Rapport d'enquête technique sur la dérive de deux véhicules suivie de leur collision avec une locomotive à vapeur sur le train touristique du Coni'fer survenue le 4 juin 2022 à La Cluse-et-Mijoux (25)

Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre
Auteur secondaire
Résumé
<p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%"><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">Le samedi 4 juin 2022 à 12 h 30, un fourgon et une voiture-restaurant dérivent, </font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">sur une pente à 19 </font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">?, et percutent une locomotive à vapeur, </font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">faisant 18 blessés légers et un </font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">plus</font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt"> gravement </font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">atteint</font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">, ainsi que la casse </font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">du tampon de la voiture-restaurant.</font></font></p> ; <p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%"><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">La cause initiale de la collision par dérive puis rattrapage de la locomotive, par le </font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">fourgon et la voiture-restaurant, est la mauvaise immobilisation des deux véhicules. </font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">A l'issue </font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">de son enquête le BEATT émettait huit recommandations relatives aux </font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">procédures d'exploitation adéquates et leur bonne application, aux fonctions de sécurité et aux formations des agents, à la gestion de la sécurité par l'exploitant, à l'immobilisation de véhicules en rampe ou pente, à la mise en service d'un nouveau véhicule.</font></font></p>
Editeur
BEATT
Descripteur Urbamet
accident ; sécurité ; train ; wagon ; pente ; locomotive
Descripteur écoplanete
collision
Thème
Transports
Texte intégral
RAPPORT D?ENQUÊTE TECHNIQUE sur la dérive de deux véhicules suivie de leur collision avec une locomotive à vapeur sur le train touristique du Coni'fer survenue le 4 juin 2022 à La Cluse-et-Mijoux (25) Juin 2023 Avertissement L?enquête technique faisant l?objet du présent rapport est réalisée dans le cadre des articles L.1621-1 à 1622-2 et R.1621-1 à 1621-26 du Code des transports relatifs, notamment, aux enquêtes techniques après accident ou incident de transport terrestre. Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents. Sans préjudice, le cas échéant, de l?enquête judiciaire qui peut être ouverte, elle consiste à collecter et analyser les informations utiles, à déterminer les circonstances et les causes certaines ou possibles de l?évènement, de l?accident ou de l?incident et, s?il y a lieu, à établir des recommandations de sécurité. Elle ne vise pas à déterminer des responsabilités. En conséquence, l?utilisation de ce rapport à d?autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées. Glossaire ? CFT: Chemin de Fer Touristique ? CFTPV: Chemin de Fer Touristique Pontarlier-Vallorbe ? CG: Conduite Générale ? PN: Passage à Niveau ? RSE: Règlement de Sécurité de l?Exploitation ? RT: Référentiel Technique ? SNCF: Société Nationale des Chemins de Fer français ? SGS: Système de Gestion de la Sécurité ? STRMTG: Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés ? UNECTO: Union des exploitants de chemins de fer touristiques et des musées à caractère ferroviaire Bordereau documentaire Organisme auteur: Bureau d?Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT) Titre du document: Rapport d?enquête technique sur la dérive de deux véhicules suivie de leur collision avec une locomotive à vapeur sur le train touristique du Coni?fer survenue le 4 juin 2022 à La Cluse-et-Mijoux (25) N°ISRN: EQ-BEAT?23-5--FR Affaire n° BEATT-2022-03 Proposition de mots-clés: dérive, rattrapage, dételage, freinage Synthèse Le samedi 4 juin 2022 à 12h30, un fourgon et une voiture-restaurant attelés dérivent et percutent une locomotive à vapeur à la gare de Fontaine Ronde, à La Cluse-et-Mijoux dans le Doubs. Seul un tampon de la voiture-restaurant est cassé mais il y a 18blessés légers et un blessé grave, sur la trentaine de passagers. Une enquête de gendarmerie a été ouverte. La locomotive à vapeur, une Décapod 150Y partie à midi de la gare des Hôpitaux-Neufs, remorquait deux véhicules: un fourgon MC76 et une voiture-restaurant ??Orient-Express??. Conduit par un mécanicien (également appelé conducteur) assisté d?un chauffeur, le convoi avait atteint sans encombre la gare de Fontaine Ronde 8km plus loin. À la gare de Fontaine Ronde, le train s?est arrêté en voie1. Puis une manoeuvre est décidée par le mécanicien pour intégrer un wagon-citerne au convoi. Dans une pente à 19?, la locomotive est désaccouplée de ses deux véhicules par le chauffeur, puis remise en mouvement par le mécanicien vers la voie2 où elle s?arrête. C?est alors que le fourgon et la voiture partent en dérive et rattrapent la locomotive. Le choc a lieu à une vitesse estimée entre 5 et 10km/h. La cause première de la collision par dérive puis rattrapage de la locomotive par le fourgon et la voiture-restaurant est la mauvaise immobilisation des deux véhicules, c?est-à-dire sans freinage par vidange de la conduite générale des deux véhicules ni pose de cales. L?élément déclencheur de la dérive est la présence d?une pente importante à l?endroit de la manoeuvre de dételage. Cela est dû à la méthode utilisée pour l?immobilisation et au dételage réalisé par le chauffeur. L?absence de vidange de la conduite générale a empêché le serrage des sabots de frein sur les roues. Le serrage partiel du frein d?immobilisation du fourgon n?a pas exercé une force suffisante sur les sabots de frein (si tant est que son serrage effectif sur un seul essieu du fourgon aurait été suffisant) pour retenir les deux véhicules dans la pente. La recherche des causes sous-jacentes à l?origine de cette situation nous conduit à approfondir les investigations selon les thématiques suivantes: ? la manoeuvre d?immobilisation et de dételage des véhicules; ? les agents de l?association ayant une fonction de sécurité et les moyens d?arrêter une dérive; ? la gestion de la sécurité au sein de l?exploitant. Pour prévenir ce type d?accident, le BEA-TT émet huit recommandations relatives aux procédures d?exploitation adéquates et leur bonne application, aux fonctions de sécurité et aux formations des agents, à la gestion de la sécurité par l?exploitant, à l?immobilisation de véhicules en rampe ou pente, à la mise en service d?un nouveau véhicule. 1 SOMMAIRE SYNTHÈSE....................................................................................................................................1 1 - CONSTATS IMMÉDIATS ET ENGAGEMENT DE L?ENQUÊTE.............................................4 1.1 - Les circonstances de l?événement...................................................................................4 1.2 - Le bilan humain et matériel...............................................................................................4 1.3 - Les mesures prises immédiatement après l?événement..................................................5 1.4 - L?engagement et l?organisation de l?enquête....................................................................5 2 - CONTEXTE DE L?ACCIDENT.................................................................................................6 2.1 - Le chemin de fer touristique du Coni?fer...........................................................................6 2.2 - La localisation de la collision............................................................................................6 2.3 - L?exploitation de la ligne....................................................................................................7 2.4 - Les caractéristiques techniques des matériels roulants concernés par l?accident..........8 2.4.1 - La locomotive 150Y............................................................................................................................... 8 2.4.2 - La voiture-restaurant ?Orient-Express?...................................................................................................9 2.4.3 - Le fourgon MC76................................................................................................................................... 9 2.4.4 - La composition des trains.................................................................................................................... 10 2.5 - Le freinage d?une locomotive et des véhicules attelés...................................................11 2.6 - La maintenance du matériel roulant...............................................................................12 3 - COMPTE RENDU DES INVESTIGATIONS EFFECTUÉES.................................................13 3.1 - Le résumé des déclarations............................................................................................13 3.1.1 - Le mécanicien...................................................................................................................................... 13 3.1.2 - Le chauffeur......................................................................................................................................... 14 3.1.3 - Le cuisinier........................................................................................................................................... 14 3.2 - Le parcours du convoi et de la dérive.............................................................................15 3.2.1 - Le cas habituel: la manoeuvre «classique» en gare de Fontaine Ronde...........................................15 3.2.2 - L?enchaînement chronologique de la manoeuvre ayant conduit à la dérive..........................................15 3.2.3 - La vitesse des véhicules au moment du choc......................................................................................18 3.3 - Les circulations du chauffeur depuis son retour à l?association.....................................18 3.4 - Les procédures d?immobilisation dans le RSE...............................................................19 3.5 - Le fonctionnement du frein d?immobilisation du fourgon MC76.....................................20 3.6 - Les actions engagées suite à l?accident du 4 juin 2022.................................................21 3.6.1 - Les actions réalisées par l?exploitant....................................................................................................21 3.6.2 - La visite de contrôle du STRMTG........................................................................................................22 3.7 - Les conclusions sur les constats immédiats...................................................................24 3.8 - Les investigations sur la manoeuvre d?immobilisation et de dételage ? et autres manoeuvres..............................................................................................................................25 3.8.1 - Les règles en vigueur le jour de l?accident...........................................................................................25 3.8.2 - Le dételage.......................................................................................................................................... 25 3.8.3 - Le refoulement..................................................................................................................................... 27 3.8.4 - La manoeuvre à la gravité.................................................................................................................... 27 3.8.5 - Synthèse.............................................................................................................................................. 30 3.9 - Les investigations sur les moyens d?arrêter une dérive.................................................31 3.9.1 - Le freinage d?urgence.......................................................................................................................... 31 3.9.2 - Le personnel à bord de la locomotive et des véhicules........................................................................31 3.9.3 - Synthèse.............................................................................................................................................. 33 3.10 - Les investigations sur la gestion de la sécurité............................................................34 3.10.1 - La culture de sécurité au sein d?une organisation..............................................................................34 3.10.2 - La perception et la maîtrise des risques encourus.............................................................................35 3.10.3 - La connaissance du matériel.............................................................................................................36 3.10.4 - La traçabilité....................................................................................................................................... 37 3.11 - Le retour d?expérience des chemins de fer touristiques français.................................38 4 - ANALYSE DU DÉROULEMENT DE L?ACCIDENT ET DES SECOURS.............................39 5 - ANALYSE DES CAUSES ET FACTEURS ASSOCIÉS, ORIENTATIONS PRÉVENTIVES.40 5.1 - Arbre des causes............................................................................................................40 5.2 - Les causes de l?événement............................................................................................40 5.3 - La manoeuvre d?immobilisation et de dételage des véhicules.......................................41 5.4 - Les moyens d?arrêter une dérive et les agents ayant une fonction de sécurité.............42 5.5 - La gestion de la sécurité au sein de l?exploitant.............................................................42 6 - CONCLUSIONS.....................................................................................................................45 ANNEXE: Décision d?ouverture d?enquête.............................................................................47 Règlement général de protection des données......................................................................48 1 - Constats immédiats et engagement de l?enquête 1.1 - Les circonstances de l?