsi, Intercommunalités de France considère que la mise en place et le bon fonctionnement d?une tarification incitative nécessite que l?administration fiscale, qui par ailleurs prélève un pourcentage au titre de la gestion et du recouvrement de la fiscalité foncière et de la TEOM, facilite le travail de recoupement des fichiers. Telles sont les observations que nous souhaitions porter à votre connaissance. Espérant que ces éléments répondront à vos attentes et pourront contribuer au travail d?évaluation et de propositions de la Cour, je vous prie de croire, Monsieur le Premier président, à l?assurance de mes sentiments les meilleurs. MADAME LA PRÉSIDENTE DE FRANCE URBAINE Par courrier en date du 28 juillet 2022, vous nous avez adressé le projet de rapport public thématique « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser » que la Cour se propose de publier prochainement. Ce projet de rapport appelle de notre part les observations exprimées dans la présente lettre. France urbaine salue le travail d?analyse de la Cour et souscrit à plusieurs de ses recommandations, qu?il s?agisse d?aller vers une harmonisation des bilans PLPDMA et des rapports annuels sur le prix et la qualité du service public de prévention et de gestion des déchets (PROS) en les fusionnant en un compte-rendu unique (n°5), d?« instaurer une taxe Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 176 COUR DES COMPTES de séjour additionnelle dont le produit serait affecté aux actions relatives à la prévention et à la gestion des déchets », permettant de couvrir les coûts supplémentaires spécifiques supportés par les communes touristique, ou de réduire le nombre d?indicateurs de pilotage à quelques indicateurs-clefs dans un tableau de bord national annuel et par type d?EPCI, une mesure qui nous paraît aller dans le bon sens, dès lors que les collectivités et leurs groupements seront associés à leur construction et à la définition de leur périmètre. Nous nous félicitons que la Cour préconise dans sa recommandation n°7 de renforcer le soutien financier aux collectivités qui souhaiteraient déployer la tarification incitative, plutôt que d?aller vers un système plus contraignant qui viendrait pénaliser celles qui y ont renoncé, pour des raisons de coût de mise en oeuvre et/ou de complexification opérationnelle. Nous doutons toutefois qu?elle soit suffisante pour infléchir significativement la tendance dans les zones urbaines, lesquelles sont notamment confrontées aux difficultés techniques inhérentes aux copropriétés en habitat collectif. La tarification incitative n?est qu?un des leviers de réduction des OMR... Il nous apparaît que si la tarification incitative agit comme un levier de réorientation des flux et peut contribuer à l?amélioration des gestes de tri, elle n?induit pas, comme le souligne le Cercle national du recyclage, « de tendance à la baisse des quantités totales de déchets ménagers collectés »365, et ne semble pas avoir d?effet notable sur la réduction globale du volume des OMR, si l?on s?en réfère notamment à l?exemple allemand366. Il est de surcroît difficile d?attribuer ces réallocations entre flux à la seule mise en place de la tarification incitative, tant elle n'est souvent que l?un des éléments d?une politique globale d?amélioration des performances, si bien, comme le rappelle le CGDD, que « l?écart constaté entre les tonnages collectés dans les collectivités en REOMi et dans celles qui ne le sont pas ne peut s?interpréter comme directement causé par le passage en REOMi. En effet, les collectivités ayant adopté ce type de tarification peuvent présenter d?autres caractéristiques qui expliquent cet 365 Tarification incitative : la communication en première ligne, mars 2018, Centre National du Recyclage, page 65. 366 En Allemagne, où part de communes ayant institué la tarification incitative avoisine les 100 %, la production de DMA était de 625 kg par habitant en 2015, contre 573 kg en France la même année. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 177 écart367 ». Car la mise en place de la tarification incitative s?accompagne généralement d?autres actions de sensibilisation et de prévention, et il est utile de rappeler que les baisses des tonnages des OMR interviennent « avant la mise en place effective de la tarification incitative, plus précisément entre l?année de communication sur ce nouveau mode de financement et l?année de la première facturation. Après la mise en place effective de la tarification incitative il est possible d?observer pour les quatre collectivités étudiées une stabilisation des quantités d?ordures ménagères résiduelles. Ceci prouve que ce n?est pas la tarification incitative en elle-même qui peut jouer un rôle mais l?annonce de la tarification incitative »368. La réduction des tonnages d?OMR devrait par ailleurs connaître une nouvelle baisse avec l?entrée en vigueur récente ou prochaine de nouvelles dispositions législatives et réglementaires, qu?il s?agisse : - de la généralisation de l?extension des consignes de tri plastique à tous les EPCI d?ici le 31 décembre 2022 : dans les territoires où elle a été expérimentée, la simplification des gestes de tri des emballages a permis d?augmenter la part des déchets triés de de 3 kg par habitant369 ; - de la généralisation au plus tard au 31 décembre 2023 prévue par la loi AGEC, du tri à la source des biodéchets (en collecte séparée, en porte à porte, ou en gestion de proximité, avec compostage individuel ou partagé) qui représentent, comme le rappelle la Cour, jusqu?à un tiers des volumes des déchets des ménages et des entreprises ; - de la création de nouvelles filières REP sur les produits du tabac, les jouets, les articles de sport, de loisir, de bricolage et de jardin370, et les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment371 ; - de la montée en puissance des filières REP existantes ; - des nouvelles règles visant à rendre la quasi-totalité des biens physiques présents sur le marché de l'Union européenne plus écologiques, circulaires et sobres en énergie tout au long de leur cycle de vie, englobant la conception, l'utilisation courante, la réaffectation et l'élimination des 367 La tarification incitative de la gestion des ordures ménagères - Quels impacts sur les quantités collectées ? ? CGDD 2016 (page 21). 368 Tarification incitative : la communication en première ligne, mars 2018, Cercle National du Recyclage, page 60. 369 https://www.citeo.com/le-mag/simplification-du-tri-en-france-fait-le-point/ 370 Décret n° 2021-1213 du 22 septembre 2021. 371 Décret n° 2021-1941 du 31 décembre 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.citeo.com/le-mag/simplification-du-tri-en-france-fait-le-point/ 178 COUR DES COMPTES produits, telles qu?annoncées par la Commission européenne le 30 mars 2022 dans son plan d?action pour une économie circulaire372. Assouplir le cadre de la tarification incitative Alors que ces mesures vont diminuer mécaniquement et significativement les volumes de déchets, un allégement des coûts de mise en oeuvre de la tarification incitative des premières années, objet de la recommandation n°6 de la Cour, sera-t-il de nature à enclencher une nouvelle dynamique en faveur de la tarification incitative ? Si France urbaine accueille cette proposition favorablement, elle constate également son caractère limité dans le temps, alors que les coûts de mise en oeuvre de la tarification incitative demeurent, eux, pérennes. Nous savons par ailleurs par expérience que l?État cherche toujours à réduire dans le temps le niveau de ses transferts aux collectivités, et qu?il pourrait chercher à compenser d?une manière ou d?une autre l?effort qu?il consentirait sur la réduction des frais de gestion sur la TEOMi mise en oeuvre par les collectivités. Cette question est par ailleurs posée dans un contexte où les collectivités sont confrontées à de nouvelles contraintes et d?immenses défis : - l?explosion des prix de l?énergie, dont tout laisse à penser qu?elle sera durable, contraint très fortement leurs budgets, et entraîne déjà des arbitrages difficiles allant parfois jusqu?à la réduction de la disponibilité voire la fermeture de certains équipements ; - les enjeux climatiques vont nécessiter de leur part de lourds investissements, tant pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre que pour adapter leur territoire aux bouleversements climatiques en cours et à venir. C?est pourquoi, au-delà des mesures d?accompagnement financier, il nous semble indispensable de simplifier les modalités de mise en oeuvre de la tarification incitative dans les zones urbaines. en l?adaptant aux contraintes et aux spécificités de ces territoires, où il est souvent très complexe de mettre en oeuvre une mesure individuelle de la production de déchets. 372 Communication from the Commission to the European parliament, the Council, the European economic and social committee and the Committee of the regions on making sustainable products the norm, 30 mars 2022. https://eur-lex.europa.eu/legal- content/EN/TXT/PDF/?uri=COM:2022:140:FIN&from=DA Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=COM:2022:140:FIN&from=DA https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=COM:2022:140:FIN&from=DA RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 179 Le franchissement de ces obstacles techniques suppose, lorsque cela est possible, d?engager de lourds investissements, qui pourraient certes être en partie subventionnés par un rehaussement des mesures de soutien sur les premiers exercices, mais dont les effets de moyen/long terme sur les coûts de traitement restent limités : pré-collecte et collecte ne représentent pour mémoire que 40% du coût total du SPGD, et la part variable du SPGD n?est elle-même que d?une vingtaine de pourcent de ce coût total. Assouplir le cadre pour tenir compte des spécificités de ces territoires permettrait d?aboutir à des résultats de même ordre, à des coûts considérablement réduits, et sans complexification opérationnelle de la collecte. Deux mesures nous sembleraient ainsi de nature à lever les blocages : 1. autoriser la cohabitation pérenne de la TEOM et de la TEOMi sur un même territoire, une option qui permettrait aux collectivités volontaires d?instituer une part incitative dans les zones à faible densité d?habitation sans avoir à craindre une généralisation, avant d?envisager une extension progressive à d?autres secteurs. À défaut d?une coexistence pérenne TEOM/TEOMi, il conviendrait a minima d?allonger significativement le délai au-delà duquel s?opère une bascule vers l?un ou l?autre modèle, à condition dans ce cas d?imaginer des solutions moins coûteuses pour développer la tarification incitative en zones denses. Depuis 2012, la TEOM incitative (TEOMi) peut être instituée sur une partie du territoire d?une collectivité, dans le cadre d?une expérimentation initialement limitée à 5 ans ? puis portée à 7 ans par la loi de finance 2021 - à l?issue de laquelle la tarification incitative doit être généralisée, ou abandonnée. Cet allongement de deux ans ne résout pas fondamentalement le problème qui retient de nombreuses collectivités de se lancer dans la démarche ; 2. permettre la mise en oeuvre d?une tarification incitative collective sur tout un territoire, ou autoriser la cohabitation des deux types de tarification incitative (individuelle et collective) au sein d?un même territoire. Une métropole adhérente a ainsi étudié trois scénarios de passage à l?incitatif : un basculement en REOMi, l?instauration d?une TEOMi, ou la mise en place d?une « tarification incitative collective », basée sur une production de déchets mesurée collectivement par secteur (communes, quartiers de la ville centre). Dans ce dernier scénario, la répartition des quantités de déchets, sur lesquelles seraient appliquées des tarifs, serait en fonction de la valeur locative de chaque local soumis à la TEOM, au prorata de la valeur locative du secteur (ménages et professionnels, hors bases des locaux non-utilisateurs). L?objectif de cette solution est de créer des Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 180 COUR DES COMPTES dynamiques collectives de réduction des déchets sur les zones concernées, d?éviter certains comportements d?évitement (jets clandestins etc.) parfois associés à la tarification individuelle, et de consacrer plus de moyens aux actions de prévention, plutôt que de les affecter aux importantes tâches administratives et opérationnelles nécessaires à la mise en oeuvre d?une tarification individuelle. La tarification incitative collective mériterait, dans l?esprit de la loi 3DS, d?être expérimentée dans des collectivités volontaires sur la totalité de leur territoire ou, au choix des collectivités, n?être activée que dans les zones denses, avec une tarification incitative individuelle dans les zones de faible densité. Nous notons avec satisfaction que cette dernière proposition est citée dans le rapport de la Cour. Réduire la production de déchets produits à la source... Au-delà des questions de fiscalité, il nous semble indispensable de considérer l?ensemble de la chaîne de « production de déchets », car plan de réduction drastique des tonnages ne saurait reposer sur le seul aval, c?est-à-dire une fois que le déchet a été créé. Il faut agir le plus en amont possible, en poursuivant les efforts de développement d?une économie circulaire et de la fonctionnalité, en interdisant les emballages objectivement inutiles et en réduisant le volume de tous ceux qui peuvent l?être, et en envoyant un signal prix au moment où il est le plus efficace pour orienter les choix de consommation et éviter que le déchet ne soit créé, c?est-à-dire au moment de l?acte d?achat. Or le financement du traitement du SPGD, qui repose aujourd?hui à 80 % sur les collectivités, traduit un profond déséquilibre entre acteurs que France urbaine juge impératif de corriger pour tendre a minima vers la parité. La proposition C.4 de la Convention citoyenne pour le climat, citée par la Cour, de « remplacer une part significative de la taxe d?enlèvement des ordures ménagères (TEOM) par des modalités plus justes et favorisant les comportements écoresponsables » peut aussi s?entendre comme un nécessaire rééquilibrage des responsabilités et des contributions entre acteurs. La TGAP dans sa version actuelle mériterait ainsi d?être entièrement revue, car si l?objectif de réduction des mises en décharge et d?incinération est évidemment légitime, la forte augmentation décidée par la loi de finances 2019 pénalise fortement les collectivités et, comme le souligne la Cour, « cette hausse uniforme a l?inconvénient de frapper indistinctement les déchets qui pourraient être mieux triés grâce à l?intervention des collectivités et les déchets non recyclables du fait des choix techniques des entreprises sur les volumes desquels les collectivités ne disposent d?aucun moyen d?action. » D?autant que contrairement aux Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 181 demandes réitérées des collectivités, les recettes supplémentaires générées par cette hausse n?ont pas été fléchées vers des projets d?économie circulaire, et que la mise en place des nouvelles filières REP prévue par la loi AGEC de 2020, qui devait constituer l?une des contreparties de la hausse de la TGAP, a pris un retard (bâtiment, bricolage, jouets et sport, notamment) qui n?a fait l?objet d?aucune compensation pour les collectivités373. La question de l?instauration d?une taxation amont de tous les déchets non ou difficilement recyclables, qui avait fait l?objet d?un débat lors du vote de l?augmentation de la TGAP en 2019, doit à nos yeux être relancée. Cette taxation, qui enverrait le signal prix évoqué supra, pourrait prendre la forme d?une TGAP dite « amont », ou d?une REP « déchets résiduels », qui garantirait un retour des recettes afférentes aux collectivités374. Les recettes dégagées par ces nouvelles taxes amont (et l?augmentation de taxe aval décidée en 2019) pourraient ainsi être affectées à des fonds ou actions de réduction des déchets à la source, qu?il s?agisse : - du fonds « économie circulaire » de l?ADEME visant à « accompagner la politique des pouvoirs publics et orienter le comportement des acteurs et les investissements en multipliant les actions de prévention portées par les collectivités locales et les entreprises, en déployant les démarches territoriales intégrées de prévention et de gestion, et en soutenant les investissements de tri, de recyclage, de valorisation organique et énergétiques nécessaires »375 ; - de subventionner la collecte des biodéchets, dont la valorisation deviendra obligatoire au 1er janvier 2024, et qui n?est pas aujourd?hui aidée ; 373 Le déséquilibre des efforts se lit aussi dans le niveau d?efforts demandés aux collectivités par rapport aux acteurs économiques : la loi AGEC votée en 2000 fixe en effet un objectif de réduction de 15 % des quantités de DMA produits par habitant, quand elle ne demande un effort limité à 5 % sur les quantités de déchets résultant d?activités économiques (par unité de valeur produite). 374 Les éco-contributions associés à une REP « déchets résiduels » pourraient par ailleurs être modulées en fonction de l?intégration en amont par le fabricant d?une démarche de développement durable (ex : utilisation de matières recyclées). 375 https://expertises.ademe.fr/economie-circulaire/dechets/passer-a-laction/fonds- economie-circulaire Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://expertises.ademe.fr/economie-circulaire/dechets/passer-a-laction/fonds-economie-circulaire https://expertises.ademe.fr/economie-circulaire/dechets/passer-a-laction/fonds-economie-circulaire 182 COUR DES COMPTES - ou de créer un fonds spécifique d?aide aux actions de prévention de la production de déchets à la source, actions qui comme le souligne la Cour dans le paragraphe B/ du rapport mériteraient d?être renforcées, tant qualitativement que quantitativement. France urbaine s?est constamment positionnée en faveur de la prévention et de la réduction de la production de déchets à la source, en poussant cet axe pendant les débats parlementaires autour de la loi AGEC, ou en participant à des initiatives comme celle des territoires zéro plastique376. La prévention et la réduction sont les volets prioritaires à privilégier et à renforcer, tout comme le respect de la hiérarchie des modes de traitement des déchets inscrite dans le code l?environnement : réutilisation, recyclage, valorisation et élimination377. La création d?un tel fonds apparaît d?autant plus nécessaire que si nous partageons entièrement la nécessité d?allouer un volant plus important de crédits au volet prévention, le contexte budgétaire, marqué par la poursuite de la hausse de la TGAP, et l?impact des coûts afférents à la collecte séparative des biodéchets, qui devrait selon l?ADEME être de l?ordre de 15 à 25 ¤ par habitant378, va réduire les marges de manoeuvre budgétaires des collectivités. Telles sont les observations que nous souhaitions porter à votre connaissance. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE (AMF) Vous avez bien voulu transmettre à l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité le projet de rapport public thématique intitulé « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser » et je vous en remercie. L'AMF souhaite vous faire part de ses remarques concernant, d'une part vos recommandations, et d'autre part votre analyse plus générale de la gestion des déchets. Concernant les recommandations n°1 à n°5, qui ont pour objectifs de simplifier et de rationaliser les documents de planification et de suivi, mais également de mettre en place six indicateurs de suivi, l'AMF appuie 376 Guide « territoires zéro pollution plastique », WWF des territoires zéro plastique, WWF, septembre 2020 : https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2020- 09/20200920_Guide_Territoires-Zéro-Pollution-Plastique_WWF.pdf 377 Article L. 541-1 II du Code de l?Environnement 378 https://agirpourlatransition.ademe.fr/collectivites/fiches/valorisation-biodechets-agir Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2020-09/20200920_Guide_Territoires-Zéro-Pollution-Plastique_WWF.pdf https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2020-09/20200920_Guide_Territoires-Zéro-Pollution-Plastique_WWF.pdf https://agirpourlatransition.ademe.fr/collectivites/fiches/valorisation-biodechets-agir RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 183 ces recommandations. La multiplication de documents ayant sensiblement les mêmes objectifs nuit à la clarté de la politique de prévention et de gestion des déchets. Les acteurs opérationnels s'épuisent à fournir des données pour alimenter des démarches de planification qui sont obsolètes à peine publiées. C'est particulièrement vrai pour les plans régionaux qui ont fait l'objet de nombreuses modifications législatives ou réglementaires nécessitant une refonte des documents. L'AMF estime donc qu'il est préférable de mettre en oeuvre un plan imparfait plutôt que de perfectionner sans cesse un document qui restera incomplet. Les collectivités ont besoin de temps et de visibilité pour donner un sens à une démarche de planification. Concernant les indicateurs de suivi, l'AMF ne peut que converger avec votre analyse. Comme les autres acteurs de la gestion des déchets, les collectivités sont sollicitées pour fournir des données afin d'alimenter un grand nombre d'études initiées par l'ADEME. En dehors du fait que ces données étant spécifiques à chaque étude, elles demandent souvent des recherches et des calculs, augmentant de ce fait le temps qui leur est consacré, elles sont trop spécifiques à l'objet de l'étude pour pouvoir être utilisées pour le suivi de la mise en oeuvre de la politique des déchets. Épuisées par ces demandes incessantes de données, les collectivités éprouvent un agacement certain de ne pas pouvoir obtenir des indicateurs fiables en retour. Sans remettre en cause la pertinence des études réalisées, l'ensemble des acteurs, et les collectivités en particulier, ont besoin d'indicateurs faciles à renseigner, raisonnablement fiables et surtout stables dans le temps, afin de constituer des séries statistiques susceptibles de mesurer les évolutions constatées. L'harmonisation des différents bilans et rapports demandés aux EPCI éviterait également la dispersion des informations, qui rendent souvent illisibles des documents, pourtant destinés à informer les citoyens. Cette standardisation, qui n'empêche pas les collectivités d'y ajouter des informations à caractère plus local pour leurs administrés, permettrait également une meilleure comparaison, voire une compilation plus aisée de ces documents. Il serait également pertinent de mettre en place des indicateurs, nationaux et locaux, qui pourraient être communiqués rapidement car ils sont calculés sur la base de données à date, sans attendre la clôture définitive de tous les comptes. Par exemple, les tonnages collectés et recyclés, ainsi qu'une estimation fiable des dépenses engagées et des recettes perçues, sont disponibles au premier trimestre de l'année suivante. Ces données, même incomplètes, pourraient être utilisées pour mettre en place des indicateurs immédiatement disponibles et sans attendre deux ans Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 184 COUR DES COMPTES une validation statistique qui portera sur une variation inférieure à 5%. Les collectivités de traitement sont en capacité de renseigner de tels indicateurs rapidement, ce qui permettrait aux EPCI de disposer d'un meilleur suivi de la gestion de leurs déchets. A l'échelle nationale, les autorités publiques gagneraient également à disposer d'indicateurs moins précis, mais plus fréquents, afin de mieux suivre les politiques publiques mises en place. L'AMF est également sensible à votre recommandation de décliner les plans de prévention élaborés par les syndicats de traitement au niveau de chaque EPCI. Nous suggérons même, dans la mesure du possible, de laisser chaque commune s'approprier certains éléments de ce plan pour les mettre en oeuvre. Si la collecte et le traitement sont des opérations techniques qui bénéficient de la mutualisation, la prévention des déchets est l'affaire de chacun, qui peut agir à son échelle. Concernant votre recommandation n°6 qui propose de favoriser la mise en place de la tarification incitative en allégeant le coût pour les collectivités grâce à un financement complémentaire de 80% sur les premiers exercices, l'AMF trouve cette proposition intéressante et adaptée aux obstacles rencontrés pour effectuer les investissements nécessaires. Nous avons particulièrement apprécié la mesure et les nuances de votre analyse concernant les difficultés rencontrées par les collectivités pour mettre en place la tarification incitative. Dans ce domaine, les collectivités ne sont pas opposées à cette évolution de la tarification des déchets, mais elles sont inquiètes face à la perspective de plusieurs risques : la fragilisation de leurs ressources alors qu'elles ont besoin d'assurer un service de salubrité, les investissements conséquents que représente l'acquisition des matériels nécessaires (identification des bacs, bennes équipées de systèmes de mesures, logiciels de suivi), la crainte d'une multiplication des dépôts sauvages et la gestion des impayés. La gestion des impayés tend à devenir de plus en plus en plus difficile et fait peser des risques financiers sur les collectivités. C'est le cas des redevances qui ne permettent pas de compenser les déficits par le budget général. Il devient urgent de traiter ces problèmes si les pouvoirs publics veulent réellement inciter les collectivités à la mettre en oeuvre. S'agissant de la TEOM, l'AMF partage votre souhait de clarification du périmètre des dépenses prises en compte. Toutefois, nous trouvons regrettable que la jurisprudence tende à exclure des dépenses éligibles le ramassage des corbeilles de rue, le nettoyage des marchés alimentaires et forains ; il s'agit de déchets ménagers et assimilés ou de déchets des services des collectivités (de la voirie plus particulièrement), collectés dans le cadre du service public afin d'assurer la salubrité et traités avec Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 185 les autres DMA. Dans le contexte actuel, il semble inutile et non pertinent d'ouvrir ce chantier. Concernant votre recommandation n°9 qui ouvre la possibilité pour les collectivités de confier la vente des produits issus du tri à l'éco- organisme des emballages, l'AMF est particulièrement attentive à ce que cette opportunité soit fondée sur le volontariat des collectivités. De plus, les marchés des matériaux ayant des caractéristiques différentes en fonction des matières, il est préférable que ce choix soit effectué matériau par matériau, comme c'est le cas pour les options de reprise. Concernant la prévention, son arrivée dans le débat public encourage les collectivités à mettre en place des politiques dépassant largement la seule sensibilisation. Il serait regrettable que la prévention soit réservée uniquement aux intercommunalités et aux syndicats de gestion des déchets. Si la réduction des déchets a des impacts directs sur les quantités et la qualité des déchets gérés, elle se prépare bien en amont. Les politiques de prévention doivent être partagées par tous les niveaux des collectivités, dans la gestion de leurs propres déchets, mais aussi dans la mise en oeuvre de leurs autres politiques. Toutefois, I'AMF est opposée à l'idée d'adosser systématiquement des ressourceries aux déchèteries. En effet, les déchèteries sont situées dans des zones peu attractives et les particuliers s'y rendent uniquement pour se débarrasser de leurs déchets puis en repartent aussitôt. Ils ne viennent pas pour y faire des achats. Le succès de l'initiative de la « déchèterie à l'envers » n'est pas reproductible partout. Que les déchèteries servent à alimenter les ressourceries est tout à fait envisageable, mais les déchets récupérés pour réemploi ne doivent pas rester sur le même site. Les déchèteries ne sont pas aménagées pour cela et le risque de pillage et de violence n'est pas négligeable. Et quoi qu'il en soit, cette décision est du domaine de la libre administration des collectivités. Concernant la gestion des déchets produits par les activités économiques, l'AMF tient à faire observer que, si la gestion des déchets des particuliers fait l'objet de nombreux contrôles à travers les collectivités et les éco-organismes, il n'en est pas de même des déchets des activités économiques, qui représentent des tonnages dix fois supérieurs. Les difficultés rencontrées pour faire appliquer le décret « 5 flux » puis « 7 flux », en sont l'illustration. En effet, les services de l'État sont compétents pour les installations de traitement des déchets, les maires pour les espaces publics et la voirie, mais personne ne peut contrôler la gestion des déchets à l'intérieur des entreprises. Cette dissymétrie dans les obligations et les responsabilités nuit à l'efficacité de la politique nationale de gestion des déchets. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 186 COUR DES COMPTES L'AMF ne partage pas votre souhait de voir les déchets des professionnels rejoindre les installations de collecte des collectivités, notamment les déchèteries. Depuis plus de 10 ans, les collectivités gérant des déchèteries essaient d'éviter d'accueillir les déchets de professionnels. En effet, les professionnels n'ont ni les mêmes attentes que les particuliers (notamment en terme d'horaires d'ouverture ou de volumes acceptés), ni les mêmes déchets (déchets dangereux spécifiques aux activités professionnelles, quantité et taille des cartons d'emballages par exemple). De ce fait, les professionnels ne sont pas satisfaits du service et la présence des déchets professionnels perturbe le fonctionnement pour les particuliers. De plus, il est souvent difficile de faire payer le service par les professionnels alors qu'il semble gratuit pour les particuliers (en fait il est payé par leurs impôts). Dans ce cas, la gestion des déchets des professionnels est financée par les ménages. Enfin, lorsqu'il existe une filière REP pour les déchets ménagers, l'accès des professionnels à la déchèterie conduit la collectivité à devoir payer pour le traitement des déchets des professionnels, qui ne sont pas de sa compétence, alors que la filière REP prend en charge gratuitement les déchets des ménages. C'est pourquoi, les collectivités sont réticentes à accueillir les déchets des professionnels dans leurs installations car ils sont sources de désorganisation, de problèmes techniques et de pertes financières. En outre, l'acceptation des déchets des professionnels dans les dites installations nuit à la mise en place de solutions pertinentes de valorisation de ces déchets. Cette situation prolonge l'existence de solutions à faibles coûts pour les déchets des professionnels qui ne permettent pas de dégager les financements nécessaires aux investissements. Concernant la collecte des déchets des ménages, l'AMF vous signale que vous n'avez pas mentionné la collecte pneumatique dans les modes d'organisation cités dans votre rapport. Bien que limitée à certains territoires, elle aurait mérité une analyse, notamment de son coût et de son efficacité. Par ailleurs, la répartition entre le porte-à-porte et l'apport volontaire est en train de bouger. En effet, certaines collectivités s'interrogent sur le coût environnemental de la collecte en porte-à-porte, notamment en matière de contribution à la pollution atmosphérique et à l'utilisation de carburants. La difficulté à organiser les calendriers de collecte, surtout avec la multiplication des collectes séparées, conduit certaines collectivités à envisager d'autres organisations. Cette réflexion est trop récente pour en tirer des conclusions dès à présent, mais elle intéresse de plus en plus de collectivités. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 187 Concernant la collecte et la valorisation des déchets biodégradables, l'AMF partage votre constat d'un faible développement des collectes séparées des biodéchets. Toutefois, cette situation tient essentiellement à la faiblesse des débouchés. Depuis presque un an, les collectivités attendent une modernisation des normes « compost » qui serait de nature à sécuriser les utilisateurs et les producteurs de compost. En fait les différents ministères concernés (en particulier ceux de l'environnement et de l'agriculture) ne semblent pas arriver à trouver un accord sur les normes nécessaires. Les perspectives de débouchés qui semblaient s'ouvrir avec le développement de la méthanisation ont été déçues pour plusieurs raisons : une difficulté à trouver le cadre juridique pertinent pour une coopération avec les opérateurs de méthanisation agricole, la gestion des digestats qui se heurtent aux mêmes difficultés que les composts, mais surtout l'impossibilité d'implanter des installations de méthanisation. Alors que l'économie circulaire commence à intéresser le public, il est encore plus difficile de faire accepter les installations nécessaires aux riverains. Dans ce contexte difficile, les collectivités déplorent la grande prudence des pouvoirs publics, au niveau préfectoral comme au niveau national, qui se traduit par un faible appui aux projets en matière de méthanisation. Tant que les incertitudes sur les débouchés ne seront pas levées, les collectivités continueront à expérimenter des modalités de collecte ; elles pourront les déployer largement quand il existera réellement des débouchés. Enfin, une association des communes au développement des collectes de proximité organisées par les EPCI permet de lever certains obstacles locaux et d'améliorer la sensibilisation des habitants. Concernant la collecte séparée des emballages plastiques, l'AMF ne partage pas votre appréciation. En effet, à la fin du premier trimestre 2022, toutes les collectivités avaient déposé un dossier de modification de leurs centres de tri et nous pouvons raisonnablement penser que l'ensemble des territoires métropolitains passera à l'extension des consignes de collecte en 2023. Les territoires ultramarins auront besoin d'un délai supplémentaire en raison de leurs contraintes spécifiques. Si la collecte sera au rendez-vous de l'échéance de 2023, la rénovation et l'adaptation de la totalité des centres de tri ne seront pas terminées au 1er janvier 2023. Ces retards ont des causes multiples : débat sur la consigne qui a conduit certaines collectivités à suspendre leurs projets dans l'attente d'une plus grande visibilité sur les produits entrant dans le centre de tri (présence ou non des bouteilles), décalage de certaines décisions en raison des circonstances des élections municipales, perturbations du calendrier des travaux du fait de la crise sanitaire, saturation des carnets de commandes des équipementiers. Pour prévenir Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 188 COUR DES COMPTES les conséquences de ces retards, l'éco-organisme des emballages et les collectivités ont mis en place des solutions transitoires, afin de trier les tonnages collectés dans de bonnes conditions et sans dégrader la qualité, même pendant la période d'indisponibilité de certains nouveaux centres. Concernant la valorisation des matériaux, l'AMF confirme que la complexité et la spécialisation des marchés des matériaux recyclables rend leur commercialisation de plus en plus difficile pour les collectivités : leur fonctionnement n'est pas adapté à la réactivité nécessaire. La priorité pour les collectivités, qui a été un préalable à leur participation aux filières REP dès 1992, reste l'enlèvement des déchets triés, à coût positif ou nul au départ du centre de tri ; elles ne peuvent pas arrêter de collecter et leurs capacités de stockage sont limitées. En conséquence, si les collectivités doivent renoncer à la commercialisation des matériaux triés (et aux recettes qui les accompagnent), c'est à la condition non négociable d'avoir la garantie des enlèvements. Cette exigence est valable pour toutes les filières REP. Concernant l'incinération, l'AMF regrette la dégradation du parc des unités de valorisation énergétique depuis plus de 15 ans. L'effort de modernisation, notamment en ce qui concerne les traitements des fumées, qui a été mené dans les années 1990-2000, s'est heurté ensuite à l'impopularité des installations de traitement. Les difficultés d'implantation et l'hostilité des pouvoirs publics n'ont pas permis d'investir dans les capacités nécessaires, ni parfois de procéder aux rénovations indispensables. Une intense campagne de communication « anti-incinération » a parfois conduit à compromettre des opérations de valorisation énergétique ; des occasions de développement de réseaux de chaleur ont été écartées. Même la constatation que cette politique bénéficiait surtout à la mise en décharge n'a pas permis une révision réelle de l'absence de soutien de l'État. Le développement des combustibles solides de récupération est actuellement entravé par des obstacles réglementaires, alors que leur production présente des avantages en matière de stockage et de souplesse d'utilisation. L'incinération aux normes les plus exigeantes constitue un des maillons dans la chaîne du traitement des déchets par une valorisation énergétique pertinente. Il n'est pas possible de réduire et de recycler la totalité des déchets, même s'il existe encore d'importantes marges de progression. Pour développer la réutilisation et le recyclage, il faut massivement investir dans la création de débouchés pour les matériaux. En l'absence de débouchés, la réduction arbitraire des capacités d'élimination ne permet pas de développer le recyclage, mais elle favorise les solutions illégales et les Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 189 dépôts sauvages. A cette occasion, l'AMF regrette qu'il ne soit pas prévu d'utiliser l'augmentation de la TGAP pour soutenir financièrement les investissements nécessaires dans le domaine de l'économie circulaire, par exemple pour le déploiement des nouvelles collectes, la construction des infrastructures et des installations nécessaires, mais aussi la création de débouchés innovants. La TGAP devient une simple sanction, loin des ambitions de développement et d'amélioration qui existaient lors de sa création Concernant la gestion des dépôts sauvages, l'AMF regrette que cette question ne soit pas abordée dans votre rapport. Il est vrai qu'elle ne relève pas de la gestion des déchets au sens strict et qu'elle n'est pas de la compétence des mêmes collectivités. Toutefois, l'existence des dépôts sauvages est directement liée aux faiblesses de la politique de gestion des déchets. En effet, l'absence de contrôles, notamment des déchets des professionnels, le manque d'installations de traitement et les difficultés opérationnelles de sanctionner les actes d'incivisme sont des causes de l'existence de certains dépôts sauvages. Leur élimination constitue la principale difficulté pour les élus et leurs équipes, c'est également la première source de nuisances évoquées par les habitants au sujet des déchets. Si la loi AGEC a apporté quelques améliorations, les collectivités restent seules et démunies pour lutter contre ce fléau. L'ampleur du phénomène ne permet plus de se contenter de perfectionner les moyens à la disposition des collectivités, il faut mobiliser l'ensemble des autorités publiques, depuis les collectivités jusqu'à l'État, en passant par le ministère de la Justice. Les élus, en particulier les maires, sont déterminés à lutter contre les dépôts sauvages, mais ils ne pourront pas en venir à bout seuls, et il leur faut des moyens juridiques. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA MÉTROPOLE DE LYON Par lettre du 28 juillet 2022, vous m?avez communiqué le rapport public thématique que la Cour des Comptes se propose de publier prochainement sur la prévention, la collecte et le traitement des déchets ménagers. J?ai pris connaissance avec un très vif intérêt des observations formulées par la Cour sur la gestion de cette politique publique essentielle, à laquelle la Métropole de Lyon accorde la plus grande attention. Ces observations confirment la pertinence des orientations retenues par notre collectivité, à la faveur de l?adoption, en juin 2022, du schéma directeur des déchets à l?horizon 2030. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 190 COUR DES COMPTES La Métropole de Lyon vise en effet la sobriété en matière de consommation et de production de déchets et une meilleure valorisation des déchets résiduels produits. Nos objectifs pour 2030 sont de réduire de 25 % la production de déchets par habitant, de 50 % la quantité incinérée et d?atteindre 60 % de valorisation matière (réemploi, recyclage, compostage?) des déchets ménagers et assimilés. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, un plan d?actions articulé autour de trois axes a été défini. Tout d?abord, déployer des solutions adaptées aux usagers pour réduire et trier les déchets. La Métropole de Lyon va développer des équipements complémentaires pour mieux trier (silos à verre, silos à emballages, silos textiles) sur l?ensemble du territoire métropolitain. D?ici 2024, elle équipera l?ensemble des quartiers densément peuplés, de bornes à compost (1 million d?habitants couverts par ce nouveau service) pour permettre le tri de tous les déchets alimentaires. En parallèle, les distributions de composteurs pour les habitants en maison individuelle et les installations de composteurs partagés en pied d?immeuble ou dans les quartiers, seront poursuivies. Les déchèteries existantes seront modernisées en vue de favoriser le don, le réemploi, la réutilisation et le recyclage. Ainsi, des écocentres verront prochainement le jour sur le territoire. Ensuite, accompagner les usagers dans le changement de pratiques. La Métropole va mettre en place une communication régulière et ciblée pour faire connaître les nouveaux services mis à disposition des usagers, mais aussi pour les informer sur la qualité du tri et sur la quantité des déchets produits. Pour inciter au changement, le nombre de personnes sensibilisées par an sera doublé, passant de 70 000 à 140 000. Une attention particulière sera portée aux jeunes publics, notamment les scolaires et collégiens. En complément, la Métropole de Lyon déploiera des opérations de contrôle et de sanction. Elle prévoit ainsi d?assermenter 180 agents pour faire respecter le règlement de collecte des déchets ménagers et assimilés. Enfin, faire des déchets des ressources durables. Pour répondre aux objectifs métropolitains, la collectivité doit, en lien avec les territoires voisins, augmenter les capacités de tri et de valorisation de la collecte sélective par la création d?un nouveau centre de tri. Parallèlement, des plateformes de compostage métropolitaines seront créées pour accueillir et traiter les déchets alimentaires collectés via les bornes à compost. Enfin, les deux incinérateurs du territoire devront également être modernisés et repensés à horizon 2030, afin de s?adapter Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 191 aux évolutions quantitatives et qualitatives des déchets et de développer des partenariats et des mutualisations avec les territoires voisins. Ainsi, au-delà de budgets de fonctionnement significatifs, quelques 145 M¤ seront consacrés en investissements à la politique des déchets pendant le mandat 2020-2026. Telles sont les précisions que j?estimais utiles de porter à votre connaissance. MADAME LA PRÉSIDENTE DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE L'ÎLE D'OLÉRON Par courrier en date du 28 juillet 2022, vous me proposez de réagir au rapport public thématique intitulé "Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser". La région Bourgogne- Franche-Comté a une responsabilité en termes de planification régionale de la prévention et de la gestion des déchets, suite au transfert de compétence issue de la loi NOTRé du 08 aout 2015. L'analyse du rapport amène les observations suivantes : Élaboration du PRPGD (p. 33) La Région a adopté en novembre 2019 son Plan Régional de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD) qui fait désormais partie intégrante du SRADDET, adopté en 2020. ? La loi NOTRé a transféré aux Régions l'élaboration des PRPGD, imposant des délais impossibles à tenir (février 2017) pour des collectivités nouvelles, issues des fusions au 1 er janvier 2016. Le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté a choisi néanmoins de prendre le temps nécessaire à la concertation tout en accélérant l'élaboration de son PRPGD afin de répondre à la demande de l'État dans le cadre du précontentieux qui l'oppose à l'Union Européenne. Sachant que, par ailleurs, les procédures administratives entre l'arrêt du projet et l'approbation du plan, qui s'étalent sur une année complète, viennent raccourcir d'autant les phases rédactionnelles. Le PRPGD a donc, dans les faits, été rédigé dès l'automne 2018. Ce temps, très contraint, n'a pas permis de creuser des solutions opérationnelles ni d'engager dans le même temps la création d'un observatoire à l'échelle du territoire. ? L'état des lieux des gisements, en particulier issus des acteurs économiques et du BTP, a été et reste très aléatoire en raison de la multitude des producteurs, majoritairement des TPE. Par ailleurs, les Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 192 COUR DES COMPTES données présentes dans les bases de l'État ne concernent pas tous les producteurs et ne constituent donc qu'une source d'information partielle. ? L'élaboration du PRPGD s'est faite en concertation avec les acteurs du territoire afin de définir des objectifs communs de réduction, de valorisation et de gestion des déchets. La rédaction du document final s'est faite en étroite collaboration avec les services de la DREAL et de l'ADEME, en particulier concernant la planification des installations de stockage, usines d'incinération et centres de tri des DMA. ? Le conseil régional n'ayant pas autorité en matière d'ouverture ou de fermeture des installations de traitement (p. 34), mission qui incombe aux services de l'État, nous avons eu une approche par bassin et en tenant compte des réalités de terrain afin de proposer une adéquation des capacités et des gisements. Vous noterez que, dans le temps d'élaboration du PRPGD, de nouvelles autorisations ont été accordées par l'État et sont venues modifier la trajectoire concernant la baisse des capacités de traitement sur notre territoire, décalant de trois ans l'atteinte des objectifs prévus dans le Plan. La Région avait suggéré aux services de l'État qu'ils prononcent un sursis à statuer, par analogie à cette faculté existant dans le droit de l'urbanisme ; ceux-ci n'ont pas souhaité donner suite. ? De même, le conseil régional ne peut prévoir la création d'installations de gestion ou traitement, création qui appartient au domaine concurrentiel, limitant ainsi le pouvoir de planification à constater des décalages entre les besoins et les capacités présentes sur le territoire. ? Enfin, il est nécessaire de rappeler que la mise en oeuvre de cette nouvelle mission dévolue aux Régions n'a fait l'objet, en Bourgogne- Franche-Comté, d'aucun transfert de ressources humaines des Départements et d'une compensation financière équivalente à 20 K¤ du département de la Haute-Saône sans commune mesure avec la charge transférée. Madame la préfète de Région n'a pas donné suite à la demande de la Région de prononcer le transfert de charges de 5 équivalents temps plein issus des 8 départements de Bourgogne- Franche-Comté, dont l'existence était pourtant avérée. Par ailleurs, les Régions ont proposé à l'État depuis plusieurs années, un transfert partiel de TGAP afin d'accélérer la mise en oeuvre des actions sur le terrain. La possibilité de gestion d'une partie du fonds déchets de l'ADEME ne constitue pas une réponse satisfaisante à cette demande car le budget global alloué aux territoires reste constant et serait délégué aux Régions sous l'autorité de l'ADEME, limitant strictement l'intérêt et les marges de manoeuvre pour les Régions. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 193 Mise en oeuvre du PRPGD ? Depuis la rédaction du PRPGD (projet achevé fin 2018), de nombreuses actions ont été mises en place par la Région. En premier lieu, la réglementation imposait un plan d'action économie circulaire, inclus dans le PRPGD. La région Bourgogne-Franche-Comté a fait le choix de se doter dès juin 2020, d'une Feuille de Route Économie Circulaire (FREC) très opérationnelle qui permet de décliner des actions de terrain en coopération avec les acteurs du territoire (téléchargeable sur notre site internet : https://www.bourgognefranchecomte.frivers-le-zero- dechet) (p. 65-73). ? Concernant l'animation du territoire, la région BFC anime un réseau des collectivités en complément du réseau A3P porté par l'ADEME et soutient financièrement d'autres réseaux portés par des acteurs de notre territoire. Chaque année, une thématique fait l'objet d'une déclinaison en termes de communication et de soutien aux actions : vrac, réemploi, biodéchets. ? La Cour salue les initiatives de financement des équipements par certaines Régions. La Région ne dispose pas de clause générale de compétence depuis la loi NOTRé. Par conséquent, elle ne peut engager des financements qu'autre titre de sa compétence planification. Il convient, en effet, de rappeler que le mode de financement de la gestion des déchets (p. 43-48) repose sur la TEOM et/ou la REOM pour service rendu, les financements ADEME provenant de la TGAP et les éco- organismes, prélevant les contributions des producteurs de déchets. Pour autant, la Région finance depuis 2018 en cogestion avec l'ADEME, avec un renfort budgétaire notable en 2021 via le Plan d'Accélération de l'Investissement Régional (PAIR), des projets d'économie circulaire, d'installations de traitement et, depuis 2020, des projets liés à la généralisation du tri à la source des biodéchets. ? Enfin, pour ce qui est de l'observation (p. 33), la Région est désormais dotée d'un observatoire régional, porté par l'association ALTERRE BFC et en cours de mise en place d'un outil de collecte des données innovant qui permettra à l'avenir de limiter les sollicitations des producteurs et de favoriser les échanges avec d'autres bases existantes. L'enquête relative à la collecte et aux traitements des DMA a été mise en oeuvre sous maitrise d'ouvrage de la Région en 2021. Par ailleurs, la Région participe activement aux ateliers menés par l'ADEME nationale dans le but d'améliorer et d'harmoniser la collecte des données. Il est rappelé que la région Bourgogne-Franche-Comté a déjà déposé le 15 avril 2022 un certain nombre de remarques sur la plateforme, Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 194 COUR DES COMPTES suite à la sollicitation que la Cour des Comptes avait faite auprès de Régions de France. Nos premières remarques n'ont toutefois pas été intégrées dans le projet définitif. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL DE BRETAGNE Je tiens tout d?abord à redire que je partage l?analyse de Régions de France, retranscrite dans son courrier du 11 avril dernier. Les problématiques et les conditions particulières encadrant la mise en oeuvre de la compétence régionale de la planification de la prévention et de la gestion des déchets y sont parfaitement traduites et illustrent concrètement les difficultés que nous rencontrons aussi en Bretagne. Dès le transfert de compétence issu de la loi NOTRé, la Région s?est largement engagée dans son rôle de chef de file et d?animation pour la prévention et la gestion des déchets, tous flux confondus. En dépit d?un contexte réglementaire marqué depuis plusieurs années par de nombreuses évolutions législatives, non toujours transcrites rapidement de façon opérationnelle, la Région a adopté en mars 2020 son PRPGD, en juillet 2020 une Feuille de route bretonne dédiée à l?Économie circulaire, et son SRADDET en novembre 2020. Le PRPGD breton est le fruit de démarches partenariales et concertées avec l?ensemble des parties prenantes de la prévention et de la gestion des déchets. Outre les 10 principes fondamentaux du plan, les 18 objectifs inscrits dans le PRPGD déclinent et renforcent, en prenant en compte le contexte et les particularités bretonnes, les objectifs européens et nationaux. Une trajectoire très ambitieuse est fixée par la Région dans le PRPGD avec le « zéro enfouissement des déchets » à l?horizon 2030 et le « zéro déchets » en 2040. Le déploiement de l?économie circulaire, la recherche de l?efficacité collective et l?engagement de tous au quotidien constituent autant de moyens pour y parvenir. Malgré la volonté clairement partagée par la Région et l?ensemble des partenaires et acteurs concernés en Bretagne de relever les défis, le déploiement de certaines actions de prévention et de gestion des déchets reste complexe. Certaines dispositions structurelles, règlementaires, techniques ou financières limitent l?efficacité de l?action et l?engagement des collectivités locales, des opérateurs et acteurs des déchets sur le terrain. Le déploiement actuel des nouvelles filières REP par certains éco- Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 195 organismes, parfois insuffisamment partagé avec les collectivités pourtant directement concernées, ou encore l?absence de moyens d?accompagnement suffisants pour les installations de combustion (chaudières CSR) constituent deux exemples parmi bien d?autres, révélateurs des difficultés auxquelles doivent faire face les parties prenantes bretonnes. La Région entend pourtant, malgré toutes ces difficultés, relever les défis et poursuivre son engagement, avec conviction, sens des responsabilités et sans relâcher ses efforts. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL GRAND EST Par une correspondance en date du 28 juillet 2022, vous avez bien voulu porter à ma connaissance le rapport public thématique intitulé « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser », et je vous en remercie. - J?ai procédé à une lecture attentive de ce document et souhaite vous apporter des éléments de réponse. Concernant le chapitre III / A ? 2 « La nécessité d?une meilleure coordination des investissements La Région Grand Est, en co-animation avec la DREAL Grand Est, rassemble dans un groupe de travail depuis février 2019, l?ensemble des exploitants des installations de stockage de déchets non dangereux et de valorisation énergétique (UVE), ainsi que les plus gros producteurs de déchets. L'objectif de ce groupe de travail est de permettre une optimisation du traitement des flux de déchets résiduels, dans le respect des préconisations et des règles du SRADDET, à savoir : - Principe de proximité (gestion des déchets au plus près de leur zone de production, et de proche en proche) ; - Respect de la hiérarchie des modes de traitement en saturant les incinérateurs. L?objectif est de mettre autour de la table l?ensemble des acteurs afin de faire des projections quasiment en temps réel des besoins en matière de traitement, et d?anticiper les éventuels points de blocage. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 196 COUR DES COMPTES Ces derniers peuvent être liés aux arrêts techniques, aux incidents et accidents et aux situations exceptionnelles. La région a été marquée par une suite d?évènements entre 2016 et fin 2019, qui ont fortement réduit ses capacités de traitement jusque ce début d?année 2022. Le partage des données régionalisées (sur les tonnages stockés et incinérés, les coûts appliqués, les besoins de détournements de flux vers d?autres exutoires et la prise d?arrêtés d?exploiter par les préfets concernés) a permis d?assoir le rôle de la Région en tant que planificateur. La non augmentation des capacités de stockage fortement demandées par les acteurs, même pendant les années difficiles, a été respectée. Le partenariat Région / DREAL a par ailleurs montré sa force dans le rassemblement d?acteurs à la base concurrents, pour trouver ensemble les solutions. Ainsi, la Région a diminué ses capacités entre 2015 et 2022, et tend vers l?objectif au travers des nouveaux arrêtés d?exploitation pris et à venir. Le groupe de travail a permis pour cela de décliner, dans les arrêtés d?exploitation, les règles et principes du SRADDET en termes de demande de prolongation ou de création, ou encore de modification de zone de chalandise ; cela avec pour finalité d?atteindre les objectifs de réduction, en définissant notamment des capacités maximales. La suite de la réflexion se fait autour des actions à mettre en oeuvre pour l?atteinte des objectifs, au travers de la projection à 2025 et 2031, des capacités réelles à prévoir sur 3 bassins de vie. Deux groupes de travail « stockage » et « incinération » ont découlé de ce premier groupe et traitent des sujets spécifiques à chacune de ces 2 thématiques (points d?alerte, actions possibles, coordination des arrêts techniques, veille règlementaire, ?). Concernant l?annexe 3 relative aux Plans Régionaux de Prévention et de Gestion des Déchets La Région Grand Est présente non seulement des données départementalisées dans son état des lieux (données DAE, DMA, BTP ou certains déchets dangereux), mais également pour ses objectifs à atteindre en matière de capacité d?installations de stockage de déchets inertes (ISDI), notamment dans la mesure où il s?agit de gestion de déchets de proximité (déchets du BTP). Le présent rapport fait état de lacunes de données que ni l?État, ni les régions n?ont comblées par des enquêtes de terrain. Pour ce qui est de Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 197 la Région Grand Est, il s?agit de 408 tonnes pour lesquels l?exutoire n?est pas précisé, sur un total de 1 994 000 tonnes. Tous les autres tonnages ont un exutoire. Le plan de la Région Grand Est décline de manière détaillée, à l?échelle départementale, les installations de stockage qu?il sera nécessaire de créer et projette les besoins en capacité de traitement à l?échelle de deux bassins de vie (Est et Ouest). La Région Grand Est a effectivement fait le choix de décliner finement la planification de ses installations, pour être au plus près des besoins. L?observatoire « déchets », lancé le 23 novembre 2020 en Région Grand Est, est un des premiers de ce type en France (marchés à lots / partenaires publiques / prestations internes). Contrairement à d?autres observatoires, il recouvre l?ensemble des typologies de déchets. Il s?agit d?une initiative volontariste de la Région Grand Est (l?observation n?est pas règlementaire), demandée par les acteurs de la Commission Consultative d?Élaboration et de Suivi (CCES), dès les premiers travaux du Plan. L?Observatoire « Déchet et Économie Circulaire » a fait l?objet d?une délibération de la Commission Permanente du Conseil Régional Grand Est, votée en Séance le 26 avril 2019, soit avant même l?adoption du SRADDET en février 2020. Son déploiement rapide a été permis par la volonté régionale d?anticiper et de doter cet observatoire des moyens humains et financiers conséquents, mais nécessaires pour sa mise en oeuvre. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 198 COUR DES COMPTES Il joue, outre sa fonction de suivi des objectifs, un rôle primordial en matière d?information et d?appui aux collectivités locales et aux entreprises sur : ? les Déchets Ménagers et Assimilés (DMA) ; ? les Déchets d?Activités Économiques (DAE) ; ? les Déchets Dangereux (DD) ; ? les déchets de Chantiers du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP). Je reste naturellement à votre disposition pour toute information complémentaire. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL DE NORMANDIE A la lecture de ce rapport, je suis étonné du peu d'évolution, au final, du rapport malgré l'envoi d'éléments complémentaires transmis à vos services le 1 avril 2022, dont je ne retrouve pas trace ni intégration. En effet, votre position reste inchangée par rapport à la description, que vous qualifiez de sommaire, quant aux mesures prises pour atteindre l'objectif de couverture de 30 % de la population normande par une tarification incitative. Pourtant et grâce à sa dynamique d'animation régionale, et sa présence auprès des acteurs normands, la Région a réussi à avancer sereinement vers cet objectif que je qualifierais d'ambitieux afin d'atteindre les 30 % en 2025. Par ailleurs, et comme vous, je porte une attention particulière à l'efficience de nos politiques publiques. A cette fin, je réitère l'ambition de la Région Normandie de revendiquer son droit à l'expérimentation en se portant volontaire pour que sa compétence en matière de prévention et de gestion des déchets soit étendue comme l'indiquait le rapport « Évolution des capacités de traitement des déchets en France à l'horizon 2040 » rédigé par Jean-Louis Chaussade et remis à Barbara Pompili. Mes services se tiennent à votre entière disposition pour vous fournir des informations plus détaillées sur nos travaux et réflexions à venir. