Journée des paysages 24 octobre 2019. Troisième journée internationale du paysage : paysage et eau
Auteur moral
France. Ministère de la transition écologique et solidaire
Auteur secondaire
Résumé
Comment prendre en compte les dimensions multiples ou complexes de l'eau à travaers le prisme du paysage ? Le paysage résulte en effet d'une multitude d'actions, menées par de nombreux acteurs intervenat sur les dynamiques territoriales, à diverses échelles de temps et d'espace.
Descripteur Urbamet
paysage
;EAU
;TRAME BLEUE
Descripteur écoplanete
plan de paysage
Thème
Environnement - Paysage
Texte intégral
Journée des paysages
24 octobre 2019
Troisième journée internationale du paysage
Paysage et Eau
À propos
du document
Coordination
du projet
Actes de la journée des paysages - 24 octobre 2019
Actes de la journée des paysages du 24 octobre 2019
Julien TRANSY puis Emilie FLEURY-JÄGERSCHMIDT ? DGALN / DHUP / Bureau des
paysages et de la publicité
En partenariat avec Sylvie SERVAIN ? INSA Centre Val de Loire, UMR CITERES
Réseau Thématique Régionale MiDi, Zone Atelier Loire (CNRS)
Merci à l?ensemble des personnes suivantes (citées ici par ordre alphabétique, et non
d?intervention) pour les présentations effectuées au cours de la "journée des paysages"
du 24 octobre 2019 (ou les informations transmises a posteriori), ainsi que pour la
relecture des parties les concernant dans le présent document : Nathalie CARCAUD,
Pascale CORNUAU, Gilles DE BEAULIEU, Maguelonne DEJEANT-PONS, Sophie
DE STOPPELEIRE, Jane DUMONT, Ambre GIROU, Bruno RICARD, Sylvie SERVAIN,
Lolita VOISIN.
Les "journées des paysages" organisées par le bureau des paysages et de la publicité du
ministère chargé de l?environnement sont des journées à caractère national, destinées
à un large public d?acteurs de l?aménagement : agents des services de l?État et des
collectivités territoriales, élus, partenaires associatifs, chercheurs, paysagistes? Elles
visent à débattre des outils et méthodes des politiques paysagères et, plus généralement,
à questionner la place du paysage dans les autres politiques publiques. Leur mise en
place mobilise toujours un partenaire « extérieur » (autre direction générale du ministère,
autre ministère, établissement public, collectivité, université / laboratoire de recherche,
association?) pour favoriser l?ouverture et la rencontre avec d?autres acteurs et réseaux.
Ce partenaire co-construit le programme.
La journée du 24 octobre 2019 a ainsi été établie en partenariat avec l?Ecole de la Nature
et du Paysage de l'INSA Centre Val de Loire, le Réseau Thématique Régionale MiDi
et la Zone Atelier Loire (CNRS). Le présent document ne constitue pas une restitution
exhaustive du prononcé. Des révisions ou compléments ont pu être proposés, y compris
sur la base d?informations intervenues postérieurement à la tenue de la journée. Les
illustrations et photographies des pages intérieures du présent document sont issues à
titre principal des supports présentés par les différents intervenants, et restent la propriété
de leurs auteurs respectifs.
Canal de l?Ourcq © Laurent Mignaux - Terra
Intervenants
et relecteurs
Troisième journée internationale du paysage
Paysage et eau
Photographie de
couverture
Journée des paysages ? 24 octobre 2019
Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
PROGRAMME
(et pagination des actes)
9h45h Ouverture de la journée (page 2)
Lolita VOISIN, directrice de l?École de la nature et du paysage de l?INSA Centre Val-de-Loire
Julien TRANSY, Chargé de mission paysages, Bureau des Paysages et de la Publicité du MTES
Sylvie SERVAIN, professeur à l?INSA Centre Val de Loire, UMR CITERES
10h Introduction: la journée internationale du paysage du Conseil de l?Europe (page 4)
Maguelonne DEJEANT-PONS, Secrétaire exécutive de la Convention européenne du paysage, Conseil
de l?Europe
10h20 Paysage et eau (page 8)
En ouverture, Bruno RICARD, hydrologue et enseignant à l?École de la Nature et du Paysage de l?INSA
Centre Val de Loire dressera un panorama des enseignements relatifs à l?eau dispensés au sein de
l?École.
Chacune des présentations suivantes (20mn) donnera lieu à des temps d?échanges avec la salle (10
mn):
Nathalie CARCAUD, Professeur de Géographie, Agrocampus Ouest Angers et UMR ESO
Un observatoire de l?hydrodiversité des paysages fluviaux ? Pourquoi?
Sylvie SERVAIN, professeur à l?INSA Centre Val de Loire, UMR CITERES
Requalification des zones urbaines et mise en oeuvre de la Trame Bleue, une opportunité pour valoriser
les cours d?eau et les zones humides associées?
Ambre GIROU (SMEAG), Pascale CORNUAU (DREAL Occitanie), Sophie DE STOPPELEIRE
(DREAL Nouvelle Aquitaine)
Valoriser les paysages fluviaux: vers une réappropriation sociale et culturelle encouragée par le plan
Garonne
12h La place de l?eau dans les plans de paysage: présentations et débats (page 24)
Jane DUMONT, Mission paysage, communauté d'agglomération de Blois - Agglopolys
Inscrire la question de l'eau dans une stratégie globale: une illustration locale
Gilles DE BEAULIEU, Chargé de mission paysages, Bureau des paysages et de la publicité du MTES
Mise en perspective des interventions et débats au regard du retour d?expériences «plans de paysage»
au niveau national
Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
DISCOURS D?OUVERTURE
LOLITA VOISIN
DIRECTRICE DE L ?ÉCOLE DE LA NATURE ET DU PAYSAGE DE L ?INSA CENTRE VAL-DE-LOIRE
Bienvenue à toutes et à tous. Nous sommes heureux d?accueillir cette troisième journée internationale
du paysage, déclinée en France à l?initiative du ministère de la transition écologique et solidaire
(MTES). Cet événement nous permet d?accueillir un public d?élus, de professionnels, de scientifiques et
d?étudiants; or l?École de la Nature et du Paysage est très sensible à cette rencontre du monde réel et
du monde éducatif. Nous vous remercions donc pour votre présence.
L?École de la Nature et du Paysage est un département de l?INSA Centre Val-de-Loire qui forme des
paysagistes en cinq ans. Les étudiants reçoivent au terme de leurs cursus le diplôme d?État de
paysagiste. L?École est soutenue par le ministère de la Transition écologique et solidaire, qui porte les
politiques de paysage tout autant que l?évolution de la profession de paysagiste, et nous avons
grandement besoin de ce soutien.
Je remercie les organisateurs de cette journée, et tout particulièrement Sylvie Servain, et en profite
pour faire passer le message de notre disponibilité à accueillir à l?avenir d?autres initiatives de ce type.
JULIEN TRANSY
CHARGÉ DE MISS ION PAYSAGES , BUREAU DES PAYSAGES ET DE LA PUBLICITÉ DU MINISTÈRE DE LA
TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE
Merci pour ce mot d?accueil, que je me permets de compléter en rappelant la vocation de ces journées
des paysages que le bureau organise depuis 2014: j?aime à les présenter en disant qu?elles sont une
occasion de croiser les regards sur une thématique donnée, d?abord évidemment grâce aux
intervenants, mais aussi grâce au public et à la diversité des profils que l?on peut y trouver, ainsi que
l?introduction de Lolita VOISIN vient encore de le confirmer. C?est précisément pour favoriser cette
rencontre entre différents réseaux d?acteurs que le bureau des paysages et de la publicité n?organise
pas seul ces journées, mais sollicite un ou plusieurs partenaires impliqués dans la construction du
programme.
Ces partenaires ne sont pas toujours des interlocuteurs habituels du bureau: ainsi de la journée, dont
vous aviez à l?entrée quelques exemplaires papier des actes à disposition, organisée sur la place des
activités, manifestations ou infrastructures sportives dans les paysages1, qui nous avait conduit à
solliciter le ministère des sports avec lequel nous n?étions pas au préalable en relation.
La situation est toute autre pour la présente journée, puisque le bureau des paysages (principalement
par l?intermédiaire de ma collègue Karine Mangin qu?un certain nombre d?entre vous ici connaissez
bien) entretient des relations nourries avec les différentes écoles de paysage, à plusieurs titres:
ateliers inter-écoles, journées des écoles, doctorales en paysage, groupe de travail sur la recherche en
paysage, soutien à la revue numérique «Projets de paysage» ?
Ce dernier point a son importance, dans la mesure où ma découverte du dernier numéro en date de
cette revue, qui traitait des paysages de l?eau2, a constitué d?une certaine manière l?élément
déclencheur pour l?organisation de cette journée, la thématique retenue par le Conseil de l?Europe pour
la troisième journée internationale du paysage portant précisément sur «Paysage et Eau».
Maguelonne DEJEANT-PONS qui nous fait l?honneur de sa présence aujourd?hui aura l?occasion
d?évoquer les travaux du Conseil de l?Europe et le principe de ces journées internationales du paysage,
que toutes les parties prenantes sont invitées à célébrer le 20 octobre de chaque année, date de
signature de la Convention européenne du paysage à Florence en 2000.
Je remercie l?École de la Nature et du Paysage de Blois d?avoir répondu favorablement à notre
proposition, et ce dans des délais particulièrement contraints. Je tiens à souligner combien, dans ce
contexte, la plus grande part du mérite en matière de construction du programme revient aujourd?hui
indéniablement à nos partenaires, et en particulier à Sylvie Servain, qui a été ma principale
interlocutrice sur ce projet.
1 Les actes en sont aussi accessibles en ligne sur le site du ministère : h?ps://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/poli?que-des-paysages#e9
2 Le numéro 20 de la revue, paru en juin 2019, est accessible à par?r de ce lien : h?ps://www.projetsdepaysage.fr/indexa?on?numero
2
Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
SYLVIE SERVAIN
PROFESSEUR À L ?INSA CENTRE VAL DE LOIRE, UMR CITERES
Je remercie le bureau des paysages et de la publicité du ministère de nous avoir proposé d?accueillir
cette troisième journée internationale du paysage, dont la thématique s?inscrit dans la continuité d?un
colloque portant sur l?eau et le paysage, organisé voilà deux ans. Ce colloque a fait l?objet d?une
publication dans la revue Projets de paysage, que Julien Transy vient d?évoquer. Un ouvrage collectif
est en cours de réalisation sur la même thématique.
Nous avons sollicité, pour l?organisation de cette journée, des partenaires du monde de la recherche,
tels que l?UMR Citeres (l?équipe de recherche de l?université de Tours à laquelle nous sommes
rattachés) et deux réseaux de recherche, la Zone Atelier Loire et le réseau thématique de recherche
MIDI (Milieu et Diversité). Le premier est un réseau du CNRS qui regroupe des chercheurs travaillant
sur le bassin de la Loire et les interactions entre l?homme et l?environnement, tandis que le second est
financé par la région Centre-Val-de-Loire et sert d?appui à des échanges scientifiques et au
développement de travaux interdisciplinaires entre les équipes de recherche de la région. L?un de ses
principaux thèmes de travail est l?eau.