événement Le samedi 4juin2022 à midi, la locomotive à vapeur 150Y quitte la gare des Hôpitaux-Neufs. Elle remorque deux véhicules: un fourgon MC76 et une voiture-restaurant ??Orient-Express??. Conduit par un mécanicien1 assisté d?un chauffeur2, le convoi atteint sans encombre la gare de Fontaine Ronde 8km plus loin: il est 12h30. À la gare, le train s?est arrêté en voie1. Puis une manoeuvre du train est effectuée pour intégrer un wagon-citerne (situé sur la voie2) au convoi. Dans une pente à 19?, la locomotive est désaccouplée de ses deux véhicules, puis remise en mouvement vers la voie2 où elle s?arrête. C?est alors que le fourgon et la voiture partent en dérive et rattrapent la locomotive. Le choc a lieu à une vitesse estimée entre 5 et 10km/h. Fig 1 - Position finale des véhicules après la collision (photo Gendarmerie) 1.2 - Le bilan humain et matériel Les dégâts matériels sont restreints à la casse d?un tampon de la voiture-restaurant. La préfecture a identifié 18blessés légers et un blessé grave, sur la trentaine de passagers. Une enquête de gendarmerie a été ouverte. Fig 2 - Tampon cassé de la voiture-restaurant (photo BEA-TT) 1 Un mécanicien, également appelé conducteur, a pour mission de conduire une locomotive à vapeur: il est responsable de la marche de son train, ainsi que du respect des signaux et des consignes d?exploitation. 2 Un chauffeur sur une locomotive à vapeur a pour mission d?allumer et d?entretenir le feu dans la chaudière ainsi que de l?alimenter en eau. 4 1.3 - Les mesures prises immédiatement après l?événement Une fois les voyageurs évacués, la locomotive et les deux véhicules ont été rapatriés à la gare des Hôpitaux-Neufs. L?exploitant a vérifié l?état du matériel roulant. Le fourgon MC76 a été remisé au dépôt. L?exploitation a repris le lendemain après échange entre l?exploitant et le STRMTG. 1.4 - L?engagement et l?organisation de l?enquête Au vu des circonstances et du contexte de l?accident, le directeur bureau d?enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) a ouvert le 10juin2022 une enquête technique, en application des articles L.1621-1 à 1622-2 du Code des transports. L?enquêtrice technique du BEA-TT s?est rendue sur place. Elle a échangé avec les représentants de l?exploitant, avec les agents opérationnels en service le jour de l?accident ainsi qu?avec d?autres personnels de conduite de l?association. Elle a également échangé avec les agents du service technique des remontées mécaniques et des transports guidés (STRMTG) en charge du contrôle de l?exploitation. Elle a eu communication de l?ensemble des pièces et documents nécessaires à l?enquête. 5 2 - Contexte de l?accident 2.1 - Le chemin de fer touristique du Coni?fer Le Coni?fer est un chemin de fer touristique en exploitation depuis 1993, géré par l?association «Le Chemin de Fer Touristique Pontarlier-Vallorbe ? Le CONI'FER» (CFTPV). Le parcours commence à la gare des Hôpitaux- Neufs, dans le département du Doubs et circule sur une section de 8km de voie unique en direction du terminus Fontaine Ronde, à La Cluse-et-Mijoux. Il emprunte l?ancienne ligne de Pontarlier à Vallorbe (Suisse). Le tronçon Pontarlier / Hôpitaux-Neufs fut fermé à tout trafic commercial en novembre1969. Fig 3 - Localisation du Coni?fer (source Google Maps) Les trains touristiques circulent de début juin à fin septembre, pendant les vacances scolaires et, sur réservation, des trains spéciaux peuvent circuler toute l?année. À toute période, les réservations sont nécessaires pour déjeuner dans la voiture-restaurant de l?Orient-Express. Fig 4 - Plan de la ligne historique. Le tracé du Coni?fer débute aux Hôpitaux-Neufs et rejoint Fontaine Ronde (source archives STRMTG) Membre de l?union des exploitants de chemins de fer touristiques et des musées à caractère ferroviaire (UNECTO), le Coni?fer est l?un des 59chemins de fer touristiques français (chiffre 2021). 2.2 - La localisation de la collision La collision a eu lieu dans la gare de Fontaine Ronde, la dérive a commencé en amont. Fig 5 - Descriptif de la zone et identification des points de départ et d?arrivée de la dérive (source archives STRMTG modifiée) 6 Fig 6 - Vue sur la gare de Fontaine Ronde depuis l?emplacement des véhicules au départ de leur dérive (photo BEA-TT) L?écartement de la voie est au standard du réseau national, soit 1435mm. La zone est en pente de 19pourmille, excepté au niveau du quai, où la voie est en palier. 2.3 - L?exploitation de la ligne Le Chemin de Fer Touristique Pontarlier-Vallorbe est exploité par une association de type loi 1901, inscrite depuis 1993 en Préfecture. Elle est gérée par un conseil d?administration qui est composé d?un président, d?un vice-président, d?un trésorier, d?un secrétaire et de sept membres du bureau. Un règlement de sécurité de l?exploitation (RSE) prescrit les dispositions générales en vue d?assurer la sécurité des voyageurs, des personnels d?exploitation et des tiers, et de prévenir les risques d?accident ou d?incident, lors de l?exploitation de la ligne. Le RSE correspond aux orientations du Système de Gestion de la Sécurité (SGS), formellement approuvées par le préfet. Au moment de l?accident, la version en vigueur du RSE du CFTPV a été approuvée en mars 2019. Le RSE définit les fonctions de sécurité sur le Coni?fer ainsi que les opérateurs assurant ces fonctions, qui à la date de l?accident, sont: ? les conducteurs (également appelés mécaniciens): «La mission du conducteur est d?assurer la conduite d?un train en respectant les règles d?exploitation et de sécurité et d?effectuer les travaux de maintenance du train de manière journalière et périodique.» ? les agents d?accompagnement: «Outre ses missions à caractère commercial, l?agent d?accompagnement assure l?accueil et la sécurité des voyageurs dans l?emprise du chemin de fer. Il veille particulièrement au respect des consignes et règlements en vigueur3. Il assiste le conducteur dans les procédures réglementaires prévues. Il donne l?autorisation de départ du train.» 3 Le Règlement de Police de l?Exploitation s?adresse aux voyageurs et précise les règles à respecter afin d?assurer la sécurité de l?exploitation. Les voyageurs sont informés des dispositions du règlement par voie d?affichage et certaines d?entre elles leur sont rappelées verbalement par les agents d?exploitation. 7 ? le Chef de ligne: [Il] «est le responsable opérationnel du chemin de fer pour une journée déterminée. Les agents qui participent à l?exploitation sont sous son autorité hiérarchique. Il veille au respect des procédures de sécurité et d?exploitation par tous les agents. En outre, il s?assure du respect du programme quotidien de la circulation des trains. Le cas échéant, il déclenche les procédures prévues par le RSE et le plan d?intervention des secours.» Le RSE du Coni?fer de mars 2019 précise: «Les agents devant exercer les fonctions de conducteur, d?agent d?accompagnement et de chef de ligne reçoivent une formation préalablement à leur prise de fonction. L?exercice de la fonction de sécurité est subordonné à la délivrance d?une habilitation par le responsable de l?exploitation. Il est précisé que l?habilitation à la fonction de conducteur ou de chef de ligne comprend celle d?agent d?accompagnement.» Le cumul des fonctions de sécurité par les agents n?est pas autorisé dans le RSE. Au niveau national, le décret n°2017-440 du 30mars2017 modifié relatif à la sécurité des transports publics guidés fixe les règles de sécurité relative à la conception, la réalisation et l'exploitation des systèmes de transport public guidés. Un référentiel technique relatif à la sécurité d?exploitation des chemins de fer touristiques4 (RTCFT), produit par un groupe de travail réunissant la profession et le STRMTG, définit les dispositions techniques à observer pour assurer la sécurité de l?exploitation publique de réseaux de chemin de fer touristiques ou historiques. 2.4 - Les caractéristiques techniques des matériels roulants concernés par l?accident 2.4.1 - La locomotive 150Y Il s?agit d?une locomotive à vapeur BR52, aussi appelée Décapod. La Décapod est un type de locomotive à vapeur avec (de l?avant vers l?arrière) 1 essieu porteur et 5 essieux moteurs accouplés. Ce modèle a été construit par la Berliner Maschinenbau AG5 en 1943. Construites en très grand nombre à partir de 1942 pour les besoins de la guerre, la SNCF récupéra 42machines. De vitesse maximale 80km/h, sa longueur totale est 22,375m, 3,100m de large et 4,440m de haut. Sa masse totale à vide (sans fluide) est de 78,6tonnes, et de 86,5tonnes en ordre de marche (avec 75% des fluides et chaudière au niveau pour les vapeurs). Son frein automatique6 est à pression d?air et freine la locomotive ainsi que les véhicules. La Décapod dispose également d?un frein direct (ou frein moteur), qui ne freine qu?elle-même. Fig 7 - Locomotive Y150 (source JC Lengacher, Association CFTPV) 4 Ce référentiel technique du STRMTG est disponible sous: https://www.strmtg.developpement- durable.gouv.fr/referentiels-techniques-cft-et-cd-a69.html 5 La Berliner Maschinenbau AG était une entreprise de construction de locomotives, fondée en 1852 à Berlin. 6 Les freins sont dits automatiques lorsqu?ils s?appliquent d?eux-mêmes en cas d?avarie de nature à compromettre leur fonctionnement (ruptures d?attelages, fuites importantes, etc.). 8 https://www.strmtg.developpement-durable.gouv.fr/referentiels-techniques-cft-et-cd-a69.html https://www.strmtg.developpement-durable.gouv.fr/referentiels-techniques-cft-et-cd-a69.html La BR52 8163-9 est convertie en mai 1989 en locomotive non-opérationnelle destinée au chauffage des trains. Utilisée au dépôt de Cottbus puis de Berlin-Schönweide, elle est radiée le 1er janvier 1994. Elle devient propriété d?un particulier et stockée à l?atelier de Meiningen. En février 2003, elle est acquise par l?association CFTPV. Elle a été inaugurée sur le Coni?fer le 21 juillet 2018. 2.4.2 - La voiture-restaurant ?Orient-Express? La voiture-restaurant ?Orient-Express? date de 1933. Elle a roulé jusqu?en 1980 puis elle est restée à l?arrêt, garée, servant de restaurant fixe à Sospel, dans la région niçoise. Son rachat par l?association a lieu en 2009 puis elle est remise en état dans un atelier ferroviaire à Orléans: elle a été révisée entièrement avant son arrivée au Coni?fer. L?inauguration de cette voiture a lieu en février 2014. Elle fait 23,50m de longueur hors tampons, pèse 52tonnes à vide et contient des tables et banquettes. Le type de frein automatique est à pression d?air et son frein d?immobilisation7 est un frein manuel à volant. Fig 8 - Intérieur de la voiture-restaurant ?Orient-Express?, la cuisine est au fond (source Association CFTPV) 2.4.3 - Le fourgon MC76 Il s?agit d?un fourgon technique datant de 1979 et construit par ANF Industrie (devenu Alstom Crespin) qui a servi comme poids frein pour les trains d?essai de l?Agence d?Essai Ferroviaire8. Il a peu roulé (4000km de 2011 à 2015). Fig 9 - Schéma du fourgon MC76 (source SNCF Voyageurs modifiée) 7 Le frein d?immobilisation sera le terme ferroviaire repris dans l?ensemble du rapport. Dans la documentation de l?exploitant, il correspond au ??frein à main?? ou ??frein à vis??. 8 Laboratoire d?essais et expertises sur le matériel roulant ferroviaire, l?Agence d?Essai Ferroviaire est intégrée depuis 1999 à Eurailtest, groupement d?intérêt économique de SNCF Voyageurs, SNCF Réseau et la RATP. 9 Sa vitesse maximale est de 160km/h. D?une longueur de 20,000m et d?une largeur de 2,915m, monté sur deux bogies de type Y24B2, il possède 4essieux, sa masse totale à vide est de 29tonnes (34tonnes en charge). Le type de frein automatique est à pression d?air et son frein d?immobilisation est un frein manuel à volant. Fig 10 - Fourgon MC76 (photo BEA-TT) Fig 11 - Frein d?immobilisation du MC76 (photo BEA-TT) La Convention de prêt du fourgon MC76 par la SNCF Voyageurs à l?association des Chemins de Fer de Pontarlier-Vallorbe date du 5août2016. Le fourgon a été révisé avant son arrivée au Coni?fer. Fig 12 - Schéma du bogie Y24B2 (source SNCF Voyageurs) Fig 13 - Un bogie du fourgon (photo BEA-TT) 10 Avant sa mise en service au Coni?fer, l?association a apporté des modifications au fourgon ainsi que des aménagements intérieurs: isolation du compartiment pour une cuve d?eau puis mise en place de la cuve d?eau, modification de la cloison centrale, ajout d?une cloison pour séparer le côté cuisine du groupe électrogène, installation et fixation du groupe électrogène, installation du faisceau (électrique, gaz, eau), test d?étanchéité du gaz et de l?eau, modification du compartiment toilette (remplacé par un lavabo) et modification du compartiment «chef de train». En 2020, le réservoir d?air principal a été remplacé. 2.4.4 - La composition des trains Sur le Coni?fer, différentes compositions de train sont possibles dont principalement: ? une rame ??promenade?? composée d?une locomotive et des voitures voyageurs; ? une rame ??restaurant?? composée d?une locomotive et de la voiture-restaurant Orient-Express, d?un fourgon et parfois d?une autre voiture-restaurant, plus petite. La locomotive à vapeur «Tigerli» est également fréquemment utilisée: il s?agit d?une petite machine de manoeuvre qui comporte trois essieux accouplés, construite en 1910 par SLM Winterthur9 pour les Chemins de Fer Fédéraux de Suisse. Le planning des circulations de la saison d?exploitation à venir, avec les agents associés (selon leurs disponibilités), est préparé à l?avance par le responsable d?exploitation. 2.5 - Le freinage d?une locomotive et des véhicules attelés Les équipements de production d?air et de distribution (détendeur et robinet de frein) se trouvent sur l?engin moteur. Les équipements de frein (cylindre de frein et sabots) se trouvent sur chaque véhicule qui compose le train. L?ensemble du système de freinage du train est alimenté par un conduit pneumatique parcourant l?ensemble du train et reliant entre eux les véhicules par des accouplements pour assurer la continuité de cette conduite d?air (le frein est dit continu): il s?agit de la Conduite Générale (CG). La CG parcourt l?intégralité du train: c?est une conduite d?air mise sous pression, alimentée en air comprimé par la locomotive. En temps normal, lorsque les freins sont desserrés, la CG est alimentée à une pression de 5bars. La CG permet au mécanicien de commander graduellement le freinage ou le desserrage de chaque véhicule: une mise en pression commande un desserrage, une baisse de pression commande un serrage (pour un freinage de service classique, une baisse de 0,8bar permet de ralentir le train: à 4,2bars, le frein serre, à 5bars il est desserré). En cas de coupure du train en deux, la dépression générée dans la conduite freine ainsi l?ensemble des parties du train (frein automatique). Chaque véhicule est équipé d?un ou plusieurs réservoirs auxiliaires d?air comprimé (suivant le nombre d?essieux freinés du véhicule), alimentés par la conduite générale, et d?un cylindre de frein, qui est le vérin pneumatique délivrant la force de freinage au wagon. Le distributeur traduit la pression de la conduite générale en commande pneumatique de freinage au cylindre de frein, selon la commande inversée: lorsque la conduite générale est en pression, le distributeur alimente en air le réservoir auxiliaire et actionne la vidange du cylindre de frein ce qui produit un desserrage; lorsque la pression de la conduite baisse, le distributeur transmet la pression du réservoir auxiliaire au cylindre de frein et provoque le serrage. 9 SLM Winterthur était une société suisse de construction de locomotives, créée à Winterthour en 1871. Elle est désormais intégrée à l?entreprise Stadler. 