Rapport d'enquête technique sur le déraillement d'un train de transport de céréales survenu le 26 août 2021 à Saint-Hilaire-au-Temple (51)
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre
Auteur secondaire
Résumé
Le jeudi 26 août 2021 à 22 h 04, le train de fret n° 71 646 déraillait à Saint-Hilaire-au-Temple, faisant un blessé, le conducteur du train. A l'issue de son enquête, le BEATT mettait en évidence une rupture multiple de rail sous le passage du train, cause de l'accident, et émettait plusieurs recommandations concernant la fiabilisation des données de patrimoine rails, l’amélioration de la détection des défauts de fissuration verticale longitudinale, la formation des agents à la maintenance des voies, ou les risques pour les ouvrages d'art en cas de choc par des engins ferroviaires.
Editeur
MTE
Descripteur Urbamet
accident
;transport de marchandises
;enquête
;blessé
;travaux publics
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
RAPPORT D'ENQUÊTE TECHNIQUE
sur le déraillement d'un train de transport de céréales survenu le 26 août 2021 à Saint-Hilaire-au-Temple (51)
Novembre 2022
Avertissement L'enquête technique faisant l'objet du présent rapport est réalisée dans le cadre des articles L. 1621-1 à 1622-2 et R. 1621-1 à 1621-26 du Code des transports relatifs, notamment, aux enquêtes techniques après accident ou incident de transport terrestre. Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents. Sans préjudice, le cas échéant, de l'enquête judiciaire qui peut être ouverte, elle consiste à collecter et analyser les informations utiles, à déterminer les circonstances et les causes certaines ou possibles de l'évènement, de l'accident ou de l'incident et, s'il y a lieu, à établir des recommandations de sécurité. Elle ne vise pas à déterminer des responsabilités. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
Glossaire
ARMEN : Application numérique de description de l'Infrastructure du RFN ATESS : Acquisition et traitement des événements de sécurité statique [train] BN ; Barres normales (rails assemblés de 18, 24 ou 36 m) DEFRAIL : Application numérique de description des défauts de rail du RFN DGL ZSS : Défaut de grande longueur  zone à surveillance spéciale · défaut 113 : fissuration longitudinale verticale, défaut positionné en about · défaut 213 : fissuration longitudinale verticale, défaut positionné en pleine barre
ELUS : Engin lourd d'auscultation ultrasons LGV EE : LGV Est-Européenne LRS : Longs rails soudés (rails soudés de 80, 108 ou 120 m) OPUS : Opérateur de contrôle des rails par ultrasons RFN : Réseau Ferré National SA : Soudure aluminothermique des rails (sur site) SNCF Réseau : Gestionnaire d'infrastructure du RFN en charge de la gestion opérationnelle des circulations et des installations fixes UIC : Union Internationale des Chemins de fer US : Ultrasons
Bordereau documentaire
Organisme auteur : Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT) Titre du document : Rapport d'enquête technique sur le déraillement d'un train de transport de céréales survenu le 26 août 2021 à Saint-Hilaire-au-Temple (51) N° ISRN : EQ-BEAT--22-8--FR Affaire n° BEATT-2021-07 Proposition de mots-clés : fissuration verticale longitudinale, rail, champignon, maintenance, remplacement
Les parties en anglais sont notamment issues de traduction automatique
Synthèse
Le jeudi 26 août 2021 à 22 h 04, le train de fret n° 71 646 de l'Entreprise Ferroviaire Fret SNCF, circulant de Châlons-en-Champagne à Tergnier, a déraillé à Saint-Hilaire-auTemple entre Châlons-en-Champagne et Reims. Le train comportait 20 wagons de transport de céréales. Il a déraillé peu avant un pont-rail permettant le passage sous la ligne ferroviaire à grande vitesse Est-Européenne. La locomotive et les 7 derniers wagons du train sont restés sur les rails, tandis que 13 wagons se sont couchés et enchevêtrés. Deux wagons ont heurté le mur gauche de soutien de l'ouvrage entraînant un arrêt brutal de la locomotive et une mise en « accordéon » des wagons suivants. Le conducteur du train de fret a été blessé et choqué. La caténaire est au sol et la voie détruite sur 150 m. Le trafic entre Châlons-en-Champagne et Reims a été suspendu 35 jours. La cause du déraillement est une rupture multiple de rail sous le passage du train, en file basse de courbe. Le rail était affecté d'un défaut de fissuration verticale longitudinale du champignon, codifié 213, qui existait depuis plusieurs années. Le rail en cause était de réemploi, de faible profil, de fabrication ancienne (1955) et a connu dans un passé proche des défauts de même nature. L'enquête a mis en évidence les facteurs contributifs suivants :
les conditions d'exploitation de cette section de voie, en vitesse et en charge, se sont intensifiées augmentant les sollicitations dynamiques des rails ; la politique de surveillance des rails n'a pas permis de détecter à temps le défaut de fissuration verticale longitudinale du champignon et d'intervenir correctivement ; l'arrêt du train s'est opéré brutalement par l'encastrement de deux wagons du train sur un piédroit du pont-rail avec la ligne à grande vitesse Est-Européenne.
SNCF Réseau a immédiatement mis en oeuvre un plan d'action visant l'évaluation et la résorption de ce type de défaut, tant sur la ligne Reims à Châlons-en-Champagne que sur l'ensemble du réseau national. Le BEA-TT émet six recommandations dans les domaines suivants :
La fiabilisation des données de patrimoine rails au regard de l'état réel des rails de réemploi et le réexamen des prescriptions en matière de couponnage et de renouvellement des rails de réemploi, ceci en vue de garantir l'éradication progressive des rails les plus anciens ou leur bon état de fonctionnement. L'adaptation des modalités de surveillance de l'état réel des rails afin de traiter les risques liés à la vétusté des rails anciens et tout particulièrement aux défauts de fissuration verticale longitudinale du champignon. L'amélioration de la détection des défauts de fissuration verticale longitudinale par les engins lourds d'auscultation des rails utilisant de nouveaux moyens techniques et le croisement utile des bases de données de description du patrimoine rail. La vérification que les agents en charge des tournées rails aient acquis les compétences, soient bien formés à cette mission et disposent de supports pratiques adaptés pour les assister. La révision de la fiche UIC 777-2 pour améliorer le traitement du risque pour les circulations ferroviaires percutant un obstacle franc constitué par un ouvrage d'art.
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Summary (english version)
Les chapitres en anglais figurant dans ce rapport sont issus en partie d'une traduction automatique On Thursday 26 August 2021 at 22:04, freight train no. 71 646 of the railway undertaking Fret SNCF, travelling from Châlons-en-Champagne to Tergnier, derailed at Saint-Hilaireau-Temple between Châlons-en-Champagne and Reims. The train contained 20 wagons for the transport of cereals. It derailed shortly before a railway bridge allowing passage under the East European high-speed railway line. The locomotive and the last seven wagons of the train remained on the rails, while 13 wagons were lying down and entangled. Two wagons hit the left-hand support wall of the structure, causing the locomotive to come to a sudden stop and the following wagons to "accordion". The driver of the goods train was injured and shocked. The catenary is on the ground and 150 m of track has been destroyed. Traffic between Châlons-en-Champagne and Reims was suspended for 35 days. The cause of the derailment was a multiple rail break under the train on the low side of a curve. The rail was affected by a longitudinal vertical cracking head defect, coded 213, which had existed for several years. It was a reused rail, of low profile, of old manufacture and had experienced similar defects in the near past. The survey identified the following contributing factors:
the operating conditions of this section of track, in terms of speed and load, have intensified, increasing the dynamic stresses on the rails; The rail monitoring policy did not allow for the timely detection of the vertical longitudinal head cracking defect and the corrective intervention; The train came to an abrupt halt when two of its carriages hit a pedestal of the rail bridge with the East European high-speed line.
The infrastructure manager SNCF Réseau immediately implemented an action plan to assess and resolve this type of defect, both on the Reims to Châlons-en-Champagne line and on the entire national network. The BEA-TT makes six recommendations in the following areas:
The reliability of rail asset data with regard to the actual condition of the reused rails and the re-examination of the requirements for rail couponing and renewing reused rails, with a view to guaranteeing the gradual eradication of the oldest rails or their good working order. Adaptation of the modalities for monitoring the actual condition of the rails to address the risks associated with the obsolescence of old rails and in particular with longitudinal vertical head cracking defects. Improving the detection of vertical longitudinal cracking defects by heavy rail testing equipment, new technical means and the useful cross-referencing of rail asset description databases. Ensuring that the staff in charge of the rail rounds have acquired the necessary skills, are well trained for this task and have the appropriate practical materials to assist them. Revision of UIC leaflet 777-2 to improve the treatment of the risk for rail traffic striking a free-standing obstacle constituted by a structure.