Cette journée sera organisée en deux temps. La matinée sera consacrée à trois présentations portant
sur des travaux de recherche, et vise à favoriser l?interaction entre recherche et action. Je vous prie
d?excuser Caroline Le Calvez, qui est souffrante et ne pourra assurer sa présentation. Je la remplacerai
et évoquerai un sujet différent de celui prévu au programme. Nous poursuivrons la journée après le
déjeuner en nous rendant sur le terrain pour visiter le quartier sud de Blois et plus particulièrement le
déversoir de la Bouillie, afin de nous interroger sur les paysages des zones inondables. En effet, un
projet de déconstruction a été mis en oeuvre dans ce quartier afin d?éviter les dégâts matériels et
humains liés aux inondations.
Je vous souhaite une très bonne journée.
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Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
INTRODUCTION
MAGUELONNE DEJEANT-PONS
SECRÉTAIRE EXÉCUTIVE DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DU PAYSAGE, CONSEIL DE L ?EUROPE
Je vous remercie de votre invitation et félicite le ministère de la Transition écologique et solidaire ? en
particulier M. Julien Transy, M. Gilles De Beaulieu et Mme Karine Mangin, pour le travail important
réalisé en faveur du paysage et de la mise en oeuvre en France de la Convention européenne du
paysage du Conseil de l?Europe.
Je remercie et félicite également l?École de la Nature et du Paysage de Blois et l?ensemble des
partenaires et personnes qui ont contribué à l?organisation de cette Journée.
Je souhaiterais présenter une image des
archives départementales de la ville de Blois,
qui a pour légende: «Jusqu?à l?arrivée du
chemin de fer en 1846, la première vue que
les voyageurs découvraient de Blois est celle
qu?offre le faubourg sur la rive opposée».
C?est bien grâce à ce point de vue
remarquable que Jean de La Fontaine et
Victor Hugo ont pu qualifier la ville
d?«amphithéâtre sur la Loire». L?image
atteste de l?extraordinaire point de vue sur le
fleuve, le château et la chocolaterie. La
France compte certes un grand nombre de
lieux superbes, mais il faut reconnaître que
les paysages des bords de Loire sont
sublimes.
Une autre image est ainsi documentée : «Au
sein de la ville de Blois, le quartier de Vienne
est souvent considéré comme celui qui a le
lien le plus fort avec le fleuve. Les hommes
vivent au rythme des caprices et des faveurs
de la Loire. Si le trafic fluvial a aujourd?hui
disparu, les Viennois prennent toujours autant
de plaisir à se rendre au bord du fleuve,
particulièrement au port de la Creusille, où ils
peuvent profiter d?une lumière et d?une
ambiance propre au Val-de-Loire». Mes
arrière-grands-parents maternels habitaient
en Vienne, face à la Loire et j?ai pu pendant
mon enfance, longuement admirer ce
paysage fascinant aux reflets changeants,
baigné d?une lumière délicate.
L?eau provoque aussi de graves dommages comme le montrent les grandes crues de la Loire,
consignées dans des documents historiques et illustrées sur le vitrail de l?église Saint-Saturnin (celui-ci
représente l?invocation faite à Notre-Dame des Aydes pour sauver le faubourg de Vienne des crues en
1866).
Là est tout l?enjeu de la Journée qui nous rassemble: comment prendre en compte les dimensions
multiples et complexes de l?eau à travers le prisme du paysage? Le paysage résulte en effet d?une
multitude d?actions, menées par de nombreux acteurs intervenant sur les dynamiques territoriales, à
diverses échelles de temps et d?espace.
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Archives départementales du Loir-et-Cher
Archives municipales - Blois
Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
Depuis 2017, la Journée internationale du paysage du Conseil de l?Europe3 est célébrée chaque année
dans tous les États, le 20 octobre, en application de la Convention européenne du paysage.
?Première Journée internationale du paysage du Conseil de l?Europe (2017): «La prise en compte du paysage au
niveau local»;
?Deuxième Journée internationale du paysage du Conseil de l?Europe (2018): «Promouvoir l?éducation au paysage»;
?Troisième Journée internationale du paysage du Conseil de l?Europe (2019): «Paysage et eau»
La Quatrième Journée internationale du paysage du Conseil de l?Europe (2020) portera sur le thème:
«L?Intégration du paysage dans les politiques sectorielles».
Le Conseil de l?Europe s?est préoccupé de la question de l?eau dès 1967. Une Résolution du Comité
des ministres, formulant la Charte européenne de l?eau, en atteste. Celle-ci énonce 12 principes
fondamentaux d?une grande pertinence:
1. Il n?y a pas de vie sans eau. C?est un bien précieux, indispensable à toutes les activités humaines.
2. Les ressources en eaux douces ne sont pas inépuisables. Il est indispensable de les préserver, de les contrôler et, si
possible, de les accroître.
3. Altérer la qualité de l?eau, c?est nuire à la vie de l?homme et des autres êtres vivants qui en dépendent.
4. La qualité de l?eau doit être préservée à des niveaux adaptés à l?utilisation qui en est prévue et doit notamment
satisfaire aux exigences de la santé publique.
5. Lorsque l?eau, après utilisation, est rendue au milieu naturel, elle ne doit pas compromettre les usages ultérieurs, tant
publics que privés, qui seront faits de celui-ci.
6. Le maintien d?un couvert végétal approprié, de préférence forestier, est essentiel pour la conservation des ressources
en eau.
7. Les ressources en eau doivent faire l?objet d?un inventaire.
8. La bonne gestion de l?eau doit faire l?objet d?un plan arrêté par les autorités compétentes.
9. La sauvegarde de l?eau implique un effort important de recherche scientifique, de formation de spécialistes et
d?information publique.
10. L?eau est un patrimoine commun dont la valeur doit être reconnue de tous. Chacun a le devoir de l?économiser et
d?en user avec soin.
11. La gestion des ressources en eau devrait s?inscrire dans le cadre du bassin naturel plutôt que dans celui des
frontières administratives et politiques.
12. L?eau n?a pas de frontières. C?est une ressource commune qui nécessite une coopération internationale.
Le 17 octobre 2001, le Comité des Ministres a adopté un deuxième texte fondamental: la
Recommandation Rec. (2001) 14 sur la «Charte européenne des ressources en eau». Adressé aux
États membres du Conseil de l?Europe, le texte attire l?attention des gouvernements sur la nécessité de
gérer et de protéger les ressources en eau par une approche commune et intégrée4. Le Comité des
Ministres recommande aux États d?appliquer certains principes concernant des aspects procéduraux et
substantiels du «droit à l?eau» et à «l?assainissement» dans le cadre de leur politique nationale.
Adoptée en l?an 2000, la Convention européenne du paysage du Conseil de l?Europe inclut les eaux
intérieures et maritimes dans son champ d?application les travaux développés appréhendent
pleinement cette dimension. La 22e Réunion du Conseil de l?Europe des Ateliers pour la mise en oeuvre
de la Convention, intitulée «Eau, paysage et citoyenneté face aux changements mondiaux», a permis
d?appréhender les multiples facettes de l?eau5
3 www.coe.int/fr/web/landscape/interna?onal-landscape-day
4 www.coe.int/fr/web/landscape/reference-texts
5 www.coe.int/fr/web/landscape/22nd; Actes : Aménagement du territoire européen et paysage, n°116 (h?ps://rm.coe.int/1680969b4d)
5
Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
Les politiques publiques mises en oeuvre dans les États Parties à la Convention sont présentées sur le
site de la Convention européenne du paysage6, dans le cadre du Système d?information sur la mise en
oeuvre de la Convention et dans la Plateforme d?information7. Des expériences exemplaires, menées
sur les territoires sont par ailleurs rassemblées dans le cadre de l?Alliance du Prix du paysage du
Conseil de l?Europe8. Certaines expériences, ci-après mentionnées, concernent l?eau et le paysage,
dans leurs multiples interrelations.
1 re Session 2008-2009
?Le Parc de la Deûle, Lille Métropole, France
2 e Session 2010-2011
?Le patrimoine côtier de Durham, Partenariat du patrimoine côtier de Durham, Royaume-Uni
?La Base régionale de plein air et de loisirs du Port aux Cerises, Syndicat mixte d?étude, d?aménagement et de gestion
de la Base régionale de plein air et de loisirs du Port aux Cerises, France
?Le Manifeste pour le paysage des Pays-Bas, Fondation du Manifeste pour le paysage, Pays-Bas
3 e Session 2012-2013
?Préserver la valeur écologique dans le paysage de la vallée fluviale de Szprotawa, Association de Basse-Silésie de
parcs paysagers, Pologne
?La Porte de Gornje Podunavlje, ONG Podunav, Backi Monostor, Serbie
?La réhabilitation d?un paysage complexe et le programme de développement dans les montagnes Gerecse et la vallée
de la rivière Által, Association pour la restauration et le développement de la vallée de la rivière Által (Tata), Hongrie
?Le Plan de conservation de l?Ile de Bere, Conseil du patrimoine et Groupe du projet de l?île de Bere, Irlande
?La planification de la politique de conservation et de développement durable de vingt paysages nationaux aux Pays-
Bas, ONG Stichting Nationale Landschappen, Pays-Bas
?Le Laboratoire du paysage de Furnas (Furnas LandLab), Direction régionale de l?environnement des Açores, Portugal
?La restauration du paysage et de la gestion des eaux de la réserve naturelle de Skocjanski Zatok, DOPPS, BirdLife
Slovénie, Slovénie
?Le projet de paysage du bassin-versant des Pennines du Sud, Perspectives Pennines, Royaume-Uni
4 e Session 2014-2015
?La Ville de Kuldiga dans la vallée de la Venta: préserver un paysage exceptionnel pour les générations futures,
Municipalité de Kuldiga, Lettonie
?La Nouvelle ligne de flottaison néerlandaise, Conseil de la Nouvelle ligne de flottaison néerlandaise, Pays-Bas
?La gestion des ressources naturelles et de la biodiversité du bassin de Camili, Association de protection et de
développement de l?environnement de Camili, Turquie
5e Session 2016-2017
?Le Parc écologique de l?Alna : un couloir bleu-vert pour la biodiversité, les loisirs et la gestion durable de l?eau en zone
urbaine, Municipalité d?Oslo, Agence de l?environnement urbain, Norvège ? Mention spéciale pour «La cohésion sociale
et le respect de l?environnement»
?Hrinovské lazy: paysage de valeurs, Ville de Hrinová, République slovaque ? Mention spéciale pour «La préservation
d?un paysage rural singulier menacé»
?Développer les «Codes de l?eau» au centre de la ville de Larissa: la «rivière sculptée» de Larissa, Municipalité de
Larissa, Grèce
6e Session 2018-2019
6 www.coe.int/fr/web/landscape - www.coe.int/en/web/landscape
7 www.coe.int/fr/web/landscape/landscape-observatory
8 www.coe.int/fr/web/landscape/landscape-award-alliance ; Conven?on du Conseil de l?Europe sur le paysage : L?Alliance Prix du paysage, Série
Aménagement du territoire européen et Paysage, 2018, N° 105.