11 La force de freinage du cylindre de frein est transmise par la timonerie (c?est-à-dire un système de tringles, de leviers et de bielles) aux semelles ou aux sabots de frein sur les bandages des roues. Les semelles s?appliquent sur les roues et exercent par frottement le couple nécessaire au freinage. Fig 14 - Schéma synthétique de l?alimentation en air comprimé d?une locomotive vers des véhicules Le frein d?immobilisation est un frein manuel et mécanique. Il est actionné par un volant de manoeuvre. En tournant le volant, cela entraîne la timonerie du wagon via une chaîne, des pignons, une vis, des biellettes et un levier. Ce fonctionnement sera détaillé dans la suite du rapport. 2.6 - La maintenance du matériel roulant L?association CFTPV possède diverses locomotives à vapeur, locomotives diesel, voitures voyageurs et wagons techniques. Les opérations d?entretien et de maintenance des divers matériels roulants sont réalisées selon les prescriptions du constructeur ou de l?atelier spécialisé, suivant trois périodes: journalière, mensuelle et semestrielle. Des fiches récapitulatives existent pour chaque matériel. La maintenance est réalisée principalement par les mécaniciens de l?association. Toutes ces opérations, régulières ou exceptionnelles, sont consignées sur les registres de maintenance et de suivi de chaque engin moteur ou matériel roulant remorqué. 12 3 - Compte rendu des investigations effectuées 3.1 - Le résumé des déclarations Les résumés présentés ci-dessous sont établis par l?enquêtrice technique sur la base des déclarations, orales ou écrites, dont elle a eu connaissance. Elle ne retient que les éléments qui paraissent utiles pour éclairer la compréhension et l?analyse des évènements et pour formuler des recommandations. Il peut exister des divergences entre les différentes déclarations recueillies ou entre celles-ci et des constats ou analyses présentés par ailleurs. 3.1.1 - Le mécanicien Âgé d?une quarantaine d?années, il est dans l?association depuis l?âge de dix ans: il a commencé en apportant de l?aide puis au fur et à mesure, a apporté une assistance plus poussée jusqu?à participer à la pose et dépose de voie, au graissage des locomotives et à l?amélioration esthétique des matériels. Il était en binôme avec des chauffeurs de ses douze à dix-huit ans. Ensuite, il y a une vingtaine d?années, il a été formé à la conduite diesel par un mécanicien de la SNCF et à la vapeur par un mécanicien suisse, avant de devenir mécanicien. Le samedi 4juin2022, il arrive tôt le matin sur la locomotive à vapeur pour participer à la chauffe. Vers 11h, il conduit la Décapod vers le quai et l?attelle aux deux véhicules déjà en place. Il réalise les essais de freins, tout est en ordre. C?est parfois le contrôleur10 qui réalise les essais de freins mais ce jour-là, étant donné qu?il ne s?agit que de réservations pour la voiture-restaurant, il n?y a pas de contrôleur. Le départ du train avec les voyageurs se fait à 12h. Tout se passe bien. Le train circule à une vitesse entre 15 et 20km/h. Il arrive au quai de Fontaine Ronde en voie 1 et s?arrête. Or le mécanicien s?aperçoit de la présence du wagon-citerne sur la voie 2. Cette citerne sert à l?alimentation des locomotives en gare des Hôpitaux-Neufs. Pour réaliser sa manoeuvre de remise en tête de convoi de la locomotive et pour rapatrier la citerne pleine d?eau à la gare de départ, le mécanicien décide de faire remonter le train. Il refoule donc et s?arrête au-delà de l?aiguillage d?entrée de la gare, en empiétant sur le passage à niveau (PN). Il demande au chauffeur de serrer le frein à main et de ??couper?? (c?est-à-dire dételer: enlever les raccords d?air et l?attelage). Le chauffeur part tourner le frein à main du fourgon. Pendant ce temps-là, le mécanicien va manoeuvrer l?aiguillage pour le positionner vers la voie 2. Quand il revient, le chauffeur est en train de couper l?attelage. Le mécanicien remonte dans la locomotive et une fois dételée, part en voie 2. Il franchit l?aiguillage sans difficulté puis un second aiguillage déjà bien positionné et s?arrête à l?approche du wagon-citerne. Il serre le frein à main de sa locomotive, car il pense rester longtemps à l?extérieur. Puis il est heurté et le coup le projette sur la chaudière. Par la fenêtre, il voit les wagons juste derrière la locomotive, à 50cm/1m. La locomotive n?a pas bougé. Dans le stress, il finit de serrer le frein à main de la locomotive puis il descend pour voir les dégâts. Le cuisinier lui indique qu?il faut appeler les pompiers, car il y a des blessés. Le mécanicien a des difficultés à joindre les services de secours alors il appelle le responsable d?exploitation ainsi qu?un autre membre de l?association. Mais la communication est très mauvaise. Suite à la collision, aucun voyageur ne descend de la voiture-restaurant. Sur les matériels, seul un tampon de la voiture-restaurant est fissuré, le mécanicien ne voit rien d?autre abîmé. Au ressenti ? n?ayant pas vu les véhicules et la voiture arriver, il estime le choc entre 5 et 10km/h. 10 Mission non listée dans le RSE du Coni?fer, en charge de la vérification des billets auprès des voyageurs. 13 Il indique n?avoir jamais été confronté en exploitation à devoir ramener le wagon-citerne. Avant de dételer, il rappelle qu?il faut serrer le frein à main. De ce qu?il sait, un seul suffit, celui du fourgon ou celui de la petite voiture-restaurant quand il y a trois véhicules attelés (voiture-restaurant Orient-Express, fourgon MC76 et petite voiture-restaurant). 3.1.2 - Le chauffeur Il est depuis 2000 dans l?association et a été chauffeur sur la petite locomotive Tigerli de 2004 à 2008. Il donnait également des coups de main à l?atelier. Après une longue pause, il a repris ses missions de chauffeur sur le Coni?fer en mai 2022. Il est arrivé à 5h pour allumer la locomotive, effectuer le graissage et d?autres réglages. À 11h, la locomotive est amenée en gare des Hôpitaux-Neufs où le mécanicien attelle la locomotive aux véhicules et réalise les essais de freins. En tant que chauffeur, il s?occupe du feu. À midi, tous les clients sont dans le train. Le trajet se passe bien, la pression est bonne, le mécanicien ne fait pas de remarque particulière. À Fontaine Ronde, le train se place au niveau du quai voie1. Mais le wagon-citerne est en voie2. Il va falloir remonter. Ils ont donc refoulé et se sont arrêtés au-dessus de l?aiguillage, environ 3mètres après. Le chauffeur descend pour aller décrocher l?attelage. Cela consiste à: serrer le frein à main, fermer le robinet d?air du fourgon puis fermer celui qui vient de la locomotive, séparer la conduite générale et enlever l?attelage mécanique. Une fois ces actions réalisées, le chauffeur sort de l?attelage et il dit au mécanicien que c?est bon. Le mécanicien fait partir la locomotive. Le chauffeur reste quelques secondes statique le long de la voie, au niveau des tampons du fourgon, puis part en direction de la locomotive pour aider le mécanicien sur la manoeuvre à venir avec la citerne. Au moment où il se trouve entre les deux aiguillages, il entend du bruit, se retourne et voit les deux véhicules en dérive. Alors, il court et monte dans le fourgon. À l?intérieur, il serre de toutes ses forces le frein à vis, il donne alors deux tours de plus. Il est dans le compartiment du frein à vis lorsque le choc a lieu, il a quelques contusions. Les pompiers sont appelés, le responsable d?exploitation est contacté. Les voyageurs sont choqués mais calmes. L?action sur le frein à vis ne lui semble avoir eu aucun effet sur la vitesse des véhicules. Et le bruit était pour lui celui d?un roulement non pas d?un glissement des roues sur le rail. Il indique n?avoir jamais décroché ces deux véhicules à cet endroit-là. 3.1.3 - Le cuisinier Le cuisinier est arrivé vers 8h30-9h et il commence à préparer le repas dans la cuisine de la voiture-restaurant. Deux autres personnes sont à la conduite et deux autres au service. Il n?apporte aucune aide aux deux agents à la conduite que ce soit pour la manoeuvre de refoulement ou tout autre manoeuvre (départ du train, aiguillage, etc.) car il n?est pas qualifié pour, et il est bien occupé en cuisine. Il n?avait pas de radio (talkie-walkie) avec lui ce jour-là - il peut lui arriver d?en avoir une parfois. Les clients ont mangé les entrées pendant le parcours des Hôpitaux-Neufs vers Fontaine Ronde. Quand ils arrivent à Fontaine Ronde, les deux serveuses sont en train de débarrasser les assiettes. Le cuisinier reste dans la cuisine et commence la vaisselle. Ensuite ils prévoyaient d?envoyer les plats. Il ne voit pas grand-chose de l?extérieur depuis son espace de cuisine. Toutefois quand la voiture-restaurant se remet à rouler, cela lui paraît bizarre. Au moment du choc, il est toujours dans la cuisine. La vaisselle et les casseroles tombent au sol. Il part vite voir dans la voiture-restaurant, à la suite des serveuses: des personnes sont blessées. 14 Il sort de la voiture-restaurant pour joindre les pompiers: via le 18 la communication était mauvaise, via le 112 il a pu les joindre et leur donner les indications nécessaires. Il reste à l?extérieur sur le site au cas où les pompiers le rappelleraient. Il n?y a pas d?affolement de la part des voyageurs ni du personnel. Les pompiers et les gendarmes arrivent. 3.2 - Le parcours du convoi et de la dérive 3.2.1 - Le cas habituel: la manoeuvre «classique» en gare de Fontaine Ronde Sans la présence de la citerne, le mécanicien serait resté en voie1 comme initialement puis aurait dételé la locomotive et lui aurait fait faire tout le tour de la gare via l?aiguillage en sortie puis via les deux aiguillages (Aig2 puis Aig1) en entrée de gare pour repositionner la locomotive devant les véhicules. Fig 15 - Succession de mouvements de la locomotive (en bleu) pour effectuer le retournement «classique» en gare de Fontaine Ronde, afin de la repasser en tête du convoi Temporellement, à la gare de Fontaine Ronde, les trains font tous une halte conséquente, allant d?environ une demi-heure à deux heures de pause. Il s?agit de permettre aux voyageurs d?aller voir la source (rame ??promenade??) ou de manger le plat principal (rame ??restaurant??). À noter que la voie3 de la gare de Fontaine Ronde n?est pas exploitable actuellement. 3.2.2 - L?enchaînement chronologique de la manoeuvre ayant conduit à la dérive Les mouvements du train puis de la locomotive et enfin la dérive des véhicules le 4juin2022 sont représentés de façon chronologique dans les schémas ci-dessous. Fig 16 - Arrivée du convoi à proximité de la gare de Fontaine Ronde Fig 17 - Arrivée du convoi sur le quai de la gare en voie 1. Les voyageurs ne sont pas invités à descendre de la voiture ??Orient-Express?? 15 Fig 18 - Refoulement du convoi avec les voyageurs, jusqu?au niveau du PN4A (passage à niveau de seconde catégorie - avec croix de saint André), en dégageant l?aiguille Aig1 Fig 19 - Après dételage des véhicules, départ de la locomotive en direction du wagon-citerne. Elle emprunte l?aiguillage Aig1 dont la position a été changée, puis l?aiguillage Aig2 qui est toujours positionné en voie déviée droite Fig 20 - La locomotive s?arrête devant la citerne, les véhicules ont commencé leur dérive Fig 21 - Les véhicules empruntent les aiguillages Aig1 puis Aig2, comme la locomotive Fig 22 - Les véhicules entrent en collision avec la locomotive arrêtée 16 Si tout s?était bien passé, il nous a été expliqué que le parcours des matériels aurait été le suivant: Fig 23 - Situation initiale ? sans dérive Fig 24 - Si pas de dérive: refoulement avec le wagon-citerne, ré-attelage et repositionnement en voie 1 Fig 25 - Si pas de dérive: dételage de la locomotive des 2 véhicules puis tour complet de la gare via aiguillage de sortie, Aig2 et Aig1, et enfin repositionnement à l?avant du convoi 17 3.2.3 - La vitesse des véhicules au moment du choc Le matériel roulant ne disposant pas de bande graphique, il s?agit d?estimer la vitesse du choc. La voie concernée présente une rampe de 19? soit 1,9%. étant donné les descriptions du point de départ et le point de choc, les véhicules ont parcouru 122mètres depuis le point de dételage (100mètres depuis l?aiguille Aig1 et les 22mètres de la Décapod). Leur vitesse initiale en haut de la rampe est nulle. Fig 26 - Distance parcourue par les véhicules en dérive (source Geoportail ? les wagons présents sur cette image vue du ciel sont stationnés en voie 3) En supposant que la résistance de l?air et la résistance au roulement sont négligeables et que les véhicules roulent sans glisser dans la pente et en prenant l?hypothèse que la force de retenue du frein d?immobilisation (à vis) réellement appliquée était nulle, au bout des 122mètres leur vitesse «vf» est égale à: (vf)²=2.g.h + v0² (avec g = 9,8m.s-2, v0 = 0 et h = dénivellation = 1,9%x122m) vf=6,7m/s soit 24km/h. L?association a renouvelé un essai grandeur nature, au mois d?août 2022. Le STRMTG et le BEA-TT n?en ont pas été prévenus. La vitesse atteinte depuis le lieu de départ de la dérive jusqu?au lieu du choc lors de cet essai aurait été 8km/h. L?hypothèse des frottements nuls est probablement loin d?être vraie dans ce cas, et ce d?autant plus qu?un frein était actionné. L?essai in situ est le plus représentatif des conditions réelles. La connaissance de la vitesse exacte lors du choc n?a pas de conséquence sur la suite des investigations, les dégâts matériels visibles étant faibles. 3.3 - Les circulations du chauffeur depuis son retour à l?association Le chauffeur a été habilité le 15 avril 2022. À noter qu?à son départ 14 ans plus tôt, la Décapod 150Y n?était pas encore arrivée au Coni?fer, il avait conduit sur la locomotive vapeur Tigerli qu?il connaît bien. Depuis son retour en début d?année 2022, les fiches de circulation indiquent que le chauffeur a effectué les parcours suivants: ? 8 trajets en février et mars 2022 sur des locomotives diesel; ? 6 trajets en avril 2022 sur des locomotives diesel; ? le 8/05/2022: deux allers-retours avec la 150Y, l?un en rame ??promenade?? et l?autre en rame ??restaurant??, avec le responsable matériel roulant comme mécanicien; ? le 4/06/2022: le trajet de l?accident avec la 150Y en rame ??restaurant??; ? le 5/06/2022: un aller-retour avec la 150Y en rame ??restaurant??; 18 ? le 18/06/2022: un aller-retour avec la 150Y en rame ??promenade??; ? puis de nombreux allers-retours avec la 150Y en rame ??promenade?? en juillet, août et septembre ainsi qu?un aller-retour avec la 150Y en rame ??restaurant??, un aller-retour avec la Tigerli. Sur les parcours précédant celui du 8/05/2022, sa présence à bord de la locomotive 150Y pour sa formation n?est pas indiquée. Avant l?accident du 4juin, il avait donc effectué 2circulations aller-retour avec la locomotive 150Y en tant que chauffeur habilité. Avant la circulation ayant conduit à l?accident, le chauffeur n?a ainsi eu que peu d?expérience dans cette locomotive, et n?a fait qu?une seule circulation avec le fourgon MC76 et la voiture-restaurant ??Orient-Express??. Après l?accident, il a réalisé 19allers-retours avec la locomotive 150Y. 3.4 - Les procédures d?immobilisation dans le RSE La procédure d?immobilisation des véhicules dans le RSE du Coni?fer (version en vigueur le 4juin2022) est décrite dans le paragraphe 4.2.2.4: «Cette procédure concerne les endroits où le risque de dérive est potentiellement présent : compte tenu du relief, toute la pleine ligne de la sortie de la gare des Hôpitaux-Neufs à l?