Rapport d’enquête technique sur le déraillement d’un train fret de transport d’eau minérale survenu le 17 septembre 2020 à Corbonod (Ain)
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre
Auteur secondaire
Résumé
<p align="justify" style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%"><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">Le</font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt"> 17 septembre 2020, le train de marchandises 61534 </font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">déraille </font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">au passage de l’ancienne gare de Pyrimont-Chanay, </font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">détruisant 2,6 km de voie, et provoquant un début d’incendie dans un wagon.L’expertise réalisée par le BEATT révèle une rupture d’une fusée d’essieu, ayant causé le déraillement, </font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">rupture conséquente </font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">à un échauffement excessif </font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">de ladite pièce</font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">. A </font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">l’issue de son enquête le BEATT émettait 3 recommandations concernant la maintenance du matériel, les retours d’expérience sur l’emploi de certaines pièces, et 2 invitations sur les points de vigilance lors des formations sur les organes de sécurité et sur certaines opérations de </font></font><font face="LiberationSans, serif"><font size="2" style="font-size: 11pt">maintenance.</font></font>
Editeur
MTE
Descripteur Urbamet
accident
;enquête
;travaux publics
;transport de marchandises
;incendie
;blessé
;DERAILLEMENT
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
RAPPORT D'ENQUÊTE TECHNIQUE
sur le déraillement d'un train de fret de transport d'eau minérale survenu le 17 septembre 2020 à Corbonod (01)
Février 2023
Avertissement L'enquête technique faisant l'objet du présent rapport est réalisée dans le cadre des articles L. 1621-1 à 1622-2 et R. 1621-1 à 1621-26 du Code des transports relatifs, notamment, aux enquêtes techniques après accident ou incident de transport terrestre. Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents. Sans préjudice, le cas échéant, de l'enquête judiciaire qui peut être ouverte, elle consiste à collecter et analyser les informations utiles, à déterminer les circonstances et les causes certaines ou possibles de l'évènement, de l'accident ou de l'incident et, s'il y a lieu, à établir des recommandations de sécurité. Elle ne vise pas à déterminer des responsabilités. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
Glossaire
AFWP : Association française des Wagons de Particuliers devenue Association française des
détenteurs de wagon
ATESS : Acquisition et Traitement des Évènements de Sécurité en Statique CETIM : Centre technique des industries mécaniques DB : Deutsche Bahn, opérateur ferroviaire historique allemand DBC : détecteur de boîte chaude ECE ou ECM : entité en charge de l'entretien ou de la maintenance EF : entreprise ferroviaire EMG-VPI : European Maintenance Guide guide européen de maintenance des wagons établi par VPI EPSF : Établissement public de sécurité ferroviaire ERA : European union Agency for Railways, en français Agence de l'Union européenne pour les
chemins de fer
PN : passage à niveau RAT : reconnaissance à l'aptitude au transport SNCF : Société nationale des Chemins de fer français STEM : surveillance des trains en marche UIP : Union Internationale des wagons de Particuliers International Union of Wagon Keepers UK : United Kingdom, en français Royaume-Uni VPI : Verband der Privatgüterwagen-Interessenten association des détenteurs et ateliers privés de
wagons en Allemagne, basée à Hamburg ; VPI désigne également le guide de maintenance EMG-VPI
PK : point kilométrique
Bordereau documentaire Organisme auteur : Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT) Titre du document : Rapport d'enquête technique sur le déraillement d'un train fret de transport d'eau minérale survenu le 17 septembre 2020 à Corbonod (Ain) N° ISRN : EQ-BEAT--23-02--FR Affaire : BEATT-2020-07 Proposition de mots-clés : déraillement, organe de roulement, boîte d'essieu, trépanage
Synthèse
Jeudi 17 septembre 2020, le train de marchandises 61534 effectue un transport d'eau minérale de marque « Evian », entre la commune de Publier dans le département de la Haute-Savoie et le Royaume-Uni. Le convoi roule sous certificat de l'entreprise ferroviaire RegioRail pour une première partie de son trajet jusqu'à la gare d'Ambérieu-en-Bugey dans le département de l'Ain. À 13 h 37, au passage de l'ancienne gare de Pyrimont-Chanay, le premier essieu du cinquième wagon du convoi déraille. Le conducteur du train est assez vite alerté par le second conducteur situé dans la locomotive de « pousse » en queue de train, celle-ci étant fortement secouée des suites des dommages à la voie engendrés par l'essieu qui a déraillé. Il arrête le convoi d'urgence. Il constate, à la visite du train, le déraillement de ce seul essieu, ainsi qu'un départ d'incendie dans le wagon qui a déraillé. Arrivés sur place, les pompiers parviennent à éteindre l'incendie. À l'arrière du convoi, la voie est détruite sur les 2,6 km parcourus par le train entre le déraillement et l'arrêt du train. La cause immédiate du déraillement est la rupture d'une « fusée » d'un essieu, pièce qui assure l'appui du wagon sur l'essieu. La perte de la liaison entre l'essieu et le wagon a conduit à un pivotement de l'essieu, puis à la montée de l'essieu sur le rail, suivie du déraillement. Se faisant, l'essieu est resté accroché sous le wagon, provoquant la destruction de la voie. Frottant aussi, en tournant, sur la structure métallique du châssis, l'essieu a provoqué des gerbes d'étincelles à l'origine de l'incendie. La cause de la rupture de la fusée de l'essieu est son échauffement à haute température suite au blocage du roulement dans lequel la fusée s'insère. Ce blocage est dû au dévissage des vis d'assemblage du roulement, dévissage attesté par le « trépanage » du couvercle de la boîte du roulement. Il a été constaté, sur un échantillon de wagons, un état de serrage hétérogène des vis d'assemblage, avec le plus souvent un sur-serrage mais aussi quelques sous-serrages. D'autre part, quelques autres incidents de dévissage et de trépanage de boîte ont eu lieu par le passé ou récemment, sans toutefois conduire à un accident. Le BEA-TT identifie quatre facteurs de risque étant possiblement entrés en jeu et dont une meilleure maîtrise serait de nature à prévenir de tels accidents :
la qualité des opérations de montage des essieux lors de la maintenance, le contrôle de ces opérations et leur traçabilité ; le choix des tôles de frein de vis contribuant au blocage des vis, versus leur efficacité ; la non-existence de signe annonciateur du dévissage des vis avant un stade avancé ; la qualité de l'inspection des boîtes d'essieu lors des opérations de préparation au départ des trains.
Pour autant, l'enquête technique n'a pas pu déterminer avec exactitude à quel degré chacun de ces facteurs a pu être contributif ou non à l'accident. Le BEA-TT émet trois recommandations et deux invitations pour prévenir ce type d'accident.
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Summary (english version)
Les chapitres en anglais figurant dans ce rapport sont issus en partie d'une traduction automatique On Thursday 17 September 2020, goods train 61534 is transporting Evian mineral water from the town of Publier in the Haute-Savoie department to the United Kingdom. The convoy is running under the certificate of the railway company RegioRail for the first part of its journey to the station of Ambérieu-en-Bugey in the department of Ain. At 13:37, as the train passed the old station at Pyrimont-Chanay, the first axle of the fifth wagon in the train derailed. The train driver was quickly alerted by the second driver in the trailing booster locomotive, which was badly shaken from the track damage caused by the derailed axle. He stopped the train in an emergency. When the train was inspected, he found that this single axle had derailed and that a fire had started in the derailed wagon. When the fire brigade arrived on the scene, they managed to extinguish the fire. At the rear of the train, the track was destroyed over the 2.6 km that the train had travelled between the derailment and the stop. The immediate cause of the derailment was the breakage of a axle stub, the part that supports the wagon on the axle. The loss of the connection between the axle and the wagon led to a pivoting of the axle, then to the axle climbing onto the rail, followed by the derailment. As it did so, the axle became caught under the wagon, causing the track to be destroyed. The axle also rubbed against the metal structure of the chassis as it turned, causing sparks to fly, which led to the fire. The cause of the axle stub failure is its overheating at high temperature due to the blocking of the bearing in which the stub is inserted. This jamming is due to the unscrewing of the bearing assembly screws, which is evidenced by the driling of the axlebox cover. On a sample of wagons, it was found that the tightening condition of the assembly screws was heterogeneous, with most often over-tightening but also some under-tightening. In addition, a few other incidents of unscrewing and drilling of the box have occurred in the past or recently, but without leading to an accident. The BEA-TT identifies four risk factors that may have come into play and for which better control could prevent such accidents:
the quality of axle assembly operations during maintenance, the control of these operations and their traceability; the choice of screw brake plates contributing to the locking of the screws, versus their effectiveness; the non-existence of signs that the screws are unscrewed before an advanced stage; the quality of axle-box inspection during train preparation operations.
However, the technical investigation could not determine exactly to what extent each of these factors may or may not have contributed to the accident. The BEA-TT issues three recommendations and two invitations to prevent this type of accident.
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SOMMAIRE
SYNTHÈSE....................................................................................................................................1 SUMMARY (ENGLISH VERSION).................................................................................................2 1 - L'ENQUÊTE ET SON CONTEXTE..........................................................................................5 1.1 - Les circonstances de l'accident........................................................................................5 1.2 - Le bilan humain.................................................................................................................6 1.3 - L'engagement de l'enquête...............................................................................................6 1.4 - L'organisation de l'enquête...............................................................................................7 2 - DESCRIPTION DU FAIT SURVENU.......................................................................................8 2.1 - Le contexte de l'accident..................................................................................................8
2.1.1 - Le train 61534........................................................................................................................................ 8 2.1.2 - Le wagon accidenté............................................................................................................................... 9 2.1.3 - Les intervenants au transport............................................................................................................... 10 2.1.4 - Le site de l'accident............................................................................................................................. 12 2.1.5 - Les organes de roulement des wagons de marchandise.....................................................................14 2.1.6 - La météorologie................................................................................................................................... 16
2.2 - Description des évènements..........................................................................................17
2.2.1 - Les résumés des témoignages............................................................................................................ 17 2.2.2 - Le dépouillement de l'enregistrement des paramètres de conduite.....................................................19 2.2.3 - Les dommages au wagon accidenté.................................................................................................... 21 2.2.4 - Les dommages à l'infrastructure.......................................................................................................... 28 2.2.5 - La reconstitution des opérations de surveillance du train au long de son parcours..............................31
2.3 - Le déroulement reconstitué de l'accident.......................................................................35 3 - ANALYSE DU FAIT SURVENU.............................................................................................37 3.1 - Le retour d'expérience des trépanages de couvercle....................................................37 3.2 - L'historique d'exploitation et de maintenance du wagon................................................40 3.3 - L'expertise du roulement intègre et d'un autre essieu témoin........................................42 3.4 - L'analyse par le détenteur de l'état de serrage des chapeaux.......................................43 3.5 - L'inspection du serrage des chapeaux en atelier...........................................................44 4 - CONCLUSIONS.....................................................................................................................47 4.1 - L'arbre des causes..........................................................................................................47 4.2 - Les causes de l'accident.................................................................................................48 4.3 - Les mesures prises à la suite de l'accident....................................................................49 CONCLUSIONS (ENGLISH VERSION)......................................................................................50
5 - RECOMMANDATIONS..........................................................................................................52 5.1 - La reconnaissance à l'aptitude au transport avant le départ.........................................52 5.2 - Les opérations de montage des chapeaux de roulement en atelier..............................52 5.3 - L'efficacité des tôles de frein...........................................................................................53 5.4 - Les signes annonciateurs du dévissage des vis............................................................54 5.5 - Synthèse des recommandations et invitations...............................................................55 SAFETY RECOMMENDATIONS (ENGLISH VERSION)............................................................56 ANNEXES....................................................................................................................................60 Annexe 1 : décision d'ouverture d'enquête..............................................................................61 Annexe 2 : fiches de révision de décembre 2014 du wagon 23-80-292-9121-4 concernant les essieux.....................................................................................................................................62 Annexe 3 : extrait du schéma de signalisation sur la zone de déraillement et repères kilométriques du parcours........................................................................................................64 Annexe 4 : calcul approximatif de la montée en température de la fusée..............................66 Annexe 5 : Règlement général de protection des données....................................................67
1 - L'enquête et son contexte
1.1 Les circonstances de l'accident
Jeudi 17 septembre 2020, le train de marchandises 61534 effectue un transport d'eau minérale de marque « Evian », entre Publier dans le département de la Haute-Savoie et le Royaume-Uni. Le convoi roule sous certificat de l'entreprise ferroviaire RegioRail pour une première partie de son trajet jusqu'à la gare d'Ambérieu-en-Bugey dans le département de l'Ain. À 13 h 37, après son passage à l'ancienne gare de Pyrimont-Chanay située au point kilométrique PK 122,9, le premier essieu du cinquième wagon du convoi déraille. Le conducteur du train est alerté du comportement anormal du convoi par un second conducteur situé dans une locomotive de « pousse » en queue de train, qui est fortement secoué des suites des dommages à la voie engendrés par l'essieu qui a déraillé. Le conducteur arrête le train d'urgence. Celui-ci s'immobilise au PK 120,2. Il a parcouru 2,6 km depuis le déraillement. Le conducteur constate, à la visite du train, le déraillement ainsi qu'un départ d'incendie dans le wagon qui a déraillé. Il en alerte le gestionnaire d'infrastructure et demande le secours des pompiers. À 14 h 23, les pompiers sont sur place et parviennent à éteindre l'incendie. Le relevage du wagon et l'évacuation du convoi ont débuté le jour même et se sont terminés dans la nuit.
Figure 1 - le cinquième wagon ayant déraillé (photo du conducteur)
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Figure 2 - l'intervention des pompiers (photo du conducteur)
1.2 -
Le bilan humain
Le bilan humain de l'accident est d'un blessé léger, à savoir le conducteur de la locomotive de « pousse ». Il a été fortement secoué dans la cabine, la locomotive ayant roulé sur une voie endommagée à l'arrière du déraillement. Le bilan matériel est lourd. La voie est détruite sur 2,6 km (du PK 122,9 au PK 120,3 d'immobilisation du 5e wagon). Elle a été labourée par l'essieu après le déraillement et avant l'arrêt du train. L'essieu qui a déraillé est lui aussi détruit. À la suite de l'accident, la circulation sur la ligne est rétablie en voie unique temporaire. Cela conduit à une réduction notable du trafic à 14 trains par jour au lieu de 40 en situation normale. Cette réduction durera jusqu'à la remise en état complète de la voie. Le service normal sur les deux voies a repris le 24 octobre 2020.
1.3 -
L'engagement de l'enquête
Au vu des circonstances et du contexte de l'accident, le directeur du bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) a ouvert, le 28 septembre 2020, une enquête technique en application des articles L.1621-1 à L.1622-2 du Code des transports (annexe 1). L'accident entre dans la catégorie des accidents « graves » qui doivent faire l'objet d'une enquête obligatoire selon le Code des transports. Il s'agit en effet d'un « déraillement de train faisant « d'importants dommages » au matériel roulant, à l'infrastructure ou à l'environnement, sachant que l'on entend par « dommages importants » des dommages qui peuvent être immédiatement estimés par l'organisme d'enquête à un total d'au moins deux millions d'euros »1. Les enquêteurs du BEA-TT ont immédiatement estimé les dommages comme étant supérieurs à ce montant, puisque d'environ 3 M pour l'infrastructure et 200 k pour le matériel roulant.
1 Article L.1621-2 du Code des transports 6
1.4 -
L'organisation de l'enquête
L'enquête a été conduite par un enquêteur technique permanent du BEA-TT, assisté d'un autre enquêteur permanent pour les constatations immédiates après l'accident. Dès l'accident, les deux enquêteurs se sont rendus sur place. Ils ont rencontré les représentants du gestionnaire d'infrastructure, de l'entreprise ferroviaire et du détenteur des wagons. Ils ont recueilli les témoignages ou déclarations écrites des opérateurs impliqués. L'enquêteur principal a ensuite rencontré les représentants de l'entité en charge de l'entretien du wagon, ainsi que ceux de l'atelier qui a effectué la dernière révision des essieux du wagon. Il a aussi rencontré l'expert judiciaire désigné dans le cadre d'une assignation en justice auprès du tribunal de Commerce de Bourg-en-Bresse et il a pu assister à ses expertises. Il a eu accès à l'ensemble des pièces et documents nécessaires à l'enquête. Les analyses et conclusions du BEA-TT ont fait l'objet d'un échange avec chacune des parties prenantes, par deux fois, avant la publication du présent rapport.
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2 - Description du fait survenu
2.1 Le contexte de l'accident
2.1.1 - Le train 61534
Le train 61534 accidenté le 17 septembre 2020 transportait des palettes de bouteilles d'eau minérale de la marque « Evian » en provenance d'Évian-les-Bains, et à destination du Royaume-Uni. Le convoi était prévu d'être acheminé, pour la première partie de son trajet, de l'usine d'embouteillage des eaux d'Evian située à Publier, jusqu'à la gare fret d'Ambérieu-enBugey. Cet acheminement portait le numéro 61534 et s'effectuait sous certificat de l'entreprise ferroviaire (EF) RegioRail présentée plus loin. C'est sur ce trajet qu'a eu lieu l'accident. Ensuite, le convoi devait être acheminé par l'EF DB Cargo France d'Ambérieuen-Bugey à Fréthun qui est le terminal fret à l'entrée du tunnel sous la Manche, côté français. Enfin, le convoi était pris en charge de Fréthun jusqu'à sa destination, le terminal fret international de Daventry, situé entre Londres et Birmingham, par l'EF DB Cargo UK en sous-traitance de DB Cargo France.
Figure 3 - l'itinéraire de la mission de transport (fond de carte Géoportail)
Le convoi était composé de 21 wagons de type couvert à parois métalliques coulissantes (modèles Hfirrs 4 et 3), communément dénommés « cargo », aptes à emprunter le tunnel sous la Manche. Il était chargé de palettes d'eau minérale. La traction, sur le premier itinéraire qui est montagneux, était assurée en « tire-pousse », c'est-à-dire avec une locomotive en tête et une autre en queue. Les locomotives étaient deux BB 27 000, de numéro 27 129 en tête et 27 169 en pousse. La longueur du train était de 607 m, son tonnage total de 1 825 t, et le tonnage du chargement de 1 082 t.
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Figure 4 - la locomotive BB 27 129 en tête de convoi (source SNCF réseau)
2.1.2 - Le wagon accidenté
Le wagon accidenté est le cinquième du convoi. Il est immatriculé 23-80-292-9121-4. Il est de modèle Hfirrs 4. Il a été construit en 1989 par l'ancien constructeur allemand de matériel ferroviaire, Duewag AG.
Figure 5 - le wagon 23-80-292-9121-4 au garage après l'accident (photo BEA-TT)
Figure 6 - le schéma du wagon 9
Le wagon est constitué de deux demi-wagons appuyés chacun sur deux essieux simples. La tare du wagon complet est de 26,75 t et son chargement de 57,9 t, soit une masse totale de 84,65 t. Sa longueur hors tout est de 27,0 m. Le wagon est approuvé RIV (Regolamento Internazionale Veicoli Règlements internationaux sur les véhicules) et donc apte au trafic en Europe continentale et en Angleterre.
Figure 7 - inscriptions sur le wagon et sur l'essieu endommagé (photo BEA-TT)
L'essieu ayant déraillé est de type BA 002 et de numéro 49-90-94. Il est équipé de boîtes d'essieu de type BA 381 avec des roulements du fabricant SKF 2. Des données plus détaillées sont fournies en annexe 2.
2.1.3 - Les intervenants au transport
La réalisation du transport faisait intervenir plusieurs entreprises assurant différents rôles ou missions. Ces intervenants sont décrits ci-après et récapitulés en Figure 8.
La SAEME, société anonyme des eaux minérales Evian
La SAEME est une filiale du groupe multinational alimentaire Danone, dépositaire de la marque Evian. Son usine d'embouteillage est implantée sur la commune de Publier au bord du lac Léman. La SAEME est le client du transport. Elle a contractualisé le transport avec deux entreprises ferroviaires, RegioRail et DB Cargo France, qui prennent successivement en charge les convois. Les convois arrivent vides de chargement à Publier et repartent plein.
RegioRail
RegioRail est un opérateur ferroviaire de proximité (OFP), c'est-à-dire une entreprise moyenne qui assure un trafic ferroviaire de fret local. RegioRail est une joint-venture créée en 2012 entre le logisticien belge Eurorail et la société américaine Railroad Development Corporation (RDC). RegioRail est titulaire d'un certificat de sécurité délivré par l'établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) en date du 21 novembre 2019. RegioRail est l'entreprise ferroviaire qui opérait le train 61534 lors de l'accident. Le contrat de transport de RegioRail avec la SAEME portait sur la traction de « navettes », entre Publier et Ambérieu-en-Bugey, et comprenait la mise en oeuvre de deux engins moteurs avec conducteurs, la reconnaissance à l'aptitude au transport (RAT) et la réalisation de l'essai de frein au départ.
2 SKF, pour Svenska KullagerFabriken, littéralement « fabrique suédoise de roulements à billes », est un leader mondial de roulements et équipements tournants. 10
Figure 8 - schéma des intervenants à la réalisation du transport
DB Cargo France
DB Cargo France est la filiale française du transporteur ferroviaire allemand de marchandise DB Cargo, filiale du groupe Deutsche Bahn. Elle est titulaire d'un certificat de sécurité délivré par l'EPSF depuis 2006. Elle était anciennement nommée Euro Cargo Rail (ECR), DB Cargo France est l'entreprise ferroviaire réalisant le transport après Ambérieu-enBugey vers le Royaume-Uni pour le client SAEME.
TOUAX
Le Groupe TOUAX est une très ancienne société de transport logistique dont le siège est à La Défense. Elle loue du matériel tel que des wagons de fret, des barges fluviales et des conteneurs, dans le monde. L'activité ferroviaire représente un chiffre d'affaires annuel de 60 M, un parc de 8 000 wagons et un effectif de 60 collaborateurs. TOUAX est le détenteur (ou propriétaire) du wagon. TOUAX est également l'entité en charge de l'entretien (ECE) déclarée pour ce wagon au registre d'immatriculation des véhicules. Le wagon est loué par TOUAX à DB Cargo France parmi un ensemble de 315 wagons, au terme d'un contrat daté du 17 décembre 2015.
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TOUAX a acquis le wagon accidenté en août 2015, auprès de General Electric (GE) lors du transfert d'une flotte d'environ 2 000 wagons en Europe. TOUAX, DB Cargo France et RegioRail sont adhérentes au contrat uniforme d'utilisation des wagons (CUU). Le CUU est une convention internationale, de droit privé, qui énonce les droits et obligations mutuels des détenteurs de wagons et des entreprises ferroviaires lors de l'utilisation de wagons comme moyen de transport en Europe et dans d'autres pays au-delà. Il formule plusieurs règles techniques à appliquer notamment dans le domaine de la sécurité.
LORMAFER
Basée en Lorraine à Creutzwald (Moselle), la société par action simplifiée NOVAFERLORMAFER est un centre de maintenance pouvant intervenir sur tous types de wagons et sur tous leurs composants. L'atelier traite environ 3 000 wagons par an, pour un chiffre d'affaires de 18 M et un effectif de 150 salariés. LORMAFER détient l'atelier de maintenance du matériel roulant qui est intervenu lors de la dernière révision générale du wagon ayant eu lieu en décembre 2014. Cette intervention intégrait notamment la révision de l'essieu situé à l'avant du wagon qui a déraillé. À cette époque le wagon était toujours la propriété de General Electric.
SNCF Réseau
SNCF Réseau est une société anonyme, filiale du groupe SNCF, gestionnaire d'infrastructure du réseau ferré national (RFN). SNCF Réseau est le gestionnaire d'infrastructure.