6
Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
?La renaturation du cours d?eau de l?Aire, République et Canton de Genève, Suisse, et des partenaires de France et de
Suisse
?Création du Parc urbain national de Kotka, Ville de Kotka, Finlande
?Reconquête des quais de la Seine à Rouen par l?aménagement d?une grande promenade fluviale, Ville de Rouen et
métropole de Rouen, Normandie, France
?Entre terre et eau, «Une autre manière de posséder», Consortium «Les hommes de Massenzatica», Italie
?Parc de bord de mer multifonctionnel à Limassol, Municipalité de Limassol, Chypre
?Développement durable du Canyon de Martvili, Municipalité de Martvili, Géorgie
?Recréation du lac Karla, Région de Thessalie, Grèce
?Lista, un paysage et un partenariat uniques, Municipalité de Farsund, proposée par le Conseil du Comté de Vest-
Agder, Norvège
*
La Recommandation CM/Rec(2017)7 du Comité des Ministres aux États membres sur la contribution
de la Convention européenne du paysage à l?exercice des droits de l?homme et de la démocratie dans
une perspective de développement durable recommande aux gouvernements des États parties à la
Convention de considérer l?importance de la qualité et de la diversité des paysages, autant pour l?esprit
et le corps des êtres humains que pour les sociétés, dans les réflexions et travaux consacrés aux droits
de l?homme et à la démocratie, dans une perspective de développement durable. Elle leur demande
aussi d?inscrire les politiques du paysage dans la durée, afin qu?elles tiennent compte du cadre de vie
commun aux générations présentes et futures.
Il est ainsi important que la question de l?eau, soit prise en compte à sa juste mesure dans les
politiques publiques et que la valeur du lien «eau-paysage» soit reconnue de tous.
7
Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
PAYSAGE ET EAU
ENSEIGNEMENTS RELATIFS À L?EAU DISPENSÉS AU SEIN DE L?ÉCOLE DE LA
NATURE ET DU PAYSAGE DE L?INSA CENTRE VAL-DE-LOIRE
BRUNO RICARD
HYDROLOGUE ET ENSEIGNANT À L ?ÉCOLE DE LA NATURE ET DU PAYSAGE DE L ? INSA CENTRE VAL-DE-
LOIRE
Bonjour. Je vous propose de présenter deux cours d?hydrologie urbaine et d?ingénierie fluviale que je
donne dans le cadre de l?École de la Nature et du Paysage aux étudiants de première et deuxième
année de DEP. J?enseigne dans cette école depuis 1998. C?est en 2005 que le cours d?hydrologie
urbaine a pris la forme que je vous présente aujourd?hui, et celui d?ingénierie fluviale a été intégré dans
le cursus en 2013. Les cours s?appuient sur une pratique de ces sujets au sein de bureau d?études et
sur mon vécu d?élu local, étant vice-président de Dinan Agglomération en Bretagne, et membre de la
Commission locale de l?Eau du SAGE Rance. Bien entendu, les notions d?eau, de paysage et de
milieux apparaissent dans d?autres cours dispensés ici (géographie, écologie, etc.), y compris dans les
deux années qui précèdent le DEP, mais ces deux cours constituent des focus assez spécifiques.
Le cours d?hydrologie urbaine de DEP 1 est centré sur un atelier de cinq jours où l?objectif est de faire
de l?eau une matière à projet de paysage dans le contexte d?un quartier urbain, et de rendre ainsi l?eau
la plus visible possible. Cet atelier est préparé en amont par des cours théoriques d?hydrologie urbaine
portant notamment sur la méthode des pluies, la méthode du réservoir linéaire, la formule Manning, la
dépollution des eaux de ruissellement, ou encore la récupération des eaux pluviales.
L?atelier de 5 jours se déroule lui-même en deux temps: dans un premier temps ils réalisent, par
groupes de 5 ou 6, un diagnostic urbain et paysager, puis un schéma directeur pluvial articulé à une
esquisse paysagère d?ensemble. Le schéma directeur explique le chemin de l?eau proposé depuis les
bâtiments jusqu?à des sites de rétention, infiltration, et de connexion éventuelle sur les réseaux existant
en aval. L?esquisse paysagère y joint une conception de l?espace en appui sur ces ouvrages de gestion
de l?eau de pluie. Dans un second temps, ils travaillent individuellement sur un site particulier du
quartier qu?ils ont choisis. Ils peuvent alors entrer dans le détail de la présence de l?eau dans les
espaces publics (y compris pour les petites pluies, souvent oubliées dans les approches hydrauliques
classiques), de l?inondabilité de ces espaces pour des fortes pluies, et préciser des points de détail du
chemin de l?eau visible qu?ils créent. Un bassin de rétention est conçu d?abord comme espace public,
avec ses usages, son esthétique, et les éléments hydrauliques requis. Il est donc demandé aux
étudiants de produire des détails techniques comme des vues et croquis d?ambiance.
Le cours d?ingénierie fluviale de DEP2 porte plus spécifiquement sur les cours d?eau. À l?image du
cours de DEP1, il repose sur une pédagogie d?atelier par groupes de 5 à 6, cette fois sur deux jours, où
les étudiants sont invités à renaturerun cours d?eau existant et altéré. Cet atelier est lui aussi préparé
par deux jours de cours théorique. Ce cours n?aborde pas les cours d?eau par la notion de risque
souvent mise en avant, mais par les fondements de l?hydromorphologie fluviale, une méthode et une
grille d?évaluation de l?état des cours d?eau et de leurs habitats, et des outils de renaturation. Il faut
8
Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
noter que cette dernière est de plus en plus prégnante dans les politiques publiques de l?eau puisqu?en
60 ans, nous sommes passés d?une logique centrée sur les équipements urbains (réseaux, stations
d?épuration, etc.) à une logique largement étendue aux questions de restauration des milieux.
Cet atelier est l?occasion pour les étudiants d?explorer le cours d?eau au regard ce qu?il a été. En effet,
un cours d?eau a pu changer de lit ou voir son lit majeur urbanisé par des zones commerciales. Il a pu
également perdre ses méandres. Plus haut dans les bassins versants, nous trouvons de très nombreux
cours d?eau rectifiés ou linéarisés, ce qui pose des problèmes hydrauliques mais aussi de biodiversité.
Dans un premier temps ils produisent des éléments d?état des lieux et de diagnostic sur le bassin
versant, sa géologie, les questions hydrauliques, l?état des habitats
Dans un second temps nous leur demandons d?élaborer une stratégie et un projet de renaturation. Ce
projet débouche sur une proposition de tracé en plan d?un cours d?eau visant notamment à retrouver un
méandrage cohérent dans l?emprise du foncier disponible pour le projet. Les étudiants se fondent pour
cela sur des documents historiques et sur des éléments théoriques. Ils conçoivent ensuite dans le
détail les futurs profils en travers du cours d?eau, en restant sur un outil de calcul simple, la formule de
Manning. L?idée et de leur donner des bases qui leur permettront de dialoguer dans le futur avec des
techniciens et des hydrauliciens, tout en gardant du recul et en conservant leur créativité et leur rôle de
paysagiste.
Les panneaux que nous avons installés dans la salle où se déroule la présente journée font écho au
cours d?hydrologie urbaine de DEP1 de 2018 et à l?atelier consacré cette année-là à des quartiers de
Blois. Nous avions en effet profité de la Biennale Nature et Paysagepour monter un collectif qui allait
au-delà des enseignants de l?école, afin de jouer avec l?eau dans plusieurs espaces publics de Blois.
L?atelier a donc été spécifique cette année-là puisqu?il a donné lieu à des installations sur le terrain, en
plus de la production papier. Deux panneaux portent sur le parvis de l?école elle-même, et deux autres
sur des installations réalisées en ville. Les étudiants avaient pu, en partenariat avec l?ENSI de Paris,
fabriquer des installations ludiques utilisant l?eau au pied des gouttières, en profitant des pentes dans
les escaliers, et même en bord de Loire dans le cas d?une installation.
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Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
UN OBSERVATOIRE DE L?HYDRODIVERSITÉ DES PAYSAGES FLUVIAUX ?
POURQUOI?
NATHALIE CARCAUD
PROFESSEUR DE GÉOGRAPHIE , AGROCAMPUS OUEST ANGERS ET UMR ESO
Je vous remercie pour votre invitation. Ma présentation prendra la forme d?un projet, car je souhaite
avant tout ouvrir la porte à des propositions. La question que je vous pose est la suivante: «Un
inventaire de l?hydrodiversité des paysages fluviaux, pour quoi faire?». Je me la suis posée, car si la
société reconnaît aujourd?hui l?importance de la biodiversité et d?une autre composante du milieu
naturel, la géodiversité, il m?a semblé intéressant de me demander en quoi il serait important de lancer
un chantier d?inventaire autour de la question de la diversité des paysages fluviaux (ce que j?ai appelé
«hydrodiversité»).
Je suis partie d?un constat peu partagé en dehors des communautés scientifiques, à savoir qu?il existe
une co-construction ancienne des vallées. Ainsi, Axel Beauchamp a soutenu un doctorat en 2018 à
l?Université de Caen sur les petites rivières de Normandie, qui montre que les paysages de rivière sont
co-construits dès le néolithique. En outre, Guillaume Paysant, un étudiant d?Angers, travaille sur les
petites rivières de l?Anjou affluentes de la Loire et fait également état d?une co-construction accélérée
durant la seconde moitié du XXe siècle.
Dans un certain nombre de manuels, les rivières et les paysages fluviaux sont toujours représentés de
manière déshumanisée. Je prends pour exemple deux schémas classiques, l?hydrosystème fluvial et
un exemple de paysage de plaine alluviale avec méandres, qui se caractérisent par l?absence
d?hommes. Or le paysage n?est pas désincarné des sociétés. Ces archétypes sont projetés dans des
situations de restauration ou de renaturation, et portent un risque d?uniformisation des paysages, et les
controverses sur ce qui, entre nature et culture, fait patrimoine se multiplient.
Modèle de plaine alluviale édifiée par un cours d?eau à méandres (Allen 1970, modifié par Brown, 1997).
Pourtant, de nombreuses expériences s?avèrent parfaitement éclairantes sur le sujet. Des thèses sont
depuis quelques années soutenues sur les grands hydrosystèmes et font référence, en particulier
celles de Mélodie David en 2016 et de Sandrine Lescure en 2015 sur la Garonne, et celle d?Anaëlle
Vayssière en 2018 sur le Cher. D?autres portent sur de plus petits hydrosystèmes: celles de Marion
Jugie sur l?Île-de-France (2018), d?Axel Beauchamp sur la Normandie (2018), de Guillaime Paysant sur
les Pays de la Loire (2019) et de Johan Blanpied sur les Hautes-Pyrénées (2019). Les travaux
scientifiques sont donc nombreux et des projets collectifs sont organisés, mais la connaissance semble
trop fractionnée. Parmi les projets collectifs, nous pouvons noter:
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Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
- le Réseau Loire et Garonne, dans lequel travaille Virginie Serna, qui intervient sur les questions
de rivières aménagées et de territoires de l?eau;
- le projet porté par Philippe Valette sur l?observatoire des paysages de la Garonne;
- le collectif de la Route des crues de la Vézère, notamment porté par Jamie Linton, qui enseigne
à l?Université de Limoge.
Je vous propose d?aborder les hydrosystèmes comme des paysages construits dans une épaisseur
temporelle et fonctionnant selon des trajectoires dynamiques. J?entends ici le «paysage fluvial» en
tant que synonyme d?autres concepts, comme ceux d?anthroposystème, d?espace hybride, de nature
artefact ou d?hydrausystème (ce dernier ayant été proposé récemment par Laurent Lespez et son
équipe).