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL DE NOUVELLE-AQUITAINE Dans le cadre du rapport public thématique « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers » que vous m?avez adressé par courrier Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 199 du 28 juillet 2022 reçu le même jour, j?ai pris connaissance avec attention de ce document. Je partage pour l?essentiel les propositions émises notamment concernant le nécessaire renforcement des actions en matière de prévention, l?amélioration de la collecte des données et la simplification des actions avec le fonctionnement des filières à la responsabilité élargie du producteur. Je me permets d?apporter des précisions complémentaires concernant plusieurs thèmes : 1. Massifier le soutien aux actions de prévention et de réduction des déchets Je partage le constat de la Cour concernant le manque de moyens sur la prévention. Pour les collectivités territoriales, les moyens humains et financiers allouées aux actions de prévention manquent pour atteindre les objectifs nationaux. La mobilisation et l?accompagnement technique et financier auprès des parties prenantes doivent être accrus et partagés entre les différents financeurs. Les conseillers régionaux délégués et les services de la Région ont identifié la prévention comme la priorité pour répondre aux enjeux environnementaux de la gestion des déchets et j?ai traduit cette priorité régionale en actes en impliquant fortement sur le sujet l?ensemble des acteurs (collectivités, entreprises et associations) : élaboration d?une feuille de route déchets, lancement en 2022 de conventions avec les EPCI pour accompagner la réalisation des programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés (PLPDMA), lancement en 2022 d?un nouvel appel à projets pour les EPCI avec un axe prévention? 2. L?amélioration de la collecte des données permettra de clarifier l?atteinte des objectifs La Région Nouvelle-Aquitaine est déjà pleinement mobilisée et prête à jouer un rôle encore plus important en matière de consolidation des données relatives aux déchets. En effet, la Région, avec son observatoire des déchets porté par l?AREC (Agence Régionale Évaluation environnement et Climat) enquête déjà les intercommunalités à compétence Déchets. La confiance instaurée avec les collectivités nous permet d?avoir une remontée des données effectives et un suivi des évolutions sans difficulté dans la remontée de ces informations régionales. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 200 COUR DES COMPTES Je partage avec la Cour : - le besoin de simplifier et d?uniformiser les informations transmises par les EPCI à l?échelle nationale en s?assurant notamment que les bases de calcul soient identiques afin de faciliter une comparaison des indicateurs à l?échelle nationale ; - la proposition de compiler les différents documents ou plan nationaux. Cela permettrait de faciliter la compréhension et l?appropriation des objectifs à atteindre pour les territoires et de les mettre en cohérence avec les documents cadres régionaux. 3. Inciter les filières à responsabilité élargie du producteur (REP) à améliorer le suivi, amélioration du tri et la prévention Je constate ces dernières années une multiplication du nombre de filières à responsabilité élargie du producteur (REP). Je m?interroge sur l?efficacité de ces dispositifs, la visibilité et le suivi des filières REP, la multiplicité des interlocuteurs pour les collectivités et les besoins spécifiques de point de collecte notamment dans les déchetteries. Les éco-organismes des filières REP doivent améliorer le suivi des tonnages et le tri sur les sites de collecte. En outre, je partage votre proposition concernant la nécessité d?augmenter la participation aux efforts de prévention à travers le financement d?actions à fort impact sur les flux collectés. Dans la mesure où l?éco-conception doit être une priorité pour nos entreprises, comme j?ai souhaité l?intégrer dans le nouveau SRDEII de la Région, les dispositifs incitatifs et prescriptifs doivent être renforcés et le financement par les filières REP massifié. 4. Une nécessaire distinction entre planification et programmation Si la Région peut en sa qualité de planificateur et d?animateur faciliter les coopérations et l?émergence de solutions partagées, il me semble important de rappeler que les collectivités en charge du traitement restent les seules décisionnaires. La Région planifie mais ne peut pas programmer la réalisation des installations. Ainsi la Région joue d?ores et déjà un rôle clef pour faciliter les synergies locales dans la programmation des équipements de gestion des déchets et ce en tenant compte des disparités géographiques, historiques et/ou des spécificités locales. Ce travail se fait dans le respect du principe de libre administration, d?absence de tutelle et donc des choix locaux des intercommunalités qui restent pleinement décisionnaires en matière de programmation des équipements. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 201 En outre, il me semble important de rappeler que ce sont les services de l?État qui restent compétents sur la délivrance des autorisations relatives aux installations classées pour la protection de l?environnement (ICPE) pour les EPCI à compétence Déchets. Afin de s?assurer de la compatibilité avec le volet Déchets du SRADDET, l?État saisit la Région, qui ensuite émet un avis (opposabilité du plan), qui n?engage pas l?État dans sa décision finale. Ainsi, la compétence régionale en matière de prévention et de gestion des déchets est essentielle, mais sa portée peut s?en voir limitée du fait de la multiplicité des acteurs concernés et de leurs différentes compétences. Les étapes successives de décentralisation et de transfert de compétences ont amené à cette multiplicité des acteurs qui nécessite désormais une coordination de ceux-ci afin de s?assurer de la complémentarité et de la pertinence des actions. 5. Une plus forte mobilisation des Régions qui se heurte à la limitation des moyens octroyés L?échelle régionale paraît être la plus pertinente pour la programmation et la coordination des investissements pour les installations de traitement à travers le SRADDET et le dialogue entre l?État, la Région et les EPCI. La cour appelle de ses voeux dans sa synthèse à un renforcement du rôle de « financeur » des Régions. Si je partage le principe de renforcement de la compétence de la Région sur le financement des grands équipements structurants régionaux, notamment pour faciliter la « cohérence territoriale », l?opérationnalité d?une telle proposition se heurte à l?absence de moyens alloués aux Régions. En effet, je vous rappelle que le transfert de la compétence planification des déchets des Départements auprès de la Région Nouvelle-Aquitaine s?est réalisé sans moyen. La recommandation d?une plus grande mobilisation de la Région en matière de financement doit donc s?accompagner d?une réflexion plus globale sur son financement. Les recommandations de la Cour en matière de financement portent sur l?échelon intercommunal et les spécificités littorales uniquement ; elles gagneraient donc à être complétées par des propositions pour l?échelon régional. Le principe de pollueur payeur a bien guidé l?instauration de la Taxe Générale sur les Activités Polluantes pour les déchets s?appliquant aux installations de traitement des déchets, mais le fruit de cette taxe revient au budget de l?État et à son agence l?ADEME et nullement aux Régions. Il en va de même pour les éco-contributions des filières REP, dont les ressources reviennent aux éco-organismes et nullement aux Régions malgré leur compétence en matière de développement économique. Enfin, je tiens à vous témoigner du travail mené par les conseillers régionaux et les agents de la Région Nouvelle-Aquitaine sur le sujet de la Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 202 COUR DES COMPTES prévention et de la réduction des déchets, et de mon engagement à le poursuivre. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL PROVENCE-ALPES-CÔTE D?AZUR Par courrier en date du 28 juillet 2022, vous m?avez communiqué le projet de rapport public thématique intitulé « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser » que la Cour propose de publier prochainement avec les réponses des destinataires intéressés conformément aux articles L 143-8 et R. 143-13 du Code des juridictions financières. Je vous en remercie. L?objet du rapport est de réexaminer la pertinence et l?efficience de la politique de prévention et de gestion des déchets. La Région Provence-Alpes-Côte d?Azur a été consultée, en mars 2022, sur un extrait du rapport d?observations provisoires relatif à l?enquête nationale que la Cour des comptes et les Chambres régionales des comptes ont mené sur les déchets ménagers et assimilés en vue du futur rapport public thématique. La Cour des comptes appelle les Régions à « jouer pleinement leur rôle de planificateur, d?animateur voire de financeur, afin de garantir la mise en oeuvre effective des objectifs arrêtés dans leurs plans. » Elle pointe une « programmation à renforcer » et des plans régionaux qui demeurent insuffisamment précis et contraignants sur les investissements et qui ne « s?avèrent pas à la hauteur des défis à relever. » Elle précise que le « niveau régional serait le plus pertinent pour organiser une programmation et une coordination optimales des investissements. » Le Plan régional de prévention et de gestion des déchets de la région Provence-Alpes-Côte d?Azur a été approuvé le 26 juin 2019, puis intégré au Schéma régional d?aménagement, de développement durable et d?égalité des territoires et abrogé le 16 octobre 2021. Le Schéma régional d?aménagement, de développement durable et d?égalité des territoires de la région Provence-Alpes-Côte d?Azur a été arrêté par le Préfet le 15 octobre 2019. Celui-ci comporte un volet « planification régionale des déchets » qui est opposable à toutes les décisions publiques prises en matière de déchets, d?autorisations environnementales ou d?installations classées pour la protection de l?environnement. Pour une localisation des équipements adaptée aux Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 203 contextes des collectivités, le Schéma régional d?aménagement, de développement durable et d?égalité des territoires de la région Provence Alpes-Côte d?Azur a fixé trois règles pour permettre aux acteurs compétents en matière de prévention et de gestion des déchets de spatialiser les besoins en équipements en fonction d?état des lieux territoriaux et dans leurs documents d?urbanisme. Conformément à l?article L1111-9 du Code général des collectivités territoriales, la Région, en tant que chef de file dans les questions environnementales, exerce pleinement son rôle de planificateur, de coordinateur et d?animateur des projets structurants en matière de prévention et de gestion des déchets. Cependant, outre la définition des besoins en équipements par bassin de vie, une évaluation économique, présentée lors de la phase d?enquête publique, mentionnait 700 M¤ d?investissements nécessaires pour atteindre les objectifs. Aussi un transfert partiel ou total du « Fonds économie circulaire », actuellement géré par l?ADEME, aux Régions est nécessaire afin de leur permettre d?accompagner efficacement les projets sur le territoire et mettre en oeuvre les objectifs de la planification. En effet, il conviendrait que la Région puisse disposer de l?autonomie d?emploi des crédits pour mettre en oeuvre la planification et accompagner les territoires en adéquation avec les priorités soulignées par la planification régionale. Par exemple, les critères actuels d?intervention de l?ADEME ne permettent pas de soutenir des opérations de mise aux normes réglementaires alors même que certaines régions sont en retard sur le sujet. Or les délégations ne peuvent se faire que sur la base des critères d?intervention de l?ADEME. La mise en place de critères d?intervention régionalisés et adaptés aux besoins propres des territoires semble nécessaire pour permettre de financer davantage les équipements structurants et indispensables à la réalisation des objectifs régionaux et nationaux. En matière de planification de la gestion des déchets, expressément prévue à l?article R541-16 du Code de l?environnement, la Région travaille en étroite collaboration avec les services de l?État sur les dossiers de demande d?autorisation environnementale en matière d?Installations de stockage des déchets non dangereux et d?Unités de valorisation énergétique. La Région formule des avis sur les dossiers de demande d?autorisation environnementale au titre des collectivités intéressées par le projet au regard des incidences environnementales. Ces avis arrivent après l?enquête publique et servent aux services de l?État pour rédiger les arrêtés préfectoraux. Le Code de l?environnement ne prévoit pas explicitement une saisine de la Région au titre de sa compétence « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 204 COUR DES COMPTES planification » et en amont de l?enquête publique durant notamment la phase d?instruction des dossiers par les services de l?État. Un éclaircissement sur ce point permettrait de renforcer le rôle du planificateur. Par ailleurs, la Région propose une meilleure articulation entre le Code général des collectivités territoriales (volet Schéma régional d?aménagement, de développement durable et d?égalité des territoires) et le Code de l?environnement (volet plan régional de prévention et de gestion des déchets) pour assurer une meilleure lisibilité des obligations législatives et réglementaires qui incombent aux Régions et aux EPCI. Mes services se tiennent à votre disposition pour vous fournir des informations plus détaillées sur les actions et travaux en cours. MADAME LA MAIRE DE PARIS Par courrier du 20 juillet dernier, vous m?avez transmis le rapport public thématique intitulé Prévention, collecte et traitement des déchets : une ambition à concrétiser. Je souhaite vous apporter des précisions concernant l?encart consacré à l?action de la Ville de Paris pour la collecte de déchets organiques. La tonalité globale de cet encart peut en effet laisser à penser que la Ville aurait revu ses ambitions à la baisse, notamment au regard du rythme de déploiement de la collecte séparative en porte-à-porte. Je tiens à souligner que la situation est toute autre, la Ville ayant au contraire multiplié les vecteurs de collecte dans les immeubles et dans l?espace public, afin de permettre à tous les Parisiens de trier leurs déchets alimentaires, en maximiser la collecte et ainsi la valorisation. Comme vous le savez, la Ville de Paris a ouvert le chemin en matière de collecte séparative des déchets alimentaires et ce, plus de cinq ans avant que la loi ne la rende obligatoire au 1er janvier 2024. La Ville collecte ainsi en porte-à-porte 350 000 habitants des 2ème, 12ème et 19ème arrondissements. Suite à l?arrêt de cette collecte pendant le premier confinement, nous l?avons relancée à travers des actions de sensibilisation et la distribution aux habitants de kits et de sacs leur permettant de trier leurs déchets alimentaires. Afin de répondre aux besoins et usages différents des habitants et professionnels, nous déployons également différentes solutions de tri, dont des bornes d?apport dit « volontaire ». Nous avons équipé la soixantaine Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 205 de marchés alimentaires de bacs dans lesquels les Parisiens peuvent apporter leurs déchets alimentaires et tous les marchés seront équipés en bacs fixes à partir de cette rentrée. En complément, sera ajouté un module dédié aux déchets alimentaires aux stations Trilib?, qui étaient au nombre de 340 au 1er septembre 2022 et seront 500 au terme de leur déploiement. Nous avons aussi augmenté l?installation de bacs à composts (plus de 1 000 à ce jour) et soutenons la mise en oeuvre de solutions innovantes de compostage. Un appel à projet « compostage de proximité » a été lancé l?été dernier et les premiers projets, dont certains semi-industriels, seront cofinancés par la Ville. Nous avons enfin distribué plus de 5 600 lombricomposteurs. Par ailleurs, la Ville collecte les déchets alimentaires d?une grande partie des écoles et des restaurants administratifs parisiens. A partir de 2024, la totalité des restaurants, écoles, collèges et crèches sera collectée. Entre 2020 et 2021, les déchets collectés ont ainsi connu une forte augmentation de plus de 26 %. La Ville poursuivra ses efforts pour déployer ces dispositifs jusqu?en 2024, date de l?obligation légale de tri à la source, dans le souci permanent de proposer à tous les Parisiens et à proximité de chez eux, une solution simple de tri de leurs déchets alimentaires, permettant une collecte efficace au coût le plus maîtrisé possible. Le moment venu, nous pourrons partager avec la Cour et nos homologues une évaluation précise de l?efficience des différents modes de collecte. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU SYNDICAT MIXTE DÉPARTEMENTAL EN CHARGE D'ÉTUDES ET DU TRAITEMENT DES DÉCHETS MÉNAGERS ET ASSIMILÉS DE LA VENDÉE (TRIVALIS) Suite à la lecture du rapport public : « Prévention, collecte et traitement des déchets Ménagers : une ambition à concrétiser », je souhaite réagir en tant que Président de Trivalis, syndicat public de traitement des déchets de la Vendée, qui couvre depuis 2003 l?ensemble du territoire départemental pour une population DGF de plus de 800 000 habitants. Je tiens d?abord à saluer votre initiative de rédiger ce rapport qui met en avant la complexité de la gestion des déchets et l?importance de ce service dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Les déchets ont souvent Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 206 COUR DES COMPTES été considérés à tort comme le « parent pauvre » de la transition écologique. Je souhaite malgré tout apporter des éléments complémentaires et des précisions sur trois sujets particuliers évoqués dans votre rapport, et pour lesquels Trivalis a parfois été cité. Une stratégie nationale basée sur des objectifs de résultats plutôt que de moyens Vous évoquez dans le rapport,, la nécessité pour le traitement des déchets de gagner en cohérence, en indiquant en préambule sur la partie des biodéchets : « Les difficultés techniques, financières et sociales pour parvenir à un meilleur tri et à une valorisation des biodéchets devront être levées au cas par cas, en fonction des spécificités locales , aucune solution n?apparaissant uniformément applicable, ce qui explique que le législateur n?ait pas à ce jour préconisé une solution unique pour tous les territoires ». Je vous rejoins parfaitement sur ce constat, que le territoire français n?est pas uniforme et que le législateur ne devrait pas exclure ou préconiser des moyens de traitement des déchets mais plutôt des objectifs de résultats : respect de seuils, de qualité, objectif de collecte, des tonnages maximum ou minimum? Pour reprendre l?exemple des biodéchets (mais ce constat est hélas extensible à d?autres matières), il ne faut pas penser que toutes les collectivités ont attendu la loi AGEC pour s?intéresser aux biodéchets et au tri à la source. À titre d?exemple, depuis 2003, c?est plus de 160 000 composteurs individuels qui ont été distribués aux ménages vendéens pour détourner la matière fermentescible des ordures ménagères. Ce choix ancien de détournement amont des biodéchets est une des raisons, avec la redevance incitative (j?y reviendrai) et l?extension des consignes de tri dès 2017, qui explique une baisse de 118 kg/an/hab d?Ordures Ménagères résiduelles (OMr) en Vendée depuis 2003, en passant de 260 kg/an/hab. à 142 kg/an/hab. en 2021. La collecte en porte à porte des biodéchets, promue fortement par le ministère de la transition écologique, pourra s?effectuer peut-être ponctuellement sur des territoires denses. En revanche, c?est une absurdité économique et environnementale en zone rurale. Il n?en demeure pas moins que malgré une politique forte de détournement en amont de biodéchets par le compostage individuel, le compostage collectif et la collecte en porte à porte sur certains secteurs, il Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 207 restera encore de l?organique dans les OMr, sans doute entre 20 % et 30 % si on se réfère à certains exemples allemands de villes qui ont mis en place la collecte de biodéchets depuis plus 25 ans. C?est pour cette raison que le choix du législateur que vous évoque, de remise en cause du tri- mécano-biologique (TMB) n?est pas pertinente. Le Tri-Compostage est un moyen complémentaire de la politique des biodéchets. Le législateur a remis en cause un moyen, alors qu?il aurait dû fixer un objectif de résultats. Il aurait été plus cohérent de définir des nouveaux seuils de qualité pour valider un compost issu de Tri-Compostage. Rappelons d?ailleurs que plus 95 % des composts de TMB produits en France respectent très facilement à la NFU 44-051. C?est la même norme imposée au compost de biodéchets. Cette obligation de résultats aurait permis à des territoires ruraux de développer une technique qui valide les obligations environnementales et répond à une demande locale d?économie circulaire puisque la production de compost de TMB est reprise intégralement par des agriculteurs locaux. L?importance de la matière organique que vous citez dans votre rapport, incite à trouver des solutions tous azimuts pour éviter qu?elle ne se retrouve dans un trou ou dans un four. Au lieu d?opposer les moyens de captation sans argumentation scientifique, le législateur devrait favoriser la complémentarité des techniques afin de pallier la diminution drastique de l?élevage qui génère donc moins de matière organique pour l?agriculture. Cette situation est encore aggravée aujourd?hui par la guerre en Ukraine et la crise énergétique qui limitent fortement la production d?amendement pour les sols. Tarification incitative, l?État doit soutenir les territoires qui ont fait ce choix Vous évoquez à juste raison l?importance de la tarification incitative comme levier d?action sur la réduction des déchets. Dans le rapport vous mettez en exergue la complexité de la tarification incitative qui ralentit sa diffusion. Également, vous soulignez que les espoirs de voir 15 millions d?habitants concernés par la tarification incitative en 2020, puis 25 millions en 2025, ont été rapidement déçus puisque seulement 6 millions d?habitants étaient concernés en France en 2019. J?ai été surpris que la Vendée n?ait pas été citée en exemple dans votre rapport, puisqu?en 2019, 60 % de la population vendéenne étaient à la REOMI, et presque 75 % en 2023. Cela signifie que pour une population INSEE de 685 642 habitants en 2019, donc environ 411 000 habitants à la Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 208 COUR DES COMPTES REOMI, les vendéens représentaient 6,85 % des Français à la tarification incitative, alors que le département ne pesait en 2019 que 1 % de la population française. Je pense donc, qu?au-delà de la complexité, une volonté politique forte est nécessaire. Cette dernière peut être incitée et récompensée par un bonus ou un dégrèvement qui viennent soutenir les collectivités qui s?investissent dans cette direction. Il pourrait y avoir par exemple une baisse de la TGAP ciblée sur les territoires leaders en ce domaine. Cette orientation rejoint votre recommandation n°6 en page 63. L?implication dans l?économie circulaire est un risque assumé qu?il faut défendre Vous citez en page 102 de votre rapport l?exemple de Trivalis qui fait évoluer un de ses TMB en ajoutant une unité de préparation de CSR. Vous soulignez : « Ce procédé étant désormais proscrit (il s?agit du Tri Compostage) pour produire du compost, les collectivités sont contraintes de réorienter les flux de déchets vers la seule méthanisation et vers la production de combustibles solides de récupération, sans certitude de pouvoir rentabiliser les équipements associés à ce nouveau procédé de valorisation ». Je souhaite d?abord préciser que l?interdiction de la production de compost par Tri-Compostage ne sera active qu?en 2027, si la loi AGEC n?est pas modifiée. Par ailleurs, indiquer que les flux de déchets sont réorientés vers la production de CSR est une erreur. Les flux concernés par la production de CSR dans un TMB sont les refus primaires, donc les flux qui n?étaient pas valorisés mais enfouis. La production de CSR n?intervient donc pas sur la matière organique qui continue à être valorisée en compost normé. Il ne s?agit donc pas d?une réorientation de flux mais d?une nouvelle valorisation de flux existant. Je rappelle que la fabrication de CSR a comme finalité la fabrication d?un combustible, mais qu?au préalable va être extrait de ces refus tout ce qui peut être « valorisé matière » : ferraille, aluminium, certains plastiques? Le choix de Trivalis d?une unité de préparation de CSR accolée à une unité de Tri-Compostage d?OMr, est sans doute la meilleure chaine de valorisation des déchets existante aujourd?hui en France, bien plus qu?un incinérateur urbain ou l?enfouissement brut. C?est d?ailleurs pour cette raison que l?on ne parle plus de TMB mais d?UVEOr pour Unité de Valorisation Énergétique et Organique. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 209 Vous évoquez « l?incertitude de pouvoir rentabiliser les équipements associés? », rappelons que ce choix cherche d?abord à respecter la loi. D?abord la loi TEPCV de 2015 qui exige une valorisation énergétique (donc CSR) de 70 % des déchets ultimes mis à l?enfouissement mais aussi de la loi AGEC de 2020 qui fixe des objectifs de réduction de l?enfouissement très importants dans des délais très courts. Si la prévention comme vous le rappelez souvent dans le rapport est un axe à développer fortement, et je vous rejoins parfaitement sur ce point, il ne faut pas nier que ces changements de comportement s?effectueront dans un temps long alors que le législateur a fixé des objectifs de réduction ambitieux dans un temps court. En complément, je précise que les grands principes de changement de comportement peuvent être balayés très rapidement, comme lors de la pandémie de covid, où l?emballage sanitaire est devenu la norme et qu?il a fallu que les équipements de traitement soient en pleine capacité. La cohérence de la stratégie nationale, évoquée dans le premier point, doit aussi s?inscrire dans une temporalité acceptable avec la capacité de revoyure en fonction des situations de crise. Le choix de la production de CSR en Vendée, avec ce facteur risque de rentabilité que vous soulignez, s?inscrit aussi dans un principe d?économie circulaire de territoire puisque l?objectif est que ce produit alimente une chaudière industrielle de proximité dont l?enquête publique est en cours. Cette nécessité de favoriser l?économie circulaire, soulignée à plusieurs reprises dans votre rapport, implique le soutien des initiatives locales en acceptant une part de risque. D?ailleurs, la rentabilité financière de la gestion des déchets est un concept limité. Il s?agit plutôt d?une maîtrise de l?évolution des coûts en améliorant la qualité environnementale. Pour conclure, je souhaite vraiment qu?il puisse exister au niveau national une réelle stratégie de gestion et de valorisation des déchets. Cette stratégie doit fixer des objectifs de résultats cohérents et scientifiques, sans dogmatisme. Les collectivités locales sous l?égide des plans régionaux ont la capacité d?assurer de manière opérationnelle l?atteinte de ces objectifs, mais avec une liberté d?adaptation des moyens en fonction de la particularité des territoires. Je suis d?accord avec vous, sur la nécessité que les collectivités se réunissent et massifient leurs actions pour atteindre les objectifs. Certaines comme Trivalis, l?ont déjà effectué. Il est indispensable que l?État soutiennent les collectivités qui fournissent des efforts, celles qui se sont emparées des sujets en évoluant vers le caractère incitatif du financement de la gestion des déchets, celles Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 210 COUR DES COMPTES qui évoluent vers une économie circulaire concrète et anticipent des choix de prévention et de meilleure valorisation matière. Enfin, la situation actuelle de crise des matières premières et de l?énergie, doit être un accélérateur pour faire de nos déchets des ressources. De nombreuses initiatives locales et publiques vont dans ce sens, il est nécessaire de faciliter leur développement. À ce titre une vigilance particulière devra être portée sur le développement massif des REP. Il ne faudrait pas que l?intention bénéfique du principe de pollueur payeur masque un dessaisissement du service public des déchets et une réorientation des recettes uniquement vers les entreprises privées gestionnaires des REP. En espérant avoir contribué à l?éclairage de certains aspects du rapport et instauré une vision plus positive des évolutions à venir, je vous prie d?agréer, Monsieur le Premier Président, l?expression de ma haute considération. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE L?ASSOCIATION AMORCE A propos d?AMORCE Rassemblant plus de 1000 adhérents pour plus de 60 millions d?habitants représentés, AMORCE constitue le premier réseau français d?information, de partage d?expériences et d?accompagnement des collectivités (communes, intercommunalités, conseils départementaux, conseils régionaux) et autres acteurs locaux (entreprises, associations, fédérations professionnelles) en matière de politiques Énergie-Climat des territoires (maîtrise de l?énergie, lutte contre la précarité énergétique, production d?énergie décentralisée, distribution d?énergie, planification), de gestion territoriale des déchets (planification, prévention, collecte, valorisation, traitement des déchets) et de gestion de l?eau. Objet de la consultation Une nouvelle enquête de la Cour des Comptes intitulée? Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser? a abouti à la production d?un projet rapport public thématique soumis à l?avis d?AMORCE avant publication définitive. Cette enquête intervient 10 ans après le précédent rapport thématique de septembre 2011, complété Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 211 par un rapport de suivi inséré au rapport public annuel de 2014 de la Cour des Comptes intitulé ?La gestion des déchets ménagers, des progrès inégaux au regard des enjeux environnementaux?. Des travaux avaient été également consacrés aux éco-organismes insérés aux rapports publics annuels de 2016 (Les éco-organismes : un dispositif original à consolider) et 2020 (Les éco-organismes : une performance à confirmer, une régulation à renforcer) de la Cour des Comptes. Ce nouveau rapport est basé sur 51 contrôles des Cours Régionales des Comptes et des échanges avec les administrations centrales, l?ADEME, CITEO, l?AMF, ELIPSO, la FNADE, UFC que Choisir, Zéro Waste France et AMORCE lors de 2 auditions en 2022. Avis d?AMORCE validé lors du Conseil d?Administration du 7 Septembre 2022. Le rapport pointe le retard pris par la France dans l?atteinte des objectifs nationaux et européens et formule des recommandations pour améliorer l?organisation et le financement de la gestion des déchets. Pour AMORCE, il ressort au premier plan une absence criante de l?accompagnement de l?État en matière de gestion des déchets, qui ne joue notamment pas son rôle de régulateur auprès des éco-organismes pour mieux affecter les soutiens perçus auprès des metteurs sur le marché vers les collectivités. In fine, le citoyen se retrouve toujours à devoir supporter une grande partie du coût de gestion des déchets. Au niveau de la comparaison des performances européennes, les calculs ne sont pas homogènes d'un pays à l'autre car l?Europe ne disposait pas, avant la Directive déchets de 2018, d?une méthode de mesure uniforme. Chaque pays proposait des méthodes de calcul qui lui sont propres : par exemple, dans le domaine du tri des emballages ménagers, la France ne comptabilise comme recyclé que les matières effectivement remises sur le marché, déduction faite des refus de tri, alors que l?Allemagne comptabilise tous les tonnages entrant en centre de tri soit un écart dans les comptes de 17% en faveur de cette dernière à tonnages entrants égaux. Une tentative, non encore aboutie, d?harmonisation des calculs réalisée par un groupe d?experts au niveau Européen montre que la France se situe effectivement plutôt dans la moyenne des pays Européens. A noter que, malgré les travaux de refonte de l?observatoire national de suivi des déchets piloté par l?ADEME et entamés depuis près de 2 ans, les collectivités ne disposent toujours pas de la méthode officielle de calcul de l?objectif de préparation ou recyclage des déchets introduit par l?Ordonnance n° 2020-920 du 29 juillet 2020 et nécessaire au pilotage du SPGD (indicateur européen également). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 212 COUR DES COMPTES Il est par ailleurs mis en avant que ni la programmation nationale, ni les PRPGD (insuffisamment précis et contraignants sur les investissements), ni les PLPDMA ne sont à la hauteur des défis à relever : il est proposé dans le rapport d?améliorer la planification par une unification de la programmation nationale et l?adoption d'un programme de mise en oeuvre spécifique par EPCI. AMORCE partage le même constat : le planificateur ne met pas en place les moyens de ses objectifs, avec les mêmes objectifs et la même échéance. Les régions doivent jouer pleinement leur rôle de planificateur, d'animateur voir de financeur (pour surmonter effectivement les difficultés d'amortissement) pour garantir la mise en oeuvre des objectifs et une répartition territoriale cohérente des équipements structurants. Pour aller plus loin dans la démarche jusqu?à l?échelon territorial, AMORCE préconise de décliner les objectifs et actions pour les atteindre dans un plan intercommunal, avec un dialogue équilibré intercommunalités - régions. Il semble par ailleurs nécessaire de réfléchir à un financement en permettant que les régions perçoivent une part de la recette de TGAP et puissent établir un dispositif d'aide adapté qui correspond à l'application du PRPGD. Le simple transfert d?une partie du fonds Économie Circulaire vers les régions ne permet en effet pas aux régions de piloter ce fonds en fonction des priorités identifiées au PRPGD. La création d?une composante locale de la TGAP (défalquée du montant de la TGAP nationale) permettrait également de donner des moyens financiers aux territoires en charge du SPGD. Pour le dispositif de suivi des plans à améliorer avec des indicateurs annuels pertinents et synthétiques, le rapport préconise de publier d?ici 2024 un tableau de bord annuel du SPGD à l?échelle nationale produits par les observatoires régionaux à partir de comptes-rendus simplifiés et par type d'EPCI avec 6 indicateurs clés, complété par un tableau de bord des filières REP selon le même principe et par chaque éco-organisme regroupant les principales données utiles. AMORCE est favorable à des indicateurs de pilotage pertinents et communs à l?ensemble des échelons - à définir conjointement avec les acteurs du déchets - mais qui doivent comporter des indicateurs amont en lien avec les mises sur le marché. A noter que le travail de refonte de l?Observatoire des déchets cité ci-avant piloté par l?ADEME n?a pas abouti pour l?instant (en tout cas non transmis aux parties prenantes) à une meilleure visibilité sur les indicateurs pertinents à retenir ni pour le moment à la définition d?une méthode harmonisée de calcul des indicateurs nationaux manquants. Le rapport de la Cour des Comptes envisage également de simplifier le rapport annuel sur le prix et la qualité du SPGD d?ici 2024 autour de ces 6 indicateurs associés aux coûts de gestion des déchets à l'habitant : AMORCE y est favorable. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 213 Au niveau du retard pris en matière de prévention des déchets, pour AMORCE la responsabilité en revient principalement aux metteurs sur le marché qui n'ont pas respecté les objectifs fixés par l'État. En effet, à l'exception du compostage de proximité qui dépend d'une politique ambitieuse de tri source des biodéchets (cf. point ci-après), les actions de prévention d'une collectivité sont nécessaires mais impactent peu la baisse des tonnages. Elles dépendent davantage des évolutions de consommation et des metteurs sur le marché qu'il s'agirait pour AMORCE de contraindre davantage. La Cour des comptes propose par ailleurs de rendre obligatoire, quand le PLPDMA est élaboré par un syndicat de traitement, une déclinaison territoriale. Quant au financement complexe de la gestion des déchets dont en particulier la recommandation de la Cour des Comptes de favoriser la tarification incitative en allégeant son coût pour les EPCI grâce à un financement complémentaire porté à 80% des coûts sur les premiers exercices, Il faut pour AMORCE se poser en réalité deux questions : ? Quel type de signal prix ou autre forme d?incitation ou de dissuasion financière ou fiscal faut-il développer et sur quel acteur, pour que les citoyens contribuent davantage par leur comportement d?achat, d?utilisation, de réparation, de tri au respect des objectifs de prévention, de réemploi, de collecte sélective et de tri à la source, de recyclage et de valorisation des déchets ménagers et assimilés ? Cela impose inéluctablement d?évaluer l?efficacité de signaux prix portant sur le prix du produit, la fiscalité locale des déchets, la fiscalité nationale de la gestion des déchets. La réflexion sur les mesures et dispositifs incitatifs en faveur de la réduction des déchets ne doit pas porter uniquement sur les usagers du service public mais sur l?ensemble des acteurs qui peuvent favoriser l?action des citoyens en faveur des objectifs de la France en matière d?économie circulaire (prévention- réutilisation, recyclage, réduction de l?enfouissement), à chaque étape du cycle de vie d?un produit (de sa conception, son achat, son utilisation et sa fin de vie) : ? Le citoyen consommateur : qui doit être informé et incité dans ses actes de consommation avec des mesures portant sur la taxation amont (REP généralisée), la TVA, des logiques de bonus/malus et leur information grand public dans le cadre des filières REP. ? Le citoyen usager du service public : qui doit comprendre en tant qu?utilisateur du SPGD l?impact de son geste de tri sur les coûts et être intéressé à la prévention et au tri la source efficace de ses déchets avec des mesures incitatives. Cette seule approche permet Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 214 COUR DES COMPTES d'améliorer le geste de tri mais ne modifie pas les habitudes de consommation. Il est donc nécessaire d'agir sur toute la chaîne. ? Le citoyen contribuable : qui, en tant que financeur d?une partie des services, doit appréhender le coût de la gestion des déchets et son mode de financement avec des mesures portant sur l?affichage, la compréhension et la lisibilité des taxes TGAP/TVA, des recettes et de la fiscalité locale (TEOM, REOM). ? Comment doit se répartir le financement de la gestion de la gestion des déchets ou plus largement la boucle d?économie circulaire au regard des responsabilités de chacun des acteurs de la chaîne d?économie circulaire (collectivités via la fiscalité locale, metteurs sur le marché via les REP, acteurs économiques du recyclage et de la valorisation via les prix de reprise et recette de valorisation, État via les aides de l?ADEME issues des recettes de TGAP (bien que non affectées) ? À noter que la TGAP doit être revue dans sa trajectoire pour qu'elle soit incitative (aujourd'hui sa trajectoire ne permet pas les investissements des collectivités pourtant nécessaires). Il s?agit par ailleurs, d?une fiscalité écologique dont le principe même est d?inciter à la prévention des déchets, au recyclage et à la limitation de l?élimination. Il est donc nécessaire de la rendre incitative. Sur ce sujet, AMORCE défend depuis de nombreuses années des évolutions de cette fiscalité (minoration du montant pour les collectivités performantes, franchise de TGAP sur le gisement sur lequel les collectivités ne peuvent agir...). Sur la proposition d?instaurer une surtaxe à la taxe de séjour avec produit affecté aux actions de prévention et gestion déchets : cette mesure est intéressante mais si elle est clairement insuffisante pour AMORCE. Une plus grande réflexion sur le financement et sa dimension locale devrait être menée (notamment TGAP localisée). Le tri à la source des biodéchets est souligné comme étant à juste titre un enjeu majeur pour les territoires. Cependant, au regard du retard de déploiement pris au niveau national, AMORCE préconise de modifier la date de mise en oeuvre de l?obligation de sorte à ce que la date butoir du 31 décembre 2023 ne soit plus une obligation de généralisation mais une obligation d?étude de faisabilité sous peine de ne plus pouvoir bénéficier des aides de l?ADEME à échéance de l?obligation de tri à la source des biodéchets prévu au 31 décembre 2023 et qui serait alors reportée au 31 décembre 2025. AMORCE demande également un renforcement du dispositif financier pour garantir l'absence de surcoûts à la collectivité (cf. études ADEME et FNADE/CME) et accélérer le déploiement dans des conditions financières acceptables. Le nouveau système de financement et Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 215 d?aides pour l'accélération du développement du tri à la source des biodéchets peut s?appuyer sur les propositions suivantes : - Affecter jusqu?en 2025, la totalité des recettes de la TGAP afin d?augmenter de 300 millions d?euros le fonds Économie Circulaire en particulier au profit des solutions de tri à la source des biodéchets, permettant d?assurer une aide de 90% pour les études de faisabilité et de 100% sur les investissements de compostage de proximité (dont compostage individuel non soutenu actuellement), de pré-collecte, de collecte et de valorisation des biodéchets jusqu?au 31 décembre 2025, permettant de compenser les surcoûts, - Introduire une modulation de TGAP de 30 euros la tonne éliminée d?OMR (soit environ 10 euros par habitant) pour les collectivités qui ont mis en place le tri à la source des biodéchets, - Permettre l?application d?un taux de TVA réduit aux matières fermentescibles d?origine résiduaire, - Créer un système de bonus à l?usage de matières fertilisantes issues des biodéchets dans les sols ou instaurer des quotas à l?usage d?engrais chimiques pour les producteurs de denrées et produits alimentaires bruts (céréales, légumes, fruits) à hauteur des parts de marchés des produits agro-alimentaires, AMORCE demande également une modification du cadre réglementaire pour : - Revoir la réglementation sur les conditions de traitement et l?interdiction de mélanger des biodéchets avec d?autres déchets n?ayant pas fait l?objet d?un même tri, - Clarifier de manière opérationnelle les conditions de limitations de la fraction organique des déchets dans les ordures ménagères résiduelles à éliminer. Au niveau des matières revendues aux filières de recyclage qui se diversifient et subissent de fortes variations de cours, la Cour des Comptes préconise que les collectivités volontaires puissent choisir de confier cette mission commerciale aux éco-organismes, sous condition de suivi rigoureux des obligations qui leur sont fixées dans les cahiers des charges. AMORCE s?oppose au choix de confier la revente de matières commerciales aux éco-organismes car les REP financent déjà mal les collectivités locales alors qu'elles essaient de reprendre la main sur les matériaux qui ont plus de valeur. Les collectivités ont besoin de ces reventes matières pour compenser le manque de soutien des éco- organismes. La seule condition acceptable du transfert de la revente matière serait un financement à plus de 80% des coûts par la REP. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 216 COUR DES COMPTES Enfin au niveau des enjeux industriels prioritaires qui doivent être mieux intégrés au plan national : ? sur le volet de la plasturgie, avec les difficultés de traitement des plastiques dues à leur diversité et la cible de généralisation de l?ECT fin 2022 qui n?est pas atteinte : AMORCE appelle à ne pas se focaliser que sur les emballages ménagers qui représentent 1MT sur 4MT de plastiques mais sur l?ensemble des plastiques (4MT) et à réaliser un inventaire des résines et des installations capables de les traiter. ? sur la place de la valorisation énergétique des déchets : pour AMORCE elle doit être réaffirmée, dans le respect de la hiérarchie des modes de traitement, en tant source d?énergie renouvelable produite localement et issue de déchets non recyclables constituant un potentiel de valeur qui mérite d?être mieux exploité. Elle participe à l?autonomie de la France sur le plan énergétique. En résumé pour AMORCE il s?agit donc avant tout de : ? Renforcer l?efficacité de la planification écologique et rééquilibrer le financement de la gestion des déchets. ? Réaffirmer la nécessité de faire évoluer et de renforcer les outils de planification de l?État et des collectivités en faveur de l?atteinte des objectifs nationaux en unifiant les objectifs et les échéances ainsi que les indicateurs de suivi communs et en adoptant un programme de mise en oeuvre spécifique par EPCI pour dialoguer avec les PRPGD. ? Demander une affectation financière plus efficace pour mettre en oeuvre la planification territoriale avec un signal prix fort en amont au niveau des metteurs sur le marché impactant les habitudes de consommation, au niveau intermédiaire avec les modulations des filières REP et la tarification incitative appliquée aux usagers et en aval via la TGAP, pour la rendre plus incitative (minoration à la performance des collectivités) et pour redistribuer son produit en faveur d?investissements pour la transition écologique dans les territoires. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Sommaire Procédures et méthodes Synthèse Récapitulatif des recommandations Introduction Chapitre I Une réduction des déchets contrariée par un pilotage insuffisant I - Le volume élevé de déchets produits II - Des acteurs insuffisamment coordonnés III - Un dispositif de suivi toujours défaillant IV - Un financement peu lisible et trop faiblement incitatif Chapitre II Le dispositif opérationnel : une transformation à accélérer vers l?économie circulaire I - La prévention : priorité officielle, mais parent pauvre de la gestion des déchets II - La collecte : peu de progrès sur les enjeux prioritaires III - Le traitement : une coûteuse modernisation à entreprendre Conclusion générale Liste des abréviations Annexes Annexe n° 1 : présentation de l?échantillon des contrôles réalisés par la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) Annexe n° 2 : le suivi des recommandations des juridictions financières sur les déchets ménagers Annexe n° 3 : les Plans Régionaux de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD Annexe n° 4 : les indicateurs internationaux Annexe n° 5 : les indicateurs du service public des déchets Annexe n° 6 : les indicateurs des filières à responsabilité élargie du producteur (REP) Annexe n° 7 : comparaisons internationales Annexe n° 8 : les déchets en matière plastique Annexe n° 9 : comparatif entre les différentes modalités de financement du service public Annexe n° 10 : les conséquences de la crise sanitaire sur la gestion des déchets Réponses des administrations et des organismes concernés INVALIDE) (ATTENTION: OPTION enses-par-domaines/article/la-depense-de-gestion-des-dechets https://ree.developpement-durable.gouv.fr/themes/economie-verte/depenses-pour-l-environnement/depenses-par-domaines/article/la-depense-de-gestion-des-dechets https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/environnement https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/environnement https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/environnement UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 45 Graphique n° 9 : évolution des dépenses totales de gestion des déchets Source : Cour des comptes d?après chiffres clés de l?Ademe 2020. Dépenses en euros courants. Le processus de collecte et de compilation de données applicable ne permet à l?Ademe de publier dans ses chiffres clés de l?année N qu?une synthèse basée sur les chiffres N-4 (voir infra à propos du dispositif inadapté de suivi des objectifs) Comme indiqué dans le graphique ci-dessus, l?ensemble des dépenses du SPGD coûte en moyenne 124 ¤ TTC (117 ¤ HT) par habitant. Les charges de traitement représentant 47 ¤ (38 % du coût HT) et les charges de collecte 49 ¤ (39 %). Coté produits, la vente des matières issues du tri, du recyclage et, plus largement, du traitement des DMA (vente d?énergie après incinération, compost?) représente 9 ¤ (7 % des produits). Les aides apportées par les éco- organismes dans le cadre de la responsabilité élargie du producteur (filières REP) représentent 13 ¤ (10 % des produits). Les subventions (notamment celles de l?Ademe) constituent une recette marginale (2 ¤). Ces trois types de produits permettent de déterminer le reste à charge pour la collectivité gestionnaire du service (dit « coût aidé »). Ce coût « aidé » est de 92,50 euros HT par habitant et par an85. Il est financé par une contribution des ménages de 106 ¤ en moyenne (81,5 %) sous forme d?une fiscalité locale affectée ou d?une redevance (TEOM/REOM)86 ou indirectement (financement intégral ou partiel) par le budget général de la collectivité gestionnaire. Les produits (130 ¤ par habitant) financent donc les charges à hauteur de 105 %. 85 « Référentiel national des coûts du service public de prévention et de gestion des déchets ménagers et assimiles 2016 » et mise à jour 2019. 86 La TEOM représente de loin la première modalité de financement du SGPD (81 % des produits perçus), contre 8 % pour la REOM. Pour une présentation détaillée des modalités de financement du SGPD, voir plus loin la partie sur le financement. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/587-referentiel-national-des-couts-du-service-public-de-prevention-et-de-gestion-des-dechets.html https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/587-referentiel-national-des-couts-du-service-public-de-prevention-et-de-gestion-des-dechets.html https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/575-referentiel-national-des-couts-du-service-public-de-prevention-et-de-gestion-des-dechets-synthese-9791029714450.html COUR DES COMPTES 46 Graphique n° 10 : répartition des coûts de gestion des déchets et de leurs financements (SPGPD)87 Source : Cour des comptes, d?après Ademe référentiel des coûts du SPGPD 2019 (chiffres 2016) Le taux moyen de couverture des charges par les produits est de 105 % : cet excédent des produits sur les charges correspond principalement à la constitution de provisions pour de futurs investissements Plus de la moitié des coûts financés par les ménages au travers de la fiscalité locale (53,1 ¤, soit 57 %) sert à couvrir la prise en charge des OMR. La réduction de leur volume par des actions sur la prévention, le tri, la collecte et le traitement est donc favorable non seulement à l?environnement mais également à la maîtrise des coûts. 87 Produits industriels : ventes de matériaux et d?énergie, prestations à des tiers, Soutien : versement des éco-organismes (filières à responsabilité élargie du producteur/REP), aides : subventions publiques (Ademe notamment). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 47 B - Des modalités de financement complexes 1 - Un financement national marqué par l?augmentation de la TGAP Le précédent rapport de la Cour sur le SPGD en 2011 notait déjà le caractère complexe et inadapté des modes de financement qui n?intégraient guère l?équité sociale, très peu le coût réel du service et surtout marginalement le caractère incitatif (principe du pollueur-payeur). Dix ans après et malgré les recommandations pour améliorer la situation et l?adoption de plusieurs lois, la situation décrite reste largement inchangée. La seule évolution financière marquante est, au niveau national, la forte augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), ressource fiscale pour l?État, qui continuera d?augmenter encore jusqu?en 2025, permettant à la France de rejoindre les pays qui pratiquent depuis longtemps cette politique fiscale efficace pour réduire la mise en décharge et l?incinération. Elle doit inciter les EPCI à privilégier la prévention et accentuer les efforts pour réduire les tonnages d?OMR en utilisant un signal-prix88. La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) : une incitation financière à la réduction des tonnages enfouis et incinérés La TGAP a été instituée par la loi de finances 1999 et a vocation à modifier les comportements et à réduire le volume des déchets non recyclés. Elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2000 avec l?objectif d?appliquer le principe pollueur-payeur et de lever des fonds afin de financer les politiques environnementales. Cette taxe s?applique à chaque tonne d?ordures ménagères ou de tout-venant entrant en centre de stockage ou d?incinération. Elle est due par l?exploitant de l?installation de traitement et finalement assumée par les EPCI en charge de la compétence. Sa croissance a une incidence sur le coût total du service à financer. 88 La méthode du signal-prix, appliquée à la politique des déchets consiste à refléter dans le prix des produits et des services le coût de leur impact sur l'environnement en pénalisant les méthodes de traitement les moins vertueuses (incinération et enfouissement). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 48 Pour favoriser l'atteinte des objectifs de réduction des déchets et d'augmentation de la valorisation, fixés par la loi de transition énergétique (LTECV), les lois de finances pour 2016 et 2019 ont accentué le rôle incitatif de la TGAP. Le taux de la TGAP passera progressivement à 65 ¤ par tonne enfouie en 202589. Une évolution similaire mais moins importante90 s?applique aux tonnages incinérés, conformément à la hiérarchie des modes de traitement. Cette hausse uniforme a l?inconvénient de frapper indistinctement les déchets qui pourraient être mieux triés grâce à l?intervention des collectivités et les déchets non recyclables du fait des choix techniques des entreprises sur les volumes desquels les collectivités ne disposent d?aucun moyen d?action. 2 - Le renforcement de la responsabilité élargie des producteurs En application du principe pollueur-payeur, la responsabilité élargie des producteurs (REP) met à contribution les producteurs pour assurer, au moins en partie, la gestion des déchets issus de leurs produits. Plus précisément, l?obligation est faite aux fabricants et importateurs concernés soit de les prendre en charge eux-mêmes, soit de confier cette prise en charge à un éco-organisme en lui versant une écocontribution91. La France s?appuie ainsi sur une vingtaine de filières REP, dont plus de la moitié concernent des produits du quotidien, susceptibles de grossir le gisement des déchets municipaux : emballages ménagers et papiers graphiques, piles et accumulateurs portables, déchets d?équipements électriques et électroniques, textiles, linges et chaussures. Elles couvrent un plus large spectre que dans les autres pays de l?UE et cette couverture est en augmentation92. Des produits, y compris ceux qui produisent des volumes 89 La TGAP est fixée à 37 ¤ par tonne enfouie en 2021 dans les installations de stockage de déchets non dangereux réalisant une valorisation énergétique de plus de 75 %. 90 La TGAP pour les incinérateurs conformes à la norme internationale ISO 50001 passera de 17 ¤ en 2021 à 25 ¤ en 2025. 91 Les éco-organismes sont des personnes morales de droit privé, à but non lucratif, pouvant prendre des formes juridiques variées : sociétés par actions simplifiées, sociétés agréées par l?État (Ademe). 92 La loi AGEC a ajouté une dizaine de filières en 2022 : jouets, articles de bricolage et jardin, sports et loisirs de l?autre, produits et matériaux du secteur de la construction et du bâtiment (opérationnelle à compter du 1er janvier 2023). La filière des lingettes doit être créée au 1er janvier 2024. La création d?une REP pour tous types d?emballages est prévue au 31décembre 2024. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 49 significatifs de déchets (couches et litières par exemples), ne sont pas encore rattachés à une filière REP. Les contributions perçues par les éco-organismes en 2019 étaient de 1,464 Md¤ (+ 200 M¤ par rapport à 201793). Les éco- organismes utilisent ces contributions en partie pour prendre en charge directement des coûts de collecte et de traitement (508 M¤ en 2017) et en partie pour participer au financement du service public de gestion des déchets (805 M¤ de soutiens financiers versés aux collectivités locales, dont plus de 80 % versés par l?éco-organisme Citéo au titre des emballages ménagers)94. 3 - Un financement du SPGD marqué par la diversité des recettes et la prédominance de la TEOM Une fois déduites les ventes des produits issus du traitement et les aides des éco-organismes et de l?État, le financement du reste à charge (dit « coût aidé »), relève quasi-exclusivement au plan local de décisions des EPCI à fiscalité propre95, y compris à travers leur participation à un syndicat mixte. a) Les différentes fiscalités affectées Comme le prévoit le code général des impôts96, les EPCI peuvent instituer une fiscalité affectée « à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés ». Modalité dominante de financement du SPGD par les usagers, la taxe d?enlèvement des ordures ménagères (TEOM) présente, en plus de sa simplicité d?application et de sa garantie de rendement appréciable pour les collectivités, un avantage redistributif de par la nature de sa base d?imposition. 93 La principale filière est la filière emballages ménagers avec 708,7 M¤ en 2019, suivie de la filière DEEE (déchets d?équipements électriques et électroniques) avec 188 M¤ puis celle des papiers graphiques avec 95,8 M¤. 94 On distingue ainsi les éco-organismes « opérationnels ». Articles L. 541-10 à L. 541- 15-2 du code de l?environnement qui prennent en charge directement les déchets des entreprises de leur secteur (p. ex. piles électriques) et qui représentent 40 % de la prise en charge des DMA et les éco-organismes financeurs qui reversent aux collectivités locales les contributions (p. ex. emballages). Les éco-organismes mixtes (p. ex. ameublement) financent la collecte par les collectivités mais assurent le traitement. 95 Communautés de communes, communautés d?agglomération, communautés urbaines et métropoles. 96 Article 1520 du code général des impôts. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037986339/ COUR DES COMPTES 50 La base de la TEOM, commune avec la taxe foncière sur les propriétés bâties est la valeur locative foncière, qui permet de prendre en compte la valeur du patrimoine foncier imposé97. À titre d?exemple, une personne seule habitant une habitation individuelle vaste verra son imposition à la TEOM plus élevée qu?une famille de six personnes occupant un appartement exigu, du fait de la valeur locative foncière des habitations respectives. Si cette situation peut paraître partiellement contestable du fait de l?inadéquation entre le montant de l?imposition et la quantité de déchets produite, elle présente un certain avantage social98. La TEOM permet aussi l?imposition de surfaces commerciales (par exemple la grande distribution) qui génèrent indirectement des quantités importantes de déchets (notamment les emballages même si les grandes surfaces n?utilisent pas les prestations du SPGD). Une tarification incitative peut être adossée à la TEOM (TEOMi). À la place de la TEOM, l?EPCI peut instituer la redevance d?enlèvement des ordures ménagères (REOM) versée par l?usager comme contrepartie directe de la prestation et souvent liée à la composition de la famille de l?usager (nombre de personnes dans le foyer). Cette redevance dite « classique » ne reflète pas la quantité réellement produite et les efforts de réduction des déchets réalisés par l?usager. Le montant de la REOM peut aussi se fonder sur le volume et le nombre de présentation des bacs à la collecte (ce qui implique l?identification des bacs par la benne à ordures ménagères), voire le poids des déchets par la mise en place d?une pesée embarquée. Dans ce cas, elle est qualifiée de redevance incitative (RI ou REOMI). 