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SOMMAIRE
SYNTHÈSE....................................................................................................................................1 SUMMARY (ENGLISH VERSION).................................................................................................2 1 - L'ENQUÊTE ET SON CONTEXTE..........................................................................................5 1.1 - Les circonstances de l'accident........................................................................................5 1.2 - Le bilan de l'accident........................................................................................................6 1.3 - L'engagement de l'enquête...............................................................................................6 2 - LA DESCRIPTION DU FAIT SURVENU.................................................................................7 2.1 - Le contexte de l'accident..................................................................................................7
2.1.1 - Le site de l'accident............................................................................................................................... 7 2.1.2 - La météorologie..................................................................................................................................... 8 2.1.3 - Le train impliqué..................................................................................................................................... 8 2.1.4 - La politique de surveillance et de maintenance des rails.......................................................................8 2.1.5 - Le retour d'expérience de la surveillance des défauts 113 et 213........................................................11
2.2 - Description factuelle des évènements............................................................................14
2.2.1 - Les résumés des témoignages............................................................................................................ 14 2.2.2 - Le constat à l'arrivée sur les lieux........................................................................................................ 15 2.2.3 - Le dépouillement de l'enregistrement des paramètres de conduite du train.........................................15 2.2.4 - Les défauts des rails accidentés.......................................................................................................... 16 2.2.5 - Les dommages au train accidenté....................................................................................................... 19 2.2.6 - Les dommages à l'infrastructure.......................................................................................................... 24
2.3 - Le déroulement reconstitué de l'accident.......................................................................28 3 - L'ANALYSE DU FAIT SURVENU..........................................................................................30 3.1 - La voie avant l'accident..................................................................................................30
3.1.1 - Les voies du groupe UIC 6................................................................................................................... 30 3.1.2 - La géométrie de la voie........................................................................................................................ 31 3.1.3 - L'état des rails...................................................................................................................................... 33 3.1.4 - Le pont-rail de la LGV EE.................................................................................................................... 40
3.2 - Les facteurs organisationnels et humains......................................................................41
3.2.1 - Réalisation des « tournées à pied »..................................................................................................... 41 3.2.2 - Réalisation des auscultations par ultrasons et gestion des signalements............................................42 3.2.3 - Réalisation des couponnages.............................................................................................................. 42 3.2.4 - Anticipation des renouvellements de rail  adéquation de la maintenance...........................................43
3.3 - Les mesures immédiates prises par SNCF Réseau......................................................43 4 - LES CONCLUSIONS SUR LA RECHERCHE DES CAUSES ET DES FACTEURS...........44 4.1 - L'arbre des causes..........................................................................................................44
4.2 - La cause de l'accident....................................................................................................45 4.3 - Les facteurs contributifs..................................................................................................45
4.3.1 - Le déficit de renouvellement des rails anciens de réemploi.................................................................45 4.3.2 - Le couponnage du rail.......................................................................................................................... 45 4.3.3 - L'augmentation des sollicitations du rail............................................................................................... 46 4.3.4 - La non-détection par l'ELUS du défaut de fissuration verticale longitudinale.......................................46 4.3.5 - La non-détection par les OPUS du défaut de fissuration verticale longitudinale...................................47 4.3.6 - La non-détection par les tournées Dirigeant et les tournées Rails.......................................................47
4.4 - Le retour d'expérience....................................................................................................47
4.4.1 - Les faits survenus antérieurs de nature comparable............................................................................47 4.4.2 - Les courriers émis par la direction de SNCF Réseau..........................................................................49 4.4.3 - Les résultats des premières remontées............................................................................................... 50
CONCLUSIONS (ENGLISH VERSION)......................................................................................52 5 - LES RECOMMANDATIONS EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ.................................................57 5.1 5.2 5.3 5.4 5.5 5.6 La cause du déraillement de l'accident..........................................................................57 Le déficit de renouvellement des rails anciens de réemploi...........................................57 L'efficacité du processus de surveillance de l'état des rails anciens.............................58 La qualité d'auscultation ultrasons des rails par engins lourds......................................59 La qualité des tournées de surveillance visuelle du rail.................................................59 Les murs en retour des ponts-rail...................................................................................60
SAFETY RECOMMENDATIONS (ENGLISH VERSION)............................................................61 ANNEXES....................................................................................................................................64 Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête.............................................................................65 Annexe 2 : politique de surveillance et de maintenance du rail..............................................66
1- Politique de surveillance du rail................................................................................................................... 66 2 - Politique de maintenance du rail................................................................................................................ 68
Annexe 3 : retour d'expérience national sur le rail..................................................................69 Annexe 4 : synthèse du couponnage et des défauts..............................................................71 Annexe 5 : expertise du Laboratoire des rails.........................................................................72 Annexe 6 : règlement général de protection des données......................................................76
1 - L'enquête et son contexte
1.1 Les circonstances de l'accident
Le jeudi 26 août 2021 à 22 h 04, un train de fret n° 71 646 de l'Entreprise Ferroviaire Fret SNCF a déraillé à Saint-Hilaire-au-Temple (Marne) entre Châlons-en-Champagne et Reims sur la ligne 81 000. Le train comportait 20 wagons de transport de céréales. Il a déraillé peu avant un pont-rail permettant le passage sous la ligne ferroviaire à grande vitesse Est-Européenne (Paris à Strasbourg). La locomotive et les sept derniers wagons du train sont restés sur les rails, tandis que treize autres wagons se sont couchés et enchevêtrés. Deux wagons déraillés ont heurté le mur gauche de soutien de l'ouvrage. Les figures 1 et 2 décrivent le lieu de l'accident :
Figure 1 : vue aérienne de l'ouvrage d'art de la LGV Est-Européenne et de la partie déraillée du train
(Source SNCF)
Figure 2 : train accidenté  wagons déraillés de 9 à 1
(Source BEA-TT)
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1.2 -
Le bilan de l'accident
Le conducteur du train de fret a été blessé et choqué entraînant une interruption temporaire de travail de plus de 250 jours. La voie 2 de la ligne 81 000 est détruite sur 150 m, de même que la caténaire sur la même longueur. L'aiguillage du branchement de la voie 1 est détruit. Les trois premiers wagons se sont renversés sur le côté gauche. Les wagons 4 à 13 sont détruits laissant échapper leur contenu sur la voie et ses abords. À la suite de l'accident, le trafic entre Châlons-en-Champagne et Reims et le trafic sur la ligne sur la LGV Est ont été interrompus. La circulation sur la LGV a repris après l'obtention de l'assurance de l'intégrité du pont-rail et le passage de trains de reconnaissance pour vérifier le bon comportement des installations. Le pont-rail n'a pas été endommagé. Le trafic TER entre Châlons-en-Champagne et Reims a été suspendu du 27 août au 1er octobre 2021. Une circulation TER (n° 839 834 de Saint-Dizier à Reims) est passée voie 2 dans la courbe à la vitesse de 136 km/h, 43 minutes avant le déraillement, sans signalement de choc anormal. La circulation Fret n° 71 646 est entrée dans la courbe à 62 km/h. La circulation a déraillé sur une rupture de rail. La locomotive et les premiers wagons ont franchi la rupture sans encombre, ce qui ne fut pas le cas des wagons suivants. L'arrêt a été brutal du fait de l'immobilisation des wagons 4 et 5 sur le mur de soutien de l'ouvrage d'art. Les premiers constats font apparaître plusieurs ruptures de fatigue 1 verticales et longitudinales dans le rail de la file basse de la courbe du déraillement. Lors du passage sur la rupture, le rail s'est ruiné.
1.3 -
L'engagement de l'enquête
Au vu des circonstances de cet accident et de sa gravité, le directeur du bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) a ouvert le 30 août 2021 une enquête technique en application des articles L. 1621-1 à L. 1622-2 et R. 1621-1 à R. 1621-26 du Code des transports. L'accident entre dans la catégorie des accidents « graves » qui doivent faire l'objet d'une enquête obligatoire selon ce Code des transports s'agissant d'un déraillement ayant entraîné des dégâts matériels importants2. Le montant des dommages de l'accident a en effet été évalué en analyse immédiate par le BEA-TT comme supérieur à 4 M hors pertes d'exploitation. L'enquête vise à identifier les causes et circonstances de l'accident afin d'établir des recommandations. Les enquêteurs du BEA-TT ont contacté les autorités de gendarmerie en charge d'une enquête de flagrance qui n'a pas donné lieu à l'ouverture de poursuite. Ils se sont rendus sur place et ont rencontré les représentants de SNCF Réseau, gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire. Ils ont examiné la voie et le train impliqué. Ils ont recueilli le témoignage de l'agent de conduite du train impliqué et du dirigeant opérationnel de maintenance de la voie. Ils ont disposé de l'ensemble des pièces et documents nécessaires à leurs analyses.
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La fatigue est un processus (succession de mécanismes) qui sous l'action de contraintes ou déformations cycliques, répétées ou alternées modifie les propriétés locales d'un matériau et peut entraîner la formation de fissures et éventuellement la rupture de la pièce. La rupture en fatigue est un phénomène statistique ayant une grande dispersion. Il s'agit en effet, selon l'article L.1621-2 du Code des transports, d'un « déraillement de train faisant [...] d'importants dommages au matériel roulant, à l'infrastructure ou à l'environnement [...], sachant que l'on entend par « dommages importants » des dommages qui peuvent être immédiatement estimés par l'organisme d'enquête à un total d'au moins deux millions d'euros. »
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2 - La description du fait survenu
2.1 Le contexte de l'accident
2.1.1 - Le site de l'accident
La ligne ferroviaire reliant Reims à Châlons-en-Champagne est à double voie et classée en groupe UIC 63. Elle est numérotée 81 000. Les voies de la section de ligne en cause ont fait l'objet d'une régénération en 1983 avec des traverses béton bi-blocs et des longs rails soudés constitués de rails de réemploi. À compter de la mise en exploitation en 2007 de la ligne à grande vitesse Est-Européenne, la portion de voie 2 a été banalisée au passage sous le pont-rail de la LGV EE. Initialement de 120 km/h, la vitesse de ligne a été relevée à 140 km/h à cette occasion
Figure 3 : description de la ligne Reims et Châlons-en-Champagne
(Source SNCF modifiée BEA-TT)
La ligne est équipée en block automatique lumineux avec détection des trains par circuits de voie. Cette technologie permet la détection des ruptures franches d'un rail.
Figure 4 : plan technique de la zone de l'accident Extrémité de la rupture au Pk 187,150 de la voie 2, locomotive arrêtée au Pk 187,300 et dernier wagon déraillé au Pk 187,100 (Source SNCF modifiée BEA-TT)
3 UIC Groupe 6 : trafic estimé de 7 000 à 14 000 Mt par an
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Sur la section de ligne où a eu lieu l'accident :
la voie 2 a été localement électrifiée en 25kV 50 Hz en 2006 pour permettre la circulation électrique en contresens de la voie 1 de la LGV EE vers Châlons-enChampagne (voie 1) ; la voie 2 est en courbe avec un rayon 752 m et un dévers de 155 mm permettant une vitesse maximale de 140 km/h4. Les rails au profil U33 sont posés en long rail soudé sur un plancher béton de traverses VAX U20 de 1983 en profil de ballast renforcé ; les rails sont de remploi5 de fabrication d'avril 1955. Le long rail soudé regroupe des rails de 18 m de la même époque mais de fournisseurs différents : Wendel, Micheville, Burbach et Providence, ainsi que plusieurs coupons récents de type « 46 E2 ». Le rail à l'origine de la rupture est du fournisseur Burbach.