Pour vous convaincre, j?ai choisi plusieurs exemples d?hydrodiversité sur lesquels j?ai pu travailler. Le
premier est celui de l?eau et des rivières dans les jardins. J?ai choisi le motif baroque, avec le jardin du
château de Vaux le Vicomte, créé par Le Nôtre vers 1656. Lorsque nous posons le jardin dans son
assiette géographique et géomorphologique, nous constatons que sans rivière encaissée et sans
confluence, il n?existerait pas.
Vaux le Vicomte (vers 1656) par A. Le Nôtre (500ha clos)
Vaux le Vicomte, le parc dans son assiette. Une confluence
J?ai travaillé au printemps dernier sur mon deuxième exemple avec des étudiants, et en particulier un
ancien élève de votre école, Thomas Jourdan, qui a réalisé un travail de fin d?études sur la vallée
synclinale du Misengrain. Il s?agit d?une petite rivière armoricaine du nord-est du Maine-et-Loire, qui a
une longue histoire d?usages et surtout d?extraction et d?exploitation des ressources naturelles (fer et
ardoise). Elle est connue en tant que site minier, mais l?eau est également utilisée pour l?hydraulique.
Pourtant, la diversité de ses usages n?a pas nui à la caractérisation d?espaces naturels dans la vallée,
car des ZNIEFF ont été identifiées, et la vallée est aujourd?hui un espace naturel sensible du
département du Maine-et-Loire. La rivière circule sur des terrains miniers et ferrugineux, qui lui donnent
une couleur étonnante. Elle propose une grande hydrodiversité, avec des usages de loisir, mais
également des anciens moulins, associés à la présence d?étangs.
Mon troisième exemple est plus classique, mais tout aussi intéressant. Ce sont les sites urbains. Je
prends l?exemple de Poitiers, récemment étudié par Jean Soumagne et Alain Giret, qui nous montrent
un très beau site défensif de confluence entre deux rivières.
Je me suis rendu la semaine dernière avec des étudiants sur le dernier exemple que j?ai choisi, un petit
fleuve côtier situé entre les sables d?Olonne et La Rochelle, sur lequel existent depuis très longtemps
des marais à poissons qui donnent des paysages fluviaux exceptionnels. Une procédure de
labellisation «grand site» a débuté pour ce fleuve.
11
Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
Exemple : les marais à poissons du Payré (85)
Ces exemples me permettent de vous suggérer un certain nombre de pistes. Comme pour l?inventaire
général du patrimoine culturel, nous pourrions «recenser, étudier et faire connaître les éléments du
patrimoine qui présentent un intérêt», avec trois objectifs: qualifier et donner à connaître, sensibiliser à
la diversité et aider à la décision,
Il s?agit également de penser l?hydrodiversité comme un bien commun et un objet intégrateur (que nous
pouvons transformer en espace-laboratoire et en espace de concertation), mais également d?évaluer
les services les services hydrosystémiquesrendus par les paysages fluviaux. Certes, cela est déjà fait,
mais le plus souvent avec un regard biaisé et qui n?est pas aussi global que l?entend la Convention
européenne du paysage.
En outre, il s?agit de venir en appui à des projets de transformation des paysages fluviaux dans une
logique de projet. Il ne faut pas rester dans l?observation, mais favoriser les actions, en s?éloignant des
mythes du désaménagement et de la nature enfouie sous l?anthropisation, dans un état de référence.
J?emprunte cette dernière idée à Jean-Michel Carozza.
Enfin, la dernière idée que je souhaitais vous soumettre est proposée par Joan Blanpieddans sa thèse
à venir. Il suggère d?envisager les formes fluviales comme des figures à «patrimonialiser». Il s?agit
alors, par exemple dans le cas des crues, de «patrimonialiser» la mémoire des risques
DISCUSSION
DE LA SALLE
L?idée de «patrimonialiser» la mémoire du risque me semble très intéressante. Elle me fait penser à
un vitrail de l?église Saint-Saturnin, qui présente la crue de la Loire de 1866 et est accompagné d?un ex-
voto donné à l?époque.
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Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
REQUALIFICATION DES ZONES URBAINES ET MISE EN OEUVRE DE LA TRAME
BLEUE, UNE OPPORTUNITÉ POUR VALORISER LES COURS D?EAU ET LES ZONES
HUMIDES ASSOCIÉES?
SYLVIE SERVAIN
PROFESSEUR À L ? INSA CENTRE VAL-DE-LOIRE
EN COLLABORATION AVEC DOMINIQUE ANDRIEU (CARTOGRAPHE, MSH VAL DE LOIRE), ANNE RIVIÈRE-
HONEGGER (CHERCHEUR, UMR 560 EVS- ENS LYON), GILLES ARMANI (ANTHROPOLOGUE, CONSULTANT)
Pour pallier l?absence de Caroline Le Calvez, je vous propose de présenter des travaux réalisés dans le
cadre du réseau CNRS des Zones Ateliers qui portaient sur les trames bleues et les paysages, ceci
dans la continuité des exemples évoqués en introduction et relatifs à la mise en oeuvre d?initiatives
dans un contexte urbain et de l?idée de coconstruction entre nature et société des paysages fluviaux
présentée par Nathalie Carcaud. En effet, les cas que je vous présenterai sont particuliers, car ils se
situent en zone urbaine.
Cette activité de recherche nous a permis de nous associer avec des collègues lyonnais et du bassin
de la Garonne, dont Philipe Valette dont le nom a déjà été cité. Il a été financé par l?AllEnvie (Alliance
nationale de recherche pour l?Environnement) et le réseau des Zones Ateliers. Nous souhaitions mener
une réflexion sur la question de la requalification et du réaménagement des centres urbains au regard
d?une part de la mise en oeuvre des trames vertes et bleues et d?autre part des politiques dédiées au
paysage, de manière à identifier une éventuelle concordance entre ces deux dispositifs.
Nous nous sommes fondés sur le constat que ces milieux urbains intégraient des cours d?eau et des
zones humides fortement anthropisés depuis plusieurs siècles, et portaient des enjeux importants (liés
à l?économie, mais aussi à la biodiversité, aux paysages, aux services rendus, etc.), ce qui supposait
l?application des politiques publiques et des réglementations dédiées.
Ainsi, nous nous sommes interrogés sur la mise en oeuvre des politiques publiques consacrées à l?eau,
à la biodiversité et au paysage dans trois métropoles, et avons ciblé des projets qui impliquaient une
reconfiguration importante du territoire, et concernaient plus particulièrement des lieux dont les usages
et les activités n?ont pas perduré (comme les friches industriellesou berges réaménagées). Dans de
tels projets, la ville est reconstruite sur la ville, et il est alors possible de laisser de la place au paysage
et à la biodiversité. Nous souhaitions vérifier s?il existait une convergence d?intérêts entre d?une part la
prise en compte de l?eau et des zones humides, et d?autre part la mise en oeuvre des trames vertes et
bleues.
Le projet ne demandait que peu de moyens financiers, et s?est échelonné sur plusieurs années. Nous
nous sommes fondés sur une analyse de terrain et l?observation des actions concrètes menées sur les
territoires (visites de site, rencontre des acteurs locaux, séminaires auxquels ont été invités des
responsables de l?urbanisme dans les agglomérations, etc.), afin de déterminer les caractéristiques des
territoires, de l?hydrosystème et du paysage concerné, mais aussi d?identifier les projets mis en oeuvre.
Nous avons également réalisé une cartographie qui implique une analyse multiscalaire de l'évolution de
ces territoires. Nous avons ensuite considéré des documents de planification urbaine et de
communication, afin d?étudier la place de l?eau et du paysage dans les projets, sans bien entendu de
jugement de valeur. Des entretiens ont complété cette approche.
Les trois terrains d?expérimentation et d?observation choisis, Lyon, Nantes et Strasbourg, sont inclus
dans le réseau des Zones Ateliers. Il s?agit de trois métropoles, qui si elles ne sont pas comparables en
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Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
taille, portent un même dynamisme. Nous souhaitions travailler sur des terrains présentant une certaine
complexité hydrographique, avec des confluences multiples, les cours d?eau secondaires étant
généralement moins souvent étudiés dans le cadre des travaux de recherche. Il s?avère que les terrains
d?étude que nous avons choisis présentent des activités portuaires anciennes et des processus de
reconversion, et que de nouveaux usages de l?eau s?y développent. Certes, ces caractéristiques ne
sont pas spécifiques à ces trois sites. D?autres exemples nous ont été présentés en introduction de
cette journée (Bordeaux, Rouen, etc.), et les villes de Nantes, Lyon et Strasbourg renvoient ainsi à des
dispositifs plus généraux.
Le premier site est celui de Nantes, une métropole située en fond d?estuaire, qui présente une
confluence entre la Loire, l?Erdre et la Sèvres nantaise. Le territoire urbain est dense, et son coeur a été
beaucoup modifié (comblement de canaux). Le second, la métropole de Lyon s?inscrit dans la
confluence Saône/Rhône, avec un coeur de ville centré sur la zone de confluence. La confluence de
l?Eurométropole de Strasbourg implique quant à elle la Bruche, l?Ill et le Rhin. En raison de la frontière,
le développement est dissymétrique au regard des autres terrains d?étude.
Localisation et configuration des métropoles étudiées
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Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
Nous nous sommes interrogés sur la création de nouveaux paysages urbains. Les documents de
communication des agglomérations mettent en exergue de nouveaux quartiers en lien avec la trame
bleue, et utilisent des visuels emblématiques du renouveau urbain. L?eau s?avère très présente dans
ces nouveaux quartiers, mais ces évolutions sont le plus souvent liées au déplacement d?activités
industrielles vers Saint-Nazaire dans le cas de Nantes, vers les bords du Rhin dans le cas de
Strasbourg, et vers l?aval de l?agglomération s?agissant de Lyon. Il est avant tout question de sites
portuaires qui s?éloignent du centre-ville. Cet éloignement des centres-villes des activités industrielles a
du sens en termes d?urbanisation et de développement urbain, mais également en matière de gestion
des risques industriels.
Nous avons choisi d?étudier plus précisément un certain nombre de projets qui associaient l?eau et les
aménités paysagères. Il s?agit de projets de reconversion (qui concernent l?Île de Nantes, la confluence
de Lyon et les deux rives à Strasbourg), mais également de projets à dimension plus aquatique (portant
sur les berges du Rhône, les berges de la Saône et le parc naturel urbain de l?Ill et de la Bruche à
Strasbourg). L?analyse de ces projets montre qu?ils concernent des zones centrales dans la ville et
impliquent un questionnement sur l?eau. La trame bleue est présente, mais la question de la mise en
oeuvre de la trame verte se pose, alors que les deux trames sont normalement concomitantes. Quid, en
outre, des zones humides associées aux cours d?eau?
Nous nous sommes interrogés sur la chronologie de ces projets par rapport au Grenelle de
l?environnement. Ils sont, sur les trois sites choisis, relativement anciens. Ils ont évolué et ont pris de
l?ampleur au fil du temps, mais trouvent plutôt leur source dans la loi sur l?eau. Des liens directs ou
indirects avec les questions de paysage peuvent également être constatés. In fine, ces projets qui
intègrent les paysages de l?eau s?inscrivent dans différentes réglementations en lien avec les paysages
et la biodiversité.