97 La Cour des comptes indiquait, dans son rapport public annuel de 2009, que « le processus d'établissement des bases cadastrales par la DGFIP est d'une grande opacité : il est à la fois exagérément complexe, fragile, et d'un coût mal cerné. En outre, l'absence de révision générale des bases depuis 1970, combinée à une mise en oeuvre trop restreinte des procédures d'actualisation par les services fiscaux, dans le cadre du droit existant, produit une situation obsolète et inéquitable ». 98 L?absence d?actualisation des valeurs locatives foncières vient toutefois limiter cet effet social favorable. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 51 La redevance spéciale (RS) : une tentative non aboutie de financement dédié des déchets non ménagers La redevance spéciale (RS) désormais facultative permet de facturer le coût de la collecte et du traitement des déchets dits « assimilés » aux ordures ménagères (produits par certaines activités économiques : commerces, PME, restauration, etc. et estimés par l?ADEME à 20 % de l?ensemble des DMA). Elle a été instaurée pour éviter de faire payer aux ménages l?élimination des déchets non ménagers. Sa mise en place très aléatoire et limitée a conduit à l?abandon du caractère obligatoire qui lui avait été conféré en 1993, alors que la Cour recommandait en 2011 d?imposer sa généralisation. Quand elle est instaurée, les recettes de RS sont souvent restreintes et ne représentent qu?une part très marginale du financement du service public (exemple de la CA de Bastia). L?échec de la généralisation de la RS montre la difficulté de distinguer l?origine des flux de déchets et au sein des DMA les déchets ménagers des déchets assimilés. Les EPCI sont le plus souvent dans l?incapacité de fournir ces données qui permettraient un financement différencié. Cette situation conduit à un report exclusif de la charge du financement du SPGD vers l?usager habitant. b) La combinaison de la fiscalité affectée et du budget général Les collectivités peuvent choisir différentes modalités pour assurer le financement du reste à charge par l?usager du service public : TEOM, Budget général, RS, REOM, REOMi ou TEOMi (cf. annexe n° 9). Les modes de financement retenus sont donc très variés, souvent complexes, mixant TEOM et participation du budget principal, parfois avec une part de taxe sur le foncier bâti explicitement dédiée. En raison de ses avantages et malgré ses inconvénients, la TEOM reste toutefois très largement majoritaire. La combinaison des modalités de financement est soumise à plusieurs règles d?incompatibilités juridiques. Ainsi, par exemple, le choix du financement du reste à charge par la REOM induit la qualification de service public industriel et commercial (SPIC), l?obligation d?un budget Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 52 annexe dédié et son équilibre par des recettes propres sans recours à une participation du budget principal99. La fiscalité affectée instituée par les EPCI doit pourvoir à la gestion des DMA et non à d?autres dépenses de la collectivité. Le juge administratif rappelle constamment cette interdiction du suréquilibre100 lorsque le produit de la TEOM est nettement supérieur101 aux dépenses consacrées au SPGD. Afin de définir les conditions de financement du SPGD sans suréquilibre, il est essentiel de connaître le périmètre des dépenses à prendre en compte. Comme le regrettait déjà le rapport des juridictions financières en 2011, ce périmètre n?est connu qu?imparfaitement par une construction jurisprudentielle inachevée. Le juge a ainsi exclu des charges du SPGD le ramassage des corbeilles de propreté et les déchets des marchés alimentaires et forains. C - Une fiscalité incitative à développer 1 - Une fiscalité incitative devenue prioritaire en raison de ses atouts L?objectif de baisse des quantités collectées de DMA102 et le surenchérissement de la TGAP qui pénalise de plus en plus fortement l?incinération et l?enfouissement conduisent à privilégier une incitation financière des usagers pour réduire leurs déchets. La France était, en 2011, très en retard dans la mise en place d?une tarification incitative en comparaison de plusieurs pays (graphique n°1) et sa progression très lente depuis cette date ne lui a pas permis de le rattraper. Le caractère incitatif de la tarification est mis en avant par la LTECV103 comme un des leviers permettant d?atteindre les objectifs de réduction des volumes de déchets en envoyant un « signal prix » à l?usager 99 Dans un délai de quatre ans suivant l?instauration de la REOM 100 La situation de suréquilibre consiste à lever une fiscalité (TEOM) d?un montant supérieur au coût net (en enlevant les autres recettes : ventes de produits, recettes ces éco organismes et subventions) du service pour la collectivité. 101 Le niveau du surfinancement acceptable a varié mais semble s?établir selon les dernières jurisprudences à 115 % au maximum de couverture des dépenses. 102 Art. L. 541-1 1° du code de l?environnement - 10 % en 2020 / 2010 et - 15 % en 2030 / 2010 103 10° de L. 141-1 code de l?environnement. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 53 et en liant le prix qu?il paie au coût réel du service et à la quantité d?ordures ménagères résiduelles qu?il produit. L?efficacité dans ce domaine de la tarification incitative est confirmée par plusieurs études récentes104. En moyenne, la mise en place de la tarification incitative permet de réduire de 41 % la quantité d?OMR, d?augmenter à due concurrence la collecte des recyclables et de réduire de 8 % les DMA. La relation forte entre la performance des EPCI et la mise en place d?une fiscalité incitative est ainsi établie, en France comme à l?étranger, selon une étude de l?Ademe105. 97 % des intercommunalités qui produisent moins de 150 kg d?OMR et 100 % de celles qui produisent moins de 100 kg d?OMR par habitant ont recours à une tarification incitative. Par ailleurs, le coût moyen aidé des déchets est de 20 % en deçà de la moyenne dans les territoires en tarification incitative car celle-ci pousse à l?optimisation des coûts de collecte et de traitement106. La baisse des OMR après mise en oeuvre de la tarification incitative, avec l?ensemble des mesures d'accompagnement, a créé un effet report sur les volumes collectés en déchèteries (avec des qualités et des taux de tri/valorisation variables) dans une proportion non quantifiable. Les avantages de la tarification incitative ont conduit la Convention citoyenne pour le climat (CCC) à proposer de « remplacer une part significative de la taxe d?enlèvement des ordures ménagères (TEOM) par des modalités plus justes et favorisant les comportements écoresponsables » (proposition C3.4). Les associations d?élus représentants les groupements intercommunaux (Communautés de France et France urbaine) considèrent cependant que la fiscalité incitative n?est qu?un levier parmi d?autres de la réduction des OMR même si Communautés de France se déclare favorable au déploiement d?une dimension incitative dans la tarification du SPGD. 104 Étude du commissariat général au développement durable de mars 2016 et étude de l?Ademe sur l?implantation de la TI (bilan à mi-parcours TI AMO). 4/11/2021. 105 Le parangonnage des pratiques de tarification incitative pour la gestion des déchets ménagers dans plusieurs pays industrialisés » (Ademe 2018) indique que « dans tous les territoires ayant mis en place une TI, la production d?OMR a diminué. » 106 Ademe, Étude sur les territoires pionniers de la prévention, confirmé par contrôles de la communauté d?agglomération de Mauges et de la communauté urbaine de Besançon. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://partagejf.ccomptes.fr/sites/fcjpgdechets/02Synthese/07_CRPP/La%20tarification%20incitative%20de%20la%20gestion%20des%20ordures%20ménagères%20:%20quels%20impacts%20sur%20les%20quantités%20collectées https://www.ademe.fr/dossier/modes-financement-service-public-gestion-dechets/tarification-incitative-ti https://www.ademe.fr/dossier/modes-financement-service-public-gestion-dechets/tarification-incitative-ti https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/3628-territoires-pionniers-de-la-prevention-des-dechets.html https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-dagglomeration-mauges-communaute-maine-et-loire https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-urbaine-du-grand-besancon-doubs COUR DES COMPTES 54 2 - Une complexité qui ralentit sa diffusion La tarification incitative reste cependant insuffisamment attractive pour les collectivités du fait des coûts ainsi que de la complexité de sa mise en place et des incertitudes sur les recettes perçues par le service public. La tarification incitative reste très peu mise en oeuvre dans l'échantillon des EPCI de l?enquête, même s?il est fait régulièrement mention de sa mise à l?étude. Les territoires ayant mis en oeuvre la tarification incitative en France sont souvent ruraux ou mixtes et, à de rares exceptions (par exemple l?agglomération de Besançon), les territoires les plus urbanisés ne sont pas engagés dans des démarches de fiscalité incitative. La part des collectivités qui recourent à la TEOM sans part incitative comme mode majoritaire, voire exclusif, de financement ne décroit que très lentement. La population qui reste soumise à cette imposition est constante, principalement dans les zones fortement urbanisées (à l?exemple de la région Ile-de-France). La part de la TEOM dans le financement du service public de gestion des déchets continue de croitre en 2020 et en 2021 (7,1 Md¤ en 2020 et 7,4 Md¤ en 2021) et demeure très largement dominante par rapport à la redevance. Même lorsqu?elle est mise en place, la part réellement incitative107 reste résiduelle dans le prix payé par l?usager et représente, en 2020, moins de 0,5 % de l?ensemble du produit de la TEOM108. Les espoirs placés dans une tarification plus incitative (TEOMI ou REOMI) qui devait concerner 15 millions d?habitants en 2020 et 25 millions en 2025 sont pour l?instant déçus par le rythme très lent de sa mise en place (moins de 6 millions d?habitants concernés en 2019109). Le graphique ci-dessous montre l?écart important entre ces objectifs législatifs et l?évolution de la population bénéficiant d?une tarification incitative. L?objectif de 25 millions d?habitants en 2025110 apparaît hors d?atteinte sans accélération très forte et sans nouvelles mesures encourageant cette mise en place. 107 La part incitative ne représente que 10 à 45 % de la TEOMI, la part fixe majoritaire reste basée sur la valeur locative foncière (VLF) de l?habitation. 108 34 M¤ sur les 7 137 M¤ du produit total de la TEOM (Source : DGCL Bis 151 fiscalité locale 2020). 109 Au 1er janvier 2019, 195 collectivités appliquaient une tarification incitative (5,6 M d?habitants) dont 18 en TEOMI (0,940 M d?habitants). Au 1er janvier 2020 : 5,9 millions d?habitants et 9,3 millions si on inclut les collectivités en cours de mise en oeuvre (source Ademe). Par ailleurs en 2020 et 2021, des collectivités représentant 9 millions d?habitants bénéficient des études de faisabilité aidées par l?Ademe. 110 Ces deux objectifs sont fixés par la LTECV de 2015. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 55 Graphique n° 11 : (indicateur-clef n° 2) population bénéficiant de la tarification incitative Source : Cour des comptes La fiscalité incitative est souvent perçue comme compliquée et coûteuse dans sa gestion (transfert de la gestion du fichier des redevables de la direction des finances publiques à l?EPCI, insécurité sur les recettes) et peut être source de rejet de la part des usagers. Les modalités de collecte sont en effet plus complexes et impliquent l?équipement : - des bacs à puces chez les usagers permettant déterminer leur nombre réellement collecté et ainsi individualiser la facturation ; - des points d?apport volontaire (PAV) avec un système de tambour à reconnaissance par carte du propriétaire, des sacs apportés ; - des bennes avec des systèmes électroniques de reconnaissance des puces des bacs. Comme le montre l?exemple ci-dessous, la mise en place d?une fiscalité incitative ou d?une redevance incitative est un processus long et peut s?étaler sur sept années entre l?étude d?opportunité et la mise en place effective111. 111 Ce délai peut toutefois être réduit à l?exemple de communauté de communes d?Oléron qui prévoit une mise en place de la REOMI en 2022 à la suite d?une démarche initiée en 2018. Cf. CRC Nouvelle-Aquitaine, Communauté de communes de l?Ile d?Oléron, décembre 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-de-communes-de-lile-doleron-saint-pierre-doleron-charente-maritime https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-de-communes-de-lile-doleron-saint-pierre-doleron-charente-maritime COUR DES COMPTES 56 Organigramme n° 1 : processus d?instauration de la TEOMI sur le territoire du syndicat du Bois de l?Aumône (Puy De Dôme) Source : présentation webinaire du 30 juin 2021 ADEME, CITEO et Région Occitanie Plusieurs études de mise en place, voire de délibérations, n?ont pas été suivies d?effet, notamment du fait du coût des investissements à réaliser pour déployer un nouveau schéma de collecte en cohérence. Par exemple, la communauté de communes Coeur du Var a décidé en 2016, après étude, de reporter la décision de la mise en place d?une TEOMI à 2021 puis au-delà de 2025 au motif de la lourdeur des investissements à réaliser et des bouleversements induits dans son organisation. La mise en place d?une fiscalité incitative implique en outre des efforts importants en termes de portage politique, de communication auprès des usagers et d?engagements des services techniques des collectivités. L?absence d?attention suffisante à ces préalables ou leur sous- évaluation peut conduire à l?échec voire à des abandons et retours vers des modes de fiscalité sans lien avec la qualité du tri, le plus souvent la TEOM (à l?exemple de la communauté de communes des Gorges de l?Ardèche). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-de-communes-des-gorges-de-lardeche-vallon-pont-darc-ardeche UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 57 Les conditions de la réussite de la mise en place d?une tarification incitative : le contre-exemple des Gorges de l?Ardèche. La communauté de communes des Gorges de l?Ardèche issue de la fusion en 2017 de plusieurs intercommunalités dont certaines avaient mis en place une tarification incitative pour une partie de leur territoire, a décidé en 2018 une généralisation de la REOMI au 1er janvier 2021. Des carences dans la conduite de ce projet, la sous-estimation des coûts induits par les changements, le manque d?anticipation ont abouti, après plusieurs reports et décalages par rapport au calendrier prévisionnel, à son abandon au deuxième trimestre 2020 et à la généralisation de la TEOM en 2021. La modification des modalités de collecte (généralisation de la collecte en PAV en remplacement du PAP) simultanément à la mise en place de la fiscalité incitative a amplifié les difficultés rencontrées par l?EPCI, montrant la difficulté de mener de front deux chantiers lourds modifiant à la fois les modalités de collecte et de financement du service public. Les regroupements d?EPCI issus des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI issus de la loi NOTRE de 2015) ont souvent conduit à la généralisation de la TEOM, alors que certains territoires fusionnés avaient élaboré des politiques ambitieuses basées sur une fiscalité incitative ou la redevance d?enlèvement des ordures ménagères (REOM). La communauté de communes d?Oléron : un exemple de passage de la REOM vers la REOMI112 La CC d?Oléron, actuellement en REOM, a décidé en 2018 de mettre en oeuvre la REOMI à l?horizon 2023 avec un objectif de réduction de 20 % des DMA. Le système retenu prévoit une part forfaitaire établie sur la base d?un nombre de levées ou de dépôts minimaux et de la taille du bac de l?usager ou à la taille du tambour des colonnes d?apport volontaire. Au-delà de ce forfait, la part variable est calculée pour toutes les levées et apports supplémentaires. Le calendrier prévoit la réalisation d?une enquête auprès de chaque usager et, en 2022, une facturation « à blanc » (simulation de facturation incitative permettant la comparaison avec la facturation réelle). 112 Cf. CRC Nouvelle-Aquitaine, CC de l?île d?Oléron, décembre 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-de-communes-de-lile-doleron-saint-pierre-doleron-charente-maritime COUR DES COMPTES 58 3 - Accélérer la mise en place de la fiscalité incitative Les recommandations de développement de la tarification incitative formulées antérieurement par la Cour113 n?ont pas été suivies d?effets et doivent être réitérées. La redevance d?enlèvement des ordures ménagères incitative, dont la mise en place est mieux adaptée à l?habitat individuel, a connu un certain développement, dans les zones rurales et péri-urbaines mais ses possibilités d?extension en milieu urbain sont limitées par les contraintes spécifiques de l?individualisation du tri dans l?habitat collectif. Plus récemment, un mouvement semble s?amorcer, de collectivités urbaines qui cherchent à s?engager ou qui expérimentent la mise en oeuvre de la tarification incitative sous forme de TEOMi (Grenoble Alpes Métropole et Versailles Grand Parc notamment), tandis que d'autres l?étudient. Nombreux sont ceux qui considèrent que l?application sur l?intégralité du territoire sera difficile alors qu?elle pourrait être plus facilement envisagée sur seulement une partie du territoire (habitat pavillonnaire, communes périphériques, ?) : une dérogation à l?obligation d?uniformité du mode de financement sur un EPCI à fiscalité propre et donc l?autorisation de faire cohabiter formes classique et incitative d?un mode de financement donné (TEOM/TEOMi ou REOM/REOMi) au-delà des sept ans explicitement prévus au Code général des impôts pour la TEOMi pourrait répondre à cette difficulté et favoriserait le développement de la TI en milieu urbain, au prix sans doute d?une certaine complexité de gestion voire d?une insécurité juridique. La sécurité financière apportée par la TEOM pour les collectivités gestionnaires du service public, son caractère redistributif et sa très large implantation sur le territoire, amènent à ne pas remettre en cause cette fiscalité, mais plutôt à favoriser l?introduction d?une part incitative (TEOMI) dans les limites actuellement prévues par la loi (10 à 45 % de part incitative dans la TEOM totale). La métropole de Rennes, relayée par l?association France urbaine, étudie la possibilité d?une TEOMI « collective » qui ne serait plus individualisée mais établie au niveau du quartier ou d?un secteur géographique. 113 Rapport 2011, Les collectivités locales et la gestion des déchets ménagers et assimilés, op. cit. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 59 La Métropole de Rennes étudie un dispositif innovant mais aux bases juridiques fragiles. Devant la difficulté à établir une individualisation de la performance de tri en milieu fortement urbanisé, Rennes métropole a étudié la possibilité d?établir la part incitative non pas sur les quantités d?OMR produites par chaque usager, mais en tenant compte de la performance collective réalisée au niveau d?un quartier. Ce dispositif permettrait, selon la métropole rennaise, de développer des dynamiques collectives sur des secteurs territoriaux et de limiter les coûts de gestion administrative pour consacrer plus de moyens à l?animation du dispositif. Toutefois, sa mise en place se heurte à des difficultés juridiques. En effet, le passage d?une individualisation de la taxe au prorata des valeurs locatives à une performance de tri collective (au niveau d?un quartier ou d?un secteur) n?est pas autorisé par la règlementation et pourrait se révéler juridiquement fragile au regard du principe d?égalité. Un des principaux obstacles au développement de la tarification incitative est le coût de sa mise en place, estimé entre 20 et 40 ¤ par habitant, ramené à 15 ¤ après pris en compte des aides (soit de 45 à 75 % d?aides)114. Ce surcoût est dû principalement aux investissements à réaliser au démarrage, mais aussi à l?accompagnement de la démarche qui doit se poursuivre sur une longue période115. Toutefois, les économies réalisées du fait de la baisse des tonnages d?OMR (et donc de la baisse des coûts de traitement) doivent permettre de couvrir les frais initiaux. En effet, l?économie observée réalisée sur le coût aidé (reste à charge) par les EPCI ayant mis en place une tarification incitative est, en moyenne en 2021116, de 13 euros par habitant. Les aides au démarrage sont donc essentielles pour soutenir les collectivités qui mettent en place la tarification incitative. Pour encourager plus fortement les EPCI à recourir à la TEOMI, la loi de finances initiale pour 2019 comporte deux mesures : l?année d?instauration de la part incitative, le produit de TEOM peut augmenter 114 Source : Ademe 2020 - chiffres clés : coût de la mise en place de la TI. 115 En 2022, l?Ademe a enrichi l?offre de soutien aux collectivités en tarification incitative au travers une nouvelle modalité d?aide d?accompagnement de l?information individuelle des usagers sur leur utilisation du service. 116 Source : Ademe 2021 - chiffres clés : coût de la mise en place de la TI. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 60 jusqu?à 10 % (par rapport à l?année précédente) et les frais de gestion levés par l?État, fixés à 8 % sur la TEOM, sont limités à 3 % pendant cinq ans. Ces incitations se sont cependant avérées insuffisantes, au regard des coûts induits par cette évolution et n?ont pas permis de rendre la TEOMI plus attractive que la TEOM. Afin de développer la tarification incitative (TEOMI ou REOMI), la Cour recommande donc d?accentuer les aides au démarrage, en allégeant le coût de sa mise en place, en portant la part du financement extérieur à 80 % du surcoût117. Ces aides ponctuelles pourraient prendre la forme par exemple de subventions directes (fonds chaleur et fonds économie circulaire gérés par l?Ademe) ou d?une atténuation supplémentaire des frais de gestion grevant la TEOMI. D - La spécificité des territoires touristiques Les territoires à forte activité touristique118, le plus souvent saisonnière, connaissent des problèmes spécifiques pour adapter leurs fréquences de collecte à la variation parfois très importante des populations utilisant le service public. Les tournées supplémentaires et le traitement des tonnages générés par l?activité touristique entrainent pour ces territoires des coûts plus élevés. La moyenne des tonnages collectés par habitant indique la même tendance en étant supérieure à la moyenne nationale tant pour les DMA (669 kg/habitant pour 529 kg/habitant) que pour les OMR (356 kg/habitant pour 249 kg/habitant en moyenne nationale)119. Cette différence est encore accentuée pour la sous-catégorie120 des territoires dits « très touristiques »121. 117 La part couverte par des aides extérieures à l?EPCI est actuellement, en moyenne, de 50 %. 118 « Territoires à dominante touristique » selon la classification proposée par l?Ademe 119 Source : Ademe chiffres clés de la collecte en 2019. 120 La typologie des habitats de l?Ademe comprend cinq catégories et dix sous- catégories. Dans la catégorie touristique sont distingués : les territoires très touristiques, les touristiques urbains et les autres touristiques. 121 La région Provence-Alpes-Côte d?Azur (PACA), aux caractéristiques touristiques affirmées, présente par exemple des tonnages d?ordures ménagères exceptionnellement élevés avec 713 kg de DMA par an et par habitant et 372? kg d?OMR en 2019 (source : observatoire régional des déchets PACA). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 61 Graphique n° 12 : ratios de collecte des OMR par typologie de territoires en 2019 Source : Ademe chiffres clés 2019 (parution : juin 2021) La taxe de séjour (TS) : une taxe affectée au développement touristique Créée par une loi de 1910, la taxe de séjour est instituée à l?initiative des communes réalisant des dépenses favorisant l?accueil des touristes. À l'origine, elle ne pouvait être instituée que par les stations classées de tourisme. Cette possibilité s?est élargie au fur et à mesure des années (aux communes de montagne, du littoral, réalisant des actions de promotion touristique ou de gestion de leurs espaces naturels ?). Elle est due par personne et par nuit et son montant varie selon le type d'hébergement (hôtel, meublé de tourisme, camping) et selon le classement de l'hébergement. Les recettes de la taxe de séjour sont affectées obligatoirement aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique d'une commune ou d'une intercommunalité. Afin de permettre la couverture des charges supplémentaires du service public des déchets générés spécifiquement par la fréquentation touristique, pourrait être envisagée l?affectation d?une part additionnelle à la taxe de séjour (surtaxe) perçue par les EPCI122. Le produit de la TS resterait ainsi affecté au développement touristique mais les territoires classés « touristiques », selon la classification de l?Ademe, pourraient percevoir, sur la même base que la TS, cette part complémentaire affectée au financement des opérations de prévention, de collecte et de traitement des ordures ménagères. 122 La TS est actuellement obligatoirement affectée aux offices de tourisme et ne peut donc financer des surcoûts liés à la collecte et au traitement des déchets. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 62 __________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________ En France, le volume d?ordures ménagères par habitant, notamment résiduelles, se stabilise à un niveau supérieur à la moyenne européenne. Le service public de gestion des déchets (SPGD) est exercé par les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats intercommunaux de traitement, dans le cadre d?une programmation tripartite État-région-intercommunalités. Or, cette programmation est trop complexe et souffre d?une articulation insuffisante entre les différents niveaux territoriaux qui la rend finalement inefficace. Pour permettre à la France de réaliser les objectifs que le législateur a fixés dans le code de l?environnement et rejoindre les meilleurs standards européens de prévention et de gestion des DMA, la programmation doit être améliorée. Une simplification des documents de programmation nationaux, une programmation régionale plus opérationnelle, grâce à davantage de précisions sur les investissements à réaliser et à des plans locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés déclinés pour chaque EPCI, contribueraient à une plus grande lisibilité des différents niveaux et outils de programmation. Par ailleurs, comme la Cour l?avait déjà souligné en 2011, la mobilisation des parties prenantes implique de disposer de tableaux de bord synthétiques permettant de confirmer une direction et un rythme de réalisation adéquats. Pour atteindre ce résultat, la collecte locale des données doit être accélérée et simplifiée dans un compte-rendu unique et harmonisé. Les dépenses du service public de gestion des déchets augmentent de manière continue depuis vingt ans et sont financées principalement par la fiscalité ou la tarification locale et les filières REP. Pour réduire cette dépense et atteindre l?objectif prioritaire de réduction des quantités de déchets collectées et traitées, les modalités de tarification (ou de fiscalité) doivent inciter plus clairement l?usager à des efforts de tri. La tarification incitative (REOMi ou TEOMi) permet de limiter les quantités d?OMR en liant, au moins partiellement, la qualité du tri et le prix payé par l?usager. Toutefois, son développement, prévu par la loi, se heurte à des difficultés de mise en place et à des coûts de démarrage importants qui doivent être mieux pris en charge. La spécificité des territoires touristiques entraine des charges pour le SPGD qui nécessitent la mobilisation de moyens complémentaires. Une part additionnelle de taxe de séjour payée par les usagers à l?origine de ces surcoûts permettrait de les financer. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE RÉDUCTION DES DÉCHETS CONTRARIÉE PAR UN PILOTAGE INSUFFISANT 63 Au vu de l?ensemble de ces constats, les juridictions financières formulent les recommandations suivantes : 1. Unifier, au plus tard en 2024 les documents de programmation nationale de la prévention et de la gestion des déchets, en y renforçant le volet industriel de la plasturgie et de la valorisation énergétique (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). 2. Rendre obligatoire, au plus tard en 2024, lorsque le programme local de prévention des déchets ménagers est élaboré par le syndicat de traitement, l?adoption d?un programme de mise en oeuvre spécifique par EPCI (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). 3. Publier, au plus tard en 2024, un tableau de bord annuel du Service public de gestion des déchets, à l?échelon national et par type d?établissement public de coopération intercommunale, des six indicateurs-clefs, incluant la prévention et le poids des ordures ménagères résiduelles assortis d?une représentation graphique des trajectoires constatées par rapport aux trajectoires cibles (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, régions). 4. Publier, au plus tard en 2024, un tableau de bord annuel, pour l?ensemble des filières de Responsabilité élargie du producteur et, pour chacune d?elles, des six indicateurs-clefs, incluant la prévention, assortis d?une représentation graphique des trajectoires constatées par rapport aux trajectoires cibles (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, éco-organismes). 5. Harmoniser, au plus tard en 2024, dans un seul compte-rendu le bilan annuel, par intercommunalité, des actions de prévention et de gestion des déchets ménagers autour des six indicateurs-clefs et du coût du service par habitant (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). 6. Favoriser la mise en place de la tarification incitative en allégeant son coût pour l?intercommunalité grâce à un financement complémentaire porté à 80 % sur les premiers exercices (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique) ; 7. Instaurer une surtaxe à la taxe de séjour dont le produit serait affecté aux actions relatives à la prévention et à la gestion des déchets (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction Publique). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Le dispositif opérationnel : une transformation à accélérer vers l?économie circulaire Le présent chapitre examine les étapes du processus de gestion des déchets ménagers et assimilés (la prévention, la collecte et le traitement) telles qu?elles sont mises en oeuvre par les organismes qui en ont la charge. Les résultats atteints par la France et les choix de gestion de déchets y sont exposés et comparés à ceux des autres pays de l?Union Européenne. Ces comparaisons et les exemples de bonnes pratiques comme les difficultés rencontrées aux niveaux local et national, illustrent la complexité de cette politique et mettent en évidence les efforts qui doivent être réalisés en France pour atteindre les objectifs fixés. I - La prévention : priorité officielle, mais parent pauvre de la gestion des déchets L?article L. 541-1 du code de l?environnement prévoit de « donner la priorité à la prévention ». La prévention consiste à réduire la quantité de déchets produits et leur dangerosité en intervenant à la fois sur les modes de Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 66 production et de consommation des produits123. Elle relève au premier chef des entreprises puisqu?elles sont en mesure de réduire à la source la quantité de matière des produits qu?elles mettent sur le marché. Certains territoires, pionniers mais trop minoritaires, montrent qu?ils peuvent aussi avoir une action déterminante sur la prévention en accompagnant la consommation responsable, l?autogestion des déchets et le geste de tri des citoyens. A - À l?étape de la production : écoconception et durabilité des produits 80 % des incidences des produits sur l?environnement sont déterminées lors de la phase de conception124. Cette responsabilité des entreprises se traduit par les écocontributions qu?une partie d?entre elles paient aux éco-organismes. Ce principe pollueur-payeur doit les inciter à réduire les quantités de matière125 ainsi qu?à prêter attention aux conditions d?approvisionnement en matières premières et au recyclage des biens fabriqués. Par exemple, pour prévenir les déchets plastiques, les entreprises ont la possibilité de supprimer les contenants à usage unique ou sans fonction technique (comme les propriétés barrière pour les produits alimentaires) ou les produits et objets qui perturbent les chaînes de recyclage parce qu?ils sont trop petits ou dépourvus de filière de recyclage opérationnelle126 . Les entreprises sont également invitées, tant par la réglementation européenne que par la législation française, à construire des biens incorporant des matières premières recyclées, qui soient susceptibles d?être réparés et réutilisés127 ou à développer l?économie dite de la fonctionnalité. Les fabricants de produits générateurs de déchets sont tenus de soutenir les réseaux de réemploi, de réutilisation et de réparation, notamment ceux gérés par les structures de l?économie sociale et solidaire128. 123 Selon l?article L. 541-1-1 du code de l?environnement, qui regroupe les définitions des termes en lien avec les déchets, la prévention désigne l?ensemble des mesures qui visent à réduire la quantité de déchets, leur nocivité et les matières nocives entrant dans les produits. 124 Rapport du Parlement européen pour aboutir à une économie circulaire du 10-02-2021 125 Par exemple, l?écocontribution payée annuellement par les metteurs en marché est modulée aux poids et à l?Unité de Vente Consommateur (UVC) qui intègrent les emballages. 126 C?est-à-dire les produits et objets hors filières déjà opérationnelles (p. ex. bouteilles en plastique de PET) ou en passe de le devenir (p. ex. pot de yaourt en PS). 127 Un indice de réparabilité doit pouvoir être communiqué pour les équipements électriques et électroniques et, à compter du 1er janvier 2024, un indice de durabilité. Règlement (UE) 2021/341 de la Commission du 23/2/21. 128 Article L. 541-10 du code de l?environnement Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176087/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041599099 LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 67 L?économie de la fonctionnalité L?économie de la fonctionnalité privilégie l?usage souvent ponctuel (se déplacer, s?alimenter, habiter, etc.) à la possession permanente et tend à vendre des services (location, etc.) plutôt que les produits eux-mêmes. Conservant la propriété des matériels, le loueur a intérêt à allonger leur durée de vie et réduire la consommation des intrants (énergie, engrais, etc.), comme par exemple pour un contrat d?installation et d?entretien se substituant à la vente d?une chaudière. Dans le tableau de bord national des éco-organismes que les juridictions financières recommandent de créer, un des six objectifs devrait être, comme proposé supra, un indicateur de l?effort de financement de la prévention (dépenses en faveur de la prévention/ pourcentage du chiffre d?affaires des éco-organismes). L?évolution de la demande des consommateurs a une influence de plus en plus forte sur l?engagement des entreprises dans ces directions129. L?écoconception peut aussi être encouragée par des mécanismes incitatifs ou prescriptifs mis en place par les pouvoirs publics. Les mécanismes incitatifs prévus dans la loi comme les éco-modulations130, pour les produits soumis à une REP, conservent la préférence des entreprises. Ils peuvent même aboutir, dans certains cas, au versement à l?entreprise d?une prime supérieure à son écocontribution131. Les instruments prescriptifs se développent quant à eux dans le cadre de l?harmonisation des conditions du marché unique européen132. Tel 129 L?indicateur 9 du PNPD 2014-2020 mesure la sensibilité des Français à la prévention (Indice global calculé par l?Ademe à partir d?enquêtes). 130 L?art. L. 541-10-3 du code l?environnement issu de la loi AGEC (annexe IV bis à la directive 2008/98) rend possible le recours aux contributions financières pour promouvoir l?incorporation de matériaux recyclés et le réemploi. Ces « éco- modulations » sont des modifications (en %) de l?écocontribution, acquittée par les producteurs à l?éco-organisme. 131 Arrêté du 25/12/2020 modifiant le cahier des charges de la filière emballages ménagers et créant une prime pour intégration de 10 % de matière plastique recyclée dans ces emballages. Ce dispositif fait l?objet d?un recours au motif qu?il revient à faire financer la prise en charge des déchets du bénéficiaire par les autres adhérents et constitue donc une rupture avec le principe d?internalisation des externalités négatives générées par la mise en marché. 132 Dans sa proposition de règlement relatif aux batteries du 10 décembre 2020, la Commission propose qu?à partir de 2030, les batteries respectent des objectifs de collecte et des proportions minimales de contenu recyclé. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043974919 COUR DES COMPTES 68 a été le cas avec l?interdiction progressive par la directive sur le plastique à usage unique « single use plastic » (SUP) de tous les plastiques à usage unique entre 2016 et 2040133. La mise sur le marché de certaines catégories de produits et de matériaux peut également être subordonnée au respect d?un taux minimal d?incorporation de matières recyclées134 (p. ex. 25 % de plastique recyclé en 2025 pour les bouteilles pour boisson fabriquées en PET)135 , d?intégration des déchets produits dans une filière de recyclage 136 ou d?affichage d?un indice de réparabilité ou de durabilité137. Si l?engagement des entreprises en faveur de la prévention demeure insuffisant, l?État disposera de la possibilité de renforcer les mécanismes incitatifs et prescriptifs (interdiction de certains produits ou matériaux, incorporation obligatoire de matières recyclées, ratio minimal de dépenses de prévention). B - Dans les territoires : une action trop exclusivement centrée sur la communication Pour les EPCI qui en disposent, les programmes locaux mentionnent peu d?actions de prévention ou sont défaillants, tant dans le champ de la prévention couvert que dans les moyens mis en oeuvre ou dans les outils de suivi prévus. Dans les programmes intercommunaux et leurs comptes-rendus de mise en oeuvre déjà présentés en première partie du rapport, le volet prévention est presque systématiquement manquant ou lacunaire. N?y figurent ni bilan chiffré des quantités de déchets évitées (p. ex. tonnages de bio déchets détournés à la suite d?actions de communication ou de composteurs subventionnés138), ni analyse des facteurs de réussite et d?échec des actions conduites139 (p. ex. mise en rapport dans certains cas 133 Directive (UE) du 5 juin 2019 relative à la réduction de l?incidence de certains produits en plastique sur l?environnement. Cf. détail année par année des interdictions en annexe 2. 134 II. de l?article L. 541-9 du code de l?environnement 135 Article 6 de la directive 2019/904 et annexe II de la directive emballages. 136 III. et IV. de l?article L. 541-9 du code de l?environnement. 137 Art. L. 541-9-2.-I du code de l?environnement 138 Le prix d?un composteur subventionné à Valenciennes varie de 13 à 22 ¤ selon leur matière (bois ou plastique) et leur volume (400 à 800 litres) 139 Des indicateurs de prévention sont pourtant proposés pour les RPQS, dans le progiciel ComptaCoût® alimentant SINOE. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074220/LEGISCTA000006176616/#LEGISCTA000023268652 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074220/LEGISCTA000006176616/#LEGISCTA000023268652 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041555848/ LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 69 de la hausse des dépenses de communication sur le tri et de l?augmentation des taux de refus de tri sur la même période). Lorsqu?ils sont précisés, les crédits et les ressources humaines140 alloués aux actions de prévention sont, pour la plupart, inférieurs à 1 % du coût total du service public (au maximum 2 % pour certaines collectivités). Avec une moyenne nationale de dépenses de prévention par habitant de 1,5 ¤ en 2018 et 2019141, le nombre de personnes touchées, y compris dans les territoires pilotes, est faible. Dans les programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés (PLDMA), la prévention se limite le plus souvent à des actions générales insuffisamment adaptées aux différents publics de communication pour former des « écocitoyens » : sensibilisation du public au tri142, au jardinage durable et à la gestion des déchets verts, au recyclage et aux nuisances des dépôts sauvages. Ce type d?actions est utile dans l?accompagnement des particuliers pour modifier leurs comportements notamment en phase d?extension des consignes de tri ou de mise en place de la tarification incitative. Cependant, comme le montre le schéma ci-dessous et comme on le constate dans les collectivités territoriales pionnières en France et à l?étranger, les actions de prévention pouvant être mises en oeuvre par les intercommunalités couvrent un champ plus large que la seule communication143. 140 Par exemple 3,8 ETP en moyenne au SMICTOM Alsace centrale (CRC Grand Est, novembre 2021). 141 Ademe, synthèse du guide « Élaborer et conduire avec succès un PLPDMA » (2018) La moyenne en 2016 était de 0,8. Exemples (2019) : 0,19 ¤ par habitant pour le syndicat du département de la Haute-Marne. 1,14 ¤ pour la métropole de Lyon, 0,9 ¤ pour la métropole de Nice (objectif de 2,48 ¤ pour la période 2022-2026). 142 Distribution de mémo-tri et guides du compostage, porte à porte, recrutement d?ambassadeurs de tri et de référents compostage pour faire du porte-à-porte, manifestations grand public, lettres d?information, animations scolaires et extra- scolaires, autocollants « stop pub », nettoyage citoyen. 143 Pour le gaspillage alimentaire dans la restauration scolaire et périscolaire, le réseau REGAL (RÉseaux de lutte contre le Gaspillage Alimentaire), lancé par le ministère de l?Agriculture qui vise mobiliser, à l'échelle d'un territoire, l'ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire (professionnels de l?alimentation, associations, acteurs institutionnels, porteurs de projets, citoyens). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-intercommunal-de-collecte-et-de-traitement-des-ordures-menageres-8 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-intercommunal-de-collecte-et-de-traitement-des-ordures-menageres-8 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-departemental-denergie-et-des-dechets-de-la-haute-marne-sded-52 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-departemental-denergie-et-des-dechets-de-la-haute-marne-sded-52 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/metropole-de-lyon-enquete-sur-la-prevention-et-la-gestion-des-dechets https://www.ccomptes.fr/fr/publications/metropole-nice-cote-dazur-nca-nice-alpes-maritimes https://agriculture.gouv.fr/avec-regal-les-regions-se-mobilisent-contre-le-gaspillage-alimentaire COUR DES COMPTES 70 Schéma n° 4 : les actions de prévention accessibles aux collectivités territoriales Source : Cour des comptes Le plan local de prévention de Besançon144 Le syndicat de traitement de l?agglomération de Besançon145 a appuyé son action de prévention sur un plan Territoire Zéro Déchets Zéro Gaspillage146 bénéficiant d?un soutien financier significatif de l?Ademe (450 000 ¤). 144 CRC Bourgogne-Franche-Comté, Syndicat de traitement de l?agglomération de Besançon (Sybert), janvier 2021. 145 Le Sybert couvre un territoire d?environ 1250 km2 et traite les déchets de 163 communes regroupant 225 000 habitants. C?est un territoire au profil mixte, composé d?une zone urbaine très dense, la ville de Besançon (qui regroupe 52 % de la population desservie) et de zones rurales. 146 Le programme « Territoire Zéro Déchet Zéro Gaspillage » (TZDZG) de l?Ademe a pour l?objet est l?accompagnement des collectivités dans une dynamique d'économie circulaire. Les 153 EPCI retenus bénéficient de soutien financier et d?un accompagnement méthodologique de l?agence pour l?élaboration d?un plan d?actions aux fins d?amélioration du recyclage et de la valorisation des déchets. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-besancon-et-de-sa-region-pour-le-traitement-des-dechets-sybert-0 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-besancon-et-de-sa-region-pour-le-traitement-des-dechets-sybert-0 LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 71 La deuxième version de ce plan (2015-2020), qui a été conçue comme un accompagnement de la mise en oeuvre de la redevance incitative, affichait parmi les indicateurs clés une cible moyenne de 100 kg d?OMR par an et par habitant en 2022. Le plan, quantifiait notamment les objectifs de baisse de volume des OMR, des DMA et des déchets dangereux déposés en déchèteries et de ceux détournés de l?élimination vers le réemploi via les ressourceries. Pour atteindre ces objectifs, le Sybert avait retenu d?abord un axe de travail relatif à la promotion et l?accompagnement des différents modes de compostage (collectif en pieds d?immeuble, chalet de compostage, composteur électromécanique en collectif dense, lombricompostage, vente de composteurs individuels). Il prévoyait également des actions de sensibilisation du public telles que le prêt de vaisselle réutilisable, la promotion d?un « Gourmet Bag » auprès des restaurateurs pour prévenir le gaspillage alimentaire et la mise en place d?une stratégie de communication. En outre, des dispositifs d?évitement des déchets étaient développés comme le prêt d?un kit de couches lavables et l?accompagnement des structures volontaires, la promotion du réemploi et de la réparation à travers l?installation de locaux dédiés aux ressourceries dans chacune des déchèteries du territoire. Ces actions ont contribué, à côté du déploiement de la tarification incitative, de l?extension des consignes de tri et de mesures telles que la baisse des fréquences de collecte, à la réduction des volumes d?ordures ménagères résiduelles. Fin 2020, le volume d?OMR collecté par le Sybert s?élevait à 136 kg par an et par habitant, soit une très bonne performance par rapport à la moyenne nationale (les meilleurs ratios, soit 95 kg par habitant et par an, sont relevés dans des territoires à forte dominante rurale). À l?interface entre la prévention et le recyclage, les actions dites en « R » (réparation, réemploi147, ressourcerie148 et réutilisation) offrent des perspectives prometteuses. La loi prévoit qu?en 2030, 5 % du tonnage de déchets ménagers, notamment des textiles et des équipements électriques et électroniques et d'ameublement, soient concernés149. 147 Le réemploi consiste à collecter en déchetteries des matières et objets (meubles, vaisselles, jouets textiles?) les reconditionner et réparer et les revendre (produits de seconde main). 148 Une ressourcerie est une structure qui gère la récupération, la valorisation et la revente de biens sur un territoire donné. 154 étaient en activité en 2020 dont une vingtaine à Paris. Le taux de remise sur le marché est de 41 % des objets collectés. (Observatoire annuel des ressourceries). 149 Art. L. 541-1 I. 3° du code de l?environnement Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://ressourceries.info/?FfF https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ COUR DES COMPTES 72 Les collectivités territoriales doivent depuis 2020, dans toutes leurs déchèteries, qui jouent déjà un rôle central de vecteur des messages de prévention, disposer d?une zone de dépôt destinée aux produits réemployables150. Elles ont l?obligation de permettre par contrat aux acteurs de l'économie sociale et solidaire d?y récupérer et traiter les objets en bon état et réparables. Elles peuvent aussi subventionner ces associations lorsqu?elles collectent les articles chez les particuliers. En cas de carence des initiatives privées, elles peuvent structurer les filières de réemploi par la création de sociétés d?économie mixte151 qui peuvent contractualiser avec les éco-organismes et développer une activité commerciale.152 Les déchèteries peuvent devenir ainsi des éco-pôles mettant en relation les ameneurs et les preneurs pour offrir une deuxième vie aux objets, à l?image de ce qui se fait en Autriche, en Flandre belge, mais aussi en France, par exemple en Gironde 153. Des exemples étrangers de réseaux de réemploi À titre d?exemples, la Belgique (Flandre) et l?Autriche, considérées comme pionnières dans ce domaine, ont mis en place, des réseaux denses de réemploi/ seconde main. En Flandre, ils sont présents dans chaque municipalité (ou centre commun à plusieurs municipalités voisines), avec des objectifs fixés en termes de biens réutilisés en kg par habitant. Les biens sont déposés par les habitants dans ces centres ou collectés dans les déchèteries (une benne pour les biens hors d?usage et une benne pour les biens réparables/réutilisables) afin d?être revendus. En Autriche, le réseau « repanet » regroupe 27 organisations employant 1 800 personnes dans 140 lieux (principalement pour le textile et les équipements électroniques). Cet adossement des ressourceries aux déchèteries est encore trop rare, mais il se heurte, il est vrai, à certaines contraintes (sites des déchèteries manquant de place, trop excentrés ou mal sécurisés). La mise en place de nouvelles REP qui collectent désormais des objets et appareils en amont des déchèteries154répond aussi à cet objectif. 150 Article L. 2224-13 du CGCT 151 Centre Vosges TLC de tri textile de valorisation par la revente, l?export ou l?incinération et d?insertion des personnes en difficulté au regard de l?emploi. 330 bornes d?apport volontaire. 30 salariés et 150 tonnes collectées chaque mois. 152 Article L. 2224-13 du CGCT 153 En Gironde, le SMICVAL, profitant de la modernisation de son réseau de déchèteries, a créé un supermarché inversé, lieu de réemploi mais aussi de formation et de sensibilisation, fonctionnant sur le principe du « donnez, prenez, recyclez ». 154 Exemples : jouets, articles de sport, de loisirs, de bricolage et de jardins, deux roues. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041598995/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041598995/ LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 73 Les intercommunalités et les éco-organismes doivent être incités à augmenter la part de leurs dépenses consacrées à la prévention et à financer des actions plus opérationnelles et ambitieuses que la communication. Les recommandations n°3 et 4 présentées ci-dessus et visant à publier des tableaux de bord annuel de six indicateurs-clefs parmi lesquels la prévention (ratio dépenses de prévention/ dépenses totales), répondent aussi à cet objectif. Pour permettre le calcul et la publication de cet indicateur, les juridictions financières recommandent dans un premier temps de dresser dans la réglementation la liste des actions financées par les EPCI et les REP pouvant être considérées comme dépenses de prévention (État). II - La collecte : peu de progrès sur les enjeux prioritaires Malgré leur réduction régulière (249 kg/habitant en 2019 pour 298 kg/habitant en 2009), les tonnages d?OMR (16 611 kt en 2019) restent la part la plus importante de l?ensemble des déchets collectés. Tableau n° 2 : les tonnages collectés en 2019 Source : ADEME, chiffres clés 2019 (parution juin 2021) La dernière étude de caractérisation MODECOM de 2017 montre que les OMR sont composées d?une majorité de produits valorisables dont Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 74 40 % de flux ciblés par des filières REP existantes et 38 % potentiellement concernés par une valorisation organique (dont un tiers de bio déchets). L?enjeu est donc de développer les efforts de pré-collecte155 et de collecte afin de distraire des OMR le plus possible de produits valorisables. A - Une organisation territoriale multiforme 1 - Une gestion partagée entre régie et marchés de prestations de service La collecte s?exerce soit en régie (directement par les services de la collectivité ou par des contrats de prestation de service), soit en délégation de service public (DSP). L?enquête a révélé plusieurs exemples mixtes avec une partie du territoire en gestion directe (régie ou marchés publics) et une autre en DSP. Cette organisation résulte de la volonté de maintenir une forme de concurrence entre les différents modes de gestion et aussi de conserver la compétence technique permettant d?évoluer dans les choix de gestion. Nice et Lyon : une volonté de maintenir un fonctionnement mixte entre collecte en régie ou confiée à des prestataires Pour Nice-Côte d?Azur, la compétence est exercée à la fois en régie (51 % de la population en 2022), s?agissant notamment de la collecte de la ville de Nice et via des marchés (49 %) attribués à des entreprises différentes pour d?autres secteurs géographiques. La métropole de Lyon a fait le choix d?une collecte effectuée en partie en régie directe par ses propres services et en partie par des entreprises prestataires. La part de ces dernières est passée de 49 à 57 % des tonnages collectés entre 2015 et 2019. La collectivité explique l?externalisation partielle du service collecte et le maintien d?un système mixte par la volonté de mettre en place une émulation entre les secteurs public et privé ainsi qu?une démarche d?amélioration continue. Cette organisation permet, selon la métropole, un meilleur contrôle des prestataires grâce à la connaissance technique du métier détenue par ses services et permet de limiter les blocages en cas de grève. 155 La pré-collecte est l?ensemble des opérations (principalement de tri) qui précèdent le ramassage des déchets par le service d?enlèvement. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/metropole-nice-cote-dazur-nca-nice-alpes-maritimes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/metropole-de-lyon-enquete-sur-la-prevention-et-la-gestion-des-dechets LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 75 La différence de coûts entre la gestion en régie et le recours à un prestataire est difficile à établir compte tenu de la diversité des conditions de collecte. Toutefois, le coût à la tonne collectée en régie peut être supérieur au coût de la collecte par un prestataire : par exemple pour le SICTOM Pézenas-Agde156, les tonnages collectés par un prestataire sur le secteur d?Agde représentent un tiers des tonnages totaux alors que le coût ne représente que 22 % du total157. Certaines collectivités constatent que lorsque la collecte est assurée par un prestataire (dans le cadre d?un marché par exemple), il est plus difficile de contrôler la qualité du tri. L?enjeu pour les EPCI reste d?assurer un équilibre optimal entre l?indispensable maîtrise des coûts et la qualité du service proposé. 2 - Un équilibre à trouver entre qualité et coût du service rendu La diversité des types d?habitat au sein de la très grande majorité des EPCI conduit à différentes modalités de collecte, prenant en compte la densité de population et le type d?habitat (ville-centre, zones périurbaines, zones plus rurales, habitat collectif/habitat individuel). Cette hétérogénéité n?est pas un problème : l?adaptation de la collecte (notamment sa fréquence) aux particularités d?un territoire intercommunal est une condition de la réussite d?une politique de réduction des déchets. La collecte est organisée selon trois modalités adaptées aux différentes typologies de territoire et à la nature des produits triés : - La collecte en porte à porte (PAP) particulièrement adaptée au milieu urbain dense ; - La collecte en points d?apports volontaires (PAV) souvent utilisée pour une partie au moins du tri sélectif et quasiment généralisée pour le verre ; - La collecte en points de regroupement158, utilisée dans les secteurs à faible densité de population. 156 cf. CRC Occitanie, Smictom Pézenas-Agde, février 2021. 157 La configuration du territoire (densité de population beaucoup plus forte sur la commune d?Agde et activité touristique importante) peut expliquer ces différences de coûts. 158 Les points de regroupement concernent des usagers identifiés, ce qui n?est le cas des PAV. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-intercommunal-de-collecte-et-de-traitement-des-ordures-menageres-sictom-1 COUR DES COMPTES 76 Photo n° 1 : les trois modalités du tri à la source des bio déchets Source : Présentation de la société Les Alchimistes à destination des juridictions financières octobre 2020 Si la collecte en porte à porte présente de nombreux avantages dont un plus grand confort pour les usagers, elle engendre les coûts les plus élevés tant en matériel qu?en personnel159. L?amélioration de la qualité du tri conduit à des arbitrages sur les fréquences de collecte. Ainsi, l?ajout d?une tournée spécifique (par exemple pour les bio déchets) ne peut se faire à coût égal qu?en supprimant une tournée de collecte des OMR. 3 - Professionnels : une orientation prioritaire vers les déchèteries Un accès facilité aux déchèteries (notamment pour les professionnels) permet de développer le tri et de limiter les dépôts sauvages, sources de nuisances et de coûts importants. C?est pourquoi le volume des dépôts en déchèteries, hors secteur urbain dense, est en forte augmentation et les modalités d?accès à ces équipements, la qualité du tri réalisé et le développement de filières de traitement deviennent des enjeux déterminants pour le service public des déchets. L?étude MODECOM 2017 montre que, dans les déchèteries, la benne tout-venant peut contenir encore potentiellement 28 % de déchets relevant d?une filière REP et 40 % de déchets (plastiques, métaux, bois non transformé, etc.) qui pourraient faire l?objet d?une valorisation matière. La 159 Le coût moyen par habitant de la collecte en porte à porte est supérieur de 20 % au coût moyen en point d?apport volontaire (référentiel national des coûts 2016 de l?Ademe. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 77 recommandation précitée de retenir la quantité d?OMR collectée, y compris les bio déchets, les emballages et les déchets des professionnels, comme indicateur-clef pour mesurer la performance du service public, permettra aussi de suivre les avancées dans ces domaines. B - Promouvoir la collecte et le tri des bio déchets et des emballages en plastique 1 - Les fortes potentialités de la collecte des bio déchets malgré sa complexité a) La complexité propre à la collecte des bio déchets La séparation des biodéchets du flux des déchets résiduels et leur exploitation par le compostage, l?épandage ou la méthanisation a un impact déterminant sur le poids des OMR. Elle constitue, depuis la loi sur la transition énergétique et pour une croissance verte (LTECV), un des objectifs prioritaires des politiques de gestion des déchets. Le tiers des OMR encore composé de bio déchets (75 kg par habitant et par an) est une source de gaspillage de ressources importante160. Ces matières fermentescibles contiennent des matières organiques précieuses dont le traitement non spécifique (par exemple leur incinération) se révèle inutilement coûteux161. La LTECV fixe l?objectif de la généralisation du tri à la source des bio déchets au 31 décembre 2023162. Toutefois, elle ne comporte pas l?obligation d?organiser la collecte distincte des biodéchets. L?article 70 de cette loi précise que : « Chaque citoyen disposera d?une solution lui permettant de ne pas jeter ses biodéchets dans les ordures ménagères résiduelles. » Les solutions possibles sont donc les collectes séparées et/ou la gestion de proximité à l?aide de composteurs individuels ou partagés en pied d?immeuble, à l?échelle d?un quartier ou d?un village. Des 160 Le retour au sol des bio déchets est particulièrement utile car la majorité des sols agricoles du territoire français sont appauvris en matières organiques. 161 Les bio déchets sont composés majoritairement d?eau rendant leur incinération (lorsqu?ils sont traités en OMR) encore plus regrettable. 162 La date initialement fixée au 1er janvier 2025 a été avancée au 31 décembre 2023 par la loi AGEC. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 78 expérimentations technologiques pour réduire les coûts sont actuellement en cours mais ne peuvent pas encore être évaluées. Toutefois, le tri des biodéchets peut se révéler délicat compte tenu des difficultés techniques, financières et sociales pour mobiliser ces flux. La collecte séparée des biodéchets devrait, selon l?Ademe, induire à elle seule un coût supplémentaire de 15 à 25 ¤ par habitant. Les modalités de tri à la source devront être adaptées à chaque spécificité locale et il n?apparaît pas opportun de recommander, à ce stade, une modalité plutôt qu?une autre. La diversité des solutions envisageables et surtout la possibilité de les combiner sur un même territoire pour les adapter aux typologies d?habitat, conduisent à ne pas imposer de mesures généralisées trop radicales (comme la collecte sélective des biodéchets) qui pourraient se révéler contre-productives et coûteuses. Les EPCI présentant les politiques les plus efficaces de tri des bio déchets sont le plus souvent engagés sur de longues périodes avec une planification et une programmation d?actions précises associées à des évaluations fréquentes, à l?exemple du syndicat intercommunal pour la valorisation et le traitement des déchets ménagers du Puy-de-Dôme (Valtom). Une politique volontariste de collecte des bio déchets Le syndicat intercommunal pour la valorisation et le traitement des déchets ménagers du Puy-de-Dôme (Valtom163) assure le traitement des DMA pour neuf EPCI du Puy de Dôme et de la Haute Loire. Le Valtom a mis en oeuvre un schéma territorial de gestion des déchets organiques (STGDO), adopté en 2017, pour le compte de ses membres avec des objectifs à l?horizon 2025 en référence à 2017 : réduire de moitié la quantité des bio déchets présents dans les OMR, tripler le volume de bio déchets alimentaires traités et diminuer de 12 % les tonnages de déchets verts à traiter en déchèterie. Le schéma prévoit d?utiliser plusieurs leviers comprenant la création d?un réseau de maitres-composteurs (9 emplois), la diffusion d?un grand nombre de composteurs : 50 000 individuels, 225 en pied d?immeuble, près de 1 000 en quartier et 450 en établissement. 163 Cf. rapport CRC Auvergne-Rhône-Alpes, syndicat Valtom, juin 2022. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://agirpourlatransition.ademe.fr/collectivites/fiches/valorisation-biodechets-agir https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-pour-la-valorisation-et-le-traitement-des-dechets-menagers-et-assimiles-du LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 79 Selon les premières estimations présentées dans les rapports d?activité du Valtom (rapport 2020), le développement du compostage aurait permis de détourner 4 812 tonnes de bio déchets soit environ 10 % du gisement annuel. La plus grande part de ce détournement tiendrait au compostage individuel (3 859 t), puis au compostage en établissement (484 t), en pied d?immeuble (275 t) et enfin en quartier (194 t). La difficulté pour mesurer les quantités de bio déchets, distraites des OMR ne permet pas de suivi précis de l?évolution du tri. C?est pourquoi, comme indiqué précédemment, la quantité d?OMR collectée doit faire partie des indicateurs-clefs pour mesurer la performance du service public car il intègre la réduction de la part des biodéchets, principale composante des OMR. b) La solution du compostage de proximité Carte n° 1 : Gestion de proximité des bio déchets Source : ADEME Le compostage de proximité apparaît comme un axe de progrès, y compris en milieu urbain dense, puisqu?il permet l?accès à un équipement pour l?ensemble des usagers, professionnels et particuliers. Traditionnellement centré sur le compostage autonome domestique (à l?aide d?un composteur individuel), le compostage de proximité peut prendre d?autres formes. Le mode partagé consiste pour un établissement à ouvrir son équipement à d?autres usagers. Le mode collectif regroupe différents foyers avec une organisation propre sur un lieu choisi en commun. Des expériences de compostage partagé existent aussi dans le cadre des résidences collectives, parfois de tailles importantes, et contribuent, outre leur intérêt intrinsèque, au renforcement du lien social. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 80 Une expérience de distribution de composteurs individuels rapidement amortie : la CC de l?Ile d?Oléron (CCIO) 164 Depuis 2019, la CCIO a précisé et étendu sa politique en matière de bio déchets, en décidant que le tri à la source des bio déchets serait déployé par la distribution de composteurs gratuits (15 000 individuels renouvelables tous les huit ans pour les usagers pouvant composter et 50 à 60 partagés pour les particuliers ne disposant pas d?assez d?espace, avec une gestion et un suivi par les services techniques des communes ou de l?EPCI), et par une collecte séparée des bio déchets pour les gros producteurs ne pouvant pas composter. Le développement du compostage individuel a permis d?éviter la production de 700 tonnes de bio déchets en 2019 avec une économie annuelle de coût de transfert et de traitement estimée par la CCIO à 120 000 ¤ correspondant au coût d?investissement en composteurs. Le coût de ce schéma de développement du tri est estimé (sur les six ans) à 10,5 M¤ mais la réduction du coût de traitement est évaluée à 14 M¤. Une première évaluation produite en février 2021 indique un détournement de plus de 10 % de biodéchets représentant près de 5 000 tonnes du gisement. c) Le défi du tri des biodéchets dans l?habitat urbain dense Le tri et la collecte des biodéchets posent des problèmes spécifiques dans les territoires fortement urbanisés alors même que les tonnages produits sont très importants. Les capacités de stockage limitées dans l?habitat vertical et les désagréments (odeurs et risque sanitaire) liés à la conservation des biodéchets comptent parmi les principaux obstacles au développement du tri sélectif des bio déchets. 164 Cf .CRC Nouvelle-Aquitaine, décembre 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-de-communes-de-lile-doleron-saint-pierre-doleron-charente-maritime LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 81 La Ville de Paris : des objectifs ambitieux qui peinent à se concrétiser165 La Ville de Paris, compétente pour la collecte et le traitement des ordures ménagères, s?est fixé des objectifs parfois plus ambitieux que les dispositions législatives en matière de biodéchets. Elle projetait notamment de généraliser leur tri à l?horizon 2020. Toutefois, en 2021, la collecte séparée des déchets organiques n?est réalisée que dans trois arrondissements166 et seulement auprès des ménages et des établissements de l?administration parisienne, à l?exclusion des professionnels et notamment des restaurateurs. En 2018, selon le baromètre comportemental167 de la Ville, 74 % des parisiens interrogés déclaraient jeter les restes alimentaires à la poubelle montrant les importantes marges de progrès restant à réaliser. Le tonnage de biodéchets collectés augmente dans les trois arrondissements mais reste encore minime par rapport au gisement. Les bacs d?OMR y sont encore composés à hauteur de 21 % de déchets alimentaires168. Les 3 000 tonnes, tous usagers confondus, collectées à Paris restent très éloignées de l?objectif à atteindre d?ici la fin de 2023. La difficulté spécifique, souvent relevée, pour la collecte en milieu urbain dense n?est cependant pas absolue, aussi bien en France que dans d?autres pays comme le montrent les expériences probantes relevées par les juridictions financières. Ainsi, la métropole de Rennes (avec 500 aires de compostage partagé desservant 28 000 logements) obtient un tonnage d?OMR par habitant (185?kg par habitant en 2019) peu élevé pour une collectivité de cette taille169. D?autres collectivités ont entrepris des démarches similaires comme l?agglomération de Lorient depuis 2002 ou plus récemment Grenoble. Plusieurs métropoles françaises (Paris, Strasbourg, Aix- 165 Cf. CRC Ile-de-France, mars 2022. 166 Depuis mai 2017, dans les 2ème et 12ème arrondissements étendue au 19ème arrondissement en 2019. 167 La mairie de Paris réalise tous les deux ans un sondage comportemental auprès d?un échantillon représentatif de 3 500 Parisiens. 168 Campagne de caractérisation des déchets de 2017. Rapportés aux OMR (752 000 tonnes en 2019), les bio déchets représentent donc 157 000 tonnes. 169 450 000 habitants Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/ville-de-paris-prevention-et-gestion-des-dechets COUR DES COMPTES 82 Marseille, Nantes et Lyon) sont également engagées dans des expérimentations170 de collectes sélectives des biodéchets. Même si elles ne concernent qu?une partie des territoires métropolitains, les premiers résultats de ces expérimentations171 indiquent une collecte entre 15 et 20 % du gisement estimé de biodéchets et la nécessité, pour obtenir des résultats probants d?utiliser l?ensemble des leviers possibles (collecte en PAP, en PAV, compostage de proximité individuel ou collectif). Des exemples étrangers confirment ces potentialités (cf. annexe n° 7 sur les comparaisons internationales), notamment en Allemagne où la collecte spécifique des biodéchets est assurée, pour 70 % de la population, mais aussi aux Pays-Bas et en Flandre. Un exemple européen de collecte des biodéchets en milieu fortement urbanisé : la ville de Milan172 Milan compte une population urbaine d?environ 1,7 millions d?habitants (7 520 hab./km2). Milan est trois fois plus densément peuplée que Rome et plus de 80 % de ses habitants vivent en appartement. La ville a développé des plans ambitieux de gestion des déchets depuis les années 1990 : 55 000 points de collecte, collecte des déchets alimentaires des habitants et des commerces en sacs compostables, recyclage organique. Elle est passée de 35 % de collective sélective en 2011, à 50 % dès 2014 et à 61,8 % en 2022, soit plus de 800 000 tonnes collectées dont 85 % de bio déchets. Milan est la plus grande métropole européenne à avoir mis en place un système de collecte des déchets alimentaires à l'échelle de la ville173, impliquant presque 100 % des habitants dès 2014. Le compostage partagé dans les centres urbains peut être une solution d?accompagnement, à condition que la gestion des chalets/station de compostage soit professionnalisée : c?est la solution mise en oeuvre par le Sybert174, syndicat en charge du traitement des déchets de Grand Besançon, qui à côté de la collecte en PAV des biodéchets réalisée par la communauté urbaine, assure la gestion en régie de chalets de compostage urbains. 170 Article « déchetsinfos » du 20/10/2021. 171 Installation d?abribacs en métal contenant un bac roulant dans lequel les habitants que la collectivité a équipés de bio-seaux et sacs en plastique biodégradable ou en papier viennent apporter de manière volontaire leurs bio déchets (hors déchets verts). 172 « Guide économie circulaire » France Urbaine et Science po, août 2021. 173 Tous les nouveaux immeubles disposent d?un espace dédié à la collecte des déchets, géré par un résident désigné. Les citoyens y amènent leurs déchets alimentaires dans des sacs compostables collectés deux fois par semaine en porte à porte. 174 Cf. CRC Bourgogne-Franche-Comté, janvier 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.amsa.it/fr/cittadini https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-besancon-et-de-sa-region-pour-le-traitement-des-dechets-sybert-0 LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 83 2 - La collecte séparée et la prise en charge des emballages en plastique : une responsabilité à mieux partager Le rattrapage du retard pris par la France dans le recyclage des emballages est largement conditionné par la qualité de la collecte séparée des emballages en plastique qui reste très inférieure aux moyennes européennes. a) Des intercommunalités confrontées à l?extension des consignes de tri L?extension des consignes de tri (ECT) L?ECT consiste à demander à l?usager de jeter la totalité des emballages plastiques (pots, barquettes, films, tubes?), dans le bac jaune et les collecteurs de tri et non plus seulement certains d?entre eux (bouteilles et flacons). Cette évolution facilite le geste de tri des citoyens, améliore leur respect des consignes et augmente les quantités d?emballages collectés (+10 % soit + 4 kg par habitant et par an). La loi prévoit cette extension à tous les habitants d?ici fin 2022175. Malgré les progrès constatés, 70 % de la population couverte au 31 juin 2022176, cet objectif parait difficilement atteignable. Pour mettre en place l?ECT, les collectivités doivent préalablement développer des actions de communication et entreprendre de lourds investissements d?adaptation des centres de tri à ces nouveaux flux qui obligent les EPCI à se regrouper pour y faire face. L?ampleur de ces investissements entraine des délais au-delà de 2022, à l?exemple du centre de tri de la communauté d?agglomération de Valenciennes et de son syndicat (Siaved)177. b) Des éco-organismes à mieux responsabiliser L?un des objectifs principaux des filières REP est, via une collecte sélective de qualité, de détourner des OMR le plus de déchets possibles. Or, seule la moitié du gisement de déchets issus des filières REP était en 2018 recyclée, le reste relevant donc toujours des ordures résiduelles. 175 5° de L. 541-1 du code de l?environnement issu de la loi LTECV de 2015 176 Source : Citéo 177 CRC Hauts-de France, CA Valenciennes Métropole, juin 2021 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-dagglomeration-valenciennes-metropole-tome-2-prevention-et-gestion-des COUR DES COMPTES 84 Comme la Cour l?a déjà souligné178, les résultats insuffisants sont constatés dans plusieurs filières, mais concernent au premier chef les emballages plastiques. Pour l?ensemble des emballages (dont un quart d?emballages plastiques) le taux de recyclage est de 68 % en 2020 et 72 % en 2021 au lieu des 75 % visés dans le cadre du cahier des charges fixé par l?État. Or la consommation de plastiques en France est de 70 kg par an et par habitant, dont près de la moitié pour les emballages179. La loi AGEC du 10 février 2020 revoit le dispositif en supprimant cet objectif de 75% de recyclage pour toutes les matières d?emballage au profit d?une déclinaison des objectifs par matière180 qui permettra de mieux isoler les retards de collecte des emballages en plastique. Par ailleurs, jusqu?à présent, la filière ne pouvait pas faire l?objet de sanctions administratives en cas de non-atteinte de ses objectifs. L?État n?avait le choix qu?entre un retrait d?agrément aux lourdes conséquences et une amende de 30 000 ¤, peu dissuasive au regard de la surface financière des éco-organismes. Le nouveau système de sanctions est davantage incitatif181 et devrait permettre un suivi plus rigoureux des obligations auxquelles les éco-organismes s?engagent à la faveur du renouvellement de leurs cahiers des charges en 2022. Le principal savoir-faire des collectivités territoriales concerne la collecte, le transport, le tri et la préparation des déchets. Pour la reprise des matières issues du tri, elles n?ont pas la responsabilité de la gestion des déchets collectés relevant de la compétence exclusive des éco-organismes de la filière, qui prennent en charge le traitement final de ces déchets 182. 178 Rapport public annuel 2020, « Les éco-organismes : une performance à confirmer, une régulation à renforcer » ; rapport public annuel 2016, « Les éco-organismes : un dispositif original à consolider ». 179 Stratégie 3R. Avril 2022 180 II de l?article L. 541-10 du code de l?environnement : les objectifs des REP doivent être en cohérence avec les objectifs nationaux de l?article L. 541-1 : . 181 Jusqu?à présent, si les objectifs n?étaient pas atteints, la perspective de la pénalité financière était bien inférieure aux économies permises par la non-atteinte des objectifs. Désormais, la sanction sera équivalente à 1,5 fois l?économie attendue, car par définition, non réalisée. (Article L. 541-9-6 du code de l?environnement). 182 Les filières dites opérationnelles sont majoritaires en nombre, mais pas en volume. Elles prennent en charge directement les déchets des entreprises de leur secteur en contractualisant avec les collectivités. Dans le cas du syndicat SMICTOM d?Alsace centrale, trois types de contrats ont utilisés : l?un avec des éco-organismes pour les meubles, piles, déchets d?équipements électriques et électroniques ; l?un pour les huiles végétales, les radiographies, les objets réemployables (recyclerie) et les cartouches d?encre ; et des marchés publics de prestations pour les gravats, papiers-cartons, déchets incinérables, bois, déchets diffus spécifiques, métaux-ferrailles, plâtre, déchets verts, huiles minérales. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-02/20200225-11-TomeI-eco-organismes.pdf https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-02/20200225-11-TomeI-eco-organismes.pdf https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/05-eco-organismes-RPA2016-Tome-1.pdf https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/05-eco-organismes-RPA2016-Tome-1.pdf https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041599099/2021-01-01 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041583353/ https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-intercommunal-de-collecte-et-de-traitement-des-ordures-menageres-8 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-intercommunal-de-collecte-et-de-traitement-des-ordures-menageres-8 LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 85 Les emballages constituent à cet égard une exception. Les EPCI (ou leur syndicat de traitement) restent aujourd?hui chargés de la commercialisation des matières préparées pour être recyclées. Elles doivent négocier individuellement avec les repreneurs. Les éco-organismes des emballages sont dits « financeurs », c?est-à-dire qu?ils ne prennent pas en charge les déchets collectés mais versent aux collectivités territoriales 80 % des coûts de collecte et de traitement qu?elles supportent. Ces éco- organismes disposent pourtant d?une réelle compétence pour la commercialisation sur les marchés des matières recyclées puisqu?ils accomplissent cette mission pour les emballages collectés dans les entreprises. Cette compétence supplémentaire de commercialisation est lourde pour les collectivités territoriales alors qu?elles ont encore beaucoup à accomplir dans leurs missions principales de collecte et de tri avec l?extension des consignes de tri. Elles doivent en outre s?adapter à un contexte marqué par de fortes variations des cours, une augmentation continue des tonnages et une diversification croissante des filières. Elles sont impuissantes enfin à encourager les débouchés pour les emballages en plastique encore peu recyclables. Afin de répondre à ces inconvénients, les collectivités territoriales pourraient aussi être autorisées à faire le choix, alternatif, de déléguer cette compétence de commercialisation, sur la base du volontariat, aux éco- organismes chargés des emballages183. Cette prise en charge devrait se réaliser à coût zéro pour les collectivités, et donc pour les contribuables, sur le modèle du dispositif en vigueur en Belgique (système Fost+ ; cf. annexe n° 7). III - Le traitement : une coûteuse modernisation à entreprendre Le traitement des déchets collectés regroupe leur préparation (le tri dans des centres de tri préalable au traitement), leur valorisation (recyclage, 183 Le caractère opérationnel de l?éco-organisme a été renforcée pour la filière REP emballages ménagers par l?arrêté du 15 mars 2022. L?éco-organisme en charge des emballages (CITEO) expérimente l?enlèvement aux collectivités, le surtri (matière déjà triée qui doit être triée à nouveau pour un meilleur affinage) et l?envoi vers des filières de recyclage. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 86 valorisation organique et énergétique) et leur élimination (stockage, incinération sans valorisation énergétique). La réduction des modes d?élimination de déchets sans valorisation visée par les objectifs nationaux impose une adaptation des capacités industrielles de traitement à des besoins en évolution continue. Elle rend également indispensable l?amélioration des performances de recyclage, qui restent très variables selon les matières et selon les groupements de collectivités en charge de la compétence traitement. C?est pourquoi la valorisation énergétique des déchets est un mode de traitement qu?il faut assumer, tant que la prévention et les modes de valorisation prioritaires n?auront pas abouti à une réduction drastique des OMR. A - L?adaptation des capacités de traitement : répondre à l?évolution des flux, limiter la hausse des coûts Le parc des installations de traitement s?est fortement transformé au cours de la dernière décennie en France comme dans l?ensemble de l?Union Européenne, avec le développement des installations de valorisation matière (tri, compostage) et la réduction progressive du nombre des installations de stockage comme illustré dans le graphique ci-après : Graphique n° 13 : évolution des modes de traitement des déchets municipaux en France sur la période 2009-2018 Source : Cour des comptes d?après données Eurostat. L?adaptation du parc va se poursuivre. La priorité donnée à la réduction des OMR rend encore plus cruciale l?optimisation des capacités de traitement des unités existantes pour gérer un flux de déchets amené à évoluer quantitativement et qualitativement au cours des prochaines Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 87 années. L?importance des investissements à réaliser par les collectivités (voir infra) impose une planification à l?échelle régionale, en recherchant la meilleure coordination entre EPCI voisins, afin d?en limiter l?impact sur le coût du service. Cette nouvelle planification régionale et cette coordination renforcée entre EPCI pourraient favoriser un rééquilibrage des relations contractuelles avec les grands délégataires pour la construction et la gestion des équipements lourds, sujet qui a vocation être traitée ultérieurement par les juridictions financières. 1 - Un coût du traitement des déchets en augmentation continue Comme indiqué dans le chapitre 1, la dépense nationale consacrée à la gestion des déchets184 augmente de manière continue depuis 20 ans (hausse annuelle de 4,3 %, supérieure à la croissance du PIB) et en 2016, la prise en charge des déchets par le SPGD a coûté en moyenne 117 ¤ (HT) par habitant et par an. La collecte et le traitement avec respectivement 49 ¤ et 47 ¤ par habitant et par an, concentrent les enjeux d?optimisation de la logistique et de l?exploitation des équipements, mais c?est le traitement des déchets qui, avec 40 % des dépenses du SPGD, constitue la partie du service dont le coût connaît la progression la plus dynamique, le coût de la collecte tendant à se stabiliser. Cette tendance haussière va s?inscrire dans la durée du fait des dépenses induites par les investissements nécessaires à la modernisation et à la mise aux normes d?un outil industriel français de traitement vieillissant185. Celui-ci doit mieux répondre aux objectifs nationaux, qu?il s?agisse d?améliorer la performance des unités de valorisation énergétique ou d?accompagner l?extension des consignes de tri (ETC) et le traitement des bio déchets. Par ailleurs, la recherche d?une taille critique est indispensable pour assurer une gestion plus efficiente du traitement. En matière de tri par exemple, elle pousse à la création de centres de tri de grande capacité (comme pour le 184 Gestion des déchets pris en charge par le SPGD, la gestion des déchets des entreprises ainsi que le nettoyage des rues. 185 Le parc des usines d?incinération a un âge moyen de 28 ans (Chiffres Ademe, enquête Itom 2018). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 88 syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers de Lorraine nord)186 et à la recherche de débouchés pour les matières recyclables à une échelle départementale, voire supra-départementale, en raison des investissements requis et de la technicité des missions. Dans un rapport publié en 2020187, la Commission européenne a estimé que, si la France ne semblait pas présenter un risque de manquer l?objectif européen de 50 % des déchets municipaux recyclés en 2020, ceux fixés pour 2035 (65 %) nécessiteraient des investissements estimés à 3,3 Md¤ pour la période 2021-2027, dont environ 1,5 Md¤ à la charge des collectivités territoriales, soit le niveau le plus élevé de l?Union européenne en valeur absolue. En dépit des subventions de l?État, ces investissements devront être financés au premier chef par la fiscalité locale et indirectement, dans le partage de l?effort, par les filières de responsabilité élargie des producteurs. L?ampleur et la variété des investissements que les syndicats en charge du traitement des déchets doivent réaliser pour assurer la modernisation de leurs équipements et disposer d?infrastructures de traitement répondant aux enjeux et aux normes du SPGDP, parfois dans des délais courts (Syndicat de traitement et de valorisation de la région de Toulouse, Syndicat de traitement des déchets des microrégions Sud et Ouest de la Réunion - Ileva) conduisent à s?interroger sur la capacité financière et technique des acteurs locaux à porter ces projets (Syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers de Lorraine nord). Ces investissements exercent une pression sur le coût du service. Quelques exemples donnent la mesure des efforts que doivent réaliser les collectivités locales pour absorber la hausse significative du coût de traitement. Ainsi la rénovation de l?unité de valorisation énergétique du syndicat de traitement de la région de Besançon188 pour 58M¤ a entraîné une augmentation de 22 % du coût de traitement des OMR. Le syndicat de traitement de l?agglomération d?Annecy189 prévoit pour sa part que la rénovation de son unité de valorisation énergétique pour 83 M¤ se traduira par une augmentation de l?ordre de 10 % des tarifs facturés à ses membres. Le syndicat de traitement départemental du Tarn TRIFYL, qui a prévu 186 Citéo n?accompagne financièrement que la création, modernisation des centres de tri d?une capacité supérieure à 50 000 tonnes/an. 187 Rapport 2020 pour la France : évaluation des progrès des réformes structurelles et résultats des bilans approfondis au titre du règlement UE n° 1176/2011 188 Rapport CRC Bourgogne-Franche-Comté, Sybert, janvier 2021 189 Rapport CRC Auvergne-Rhône-Alpes, Sila, juin 2021 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-transport-et-de-traitement-des-dechets-menagers-de-lorraine-nord https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-transport-et-de-traitement-des-dechets-menagers-de-lorraine-nord https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-traitement-des-dechets-des-microregions-sud-et-ouest-de-la-reunion https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-traitement-des-dechets-des-microregions-sud-et-ouest-de-la-reunion https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-transport-et-de-traitement-des-dechets-menagers-de-lorraine-nord https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-transport-et-de-traitement-des-dechets-menagers-de-lorraine-nord https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-besancon-et-de-sa-region-pour-le-traitement-des-dechets-sybert-0 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-du-lac-dannecy-haute-savoie-1 LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 89 d?investir quelque 190 M¤ dans ses équipements de traitement d?ici 2030, anticipe de même une augmentation de 8 % des tarifs facturés à ses membres. Ces décisions d?investissement se prennent dans un certain contexte économique (besoins actuels des usagers), environnemental (hiérarchie en vigueur des modes de traitement) ou réglementaire, qui peut rendre les collectivités territoriales prisonnières de solutions technologiques coûteuses. Des changements affectant le volume ou la nature des déchets, des recettes de l?énergie produite moins assurées (surtout l?électricité avec la fin des prix garantis de rachat et la modulation de la TGAP en fonction des performances énergétiques et environnementales des installations) peuvent rendre ensuite ces installations obsolètes ou mal dimensionnées. La remise en cause par le législateur du tri mécano-biologique (TMB)190 comme solution de prétraitement des OMR, un temps privilégié pour limiter la valorisation énergétique et l?élimination des déchets, illustre ce risque. Plusieurs syndicats mixtes ayant investi dans ce procédé se trouvent contraints de réviser leur stratégie industrielle (syndicat de traitement de la région de Villerupt, Syndicat départemental de Vendée Trivalis191). D?autres organismes qui ont fait des choix de technologies non matures, comme une valorisation énergétique basée sur la production de biogaz connaissent également des difficultés (Syndicat traitement déchets du Douaisis-Symevad). Dans ce contexte, les choix technologiques et le dimensionnement des installations (fours, centres de tri, méthaniseurs) nécessitent un effort d?anticipation et d?adaptation lors de la programmation des équipements, afin d?éviter d?investir massivement dans des solutions de traitement dont les coûts de fonctionnement ne seraient pas soutenables. Une telle analyse implique une capacité d?expertise des collectivités territoriales et de leurs groupements pour, le cas échéant, remettre en question les offres 190 Le procédé de traitement mécano-biologique permet d?extraire la fraction organique et bio dégradable des déchets ménagers par des opérations mécaniques de tri, en la séparant des autres matériaux recyclables (métaux, plastiques et verre) ou non. Les déchets organiques issus du TMB sont traités biologiquement pour devenir du compost ou du biogaz ; les déchets non recyclables sont, eux, broyés et séchés pour être transformés en produits « stabilisés » avant envoi en décharge ou en usine d?incinération. Avec la loi LTECV du 17 aoûts 2015, qui généralise le tri à la source des biodéchets et a fortiori avec la loi AGEC du 10 février 2020, qui interdit d'utiliser la fraction fermentescible des déchets issus de ces installations dans la fabrication de compost à partir de 2027, le TMB comme solution de prétraitement des OMR perd de sa pertinence. 191 Rapport CRC Pays de la Loire, mars 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-trivalis-vendee COUR DES COMPTES 90 techniques du secteur très concentré de l?industrie des déchets. L?État intervient par l?intermédiaire de l?Ademe, mais les conseils de l?agence sont limités aux installations de tri qu?elle finance (il en va de même pour l?éco-organisme CITEO). Les maîtres d?ouvrage locaux (EPCI et syndicats de traitement) en revanche, peuvent s?appuyer, au-delà des bureaux d?études qu?ils mobilisent, sur des associations telles qu?Amorce192qui assure une mise en commun des expertises publiques locales. 2 - La nécessité d?une meilleure coordination des investissements Pour adapter la capacité de traitement aux besoins, surmonter les difficultés d?amortissement induites par des investissements lourds et éviter une concurrence néfaste entre des projets d?équipements publics nécessitant une taille critique, une bonne coordination entre structures et entre territoires est indispensable. Certains acteurs privilégient délibérément un sous-dimensionnement de leur équipement par rapport à la quantité de déchets traités, en cohérence avec la priorité donnée à la prévention et à la diminution des quantités (Grand Besançon193, Grenoble Alpes Métropole194, Grand Paris195). D?autres au contraire, confrontés à un surdimensionnement du fait de la baisse des volumes d?OMR, sont contraints de rechercher des volumes de déchets extérieurs au territoire ou issus du secteur privé pour assurer l?équilibre financier des installations et éviter les augmentations du coût du traitement (Syndicat mixte Flandre Morinie196, Syndicat d'Études et de Réalisations pour le Traitement intercommunal des Déchets de Belfort197). Pour gérer la période de transition durant laquelle les équipements de traitement ne sont pas correctement dimensionnés ou répartis et pour assurer la rentabilité des investissements réalisés, des coopérations doivent être nouées à une échelle élargie, entre organismes ayant besoin d?exutoires à leurs déchets et ceux qui ont intérêt à les accueillir pour couvrir leurs coûts marginaux d?exploitation. Prendre l?initiative de ces partenariats dès l?élaboration des projets d?investissement comme l?a fait la métropole 192 Association nationale des collectivités territoriales et de leurs partenaires pour la gestion de l?énergie, des déchets, de l?eau et de l?assainissement, en faveur de la transition écologique et de la protection du climat. 193 Rapport CRC Bourgogne-Franche-Comté, CU de Besançon, novembre 2021 194 Rapport CRC Auvergne-Rhône-Alpes, septembre 2021 195 Rapport CRC Ile de France, Ville de Paris 196 Rapport CRC Hauts-de-France, août 2021 197 Rapport CRC Bourgogne-Franche-Comté, Sertrid, décembre 2016 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-urbaine-du-grand-besancon-doubs https://www.ccomptes.fr/fr/publications/grenoble-alpes-metropole-isere-1 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/ville-de-paris-prevention-et-gestion-des-dechets https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-flandre-morinie-smfm-dont-enquete-sur-la-prevention-et-la-gestion-des https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-detudes-et-de-realisations-pour-le-traitement-intercommunal-des-dechets LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 91 grenobloise avec ses communes limitrophes pour le renouvellement et l?exploitation de son centre de tri et de son unité de valorisation énergétique, évite d?y être contraint. Ainsi, le Syndicat Valor 3E198 (Maine- et-Loire), confronté à une mauvaise évaluation et à une saturation des capacités de ses installations suite à l?extension de la consigne de tri aux plastiques et en attendant le projet de centre de tri interrégional, a enregistré une détérioration de ses performances de tri. Le niveau régional serait le plus pertinent pour organiser une programmation et une coordination optimales des investissements. En principe, les plans régionaux (PRPGD et Sraddet) adoptés en 2018-2019, doivent planifier les besoins en installations de traitement sur les 12 prochaines années. En pratique, ils manquent souvent de déclinaison temporelle et géographique détaillée des actions à mener pour atteindre les objectifs du plan. Pour assurer cependant une mise en oeuvre effective des objectifs arrêtés dans les plans régionaux, les projets d?investissement des équipements structurants doivent y être indiqués avec la précision exigée par la loi. Celle-ci prévoit que les plans doivent mentionner toutes « les installations qu'il apparaît nécessaire de créer, d'adapter ou de fermer afin d'atteindre les objectifs » nationaux (5° de l?article R. 541-16 du code de l?environnement). Or, dans leur volet prospectif, les plans ne recensent le plus souvent que les installations de stockage et d?incinération sans valorisation énergétique et les limites de capacité qui sont visées par les articles R.541- 17 et R.541-19 du code de l?environnement. La formulation vague des objectifs souvent constatée dans les plans (Ile de France, Bourgogne- Franche-Comté, Bretagne, Rhône-Alpes-Auvergne) quant à la localisation des installations, au type de déchets et à l?évolution des quantités associées, prive d?effectivité leur opposabilité aux décisions locales d?investissement. La répartition cohérente des équipements structurants implique que la région joue pleinement son rôle de planificateur (voir l?analyse des 12 plans régionaux en annexe n°3). Compte tenu de l?évolution continue du volume, de la nature des déchets et des technologies de traitement, une animation dynamique de leur plan par les régions, de manière à actualiser les objectifs régionaux en fonction de ces évolutions est une autre condition de la réussite de la planification régionale. Pour assurer une localisation des besoins en équipements dans les documents d'urbanisme en fonction des règles établies dans leurs plans et parvenir à une adaptation des exutoires aux 198 Rapport CRC Pays de la Loire, septembre 2021 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-pour-le-traitement-et-la-valorisation-des-dechets-menagers-valor3e COUR DES COMPTES 92 besoins, les régions doivent associer l?ensemble des acteurs (collectivités territoriales, filières, Dréal, Ademe) et offrir une assistance technique et un accompagnement financier des projets d?équipement, comme le font déjà certaines régions (Provence-Alpes-Côte d?Azur, Occitanie, Grand Est ou Normandie) et comme d?autres ont prévu de le faire (Nouvelle-Aquitaine). B - Le recyclage et la valorisation : des performances et une organisation à améliorer A la faveur de l?amélioration de la collecte et du tri sélectif, des volumes croissants de déchets ont été détournés ces dix dernières années de l?enfouissement et de l?incinération. Ces résultats sont le fait des évolutions réglementaires qui, tout en affichant des objectifs de recyclage plus ambitieux, ont contraint les organismes en charge à mieux exploiter les gisements de matières recyclables (extension de la consigne de tri) et en ont facilité l?exploitation (augmentation et meilleure structuration des filières REP). Grâce à l?ensemble de ces mesures, le taux de recyclage français est aujourd?hui de 44 %199. Sous réserve de l?harmonisation des données européennes prévue en 2023,200 ce taux situe la France légèrement en dessous de la moyenne européenne (47 %), comme le montre le graphique ci-dessous. Un chemin significatif reste donc à parcourir pour rejoindre les pays les plus avancés, comme l?Allemagne, l?Autriche, les Pays-Bas et les pays scandinaves et atteindre les objectifs actuels de valorisation matière201 que nous nous sommes fixés 55 % en 2020 et 65 % en 2025, soit 21 points de plus que les dernières données disponibles). 199 Le taux de recyclage dans les données Eurostat comprend la valorisation matière ainsi que la valorisation organique (compostage et méthanisation). 200 Décisions d?exécution (UE) de la Commission 2019/665 du 17/4/ 2019, 2019/1004 du 6/7/2019 et 2019/1885 du 6/10/2019. Les pays seront plus ou moins impactés par ces réformes statistiques en fonction de leur mode actuel de calcul. La situation relative de la France pourrait s?en trouver améliorée car elle pratique déjà la prise en compte préconisée par l?UE des seuls flux sortants des centres de tri (orientés vers une filière de valorisation) et non la méthode d?autres États dont l?Allemagne qui comptabilise aussi les flux entrants (incluant les refus de tri et autres flux à ne pas prendre en compte comme les mâchefers?). Pour l?Allemagne par exemple, cette nouvelle comptabilisation aboutirait à dégrader 750 000 tonnes de déchets de la catégorie « recyclés » à la catégorie « stockés » soit une variation de 1,8 % d?une catégorie à l?autre. 201 4° de L. 541-1 du code de l?environnement issu de LTECV. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 93 Graphique n° 14 : pourcentage des déchets municipaux recyclés dans la production totale de déchets municipaux (2018) Source : Cour des comptes d?après Eurostat. N.B : données non disponibles pour Irlande, Grèce et Chypre. Comme le montre le graphique ci-dessous qui retrace l?un des six indicateurs-clefs recommandés dans ce rapport, ces objectifs paraissent difficilement atteignables, compte tenu du rythme de progression enregistré au cours des années précédentes. Si des territoires à dominante rurale, où il est plus aisé de détourner la part fermentescible des OMR, parviennent déjà à atteindre des taux de valorisation de l?ordre de 75 %, très supérieurs aux objectifs nationaux (Syndicat Mixte à Vocation Unique pour la Valorisation et l'Élimination des Ordures ménagères de Haute Saône202, Communauté d?agglomération Clisson Sèvre et Maine203), c?est loin d?être le cas des territoires urbains. En 2019, Paris se situait à seulement 27 % tandis que le syndicat chargé du traitement des déchets de Besançon, agglomération pourtant engagée de longue date dans des démarches de prévention et de valorisation des déchets, présentait un taux de valorisation matières de 60 %. 202 Rapport de la CRC Bourgogne-Franche-Comté, juillet 2020. 203 Rapport de la CRC Pays de la Loire, octobre 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-vocation-unique-pour-le-transfert-lelimination-et-la-valorisation-des-0 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-dagglomeration-clisson-sevre-et-maine-agglo-loire-atlantique COUR DES COMPTES 94 Graphique n° 15 : (Indicateur-clef n°5) valorisation matière204 Source : Cour des comptes Si la France souhaite atteindre ses objectifs en matière de recyclage des déchets, elle doit mieux mobiliser tous les leviers à sa disposition, au plan national et au plan local. 204 Quantité de déchets non dangereux non inertes, mesurés en masse faisant l'objet d'une valorisation sous forme de matière, notamment organique Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 95 1 - Une stratégie industrielle nationale à accentuer en faveur de la filière de recyclage du plastique a) Des résultats de valorisation très inégaux selon les matières qui doivent orienter les actions de l?État La performance de la valorisation d?une matière recyclable recouvre deux aspects : l?un porte sur la quantité de matière recyclée rapportée à la quantité mise sur le marché (taux de recyclage) ; l?autre porte sur la quantité de matière recyclée intégrée dans un nouveau cycle de production (taux d?incorporation205). Les performances de recyclage et d?incorporation sont très variables d?un matériau à l?autre en fonction de différents critères notamment de leurs pr0opriétés physiques (l?aluminium et le verre sont recyclables à l?infini, pas les autres matières), de la maturité de la filière de recyclage et de régénération, du prix de la matière recyclée par rapport au cours variable des matières premières, des coûts de production, de l?intégration ou non de la filière et de l?existence d?une demande pour la matière recyclée. Ainsi, l?acier et la fonte recyclés ou le verre recyclé avec respectivement 49 % et 56 %206 des matériaux utilisés dans les productions connaissent de très bons taux à la fois de recyclage et d?incorporation. De même, le papier-carton, première industrie de recyclage en France malgré ses difficultés récentes207 connaît un taux d?incorporation de 67 % pour 92 % d?emballages recyclés. 205 Dix filières matériaux sont concernées par l?incorporation (métaux ferreux, métaux non ferreux (aluminium, cuivre, zinc, plomb), verre, papiers-cartons, plastiques, déchets inertes du BTP, et bois https://www.ademe.fr/bilan-national-recyclage-bnr- 2008-2017-acv-flux-dechets-recycles 206 L?industrie verrière connait un taux de collecte de 78 % (contre 76 % dans l?UE) mais avec 100 % d?utilisation de la matière recyclée (soit 58 % de substitution de matières vierges par des MPR). La France dispose d?industries de recyclage du verre en nombre suffisant (14 centres de traitement, 22 verreries de verre creux et 5 verreries de verre plat). La France est le 2ème producteur européen de verre d?emballage (bouteilles, flacons et pots) derrière l?Allemagne. 207 Avec un taux de collecte de 79 % (contre 72 % en moyenne européenne) et un taux d?utilisation des papiers-cartons recyclés de 66,3 %, cette industrie qui conserve une bonne capacité pour la préparation et l?utilisation des cartons (emballage, hygiène) a été touchée par la fermeture en juin 2020 de l?usine de La Chapelle Darblay qui a fait perdre à la France toute capacité de recycler du papier (papier écriture et presse). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 96 Globalement, en 2017, la France incorporait environ 17 Mt de matières recyclées dans ses processus de fabrication (hors bois et granulats du BTP). L?Ademe souligne à juste titre que si ces quantités peuvent paraître faibles au regard de la consommation en matières premières de l?économie française (787 Mt), elles sont, en revanche, primordiales dans l?approvisionnement de certaines de ces matières premières. En revanche pour les plastiques, comme le montre le tableau ci- dessous, les résultats obtenus en France sont très en retrait, tant en termes de taux de recyclage que d?incorporation. Tableau n° 3 : taux de valorisation (recyclage et incorporation) des emballages ménagers et non ménagers en France en 2018 En tonnes Déchets d'emballages produits Recyclage/ déchets produits Valorisation énergétique/ déchets produits Enfouissement/ déchets produits Taux d?incorporation Plastique 2 356 851 27 % 43 % 30 % 6 % Bois 2 404 392 31 % 9 % 60 % Acier 464 213 91 % 0 % 9 % 49 % Aluminium 65 673 63 % 8 % 29 % 50 % Verre 2 858 804 76 % 8 % 16 % 58 % Papier et carton 5 062 561 92 % 4 % 3 % 67 % Autres 5 301 Total 13 217 795 66 % 13 % 21 % Source : Cour des comptes d?après le rapport sur la valorisation des emballages en France, Chiffres-clés 2020 et bilan national du recyclage 2008-2017 Au regard des taux de recyclage actuels des matières plastiques, les nombreux objectifs fixés208 sont peu réalistes si aucune action n?est envisagée pour corriger les obstacles à leur recyclage et incorporation. Pour la sous-catégorie des déchets plastiques que sont les emballages, le taux de recyclage français plafonne autour de 26 % depuis une dizaine d?années (26,9 % en 2018). Ce chiffre est éloigné des taux allant jusqu?à près de 50 % en Allemagne et aux Pays-Bas, ainsi que de ceux des autres filières françaises de recyclage et des objectifs fixés (50 % en 2025 et 55 % en 2030). 208 Comme, par exemple, tendre vers 100 % de plastique recyclé au 1er janvier 2025 ou réduire de 20 % les emballages plastiques à usage unique mis sur le marché pour les cinq prochaines années (2021-2015). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 97 b) Les difficultés spécifiques du recyclage des plastiques : une industrie à accompagner L?impact du plastique est désormais bien connu (cf. annexe n°8) sur l?empreinte carbone209, la santé210 et la biodiversité. Les juridictions financières ne méconnaissent pas ces risques,211 même si elles ne les ont pas traités spécifiquement dans ce rapport. Pour réduire les risques, il convient d?agir tant sur la collecte que sur le traitement et tant sur les plastiques facilement recyclables (principalement les bouteilles) que sur les autres plastiques. De nouvelles pistes doivent être envisagées pour réduire les déchets plastiques encore trop présents dans les OMR. Outre l?extension des consignes de tri et les actions pour réguler les emballages en plastique212, l?article L. 541-10-11 du code de l?environnement prévoit la possibilité de mettre en place une consigne sur les bouteilles en plastique après 2023 si l?analyse des performances de recyclage montre que l?objectif européen fixant à 90 % le taux de collecte de ces bouteilles en 2029, risque de ne pas être atteint. Le recyclage et l?utilisation du plastique recyclé se heurtent en premier lieu à des freins technologiques communs à tous les pays en raison de la variété et de la complexité des usages et des résines. La rentabilité du plastique recyclé est par ailleurs affectée par sa grande sensibilité au cours des matières premières vierges. En France, le manque de maturité de la filière explique aussi en grande partie le retard du recyclage plastique. À ce jour, il n?y existe pas encore d?industries de recyclage pour toutes les résines et celles qui 209 En 2020, la production, l?élimination et l?incinération de matières plastiques avaient rejeté autant de gaz à effet de serre que 189 centrales à charbon (3,8% des émissions mondiales soit plus que le secteur de l?aviation). D?ici à 2050, le plastique pourrait représenter 15 % du budget carbone mondial (cf. Sénat, Pollution plastique : une bombe à retardement décembre 2020 et Stratégie 3R, avril 2022). 210 L?effet de l?essaimage des microparticules plastiques et des nanoparticules, y compris lors du traitement des déchets, sur la santé humaine ne sont pas encore parfaitement connus. On constate qu?un être humain ingère en moyenne chaque semaine l?équivalent en plastique du poids d?une carte de crédit (5 grammes). 211 Les 3/4 des déchets plastiques produits dans le monde restent rejetés dans les milieux naturels et se décomposent en micro- plastiques qui entrent dans la chaîne alimentaire. 1,4 million d?oiseaux et 14 000 mammifères meurent chaque année de l?ingestion de plastiques. 212 Art. L. 541-10-17 du code de l?environnement et décret du 29 avril 2021 « 3R ». Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.senat.fr/espace_presse/actualites/202012/pollution_plastique.html https://www.senat.fr/espace_presse/actualites/202012/pollution_plastique.html https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041555598/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041599010/ COUR DES COMPTES 98 existent sont distinctes des industries chimiques qui produisent les résines vierges (contrairement aux autres filières où les producteurs de matières vierges gèrent la filière de recyclage). Un rapprochement entre filières va cependant se développer en raison de la nécessité pour les metteurs sur le marché d?objets plastiques de développer des solutions d?écoconception et des décisions prises par plusieurs pays de fermer leurs frontières aux déchets en provenance de l?Union européenne. Pour accélérer cette mutation, des soutiens financiers importants ont été déployés par l?État à partir de 2021, notamment à travers des aides financées par l?Ademe au titre des plans de relance et de France 2030. Quelque 870 M¤ de soutiens financiers ont ainsi été affichés pour le développement du recyclage des plastiques : 200 M¤ dans le plan de relance, 300 M¤ dans le plan France 2030 et 370 M¤, pour la stratégie 3R « recyclabilité, recyclage et réincorporation », dans le dernier programme d?investissement d?avenir. Les crédits réellement affectés à cette action pourraient toutefois être inférieurs à cette somme en raison de reports d?un plan à l?autre. La stratégie 3R, arrêtée 2021, fait du recyclage du plastique une de ses priorités et doit favoriser la constitution d?une filière française intégrée de collecte, tri et de recyclage des plastiques. Par ailleurs, le nouveau cahier des charges de la filière emballage arrêté en mars 2022 prévoit des incitations tarifaires pour pousser les entreprises à un recours croissant à des emballages qui incorporent des plastiques recyclés. Pour donner une cohérence à toutes ces actions, le plan national devrait intégrer un volet industriel substantiel sur la plasturgie, cohérent avec le partenariat conclu entre l?État et la filière. L?État devra veiller à ce que les nombreuses mesures de soutien se traduisent effectivement par une consolidation de la filière. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 99 Graphique n° 16 : évolution du taux de recyclage des déchets d?emballages plastiques dans l?Union européenne 2009-2018 (en %) Source : Cour des comptes à partir des données Eurostat En outre, la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l?économie circulaire a introduit des règles plus coercitives à l?encontre des plastiques non recyclés. Depuis août 2020, les déchets ayant fait l'objet d'une collecte séparée en vue de la réutilisation ou un recyclage ne peuvent plus être enfouis ou incinérés. Cette interdiction s?applique en particulier aux emballages plastiques, collectés séparément depuis janvier 2022. Par ailleurs, pour les plastiques qui resteront collectés en mélange (dans les ordures ménagères résiduelles, sous forme d?encombrants ou dans les déchèteries), une interdiction progressive de mise en décharge s?applique progressivement à partir du 1er janvier 2022 jusqu?au 1er janvier 2030, avec l?entrée en vigueur du décret du 16 septembre 2021 relatif aux conditions d'élimination des déchets non dangereux. Au regard des résultats constatés chez nos voisins, une telle mesure devrait permettre d?améliorer notoirement les performances du recyclage, en France. Les pays européens ayant décidé cette interdiction il y a une vingtaine d?années, sont en effet également les pays présentant à la fois les meilleurs taux de recyclage et la meilleure utilisation, par l?incinération avec valorisation énergétique, du fort pouvoir calorifique des plastiques comme le montre le graphique n°13 ci-dessus. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 100 2 - Des capacités de tri et de recyclage à consolider Pour donner leur plein effet aux mesures d?élargissement du tri à la source (plastiques et bio déchets) et répondre à l?augmentation continue des flux collectés en déchèteries, des efforts d?adaptation très importants doivent être réalisés sur les équipements de tri. Au cours des vingt dernières années, le nombre de centres de tri a augmenté de 50 % (entre 2000 et 2016 213) permettant de prendre en charge des tonnages qui ont plus que doublé (4,9 Mt de déchets envoyées en centres de tri en 2000 contre 11,1 Mt en 2016). La massification des flux de matières et le développement de la valorisation économique et industrielle des déchets d?emballages impose l?automatisation, l?augmentation des capacités et la haute qualité du tri. Or, la France se caractérise par un coût élevé, une performance insuffisante et une dispersion sur le territoire de centres de tri214 de taille modeste215, qui résultent de l?organisation du SPGD au niveau des EPCI. Pour tendre vers les objectifs de recyclage fixés par le code de l?environnement et rendre les centres de tri plus performants dans la séparation des matières216, des investissements sont donc nécessaires. Le principal défi à relever est l?extension des consignes de tri (ECT) aux plastiques. La plupart des organismes concernés ont déjà adapté leurs équipements de tri pour répondre à ces nouveaux flux ou sont en train de le faire, avec des soutiens financiers de Citéo et de l?Ademe. Un nombre important d?EPCI ne dispose cependant pas en 2022 de centres de tri capables d?accueillir l?ensemble des emballages plastiques et se voit donc contraint de différer la mise en oeuvre des nouvelles consignes. Pour les EPCI qui ont mis en place la mesure d?extension en lien avec leur syndicat de traitement, les résultats obtenus sont contrastés : ils montrent les efforts à poursuivre pour accompagner les changements, comportementaux et de mode de gestion, induits par cette mesure. Ces efforts sont nécessaires pour éviter l?augmentation des taux de refus de tri 213 Il s?agit du nombre total de centres de tri sur le territoire accueillant des DMA (cela recouvre ainsi également des centres qui trient principalement des déchets issus des activités économiques). Source : Ademe, enquête ITOM, 2018 214 Taille moyenne par centre de tri de 12 000 tonnes et zone moyenne de chalandise de 250 000 habitants pour 500 000 habitants en Espagne, un million d?habitants en Allemagne et en Belgique. Étude prospective sur la collecte et le tri des déchets d?emballages et de papier dans le SPGD, réalisé pour l?Ademe (mai 2014). 215 Cour des comptes, Rapport public annuel 2016, Tome I. Les éco-organismes : un dispositif original à consolider. 216 En 2016, sur 11,1 Mt de déchets reçus dans les centres de tri recevant des DMA, 6,6 Mt de déchets triés ont été envoyés en recyclage. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 101 souvent constaté après l?instauration de l?extension. Certains organismes ont mené l?extension avec succès et ont obtenu une réduction ou une stabilisation des volumes d?OMR tout en assurant un meilleur recyclage des plastiques (Syndicat mixte pour le développement durable de l?Est Var, Grand Besançon). D?autres ont engagé la mesure mais ont mal anticipé l?augmentation des volumes associés, conduisant à une valorisation énergétique de flux voués initialement au recyclage (Syndicat de traitement Valor 3E). De manière générale, les EPCI et leurs syndicats de traitement doivent profiter des évolutions en cours pour s?interroger sur le dimensionnement des installations de tri en lien avec leur zone de chalandise, comme l?a fait le Syndicat de valorisation des ordures ménagères de la Marne, en concevant un nouveau centre de tri mutualisé avec les acteurs du territoire voisin de la Meuse. Parallèlement, les volumes croissants de déchets collectés en déchèteries (en moyenne de l?ordre de 40 % de la masse totale des DMA et dépassant dans certains territoires la masse des OMR) poussent les syndicats de traitement à se doter de nouvelles capacités de tri pour mieux valoriser les matières collectées. Même si le développement progressif de nouvelles filières REP contribue à structurer les débouchés, des volumes importants de déchets restent collectés dans des bennes « tout-venant » dans les déchèteries et sont donc incinérés ou enfouis. L?adoption d?une organisation et de moyens adaptés pour assurer le traitement de ces flux revêt donc une importance croissante. Certains organismes se dotent d?unités de tri spécifiques aux déchets occasionnels (déchèteries et encombrants) pour répondre à cet enjeu (installation de tri-massification de l?agglomération de Besançon, valorisation en combustibles solides de récupération par les syndicats Sytraival - Beaujolais-Dombes et Trifyl). 3 - Le développement de la valorisation organique Les déchets ménagers organiques collectés séparément (principalement déchets verts, déchets alimentaires et bio déchets collectés à la source), lorsqu?ils ne sont pas compostés par les ménages eux-mêmes, sont principalement orientés vers des plateformes de compostage217 et plus marginalement, vers des installations de méthanisation218. 217 657 installations traitaient 8,7 Mt de biodéchets en 2018, Ademe, enquête ITOM 2018 218 13 unités de méthanisation étaient en activité en 2018, pour seulement 240 000 tonnes de biodéchets traités, Ademe, enquête ITOM 2018 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-urbaine-du-grand-besancon-doubs https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-urbaine-du-grand-besancon-doubs https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-pour-le-traitement-et-la-valorisation-des-dechets-menagers-valor3e https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-pour-le-traitement-et-la-valorisation-des-dechets-menagers-valor3e https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-delimination-de-traitement-et-de-valorisation-des-dechets-beaujolais https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-departemental-trifyl-tarn COUR DES COMPTES 102 Avec le développement du tri à la source des biodéchets (et probablement les collectes sélectives), le besoin en exutoire va aller croissant. Les collectivités vont donc être amenées soit à mettre en place leurs propres installations, soit à s?appuyer sur des installations existantes, et notamment les unités de méthanisation agricole qui sont encouragées par les politiques publiques depuis plusieurs années. Le nombre de plateformes de compostage va continuer de croitre régulièrement et, s?agissant du parc d?unités de méthanisation, il se développera du fait de l?extension aux DMA de l?accès aux installations auparavant consacrées aux seuls déchets agricoles ou agroalimentaires. Le nombre d?unités de traitement mécano-biologique des OMR est appelé quant à lui à décroitre. La production de compost à partir des installations de TMB étant proscrite à compter de 2027, les collectivités gestionnaires de ces équipements sont contraintes de réorienter progressivement les flux de déchets vers la méthanisation et vers la production de combustibles solides de récupération (CSR), sans certitude de pouvoir rentabiliser les équipements associés à ce nouveau procédé de valorisation (Syndicat Trivalis). Graphique n° 17 : évolution du parc d?installations de traitement Source : Ademe, Enquête ITOM 2018 TMB : Tri mécano-biologique ISDND : Installation de stockage de déchets non dangereux Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-trivalis-vendee LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 103 C - La valorisation énergétique, un mode de traitement à assumer pour les déchets non recyclables En France, les déchets ménagers et assimilés non recyclés sont principalement valorisés par la production d?