étang dit «du Touillon» dans un sens de pente et de cet étang jusqu?au terminus de Fontaine-Ronde dans l?autre sens de pente. Le conducteur et l?agent d?accompagnement doivent prendre les mesures nécessaires pour que les véhicules seuls, les rames ou les parties de train en stationnement au cours ou après une manoeuvre, ne puissent être mis accidentellement en mouvement par leur propre poids sur une pente, par l?action du vent, par un choc, etc. Afin d?éviter toutes dérives, les rames ou véhicules stationnant au cours d?une manoeuvre ou à la fin de celle-ci sur les voies de circulation, les voies d?évitement ou les voies de service, doivent être immobilisés dans les conditions suivantes: ? Rame ou véhicule freiné durant la manoeuvre au frein automatique continu : le serrage d?un frein est requis dès lors que la rame est laissée sans surveillance. ? Autres cas: serrage d?un frein à main ou mise en place d?une cale anti-dérive sur la rame ou sur chaque véhicule isolé. Les véhicules à immobiliser sont, si possible, accrochés entre eux. Le frein à main doit être desserré ou la cale anti-dérive retirée avant la mise en mouvement du véhicule ou de la rame.» Et à la fin du chapitre 8 ??Manoeuvres??, il est indiqué: «Compte tenu des déclivités existantes sur ces deux sites, les véhicules doivent être immobilisés (frein à air, frein à vis ou cales selon le cas) lorsqu?un engin moteur n?est plus attelé à la rame.» Dans les parties citées, les phrases en gras indiquent que l?immobilisation de véhicule(s) se fait par un moyen d?immobilisation au choix: frein à air, frein d?immobilisation (à vis) ou cales. La vidange de la conduite générale (frein à air) n?est donc pas obligatoire. Les cas distinguant les mesures à adopter ne sont pas mentionnés. Pour rappel, la pratique telle que décrite par les opérateurs dans leurs témoignages était la suivante: arrêter le train, serrer le frein à main dans le fourgon, passer dans l?attelage pour fermer le robinet d?air du fourgon puis fermer celui qui vient de la locomotive, séparer la conduite générale et enlever l?attelage mécanique avant de ressortir de l?attelage et autoriser la locomotive à partir. 19 3.5 - Le fonctionnement du frein d?immobilisation du fourgon MC76 Au cours de l?enquête, aucune documentation sur le fourgon MC76 n?a pu être fournie par l?exploitant. La convention de prêt avec SNCF Voyageurs n?est accompagnée que d?une fiche succincte de maintenance du fourgon. Par contre, les investigations auprès du propriétaire-prêteur ont été fructueuses. Et sur le terrain, le fonctionnement et la mécanique de ce frein ne sont pas connus du personnel du Coni?fer. Le frein d?immobilisation est un frein manuel et mécanique. Il est actionné par un volant de manoeuvre. En tournant le volant, cela entraîne la timonerie du wagon via une chaîne, des pignons, une vis, des biellettes et un levier. En poussant la timonerie, une force est exercée mécaniquement sur les sabots de freins. Le bon fonctionnement du frein d?immobilisation requiert une dépression préalable de la conduite générale. En effet, le pré-positionnement de l?embiellage (timonerie) viendra confirmer l?action sur le ??frein à vis??. Toutefois, les véhicules n?étaient pas au serrage maximal. On peut supposer que le mécanicien n?a mis que le premier palier d?efforts lors du freinage pour l?arrêt après le refoulement. Le mécanicien a pu freiner sans purger la conduite, en supposant qu?il ait utilisé le robinet du frein automatique: cela serre quelque peu les freins des véhicules mais sans produire un freinage maximal. Il est aussi possible qu?il ait utilisé le frein direct de la locomotive du fait du parcours en rampe sans utiliser le frein automatique et que les véhicules soient ainsi restés desserrés. Comme la conduite n?a pas été purgée par le chauffeur, le distributeur ne transmet pas la pression du réservoir auxiliaire au cylindre de frein: cette force s?opposant à celle exercée par le volant, les sabots ne sont pas appliqués sur les roues. Dès lors un effort important sur le volant n?est pas nécessairement synonyme de freinage ??à fond??: une fois le «point dur» atteint, il est possible en tournant très fort d?atteindre finalement la butée après de nombreux tours de volant, mais ceci est physiquement très difficile pour obtenir un serrage efficace. Le témoignage du chauffeur qui a effectué deux tours supplémentaires sur le volant lors de la dérive indique que le volant n?était initialement pas tourné jusqu?à la butée. Au dételage, le chauffeur ferme le robinet d?air du wagon, ce qui maintient une pression dans la conduite générale, donc le frein n?est pas actif. Fig 27 - Schéma depuis le volant de manoeuvre jusqu?à la commande de la timonerie (source SNCF) Fig 28 - Schéma de la timonerie vers les sabots de frein (source SNCF) Fig 29 - Schéma des équipements pneumatiques du fourgon MC76 (source SNCF) 20 Dans le cas du MC76, le frein d?immobilisation ? une fois tourné au maximum ? ne freine qu?un seul essieu sur les quatre du fourgon. De façon générale, un frein d?immobilisation seul ne garantit pas le maintien du véhicule en pente. De façon globale concernant le convoi de l?accident, il ne serait pas en capacité d?immobiliser deux véhicules (huit essieux donc) d?un total de 81tonnes à vide, arrêtés dans une pente de 19mm/m. À noter que purger la conduite générale au moment du dételage n?aurait pas fait perdre de temps, en fermant le robinet côté locomotive et en ouvrant celui côté véhicules. Et au ré-attelage, il faut de toute façon attendre quelques minutes que la conduite générale remonte à 5bars pour le convoi complet. Or, comme dit précédemment, à la gare de Fontaine Ronde, les trains font une halte allant d?environ une demi-heure à deux heures. Nous ne considérons donc pas le gain de temps comme raison à la non-pratique de la purge de la conduite générale lors de l?immobilisation. 3.6 - Les actions engagées suite à l?accident du 4 juin 2022 3.6.1 - Les actions réalisées par l?exploitant Depuis l?accident du 4 juin 2022, des actions ont été réalisées: ? Une reprise en formation des mécaniciens et chauffeurs (disponibles à la date) a eu lieu un samedi début juillet 2022, soit un mois après l?accident. Les contrôleurs et les chefs de ligne ont reçu une remise à niveau. Ces formations n?ont pas été tracées: ni le contenu ni les participants n?ont pu nous être formellement listés, et les dates ne sont pas claires dans les témoignages. ? Le RSE a été modifié afin d?ajouter la fonction de sécurité du chef de train, celle d?agent de manoeuvre ainsi que l?évolution de la procédure d?immobilisation des trains: «Tous les trains doivent comporter un chef de train, qui doit se positionner dans la rame afin de s?assurer de la sécurité des voyageurs et d?être en capacité de contrôler le respect des procédures de manoeuvres, et en particulier de la procédure d?immobilisation des véhicules (cf. §3.2.2.4).» «Agent de manoeuvre: Son rôle est de coordonner les manoeuvres et de guider les agents dans leurs déplacements. L?agent de manoeuvre peut être le chef de train, le chauffeur, le mécanicien ou l?agent d?accompagnement.» «Afin d?éviter toutes dérives, les rames ou véhicules stationnant au cours d?une manoeuvre ou à la fin de celle-ci sur les voies de circulation, les voies d?évitement ou les voies de service, doivent être immobilisés dans les conditions suivantes: o Rame ou véhicule freiné au frein automatique continu : vidange complète de la conduite générale, maintien d?un robinet CG d?extrémité ouvert, serrage à fond d?au moins un frein à vis et mise en place d?une cale anti dérive dans le sens de la pente. o Autres cas : serrage à fond de tous les freins à vis disponibles et mise en place d?une cale anti-dérive par véhicule dans le sens de la pente.» Le nouveau RSE, incluant la clarification des fonctions, est prévu d?être soumis au préfet par l?exploitant pour instruction et approbation. Au moment de la publication de ce rapport, cela n?a pas encore été effectué. ? La fiche de circulation a été améliorée avec l?ajout de l?identification du chef de train. ? La formation initiale des chefs de train a été complétée. ? Un tableau de suivi des habilitations aux fonctions de sécurité et des visites médicales a été créé. 21 3.6.2 - La visite de contrôle du STRMTG Une visite de contrôle a été réalisée le 24 août 2022 par le Bureau Nord-Est du STRMTG dans le cadre d?une visite régulière (tous les deux ans). Une attention particulière a été portée à l?organisation de l?exploitation en matière de gestion de la sécurité (répartition des tâches et des fonctions opérationnelles, formalisation des procédures et gestes métier, gestion des manoeuvres, etc.) suite à l?accident du 4 juin 2022. Des observations ont été faites par les agents du STRMTG à l?issue 1/ de leur examen de documents réglementaires et 2/ de leur participation à une circulation. Lors de la circulation, le convoi se composait de la locomotive 150Y et de 8 véhicules dont deux panoramiques. Lors des essais de frein, préalables au départ du convoi, les agents du STRMTG ont constaté que les freins d?un wagon étaient inopérants, ainsi que les freins d?un des essieux d?un wagon panoramique en avant-dernière place du convoi. Le chef de train procédant au contrôle des freins a indiqué les causes des isolements de ces freins. Le référent sécurité/responsable d?exploitation également présent a indiqué que les wagons non freinés ne se situaient pas en fin de convoi. Le STRMTG a constaté que la réponse était insuffisante quant à l?évaluation des risques et à la vérification du respect du Référentiel Technique des Chemins de Fer Touristiques (RTCFT). En effet, une vérification est nécessaire pour s?assurer que la proportion maximale tolérée de véhicules non freinés est compatible avec le référentiel en prenant en compte la masse totale de la rame hors engin tracteur et la pente maximale de la ligne. Après vérification de la masse tractée freinée, au regard de la pente maximale, le convoi était dans les conditions réglementaires d?exploitation. De plus, lors de cet essai de frein, il n?a pas été procédé à la vidange complète de la conduite générale. Le serrage de tous les essieux a été contrôlé. Sans préjuger de la bonne réalisation de l?essai complet lors de la composition de la rame, rappel est fait qu?au commencement de chaque journée d?exploitation, une vidange complète de la conduite générale doit être faite en ouvrant la vanne à l?arrière du dernier véhicule. Puis, après avoir positionné le robinet de frein automatique sur marche, un contrôle du retour effectif de l?air à l?arrière du dernier véhicule doit être effectué avant de refermer la vanne, puis d?attendre la remontée en pression dans la conduite générale et enfin de contrôler le desserrage de tous les essieux. Le chauffeur concerné, nouvellement habilité le 15 juillet 2022, avait jusque-là peu pratiqué, ayant plus regardé faire les mécaniciens. En situation stressante de contrôle, ses connaissances se sont avérées ne pas être assez robustes: les actions à mener n?étaient pas concrètement intégrées, il n?avait pas d?automatisme sur ce sujet de sécurité. Une formation solide avec une vérification des connaissances in situ devrait corriger cet écart. Suite à l?accident du 4juin, un renforcement de la fonction de chef de train était attendu pour contrôler le bon respect des opérations de dételage lors des manoeuvres de l?engin tracteur. À Fontaine Ronde, les opérations de dételage sont réalisées par le chauffeur. Celui-ci commence par serrer le frein manuel d?immobilisation du wagon de tête puis positionne la cale. À la demande des agents du STRMTG, il crée une dépression dans la conduite générale. Ils font remarquer que le serrage par dépression doit intervenir préalablement au serrage manuel du frein d?immobilisation. Ce jour-là, le chauffeur n?a pas acquis les actions à mener et le chef de train qui supervisait, n?a pas encore assimilé cet aspect de sa fonction. Le STRMTG conclut que le retour d?expérience à la suite de l?accident du 4juin2022 n?est pas encore traduit par l?adoption et le respect de procédures. La nouvelle procédure d?immobilisation de la rame n?est pas encore maîtrisée par tous. Un effort est attendu pour donner à la fonction de chef de train sa dimension de second regard sur les opérations de dételage de la locomotive. 22 Le STRMTG émet donc des prescriptions à l?issue de sa visite portant sur le RSE, la traçabilité documentaire, le suivi des habilitations, la formation des agents ayant des fonctions de sécurité, la vérification de la proportion maximale des véhicules non freinés, la procédure de dételage, la bonne intégration des missions du chef de train. Des réponses doivent être apportées à chacune et seront suivies par le STRMTG. 23 3.7 - Les conclusions sur les constats immédiats Le samedi 4juin2022 à midi, la locomotive à vapeur Décapod 150Y quitte la gare des Hôpitaux-Neufs. Elle remorque deux véhicules: un fourgon MC76 et une voiture-restaurant ??Orient-Express??. Le train est conduit par un mécanicien assisté d?un chauffeur, et dans la voiture-restaurant se trouvent un cuisinier et deux serveuses. Une trentaine de voyageurs sont à bord. À 12h30, le convoi atteint sans encombre la gare de Fontaine Ronde. À la gare, une manoeuvre du train est effectuée pour intégrer un wagon-citerne au convoi: arrivé en voie1, le train refoule avec le mécanicien et le chauffeur dans la locomotive (il n?a pas été identifié d?agent ayant accompagné le mouvement du train). Puis il s?arrête après avoir dégagé l?aiguillage Aig1. Le fourgon et la voiture-restaurant n?ont très probablement pas été freinés au cours de cet arrêt, ou très peu ? par simple léchage des sabots de frein, le convoi étant en train de monter: l?effort de freinage nécessaire pour amener le convoi à une vitesse nulle est très faible, le freinage seul de la locomotive a pu être suffisant. Tandis que le mécanicien manoeuvre l?aiguillage, le chauffeur désaccouple la locomotive de ses deux véhicules. Le chauffeur serre le volant du frein d?immobilisation mais très certainement pas jusqu?à la fin de serrage constituée par le contact des semelles contre les roues et le rattrapage de tous les jeux: de l?air étant encore présent sous pression dans la conduite générale, les sabots de frein sont maintenus ouverts. Le chauffeur arrête de tourner le frein d?immobilisation quand il rencontre une résistance ? très probablement les sabots de frein ouverts, via la timonerie. Puis le chauffeur se positionne entre la locomotive et le fourgon, il ferme le robinet d?air du fourgon puis ferme celui qui vient de la locomotive, il sépare la conduite générale et il enlève enfin l?attelage mécanique. Une fois ces actions réalisées, il sort de l?attelage et dit au mécanicien que c?est bon. Le mécanicien met en mouvement la locomotive en direction de la voie2 et l?arrête à proximité du wagon-citerne. Resté sur la plate-forme, le chauffeur se déplace à pied en direction de la locomotive et du wagon-citerne afin d?aider le mécanicien. Peu de temps après, il entend du bruit derrière lui et se retourne: il voit les deux véhicules en dérive. En effet, quand la locomotive 150Y part, elle laisse seuls les deux véhicules dans la pente à 19?, insuffisamment freinés et sans surveillance. Alors, le chauffeur court et monte à bord du fourgon MC76. Il resserre le volant du frein d?immobilisation en effectuant deux tours supplémentaires, preuve que ce volant n?