Par ailleurs, nous avons pu noter un certain nombre d?éléments récurrents, comme la création de
bassins, de pièces d?eau et de nouveaux aménagements. Par exemple, sur le site de Lyon Confluence,
un bassin a été réaménagé pour accueillir des bateaux et de la navigation de plaisance, et une zone
humide et végétale a été créée à proximité d?un centre commercial. Une diversification des usages peut
également être notée. Les activités s?appuient fortement sur le paysage (en termes de décor plutôt
qu?en termes de fonctionnalité), et nous retrouvons un certain nombre de figures récurrentes sur les
différents sites: organiser des festivités, des plages ou des guinguettes, etc.
Quartiers confluence (Lyon) et des Deux Rives (Strasbourg), aménagement de bassins (clichés S.Servain, 2017)
La navigation de loisir prend parfois des proportions démesurées, notamment à Lyon, où apparaissent
des bateaux de grande taille qui posent la question de la circulation. L?observation in situ (nous nous
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Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
sommes rendus sur le terrain en juin, juillet et septembre) nous a permis d?identifier les usages
effectivement en vigueur, et de constater que les lieux sur lesquels portaient les projets réunissaient de
nombreux habitants et activités ainsi que des évènements (guinguettes, plages...).
Plage temporaire, Quartiers des Deux Rives (Strasbourg, 2015); Ile de Nantes (Débord de Loire, mai 2019)
Nous nous sommes aussi intéressés à la question du cadre de vie. Sans surprise, les quartiers proches
des zones où l?eau est mise en valeur proposent des habitats de qualité. Même si une partie est dédiée
au logement social, les projets bénéficient d?abord à une population aisée et cultivée, présentant des
revenus élevés. Ainsi, si les bords de cours d?eau sont investis par tous, le cadre de vie ne bénéficie au
quotidien qu?à une petite partie de la population.
La question de la prise en compte de la biodiversité et du végétal se pose également. Des paysagistes
interviennent dans ces nouveaux quartiers, et au-delà des questions d?architecture, les projets intègrent
des aspects plus généraux relatifs à l?espace public, comme l?aménagement de parcs et de places,
mais également d?espaces verts et de lieux de détente associés à l?eau. De plus, la végétation fait
l?objet d?une mise en scène plus ou moins spontanée.
Pour autant, la préservation des milieux de biodiversité n?est pas prise en compte de manière égale.
Ainsi, ce n?est que dans un petit secteur des berges du Rhône que la forêt alluviale est favorisée. Il en
est de même pour les bords de Loire à Nantes. Soulignons que dans le cas de Strasbourg, les
initiatives et projets dédiés à la biodiversité sont plus nombreux, comme les expérimentations de
radeaux flottants occupés par de la végétation aquatique.
Nous avons également travaillé avec ceux qui font le territoire en organisant des séminaires. Des
entretiens ont été réalisés à Lyon, afin d?interroger les acteurs associatifs et les responsables des
projets, plus particulièrement sur le lien de ces derniers avec la trame bleue, sur la place du paysage,
les activités en développement, etc. Il s?est avéré que les acteurs associatifs contribuaient fortement
aux actions et à la découverte du milieu aquatique urbain et du paysage, au travers d?actions parfois
dédiées à l?eau et au risque (par exemple, l?association Robin des Bois organise des sorties et des
balades urbaines pour les habitants, et en particulier les jeunes). Des acteurs du monde du sport et du
tourisme développent également des actions de sensibilisation.
Toutefois, ces travaux posent deux questions: celle de la cohabitation des usages et des pratiques, et
celle des conséquences sur la biodiversité et le paysage de la hausse de la fréquentation des sites
présentant des qualités paysagères et environnementales, comme cela a été abordé, récemment, lors
d'un colloque aux espaces protégés, et au cours duquel le thème du développement touristique a été
discuté (9-11 octobre 2019, Université de Lausanne, Cully, Suisse). Il s?agit d?une préoccupation
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Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
majeure pour les acteurs de terrain responsables de la protection de la biodiversité et de la gestion des
territoires.
Au final, il apparaît que les projets mis en oeuvre sont souvent antérieurs à la TVB du Grenelle de
l?environnement et à la Convention européenne du paysage, et que les activités et les usages
valorisant les cours d?eau et les zones humides sont en développement. Ce dernier point a beaucoup
été étudié par les chercheurs, mais nous souhaitions le réinterroger dans le cadre de sites urbains où le
paysage sert de décor et de cadre de vie. Ce qui est positif, car bénéficie alors aux habitants et à
l?image de la ville, mais doit s?intégrer à une réflexion plus globale sur le territoire. Ainsi, dans les
agglomérations, les services sont souvent cloisonnés et focalisés sur les projets qu?ils doivent déployer
même si le bureau du paysage organise des formations et des ateliers et les DREAL interviennent
auprès des collectivités. Ces projets de reconversions sont amenés à se généraliser, car les activités
industrielles tendent à se déplacer en périphérie. Elles constituent une opportunité pour intégrer les
dimensions environnementales et paysagères au développement urbain, celles-ci étant aujourd?hui peu
ou pas intégrées dans les projets. Soulignons qu?elles devraient l?être plus en amont, en lien avec les
demandes des habitants.
En complément de cette présentation:
Anne Rivière-Honegger, Sylvie Servain, Gilles Armani, Dominique Andrieu et Hervé Parmentier
Saisir les liens entre trame bleue, paysages de l'eau et projets urbains publié dans Projets de paysage le
16/06/2019
URL: http://www.projetsdepaysage.fr/fr/saisir_les_liens_entre_trame_bleue_paysages_de_l_eau_et_projets_urbains
DISCUSSION
DE LA SALLE
Il serait intéressant de décrypter les compétences impliquées dans les projets que vous évoquez et la
conception des espaces qui y est associée, mais également les modes de gestion à mettre en oeuvre
une fois les réaménagements terminés.
SYLVIE SERVAIN
Nous avons commencé à travailler sur ces points. De même que nous avons constaté des gestes
architecturaux similaires d?une ville à l?autre, nous nous sommes interrogés sur le geste paysagiste et
sur les modes de mise en oeuvre récurrents. En outre, nous avons constaté que dans le cadre de
certains dispositifs, la mise en place d?une gestion efficace s?était avérée délicate. La question du suivi
des aménagements et des expérimentations se pose alors.
DE LA SALLE
Avez-vous identifié des projets destinés à reconstruire un rapport physique (par exemple, par la
baignade)entre les habitants et l?eau qui traverse ces villes? Aujourd?hui, nous plaçons souvent l?eau à
côté de l?eau (je pense plus particulièrement aux piscines à Lyon et aux miroirs d?eau à Bordeaux et à
Nantes).
SYLVIE SERVAIN
Lorsque cela est possible, des lieux de baignade sont aménagés, mais le plus souvent, le rapport
physique se crée plutôt par navigation, en raison d?une qualité insuffisante de l?eau.
DE LA SALLE
A Lyon, une piscine a été installée à proximité immédiate des berges du Rhône. Les deux espaces sont
donc reliés, mais d?une manière que nous pouvons percevoir comme absurde.
SYLVIE SERVAIN
Il est à noter que cette piscine est ancienne.
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Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
VALORISER LES PAYSAGES FLUVIAUX: VERS UNE RÉAPPROPRIATION SOCIALE ET
CULTURELLE ENCOURAGÉE PAR LE PLAN GARONNE
SOPHIE DE STOPPELEIRE
DREAL NOUVELLE AQUITAINE
Le travail que nous avons réalisé dans le cadre du plan Garonne avec Pascale Cornuau, Ambre Girou
et Philippe Valette du Laboratoire GEODE de l?Université de Toulouse Jean Jaurès consiste à
favoriser une meilleure connaissance des paysages fluviaux et à accompagner une réappropriation
sociale et culturelle. La Garonne est un fleuve qui prend sa source dans les Pyrénées espagnoles,
traverse deux régions et aboutit à l?estuaire de la Gironde. Il est le quatrième fleuve français. Son
bassin versant est particulièrement important, et 2,5 millions d?habitants le côtoient sur toute sa
linéarité.
Il a été le support de nombreuses activités. Il a été utilisé pour l?extraction de granulats, l?irrigation de
l?agriculture (qui a évolué vers l?agriculture intensive), l?élevage, la production d?électricité, la culture des
bois en populiculture, etc. La variété des paysages est grande, puisque le fleuve part de la montagne et
aboutit à un estuaire. Après la Garonne torrentielle des montagnes pyrénéennes et la Garonne de
Piémont, la moyenne Garonne est marquée par l?agriculture et l?industrialisation et l?embouchure de ce
fleuve à l'estuaire offre un paysage aux ambiances maritimes
Les usages ont évolué au fil du temps, provoquant une perte notoire de la lisibilité des paysages. Par
exemple, le cours d?eau de la Garonnette, en plein Toulouse, a été asséché, et a disparu du paysage
urbain. Auparavant, la Garonne offrait des lieux propices à la baignade. Ces usages ont été
abandonnés pour des raisons de sécurité; les plages et les lieux de loisirs ont disparu. La ripisylve
s?est alors développée, fermant les berges. Pour prendre un dernier exemple, à Port-Sainte-Marie,
dans le Lot-et-Garonne, depuis les années 1850, la voie ferrée et une route coupent le village de la
Garonne. Le fleuve, comme en beaucoup d?endroits n?est plus visible.
Perte de visibilité et d?accès à la Garonne ? Port-Sainte-Marie (47) ? années 1900 et 2000 ? Observatoire des Paysages de la Garonne
(Ph Valette) -http://opgaronne.univ-tlse2.fr/
PASCALE CORNUAU
DREAL OCCITANIE
À l?inverse, le XXIe siècle est le siècle de la nouvelle valorisation. En 2005, la mise en oeuvre du Plan
Grand Fleuve Garonne a été décidée. Un premier plan a été signé en 2009. Il avait pour spécificité
d?intégrer un axe dédié à l?identité paysagère et culturelle de la vallée de la Garonne. À cette occasion,
le SMEAG a réalisé des études destinées à mieux connaître les paysages de la vallée. Un appel à
candidature a également été lancé auprès des collectivités afin de réaliser des études complémentaires
territoriales avec une approche sociologique. Des enquêtes ont alors été faites auprès de la population
et plusieurs projets favorisant une réappropriation du fleuve ont été proposés.
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Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
Avant 2012, les actions de retour au fleuve concernaient principalement la ville (Bordeaux, Toulouse,
Agen, etc.), ou s?avéraient plus ponctuelles (elles étaient alors portées par des associations
naturalistes, et il était principalement question de renaturation de méandres ou d?espaces). La
commune de Couthures-sur-Garonne, qui vit avec le risque d?inondation, a été précurseur en créant
une maison «Gens de Garonne» afin d?évoquer la vie avec le fleuve en dépit de ce risque.
À compter de 2012, les projets se sont multipliés, en partie en raison de la mise en oeuvre effective du
plan Garonne. Ils concernaient des actions de cheminement, l?installation de belvédères, la recréation
de roselières ou encore la restauration d?anciens dispositifs de guet. Un groupe technique suit ces
actions dans le cadre du plan. Il a alors défini une stratégie pour favoriser des projets ayant pour
objectif à la fois de restaurer et préserver les valeurs patrimoniales, de mettre en place des actions
pour transmettre ce patrimoine à la population, tout en les sensibilisant aux enjeux du fleuve et de
remettre la Garonne au coeur de l?aménagement des territoires.