2.1.2 - La météorologie
Le jour de l'accident, à 22 h 05, la nuit était tombée et les conditions étaient une température 15 °C, une couverture nuageuse à 80 % et de légères précipitations (1 mm).
2.1.3 - Le train impliqué
Le train de fret n° 71 646 de l'EF Fret SNCF se dirige de Chavanges à Tergnier. Il est composé de 20 wagons de transport de céréales de 90 t chacun6. Le chargement en « blé tendre de meunerie » a eu lieu le 24 août 2021. La locomotive pèse 86 t. La masse des wagons était de 1794 tonnes. Le train était d'une longueur de 340 m et d'une masse totale de 1880t.
Figure 5 : wagon ERMEWA Transcéréale et locomotive BB 75000 Akiem
Le BEA-TT a analysé les organes de roulement, de freinage et de traction du train. Ceci n'a révélé aucun constat de nature à expliquer l'accident.
2.1.4 - La politique de surveillance et de maintenance des rails
Les points clés des référentiels définissant la surveillance et la maintenance des rails sur le RFN sont rassemblés à l'Annexe 2. Le fonctionnement nominal des circuits de voie, la tournée humaine visuelle périodique et la surveillance par ultrasons constituent les piliers de la surveillance des rails. Nous porterons ici une attention plus particulière aux « fissurations verticales longitudinales ».
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Dévers défini pour une vitesse d'équilibre de 100 km/h, à mi-chemin entre les 80 km/h des trains de fret et les 120 km/h vitesse maximale initiale pour les trains de voyageurs. Le processus de régénération de rails issus de dépose et de création de LRS à partir de rails anciens permettait, après divers contrôles non destructifs et rejets, de disposer in fine d'un produit réutilisable en voie. Il n'était pas pris attachement du trafic cumulé supporté des rails de réemploi constituant les LRS « de réemploi ». Charge utile pour les 20 wagons, est de 1 369 000 Kg de blé, soit 17,1 t par essieu sur les 22,5 t remorqués.
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La surveillance par circuit de voie En France, les sections de voie isolée équipées de circuit de voie doivent détecter en sécurité l'occurrence d'une rupture afin que la probabilité d'occurrence d'une seconde rupture sur la même file pouvant entraîner la non détection d'une circulation, soit nulle. La politique de surveillance du rail tient compte de l'existence ou non de circuits de voie. Les circuits de voie ne détectent pas certains défauts comme le défaut 113/213. La surveillance visuelle périodique du rail Des agents voie spécifiquement formés effectuent régulièrement des tournées de surveillance des rails. Leur périodicité est de 12 mois ±60 jours sur la section de ligne où a eu lieu l'accident. Ces tournées sont efficaces pour les défauts « émergeant » au niveau de la surface de roulement ou « modifiant » l'aspect extérieur du rail. La surveillance par ultrasons (US) de la voie courante Il s'agit d'un contrôle continu non destructif des rails, plus particulièrement du champignon, visant à révéler au mainteneur l'existence ou l'évolution de défauts internes. Ces derniers peuvent naître à partir d'une imperfection dans la conception du rail et se développent à mesure que le trafic cumulé supporté 7 par ces rails croît. SNCF Réseau utilise à cet effet trois engins lourds de contrôle par ultrasons dits ELUS. La périodicité de passage des ELUS est fonction de la classification en groupe UIC de la ligne. Celle-ci étant de groupe UIC 6 et équipée de circuits de voie, la plage normale est de 5 à 6 ans, avec possibilité d'adaptation à l'intérieur d'une plage réglementaire par le dirigeant local. Ces engins permettent l'auscultation de la voie à des vitesses variables, selon l'avis du chef de machine, jusqu'à 60 km/h. La matérialisation de l'auscultation US et de la détection de défauts de rails se fait par une projection de peinture, sur le patin du rail, couvrant la position de chaque présomption de défaut détecté. Elle se traduit aussi par la remise au mainteneur d'un rapport d'auscultation, reprenant les zones de voies auscultées et énumérant les présomptions de défauts détectés et identifiés par leur position géographique (ligne, voie, Pk, file). Les ELUS disposent par file de rail a minima de cinq types de capteurs effectuant des tirs ultrasons dans l'axe du rail et dont les orientations ont été optimisées en fonction des défauts les plus fréquents : -70° ; 0° ; +70° ; ainsi que ±70 ° décentré. Les techniques d'auscultation par ultrasons font l'objet de l'Annexe 2. La classification des défauts est la suivante :
« NR » défauts avérés mais dont l'amplitude est trop faible pour nécessiter un suivi ultérieur périodique ; « O » défauts de rails en voie dont la taille ne justifie pas encore d'intervention de maintenance selon les critères définis par SNCF Réseau ; « X » défauts de rails en voie requérant une action de maintenance dans un délai fixé par les référentiels (X2 pour les délais les plus courts, X1 pour les autres) ; « S » défauts de rails en voie requérant un arrêt immédiat des circulations ;
Dans tous ces cas le mainteneur doit réaliser une confirmation manuelle par des opérateurs ultrasons (OPUS) afin de lever la présomption de défaut ELUS. Cette confirmation s'effectue avec un dispositif portable spécial permettant d'optimiser l'orientation des capteurs et de disposer d'un temps suffisant pour mesurer avec précision le défaut afin d'effectuer une levée de doute certaine (traducteur manuel).
7 Nombre de flexions dues au passage d'une roue, nombre de glissements rail-roue.
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Le risque de fissuration verticale longitudinale du rail Ces défauts sont codifiés par l'UIC « 113 » ou « 213 » selon que le défaut est positionné en about ou en pleine barre. Ces défauts métallurgiques internes ne touchent en très grande majorité que les rails de fabrication en « coulée par lingotière8 » (i.e. moule). Le processus de fabrication de rail a été modifié dans les années 1975-77 : passage de la coulée par lingotière à la coulée continue. Cette technique a pratiquement permis d'éradiquer les défauts de « fissuration longitudinale verticale ». Ces défauts, généralement de grande longueur, sont principalement centrés dans l'axe vertical du rail mais peuvent être aussi partiellement décentrés comme le montre la figure 6. Dans ce cas, une fissure peut être visible au niveau de l'âme du rail ; à ce stade ils peuvent se révéler par leur trace longitudinale au raccord du congé âme champignon. Ces fissures verticales sont à développement progressif très lent. À son stade ultime cette fissuration débouche sur la table de roulement et dans l'âme sous la partie supérieure du congé âme champignon.
Figure 6 : exemple de fissuration longitudinale verticale du champignon
(Source BEA-TT)
Ces défauts sont difficilement détectables visuellement lors des tournées à pied avant un stade avancé. En fonction de la position centrée ou non de la fissure dans le champignon du rail et de sa distance au plan de roulement, ils ne sont pas systématiquement détectés par les engins d'auscultation même équipés du capteur spécifique « 113/213 ». Ces défauts ne sont systématiquement détectés que par un contrôle manuel par ultrason (OPUS) à l'aide du capteur spécifique « 113/213 » utilisé par un opérateur dûment formé. Peu nombreux au regard des autres pathologies des rails et soudures 9, ils font l'objet d'une attention particulière :
En 201010, une rupture en ligne due à un défaut 213 a conduit à un plan d'action national. Dès lors les défauts, retraits et ruptures de cette nature sont historisés dans l'application DEFRAIL sous l'appellation « DGL ZSS 113/213 » (défaut de grande longueur, zone de surveillance spécifique).
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Fin de l'acier Thomas en 1975 et début de la fabrication en « coulée continue » en 1977 Selon le Bilan Analyse des Rails (BAR) de SNCF Réseau sur l'année 2019, ces défauts sont intégrés dans la catégorie « Divers » pesant moins de 4 % des défauts rails recensés. 10 17 septembre 2010
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En 201111, l'évolution des règles de couponnage12 a permis de faire un pas dans la résolution de ces défauts. Si un tel défaut apparaît dans une barre, il est alors requis d'ausculter manuellement les 500 m de voie de part et d'autre du défaut confirmé, de faire de même autour de tout nouveau défaut du même type identifié, et ainsi de suite13. Néanmoins, cette règle n'a pas été appliquée par effet rétroactif autour des coupons mis en voie antérieurement à cette date. En 2014, mise en place sur deux engins d'auscultation ELUS de capteurs adaptés à ce type de défaut. En 2018 a été ajouté le besoin de retirer la barre élémentaire.14
La politique de maintenance du rail La réparation et le remplacement des rails fissurés ou rompus des voies principales fait l'objet du référentiel MT 02 071 de juin 2018 (Annexe 2). Les principales évolutions récentes de ce texte portent notamment sur :
l'extension à certains défauts, dont les défauts 113 et 213, de l'obligation du retrait de la « barre élémentaire » ; des compléments sur la pratique du couponnage lors d'une réparation définitive ; l'introduction de critères de différence d'usures verticales entre le coupon provisoire et les rails encadrants.
La réparation définitive du rail est réalisée par couponnage. Celui-ci permet de rétablir la continuité mécanique du rail éliminant le défaut ou la rupture, tant en « barre normale » qu'en LRS. La longueur minimale de ce coupon de rail neuf, hors certains défauts dont les défauts 113 et 213, est de 4 m lorsque le rayon de la courbe reste supérieur à 1 000 m et de 6 m dans le cas contraire. En présence d'une fissuration verticale longitudinale du champignon, de l'âme ou du patin, l'ensemble du rail élémentaire est à retirer de la voie et à ferrailler.
2.1.5 - Le retour d'expérience de la surveillance des défauts 113 et 213
Le retour d'expérience de ces dernières années quant au nombre de remplacements de rails (de longueur variable) suite à défaut confirmé par année depuis 1998 est donné sur les figures 7 à 11. Le nombre de remplacements de rails en « barre normale » a fait l'objet d'un pic significatif du fait du plan d'action de 2010 évoqué plus haut, ce qui n'a pas été le cas en 2018 lors de la mise en route des capteurs spécialisés sur les ELUS. Le résultat est plus mitigé en « longs rails soudés ».