était pas tourné jusqu?au bout. Au bout d?environ 120mètres de dérive, les véhicules rattrapent la locomotive et la percutent: le choc a lieu à une vitesse estimée entre 5 et 10km/h. La cause première de la collision par dérive puis rattrapage de la locomotive par le fourgon et la voiture-restaurant est la mauvaise immobilisation des deux véhicules, c?est-à-dire sans freinage par vidange de la conduite générale ni pose de cales. L?élément déclencheur de la dérive est la présence d?une pente importante à l?endroit de la manoeuvre de dételage. Cela est dû à la méthode utilisée pour l?immobilisation et le dételage par le chauffeur. L?absence de vidange de la conduite générale a empêché le plaquage des sabots de frein sur les roues sur l?ensemble du convoi. Le serrage partiel du frein d?immobilisation du fourgon n?a pas exercé une force suffisante sur l?application des sabots de frein (si tant est que son serrage effectif sur un seul essieu du fourgon aurait été suffisant) pour retenir les deux véhicules dans la pente. La recherche des causes sous-jacentes à l?origine de cette situation nous conduit à approfondir les investigations en premier lieu sur la manoeuvre d?immobilisation et de dételage des véhicules, mais également sur les moyens d?arrêter une dérive et sur les agents de l?association ayant une fonction de sécurité, et enfin sur la gestion de la sécurité au sein de l?exploitant. 24 3.8 - Les investigations sur la manoeuvre d?immobilisation et de dételage ? et autres manoeuvres Plusieurs manoeuvres ont été évoquées dans les témoignages, à savoir en premier lieu le dételage, au coeur de l?accident du 4 juin, mais également la manoeuvre de refoulement et nous avons également découvert la manoeuvre à la gravité. 3.8.1 - Les règles en vigueur le jour de l?accident Le Règlement de Sécurité de l?Exploitation du CFTPV indique les rôles et les règles à suivre au cours des circulations de train sur la ligne. Les documents auxquels il est fait référence à l?article 3.5 ??Documentation relative à la sécurité mise à leur disposition??: «Un ensemble de règles et procédures d?exploitation sont validées par l?exploitant. Elles précisent les tâches à effectuer par les agents et sont à leur disposition». Ces règles à disposition des agents correspondent aux dossiers d?entretien de matériels, au manuel de conduite d?un locotracteur diesel et au règlement de police de l?exploitation (pour les voyageurs). Nous considérons donc que le RSE est autoporteur en l?absence d?autres procédures et les indications formelles à destination des agents d?exploitation se trouvent uniquement dans le RSE. Les règles associées à la réalisation des manoeuvres sont donc uniquement décrites dans le RSE du Coni?fer aux § 6.3 ??Signaux de manoeuvre?? et § 8 ??Manoeuvres??. 3.8.2 - Le dételage Les actions à mener pour un dételage ne sont pas indiquées dans le RSE. Dans la pratique, tous les agents interrogés sur le process d?avant l?accident conviennent de l?ordre suivant des actions à entreprendre par l?agent en charge de dételer: ? descendre de la locomotive; ? monter dans le fourgon pour tourner le frein à main et s?arrêter quand ça force; ? descendre du fourgon et se positionner entre l?attelage de la locomotive et du fourgon; ? fermer les deux robinets d?air puis séparer les demi-accouplements de la conduite générale; ? dételer la manille du crochet d?attelage; ? sortir et indiquer au mécanicien que le dételage est réalisé / ou remonter dans la locomotive pour la mettre en mouvement. La conduite générale n?est donc pas vidangée: de ce fait, le frein de service n?est pas bien serré et le serrage du volant du frein d?immobilisation est bien plus difficile. De plus, la ou les cale(s) ne sont pas installée(s). Les cales nous ont été décrites comme étant utilisées pour les trains de travaux destinés à stationner sur de longues durées. Pour information, le fourgon étant propriété de SNCF Voyageurs et donc avant son prêt, son exploitation suivait le référentiel ??Manoeuvres?? de la SNCF Voyageurs (IN1683, remplacée par le référentiel EPSF ??Sécurité des circulations ? Mouvements de manoeuvre?? (RC A-B 8 n° 1)) indiquant que «la partie du train séparée de l?engin moteur et non manoeuvrée (queue de train en stationnement au cours de la desserte par exemple) est immobilisée en ouvrant un robinet d?arrêt de la conduite générale jusqu?à vidange complète de cette dernière et en plaçant une cale anti-dérive ou en serrant un frein à main sur un véhicule au moins». La proportion des essieux à caler ou à freiner est donnée dans un tableau: avec une déclivité réelle supérieure à 16mm/m sans dépasser 25mm/m, la proportion minimale des essieux à immobiliser est de 2/10 des essieux. Le référentiel précise également: «Lorsqu?un agent effectue un attelage ou un dételage au 25 cours d?une manoeuvre, il doit prendre les mesures pour que les véhicules ne puissent partir en dérive lors de l?opération». Ainsi en cas d?immobilisation, la conduite générale est complètement vidangée et au moins 2 cales anti-dérive sont installées tous les 10essieux. Il s?agit ici d?une indication quant à la pratique sur le RFN. Le RTCFT ne mentionne pas de règles quant à l?immobilisation ou au dételage de véhicules. Les témoignages nous indiquent que ces actions sont réalisées soit par le chauffeur soit par le mécanicien, selon les affinités. Dans les attestations d?habilitation de ces deux agents exerçant ces fonctions de sécurité, la liste des tâches pour lesquels ils ont été évalués n?identifie pas spécifiquement le dételage. Fig 30 - Grille d?habilitation d?un chauffeur en date de septembre 2021 (source CFTPV) 26 Bien que les deux sujets suivants ne soient pas en lien direct avec la cause de l?accident, ils soulèvent des interrogations quant aux facteurs contributifs de cet accident et de façon globale, des questions de sécurité en lien avec les règles d?exploitation. 3.8.3 - Le refoulement Dans le RSE du CFTPV, il est indiqué: «L?attention des agents est attirée sur le fait qu?un refoulement de plus d?un véhicule ne peut se faire qu?avec un agent de manoeuvre accompagnant le mouvement muni d?une radio et/ou d?un sifflet et d?un drapeau et/ou d?une lanterne et donnant au mécanicien le signal «REFOULEZ» pendant toute la durée du mouvement. Ce signal peut être donné par un échange de message radio. Le signal d?arrêt est donné soit par la présentation du drapeau rouge déployé, d?un petit disque rouge ou d?un damier blanc et rouge ou d?un feu rouge la nuit, à défaut par les bras agités de toute leur hauteur ou, de nuit par le feu d?une lanterne vivement agitée ou encore une série de coups de sifflet brefs stridents. L?utilisation d?un signal radio peut être utilisé dans le cas où les agents sont équipés de ce dispositif.» Le Règlement Technique des Chemins de Fer Touristiques (RT CFT) indique: «Refoulement : Inversion du sens de marche du train sans remise en tête de l'engin moteur. Un refoulement doit être guidé par un agent placé en tête du convoi et disposant de la capacité permanente de provoquer l?arrêt du train et d?user de l?avertisseur sonore. Le cumul de fonctions pour l?agent placé en tête et assurant le pilotage du train ne peut être validé que par le responsable de l?exploitation, après examen des conditions d?exploitation, (passage de PN, communication avec le conducteur, vitesse, nombre de véhicules?).» Le refoulement doit obligatoirement être réalisé avec un agent en tête de train [dans le sens de circulation] afin de couvrir le risque de déraillement ou de heurt avec tout obstacle sur la voie. Au travers des témoignages, il n?a pas pu être identifié d?agent ayant accompagné le mouvement lors du refoulement. La procédure, indiquée dans le RSE, n?a pas été respectée. 3.8.4 - La manoeuvre à la gravité Au cours de nos échanges avec d?autres agents de l?association, il ressort de plusieurs témoignages une pratique occasionnelle dite de «manoeuvre à la gravité». Les manoeuvres à la gravité consistent à abandonner des véhicules sur une pente qu?ils descendent afin de se répartir sur les diverses voies d?un faisceau. Ici il s?agit, dans le cas particulier de l?occupation de la voie2 à Fontaine Ronde, donc en cas d?impossibilité de l?utiliser pour effectuer le retournement de la locomotive (cf.figure15), de dételer la locomotive des véhicules, de faire partir la locomotive en voie2 puis de faire descendre les véhicules en dosant le freinage via le volant du frein d?immobilisation. L?ensemble de cette manoeuvre se ferait, selon leurs déclarations, sans voyageur à bord. La conduite générale est gardée à une pression de 5bars pour ne pas freiner les essieux et pouvoir appliquer un freinage d?urgence au cas où, en vidant la conduite générale. Un agent devrait se trouver à proximité d?une manette de freinage d?urgence. Cette manoeuvre à la gravité n?est pas indiquée dans le RSE. 27 La manoeuvre complète à la gravité à Fontaine Ronde telle qu?elle nous a été décrite peut s?illustrer par l?enchaînement suivant. Fig 31 - Début de la manoeuvre: dételage avec la CG gardée à 5bars dans les véhicules, freins serrés via le volant du frein d?immobilisation (tourné jusqu?au bout) Fig 32 - La locomotive se dirige en voie2 Fig 33 - La locomotive s?arrête en voie2 et après manoeuvre de l?aiguillage Aig1, les véhicules sont descendus en voie1 Fig 34 - Les véhicules sont arrêtés au quai en voie1 Fig 35 - La locomotive revient en amont d?Aig1 (préalablement bougé) et s?arrête en dégageant l?aiguillage 28 Fig 36 - L?aiguillage Aig1 est remis en position voie directe: la locomotive circule en direction de la voie 1 et s?arrête à proximité des véhicules Fig 37 - La locomotive et les véhicules sont de nouveau attelés La méthode (non prévue par le RSE du Coni?fer) ressemble à ce qui a été mis en oeuvre, partiellement, le jour de l?accident, notamment par le fait que la conduite générale n?a pas été vidée. Cette pratique de manoeuvre à la gravité pourrait avoir créé une habitude inadéquate chez les agents. Toutefois, dans une manoeuvre à la gravité, un agent doit se trouver à proximité du freinage d?urgence et doit savoir l?actionner au plus tôt. Le jour de l?accident, personne ne se trouvait à proximité de ces manettes, qui n?ont pas été utilisées. Étant donné l?existence de la manoeuvre à la gravité, qui présente un gain de temps et un gain de manoeuvres intéressants, nous ne pouvons exclure que la manoeuvre espérée le 4 juin 2022 ait été la suivante: Fig 38 - Parcours possible des matériels, impliquant une manoeuvre à la gravité Bien noter que sur le réseau ferré national (RFN), cette manoeuvre à la gravité est, en général, exécutée dans des chantiers spécialement aménagés, avec des conditions d?utilisation des installations locales (bosses de débranchement, freins de ralentissement au sol, etc.), avec certains types de véhicules autorisés ou soumis à des précautions spéciales, ainsi qu?avec des précautions à prendre. Ces conditions très spécifiques décrivent des situations sans voyageurs, concernant des wagons de fret. 29 3.8.5 - Synthèse La façon d?immobiliser et de dételer, prévue par le RSE et pratiquée par les opérateurs, pose une difficulté: les sabots des véhicules ne sont pas garantis d?être plaqués sur les roues. Or le freinage doit être assuré pour réaliser l?immobilisation d?un convoi et la seule façon de l?obtenir est de purger la conduite générale. En ne purgeant pas la conduite générale, les sabots de frein sont maintenus ouverts. Tourner le frein à vis trouvera une résistance au moment où la commande de la timonerie va venir appuyer sur les sabots et cette résistance (point ??dur??) ne correspond pas à la butée du volant, les sabots ne sont donc pas plaqués sur les roues. De plus, le frein d?immobilisation, utilisé ici pour immobiliser le convoi de deux véhicules, a une action uniquement sur un essieu du fourgon. Si la CG avait été purgée, l?agent aurait eu à faire un certain nombre de tours «à vide», puis des tours actifs où l?on rattrape les jeux de tringlerie jusqu?à bloquer les roues. Les pratiques de refoulement et de manoeuvre à la gravité seront analysées en détail dans un paragraphe ultérieur traitant de la gestion de la sécurité. 30 3.9 - Les investigations sur les moyens d?arrêter une dérive 3.9.1 - Le freinage d?urgence Le freinage d?urgence ouvre immédiatement la conduite générale des véhicules (purge immédiate de la conduite générale) et ainsi exerce un effort de freinage maximal sur l?ensemble des bogies. Dans le RT CFT, il est indiqué que «sous l?autorité du chef d?exploitation, le chef de train est chargé de la direction de certaines opérations de sécurité en ligne. Il assure également la sécurité des mouvements en gare ou haltes non équipées en personnel (chef de gare). Il provoque l?arrêt du train lorsque les circonstances l?exigent». La voiture-restaurant présente deux manettes de freinage d?urgence, une à chaque extrémité de la salle de restauration. Il existe également un frein d?urgence dans le fourgon MC76. Il se trouve dans le couloir, à l?extérieur du compartiment de frein d?immobilisation. Fig 39 - Frein d?urgence dans la voiture-restaurant ??Orient-Express?? (photo BEA-TT) S?il y avait eu un chef de train le 4juin2022 et si ce dernier avait perçu l?apparition de l?événement dangereux, en étant par exemple alerté par le chauffeur depuis l?extérieur, il aurait pu actionner une des manettes du frein d?urgence et ainsi freiner les deux véhicules en dérive et probablement les arrêter rapidement. Il est donc important que les agents présents dans les véhicules et en charge de la sécurité des voyageurs, connaissent l?emplacement des freins d?urgence dans toutes les voitures et wagons exploités par l?association. Étant donné que le réflexe du chauffeur remontant à bord du fourgon en mouvement est de tourner le volant du frein d?immobilisation et non de tirer une manette du freinage d?urgence, soit l?usage de celle-ci lui est inconnu, soit le geste n?est pas ancré dans ses réflexes. De plus, il semble également pertinent de tester régulièrement le bon fonctionnement du freinage d?urgence par l?activation de ces manettes. Enfin, il ne serait pas fondé ni sûr d?attendre des voyageurs qu?ils actionnent la manette du freinage d?urgence dans une situation de danger. 3.9.2 - Le personnel à bord de la locomotive et des véhicules Comme exposé au §2.3 concernant les fonctions de sécurité, il aurait dû y avoir trois personnes à bord du train: un mécanicien (et de facto un chauffeur sur une locomotive vapeur) et un agent d?accompagnement ou un chef de train. Or dans les témoignages, une troisième personne n?est pas mentionnée: ni la présence d?un chef de train ? à bord des véhicules ? ni celle d?un agent de manoeuvre n?est indiquée. Or des agents sont habilités comme chef de train (donc fonction considérée de sécurité) selon une grille d?