2.1.4 - Le site de l'accident
Le trajet du train 61534, entre Publier (PK 206,3) et Ambérieu-en-Bugey (PK 51,5), emprunte successivement deux lignes de chemin de fer du réseau national : la ligne d'Évian-les-Bains à Longeray-Léaz (numérotée 892 000), et la ligne de Genève-Cornavin à Lyon-Perrache (numérotée 890 000), rejointe par la précédente à Longeray-Léaz (voir Figure 9). Le profil en long de ces lignes (voir Figure 10) est celui d'une zone de montagne avec des rampes et des pentes atteignant 17 . Le déraillement s'est produit sur la seconde ligne, du PK 122,9 au PK 120,2, soit entre l'ancienne gare de PyrimontChanay (PK 122,9) et la gare de SeysselCorbonod (PK 116,2), environ 20 km avant la gare de Culoz (PK 101,4). Dans toute la zone entre Bellegarde-sur-Valserine et Pyrimont-Chanay, la voie longe le Rhône sur sa rive droite, et passe dans des tunnels au nombre de quatre. Sur cet itinéraire, le train a rencontré un détecteur de « boîte chaude » (DBC) à SaintCergues au PK 178,7. Le DBC contrôle au passage des trains l'état thermique des boîtes d'essieux. Il transmet à un poste de surveillance, ici le poste d'aiguillage, les éléments permettant d'apprécier le degré de gravité lorsqu'une anomalie est détectée. Le train a également rencontré un poste de surveillance des trains en marche (STEM) à Bellegarde-sur-Valserine au PK 134,4. Lors de cette surveillance, l'agent-circulation doit observer le passage des trains afin de détecter les défectuosités dangereuses pour la sécurité ou celles susceptibles de provoquer des avaries aux installations.
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Figure 9 - le trajet de Publier à Ambérieu-en-Bugey (fond de carte SNCF Réseau)
Figure 10 - le profil de la ligne (BEA-TT)
L'annexe 3 donne l'extrait du schéma de signalisation correspondant à la zone du déraillement. Elle donne aussi les principaux repères kilométriques du parcours. Le déraillement s'est produit au PK 122,9, quelques mètres après le passage à niveau PN 75, situé lui-même une soixantaine de mètres après l'ancienne gare de Pyrimont-Chanay dans le sens de marche du train. Le train s'est arrêté au PK 120,2, environ 4 km avant la gare de Seyssel-Corbonod et 2,6 km après le point de déraillement. Des pièces de roulement du wagon accidenté ont été retrouvées en voie au PK 129,9, notamment une boîte d'essieu, soit 7 km avant le déraillement.
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2.1.5 - Les organes de roulement des wagons de marchandise
L'accident met en jeu un organe de roulement particulier du cinquième wagon du train qui a déraillé : une boîte d'essieu. Nous donnons ci-après, pour faciliter la compréhension, quelques notions concernant les essieux, puis plus spécifiquement concernant cet organe.
Figure 11 - schéma d'un essieu monté, boîtes d'essieu ôtées
L'ensemble formé de deux roues et d'un essieu est appelé « essieu monté ». L'essieu est la pièce massive en acier qui relie les roues. De forme généralement cylindrique, il comporte :
un « corps » (axe) en partie centrale ; deux « portées de calage » qui prolongent le corps et qui reçoivent les roues par emmanchement avec une presse ; et deux « fusées », qui les prolongent et qui sont des zones très soigneusement usinées, destinées à recevoir la charge du véhicule par l'intermédiaire de « boîtes d'essieux » dans lesquelles les fusées s'insèrent.
La boîte d'essieu effectue la liaison de roulement entre l'organe tournant qu'est l'essieu, et le véhicule. C'est un sous-système critique en termes de sécurité.
Figure 12 - vue schématique d'une boîte d'essieu montée (source Internet - Rixke Rail)
(nota : les roulements et la boîte représentés ne sont pas du design qui équipe le wagon accidenté)
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Dans le cas présent, comme assez classiquement, la boîte d'essieu est « à rouleaux ». Elle comporte deux séries de roulement à rouleaux cylindriques pour chaque côté (voir Figure 12 et Figure 13). Ces roulements sont butés d'un côté contre la portée de calage de l'essieu qui est d'un diamètre supérieur à celui de la fusée (on appelle cette zone portée d'obturateur). Ils sont tenus de l'autre côté par une plaque circulaire, appelée chapeau de fusée ou « chapeau » ou capot de pression, visée sur l'essieu par trois vis. L'assemblage est enfermé dans une enveloppe métallique formant une boîte, close par un couvercle fixé par trois autres vis avec interposition d'un joint d'étanchéité. Les roulements sont lubrifiés au moyen d'une graisse consistante, qui remplit tous les intervalles entre les rouleaux. Les roulements sont graissés manuellement ou semi-automatiquement, et sont montés dans un environnement extrêmement propre pour éviter toute contamination. Il s'agit d'organes de sécurité qui font l'objet d'opérations de surveillance et d'entretien lors de la maintenance cyclique du wagon.
Figure 13 - vue schématique d'une boîte d'essieu éclatée (source Valdunes) (nota : les roulements et la boîte représentés ne sont pas du design qui équipe le wagon accidenté)
Lors du montage du roulement, et plus particulièrement du chapeau, une tôle de « frein de vis » (ou tôle frein), en bout de la fusée, empêche aux vis d'assemblage de se desserrer. La tôle agit grâce au rabat d'ergots métalliques qui bloquent les vis en rotation (voir vue ci-après).
Figure 14 - exemple de chapeau de fusée avec tôle et ergots métalliques repliés (photo BEA-TT)
(nota : les roulements et la boîte représentés ne sont pas du design qui équipe le wagon accidenté)
15
Différents types de tôle frein sont référencés dans le référentiel VPI 3. Leur forme est donnée sur la figure ci-dessous. Elles agissent par repli des ergots métalliques sur le flanc de la tête de vis qui est hexagonal.
Figure 15 - différents types de tôle frein (source VIP)
2.1.6 - La météorologie
Le 17 septembre 2020 était une belle journée ensoleillée (pression de 1018 hPa). À 13 h 30, la température était de 27 °C.
3 La « VPI » est l'association des détenteurs et ateliers privés de wagons en Allemagne. Elle est basée à Hambourg. Elle délivre notamment un référentiel de maintenance des wagons qui fait référence sur le plan international, l'EMG-VPI ou « VPI », c'est-à-dire le guide européen de maintenance des wagons (European Maintenance Guide). 16
2.2 -
Description des évènements
2.2.1 - Les résumés des témoignages
Les résumés présentés ci-dessous sont établis par les enquêteurs techniques sur la base des déclarations, orales ou écrites, dont ils ont eu connaissance. Ils ne retiennent que les éléments qui paraissent utiles pour éclairer la compréhension et l'analyse des évènements et pour formuler des recommandations. Il peut exister des divergences entre les différents témoignages recueillis ou avec les constats et les analyses présentées par ailleurs. Le conducteur du train en tête Le conducteur conduit depuis mars 2019 au sein de RegioRail et il est basé sur le site d'Ambérieu-en-Bugey. Il effectue les parcours entre Publier et Ambérieu. Auparavant, il a été conducteur de train de marchandises pour Fret SNCF en région parisienne durant 5 ans. Le matin du 17 septembre, le conducteur a pris son service à 4 h 30 à Ambérieu. Il est monté s'installer en cabine à côté de l'autre conducteur qui conduisait le convoi vide de chargement montant vers Publier. Les deux engins moteurs avaient été mis en unité multiple. À Bellegarde-sur-Valserine, le train a été arrêté. Leur locomotive a dû aller porter secours à un train de travaux en panne sur la ligne devant eux à Valleiry, ce qui les a retardés de deux heures. Ils sont finalement arrivés à 11 h à Publier. Lui-même a alors pris la BB 27129 pour la manoeuvrer en tête du convoi 61534 à redescendre, tandis que l'autre engin moteur se plaçait en pousse. Il a procédé à l'essai de frein avant départ de façon satisfaisante. À 12 h, il a reçu l'autorisation de départ pour quitter le site de l'usine d'Évian. Il a effectué un essai de roulage4 à 8-10 km/h, concluant. La ligne étant en rampe au départ, il perdait un peu de vitesse, mais de façon normale compte tenu de l'effet de rampe. Puis, il a pris de l'allure et a effectué, à Bons-en-Chablais lorsque la voie redescend, le test en ligne du fonctionnement du frein (essai de freinage dynamique) qui a été satisfaisant. Sur le parcours, il ne communique pas avec le conducteur de pousse qui connaît bien la ligne et les endroits où celui-ci doit mettre la traction. Il observe aussi à quelques reprises son train vers l'arrière, mais la ligne a beaucoup de virages et il ne peut pas apercevoir le train en entier. À Viry, 30 km avant Pyrimont-Chanay, profitant d'une faible courbe, il a pu voir le train en entier du côté gauche, jusqu'à la locomotive de pousse, sans rien constater d'anormal. Sur toute la section longeant par la suite le Rhône, la ligne est en descente. Il doit freiner régulièrement. À chaque fois qu'il desserre le frein, le train reprend de la vitesse normalement. Après le tunnel de Nurjoux, à la sortie duquel il a passé l'ancienne gare de Pyrimont-Chanay, alors qu'il roule frein desserré à une vitesse estimée selon lui entre 80 et 85 km/h, il perçoit un appel du conducteur de pousse. Le message est toutefois inaudible. Il ne
4 L'essai de roulage est effectué par le conducteur au départ du train. Le conducteur vérifie que le train roule sur l'erre sans résistance particulière. S'il en observe une, il doit s'arrêter, et visiter le train. 17
comprend que le mot « arrête ! ». Il freine alors avec le frein de service et entend à nouveau à la radio le mot « arrête ! ». Il effectue immédiatement un freinage maximum de service. Il prend la radio pour demander s'il faut un freinage d'urgence, et regarde en même temps son rétroviseur gauche. Il aperçoit un dégagement de poussière de 30 mètres de large par 15 mètres de haut à une centaine de mètres derrière sa locomotive. Il actionne instantanément le freinage d'urgence accompagné de l'émission des alertes radio et lumineuse5. Il avise le poste d'aiguillage et part à la visite de son train, coté piste car il n'a pas encore de protection. Il constate alors le déraillement d'un wagon et voit venant de l'intérieur de celui-ci, un dégagement de fumée. Il se précipite en cabine demander le secours des pompiers au régulateur ainsi qu'une coupure électrique d'urgence au poste d'aiguillage. Le conducteur en pousse Le conducteur a conduit pour l'acheminement du convoi vide montant, d'Ambérieu à Publier. Au retour, pour l'acheminement du convoi chargé, il a conduit l'engin moteur placé en pousse. Sur le trajet de retour, au passage de la gare de Pyrimont-Chanay, le conducteur observe un nuage de poussière blanche à l'extérieur. Dans le même temps, la locomotive de pousse se met à bouger avec une extrême violence et il est secoué dans tous les sens. Il était initialement debout du côté de la fenêtre, et il s'est retrouvé à terre. N'arrivant pas atteindre le bouton d'arrêt d'urgence, il a utilisé sa radio pour demander au conducteur de s'arrêter immédiatement. L'agent circulation du poste d'aiguillage de Culoz L'agent circulation est en service depuis midi. Aux alentours de 13 h 40, il reçoit un signal d'alerte radio. Il prend les mesures réglementaires de fermeture des signaux. Seul le train 61534 est en ligne sur la zone. Le conducteur de ce train l'avise d'un déraillement. Puis à 14 h 11, le conducteur le prévient d'un incendie et demande une coupure d'urgence, ce qu'il répercute immédiatement. L'agent circulation du poste d'aiguillage de Bellegarde-sur-Valserine L'agent circulation déclare avoir effectué la surveillance du train en marche (STEM) du train 61534 à 13 h 27, et n'avoir rien constaté d'anormal. L'agent en charge de la préparation du train L'agent de desserte est un jeune agent de 25 ans, entré en formation d'agent de manoeuvre en novembre 2018, et en poste à Publier depuis 18 mois. Le 17 septembre 2020, il a pris son service à 8 h et a démarré à 8 h 15 la visite du train par la queue. Il vérifie les informations de masse apposées aux wagons et leur cohérence avec le bulletin de freinage. Il vérifie aussi sur chaque wagon que les portes soient verrouillées, les manettes bien placées, et visuellement l'état des essieux, de leurs boîtes (boulons présents, pas de fuite), des lames d'appui, des semelles... S'il détecte une anomalie, il peut écarter le wagon (étiquette modèle 1) ou apposer un signalement
5 L'alerte radio est un signal sonore de danger envoyé par radio à tous les trains du secteur ainsi qu'aux agents en charge de gérer les circulations. Lorsqu'elle est activée, les conducteurs la recevant arrêtent leur train et les opérateurs des postes d'aiguillage ferment les signaux donnant accès au secteur. L'alerte lumineuse est le clignotement des projecteurs du train, indiquant aux circulations de sens inverse un danger immédiat, et leur ordonnant de s'arrêter. 18
(étiquette modèle K). L'état général des wagons est rouillé, donc il ne s'inquiète pas de certains défauts (peinture écaillée...) L'opération lui a pris une heure. Il a parcouru le convoi en aller et retour pour voir les deux côtés. Il a terminé à 9 h 15 et n'a rien observé d'anormal. Il a ensuite attendu longuement l'arrivée des locomotives qui étaient en retard. Après leur arrivée, il a procédé avec le conducteur à l'essai de frein. Alors que les freins étaient serrés, il a vérifié vers la queue l'état de serrage de chaque semelle, puis a revérifié, freins desserrés, en revenant vers la tête. L'essai était satisfaisant. Le train est alors parti à midi. Il a surveillé le train au défilé de l'autre côté par rapport à l'essai de frein et n'a à nouveau rien remarqué.
2.2.2 - Le dépouillement de l'enregistrement des paramètres de conduite
L'enregistreur ATESS (Acquisition et Traitement des Évènements de Sécurité en Statique) sauvegarde certains paramètres de conduite du train. La vue suivante présente un extrait des données issues de la locomotive de tête sur les derniers 40 kilomètres du parcours.
Figure 16 - vue graphique des données ATESS (distance/vitesse)
Le dépouillement de l'enregistrement permet d'identifier les séquences principales données dans le tableau ci-après sur la marche du train dans sa phase finale. Les Km sont ceux du relevé ATESS. Le Km 37,80, correspondant au passage au signal C46 (PK 123,79). Ce point permet le calage entre Km et PK. Le Km 0 correspond au PK 161,6 de la ligne. Sont aussi donnés dans le tableau à titre indicatif, deux évènements particuliers qui ne sont pas inscrits sur l'enregistrement ATESS mais qui seront approfondis dans la suite du rapport : la perte de la boîte d'essieu (5e wagon au PK 129,9 / Km 31,8) et le déraillement (5e wagon au PK 122,9 / Km 38,8).
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Heure, localisation et vitesse
Événement et interprétation
Commande de monter pantographe par le sélecteur Passage de la section de séparation située après Bellegarde zone estimée de la perte de la boîte d'essieu Franchissement Signal Ouvert Passage du signal d'annonce 125 à la sortie Tunnel de Bognes. Commande de freinage (MPF ou BP URG ou FU Eqt sécu) Le conducteur freine dans la descente pour respecter sa limitation de vitesse de 90 km/h. Franchissement Signal Ouvert Signal C46 situé avant le tunnel de Surjoux. Ce signal est au PK 123,79 (calage PK/Km) zone estimée du déraillement après le passage du PN 75 Pas de commande de freinage Le conducteur desserre le freinage en fin de pente et laisse le train rouler sur l'erre. Commande de freinage Le conducteur freine en entendant, comme le dit son témoignage, la radio bien que la réception soit peu audible. BP URG enfoncé ou Manipulateur sur position Urgence Le conducteur commande le freinage d'urgence par enfoncement du bouton-poussoir d'urgence, suite au constat d'un nuage de poussière sur son train. Arrêt du train Bouton signal d'alerte lumineux sur marche et alerte radio déclenchée Le conducteur met en place les protections pour déraillement.
13:31:30 Km 30,43 84 km/h 13:32:30 Km 31,8 80 km/h 13:35:56 Km 36,52 82 km/h 13:36:28 Km 37,22 85 km/h 13:36:52 Km 37,80 86 km/h 13:37:33 Km 38,8 80 km/h 13:37:46 Km 39,08 77 km/h 13:39:30 Km 41,04 66 km/h 13:39:50 Km 41,35 39 km/h 13:40:00 Km 41,41 13:40:10
L'analyse de ces informations permet les constats suivants :
Après la remontée du pantographe à Bellegarde, il n'y a plus d'effort de traction jusqu'à l'arrêt, l'inertie du train est suffisante compte tenu du profil en descente de la ligne. La boîte d'essieu est perdue (PK 129,9 / Km 31,8) à 80 km/h. Le conducteur actionne un premier freinage (Km 37,22 / PK 124,4) qu'il relâche 1,9 km plus loin (Km 39,08 / PK 122,5). Le déraillement (au PN 75, PK 122,9 / Km 38,8) se produit à 80 km/h. Le conducteur freine une première fois alors qu'il est à 66 km/h, à la suite du premier contact radio inaudible. Puis il freine d'urgence, alors qu'il est à 39 km/h, constatant lui-même un incident sur son train. L'arrêt complet s'effectue en 60 m (Km 41,41 / PK 120,2), à 13 h 40. Le conducteur prend les mesures de protection.
Le relevé des paramètres de conduite est conforme aux déclarations du conducteur et ne montre aucune anomalie des gestes de conduite susceptible d'expliquer le déraillement.
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2.2.3 - Les dommages au wagon accidenté Constats généraux sur le wagon
Avant de passer en revue les dommages constatés sur le wagon accidenté, 5 e du convoi, citons que son chargement a été pour grande partie détruit en raison de l'incendie et de l'intervention d'extinction qui a suivi.
Figure 17 - les dommages au chargement (photo SNCF)
Juste après l'arrêt du train, il peut être constaté que l'essieu avant du wagon a déraillé. Les roues sont enfoncées dans le ballast et elles ont ripé dedans. Cet essieu, ainsi que l'avant du wagon qui le chevauche, sont décalés d'environ 80 cm vers la gauche de la voie.
Figure 18 - position de l'essieu sous le wagon (photo SNCF)
Du côté droit, la boîte d'essieu est intègre (vue droite ci-après). Elle maintient toujours l'essieu au wagon. Du côté gauche, la boîte d'essieu est absente (vue gauche). Le châssis du wagon est écrasé sur la roue, bloquant et maintenant celle-ci, tout en l'enfonçant dans la voie. Le maintien de l'essieu, tandis que le train avançait, a contribué au labourage de la voie, à la fois au centre des rails par la roue droite, et latéralement en haut de banquette par la roue gauche.
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Figure 19 - essieu ayant déraillé, vu côté gauche et côté droit (photos SNCF) (on remarque à gauche la boîte d'essieu absente, et à droite les lames de suspension du wagon en bonne position sur la boîte intègre)
L'extrémité gauche de l'essieu, celle qui n'a plus de boîte, n'a pas de fusée non plus. Celle-ci a rompu. La figure ci-dessous montre le moignon constitué par la rupture, avec par comparaison en vis-à-vis (à droite), la fusée à l'autre extrémité restée intègre après le démontage de la boîte en atelier. L'observation du faciès de rupture permet de conclure que le matériau a cédé par surchauffe.
Figure 20 - fusée rompue (vues gauches) et fusée intègre (vue droite) (photos BEA-TT)
L'examen du plateau de support du chargement à l'intérieur du wagon montre, côté gauche, à l'aplomb de la roue à la boîte d'essieu avariée, une perforation localisée du bois du plateau, avec découpe de l'ossature métallique le supportant.
Figure 21 - vue de la zone perforée du plateau à l'intérieur du wagon (photos BEA-TT) 22
Ce dommage témoigne que la roue gauche de l'essieu enfoncée sous le châssis du wagon a tourné et a agi, à la manière d'une disqueuse, sur les éléments métalliques. L'action des étincelles produites par la découpe du métal sur le bois (et sur le chargement) explique le déclenchement d'un incendie à l'intérieur du wagon. L'attelage avant n'a pas cédé dans le déraillement. Il présente une déformation significative par étirement vers la gauche. La conduite générale d'air qui assure la commande du freinage est restée fonctionnelle. Concernant les autres wagons, les quatre situés à l'avant ne présentent pas de dommage. Vers l'arrière, les autres essieux du wagon et ceux des premiers wagons suivants présentent des dommages aux tables de roulement sur plusieurs roues, ainsi que de multiples impacts, en raison du ballast remué et projeté par le ripage de l'essieu ayant déraillé.
Circularité des roues
L'essieu ayant déraillé a fait l'objet, à la suite de l'accident, d'un relevé métrologique à la recherche de défauts majeurs sur les roues gauche et droite qui ont déraillé. Le relevé a été fait par scanner, dans le cadre de l'expertise judiciaire relative à l'accident, au Centre technique des industries mécaniques (CETIM) à Senlis. Il n'a pas été noté de déformation importante sinon une très légère ovalisation des roues. La variation de cylindricité de la bande de roulement déduite de la mesure du scanner est de 0,5 mm sur la roue gauche et de 0,2 mm sur la roue droite. Un défaut n'est considéré qu'à partir de 0,5 mm (selon le référentiel de maintenance VPI). Il est à noter que cette mesure est postérieure au déraillement, et donc sur des roues ayant subi les effets de leur circulation dans le ballast sur 2,6 km.
Figure 22 - défaut de forme (en mm) sur les roues (dossier judiciaire)
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Les pièces du wagon retrouvées en voie
Dès la survenue de l'accident, les agents en charge de l'entretien des voies ont retrouvé sur l'itinéraire parcouru par le train, plusieurs pièces manquantes du wagon accidenté. Les plus importantes sont au nombre de quatre, et sont réparties sur une centaine de mètres au PK 129,9, soit 7 km en amont du point de déraillement.
Figure 23 - localisation des pièces retrouvées en voie (au PK 129,9) (source SNCF Réseau)
La pièce n° 1 est un élément de cerclage métallique présentant peu d'intérêt que nous n'évoquerons pas. La boîte et le couvercle de boîte La pièce n° 2 est la boîte d'essieu manquante. Cette boîte présente un « trépanage » de son couvercle. Il s'agit d'une découpe de forme circulaire. Pour bien la visualiser, la figure ci-dessous montre à gauche la boîte retrouvée trépanée, et à droite la boîte intègre située à l'autre extrémité de l'essieu en vis-à-vis, avec et sans couvercle. La boîte avariée présente les traces d'un fort échauffement (peinture écaillée, corrosion avancée).
Figure 24 - boîte retrouvée et la boîte intègre avec et sans couvercle (dossier judiciaire) 24
Le trépanage circulaire du couvercle témoigne que les vis, qui maintiennent le chapeau de fermeture du roulement et qui sont situées sous ce couvercle (visible ci-dessus en bas à droite pour le côté intègre), se sont dévissées pendant que le train roulait, jusqu'à entrer en contact avec le couvercle et l'usiner. Les trois vis sont intégralement sorties et ont été perdues. En raison de l'échauffement qui a suivi, il est difficile de se prononcer sur le caractère récent ou non du trépanage. À noter que côté intègre, les traces en croix blanche témoignent de la réalisation d'un contrôle croisé de repli des ergots de la tôle frein par les opérateurs de montage (nous reviendrons sur ce contrôle au § 3.5). Ce constat constitue une indication cependant déterminante de la compréhension de l'accident. La conséquence du dévissage des vis, est en effet, assez naturellement, le désassemblage du roulement tenu par les vis.
La fusée
La pièce n° 3 retrouvée (vue ci-dessous) est l'extrémité de la fusée rompue. Celle-ci présente un aspect de rupture par échauffement, tout comme la partie qui lui était raccordée sur l'essieu (voir pour mémoire la Figure 20).
Figure 25 - extrémité de la fusée retrouvée en voie (dossier judiciaire)
La bague intérieure de roulement
La pièce n° 4 est un élément de roulement, à savoir la bague intérieure du roulement externe6. Son aspect bleui et sa déformation montre que l'acier a atteint une température de surchauffe élevée et a été soumis à de fortes contraintes mécaniques.