11 mai 2011 12 « couponnage » opération consistant à remplacer un rail défectueux par un rail neuf en assurant la continuité mécanique des rails par deux soudures aluminothermiques 13 Dans la limite de 5 000 m 14 « barre élémentaire » de 18, 24, 36 ou 90 m  élément de rail fabriqué en une fois
11
Figure 7 : nombre de remplacements de rail en « barre normale » / défaut 113
(Source SNCF)
Figure 8 : nombre de remplacements de rails en pleine barre / défaut 213
(Source SNCF)
Le retour d'expérience sur la période 2000 à 2021 quant au nombre de « signalements de défauts » par mode de découverte (figure 9 et 10) est instructif.
Figure 9 : nombre de détections de défauts par mode de signalement  avant plan d'action 2021
(Source SNCF)
12
Figure 10 : nombre et classement des défauts 113/213 par année du rail  yc plan d'action 2021
Pour mémoire les défauts S, X et O sont définis chapitre 2.1.4 (Source SNCF)
Plusieurs constats peuvent être faits à partir de ces historiques :
à partir de 2009 d'une part, il n'existe quasi plus de détection des défauts 113-213 par signalement d'agents lors de travaux voie et, d'autre part, les tournées ELUS conduisent à la révélation de défauts de type 113-213 (bleu) ; à partir de 2015, le nombre de défauts 113-213 détectés a été réduit de plus de la moitié. Cette baisse brutale pose question15 ; à la fin 2021, dans le cadre du plan d'action lancé par SNCF réseau suite à l'accident objet du présent rapport, une nouvelle méthodologie OPUS a été mise en oeuvre permettant de trouver de nombreux défauts (périmètre de recherche affiné et méthodologie de recherche spécifique16). Plus de 450 défauts 113-213 ont été révélés, essentiellement sur le territoire Nord-Est-Normandie. Le plan d'action a révélé une proportion accrue de défauts « S » (passage de 2 à 14 %).
Au niveau national, la distribution des années de fabrication des rails porteurs de défauts 113 ou 213 est illustrée par la figure 11.
Figure 11 : nombre de défauts 113/213 par année de fabrication du rail
(Source SNCF)
15 À partir de 2014 le nombre de défauts trouvés par les engins d'auscultation ultrasons baisse. Le plan d'action de fin 2021 a révélé une forte augmentation du nombre de défauts 213 de classification « S » 16 Recherche latérale sur la face intérieure du champignon
13
Une correspondance apparaît entre la distribution du nombre de défauts et le linéaire de rails en service et fabriqués par la technique de la « coulée par lingotière ». L'année de fabrication médiane est de 1955. Les rails les plus anciens sont sur des lignes à faible trafic, souvent non équipées de circuits de voie, là où les détections par ELUS sont les plus difficiles compte tenu de la nature ancienne et hétérogène des rails. Le risque y est le plus élevé. Pour les rails de fabrication très ancienne, les défauts de fissuration verticale longitudinale constituent un risque réel quant à la sécurité des circulations. Malgré les progrès de la technique, leur détection reste un enjeu majeur en matière de surveillance des rails, essentiellement la partie Nord-Est-Normandie du réseau ferré national où cette génération de rails anciens est très fréquente et où la difficulté de détection explique les difficultés actuelles à trouver ce défaut. L'alerte constituée par l'accident objet de ce rapport a généré une mobilisation des moyens pour chercher ce type de défaut. Le plan d'action de fin 2021 a montré que les 4 lignes les plus sujettes aux défauts de fissuration verticale longitudinale du rail sont dans cette partie du réseau ferré national.
2.2 -
Description factuelle des évènements
2.2.1 - Les résumés des témoignages
Les résumés des témoignages sont établis par les enquêteurs techniques sur la base des déclarations orales ou écrites dont ils ont eu connaissance. Ils ne retiennent que les éléments qui paraissent utiles pour éclairer la compréhension et l'analyse des événements et pour formuler des recommandations. Il peut exister des divergences entre les différentes déclarations ou entre ces déclarations et des constats ou des analyses présentés par ailleurs. Le conducteur du train Le conducteur est expérimenté, habilité à circuler sur le RFN depuis plus de 25 ans. Il est parti du chantier de Châlons-en-Champagne à 30 km/h. Après dégagement des aiguilles, il tractionne jusqu'à atteindre la vitesse de 75 km/h. Il coupe la traction au passage du bâtiment voyageur de Saint-Hilaire-au-Temple. À l'approche de l'ouvrage sous la LGV EE, il s'aperçoit, du fait de l'absence de reflet de la lumière des phares sur la surface de roulement du rail, que le rail gauche est « manquant »17. Puis il ressent une secousse importante. Il actionne le bouton d'arrêt d'urgence et lance les alertes lumineuses et radio qui fonctionnent. Quelques dizaines de mètres après il est projeté en avant de son siège18. Sa locomotive s'immobilise avant le Pk 187,3. Il descend de machine pour reconnaître l'état de son train. Il rend compte de l'accident aux agents circulation des postes de Reims et de Châlons-en-Champagne. Il avise son dirigeant de proximité traction à 21 h 18, soit dix minutes après l'accident. Le dirigeant d'unité opérationnelle voie Le dirigeant d'unité opérationnelle voie est en charge de la maintenance de la ligne de Reims à Châlons-en-Champagne. Le trafic sur cette voie est ponctuellement important du fait des campagnes céréalières et mouvements militaires.
17 Le demi-champignon extérieur étant préalablement tombé, le reflet de l'éclairage sur la surface de roulement du rail s'en est trouvé réduite. 18 Il est projeté en avant vers la vitre frontale de la locomotive. La décélération est brusque et supérieure à la possibilité normale de freinage de la locomotive.
14
À sa demande, le cycle des auscultations par ELUS a été réduit de 5 à 4 ans. La dernière tournée d'auscultation a eu lieu le 13 novembre 2019 et n'a fait apparaître aucun défaut 213 sur la voie 2 incriminée. Il en est de même de sa dernière tournée de dirigeant. La tournée d'émergence19 avec la direction de l'infrastructure a engagé un processus de remplacement des rails de la courbe prévu en 2027.
2.2.2 - Le constat à l'arrivée sur les lieux
La situation après l'accident est représentée par la figure 12.
Figure 12 : illustration de la position des wagons déraillés, hors wagons 14 à 20 non déraillés
(Source BEA-TT)
Les premiers constats réalisés sont que :
Le rail gauche de la file basse de la courbe est trouvé rompu au Pk 187,150 (point rouge sur le schéma  le défaut s'étendait du Pk 187,148 au Pk 187,152, dans la suite du rapport la rupture sera localisé au Pk 187,150) ; La locomotive BB 475 436 et les premiers wagons en tête du train ont franchi la rupture de rail sans dérailler ; Les treize premiers wagons ont déraillé, les quatre premiers vers l'intérieur de la courbe, les suivants se mettant « en accordéon » avec engagement de la voie 1 ; Le bogie arrière du quatrième wagon et le bogie avant du cinquième wagon se sont encastrés dans le mur en retour du pont-rail de la LGV EE.
2.2.3 - Le dépouillement de l'enregistrement des paramètres de conduite du train
L'enregistrement ATESS (figure 13) montre que le train a abordé la courbe à 62 km/h. Le déclenchement du bouton d'arrêt d'urgence est observé quelques dizaines de mètres avant le franchissement du défaut de rail (Pk 187,150).
19 Tournées de validation des projets de renouvellement proposés par l'Infrapôle assurant la maintenance des infrastructures  le détail de ces tournées fera l'objet du § 3.1.3
15
Figure 13 : relevé ATESS de l'engin de traction BB 575436
(Source SNCF modifié BEA-TT)
Quelques dizaines de mètres après ce défaut apparaît une décélération brutale en 90 mètres jusqu'à l'arrêt total. Le relevé fait apparaître plus en détail :
un essai de roulage à 19 km/h sur une distance de 300 mètres (avec une prise de vitesse de 3 km/h en pente) réalisé à Châlons-en-Champagne (Pk 171) ; une montée de vitesse à 75 km/h en 6 km en pente et une réduction de vitesse à 50 km/h sur 4 km en rampe de 11/1000 ; une montée de vitesse à 70 km/h en 3 km en pente ; le passage de Saint-Hilaire-au-Temple (Pk 186,1) à 75 km/h et une coupure de la traction ; le bouton d'arrêt d'urgence est enfoncé à 62 km/h au Pk 187,15 immédiatement suivi des commandes des signaux d'alerte lumineux et radio ; le passage de 62 à 0 km/h en 10 secondes (décélération d'environ 2 m/s2).
La décélération est supérieure à celle réalisable par les seuls moyens de freinage du train qui serait de l'ordre de 1 m/s². L'accrochage des wagons 4 et 5 après leur déraillement sur le pont-rail a participé à l'arrêt brutal du convoi.
2.2.4 - Les défauts des rails accidentés
Les investigations menées la nuit de l'accident ont fait apparaître plusieurs ruptures verticales longitudinales dans le champignon du rail de la file basse de la courbe du déraillement. Le demi-champignon extérieur a été retrouvé intact sur une longueur de 2,70 m. La fissuration a changé de nature en atteignant la soudure aluminothermique avec le coupon de rail en amont dans le sens de circulation. Les rails correspondant au « trou » de la voie 2 du Pk 187,275 au 187,143 sont des rails de fabrication ancienne marqués 1955 U33 de quatre constructeurs Wendel, Micheville, Burbach et inconnu. Il existe, au vu des poinçons des soudures aluminothermiques, des coupons mis en voies en 2002, 2011, 2013 et 2019. Les fissurations non détectées présentes avant le déraillement sont visibles au niveau des rails récupérés. Les rails au niveau de la rupture ont été prélevés pour être expertisés. La figure 14 illustre les constats rails opérés la nuit de l'accident.