évaluation: 31 Fig 40 - Grille d?habilitation d?un chef de train, datant de septembre 2021 (source CFTPV) Le cumul des fonctions de sécurité n?est pas autorisé de façon générale dans le RSE. De plus, factuellement, il y a également incompatibilité des actions (conduite/chauffe dans la locomotive et vérification de la sécurité des voyageurs dans les voitures). Lors de nos échanges avec l?encadrement, il nous a été indiqué que le cuisinier remplissait la fonction de chef de train (donnerait le départ et serait à proximité des voyageurs) et agent de manoeuvre (irait en queue du train avec la radio et participerait au refoulement). Les témoignages ne concordent pas: il y a discordance sur les missions réelles du cuisinier. Étant donné les activités nécessaires en cuisine et l?absence d?habilitation du cuisinier pour les deux fonctions de sécurité ci-dessus, sa désignation comme chef de train ne parait pas acceptable. Il en irait de même pour les serveuses, qu?elles fassent ou non partie de l?association. À noter que lorsque le train est en configuration rame ??promenade??, un contrôleur est à bord des véhicules pour vérifier les billets. Il semble aussi tenir alors le rôle de chef de train. La situation ci-dessus ne se rencontre donc qu?en rame ??restaurant??. Par ailleurs, sans que ça n?ait été clair et encore moins formalisé, la mission du chef de ligne semble avoir été dévolue au mécanicien. 32 De plus, dans la version en vigueur au 4 juin 2022, un agent de manoeuvre est identifié au chapitre 8 du RSE: «Durant les manoeuvres, la circulation est soumise aux ordres du chef de manoeuvre ou de l?agent désigné à cet effet. Le conducteur a interdiction de se mettre en mouvement pour exécuter une manoeuvre sans ordre du chef de manoeuvre ou de l?agent désigné à cet effet. De plus, l?agent est chargé à la fois de commander les mouvements du conducteur et d?atteler ou de dételer les véhicules moyennant les précautions prévues en pareil cas (c?est-à-dire, après avoir prévenu le conducteur et lorsque les véhicules sont au contact et arrêtés). Pendant tout le temps où l?agent est dans l?attelage, l?engin moteur doit rester immobile.» Les manoeuvres sur aiguillage et l?attelage/dételage des trains sont des fonctions de sécurité. Or les fonctions exercées par l?agent de manoeuvre ne sont pas dans la liste des fonctions de sécurité et donc il n?y a pas d?habilitation prévue. Les fonctions de l?agent de manoeuvre ne sont pas formellement incluses dans celles de l?agent d?accompagnement et un cumul avec les fonctions du mécanicien ou du chauffeur n?est pas précisé. Ces fonctions de sécurité ne sont pas couvertes par une formation adéquate et validée par une habilitation. À la lecture de quelques autres règlements de sécurité de l?exploitation de réseaux de chemins de fer touristiques en France (10réseaux étudiés), et sans préjuger du contenu des procédures ou du manuel de conduite ? référencés dans les RSE concernés, le serrage des freins par vidange de la conduite générale en cas de dételage de véhicules: soit est formellement indiqué, soit le choix est laissé entre l?actionnement du frein à air ou du frein à vis, ou entre le frein à main et les cales anti-dérive, sans préciser formellement une vidange de la CG en préalable, soit le cas du dételage n?est pas indiqué. Évidemment, certains de ces réseaux ne présentent pas nécessairement de déclivités sur leurs parcours. 3.9.3 - Synthèse Une fois la dérive engagée, l?action qui aurait dû être réalisée afin de freiner les deux véhicules et d?éviter la collision, est l?action sur une manette de freinage d?urgence par un Chef de Train présent à bord. De façon globale, l?ensemble des agents habilités doivent avoir connaissance de l?emplacement et de l?effet d?une manette de freinage d?urgence. 33 3.10 - Les investigations sur la gestion de la sécurité Un système de gestion de la sécurité (SGS) est l'ensemble de règles, procédures et méthodes à mettre en oeuvre pour atteindre en permanence les objectifs de sécurité11. Il est l?un des trois «piliers» de la sécurité identifiés par l?ICSI12: la technique (conception d?installations les plus sûres possible, le maintien en état des installations, etc.), le management formel de la sécurité (à travers un ensemble de règles et de formalismes, notamment le SGS), la prise en compte des facteurs humains et organisationnels (identification et prise en compte des facteurs qui conditionnent une activité humaine efficiente et sûre). Ces trois «piliers» sont en lien avec la culture de sécurité. 3.10.1 - La culture de sécurité au sein d?une organisation Dans son activité, un individu peut avoir une attitude plus ou moins attentive à la sécurité. La notion de ??culture?? consiste à se référer à des manières de faire et de penser qui sont partagées au sein d?un collectif. Un trait essentiel de la culture de sécurité est la représentation, largement partagée par les acteurs de l?organisation, des risques d?accident dont elle essaie de se prémunir: la culture de sécurité est «un ensemble de manières de faire et de manières de penser largement partagées par les acteurs d?une organisation à propos de la maîtrise des risques les plus importants liés à ses activités»13. Fig 41 - Les attributs d?une culture de sécurité intégrée (source Institut pour une culture de sécurité industrielle (ICSI)) 11 Définition tirée du décret n° 2017-440 du 30 mars 2017 relatif à la sécurité des transports publics guidés. 12 La culture de sécurité, Comprendre pour agir, Groupe de travail «Culture de sécurité», Édition coordonnée par Denis Besnard, Ivan Boissières, François Daniellou et Jesús Villena. Les Cahiers de la sécurité industrielle. 13 Voir note de bas de page précédente. 34 Sans attendre autant de la part d?une association exploitant un chemin de fer touristique que d?une entreprise ferroviaire exploitant des trains à des vitesses importantes et avec un nombre de voyageurs conséquent, il a pu être constaté au cours de l?enquête un manque de gestion de la sécurité au sein de l?association: ? Méconnaissance par les personnes rencontrées des risques encourus, notamment concernant la perte de maîtrise du mouvement des matériels roulants. ? Méconnaissance quant à certains systèmes techniques: absence de connaissance quant au fonctionnement et à la construction du frein d?immobilisation, absence de documentation sur le fourgon MC76 et donc méconnaissance de son fonctionnement. La connaissance technique de l?agent est très influencée par son parcours professionnel. ? Manque de traçabilité dans les process de sécurité: formations non tracées, non-suivi de l?exhaustivité des connaissances à acquérir et des participants à une formation de recyclage des connaissances, habilitations validées sans vérification formelle des connaissances par estimation du responsable d?exploitation. Chacun de ces trois points est développé ci-dessous. 3.10.2 - La perception et la maîtrise des risques encourus Au Coni?fer, le responsable d?exploitation est également le référent sécurité du système. Le RT CFT précise les attendus de ces fonctions et autorise leur cumul: «La désignation d?un responsable d?exploitation est obligatoire. Il est unique et a un rôle permanent. Le responsable d?exploitation est, avec le référent sécurité, l?interlocuteur des services de contrôle. Il gère l?ensemble des personnels d?exploitation et dirige les actions de formation du personnel. Il tient à jour la liste des risques identifiés sur le réseau et en fait la présentation lors des séances de formation continue.» «Le référent sécurité de l?exploitation doit être identifié et intégré dans l?organisation de l?exploitation. Le responsable d?exploitation peut disposer des attributions du référent sécurité, mais suivant l?importance du réseau, il est opportun de désigner un référent sécurité indépendant du responsable de l?exploitation. Sauf information contraire, le responsable d?exploitation est considéré comme ayant les missions du référent sécurité jusqu?à la mise à jour du RSE. Le référent sécurité est, avec le responsable d?exploitation, l?interlocuteur des services de contrôle. Les missions du référent sécurité sont : ? Le suivi et fonctionnement du système: Il veille au respect et à la diffusion des procédures et de la réglementation en vigueur ; Il analyse les incidents d?exploitation, en fait le bilan, organise et anime le retour d?expérience (REX); Il peut définir des exercices périodiques de sécurité à organiser par l?exploitant, en rapport avec les situations dangereuses identifiées dans le RSE; Il s?assure de la pertinence de l?organisation de la formation et de l?habilitation du personnel. ? Gestion du référentiel réglementaire : Il alerte et participe au besoin d?actualisation des procédures; Il échange si besoin avec le service de contrôle. ? Gestion des modifications du système: Il évalue l?impact des modifications sur la sécurité du système et veille à en informer le service de contrôle avant réalisation. 35 Il établit le rapport annuel sur la sécurité de l'exploitation du système [?]. Il rédige le rapport circonstancié à établir à la suite d?un incident ou un accident grave.» Un courriel du responsable d?exploitation, daté du 7juin2022, a été envoyé au bureau Nord-Est du STRMTG suite à la visite du BEA-TT et du STRMTG sur site. Il présente les circonstances, les réflexions émises lors des échanges et la cause possible (CG non vidangée donc frein à vis inefficace) et la correction que l?exploitant compte apporter (vider la CG avec ajout d?une cale et réaliser une formation). Or le jour de l?accident, les causes présentées par l?exploitant étaient celles d?un défaut technique sur le fourgon quant à son dispositif de frein d?immobilisation. La remise en exploitation dès le lendemain, le fourgon étant remisé, et le chauffeur ayant effectué la manoeuvre de dételage le 4juin2022 reprenant sa fonction sans nouvelle formation (la reprise en formation n?a pas eu lieu puisqu?elle nous est indiquée avoir été donnée début juillet) ni accompagnement particulier, traduit une insuffisante compréhension des causes de l?accident par l?encadrement et du traitement du risque à adopter. Un autre véhicule que le fourgon MC76, immobilisé dans la pente par son frein d?immobilisation sans purge de la CG n?était pas assuré de rester immobile. L?absence d?actions correctives immédiates autres que le remisage du fourgon pose question. Par ailleurs, la manoeuvre à la gravité remontée au cours des entretiens avec des agents de l?association est occasionnellement mise en oeuvre. Or cette manoeuvre ne doit pas être réalisée. Qu?elle soit pratiquée nous interroge. En conclusion, le référent de sécurité et le responsable de l?exploitation doivent insuffler un minimum de culture de sécurité au sein de leur organisation, notamment dans la connaissance des risques et le respect des procédures. 3.10.3 - La connaissance du matériel Le fourgon a été reçu en 2016. Aucune action spécifique ni formation n?ont été réalisées. L?association n?a pas pu nous fournir de documents autre que la fiche des actions de maintenance, alors que la convention de 2016 stipulait la remise d?un dossier contenant entre autres les caractéristiques techniques du matériel MC76. L?absence de document n?a pas posé de question au sein de l?exploitant. Le fourgon a été réaménagé et repeint puis immédiatement utilisé. Au sein de l?association du Coni?fer, il s?agit, avec la voiture-restaurant Orient-Express, du seul matériel français. Tous les autres matériels roulants sont suisses. Or il n?y a plus d?agent SNCF au sein de l?association depuis une dizaine d?années (même s?il s?agissait d?agents des Voies et Bâtiments). Cela aurait pu contribuer à une meilleur connaissance de ces deux matériels. Les futurs chauffeurs, mécaniciens, chefs de train sont formés par compagnonnage sur la base des connaissances et de l?expérience des chauffeurs, mécaniciens et chefs de train qui les encadrent. Si les connaissances sont lacunaires chez le responsable d?exploitation ou les mécaniciens-formateurs ou le responsable du matériel roulant, les mécaniciens ne peuvent avoir ces connaissances sans culture interrogative. Le MC76 et le frein à vis n?ont pas été expliqués aux agents, mais ils ne sont déjà pas connus des encadrants et responsables matériels roulants au sein de l?association. La fonction de ??responsable de formation?? n?est pas claire. En effet, les formations sont des explications données in situ par des sachants au sein de l?association, en fonction de la thématique (conduite, voie, etc.). Il n?y a pas de traçabilité des formations. À noter que le ??moniteur de formation?? identifié sur les attestations d?habilitation n?a jamais vidé la conduite générale lors d?un dételage et ne connaît pas le règlement technique des chemins de fer touristiques (RT CFT): il s?appuie sur des règles suisses 36 dont il présente une connaissance pointue. Toutefois, en cas de dételage du véhicule moteur, la vidange de la CG est systématiquement pratiquée dans le pays montagneux qu?est la Suisse (prescriptions suisses de circulation des trains (PCT) R 300.14 chapitre freins). Au cours de nos échanges sur site, il a été constaté que les indicateurs extérieurs de contrôle des freins du fourgon (permettant de vérifier le serrage et le desserrage des freins du véhicule) ne sont pas connus de tous. Fig 42 - Indicateurs extérieurs de contrôle des freins du fourgon MC76 (photo BEA-TT) 3.10.4 - La traçabilité Il s?agit de disposer de l?information nécessaire et suffisante pour connaître (éventuellement de façon rétrospective) une situation. Cela permet un meilleur suivi, un gain de temps pour retrouver une information, la préservation de la mémoire de l?entreprise, etc. Ceci afin d?être en mesure de mieux gérer les conséquences/dégâts provoqués, de réaliser une analyse du problème en amont et aval pour mettre en place des actions correctives, d?intégrer de manière préventive dans l?exploitation tous les éléments pertinents. La traçabilité conditionne qualité, performance et sécurité. La traçabilité au sein de l?association Coni?fer présente des lacunes, notamment: ? L?attestation de formation, d?aptitudes et d?habilitation des agents n?est pas claire quant au rôle du moniteur de formation dans le process d?habilitation. ? Les participants et les dates de formations de recyclage ne sont pas tracés, ne pouvant fournir ainsi aucune garantie quant à l?exhaustivité des sujets abordés et des agents ayant reçu (et assimilé) les informations. Par ailleurs, le responsable d?exploitation nous explique que les grilles d?évaluation sont remplies selon son évaluation de l?acquisition des fonctions indiquées dans la colonne de gauche. Ce n?est pas le résultat d?une évaluation des connaissances et de la mise en pratique in situ. De même, à l?issue de la formation de début juillet 2022 ayant pour but de corriger la pratique des agents quant à l?immobilisation de véhicules, il n?y a pas eu d?