Cette stratégie multifonctionnelle a été déployée à partir de 2016 dans le cadre d?un nouveau Plan
Garonne par le biais d?appels à projets. Les actions paysagères ne bénéficient plus de crédits de l?État,
mais cette perte a été compensée par des crédits européens qui permettent aujourd?hui de continuer à
accompagner les projets. Par exemple, à Langon, les quais ont été restaurés afin de recréer le lien
entre ville et fleuve. Une navette fluviale a vu le jour entre Lagruère et Tonneins, et elle a été associée
à des actions de requalification des espaces délaissés en bord de canal. A Saint-Martory, des travaux
ont été engagés à l?échelle intercommunale avec les écoles afin de retrouver le fleuve.
Les appels à projets ont permis d?imposer cette stratégie et de favoriser la continuité écologique. Il est
attendu que les projets soient adaptés aux lieux dans lesquels ils s?inscrivent, et qu?ils présentent un
rayonnement large (parce qu?ils sont portés soit par des intercommunalités, soit par des regroupements
de communes). En outre, l?usage festif de la Garonne se développe depuis les années 2000. Cette
réappropriation doit faire l?objet d?une vigilance particulière. Le fleuve ne doit pas devenir uniquement
un objet de consommation, mais rester un bien commun à préserver. Il est alors nécessaire de
travailler sur la perception de la Garonne par les populations.
AMBRE GIROU
SMEAG
En effet, le paysage n?existe que perçu. Par conséquent, nous avons travaillé sur la question de la
perception dans le cadre du plan Garonne. Entre 2010 et 2013, les études paysagères du SMEAG
prévoyaient la réalisation d?enquêtes qualitatives auprès des habitants. Une trentaine de personnes ont
été interrogées dans le cadre de chaque étude. Ces enquêtes ont permis au SMEAG de mieux
connaître le territoire et d?accéder à la mémoire des habitants, mais également d?interroger ces derniers
sur les lieux qu?il leur paraissait intéressant de mettre en valeur.
L?analyse des verbatims met en exergue une certaine nostalgie, une conscience de la perte des
usages, mais également une personnification de la Garonne (que les habitants appellent souvent
«Garonne», sans article) et une connaissance de l?intérêt des identités garonnaises et des paysages
que le fleuve traverse.
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Lagruère et Tonneins Saint-Martory
Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
Plus récemment, Philippe Valette de l?université de Toulouse Jean Jaurès a réalisé avec ses étudiants
des enquêtes en bord de fleuve. Lorsqu?il est demandé aux personnes de citer trois mots sur la
Garonne, ceux qui reviennent le plus souvent correspondent à des éléments de paysage (eau, fleuve,
etc.). Pour autant, les termes relatifs à la subjectivité arrivent en deuxième position. L?attachement au
fleuve comme un élément sensible, qui participe au cadre de vie, est fort. Le fleuve fait également
l?objet de projections, y compris en matière de loisirs. Ces derniers (particulièrement la pêche) sont très
prégnants sur certains tronçons. Ces projections ont une influence sur les projets en bord de Garonne.
Enfin, la question de la naturalité et les qualificatifs négatifs arrivent à égalité dans les réponses.
Philippe Valette a également effectué une enquête par photoquestionnaire, qui a confirmé ces constats.
Il était demandé aux personnes interrogées de noter des paysages de 0 à 10. Les paysages les mieux
notés sont les paysages patrimoniaux (les «cartes postales» et les ouvrages d?art), les paysages
valorisés (par exemple, les pelouses bien tondues) et les paysages ludiques. Les paysages intimistes,
panoramiques et sauvages reçoivent des notes inférieures. Les paysages à forte naturalité, intéressant
sur le plan écologique, ne sont pas toujours compris par les populations. Ils paraissent abandonnés.
Les paysages industriels, les paysages «du risque» (notamment les paysages inondés) et les
paysages dégradés sont classés en dernier.
Un travail de sensibilisation sur la naturalité du fleuve et les dynamiques fluviales semble donc à
réaliser dans la vallée de la Garonne.
Pour accompagner les projets à l?échelle de la vallée , un certain nombre de dynamiques sont mises en
oeuvre afin de créer de la solidarité et de mettre en réseau les acteurs. Ainsi, le SMEAG organise
depuis plusieurs années, en collaboration avec les DREAL, une animation financée dans le cadre du
plan. Il accompagne les collectivités dans la conception de leurs projets, propose des retours
d?expérience et organise la mise en réseau. Par exemple, en 2018, nous avons organisé une journée
au cours de laquelle des projets représentatifs ont été présentés, puis des ateliers ont permis de
réfléchir collectivement sur des thématiques choisies par les collectivités: «comment mettre en réseau
les maisons de Garonne?» (de nombreux projets muséographiques en lien avec la Garonne sont en
20
Rang 3: Paysage ludique Rang 2: Paysage valorisé Rang 1: Paysage patrimonial
Rang 4: Paysage intimiste Rang 5: Paysage panoramique Rang 6: Paysage «sauvage»
Rang 7: Paysage industriel Rang 8: Paysage du risque Rang 9: Paysage dégradé
Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
cours de création), «comment parcourt-on la Garonne, et quelles itinérances sont-elles possibles?»
(sachant qu?aujourd?hui, la Garonne ne peut pas être suivie sur l?ensemble de son cours en
cheminement doux) et «quelle ?destination Garonne? peut-elle être proposée?» (les politiques
touristiques sont peu tournées vers le fleuve).
SOPHIE DE STOPPELEIRE
Une coordination des animations se met progressivement en place. Nous tâchons également de rendre
accessible la connaissance scientifique autour de la Garonne. Dans le cadre de chaque appel à
projets, nous incitons à créer un observatoire photographique des paysages de Garonne. Ainsi, la ville
de Langon, qui a bénéficié dans le cadre du plan Garonne d?une aide pour l?aménagement de ses
quais a également commencé à mettre en place un observatoire photographique des paysages
fluviaux.
PASCALE CORNUAU
Un territoire de cours d?eau constitue un support pour organiser de belles démarches paysagères, car
les vallées structurent les territoires et nous offrent leurs zones inondables. En outre, un besoin de
nature et de proximité ressort dans toutes les enquêtes de perception. Toutefois, ces démarches
paysagères doivent être accompagnées, afin de transformer l?intérêt particulier en dynamique
collective. Une telle dynamique émerge aujourd?hui autour de la Garonne, mais elle nécessite
beaucoup d?énergie. Nous rencontrons encore des difficultés, par exemple au regard de la prise de
maîtrise d?ouvrage. Nous souhaiterions que les projets soient sous la responsabilité de communautés
de communes, ce qui n?est pas toujours possible. En ce sens, la réforme territoriale a été bénéfique,
car elle permet à la Garonne de prendre une place plus importante dans certains territoires. En
revanche, les fusions doivent être absorbées, et un certain nombre de priorités, qui n?intègrent pas
toujours le paysage, sont données aux communautés de communes, comme la compétence GEMAPI.
Par ailleurs, des communes se regroupent parfois pour porter des projets, mais elles n?ont souvent que
peu de moyens administratifs, techniques et financiers. Nous les accompagnons alors dans le cadre du
plan Garonne, qui permet une approche territoriale, et leur apportons des crédits FEDER. Mais les
compléments de financement sont difficiles à mobiliser. Parfois, cela oblige à abandonner des projets.
Ainsi, récemment, un projet retenu dans le Volvestre n?a pas pu aller jusqu?à son terme.
En outre, nous manquons d?un grand portage politique. Les conseils départementaux ou les conseils
régionaux n?affirment pas avec force la nécessité de continuer à travailler sur le bassin de la Garonne.
Par conséquent, l?État doit rester moteur. Nous sommes preneurs de tout appui national ou européen
qui mettrait en exergue l?intérêt des Plans Grands Fleuves et de la mise en place d?une démarche
paysagère dans le cadre de ceux-ci, et de tous moyens financiers nous permettant d?accompagner les
projets. Les négociations sur les contrats de plan ont commencé, mais nous ne savons pas quelle
réponse les conseils régionaux apporteront sur la mise en place d?un contrat de plan interrégional qui
réunirait les régions Occitanie et Aquitaine. Nous insisterons, bien entendu, pour que l?approche
paysagère soit incluse dans ce programme.
DISCUSSION
NICOLAS SANAA
FÉDÉRATION DES PARCS NATURELS
Avez-vous contribué à l?élaboration de documents de planification régionaux (les SRADDET)?
PASCALE CORNUAU
Les DREAL ont, en effet, été impliquées dans les SRADDET. Toutefois, en Occitanie, nous avons été
amenés à réaliser une contribution spécifique au paysage, qui porte sur les grandes entités paysagères
(fleuve, montagnes, plaines, etc.) en parallèle du porter à connaissance du SRADDET.
SOPHIE DE STOPPELEIRE
En Aquitaine, nous avons procédé de même. La contribution sur le paysage a été ajoutée a posteriori,
et un portrait de paysage a été réalisé.
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Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
DE LA SALLE
La loi NOTRe a donné plus de poids aux communautés de communes, sans que celles-ci bénéficient
de moyens supplémentaires. Existe-t-il des outils à plus grande échelle (nationale ou européenne) pour
aider les collectivités à mettre en place des projets de valorisationdes cours d?eau, qui seront de plus
en plus importants à l?avenir?
PASCALE CORNUAU
Si la loi NOTRe a été délicate à mettre en oeuvre, elle a permis de donner plus de place à la Garonne.
Une communauté de communes s?appelle même Convergence Garonne, et a créé l?office du tourisme
Destination Garonne. D?autres ont pris les noms de Terre de confluences, Garonne et Canal, etc.
S?agissant des moyens, nous portons des financements dans le cadre d?un programme FEDER, mais
notre participation financière reste limitée. Nous disposons d?un plan Garonne et d?un comité de
pilotage de celui-ci, mais chaque collectivité finance les projets en fonction de ses propres politiques.
Ainsi, les dispositifs se multiplient, mais il reste difficile de les combiner.
SOPHIE DE STOPPELEIRE
En outre, les projets sont plus faciles à financer lorsque les communautés de communes disposent
d?un personnel suffisant et de techniciens qui sont en mesure de rechercher plusieurs sources de
financement. Or toutes les collectivités n?ont pas de telles ressources.
PASCALE CORNUAU
De plus, les projets de revalorisation des cours d?eau intéressent les services Tourisme et
Environnement, qui n?ont pas toujours l?habitude de travailler ensemble. Il peut être difficile de monter
un projet qui allie la préservation de la nature et le développement du tourisme.
JEAN-PIERRE PIOJER
AGENCE ESPACES VERTS, CONSEIL RÉGIONAL D?ÎLE-DE-FRANCE
Je travaille pour une structure qui travaille sur la préservation des espaces naturels, mais ne représente
que 1% du budget de la région Île-de-France. Les projets sur ce thème ne sont pas suffisamment
priorisés. Les transports et le social coûtent des milliards d?euros, mais certains hommes politiques ne
prennent pas en compte la valeur du paysage et de l?eau, et leurs coûts induits. En augmentant de 1%
les dépenses relatives à la Seine, nous pourrions mettre en oeuvre des projets beaucoup plus
ambitieux. Pour moi, il n?est question que de volonté politique. Il n?est pas nécessaire de chercher des
financements auprès de l?Europe.
DE LA SALLE
Les projets mis en oeuvre ont-ils redonné une valeur économique à la Garonne, permis de créer des
aménitésenvironnementales et influé sur l?économie locale?
PASCALE CORNUAU
Nous ne disposons pas de statistiques sur ces points. Toutefois, le projet Gens de Garonne implique
une politique touristique tournée vers la Garonne, qui a nécessairement des retombées sur le territoire.