Figure 26 - bague intérieure du roulement retrouvée en voie (dossier judiciaire) 6 Il y a deux roulements à rouleaux accolés : un externe contre le chapeau, un interne proche de la roue. 25
Le roulement
La vue ci-après montre le corps de la boîte tombée vu de dos (côté essieu vue gauche en haut), ainsi que vu du côté extérieur après enlèvement du couvercle trépané (vue droite en haut). Les éléments (cage, rouleaux et bagues) sont particulièrement dégradés. Les rouleaux du roulement apparaissent bloqués et présentent des méplats (voir détail en Figure 28). L'ensemble présente un aspect surchauffé. La température atteinte peut être évaluée à 900 °C, température de ramollissement de l'acier. Les mêmes éléments de la boîte intègre située en vis-à-vis sont visualisés en dessous, après leur démontage, pour comparaison.
Figure 27 - intérieur en haut, de la boîte tombée et, en bas, de la boîte intègre (côté essieu à gauche, et côté extérieur à droite) (dossier judiciaire)
Figure 28 état des rouleaux du roulement et méplats
(dossier judiciaire)
Conclusion intermédiaire des constats sur le wagon
Ces éléments donnent une nouvelle indication précise concernant le scénario de l'accident, à la suite du désempilage du roulement mis en évidence précédemment : le roulement a perdu sa mobilité. La rotation de l'essieu ne s'est maintenue qu'au prix d'une friction de la fusée et de la bague intérieure sur les rouleaux, accompagnée d'un échauffement des pièces. Cet échauffement, qui a atteint 900 °C, a conduit à la rupture de la fusée. Nous reviendrons plus loin, au paragraphe 2.2.5, sur l'évaluation du temps qui est nécessaire à une telle montée en température.
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Après la rupture de la fusée, la boîte d'essieu fixée à celle-ci n'est dès lors plus tenue. Elle est tombée. Le demi-wagon s'est affaissé sur la roue gauche. Le train se situait à cet instant au PK 129,9. Le demi-wagon a continué à rouler sur les rails, une boîte manquante et en appui sur trois points, sur 7 km jusqu'au déraillement.
Tôle frein de vis
Un dernier élément, retrouvé à l'intérieur de la boîte d'essieu tombée, est la tôle frein de vis, initialement posée au montage du roulement. Il s'agit d'une tôle de type « SNCF » (voir Figure 15). La vue de gauche donne la tôle retrouvée dans un état fortement dégradé, notamment par la forte montée en température. La vue de droite donne son équivalent côté intègre en comparaison.
Figure 29 - tôle frein-de-vis (côté avarié et face externe côté intègre) (dossier judiciaire)
Le BEA-TT note deux constats sur ces tôles :
Sur la tôle intègre, on remarque l'empreinte très marquée qui a été exercée par une mise en tension de vis (cercles bien visibles). Cette empreinte conduit à avoir une morsure de la tôle sur toute la section participant à la rigidité de la tôle. Sur un second plan, les rabats (qui sont remis à plat sur la photo), par leur forme de pointe, ne présentent aussi qu'une surface d'appui réduite sur le flanc de vis. Sur la tôle avariée, l'état de dégradation est élevé. Aucun des orifices accueillant les vis n'est resté fermé et les rabats sont à plat. Il est toutefois difficile de dire si cet état est un résultat du desserrement des vis (raclement des vis sur la tôle), ou s'il préexistait et aurait pu contribuer à un mauvais maintien des vis.
Conclusion finale des constats sur le wagon
En conclusion de ces premiers constats concernant le wagon accidenté, il apparaît une première explication de la causalité de l'accident : le desserrement et le dévissage des trois vis de fixation du chapeau du roulement à gauche. Cette défaillance a entraîné une altération de la capacité de roulement, et en conséquence la friction des pièces tournantes dans la boîte d'essieu, suivie de l'échauffement et de la rupture de la fusée. Ont suivi la chute de la boîte d'essieu, et à court terme, le déraillement de l'essieu qui est malgré tout resté maintenu sous le wagon. Le frottement de la roue gauche sur la structure métallique du wagon qui l'écrasait, avant et après le déraillement, a provoqué des gerbes d'étincelles initiatrices de l'incendie. Il apparaît que la tôle frein n'a pas empêché aux vis de fixation du chapeau de tourner, sans que l'on puisse ici déterminer une cause (défaut de pose, vulnérabilité...)
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2.2.4 - Les dommages à l'infrastructure
Avant le PN 75 au PK 122,9, aucun dommage significatif n'est identifiable sur l'infrastructure hormis des traces d'huile au point de chute de la boîte d'essieu au PK 129,9. Les premiers dommages sont constatés à ce passage à niveau.
Le passage à niveau PN 75
Figure 30 - choc sur le PN 75 et pièce du wagon ayant pu le heurter (photo BEA-TT)
Un choc latéral a endommagé le platelage du passage à niveau, déplaçant ou engravant les dalles de revêtement extérieures (à gauche dans le sens du train). Ce dommage est probablement dû à un heurt par la pièce du wagon qui est la traverse reliant les oreilles métalliques encadrant la boîte de l'essieu avarié, elle-même déformée. Cette traverse s'est abaissée après la perte de la boîte d'essieu, et elle engageait le gabarit.
La zone de déraillement
Le déraillement s'est opéré plus loin, quelques mètres après le passage à niveau.
Figure 31 - le point de déraillement immédiatement après le PN 75 (photo SNCF Réseau) 28
Selon un phénomène a priori indépendant du choc précédent, il peut être identifié, à l'observation des traces, une montée de la roue gauche sur le rail gauche (figure ci-dessous à gauche).
Figure 32 - traces de montée de roue et sortie de l'essieu des rails (photo BEA-TT)
La montée de la roue gauche a été rendue possible par trois effets qui se sont conjugués :
Une certaine liberté de mouvement vertical de la roue, celle-ci n'étant plus reliée à une boîte d'essieu. Un léger pivotement de l'essieu vers l'arrière (rotation autour d'un axe vertical), tel que l'on peut l'observer ci-dessus sur la vue droite : le moignon de la fusée marque un premier décalage horizontal vers l'arrière, s'enfonçant dans l'oreille arrière. Le décalage a vraisemblablement commencé dès la rupture de fusée, 7 km avant le déraillement. Il s'est ensuite accentué avant et après le déraillement, jusqu'à l'arrêt du wagon. En toute vraisemblance, le biais de l'essieu augmentant progressivement, la roue a fini par monter sur le rail. Enfin, un soulèvement de la roue. Celui-ci peut être identifié comme ayant été favorisé par le freinage. En effet, le châssis du wagon s'abaissant sur la roue, les semelles de frein ont amorcé un second décalage, vertical, qui au freinage a serré la roue « par le dessous » lui imprimant un soulèvement.
La montée de la roue gauche sur le rail a entraîné la sortie des rails de l'essieu par la gauche.
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La suite de l'itinéraire
À la suite de la zone de déraillement, la voie présente des dommages importants, la rendant impropre à l'emploi.
Figure 33 - état de la voie après le déraillement (dossier judiciaire)
Sur cette suite de l'itinéraire, la voie est constituée de traverses béton sur les cinquante premiers mètres après le PN, et de traverses « bi-blocs » avec entretoise métallique ensuite. Les entretoises métalliques de ces traverses ont été pliées en « chevron », avec une pointe dans le sens de la marche du train. Cette pliure résulte de leur percussion par la roue droite qui roulait dans le ballast entre les rails après avoir déraillé. Les traverses sont toutes ruinées sur 2,6 km.
Figure 34 - traverse bi-bloc extraite de la voie (dossier judiciaire)
Le remaniement de la voie a été tel qu'un tapis de ballast projeté s'étend sur une vingtaine de mètres de part et d'autre. Diverses installations de signalisation (détecteurs d'annonce de PN, câblots de retour de courant de traction...) sont endommagées. Les rails sont assez fortement déformés en raison de leur resserrement par le pliage des traverses et de leur forçage par le passage des wagons et de la locomotive arrière sur une voie à l'écartement resserré (voir Figure 33). Le BEA-TT n'identifie aucun de ces dommages comme ayant pu constituer un facteur causal de l'accident. Ces dommages sont tous une conséquence de la sortie de voie de l'essieu avarié.
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2.2.5 - La reconstitution des opérations de surveillance du train au long de son parcours
Les risques qui affectent la circulation d'un train en ligne, et qui affectent aussi son environnement et les autres circulations, font l'objet d'une attention soutenue. L'un de ces risques est notamment l'altération d'un roulement. La prévention des risques passe, d'une manière générale, par une maintenance préventive réglée des organes de sécurité, et également par des opérations de surveillance du train à toutes les étapes de la réalisation du transport. Ce sont ces opérations de surveillance que nous récapitulons dans le présent sous-chapitre.
Les contrôles au départ
Au départ du train, l'agent de desserte en charge de la préparation du train effectue la Reconnaissance à l'Aptitude au Transport (RAT). Cette opération a été réalisée à Publier, de 8 h 15 à 9 h 15, avec une visite des deux côtés du convoi, sans que l'agent en charge ne constate d'anomalie d'après son témoignage. À l'issue de la RAT, l'agent de desserte a aussi réalisé l'essai de frein réglementaire avec le conducteur, lequel sera satisfaisant à 12 h. Cette opération en soi ne permet pas de détecter une anomalie de boîte d'essieu, mais en la réalisant, l'agent s'approche de chaque roue pour vérifier le serrage puis le relâchement des freins. Il a donc le loisir d'observer à nouveau un défaut qui affecterait la roue. Puis au départ du train, l'agent a effectué une surveillance au défilé où il a pu observer encore le train tout du long, sans rien remarquer. Cette opération s'est déroulée de l'autre côté par rapport à l'essai de frein, si bien que les deux côtés, inspectés une première fois lors de la RAT, l'ont été tous deux à nouveau une seconde fois lors de ces autres opérations. Ainsi, l'agent a pu observer le train et ses organes de roulement, par deux fois, de chaque côté sans rien observer. Remarquons que ces opérations nécessitent une vigilance soutenue, et une grande attention à chaque organe observé, si bien qu'elles sont sujettes au facteur humain, c'est-à-dire à un risque d'inattention ou de mauvaise appréciation. L'expérience récente de l'agent en charge accentue cette sensibilité. Il est donc aussi bien possible pour le BEA-TT que le trépanage de la boîte ait été visible dès le départ sans avoir été constaté, que le contraire. Il n'est toutefois pas possible de statuer sur ce point, faute d'avoir pu recueillir d'autres éléments de preuve (comme aurait pu l'être la découverte du couvercle manquant).
Le détecteur de boîte chaude de Saint-Cergues
Une fois en ligne, à 12 h 35, le train passe sur un appareil de surveillance pour la sécurité, le détecteur de boîte chaude (DBC) situé à Saint-Cergues au PK 178,7, soit 27,6 km après son départ et 56 km avant le déraillement. Cet appareil relève les températures des boîtes d'essieu. Aucune alarme ne s'est déclenchée au passage du train. La figure ci-dessous donne le relevé des températures mesurées par le détecteur. Les températures sont données dans l'ordre de passage des essieux (au nombre de 92 sur le train) du côté gauche et du côté droit (respectivement « G » et « D »7). La température de la boîte d'essieu accidentée (boîte gauche du premier essieu du 5 e wagon, soit 21e du convoi) est de 45 °C. Elle est la plus élevée du convoi. La température de la boîte droite en vis-à-vis est de 34 °C. La température de la boîte accidentée est supérieure de 13 °C
7 Le code « F » mentionné sur le relevé (F pour détection de Frein serré) correspond à la température moyenne des jantes et est une fonctionnalité non active sur le DBC de Saint-Cergues. 31
à la température moyenne des autres boîtes (~ 32 °C), et supérieure de 6 °C à la plus haute température des autres boîtes (39 °C). Le seuil d'alarme simple du détecteur est à 77 °C (seuil signifiant un contrôle à effectuer sur le wagon) et d'alarme danger à 90 °C (seuil de figeage du train). Ces seuils d'alerte étaient au-dessus des températures mesurées, le train n'a pas été alarmé. Il existe aussi un seuil d'alarme différentielle (ou relative) de détection d'un écart entre deux roues d'un même essieu. Il faut qu'une roue soit au moins à 57 °C, ce qui n'a pas été le cas. Il apparaît toutefois que la boîte avariée faisait déjà l'objet au passage du DBC d'un certain échauffement. Celui-ci était encore peu énergétique et en deçà des tolérances.
17/09/20-12:36:00 DBC:715 SAINT CERGUES Voie VU Contresens Train N° : 011 Vitesse 075km/h Nb d'essieux : 092 Temp. ext. +27°C MGB:034 MDB:031 KS1:079 KS2:077 SEUILS : ADB=090°C ASB=077°C ADF=400°C ASF=197°C
001G 001D 001F 011G 011D 011F 021G 021D 021F 031G 031D 031F 041G 041D 041F 051G 051D 051F 061G 061D 061F 071G 071D 071F 081G 081D 081F 091G 091D 091F
034 038 035 034 035 037 034 038 037 029 036 038 032 030 030 034 030 033 030 028 --- --- --- --- --- --- --- --- --- --035 033 034 035 032 036 035 034 032 036 032 032 031 030 029 029 033 028 030 035 --- --- --- --- --- --- --- --- --- --045 034 036 035 035 030 035 036 031 033 034 032 036 029 031 028 031 033 027 029 --- --- --- --- --- --- --- --- --- --033 036 031 032 032 032 029 030 036 030 029 032 030 027 030 030 031 028 036 029 --- --- --- --- --- --- --- --- --- --034 032 035 032 034 041 036 031 035 035 033 033 034 029 032 033 037 038 032 032 --- --- --- --- --- --- --- --- --- --034 032 030 034 035 036 032 037 030 032 031 031 027 032 032 033 030 034 034 033 --- --- --- --- --- --- --- --- --- --039 029 036 030 031 034 034 032 032 034 034 027 032 028 031 034 027 030 032 032 --- --- --- --- --- --- --- --- --- --031 032 034 034 030 030 036 039 037 034 032 029 030 032 030 026 032 032 029 027 --- --- --- --- --- --- --- --- --- --034 037 035 035 030 034 032 032 036 032 031 032 029 028 032 034 030 027 035 030 --- --- --- --- --- --- --- --- --- --035 038 033 030 --- ---
Figure 35 - relevé des températures du DBC au passage du train (source SNCF Réseau)
Il apparaît aussi que le fort échauffement de la fusée, qui comme nous l'avons vu a été produit par le blocage du roulement, est postérieur au passage du DBC. L'annexe 4 donne un calcul d'ordre de grandeur de la rapidité d'échauffement en cas de blocage du roulement. La vitesse d'échauffement est évalué à 40 °C par km parcouru par le train dans l'hypothèse du blocage d'un des deux roulements insérés sur la fusée. La température de ramollissement de l'acier étant de 900 °C, à 40 °C/km, celle-ci pourrait être atteinte en 22,5 km ( 900 °C / 40 °C/km). Cette distance est cohérente avec le déroulé des événements : la montée en température s'est produite avant le point de chute de la boîte d'essieu au PK 129,9, mais après le DBC de Saint-Cergues au PK 178,7 qui sont distants de 48,8 km.
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Au passage du DBC, seule une friction limitée était à l'oeuvre. Elle pouvait résulter d'une atteinte au système, déjà engagée mais encore raisonnable, en lien avec le dévissage des vis ou l'initiation de la dislocation du roulement. L'énergie thermique de trépanage du couvercle ne pourrait que difficilement être évaluée en raison des incertitudes sur les paramètres exacts de son développement (contribution de la graisse à la lubrification, pression sur le couvercle exercée par la vis...) et d'une modélisation complexe. Le trépanage du couvercle mobilise toutefois une énergie moindre que la friction de blocage du roulement, de part les efforts plus faibles en jeu. Il ne produit pas un échauffement aussi significatif. Il y a ainsi lieu de déduire de cette analyse, que le blocage du roulement s'est opéré peu après le passage du DBC, et que seule une dislocation du roulement (dévissage des vis d'assemblage) était déjà à l'oeuvre au passage du DBC. L'énergie thermique a cru exponentiellement à l'instant du blocage du roulement, la rotation ne se maintenant qu'au prix de la seule friction.
Conclusion intermédiaire sur les opérations de surveillance du train
De l'ensemble de ces constats, le BEA-TT est conduit à esquisser le scénario suivant, graphique et approximatif, de l'évolution de la température de la fusée avariée (voir également la figure ci-dessous) :
au départ à 12:00, la température est sensiblement à la moyenne des autres boîtes ; au PK 178,7 et à 12:36, au passage du DBC, soit 27,6 km après, la température a amorcé sa montée, raisonnablement. La boîte est en dégradation et une certaine friction s'opère ; entre le PK 178,7 et le PK 129,9 (soit 48,8 km), le roulement se bloque. La température croit alors beaucoup plus rapidement (40 °C/km pour un roulement bloqué) ; au PK 129,9 à 13:32, la fusée atteint la température de ramollissement de l'acier de 900 °C. Elle se rompt. La boîte d'essieu est perdue. La température redescend n'étant plus entretenue par aucune friction ; au PK 122,9 à 13:37, le train déraille, puis il s'arrête au PK 120,2 à 13:40.
Figure 36 - approximation graphique de l'évolution de la température (BEA-TT)
La dislocation du roulement avait commencé avant le passage sur le DBC de Saint-Cergues, 27 km après le départ. Dans l'ordre, le processus de ruine a enchaîné les étapes suivantes : perte de serrage des vis (une fraction de tour de vis), dévissage et amorce du trépanage, trépanage complet avec ouverture du couvercle, dislocation du roulement, puis blocage. Le desserrement des vis était à notre sens déjà à l'oeuvre au départ, car le processus décrit ici est assez progressif.
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Il est difficile d'affirmer ou d'infirmer si l'avancement progressif du dévissage était déjà en mesure d'obtenir un trépanage complet du couvercle au départ, qui seul pouvait alerter l'agent de desserte. Si le couvercle était bien intègre au départ, alors le processus de desserrement des trois vis a été rapide, possiblement sous l'effet de fortes vibrations du roulement avarié.
Le croisement d'autres trains
Lors de son parcours, le convoi de marchandises a croisé 5 trains (voir figure ci-après). Aucun des conducteurs n'a constaté de dysfonctionnement sur le train 61534. La boîte avariée était cependant située sur le côté gauche du train, côté non visible par quatre des conducteurs des trains croiseurs, ces trains ayant croisé le train 61534 par sa droite. Seul le train 23317, le premier à croiser 13 km après le départ, est passé côté gauche.
Figure 37 - croisements avec d'autres trains sur le parcours (source SNCF Réseau)
La surveillance du train en marche à Bellegarde
Une surveillance des trains en marche (STEM) est effectuée par l'agent-circulation du poste d'aiguillage en gare de Bellegarde (PK 134,4). L'agent circulation doit se détourner de sa tâche en cours et observer le train. Selon son témoignage vu plus haut, il ne détecte rien d'anormal, ni odeur particulière, ni échauffement. Le poste de surveillance est toutefois situé sur le côté droit du train, celui opposé au côté de la boîte d'essieu avariée.
Conclusion sur les opérations de surveillance du train
Il apparaît au total que les nombreuses actions d'observation du train lors de la mission n'ont pas permis de détecter un défaut affectant l'organe de roulement. Les observations visuelles en ligne ne concernent qu'un côté et il s'avère qu'elles étaient quasi toujours du mauvais côté. La mesure de température par le détecteur de boîte chaude était en deçà des seuils d'alerte. Les observations du train au départ n'ont rien détecté. Le BEA-TT conclut du relevé du DBC que la dislocation de la boîte d'essieu avariée s'est initiée avant le passage du DBC, dès le départ du train. Le blocage du roulement ne s'est toutefois opéré que quelques kilomètres après. Concernant le trépanage du couvercle, soit des indices étaient visibles lors des opérations de départ et n'auraient dans ce cas pas été détectées par l'agent de desserte, soit ils ne l'étaient pas et le processus de dégradation a été rapide, sous les vibrations résultant du blocage du roulement. Il n'a pas été possible de statuer sur l'une des deux options. Le scénario probable de l'accident en découlant est récapitulé dans le chapitre suivant.
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2.3 -
Le déroulement reconstitué de l'accident
La chronologie complète de l'accident, reconstituée à partir des analyses précédentes, est récapitulée ci-après. 1. Le 17 septembre peu après 4 h 30 du matin à Ambérieu, un conducteur de l'EF RegioRail prend en charge un convoi de wagons couverts à parois métalliques vide de chargement, pour l'acheminer à Publier. Le convoi est tracté par deux engins moteurs mis en couple. Le conducteur est accompagné d'un autre conducteur installé en cabine. 2. À Bellegarde-sur-Valserine, le convoi est arrêté par l'agent circulation. Il est demandé d'aller porter secours à un train de travaux en panne sur la ligne devant eux à Valleiry, ce qui est fait mais retarde de deux heures le convoi sur son horaire. 3. À 11 h, le convoi arrive à Publier. Les conducteurs doivent y prendre en charge un autre convoi chargé vers Ambérieu. Le conducteur qui a précédemment conduit prend l'engin moteur BB 27169 et le place en pousse du convoi chargé. Il sera le conducteur de pousse. L'autre conducteur prend l'engin moteur BB 27129 et le manoeuvre en tête du convoi, pour le conduire en tête. 4. Préalablement, l'agent de desserte de Publier avait préparé le convoi chargé réalisant une reconnaissance à l'aptitude au transport entre 8 h 15 et 9 h 15. Cette opération lui a permis d'examiner l'ensemble des équipements de sécurité des deux côtés du convoi. Il n'a rien détecté d'anormal. 5. Le conducteur de tête et l'agent de desserte procèdent alors à l'essai complet de frein. L'agent de desserte remonte pour cela le convoi lorsque les freins sont serrés, et le redescend lorsqu'ils sont desserrés, sans rien observer d'anormal à nouveau. 6. À 12 h, le conducteur reçoit l'autorisation de départ de la mission 61534. Il quitte le site de l'usine d'Évian en effectuant un essai de roulage à 8-10 km/h. Celui-ci est normal. L'agent de desserte observe le train au défilé de l'autre côté par rapport à celui où il a cheminé lors de l'essai de frein. Il n'observe à nouveau rien d'anormal. 7. Le conducteur prend de l'allure et, lorsque la voie redescend, après Bons-en-Chablais 20 km plus loin, il effectue un essai de freinage dynamique concluant. 8. 7 km plus loin et 56 km avant Pyrimont-Chanay, le train passe le détecteur de boîte chaude (DBC) de Saint-Cergues. Les températures constatées des boîtes d'essieu sont en dessous des seuils admissibles. Pour autant, la boîte d'essieu avant gauche du 5e wagon, 21e dans le convoi, est mesurée à 45 °C, température en dessous du seuil d'alarme de 77 °C mais plus élevée que toutes les autres roues. La boîte a amorcé un processus de dislocation de son roulement par dévissage des vis de fixation du chapeau de fusée. La température n'aura de cesse de monter. 9. Sur le parcours, le train croise 5 autres trains dont les conducteurs n'observeront rien d'alarmant, l'observation étant pour les quatre derniers côté droit alors que la défaillance est côté gauche. 10. Le conducteur observe à quelques reprises son train vers l'arrière, mais la ligne a beaucoup de virages et il ne peut pas apercevoir le train en entier. À Viry, 30 km avant Pyrimont-Chanay, profitant d'une faible courbe, il a pu voir le train en entier du côté gauche, jusqu'à la locomotive de pousse, sans rien constater d'anormal. 11. C'est dans ces environs que le roulement se bloque. La friction des pièces tournantes sur les pièces bloquées conduit à une élévation très rapide de la température jusqu'à atteindre 900 °C, température de ramollissement de l'acier.