16
Les résultats des examens et essais réalisés sur les éléments transmis au Laboratoire d'Expertises Métallurgiques de Saint-Ouen de SNCF Réseau font l'objet de l'annexe 5. Elle donne une description plus précise de la rupture multiple du rail de la voie 2 à compter du Pk 187,148, fissuration verticale longitudinale qui s'est propagée depuis plusieurs années dans le champignon du rail du fabricant Burbach de 1955. La rupture est de type « rupture multiple » et présente de nombreuses composantes (figure 15) :
une composante verticale longitudinale dans l'axe du champignon sur une longueur d'au moins 3,10 m ; cette composante étant désaxée côté extérieur de la voie sur les éléments les plus éloignés de la soudure aluminothermique ; une composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme sur une longueur d'au moins 3,10 m ; une composante transversale sur l'ensemble du profil à proximité de la soudure ; de multiples composantes transversales.
Figure 14 : fissuration verticale du rail  champignon du rail tombé à l'extérieur de la voie
(Source SNCF)
Figure 15 : propagation des fissurations
(Source SNCF modifié BEA-TT)
Le défaut a été codifié 213. La composante verticale longitudinale dans l'axe du champignon montre :
une fissuration verticale longitudinale oxydée dans le champignon, indiquant une fissuration développée en service et antérieure au déraillement ; une zone d'amorçage située à plus de 2,50 m de la soudure aluminothermique ; une zone fissurée en service débouchant sur la table de roulement située au-delà de cette zone d'amorçage d'une longueur de 330 mm.
17
la fissuration verticale longitudinale codifiée 213 s'est propagée sur 13 mm dans la soudure aluminothermique ; cette fissuration ne se propage pas dans le rail de profil 46E2. La fissuration n'était pas débouchante sur l'about de rail lors de la réalisation de la soudure en 2013. un faciès oxydé du côté extérieur voie, caractéristique d'un développement antérieur au déraillement ; une bande matée homogène sur le bord de l'âme côté extérieur voie, témoignant de frottements en service entre les deux parties de la fissuration ; une zone de propagation rapide de type semi-fragile non oxydée du côté intérieur voie correspondant à la zone de rupture brutale finale de cette composante, vraisemblablement survenue lors du déraillement.
La composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme montre :
La composante transversale sur l'ensemble du profil à proximité de la soudure montre (figures 16 et 17) :
une fissuration transversale oxydée dans le champignon côté extérieur voie et dans l'âme jusqu'au congé âme-patin, initiée depuis la fissuration verticale longitudinale codifiée 213 et survenue avant le déraillement ; une seconde fissuration transversale oxydée de petite taille dans le champignon côté intérieur voie dans la soudure aluminothermique.
Figure 16 : fissuration transversale à proximité de la soudure aluminothermique avec les coupons de rail 46E2
(Source BEA-TT)
Figure 17 : propagation des fissurations
(Source SNCF)
18
En synthèse l'analyse de la rupture multiple montre l'existence d'une fissuration verticale longitudinale de grande longueur majoritairement développée dans l'axe du champignon du rail. Cette fissuration, codifiée 213, est antérieure au déraillement. Elle s'est développée par fatigue en service sur une longueur d'au moins 3,70 m en débouchant en partie supérieure de l'âme côté extérieur voie. Une composante verticale transversale s'est développée jusqu'au congé âme-patin depuis ce défaut 213. Cette fissuration transversale oxydée, résultante de l'arrêt de la fissuration verticale longitudinale codifiée 213 sur la soudure aluminothermique, était débouchante sur les deux côtés de l'âme avant le déraillement. Les examens ont montré de nombreuses ségrégations marquées, caractéristiques de la fabrication des rails anciens issus du laminage de l'acier coulé en lingotière. Ces ségrégations, qui présentent une orientation verticale longitudinale dans la partie inférieure du champignon, ont favorisé le développement de la fissuration sur une longueur importante, depuis une zone d'initiation à plus de 2,50 m de la soudure aluminothermique. Le défaut 213 est ancien et partiellement débouchant. Le BEA-TT a retrouvé d'autres morceaux de rails qui permettent d'illustrer les résultats des examens et analyse dont il est fait état plus haut (figure 18).
Figure 18 : éléments de demi-champignon extérieur
(Source BEA-TT)
Il apparaît que :
la fissuration est fortement oxydée témoignant d'une fissuration préexistante et ancienne. Elle réduit la largeur active de l'âme de 3 à 4 mm ; sur des morceaux de rail avec leur « âme », les traces et échauffements montrent que les roues ont circulé sur celle-ci avant que le rail ne se ruine sous la charge.
2.2.5 - Les dommages au train accidenté
Les constats de l'avant vers l'arrière du train sont les suivants. La locomotive a franchi la rupture du rail de près de 4 mètres sans dérailler et sans dégât, tant interne qu'externe. Puis les trois premiers wagons sont couchés sur le côté gauche. Les bogies de ces wagons ont pivoté, les roues gauches se sont fichées dans le sol telles des « bêches d'ancrage », contribuant au freinage du train. Le wagon 4 a déraillé vers la gauche, ainsi que les wagons qui le suivaient. Les bogies des wagons 4 et 5 se sont accrochés au niveau de l'angle supérieur du mur en retour gauche de l'ouvrage. Ceci a provoqué l'arrêt brutal de la locomotive et de ses trois premiers wagons. Le mouvement dynamique a désolidarisé l'attelage entre les wagons 3 et 4, sans rupture de celui-ci. Les wagons 5 à 13 se sont encastrés les uns dans les autres. L'effort de compression de la queue du train a conduit à la mise en accordéon de certains wagons, l'interpénétration d'autres.
19
Après l'accident le gabarit de la voie adjacente est engagé. Les 13 premiers wagons sont détruits, les essieux et les bogies se sont désolidarisés des caisses, la matière transportée s'est répandue massivement au sol. Les figures 19 à 21 montrent que :
la locomotive et les premiers wagons 1 et 2 (wagon 3 au moins en partie) ont franchi la rupture multiple du champignon sans dérailler, en roulant sur l'âme du rail ; le wagon 4 est suffisamment sorti de la voie pour que son second bogie « monte » sur le mur en retour du pont-rail de la LGV EE et s'y immobilise. Le premier bogie du wagon 5 suit le même parcours et s'y immobilise de même ; sous l'effet de la tension entre le wagon 4 et la tête du train, l'engin de traction en particulier, les wagons 1 à 4 s'alignent, faisant basculer vers l'intérieur de la courbe les wagons 1 à 3 et, et provoquant l'arrêt brutal de l'engin de traction. Les roues gauches du premier bogie du premier wagon marquent lors du basculement, les blochets intérieurs gauches des traverses.
Figure 19 : wagon 1 renversé du fait de la tension avec les wagons encastrés dans l'ouvrage et pivot autour de l'attelage de la locomotive
(Source BEA-TT)
Figure 20 : vue du wagon 2 sous le pont-rail de la LGV EE
(Source BEA-TT)
20
Les wagons 4 et 5 sont sortis de la voie à gauche à partir de la rupture de rail, ils ont remonté la partie supérieure du mur en retour jusqu'à atteindre l'angle avec la verticale de l'ouvrage lui-même. Ils ont « poussé » le rail gauche intérieur de plusieurs mètres. Le wagon 5 s'est déformé sous l'effet de son accrochage sur l'ouvrage et de la pression de la suite du train. Les wagons 6 à 8 s'enchevêtrent, se couchent mais restent en quasi-alignement.
Figure 21 : vue des wagons 4 et 5 « accrochés » sur l'angle du mur en retour du pont-rail
(Source BEA-TT)
Figure 22 : vue des wagons 4 et 5 « accrochés » sur l'angle du mur en retour du pont-rail
(Source BEA-TT)
21
Figure 23 : vue des wagons 4 à 10 déraillés, renversés en alignement
(Source BEA-TT)
Figure 24 : vue du wagon 9 particulièrement déformé
(Source BEA-TT)
Les wagons 10 à 13 se mettent en accordéon sans entièrement se renverser.
Figure 25 : vue des premiers wagons en « accordéon »
(Source BEA-TT)
22
Figure 26 : vue des wagons 12 à 11 déraillés en accordéon avec engagement de la voie 1
(Source BEA-TT)
Figure 27 : vue du wagon 13 (dernier wagon déraillé) avant la rupture de rail
(Source BEA-TT)
Le BEA-TT a inspecté les wagons incriminés :
sur les wagons « couchés » de côté, les systèmes de freinage ont été testés avec succès ; sur l'ensemble des essieux accessibles, le profil des roues a été examiné sans faire apparaître de situation non conforme ; aucun attelage entre wagon n'a rompu, même ceux qui reliaient : · les wagons 3 et 4 (l'attelage s'est décroché du wagon 3 sous la dynamique de son basculement) , · le wagon 1 et l'engin moteur (l'attelage a servi d'axe de rotation pour le basculement du wagon 1, il a dû être coupé pour libérer la locomotive).
la rotation sous contrainte des bogies des wagons 1 à 3 a : · éventré le contenu des wagons (du fait de la rotation à 180 °C des bogies) et fait écouler leur contenu, · positionné et immobilisé les essieux de sorte que les roues en position inférieure entrent en terre jusqu'à l'axe de rotation constituant des « bêches d'ancrage ».
23
les wagons 6 à 9 se sont encastrés quasi linéairement, ceux 10 à 12 se sont mis en « portefeuille », s'immobilisant quasi perpendiculairement aux voies et avec un engagement complet du gabarit de la voie 1 ; les axes de rotation de certains bogies des wagons 6 à 9 ont rompu, libérant les essieux désolidarisés de leur logement.
Le BEA-TT n'a pu identifier aucun élément factuel qui permettrait d'impliquer les matériels roulants dans l'origine du déraillement, que ce soit l'engin de traction ou les 13 premiers wagons du train (les 7 derniers wagons n'ont pas été examinés). La figure 28 illustre la position finale des wagons du train déraillé.