énergie ou mis en décharge. Ce dernier mode de traitement (on parle aussi de stockage ou d?enfouissement) ne doit concerner que les DMA ne pouvant faire l?objet d?aucune valorisation. Encore supérieur à la valorisation énergétique il y a 15 ans, l?enfouissement des déchets a vu sa part relative diminuer année après année. Alors qu?il représentait encore en France 30 % du traitement des déchets produits en 2009, ce taux est passé à 21 % en 2018, pour une moyenne européenne à 23 %. Les installations de stockage, dont le nombre a été divisé par deux entre 2000 et 2016, ont été modernisées et agrandies avec une récupération et une valorisation des gaz qui s?en échappent. Ce besoin de modernisation des installations de stockage est particulièrement marquant dans un contexte insulaire. Ainsi, en Corse, le refus de l?incinération et l?absence d?équipements de traitement se traduit par un taux d?enfouissement de plus de 2/3 des déchets. Un exemple de problématique insulaire : l?île de La Réunion219 L?île de La Réunion, territoire complexe (rural, urbain et touristique à la fois, composé de cinq EPCI et de deux syndicats mixtes de traitement des déchets) est confronté à des enjeux spécifiques. La densité contrastée de population sur un territoire au relief accidenté, parfois peu accessible, et la forte volumétrie des déchets verts ont un impact sur les modalités techniques et les coûts de gestion des déchets. Avec une part de plus de 83 % (hors déchets verts), l?enfouissement reste le principal mode de traitement alors que les sites de stockage sont en état de saturation. 219 Cf. CRC la Réunion, SYDNE, septembre 2021, et ILEVA, avril 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-de-traitement-des-dechets-du-nord-et-de-lest-de-la-reunion-sydne https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-dagglomeration-du-territoire-de-la-cote-ouest-tco-cahier-2-la-reunion COUR DES COMPTES 104 L?enjeu central des syndicats de traitement de l?île réside donc dans la mise en oeuvre rapide d?une solution alternative à l?enfouissement. Le recyclage apparaît comme une solution peu rentable en raison des coûts de transport des matériaux vers la métropole ou d?autres pays. La taille limitée du territoire restreint les capacités de production et les débouchés des matières recyclées. À l?inverse, la construction d?une unité de valorisation énergétique (UVE) constitue une solution qui concilie les enjeux énergétiques et de gestion des déchets. Tel est le choix réalisé par le syndicat du sud et ouest ILEVA pour faire face à la saturation du site de Pierrefonds. L?extension des zones de stockage demeure une alternative dont la pérennité n?est plus assurée, ce qui conduit également le syndicat du nord et de l?est (SYDNE) à envisager la mise oeuvre d?une UVE. Cependant le montage de ce projet se heurte à des difficultés juridiques et économiques qui retardent la mise en service d?une filière de valorisation énergétique des déchets pour près de 40 % de la population de l?île. Comme le montre le graphique ci-dessous qui illustre l?un des six indicateurs-clefs, la France, en diminuant l?enfouissement au profit des filières de valorisation matière (recyclage) ou organique (bio déchets) a déjà atteint une partie des objectifs qu?elle s?était fixée, à savoir une réduction de 30 % entre 2010 et 2020 des quantités de déchets (DNDDI) admis en installation de stockage (loi LTECV). Si l?amélioration constatée au cours de la dernière décennie se poursuit dans les prochaines années au même rythme, la part des déchets enfouis restera encore trop élevée, pour atteindre nos objectifs (- 50 % entre 2020 et 2025 ; - 10 % au plus du poids des DMA produits d?ici 2035220) et a fortiori en comparaison des pays européens qui sont à la fois les plus performants en termes de recyclage et qui ont aussi éliminé la mise en décharge. 220 7 bis art. L. 541-1 du code de l?environnement. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043974936/2022-06-14 LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 105 Graphique n° 18 : indicateur-clef n°6 ? Stockage (Quantités de déchets non dangereux non inertes admis en installation de stockage) Source : Cour des comptes La stratégie d?élimination de la mise en décharge, avec une TGAP fortement désincitative221 et l?interdiction de certaines catégories de déchets, oriente la France dans la même direction que les États (Pays-Bas, Autriche, Belgique, Allemagne) qui ont adopté ce type de mesure depuis les années 1990. Cette application plus ferme du principe pollueur-payeur rend caduque la politique d?élimination et le choix prioritaire de l?enfouissement qu?avaient fait de nombreux organismes par souci de limitation des coûts de traitement et qu?ils vont devoir revoir rapidement (syndicat de traitement de l?agglomération de Lorient, syndicat départemental de traitement Valor Aisne, communauté d?agglomération du Grand Villeneuvois, syndicat 221 Le syndicat de collecte et de traitement de la Dordogne SMD3, devra régler 65 ¤ la tonne en 2025 pour ses installations de stockage des déchets, contre 17 ¤ en 2019. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-departemental-de-traitement-des-dechets-menagers-de-laisne-valoraisne-2 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-mixte-departemental-de-traitement-des-dechets-menagers-de-laisne-valoraisne-2 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/communaute-dagglomeration-du-grand-villeneuvois-cagv-casseneuil-lot-et-garonne-0 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-departemental-delimination-des-dechets-de-laube-sdeda COUR DES COMPTES 106 départemental d?élimination des déchets de l?Aube). Pour gérer la transition, tant que la prévention et les modes de valorisation prioritaires n?auront pas abouti à une réduction drastique des OMR, la valorisation énergétique va rester un mode de traitement indispensable. La valorisation énergétique En 2020, 35 % des déchets municipaux produits en France étaient valorisés énergétiquement, sous forme d?électricité de chaleur ou de carburant, ce qui place la France au-dessus de la moyenne européenne à 29 %, selon Eurostat. Proche de l?Allemagne, du Benelux, de l?Autriche, ce taux reste toutefois inférieur à celui des pays scandinaves qui atteignent des taux supérieurs à 50 %. Les tonnages incinérés avec production d?énergie ont progressé entre 2000 et 2016 passant de 10 à 14,4 Mt, soit + 40 %. Cette augmentation s?est produite dans un contexte de limitation des émissions de polluants des usines d?incinération222 et sans augmentation équivalente du nombre d?usines. Leur nombre est passé de 109 en 2000 à 118 en 2018. La part de l?incinération au sein des différents modes de traitement n?ayant pas augmenté, cette hausse ne s?est donc pas faite au détriment du recyclage. L?analyse des besoins permet de prévoir que le nombre d?unités de valorisation énergétique (UVE) restera globalement stable, même si des besoins ponctuels existent. Le parc sera en revanche contraint de se moderniser pour s?aligner sur la norme européenne de rendement énergétique (44 % des DMA sont incinérés en France dans des incinérateurs n?atteignant pas le seuil attendu223). L?adoption obligatoire des meilleures techniques disponibles au niveau européen d?ici 2023224 permettra, parallèlement, de limiter encore plus drastiquement l?impact environnemental des unités de valorisation énergétique, en poursuivant les travaux de réduction et de suivi de leurs émissions atmosphériques. La modulation de la TGAP pénalisant les unités d?incinération à mauvais 222 Entre 1990 et 2003, les émissions de dioxines liées au traitement des déchets ont baissé de 90 %, conséquence de la fermeture graduelle des anciens incinérateurs ou leur mise aux normes. Depuis 2006, les émissions de dioxines par les unités d?incinération de déchets sont très réduites. 223 Directive 2008/98 CE, le statut d?installation de valorisation énergétique est atteint si le rendement est supérieur à 65 %. 224 La législation continue de se renforcer : adoption d?ici fin 2023 des meilleures pratiques européennes rendue obligatoire par la directive 2010/75/UE sur les émissions industrielles et le « BREF sur l?incinération des déchets » adopté par la Commission Européenne en novembre 2019 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/syndicat-departemental-delimination-des-dechets-de-laube-sdeda LE DISPOSITIF OPÉRATIONNEL : UNE TRANSFORMATION À ACCÉLÉRER VERS L?ÉCONOMIE CIRCULAIRE 107 rendement et présentant des niveaux d?émission de fumées médiocres va permettre d?accélérer l?adoption de ces standards de qualité, indispensables à une meilleure acceptation publique des équipements de traitement. Dans cette nouvelle situation, la production de chaleur issue de l?incinération des déchets peut fournir à un prix attractif une énergie en substitution de sources d?énergie non renouvelable plus polluantes. La valorisation énergétique doit pouvoir, à côté d?autres sources d?énergie renouvelable, contribuer au développement des réseaux de chaleur qui restent insuffisamment exploités comme la Cour l?a relevé dans son rapport de 2021 consacré au chauffage urbain225. L?État devrait intégrer dans le plan national un volet industriel substantiel couvrant, outre la filière plasturgie, comme indiqué précédemment, la filière valorisation énergétique. En France, la hiérarchie entre prévention, recyclage, valorisation énergétique et enfouissement n?est que partiellement respectée dans la prise en charge des déchets ménagers et assimilés. La prévention reste un volet insuffisamment pris en compte dans les actions mises en oeuvre. Les progrès de la collecte se heurtent au retard pris pour s?aligner sur les meilleures pratiques concernant les biodéchets, pour adapter les installations à l?extension des consignes de tri du plastique et pour mieux commercialiser les matières triées. Si la valorisation par recyclage et production d?énergie gagne du terrain au détriment du stockage, elle reste insuffisante. 225 Cour des comptes, rapport public thématique, le chauffage urbain, septembre 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-chauffage-urbain COUR DES COMPTES 108 __________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________ Les performances de recyclage et d?incorporation des plastiques en France sont très en retrait par rapport à d?autres pays européens. Pour réduire l?impact du plastique sur l?empreinte carbone, sur la biodiversité et la santé, il convient d?agir tant sur la prévention, sur le tri sélectif que sur le traitement. Pour surmonter les freins technologiques et de rentabilité que rencontre la filière du plastique recyclé, des soutiens financiers ont été déployés par l?État qui par ailleurs a interdit l?incinération des déchets ayant fait l'objet d'une collecte séparée. Les pays européens ayant décidé cette interdiction sont ceux qui présentent les meilleurs taux de traitement des plastiques. Au vu de ces constats, les juridictions financières formulent les recommandations suivantes : 8. Fixer dans la réglementation la liste des actions financées par les intercommunalités et les éco-organismes pouvant être considérées comme dépenses de prévention (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). 9. Autoriser les collectivités territoriales volontaires à confier aux éco- organismes chargés des emballages la vente des produits issus du tri (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, EPCI). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Conclusion générale La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire du 11 février 2020 vise à substituer progressivement à une économie linéaire fondée sur le triptyque « fabriquer, conserver, jeter », un nouveau paradigme, celui de l?économie circulaire. Elle repose sur toute une série de mesures qui ont vocation à entrer progressivement en vigueur et qui, dans leur ensemble, visent à lutter contre le gaspillage et l?obsolescence programmée, ainsi qu?à favoriser le réemploi. Sont ainsi prévues la création de nouvelles filières REP dans des secteurs importants (produits et matériaux de construction du bâtiment, jouets et articles de sport dès 2022, emballages professionnels en 2025, lutte contre le gaspillage alimentaire, réduction progressive des emballages plastiques à usage unique, avec une étape importante prévue au 1er janvier 2025 de recyclage des emballages plastiques à usage unique). C?est donc désormais dans ce cadre que devra s?inscrire la question de la collecte et du traitement des déchets ménagers sur laquelle l?enquête menée par les juridictions financières en 2021-2022 confirme qu?il existe d?importants progrès à réaliser. Pour accompagner la transition vers l?économie circulaire recherchée par les réformes législatives de cette dernière décennie, notamment les plus récentes, une meilleure prise en charge des déchets existants par un tri, une collecte et un traitement performants doit être réalisée. L?accélération de ce mouvement est nécessaire à la fois pour réduire la hausse continue des dépenses du service public de gestion des déchets et pour le faire mieux contribuer à la transition écologique. La prévention, c?est-à-dire la réduction de la production de déchets, en constitue un volet fondamental et doit être véritablement amplifiée. Le meilleur déchet est en effet celui qui n?est pas produit. Les orientations et recommandations retenues s?inscrivent dans cette vision. Le citoyen ne peut pas être responsabilisé sur ses déchets uniquement à travers la hausse des prélèvements obligatoires qui concernent ce domaine. Les entreprises, les éco-organismes, l?État et les collectivités territoriales doivent conjointement lui offrir les moyens de modifier ses habitudes de consommation en vue de réduire le gisement des déchets. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Liste des abréviations ADEME??.. Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie AGEC???.. Loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l?économie circulaire CCC????.Convention citoyenne pour le climat CCES???..Commission Consultative d'Élaboration et de Suivi CGCT???.Code général des collectivités territoriales CSR????.Combustible solide de récupération C.envir???Code de l?environnement DMA ............ Déchets ménagers et assimilés DNDNI??.. Déchets non dangereux non inertes ECT????.Extension des consignes de tri EEE????.Équipements électriques et électroniques EPCI???.. Établissement public de coopération intercommunale ISDND??? Installation de stockage de déchets non dangereux FREC???. Feuille de route économie circulaire LTECV???. Loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte MTE???...Ministère de la transition écologique ODD ???.Objectifs de développement durable OMR ............ Ordures ménagères résiduelles PAP??........Porte à porte (collecte en) PAV ???..Point d?apport volontaire PLPDMA ?..Programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés PNGD??? Plan national de gestion des déchets PNPD??? Programme national de prévention des déchets PRPGD ......... Plan régional de prévention et de gestion des déchets REOM .......... Redevance d?enlèvement des ordures ménagères REOMi??.. Redevance d?enlèvement des ordures ménagères Incitative REP .............. Responsabilité élargie du producteur RPQS???.Rapport sur le prix et la qualité du service Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 112 RS????..Redevance spéciale RSOM .......... Recyclables secs des ordures ménagères SPGD ........... Service public de gestion des déchets SUP????Directive (UE) 2019/904 relative à la réduction de l?incidence de certains produits en plastique sur l?environnement (SUP pour single use plastic) TEOM .......... Taxe d?enlèvement des ordures ménagères TEOMi ......... Taxe d'enlèvement des ordures ménagères incitative TGAP ........... Taxe générale sur les activités polluantes TI .................. Tarification incitative TMB???..Tri mécano-biologique TZDZG??..Territoire Zéro Déchet Zéro Gaspillage UIOM ........... Usine d'incinération d'ordures ménagères UVE ............. Unité de valorisation énergétique Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexes Annexe n° 1 : présentation de l?échantillon des contrôles réalisés par la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) ..........................................................................................114 Annexe n° 2 : le suivi des recommandations des juridictions financières sur les déchets ménagers............................................................117 Annexe n° 3 : les Plans Régionaux de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD) ........................................................................................121 Annexe n° 4 : les indicateurs internationaux ................................................127 Annexe n° 5 : les indicateurs du service public des déchets ........................129 Annexe n° 6 : les indicateurs des filières à responsabilité élargie du producteur (REP) .........................................................................................135 Annexe n° 7 : comparaisons internationales ................................................137 Annexe n° 8 : les déchets en matière plastique ............................................147 Annexe n° 9 : comparatif entre les différentes modalités de financement du service public ......................................................................158 Annexe n° 10 : les conséquences de la crise sanitaire sur la gestion des déchets .........................................................................................................159 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 114 Annexe n° 1 : présentation de l?échantillon des contrôles réalisés par la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) Tableau n° 4 : contrôle de la Cour des comptes Contrôle réalisé dans le cadre de la formation commune Prévention et gestion des déchets : aspects nationaux et internationaux Tableau n° 5 : contrôles effectués par les chambres régionales et territoriales des comptes CRTC Nom de l?organisme Contrôles réalisés dans le cadre de la formation commune Auvergne -Rhône- Alpes Communauté de communes Gorges de l?Ardèche Communauté de communes le Grésivaudan Syndicat intercommunal de traitement des déchets ménagers du Puy-de-Dôme (VALTOM) Métropole de Lyon Syndicat mixte d'élimination, de traitement et de valorisation des déchets du Beaujolais Dombes (SYTRAIVAL) Communauté d'Agglomération du Grand Annecy SMIX Savoie Déchets Bourgogn e- Franche- Comté Communauté urbaine du Grand Besançon Métropole Centre- Val de Loire SMICTOM d?Amboise Corse Communauté de Communes Fium'Orbu Castellu Communauté d'agglomération de de Bastia Communauté de Communes du Cap Corse Communauté de Communes du Centre Corse Grand Est Syndicat Départemental d?Élimination des Déchets de l?Aube (SDEDA) Syndicat Intercommunal d'Élimination des Déchets Ménagers du Territoire d'Orient (SIEDMTO) Syndicat de Valorisation des Ordures Ménagères de la Marne (SYVALOM) Véolia Auréade Unité de valorisation énergétique et agronomique - Marne Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 115 Syndicat Mixte de Traitement des Om de la Région de Villerupt Communauté de Communes de Cattenom et environs Syndicat Mixte de Transport et Traitement des Déchets de Lorraine Nord (SYDELON) Syndicat Mixte Intercommunal de Collecte et Traitement des Ordures Ménagères d'Als ace Centrale Communauté de Communes de Sélestat Syndicat départemental d'énergie et des déchets (SDED 52) EVODIA Hauts-de- France Communauté d'Agglomération du Saint-quentinois Valor'Aisne Communauté de communes Flandre Lys Communauté d'Agglomération Valenciennes Métropole Communauté de Communes Pévèle Carembault Syndicat Intercommunal de Valorisation des Déchets Ménagers du Hainaut Valenciennois Ecovalor Syndicat Mixte du Département de l'Oise (SMDO) Syndicat mixte élimination et valorisation des déchets CA Douaisis-Hénin-Carvin et communes Osartis (SYMEVAD) Syndicat mixte Flandre Morinie (SMFM) Syndicat Mixte Lys Audomarois Ile-de- France Ville de Paris ? Direction de la propreté et de l?eau (DPE) Nouvelle- Aquitaine Communauté de Communes de l'Ile de Ré Communauté de Communes de l'Ile d'Oléron Occitanie Sictom Pézenas Agde Decoset Syndicat Mixte départemental pour la valorisation des déchets ménagers et assimilés et pôle des énergies renouvelables / Trifyl PACA Métropole Nice Côte d?Azur Métropole Aix-Marseille Provence Communauté d'Agglomération Var Esterel Méditerranée Communauté de Communes Coeur du Var Syndicat Mixte du Développement Durable de l'Est Var (SMIDDEV) Pays de la Loire Trivalis Communauté d'Agglomération Clisson Sèvre et Maine Agglo Communauté d'Agglomération de la Presqu'île de Guérande Atlantique Communauté d'Agglomération Mauges Communauté Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 116 VALOR3E Communauté de Communes Loué-brûlon-noyen Contrôles réalisés hors formation commune mais ayant servi pour le rapport Auvergne -Rhône- Alpes Communauté de communes de la plaine de l'Ain Grenoble Alpes Métropole Syndicat Mixte du Lac d'Annecy Communauté de communes du Diois Bretagne Lorient agglomération Grand Est Métropole du grand Nancy Régie Haganis Hauts-de- France Communauté d?agglomération porte du Hainaut Communauté d?agglomération du St-Quentinois Communauté d?agglomération Maubeuge Val de Sambre Nouvelle- Aquitaine Syndicat mixte départemental pour la gestion et le traitement des déchets ménagers et assimilés (SMD3) Communauté d'agglomération du grand Villeneuvois Pays de la Loire Communauté urbaine Angers Loire métropole Communauté de communes du bocage Mayennais Syndicat mixte de collecte des ordures ménagères Est-Vendéen (SCOM) La Réunion Mayotte Syndicat mixte de traitement des déchets des microrégions Sud et Ouest de la Réunion (ILEVA) Société publique locale SUDEC Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexe n° 2 : le suivi des recommandations des juridictions financières sur les déchets ménagers Au cours de la décennie 2010-2020, la Cour des comptes, seule ou en lien avec une ou plusieurs chambres régionales des comptes, a publié deux rapports portant spécifiquement sur les déchets ménagers et assimilés et des rapports consacrés aux éco-organismes. Suites données aux rapports consacrés au déchets ménagers Le rapport public thématique Les collectivités territoriales et la gestion des déchets ménagers et assimilés, publié en septembre 2011, formulait trente recommandations réparties au sein de quatre rubriques principales. Un rapport de suivi de ce rapport public thématique a été inséré au Rapport public annuel 2014 de la Cour des comptes, intitulé « La gestion des déchets ménagers : des progrès inégaux au regard des enjeux environnementaux ». Celui-ci comportait huit recommandations, certaines reconduisant celles formulées en 2011. Les recommandations visant à rendre plus claire et plus adaptée la répartition des compétences entre les collectivités territoriales ont été pour l?essentiel satisfaites ou rendues sans objet par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République qui a redistribué les compétences territoriales226. Ainsi en est-il également de la recommandation visant à promouvoir la prise en charge par une même collectivité ou groupement (département ou syndicat mixte) du traitement des déchets et des installations nécessaires227. Les recommandations visant à renforcer le rôle des préfets en matière de contrôle et de suivi des plans, d'autorisation et de contrôle des équipements228 n?ont pas été mises en oeuvre. L?instruction du présent rapport fait apparaître en effet que les dispositions encadrant les PRPGD/SRADDET229 et le rôle de l?État déconcentré en matière d?autorisation et de contrôle des ICPE ne suffisent toujours pas à planifier et organiser les équipements à la hauteur des besoins. 226 Références des recommandations dans les rapports : rapport public thématique 2011 (pour la suite des références « RPT 2011 ») recommandation 1.1 et Rapport public annuel 2014 (pour la suite des références « RPA 2014 ») recommandation 1. 227 RPT 2011 recommandation 1.8 satisfaite par l?article L. 2224-13 du CGCT. 228 RPT 2011 recommandation 1.12, 1.14, RPA 2014 recommandation 2. 229 Les plans, programmes et décisions des EPCI doivent être compatibles (L. 541-15 code de l'environnement). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-collectivites-locales-et-la-gestion-des-dechets-menagers COUR DES COMPTES 118 La recommandation visant à décliner au niveau régional et intercommunal certains objectifs nationaux et d?en rendre compte au moyen d?un rapport annuel, ainsi que la mise en place d?observatoires locaux230, est satisfaite par les dispositions de la loi NOTRe précitée et par celles de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC). En revanche demeurent pertinentes les critiques émises par les juridictions financières en 2011 qui relevaient les « limites des mécanismes de pilotage, de suivi, d?évaluation et d?appui » et qui recommandaient une plus grande fréquence et qualité dans la collecte et le traitement des données231. Les évolutions dans les mécanismes de financement du SPGD qu?appelaient plusieurs recommandations, n?ont pas été suivies d?effets significatifs. L?adaptation des textes pour encourager la tarification incitative a été réalisée par la réduction des frais de gestion232 mais cet encouragement est insuffisant pour en permettre l?essor. La clarification du cadre juridique du financement du SPGD n?a pas été réalisée : ni la codification de la jurisprudence définissant le suréquilibre233, ni les dispositions sur les compensations, exonérations et dérogations aux augmentations de TEOM234 ni la remise à plat de la distinction des services publics entre administratifs et industriels et commerciaux235. Une recommandation a connu une suite inverse à la demande formulée : la redevance spéciale est devenue facultative alors que la Cour demandait sa généralisation236. Les recommandations concernant la mise en oeuvre d?une comptabilité analytique et d?un budget annexe consacrés au SPGD237 ont été partiellement suivies d?effet : la réglementation prévoit désormais l?obligation de comptabilité analytique238 mais le budget annexe demeure facultatif pour les collectivités, majoritaires, qui financent le service par la TEOM. Les recommandations des juridictions financières pour corriger l?insuffisance des équipements de proximité pour l?incinération et le 230 RPT 2011 recommandation 1.10. 231 RPT 2011 recommandations 1.11, 3.1, 3.2, 3.3 et 3.5. 232 Recommandations 4.1. et 4.2. du RPT 2011 et recommandation 7 du RPA 2014 satisfaites par l?art.7 de la LFI 2019. 233 Recommandation 4.6 du RPT 2011. 234 Recommandation 4.4 et 4.5 du RPT 2011. 235 RPT 2011 recommandation 4.6 et RPA 2014 recommandation 6. 236 Recommandation 4.3. du RPT 2011et recommandation 3 du RPA 2014. 237 RPT 2011 recommandation 2.1, 2.2, et RPA 2014 recommandations 5 et 8. 238 L. 2224-17-1 CGCT. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 119 stockage (carence en exutoires)239 n?ont pas été mises en oeuvre : la TGAP n?a pas été augmentée240 pour les déchets exportés ou réceptionnés au-delà des limites d?un périmètre car le ministère chargé de l?environnement considère qu?une telle augmentation encouragerait la création d?installations d?élimination alors que l?objectif général est de respecter autant qu?il est possible la hiérarchie des modes de traitement des déchets. Suites réservées aux dix recommandations formulées par les rapports consacrés aux éco-organismes Les recommandations formulées dans le rapport « Les éco- organismes : un dispositif original à consolider, insertion au rapport public annuel 2016 » et le rapport « Les éco-organismes : une performance à confirmer, une régulation à renforcer », insertion de suivi de l?insertion précitée, publiée dans le rapport public annuel 2020, ont donné lieu à des suites satisfaisantes. Les dispositions de la loi AGEC et de ses textes d?application concernant les éco-organismes satisfont neuf recommandations sur dix. La simplification des cahiers des charges des éco-organismes s?accompagne du renforcement des exigences (fixation et contrôle des résultats, dispositifs de sanctions)241 et la durée des agréments des éco-organismes est adaptée entre un et six ans242. La loi renforce et précise les informations qui devront figurer sur les produits pour renseigner les citoyens sur les gestes de tri et l?État pourra fédérer plusieurs éco-organismes pour des campagnes d?information243. Le conditionnement des soutiens aux collectivités versés par l?éco-organisme chargé de la filière REP emballages à la mise à jour des consignes de tri est prévu par le cahier des charges de l?organisme qui est approuvé par l?État244. Le partage avec les pouvoirs publics, les producteurs et les collectivités des données et des informations détenues par les éco-organismes est clarifié245 et l?extension des consignes de tri, couplé à la subordination des autorisations concernant les centres de tri mécano biologiques à la mise en place du tri à la source 239 RPT 2011 recommandation 3.6 et 3.7 et RPA 2014 recommandation 4. 240 L. 2333-92 et s. du CGCT. 241 RPA 2020 recommandation 1, 4 et 5 satisfaites par les articles L541-10 II (encadrement des cahiers des charges) et L. 541-9-6 (sanctions). 242 RPA 2020 recommandation 3. 243 RPA 2016 recommandation 1, RPA 2020 recommandation 2 satisfaites par l?article L. 541-9-3 du code de l'environnement. 244 RPA 2016 recommandation 2. 245 RPA 2016 recommandation 4. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2016 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2016 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2016 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2020 https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2020 COUR DES COMPTES 120 des biodéchets vont dans le sens d?une modernisation des centres de tri et, nécessairement, d?une diminution de leur nombre246. La visibilité sur les produits de l?écocontribution247 est en revanche écartée car regardée comme source de confusion (logo pouvant être pris pour le signe d?un produit fait en matière recyclée ou d?un produit à recycler). Enfin, un rapport propre à l?Île-de-France a été inséré au rapport public annuel 2017 de la Cour. Ce dernier comportait six recommandations, dont deux à caractère général et quatre adressées aux collectivités et aux syndicats de traitement des ordures ménagères de la région. 246 RPA 2016 recommandation 5. 247 RPA 2016 recommandation 3. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexe n° 3 : les Plans Régionaux de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD) Régi par les dispositions des articles L. 541-13 à L. 541-15-2 et R. 541-13 à R. 541-27 du code de l?environnement248, le Plan régional de prévention et gestion des déchets (PRPGD) est un document élaboré par le conseil régional qui a pour but de coordonner à l'échelle régionale les actions entreprises par l'ensemble des parties prenantes. Instrument de planification et de programmation prévu par la réglementation européenne249, le PRPGD est appelé à disparaître à mesure que seront arrêtés les schémas régionaux d?aménagement, de développement durable et d?égalité des territoires (SRADDET)250. Les PRPGD sont opposables aux décisions prises par les personnes morales de droit public et leurs concessionnaires251 notamment pour les installations à adapter, créer ou fermer. Le plan sert ainsi de cadre aux services déconcentrés de l?État pour délivrer les diverses autorisations en matière d?Installations Classées pour la Protection de l?Environnement (ICPE). Les juridictions financières ont analysé dans le cadre du présent rapport les 12 plans adoptés. 248 Introduit par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe) 249 Articles 28 et 29 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets 250 Articles L. 4251-1 à L. 4251-10 et R. 4251-1 à R. 4251-17 du code général des collectivités territoriales (CGCT). L?Île-de-France, les régions d'outre-mer et les collectivités territoriales à statut particulier constituent des cas spécifiques, dans la mesure où des plans régionaux ou territoriaux de prévention et de gestion des déchets continuent de s?appliquer de façon autonome, à côté d?un autre document de planification stratégique (tel que le SDRIF en Ile de France ou le PADDUC en Corse). 251 Article L. 541-15 du code de l?environnement Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176161 COUR DES COMPTES 122 Le code l?environnement252 fixe le contenu des PRPGD et rend obligatoires notamment les rubriques suivantes : 1/ État des lieux : (production, prévention, collecte et installations existantes) Réalisée grâce à plusieurs bases de données du ministère de l?écologie et de l?ADEME et des observatoires locaux253, cette partie descriptive est dans certains plans complète et exhaustive254 avec des niveaux de précision géographiques variables255. Des lacunes de données que ni l?État ni les régions n?ont comblées par des enquêtes de terrain, nuisent à la fiabilité de l?état des lieux256 : exutoires inconnus, informations manquantes quant à la catégorie d?ICPE, tonnages par installations, traitement réalisé supérieur aux capacités ? Par ailleurs, on relève des problèmes de lisibilité des données257, qui gênent la clarté de l?information donnée aux collectivités locales infrarégionales. Du fait des différences de couverture des territoires par la tarification incitative, les états des lieux sur ce sujet sont d?amplitude et de qualité variables. Dans les régions où elle est plus développée, des résultats éclairants montrent son efficacité sur la réduction des OMR et l?augmentation des collectes de recyclables258. Enfin, la description des mesures visant à promouvoir le développement de cette tarification incitative est souvent très sommaire. Ainsi, le plan de la Normandie a été partiellement annulé par la décision n°1802969 du tribunal administratif de Caen du 20 juin 2019 car il ne présentait pas d?actions de développement de la tarification incitative en contradiction avec 252 Art. L. 541-13 et l?article R-541-16 du code de l?environnement 253 Par exemple, la base de données GEREQ, le registre ICPE ou encore le registre IREP et le registre ITOM 254 Par exemple, la région Auvergne-Rhône-Alpes détaille les 33 millions de tonnes (en 2015) qu?elle a produits. 255 Par exemple, le Plan de la région Grand Est présente des données départementales là où la région Occitanie présente des données agrégées au niveau régional. 256 Voir par exemple le tableau 86 (p169) du Plan des Pays de la Loire où les capacités réglementaires en tonnes des plateformes de compostage de la région sont manquantes pour 18 des 39 installations, ou la figure 86 (p.115) du Plan Grand Est où 409 tonnes de déchets produites dans l?Aube ont un exutoire « non précisé ». 257 Voir par exemple les données sur les combustibles solides de récupération (CSR) sont difficilement interprétables dans le Plan des Pays de la Loire, p. 193 et p. 87. 258 Par exemple, le Plan de Nouvelle-Aquitaine, où la tarification incitative couvre 6 % de la population régionale, montre que les quantités d?OMR ont diminué de 36 % et les recyclables secs hors verre collectés ont augmenté de 26 % (voir pp 76-78). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes http://manche-nature.fr/wp-content/uploads/2019/07/jgt_PRPGD.pdf http://manche-nature.fr/wp-content/uploads/2019/07/jgt_PRPGD.pdf ANNEXES 123 les dispositions de l?article D. 541-16-2 du code de l?environnement259. À la suite de cette décision de justice, la région Normandie a dû amender son plan et adopter, le 22 juin 2020, deux compléments portant sur les actions prévues pour le développement de la tarification incitative260 et sur la planification des installations dédiées à la valorisation énergétique des combustibles de récupération. Sur ce point, le niveau de généralité des autres plans régionaux ne diffère pas de la première version du plan de la région Normandie. 2/ Prospective des gisements à 6 et 12 ans et objectifs de prévention, recyclage et valorisation Cette prospective se fonde sur la présentation de deux scenarii : l?un évalue les quantités produites en l?absence de mesures de prévention, le second les prend en compte261. On constate cependant des différences quant au niveau de précision et de détails fournis et quant à la justification des scénarios de référence. 3/ Planification de la prévention des déchets à 6 et 12 ans La prévention se présente dans les plans sous la forme d?un ensemble cohérent d'actions par types de déchets262. Les objectifs manquent cependant de caractère opérationnel et de contextualisation locale et sont trop généraux263. 259 Dans sa première version, le Plan de la région Normandie ne donnait aucune modalité pratique d?implantation ni d?objectifs clairs quant à la couverture de cette taxe en termes de population ou de volumes de déchets et préconisait seulement d?« Engager une réflexion sur la mise en place de la TI à travers la réalisation d?études de faisabilité ; Valoriser les retours d?expériences ? ; Intégrer la TI dans une réflexion d?optimisation globale ? ; Définir les moyens humains pour le développement de la TI ; Informer et sensibiliser les usagers ? » (p103). 260 La région Normandie se fixe désormais l?objectif d'un taux de couverture de 30% de la population régionale par la tarification incitative, à l'horizon 2025 261 Ainsi, la région Île-de-France prévoit un scénario dit « tendanciel » (sans prévention) où 5 607 262 tonnes de DMA seront générées en 2020, 5 971 954 en 2025 et 6 358 105 en 2031. Le scénario « avec mesures de prévention » prévoit 5 483 938 tonnes de DMA en 2025 et n?a toutefois pas de valeur cible en 2031 (p.52, Chapitre 1) 262 Ainsi, la région Bretagne décline des objectifs pour les DMA et DAE relatifs aux déchets végétaux (stabilisation en 2020 par rapport à 2016 et réduction de 20 % en 2030 par rapport à 2016, p32), aux biodéchets (100 % de la population doit avoir accès à une solution de tri à la source des biodéchets d?ici 2023, accès au tri à la source pour les professionnels d?ici 2023, p34). 263 Par exemple, la région Bretagne mentionne l?objectif de réduire le gaspillage alimentaire par une liste d?objectifs vagues tels que « l?accompagnement de la restauration collective [?] dans la mise en place d?actions » (p. 36, Chapitre II), le développement du « don alimentaire » (p. 36, Chapitre II), « Accompagner les entreprises et administrations dans la réduction de la production de leurs déchets », « Accompagner la mise en oeuvre des PLPDMA » ou encore « Sensibiliser tous les acteurs ». Les actions sont quasiment identiques à celles que l?on trouve Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042662953 COUR DES COMPTES 124 Nombreux sont les renvois aux programmes locaux auxquels est laissée la mise en oeuvre concrète264. 4/ Planification de la gestion des déchets à termes de 6 et 12 ans, incluant les installations nécessaires afin d?atteindre les objectifs. Au même titre que pour la prévention, l?ensemble des actions portant sur la gestion des déchets, bien que cohérentes entre elles et axées autour d?objectifs, apparaissent le plus souvent vagues et sans caractère réellement opérationnel265. La planification des installations qu?il apparaît nécessaire de créer, adapter ou fermer afin d?atteindre les objectifs est une lacune significative dans les plans alors que cette précision est exigée par l?article R. 541-19 et le 5° de l?article R 541-16 du code de l?environnement. En effet, les plans ne recensent que les installations de stockage ainsi que d?incinération sans valorisation énergétique266. Ils ne recensent pas les autres types d?installation et renvoient sur ce point à des études ultérieures267. Même les plans les plus aboutis ne planifient pas à un niveau suffisamment précis l?évolution des équipements et des capacités de traitement associés, pour toutes les natures de déchets et d?installation268. dans tous les autres plans et ne comportent aucune spécificité liée à la région, ni de plan d?action précis en termes de dates et de budget. 264 Ainsi, les Plans des Hauts-de-France (p.117) et de Centre-Val de Loire (p.229) renvoient au déploiement des programmes locaux pour la mise en oeuvre des stratégies Zéro Déchets Zéro Gaspillage 265 Ainsi, le Plan des Hauts-de-France (pp.123-130 du fascicule des règles) ne comprend aucune planification précise des installations de traitement et se limite à des orientations générales telles que « Renforcer la performance environnementale des installations de valorisation énergétique en appliquant le principe de proximité et en prenant en compte l?impact CO2 des zones de chalandise » ou « Pour tout projet de modernisation des installations de valorisation énergétique, tenir compte de l?évolution des nouvelles normes européennes à l?horizon 2022- 2024.. Il en va de même du plan de la région Occitanie (pp 248 -256). 266 Ainsi par exemple le plan de la région Bourogne-Franche-Comté, après avoir recensé de manière détaillée, à l?échelle de chaque département, les déficits ou excédents de capacité de traitement (p 109), se limite à la planification des installations de stockage. 267 Ainsi, par exemple, le Plan de la région Centre-Val de Loire, concernant les installations de valorisation organique, «il sera nécessaire d?identifier et suivre les capacités de traitement des déchets organiques et anticiper les besoins à venir. » p.289 268 Sur le thème de la planification des installations, le plan PACA, divisé en 4 bassins de vie, est divisé en flux de déchets et positionné sur la capacité de traitement des biodéchets triés à la source représente néanmoins un exemple intéressant. On peut aussi citer l?exemple du plan de la région Grand Est, qui décline de manière détaillée, à l?échelle départementale, les installations de stockage qu?il sera nécessaire de créer (pp Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032728246/2016-06-20 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032728264/2016-06-20 ANNEXES 125 Les 12 plans adoptés ne relèvent pas d?une véritable planification et apparaissent trop vagues quant au nombre, au type de déchets associés et leurs quantités et à la localisation des installations269. À ce titre, les plans ne revêtent pas leur pleine valeur prescriptive et n?épuisent pas la compétence de la région. Suivi des plans Les modalités de suivi des plans prévues lors de l?adoption de ces derniers sont souvent incomplètes, même pour ceux qui sont les plus aboutis270. En effet, bien que les indicateurs de suivi du plan soient explicités, associés aux actions dont ils relèvent et recensés de manière exhaustive271, nombreux sont les plans qui manquent d?une réelle planification du suivi272. Sept régions sont couvertes par un observatoire de déchets chargé d?obtenir et de consolider les données à l?échelle régionale, d?améliorer la connaissance des gisements et de s?assurer du suivi des objectifs, les 5 régions restantes prévoient seulement d?en créer273. 347-352) et qui projette les besoins en capacité de traitement à l?échelle de deux bassins de vie (Est et Ouest) les besoins. 269 Le plan de Normandie, par exemple, « n?interdit pas la création de nouvelles capacités de valorisation des déchets ménagers résiduels » (p103) ou le plan des Hauts- de-France, où la « règle de planification » prévoit « d?adapter les capacités régionales d?incinération et de valorisation [?] en cohérence avec le développement de la prévention et de la valorisation matière conformément à la hiérarchie des modes de gestion [?] » (p148). 270 Les qualités et défauts des plans sont multiformes, aucun d?eux ne peut être considéré comme un modèle. Le PRGPD de la région PACA a le mérite de préciser (voir pages 137-138 du fascicule des règles du SRADDET, les moyens financiers que la région entend consacrer, dans le cadre de ses contrats régionaux d?équilibre territorial, au soutien des projets d?équipement structurants pour le territoire en matière de recyclage et de valorisation des déchets, d?économie d?énergie et de développement des énergies renouvelables. 271 Voir par exemple les pages 318-325 du Plan de la région Auvergne-Rhône-Alpes ou 284-288 du Plan de la région Hauts-de-France 272 La région Bourgogne-Franche-Comté liste les indicateurs et modalités de suivi du Plan, sans mention de son organisation pratique (voir pp 158-166). 273 Le PRPGD Grand Est est très précis quant aux missions de l?observatoire qu?il entend créer. On peut par ailleurs saluer l?effort de prévision budgétaire effectué (en moyens humains et financiers) p478-479. Les autres régions manquent de précision quant au budget : la Bourgogne-Franche-Comté, par exemple, ne mentionne que le projet de création p88, sans en préciser les modalités pratiques. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexe n° 4 : les indicateurs internationaux En septembre 2015, les 193 États membres de l?ONU ont adopté un programme de développement durable Agenda 2030 structuré autour de 17 objectifs de développement durable (ODD). Les déchets sont concernés par l?ODD n°11 qui porte notamment la thématique de la ville durable et l?ODD n°12 : « Consommation et production responsables » (impact environnemental et social de l?ensemble de la chaîne de valeur des produits). Ces ODD généraux comportent des indicateurs qui ont été repris dans la programmation nationale française : le PNPD 2014-2020 et la feuille de route de la France pour l?économie circulaire (FREC). Indicateurs issus des ODD N° Taux de recyclage des déchets municipaux274 11.6.1. Empreinte matières275 12.2.1 Consommation intérieure de matière276 12.2.2 Perte et gaspillage alimentaire 12.3.1 Taux de recyclage national et tonnes de matériaux recyclés 12.5.1 274 Proportion de déchets urbains solides régulièrement collectés et éliminés de façon adéquate sur le total des déchets urbains solides générés, par ville. 275 Empreinte matérielle, Empreinte matières (RMC) Empreinte matière par habitant (RMC/hab.) et Empreinte matière par unité de PIB (PIB/RMC). Repris dans les indicateurs 2 et 8 du PNPD 2014-2020 (INSSE SDES). 276 Consommation matérielle nationale, consommation matérielle nationale par habitant et consommation matérielle nationale par unité de PIB. Indicateurs n°12 et n°7 du PNPD 2014-2020 et indicateur FREC sous la forme « Réduire la consommation de ressources liées à la consommation française de 30 % entre 2010 et 2030 » et « recyclage de100 % de plastiques en 2030 » (INSEE. EUROSTAT) Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/010596190#Documentation https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/010596191 https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/010596192 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexe n° 5 : les indicateurs du service public des déchets Il n?existait à ce jour aucun recensement des objectifs chiffrés assortis d?une échéance qui ont été fixés par l?État (code de l?environnement ou programmation) pour le service public des déchets. Les juridictions financières se sont attachées à ce recensement. Comme indiqué dans le rapport, pour faciliter et simplifier le suivi de l?ensemble de ces objectifs, une partie d?entre eux représentatifs des autres doit être choisie afin de bâtir un tableau de bord annuel (indicateurs numérotés ci-dessous 1, 2, 10 et 23 surlignés en jaune) auxquels les juridictions financières recommandent d?ajouter deux indicateurs qui n?existent pas encore dans la réglementation : la quantité des OMR (Volume d?OMR par habitant en kg et par an) et la prévention (dépenses de prévention /coût total du SPGPD en %). Tableau n° 6 : les indicateurs généraux du service public des déchets Nos Objectifs Base juridique PRODUCTION 1 Production des DMA par habitant277 - 7% entre 2009 et 2014 -10 % en 2020 / 2010278 - 15 % en 2030 / 2010 279 Art. L. 541-1 1° c.envir TARIFICATION INCITATIVE 2 Couvrir 15 millions d?habitants en 2020 et 25 millions en 2022 10° de l?art. L. 541-1 code de l?environnement280 COLLECTE et TRI A LA SOURCE 277 Indicateur 1 du PNPD 2014-2020 et du PNGD 2019. Déchets ménagers collectés par habitant en année n ? déchets collectés en 2010) /déchets ménagers et assimilés en 2010 * 100 - Enquête collecte Ademe 278 Loi LTECV 279 Loi AGEC et ordonnance n°2020-920 du 29 juillet 2020 280 L?article 46 loi n°2009-967 de la loi de programmation Grenelle prévoyait déjà que La TEOM et la REOM doivent intégrer au plus tard en 2014 une part variable incitative. Axe 3 du PNGD 2019 « Étendre le déploiement de la fiscalité incitative (nombre de collectivités et population) » Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://partagejf.ccomptes.fr/sites/fcjpgdechets/02Synthese/07_CRPP/issu%20de%20l?ord.%202020-920%20-%20Directive%202008/98%20modifiée%202018/851 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ COUR DES COMPTES 130 Nos Objectifs Base juridique 3 Généralisation du tri à la source des biodéchets au plus tard au 31 décembre 2023 Art. L. 541-21-1 code de l?environnement281 4 Étendre à l?ensemble des emballages plastiques les consignes de tri avant 2022 (en millions de personnes) 5° de L. 541-1 code de l?environnement 5 Généralisation d'ici au 1er janvier 2025 de la collecte séparée pour les produits consommés hors foyer (corbeilles de tri). IV. de L. 541-10-18 6 Collecte bouteilles en plastique : 77% en 2025 et 90% en 2030 L. 541-10-11 du Code de l?environnement282 7 Atteindre 100% de collecte des emballages plastiques ménagers en 2025 Axe 4 PNGD 2019 8 Augmenter les quantités de bouteilles et canettes collectées dans le secteur des cafés, hôtels et restaurants (CHR) VALORISATION 9 Préparation en vue du réemploi et recyclage 55% en 2025 et 60% en 2030 et 65% en 2035 des DMA en masse 4 bis de L. 541-1 283 10 Quantité de DNDNI284 faisant l'objet d'une valorisation sous forme de matière, notamment organique : 55 % en 2020 et 65 % en 2025 4° de L. 541-1 11 Assurer en 2025 la valorisation énergétique d?au moins 70% des déchets qui auront fait l?objet d?une collecte séparée ou d?un tri et ne pouvant faire l?objet d?une valorisation matière 9° du I. de L. 541-1 12 Atteindre un tonnage de produits réemployés et. /ou de déchets préparés à la réutilisation de 4° art. L.541-1du code de l?environnement 281 Art. 22 directive (UE) 2018/851 et Axe 5 PNGD 2019. Art. L. 2224-16 du Code général des collectivités territoriales 282 Article 9 de la directive SUP (collecte séparée) 283 Issu de l?ord. 2020-920 - Articles 6 et 11 Directive 2008/98 modifiée 2018/851. Indicateur non chiffré axe 2 PNGD 2019. Directive 1994/62/CE : « Atteindre 50 % en 2025 et 55 % en 2030 de déchets d?emballages en plastique recyclé » 284 Les déchets non dangereux non inertes (DNDNI), mesurés en masse, recouvrent les DMA et les déchets d?activités économiques et excluent les déchets du BTP. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041989925 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ https://partagejf.ccomptes.fr/sites/fcjpgdechets/02Synthese/07_CRPP/règlement%20européen%20d?interdiction%20d?enfouissement%20des%20DMA%20collectés%20séparément ANNEXES 131 Nos Objectifs Base juridique l?équivalent de 5 % du tonnage de déchets ménagers en 2030285 13 Réduire de 50% les quantités de produits manufacturés non recyclables mis sur le marché (2020/2015) Art. 8° de L. 541-1 14 La mise sur le marché de certains produits ou matériaux peut être subordonnée à l?incorporation d?un taux minimal de matière recyclée II. art. L. 541-9 code de l?environnement 15 Tendre vers l?objectif de 100% de plastiques recyclés au 1er janvier 2025 4ter du I. de L. 541- 1286 16 Atteindre 400 000 tonnes de plastiques régénérés réincorporés en 2025 FREC avril 2018287 17 Intégrer 25% de matière recyclée dans les bouteilles en PET en 2025 et 30% (toutes bouteilles en 2030) Article 6 de la directive SUP 18 5% des emballages mis sur le marché sont des emballages réemployés en 2023, 10% en 2027288 I. 1° de L. 541-1 code de l?environnement 19 65 % de recyclage de l?ensemble des déchets de papiers gérés par le SPGD289 L. 541-10-1 code de l?environnement 20 Au 1/1 2030, les producteurs290, doivent justifier que les déchets des produits sont de nature à intégrer une filière de recyclage. Art L.541-9 code de l?environnement PREVENTION 285 Produits réemployés et/ou déchets préparés à la réutilisation / déchets ménagers et assimilés. Ademe - Observatoire du réemploi à venir (notamment D3E, textiles et éléments d?ameublements). 286 Stratégie européenne sur les matières plastiques dans une économie circulaire (01/18) et FREC p.3 et Axe 4 PNGD 2019 287 Stratégie de la Commission européenne sur les matières plastiques dans l?économie circulaire COM (2018) 28 final (Atteindre 10 millions de tonnes de plastiques recyclés incorporés dans de nouveaux produits dans l?Union européenne en 2025) 288 Unité de vente ou équivalent 289 Tonnage des papiers recyclés issus de la collecte sélective / tonnage total de papiers graphiques pris en charge par le SPGD. 290 Ceux qui mettent sur le marché au moins 10 000 unités de produits par an et réalisent 10 M¤ CA Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://partagejf.ccomptes.fr/sites/fcjpgdechets/02Synthese/07_CRPP/Stratégie%20européenne%20sur%20les%20matières%20plastiques%20dans%20une%20économie%20circulaire%20(01/18) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ COUR DES COMPTES 132 Nos Objectifs Base juridique 21 Interdiction des plastiques à usage unique : ventes sacs de caisse (1/1/2016), sacs d?emballage (1/1/2017), particules produits cosmétiques (1/1/2018), cotons tiges, vaisselle jetable, bouteilles d?eau plate (écoles), pailles, bâtonnets mélangeurs, gobelets et couvercles, plateaux-repas, pots à glace, saladiers (1/1/2020), fabrication/importation des sacs interdits à la vente, distribution gratuite des bouteilles (1/1/2021), sachets de thé non biodégradables, jouets dans restauration, suremballage des fruits et légumes frais, emballages presse et publicités, étiquette sur fruits et légumes, achat par l?État (1/1/2022), vaisselle jetable dans la restauration pour les repas servis sur place (1/1/2023), microplastiques médicaux (1/1/2024), contenants cuisson en cantines (1/1/2025) tous les emballage plastique à usage unique (2040) Art. L541-10-5 et L541-15-10 du code de l?environnement 291 22 Publication d?un indice de durabilité (1/1/2024) Art. L541-2 c.envir ELIMINATION 23 Quantités de déchets non dangereux non inertes admis en installation de stockage : - 30% entre 2010 et 2020 - 50% entre 2010 et 2025 7° art. L. 541-1 code de l?environnement292 24 Interdiction progressive de la mise en décharge des déchets non dangereux valorisable 7° art. L. 541-1 c.envir293 et décret du 16.09.2021 25 Réduire les quantités de DMA admis en installation de stockage en 2035 à 10% au plus du poids des DMA produits 7 bis art. L. 541-1 294code de l?environnement 291 Interdictions introduites par la directive SUP et transposées par la LTECV, modifiées en 2016, 2018 (loi ELIM) et 2020 (loi AGEC). 292 p. 3 FREC Axe 7 du PNGD 293 Règlement européen d?interdiction d?enfouissement des DMA collectés séparément 3 bis du 2. de l?article 5 de la directive 1999/31 concernant la mise en décharge des déchets 294 5. du 2 de l?article 5 de la directive 1999/31/CE Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://partagejf.ccomptes.fr/sites/fcjpgdechets/02Synthese/07_CRPP/règlement%20européen%20d?interdiction%20d?enfouissement%20des%20DMA%20collectés%20séparément https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042176062/ ANNEXES 133 Nos Objectifs Base juridique 26 Arrêt d?ici 2025 des unités d?incinération des ordures ménagères (UIOM) sans valorisation énergétique et renforcement de l?efficience des UIOM dont la valorisation énergétique est insatisfaisante Plan de réduction et de valorisation des déchets 2014-2020295 Tableau n° 7 : les indicateurs sectoriels (exemples) TEXTILES LINGES CHAUSSURES296 1 Atteindre un taux de collecte de 50 % du gisement mis en marché (soit 4,6 kg par habitant) en 2019 2 Atteindre un taux de valorisation matière (réutilisation et recyclage) de 95 % 3 Atteindre un maximum de 2 % de déchets éliminés (déchets ne faisant l?objet d?aucune valorisation). ELEMENTS AMEUBLEMENT MENAGERS 4 Atteindre un taux de collecte séparée en 2023 des DEA de 40 % des quantités d?éléments d?ameublement mis sur le marché 5 Un taux de recyclage et de réutilisation de 45 % sur la période 2018-2021 et de 50 % pour la période 2022-2023 des DEA collectés séparément 6 Mettre à disposition des acteurs de l?économie sociale et solidaire 1,5 % des DEA collectés à partir de 2021 pour ceux détenus par les ménages 7 Valoriser (réutilisation, recyclage et valorisation énergétique) en 2022 90 % des DEA collectés séparément des autres déchets EQUIPEMENTS ELECTRIQUES ELECTRONIQUES (EEE) 8 Atteindre un taux de collecte de 65 % des équipements électriques et électroniques mis sur le marché 9 Taux minimaux de recyclage et de valorisation pour les DEEE ménagers pris en charge DECHETS DE SOINS 10 Taux de collecte de 80 % en 2021297 295 Axe 2 du PNGD 2019 « Améliorer la valorisation énergétique des déchets » 296 Ademe : Déclarations des producteurs, y compris distributeurs et importateurs d?équipements destinés aux particuliers 297 Quantités collectées année N /moyenne des quantités mises sur le marché moyenne des quantités de produits mis sur le marché des années N et N-1. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 134 11 Taux de collecte d?au moins 3% / an tous DDS ménagers confondus (soit une collecte de 0,6 kg de DDS ménagers par habitant à fin 2024) 12 Taux de valorisation énergétique : 90 % des DDS ménagers 13 2024 - taux de valorisation matière de 5 % des tonnages de DDS ménagers collectés 14 Atteindre chaque année 45% de taux de collecte séparée de piles et accumulateurs portables par rapport aux mises sur le marché 15 Taux de recyclage poids moyen des piles et accumulateurs portables : 65% (plomb-acide), 75 % (nickel-cadmium) et 50 % (autres) Source : Cour des comptes, à partir du tableau de suivi préparé par la DGPR et communiqué dans le cadre de l?instruction ? Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 135 Annexe n° 6 : les indicateurs des filières à responsabilité élargie du producteur (REP) Les éco-organismes sont agréés par l?État pour une durée maximale de six ans renouvelable, sous réserve de répondre aux exigences d?un cahier des charges établi par filière et fixé par arrêté interministériel. Ces arrêtés leur fixent des missions, mesurées par l?atteinte d?objectifs précis et cohérents avec les objectifs nationaux298. Des sanctions sévères sont prévues299 en cas de non-respect de ces objectifs. L?ADEME publie chaque année un Mémo des filières REP qui reprend de façon groupé les résultats des 14 principaux indicateurs ci- dessous pour chacune des filières. Comme indiqué dans le rapport, pour faciliter et simplifier le suivi de l?ensemble de ces objectifs, une partie d?entre eux représentatifs des autres, doit être choisie afin de bâtir un tableau de bord annuel (indicateurs numérotés ci-dessous 2, 4, 9, 10 et 11 surlignés en jaune) auxquels les juridictions financières recommandent d?ajouter un indicateur qui n?existent pas encore dans la réglementation : la prévention (dépenses de prévention/CA des éco-organismes (en %). Tableau n° 8 : objectifs-indicateurs du « mémo des filières REP » N° Thèmes Formulations techniques 1 Production Mise sur le marché de produits assujettis en milliers de tonnes 2 Gisement de déchets calculé en milliers de tonnes 3 Collecte Collecte séparée en milliers de tonnes 4 Taux de collecte séparée ou taux de collecte séparée apparent pour valorisation 5 Valorisation (matière et énergétique) en milliers de tonnes 6 Taux de valorisation par rapport aux tonnages collectés séparément Recyclage (dont réutilisation) en milliers de tonnes 298 II de l?article L. 541-10 du code de l?environnement 299 Article L. 541-9-6 du code de l?environnement (amende administrative limitée à 10 % des charges annuelles relatives à la gestion des déchets). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/4832-memo-rep-2021.html https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041599099/2021-01-01 COUR DES COMPTES 136 N° Thèmes Formulations techniques 7 Taux de recyclage par rapport aux tonnages collectés séparément 8 Taux de recyclage par rapport au gisement ou aux mises sur le marché 9 Quantités réellement réemployées et réutilisées en milliers de tonnes300 10 Élimination Élimination en milliers de tonnes 11 Financement incitatif Produits mis sur le marché soumis à une éco- modulation en pourcentage (bonus et malus) 12 Financement Montant total des écocontributions perçues par les éco-organismes en millions d?euros 13 Montant total des coûts opérationnels des éco organismes en millions d?euros 14 Montant total des soutiens reversés aux collectivités (opération et communication) en millions d?euro Source : Cour des comptes 300 En ?unités de vente ou équivalent unités de vente? pour le suivi des objectifs des filières équipements électriques et électroniques, des textiles et des éléments d?ameublements Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 137 Annexe n° 7 : comparaisons internationales Selon Eurostat, la production des déchets municipaux en France à 582 kg en 2019 par habitant est supérieure à la moyenne européenne (487 kg/habitant). Les fortes disparités existantes au sein de l?UE apparaissant dans la carte ci-dessous reflètent le lien entre activité économique (Danemark, Allemagne, Luxembourg) et touristique par habitant (Chypre, Malte) et la production de déchets par habitant. Carte n° 2 : déchets municipaux produits par habitant en Europe en 2018 (hors déblais et gravats) Source : Eurostat Le découplage de la croissance économique et de la production de déchets est donc un des enjeux principaux de la politique de prévention et Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 138 gestion des DMA. L?augmentation de la part des déchets à recycler constitue un autre défi commun à l?ensemble de ces pays en vue des objectifs européens de recyclage de 60 % à horizon 2030. Il implique de diminuer la part des déchets recyclables qui se trouvent encore dans les OMR. Les comparaisons internationales ci-dessous ont été choisies en raison des succès de ces pays dans les domaines suivants : un taux de recyclage des déchets municipaux proche ou supérieur à 50 % (cible européenne pour 2020). l?élimination de la mise en décharge par orientation vers le recyclage et l?incinération à valorisation énergétique301 rendus plus attractifs que les autres modes de traitement par la mise en place d?une taxe pour la mise en décharge, par l?interdiction directe (Allemagne) ou indirecte (Autriche) d?enfouissement des déchets non traités et par l?interdiction d?incinérer et d?enfouir les déchets ayant fait l?objet d?une collecte séparée (Pays-Bas) ; la responsabilité opérationnelle des producteurs d?emballages pour le tri et la valorisation : Allemagne, Flandre, Pays-Bas ; les systèmes de consigne (Allemagne, Pays-Bas, Suède). Allemagne ? Production : L?Allemagne est le 3ème plus important producteur de déchets par habitant en Europe. Le recyclage est le principal mode de traitement des déchets municipaux (68 %)302. L?incinération s?élève à 30 %. ? Gouvernance : La responsabilité de la gestion des déchets est partagée entre le gouvernement national, les Länder et les autorités locales. Ces dernières sont en charge de l?élimination des déchets municipaux (294 arrondissements ? Landkreise et 110 grandes villes). Les collectivités déterminent chacune leur système de collecte et le montant des redevances dans le cadre des objectifs de planification arrêtés par les 301 La directive décharge 31/99 CE du 26 avril 1999 marque une étape décisive dans la mise en oeuvre de l?évitement de la mise en décharge. 302 La mise en oeuvre des nouvelles règles européennes statistiques de comptabilisation des déchets municipaux devrait dégrader le classement allemand qui devrait cependant rester supérieur à 50 %. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 139 Länder303. À l?exception d?objectifs de recyclage pour les emballages, peu d?objectifs quantitatifs ont été fixés au niveau fédéral. À l?inverse de la France, les éco-organismes des emballages sont tous « opérationnels »304. ? Collecte : 70 % de la population est concernée par une collecte séparée des biodéchets. Il reste des progrès à faire notamment dans les grandes villes (exemple de Berlin)305. La consigne pour les emballages de boissons à usage unique mise en place depuis 2003 est un dispositif obligatoire : lors de l?achat dans les magasins de détail, le consommateur doit s?acquitter d?un « pfand » de 25 cts (une consigne) qui est remboursée lorsque l?emballage est restitué dans les réceptacles automatiques prévus à cet effet dans les magasins (qui absorbent la bouteille et la compactent). ? Valorisation et élimination : L?Allemagne a atteint un très faible niveau de mise en décharge (1 %) sans passer par une taxe, contrairement à ses voisins européens, mais en interdisant la mise en décharge de déchets préalablement non traités306, et en imposant la collecte séparée des bio déchets et du papier dès le début des années 90. Les DMA sont soit incinérés, à un coût très élevé (100 ¤ la tonne pour les déchets municipaux), soit recyclés. De par cet effet prix, collecter les déchets en flux séparés coûte moins cher que de collecter des déchets mélangés qui devront être traités puis incinérés307. Fruit de plusieurs décennies de politique orientées dans la même direction, le geste de tri et l?incinération avec valorisation énergétique sont aujourd?hui largement acceptés en Allemagne308 (environ 70 U.V.E. sur le territoire avec une capacité de 303 À titre d?exemple, dans le Land de Hessen, les autorités locales en charge de la gestion des déchets doivent, en application des objectifs de planification arrêtés dans la loi d?application régionale « hessische Ausführungsgesetz zum Kreislaufwirtschaftsgesetz », diminuer les quantités d?ordures ménagère résiduelles en deçà d?une quantité cible 150 kg/an/habitant d?ici 2025. Cet objectif est valable tant en secteur à dominante urbaine qu?en secteur plutôt rural. 304 Voir définition de ce terme dans la note de bas de page de l?annexe sur les éco- organismes 305 Source : entretien avec M. Jaron, chef de la division Économie circulaire au ministère de l?environnement allemand. 306 Depuis 2005, ne peuvent être stockés que les déchets ayant fait l?objet d?un prétraitement en installations de traitement mécano-biologique ou en incinérateurs (résidus de ce traitement) ou les déchets inertes. 307 À l?inverse de la situation française par exemple où les collectivités indiquent que la collecte séparée peut représenter un coût trop élevé. 308 Le rapport de l?Agence européenne de l?environnement datant de 2009 sur la mise en oeuvre de la directive ?Décharge (« Diverting waste from landfill, effectiveness of Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 140 18,8 Mt309? à comparer aux 125 unités en France avec une capacité de 15,6 Mt310). L?Allemagne présente un taux de recyclage de 46 % des emballages en plastique, supérieur à celui de la France (26 %) et 98 % des emballages de boissons en plastiques. Autriche ? Production : 570 kg/habitant (supérieure à la moyenne européenne). ? Gouvernance : elle est répartie entre le gouvernement fédéral et les provinces. ? Prévention : L?Autriche est considérée avec la Flandre comme l?un des pionniers pour la mise en place de réseaux de réutilisation offrant des biens d?occasion de qualité. L?initiative la plus importante, « Repanet » est un réseau de réparation et de réemploi, principalement le textile et les équipements électroniques, qui regroupe 27 organisations employant 1 800 personnes dans 140 lieux. ? Collecte : L?Autriche a mis en place une collecte séparée des déchets « biogéniques » et des emballages en papier dès 1992, accompagnée de mesures visant à réglementer la qualité du compost afin d?assurer sa compétitivité311. 22 % des DMA faisant l?objet d?une collecte séparée sont des bio déchets (hors compost au domicile ou communautaire) valorisés au sein de sites de compostage agricoles, municipaux ou commerciaux312 ou au sein de sites de méthanisation. Dans les zones fortement urbanisées, comme Vienne, les déchets collectés ne sont pas de qualités suffisantes pour pouvoir être compostés. ? Valorisation et élimination : L?Autriche a élaboré une stratégie d?élimination de la mise en décharge qui repose sur une double approche d?interdiction pour les déchets non traités, biodégradables et organiques waste-management policies in the EU ») souligne l?importance de l?acceptation publique en matière de traitement de déchets. 309 Cf. Wilts Henning et Von Gries Najda, Europe?s waste incineration capacity in a circular economy, ICE proceedings, mai 2015 310 Ademe. Le traitement des déchets ménagers et assimilés en 2018, Exploitation des données de l?enquête sur les installations de traitement des déchets ménagers et assimilés en France en 2018, Décembre 2020 311 Agence européenne de l?environnement. Municipal Waste management in Austria, Février 2013. 312 Fertilisant pour les espaces verts, cimetières, etc. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://ec.europa.eu/environment/eir/pdf/report_at_en.pdf ANNEXES 141 (ce qui comprend le plastique) et de taxation. Selon la Commission européenne313, l?Autriche fait partie des États les plus performants : le taux de mise en décharge est parmi les plus faibles de l?UE (2 %), le taux de recyclage à 58 % en 2018 dont 33 % de compostage314 est le plus élevé de l?UE, derrière l?Allemagne. À compter de 2004, et graduellement jusqu?en 2008, la mise en décharge des déchets non traités a été interdite pour les biodéchets et les déchets plastiques315. L?Autriche a également adopté une taxe sur la mise en décharge des déchets, moins élevée pour les installations à la pointe de la technologie afin de moderniser les sites. Malgré la diminution du revenu de la taxe, elle a été maintenue. La situation autrichienne montre une très forte corrélation entre l?augmentation des taxes et l?interdiction du stockage et la diminution des déchets effectivement enfouis. Les emballages plastiques ménagers et commerciaux sont couverts par une filière REP. En cas de chute du prix de la matière recyclée, les éco-organismes doivent compenser en augmentant les prix versés aux collectivités territoriales collectrices. En 2015, le taux de recyclage des emballages plastiques s?élevait à 34 % pour un taux européen de 67,5 %. Belgique ?Flandre ? Production : 490 kg/hab. (-10 % sur dix ans) ? Gouvernance : En Belgique, les questions environnementales relèvent des régions. S?agissant de la Flandre, c?est l?OVAM (Agence publique des déchets de Flandre) qui définit les objectifs définit et les règles communes obligatoires (p. ex. le nombre de flux faisant l?objet d?une collecte séparée, la fréquence des collectes) pour les 300 municipalités en charge de la gestion opérationnelle des déchets. La politique de gestion des déchets en Flandre remonte au début des années 1980. Depuis lors, tous les quatre ou cinq ans, l?OVAM adopte de nouveaux 313 Commission européenne. The environmental implementation review 2019 ? country report Austria, avril 2019. 314 L?Autriche présente par ailleurs le plus haut niveau de recyclage en Europe s?agissant des déchets organiques. 315 Cette interdiction s?applique aux déchets présentant un taux de COT (« Carbone organique total ») supérieurs à 5 %. Ce seuil revient à interdire la mise en décharge des déchets plastiques. Le carbone atome caractéristique des matières vivantes est également à la base du pétrole et donc des matériaux en plastique. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 142 plans et en assure le suivi et l?accompagnement316. La gouvernance du système ne repose pas sur une approche coercitive mais d?une part sur une coopération de long terme entre les municipalités et l?OVAM, cette dernière accompagnant les autorités locales techniquement et financièrement et d?autre part sur un système transparent de publication des résultats (« naming and shaming 317»). ? Prévention : Des réseaux de réemploi / seconde main sont installés dans chaque municipalité ou centre commun à plusieurs municipalités voisines, avec des objectifs fixés en termes de biens réutilisés en kg par habitant. ? Collecte : Les tarifs payés par le citoyen pour les collectes séparées sont plus faibles que pour les OMR318. Les déchets organiques (déchets verts d?un côté et fruits et légumes d?un autre côté) font également l?objet d?une collecte séparée depuis 1991. La Flandre ne dispose pas de système de consigne pour la collecte des bouteilles en plastique. ? Valorisation et élimination : D?après la Commission européenne, la Belgique, particulièrement la Flandre319, figure parmi les pays les plus performants avec un taux de recyclage de 54 % en 2017. La Belgique a mis en place à la fois l?une des taxes les plus élevées en Europe et une interdiction de l?enfouissement garantissant que le coût de la mise en décharge (1 % en 2018) est supérieur à celui de l?incinération qui doit- être lui-même supérieur au coût du recyclage. La Belgique présente un taux de recyclage de 55 % et un taux d?incinération de 44 % et pour les emballages de 80 % (le plus haut niveau en Europe). Les emballages plastiques non recyclables font l?objet d?un malus très élevé. Dans le système REP, les producteurs restent propriétaires de la matière sur le marché jusqu?au stade du déchet et doivent investir dans les centres de tri et dans les capacités de recyclage nécessaire pour faire face à 316 OVAM. Implementation plan for household waste and comparable industrial waste- summary 317 Cette locution anglaise (litt. « nommer et couvrir de honte »), pouvant être traduite par l?expression française « mise au pilori », désigne ici le fait de déclarer publiquement les mauvais résultats d?une municipalité. 318 Concernant les collectes séparées, les municipalités peuvent fixer les tarifs, à l?exception du papier/cartons qui n?est pas taxé, compte tenu de la valeur recyclable. 319 La Flandre est la région la plus peuplée de Belgique avec 6,6 millions d?habitants sur un total de 11,5 millions et compte une densité de population élevée de 489 habitants au mètre carré. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 143 l?extension des emballages collectés320. La prise en charge totale de la filière REP emballages se réalise à coût zéro pour les collectivités et donc les contribuables (système Fost+). Dans son plan 2016-2022, l?office de gestion des déchets de Flandres (OVAM) impose des cibles chiffrées aux municipalités en matière d?OMR, de réemploi et de déchets abandonnés. Ce programme est fondé sur une approche en « clusters » de municipalités avec déclinaison d?objectifs locaux. Les municipalités sont regroupées en 16 groupes de municipalités à profil socio- économique similaire ou « clusters » (le profil prend en compte notamment le type d?habitat, l?intensité de l?activité économique et le dynamisme démographique321). Chacun de ces 16 clusters se voit attribuer 11 objectifs chiffrés spécifiques. Pour les OMR, les objectifs chiffrés sont compris entre 116 kg par habitant pour les municipalités les plus rurales et 258 kg/habt pour les municipalités touristiques. Carte n° 3 : déclinaison des objectifs de réduction des OMR à horizon 2022 par « clusters » de municipalités Source : OVAM (Agence flamande pour l?environnement). Implementation plan for household waste and comparable industrial waste, 2017-2022. 320 L?entreprise flamande Eco-oh (https://www.eco-oh.com/fr/groupe-eco-oh) recycle 22 000 tonnes par an d?emballages plastiques mixtes soit l?équivalent de la production de déchets de 2,5 millions de flamands. L?entreprise recycle les déchets plastiques et soit les vend déjà transformés aux fins d?application industrielle soit les transforme au sein d?usine en objets plastiques dits « design ». 321 Exemple de groupes de municipalités : municipalités côtières, grandes villes, municipalités à fort taux d?urbanisation et à faible revenu, villes moyennes, métropoles avec activités tertiaires? Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.eco-oh.com/fr/groupe-eco-oh COUR DES COMPTES 144 Pays-Bas ? Production : 511 kg par habitant en 2017, ce qui reste supérieur à la moyenne européenne mais représente une baisse de 15 % sur dix ans. ? Gouvernance : Elle est recentralisée depuis 1996 par transfert de la responsabilité du niveau des provinces au niveau du gouvernement central. Le ministère de l?environnement est chargé élaborer tous les six ans le plan national de gestion des déchets. Les municipalités sont chargées de la collecte des déchets ménagers sur leur territoire. ? Valorisation et élimination : Le taux de recyclage des DMA est parmi les plus élevés en Europe et le taux de mise en décharge l?un des plus bas (inférieur à 1 %). Avec un taux de 56 % (2018) parmi les plus élevés de l?UE (moyenne européenne à 48 %), les Pays-Bas ont dépassé dès 2013 la cible européenne de recyclage de 50 % des déchets municipaux prévue pour 2020. L?incinération de déchets municipaux atteint 43 %. La mise en décharge est parmi les plus basses d?Europe (1 %), bien en- deçà de la moyenne européenne à 24 %, du fait de l?effet combiné des interdictions et taxes pesant sur les mises en décharge. En 1995, le gouvernement a en effet pris un décret interdisant la mise en décharge de 35 catégories de déchets incluant les OMR et les déchets organiques. Une taxe sur la mise en décharge a également été introduite la même année et a augmenté jusqu?en 2010 afin de rendre l?incinération et le recyclage financièrement plus attractif que la mise en décharge. La taxe néerlandaise devient alors la plus élevée d?Europe (107,5 ¤ par tonne). Deux ans plus tard, le gouvernement décide sa suppression, le faible niveau de mise en décharge ne justifiant plus son existence et la taxe ayant rempli son objectif. Suède ? Production : 443 kg/habitant (4,5 Mt) ? Collecte : Le système de consigne permet de collecter et recycler environ 90 % des canettes en aluminium et bouteilles PET. La Suède a introduit ce dispositif pour les canettes dès 1984 (0,10 ¤ par canette), puis sur les bouteilles plastiques PET en 1994 (entre 0,10 ¤ et 0,20 ¤). Plus de 75 % des 290 communes suédoises proposent désormais un bac spécial aux ménages pour collecter leurs déchets alimentaires. Les ménages peuvent bénéficier, à proportion de leur tri sélectif, d?une réduction non Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 145 harmonisée de leur redevance annuelle communale de traitement des déchets. ? Valorisation et élimination (données 2018) : 50 % des déchets ménagers suédois sont aujourd?hui incinérés, 35 % sont recyclés (taux en-dessous de pays comme l?Allemagne), et 15 % font l?objet d?un traitement biologique. Les pays nordiques dans leur ensemble poursuivent une politique à l?égard des DMA qui visent à un équilibre 50 % recyclage / 50 % combustion. La mise en décharge des déchets ménagers ne subsiste plus qu?à l?état résiduel (0,7 %) à la suite de l?introduction d?une taxe sur la mise en décharge des déchets. Le recours accru à l?incinération des déchets non organiques représente aujourd?hui 20 % de l?énergie utilisée par les réseaux urbains de chaleur qui approvisionnent en chauffage 92 % des appartements suédois et a contribué à la disparition des combustibles fossiles du secteur du chauffage en Suède. Cette politique conduit les communes suédoises à importer des déchets frontaliers pour alimenter en continu leur réseau et amène des inquiétudes dans l?opinion publique sur les rejets des polluants dans l?atmosphère. La Suède opère la méthanisation des déchets organiques pour produire du biocarburant pour les transports en commun. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexe n° 8 : les déchets en matière plastique Le plastique est léger, polyvalent, adapté à l?automatisation et difficilement remplaçable pour la protection des produits de consommation et leur distribution. C?est pourquoi, les 359 millions de tonnes (2018) de plastiques produits chaque année dans le monde, qui représentent 4 à 6 % de la consommation annuelle mondiale de pétrole (350 Md$)322, ont des usages très divers et sont notamment utilisés323 pour les emballages tels que les pots de yaourt ou les bouteilles d'eau (40 % de la consommation européenne de plastiques et plus de 60 % des déchets plastiques), le BTP (20 %), l?industrie automobile (10 %), les appareils électriques et électroniques (EEE) (6 %)324. L?utilisation de ce matériau est en pleine expansion depuis 1950 avec un doublement de la demande depuis 2000, aujourd?hui tirée par les pays en voie de développement qui consomment encore 20 fois moins de plastique que les pays de l?OCDE. Le développement de la consommation d'aliments et de boissons « à emporter » favorise l?essor des plastiques à usage unique. Un "pic du plastique" pourrait cependant être atteint en 2027 selon les experts325, avec une croissance de la demande qui passerait ensuite de 4 % à moins de 1 % par an. 322 Le commerce mondial des plastiques représente 1 000 milliards de dollars par an soit 5 % du commerce global de marchandises. https://unctad.org/fr/news/nouvelle- etude-le-commerce-mondial-du-plastique-depasse-de-40-les-evaluations-precedentes 323 CGEDD et CGEIET Les filières de recyclage de déchets en France métropolitaine, Rapport conjoint, janvier 2020. 324 Les déchets d'équipements électriques et électroniques DEEE sont constitués pour 20 % de plastique. 325 ?The Future?s Not in Plastics: Why plastics demand won?t rescue the oil sector?. 4 septembre 2020. Carbon tracker think tank Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.economie.gouv.fr/cge/filieres-dechets-recyclage COUR DES COMPTES 148 Externalités négatives des déchets plastiques Les effets des matières plastiques sont significatifs sur le réchauffement climatique (l?équivalent du fonctionnement de 189 centrales à charbon326), la biodiversité327, la consommation d?eau et d?énergie, la santé et indirectement sur l?économie pour des activités telles que le tourisme, la pêche328 et le transport maritime. L?ensemble de ces externalités négatives du plastique est évalué financièrement à 1 000 dollars par tonne. Les trois-quarts des déchets plastiques (6,3 milliards de tonnes) sont rejetés dans les milieux naturels329 dont entre 4,8 et 12,7 millions de tonnes de déchets plastiques déversées chaque année dans les océans (les rejets européens représente l?équivalent chaque minute du contenu d?un camion poubelle jeté en mer330). Qualifié de « continent » ou de « soupe », les déchets plastique en mer se décomposent en microplastiques, (fragments de moins de 5 mm), entrent dans la chaîne alimentaire via les organismes marins, l?air et l?eau potable. Sans que l?on connaisse encore l?effet sur la santé humaine, on constate qu?un être humain ingère en moyenne chaque 326 5 tonnes de CO2 émises par tonne de plastique produite. Centrales à charbon de 500 mégawatts en tenant compte des différentes étapes du cycle des plastiques : (extraction, transport, fabrication, gestion de la fin de vie des déchets), le bilan carbone des plastiques représenterait 860 Mt de CO2 par an. En 2050, l?industrie plastique pourrait représenter 10 à 15 % des émissions mondiales de CO2. Sénat Pollution plastique : une bombe à retardement décembre 2020 327 Une méta-analyse récente a estimé à 2 249 le nombre de plantes, d?animaux et de microbes affectés par la pollution plastique à l?échelle mondiale. 328 1 % des recettes des captures réalisées de la flotte de l'Union européenne. 329 Les 8,3 milliards de tonnes de plastiques fabriquées depuis 60 ans n?ont été pris en charge qu?à hauteur d?un quart (9 % ont été recyclées, 12 % incinérées). Si rien n?est fait 12 milliards de tonnes de déchets plastiques pourraient leur être ajoutées d?ici 2050. Ce phénomène de rejet dans les milieux naturels concerne peu l?Europe : 83 % des plastiques dans les océans viennent de 20 pays dont aucun situé en Europe et selon les données de l?Ademe et une extrapolation des enseignements issus du rapport WWF, en France, plus de 98 % des emballages ménagers sont collectés. Production, use, and fate of all plastics ever made. Science Advances Roland Geyer1, Jenna R. Jambeck and Kara Lavender Law Vol. 3 n°7 19 juillet 2017 330La tendance est anticipée à la hausse jusqu?en 2100 au moins. (UE : 150 000 et 500 000 tonnes par l?Union européenne) Jambeck, Jenna R. et al., « Plastic waste inputs from land into the ocean », Science, volume 347, Février 2015 et Study to support the development pf measures to combat a range of marie litter resource Eunomia report for European Commission Janvier 2016 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.senat.fr/espace_presse/actualites/202012/pollution_plastique.html https://www.senat.fr/espace_presse/actualites/202012/pollution_plastique.html ANNEXES 149 semaine l?équivalent du poids d?une carte de crédit331, que l?on retrouve notamment dans le placenta des femmes enceintes332. La contrainte technique du recyclage des plastiques Les objectifs fixés en matière de recyclage des déchets plastiques, en général (« tendre » vers 100 % de plastique recyclé au 1er janvier 2025) ou pour le cas particulier des emballages (20 % de réduction des emballages plastique à usage unique mis sur le marché pour les cinq prochaines années 2021-2025) semblent hors d?atteinte au regard du rythme de réduction actuel. Les progrès du recyclage des plastiques sont en effet entravés par certaines contraintes de cette matière : ? La variété des plastiques (résines ou polymères) implique pour chacun une filière de recyclage spécifique. Les résines utilisées sont nombreuses (une cinquantaine parmi lesquelles cinq principales333 : voir tableau ci- dessous). 331 Soit cinq grammes de plastique ?Assessing plastic ingestion from nature to people WWF, Dalberg and the university of Newcastle Australia juin 2019 (Soit cinq grammes de plastique constitués de 52.000 microparticules de plastique par an, 121.000 si l?on prend en compte la pollution de l?air). 332 Revue Environment International. Janvier 2021 Plasticenta : First evidence of microplastics in human placenta. Antonia Ragusa 333 Les emballages sont cependant constitués pour 90 % des cinq principales résines, dont la moitié sont déjà recyclable., Les 598 000 tonnes de déchets recyclées sont essentiellement du PET et du PEHD (61 % de ces deux matières sont recyclés). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 150 Tableau n° 9 : les 5 principales variétés de plastiques334 Variétés de plastique et part de marché en Europe Utilisation primaire Possibilités de recyclage et débouchés335 Polytétraphtalate d?éthylène (PET) 7,9% Bouteilles boissons et détergents Facile (40% du gisement) : retour possible au contact alimentaire (p. ex. nouvelles bouteilles). 336 Polyéthylène (PE) Haute (PEHD) et basse intensité (PELD/PEBD) 29,8% Bâtiment, films alimentaires, barquettes, jouets bouchons, bouteilles de lait, flacons pour la cosmétique, sac, pots de glace Possible : sacs poubelles, flacons de détergent, mobilier urbain, stylos, tuyaux, automobile? Polypropylène (PP)19,4% Automobile, EEE, emballages alimentaires, masques et tissus Difficile. Pas de retour possible à l?alimentaire. Polystyrène (PS) expansé et autres 6,2% Protection des appareils, emballages alimentaires (comme les pots de yaourt, barquettes), EEE Difficile. Pots de yaourt (4 %) : béton allégé, rembourrage, boites, cintres, pots de fleurs Polychlorure de vinyle (PVC) 10% Surtout bâtiment : canalisation, fenêtres, sols et murs et aussi blisters et automobile Moyen. Fenêtres, canalisations, sols, tuyaux, meubles de jardin Autres résines complexes (PUR, thermoplastiques, ?) 26,7 % Optique, télécommunications, médical, isolation Très difficile Source : Cour des comptes ? La complexité des usages : S?ajoutent à la variété des résines une complexification supplémentaire due au marketing (bouteilles d?eau de couleur), aux additifs chimiques polluants (p. ex. DEEE), aux combinaisons de matériaux impossibles à séparer dans la phase de recyclage337 et à la décontamination obligatoire des plastiques recyclés 334 La nouvelle grille tarifaire en vigueur sur les mises en marché 2020 distingue 7 catégories d?emballages. 335 La couleur exprime le degré de facilité technique du recyclage 336 On parle de boucle fermée du recyclage lorsqu?un type de plastique (le PET clair des bouteilles par exemple) permet de produire à nouveau des contenants eux-mêmes recyclables. 337 P. ex. aluminium et plastique dans les sacs de chips et de barres chocolatées et les blisters de médicaments, carton et plastique dans les boîtes de pizza. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 151 utilisés pour un usage alimentaire. Ni les nouvelles résines ni les nouveaux usages ne font pas l?objet d?études d?impact de recyclage préalables. ? Les contraintes du tri : Le recyclage est principalement mécanique (transformation des déchets plastique en matières premières secondaires ?granulats338- sans changer la structure chimique de la matière) et pour l?instant plus marginalement chimique (retour aux composants chimiques de base équivalent à la qualité de la matière vierge). Les différents types de plastiques fondant à différentes températures, un tri précis est nécessaire. Les plastiques d?emballage non triés ne peuvent produire que des produits grossiers tels que des plaques ou des canaux ou, après broyage, des carburants secondaires pour la production d?énergie dans l?industrie. ? L?altération progressive de la structure, de la qualité visuelle (transparence) et des qualités sanitaires du plastique par les opérations successives de recyclage. Un à trois recyclages pour une bouteille qui deviendra un « polaire » avant de devenir définitivement un déchet. ? La taille : Les produits qui ne seront jamais recyclables car trop petits ou trop techniques (sachets de thé, papier bonbon, petit emballage). Un emballage de fromage à la coupe de 10?microns contient six couches de différents plastiques. ? Les pertes en ligne dans le recyclage : en raison des liquides, adhérences, matières qui compromettent la pureté (pour certains plastiques, 20 à 30 %). ? Le manque de maturité de la filière : La plasturgie française reste un secteur atomisé339, faible en investissement, et spécialisée par résine. Au sein de ce secteur, les filières françaises de recyclage sont prises en étau entre, en amont, les chaînes de collecte et de tri, aux coûts et volumes de production rigides, et en aval, les utilisateurs de plastiques qui comparent le prix du recyclé au cours fluctuant des matières vierges. Ces PME du recyclage sont cependant progressivement acquises par des grands 338 41 000 tonnes des granulés sont perdues dans la nature chaque année, soit l'équivalent de 11,5 milliards de bouteilles en plastique. 339 4 000 PME et TPE dont 56 % de 1 à 9 salariés et 1/3 d?entreprises indépendantes 130 000 salariés et 30 Md¤ et faibles capacités industrielles (20-40 000 tonnes/an) Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes COUR DES COMPTES 152 groupes, qui veulent maîtriser leur approvisionnement en produits recyclés et s?assurer une intégration verticale340. ? La sensibilité du plastique recyclé au cours des matières premières vierges (prix du pétrole) : Si certains plastiques sont recyclables « en théorie », leur coût comparé avec le plastique vierge est prohibitif (du simple au double), expliquant la faible demande de matières plastiques recyclées de 6-7 % en Europe341. Les plastiques recyclés issus des PEHD peinent à trouver preneurs aujourd?hui tandis qu?à l?inverse la demande de PET est très forte (annonce marketing de contenants 100 % recyclés) provoquant des prix spéculatifs. Les nouvelles pistes pour prévenir et gérer les déchets plastiques ? La taxe européenne sur les emballages plastiques non recyclés Une taxe européenne de 800 euros par tonne de déchets d'emballages plastiques non recyclés est instituée depuis le 1er janvier 2021342 et doit être versé du budget national vers le budget européen La France pourrait ainsi être le 1er ou le 2e plus gros contributeur d?Europe (1.2?Md¤ inscrit en LFI 2021) en raison du poids d?emballages plastiques qu?elle met sur le marché et des faibles taux de recyclage. Lorsque la France disposera d?une REP sur les emballages ménagers et industriels à partir de 2025, cette taxe sera répercutée avec un faible taux sur de nombreux assujettis (fabricants, metteurs en marché et importateurs puis éco-organismes) à partir de 2025. ? La consigne des bouteilles Dans ce système, qui permet d?obtenir des matières de meilleure qualité, plus facilement valorisables, le consommateur doit s?acquitter, au moment de l?achat, d?une somme consignée ? qui majore le prix de vente. Cette somme lui est remboursée, sous forme monétaire ou de bons d?achat, quand il rapporte son emballage vide pour qu?il soit recyclé. Selon l?ADEME, la trajectoire de collecte des bouteilles en plastique pour boisson (autour de 57 % aujourd?hui, 71,5 % en 2025 et 78,9 % en 340 Un géant mondial du soda est actionnaire à 50 % de PlastikPack, le n°1 européen de la régénération du plastique. 341 Les acteurs économiques et l?environnement, édition 2017 Insee références 342 Réunion extraordinaire du Conseil européen (17, 18, 19, 20 et 21 juillet 2020). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 153 2030) ne permettra pas d?atteindre l?objectif européen de 90 % en 2030343. Les régions rurales atteindraient cet objectif, mais les régions urbaines (10 % de collecte seulement aujourd?hui dans les villes de Paris et Marseille) n?y parviendront vraisemblablement pas sans la mise en place de la consigne ou d?autres mesures ambitieuses et contraignantes. Tableau n° 10 : taux de recyclage des emballages plastiques En % 2017 2018 2019 2020 Bouteilles et flacons 55,6 58,3 56,6 54,7 Autres emballages plastiques 3,9 4,2 6,2 7,5 Source : Cgefi Dans les États membres qui l?ont mise en place344, la consigne a fait la preuve de son efficacité avec un taux de collecte en moyenne de plus de 80 % des bouteilles en PET, contre une moyenne de 58 % dans l?ensemble de l?UE345. La loi AGEC a renvoyé pour sa part cette option à 2023 si l?analyse des performances de collecte et de recyclage issue du rapport annuel de l?ADEME confirme que l?objectif 2030 de 90 % ne sera pas atteint346. D?ici là, divers tests de consigne sont mis en place347et l?ensemble des parties prenantes concernées sont associées à la réflexion pour mettre en balance avantages mais aussi inconvénients 348. Une disposition de la loi AGEC349 institue par ailleurs un dispositif de reprise obligatoire par les distributeurs des produits usagés relevant d?une REP. ? La communication pédagogique à l?égard du public 343 Dont 77 % des bouteilles en PET dès 2025 - Directive européenne sur les plastiques à usage unique dite « directive SUP (single-use-plastic) UE n° 2019/904 du 5 juin 2019. 344 Danemark, Estonie, Pays-Bas, Allemagne, Croatie, Lituanie, Finlande et Suède. Hors UE : Norvège et Islande. 345Cf. annexe sur les comparaisons internationales et Cour des comptes européennes. Les mesures prises par l?UE pour lutter contre le problème des déchets plastiques, 2020. 346 Art. L. 541-10-11.-I code de l?environnement. L?article 9 de la directive sur les plastiques à usage unique n?oblige pas à recourir à la consigne mais la cite comme possibilité. 347 420 automates CITEO donnant 1 ou 2 centimes d?euros par bouteille triée, bouteilles contre places de cinéma dans l?habitat social d?Argenteuil. 348Confusion pour le citoyen avec les instructions qu?il a reçues depuis 20 ans de mettre les bouteilles en plastique dans la poubelle jaune, crainte des collectivités locales des pertes de recettes associées à la revente des bouteilles et à la surcapacité des centres de tri sans soutien compensatoire de l?éco-organisme. 349 Article L. 541-10-8 du code de l?environnement Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/RW20_04/RW_Plastic_waste_FR.pdf https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/RW20_04/RW_Plastic_waste_FR.pdf COUR DES COMPTES 154 En dépit des documents pédagogiques et des efforts d?explication proposés par l?ADEME350, les médias et nombre d?acteurs publics et privés, les citoyens ne sont pas en mesure de savoir quelle attitude écoresponsable choisir, à l?égard par exemples des nouveaux produits pouvant perturber le geste de tri et le traitement, de la différence entre un sac en plastique biosourcé et un sac en plastique biodégradable ou des avantages relatifs d?un pot de yaourt en verre par rapport à un pot en plastique (voir tableau ci-dessous). Tableau n° 11 : impacts environnementaux comparés du polystyrène et du verre pour l?emballage des yaourts Impacts environnementaux Avantage verre Avantage plastique Explication Recyclabilité X 76 % de recyclage contre 27% Ressources (matières premières d?origine) X (+430 %) Le sable comme le pétrole est une ressource rare Consommation d?eau X +27 % Durée de décomposition dans la nature X 450 ans contre 1 million d?années Changement climatique (CO2) X + 306 % (12 fois plus de camions de transport) et énergie pour la fabrication Toxicité et pollution pour l?environnement, la santé et la biodiversité X Microplastiques dans la chaine alimentaire des organismes vivants Source : Cour des comptes à partir de différents articles d?analyse de cycle de vie351 350 L?Ademe renforce ses travaux d?ACV et réalise depuis 2002 un Bilan national du recyclage, auquel est joint une Analyse du cycle de vie des flux de déchets recyclés sur le territoire français. 351 La synthèse proposée par ce tableau rend compte des impacts environnementaux issus des ACV. L?état actuel de la recherche scientifique ne permet cependant pas encore de tirer un bilan global qui serait une aide à la décision. Les ACV menées par les fédérations professionnelles ne comportent en général pas de "revue critique" par des experts indépendants validant la méthodologie. L?Ademe travaille à un tel référentiel méthodologique. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 155 L?analyse du cycle de vie (ACV) L?ACV est une « compilation et évaluation des intrants, des extrants (flux physiques de matière et d?énergie associés) et des impacts environnementaux potentiels d?un système de produits au cours de son cycle de vie » : distribution, utilisation, collecte et élimination vers les filières de fin de vie ainsi que transport. L?ACV est l'outil d?évaluation multicritères le plus abouti fondé sur la normalisation internationale352. L?utilisation des ACV pour formuler des recommandations ne permet cependant pas les généralisations. Une ACV ne peut être prise en compte que pour les hypothèses sur laquelle elle est fondée (situation à l?instant « t », emballage ou produit spécifique pris en compte, méthodes de mesure la pollution). Source : Cour des comptes à partir de l?ADEME353 ? Les changements intervenus sur le marché international des déchets Les décisions prises par plusieurs pays de fermer leurs frontières aux déchets en provenance de l?Union européenne aura pour conséquence à court terme une augmentation des produits incinérés ou mis en décharge mais, à moyen terme, ces décisions devraient conduire à développer de réelles capacités industrielles en Europe354. ? Le soutien de l?État à la structuration et au renforcement de la filière L?État peut intervenir par des subventions pour réduire les prix des matières premières recyclées, encourager la recherche et développement (Crédit Impôt Recherche, Programme d?Investissement d?Avenir-PIA, Banque Publique d?Investissement), mettre en place des « clusters » de coopération scientifique et industrielle, commander des études scientifiques, voire prendre des participations directes ou indirectes (CDC) dans certaines entreprises ou favoriser fiscalement le secteur (capital risque ou suramortissement). L?État dispose en outre d?autres leviers comme les interventions de la puissance publique pour soutenir ou contrer certaines 352 Normes ISO (14040 à 14043) 353https://www.ademe.fr/expertises/consommer-autrement/passer-a- laction/dossier/lanalyse-cycle-vie/quest-lacv et https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Rapport_Quel_Potentiel_3R.pdf 354 EEA-ETC/WMGE, 2019/5, Plastic waste trade and environment, octobre 2019. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ademe.fr/expertises/consommer-autrement/passer-a-laction/dossier/lanalyse-cycle-vie/quest-lacv https://www.ademe.fr/expertises/consommer-autrement/passer-a-laction/dossier/lanalyse-cycle-vie/quest-lacv https://www.eea.europa.eu/publications/the-plastic-waste-trade-in COUR DES COMPTES 156 opérations de fusion-acquisition dans les activités d?importance vitale 355, les normes techniques et les achats publics. Dans le cadre du Plan France relance pour la transition écologique, plus de 200 millions d?euros sont dédiés à la filière Plastique (dispositif ORPLAST) afin de doubler la capacité annuelle d?incorporation pour atteindre 700 000 tonnes d?ici fin 2022. Le dispositif Orplast Lancé en 2016 et piloté par l?Ademe, le dispositif Orplast ? objectif recyclage plastiques- vise spécifiquement à soutenir la filière aval de recyclage des plastiques en augmentant l?incorporation de matières premières de recyclage (MPR) plastiques par les plasturgistes en substitution à de la matière vierge (soutien aux investissements dédiés à l?incorporation de matière plastique recyclée et aux technologies de recyclage). En complément, dans le cadre de la stratégie d?accélération visant l?augmentation du recyclage, le Programme d?investissement d?Avenir (PIA 4) dispose d?actions de soutien à l?innovation pour augmenter le recyclage des plastiques et des composites356. ? Le levier réglementaire pour lutter contre les déchets plastiques non recyclés - L?incorporation obligatoires et les interdictions de matières La loi permet d?imposer des taux minimaux d?incorporation de matières recyclées dans les produits neufs, d?interdire des « substances ou éléments susceptibles de compromettre l'utilisation du matériau recyclé »357(perturbation des chaînes de tri et du recyclage) et l?obligation de justifier que les déchets peuvent intégrer une filière de recyclage358. 355 Le décret du 23 février 2006 définit les activités d?importance vitale comme « un ensemble d?activités, essentielles et difficilement substituables ou remplaçables, concourant à un même objectif ou visant à produire et à distribuer des biens ou des services indispensables ». Voir aussi l?article L1332-1 du code de la défense. 356 Sur 4 ans : 15 M¤ pour les technologies de tri, 60 M¤ sur la recyclabilité des plastiques, 15 M¤ sur la recyclabilité des composites 357 L?art. L. 541-10-17 du code de l?environnement décliné dans le décret du 29 avril 2021 dit « 3R »fixe l?objectif d'atteindre la fin de la mise sur le marché d'emballages en plastique à usage unique d'ici à 2040 et la stratégie pour y parvenir pour la période 2021-2025). 358 IV de L. 541-9 du code de l?environnement : au plus tard en 2030, les personnes mettant sur le marché plus de 10 000 unités par an et réalisant un chiffre d?affaires supérieur à 10 M¤ doivent justifier que les déchets induits par les produits peuvent intégrer une filière de recyclage. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041555598/ https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043458675 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043458675 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000041599010/ ANNEXES 157 - L?interdiction d?enfouissement Cette mesure a été très efficace chez nos voisins européens (cf. annexe sur les comparaisons internationales) particulièrement pour les déchets triés, notamment ceux en plastique. Le décret n°2021-1199 du 16 septembre 2021 relatif aux conditions d?élimination des déchets non dangereux pris en application de la loi AGEC359 constitue la version française de cette interdiction. Graphique n° 19 : recyclage (vert), incinération (jaune) et enfouissement (rouge) des déchets plastiques en Europe en 2018 Source : Les filières de recyclage des déchets en France, CGEDD, Janvier 2020, données Plastics Europe. Les pays en pointillés ont déjà mis en oeuvre l?interdiction de l?enfouissement des déchets plastiques 359 Article 6 d?AGEC « la mise en décharge des déchets non dangereux valorisables est progressivement interdite » et Article 10 « les producteurs ou détenteurs de déchets ne peuvent éliminer ou faire éliminer leurs déchets dans des installations ? que s?ils justifient qu?ils respectent les obligations de tri ». Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044060460 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044060460 COUR DES COMPTES 158 Annexe n° 9 : comparatif entre les différentes modalités de financement du service public Production de déchets Sécurité budgétaire et de recouvrement Service rendu et investissement nécessaire Équité pour les usagers Pour Contre Pour Contre Pour Contre Pour Contre TEOM Limitation du risque de dépôts sauvages Aucun lien entre quantité de déchets et facturation Grande facilité et sécurité de la ressource aucun Moindre investissement sur les outils de collecte (bennes et bacs) Relation plus distendue avec l'usager (faible communication) Caractère social des bases d'imposition Sans lien avec les quantités produites. Valeurs locatives obsolètes TEOMI Incitatif (effet prix) Risques de détournement (dépôts sauvages) Sécurité budgétaire grâce à la part fixe. Recouvrement assurée par les services de l'État. Établissement du rôle plus complexe (décalage d'un an de la prise en compte de la part variable). Meilleure connaissance des usagers Investissements (bennes et bacs- puçage). Efforts de communication et de suivi des usagers Lien partiel coût du service /quantités produites mais maintien base liée au patrimoine (VLF) Part variable minoritaire (de 10 à 45 %) REOM Lien théorique avec les quantités de déchets produites Lien indirect entre prix payé par l'usager et sa production de déchets (absence de caractère incitatif). Aucun avantage Complexité (tenue du rôle et gestion des impayés par la collectivité) Pas d'investissements à prévoir. Gestion des évolutions du rôle des usagers complexe (p. ex. changement de composition du foyer). Apparence d'équité (si pertinence des critères retenus) Perte de l'aspect redistributif (social). Critères pouvant être contestés REOMI Prix payé directement lié à la production de déchets. Risques d'effet de détournement (dépôts sauvages) Meilleure connaissance des usagers Investissements indispensables (bennes et bacs- puçage). Efforts de communication et de suivi des usagers L'usager paie pour les quantités produites Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 159 Annexe n° 10 : les conséquences de la crise sanitaire sur la gestion des déchets La production des déchets en général, a été inférieure à ce qu'elle est en période normale, notamment en raison d'une moindre production de déchets issus des activités économiques (- 25 % en Ile-de-France) mais les emballages en plastique ont augmenté (+30 % du fait de leur réputation de sécurité sanitaire et de la hausse des ventes de plats à emporter). Les nouveaux protocoles sanitaires (masques, règles de distanciation sociale dans les temps de pause et croisement des équipes) et le manque de personnel ont généré une perte du temps de travail et une diminution des performances de gestion de déchets et, pour certains territoires, la fin des collectes sélectives et de l?exploitation des centres de tri (arrêts provisoires en raison de l?impossibilité de se déplacer des salariés des entreprises de maintenance). Près de 100 % des déchèteries ont été fermées au niveau national. Or, dans le même temps, certaines activités des ménages productrices de déchets (jardinage, bricolage, tri) ont été plus intenses que d?ordinaire. Par conséquent, des déchets qui auraient normalement dû être évacués en déchèteries ont été présentés dans les bacs d?ordures ménagères conduisant à une forte augmentation des dépôts sauvages sur les points d?apport volontaire et du taux de refus de tri (+ 15 %). Les volumes déposés ont fortement augmenté après les périodes de confinement, conduisant à des augmentations des coûts de transport. Les dépenses du SPGD ont augmenté en outre, du fait de l?achat de masques, de produits d?entretien, d?actions de communication pour la réouverture des équipements et des charges supplémentaires en moyens humains. Les recettes quant à elles, ont baissé puisque les effets de la crise ont induit une chute des quantités de produits valorisables collectées en déchèterie, et une baisse des soutiens des éco-organismes (par exemple - 25 % pour la communauté de communes du Grésivaudan). Les masques déposés dans les OMR n?ont pas été recyclés pour des raisons sanitaires et de coût (12 fois plus cher qu?un emballage plastique)360. 360 Les masques sont responsables de 40 000 tonnes de déchets non recyclés supplémentaires en 2020. 16?millions d?euros d?aides ont ainsi été accordés aux recycleurs des masques et le plan de relance comporte une mesure de soutien de 10 millions d?euros sur la période 2021-2022. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Réponses des administrations et des organismes concernés Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Sommaire des réponses reçues à la date de la publication Les réponses parvenues après la publication du présent document ne sont pas incluses ici mais publiées avec le rapport sur le site de la Cour des comptes. Madame la présidente de l?Association des régions de France (ARF) .................................................................. 167 Monsieur le président de l?Association des Intercommunalités de France ........................................................... 171 Madame la présidente de France Urbaine ............................................... 175 Monsieur le président de l'Association des maires de France (AMF) .................................................................. 182 Monsieur le président de la Métropole de Lyon ..................................... 189 Madame la présidente de la communauté de communes de l'Île d'Oléron ................................................................ 191 Monsieur le président du conseil régional de Bretagne .......................... 194 Monsieur le président du conseil régional Grand Est ............................. 195 Monsieur le président du conseil régional de Normandie ....................... 198 Monsieur le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine ......... 198 Monsieur le président du conseil régional Provence-Alpes-Côte d?Azur .................................................................. 202 Madame la maire de Paris ....................................................................... 204 Monsieur le président du Syndicat mixte départemental en charge d'études et du traitement des déchets ménagers et assimilés de la Vendée (TRIVALIS) .................................................. 205 Monsieur le président de l?Association AMORCE ................................. 210 Destinataires n?ayant pas d?observation Madame la présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence Madame la présidente de la communauté urbaine du Grand Besançon Métropole Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.ccomptes.fr/ COUR DES COMPTES 164 Monsieur le président de la Métropole de Nice Côte d?Azur Monsieur le président de la communauté d?agglomération Valenciennes Métropole Monsieur le président du conseil régional des Hauts-de-France Madame la présidente du conseil régional d?Occitanie Monsieur le président du Syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers de Lorraine Nord (SYDELON) Monsieur le président du Syndicat mixte pour le traitement et la valorisation des déchets ménagers résiduels - « Valor3e » Monsieur le président du Syndicat départemental d'élimination des déchets de l'Aube (SDEDA) Monsieur le président du Syndicat Inter-Arrondissement de valorisation et d?élimination des déchets (SIAVED) Monsieur le président du Syndicat d?études et de réalisations pour le traitement intercommunal des déchets de Belfort (SERTRID) Destinataires n?ayant pas répondu à la date de la publication Madame la Première ministre Madame la présidente du conseil régional des Pays de la Loire Monsieur le président de la communauté d'agglomération du Grand Villeneuvois Monsieur le président de la communauté de communes des Gorges de l'Ardèche Monsieur le président de la communauté de communes de l'Île d'Oléron Monsieur le président du conseil régional d?Auvergne-Rhône-Alpes Monsieur le président du conseil régional Centre-Val de Loire Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 165 Madame la présidente du conseil régional d?Île-de-France Monsieur le président du Syndicat mixte Flandre Morinie (SMFM) Monsieur le président du Syndicat mixte de traitement des ordures ménagères de la région de Villerupt Monsieur le président du Syndicat mixte d?élimination et de valorisation des déchets des Communautés d'Agglomération du Douaisis, Hénin-Carvin et de la Communauté de Communes d?Osartis-Marquion (SYMEVAD) Monsieur le président du Service Intercommunal de collecte de traitement des ordures ménagères (SICTOM) de Pézenas-Agde Monsieur le président du Syndicat pour la valorisation et le traitement des déchets ménagers et assimilés (VALTOM) Monsieur le directeur général de CITEO Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes MADAME LA PRÉSIDENTE DE L?ASSOCIATION DES RÉGIONS DE FRANCE (ARF) Par courrier en date du 18 juillet 2022, vous m?avez transmis le relevé d?observations provisoires portant sur les rôles respectifs des divers niveaux territoriaux en matière de déchets ménagers et assimilés, document préparatoire à un chapitre du rapport public annuel publié au premier trimestre 2023. Dans le cadre de la préparation du rapport interne de la Cour sur le panorama institutionnel et économique sur l?évolution des Déchets ménagers et assimilés en France, Régions de France avait transmis une contribution portant sur des éléments d?éclairage sur l?exercice de la compétence de planification de la prévention et de la gestion des déchets par les Régions et sur leur collaboration avec l?État et les collectivités en charge de la mise en oeuvre. Les recommandations formulées par la Cour des comptes dans son document préparatoire m?amènent à vous formuler les remarques complémentaires suivantes : 1 - Sur l?observation régionale de la gestion et de la prévention des déchets La Cour recommande de confier en 2023 aux observatoires régionaux de la gestion et de la prévention des déchets le suivi de la mise en oeuvre par les intercommunalités des objectifs nationaux (Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, régions). En 2022, la majorité des Régions sont déjà couvertes par un observatoire régional. Ceux-ci sont d?ailleurs représentés par le RARE au sein du Comité National Observation Economie Circulaire piloté par le Ministère (qui s?est réuni une première fois le 5 juillet 2022). Le RARE rassemble les observatoires régionaux des déchets français : - Auvergne-Rhône-Alpes : SINDRA (portée par AURA-EE) - Bourgogne-Franche-Comté : Alterre Bourgogne-Franche-Comté - Bretagne : Observatoire Environnement Bretagne - Centre Val de Loire : pas d?observatoire (consulter la page du Conseil régional) - Corse : Observatoire territorial des déchets - Grand Est : Observatoire des déchets et de l?économie circulaire - Guadeloupe : Observatoire des déchets de la Guadeloupe (portée par Synerg?Ile) Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 168 COUR DES COMPTES - Guyane : Observatoire des déchets de la Guyane - Hauts de France : ODEMA - Ile de France : ORDIF (porté par l?Institut Paris Région) - Martinique : pas d?observatoire - Mayotte : pas d?observatoire - Normandie : Biomasse Normandie et NEC (alimenté par les travaux de Biomasse Normandie et de la CERC) - Nouvelle-Aquitaine : ORDEC Nouvelle-Aquitaine (porté par l?AREC Nouvelle-Aquitaine) - Occitanie : ORDECO - Provence-Alpes-Côte-d?Azur : ORD&EC - Pays de la Loire : TEO Pays de la Loire - Réunion : Observatoire Réunionnais des Déchets Les observatoires régionaux des déchets ont pour mission de contribuer à la prévention et à l?amélioration de la gestion des déchets et de leurs impacts, par l?étude et la diffusion d?informations et de données. Ils appuient l?élaboration des planifications régionales et suivent leur mise en oeuvre. Enfin, ils peuvent contribuer aux échanges et à la concertation sur ces enjeux prégnants des territoires. Disposant d?une véritable expertise de la donnée, ils constituent un appui opérationnel des Régions et de l?ADEME pour la mise en place des stratégies de prévention et de gestion des déchets et des ressources. Les observatoires régionaux des déchets peuvent être hébergés au sein d?une agence régionale de l?environnement, d?une autre structure, ou mis en oeuvre directement par leurs pilotes (Conseil régional, ADEME en général). Le RARE leur offre un espace d?échanges et de mutualisation unique et indispensable à l?amélioration des pratiques et l?optimisation des moyens. Un cadre de discussion national entre Régions de France et le RARE permet d?assurer une convergence méthodologique des observatoires répondant aux stratégies et objectifs régionaux. Le cofinancement par l?ADEME de l?observation a constitué un apport financier indispensable pour l?émergence des observatoires régionaux dont la question de la pérennisation financière reste entière. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 169 2- Sur le renforcement du rôle planificateur des régions La Cour des comptes appelle à un nécessaire renforcement du rôle des régions avec un rôle de planification à affirmer et mentionne que dans le cadre de la libre administration des collectivités territoriales, les niveaux supra-intercommunaux, c?est-à-dire l?État et les régions interviennent aujourd?hui en recourant principalement aux outils de planification et de cofinancement. Le renforcement de ces outils implique moins une évolution significative des compétences de l?État ou de ses opérateurs qu?une plus grande implication des régions. Une meilleure articulation entre le Code général des collectivités territoriales (volet SRADDET) et le code de l?environnement (volet PRPGD) pourrait être utile pour assurer la bonne lisibilité des obligations législatives et réglementaires qui incombent aux Régions et aux EPCI. 3- Sur la déclinaison régionale des objectifs des REP La Cour propose d?intégrer aux prochains arrêtés de cahier des charges des filières REP une déclinaison de leurs objectifs au niveau régional (Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires). L?intégration aux prochains arrêtés de cahier des charges des filières REP d?une déclinaison de leurs objectifs au niveau régional semble cohérente avec le rôle de planification et de coordination confié aux Régions d?autant que les quantités de déchets traitées par les filières REP sont importantes puisqu?elles représentent plus de 10% des déchets non dangereux non inertes. Cependant la déclinaison régionale des objectifs nationaux et européens peut s?avérer complexe en fonction des filières et des territoires. Il faut noter que des partenariats techniques et financiers existent entre certaines filières REP et certaines Régions, lesquels peuvent s?appuyer sur des conventions bipartites (voire tripartites avec l?ADEME). Cette proposition viendrait compléter les éléments inscrits dans le projet d?arrêté relatif aux données des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) mis en consultation du public du 7 juin au 29 juillet 2022. Celui-ci prévoit que les éco-organismes transmettent chaque année des informations aux Régions pour l?élaboration et le suivi des SRADDET. Les Régions réitèrent leur demande que ces données soient des données transmises à l?échelle territorialisée des EPCI et syndicats. En effet, le maillage territorial des données devra permettre de répondre à l?article R.541-16 du code de l?Environnement qui mentionne que : « I. 5° [?] Le plan mentionne notamment les installations qu?il Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 170 COUR DES COMPTES apparaît nécessaire de créer, d?adapter ou de fermer afin d?atteindre ces objectifs et de gérer l?ensemble de déchets pris en compte [?]et en cohérence avec les principes de proximité et d?autosuffisance, appliqués de manière proportionnée aux flux de déchets concernés [?] et adaptée aux bassins de vie? ». Par ailleurs, la mise à disposition à ces autorités compétentes des données régionales sur les biens mis sur le marché est nécessaire à la déclinaison régionale des objectifs européens et nationaux. 