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12. À 13 h 27, le train passe à Bellegarde-sur-Valserine, 11,5 km avant Pyrimont-Chanay. L'agent circulation effectue la surveillance du train en marche (STEM) ne constate rien d'anormal. L'observation du train est toutefois à nouveau faite du côté droit. 13. À 13 h 32 au PK 129,9, 7 km avant Pyrimont-Chanay, la fusée gauche de l'essieu avarié rompt par surchauffe. La boîte d'essieu tombe en voie. Le wagon avarié continue de rouler sur les rails, une boîte manquante. 14. À 13 h 36 au PK 124,4, dans une zone qui longe le Rhône en descente, le conducteur freine. 15. À 13 h 37 au PK 122,9, après l'ancienne gare de Pyrimont-Chanay, un choc endommage latéralement à gauche le platelage du PN 75, déplaçant ou engravant les dalles du revêtement. Le choc résulte d'un heurt par une pièce du wagon engageant le gabarit et située à l'aplomb de l'essieu avarié. 16. L'essieu insuffisamment tenu depuis la perte de la boîte d'essieu, prend progressivement un léger biais sous le wagon, la roue gauche se soulevant également sous l'effet du freinage. 60 m après le PN, la roue gauche monte sur le rail gauche. L'essieu déraille vers la gauche. 17. L'essieu se désaxe de la voie latéralement de quelque 80 cm. Le châssis du wagon écrase à l'avant la roue gauche, maintenant celle-ci tout en l'enfonçant dans le ballast. La roue droite est maintenue par sa boîte d'essieu restée intègre et s'enfonce également dans le ballast entre les rails. Ce maintien des deux roues de l'essieu sous le wagon, tandis que le train avance, contribue au labourage de la voie. Le ballast est projeté en un tapis qui s'étend sur une vingtaine de mètres de part et d'autre. Les rails sont assez fortement déformés en raison de leur déplacement par pliage des traverses par la roue droite ayant déraillé, et par leur forçage au passage des essieux suivants sur une voie à l'écartement resserré. Néanmoins l'arrière du convoi ne déraille pas. Le frottement de la roue gauche sur la structure métallique provoque des gerbes d'étincelles et un début d'incendie. 18. Au PK 122,5, le conducteur desserre le frein. 19. Le conducteur dans la locomotive de pousse observe un nuage de poussière blanche à l'avant du train. Dans le même temps, la locomotive, passant sur la voie faussée, se met à bouger avec une extrême violence et le conducteur est secoué dans tous les sens. Il se retrouve à terre. N'arrivant pas atteindre le bouton d'arrêt d'urgence, il utilise sa radio pour demander au conducteur de tête de s'arrêter immédiatement. 20. Le conducteur de tête perçoit cet appel, mais le message est inaudible. Il ne comprend que le mot « arrête ! ». Il freine alors avec le frein de service et entend à nouveau à la radio le mot « arrête ! ». Il est 13 h 39. Il effectue immédiatement un freinage maximum. Il regarde en même temps son rétroviseur gauche et aperçoit un fort dégagement de poussière. Il actionne instantanément le freinage d'urgence. 21. À 13 h 40 au PK 120,2, le train s'immobilise. Le déraillement a eu lieu sur 2,6 km. 22. Le conducteur de tête émet des alertes radio et lumineuse. Il avise le poste d'aiguillage et part à la visite de son train coté piste, n'ayant pas encore de protection. Il constate le déraillement et un dégagement de fumée. Il donne l'alerte. 23. Les pompiers interviennent à 14 h 23 et éteignent l'incendie.
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3 - Analyse du fait survenu
L'accident résulte d'un dysfonctionnement de serrage des vis d'assemblage du roulement gauche de l'essieu. Ce défaut a amené le BEA-TT a poursuivre ses investigations dans les domaines suivants, que nous restituerons dans cette partie :
le retour d'expérience qui existe sur ce type de défaut ; l'historique de maintenance du wagon ; l'examen en laboratoire du roulement intègre de l'essieu dégradé, et l'examen d'un autre essieu témoin du wagon ; la vérification de l'état de serrage des vis d'assemblage sur d'autres wagons ; l'analyse de l'opération de montage du roulement en atelier.
3.1 -
Le retour d'expérience des trépanages de couvercle
Plusieurs évènements qui ont mis en oeuvre un trépanage de couvercle, ont été rapportés au BEA-TT. Ils sont présentés dans les encadrés ci-dessous.
Le trépanage d'un couvercle sur un wagon de modèle Hfirrs 4, le 9 octobre 2012
Cet incident a été rapporté par DB Cargo France. Le wagon est de modèle identique à celui du présent rapport, numéroté 23802929189-1, propriété de General Electric Rail Services, et loué à DB Cargo France. Il a été repéré défaillant lors d'une inspection avant départ à Clermont-Ferrand, le 9 octobre 2012. L'examen de la boîte montre qu'une vis de fixation du chapeau de fusée s'est desserrée, est sortie du trou fileté, puis est entrée en contact avec l'intérieur du couvercle de la boîte d'essieu. La rotation de l'essieu a fait que la vis a usiné l'intérieur du couvercle jusqu'à le perforer. Ce scénario est assez similaire à celui du wagon objet du présent rapport. Le wagon a toutefois été intercepté lors de la visite. L'essieu avait connu sa dernière révision de démontage en octobre 2003. Il avait approximativement parcouru 225 000 km depuis cette date. Au moment de la révision, le remontage de l'essieu n'incluait pas la pose d'une tôle de frein de vis (voir § 2.1.5), exigence qui est depuis intervenue
Figure 38 - vues de la boîte trépanée constatée le 9 octobre 2012 (source DB Cargo France)
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Le retour d'expérience du fabricant français d'essieux-montés Valdunes
Le 19 octobre 2017, l'autorité nationale de sécurité ferroviaire française, l'Établissement Public de Sécurité Ferroviaire (EPSF), a organisé une réunion de retour d'expérience système avec les exploitants du système ferroviaire. L'un des thèmes abordés était la surveillance des organes de roulement. L'expérience du fabricant français d'essieux-montés Valdunes, partagée à cette occasion, relatait que quatre essieux fabriqués ou maintenus par Valdunes avaient fait l'objet d'un incident de trépanage d'un couvercle, entre le 10 septembre 2015 et le 7 décembre 2016. L'expertise des essieux avec les détenteurs de wagons a conduit à retenir un scénario de défaillance suivant, qui représente assez bien la situation de notre accident :
desserrage de vis, consécutif à une perte de tension dans la vis ; fissuration du frein de vis sous tête de vis due aux vibrations ; dévissage de la vis sous l'effet principal des vibrations ; se dévissant, la vis vient au contact du couvercle et l'usine jusqu'au trépanage.
La mise en oeuvre d'un mode opératoire inapproprié de serrage des vis de chapeau de fusée, avec visseuse électrique depuis septembre 2011, était identifié par l'entreprise comme cause racine principale des deux voire trois premiers incidents. De plus, il était pointé qu'à la connaissance des experts, ces trépanages de couvercle ne concernaient que les boîtes d'essieu à roulements à rouleaux cylindriques, à la différence des boîtes à rouleaux coniques. En effet avec des rouleaux cylindriques, les forces transversales transitent par le chapeau de fusée et par ses vis de maintien (nécessitant un serrage soigné des vis de précontrainte), alors qu'elles transitent directement vers la fusée, sans passer par les vis, pour les autres. La présence de rouleaux cylindriques est un facteur péjorant. Ces incidents avaient notamment conduit Valdunes à revoir sa méthodologie de serrage des vis de chapeau de fusée, ainsi qu'à réviser une importante flotte d'essieux-montés jugés à risque. Aucun nouvel incident ne s'est produit depuis sur son parc.
Figure 39 - boîte trépanée, tôle frein-de-vis, et vis manquante (source Valdunes)
Le BEA-TT note qu'il y a une fissuration de la tôle frein sous la pression de la vis et les vibrations (voir zone fléchée en rouge sur la vue droite ci-dessus). Il est loisible de s'interroger si la même situation ne s'est pas reproduite dans l'accident objet du présent rapport. En effet, les débris retrouvés de la tôle frein du roulement avarié présentent des dégradations avec des trous de passage des vis tous ouverts (voir Figure 29). Il est difficile d'être affirmatif sur ce point, tant la pièce a été soumise à des effets mécaniques et thermiques élevés, mais la sensibilité de la tôle interroge.
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L'expertise d'un essieu trépanné en juin 2017
Cet incident a été rapporté par TOUAX. Un essieu de son parc a eu une boîte trépanée en juin 2017, et a fait l'objet d'une expertise complète. La boîte était mobile et avait une rotation normale autour de la fusée. Après démontage de la boîte trépanée, les vis du dispositif étaient constatées desserrées, l'une étant dévissée. La tôle-frein de type SNCF était marquée par les vis indiquant leur serrage initial. Le taraudage accueillant la vis dévissée avait un jeu important, et un autre un jeu léger. Les roulements présentaient des traces de battement et d'oxydation. L'autre boîte ne présentait pas d'anomalie, notamment de serrage des vis du chapeau. En conclusion, l'expertise préconisait des mesures de montage (dont le contrôle croisé), le remplacement systématique des vis à chaque remontage, et l'usage de tôles frein DIBA plutôt que SNCF (voir § 2.1.5) pour les essieux type BA004.
Figure 40 - boîte trépanée et tôle frein-de-vis (source TOUAX)
Le trépanage d'un couvercle sur un wagon porte-container, le 3 juin 2021
Cet incident a été rapporté par TOUAX. Le wagon est un porte-container, numéroté 33874908704-9 de son parc. Il a été repéré défaillant à Gênes lors d'une inspection avant départ sur le train 54027 à destination de Milan, le 3 juin 2021. La photographie de la boîte montre un scénario de desserrage des vis semblable aux précédents. On remarque sur les vues que les rabats repliés de la tôle frein de vis (de type SNCF) n'ont pas joué leur rôle de blocage des vis.
Figure 41 - vues de la boîte trépanée constatée le 3 juin 2021 (source TOUAX) 39
Ces deux derniers évènements sont assez représentatifs de l'accident étudié. Leur détection dès la préparation du train avant le départ a permis d'éviter un possible accident. Citons enfin pour mémoire, qu'un accident de perte en ligne d'une boîte d'essieu, nous a été relaté par le bureau d'enquêtes suisse, le Service Suisse d'Enquêtes de Sécurité (SESE). Le 25 avril 2015 à 2 h 49, cinq wagons, dont quatre de transport de marchandises dangereuses, ont déraillé. L'un des wagons est à l'origine du déraillement au franchissement d'un aiguillage par suite de la perte d'une de ses boîtes d'essieu. Un autre wagon a perdu son chargement de soude caustique. L'enquête du SESE a permis de déterminer que la perte de la boîte d'essieu était le résultat d'un long processus, initié lors des travaux de maintenance de ladite boîte en août 2011, qui avait conduit au dévissage de la fixation du roulement. Le roulement, de type « BA 80 », est toutefois différent de celui en cause dans le présent rapport et n'offre pas de comparaison. En conclusion, le retour d'expérience que nous avons rassemblé montre plusieurs occurrences de trépanage de boîte d'essieu et fournit les enseignements suivants :
Hormis l'accident objet de ce rapport, les trépanages ont tous été détectés lors des inspections de wagon, évitant des conséquences graves. Le processus, lorsqu'il a été expliqué, est celui du desserrement progressif d'une vis, suivie parfois des autres, sous les sollicitations du roulement. Statistiquement le processus ne touche que les roulements à rouleaux cylindriques, qui transmettent des efforts au chapeau et le sollicitent donc plus fortement. Les incidents de non-blocage des vis rapportés au BEA-TT ne concernent que la tôle frein de type SNCF qui se comporterait ainsi statistiquement moins bien que les autres. Il semble que cette tôle ait présenté une sensibilité à la fissuration. La présence d'une telle tôle pourrait ainsi être un facteur de risque. Enfin, les analyses révèlent la sensibilité des opérations de montage. Sans qu'il n'y ait de malfaçon flagrante, la maîtrise de la force de précontrainte au serrage et le contrôle du montage sont identifiés comme des axes de progrès.
3.2 -
L'historique d'exploitation et de maintenance du wagon Avant d'aborder les analyses complémentaires effectuées sur l'essieu ayant déraillé, nous récapitulons ici l'historique d'exploitation et de maintenance du wagon défaillant. Depuis le rachat du wagon à General Electric en août 2015, TOUAX est l'entité en charge de l'entretien (ECE). TOUAX est titulaire d'un certificat n° BE/31/0116/0007 d'entité en charge de l'entretien attestant de sa conformité avec le règlement UE 445/2011 concernant le système de certification des entités chargées de l'entretien des wagons de fret. Ce certificat a été délivré le 30 janvier 2015 par l'organisme notifié Belgorail dont le siège est à Bruxelles. Comme l'exige le règlement européen précité, le détenteur met en oeuvre un processus d'analyse des données des incidents et des dysfonctionnements. Le mainteneur entretient les wagons selon les prescriptions du référentiel de maintenance VPI. Les révisions des wagons cargo sont réalisées tous les 12 ans (révision nommée G 4.0), avec une révision intermédiaire à 6 ans (G 4.2). La dernière révision importante était une révision générale G 4.0 en décembre 2014. Le wagon avait parcouru, à la date de l'accident, 240 000 km depuis cette dernière révision. Ces révisions sont conduites selon les préconisations du référentiel de maintenance VPI. Le tableau ci-après récapitule les interventions réalisées sur le wagon depuis sa construction en 1989.
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Année 1989 1995 2001 2002 2003 2008 2011 2012 2013 2014 2016 2018 2019 27/7/2020 2020 Construction
Opérations Mise à disposition de DB Cargo France Maintenance de niveau G4.0 Intervention sur semelles de frein Intervention sur portes Maintenance de niveau G4.2 Remplacement de deux essieux Interventions sur portes, semelles de frein et tampon Remplacement de deux essieux Maintenance de niveau G4.0 à LORMAFER, dont le remplacement des quatre essieux Interventions sur portes et frein Intervention sur porte Interventions sur porte, semelles de frein et porte-étiquettes Contrôles pour report de 3 mois de la G4.2. Déraillement le 17 septembre 2020 Maintenance de niveau G4.2 prévue initialement en décembre 2020, puis mars 2021.
La dernière révision G 4.0 s'est déroulée aux ateliers LORMAFER (voir § 2.1.3 et annexe 2). L'examen des archives de maintenance du wagon permet de reconstituer que :
Le wagon est entré en atelier le 27 novembre 2014, et est ressorti le 15 décembre 2014. À cette occasion, les quatre essieux ont été remplacés par des essieux de réemploi du stock. L'essieu posé à l'avant (dans le sens de marche le jour de l'accident), c'est-à-dire celui qui a déraillé, avait le numéro 49-90-94. Il avait préalablement été révisé par LORMAFER. Les trois autres essieux (91-53-20, 93-28-39 et 61-31-29) avaient préalablement été révisés par Railmaint en Allemagne.
La révision de l'essieu 49-90-94 a commencé au centre de maintenance essieu de LORMAFER le 25 novembre 2014. Elle s'est terminée le 27 novembre 2014. L'annexe 2 fournit la fiche de synthèse de cette intervention. Cette révision était de niveau IS 2, 3e niveau parmi les quatre niveaux de maintenance des essieux qui sont l'IS 0 (contrôle), l'IS 1 (reprofilage), l'IS 2 (démontage/contrôle/remontage) et l'IS 3 (remplacement des roues). Les précédentes révisions étaient une IS 1 qui datait de mai 2009, et une IS 3 faite en juillet 2007 chez SFW (Allemagne). Les pas des IS 2 ou IS 3 sont de 13 ans maximum. Ils sont plus rapprochés en fonction du kilométrage parcourru. L'examen des données de maintenance n'appelle pas de remarque particulière. La dernière opération de contrôle des roues était récente (juillet 2020) et n'a pas révélé de défaut nécessitant une intervention. La mesure de cylindricité des roues effectuée après l'accident (voir § 2.2.3) corrobore cette absence de défaut significatif. Nous reviendrons plus en détail au paragraphe 3.5 sur le mode opératoire de réalisation de l'IS 2 de 2014, et plus spécifiquement du montage du chapeau de fusée.
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Le BEA-TT note que la reconstitution complète de l'historique d'intervention sur le wagon a été une opération fastidieuse. Il n'est pas garanti qu'elle soit exhaustive. L'origine des données est disséminée entre l'entité en charge de l'entretien, les ateliers en charge des réparations, et les entreprises ferroviaires utilisatrices amenées à effectuer elles-mêmes directement des opérations (gestion des anomalies, maintenance courante...). Il semble que cette difficulté soit permanente pour les opérateurs. L'ECE a en charge de rassembler les données pour constituer le dossier d'entretien du véhicule, tel qu'exigé par la réglementation, ce qu'elle fait au prix de ces difficultés. Il apparaît cependant au BEA-TT de façon plus critique que les hommes de métier amenés à intervenir dans la vie d'un véhicule sur des organes de sécurité comme les essieux (entreprises ferroviaires, ateliers, prestataires) ne disposent pas de ce dossier, et donc des données de « santé » de l'organe sur lequel ils interviennent, données pourtant essentielles à l'exercice de leur expertise et donc à la sécurité. Le BEA-TT appelle de ses voeux qu'une réflexion s'engage pour qu'un socle de données (équivalent d'un carnet de santé), inter-échangeable entre les opérateurs et qui transcende les cloisonnements liés au secret des affaires, voie le jour sur les organes de sécurité usuels. Ce sujet, ici non causal, sera à l'ordre du jour de prochaines enquêtes.
3.3 -
L'expertise du roulement intègre et d'un autre essieu témoin
La boîte intègre de l'essieu 49-90-94 accidenté a fait l'objet, dans le cadre de l'expertise judiciaire relative à cet accident, d'une expertise par le Centre technique des industries mécaniques (CETIM) au laboratoire de Senlis. Un essieu témoin a également été observé. Il s'agissait de l'essieu 91-53-20, provenant du même wagon et situé juste après le précédent dans le sens de circulation du train, sur le même demi-wagon donc. Il y a lieu de noter en préambule que les deux essieux ont été fortement secoués par le déraillement sur 2,6 km pour le premier, et le passage sur une voie avariée sur la même distance pour le second. Les données générales de ces essieux sont récapitulées ci-dessous. Caractéristiques des essieux examinés essieu 49-90-94 Type d'essieu Tôle frein Dernière révision : date et atelier BA 002 SNCF novembre 2014 LORMAFER essieu 91-53-20 BA 002 UIC (non rainurée) décembre 2013 RAILMAINT
Les trois roulements, le roulement intègre de l'essieu 49-90-94 et les deux du 91-53-20, ont été ouverts et le couple de serrage des vis de chapeau a été relevé. Rappelons au préalable que la règle de serrage à appliquer au montage, donnée par le référentiel VPI généralement mis en oeuvre, consiste en un serrage initial d'un couple de 100 N m, puis un serrage final de 200 N m. Le desserrage a été effectué à la clef dynamométrique en montant le couple par pallier. Les deux tableaux ci-dessous récapitulent les valeurs mesurées.
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Essieu 49-90-94 côté droit Vis A B C 47 N m Décollement Absence de décollement Décollement Décollement Absence de décollement 100 N m 160 N m 170 N m 180 N m
Essieu 91-53-20 côté droit Vis A B C 70 N m 94 N m 169 N m Décollement Vis A B C
Abs. de décol. Décollement
Essieu 91-53-20 côté gauche 110 N m Décollement Absence de décollement Décollement 136 N m 180 N m
Abs. de décol. Décollement
Absence de décollement Décollement
Il apparaît que le serrage des vis présente une grande hétérogénéité, avec au moins un serrage faible sur chacune des fusées. La valeur du serrage est rarement proche du seuil nominal de 200 N m. La tension de précontrainte des vis est donc faible pour reprendre les efforts horizontaux qui sollicitent le chapeau dans un roulement à rouleaux cylindriques. La faiblesse de serrage d'une vis, sur chacun des trois chapeaux, constitue un facteur favorisant d'une initiation d'un desserrement des vis par insuffisance de la tension de précontrainte. Un autre paramètre mesuré est la largeur de l'interstice entre les rabats de tôles frein sur les vis et les vis de fixation elles-mêmes. Pour l'essieu 91-53-20, dont les tôles étaient de type UIC, il présentait un jeu sur plusieurs vis, qui pouvait atteindre 0,45 mm. Pour l'essieu 49-90-94, s'il y avait un léger jeu normal à la pliure du rabat, celle-ci étant arrondie, l'extrémité des rabats était en contact avec la tête de la vis. Enfin, les roulements ne présentaient pas d'anomalie.
3.4 -
L'analyse par le détenteur de l'état de serrage des chapeaux
Dans la continuité des constats ci-dessus et à la suite de l'incident du 3 juin 2021 survenu en Italie sur un wagon porte-container (voir § 3.1), le détenteur TOUAX a fait procéder à une vérification par le CETIM de l'état de serrage des vis de chapeau, sur un parc d'essieux équivalents. 13 essieux sortant de révision ont fait l'objet de mesure de serrage des vis, soit 78 mesures en tout. Le résultat des valeurs mesurées est présenté sur la figure ci-dessous. Les couples de serrage sont assez élevés, au-dessus des valeurs nominales requises (moyenne entre 250 et 300 N m). Une fusée avait deux vis de fixation manquante et pas de tôle frein, cas assez grave, la vis en place présentant une insuffisance de serrage à 30 N m.
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Figure 42 - serrages des vis de montage de chapeau mesurés sur 78 vis (source CETIM)
Ce constat montre :
L'existence de vis à faible tension, voire simplement absentes. Un niveau de tension globalement élevé (270 N m en moyenne), assez au-dessus des recommandations VPI de 200 N m. Le sur-serrage permet de garantir semble-t-il le couple préconisé par la VPI tout en restant inférieur à la limite de résistance des vis. Le BEA-TT s'interroge toutefois si une telle surtension ne serait pas de nature à déformer ou blesser les tôles frein, particulièrement celles de type SNCF qui ont peu de matière et dont nous avons pu voir qu'elles présentaient une certaine sensibilité. La valeur de référence de serrage préconisée par le référentiel SNCF est de 150 Nm et est en deçà de celle du VPI.
Ce constat témoigne d'une maîtrise insuffisante de la qualité du processus de montage du chapeau, tant dans son mode opératoire, que pour son contrôle. Il interroge sur les préconisations concernant l'effort de serrage. Le constat global a amené TOUAX à mettre en place une inspection visuelle par échantillonnage de son parc en juillet 2021, qui a concerné 336 essieux provenant du sous-parc de wagons issu de General Electric. Le cas de l'essieu avec vis manquante était isolé. Il a toutefois été observé une difficulté sur le rabattage des freins de vis qui n'est pas toujours correctement effectué. 34 essieux ont été changés, 5 pour un défaut de verrouillage et 29 pour des traces de graisse non conforme.
3.5 -
L'inspection du serrage des chapeaux en atelier
Le BEA-TT s'est rendu en juillet 2022 à l'établissement LORMAFER pour examiner les conditions de maintenance des essieux, et plus particulièrement de leur remontage. Le processus de maintenance, et plus particulièrement le protocole de remontage mis en oeuvre est audité dans le cadre des certifications qualité-sécurité de l'établissement, notamment par la SNCF et par VPI. Le BEA-TT n'a pas noté de remarque significative affectant le montage des chapeaux dans les rapports d'audit qu'il a pu examiner. Pour une maintenance de niveau IS 2 (démontage/contrôle/remontage), chaque essieu est d'abord débarrassé des organes de roulement. Il fait ensuite l'objet d'un grenaillage pour ôter la peinture, de contrôles non destructifs de ses dimensions et de son état
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exempt de fissuration, puis d'un reprofilage des roues et enfin, d'une remise en peinture. Les organes de roulement sont quant à eux démontés, nettoyés de leur graisse, puis inspectés avant d'être remontés en fin de chaîne de traitement de l'essieu.