Figure 28 : situation finale des wagons déraillés
(Source BEA-TT)
2.2.6 - Les dommages à l'infrastructure
Les paragraphes 2.2.3 et 2.2.4 montrent que la rupture du rail intérieur gauche a conduit au déraillement du train et aux dégâts en aval aux matériels roulants et à l'infrastructure. La voie ferrée La voie ferrée est détruite à partir du Pk 187,148, débouché final de la rupture multiple de la file gauche de rail. Plusieurs roues sont passées sur ce point singulier en roulant sur l'âme du rail jusqu'à tant le ruiner que les roues suivantes ont pu successivement :
traverser le rail de la file gauche et entraîner le rail vers l'avant avec rupture entre le patin du rail restant solidaire des traverses, et la partie âme champignon ; s'enfoncer dans la plateforme et pousser en avant les blochets gauches des traverses entraînant leur déséquerrage voire leur extraction du lit de ballast ; s'écarter vers l'intérieur de la courbe de la trajectoire initiale.
Sous leur effet successif, les roues gauches des wagons (a priori de 3 à 10) ont labouré la plateforme, cassé les blochets gauches des traverses et poussé le rail gauche jusqu'à le faire émerger au niveau du pont-rail. Sous cette action le rail de la file de gauche se désolidarise des traverses, puis se rompt à plusieurs reprises dans une seconde partie.
24
Figure 29 : vue au niveau de la rupture
(Source BEA-TT)
Le rail gauche poussé par les bogies déraillés a perdu son patin resté solidaire des blochets gauches des traverses en béton.
Figure 30 : deséquerrage des blochets de la file gauche de la voie 2 avant la rupture
(Source BEA-TT)
25
Figure 31 : rail gauche avec perte du patin de 4 Ã 5 m en aval de la SA du Pk 187,148
(Source BEA-TT)
Sous les wagons 9 à 6, le rail de la file de gauche s'est rompu en plusieurs endroits. Le rail « poussé » par les roues des wagons comme indiqué plus avant, ressort sous « forme de boucle » au niveau du pont-rail jusqu'à atteindre le wagon 3 couché sous l'ouvrage. Sous l'effort d'entraînement des traverses, le rail de la file de droite s'est rompu de même au niveau d'une soudure aluminothermique au Pk 187,156 (sous le wagon 12). Le rail droit, bien que rompu sous le wagon 11, est resté solidaire des blochets droits des traverses en béton.
Figure 32 : voie 2 détruite  rail droit apparent et traverses bi-blocs arrachées
(Source BEA-TT)
Cent-cinquante mètres de voie sont à renouveler après avoir rétabli une superstructure correcte (la plateforme a été creusée par les roues des bogies, par endroit profondément ; le vide crée a été rempli par les matières transportées). En synthèse les constats opérés laissent à penser que :
sous l'effet des roues de l'engin de traction et des premiers wagons le demi-champignon intérieur restant a rompu, créant des éléments de courtes longueurs et permettant la circulation des roues sur la partie haute de l'âme du rail ; le rail ainsi circulé rompant sous l'effet du chargement, les roues gauches ont dû tomber dans le ballast entraînant d'une part, l'âme du rail gauche dans le sens du mouvement et, d'autre part, les traverses vers l'avant ; les bogies suivants, restant guidés par le rail droit, trouvent une trajectoire vers la gauche creusant la plateforme à gauche de la voie.
26
Figure 33 : vue générale depuis le pont-rail rail droit sur les blochets de traverses  rail gauche rompu
(Source BEA-TT)
Figure 34 : vue générale depuis le pont-rail rail gauche poussé et libéré des blochets des traverses
(Source BEA-TT)
En se concentrant sur les mouvements de barres LRS au cours de l'incident, il vient le schéma de la figure 35 avec plusieurs ruptures dues aux chocs du déraillement.
27
Figure 35 : situation finale estimée des rails
(Source BEA-TT)
2.3 -
Le déroulement reconstitué de l'accident
Le 26 août 2021 à 20 h 01, le TER n° 839 635 est passé au Pk 187,5 de la voie 2 en direction de Reims à la vitesse de 136 km/h. Le conducteur n'a rien ressenti au passage de l'ouvrage LGV EE. Aucune anomalie n'a été relevée sur le train. Le demi-champignon extérieur s'est vraisemblablement désolidarisé au passage de ce TER. Une longueur de 2,7 m a été retrouvé intacte après l'accident. À 21 h 04, le train de Fret n° 71 646 passe au Pk 187,5 de la voie 2 en direction de Reims à la vitesse de 62 km/h. Le conducteur observe une absence partielle de champignon du rail de file gauche avant le pont-rail de la LGV EE. La locomotive et en toute vraisemblance les deux premiers wagons franchissent la rupture. Le wagon 3 sort des rails sur la rupture et passe sous l'ouvrage. La queue du wagon 4 et la tête du wagon 5 sortent de la voie et s'ancrent sur le mur en retour du pont-rail, provoquant les effets suivants :
Les wagons 1 à 3 se mettent en alignement entre la locomotive et l'attelage du wagon 4. Sous l'effet cumulé de cette force d'alignement, et du dévers de leurs bogies, lui-même accentué, pour certains, par leur sortie de la voie, ils basculent vers l'intérieur de la courbe renversant un poteau caténaire. Sous l'effet du retournement, les bogies des wagons pivotent amenant les essieux à se comporter comme des « bêches » qui s'enfoncent dans le bas-côté, assurant un fort effort de retenue qui arrête brutalement la locomotive restée sur les rails. Sous un effet dynamique l'attelage entre les wagons 3 et 4 se décroche. Les wagons 6 à 13 se percutent et se mettent « en portefeuille » sous l'effet de la masse du train, engageant la voie contiguë, déplaçant l'appareil de voie sur V1, labourant la voie 2. Seuls les sept derniers wagons restent sur les rails.
Par mesure de précaution, les circulations sont interrompues sur la LGV EE du fait du choc de wagons déraillés sur le mur gauche de l'ouvrage. Une inspection de celui-ci est immédiatement lancée. Les circulations ont repris après vérification de la géométrie par le TGV balai du matin 27 août 2021. Aucun défaut significatif n'a été découvert. La ligne Reims à Châlons-enChampagne est totalement fermée au trafic jusqu'au 1er octobre 2021.
28
La cinématique de déraillement
Figure 36 : étape 1 déraillement du 2e bogie du wagon 3 et des wagons suivants (Source BEA-TT)
Figure 37 : étape 2 déplacement vers la gauche des wagons 4 et 5 et suivants (Source BEA-TT)
Figure 38 : étape 3 accrochage des wagons 4 et 5 sur le mur en retour du pont-rail (Source BEA-TT)
Figure 39 : étape 4 arrêt brusque de l'avant du train, déversement des wagons 1 à 3 et mise en accordéon du train jusqu'au wagon 13 (Source BEA-TT)
29
3 - L'analyse du fait survenu
3.1 La voie avant l'accident
Ce paragraphe va rappeler les orientations générales de maintien des voies du groupe UIC 6 du réseau ferré national et faire état des différents constats et analyses réalisés plus spécifiquement sur la portion de voie où a eu lieu l'accident.
3.1.1 - Les voies du groupe UIC 6
L'audit du réseau ferré national réalisé en 2017 20 pour le compte de SNCF Réseau met notamment en avant les points suivants :
Le nombre de rails en voie avec des défauts « O », dont la taille ne justifie pas encore d'intervention de maintenance selon les critères définis par les référentiels de SNCF Réseau, a sensiblement augmenté depuis 2002 ; Le nombre de défauts « O » éliminés par remplacements de rail a sensiblement diminué depuis 2010. Aujourd'hui le réseau compte plus de 200 000 défauts « O » et « X » répertoriés (la moitié des défauts sont liés à la fatigue de contact rail-roue ce qui est hors du champ de ce rapport). Ceci traduit un vieillissement des rails du réseau national, notamment sur les voies de groupe UIC 6 et plus ; Le nombre de ruptures de rail est en baisse ; la conjonction des deux tendances montre que SNCF Réseau a amélioré sa maîtrise du risque grâce notamment à la mise en oeuvre de nouvelles technologies de surveillance et d'une maintenance renforcée (les dépenses liées aux retraits de coupons de rail ont augmenté d'environ 40 % au cours des 6 dernières années). Un quart des ruptures surviennent sur les lignes des groupes UIC 5 et 6.
Si le risque de rupture de rails est pris en compte et traité au niveau national, il ne faut cependant pas perdre de vue le « stock » important de défauts de rails en voie, stock qui devra être résorbé à terme au prix d'une politique volontariste de régénération. La maîtrise dans la durée du risque de rupture de rails repose sur une capacité industrielle suffisante ; c'est un équilibre précaire qui peut être rapidement déstabilisé par l'émergence de nouveaux phénomènes de fatigue, constituant ainsi un risque stratégique sur le coût de vie et sur la disponibilité. Afin de visualiser les effets du vieillissement et des opérations de renouvellement sur l'état du réseau ferré national, SNCF Réseau a construit un indicateur spécifique d'âge moyen relatif (de chaque composant rail  traverse  ballast au regard de leur durée de vie théorique et de leur date de pose). Cet indicateur est appelé indice de consistance de la voie ou ICV21 ; plus le tronçon de voie est récent, plus la note ICV est élevée (maximum 100), un actif en fin de vie (durée de vie résiduelle nulle) reçoit la note de 10, la note 0 n'est atteinte qu'après 5 ans supplémentaires. La figure 40 illustre l'évolution de l'ICV. Celui des voies des groupes UIC 5 à 6 s'est amélioré de 2005 à 2012 et s'est légèrement dégradé depuis pour atteindre une valeur d'environ 50. Cet indice devrait être minoré afin de tenir compte de l'âge réel des rails de réemploi et non de celui dans leur seconde vie. Il convient de considérer que l'état moyen du réseau
20 « Audit sur l'état du réseau ferré national  Rapport de la mission » pour SNCF Réseau en date du 19 mars 2018  Cet audit sur l'état du réseau a été confié à un groupement d'experts internationaux des bureaux de conseil IMDM Infra Consulting, Vevey (Suisse), Geste Engineering, Ecublens (Suisse), Rebel Group, Rotterdam (Pays-Bas). Le groupement a bénéficié du concours de Rail Concept, Les Angles (France), pour le prétraitement des données. Cet audit cyclique est réalisé en application de la recommandation R4 du rapport d'enquête du BEA-TT sur l'accident de Brétigny. 21 « Politique de renouvellement du domaine voie  périmètres des lignes classiques »  Annexe 4 « ICV  principes de calcul » et Annexe 1 « Échéances théoriques de fin de vie des composants de la voie ».