SOPHIE DE STOPPELEIRE
Les aménités paysagères sont toujours sources de retombées économiques. Chaque fois que nous
réaménageons des territoires (par exemple, des parcs ou des quais), la valeur des constructions
immobilières situées ou à venir à proximité augmente. Par exemple, les quais de Langon ont été
financés dans le cadre des deux phases du plan Garonne. Un ponton sera installé, des bateaux de
croisière naviguent sur le segment de fleuve, etc. La façade fluviale de la ville s?en est trouvée
améliorée, ce qui a des conséquences économiques immédiates, les habitants et les visiteurs viennent
se promener sur les quais ré-aménagés ce qui bénéficie aux commerces du centre-ville.
DE LA SALLE
Dans le Massif Central, des mesures des retombées économiques des paysages ont été réalisées, et
les articles touristiques (mugs, t-shirts, etc.) se vendent très bien. Les Anglo-saxons savent très bien
travailler sur ces points. Par exemple, en Écosse, des maisons forestières se montrent très
commerçantes. L?hôtellerie se développe également. Nous ne mesurons pas suffisamment les
conséquences des projets dans ces domaines. Nous en étudions plutôt les effets immédiats, comme
les créations d?emploi.
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Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
SOPHIE DE STOPPELEIRE
Il s?agit d?un argument que nous utilisons souvent auprès des collectivités. Nous mettons en avant le
fait que toute amélioration du paysage attire nécessairement les populations.
AMBRE GIROU
Les retombées économiques d?un paysage de qualité les plus faciles à quantifier sont celles liées au
tourisme. Nous disposons d?indicateurs sur ce point, mais les projets relatifs aux fleuves ne constituent
pas un apport économique seulement dans ce secteur d?activité. Dans le cadre du plan Garonne, nous
travaillons sur l?amélioration du cadre de vie en général, et ses conséquences sont difficiles à
quantifier. La mise en valeur du fleuve présente un potentiel touristique très important. Nous tâchons de
connaître le positionnement de la Garonne au regard d?autres fleuves français et européens, et
d?identifier les spécificités de l?identité garonnaise, afin de lutter contre le risque d?harmonisation.
L?étude «Destination Garonne» que nous venons de commencer sur les possibilités de valorisation
touristique nous permettra de déterminer les aspects identitaires que nous devons préserver, car ils
pourront servir de base à une politique à l?échelle de la vallée.
DE LA SALLE
Vous notiez plus tôt que le mot «paysage» n?apparaissait pas dans GEMAPI. Il pourrait retrouver ses
lettres de noblesse en réintégrant les collectivités non sous la forme d?une compétence, mais en tant
que mission inter services. En effet, le paysage peut constituer un lien entre les services Urbanisme,
Tourisme, Environnement, etc., de manière à réinterroger notre penchant à concevoir l?environnement
comme un aspect détaché des autres démarches et qui doit être sanctuarisé, alors que nous
percevons bien l?intérêt de le connecter avec le territoire et le développement local.
PASCALE CORNUAU
Nous travaillons déjà ainsi, mais lorsqu?il est question de financements, nous devons sectoriser les
actions. Nous avons alors des difficultés à conserver la cohérence des projets. Toutefois, certains
projets parviennent à éviter cet écueil. En ce sens, Hugo Molinier pourrait évoquer le projet de
revalorisation des berges de la communauté de communes des Portes de l?Entre-deux-mers.
HUGO MOLINIER
Nous avons en effet proposé un projet de renforcement de la relation entre les habitants et le fleuve.
Dans ce cadre, un chef de projet «paysage» met en oeuvre une approche interservices, et porte une
vision horizontale des actions mises en oeuvre. Notre communauté de communes compte 11
communes (dont 8 directement en contact avec la Garonne) et 20000 habitants. Son territoire s?étend
du sud de Bordeaux à Langon. Avec le développement de la voiture, il a tourné le dos au fleuve, alors
qu?auparavant, il existait des ports dans chaque village. Notre projet reprend deux volets, un volet
«aménagement» (avec la création d?un itinéraire le long de la Garonne, de Latresne à Langoiran, mais
également des reconstructions de berges en collaboration avec des associations, dans le cadre de
chantiers coopératifs) et un volet «animation» (car les habitants doivent être au coeur du projet, au
travers en particulier de l?observatoire photographique du paysage et d?animations culturelles,
proposées par exemple par les Chantiers Tramasset, qui reconstruisent des bateaux qui naviguaient
autrefois sur la Garonne et a récemment organisé une saison culturelle en lien avec d?autres fleuves). Il
me semble que les élus ont la volonté de valoriser les projets, mais également de trouver un équilibre
entre la préservation de la nature et le fait d?amener les habitants à voyager sur le fleuve. Toutefois, il
sera impossible de créer un ponton et une halte nautique dans chaque ville, car cela impliquerait de
transformer le paysage. Et les habitants de Bordeaux connaissent bien les externalités négatives d?un
tourisme excessif.
SYLVIE SERVAIN
Merci pour ces discussions. Loin de nous la prétention de penser que la dernière séquence de cette
matinée répondra à toutes les questions qui ont été soulevées, mais Gilles DE BEAULIEU vous
présentera un exemple d?accompagnement méthodologique et financier proposé par l?État aux
collectivités territoriales à travers l?appel à projets «Plans de paysage» porté par le ministère. Avant
son intervention, Jane DUMONT évoquera un exemple de plan de paysage, qui montre comment la
question de l?eau s?inscrit dans une stratégie plus globale que le paysage aide à construire.
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Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
LA PLACE DE L?EAU DANS LES PLANS DE PAYSAGE : PRÉSENTATIONS
ET DÉBATS
INSCRIRE LA QUESTION DE L?EAU DANS UNE STRATÉGIE GLOBALE: UNE
ILLUSTRATION LOCALE
JANE DUMONT
MISSION PAYSAGE, COMMUNAUTÉ D?AGGLOMÉRATION DE BLOIS ? AGGLOPOLYS
La communauté d?agglomération d?Agglopolys compte 43 communes. Elle représente environ un tiers
du Loir-et-Cher en matière de surface, et la Loire traverse son territoire de part en part. En tant que
chargée de mission paysage, je suis directement rattachée au directeur général des services
d?Agglopolys, afin d?avoir un rôle transversal auprès de tous les services qui portent des projets
(Urbanisme, Environnement, Cycle de l?eau, etc.). Mon poste a été créé en 2012, et est associé à la
volonté politique du président, Christophe DEGRUELLE de concevoir le paysage de manière plus
transversale. En ce sens, nous nous inscrivons pleinement dans l?esprit de la Convention européenne
du paysage. Ainsi, nous travaillons à la fois sur l?aspect qualitatif et quantitatif de l?eau, et sur les
perceptions de celle-ci.
Nous avons répondu au premier appel à projet relatif aux plans de paysage lancé par l?État en 2013. A
l?époque, peu de communautés d?agglomération avaient proposé leur candidature.
Pour autant, la stratégie de l?eau n?est pas formalisée en tant que telle dans notre plan de paysage (qui
a été réalisé par l?agence de paysagistes et urbanistes Folléa Gautier). L?eau constitue avant tout une
composante du paysage. Nous avons tâché d?identifier les onze grandes valeurs paysagères de notre
territoire, et l?eau fait partie de trois d?entre elles:
- la vallée de la Loire comme paysage phare de l?Agglopolys(avec des paysages «carte
postale» comme le château de Chaumont-sur-Loire);
- Blois et la Loire en tant que paysage fluvial urbain majeur(avec des paysages qui apparaissent
déjà dans les peintures et les gravures des archives);
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Patrick Delance Photographie
Patrick Delance Photographie
Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
- de petites vallées (celles du Beuvron, du Cosson et de la Cisse) offrant des paysages
intimistes: ainsi, nous avons identifié une certaine hydrodiversité dans notre plan de paysage,
et ces vallées présentent des paysages complexes et une occupation du sol diversifiée.
Des objectifs ont été définis, et notre plan de paysage fait aujourd?hui plus de 1000 pages. Plusieurs
des actions qu?il reprend ont un lien avec l?eau. Ainsi, dans le cadre de l?orientation n° 1 («recentrer le
paysage de l?habitat»), nous intervenons sur les espaces publics et avons prévu la transformation les
routes urbanisées en rues-jardins. Ces deux actions ont des conséquences sur l?eau. Nous
travaillerons également sur la thématique agricole (au travers de l?orientation n°3, «protéger et
valoriser le paysage agricole et viticole»). Deux actions concernent l?eau: «affirmer le coeur agro-
urbain d?agglomération» et «enrichir le paysage près des cours d?eau et des forêts par l?agriculture».
La première action est prioritaire, sachant que les élus ont sélectionné 17 actions prioritaires parmi la
trentaine que compte le plan.
Certaines actions sont directement liées à l?eau, comme l?action «donner à découvrir et à vivre les
bords de l?eau», relative à l?orientation n° 4 portant sur les patrimoines naturel et culturel. L?orientation
n° 5 porte sur les infrastructures, et intègre l?action «développer le maillage des circulations douces:
piétons, vélos, cheval et bateau sur la Loire». Enfin, dans le cadre de l?orientation n° 6 («animer le
plan d?actions pour les paysages»), il est prévu de renforcer les compétences des élus, des services
d?Agglopolys et des communes en matière de paysage. Par exemple, nous avons organisé avec le
CAUE 41 la Biennale Nature et Paysages sur l?eau, qui était ouverte aux élus, aux experts et aux
habitants.
J?évoquerai à titre d?exemple quatre projets que nous portons à l?heure actuelle. Le premier porte sur la
création de belvédères en bord de Loire. Il est lié à l?appel à manifestations d?intérêt proposé par la
Mission Val-de-Loire. Le ministère a identifié notre territoire comme un écosystème favorable, en raison
de la diversité des acteurs déjà engagés sur la question du paysage. La Mission Val-de-Loire s?inscrit
dans ce contexte. L?Observatoire Loire propose également des informations sur la perception et a créé
en 2000 un observatoire des paysages en bord de Loire. Nous avons répondu à l?appel à
manifestations d?intérêt de la Mission Val-de-Loire en proposant deux sites choisis par les élus: d?une
part, la confluence entre le Beuvron et la Loire à Candé-sur-Beuvron (un site à l?ambiance très naturelle
traversé par la piste «La Loire à Vélo») et d?autre part, la promenade entre les ponts François
Mitterrand et Jacques Gabriel à Blois (un secteur plus urbain où le fleuve est peu valorisé).
Le deuxième projet concerne les rues-jardins. S?il n?est pas directement lié à l?eau, il montre comment
l?Agglomération peut sensibiliser ses 43 communes à la question des espaces publics. Ainsi, nous
avons lancé auprès des communes un appel à projets de rues-jardins début 2018. La communauté
d?agglomération accompagne les projets à la fois sur le plan technique et financier (avec un dispositif
de subventions et l?achat des végétaux pour les communes). 27 communes ont répondu à cet appel à
projets. En fonction de leurs moyens, certaines ont proposé des trottoirs fleuris, tandis que d?autres ont
refait des rues entières. Au total, 6 kilomètres de trottoirs fleuris ont été créés. Une commune a, par
exemple, décapé l?enrobé afin d?installer de la végétation. Cela peut sembler modeste, mais cette
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Patrick Delance Photographie
Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
démarche permet de dialoguer avec les communes. En outre, le procédé facilite l?infiltration des eaux
pluviales. Le fait que le résultat soit immédiatement visuel permet aux élus de mieux appréhender la
question des eaux pluviales.