Figure 43 - poste de remontage des roulements (photo BEA-TT)
La phase finale de remontage des roulements se traduit par le graissage des roulements, la fixation du chapeau, puis la fermeture de la boîte. La fixation du chapeau s'effectue à l'aide de vis M 20 neuves, posées en utilisant une tôle de sécurité neuve. Le serrage des trois vis est réalisé en deux temps, au début avec un couple de serrage de 100 N m, et ensuite de 200 N m (référentiel VPI). Une clef dynamométrique avec enregistrement des valeurs de serrage est utilisée. Après le serrage, les rebords des tôles de sécurité sont rabattus à la pince ou au marteau. Il faut qu'une attache soit correctement appliquée sur chaque vis contre le flanc de la tête de vis.
Figure 44 - outils de serrage des vis et des tôles frein du chapeau (photo BEA-TT)
Depuis les difficultés semblant provenir des tôles SNCF, l'atelier est amené à recommander l'emploi de tôles « DIBA ». Un contrôle croisé est ensuite effectué : l'opérateur d'un côté trace son contrôle visuel du repliement du frein par un trait de couleur sur chaque vis, puis contrôle les vis serrées par l'opérateur en vis-à-vis. Chacun des opérateurs utilise une couleur différente pour valider la vérification croisée. Puis une photo du montage est prise avant fermeture de la boîte pour traçabilité. La photo fait l'objet d'un re-contrôle visuel a posteriori par un contrôleur. Celui-ci vérifie également les valeurs de serrage enregistrées.
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Figure 45 - marquage bicolore de contrôle et photo de contrôle (photo LORMAFER)
Le mode opératoire décrit ci-dessus est celui réalisé aujourd'hui. Il a été amélioré, depuis les opérations faites en 2014 et selon le retour d'expérience de l'atelier, en août 2021 sur les points suivant :
l'emploi d'une clef dynamométrique enregistreuse des valeurs de serrage ; l'utilisation de deux couleurs différentes pour les marquages de contrôle ; et la prise de photographie en fin.
Ces améliorations sont de nature à avoir renforcé la sécurité du montage, tant du point de vue du mode opératoire (clef dynamométrique à enregistrement), que du contrôle (deux codes couleur), ou bien de la traçabilité (enregistrement des valeurs de serrage et photographie). Le BEA-TT note que cette opération de serrage étant sensible à l'erreur et au facteur humain, ces améliorations sont une meilleure garantie pour la sécurité. Une marge de progrès reste encore possible par une mécanisation de l'opération de serrage qui est cruciale pour la sécurité. Cette mécanisation est déjà à l'oeuvre dans certains établissements. Le vissage est automatisé et l'outil enregistre les paramètres. Il s'agit toutefois de premières applications dont le suivi est encore à poursuivre. Si les résultats sont probants, la généralisation serait à envisager.
Figure 46 - visseuse à enregistrement du couple de serrage (photo RYKO a.s.) 46
4 - Conclusions
4.1 L'arbre des causes
Les investigations conduites permettent d'établir le graphique ci-après qui synthétise le déroulement de l'accident et en identifie les causes et les facteurs associés mis en évidence par le BEA-TT.
Figure 47 - arbre des causes de l'accident
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4.2 -
Les causes de l'accident
La cause immédiate du déraillement du 5 e wagon est la rupture de la fusée gauche de son essieu avant. La rupture de la fusée s'est produite en raison de son échauffement à haute température (900 °C), survenu à la suite du blocage du roulement dans lequel la fusée s'insère. Le blocage est dû à un dévissage des vis de montage du chapeau, attesté par le trépanage du couvercle de la boîte de l'essieu. La rupture de la fusée s'est accompagnée d'une chute de la boîte d'essieu correspondante. L'essieu, privé d'une des deux liaisons avec le wagon, a pivoté légèrement, puis est monté sur le rail gauche, pour finir par dérailler. Restant accroché sous le wagon, il a labouré la voie. De plus, la roue gauche en tournant a frotté sur la structure métallique du châssis, provoquant des étincelles et un début d'incendie. Concernant le desserrement des vis, il a été constaté, sur un échantillon de wagons, un état de serrage hétérogène des vis, avec le plus souvent un sur-serrage mais aussi des sous-serrages. Quelques incidents de dévissage et de trépanage de boîte ont également eu lieu, sans toutefois conduire à un accident. Il apparaît, en toute vraisemblance que le dévissage des vis était déjà à l'oeuvre au départ, sans que l'on sache s'il était visible, alors qu'il a toujours été observé au départ dans les autres cas. Les mesures de surveillance du train en ligne n'ont pas été de nature à détecter le défaut et arrêter le train. Le BEA-TT identifie quatre facteurs de risque ayant pu entrer en jeu dans le présent accident et dont une meilleure maîtrise serait de nature à prévenir de tels accidents :
la qualité des opérations de montage des essieux en atelier, le contrôle de ces opérations et leur traçabilité ; cette qualité est perfectible et a fait l'objet depuis l'accident d'améliorations notables dans l'atelier mainteneur de l'essieu avarié. le choix des tôles de frein assurant le blocage des vis ; les incidents rapportés ne font état de trépanage qu'avec des tôles frein de type SNCF ; la non-existence de signe annonciateur du dévissage des vis avant le stade avancé de trépanage du couvercle ; la qualité de l'inspection des boîtes d'essieu lors des opérations de préparation au départ des trains.
Pour autant, l'enquête technique n'a pas pu déterminer avec exactitude, si l'un de ces facteurs avait été à lui seul déterminant, et lequel.
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4.3 -
Les mesures prises à la suite de l'accident
Les mesures prises par les opérateurs à la suite de l'accident, et déjà présentées de façon éparse dans le présent rapport, sont récapitulés ci-après. Actions conduites par le mainteneur TOUAX (voir § 3.4) :
étude de vérification de l'état de serrage des vis de chapeau sur un parc de 13 essieux sortant de révision, soit 78 mesures en tout, en septembre 2021 ; inspection par échantillonnage de 396 essieux provenant du parc de wagons issus de General Electric (mars 2022). 34 essieux ont été changés, 5 pour un défaut de verrouillage et 29 pour traces de graisse non conforme.
Actions conduites par l'atelier de maintenance LORMAFER (août 2021 voir § 3.5) :
amélioration de la qualité du mode opératoire du montage des chapeaux de fusée : · emploi d'une clef dynamométrique enregistreuse, · utilisation de deux couleurs différentes pour les marquages de contrôle, · prise de photographie en fin d'opération.
emploi recommandé de tôles frein de type « DIBA ».
Le BEA-TT n'a pas connaissance d'action particulière mise en oeuvre par l'entreprise ferroviaire.
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Conclusions (english version)
The causes of the accident
The immediate cause of the derailment of the 5 e wagon was the breakage of the left-hand axle stub of its front axle. The failure of the axle stub occurred due to its heating to a high temperature (900°C) as a result of the blocking of the bearing in which the axle stub is inserted. The blocking is due to the cap mounting screws being loosened, as evidenced by the axle box cover being punched out. When the stub axle broke, the corresponding axle box fell off. The axle, deprived of one of the two connections to the wagon, swung slightly and then climbed onto the left-hand rail, eventually derailing. It hung under the wagon and ploughed into the track. In addition, the left wheel rubbed against the metal structure of the chassis, causing sparks and the start of a fire. With regard to the loosening of screws, a heterogeneous state of tightening of the screws was observed on a sample of wagons, with most often over-tightening but also undertightening. There were also a few incidents of unscrewing and biting of the box, but these did not lead to an accident. It appears, in all likelihood, that the loosening of the screws was already at work at the start, without it being known whether it was visible, whereas it was always observed at the start in the other cases. The train monitoring measures on the line were not such as to detect the defect and stop the train. The BEA-TT identifies four risk factors that may have been involved in this accident and which, if better controlled, could prevent such accidents:
the quality of axle assembly operations in the workshop, the control of these operations and their traceability; this quality can be improved and has been the subject of significant improvements since the accident in the workshop that maintained the damaged axle. the choice of brake plates used to lock the screws; the incidents reported only mention biting with SNCF type brake plates; the non-existence of any sign of unscrewing of the screws before the advanced stage of drilling of the cover; the quality of axle-box inspection during train preparation operations.
However, the technical investigation was unable to determine exactly which of these factors was the determining factor.
Measures taken following the accident
The measures taken by the operators following the accident, and already presented in a scattered manner in this report, are summarised below. Actions taken by the TOUAX maintainer (see § 3.4):
A study to check the tightness of the cap screws on a fleet of 13 axles coming out of overhaul, i.e. 78 measurements in all, in September 2021;
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sample inspection of 396 axles from the General Electric wagon fleet (March 2022). 34 axles were changed, 5 for a locking defect and 29 for traces of incorrect grease.
Actions carried out by the LORMAFER maintenance workshop (August 2021 - see § 3.5):
improvement of the quality of the assembly procedure of the axle stub caps: use of a torque spanner, use of two different colours for control markings, photography at the end of the operation.
Recommended use of "DIBA" type brake plates.
The BEA-TT is not aware of any particular action taken by the railway undertaking.
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5 - Recommandations
Les conclusions précédentes conduisent à envisager des orientations préventives pour éviter le renouvellement de ce type d'accident dans les domaines suivants :
la reconnaissance à l'aptitude au transport avant le départ ; les opérations de montage des chapeaux de roulement en atelier ; l'efficacité des tôles frein ; les signes annonciateurs du dévissage des vis.
5.1 -
La reconnaissance à l'aptitude au transport avant le départ
L'enquête technique n'a pu établir si le dévissage des vis qui était à l'oeuvre dès le départ présentait déjà, ou non, des signes visibles de trépanage du couvercle. L'agent en charge des opérations de départ a pu observer le train par deux fois, de chaque côté, et déclare ne rien avoir remarqué. Le BEA-TT note que ces opérations nécessitent une vigilance soutenue, une grande attention à chaque organe observé, et qu'elles sont de ce fait sensibles au facteur humain, c'est-à-dire à un risque d'inattention ou de mauvaise appréciation. L'expérience récente de l'agent en charge accentue cette sensibilité. Il est légitime de se demander si l'agent, lorsqu'il affirme n'avoir rien remarqué, ne s'est pas mépris. Le retour d'expérience des incidents de trépanage de boîtes montre que, hormis l'accident objet de ce rapport, ces trépanages ont toujours été détectés lors des inspections de wagon au départ, évitant des conséquences graves. Le BEA-TT souhaite attirer l'attention des entreprises ferroviaires et de leurs collaborateurs sur l'importance à accorder à une réalisation exhaustive et attentive des vérifications sur les organes de sécurité avant tout départ de train. Le BEA-TT invite l'ensemble des entreprises ferroviaires de fret à utiliser le retour d'expérience du présent accident pour sensibiliser, dans le cadre de la formation initiale et de la formation continue, leur personnel en charge de la reconnaissance à l'aptitude au transport, à l'importance des vérifications sur les organes de sécurité parmi lesquels figurent les organes de roulement.
5.2 -
Les opérations de montage des chapeaux de roulement en atelier
L'essieu avait parcouru 240 000 km en 5 ans et demi depuis son dernier démontage en atelier. Il n'a pas présenté de signe de défaillance avant l'accident. L'enquête technique n'a pas pu établir si une malfaçon ou un défaut de montage était à l'origine de l'accident. Les débris récupérés sont dans un état qui ne permet pas de statuer sur ce point. La boîte intègre (boîte droite de l'essieu) ne présentait pas de signe flagrant d'un défaut. L'état de serrage des vis du chapeau, côté intègre, était hétérogène. Une vis avait une tension insuffisante pour assurer une précontrainte correcte du chapeau sur la fusée, précontrainte essentielle dans un roulement à rouleaux cylindriques dont les efforts axiaux transitent par le chapeau. Cette situation semble toutefois assez générale. L'essieu témoin, entretenu par un autre atelier, présentait les mêmes symptômes.
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TOUAX a conduit des investigations qui ont montré un état de serrage des vis de chapeau hétérogène, généralement trop élevé, mais aussi un cas grave d'absence de vis et de tôle frein. Il en résulte que ces opérations de montage semblent, dans leur mode opératoire et leur contrôle, perfectibles. L'atelier LORMAFER a préconisé et mis en oeuvre plusieurs actions pour mieux garantir la qualité des opérations : serrage par clef dynamométrique à enregistrement, contrôle croisé avec deux codes couleur, photographie du montage réalisé. Ces améliorations portant sur le mode opératoire, le contrôle et la traçabilité sont une meilleure garantie pour la sécurité. Prenant acte de ces améliorations, le BEA-TT n'émet pas de recommandation à destination des ateliers LORMAFER. Toutefois, l'étendue de la situation est problématique au-delà de cet atelier. Une action plus globale d'accompagnement à la mise en qualité du montage est à envisager. Le BEA-TT identifie l'Association française des détenteurs de wagon (AFWP), regroupant les ECE et leurs ateliers, comme l'interlocuteur qui pourrait en France mobiliser les professionnels sur la problématique. Le BEA-TT lui adresse la recommandation ci-après. Bien que les ateliers SNCF ne soient pas dans son périmètre, l'AFWP pourra utilement les associer. Le marché des essieux et de leur entretien étant aussi européen, la recommandation est également adressée à l'« International Union of Wagon Keepers » (UIP), organisation internationale des détenteurs et ateliers, dont le siège est à Bruxelles. Recommandation R1 adressée à l'AFWP et à l'UIP : Établir un état de l'art des opérations de montage des chapeaux d'essieu en atelier, en vue d'améliorer le mode opératoire, le contrôle et la traçabilité, et de garantir une précontrainte durable des vis de chapeau.
5.3 -
L'efficacité des tôles de frein
L'ensemble des vis maintenant le chapeau gauche sur l'essieu avarié ont été perdues. La tôle frein étant très dégradée, l'enquête n'a pu établir dans quelle mesure la tôle n'a pas pu empêcher le dévissage, soit parce qu'elle était mal montée (voir ci-dessus), soit parce qu'elle n'a pas rempli sa fonction de sécurité. Le retour d'expérience des trépanages de couvercle recueilli par le BEA-TT ne fait état que d'incidents avec des tôles du même type, le type SNCF. Ces tôles, lorsqu'elles ne sont pas détruites, montrent une certaine vulnérabilité : apparition de fissuration et rupture, morsures affaiblissant la résistance, rabats présentant un faible contact d'appui avec la tête de vis. La direction du Matériel de SNCF, dépositaire à l'origine de la technologie, a été interrogée. Elle estime que de 2015 à 2017, 19 boîtes d'essieux de wagon ont été découvertes trépanées consécutivement à une vis dévissée. Des actions concernant le process de montage ont été mises en place. Elle n'a recensé aucun cas similaire depuis. Ce constat doit être relativisé car SNCF est ECE sur un parc de wagons limité. Le présent rapport, sans chercher l'exhaustivité, rapporte un incident de 2020 et un de 2021 qui concernent tous deux la tôle de type « SNCF ». Une clarification semble opportune.
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Le BEA-TT estime nécessaire de vérifier de façon plus exhaustive le retour d'expérience propre à cette tôle, afin de s'assurer que sa sûreté n'est pas en cause. Ce retour d'expérience doit conduire à adapter si besoin les prescriptions de maintenance. Le référentiel de maintenance VPI s'alimente en effet des remontées des utilisateurs sur les difficultés ou risques que peuvent présenter certaines dispositions. Le BEA-TT émet les deux recommandations ci-après. Recommandation R2 adressée à SNCF Voyageurs8 : S'assurer de la complétude du retour d'expérience sur l'emploi des tôles frein de modèle « SNCF » pour les wagons, en intégrant les évènements collectés par l'AFWP. En cas de risque observé, statuer sur les actions de couverture de ce risque. Recommandation R3 adressée à l'AFWP : Enquêter auprès des adhérents de l'AFWP sur le retour d'expérience des tôles frein de type « SNCF ». Si des risques sont confirmés et après examen des éléments apportés par SNCF Voyageurs, statuer sur une demande de correctif du référentiel VPI concernant cette tôle frein.
5.4 -
Les signes annonciateurs du dévissage des vis
Le retour d'expérience des incidents de trépanage de couvercle montre que ces incidents ont été détectés lors des opérations de préparation du train, hormis le cas de l'accident objet du présent rapport. Le trépanage est toutefois, dans tous les cas, un stade déjà très avancé du dévissage des vis. Ceci résulte de la conception même de la boîte qui est fermée avec un couvercle, pour des raisons évidentes de confinement. Il pourrait être envisagé un système plus sûr, délivrant des signes avant-coureurs à un stade de dévissage des vis moins avancé que le trépanage. Il pourrait ainsi être imaginé, par exemple, une forme de couvercle particulière, l'emploi des pièces déformables témoins... Au vu de la gravité du défaut, une sécurisation du système allant dans ce sens nous semblerait opportune à étudier. Le BEA-TT attire ainsi l'attention de la profession, de même que celle des fabricants de boîtes, sur l'intérêt qu'il y aurait à étudier une amélioration de la sûreté de l'organe « boîte d'essieu » permettant l'anticipation, par la délivrance de signes avant-coureurs visibles de l'extérieur, de tout dévissage à l'oeuvre des vis de fixation des chapeaux de fusée. Faute de disposer aujourd'hui de ce type de dispositif d'alerte, et dans un contexte ou des risques existent, il se pose la question d'un éventuel renforcement des cycles de surveillance du serrage des vis. Il est toutefois à noter que la fréquence des incidents reste encore peu significative, alors que l'ouverture d'une boîte d'essieux n'est pas exempte de risque. Il est à craindre des pollutions ou autres dégradations. Le couple bénéfice / risque ne semble pas en faveur d'un renforcement des visites des boîtes. Une bonne pratique est en revanche de mettre en oeuvre le renforcement de la surveillance, à la suite d'un incident, lorsqu'une population de wagons à risque est identifiée, comme cela été fait par l'ECE TOUAX à la suite des deux incidents de trépanage en France et en Italie. Cette bonne pratique est à poursuivre.
8 SNCF Voyageurs est l'entité de SNCF qui héberge la Direction du matériel qui intègre les activités d'ingénierie du matériel roulant dont celles concernant le fret ferroviaire. 54
Le BEA-TT invite l'ensemble des entités en charge de l'entretien à s'interroger, lors de la survenue d'un incident de défaut de serrage d'un chapeau de fusée, sur le renforcement des opérations de surveillance de leur parc identifié comme à risque.
5.5 -
Synthèse des recommandations et invitations Recommandation R1 adressée à l'AFWP et à l'UIP : Établir un état de l'art des opérations de montage des chapeaux d'essieu en atelier, en vue d'améliorer le mode opératoire, le contrôle et la traçabilité, et de garantir une précontrainte durable des vis de chapeau. Recommandation R2 adressée à SNCF Voyageurs : S'assurer de la complétude du retour d'expérience sur l'emploi des tôles frein de modèle « SNCF » pour les wagons, en intégrant les évènements collectés par l'AFWP. En cas de risque observé, statuer sur les actions de couverture de ce risque. Recommandation R3 adressée à l'AFWP : Enquêter auprès des adhérents de l'AFWP sur le retour d'expérience des tôles frein de type « SNCF ». Si des risques sont confirmés et après examen des éléments apportés par SNCF Voyageurs, statuer sur une demande de correctif du référentiel VPI concernant cette tôle frein. Le BEA-TT invite l'ensemble des entreprises ferroviaires de fret à utiliser le retour d'expérience du présent accident pour sensibiliser, dans le cadre de la formation initiale et de la formation continue, leur personnel en charge de la reconnaissance à l'aptitude au transport, à l'importance des vérifications sur les organes de sécurité parmi lesquels figurent les organes de roulement. Le BEA-TT invite l'ensemble des entités en charge de l'entretien à s'interroger, lors de la survenue d'un incident de défaut de serrage d'un chapeau de fusée, sur le renforcement des opérations de surveillance de leur parc identifié comme à risque.
55
Safety recommendations (english version)
The above conclusions lead to the consideration of preventive guidelines to avoid the recurrence of this type of accident in the following areas:
recognition of fitness for transport before departure; the assembly of bearing caps in the workshop; the effectiveness of the brake plates; the warning signs of unscrewed screws.
Recognition of fitness for transport before departure
The technical investigation could not establish whether or not the unscrewing of the screws, which was already at work from the start, already showed visible signs of the cover being drilled. The agent in charge of departure operations was able to observe the train twice, from each side, and stated that he had not noticed anything. The BEA-TT notes that these operations require sustained vigilance, great attention to each observed organ, and that they are therefore sensitive to the human factor, i.e. to the risk of inattention or misjudgement. The recent experience of the agent in charge accentuates this sensitivity. It is legitimate to ask whether the agent, when he claims not to have noticed anything, has not misunderstood. Feedback from incidents of axle box driling shows that, apart from the accident that is the subject of this report, such drillings have always been detected during wagon inspections on departure, avoiding serious consequences. The BEA-TT wishes to draw the attention of railway undertakings and their employees to the importance of carrying out exhaustive and careful checks on safety components before any train departure. The BEA-TT invites all freight railway undertakings to use the feedback from this accident to raise awareness, within the framework of initial and ongoing training, of their staff in charge of recognising fitness for transport, of the importance of checks on safety components, including running gear.
Assembly operations of bearing caps in the workshop
The axle had covered 240,000 km in the 5.5 years since it was last dismantled in the workshop. It did not show any signs of failure before the accident. The technical investigation was unable to establish whether the accident was caused by a faulty or defective assembly. The condition of the recovered parts is such that it is not possible to determine this. The integral axle box (right-hand axle box) did not show any obvious signs of a defect. The tightening condition of the cap screws, on the integrity side, was heterogeneous. One screw had insufficient tension to ensure correct preloading of the cap on the stub axle, which is essential in a cylindrical roller bearing where the axial forces are transmitted through the cap. However, this situation seems to be fairly general. The control axle, maintained by another workshop, showed the same symptoms.
56
TOUAX carried out investigations which showed a heterogeneous state of tightening of the cap screws, generally too high, but also a serious case of missing screws and brake plate. As a result, there is room for improvement in the way these assembly operations are carried out and controlled. The LORMAFER workshop has recommended and implemented several actions to better guarantee the quality of operations: tightening with a torque spanner with recording, cross-checking with two colour codes, photography of the assembly carried out. These improvements concerning the operating mode, the control and the traceability are a better guarantee for safety. Taking note of these improvements, the BEA-TT recommendation to the LORMAFER workshops. does not issue any
However, the extent of the situation is problematic beyond this workshop. A more global action to support the quality of the assembly should be considered. The BEA-TT identifies the Association française des détenteurs de wagon (AFWP), which brings together the ECEs and their workshops, as the contact person in France who could mobilise the professionals on the issue. The BEA-TT addresses the following recommendation to it. Although the SNCF workshops are not within its scope, the AFWP could usefully involve them. As the market for axles and their maintenance is also European, the recommendation is also addressed to the International Union of Wagon Keepers (UIP), an international organisation of keepers and workshops, based in Brussels. Recommendation R1 to AFWP and IPU: Establish a state of the art of axle cap assembly operations in the workshop, with a view to improve the operating procedure, control and traceability, and to guarantee a durable prestressing of the cap screws.
The efficiency of the sheets
All of the screws holding the left cap on the damaged axle were lost. As the brake plate was badly damaged, the investigation could not establish to what extent the plate could not prevent the unscrewing, either because it was incorrectly mounted (see above) or because it did not fulfil its safety function. The feedback from the cover biting collected by the BEA-TT only mentions incidents with sheets of the same type, the SNCF type. These sheets, when not destroyed, show a certain vulnerability: appearance of cracking and breakage, bites weakening the resistance, flaps with little contact with the screw head. The SNCF's Rolling stock Department, the original custodian of the technology, was questioned. It estimates that from 2015 to 2017, 19 wagon axle boxes were discovered drilled as a result of an unscrewed screw. Actions regarding the assembly process were put in place. It has not identified any similar cases since then. This finding must be put into perspective as SNCF has a limited fleet of wagons. The present report, without seeking to be exhaustive, mentions one incident in 2020 and one in 2021, both of which concern "SNCF" type sheet metal. A clarification seems appropriate.