4 ? Sur la généralisation de la délégation des crédits ADEME via les CPER La Cour propose de généraliser à chaque contrat de plan État- Région la délégation des crédits de l?ADEME en matière de transition énergétique et d'économie circulaire (Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, régions). Un transfert du fonds économie circulaire (ou une partie) aux Régions aurait été préférable pour offrir aux Régions toute latitude pour financer des projets sur le territoire et mettre en oeuvre les objectifs de la planification, comme Régions de France l?a fait valoir lors des discussions parlementaires du projet de loi 3DS qui a malgré tout disposé dans son article 57 une délégation de gestion pour les régions volontaires. Jugée lourde administrativement et techniquement, très encadrée et partielle, la mise en oeuvre de cette délégation apparait peu effective après plusieurs mois de discussions. En effet, il conviendrait que les Régions puissent disposer de l?autonomie d?emploi des crédits pour mettre en oeuvre la planification et accompagner les territoires en cohérence avec les stratégies, plans et feuilles de routes régionaux. Par exemple, les critères d?intervention de l?ADEME ne permettent pas de soutenir des opérations de mise aux normes réglementaires alors même que certaines régions sont en retard sur le sujet. Or les délégations ne peuvent se faire que sur la base des critères d?intervention de l?ADEME. La mise en place de critères d?intervention régionalisés et adaptés aux besoins propres des territoires semble nécessaire pour permettre de financer davantage les équipements structurants et indispensables à la réalisation des objectifs régionaux et nationaux. Tels sont les remarques dont je voulais vous faire part en vue de leur prise en compte dans le rapport de la Cour. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 171 MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE L?ASSOCIATION DES INTERCOMMUNALITÉS DE FRANCE Au nom d?Intercommunalités de France, je tiens à vous remercier pour avoir sollicité, par votre courrier du 28 juillet 2022, les réactions de notre association au projet de rapport public thématique « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser » que la Cour publiera prochainement. Ce projet appelle de notre part les observations exprimées dans le présent courrier. Intercommunalités de France salue tout d?abord l?important travail d?analyse mené par la Cour au travers de ce rapport et confirme l?implication de notre association dans l?accompagnement à la prévention et la gestion des déchets. A ce titre, nous partageons avec la Cour le constat de la non-atteinte des objectifs nationaux de réduction des déchets collectés et traités. Notre association considère cependant que les comparaisons chiffrées avec d?autres pays sont à relativiser au regard des incertitudes documentées sur les différences de méthodes statistiques, ainsi que tous les autres facteurs culturels, économiques dans chaque pays. Par ailleurs, nous tenons à souligner que ce mandat sera marqué par l?entrée en vigueur de nouvelles obligations qui permettront une réduction à la source de la production de certains déchets : ? Généralisation de l?extension des consignes de tri plastique à compter du 31 décembre 2022 ? Généralisation du tri à la source des biodéchets ? Mise en oeuvre de nouvelles filières REP Nous souscrivons aux recommandations formulées par la Cour d?unification des documents nationaux de programmation (PNPD et PNGD) ainsi que d?harmonisation des documents locaux (RPQS et PLPDMA) considérant qu?elles répondent à un besoin d?une plus grande intégration des enjeux de prévention dans les stratégies de gestion des déchets. Intercommunalités de France s?interroge toutefois sur les propositions formulées par la Cour dans sa recommandation n°6 pour encourager le déploiement de la tarification incitative en renforçant le soutien financier aux collectivités qui semblent à ce jour insuffisantes pour contourner les difficultés de sa mise en oeuvre. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 172 COUR DES COMPTES 1. Réduction des déchets à la source : la responsabilité des metteurs en marché Nous réitérons notre analyse consistant à remarquer que les différents acteurs en responsabilité en France, ne bénéficient pas des mêmes remarques et injonctions à agir. Les collectivités, pourtant situées « au bout du tuyau » du cycle « production vente usage destruction ou abandon des produits », sont sommées d?être les acteurs principaux de la politique de prévention-réduction. Ainsi, si l?on excepte les biodéchets, ce sont davantage les stratégies commerciales des metteurs en marché, qui orientent les comportements des consommateurs. Au regard des dépenses de publicité, faites par les producteurs et les distributeurs ? plus de 470 ¤ par Français en 2021361, soit trois fois le coût du service public de gestion des déchets (SPGD) ? il conviendrait de laisser aux premiers la prise en charge totale des coûts des services de tri et de collecte des produits de chaque filière actuellement supportés par les collectivités afin de rééquilibrer la répartition des coûts entre producteurs et consommateurs. En parallèle, les objectifs attribués aux acteurs des filières REP sont pour le moins vagues mais surtout non contrôlés. Intercommunalités de France regrette cette situation, qui en plus de laisser à charge des contribuables locaux ce qui devrait être à charge des consommateurs, ne concerne pas toutes les productions commercialisées qui pourtant finissent dans les circuits de collecte et de traitement des collectivités. Par ailleurs, la loi de finances de 2019 a acté une trajectoire haussière de la TGAP, dans l?objectif de pénaliser le traitement par enfouissement ou incinération et encourager le déploiement d?une économie circulaire. Cette hausse est particulièrement problématique pour les collectivités qui ne disposent pas de leviers d?action pour influer sur la réemployabilité et la recyclabilité des produits ou encore sur l?acte d?achat. Il existe un volume incompressible de déchets qui doivent être dirigés aujourd?hui vers ces exutoires et qui pourrait faire l?objet d?un tarif de base révisé. Nous renouvelons donc notre proposition d?une TGAP amont sur tous les produits des filières pour responsabiliser les metteurs en marché ; cela concernerait autant d?incitation à la durabilité, à la réutilisation qu?au recyclage matière. Cette tarification, outre qu?elle permettrait la prise en charge de tous les produits manufacturés devenus déchets (qui seront facturés par l?État 6,5 centimes par kg en 2025), sans pour cela que le consommateur puisse arbitrer sur ses achats puisque c?est le contribuable qui paie la TGAP. 361 Baromètre unifié du marché publicitaire, Kantar, 2021 Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 173 Nous rappelons aussi que l?atteinte des objectifs nationaux et régionaux assignés aux politiques et actions d?économie circulaire suppose des ressources comme la TGAP nantie d?une hausse programmée par un accord conclu lors du Grenelle de l?Environnement en 2008 et qui devait alimenter la politique déchets via l?ADEME. Ces ressources sont aujourd?hui dissoutes dans le budget de l?État sans que les fonds nécessaires pour la prévention et pour l?économie circulaire ne soient rendus disponibles. Intercommunalités de France continue d?appeler à un retour des recettes de la TGAP vers le financement d?actions vertueuses dans lesquelles s?engagent les collectivités dans le traitement des déchets. Cette piste vient soutenir la proposition de la Cour, que nous partageons, d?impliquer davantage les régions dans la planification, l?animation, et le financement qui acterait le lien entre les Plans Régionaux de Prévention et de Gestion des Déchets et les Plans régionaux pour l?Économie Circulaire. 2. Assouplir le cadre de déploiement de la tarification incitative Une nouvelle fois la Cour insiste sur l?efficacité de la tarification incitative dans certains des territoires où sa mise en oeuvre a pu être vérifiée sur un temps long et un effort soutenu sur le tri à la source des biodéchets. Le rendez-vous de la généralisation obligatoire de ce tri à la source des biodéchets devrait nous instruire sur les limites de l?exercice du signal prix sur le comportement des citoyens contribuables consommateurs. En effet toutes les expériences en cours et les études de dimensionnement des services nécessaires à ce tri à la source indiquent une hausse des dépenses du SPGD, effaçant les bénéfices jusqu?alors promis aux « bons élèves » et contraignant encore les budgets des collectivités. Par ailleurs, le volume croissant des déchets issus de produits manufacturés collectés en déchèterie interroge sur l?extension des systèmes de facturation liée à ce type de collecte et donc sur le coût global de la redevance. Ces équipements qui reçoivent des tonnages équivalents à ceux du porte-à-porte, doivent régulièrement être mis à niveau : l?augmentation du nombre de filières suppose des extensions foncières souvent difficiles à envisager sans parler de la formation technique et administrative des agents chargés de faire appliquer des réglementations souvent vécues comme contraignantes par les usagers, et auxquelles s?ajoutent des relations tendues avec les prestataires des REP opérationnelles. Intercommunalités de France demeure favorable au déploiement d?une dimension incitative dans la tarification du SPGD lorsque cela est Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 174 COUR DES COMPTES possible mais estime qu?elle ne constitue qu?un levier parmi d?autres de prévention des ordures ménagères résiduelles (OMR), d?autant plus qu?elle opère en aval de la chaîne, après les actes de production et de consommation. Afin de tendre vers une plus grande couverture de la population, au- delà des frontières administratives, Intercommunalités de France appelle ainsi à adopter certaines souplesses dans le cadre de la tarification incitative. En premier lieu, Intercommunalités de France propose de permettre par la loi une coexistence pérenne de plusieurs régimes de tarification sur un même territoire. Cette possibilité existe déjà à titre transitoire que ce soit pour permettre l?expérimentation de la taxe incitative362 ou pour tenir compte de la fusion d?intercommunalités aux régimes différents363. En effet, les principales difficultés techniques identifiées pour ce déploiement apparaissent dans les milieux urbains denses et dans les milieux touristiques ; ceux-ci caractérisent rarement l?intégralité d?un territoire intercommunal. Une seconde alternative transitoire pourrait consister en une capacité de zonage de la TEOM, en fonction des performances à l?image de ce qui est déjà permis aujourd?hui mais en fonction de l?importance du service rendu364. ? Faciliter l?accès des collectivités au fichier de taxe sur le foncier bâti : Intercommunalités de France souhaite attirer l?attention de la Cour sur un autre défi technique propre à la mise en oeuvre de la tarification incitative. La taxation et le recouvrement de la part incitative de la TEOM sont effectués dans le cadre de la taxation et du recouvrement de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Les collectivités qui souhaitent mettre en place une part incitative de la TEOM sont conduites à repartir du fichier foncier de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Elles ont la charge d?établir et de notifier aux services de la DGFiP, avant le 31 mars de l?année d?imposition, le montant, en valeur absolue, de la part incitative de la TEOM pour chaque local imposé à la TEOM. A cet effet, les services de la DGFiP leur fournissent un fichier dit « d?appel » recensant les locaux imposables au 1er janvier de l'année d'imposition (hors constructions neuves) et notamment la valeur locative foncière retenue pour l?établissement de la TEOM (décret de 2012). Ce fichier doit être complété par la collectivité avec les éléments utiles à l?administration fiscale pour établir l?imposition, à savoir : le montant de 362 Article 1522 bis du Code général des impôts, pour une durée portée à 7 ans 363 Article 1639 A bis du Code général des impôts et article L2333-76 du Code général des collectivités territoriales 364 Article 1636 B undecies du Code général des impôts Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 175 cotisation correspondant à la part incitative de la TEOM pour chaque local imposable. Il est malheureusement fréquent que ces fichiers, soient incomplets et que l?interface informatique rende compliqué l?appariement du fichier foncier avec le fichier des usagers du service de déchets. De fait, alors que la redevance est payée par l?usager (qu?il soit propriétaire ou locataire), la TEOM est considérée comme une taxe additionnelle à la taxe foncière, payée par les seuls propriétaires, tout en étant considérée comme une charge récupérable. Par conséquent, les fichiers de TEOM comportent le nom des propriétaires, alors que l?individualisation de la part incitative nécessite d?identifier le « producteur de déchets », c?est-à-dire le locataire. Il peut en résulter des difficultés de connexion entre le fichier fourni par la DGFiP et les bacs nominatifs. Par conséquent, la mise en oeuvre de la tarification incitative en habitat collectif représente une réelle difficulté d?identification des redevables potentiels Ces difficultés sont connues et rapportées par de nombreuses collectivités qui renoncent de ce fait à instituer une part incitative de TEOM. Ainsi, Intercommunalités de France considère que la mise en place et le bon fonctionnement d?une tarification incitative nécessite que l?administration fiscale, qui par ailleurs prélève un pourcentage au titre de la gestion et du recouvrement de la fiscalité foncière et de la TEOM, facilite le travail de recoupement des fichiers. Telles sont les observations que nous souhaitions porter à votre connaissance. Espérant que ces éléments répondront à vos attentes et pourront contribuer au travail d?évaluation et de propositions de la Cour, je vous prie de croire, Monsieur le Premier président, à l?assurance de mes sentiments les meilleurs. MADAME LA PRÉSIDENTE DE FRANCE URBAINE Par courrier en date du 28 juillet 2022, vous nous avez adressé le projet de rapport public thématique « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser » que la Cour se propose de publier prochainement. Ce projet de rapport appelle de notre part les observations exprimées dans la présente lettre. France urbaine salue le travail d?analyse de la Cour et souscrit à plusieurs de ses recommandations, qu?il s?agisse d?aller vers une harmonisation des bilans PLPDMA et des rapports annuels sur le prix et la qualité du service public de prévention et de gestion des déchets (PROS) en les fusionnant en un compte-rendu unique (n°5), d?« instaurer une taxe Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 176 COUR DES COMPTES de séjour additionnelle dont le produit serait affecté aux actions relatives à la prévention et à la gestion des déchets », permettant de couvrir les coûts supplémentaires spécifiques supportés par les communes touristique, ou de réduire le nombre d?indicateurs de pilotage à quelques indicateurs-clefs dans un tableau de bord national annuel et par type d?EPCI, une mesure qui nous paraît aller dans le bon sens, dès lors que les collectivités et leurs groupements seront associés à leur construction et à la définition de leur périmètre. Nous nous félicitons que la Cour préconise dans sa recommandation n°7 de renforcer le soutien financier aux collectivités qui souhaiteraient déployer la tarification incitative, plutôt que d?aller vers un système plus contraignant qui viendrait pénaliser celles qui y ont renoncé, pour des raisons de coût de mise en oeuvre et/ou de complexification opérationnelle. Nous doutons toutefois qu?elle soit suffisante pour infléchir significativement la tendance dans les zones urbaines, lesquelles sont notamment confrontées aux difficultés techniques inhérentes aux copropriétés en habitat collectif. La tarification incitative n?est qu?un des leviers de réduction des OMR... Il nous apparaît que si la tarification incitative agit comme un levier de réorientation des flux et peut contribuer à l?amélioration des gestes de tri, elle n?induit pas, comme le souligne le Cercle national du recyclage, « de tendance à la baisse des quantités totales de déchets ménagers collectés »365, et ne semble pas avoir d?effet notable sur la réduction globale du volume des OMR, si l?on s?en réfère notamment à l?exemple allemand366. Il est de surcroît difficile d?attribuer ces réallocations entre flux à la seule mise en place de la tarification incitative, tant elle n'est souvent que l?un des éléments d?une politique globale d?amélioration des performances, si bien, comme le rappelle le CGDD, que « l?écart constaté entre les tonnages collectés dans les collectivités en REOMi et dans celles qui ne le sont pas ne peut s?interpréter comme directement causé par le passage en REOMi. En effet, les collectivités ayant adopté ce type de tarification peuvent présenter d?autres caractéristiques qui expliquent cet 365 Tarification incitative : la communication en première ligne, mars 2018, Centre National du Recyclage, page 65. 366 En Allemagne, où part de communes ayant institué la tarification incitative avoisine les 100 %, la production de DMA était de 625 kg par habitant en 2015, contre 573 kg en France la même année. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 177 écart367 ». Car la mise en place de la tarification incitative s?accompagne généralement d?autres actions de sensibilisation et de prévention, et il est utile de rappeler que les baisses des tonnages des OMR interviennent « avant la mise en place effective de la tarification incitative, plus précisément entre l?année de communication sur ce nouveau mode de financement et l?année de la première facturation. Après la mise en place effective de la tarification incitative il est possible d?observer pour les quatre collectivités étudiées une stabilisation des quantités d?ordures ménagères résiduelles. Ceci prouve que ce n?est pas la tarification incitative en elle-même qui peut jouer un rôle mais l?annonce de la tarification incitative »368. La réduction des tonnages d?OMR devrait par ailleurs connaître une nouvelle baisse avec l?entrée en vigueur récente ou prochaine de nouvelles dispositions législatives et réglementaires, qu?il s?agisse : - de la généralisation de l?extension des consignes de tri plastique à tous les EPCI d?ici le 31 décembre 2022 : dans les territoires où elle a été expérimentée, la simplification des gestes de tri des emballages a permis d?augmenter la part des déchets triés de de 3 kg par habitant369 ; - de la généralisation au plus tard au 31 décembre 2023 prévue par la loi AGEC, du tri à la source des biodéchets (en collecte séparée, en porte à porte, ou en gestion de proximité, avec compostage individuel ou partagé) qui représentent, comme le rappelle la Cour, jusqu?à un tiers des volumes des déchets des ménages et des entreprises ; - de la création de nouvelles filières REP sur les produits du tabac, les jouets, les articles de sport, de loisir, de bricolage et de jardin370, et les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment371 ; - de la montée en puissance des filières REP existantes ; - des nouvelles règles visant à rendre la quasi-totalité des biens physiques présents sur le marché de l'Union européenne plus écologiques, circulaires et sobres en énergie tout au long de leur cycle de vie, englobant la conception, l'utilisation courante, la réaffectation et l'élimination des 367 La tarification incitative de la gestion des ordures ménagères - Quels impacts sur les quantités collectées ? ? CGDD 2016 (page 21). 368 Tarification incitative : la communication en première ligne, mars 2018, Cercle National du Recyclage, page 60. 369 https://www.citeo.com/le-mag/simplification-du-tri-en-france-fait-le-point/ 370 Décret n° 2021-1213 du 22 septembre 2021. 371 Décret n° 2021-1941 du 31 décembre 2021. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.citeo.com/le-mag/simplification-du-tri-en-france-fait-le-point/ 178 COUR DES COMPTES produits, telles qu?annoncées par la Commission européenne le 30 mars 2022 dans son plan d?action pour une économie circulaire372. Assouplir le cadre de la tarification incitative Alors que ces mesures vont diminuer mécaniquement et significativement les volumes de déchets, un allégement des coûts de mise en oeuvre de la tarification incitative des premières années, objet de la recommandation n°6 de la Cour, sera-t-il de nature à enclencher une nouvelle dynamique en faveur de la tarification incitative ? Si France urbaine accueille cette proposition favorablement, elle constate également son caractère limité dans le temps, alors que les coûts de mise en oeuvre de la tarification incitative demeurent, eux, pérennes. Nous savons par ailleurs par expérience que l?État cherche toujours à réduire dans le temps le niveau de ses transferts aux collectivités, et qu?il pourrait chercher à compenser d?une manière ou d?une autre l?effort qu?il consentirait sur la réduction des frais de gestion sur la TEOMi mise en oeuvre par les collectivités. Cette question est par ailleurs posée dans un contexte où les collectivités sont confrontées à de nouvelles contraintes et d?immenses défis : - l?explosion des prix de l?énergie, dont tout laisse à penser qu?elle sera durable, contraint très fortement leurs budgets, et entraîne déjà des arbitrages difficiles allant parfois jusqu?à la réduction de la disponibilité voire la fermeture de certains équipements ; - les enjeux climatiques vont nécessiter de leur part de lourds investissements, tant pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre que pour adapter leur territoire aux bouleversements climatiques en cours et à venir. C?est pourquoi, au-delà des mesures d?accompagnement financier, il nous semble indispensable de simplifier les modalités de mise en oeuvre de la tarification incitative dans les zones urbaines. en l?adaptant aux contraintes et aux spécificités de ces territoires, où il est souvent très complexe de mettre en oeuvre une mesure individuelle de la production de déchets. 372 Communication from the Commission to the European parliament, the Council, the European economic and social committee and the Committee of the regions on making sustainable products the norm, 30 mars 2022. https://eur-lex.europa.eu/legal- content/EN/TXT/PDF/?uri=COM:2022:140:FIN&from=DA Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=COM:2022:140:FIN&from=DA https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=COM:2022:140:FIN&from=DA RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 179 Le franchissement de ces obstacles techniques suppose, lorsque cela est possible, d?engager de lourds investissements, qui pourraient certes être en partie subventionnés par un rehaussement des mesures de soutien sur les premiers exercices, mais dont les effets de moyen/long terme sur les coûts de traitement restent limités : pré-collecte et collecte ne représentent pour mémoire que 40% du coût total du SPGD, et la part variable du SPGD n?est elle-même que d?une vingtaine de pourcent de ce coût total. Assouplir le cadre pour tenir compte des spécificités de ces territoires permettrait d?aboutir à des résultats de même ordre, à des coûts considérablement réduits, et sans complexification opérationnelle de la collecte. Deux mesures nous sembleraient ainsi de nature à lever les blocages : 1. autoriser la cohabitation pérenne de la TEOM et de la TEOMi sur un même territoire, une option qui permettrait aux collectivités volontaires d?instituer une part incitative dans les zones à faible densité d?habitation sans avoir à craindre une généralisation, avant d?envisager une extension progressive à d?autres secteurs. À défaut d?une coexistence pérenne TEOM/TEOMi, il conviendrait a minima d?allonger significativement le délai au-delà duquel s?opère une bascule vers l?un ou l?autre modèle, à condition dans ce cas d?imaginer des solutions moins coûteuses pour développer la tarification incitative en zones denses. Depuis 2012, la TEOM incitative (TEOMi) peut être instituée sur une partie du territoire d?une collectivité, dans le cadre d?une expérimentation initialement limitée à 5 ans ? puis portée à 7 ans par la loi de finance 2021 - à l?issue de laquelle la tarification incitative doit être généralisée, ou abandonnée. Cet allongement de deux ans ne résout pas fondamentalement le problème qui retient de nombreuses collectivités de se lancer dans la démarche ; 2. permettre la mise en oeuvre d?une tarification incitative collective sur tout un territoire, ou autoriser la cohabitation des deux types de tarification incitative (individuelle et collective) au sein d?un même territoire. Une métropole adhérente a ainsi étudié trois scénarios de passage à l?incitatif : un basculement en REOMi, l?instauration d?une TEOMi, ou la mise en place d?une « tarification incitative collective », basée sur une production de déchets mesurée collectivement par secteur (communes, quartiers de la ville centre). Dans ce dernier scénario, la répartition des quantités de déchets, sur lesquelles seraient appliquées des tarifs, serait en fonction de la valeur locative de chaque local soumis à la TEOM, au prorata de la valeur locative du secteur (ménages et professionnels, hors bases des locaux non-utilisateurs). L?objectif de cette solution est de créer des Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 180 COUR DES COMPTES dynamiques collectives de réduction des déchets sur les zones concernées, d?éviter certains comportements d?évitement (jets clandestins etc.) parfois associés à la tarification individuelle, et de consacrer plus de moyens aux actions de prévention, plutôt que de les affecter aux importantes tâches administratives et opérationnelles nécessaires à la mise en oeuvre d?une tarification individuelle. La tarification incitative collective mériterait, dans l?esprit de la loi 3DS, d?être expérimentée dans des collectivités volontaires sur la totalité de leur territoire ou, au choix des collectivités, n?être activée que dans les zones denses, avec une tarification incitative individuelle dans les zones de faible densité. Nous notons avec satisfaction que cette dernière proposition est citée dans le rapport de la Cour. Réduire la production de déchets produits à la source... Au-delà des questions de fiscalité, il nous semble indispensable de considérer l?ensemble de la chaîne de « production de déchets », car plan de réduction drastique des tonnages ne saurait reposer sur le seul aval, c?est-à-dire une fois que le déchet a été créé. Il faut agir le plus en amont possible, en poursuivant les efforts de développement d?une économie circulaire et de la fonctionnalité, en interdisant les emballages objectivement inutiles et en réduisant le volume de tous ceux qui peuvent l?être, et en envoyant un signal prix au moment où il est le plus efficace pour orienter les choix de consommation et éviter que le déchet ne soit créé, c?est-à-dire au moment de l?acte d?achat. Or le financement du traitement du SPGD, qui repose aujourd?hui à 80 % sur les collectivités, traduit un profond déséquilibre entre acteurs que France urbaine juge impératif de corriger pour tendre a minima vers la parité. La proposition C.4 de la Convention citoyenne pour le climat, citée par la Cour, de « remplacer une part significative de la taxe d?enlèvement des ordures ménagères (TEOM) par des modalités plus justes et favorisant les comportements écoresponsables » peut aussi s?entendre comme un nécessaire rééquilibrage des responsabilités et des contributions entre acteurs. La TGAP dans sa version actuelle mériterait ainsi d?être entièrement revue, car si l?objectif de réduction des mises en décharge et d?incinération est évidemment légitime, la forte augmentation décidée par la loi de finances 2019 pénalise fortement les collectivités et, comme le souligne la Cour, « cette hausse uniforme a l?inconvénient de frapper indistinctement les déchets qui pourraient être mieux triés grâce à l?intervention des collectivités et les déchets non recyclables du fait des choix techniques des entreprises sur les volumes desquels les collectivités ne disposent d?aucun moyen d?action. » D?autant que contrairement aux Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 181 demandes réitérées des collectivités, les recettes supplémentaires générées par cette hausse n?ont pas été fléchées vers des projets d?économie circulaire, et que la mise en place des nouvelles filières REP prévue par la loi AGEC de 2020, qui devait constituer l?une des contreparties de la hausse de la TGAP, a pris un retard (bâtiment, bricolage, jouets et sport, notamment) qui n?a fait l?objet d?aucune compensation pour les collectivités373. La question de l?instauration d?une taxation amont de tous les déchets non ou difficilement recyclables, qui avait fait l?objet d?un débat lors du vote de l?augmentation de la TGAP en 2019, doit à nos yeux être relancée. Cette taxation, qui enverrait le signal prix évoqué supra, pourrait prendre la forme d?une TGAP dite « amont », ou d?une REP « déchets résiduels », qui garantirait un retour des recettes afférentes aux collectivités374. Les recettes dégagées par ces nouvelles taxes amont (et l?augmentation de taxe aval décidée en 2019) pourraient ainsi être affectées à des fonds ou actions de réduction des déchets à la source, qu?il s?agisse : - du fonds « économie circulaire » de l?ADEME visant à « accompagner la politique des pouvoirs publics et orienter le comportement des acteurs et les investissements en multipliant les actions de prévention portées par les collectivités locales et les entreprises, en déployant les démarches territoriales intégrées de prévention et de gestion, et en soutenant les investissements de tri, de recyclage, de valorisation organique et énergétiques nécessaires »375 ; - de subventionner la collecte des biodéchets, dont la valorisation deviendra obligatoire au 1er janvier 2024, et qui n?est pas aujourd?hui aidée ; 373 Le déséquilibre des efforts se lit aussi dans le niveau d?efforts demandés aux collectivités par rapport aux acteurs économiques : la loi AGEC votée en 2000 fixe en effet un objectif de réduction de 15 % des quantités de DMA produits par habitant, quand elle ne demande un effort limité à 5 % sur les quantités de déchets résultant d?activités économiques (par unité de valeur produite). 374 Les éco-contributions associés à une REP « déchets résiduels » pourraient par ailleurs être modulées en fonction de l?intégration en amont par le fabricant d?une démarche de développement durable (ex : utilisation de matières recyclées). 375 https://expertises.ademe.fr/economie-circulaire/dechets/passer-a-laction/fonds- economie-circulaire Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://expertises.ademe.fr/economie-circulaire/dechets/passer-a-laction/fonds-economie-circulaire https://expertises.ademe.fr/economie-circulaire/dechets/passer-a-laction/fonds-economie-circulaire 182 COUR DES COMPTES - ou de créer un fonds spécifique d?aide aux actions de prévention de la production de déchets à la source, actions qui comme le souligne la Cour dans le paragraphe B/ du rapport mériteraient d?être renforcées, tant qualitativement que quantitativement. France urbaine s?est constamment positionnée en faveur de la prévention et de la réduction de la production de déchets à la source, en poussant cet axe pendant les débats parlementaires autour de la loi AGEC, ou en participant à des initiatives comme celle des territoires zéro plastique376. La prévention et la réduction sont les volets prioritaires à privilégier et à renforcer, tout comme le respect de la hiérarchie des modes de traitement des déchets inscrite dans le code l?environnement : réutilisation, recyclage, valorisation et élimination377. La création d?un tel fonds apparaît d?autant plus nécessaire que si nous partageons entièrement la nécessité d?allouer un volant plus important de crédits au volet prévention, le contexte budgétaire, marqué par la poursuite de la hausse de la TGAP, et l?impact des coûts afférents à la collecte séparative des biodéchets, qui devrait selon l?ADEME être de l?ordre de 15 à 25 ¤ par habitant378, va réduire les marges de manoeuvre budgétaires des collectivités. Telles sont les observations que nous souhaitions porter à votre connaissance. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE (AMF) Vous avez bien voulu transmettre à l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité le projet de rapport public thématique intitulé « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser » et je vous en remercie. L'AMF souhaite vous faire part de ses remarques concernant, d'une part vos recommandations, et d'autre part votre analyse plus générale de la gestion des déchets. Concernant les recommandations n°1 à n°5, qui ont pour objectifs de simplifier et de rationaliser les documents de planification et de suivi, mais également de mettre en place six indicateurs de suivi, l'AMF appuie 376 Guide « territoires zéro pollution plastique », WWF des territoires zéro plastique, WWF, septembre 2020 : https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2020- 09/20200920_Guide_Territoires-Zéro-Pollution-Plastique_WWF.pdf 377 Article L. 541-1 II du Code de l?Environnement 378 https://agirpourlatransition.ademe.fr/collectivites/fiches/valorisation-biodechets-agir Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2020-09/20200920_Guide_Territoires-Zéro-Pollution-Plastique_WWF.pdf https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2020-09/20200920_Guide_Territoires-Zéro-Pollution-Plastique_WWF.pdf https://agirpourlatransition.ademe.fr/collectivites/fiches/valorisation-biodechets-agir RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 183 ces recommandations. La multiplication de documents ayant sensiblement les mêmes objectifs nuit à la clarté de la politique de prévention et de gestion des déchets. Les acteurs opérationnels s'épuisent à fournir des données pour alimenter des démarches de planification qui sont obsolètes à peine publiées. C'est particulièrement vrai pour les plans régionaux qui ont fait l'objet de nombreuses modifications législatives ou réglementaires nécessitant une refonte des documents. L'AMF estime donc qu'il est préférable de mettre en oeuvre un plan imparfait plutôt que de perfectionner sans cesse un document qui restera incomplet. Les collectivités ont besoin de temps et de visibilité pour donner un sens à une démarche de planification. Concernant les indicateurs de suivi, l'AMF ne peut que converger avec votre analyse. Comme les autres acteurs de la gestion des déchets, les collectivités sont sollicitées pour fournir des données afin d'alimenter un grand nombre d'études initiées par l'ADEME. En dehors du fait que ces données étant spécifiques à chaque étude, elles demandent souvent des recherches et des calculs, augmentant de ce fait le temps qui leur est consacré, elles sont trop spécifiques à l'objet de l'étude pour pouvoir être utilisées pour le suivi de la mise en oeuvre de la politique des déchets. Épuisées par ces demandes incessantes de données, les collectivités éprouvent un agacement certain de ne pas pouvoir obtenir des indicateurs fiables en retour. Sans remettre en cause la pertinence des études réalisées, l'ensemble des acteurs, et les collectivités en particulier, ont besoin d'indicateurs faciles à renseigner, raisonnablement fiables et surtout stables dans le temps, afin de constituer des séries statistiques susceptibles de mesurer les évolutions constatées. L'harmonisation des différents bilans et rapports demandés aux EPCI éviterait également la dispersion des informations, qui rendent souvent illisibles des documents, pourtant destinés à informer les citoyens. Cette standardisation, qui n'empêche pas les collectivités d'y ajouter des informations à caractère plus local pour leurs administrés, permettrait également une meilleure comparaison, voire une compilation plus aisée de ces documents. Il serait également pertinent de mettre en place des indicateurs, nationaux et locaux, qui pourraient être communiqués rapidement car ils sont calculés sur la base de données à date, sans attendre la clôture définitive de tous les comptes. Par exemple, les tonnages collectés et recyclés, ainsi qu'une estimation fiable des dépenses engagées et des recettes perçues, sont disponibles au premier trimestre de l'année suivante. Ces données, même incomplètes, pourraient être utilisées pour mettre en place des indicateurs immédiatement disponibles et sans attendre deux ans Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 184 COUR DES COMPTES une validation statistique qui portera sur une variation inférieure à 5%. Les collectivités de traitement sont en capacité de renseigner de tels indicateurs rapidement, ce qui permettrait aux EPCI de disposer d'un meilleur suivi de la gestion de leurs déchets. A l'échelle nationale, les autorités publiques gagneraient également à disposer d'indicateurs moins précis, mais plus fréquents, afin de mieux suivre les politiques publiques mises en place. L'AMF est également sensible à votre recommandation de décliner les plans de prévention élaborés par les syndicats de traitement au niveau de chaque EPCI. Nous suggérons même, dans la mesure du possible, de laisser chaque commune s'approprier certains éléments de ce plan pour les mettre en oeuvre. Si la collecte et le traitement sont des opérations techniques qui bénéficient de la mutualisation, la prévention des déchets est l'affaire de chacun, qui peut agir à son échelle. Concernant votre recommandation n°6 qui propose de favoriser la mise en place de la tarification incitative en allégeant le coût pour les collectivités grâce à un financement complémentaire de 80% sur les premiers exercices, l'AMF trouve cette proposition intéressante et adaptée aux obstacles rencontrés pour effectuer les investissements nécessaires. Nous avons particulièrement apprécié la mesure et les nuances de votre analyse concernant les difficultés rencontrées par les collectivités pour mettre en place la tarification incitative. Dans ce domaine, les collectivités ne sont pas opposées à cette évolution de la tarification des déchets, mais elles sont inquiètes face à la perspective de plusieurs risques : la fragilisation de leurs ressources alors qu'elles ont besoin d'assurer un service de salubrité, les investissements conséquents que représente l'acquisition des matériels nécessaires (identification des bacs, bennes équipées de systèmes de mesures, logiciels de suivi), la crainte d'une multiplication des dépôts sauvages et la gestion des impayés. La gestion des impayés tend à devenir de plus en plus en plus difficile et fait peser des risques financiers sur les collectivités. C'est le cas des redevances qui ne permettent pas de compenser les déficits par le budget général. Il devient urgent de traiter ces problèmes si les pouvoirs publics veulent réellement inciter les collectivités à la mettre en oeuvre. S'agissant de la TEOM, l'AMF partage votre souhait de clarification du périmètre des dépenses prises en compte. Toutefois, nous trouvons regrettable que la jurisprudence tende à exclure des dépenses éligibles le ramassage des corbeilles de rue, le nettoyage des marchés alimentaires et forains ; il s'agit de déchets ménagers et assimilés ou de déchets des services des collectivités (de la voirie plus particulièrement), collectés dans le cadre du service public afin d'assurer la salubrité et traités avec Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 185 les autres DMA. Dans le contexte actuel, il semble inutile et non pertinent d'ouvrir ce chantier. Concernant votre recommandation n°9 qui ouvre la possibilité pour les collectivités de confier la vente des produits issus du tri à l'éco- organisme des emballages, l'AMF est particulièrement attentive à ce que cette opportunité soit fondée sur le volontariat des collectivités. De plus, les marchés des matériaux ayant des caractéristiques différentes en fonction des matières, il est préférable que ce choix soit effectué matériau par matériau, comme c'est le cas pour les options de reprise. Concernant la prévention, son arrivée dans le débat public encourage les collectivités à mettre en place des politiques dépassant largement la seule sensibilisation. Il serait regrettable que la prévention soit réservée uniquement aux intercommunalités et aux syndicats de gestion des déchets. Si la réduction des déchets a des impacts directs sur les quantités et la qualité des déchets gérés, elle se prépare bien en amont. Les politiques de prévention doivent être partagées par tous les niveaux des collectivités, dans la gestion de leurs propres déchets, mais aussi dans la mise en oeuvre de leurs autres politiques. Toutefois, I'AMF est opposée à l'idée d'adosser systématiquement des ressourceries aux déchèteries. En effet, les déchèteries sont situées dans des zones peu attractives et les particuliers s'y rendent uniquement pour se débarrasser de leurs déchets puis en repartent aussitôt. Ils ne viennent pas pour y faire des achats. Le succès de l'initiative de la « déchèterie à l'envers » n'est pas reproductible partout. Que les déchèteries servent à alimenter les ressourceries est tout à fait envisageable, mais les déchets récupérés pour réemploi ne doivent pas rester sur le même site. Les déchèteries ne sont pas aménagées pour cela et le risque de pillage et de violence n'est pas négligeable. Et quoi qu'il en soit, cette décision est du domaine de la libre administration des collectivités. Concernant la gestion des déchets produits par les activités économiques, l'AMF tient à faire observer que, si la gestion des déchets des particuliers fait l'objet de nombreux contrôles à travers les collectivités et les éco-organismes, il n'en est pas de même des déchets des activités économiques, qui représentent des tonnages dix fois supérieurs. Les difficultés rencontrées pour faire appliquer le décret « 5 flux » puis « 7 flux », en sont l'illustration. En effet, les services de l'État sont compétents pour les installations de traitement des déchets, les maires pour les espaces publics et la voirie, mais personne ne peut contrôler la gestion des déchets à l'intérieur des entreprises. Cette dissymétrie dans les obligations et les responsabilités nuit à l'efficacité de la politique nationale de gestion des déchets. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 186 COUR DES COMPTES L'AMF ne partage pas votre souhait de voir les déchets des professionnels rejoindre les installations de collecte des collectivités, notamment les déchèteries. Depuis plus de 10 ans, les collectivités gérant des déchèteries essaient d'éviter d'accueillir les déchets de professionnels. En effet, les professionnels n'ont ni les mêmes attentes que les particuliers (notamment en terme d'horaires d'ouverture ou de volumes acceptés), ni les mêmes déchets (déchets dangereux spécifiques aux activités professionnelles, quantité et taille des cartons d'emballages par exemple). De ce fait, les professionnels ne sont pas satisfaits du service et la présence des déchets professionnels perturbe le fonctionnement pour les particuliers. De plus, il est souvent difficile de faire payer le service par les professionnels alors qu'il semble gratuit pour les particuliers (en fait il est payé par leurs impôts). Dans ce cas, la gestion des déchets des professionnels est financée par les ménages. Enfin, lorsqu'il existe une filière REP pour les déchets ménagers, l'accès des professionnels à la déchèterie conduit la collectivité à devoir payer pour le traitement des déchets des professionnels, qui ne sont pas de sa compétence, alors que la filière REP prend en charge gratuitement les déchets des ménages. C'est pourquoi, les collectivités sont réticentes à accueillir les déchets des professionnels dans leurs installations car ils sont sources de désorganisation, de problèmes techniques et de pertes financières. En outre, l'acceptation des déchets des professionnels dans les dites installations nuit à la mise en place de solutions pertinentes de valorisation de ces déchets. Cette situation prolonge l'existence de solutions à faibles coûts pour les déchets des professionnels qui ne permettent pas de dégager les financements nécessaires aux investissements. Concernant la collecte des déchets des ménages, l'AMF vous signale que vous n'avez pas mentionné la collecte pneumatique dans les modes d'organisation cités dans votre rapport. Bien que limitée à certains territoires, elle aurait mérité une analyse, notamment de son coût et de son efficacité. Par ailleurs, la répartition entre le porte-à-porte et l'apport volontaire est en train de bouger. En effet, certaines collectivités s'interrogent sur le coût environnemental de la collecte en porte-à-porte, notamment en matière de contribution à la pollution atmosphérique et à l'utilisation de carburants. La difficulté à organiser les calendriers de collecte, surtout avec la multiplication des collectes séparées, conduit certaines collectivités à envisager d'autres organisations. Cette réflexion est trop récente pour en tirer des conclusions dès à présent, mais elle intéresse de plus en plus de collectivités. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 187 Concernant la collecte et la valorisation des déchets biodégradables, l'AMF partage votre constat d'un faible développement des collectes séparées des biodéchets. Toutefois, cette situation tient essentiellement à la faiblesse des débouchés. Depuis presque un an, les collectivités attendent une modernisation des normes « compost » qui serait de nature à sécuriser les utilisateurs et les producteurs de compost. En fait les différents ministères concernés (en particulier ceux de l'environnement et de l'agriculture) ne semblent pas arriver à trouver un accord sur les normes nécessaires. Les perspectives de débouchés qui semblaient s'ouvrir avec le développement de la méthanisation ont été déçues pour plusieurs raisons : une difficulté à trouver le cadre juridique pertinent pour une coopération avec les opérateurs de méthanisation agricole, la gestion des digestats qui se heurtent aux mêmes difficultés que les composts, mais surtout l'impossibilité d'implanter des installations de méthanisation. Alors que l'économie circulaire commence à intéresser le public, il est encore plus difficile de faire accepter les installations nécessaires aux riverains. Dans ce contexte difficile, les collectivités déplorent la grande prudence des pouvoirs publics, au niveau préfectoral comme au niveau national, qui se traduit par un faible appui aux projets en matière de méthanisation. Tant que les incertitudes sur les débouchés ne seront pas levées, les collectivités continueront à expérimenter des modalités de collecte ; elles pourront les déployer largement quand il existera réellement des débouchés. Enfin, une association des communes au développement des collectes de proximité organisées par les EPCI permet de lever certains obstacles locaux et d'améliorer la sensibilisation des habitants. Concernant la collecte séparée des emballages plastiques, l'AMF ne partage pas votre appréciation. En effet, à la fin du premier trimestre 2022, toutes les collectivités avaient déposé un dossier de modification de leurs centres de tri et nous pouvons raisonnablement penser que l'ensemble des territoires métropolitains passera à l'extension des consignes de collecte en 2023. Les territoires ultramarins auront besoin d'un délai supplémentaire en raison de leurs contraintes spécifiques. Si la collecte sera au rendez-vous de l'échéance de 2023, la rénovation et l'adaptation de la totalité des centres de tri ne seront pas terminées au 1er janvier 2023. Ces retards ont des causes multiples : débat sur la consigne qui a conduit certaines collectivités à suspendre leurs projets dans l'attente d'une plus grande visibilité sur les produits entrant dans le centre de tri (présence ou non des bouteilles), décalage de certaines décisions en raison des circonstances des élections municipales, perturbations du calendrier des travaux du fait de la crise sanitaire, saturation des carnets de commandes des équipementiers. Pour prévenir Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 188 COUR DES COMPTES les conséquences de ces retards, l'éco-organisme des emballages et les collectivités ont mis en place des solutions transitoires, afin de trier les tonnages collectés dans de bonnes conditions et sans dégrader la qualité, même pendant la période d'indisponibilité de certains nouveaux centres. Concernant la valorisation des matériaux, l'AMF confirme que la complexité et la spécialisation des marchés des matériaux recyclables rend leur commercialisation de plus en plus difficile pour les collectivités : leur fonctionnement n'est pas adapté à la réactivité nécessaire. La priorité pour les collectivités, qui a été un préalable à leur participation aux filières REP dès 1992, reste l'enlèvement des déchets triés, à coût positif ou nul au départ du centre de tri ; elles ne peuvent pas arrêter de collecter et leurs capacités de stockage sont limitées. En conséquence, si les collectivités doivent renoncer à la commercialisation des matériaux triés (et aux recettes qui les accompagnent), c'est à la condition non négociable d'avoir la garantie des enlèvements. Cette exigence est valable pour toutes les filières REP. Concernant l'incinération, l'AMF regrette la dégradation du parc des unités de valorisation énergétique depuis plus de 15 ans. L'effort de modernisation, notamment en ce qui concerne les traitements des fumées, qui a été mené dans les années 1990-2000, s'est heurté ensuite à l'impopularité des installations de traitement. Les difficultés d'implantation et l'hostilité des pouvoirs publics n'ont pas permis d'investir dans les capacités nécessaires, ni parfois de procéder aux rénovations indispensables. Une intense campagne de communication « anti-incinération » a parfois conduit à compromettre des opérations de valorisation énergétique ; des occasions de développement de réseaux de chaleur ont été écartées. Même la constatation que cette politique bénéficiait surtout à la mise en décharge n'a pas permis une révision réelle de l'absence de soutien de l'État. Le développement des combustibles solides de récupération est actuellement entravé par des obstacles réglementaires, alors que leur production présente des avantages en matière de stockage et de souplesse d'utilisation. L'incinération aux normes les plus exigeantes constitue un des maillons dans la chaîne du traitement des déchets par une valorisation énergétique pertinente. Il n'est pas possible de réduire et de recycler la totalité des déchets, même s'il existe encore d'importantes marges de progression. Pour développer la réutilisation et le recyclage, il faut massivement investir dans la création de débouchés pour les matériaux. En l'absence de débouchés, la réduction arbitraire des capacités d'élimination ne permet pas de développer le recyclage, mais elle favorise les solutions illégales et les Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 189 dépôts sauvages. A cette occasion, l'AMF regrette qu'il ne soit pas prévu d'utiliser l'augmentation de la TGAP pour soutenir financièrement les investissements nécessaires dans le domaine de l'économie circulaire, par exemple pour le déploiement des nouvelles collectes, la construction des infrastructures et des installations nécessaires, mais aussi la création de débouchés innovants. La TGAP devient une simple sanction, loin des ambitions de développement et d'amélioration qui existaient lors de sa création Concernant la gestion des dépôts sauvages, l'AMF regrette que cette question ne soit pas abordée dans votre rapport. Il est vrai qu'elle ne relève pas de la gestion des déchets au sens strict et qu'elle n'est pas de la compétence des mêmes collectivités. Toutefois, l'existence des dépôts sauvages est directement liée aux faiblesses de la politique de gestion des déchets. En effet, l'absence de contrôles, notamment des déchets des professionnels, le manque d'installations de traitement et les difficultés opérationnelles de sanctionner les actes d'incivisme sont des causes de l'existence de certains dépôts sauvages. Leur élimination constitue la principale difficulté pour les élus et leurs équipes, c'est également la première source de nuisances évoquées par les habitants au sujet des déchets. Si la loi AGEC a apporté quelques améliorations, les collectivités restent seules et démunies pour lutter contre ce fléau. L'ampleur du phénomène ne permet plus de se contenter de perfectionner les moyens à la disposition des collectivités, il faut mobiliser l'ensemble des autorités publiques, depuis les collectivités jusqu'à l'État, en passant par le ministère de la Justice. Les élus, en particulier les maires, sont déterminés à lutter contre les dépôts sauvages, mais ils ne pourront pas en venir à bout seuls, et il leur faut des moyens juridiques. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA MÉTROPOLE DE LYON Par lettre du 28 juillet 2022, vous m?avez communiqué le rapport public thématique que la Cour des Comptes se propose de publier prochainement sur la prévention, la collecte et le traitement des déchets ménagers. J?ai pris connaissance avec un très vif intérêt des observations formulées par la Cour sur la gestion de cette politique publique essentielle, à laquelle la Métropole de Lyon accorde la plus grande attention. Ces observations confirment la pertinence des orientations retenues par notre collectivité, à la faveur de l?adoption, en juin 2022, du schéma directeur des déchets à l?horizon 2030. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 190 COUR DES COMPTES La Métropole de Lyon vise en effet la sobriété en matière de consommation et de production de déchets et une meilleure valorisation des déchets résiduels produits. Nos objectifs pour 2030 sont de réduire de 25 % la production de déchets par habitant, de 50 % la quantité incinérée et d?atteindre 60 % de valorisation matière (réemploi, recyclage, compostage?) des déchets ménagers et assimilés. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, un plan d?actions articulé autour de trois axes a été défini. Tout d?abord, déployer des solutions adaptées aux usagers pour réduire et trier les déchets. La Métropole de Lyon va développer des équipements complémentaires pour mieux trier (silos à verre, silos à emballages, silos textiles) sur l?ensemble du territoire métropolitain. D?ici 2024, elle équipera l?ensemble des quartiers densément peuplés, de bornes à compost (1 million d?habitants couverts par ce nouveau service) pour permettre le tri de tous les déchets alimentaires. En parallèle, les distributions de composteurs pour les habitants en maison individuelle et les installations de composteurs partagés en pied d?immeuble ou dans les quartiers, seront poursuivies. Les déchèteries existantes seront modernisées en vue de favoriser le don, le réemploi, la réutilisation et le recyclage. Ainsi, des écocentres verront prochainement le jour sur le territoire. Ensuite, accompagner les usagers dans le changement de pratiques. La Métropole va mettre en place une communication régulière et ciblée pour faire connaître les nouveaux services mis à disposition des usagers, mais aussi pour les informer sur la qualité du tri et sur la quantité des déchets produits. Pour inciter au changement, le nombre de personnes sensibilisées par an sera doublé, passant de 70 000 à 140 000. Une attention particulière sera portée aux jeunes publics, notamment les scolaires et collégiens. En complément, la Métropole de Lyon déploiera des opérations de contrôle et de sanction. Elle prévoit ainsi d?assermenter 180 agents pour faire respecter le règlement de collecte des déchets ménagers et assimilés. Enfin, faire des déchets des ressources durables. Pour répondre aux objectifs métropolitains, la collectivité doit, en lien avec les territoires voisins, augmenter les capacités de tri et de valorisation de la collecte sélective par la création d?un nouveau centre de tri. Parallèlement, des plateformes de compostage métropolitaines seront créées pour accueillir et traiter les déchets alimentaires collectés via les bornes à compost. Enfin, les deux incinérateurs du territoire devront également être modernisés et repensés à horizon 2030, afin de s?adapter Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 191 aux évolutions quantitatives et qualitatives des déchets et de développer des partenariats et des mutualisations avec les territoires voisins. Ainsi, au-delà de budgets de fonctionnement significatifs, quelques 145 M¤ seront consacrés en investissements à la politique des déchets pendant le mandat 2020-2026. Telles sont les précisions que j?estimais utiles de porter à votre connaissance. MADAME LA PRÉSIDENTE DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE L'ÎLE D'OLÉRON Par courrier en date du 28 juillet 2022, vous me proposez de réagir au rapport public thématique intitulé "Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser". La région Bourgogne- Franche-Comté a une responsabilité en termes de planification régionale de la prévention et de la gestion des déchets, suite au transfert de compétence issue de la loi NOTRé du 08 aout 2015. L'analyse du rapport amène les observations suivantes : Élaboration du PRPGD (p. 33) La Région a adopté en novembre 2019 son Plan Régional de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD) qui fait désormais partie intégrante du SRADDET, adopté en 2020. ? La loi NOTRé a transféré aux Régions l'élaboration des PRPGD, imposant des délais impossibles à tenir (février 2017) pour des collectivités nouvelles, issues des fusions au 1 er janvier 2016. Le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté a choisi néanmoins de prendre le temps nécessaire à la concertation tout en accélérant l'élaboration de son PRPGD afin de répondre à la demande de l'État dans le cadre du précontentieux qui l'oppose à l'Union Européenne. Sachant que, par ailleurs, les procédures administratives entre l'arrêt du projet et l'approbation du plan, qui s'étalent sur une année complète, viennent raccourcir d'autant les phases rédactionnelles. Le PRPGD a donc, dans les faits, été rédigé dès l'automne 2018. Ce temps, très contraint, n'a pas permis de creuser des solutions opérationnelles ni d'engager dans le même temps la création d'un observatoire à l'échelle du territoire. ? L'état des lieux des gisements, en particulier issus des acteurs économiques et du BTP, a été et reste très aléatoire en raison de la multitude des producteurs, majoritairement des TPE. Par ailleurs, les Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 192 COUR DES COMPTES données présentes dans les bases de l'État ne concernent pas tous les producteurs et ne constituent donc qu'une source d'information partielle. ? L'élaboration du PRPGD s'est faite en concertation avec les acteurs du territoire afin de définir des objectifs communs de réduction, de valorisation et de gestion des déchets. La rédaction du document final s'est faite en étroite collaboration avec les services de la DREAL et de l'ADEME, en particulier concernant la planification des installations de stockage, usines d'incinération et centres de tri des DMA. ? Le conseil régional n'ayant pas autorité en matière d'ouverture ou de fermeture des installations de traitement (p. 34), mission qui incombe aux services de l'État, nous avons eu une approche par bassin et en tenant compte des réalités de terrain afin de proposer une adéquation des capacités et des gisements. Vous noterez que, dans le temps d'élaboration du PRPGD, de nouvelles autorisations ont été accordées par l'État et sont venues modifier la trajectoire concernant la baisse des capacités de traitement sur notre territoire, décalant de trois ans l'atteinte des objectifs prévus dans le Plan. La Région avait suggéré aux services de l'État qu'ils prononcent un sursis à statuer, par analogie à cette faculté existant dans le droit de l'urbanisme ; ceux-ci n'ont pas souhaité donner suite. ? De même, le conseil régional ne peut prévoir la création d'installations de gestion ou traitement, création qui appartient au domaine concurrentiel, limitant ainsi le pouvoir de planification à constater des décalages entre les besoins et les capacités présentes sur le territoire. ? Enfin, il est nécessaire de rappeler que la mise en oeuvre de cette nouvelle mission dévolue aux Régions n'a fait l'objet, en Bourgogne- Franche-Comté, d'aucun transfert de ressources humaines des Départements et d'une compensation financière équivalente à 20 K¤ du département de la Haute-Saône sans commune mesure avec la charge transférée. Madame la préfète de Région n'a pas donné suite à la demande de la Région de prononcer le transfert de charges de 5 équivalents temps plein issus des 8 départements de Bourgogne- Franche-Comté, dont l'existence était pourtant avérée. Par ailleurs, les Régions ont proposé à l'État depuis plusieurs années, un transfert partiel de TGAP afin d'accélérer la mise en oeuvre des actions sur le terrain. La possibilité de gestion d'une partie du fonds déchets de l'ADEME ne constitue pas une réponse satisfaisante à cette demande car le budget global alloué aux territoires reste constant et serait délégué aux Régions sous l'autorité de l'ADEME, limitant strictement l'intérêt et les marges de manoeuvre pour les Régions. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 193 Mise en oeuvre du PRPGD ? Depuis la rédaction du PRPGD (projet achevé fin 2018), de nombreuses actions ont été mises en place par la Région. En premier lieu, la réglementation imposait un plan d'action économie circulaire, inclus dans le PRPGD. La région Bourgogne-Franche-Comté a fait le choix de se doter dès juin 2020, d'une Feuille de Route Économie Circulaire (FREC) très opérationnelle qui permet de décliner des actions de terrain en coopération avec les acteurs du territoire (téléchargeable sur notre site internet : https://www.bourgognefranchecomte.frivers-le-zero- dechet) (p. 65-73). ? Concernant l'animation du territoire, la région BFC anime un réseau des collectivités en complément du réseau A3P porté par l'ADEME et soutient financièrement d'autres réseaux portés par des acteurs de notre territoire. Chaque année, une thématique fait l'objet d'une déclinaison en termes de communication et de soutien aux actions : vrac, réemploi, biodéchets. ? La Cour salue les initiatives de financement des équipements par certaines Régions. La Région ne dispose pas de clause générale de compétence depuis la loi NOTRé. Par conséquent, elle ne peut engager des financements qu'autre titre de sa compétence planification. Il convient, en effet, de rappeler que le mode de financement de la gestion des déchets (p. 43-48) repose sur la TEOM et/ou la REOM pour service rendu, les financements ADEME provenant de la TGAP et les éco- organismes, prélevant les contributions des producteurs de déchets. Pour autant, la Région finance depuis 2018 en cogestion avec l'ADEME, avec un renfort budgétaire notable en 2021 via le Plan d'Accélération de l'Investissement Régional (PAIR), des projets d'économie circulaire, d'installations de traitement et, depuis 2020, des projets liés à la généralisation du tri à la source des biodéchets. ? Enfin, pour ce qui est de l'observation (p. 33), la Région est désormais dotée d'un observatoire régional, porté par l'association ALTERRE BFC et en cours de mise en place d'un outil de collecte des données innovant qui permettra à l'avenir de limiter les sollicitations des producteurs et de favoriser les échanges avec d'autres bases existantes. L'enquête relative à la collecte et aux traitements des DMA a été mise en oeuvre sous maitrise d'ouvrage de la Région en 2021. Par ailleurs, la Région participe activement aux ateliers menés par l'ADEME nationale dans le but d'améliorer et d'harmoniser la collecte des données. Il est rappelé que la région Bourgogne-Franche-Comté a déjà déposé le 15 avril 2022 un certain nombre de remarques sur la plateforme, Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 194 COUR DES COMPTES suite à la sollicitation que la Cour des Comptes avait faite auprès de Régions de France. Nos premières remarques n'ont toutefois pas été intégrées dans le projet définitif. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL DE BRETAGNE Je tiens tout d?abord à redire que je partage l?analyse de Régions de France, retranscrite dans son courrier du 11 avril dernier. Les problématiques et les conditions particulières encadrant la mise en oeuvre de la compétence régionale de la planification de la prévention et de la gestion des déchets y sont parfaitement traduites et illustrent concrètement les difficultés que nous rencontrons aussi en Bretagne. Dès le transfert de compétence issu de la loi NOTRé, la Région s?est largement engagée dans son rôle de chef de file et d?animation pour la prévention et la gestion des déchets, tous flux confondus. En dépit d?un contexte réglementaire marqué depuis plusieurs années par de nombreuses évolutions législatives, non toujours transcrites rapidement de façon opérationnelle, la Région a adopté en mars 2020 son PRPGD, en juillet 2020 une Feuille de route bretonne dédiée à l?Économie circulaire, et son SRADDET en novembre 2020. Le PRPGD breton est le fruit de démarches partenariales et concertées avec l?ensemble des parties prenantes de la prévention et de la gestion des déchets. Outre les 10 principes fondamentaux du plan, les 18 objectifs inscrits dans le PRPGD déclinent et renforcent, en prenant en compte le contexte et les particularités bretonnes, les objectifs européens et nationaux. Une trajectoire très ambitieuse est fixée par la Région dans le PRPGD avec le « zéro enfouissement des déchets » à l?horizon 2030 et le « zéro déchets » en 2040. Le déploiement de l?économie circulaire, la recherche de l?efficacité collective et l?engagement de tous au quotidien constituent autant de moyens pour y parvenir. Malgré la volonté clairement partagée par la Région et l?ensemble des partenaires et acteurs concernés en Bretagne de relever les défis, le déploiement de certaines actions de prévention et de gestion des déchets reste complexe. Certaines dispositions structurelles, règlementaires, techniques ou financières limitent l?efficacité de l?action et l?engagement des collectivités locales, des opérateurs et acteurs des déchets sur le terrain. Le déploiement actuel des nouvelles filières REP par certains éco- Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 195 organismes, parfois insuffisamment partagé avec les collectivités pourtant directement concernées, ou encore l?absence de moyens d?accompagnement suffisants pour les installations de combustion (chaudières CSR) constituent deux exemples parmi bien d?autres, révélateurs des difficultés auxquelles doivent faire face les parties prenantes bretonnes. La Région entend pourtant, malgré toutes ces difficultés, relever les défis et poursuivre son engagement, avec conviction, sens des responsabilités et sans relâcher ses efforts. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL GRAND EST Par une correspondance en date du 28 juillet 2022, vous avez bien voulu porter à ma connaissance le rapport public thématique intitulé « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser », et je vous en remercie. - J?ai procédé à une lecture attentive de ce document et souhaite vous apporter des éléments de réponse. Concernant le chapitre III / A ? 2 « La nécessité d?une meilleure coordination des investissements La Région Grand Est, en co-animation avec la DREAL Grand Est, rassemble dans un groupe de travail depuis février 2019, l?ensemble des exploitants des installations de stockage de déchets non dangereux et de valorisation énergétique (UVE), ainsi que les plus gros producteurs de déchets. L'objectif de ce groupe de travail est de permettre une optimisation du traitement des flux de déchets résiduels, dans le respect des préconisations et des règles du SRADDET, à savoir : - Principe de proximité (gestion des déchets au plus près de leur zone de production, et de proche en proche) ; - Respect de la hiérarchie des modes de traitement en saturant les incinérateurs. L?objectif est de mettre autour de la table l?ensemble des acteurs afin de faire des projections quasiment en temps réel des besoins en matière de traitement, et d?anticiper les éventuels points de blocage. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 196 COUR DES COMPTES Ces derniers peuvent être liés aux arrêts techniques, aux incidents et accidents et aux situations exceptionnelles. La région a été marquée par une suite d?évènements entre 2016 et fin 2019, qui ont fortement réduit ses capacités de traitement jusque ce début d?année 2022. Le partage des données régionalisées (sur les tonnages stockés et incinérés, les coûts appliqués, les besoins de détournements de flux vers d?autres exutoires et la prise d?arrêtés d?exploiter par les préfets concernés) a permis d?assoir le rôle de la Région en tant que planificateur. La non augmentation des capacités de stockage fortement demandées par les acteurs, même pendant les années difficiles, a été respectée. Le partenariat Région / DREAL a par ailleurs montré sa force dans le rassemblement d?acteurs à la base concurrents, pour trouver ensemble les solutions. Ainsi, la Région a diminué ses capacités entre 2015 et 2022, et tend vers l?objectif au travers des nouveaux arrêtés d?exploitation pris et à venir. Le groupe de travail a permis pour cela de décliner, dans les arrêtés d?exploitation, les règles et principes du SRADDET en termes de demande de prolongation ou de création, ou encore de modification de zone de chalandise ; cela avec pour finalité d?atteindre les objectifs de réduction, en définissant notamment des capacités maximales. La suite de la réflexion se fait autour des actions à mettre en oeuvre pour l?atteinte des objectifs, au travers de la projection à 2025 et 2031, des capacités réelles à prévoir sur 3 bassins de vie. Deux groupes de travail « stockage » et « incinération » ont découlé de ce premier groupe et traitent des sujets spécifiques à chacune de ces 2 thématiques (points d?alerte, actions possibles, coordination des arrêts techniques, veille règlementaire, ?). Concernant l?annexe 3 relative aux Plans Régionaux de Prévention et de Gestion des Déchets La Région Grand Est présente non seulement des données départementalisées dans son état des lieux (données DAE, DMA, BTP ou certains déchets dangereux), mais également pour ses objectifs à atteindre en matière de capacité d?installations de stockage de déchets inertes (ISDI), notamment dans la mesure où il s?agit de gestion de déchets de proximité (déchets du BTP). Le présent rapport fait état de lacunes de données que ni l?État, ni les régions n?ont comblées par des enquêtes de terrain. Pour ce qui est de Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 197 la Région Grand Est, il s?agit de 408 tonnes pour lesquels l?exutoire n?est pas précisé, sur un total de 1 994 000 tonnes. Tous les autres tonnages ont un exutoire. Le plan de la Région Grand Est décline de manière détaillée, à l?échelle départementale, les installations de stockage qu?il sera nécessaire de créer et projette les besoins en capacité de traitement à l?échelle de deux bassins de vie (Est et Ouest). La Région Grand Est a effectivement fait le choix de décliner finement la planification de ses installations, pour être au plus près des besoins. L?observatoire « déchets », lancé le 23 novembre 2020 en Région Grand Est, est un des premiers de ce type en France (marchés à lots / partenaires publiques / prestations internes). Contrairement à d?autres observatoires, il recouvre l?ensemble des typologies de déchets. Il s?agit d?une initiative volontariste de la Région Grand Est (l?observation n?est pas règlementaire), demandée par les acteurs de la Commission Consultative d?Élaboration et de Suivi (CCES), dès les premiers travaux du Plan. L?Observatoire « Déchet et Économie Circulaire » a fait l?objet d?une délibération de la Commission Permanente du Conseil Régional Grand Est, votée en Séance le 26 avril 2019, soit avant même l?adoption du SRADDET en février 2020. Son déploiement rapide a été permis par la volonté régionale d?anticiper et de doter cet observatoire des moyens humains et financiers conséquents, mais nécessaires pour sa mise en oeuvre. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 198 COUR DES COMPTES Il joue, outre sa fonction de suivi des objectifs, un rôle primordial en matière d?information et d?appui aux collectivités locales et aux entreprises sur : ? les Déchets Ménagers et Assimilés (DMA) ; ? les Déchets d?Activités Économiques (DAE) ; ? les Déchets Dangereux (DD) ; ? les déchets de Chantiers du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP). Je reste naturellement à votre disposition pour toute information complémentaire. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL DE NORMANDIE A la lecture de ce rapport, je suis étonné du peu d'évolution, au final, du rapport malgré l'envoi d'éléments complémentaires transmis à vos services le 1 avril 2022, dont je ne retrouve pas trace ni intégration. En effet, votre position reste inchangée par rapport à la description, que vous qualifiez de sommaire, quant aux mesures prises pour atteindre l'objectif de couverture de 30 % de la population normande par une tarification incitative. Pourtant et grâce à sa dynamique d'animation régionale, et sa présence auprès des acteurs normands, la Région a réussi à avancer sereinement vers cet objectif que je qualifierais d'ambitieux afin d'atteindre les 30 % en 2025. Par ailleurs, et comme vous, je porte une attention particulière à l'efficience de nos politiques publiques. A cette fin, je réitère l'ambition de la Région Normandie de revendiquer son droit à l'expérimentation en se portant volontaire pour que sa compétence en matière de prévention et de gestion des déchets soit étendue comme l'indiquait le rapport « Évolution des capacités de traitement des déchets en France à l'horizon 2040 » rédigé par Jean-Louis Chaussade et remis à Barbara Pompili. Mes services se tiennent à votre entière disposition pour vous fournir des informations plus détaillées sur nos travaux et réflexions à venir. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL DE NOUVELLE-AQUITAINE Dans le cadre du rapport public thématique « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers » que vous m?avez adressé par courrier Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 199 du 28 juillet 2022 reçu le même jour, j?ai pris connaissance avec attention de ce document. Je partage pour l?essentiel les propositions émises notamment concernant le nécessaire renforcement des actions en matière de prévention, l?amélioration de la collecte des données et la simplification des actions avec le fonctionnement des filières à la responsabilité élargie du producteur. Je me permets d?apporter des précisions complémentaires concernant plusieurs thèmes : 1. Massifier le soutien aux actions de prévention et de réduction des déchets Je partage le constat de la Cour concernant le manque de moyens sur la prévention. Pour les collectivités territoriales, les moyens humains et financiers allouées aux actions de prévention manquent pour atteindre les objectifs nationaux. La mobilisation et l?accompagnement technique et financier auprès des parties prenantes doivent être accrus et partagés entre les différents financeurs. Les conseillers régionaux délégués et les services de la Région ont identifié la prévention comme la priorité pour répondre aux enjeux environnementaux de la gestion des déchets et j?ai traduit cette priorité régionale en actes en impliquant fortement sur le sujet l?ensemble des acteurs (collectivités, entreprises et associations) : élaboration d?une feuille de route déchets, lancement en 2022 de conventions avec les EPCI pour accompagner la réalisation des programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés (PLPDMA), lancement en 2022 d?un nouvel appel à projets pour les EPCI avec un axe prévention? 2. L?amélioration de la collecte des données permettra de clarifier l?atteinte des objectifs La Région Nouvelle-Aquitaine est déjà pleinement mobilisée et prête à jouer un rôle encore plus important en matière de consolidation des données relatives aux déchets. En effet, la Région, avec son observatoire des déchets porté par l?AREC (Agence Régionale Évaluation environnement et Climat) enquête déjà les intercommunalités à compétence Déchets. La confiance instaurée avec les collectivités nous permet d?avoir une remontée des données effectives et un suivi des évolutions sans difficulté dans la remontée de ces informations régionales. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 200 COUR DES COMPTES Je partage avec la Cour : - le besoin de simplifier et d?uniformiser les informations transmises par les EPCI à l?échelle nationale en s?assurant notamment que les bases de calcul soient identiques afin de faciliter une comparaison des indicateurs à l?échelle nationale ; - la proposition de compiler les différents documents ou plan nationaux. Cela permettrait de faciliter la compréhension et l?appropriation des objectifs à atteindre pour les territoires et de les mettre en cohérence avec les documents cadres régionaux. 3. Inciter les filières à responsabilité élargie du producteur (REP) à améliorer le suivi, amélioration du tri et la prévention Je constate ces dernières années une multiplication du nombre de filières à responsabilité élargie du producteur (REP). Je m?interroge sur l?efficacité de ces dispositifs, la visibilité et le suivi des filières REP, la multiplicité des interlocuteurs pour les collectivités et les besoins spécifiques de point de collecte notamment dans les déchetteries. Les éco-organismes des filières REP doivent améliorer le suivi des tonnages et le tri sur les sites de collecte. En outre, je partage votre proposition concernant la nécessité d?augmenter la participation aux efforts de prévention à travers le financement d?actions à fort impact sur les flux collectés. Dans la mesure où l?éco-conception doit être une priorité pour nos entreprises, comme j?ai souhaité l?intégrer dans le nouveau SRDEII de la Région, les dispositifs incitatifs et prescriptifs doivent être renforcés et le financement par les filières REP massifié. 4. Une nécessaire distinction entre planification et programmation Si la Région peut en sa qualité de planificateur et d?animateur faciliter les coopérations et l?émergence de solutions partagées, il me semble important de rappeler que les collectivités en charge du traitement restent les seules décisionnaires. La Région planifie mais ne peut pas programmer la réalisation des installations. Ainsi la Région joue d?ores et déjà un rôle clef pour faciliter les synergies locales dans la programmation des équipements de gestion des déchets et ce en tenant compte des disparités géographiques, historiques et/ou des spécificités locales. Ce travail se fait dans le respect du principe de libre administration, d?absence de tutelle et donc des choix locaux des intercommunalités qui restent pleinement décisionnaires en matière de programmation des équipements. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 201 En outre, il me semble important de rappeler que ce sont les services de l?État qui restent compétents sur la délivrance des autorisations relatives aux installations classées pour la protection de l?environnement (ICPE) pour les EPCI à compétence Déchets. Afin de s?assurer de la compatibilité avec le volet Déchets du SRADDET, l?État saisit la Région, qui ensuite émet un avis (opposabilité du plan), qui n?engage pas l?État dans sa décision finale. Ainsi, la compétence régionale en matière de prévention et de gestion des déchets est essentielle, mais sa portée peut s?en voir limitée du fait de la multiplicité des acteurs concernés et de leurs différentes compétences. Les étapes successives de décentralisation et de transfert de compétences ont amené à cette multiplicité des acteurs qui nécessite désormais une coordination de ceux-ci afin de s?assurer de la complémentarité et de la pertinence des actions. 5. Une plus forte mobilisation des Régions qui se heurte à la limitation des moyens octroyés L?échelle régionale paraît être la plus pertinente pour la programmation et la coordination des investissements pour les installations de traitement à travers le SRADDET et le dialogue entre l?État, la Région et les EPCI. La cour appelle de ses voeux dans sa synthèse à un renforcement du rôle de « financeur » des Régions. Si je partage le principe de renforcement de la compétence de la Région sur le financement des grands équipements structurants régionaux, notamment pour faciliter la « cohérence territoriale », l?opérationnalité d?une telle proposition se heurte à l?absence de moyens alloués aux Régions. En effet, je vous rappelle que le transfert de la compétence planification des déchets des Départements auprès de la Région Nouvelle-Aquitaine s?est réalisé sans moyen. La recommandation d?une plus grande mobilisation de la Région en matière de financement doit donc s?accompagner d?une réflexion plus globale sur son financement. Les recommandations de la Cour en matière de financement portent sur l?échelon intercommunal et les spécificités littorales uniquement ; elles gagneraient donc à être complétées par des propositions pour l?échelon régional. Le principe de pollueur payeur a bien guidé l?instauration de la Taxe Générale sur les Activités Polluantes pour les déchets s?appliquant aux installations de traitement des déchets, mais le fruit de cette taxe revient au budget de l?État et à son agence l?ADEME et nullement aux Régions. Il en va de même pour les éco-contributions des filières REP, dont les ressources reviennent aux éco-organismes et nullement aux Régions malgré leur compétence en matière de développement économique. Enfin, je tiens à vous témoigner du travail mené par les conseillers régionaux et les agents de la Région Nouvelle-Aquitaine sur le sujet de la Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 202 COUR DES COMPTES prévention et de la réduction des déchets, et de mon engagement à le poursuivre. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL PROVENCE-ALPES-CÔTE D?AZUR Par courrier en date du 28 juillet 2022, vous m?avez communiqué le projet de rapport public thématique intitulé « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser » que la Cour propose de publier prochainement avec les réponses des destinataires intéressés conformément aux articles L 143-8 et R. 143-13 du Code des juridictions financières. Je vous en remercie. L?objet du rapport est de réexaminer la pertinence et l?efficience de la politique de prévention et de gestion des déchets. La Région Provence-Alpes-Côte d?Azur a été consultée, en mars 2022, sur un extrait du rapport d?observations provisoires relatif à l?enquête nationale que la Cour des comptes et les Chambres régionales des comptes ont mené sur les déchets ménagers et assimilés en vue du futur rapport public thématique. La Cour des comptes appelle les Régions à « jouer pleinement leur rôle de planificateur, d?animateur voire de financeur, afin de garantir la mise en oeuvre effective des objectifs arrêtés dans leurs plans. » Elle pointe une « programmation à renforcer » et des plans régionaux qui demeurent insuffisamment précis et contraignants sur les investissements et qui ne « s?avèrent pas à la hauteur des défis à relever. » Elle précise que le « niveau régional serait le plus pertinent pour organiser une programmation et une coordination optimales des investissements. » Le Plan régional de prévention et de gestion des déchets de la région Provence-Alpes-Côte d?Azur a été approuvé le 26 juin 2019, puis intégré au Schéma régional d?aménagement, de développement durable et d?égalité des territoires et abrogé le 16 octobre 2021. Le Schéma régional d?aménagement, de développement durable et d?égalité des territoires de la région Provence-Alpes-Côte d?Azur a été arrêté par le Préfet le 15 octobre 2019. Celui-ci comporte un volet « planification régionale des déchets » qui est opposable à toutes les décisions publiques prises en matière de déchets, d?autorisations environnementales ou d?installations classées pour la protection de l?environnement. Pour une localisation des équipements adaptée aux Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 203 contextes des collectivités, le Schéma régional d?aménagement, de développement durable et d?égalité des territoires de la région Provence Alpes-Côte d?Azur a fixé trois règles pour permettre aux acteurs compétents en matière de prévention et de gestion des déchets de spatialiser les besoins en équipements en fonction d?état des lieux territoriaux et dans leurs documents d?urbanisme. Conformément à l?article L1111-9 du Code général des collectivités territoriales, la Région, en tant que chef de file dans les questions environnementales, exerce pleinement son rôle de planificateur, de coordinateur et d?animateur des projets structurants en matière de prévention et de gestion des déchets. Cependant, outre la définition des besoins en équipements par bassin de vie, une évaluation économique, présentée lors de la phase d?enquête publique, mentionnait 700 M¤ d?investissements nécessaires pour atteindre les objectifs. Aussi un transfert partiel ou total du « Fonds économie circulaire », actuellement géré par l?ADEME, aux Régions est nécessaire afin de leur permettre d?accompagner efficacement les projets sur le territoire et mettre en oeuvre les objectifs de la planification. En effet, il conviendrait que la Région puisse disposer de l?autonomie d?emploi des crédits pour mettre en oeuvre la planification et accompagner les territoires en adéquation avec les priorités soulignées par la planification régionale. Par exemple, les critères actuels d?intervention de l?ADEME ne permettent pas de soutenir des opérations de mise aux normes réglementaires alors même que certaines régions sont en retard sur le sujet. Or les délégations ne peuvent se faire que sur la base des critères d?intervention de l?ADEME. La mise en place de critères d?intervention régionalisés et adaptés aux besoins propres des territoires semble nécessaire pour permettre de financer davantage les équipements structurants et indispensables à la réalisation des objectifs régionaux et nationaux. En matière de planification de la gestion des déchets, expressément prévue à l?article R541-16 du Code de l?environnement, la Région travaille en étroite collaboration avec les services de l?État sur les dossiers de demande d?autorisation environnementale en matière d?Installations de stockage des déchets non dangereux et d?Unités de valorisation énergétique. La Région formule des avis sur les dossiers de demande d?autorisation environnementale au titre des collectivités intéressées par le projet au regard des incidences environnementales. Ces avis arrivent après l?enquête publique et servent aux services de l?État pour rédiger les arrêtés préfectoraux. Le Code de l?environnement ne prévoit pas explicitement une saisine de la Région au titre de sa compétence « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 204 COUR DES COMPTES planification » et en amont de l?enquête publique durant notamment la phase d?instruction des dossiers par les services de l?État. Un éclaircissement sur ce point permettrait de renforcer le rôle du planificateur. Par ailleurs, la Région propose une meilleure articulation entre le Code général des collectivités territoriales (volet Schéma régional d?aménagement, de développement durable et d?égalité des territoires) et le Code de l?environnement (volet plan régional de prévention et de gestion des déchets) pour assurer une meilleure lisibilité des obligations législatives et réglementaires qui incombent aux Régions et aux EPCI. Mes services se tiennent à votre disposition pour vous fournir des informations plus détaillées sur les actions et travaux en cours. MADAME LA MAIRE DE PARIS Par courrier du 20 juillet dernier, vous m?avez transmis le rapport public thématique intitulé Prévention, collecte et traitement des déchets : une ambition à concrétiser. Je souhaite vous apporter des précisions concernant l?encart consacré à l?action de la Ville de Paris pour la collecte de déchets organiques. La tonalité globale de cet encart peut en effet laisser à penser que la Ville aurait revu ses ambitions à la baisse, notamment au regard du rythme de déploiement de la collecte séparative en porte-à-porte. Je tiens à souligner que la situation est toute autre, la Ville ayant au contraire multiplié les vecteurs de collecte dans les immeubles et dans l?espace public, afin de permettre à tous les Parisiens de trier leurs déchets alimentaires, en maximiser la collecte et ainsi la valorisation. Comme vous le savez, la Ville de Paris a ouvert le chemin en matière de collecte séparative des déchets alimentaires et ce, plus de cinq ans avant que la loi ne la rende obligatoire au 1er janvier 2024. La Ville collecte ainsi en porte-à-porte 350 000 habitants des 2ème, 12ème et 19ème arrondissements. Suite à l?arrêt de cette collecte pendant le premier confinement, nous l?avons relancée à travers des actions de sensibilisation et la distribution aux habitants de kits et de sacs leur permettant de trier leurs déchets alimentaires. Afin de répondre aux besoins et usages différents des habitants et professionnels, nous déployons également différentes solutions de tri, dont des bornes d?apport dit « volontaire ». Nous avons équipé la soixantaine Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 205 de marchés alimentaires de bacs dans lesquels les Parisiens peuvent apporter leurs déchets alimentaires et tous les marchés seront équipés en bacs fixes à partir de cette rentrée. En complément, sera ajouté un module dédié aux déchets alimentaires aux stations Trilib?, qui étaient au nombre de 340 au 1er septembre 2022 et seront 500 au terme de leur déploiement. Nous avons aussi augmenté l?installation de bacs à composts (plus de 1 000 à ce jour) et soutenons la mise en oeuvre de solutions innovantes de compostage. Un appel à projet « compostage de proximité » a été lancé l?été dernier et les premiers projets, dont certains semi-industriels, seront cofinancés par la Ville. Nous avons enfin distribué plus de 5 600 lombricomposteurs. Par ailleurs, la Ville collecte les déchets alimentaires d?une grande partie des écoles et des restaurants administratifs parisiens. A partir de 2024, la totalité des restaurants, écoles, collèges et crèches sera collectée. Entre 2020 et 2021, les déchets collectés ont ainsi connu une forte augmentation de plus de 26 %. La Ville poursuivra ses efforts pour déployer ces dispositifs jusqu?en 2024, date de l?obligation légale de tri à la source, dans le souci permanent de proposer à tous les Parisiens et à proximité de chez eux, une solution simple de tri de leurs déchets alimentaires, permettant une collecte efficace au coût le plus maîtrisé possible. Le moment venu, nous pourrons partager avec la Cour et nos homologues une évaluation précise de l?efficience des différents modes de collecte. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU SYNDICAT MIXTE DÉPARTEMENTAL EN CHARGE D'ÉTUDES ET DU TRAITEMENT DES DÉCHETS MÉNAGERS ET ASSIMILÉS DE LA VENDÉE (TRIVALIS) Suite à la lecture du rapport public : « Prévention, collecte et traitement des déchets Ménagers : une ambition à concrétiser », je souhaite réagir en tant que Président de Trivalis, syndicat public de traitement des déchets de la Vendée, qui couvre depuis 2003 l?ensemble du territoire départemental pour une population DGF de plus de 800 000 habitants. Je tiens d?abord à saluer votre initiative de rédiger ce rapport qui met en avant la complexité de la gestion des déchets et l?importance de ce service dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Les déchets ont souvent Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 206 COUR DES COMPTES été considérés à tort comme le « parent pauvre » de la transition écologique. Je souhaite malgré tout apporter des éléments complémentaires et des précisions sur trois sujets particuliers évoqués dans votre rapport, et pour lesquels Trivalis a parfois été cité. Une stratégie nationale basée sur des objectifs de résultats plutôt que de moyens Vous évoquez dans le rapport,, la nécessité pour le traitement des déchets de gagner en cohérence, en indiquant en préambule sur la partie des biodéchets : « Les difficultés techniques, financières et sociales pour parvenir à un meilleur tri et à une valorisation des biodéchets devront être levées au cas par cas, en fonction des spécificités locales , aucune solution n?apparaissant uniformément applicable, ce qui explique que le législateur n?ait pas à ce jour préconisé une solution unique pour tous les territoires ». Je vous rejoins parfaitement sur ce constat, que le territoire français n?est pas uniforme et que le législateur ne devrait pas exclure ou préconiser des moyens de traitement des déchets mais plutôt des objectifs de résultats : respect de seuils, de qualité, objectif de collecte, des tonnages maximum ou minimum? Pour reprendre l?exemple des biodéchets (mais ce constat est hélas extensible à d?autres matières), il ne faut pas penser que toutes les collectivités ont attendu la loi AGEC pour s?intéresser aux biodéchets et au tri à la source. À titre d?exemple, depuis 2003, c?est plus de 160 000 composteurs individuels qui ont été distribués aux ménages vendéens pour détourner la matière fermentescible des ordures ménagères. Ce choix ancien de détournement amont des biodéchets est une des raisons, avec la redevance incitative (j?y reviendrai) et l?extension des consignes de tri dès 2017, qui explique une baisse de 118 kg/an/hab d?Ordures Ménagères résiduelles (OMr) en Vendée depuis 2003, en passant de 260 kg/an/hab. à 142 kg/an/hab. en 2021. La collecte en porte à porte des biodéchets, promue fortement par le ministère de la transition écologique, pourra s?effectuer peut-être ponctuellement sur des territoires denses. En revanche, c?est une absurdité économique et environnementale en zone rurale. Il n?en demeure pas moins que malgré une politique forte de détournement en amont de biodéchets par le compostage individuel, le compostage collectif et la collecte en porte à porte sur certains secteurs, il Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 207 restera encore de l?organique dans les OMr, sans doute entre 20 % et 30 % si on se réfère à certains exemples allemands de villes qui ont mis en place la collecte de biodéchets depuis plus 25 ans. C?est pour cette raison que le choix du législateur que vous évoque, de remise en cause du tri- mécano-biologique (TMB) n?est pas pertinente. Le Tri-Compostage est un moyen complémentaire de la politique des biodéchets. Le législateur a remis en cause un moyen, alors qu?il aurait dû fixer un objectif de résultats. Il aurait été plus cohérent de définir des nouveaux seuils de qualité pour valider un compost issu de Tri-Compostage. Rappelons d?ailleurs que plus 95 % des composts de TMB produits en France respectent très facilement à la NFU 44-051. C?est la même norme imposée au compost de biodéchets. Cette obligation de résultats aurait permis à des territoires ruraux de développer une technique qui valide les obligations environnementales et répond à une demande locale d?économie circulaire puisque la production de compost de TMB est reprise intégralement par des agriculteurs locaux. L?importance de la matière organique que vous citez dans votre rapport, incite à trouver des solutions tous azimuts pour éviter qu?elle ne se retrouve dans un trou ou dans un four. Au lieu d?opposer les moyens de captation sans argumentation scientifique, le législateur devrait favoriser la complémentarité des techniques afin de pallier la diminution drastique de l?élevage qui génère donc moins de matière organique pour l?agriculture. Cette situation est encore aggravée aujourd?hui par la guerre en Ukraine et la crise énergétique qui limitent fortement la production d?amendement pour les sols. Tarification incitative, l?État doit soutenir les territoires qui ont fait ce choix Vous évoquez à juste raison l?importance de la tarification incitative comme levier d?action sur la réduction des déchets. Dans le rapport vous mettez en exergue la complexité de la tarification incitative qui ralentit sa diffusion. Également, vous soulignez que les espoirs de voir 15 millions d?habitants concernés par la tarification incitative en 2020, puis 25 millions en 2025, ont été rapidement déçus puisque seulement 6 millions d?habitants étaient concernés en France en 2019. J?ai été surpris que la Vendée n?ait pas été citée en exemple dans votre rapport, puisqu?en 2019, 60 % de la population vendéenne étaient à la REOMI, et presque 75 % en 2023. Cela signifie que pour une population INSEE de 685 642 habitants en 2019, donc environ 411 000 habitants à la Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 208 COUR DES COMPTES REOMI, les vendéens représentaient 6,85 % des Français à la tarification incitative, alors que le département ne pesait en 2019 que 1 % de la population française. Je pense donc, qu?au-delà de la complexité, une volonté politique forte est nécessaire. Cette dernière peut être incitée et récompensée par un bonus ou un dégrèvement qui viennent soutenir les collectivités qui s?investissent dans cette direction. Il pourrait y avoir par exemple une baisse de la TGAP ciblée sur les territoires leaders en ce domaine. Cette orientation rejoint votre recommandation n°6 en page 63. L?implication dans l?économie circulaire est un risque assumé qu?il faut défendre Vous citez en page 102 de votre rapport l?exemple de Trivalis qui fait évoluer un de ses TMB en ajoutant une unité de préparation de CSR. Vous soulignez : « Ce procédé étant désormais proscrit (il s?agit du Tri Compostage) pour produire du compost, les collectivités sont contraintes de réorienter les flux de déchets vers la seule méthanisation et vers la production de combustibles solides de récupération, sans certitude de pouvoir rentabiliser les équipements associés à ce nouveau procédé de valorisation ». Je souhaite d?abord préciser que l?interdiction de la production de compost par Tri-Compostage ne sera active qu?en 2027, si la loi AGEC n?est pas modifiée. Par ailleurs, indiquer que les flux de déchets sont réorientés vers la production de CSR est une erreur. Les flux concernés par la production de CSR dans un TMB sont les refus primaires, donc les flux qui n?étaient pas valorisés mais enfouis. La production de CSR n?intervient donc pas sur la matière organique qui continue à être valorisée en compost normé. Il ne s?agit donc pas d?une réorientation de flux mais d?une nouvelle valorisation de flux existant. Je rappelle que la fabrication de CSR a comme finalité la fabrication d?un combustible, mais qu?au préalable va être extrait de ces refus tout ce qui peut être « valorisé matière » : ferraille, aluminium, certains plastiques? Le choix de Trivalis d?une unité de préparation de CSR accolée à une unité de Tri-Compostage d?OMr, est sans doute la meilleure chaine de valorisation des déchets existante aujourd?hui en France, bien plus qu?un incinérateur urbain ou l?enfouissement brut. C?est d?ailleurs pour cette raison que l?on ne parle plus de TMB mais d?UVEOr pour Unité de Valorisation Énergétique et Organique. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 209 Vous évoquez « l?incertitude de pouvoir rentabiliser les équipements associés? », rappelons que ce choix cherche d?abord à respecter la loi. D?abord la loi TEPCV de 2015 qui exige une valorisation énergétique (donc CSR) de 70 % des déchets ultimes mis à l?enfouissement mais aussi de la loi AGEC de 2020 qui fixe des objectifs de réduction de l?enfouissement très importants dans des délais très courts. Si la prévention comme vous le rappelez souvent dans le rapport est un axe à développer fortement, et je vous rejoins parfaitement sur ce point, il ne faut pas nier que ces changements de comportement s?effectueront dans un temps long alors que le législateur a fixé des objectifs de réduction ambitieux dans un temps court. En complément, je précise que les grands principes de changement de comportement peuvent être balayés très rapidement, comme lors de la pandémie de covid, où l?emballage sanitaire est devenu la norme et qu?il a fallu que les équipements de traitement soient en pleine capacité. La cohérence de la stratégie nationale, évoquée dans le premier point, doit aussi s?inscrire dans une temporalité acceptable avec la capacité de revoyure en fonction des situations de crise. Le choix de la production de CSR en Vendée, avec ce facteur risque de rentabilité que vous soulignez, s?inscrit aussi dans un principe d?économie circulaire de territoire puisque l?objectif est que ce produit alimente une chaudière industrielle de proximité dont l?enquête publique est en cours. Cette nécessité de favoriser l?économie circulaire, soulignée à plusieurs reprises dans votre rapport, implique le soutien des initiatives locales en acceptant une part de risque. D?ailleurs, la rentabilité financière de la gestion des déchets est un concept limité. Il s?agit plutôt d?une maîtrise de l?évolution des coûts en améliorant la qualité environnementale. Pour conclure, je souhaite vraiment qu?il puisse exister au niveau national une réelle stratégie de gestion et de valorisation des déchets. Cette stratégie doit fixer des objectifs de résultats cohérents et scientifiques, sans dogmatisme. Les collectivités locales sous l?égide des plans régionaux ont la capacité d?assurer de manière opérationnelle l?atteinte de ces objectifs, mais avec une liberté d?adaptation des moyens en fonction de la particularité des territoires. Je suis d?accord avec vous, sur la nécessité que les collectivités se réunissent et massifient leurs actions pour atteindre les objectifs. Certaines comme Trivalis, l?ont déjà effectué. Il est indispensable que l?État soutiennent les collectivités qui fournissent des efforts, celles qui se sont emparées des sujets en évoluant vers le caractère incitatif du financement de la gestion des déchets, celles Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 210 COUR DES COMPTES qui évoluent vers une économie circulaire concrète et anticipent des choix de prévention et de meilleure valorisation matière. Enfin, la situation actuelle de crise des matières premières et de l?énergie, doit être un accélérateur pour faire de nos déchets des ressources. De nombreuses initiatives locales et publiques vont dans ce sens, il est nécessaire de faciliter leur développement. À ce titre une vigilance particulière devra être portée sur le développement massif des REP. Il ne faudrait pas que l?intention bénéfique du principe de pollueur payeur masque un dessaisissement du service public des déchets et une réorientation des recettes uniquement vers les entreprises privées gestionnaires des REP. En espérant avoir contribué à l?éclairage de certains aspects du rapport et instauré une vision plus positive des évolutions à venir, je vous prie d?agréer, Monsieur le Premier Président, l?expression de ma haute considération. MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE L?ASSOCIATION AMORCE A propos d?AMORCE Rassemblant plus de 1000 adhérents pour plus de 60 millions d?habitants représentés, AMORCE constitue le premier réseau français d?information, de partage d?expériences et d?accompagnement des collectivités (communes, intercommunalités, conseils départementaux, conseils régionaux) et autres acteurs locaux (entreprises, associations, fédérations professionnelles) en matière de politiques Énergie-Climat des territoires (maîtrise de l?énergie, lutte contre la précarité énergétique, production d?énergie décentralisée, distribution d?énergie, planification), de gestion territoriale des déchets (planification, prévention, collecte, valorisation, traitement des déchets) et de gestion de l?eau. Objet de la consultation Une nouvelle enquête de la Cour des Comptes intitulée? Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une ambition à concrétiser? a abouti à la production d?un projet rapport public thématique soumis à l?avis d?AMORCE avant publication définitive. Cette enquête intervient 10 ans après le précédent rapport thématique de septembre 2011, complété Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 211 par un rapport de suivi inséré au rapport public annuel de 2014 de la Cour des Comptes intitulé ?La gestion des déchets ménagers, des progrès inégaux au regard des enjeux environnementaux?. Des travaux avaient été également consacrés aux éco-organismes insérés aux rapports publics annuels de 2016 (Les éco-organismes : un dispositif original à consolider) et 2020 (Les éco-organismes : une performance à confirmer, une régulation à renforcer) de la Cour des Comptes. Ce nouveau rapport est basé sur 51 contrôles des Cours Régionales des Comptes et des échanges avec les administrations centrales, l?ADEME, CITEO, l?AMF, ELIPSO, la FNADE, UFC que Choisir, Zéro Waste France et AMORCE lors de 2 auditions en 2022. Avis d?AMORCE validé lors du Conseil d?Administration du 7 Septembre 2022. Le rapport pointe le retard pris par la France dans l?atteinte des objectifs nationaux et européens et formule des recommandations pour améliorer l?organisation et le financement de la gestion des déchets. Pour AMORCE, il ressort au premier plan une absence criante de l?accompagnement de l?État en matière de gestion des déchets, qui ne joue notamment pas son rôle de régulateur auprès des éco-organismes pour mieux affecter les soutiens perçus auprès des metteurs sur le marché vers les collectivités. In fine, le citoyen se retrouve toujours à devoir supporter une grande partie du coût de gestion des déchets. Au niveau de la comparaison des performances européennes, les calculs ne sont pas homogènes d'un pays à l'autre car l?Europe ne disposait pas, avant la Directive déchets de 2018, d?une méthode de mesure uniforme. Chaque pays proposait des méthodes de calcul qui lui sont propres : par exemple, dans le domaine du tri des emballages ménagers, la France ne comptabilise comme recyclé que les matières effectivement remises sur le marché, déduction faite des refus de tri, alors que l?Allemagne comptabilise tous les tonnages entrant en centre de tri soit un écart dans les comptes de 17% en faveur de cette dernière à tonnages entrants égaux. Une tentative, non encore aboutie, d?harmonisation des calculs réalisée par un groupe d?experts au niveau Européen montre que la France se situe effectivement plutôt dans la moyenne des pays Européens. A noter que, malgré les travaux de refonte de l?observatoire national de suivi des déchets piloté par l?ADEME et entamés depuis près de 2 ans, les collectivités ne disposent toujours pas de la méthode officielle de calcul de l?objectif de préparation ou recyclage des déchets introduit par l?Ordonnance n° 2020-920 du 29 juillet 2020 et nécessaire au pilotage du SPGD (indicateur européen également). Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 212 COUR DES COMPTES Il est par ailleurs mis en avant que ni la programmation nationale, ni les PRPGD (insuffisamment précis et contraignants sur les investissements), ni les PLPDMA ne sont à la hauteur des défis à relever : il est proposé dans le rapport d?améliorer la planification par une unification de la programmation nationale et l?adoption d'un programme de mise en oeuvre spécifique par EPCI. AMORCE partage le même constat : le planificateur ne met pas en place les moyens de ses objectifs, avec les mêmes objectifs et la même échéance. Les régions doivent jouer pleinement leur rôle de planificateur, d'animateur voir de financeur (pour surmonter effectivement les difficultés d'amortissement) pour garantir la mise en oeuvre des objectifs et une répartition territoriale cohérente des équipements structurants. Pour aller plus loin dans la démarche jusqu?à l?échelon territorial, AMORCE préconise de décliner les objectifs et actions pour les atteindre dans un plan intercommunal, avec un dialogue équilibré intercommunalités - régions. Il semble par ailleurs nécessaire de réfléchir à un financement en permettant que les régions perçoivent une part de la recette de TGAP et puissent établir un dispositif d'aide adapté qui correspond à l'application du PRPGD. Le simple transfert d?une partie du fonds Économie Circulaire vers les régions ne permet en effet pas aux régions de piloter ce fonds en fonction des priorités identifiées au PRPGD. La création d?une composante locale de la TGAP (défalquée du montant de la TGAP nationale) permettrait également de donner des moyens financiers aux territoires en charge du SPGD. Pour le dispositif de suivi des plans à améliorer avec des indicateurs annuels pertinents et synthétiques, le rapport préconise de publier d?ici 2024 un tableau de bord annuel du SPGD à l?échelle nationale produits par les observatoires régionaux à partir de comptes-rendus simplifiés et par type d'EPCI avec 6 indicateurs clés, complété par un tableau de bord des filières REP selon le même principe et par chaque éco-organisme regroupant les principales données utiles. AMORCE est favorable à des indicateurs de pilotage pertinents et communs à l?ensemble des échelons - à définir conjointement avec les acteurs du déchets - mais qui doivent comporter des indicateurs amont en lien avec les mises sur le marché. A noter que le travail de refonte de l?Observatoire des déchets cité ci-avant piloté par l?ADEME n?a pas abouti pour l?instant (en tout cas non transmis aux parties prenantes) à une meilleure visibilité sur les indicateurs pertinents à retenir ni pour le moment à la définition d?une méthode harmonisée de calcul des indicateurs nationaux manquants. Le rapport de la Cour des Comptes envisage également de simplifier le rapport annuel sur le prix et la qualité du SPGD d?ici 2024 autour de ces 6 indicateurs associés aux coûts de gestion des déchets à l'habitant : AMORCE y est favorable. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 213 Au niveau du retard pris en matière de prévention des déchets, pour AMORCE la responsabilité en revient principalement aux metteurs sur le marché qui n'ont pas respecté les objectifs fixés par l'État. En effet, à l'exception du compostage de proximité qui dépend d'une politique ambitieuse de tri source des biodéchets (cf. point ci-après), les actions de prévention d'une collectivité sont nécessaires mais impactent peu la baisse des tonnages. Elles dépendent davantage des évolutions de consommation et des metteurs sur le marché qu'il s'agirait pour AMORCE de contraindre davantage. La Cour des comptes propose par ailleurs de rendre obligatoire, quand le PLPDMA est élaboré par un syndicat de traitement, une déclinaison territoriale. Quant au financement complexe de la gestion des déchets dont en particulier la recommandation de la Cour des Comptes de favoriser la tarification incitative en allégeant son coût pour les EPCI grâce à un financement complémentaire porté à 80% des coûts sur les premiers exercices, Il faut pour AMORCE se poser en réalité deux questions : ? Quel type de signal prix ou autre forme d?incitation ou de dissuasion financière ou fiscal faut-il développer et sur quel acteur, pour que les citoyens contribuent davantage par leur comportement d?achat, d?utilisation, de réparation, de tri au respect des objectifs de prévention, de réemploi, de collecte sélective et de tri à la source, de recyclage et de valorisation des déchets ménagers et assimilés ? Cela impose inéluctablement d?évaluer l?efficacité de signaux prix portant sur le prix du produit, la fiscalité locale des déchets, la fiscalité nationale de la gestion des déchets. La réflexion sur les mesures et dispositifs incitatifs en faveur de la réduction des déchets ne doit pas porter uniquement sur les usagers du service public mais sur l?ensemble des acteurs qui peuvent favoriser l?action des citoyens en faveur des objectifs de la France en matière d?économie circulaire (prévention- réutilisation, recyclage, réduction de l?enfouissement), à chaque étape du cycle de vie d?un produit (de sa conception, son achat, son utilisation et sa fin de vie) : ? Le citoyen consommateur : qui doit être informé et incité dans ses actes de consommation avec des mesures portant sur la taxation amont (REP généralisée), la TVA, des logiques de bonus/malus et leur information grand public dans le cadre des filières REP. ? Le citoyen usager du service public : qui doit comprendre en tant qu?utilisateur du SPGD l?impact de son geste de tri sur les coûts et être intéressé à la prévention et au tri la source efficace de ses déchets avec des mesures incitatives. Cette seule approche permet Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 214 COUR DES COMPTES d'améliorer le geste de tri mais ne modifie pas les habitudes de consommation. Il est donc nécessaire d'agir sur toute la chaîne. ? Le citoyen contribuable : qui, en tant que financeur d?une partie des services, doit appréhender le coût de la gestion des déchets et son mode de financement avec des mesures portant sur l?affichage, la compréhension et la lisibilité des taxes TGAP/TVA, des recettes et de la fiscalité locale (TEOM, REOM). ? Comment doit se répartir le financement de la gestion de la gestion des déchets ou plus largement la boucle d?économie circulaire au regard des responsabilités de chacun des acteurs de la chaîne d?économie circulaire (collectivités via la fiscalité locale, metteurs sur le marché via les REP, acteurs économiques du recyclage et de la valorisation via les prix de reprise et recette de valorisation, État via les aides de l?ADEME issues des recettes de TGAP (bien que non affectées) ? À noter que la TGAP doit être revue dans sa trajectoire pour qu'elle soit incitative (aujourd'hui sa trajectoire ne permet pas les investissements des collectivités pourtant nécessaires). Il s?agit par ailleurs, d?une fiscalité écologique dont le principe même est d?inciter à la prévention des déchets, au recyclage et à la limitation de l?élimination. Il est donc nécessaire de la rendre incitative. Sur ce sujet, AMORCE défend depuis de nombreuses années des évolutions de cette fiscalité (minoration du montant pour les collectivités performantes, franchise de TGAP sur le gisement sur lequel les collectivités ne peuvent agir...). Sur la proposition d?instaurer une surtaxe à la taxe de séjour avec produit affecté aux actions de prévention et gestion déchets : cette mesure est intéressante mais si elle est clairement insuffisante pour AMORCE. Une plus grande réflexion sur le financement et sa dimension locale devrait être menée (notamment TGAP localisée). Le tri à la source des biodéchets est souligné comme étant à juste titre un enjeu majeur pour les territoires. Cependant, au regard du retard de déploiement pris au niveau national, AMORCE préconise de modifier la date de mise en oeuvre de l?obligation de sorte à ce que la date butoir du 31 décembre 2023 ne soit plus une obligation de généralisation mais une obligation d?étude de faisabilité sous peine de ne plus pouvoir bénéficier des aides de l?ADEME à échéance de l?obligation de tri à la source des biodéchets prévu au 31 décembre 2023 et qui serait alors reportée au 31 décembre 2025. AMORCE demande également un renforcement du dispositif financier pour garantir l'absence de surcoûts à la collectivité (cf. études ADEME et FNADE/CME) et accélérer le déploiement dans des conditions financières acceptables. Le nouveau système de financement et Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 215 d?aides pour l'accélération du développement du tri à la source des biodéchets peut s?appuyer sur les propositions suivantes : - Affecter jusqu?en 2025, la totalité des recettes de la TGAP afin d?augmenter de 300 millions d?euros le fonds Économie Circulaire en particulier au profit des solutions de tri à la source des biodéchets, permettant d?assurer une aide de 90% pour les études de faisabilité et de 100% sur les investissements de compostage de proximité (dont compostage individuel non soutenu actuellement), de pré-collecte, de collecte et de valorisation des biodéchets jusqu?au 31 décembre 2025, permettant de compenser les surcoûts, - Introduire une modulation de TGAP de 30 euros la tonne éliminée d?OMR (soit environ 10 euros par habitant) pour les collectivités qui ont mis en place le tri à la source des biodéchets, - Permettre l?application d?un taux de TVA réduit aux matières fermentescibles d?origine résiduaire, - Créer un système de bonus à l?usage de matières fertilisantes issues des biodéchets dans les sols ou instaurer des quotas à l?usage d?engrais chimiques pour les producteurs de denrées et produits alimentaires bruts (céréales, légumes, fruits) à hauteur des parts de marchés des produits agro-alimentaires, AMORCE demande également une modification du cadre réglementaire pour : - Revoir la réglementation sur les conditions de traitement et l?interdiction de mélanger des biodéchets avec d?autres déchets n?ayant pas fait l?objet d?un même tri, - Clarifier de manière opérationnelle les conditions de limitations de la fraction organique des déchets dans les ordures ménagères résiduelles à éliminer. Au niveau des matières revendues aux filières de recyclage qui se diversifient et subissent de fortes variations de cours, la Cour des Comptes préconise que les collectivités volontaires puissent choisir de confier cette mission commerciale aux éco-organismes, sous condition de suivi rigoureux des obligations qui leur sont fixées dans les cahiers des charges. AMORCE s?oppose au choix de confier la revente de matières commerciales aux éco-organismes car les REP financent déjà mal les collectivités locales alors qu'elles essaient de reprendre la main sur les matériaux qui ont plus de valeur. Les collectivités ont besoin de ces reventes matières pour compenser le manque de soutien des éco- organismes. La seule condition acceptable du transfert de la revente matière serait un financement à plus de 80% des coûts par la REP. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 216 COUR DES COMPTES Enfin au niveau des enjeux industriels prioritaires qui doivent être mieux intégrés au plan national : ? sur le volet de la plasturgie, avec les difficultés de traitement des plastiques dues à leur diversité et la cible de généralisation de l?ECT fin 2022 qui n?est pas atteinte : AMORCE appelle à ne pas se focaliser que sur les emballages ménagers qui représentent 1MT sur 4MT de plastiques mais sur l?ensemble des plastiques (4MT) et à réaliser un inventaire des résines et des installations capables de les traiter. ? sur la place de la valorisation énergétique des déchets : pour AMORCE elle doit être réaffirmée, dans le respect de la hiérarchie des modes de traitement, en tant source d?énergie renouvelable produite localement et issue de déchets non recyclables constituant un potentiel de valeur qui mérite d?être mieux exploité. Elle participe à l?autonomie de la France sur le plan énergétique. En résumé pour AMORCE il s?agit donc avant tout de : ? Renforcer l?efficacité de la planification écologique et rééquilibrer le financement de la gestion des déchets. ? Réaffirmer la nécessité de faire évoluer et de renforcer les outils de planification de l?État et des collectivités en faveur de l?atteinte des objectifs nationaux en unifiant les objectifs et les échéances ainsi que les indicateurs de suivi communs et en adoptant un programme de mise en oeuvre spécifique par EPCI pour dialoguer avec les PRPGD. ? Demander une affectation financière plus efficace pour mettre en oeuvre la planification territoriale avec un signal prix fort en amont au niveau des metteurs sur le marché impactant les habitudes de consommation, au niveau intermédiaire avec les modulations des filières REP et la tarification incitative appliquée aux usagers et en aval via la TGAP, pour la rendre plus incitative (minoration à la performance des collectivités) et pour redistribuer son produit en faveur d?investissements pour la transition écologique dans les territoires. Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers - septembre 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Sommaire Procédures et méthodes Synthèse Récapitulatif des recommandations Introduction Chapitre I Une réduction des déchets contrariée par un pilotage insuffisant I - Le volume élevé de déchets produits II - Des acteurs insuffisamment coordonnés III - Un dispositif de suivi toujours défaillant IV - Un financement peu lisible et trop faiblement incitatif Chapitre II Le dispositif opérationnel : une transformation à accélérer vers l?économie circulaire I - La prévention : priorité officielle, mais parent pauvre de la gestion des déchets II - La collecte : peu de progrès sur les enjeux prioritaires III - Le traitement : une coûteuse modernisation à entreprendre Conclusion générale Liste des abréviations Annexes Annexe n° 1 : présentation de l?échantillon des contrôles réalisés par la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) Annexe n° 2 : le suivi des recommandations des juridictions financières sur les déchets ménagers Annexe n° 3 : les Plans Régionaux de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD Annexe n° 4 : les indicateurs internationaux Annexe n° 5 : les indicateurs du service public des déchets Annexe n° 6 : les indicateurs des filières à responsabilité élargie du producteur (REP) Annexe n° 7 : comparaisons internationales Annexe n° 8 : les déchets en matière plastique Annexe n° 9 : comparatif entre les différentes modalités de financement du service public Annexe n° 10 : les conséquences de la crise sanitaire sur la gestion des déchets Réponses des administrations et des organismes concernés INVALIDE)

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