30
indiqué par l'indicateur ICV cache de grandes disparités entre les voies récemment renouvelées et celles très anciennes dont les composants ont atteint leur durée de vie.
Figure 40 : trajectoire des ICV en regard des volumes investis par kilomètre de voie
(Source Audit du réseau 2018)
Les longueurs des voies des groupes UIC 5 à 6 ayant atteint leur durée de vie sont d'environ 2 300 km sur 13 200 km, illustrant à la fois les effets des efforts consentis depuis 2007 mais aussi l'importance des efforts qui sont encore à fournir afin d'éradiquer les linéaires hors d'âge quasi totalement équipés de rails anciens. L'audit de 2018 préconise d'injecter des sommes supplémentaires dans la régénération des voies des groupes UIC 5 à 6 afin de résorber ce déficit de renouvellement, notamment quant aux rails anciens.
3.1.2 - La géométrie de la voie
Le paragraphe suivant va permettre d'examiner les données concernant la maintenance de la voie au niveau local. Le dernier enregistrement de type Mauzin Le relevé de la géométrie de la voie, dit relevé de type Mauzin, présente de droite à gauche les grandeurs suivantes (figure 41).
Figure 41 : relevé de la géométrie de la voie 2 de la zone de l'accident
(Source SNCF Réseau modifé BEA-TT)
31
L'analyse de ce relevé fait apparaître entre les Pk 187,1 et 187,3 un défaut de nivellement (N2), entraînant un « gauche22 », en amont de la rupture, de nature à créer une sollicitation dynamique additionnelle sur le rail au passage des essieux. La voie 2 en amont du joint isolant collé du Pk 187,076, modernisée en rail UIC60, est correcte en nivellement, dressage et écartement. L'historique TIMON L'application informatique TIMON traite les enregistrements de géométrie successifs afin de permettre la visualisation de l'indicateur NL23 qui est l'écart type du nivellement longitudinal moyen (NL). Les opérations de bourrage mécanique lourd (BML) apparaissent par une baisse de la valeur de l'indicateur NL. La figure 42 montre l'évolution du NL sur la voie 2 au Pk 187 entre les années 1998 et 2021. Une augmentation de la vitesse de dégradation de la géométrie de la voie apparaît à partir de 2007 et de 2019. Ceci est sûrement lié à l'augmentation du tonnage annuel brut circulé sur la voie 2. Les relevés transmis par SNCF Réseau montrent, entre 2016 et 2019, une augmentation de 24 % du tonnage brut circulé.
Année 2016 2017 2018 2019 TBC 7050 7389 7860 8714
La dernière opération de BML a été réalisée en avril 2013 et a réduit la valeur de l'indicateur NL de 1,4 à 0,7. En 2021 celui-ci avait à nouveau atteint la valeur de 1,4. La pente moyenne de variation du NL sur la période 2013 à 2021, tenant compte de l'augmentation du trafic, est de 0,088 NL/an. Précédemment la pente était de 0,036 NL/an en moyenne. La trajectoire présente une légère rupture de pente en 2008 du fait l'augmentation du trafic et de la vitesse de circulation des trains de voyageur à compter de l'ouverture de la LGV EE en 2007. Cette augmentation de la vitesse de circulation de 120 à 140 km/h a été réalisée sans renforcement de la voie, tant de son armement que des rails. La dégradation des conditions de géométrie entraîne une sollicitation supplémentaire des rails et est de nature à accélérer la progression des fissures internes des rails.
Figure 42 : relevé de la géométrie de la voie de la zone de l'accident
(Source BEA-TT) 22 Le gauche « g3 » traduit l'écart de nivellement sur les deux files sur une base de 3 mètres 23 Écart type moyen des relevés du nivellement du rail de droite N1 et du rail de gauche N2 sur 200 m de la voie inspectée
32
Cette voie n'a pas été modernisée à l'occasion du projet LGV EE. La vitesse de dégradation de la géométrie de la voie s'accroît du fait de son vieillissement naturel, de l'augmentation du trafic cumulé, de la vitesse des circulations et de la nature des matériels. L'indice de nivellement longitudinal NL atteint la valeur importante de 1,4. Un défaut de nivellement de la file gauche24 existait ainsi une dizaine de mètres avant l'endroit de la rupture. Ces constats entraînent des sollicitations dynamiques accrues des rails déjà anciens, notamment pour les circulations sur la voie 2. Ces facteurs peuvent être considérés comme « facilitant » de la rupture de rail.
3.1.3 - L'état des rails
Le couponnage des rails sur site
Relevé des coupons de rails en amont de la rupture
La ligne de Reims à Châlons-en-Champagne supporte en 2019 un trafic d'environ 8,714 Mt/an. Elle a fait l'objet d'une modernisation de voie en 1983 avec longs rails soudés de réemploi Rail 46 kg/m. La chaîne de production de LRS de réemploi par l'établissement SNCF de Moulin-Neuf ne réalisait aucune traçabilité des rails de réemploi constituant les LRS de réemploi. La base de donnée ARMEN indique uniquement l'année de pose du LRS, sans noter l'année de fabrication des rails. Le rail à l'origine de la rupture est de 1955 du fournisseur Burbach, comme l'indique l'inscription sur le rail. La figure 43 décrit les rails observés en voie sur les 50 m précédant le Pk 187,150 de la voie 2 en amont de la rupture. Des coupons observés en voie n'étaient tracés ni dans les enregistrements de l'application DEFRAIL, ni dans la description de l'armement de la voie (application ARMEN). Seuls trois coupons de rails ont été tracés (entre les Pk 187,123 à 187,140) sur la file gauche sur la zone de rupture. La rupture de rail a touché un rail de réemploi posé lors du renouvellement en 1983. La soudure aluminothermique du Pk 187,150 est la fin du coupon de 4 m mis en voie en 2013 suite à un précédent défaut 213.
Figure 43 : relevé des coupons de rail sur la voie 2 en amont de la rupture
(Source BEA-TT)
24 La figure 41 montre l'atteinte d'une valeur d'alerte sur la trace du gauche sur 3 m vers le Pk 187,120 (point vert). Celle-ci est due à un défaut de nivellement de la file gauche (file de la rupture de rail).
33
La description des rails au-delà n'est pas connue avec certitude 25. Il apparaît néanmoins que la voie en courbe était « multi couponnées » et que le rail avait une usure verticale de 8 mm. Les marques des rails retrouvés en voie après l'accident sont :
PROVIDENCE 70 5 VIII 55 T U33 (flèche) : coupon de 8 m de la voie 2 file basse, de 1955 avec des signes non conventionnels (Pk 187,110 à 118 File gauche) ; WENDEL VIII 55 T U33 (flèche) : coupon de la voie 2 file haute, de fabricant Wendel de 1955 (Pk 187,110 à 118 File Droite) ; RS HY (900) 19 46E2 : coupon de 4 m de nuance 900 (Pk 187,124 à 187,131), voie 2 file gauche, au niveau du wagon 10, coupon non identifié sur le fichier de vie du LRS ; CORUS HY 02 2 U33 (900) : coupon sur la voie 2, en amont de la rupture (près des rails 46-60kg). (entre les Pk 187,0 à 187,1). CORUS HY 01 10 U50 (900) : coupon d'octobre 2001 U50 entre les Pk 187,0 à 187,1 ; CORUS HY 81 10 U50 (900) : coupon sur la voie 2, CORUS de 1981...
En moins de 200 m de voie, il apparaît au moins 10 types de rail, de profils, d'âges et de nuances différentes. La densité de soudures, électriques de base pour la constitution du long rail soudé ou aluminothermiques par voie de maintenance, est élevée. Ces dernières soudures constituent autant de points de fragilité (annexe 4).
Historique DEFRAIL
L'extraction des données de la base de défauts détectés lors des tournées de surveillance du rail (DEFRAIL) fait apparaître (figure 44) qu'un coupon de 4 m a été posé en 2013 suite à un défaut 213 confirmé, sans remplacement de l'ensemble de la barre. Cette opération est conforme aux directives de maintenance de 2011 qui seront complétées en 2018 par l'obligation de retirer la barre élémentaire objet du défaut 213 confirmé. Les données de description de la voie ne font aucun état de remplacement de rail entre les Pk 187,0 et 187,3. Or il existe des coupons récents de type « 46 Kg E2 ». L'application ARMEN indique les années de pose des LRS de réemploi, sans indiquer l'année de fabrication des rails qui les constituent.
Figure 44 : historique DEFRAIL sur la zone de l'incident voie 2
(Source SNCF)
25 Sur les rails déposés, une soudure aluminothermique de 2011 a été retrouvée sur voie 2 entre un rail Burbach 1955 et un rail U50 E2 nuance 900.
34
L'usage d'un rail de réemploi et le déficit de renouvellement L'usage d'un rail de réemploi de fabrication ancienne, sujette à des défauts liés à la technique de coulée par lingotière, est une source d'occurrence de défaut de fissuration verticale longitudinale. Mais l'usage antérieur du rail ne peut généralement être pris en compte dans le calcul du tonnage cumulé supporté, car celui-ci n'est pas tracé. Dans notre cas nous pourrions estimer celui-ci par :
voie de groupe UIC 3 durant 15 ans, soit un tonnage cumulé estimé à 1,30 Gt26 ; voie de groupe UIC 6 pendant 37 ans, soit un tonnage cumulé estimé à 300 Mt27.