57
The BEA-TT considers it necessary to verify more exhaustively the experience feedback specific to this sheet, in order to ensure that its safety is not in question. This feedback should lead to adapting the maintenance prescriptions if necessary. The VPI maintenance reference system is in fact fed by feedback from users on the difficulties or risks that certain provisions may present. The BEA-TT makes the following two recommendations. Recommendation R2 addressed to SNCF Voyageurs9 : Ensure the completeness of the feedback on the use of "SNCF" model brake plates for wagons, by integrating the events collected by the AFWP. In the event of a risk being observed, decide on actions to cover this risk. Recommendation R3 to AFWP: Investigate AFWP members' feedback on "SNCF" type brake plates. If risks are confirmed and after examination of the elements provided by SNCF Voyageurs, decide on a request for correction of the VPI standard concerning this brake plate.
Warning signs of unscrewed screws
Feedback from incidents involving cover biting shows that these incidents were detected during train preparation operations, except in the case of the accident under review. However, in all cases, the biting is already at a very advanced stage of unscrewing the screws. This is due to the design of the box itself, which is closed with a cover, for obvious containment reasons. A safer system could be envisaged, providing warning signs at a less advanced stage of screw unscrewing than drilling. For example, a particular form of cover could be imagined, the use of deformable indicator parts, etc. In view of the seriousness of the defect, a system securing in this way would seem to us to be appropriate to study. The BEA-TT thus draws the attention of the profession, as well as that of the axle-box manufacturers, to the interest that there would be in studying an improvement in the safety of the axle-box component allowing the anticipation, by issuing externally visible warning signs, of any unscrewing of the stub axle cap fixing screws at work. In the absence of this type of warning device, and in a context where risks exist, the question arises of a possible reinforcement of the monitoring cycles of the tightening of screws. It should be noted, however, that the frequency of incidents is still not very significant, even though the opening of an axle-box is not risk-free. There is a risk of pollution or other damage. The benefit/risk ratio does not seem to be in favour of increasing the number of visits to the boxes. It is good practice, however, to implement enhanced monitoring following an incident when a population of wagons at risk is identified, as was done by the TOUAX entity in charge of maintenance following the two driling incidents in France and Italy. This good practice should be continued. The BEA-TT invites all entities in charge of maintenance to consider, when a axle stub cap tightening defect incident occurs, the reinforcement of surveillance operations of their fleet identified as being at risk.
9 SNCF Voyageurs is the SNCF entity that houses the Equipment Department, which includes the rolling stock engineering activities, including those relating to rail freight. 58
Summary of recommendations and invitations
Recommendation R1 to AFWP and IPU: Establish a state of the art of axle cap assembly operations in the workshop, with a view to improving the operating procedure, control and traceability, and to guaranteeing a durable pre-tension of the cap screws.
Recommendation R2 to SNCF Voyageurs: Ensure the completeness of the feedback on the use of "SNCF" model brake plates for wagons, by integrating the events collected by the AFWP. In the event of a risk being observed, decide on actions to cover this risk. Recommendation R3 to AFWP: Investigate AFWP members' feedback on "SNCF" type brake plates. If risks are confirmed and after examination of the information provided by SNCF Voyageurs, decide on a request for correction of the VPI standard concerning this brake plate. The BEA-TT invites all freight railway undertakings to use the feedback from this accident to raise awareness, within the framework of initial and ongoing training, of their staff in charge of recognising fitness for transport, of the importance of checks on safety components, including running gear. The BEA-TT invites all entities in charge of maintenance to consider, when a rocket cap tightening defect incident occurs, the reinforcement of surveillance operations of their fleet identified as being at risk.
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ANNEXES
Annexe 1 : décision d'ouverture d'enquête Annexe 2 : fiches de révision de décembre 2014 du wagon 23-80-292-9121-4 concernant les essieux Annexe 3 : extrait du schéma de signalisation sur la zone de déraillement et repères kilométriques du parcours Annexe 4 : calcul approximatif de la montée en température de la fusée Annexe 5 : règlement général de protection des données
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Annexe 1 : décision d'ouverture d'enquête
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Annexe 2 : fiches de révision de décembre 2014 du wagon 23-80-2929121-4 concernant les essieux
Fiche générale d'intervention sur les essieux
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Fiche d'intervention sur l'essieu 499094 de novembre 2014
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Annexe 3 : extrait du schéma de signalisation sur la zone de déraillement et repères kilométriques du parcours
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Repères kilométriques du parcours
PK 206,3 PK 186,6 PK 178,7 PK 152,4 PK 134,4 PK 129,9 PK 123,79 PK 122,9 PK 120,2 PK 116,2 PK 101,4 PK 51,5
Publier Embranchement de départ Bons-en-Chablais Saint-Cergues Détecteur de boîte chaude Viry Bellegarde-sur-Valserine Poste de surveillance des trains en marche Point de chute de la boîte d'essieu Signal C46 correspondant au Km 37,8 de l'enregistrement ATESS (calage PK/Km) Pyrimont-Chanay Point de déraillement du 5e wagon Arrêt du train Seyssel-Corbonod Culoz Poste d'aiguillage Ambérieu-en-Bugey
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Annexe 4 : calcul approximatif de la montée en température de la fusée
Sont donnés ci-après quelques éléments de calcul approximatif d'évaluation de la rapidité de montée en température de la fusée, dans l'hypothèse d'un roulement bloqué. Le diamètre de la roue est de 891 mm, tandis que le diamètre de la fusée est de 130 mm. Le ratio entre ces deux valeurs est identique au ratio entre la distance d'avancement du train et la longueur de frottement à la surface de contact fusée/bague intérieure en cas de blocage du roulement, soit un ratio : = 891 / 130 = 6,85 L'effort d'appui par bague N, se déduit de la masse du wagon de 84,65 t, à répartir sur les 2 bagues des 8 fusées, soit : N = 84,65 / 8 / 2 = 5,3 tonne.force = 52 kN En prenant un coefficient de frottement acier/acier dans le roulement avarié de 0,15, l'énergie de frottement dissipée à chaque mètre parcouru par le wagon correspond au travail de la force de frottement x N par la longueur d'application, soit (nota : une seule bague est considérée ici comme frottante ce qui sous-estime un peu l'énergie par rapport à la réalité) : E frot = x N / = 0,15 x 52 / 6,85 = 1,14 kJ/m En considérant une masse approximative de la fusée (et du roulement) m, de 60 kg, et une capacité thermique massique de l'acier c, de 480 J/kg/°C, la quantité d'énergie nécessaire pour élever la température de est : E ther = c x m x = 480 x 60 x = 28 800 J/°C x = 28,8 kJ/°C x . L'énergie de frottement étant dissipée en énergie thermique d'élévation de la température de la fusée (E ther = E frot), il résulte de ces équations que l'élévation de température, pour chaque km parcouru par le train, est : = f x N / ( x c x m) = 1,14 . 103 / 28,8 = 40 °C/km.
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Annexe 5 : Règlement général de protection des données
Le bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) est investi d'une mission de service public dont la finalité est la réalisation de rapports sur les accidents afin d'améliorer la sécurité des transports terrestres (articles L. 1621-1 et 1621-2 du code des transports, voir la page de présentation de l'organisme). Pour remplir cette mission, les personnes chargées de l'enquête, agents du BEA-TT habilités ainsi que d'éventuels enquêteurs extérieurs spécialement commissionnés, peuvent rencontrer toute personne impliquée dans un accident de transport terrestre (articles L. 1621-14) et recueillir toute donnée utile. Ils traitent alors les données recueillies dans le cadre de l'enquête dont ils ont la responsabilité uniquement pour la seule finalité prédéfinie en garantissant la confidentialité des données à caractère personnel. Les rapports d'enquêtes sont publiés sans le nom des personnes et ne font état que des informations nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de l'accident. Les données personnelles sont conservées pour une durée de 4 années à compter de la publication du rapport d'enquête, elles sont ensuite détruites. Le traitement « Enquête accident BEA-TT » est mis en oeuvre sous la responsabilité du BEA-TT relevant du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT). Le MTECT s'engagent à ce que les traitements de données à caractère personnel dont il est le responsable de traitement soient mis en oeuvre conformément au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (ci-après, « règlement général sur la protection des données » ou RGPD) et à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Les personnes concernées par le traitement, conformément à la législation en vigueur, peuvent exercer leurs droits auprès du responsable de traitement : droit d'accès aux données, droit de rectification, droit à la limitation, droit d'opposition. Pour toute information ou exercice de vos droits, vous pouvez contacter : 1- Le responsable de traitement, qui peut être contacté à l'adresse suivante : - à l'adresse : bea-tt@developpement-durable.gouv.fr - ou par courrier (avec copie de votre pièce d'identité en cas d'exercice de vos droits) à l'adresse suivante : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires A l'attention du directeur du BEA-TT Grande Arche - Paroi Sud, 29e étage, 92055 LA DEFENSE Cedex 2- Le délégué à la protection des données (DPD) du MTECT : - à l'adresse suivante : dpd.daj.sg@developpement-durable.gouv.fr ; - ou par courrier (avec copie de votre pièce d'identité en cas d'exercice de vos droits) à l'adresse suivante : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires A l'attention du Délégué à la protection des données SG/DAJ/AJAG1-2 92055 La Défense cedex Vous avez également la possibilité d'adresser une réclamation relative aux traitements mis en oeuvre à la Commission nationale informatique et libertés (3 Place de Fontenoy - TSA 80715 - 75334 PARIS CEDEX 07).
67
Bureau d'E nquêtes sur les Ac cidents de T ransport T errestre
·
Grande Arche - Paroi Sud 92055 La Défense cedex Téléphone : 01 40 81 21 83 bea-tt@developpement-durable.gouv.fr www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr
(ATTENTION: OPTION fois de premières applications dont le suivi est encore à poursuivre. Si les résultats sont probants, la généralisation serait à envisager.
Figure 46 - visseuse à enregistrement du couple de serrage (photo RYKO a.s.) 46
4 - Conclusions
4.1 L'arbre des causes
Les investigations conduites permettent d'établir le graphique ci-après qui synthétise le déroulement de l'accident et en identifie les causes et les facteurs associés mis en évidence par le BEA-TT.
Figure 47 - arbre des causes de l'accident
47
4.2 -
Les causes de l'accident
La cause immédiate du déraillement du 5 e wagon est la rupture de la fusée gauche de son essieu avant. La rupture de la fusée s'est produite en raison de son échauffement à haute température (900 °C), survenu à la suite du blocage du roulement dans lequel la fusée s'insère. Le blocage est dû à un dévissage des vis de montage du chapeau, attesté par le trépanage du couvercle de la boîte de l'essieu. La rupture de la fusée s'est accompagnée d'une chute de la boîte d'essieu correspondante. L'essieu, privé d'une des deux liaisons avec le wagon, a pivoté légèrement, puis est monté sur le rail gauche, pour finir par dérailler. Restant accroché sous le wagon, il a labouré la voie. De plus, la roue gauche en tournant a frotté sur la structure métallique du châssis, provoquant des étincelles et un début d'incendie. Concernant le desserrement des vis, il a été constaté, sur un échantillon de wagons, un état de serrage hétérogène des vis, avec le plus souvent un sur-serrage mais aussi des sous-serrages. Quelques incidents de dévissage et de trépanage de boîte ont également eu lieu, sans toutefois conduire à un accident. Il apparaît, en toute vraisemblance que le dévissage des vis était déjà à l'oeuvre au départ, sans que l'on sache s'il était visible, alors qu'il a toujours été observé au départ dans les autres cas. Les mesures de surveillance du train en ligne n'ont pas été de nature à détecter le défaut et arrêter le train. Le BEA-TT identifie quatre facteurs de risque ayant pu entrer en jeu dans le présent accident et dont une meilleure maîtrise serait de nature à prévenir de tels accidents :
la qualité des opérations de montage des essieux en atelier, le contrôle de ces opérations et leur traçabilité ; cette qualité est perfectible et a fait l'objet depuis l'accident d'améliorations notables dans l'atelier mainteneur de l'essieu avarié. le choix des tôles de frein assurant le blocage des vis ; les incidents rapportés ne font état de trépanage qu'avec des tôles frein de type SNCF ; la non-existence de signe annonciateur du dévissage des vis avant le stade avancé de trépanage du couvercle ; la qualité de l'inspection des boîtes d'essieu lors des opérations de préparation au départ des trains.
Pour autant, l'enquête technique n'a pas pu déterminer avec exactitude, si l'un de ces facteurs avait été à lui seul déterminant, et lequel.
48
4.3 -
Les mesures prises à la suite de l'accident
Les mesures prises par les opérateurs à la suite de l'accident, et déjà présentées de façon éparse dans le présent rapport, sont récapitulés ci-après. Actions conduites par le mainteneur TOUAX (voir § 3.4) :
étude de vérification de l'état de serrage des vis de chapeau sur un parc de 13 essieux sortant de révision, soit 78 mesures en tout, en septembre 2021 ; inspection par échantillonnage de 396 essieux provenant du parc de wagons issus de General Electric (mars 2022). 34 essieux ont été changés, 5 pour un défaut de verrouillage et 29 pour traces de graisse non conforme.
Actions conduites par l'atelier de maintenance LORMAFER (août 2021 voir § 3.5) :
amélioration de la qualité du mode opératoire du montage des chapeaux de fusée : · emploi d'une clef dynamométrique enregistreuse, · utilisation de deux couleurs différentes pour les marquages de contrôle, · prise de photographie en fin d'opération.
emploi recommandé de tôles frein de type « DIBA ».
Le BEA-TT n'a pas connaissance d'action particulière mise en oeuvre par l'entreprise ferroviaire.
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Conclusions (english version)
The causes of the accident
The immediate cause of the derailment of the 5 e wagon was the breakage of the left-hand axle stub of its front axle. The failure of the axle stub occurred due to its heating to a high temperature (900°C) as a result of the blocking of the bearing in which the axle stub is inserted. The blocking is due to the cap mounting screws being loosened, as evidenced by the axle box cover being punched out. When the stub axle broke, the corresponding axle box fell off. The axle, deprived of one of the two connections to the wagon, swung slightly and then climbed onto the left-hand rail, eventually derailing. It hung under the wagon and ploughed into the track. In addition, the left wheel rubbed against the metal structure of the chassis, causing sparks and the start of a fire. With regard to the loosening of screws, a heterogeneous state of tightening of the screws was observed on a sample of wagons, with most often over-tightening but also undertightening. There were also a few incidents of unscrewing and biting of the box, but these did not lead to an accident. It appears, in all likelihood, that the loosening of the screws was already at work at the start, without it being known whether it was visible, whereas it was always observed at the start in the other cases. The train monitoring measures on the line were not such as to detect the defect and stop the train. The BEA-TT identifies four risk factors that may have been involved in this accident and which, if better controlled, could prevent such accidents:
the quality of axle assembly operations in the workshop, the control of these operations and their traceability; this quality can be improved and has been the subject of significant improvements since the accident in the workshop that maintained the damaged axle. the choice of brake plates used to lock the screws; the incidents reported only mention biting with SNCF type brake plates; the non-existence of any sign of unscrewing of the screws before the advanced stage of drilling of the cover; the quality of axle-box inspection during train preparation operations.
However, the technical investigation was unable to determine exactly which of these factors was the determining factor.
Measures taken following the accident
The measures taken by the operators following the accident, and already presented in a scattered manner in this report, are summarised below. Actions taken by the TOUAX maintainer (see § 3.4):
A study to check the tightness of the cap screws on a fleet of 13 axles coming out of overhaul, i.e. 78 measurements in all, in September 2021;
50
sample inspection of 396 axles from the General Electric wagon fleet (March 2022). 34 axles were changed, 5 for a locking defect and 29 for traces of incorrect grease.
Actions carried out by the LORMAFER maintenance workshop (August 2021 - see § 3.5):
improvement of the quality of the assembly procedure of the axle stub caps: use of a torque spanner, use of two different colours for control markings, photography at the end of the operation.
Recommended use of "DIBA" type brake plates.
The BEA-TT is not aware of any particular action taken by the railway undertaking.
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5 - Recommandations
Les conclusions précédentes conduisent à envisager des orientations préventives pour éviter le renouvellement de ce type d'accident dans les domaines suivants :
la reconnaissance à l'aptitude au transport avant le départ ; les opérations de montage des chapeaux de roulement en atelier ; l'efficacité des tôles frein ; les signes annonciateurs du dévissage des vis.
5.1 -
La reconnaissance à l'aptitude au transport avant le départ
L'enquête technique n'a pu établir si le dévissage des vis qui était à l'oeuvre dès le départ présentait déjà, ou non, des signes visibles de trépanage du couvercle. L'agent en charge des opérations de départ a pu observer le train par deux fois, de chaque côté, et déclare ne rien avoir remarqué. Le BEA-TT note que ces opérations nécessitent une vigilance soutenue, une grande attention à chaque organe observé, et qu'elles sont de ce fait sensibles au facteur humain, c'est-à-dire à un risque d'inattention ou de mauvaise appréciation. L'expérience récente de l'agent en charge accentue cette sensibilité. Il est légitime de se demander si l'agent, lorsqu'il affirme n'avoir rien remarqué, ne s'est pas mépris. Le retour d'expérience des incidents de trépanage de boîtes montre que, hormis l'accident objet de ce rapport, ces trépanages ont toujours été détectés lors des inspections de wagon au départ, évitant des conséquences graves. Le BEA-TT souhaite attirer l'attention des entreprises ferroviaires et de leurs collaborateurs sur l'importance à accorder à une réalisation exhaustive et attentive des vérifications sur les organes de sécurité avant tout départ de train. Le BEA-TT invite l'ensemble des entreprises ferroviaires de fret à utiliser le retour d'expérience du présent accident pour sensibiliser, dans le cadre de la formation initiale et de la formation continue, leur personnel en charge de la reconnaissance à l'aptitude au transport, à l'importance des vérifications sur les organes de sécurité parmi lesquels figurent les organes de roulement.
5.2 -
Les opérations de montage des chapeaux de roulement en atelier
L'essieu avait parcouru 240 000 km en 5 ans et demi depuis son dernier démontage en atelier. Il n'a pas présenté de signe de défaillance avant l'accident. L'enquête technique n'a pas pu établir si une malfaçon ou un défaut de montage était à l'origine de l'accident. Les débris récupérés sont dans un état qui ne permet pas de statuer sur ce point. La boîte intègre (boîte droite de l'essieu) ne présentait pas de signe flagrant d'un défaut. L'état de serrage des vis du chapeau, côté intègre, était hétérogène. Une vis avait une tension insuffisante pour assurer une précontrainte correcte du chapeau sur la fusée, précontrainte essentielle dans un roulement à rouleaux cylindriques dont les efforts axiaux transitent par le chapeau. Cette situation semble toutefois assez générale. L'essieu témoin, entretenu par un autre atelier, présentait les mêmes symptômes.
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TOUAX a conduit des investigations qui ont montré un état de serrage des vis de chapeau hétérogène, généralement trop élevé, mais aussi un cas grave d'absence de vis et de tôle frein. Il en résulte que ces opérations de montage semblent, dans leur mode opératoire et leur contrôle, perfectibles. L'atelier LORMAFER a préconisé et mis en oeuvre plusieurs actions pour mieux garantir la qualité des opérations : serrage par clef dynamométrique à enregistrement, contrôle croisé avec deux codes couleur, photographie du montage réalisé. Ces améliorations portant sur le mode opératoire, le contrôle et la traçabilité sont une meilleure garantie pour la sécurité. Prenant acte de ces améliorations, le BEA-TT n'émet pas de recommandation à destination des ateliers LORMAFER. Toutefois, l'étendue de la situation est problématique au-delà de cet atelier. Une action plus globale d'accompagnement à la mise en qualité du montage est à envisager. Le BEA-TT identifie l'Association française des détenteurs de wagon (AFWP), regroupant les ECE et leurs ateliers, comme l'interlocuteur qui pourrait en France mobiliser les professionnels sur la problématique. Le BEA-TT lui adresse la recommandation ci-après. Bien que les ateliers SNCF ne soient pas dans son périmètre, l'AFWP pourra utilement les associer. Le marché des essieux et de leur entretien étant aussi européen, la recommandation est également adressée à l'« International Union of Wagon Keepers » (UIP), organisation internationale des détenteurs et ateliers, dont le siège est à Bruxelles. Recommandation R1 adressée à l'AFWP et à l'UIP : Établir un état de l'art des opérations de montage des chapeaux d'essieu en atelier, en vue d'améliorer le mode opératoire, le contrôle et la traçabilité, et de garantir une précontrainte durable des vis de chapeau.
5.3 -
L'efficacité des tôles de frein
L'ensemble des vis maintenant le chapeau gauche sur l'essieu avarié ont été perdues. La tôle frein étant très dégradée, l'enquête n'a pu établir dans quelle mesure la tôle n'a pas pu empêcher le dévissage, soit parce qu'elle était mal montée (voir ci-dessus), soit parce qu'elle n'a pas rempli sa fonction de sécurité. Le retour d'expérience des trépanages de couvercle recueilli par le BEA-TT ne fait état que d'incidents avec des tôles du même type, le type SNCF. Ces tôles, lorsqu'elles ne sont pas détruites, montrent une certaine vulnérabilité : apparition de fissuration et rupture, morsures affaiblissant la résistance, rabats présentant un faible contact d'appui avec la tête de vis. La direction du Matériel de SNCF, dépositaire à l'origine de la technologie, a été interrogée. Elle estime que de 2015 à 2017, 19 boîtes d'essieux de wagon ont été découvertes trépanées consécutivement à une vis dévissée. Des actions concernant le process de montage ont été mises en place. Elle n'a recensé aucun cas similaire depuis. Ce constat doit être relativisé car SNCF est ECE sur un parc de wagons limité. Le présent rapport, sans chercher l'exhaustivité, rapporte un incident de 2020 et un de 2021 qui concernent tous deux la tôle de type « SNCF ». Une clarification semble opportune.
53
Le BEA-TT estime nécessaire de vérifier de façon plus exhaustive le retour d'expérience propre à cette tôle, afin de s'assurer que sa sûreté n'est pas en cause. Ce retour d'expérience doit conduire à adapter si besoin les prescriptions de maintenance. Le référentiel de maintenance VPI s'alimente en effet des remontées des utilisateurs sur les difficultés ou risques que peuvent présenter certaines dispositions. Le BEA-TT émet les deux recommandations ci-après. Recommandation R2 adressée à SNCF Voyageurs8 : S'assurer de la complétude du retour d'expérience sur l'emploi des tôles frein de modèle « SNCF » pour les wagons, en intégrant les évènements collectés par l'AFWP. En cas de risque observé, statuer sur les actions de couverture de ce risque. Recommandation R3 adressée à l'AFWP : Enquêter auprès des adhérents de l'AFWP sur le retour d'expérience des tôles frein de type « SNCF ». Si des risques sont confirmés et après examen des éléments apportés par SNCF Voyageurs, statuer sur une demande de correctif du référentiel VPI concernant cette tôle frein.