évaluation ou de vérification par mise en pratique de la nouvelle procédure. Des améliorations sont possibles et indispensables afin d?améliorer le niveau de sécurité de l?exploitation du Coni?fer. 37 3.11 - Le retour d?expérience des chemins de fer touristiques français Le STRMTG réalise un suivi de l?accidentologie sur les réseaux français et édite un rapport annuel. Les événements graves sont rares sur les réseaux de CFT en France. Cela peut s?expliquer par un nombre de trains simultanément en circulation réduit et des manoeuvres qui restent occasionnelles. À noter que, sans être nécessairement un critère important, il s?agit du premier accident de chemin de fer touristique pour lequel le BEA-TT ouvre une enquête. Fig 43 - Evolution des évènements CFT par typologie (source rapport annuel 2020 STRMTG) Les deux collisions entre rames identifiées dans le graphe ci-dessus correspondent à deux événements ayant eu lieu sur des réseaux autres que le Coni?fer: ? Une collision entre rames en 2017 s?est produite entre une locomotive à vapeur et un locotracteur suite à une erreur de manoeuvre. Le locotracteur est venu prendre en écharpe la locomotive qui n?avait pas dégagé entièrement l?aiguille. Elle n?a pas occasionné de blessé. ? Une collision entre rames s?est produite hors exploitation en 2014, entre un train de travaux et un train de formation avec respectivement 2 et 3 personnes à bord. Le personnel du train de travaux n?a pas mis en oeuvre la procédure de demande de voie pendant que celui du train de formation est parti sans confirmation radio. Le choc a eu lieu en courbe sans visibilité à une vitesse cumulée d?environ 25km/h, causant 2blessés légers. Pour sa part, depuis 2006, le Coni?fer a connu deux événements en exploitation: ? En décembre 2015, à la sortie d?une courbe, le train heurte la grue d?un engin de débardage en train de travailler dans la parcelle boisée adjacente à la voie. Ces travaux n?avaient pas été notifiés à l?exploitant et la grue n?a pas pu être enlevée à temps de la voie. Bien qu?en exploitation commerciale, les dégâts sur le train ne furent que matériels. ? En juillet 2020, un déraillement par bi-voie au départ du train est dû au mauvais positionnement d?une aiguille. Celle-ci est désormais systématiquement remise en voie directe et les mécaniciens ont obligation de contrôler la position de l?aiguille avant le départ du train. Les dégâts, matériels, ont nécessité le remplacement des plateformes d?intercirculation sur deux véhicules. 38 4 - Analyse du déroulement de l?accident et des secours Le samedi 4 juin 2022 à midi, la locomotive à vapeur Décapod 150Y quitte la gare des Hôpitaux-Neufs. Elle remorque deux véhicules: un fourgon MC76 et une voiture-restaurant ??Orient-Express?? avec une trentaine de voyageurs à son bord. Le train est conduit par un mécanicien assisté d?un chauffeur, et dans la voiture-restaurant se trouve un cuisinier et deux serveuses. À 12h30, le convoi atteint sans encombre la gare de Fontaine Ronde. À la gare, une manoeuvre du train est effectuée pour intégrer un wagon-citerne au convoi: arrivé en voie 1, le mécanicien se rend compte de la présence du wagon-citerne qui gênera la manoeuvre et qui doit être redescendu aux Hôpitaux-Neufs. Le train refoule avec les voyageurs à bord et avec le mécanicien et le chauffeur dans la locomotive (il n?a pas été identifié d?agent ayant accompagné le mouvement du train). Puis il s?arrête après avoir dégagé l?aiguillage. Le fourgon et la voiture-restaurant n?ont très probablement pas été freinés au cours de cet arrêt, ou très peu ? par simple léchage des sabots de frein, le convoi étant en train de monter: l?effort de freinage nécessaire pour amener le convoi à une vitesse nulle est très faible, le freinage seul de la locomotive a pu être suffisant. Tandis que le mécanicien manoeuvre l?aiguillage, le chauffeur désaccouple la locomotive de ses deux véhicules. Le chauffeur serre le frein à main mais très certainement pas jusqu?à la fin de serrage constituée par le contact des semelles contre les roues et le rattrapage de tous les jeux: de l?air étant encore présent sous pression dans la conduite générale, les sabots de frein sont maintenus ouverts. Le chauffeur arrête de tourner le volant du frein d?immobilisation quand il rencontre une résistance ? très probablement la timonerie avec au bout les sabots de frein qui sont ouverts ou en léchage. Puis le chauffeur se positionne entre la locomotive et le fourgon, il ferme le robinet d?air du fourgon puis ferme celui qui vient de la locomotive, il sépare la conduite générale et il enlève enfin l?attelage mécanique. Une fois ces actions réalisées, il sort de l?attelage et dit au mécanicien qu?il a effectué les manipulations. Le mécanicien met en mouvement la locomotive en direction de la voie 2 et l?arrête à proximité du wagon-citerne. Resté sur la plate-forme, le chauffeur se déplace à pied en direction de la locomotive et le wagon-citerne afin d?aider. Peu de temps après, il entend du bruit derrière lui et se retourne: les deux véhicules sont en dérive. Quand la locomotive 150Y part, elle laisse seuls les deux véhicules dans la pente à 19?, insuffisamment freinés et sans surveillance. Le chauffeur court et monte à bord du fourgon MC76. Il resserre le frein à vis en effectuant deux tours supplémentaires, preuve que le volant du frein d?immobilisation n?était pas tourné jusqu?au bout. Les véhicules en dérive rattrapent la locomotive et la percutent: le choc a lieu à une vitesse estimée entre 5 et 10km/h. La cause première de la collision par dérive puis rattrapage des deux véhicules est la mauvaise immobilisation des deux véhicules, c?est-à-dire sans freinage par vidange de la conduite générale ni pose de cales. Cela est dû à la méthode utilisée pour l?immobilisation et le dételage par le chauffeur. L?absence de vidange de la conduite générale a empêché le plaquage des sabots de freins sur les roues. Le frein d?immobilisation n?a pas pu exercer une force suffisante, sur un seul essieu du seul fourgon (si tant est que son serrage effectif sur un seul essieu du fourgon aurait été suffisant) pour retenir les deux véhicules dans la pente. La recherche des causes sous-jacentes à l?origine de cette situation nous a conduits à approfondir les investigations selon les thématiques suivantes: ? la manoeuvre d?immobilisation et de dételage des véhicules; ? les agents de l?association ayant une fonction de sécurité et les moyens d?arrêter une dérive; ? la gestion de la sécurité au sein de l?exploitant. 39 5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives 5.1 - Arbre des causes Les investigations conduites permettent d?établir le graphique ci-après qui synthétise le déroulement de l?accident et identifie les causes et les facteurs associés mis en évidence par le BEA-TT. Fig 44 - Arbre des causes 5.2 - Les causes de l?événement Le 4 juin 2022, après que le chauffeur a effectué le dételage de la locomotive et des deux véhicules dans la pente à 19? en entrée de la gare de Fontaine Ronde, et peu de temps après le départ de la locomotive vers la voie 2, les deux véhicules partent en dérive et rattrapent la locomotive. La cause première de la collision est la mauvaise immobilisation des deux véhicules dans la pente, c?est-à-dire sans freinage par vidange de la conduite générale ni pose de cales, avant de serrer le frein d?immobilisation et de les dételer de la locomotive. La conduite étant non vidangée, les freins n?appuyaient pas ou peu sur les roues: le serrage manuel du frein d?immobilisation effectué jusqu?au premier point de résistance a été trop faible pour pouvoir apporter un effort de retenue suffisant, sur un seul essieu du seul fourgon (si tant est que son serrage effectif sur un seul essieu du fourgon aurait été suffisant) pour retenir les deux véhicules dans la pente. Plusieurs facteurs techniques, organisationnels et humains ont contribué à cette dérive et seront détaillés dans les paragraphes suivants: ? la manoeuvre d?immobilisation et de dételage des véhicules; ? les moyens d?arrêter une dérive et les agents ayant une fonction de sécurité; ? la gestion de la sécurité au sein de l?exploitant. 40 5.3 - La manoeuvre d?immobilisation et de dételage des véhicules Lors de l?accident, les actions à mener lors d?un dételage sont imprécises dans le RSE et sur le terrain, la vidange de la conduite générale n?est jamais réalisée avant le serrage manuel du frein d?immobilisation sur le fourgon MC76. Dans le projet de RSE, la procédure d?immobilisation a été améliorée avec des précisions apportées aux conditions de réalisation. Bien que le projet soit en cours d?instruction par le STRMTG, l?exploitant du Coni?fer a indiqué mettre en pratique ces évolutions. Suite aux observations faites par le STRMTG et aux témoignages recueillis par le BEA-TT au cours de ses investigations, il est impératif que ces pratiques deviennent réellement systématiques. La formation de l?ensemble des agents dont les fonctions de sécurité incluent le dételage doit être fortement améliorée, afin de rendre robuste le geste métier. Ces observations soulèvent un doute quant au niveau de connaissances et d?appréciation des risques par les agents ayant une fonction de sécurité. Le BEA-TT émet ainsi la recommandation suivante. Recommandation R1 à l?attention de l?exploitant (association CFTPV du Coni?fer): Dans le Règlement de Sécurité de l?Exploitation, entériner la procédure d?immobilisation. Réaliser et tracer la formation de l?ensemble des agents dont les fonctions de sécurité incluent le dételage. Vérifier et attester les connaissances acquises par les agents formés. Une formation a été apportée par deux personnes de l?UNECTO (vice-président et secrétaire-adjoint) le 15avril2023 à 9membres habilités de l?association du Coni?fer. Elle s?est basée sur une circulation en ligne d?un locotracteur diesel, avec reprise de procédures sur site (dételage, essai d?étanchéité, essai de continuité, positionnement des cales, contrôle du collage des lames d?aiguilles). Ainsi que sur une formation théorique portant sur de nombreux thèmes liés à la sécurité (dételage et immobilisation des véhicules, intérêt du retour d?expérience, traçabilité de l?exploitation et de la maintenance, rôle et positionnement du chef de ligne, contenu du RSE et du RT CFT, etc.). L?exploitant prévoit également la réalisation d?une formation plus complète (couvrant les thématiques Matériel Roulant, Infrastructure, Exploitation) par un organisme extérieur avant le démarrage de la saison 2024. Le BEA-TT émet ainsi la recommandation suivante. Recommandation R2 à l?attention de l?exploitant (association CFTPV du Coni?fer): Étendre la formation déjà mise en oeuvre par des formateurs de l?UNECTO à l?ensemble des agents ayant une fonction de sécurité. Leur faire également suivre une formation globale par des formateurs externes, par exemple d?un autre réseau de chemin de fer touristique aux compétences reconnues. Cet accident constitue une alerte sur la sécurité des immobilisations sur les chemins de fer touristiques. Le sondage effectué sur les règlements de sécurité de l?exploitation de 10réseaux de chemins de fer touristiques montre que le serrage des freins par vidange de la conduite générale en cas de dételage de véhicules n?est pas toujours formellement précisé - sans préjuger des caractéristiques propres à chacun de ces réseaux. Les conditions d?immobilisation des véhicules lors des manoeuvres et à la fin des journées de service pour éviter toute dérive des matériels (ainsi qu?en cas d?incident en pleine voie nécessitant d?immobiliser un véhicule ou une rame hors d?une gare) doivent être précisées dans une procédure, voire dans le RSE. Le BEA-TT émet donc la recommandation suivante. 41 Recommandation R3 à l?attention du STRMTG: Pour chaque réseau de chemin de fer touristique présentant une rampe ou pente, s?assurer que la procédure d?immobilisation des véhicules est formalisée. Le cas échéant, en présence d?un frein continu automatique, elle doit préciser clairement la nécessité de générer une dépression suffisante dans la conduite générale, avant serrage des freins d?immobilisation des véhicules. 5.4 - Les moyens d?arrêter une dérive et les agents ayant une fonction de sécurité Le 4juin2022, seul un cuisinier et deux serveuses sont à bord des deux véhicules en compagnie de la trentaine de voyageurs. Sont présents dans la locomotive le mécanicien et le chauffeur. La fonction de Chef de Train en tant qu?agent s?assurant de la sécurité des voyageurs à bord des véhicules, et qui aurait également pu surveiller le refoulement, n?est pas remplie. Depuis l?accident, le RSE a été complété par l?exploitant par la fonction de sécurité «Chef de Train» et le descriptif des fonctions de sécurité associées. Il doit notamment contrôler le respect des procédures de manoeuvres, et en particulier de la procédure d?immobilisation des véhicules. Il est également prévu de préciser les rôles de l?agent de manoeuvre et de l?agent d?accompagnement dans la future version du RSE. En conséquence, le BEA-TT émet la recommandation suivante. Recommandation R4 à l?attention de l?exploitant (association CFTPV du Coni?fer): Dans le Règlement de Sécurité de l?Exploitation, entériner les modifications sur la fonction de chef de train, d?agent d?accompagnement et d?agent de manoeuvre. Si besoin, préciser les fonctions du contrôleur et du chauffeur. Puis réaliser une formation adéquate pour ces fonctions et tracer la participation des agents ainsi que le contenu exposé. Faire suivre cette formation d?une vérification de l?acquisition des connaissances et des gestes métier. 5.5 - La gestion de la sécurité au sein de l?exploitant Le système de la gestion de la sécurité de l?association du Coni?fer a présenté des défaillances dans: ? La perception et la maîtrise des risques encourus, à savoir analyser un événement de façon complète, réaliser les actions correctives adéquates et rapidement, faire appliquer rigoureusement les procédures (un agent habilité en queue de train lors d?un refoulement), affecter des fonctions de sécurité à des agents habilités lors d?une circulation, comprendre pourquoi les procédures existent et s?imposent, ne pas improviser sans analyser les risques, exclure ? et s?en assurer ? toute pratique non autorisée par le RSE telle que, par exemple, la manoeuvre à la gravité. ? La connaissance du matériel, notamment en demandant et conservant la documentation afférente aux matériels achetés ou loués, en formant les agents à ces nouveaux matériels. ? La traçabilité de la participation des agents et du contenu des formations apportées. De plus, la détermination de la cause de la dérive suivie de la collision a été effectuée après la visite du STRMTG et du BEA-TT sur site soit 3jours après l?événement. L?exploitation avait repris sans restriction autre que le remisage du fourgon MC76. Or la cause étant une faille dans la procédure d?immobilisation, cet événement aurait pu se reproduire avec un autre matériel. Au regard des missions définies pour le référent sécurité de l?exploitation et celles du responsable exploitation, le BEA-TT estime qu?elles doivent être portées par deux personnes distinctes: l?un pour veiller à tous les aspects sécurité et l?autre pour gérer la production de l?activité. C?est pourquoi le BEA-TT émet les recommandations suivantes. 