Par ailleurs, j?ai également travaillé sur la fiche «espaces publics» du plan de paysage. Elle visait à
recenser les bonnes pratiques en matière d?espaces publics, mais manquait de visibilité. Nous l?avons
réorientée autour de quatre thèmes:
- le contexte patrimonial et paysager à préserver;
- les îlots de chaleur à supprimer ou les îlots de fraîcheur à créer;
- la biodiversité à développer;
- la gestion intégrée des eaux pluviales à systématiser.
Nous demandons à tous les services de s?interroger sur ces thèmes dans le cadre de chacun de leurs
projets. Ainsi, au travers des eaux pluviales, nous sommes en mesure d?aborder le paysage dans toute
sa transversalité.
Pour développer ces quatre thèmes, nous avons porté deux projets pilotes, qui constitueront mes deux
derniers exemples. Le premier concernait sur le gymnase Balzac de Blois, un projet porté à l?origine par
le service Bâtiments de la ville. Il s?agissait alors de profiter des travaux pour mettre en place un
dispositif permettant de réinjecter les eaux de toiture dans l?espace vert situé devant le gymnase, et
pour agir sur la biodiversité, en prévoyant une noue et des plantes grimpantes le long de celle-ci,
plantes grimpantes qui attireront les pollinisateurs durant une grande partie de l?année. Le projet est
donc modeste, mais il montre qu?il est possible en interne de faire travailler ensemble les services
Bâtiments, Parcs et Jardins, Biodiversité, Cycle de l?eau et Infrastructures.
Le second projet portait sur la station d?épuration de Saint-Cyr-du-Gault. Dans le cadre du cahier des
charges du plan de paysage, il était demandé de travailler plus en profondeur avec le service Cycle de
l?eau. Nous avons tâché de choisir un emplacement pour cette station qui permette de l?intégrer dans le
paysage (et notamment l?entrée du village). En outre, nous avons souhaité que la réflexion sur chaque
aspect de la station (le nivellement, la clôture, la percée visuelle, le local technique, etc.) prenne en
compte le paysage. Par le passé, toutes les stations d?épuration étaient entourées de haies de thuyas.
Aujourd?hui, nous souhaitons plutôt montrer ces stations au public au travers de percées visuelles (des
filtres plantés de roseaux). Encore une fois, le projet est modeste, mais il est représentatif du
fonctionnement interne en transversalité que nous essayons de conforter aujourd?hui.
De nombreux autres projets ont été mis en oeuvre, par exemple sur les têtes de pont en bord de fleuve,
la requalification de l?entrée des villes, etc. Nous tâchons toujours de coordonner en interne la question
de l?eau, même si nous ne formalisons pas de stratégie sur le sujet.
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Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
MISE EN PERSPECTIVE DES INTERVENTIONS ET DÉBATS AU REGARD DU RETOUR
D?EXPÉRIENCES «PLANS DE PAYSAGE» AU NIVEAU NATIONAL
GILLES DE BEAULIEU
CHARGÉ DE MISSION PAYSAGES , BUREAU DES PAYSAGES ET DE LA PUBLICITÉ DU MTES
Dans cette conclusion, je tâcherai de proposer une synthèse des propos tenus au cours de cette
matinée, et de les mettre en perspective au regard des plans de paysage, dont un exemple vient de
nous être présenté. Vous l?aurez compris en écoutant les interventions de cette journée, la ligne de
crête est étroite, et nous risquons une sortie de route si nous ne restons pas attentifs à la manière dont
les projets et les politiques publics sont mis en oeuvre.
Bruno Ricard a souligné le fait que son équipe avait abordé la question de l?eau non sous l?angle des
risques mais sous celui de l?hydromorphologie. Ce point me semble important, et fait écho à
l?intervention de Jeanne Dumont, qui a montré que les communes de l?Agglopolys ont traité de manière
modeste selon ses termes, mais aussi opérationnelle et pertinente, la question des eaux pluviales.
Elles ont su transformer ce qui était perçu comme une contrainte, l?évacuation de l?eau pluviale en une
ressource, mobilisée pour l?arrosage à travers la mise en oeuvre d?un projet de rues fleuries. À travers
cette approche, la philosophie des plans de paysage est résumée. En effet, ces plans visent à
concevoir les situations comme des ressources et non comme des contraintes, ce qui inverse
l?orientation des politiques d?aménagement traditionnelles.
En outre, il n?existe pas d?action «modeste». Les premiers plans de paysage portaient une approche
généraliste et des plans d?actions à large périmètre, qui s?avéraient par conséquent difficiles à mettre
en oeuvre. Se focaliser sur une thématique particulière (comme l?eau) et la traiter de manière
exhaustive s?avère plus pertinent. En ce sens, l?intervention de Bruno Ricard a souligné qu?il existait,
dans l?enseignement, une forme de continuité territoriale entre la question de l?eau en ville et celle des
cours d?eau. En mettant en exergue un fil conducteur qui peut par ailleurs apparaître ténu, un travail de
pédagogie peut être réalisé auprès des élus et des acteurs du territoire, afin de valoriser une logique
territoriale complète.
De plus, le fait que dans une école du paysage comme celle de Blois les enseignements portent à la
fois sur la technique (qui relève de la culture de l?ingénierie) et la conception me semble très
intéressant. En effet, le paysage intègre ces deux aspects, mais la question de l?ingénierie est souvent
laissée de côté, alors qu?il s?agit d?un pôle de compétences essentiel.
Par ailleurs, Nathalie CARCAUD nous a présenté le concept d?hydrodiversité, qui rend compte du lien
fort qui existe entre l?aménagement des cours d?eau et l?histoire humaine. Or les plans de paysage
supposent la mise en place de politiques territorialisées. Plus elles le sont, plus les résultats sont
diversifiés et intéressants. L?hydrodiversité est donc essentielle, car elle permet une approche fondée
sur des typologies les plus riches possible, voire sur du «cas par cas», à l?inverse de la banalisation
des territoires que nous avons pu constater par le passé. Un certain nombre de documents portant une
vision déshumanisée du paysage montrent que la culture d?aménagement qui a présidé en France
depuis les années 1950 se fondait sur une culture d?ingénierie pure, dans le cadre de laquelle des
modèles étaient dupliqués, produisant une banalisation extrême des paysages et une perte de
mémoire. À l?inverse, les plans de paysage intègrent la question de l?intégration des citoyens à un récit,
une histoire et une reconquête du territoire. L?analyse diachronique permet précisément de se
réapproprier une histoire en partie effacée ou perdue. Les populations ont beaucoup bougé, et n?ont
pas nécessairement conscience de l?histoire de l?endroit où elles habitent et où elles travaillent.
L?analyse diachronique permet alors de redécouvrir le fonctionnement d?un territoire ou la complexité
des cours d?eau qui ont été simplifiés et banalisés par les politiques d?aménagement globalisantes.
Pour autant, un certain nombre de questions ont été exprimées, notamment dans le cadre de
l?intervention de Sylvie Servain. Certes, des projets et de nouveaux usages (qui constituent un moteur
pour la création de nouveaux paysages) ont été évoqués. Cependant, les trois projets présentés
soulèvent les thèmes du paysage-décor, de la mixité sociale et de la biodiversité. Si nous n?y prêtons
pas attention, la culture de l?aménagement risque de seulement s?être «verdie», alors qu?au fond,
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Journée des paysages, 24 octobre 2019 ? Troisième journée internationale du paysage ? Paysage et eau
nous ne faisons que dupliquer des politiques qui ne prennent pas en compte les territoires dans leur
spécificité. Ce n?est pas parce qu?une politique est plus «verte» qu?elle est plus vertueuse.
Je souhaite également m?attarder sur les nouveaux usages. Est-il véritablement question de nouveaux
usages, ou bien seulement d?une offrecommerciale de consommation de services? Les nouveaux
usages, s?ils sont connectés à des façons de vivre ou des identités diversifiées, sont intéressants et
peuvent produire une diversité de paysage. En revanche, les offres de service sont banalisées (aires
de jeu, pistes cyclables, etc.) et ne produisent pas ni diversité ni ancrage territorial. Ainsi, même avec
les meilleures intentions, il est possible de retomber dans les travers que je viens d?évoquer.
De plus, il me semble nécessaire de réinterroger notre manière de construire les projets et la notion de
conception dans les pratiques professionnelles, afin de davantage mixer les compétences et de faire en
sorte que les pratiques soient plus en lien avec les tissus locaux, de manière à proposer des projets
véritablement ancrés dans les territoires. En effet, beaucoup de projets sont banals, dupliqués d?un
territoire à l?autre. Par exemple, il y a quelques années, tous les projets prévoyaient des NOU, qui
étaient parfois complètement déconnectés des réseaux hydrographiques.
La question des nouveaux usages a également été évoquée dans le cadre de l?intervention sur la
Garonne. Il n?est pas certain qu?ils doivent effacer les usages anciens, et la réappropriation peut
permettre de redécouvrir des modes de vie du passé. La notion de perception a également été mise en
exergue. Nous l?évoquons dans les plans de paysage, mais la perception est intéressante lorsqu?elle
peut être enrichie. En effet, il s?agit d?augmenter la conscience d?habiter dans un territoire, ce qui
suppose une politique de pédagogie et de redécouverte.
Le cadre de l?action publique a également été évoqué au travers des SRADDET et de l?évocation de la
complexité des structures administratives. Une forte tension existe aujourd?hui entre la territorialisation
des politiques, les outils publics, le fractionnement de l?administration (qui est par nature sectorielle) et
la mobilisation des financements. Une tendance centrifuge est à contrebalancer.
Une approche concrète et opérationnelle, qui permette un ancrage territorial fort, constitue alors peut-
être la solution qui permettra d?éviter un maximum d?écueils. En ce sens, la diversité des réponses aux
derniers appels à projets relatifs aux plans de paysage, qui ont été simplifiés, est plus importante que
par le passé, ce qui constitue un signal encourageant. Ainsi, l?État apprend à mieux poser les
questions.
Par ailleurs, Maguelonne DEJEANT-PONS nous a fait part d?un souvenir personnel, qui n?a rien
d?anecdotique, car l?objectif d?un plan de paysage est d?habiter un territoire, et non d?y vivre, d?y
travailler ou d?y consommer, ce qui suppose un lien personnel, une compréhension, et une contribution
individuelle ou collective au territoire dans les comportements quotidiens. Le sentiment d?appropriation
est fondamental dans les projets. Sans elle, nous passons à côté de l?essence du plan de paysage et
du plan de territoire.
Enfin, les plans de paysage sont l?expression de la politique européenne. Nous ne constituons pas un
maillon isolé, et il est possible, même dans le cadre de politiques déployées à un très large niveau, de
traduire des principes généraux au plus près de réalités géographiques, économiques et sociales des
territoires. Un plan de paysage constitue alors une synthèse et une vision globale qui permettent de
créer des liens et de comprendre que les éléments du paysage constituent une ressource et non une
contrainte.
Je vous remercie.
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Direction générale de l?Aménagement,
du Logement et de la Nature
Tour Séquoia
92055 La Défense cedex
Tél. : +33 (0)1 40 81 21 22
www.ecologique-solidaire.gouv.fr/
Mise en page couverture : Jean Etienne Malaisé/