5.4 -
Les signes annonciateurs du dévissage des vis
Le retour d'expérience des incidents de trépanage de couvercle montre que ces incidents ont été détectés lors des opérations de préparation du train, hormis le cas de l'accident objet du présent rapport. Le trépanage est toutefois, dans tous les cas, un stade déjà très avancé du dévissage des vis. Ceci résulte de la conception même de la boîte qui est fermée avec un couvercle, pour des raisons évidentes de confinement. Il pourrait être envisagé un système plus sûr, délivrant des signes avant-coureurs à un stade de dévissage des vis moins avancé que le trépanage. Il pourrait ainsi être imaginé, par exemple, une forme de couvercle particulière, l'emploi des pièces déformables témoins... Au vu de la gravité du défaut, une sécurisation du système allant dans ce sens nous semblerait opportune à étudier. Le BEA-TT attire ainsi l'attention de la profession, de même que celle des fabricants de boîtes, sur l'intérêt qu'il y aurait à étudier une amélioration de la sûreté de l'organe « boîte d'essieu » permettant l'anticipation, par la délivrance de signes avant-coureurs visibles de l'extérieur, de tout dévissage à l'oeuvre des vis de fixation des chapeaux de fusée. Faute de disposer aujourd'hui de ce type de dispositif d'alerte, et dans un contexte ou des risques existent, il se pose la question d'un éventuel renforcement des cycles de surveillance du serrage des vis. Il est toutefois à noter que la fréquence des incidents reste encore peu significative, alors que l'ouverture d'une boîte d'essieux n'est pas exempte de risque. Il est à craindre des pollutions ou autres dégradations. Le couple bénéfice / risque ne semble pas en faveur d'un renforcement des visites des boîtes. Une bonne pratique est en revanche de mettre en oeuvre le renforcement de la surveillance, à la suite d'un incident, lorsqu'une population de wagons à risque est identifiée, comme cela été fait par l'ECE TOUAX à la suite des deux incidents de trépanage en France et en Italie. Cette bonne pratique est à poursuivre.
8 SNCF Voyageurs est l'entité de SNCF qui héberge la Direction du matériel qui intègre les activités d'ingénierie du matériel roulant dont celles concernant le fret ferroviaire. 54
Le BEA-TT invite l'ensemble des entités en charge de l'entretien à s'interroger, lors de la survenue d'un incident de défaut de serrage d'un chapeau de fusée, sur le renforcement des opérations de surveillance de leur parc identifié comme à risque.
5.5 -
Synthèse des recommandations et invitations Recommandation R1 adressée à l'AFWP et à l'UIP : Établir un état de l'art des opérations de montage des chapeaux d'essieu en atelier, en vue d'améliorer le mode opératoire, le contrôle et la traçabilité, et de garantir une précontrainte durable des vis de chapeau. Recommandation R2 adressée à SNCF Voyageurs : S'assurer de la complétude du retour d'expérience sur l'emploi des tôles frein de modèle « SNCF » pour les wagons, en intégrant les évènements collectés par l'AFWP. En cas de risque observé, statuer sur les actions de couverture de ce risque. Recommandation R3 adressée à l'AFWP : Enquêter auprès des adhérents de l'AFWP sur le retour d'expérience des tôles frein de type « SNCF ». Si des risques sont confirmés et après examen des éléments apportés par SNCF Voyageurs, statuer sur une demande de correctif du référentiel VPI concernant cette tôle frein. Le BEA-TT invite l'ensemble des entreprises ferroviaires de fret à utiliser le retour d'expérience du présent accident pour sensibiliser, dans le cadre de la formation initiale et de la formation continue, leur personnel en charge de la reconnaissance à l'aptitude au transport, à l'importance des vérifications sur les organes de sécurité parmi lesquels figurent les organes de roulement. Le BEA-TT invite l'ensemble des entités en charge de l'entretien à s'interroger, lors de la survenue d'un incident de défaut de serrage d'un chapeau de fusée, sur le renforcement des opérations de surveillance de leur parc identifié comme à risque.
55
Safety recommendations (english version)
The above conclusions lead to the consideration of preventive guidelines to avoid the recurrence of this type of accident in the following areas:
recognition of fitness for transport before departure; the assembly of bearing caps in the workshop; the effectiveness of the brake plates; the warning signs of unscrewed screws.
Recognition of fitness for transport before departure
The technical investigation could not establish whether or not the unscrewing of the screws, which was already at work from the start, already showed visible signs of the cover being drilled. The agent in charge of departure operations was able to observe the train twice, from each side, and stated that he had not noticed anything. The BEA-TT notes that these operations require sustained vigilance, great attention to each observed organ, and that they are therefore sensitive to the human factor, i.e. to the risk of inattention or misjudgement. The recent experience of the agent in charge accentuates this sensitivity. It is legitimate to ask whether the agent, when he claims not to have noticed anything, has not misunderstood. Feedback from incidents of axle box driling shows that, apart from the accident that is the subject of this report, such drillings have always been detected during wagon inspections on departure, avoiding serious consequences. The BEA-TT wishes to draw the attention of railway undertakings and their employees to the importance of carrying out exhaustive and careful checks on safety components before any train departure. The BEA-TT invites all freight railway undertakings to use the feedback from this accident to raise awareness, within the framework of initial and ongoing training, of their staff in charge of recognising fitness for transport, of the importance of checks on safety components, including running gear.
Assembly operations of bearing caps in the workshop
The axle had covered 240,000 km in the 5.5 years since it was last dismantled in the workshop. It did not show any signs of failure before the accident. The technical investigation was unable to establish whether the accident was caused by a faulty or defective assembly. The condition of the recovered parts is such that it is not possible to determine this. The integral axle box (right-hand axle box) did not show any obvious signs of a defect. The tightening condition of the cap screws, on the integrity side, was heterogeneous. One screw had insufficient tension to ensure correct preloading of the cap on the stub axle, which is essential in a cylindrical roller bearing where the axial forces are transmitted through the cap. However, this situation seems to be fairly general. The control axle, maintained by another workshop, showed the same symptoms.
56
TOUAX carried out investigations which showed a heterogeneous state of tightening of the cap screws, generally too high, but also a serious case of missing screws and brake plate. As a result, there is room for improvement in the way these assembly operations are carried out and controlled. The LORMAFER workshop has recommended and implemented several actions to better guarantee the quality of operations: tightening with a torque spanner with recording, cross-checking with two colour codes, photography of the assembly carried out. These improvements concerning the operating mode, the control and the traceability are a better guarantee for safety. Taking note of these improvements, the BEA-TT recommendation to the LORMAFER workshops. does not issue any
However, the extent of the situation is problematic beyond this workshop. A more global action to support the quality of the assembly should be considered. The BEA-TT identifies the Association française des détenteurs de wagon (AFWP), which brings together the ECEs and their workshops, as the contact person in France who could mobilise the professionals on the issue. The BEA-TT addresses the following recommendation to it. Although the SNCF workshops are not within its scope, the AFWP could usefully involve them. As the market for axles and their maintenance is also European, the recommendation is also addressed to the International Union of Wagon Keepers (UIP), an international organisation of keepers and workshops, based in Brussels. Recommendation R1 to AFWP and IPU: Establish a state of the art of axle cap assembly operations in the workshop, with a view to improve the operating procedure, control and traceability, and to guarantee a durable prestressing of the cap screws.
The efficiency of the sheets
All of the screws holding the left cap on the damaged axle were lost. As the brake plate was badly damaged, the investigation could not establish to what extent the plate could not prevent the unscrewing, either because it was incorrectly mounted (see above) or because it did not fulfil its safety function. The feedback from the cover biting collected by the BEA-TT only mentions incidents with sheets of the same type, the SNCF type. These sheets, when not destroyed, show a certain vulnerability: appearance of cracking and breakage, bites weakening the resistance, flaps with little contact with the screw head. The SNCF's Rolling stock Department, the original custodian of the technology, was questioned. It estimates that from 2015 to 2017, 19 wagon axle boxes were discovered drilled as a result of an unscrewed screw. Actions regarding the assembly process were put in place. It has not identified any similar cases since then. This finding must be put into perspective as SNCF has a limited fleet of wagons. The present report, without seeking to be exhaustive, mentions one incident in 2020 and one in 2021, both of which concern "SNCF" type sheet metal. A clarification seems appropriate.
57
The BEA-TT considers it necessary to verify more exhaustively the experience feedback specific to this sheet, in order to ensure that its safety is not in question. This feedback should lead to adapting the maintenance prescriptions if necessary. The VPI maintenance reference system is in fact fed by feedback from users on the difficulties or risks that certain provisions may present. The BEA-TT makes the following two recommendations. Recommendation R2 addressed to SNCF Voyageurs9 : Ensure the completeness of the feedback on the use of "SNCF" model brake plates for wagons, by integrating the events collected by the AFWP. In the event of a risk being observed, decide on actions to cover this risk. Recommendation R3 to AFWP: Investigate AFWP members' feedback on "SNCF" type brake plates. If risks are confirmed and after examination of the elements provided by SNCF Voyageurs, decide on a request for correction of the VPI standard concerning this brake plate.
Warning signs of unscrewed screws
Feedback from incidents involving cover biting shows that these incidents were detected during train preparation operations, except in the case of the accident under review. However, in all cases, the biting is already at a very advanced stage of unscrewing the screws. This is due to the design of the box itself, which is closed with a cover, for obvious containment reasons. A safer system could be envisaged, providing warning signs at a less advanced stage of screw unscrewing than drilling. For example, a particular form of cover could be imagined, the use of deformable indicator parts, etc. In view of the seriousness of the defect, a system securing in this way would seem to us to be appropriate to study. The BEA-TT thus draws the attention of the profession, as well as that of the axle-box manufacturers, to the interest that there would be in studying an improvement in the safety of the axle-box component allowing the anticipation, by issuing externally visible warning signs, of any unscrewing of the stub axle cap fixing screws at work. In the absence of this type of warning device, and in a context where risks exist, the question arises of a possible reinforcement of the monitoring cycles of the tightening of screws. It should be noted, however, that the frequency of incidents is still not very significant, even though the opening of an axle-box is not risk-free. There is a risk of pollution or other damage. The benefit/risk ratio does not seem to be in favour of increasing the number of visits to the boxes. It is good practice, however, to implement enhanced monitoring following an incident when a population of wagons at risk is identified, as was done by the TOUAX entity in charge of maintenance following the two driling incidents in France and Italy. This good practice should be continued. The BEA-TT invites all entities in charge of maintenance to consider, when a axle stub cap tightening defect incident occurs, the reinforcement of surveillance operations of their fleet identified as being at risk.
9 SNCF Voyageurs is the SNCF entity that houses the Equipment Department, which includes the rolling stock engineering activities, including those relating to rail freight. 58
Summary of recommendations and invitations
Recommendation R1 to AFWP and IPU: Establish a state of the art of axle cap assembly operations in the workshop, with a view to improving the operating procedure, control and traceability, and to guaranteeing a durable pre-tension of the cap screws.
Recommendation R2 to SNCF Voyageurs: Ensure the completeness of the feedback on the use of "SNCF" model brake plates for wagons, by integrating the events collected by the AFWP. In the event of a risk being observed, decide on actions to cover this risk. Recommendation R3 to AFWP: Investigate AFWP members' feedback on "SNCF" type brake plates. If risks are confirmed and after examination of the information provided by SNCF Voyageurs, decide on a request for correction of the VPI standard concerning this brake plate. The BEA-TT invites all freight railway undertakings to use the feedback from this accident to raise awareness, within the framework of initial and ongoing training, of their staff in charge of recognising fitness for transport, of the importance of checks on safety components, including running gear. The BEA-TT invites all entities in charge of maintenance to consider, when a rocket cap tightening defect incident occurs, the reinforcement of surveillance operations of their fleet identified as being at risk.
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ANNEXES
Annexe 1 : décision d'ouverture d'enquête Annexe 2 : fiches de révision de décembre 2014 du wagon 23-80-292-9121-4 concernant les essieux Annexe 3 : extrait du schéma de signalisation sur la zone de déraillement et repères kilométriques du parcours Annexe 4 : calcul approximatif de la montée en température de la fusée Annexe 5 : règlement général de protection des données
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Annexe 1 : décision d'ouverture d'enquête
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Annexe 2 : fiches de révision de décembre 2014 du wagon 23-80-2929121-4 concernant les essieux
Fiche générale d'intervention sur les essieux
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Fiche d'intervention sur l'essieu 499094 de novembre 2014
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Annexe 3 : extrait du schéma de signalisation sur la zone de déraillement et repères kilométriques du parcours
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Repères kilométriques du parcours
PK 206,3 PK 186,6 PK 178,7 PK 152,4 PK 134,4 PK 129,9 PK 123,79 PK 122,9 PK 120,2 PK 116,2 PK 101,4 PK 51,5
Publier Embranchement de départ Bons-en-Chablais Saint-Cergues Détecteur de boîte chaude Viry Bellegarde-sur-Valserine Poste de surveillance des trains en marche Point de chute de la boîte d'essieu Signal C46 correspondant au Km 37,8 de l'enregistrement ATESS (calage PK/Km) Pyrimont-Chanay Point de déraillement du 5e wagon Arrêt du train Seyssel-Corbonod Culoz Poste d'aiguillage Ambérieu-en-Bugey
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Annexe 4 : calcul approximatif de la montée en température de la fusée
Sont donnés ci-après quelques éléments de calcul approximatif d'évaluation de la rapidité de montée en température de la fusée, dans l'hypothèse d'un roulement bloqué. Le diamètre de la roue est de 891 mm, tandis que le diamètre de la fusée est de 130 mm. Le ratio entre ces deux valeurs est identique au ratio entre la distance d'avancement du train et la longueur de frottement à la surface de contact fusée/bague intérieure en cas de blocage du roulement, soit un ratio : = 891 / 130 = 6,85 L'effort d'appui par bague N, se déduit de la masse du wagon de 84,65 t, à répartir sur les 2 bagues des 8 fusées, soit : N = 84,65 / 8 / 2 = 5,3 tonne.force = 52 kN En prenant un coefficient de frottement acier/acier dans le roulement avarié de 0,15, l'énergie de frottement dissipée à chaque mètre parcouru par le wagon correspond au travail de la force de frottement x N par la longueur d'application, soit (nota : une seule bague est considérée ici comme frottante ce qui sous-estime un peu l'énergie par rapport à la réalité) : E frot = x N / = 0,15 x 52 / 6,85 = 1,14 kJ/m En considérant une masse approximative de la fusée (et du roulement) m, de 60 kg, et une capacité thermique massique de l'acier c, de 480 J/kg/°C, la quantité d'énergie nécessaire pour élever la température de est : E ther = c x m x = 480 x 60 x = 28 800 J/°C x = 28,8 kJ/°C x . L'énergie de frottement étant dissipée en énergie thermique d'élévation de la température de la fusée (E ther = E frot), il résulte de ces équations que l'élévation de température, pour chaque km parcouru par le train, est : = f x N / ( x c x m) = 1,14 . 103 / 28,8 = 40 °C/km.
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Annexe 5 : Règlement général de protection des données
Le bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) est investi d'une mission de service public dont la finalité est la réalisation de rapports sur les accidents afin d'améliorer la sécurité des transports terrestres (articles L. 1621-1 et 1621-2 du code des transports, voir la page de présentation de l'organisme). Pour remplir cette mission, les personnes chargées de l'enquête, agents du BEA-TT habilités ainsi que d'éventuels enquêteurs extérieurs spécialement commissionnés, peuvent rencontrer toute personne impliquée dans un accident de transport terrestre (articles L. 1621-14) et recueillir toute donnée utile. Ils traitent alors les données recueillies dans le cadre de l'enquête dont ils ont la responsabilité uniquement pour la seule finalité prédéfinie en garantissant la confidentialité des données à caractère personnel. Les rapports d'enquêtes sont publiés sans le nom des personnes et ne font état que des informations nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de l'accident. Les données personnelles sont conservées pour une durée de 4 années à compter de la publication du rapport d'enquête, elles sont ensuite détruites. Le traitement « Enquête accident BEA-TT » est mis en oeuvre sous la responsabilité du BEA-TT relevant du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT). Le MTECT s'engagent à ce que les traitements de données à caractère personnel dont il est le responsable de traitement soient mis en oeuvre conformément au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (ci-après, « règlement général sur la protection des données » ou RGPD) et à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Les personnes concernées par le traitement, conformément à la législation en vigueur, peuvent exercer leurs droits auprès du responsable de traitement : droit d'accès aux données, droit de rectification, droit à la limitation, droit d'opposition. Pour toute information ou exercice de vos droits, vous pouvez contacter : 1- Le responsable de traitement, qui peut être contacté à l'adresse suivante : - à l'adresse : bea-tt@developpement-durable.gouv.fr - ou par courrier (avec copie de votre pièce d'identité en cas d'exercice de vos droits) à l'adresse suivante : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires A l'attention du directeur du BEA-TT Grande Arche - Paroi Sud, 29e étage, 92055 LA DEFENSE Cedex 2- Le délégué à la protection des données (DPD) du MTECT : - à l'adresse suivante : dpd.daj.sg@developpement-durable.gouv.fr ; - ou par courrier (avec copie de votre pièce d'identité en cas d'exercice de vos droits) à l'adresse suivante : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires A l'attention du Délégué à la protection des données SG/DAJ/AJAG1-2 92055 La Défense cedex Vous avez également la possibilité d'adresser une réclamation relative aux traitements mis en oeuvre à la Commission nationale informatique et libertés (3 Place de Fontenoy - TSA 80715 - 75334 PARIS CEDEX 07).
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Bureau d'E nquêtes sur les Ac cidents de T ransport T errestre
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Grande Arche - Paroi Sud 92055 La Défense cedex Téléphone : 01 40 81 21 83 bea-tt@developpement-durable.gouv.fr www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr
INVALIDE) (ATTENTION: OPTION errage (photo RYKO a.s.) 46
4 - Conclusions
4.1 L'arbre des causes
Les investigations conduites permettent d'établir le graphique ci-après qui synthétise le déroulement de l'accident et en identifie les causes et les facteurs associés mis en évidence par le BEA-TT.
Figure 47 - arbre des causes de l'accident
47
4.2 -
Les causes de l'accident
La cause immédiate du déraillement du 5 e wagon est la rupture de la fusée gauche de son essieu avant. La rupture de la fusée s'est produite en raison de son échauffement à haute température (900 °C), survenu à la suite du blocage du roulement dans lequel la fusée s'insère. Le blocage est dû à un dévissage des vis de montage du chapeau, attesté par le trépanage du couvercle de la boîte de l'essieu. La rupture de la fusée s'est accompagnée d'une chute de la boîte d'essieu correspondante. L'essieu, privé d'une des deux liaisons avec le wagon, a pivoté légèrement, puis est monté sur le rail gauche, pour finir par dérailler. Restant accroché sous le wagon, il a labouré la voie. De plus, la roue gauche en tournant a frotté sur la structure métallique du châssis, provoquant des étincelles et un début d'incendie. Concernant le desserrement des vis, il a été constaté, sur un échantillon de wagons, un état de serrage hétérogène des vis, avec le plus souvent un sur-serrage mais aussi des sous-serrages. Quelques incidents de dévissage et de trépanage de boîte ont également eu lieu, sans toutefois conduire à un accident. Il apparaît, en toute vraisemblance que le dévissage des vis était déjà à l'oeuvre au départ, sans que l'on sache s'il était visible, alors qu'il a toujours été observé au départ dans les autres cas. Les mesures de surveillance du train en ligne n'ont pas été de nature à détecter le défaut et arrêter le train. Le BEA-TT identifie quatre facteurs de risque ayant pu entrer en jeu dans le présent accident et dont une meilleure maîtrise serait de nature à prévenir de tels accidents :
la qualité des opérations de montage des essieux en atelier, le contrôle de ces opérations et leur traçabilité ; cette qualité est perfectible et a fait l'objet depuis l'accident d'améliorations notables dans l'atelier mainteneur de l'essieu avarié. le choix des tôles de frein assurant le blocage des vis ; les incidents rapportés ne font état de trépanage qu'avec des tôles frein de type SNCF ; la non-existence de signe annonciateur du dévissage des vis avant le stade avancé de trépanage du couvercle ; la qualité de l'inspection des boîtes d'essieu lors des opérations de préparation au départ des trains.
Pour autant, l'enquête technique n'a pas pu déterminer avec exactitude, si l'un de ces facteurs avait été à lui seul déterminant, et lequel.
48
4.3 -
Les mesures prises à la suite de l'accident
Les mesures prises par les opérateurs à la suite de l'accident, et déjà présentées de façon éparse dans le présent rapport, sont récapitulés ci-après. Actions conduites par le mainteneur TOUAX (voir § 3.4) :
étude de vérification de l'état de serrage des vis de chapeau sur un parc de 13 essieux sortant de révision, soit 78 mesures en tout, en septembre 2021 ; inspection par échantillonnage de 396 essieux provenant du parc de wagons issus de General Electric (mars 2022). 34 essieux ont été changés, 5 pour un défaut de verrouillage et 29 pour traces de graisse non conforme.
Actions conduites par l'atelier de maintenance LORMAFER (août 2021 voir § 3.5) :
amélioration de la qualité du mode opératoire du montage des chapeaux de fusée : · emploi d'une clef dynamométrique enregistreuse, · utilisation de deux couleurs différentes pour les marquages de contrôle, · prise de photographie en fin d'opération.
emploi recommandé de tôles frein de type « DIBA ».
Le BEA-TT n'a pas connaissance d'action particulière mise en oeuvre par l'entreprise ferroviaire.
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Conclusions (english version)
The causes of the accident
The immediate cause of the derailment of the 5 e wagon was the breakage of the left-hand axle stub of its front axle. The failure of the axle stub occurred due to its heating to a high temperature (900°C) as a result of the blocking of the bearing in which the axle stub is inserted. The blocking is due to the cap mounting screws being loosened, as evidenced by the axle box cover being punched out. When the stub axle broke, the corresponding axle box fell off. The axle, deprived of one of the two connections to the wagon, swung slightly and then climbed onto the left-hand rail, eventually derailing. It hung under the wagon and ploughed into the track. In addition, the left wheel rubbed against the metal structure of the chassis, causing sparks and the start of a fire. With regard to the loosening of screws, a heterogeneous state of tightening of the screws was observed on a sample of wagons, with most often over-tightening but also undertightening. There were also a few incidents of unscrewing and biting of the box, but these did not lead to an accident. It appears, in all likelihood, that the loosening of the screws was already at work at the start, without it being known whether it was visible, whereas it was always observed at the start in the other cases. The train monitoring measures on the line were not such as to detect the defect and stop the train. The BEA-TT identifies four risk factors that may have been involved in this accident and which, if better controlled, could prevent such accidents:
the quality of axle assembly operations in the workshop, the control of these operations and their traceability; this quality can be improved and has been the subject of significant improvements since the accident in the workshop that maintained the damaged axle. the choice of brake plates used to lock the screws; the incidents reported only mention biting with SNCF type brake plates; the non-existence of any sign of unscrewing of the screws before the advanced stage of drilling of the cover; the quality of axle-box inspection during train preparation operations.
However, the technical investigation was unable to determine exactly which of these factors was the determining factor.
Measures taken following the accident
The measures taken by the operators following the accident, and already presented in a scattered manner in this report, are summarised below. Actions taken by the TOUAX maintainer (see § 3.4):
A study to check the tightness of the cap screws on a fleet of 13 axles coming out of overhaul, i.e. 78 measurements in all, in September 2021;
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sample inspection of 396 axles from the General Electric wagon fleet (March 2022). 34 axles were changed, 5 for a locking defect and 29 for traces of incorrect grease.
Actions carried out by the LORMAFER maintenance workshop (August 2021 - see § 3.5):
improvement of the quality of the assembly procedure of the axle stub caps: use of a torque spanner, use of two different colours for control markings, photography at the end of the operation.
Recommended use of "DIBA" type brake plates.
The BEA-TT is not aware of any particular action taken by the railway undertaking.
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5 - Recommandations
Les conclusions précédentes conduisent à envisager des orientations préventives pour éviter le renouvellement de ce type d'accident dans les domaines suivants :
la reconnaissance à l'aptitude au transport avant le départ ; les opérations de montage des chapeaux de roulement en atelier ; l'efficacité des tôles frein ; les signes annonciateurs du dévissage des vis.