42 Recommandation R5 à l?attention de l?exploitant (association CFTPV du Coni?fer): Améliorer la gestion de sécurité au sein des agents de l?exploitation du Coni?fer: ? Effectuer une analyse complète d?un accident quand il survient, avant la reprise de l?exploitation. ? Améliorer la communication aux agents de l?association sur l?accident, sur l?analyse réalisée et les corrections à apporter. ? S?assurer de la transmission de documentation technique la plus exhaustive possible lors de l?acquisition ou du prêt d?un nouveau véhicule (plans de construction, notes de calcul, usage antérieur du matériel, historique des actions de maintenance). ? Rendre accessibles (formats numérique et papier) aux agents le RSE, le RTCFT et toute la documentation technique afférente au système, notamment aux matériels roulants. ? Tout agent habilité à une fonction de sécurité doit attester avoir pris connaissance de la décision de son habilitation, des règles applicables et de la documentation technique. ? Effectuer des rappels approfondis de formation des agents afin d?améliorer le maintien des connaissances (exemple de la procédure complète des essais de frein, de la proportion maximale tolérée de véhicules non freinés compatible avec la réglementation, de la présence de manettes de freinage d?urgence, etc.). Tracer la réalisation et les participants à toute formation ayant trait à la sécurité. S?assurer que les participants ont assimilés les notions importantes. ? Contrôler régulièrement la bonne et correcte application des procédures de sécurité (exemple du refoulement). ? Interdire les manoeuvres à la gravité et s?assurer qu?elles ne sont plus réalisées. ? Distinguer la fonction de responsable d?exploitation de celle de référent sécurité, en l?attribuant à deux personnes différentes. Recommandation R6 à l?attention du STRMTG: Dans le Référentiel Technique des Chemins de Fer Touristiques, inciter à la distinction entre la fonction de responsable d?exploitation et celle de référent sécurité en l?attribuant autant que faire se peut à deux personnes différentes, répartissant ainsi les enjeux et établissant des responsabilités différentes. Le BEA-TT invite également le STRMTG à s?assurer que la manoeuvre à la gravité n?est plus en usage sur les réseaux de chemin de fer touristique français. Actuellement, la mise en service de nouveaux véhicules sur un réseau est conditionné à l?envoi au STRMTG par l?exploitant d?une information préalable et d?une fiche descriptive du matériel roulant concerné ainsi que de la vérification des performances de freinage (RTCFT chapitre1.1.4). Or il s?avère que dans le cas du fourgon, aucune documentation autre que le plan de maintenance succinct n?est disponible au sein de l?association CFTPV. Le contrôle doit être renforcé quant à la vérification de l?existence de descriptif détaillé de nouveau matériel, la vérification de ses capacités de freinage et la réalisation d?une formation sur ce matériel. En conséquence, le BEA-TT émet la recommandation suivante. 43 Recommandation R7 à l?attention du STRMTG: Conditionner la mise en service d?un nouveau véhicule sur un réseau de chemin de fer touristique, à la transmission d?une documentation technique la plus fournie possible (d?origine ou établie in situ), au respect du RTCFT notamment la vérification des performances de freinage et à une attestation de formation pour les agents habilités à des fonctions de sécurité sur ce matériel roulant. Le 12 avril 2023, le STRMTG a réalisé un contrôle hors exploitation du Coni?fer avec le président de l?association et le vice-président de l?UNECTO. Il a porté sur les prescriptions non levées du dernier rapport de contrôle et sur les actions (menées, en cours et prévues par l?exploitant) faisant suite à l?accident du 4 juin 2022. Le RSE a été finalisé et le STRMTG a délivré son avis favorable le 13 avril 2023. Des améliorations quant à l?exploitation et son organisation sont en cours. In fine, au regard de l?ensemble des constats, de la visite en exploitation en août 2022 et en prenant en compte les résultats de la réunion du 12 avril 2023, le BEA-TT émet la recommandation suivante. Recommandation R8 à l?attention du STRMTG: Pour la saison commerciale 2023, s?assurer de l?approbation préfectorale du RSE mis à jour et effectuer au plus tôt une visite de contrôle en exploitation apportant des résultats entièrement satisfaisants. Dans le cas contraire, envisager de proposer au préfet du Doubs de demander à l?exploitant CFTPV du Coni?fer un diagnostic de sécurité comme prévu à l?article 8614 du décret n°2017-440 du 30mars2017 relatif à la sécurité des transports publics guidés. 14 Article 86: «Le préfet peut demander à l?exploitant, au gestionnaire d?infrastructure, au chef de file ou à l?autorité organisatrice de transport de faire procéder à un diagnostic de la sécurité du système par un organisme qualifié : 1° En cas de défaut ou d?insuffisance du système de transport ou de son exploitation en matière de sécurité; 2° Lorsque le dossier de récolement prévu à l?article 40, le rapport annuel prévu à l?article 92, ou le dossier de sécurité prévu à l?article 105 n?a pas été remis ou si le contenu de ces dossiers est insuffisant pour juger du maintien du niveau global de sécurité mentionné à l?article 3.» 44 6 - Conclusions Le samedi 4juin2022 à midi, la locomotive à vapeur Décapod 150Y quitte la gare des Hôpitaux-Neufs. Elle remorque deux véhicules: un fourgon MC76 et une voiture-restaurant ??Orient-Express??. Le train est conduit par un mécanicien assisté d?un chauffeur. Dans la voiture-restaurant se trouvent un cuisinier et deux serveuses. Une trentaine de voyageurs sont à bord. À 12h30, le convoi atteint sans encombre la gare de Fontaine Ronde. À la gare, une manoeuvre du train est effectuée pour intégrer un wagon-citerne au convoi: arrivé en voie1, le train refoule avec le mécanicien et le chauffeur dans la locomotive (il n?a pas été identifié d?agent ayant accompagné le mouvement du train). Puis il s?arrête après avoir dégagé l?aiguillage Aig1. Le fourgon et la voiture-restaurant n?ont très probablement pas été freinés au cours de cet arrêt, ou très peu ? par simple léchage des sabots de frein, le convoi étant en train de monter: l?effort de freinage nécessaire pour amener le convoi à une vitesse nulle est très faible, le freinage seul de la locomotive a pu être suffisant. Tandis que le mécanicien manoeuvre l?aiguillage, le chauffeur désaccouple la locomotive de ses deux véhicules. Le chauffeur serre le volant du frein d?immobilisation mais très certainement pas jusqu?à la fin de serrage constituée par le contact des semelles contre les roues et le rattrapage de tous les jeux: de l?air étant encore sous pression dans la conduite générale, les sabots de frein sont maintenus ouverts. Le chauffeur arrête de tourner le frein d?immobilisation quand il rencontre une résistance ? très probablement la timonerie qui permet un début d?application des sabots de frein sur les roues. Puis le chauffeur se positionne entre la locomotive et le fourgon, il ferme le robinet d?air du fourgon puis celui qui vient de la locomotive, il sépare les demi-accouplements de la conduite générale et il dételle la manille du crochet d'attelage. Une fois ces actions réalisées, il sort de l?attelage et dit au mécanicien qu?il a effectué les manipulations. Le mécanicien met en mouvement la locomotive en direction de la voie2 et l?arrête à proximité du wagon-citerne. Resté sur la plate-forme, le chauffeur se déplace à pied en direction de la locomotive et le wagon-citerne afin d?aider le mécanicien. Peu de temps après, il entend du bruit derrière lui et se retourne: il voit les deux véhicules en dérive. En effet, quand la locomotive 150Y part, elle laisse seuls les deux véhicules dans la pente à 19?, insuffisamment freinés et sans surveillance. Alors, le chauffeur court et monte à bord du fourgon MC76. Il resserre le volant du frein d?immobilisation en effectuant deux tours supplémentaires, preuve que ce volant n?était pas tourné jusqu?au bout. Au bout d?environ 120mètres de dérive, les véhicules rattrapent la locomotive et la percutent: le choc a lieu à une vitesse estimée entre 5 et 10km/h. Seul un tampon de la voiture-restaurant est cassé mais il y a 18blessés légers et un blessé grave, sur la trentaine de passagers. Une enquête de gendarmerie a été ouverte. La cause première de la collision par dérive puis rattrapage de la locomotive par le fourgon et la voiture-restaurant est la mauvaise immobilisation des deux véhicules dans la pente, c?est-à-dire sans freinage par vidange de la conduite générale ni pose de cales. L?élément déclencheur de la dérive est la présence d?une pente importante à l?endroit de la manoeuvre de dételage. Cela est dû à la méthode utilisée pour l?immobilisation et le dételage par le chauffeur. L?absence de vidange de la conduite générale a empêché le plaquage des sabots de frein sur les roues sur l?ensemble du convoi. Le serrage partiel du frein d?immobilisation du fourgon n?a pas exercé une force suffisante sur les sabots de 45 frein (si tant est que son serrage effectif sur un seul essieu du fourgon aurait été suffisant) pour retenir les deux véhicules dans la pente. La recherche des causes sous-jacentes à l?origine de cette situation nous a conduits à approfondir les investigations selon les thématiques suivantes: ? la manoeuvre d?immobilisation et de dételage des véhicules; ? les moyens d?arrêter une dérive et les agents ayant une fonction de sécurité; ? la gestion de la sécurité au sein de l?exploitant. Pour prévenir ce type d?accident, le BEA-TT émet huit recommandations, adressées à l?exploitant du Coni?fer et au STRMTG, relatives aux procédures d?exploitation adéquates et leur bonne application, aux fonctions de sécurité et aux formations des agents, à la gestion de la sécurité par l?exploitant, à l?immobilisation de véhicules en rampe ou pente, à la mise en service d?un nouveau véhicule. 46 Annexe: Décision d?ouverture d?enquête 47 Règlement général de protection des données Le bureau d?enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) est investi d?une mission de service public dont la finalité est la réalisation de rapports sur les accidents afin d?améliorer la sécurité des transports terrestres (articles L. 1621-1 et 1621-2 du code des transports, voir la page de présentation de l?organisme). Pour remplir cette mission, les personnes chargées de l?enquête, agents du BEA-TT habilités ainsi que d?éventuels enquêteurs extérieurs spécialement commissionnés, peuvent rencontrer toute personne impliquée dans un accident de transport terrestre (articles L. 1621-14) et recueillir toute donnée utile. Ils traitent alors les données recueillies dans le cadre de l?enquête dont ils ont la responsabilité uniquement pour la seule finalité prédéfinie en garantissant la confidentialité des données à caractère personnel. Les rapports d?enquêtes sont publiés sans le nom des personnes et ne font état que des informations nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de l?accident. Les données personnelles sont conservées pour une durée de 4 années à compter de la publication du rapport d?enquête, elles sont ensuite détruites. Le traitement «Enquête accident BEA-TT» est mis en oeuvre sous la responsabilité du BEA-TT relevant du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT). Le MTECT s?engagent à ce que les traitements de données à caractère personnel dont il est le responsable de traitement soient mis en oeuvre conformément au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l?égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (ci-après, «règlement général sur la protection des données» ou RGPD) et à la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l?informatique, aux fichiers et aux libertés. Les personnes concernées par le traitement, conformément à la législation en vigueur, peuvent exercer leurs droits auprès du responsable de traitement: droit d?accès aux données, droit de rectification, droit à la limitation, droit d?opposition. Pour toute information ou exercice de vos droits, vous pouvez contacter: 1- Le responsable de traitement, qui peut être contacté à l?adresse suivante: - à l?adresse: bea-tt@developpement-durable.gouv.fr - ou par courrier (avec copie de votre pièce d?identité en cas d?exercice de vos droits) à l?adresse suivante: Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires A l?attention du directeur du BEA-TT Grande Arche - Paroi Sud, 29e étage, 92055 LA DEFENSE Cedex 2- Le délégué à la protection des données(DPD) du MTECT: - à l?adresse suivante: dpd.daj.sg@developpement-durable.gouv.fr ; - ou par courrier (avec copie de votre pièce d?identité en cas d?exercice de vos droits) à l?adresse suivante: Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires A l?attention du Délégué à la protection des données SG/DAJ/AJAG1-2 92055 La Défense cedex Vous avez également la possibilité d?adresser une réclamation relative aux traitements mis en oeuvre à la Commission nationale informatique et libertés(3 Place de Fontenoy - TSA 80715 - 75334 PARIS CEDEX 07). 48 mailto:dpd.daj.sg@developpement-durable.gouv.fr mailto:bea-tt@developpement-durable.gouv.fr Bureaud?Enquêtessur lesAccidentsdeTransport Terrestre ? GrandeArche -Paroi Sud 92055LaDéfensecedex Téléphone : 01 40 81 21 83 bea-tt@developpement-durable.gouv.fr www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr  Synthèse  1 - Constats immédiats et engagement de l?enquête  1.1 - Les circonstances de l?événement  1.2 - Le bilan humain et matériel  1.3 - Les mesures prises immédiatement après l?événement  1.4 - L?engagement et l?organisation de l?enquête  2 - Contexte de l?accident  2.1 - Le chemin de fer touristique du Coni?fer  2.2 - La localisation de la collision  2.3 - L?exploitation de la ligne  2.4 - Les caractéristiques techniques des matériels roulants concernés par l?accident  2.4.1 - La locomotive 150Y  2.4.2 - La voiture-restaurant ?Orient-Express?  2.4.3 - Le fourgon MC76  2.4.4 - La composition des trains  2.5 - Le freinage d?une locomotive et des véhicules attelés  2.6 - La maintenance du matériel roulant  3 - Compte rendu des investigations effectuées  3.1 - Le résumé des déclarations  3.1.1 - Le mécanicien  3.1.2 - Le chauffeur  3.1.3 - Le cuisinier  3.2 - Le parcours du convoi et de la dérive  3.2.1 - Le cas habituel: la manoeuvre «classique» en gare de Fontaine Ronde  3.2.2 - L?enchaînement chronologique de la manoeuvre ayant conduit à la dérive  3.2.3 - La vitesse des véhicules au moment du choc  3.3 - Les circulations du chauffeur depuis son retour à l?association  3.4 - Les procédures d?immobilisation dans le RSE  3.5 - Le fonctionnement du frein d?immobilisation du fourgon MC76  3.6 - Les actions engagées suite à l?accident du 4 juin 2022  3.6.1 - Les actions réalisées par l?exploitant  3.6.2 - La visite de contrôle du STRMTG  3.7 - Les conclusions sur les constats immédiats  3.8 - Les investigations sur la manoeuvre d?immobilisation et de dételage ? et autres manoeuvres  3.8.1 - Les règles en vigueur le jour de l?accident  3.8.2 - Le dételage  3.8.3 - Le refoulement  3.8.4 - La manoeuvre à la gravité  3.8.5 - Synthèse  3.9 - Les investigations sur les moyens d?arrêter une dérive  3.9.1 - Le freinage d?urgence  3.9.2 - Le personnel à bord de la locomotive et des véhicules  3.9.3 - Synthèse  3.10 - Les investigations sur la gestion de la sécurité  3.10.1 - La culture de sécurité au sein d?une organisation  3.10.2 - La perception et la maîtrise des risques encourus  3.10.3 - La connaissance du matériel  3.10.4 - La traçabilité  3.11 - Le retour d?expérience des chemins de fer touristiques français  4 - Analyse du déroulement de l?accident et des secours  5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives  5.1 - Arbre des causes  5.2 - Les causes de l?événement  5.3 - La manoeuvre d?immobilisation et de dételage des véhicules  5.4 - Les moyens d?arrêter une dérive et les agents ayant une fonction de sécurité  5.5 - La gestion de la sécurité au sein de l?exploitant  6 - Conclusions  Annexe: Décision d?ouverture d?enquête  Règlement général de protection des données

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