5.1 -
La reconnaissance à l'aptitude au transport avant le départ
L'enquête technique n'a pu établir si le dévissage des vis qui était à l'oeuvre dès le départ présentait déjà, ou non, des signes visibles de trépanage du couvercle. L'agent en charge des opérations de départ a pu observer le train par deux fois, de chaque côté, et déclare ne rien avoir remarqué. Le BEA-TT note que ces opérations nécessitent une vigilance soutenue, une grande attention à chaque organe observé, et qu'elles sont de ce fait sensibles au facteur humain, c'est-à-dire à un risque d'inattention ou de mauvaise appréciation. L'expérience récente de l'agent en charge accentue cette sensibilité. Il est légitime de se demander si l'agent, lorsqu'il affirme n'avoir rien remarqué, ne s'est pas mépris. Le retour d'expérience des incidents de trépanage de boîtes montre que, hormis l'accident objet de ce rapport, ces trépanages ont toujours été détectés lors des inspections de wagon au départ, évitant des conséquences graves. Le BEA-TT souhaite attirer l'attention des entreprises ferroviaires et de leurs collaborateurs sur l'importance à accorder à une réalisation exhaustive et attentive des vérifications sur les organes de sécurité avant tout départ de train. Le BEA-TT invite l'ensemble des entreprises ferroviaires de fret à utiliser le retour d'expérience du présent accident pour sensibiliser, dans le cadre de la formation initiale et de la formation continue, leur personnel en charge de la reconnaissance à l'aptitude au transport, à l'importance des vérifications sur les organes de sécurité parmi lesquels figurent les organes de roulement.
5.2 -
Les opérations de montage des chapeaux de roulement en atelier
L'essieu avait parcouru 240 000 km en 5 ans et demi depuis son dernier démontage en atelier. Il n'a pas présenté de signe de défaillance avant l'accident. L'enquête technique n'a pas pu établir si une malfaçon ou un défaut de montage était à l'origine de l'accident. Les débris récupérés sont dans un état qui ne permet pas de statuer sur ce point. La boîte intègre (boîte droite de l'essieu) ne présentait pas de signe flagrant d'un défaut. L'état de serrage des vis du chapeau, côté intègre, était hétérogène. Une vis avait une tension insuffisante pour assurer une précontrainte correcte du chapeau sur la fusée, précontrainte essentielle dans un roulement à rouleaux cylindriques dont les efforts axiaux transitent par le chapeau. Cette situation semble toutefois assez générale. L'essieu témoin, entretenu par un autre atelier, présentait les mêmes symptômes.
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TOUAX a conduit des investigations qui ont montré un état de serrage des vis de chapeau hétérogène, généralement trop élevé, mais aussi un cas grave d'absence de vis et de tôle frein. Il en résulte que ces opérations de montage semblent, dans leur mode opératoire et leur contrôle, perfectibles. L'atelier LORMAFER a préconisé et mis en oeuvre plusieurs actions pour mieux garantir la qualité des opérations : serrage par clef dynamométrique à enregistrement, contrôle croisé avec deux codes couleur, photographie du montage réalisé. Ces améliorations portant sur le mode opératoire, le contrôle et la traçabilité sont une meilleure garantie pour la sécurité. Prenant acte de ces améliorations, le BEA-TT n'émet pas de recommandation à destination des ateliers LORMAFER. Toutefois, l'étendue de la situation est problématique au-delà de cet atelier. Une action plus globale d'accompagnement à la mise en qualité du montage est à envisager. Le BEA-TT identifie l'Association française des détenteurs de wagon (AFWP), regroupant les ECE et leurs ateliers, comme l'interlocuteur qui pourrait en France mobiliser les professionnels sur la problématique. Le BEA-TT lui adresse la recommandation ci-après. Bien que les ateliers SNCF ne soient pas dans son périmètre, l'AFWP pourra utilement les associer. Le marché des essieux et de leur entretien étant aussi européen, la recommandation est également adressée à l'« International Union of Wagon Keepers » (UIP), organisation internationale des détenteurs et ateliers, dont le siège est à Bruxelles. Recommandation R1 adressée à l'AFWP et à l'UIP : Établir un état de l'art des opérations de montage des chapeaux d'essieu en atelier, en vue d'améliorer le mode opératoire, le contrôle et la traçabilité, et de garantir une précontrainte durable des vis de chapeau.
5.3 -
L'efficacité des tôles de frein
L'ensemble des vis maintenant le chapeau gauche sur l'essieu avarié ont été perdues. La tôle frein étant très dégradée, l'enquête n'a pu établir dans quelle mesure la tôle n'a pas pu empêcher le dévissage, soit parce qu'elle était mal montée (voir ci-dessus), soit parce qu'elle n'a pas rempli sa fonction de sécurité. Le retour d'expérience des trépanages de couvercle recueilli par le BEA-TT ne fait état que d'incidents avec des tôles du même type, le type SNCF. Ces tôles, lorsqu'elles ne sont pas détruites, montrent une certaine vulnérabilité : apparition de fissuration et rupture, morsures affaiblissant la résistance, rabats présentant un faible contact d'appui avec la tête de vis. La direction du Matériel de SNCF, dépositaire à l'origine de la technologie, a été interrogée. Elle estime que de 2015 à 2017, 19 boîtes d'essieux de wagon ont été découvertes trépanées consécutivement à une vis dévissée. Des actions concernant le process de montage ont été mises en place. Elle n'a recensé aucun cas similaire depuis. Ce constat doit être relativisé car SNCF est ECE sur un parc de wagons limité. Le présent rapport, sans chercher l'exhaustivité, rapporte un incident de 2020 et un de 2021 qui concernent tous deux la tôle de type « SNCF ». Une clarification semble opportune.
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Le BEA-TT estime nécessaire de vérifier de façon plus exhaustive le retour d'expérience propre à cette tôle, afin de s'assurer que sa sûreté n'est pas en cause. Ce retour d'expérience doit conduire à adapter si besoin les prescriptions de maintenance. Le référentiel de maintenance VPI s'alimente en effet des remontées des utilisateurs sur les difficultés ou risques que peuvent présenter certaines dispositions. Le BEA-TT émet les deux recommandations ci-après. Recommandation R2 adressée à SNCF Voyageurs8 : S'assurer de la complétude du retour d'expérience sur l'emploi des tôles frein de modèle « SNCF » pour les wagons, en intégrant les évènements collectés par l'AFWP. En cas de risque observé, statuer sur les actions de couverture de ce risque. Recommandation R3 adressée à l'AFWP : Enquêter auprès des adhérents de l'AFWP sur le retour d'expérience des tôles frein de type « SNCF ». Si des risques sont confirmés et après examen des éléments apportés par SNCF Voyageurs, statuer sur une demande de correctif du référentiel VPI concernant cette tôle frein.
5.4 -
Les signes annonciateurs du dévissage des vis
Le retour d'expérience des incidents de trépanage de couvercle montre que ces incidents ont été détectés lors des opérations de préparation du train, hormis le cas de l'accident objet du présent rapport. Le trépanage est toutefois, dans tous les cas, un stade déjà très avancé du dévissage des vis. Ceci résulte de la conception même de la boîte qui est fermée avec un couvercle, pour des raisons évidentes de confinement. Il pourrait être envisagé un système plus sûr, délivrant des signes avant-coureurs à un stade de dévissage des vis moins avancé que le trépanage. Il pourrait ainsi être imaginé, par exemple, une forme de couvercle particulière, l'emploi des pièces déformables témoins... Au vu de la gravité du défaut, une sécurisation du système allant dans ce sens nous semblerait opportune à étudier. Le BEA-TT attire ainsi l'attention de la profession, de même que celle des fabricants de boîtes, sur l'intérêt qu'il y aurait à étudier une amélioration de la sûreté de l'organe « boîte d'essieu » permettant l'anticipation, par la délivrance de signes avant-coureurs visibles de l'extérieur, de tout dévissage à l'oeuvre des vis de fixation des chapeaux de fusée. Faute de disposer aujourd'hui de ce type de dispositif d'alerte, et dans un contexte ou des risques existent, il se pose la question d'un éventuel renforcement des cycles de surveillance du serrage des vis. Il est toutefois à noter que la fréquence des incidents reste encore peu significative, alors que l'ouverture d'une boîte d'essieux n'est pas exempte de risque. Il est à craindre des pollutions ou autres dégradations. Le couple bénéfice / risque ne semble pas en faveur d'un renforcement des visites des boîtes. Une bonne pratique est en revanche de mettre en oeuvre le renforcement de la surveillance, à la suite d'un incident, lorsqu'une population de wagons à risque est identifiée, comme cela été fait par l'ECE TOUAX à la suite des deux incidents de trépanage en France et en Italie. Cette bonne pratique est à poursuivre.
8 SNCF Voyageurs est l'entité de SNCF qui héberge la Direction du matériel qui intègre les activités d'ingénierie du matériel roulant dont celles concernant le fret ferroviaire. 54
Le BEA-TT invite l'ensemble des entités en charge de l'entretien à s'interroger, lors de la survenue d'un incident de défaut de serrage d'un chapeau de fusée, sur le renforcement des opérations de surveillance de leur parc identifié comme à risque.
5.5 -
Synthèse des recommandations et invitations Recommandation R1 adressée à l'AFWP et à l'UIP : Établir un état de l'art des opérations de montage des chapeaux d'essieu en atelier, en vue d'améliorer le mode opératoire, le contrôle et la traçabilité, et de garantir une précontrainte durable des vis de chapeau. Recommandation R2 adressée à SNCF Voyageurs : S'assurer de la complétude du retour d'expérience sur l'emploi des tôles frein de modèle « SNCF » pour les wagons, en intégrant les évènements collectés par l'AFWP. En cas de risque observé, statuer sur les actions de couverture de ce risque. Recommandation R3 adressée à l'AFWP : Enquêter auprès des adhérents de l'AFWP sur le retour d'expérience des tôles frein de type « SNCF ». Si des risques sont confirmés et après examen des éléments apportés par SNCF Voyageurs, statuer sur une demande de correctif du référentiel VPI concernant cette tôle frein. Le BEA-TT invite l'ensemble des entreprises ferroviaires de fret à utiliser le retour d'expérience du présent accident pour sensibiliser, dans le cadre de la formation initiale et de la formation continue, leur personnel en charge de la reconnaissance à l'aptitude au transport, à l'importance des vérifications sur les organes de sécurité parmi lesquels figurent les organes de roulement. Le BEA-TT invite l'ensemble des entités en charge de l'entretien à s'interroger, lors de la survenue d'un incident de défaut de serrage d'un chapeau de fusée, sur le renforcement des opérations de surveillance de leur parc identifié comme à risque.
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Safety recommendations (english version)
The above conclusions lead to the consideration of preventive guidelines to avoid the recurrence of this type of accident in the following areas:
recognition of fitness for transport before departure; the assembly of bearing caps in the workshop; the effectiveness of the brake plates; the warning signs of unscrewed screws.
Recognition of fitness for transport before departure
The technical investigation could not establish whether or not the unscrewing of the screws, which was already at work from the start, already showed visible signs of the cover being drilled. The agent in charge of departure operations was able to observe the train twice, from each side, and stated that he had not noticed anything. The BEA-TT notes that these operations require sustained vigilance, great attention to each observed organ, and that they are therefore sensitive to the human factor, i.e. to the risk of inattention or misjudgement. The recent experience of the agent in charge accentuates this sensitivity. It is legitimate to ask whether the agent, when he claims not to have noticed anything, has not misunderstood. Feedback from incidents of axle box driling shows that, apart from the accident that is the subject of this report, such drillings have always been detected during wagon inspections on departure, avoiding serious consequences. The BEA-TT wishes to draw the attention of railway undertakings and their employees to the importance of carrying out exhaustive and careful checks on safety components before any train departure. The BEA-TT invites all freight railway undertakings to use the feedback from this accident to raise awareness, within the framework of initial and ongoing training, of their staff in charge of recognising fitness for transport, of the importance of checks on safety components, including running gear.
Assembly operations of bearing caps in the workshop
The axle had covered 240,000 km in the 5.5 years since it was last dismantled in the workshop. It did not show any signs of failure before the accident. The technical investigation was unable to establish whether the accident was caused by a faulty or defective assembly. The condition of the recovered parts is such that it is not possible to determine this. The integral axle box (right-hand axle box) did not show any obvious signs of a defect. The tightening condition of the cap screws, on the integrity side, was heterogeneous. One screw had insufficient tension to ensure correct preloading of the cap on the stub axle, which is essential in a cylindrical roller bearing where the axial forces are transmitted through the cap. However, this situation seems to be fairly general. The control axle, maintained by another workshop, showed the same symptoms.
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TOUAX carried out investigations which showed a heterogeneous state of tightening of the cap screws, generally too high, but also a serious case of missing screws and brake plate. As a result, there is room for improvement in the way these assembly operations are carried out and controlled. The LORMAFER workshop has recommended and implemented several actions to better guarantee the quality of operations: tightening with a torque spanner with recording, cross-checking with two colour codes, photography of the assembly carried out. These improvements concerning the operating mode, the control and the traceability are a better guarantee for safety. Taking note of these improvements, the BEA-TT recommendation to the LORMAFER workshops. does not issue any
However, the extent of the situation is problematic beyond this workshop. A more global action to support the quality of the assembly should be considered. The BEA-TT identifies the Association française des détenteurs de wagon (AFWP), which brings together the ECEs and their workshops, as the contact person in France who could mobilise the professionals on the issue. The BEA-TT addresses the following recommendation to it. Although the SNCF workshops are not within its scope, the AFWP could usefully involve them. As the market for axles and their maintenance is also European, the recommendation is also addressed to the International Union of Wagon Keepers (UIP), an international organisation of keepers and workshops, based in Brussels. Recommendation R1 to AFWP and IPU: Establish a state of the art of axle cap assembly operations in the workshop, with a view to improve the operating procedure, control and traceability, and to guarantee a durable prestressing of the cap screws.
The efficiency of the sheets
All of the screws holding the left cap on the damaged axle were lost. As the brake plate was badly damaged, the investigation could not establish to what extent the plate could not prevent the unscrewing, either because it was incorrectly mounted (see above) or because it did not fulfil its safety function. The feedback from the cover biting collected by the BEA-TT only mentions incidents with sheets of the same type, the SNCF type. These sheets, when not destroyed, show a certain vulnerability: appearance of cracking and breakage, bites weakening the resistance, flaps with little contact with the screw head. The SNCF's Rolling stock Department, the original custodian of the technology, was questioned. It estimates that from 2015 to 2017, 19 wagon axle boxes were discovered drilled as a result of an unscrewed screw. Actions regarding the assembly process were put in place. It has not identified any similar cases since then. This finding must be put into perspective as SNCF has a limited fleet of wagons. The present report, without seeking to be exhaustive, mentions one incident in 2020 and one in 2021, both of which concern "SNCF" type sheet metal. A clarification seems appropriate.
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The BEA-TT considers it necessary to verify more exhaustively the experience feedback specific to this sheet, in order to ensure that its safety is not in question. This feedback should lead to adapting the maintenance prescriptions if necessary. The VPI maintenance reference system is in fact fed by feedback from users on the difficulties or risks that certain provisions may present. The BEA-TT makes the following two recommendations. Recommendation R2 addressed to SNCF Voyageurs9 : Ensure the completeness of the feedback on the use of "SNCF" model brake plates for wagons, by integrating the events collected by the AFWP. In the event of a risk being observed, decide on actions to cover this risk. Recommendation R3 to AFWP: Investigate AFWP members' feedback on "SNCF" type brake plates. If risks are confirmed and after examination of the elements provided by SNCF Voyageurs, decide on a request for correction of the VPI standard concerning this brake plate.
Warning signs of unscrewed screws
Feedback from incidents involving cover biting shows that these incidents were detected during train preparation operations, except in the case of the accident under review. However, in all cases, the biting is already at a very advanced stage of unscrewing the screws. This is due to the design of the box itself, which is closed with a cover, for obvious containment reasons. A safer system could be envisaged, providing warning signs at a less advanced stage of screw unscrewing than drilling. For example, a particular form of cover could be imagined, the use of deformable indicator parts, etc. In view of the seriousness of the defect, a system securing in this way would seem to us to be appropriate to study. The BEA-TT thus draws the attention of the profession, as well as that of the axle-box manufacturers, to the interest that there would be in studying an improvement in the safety of the axle-box component allowing the anticipation, by issuing externally visible warning signs, of any unscrewing of the stub axle cap fixing screws at work. In the absence of this type of warning device, and in a context where risks exist, the question arises of a possible reinforcement of the monitoring cycles of the tightening of screws. It should be noted, however, that the frequency of incidents is still not very significant, even though the opening of an axle-box is not risk-free. There is a risk of pollution or other damage. The benefit/risk ratio does not seem to be in favour of increasing the number of visits to the boxes. It is good practice, however, to implement enhanced monitoring following an incident when a population of wagons at risk is identified, as was done by the TOUAX entity in charge of maintenance following the two driling incidents in France and Italy. This good practice should be continued. The BEA-TT invites all entities in charge of maintenance to consider, when a axle stub cap tightening defect incident occurs, the reinforcement of surveillance operations of their fleet identified as being at risk.
9 SNCF Voyageurs is the SNCF entity that houses the Equipment Department, which includes the rolling stock engineering activities, including those relating to rail freight. 58
Summary of recommendations and invitations
Recommendation R1 to AFWP and IPU: Establish a state of the art of axle cap assembly operations in the workshop, with a view to improving the operating procedure, control and traceability, and to guaranteeing a durable pre-tension of the cap screws.
Recommendation R2 to SNCF Voyageurs: Ensure the completeness of the feedback on the use of "SNCF" model brake plates for wagons, by integrating the events collected by the AFWP. In the event of a risk being observed, decide on actions to cover this risk. Recommendation R3 to AFWP: Investigate AFWP members' feedback on "SNCF" type brake plates. If risks are confirmed and after examination of the information provided by SNCF Voyageurs, decide on a request for correction of the VPI standard concerning this brake plate. The BEA-TT invites all freight railway undertakings to use the feedback from this accident to raise awareness, within the framework of initial and ongoing training, of their staff in charge of recognising fitness for transport, of the importance of checks on safety components, including running gear. The BEA-TT invites all entities in charge of maintenance to consider, when a rocket cap tightening defect incident occurs, the reinforcement of surveillance operations of their fleet identified as being at risk.
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ANNEXES
Annexe 1 : décision d'ouverture d'enquête Annexe 2 : fiches de révision de décembre 2014 du wagon 23-80-292-9121-4 concernant les essieux Annexe 3 : extrait du schéma de signalisation sur la zone de déraillement et repères kilométriques du parcours Annexe 4 : calcul approximatif de la montée en température de la fusée Annexe 5 : règlement général de protection des données
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Annexe 1 : décision d'ouverture d'enquête
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Annexe 2 : fiches de révision de décembre 2014 du wagon 23-80-2929121-4 concernant les essieux
Fiche générale d'intervention sur les essieux
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Fiche d'intervention sur l'essieu 499094 de novembre 2014
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Annexe 3 : extrait du schéma de signalisation sur la zone de déraillement et repères kilométriques du parcours
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Repères kilométriques du parcours
PK 206,3 PK 186,6 PK 178,7 PK 152,4 PK 134,4 PK 129,9 PK 123,79 PK 122,9 PK 120,2 PK 116,2 PK 101,4 PK 51,5
Publier Embranchement de départ Bons-en-Chablais Saint-Cergues Détecteur de boîte chaude Viry Bellegarde-sur-Valserine Poste de surveillance des trains en marche Point de chute de la boîte d'essieu Signal C46 correspondant au Km 37,8 de l'enregistrement ATESS (calage PK/Km) Pyrimont-Chanay Point de déraillement du 5e wagon Arrêt du train Seyssel-Corbonod Culoz Poste d'aiguillage Ambérieu-en-Bugey
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Annexe 4 : calcul approximatif de la montée en température de la fusée
Sont donnés ci-après quelques éléments de calcul approximatif d'évaluation de la rapidité de montée en température de la fusée, dans l'hypothèse d'un roulement bloqué. Le diamètre de la roue est de 891 mm, tandis que le diamètre de la fusée est de 130 mm. Le ratio entre ces deux valeurs est identique au ratio entre la distance d'avancement du train et la longueur de frottement à la surface de contact fusée/bague intérieure en cas de blocage du roulement, soit un ratio : = 891 / 130 = 6,85 L'effort d'appui par bague N, se déduit de la masse du wagon de 84,65 t, à répartir sur les 2 bagues des 8 fusées, soit : N = 84,65 / 8 / 2 = 5,3 tonne.force = 52 kN En prenant un coefficient de frottement acier/acier dans le roulement avarié de 0,15, l'énergie de frottement dissipée à chaque mètre parcouru par le wagon correspond au travail de la force de frottement x N par la longueur d'application, soit (nota : une seule bague est considérée ici comme frottante ce qui sous-estime un peu l'énergie par rapport à la réalité) : E frot = x N / = 0,15 x 52 / 6,85 = 1,14 kJ/m En considérant une masse approximative de la fusée (et du roulement) m, de 60 kg, et une capacité thermique massique de l'acier c, de 480 J/kg/°C, la quantité d'énergie nécessaire pour élever la température de est : E ther = c x m x = 480 x 60 x = 28 800 J/°C x = 28,8 kJ/°C x . L'énergie de frottement étant dissipée en énergie thermique d'élévation de la température de la fusée (E ther = E frot), il résulte de ces équations que l'élévation de température, pour chaque km parcouru par le train, est : = f x N / ( x c x m) = 1,14 . 103 / 28,8 = 40 °C/km.
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Annexe 5 : Règlement général de protection des données
Le bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) est investi d'une mission de service public dont la finalité est la réalisation de rapports sur les accidents afin d'améliorer la sécurité des transports terrestres (articles L. 1621-1 et 1621-2 du code des transports, voir la page de présentation de l'organisme). Pour remplir cette mission, les personnes chargées de l'enquête, agents du BEA-TT habilités ainsi que d'éventuels enquêteurs extérieurs spécialement commissionnés, peuvent rencontrer toute personne impliquée dans un accident de transport terrestre (articles L. 1621-14) et recueillir toute donnée utile. Ils traitent alors les données recueillies dans le cadre de l'enquête dont ils ont la responsabilité uniquement pour la seule finalité prédéfinie en garantissant la confidentialité des données à caractère personnel. Les rapports d'enquêtes sont publiés sans le nom des personnes et ne font état que des informations nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de l'accident. Les données personnelles sont conservées pour une durée de 4 années à compter de la publication du rapport d'enquête, elles sont ensuite détruites. Le traitement « Enquête accident BEA-TT » est mis en oeuvre sous la responsabilité du BEA-TT relevant du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT). Le MTECT s'engagent à ce que les traitements de données à caractère personnel dont il est le responsable de traitement soient mis en oeuvre conformément au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (ci-après, « règlement général sur la protection des données » ou RGPD) et à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Les personnes concernées par le traitement, conformément à la législation en vigueur, peuvent exercer leurs droits auprès du responsable de traitement : droit d'accès aux données, droit de rectification, droit à la limitation, droit d'opposition. Pour toute information ou exercice de vos droits, vous pouvez contacter : 1- Le responsable de traitement, qui peut être contacté à l'adresse suivante : - à l'adresse : bea-tt@developpement-durable.gouv.fr - ou par courrier (avec copie de votre pièce d'identité en cas d'exercice de vos droits) à l'adresse suivante : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires A l'attention du directeur du BEA-TT Grande Arche - Paroi Sud, 29e étage, 92055 LA DEFENSE Cedex 2- Le délégué à la protection des données (DPD) du MTECT : - à l'adresse suivante : dpd.daj.sg@developpement-durable.gouv.fr ; - ou par courrier (avec copie de votre pièce d'identité en cas d'exercice de vos droits) à l'adresse suivante : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires A l'attention du Délégué à la protection des données SG/DAJ/AJAG1-2 92055 La Défense cedex Vous avez également la possibilité d'adresser une réclamation relative aux traitements mis en oeuvre à la Commission nationale informatique et libertés (3 Place de Fontenoy - TSA 80715 - 75334 PARIS CEDEX 07).
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Bureau d'E nquêtes sur les Ac cidents de T ransport T errestre
·
Grande Arche - Paroi Sud 92055 La Défense cedex Téléphone : 01 40 81 21 83 bea-tt@developpement-durable.gouv.fr www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr
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