Les barres de rails de 1955 ont donc vraisemblablement supporté environ 1,60 Gt, ce qui est très important pour ce type de rail28. Le BEA-TT regrette qu'il n'existe pas de traçabilité du tonnage cumulé des premières vies des rails de réemploi, ni de traçabilité des années de fabrication de ces mêmes rails. Ceci fausse notamment les valeurs des indicateurs de consistance de la voie élaborés par groupe UIC des voies du réseau ferré national. Le renouvellement des rails de la courbe était envisagé dans le meilleur des cas en 2027. La file de rails comportait plusieurs coupons en file basse de courbe sur une voie avec du trafic fret. Dans ces conditions, l'usage prolongé de tels rails présente un risque non négligeable de rupture. La circulation saisonnière de trains particulièrement lourds (circulations céréalières, circulations militaires...) peut accroître ce risque en sollicitant l'infrastructure aux limites. La politique nationale de maintenance de la voie repose notamment sur le tonnage annuel moyen servant à calculer le groupe UIC. Elle peut être adaptée localement pour couvrir d'éventuels risques inhérents à ces sollicitations particulières, notamment en cas de zone à évolution rapide ou de fragilité structurelle. Le dirigeant local peut réduire le cycle des auscultations ultrasons, comme il l'a fait de 5 à 4 ans, et limiter le niveau de performance de la voie. Les tournées ELUS La dernière tournée d'auscultation du rail par engin lourd de la voie objet du présent rapport est la suivante :
30/10/2019  tournée ELUS
L'engin d'auscultation ultrasons est passé sur la voie 2, en étant équipé des capteurs spécifiques aux défauts de fissuration longitudinale. Aucun défaut 213 n'a été révélé lors de cette tournée avec les capteurs spécifiques « 113-213 » a priori en fonction29. Le défaut cause de l'accident était très certainement déjà présent, même s'il n'était pas encore dans l'état d'avancement constaté le jour de l'accident. La tournée a permis de révéler trois défauts classés « X », tous sur la file gauche (basse), requérant un traitement rapide par les services de maintenance (figure 45).
26 TGr3 = S x (Tv + K.Tm + K'.Tr) ~ 1,2 x (30 000 + 1,2 × 35 000) = 86400t/j  en 15 ans : Tvie1 = 1,3 GT 27 TGr6 = 8714t en 2019  de 1983 à 2021 : 8000 × 38 = 0,3 GT 28 Une valeur limite de 0,3 GT apparaît dans le référentiel « Politique de renouvellement du domaine voie  périmètres des lignes classiques » MT 04 007  Annexe 1 29 Aucune preuve n'a pu être donnée quant à la mise en fonction effective des capteurs spécifiques lors de cette tournée de l'engin d'auscultation, cette mise en fonction n'étant pas tracée.
35
Figure 45 : relevé de tournée ELUS du 30/10/2019 sur la voie 2
(Source SNCF)
Les défauts révélés sont au :
Pk 186,192  gravité X2  code défaut 212 correspondant à un décollement de soudure  le rail en défaut a été remplacé avant le 26/11/2019 ; Pk 187,121  gravité X2  code défaut 211 correspondant à une fissuration transversale du champignon, à environ 30 m en amont de la rupture cause du déraillement (Pk 187,148) ; Pk 188,020  gravité X1  code défaut 211 => fissuration transversale du champignon.
Suite à cette tournée ELUS, les défauts révélés devaient être confirmés par une tournée d'auscultation manuelle OPUS avant le 30/11/2019. La tournée de pleine barre a été réalisée le 26/11/2019 (du Pk 170,110 au 224,126 sur V1 et du Pk 169,936 au 224,126 sur V2) sans faire apparaître de défaut 213 pourtant présent au Pk 187,150 mais en révélant plus d'une vingtaine de défauts X1 ou X2. Les tournées à pied Les dernières tournées à pied ayant été effectuées sur la voie objet du présent rapport sont les suivantes :
16/03/2017 et 23/03/2020  tournées d'émergence Rail
Une tournée de validation des projets d'émergence de renouvellement des rails de la ligne 81 000 a eu lieu les 13 à 16 mars 2017 30, avec la participation de la Direction production de l'Infrastructure et l'établissement Champagne-Ardenne en charge de la maintenance. Cette première tournée d'émergence a conduit à engager un renouvellement des rails sur la section de ligne :
en 2022 pour la voie 1 du Pk 197,610 au 206,310 ; en 2023 pour la voie 1 du Pk 185,900 au 186,695 et du Pk 208,320 au 210,300 ; en 2023 pour la voie 2 du Pk 197,320 au 202,000 ; en 2024 pour la voie 2 du Pk 202,000 au 210,296.
Sur le compte rendu de la tournée « Il est demandé de bâtir un schéma pluriannuel d'éradication du rail U33 de 1953-1955 de réemploi posé en 1984 (en provenance vraisemblable d'un groupe UIC 2 ou 3) et qui commence à montrer des signes de fatigue ». En effet, les rails ayant connu une première vie sur voie de groupe UIC 2 ou 3,
30 « Tournée de validation du 13 au 16 mars 2017 »  Infrapôle Champagne Ardenne (avec SNCF Réseau DMT-MTM-TEP)
36
ont supporté un trafic cumulé significatif mais non tracé dans les historiques. La tournée a aussi fait les constats que les rails U33 de 1955 ont une usure verticale de 8 mm, que la liste des défauts est en réalité plus importante que les données DEFRAIL (+30 %). La section de la voie 2 entre les Pk 187 et 188, objet de notre analyse, n'était pas programmée en renouvellement lors de cette tournée. Ce ne sera le cas qu'après la seconde tournée de validation du 20 au 23 mars 202031, validant un renouvellement des rails de la voie 2 à échéance de 2027.
26/06/2020  tournée à pied OPUS
La tournée du 26/06/2020 des opérateurs OPUS entre les Pk 186,000 et 195,068, sur 9 km de la voie 2, a révélé 38 défauts de classement « O », qui n'étaient pas de type 113/213. Ainsi, avant la date de l'accident, la confirmation des présomptions de défauts des rails de la voie 2 réalisée entre les Pk 186,0 et 195,068 n'a révélé aucun défaut de fissuration verticale longitudinale du rail de la file basse. Ceci est cohérent avec le fait que l'OPUS n'ausculte qu'au droit des présomptions de défauts détectés par l'ELUS 32. Il est probable, même si l'on ne peut se prononcer avec certitude, que le défaut à l'origine de l'accident existait à ce moment.
Figure 46 : tournée US des défauts O du 26/06/2020 sur la voie 2
(Source SNCF)
03/11/2020  tournée à pied « rail »
La tournée rail sur la voie 2 de la ligne 81 000 du Pk 186,0 à 196,0 a permis de révéler 85 défauts dont 15 Défauts de Grande Longueur, 20 défauts non identifiés (NR), 41 défauts « O » et 1 défaut classé « X ».
31 « Tournée de validation du 20 au 23 mars 2020 »  Infrapôle Champagne Ardenne (avec SNCF Réseau DMT-MTM-TEP) 32 La confirmation OPUS s'effectue au droit de la matérialisation du défaut (trace de peinture) et d'un mètre de part et d'autre (500 m pour les défauts 213)
37
Parmi les défauts de grande longueur, deux défauts 213 sont à noter : le premier à partir du Pk 186,640 sur la file de gauche et le second à partir du Pk 189,263 sur la file de droite (figure 47). Au Pk 187,150, l'état de surface du rail de la file gauche n'a pas éveillé de soupçon quant à l'existence d'un défaut de fissuration verticale longitudinale. La fissuration qui était pourtant débouchante en partie haute du congé de raccordement extérieur du rail (file basse) n'a pas été vue ; il est physiquement difficile de voir ce type de fissure lors de la tournée visuelle rail.
21/07/2021  tournée dirigeant voie avant l'accident
Le dirigeant de l'Infrapôle « Champagne-Ardenne » a opéré une tournée33 de 2 à 3 heures du Pk 185,744 au Pk 189,638. Celle-ci n'a révélé aucun signalement particulier quant à l'existence d'éventuelles fissurations débouchantes sur les rails de la voie 2. (figure 48).
07/09/2021  tournée US à pied pour OPUS 213 après réparation
Suite au déraillement, la voie 2 accidentée a été totalement renouvelée sur 200 m. Une tournée de contrôle OPUS avec les capteurs spécifiques 213 a été effectuée sur la voie 2 du Pk 186,6 à 187,7 après renouvellement. Elle n'a révélé aucun défaut (figure 49).
Figure 47 : tournée « rails » du 05/11/202 sur la voie 2
(Source SNCF)
33 N° 20210721-00405-C
38
Figure 48 : relevé de tournée Dirigeant du 21/07/2021 sur la voie 2 Détails autour du lieu de la rupture
(Source SNCF)
Figure 49 : relevé de tournée OPUS du 07/09/2021 sur la voie 2, au Pk proche de la section de voie incriminée
(Source SNCF)
15/09/2021  tournée US à pied OPUS 213
Tournée OPUS pour défaut 213  La mesure compensatoire 213 sur la voie 2 a permis de révéler 23 défauts (dont 3 défauts X2 et 14 défauts X1) sur les 5,83 km auscultés manuellement. C'est sur la portion du Pk 186,6 à 187,7 que parmi ces défauts, un défaut 213 de gravité X2 a été trouvé au Pk 185,725, à 1425 m de la rupture.
06/10/2021  tournée US à pied OPUS 213
Cette tournée est une tournée de confirmation suite à découverte d'un défaut 213. Elle a porté sur 4,94 km et a permis de révéler 20 défauts (dont 4 défauts X1) mais aucun autre défaut 213 (figure 50).
39
Figure 50 : relevé de tournée OPUS du 06/10/2021 sur la voie 2, aux Pk proches de la section de voie incriminée
(Source SNCF)
L'annexe 4 présente une synthèse des opérations de couponnages et de traçabilité des défauts détectés par les différentes tournées réalisées sur la voie 2 entre le Pk 186,820 et 187,490. En guise de première synthèse des enseignements des tournées à pied, notons que plusieurs défauts de fissuration verticale longitudinale ont été trouvés dans la portion de voie 2 entre les deux points de raccordement à la LGV EE. Les tournées à pied ont été nombreuses sur la portion de voie en cause. La densité de défauts trouvés est importante, ce qui est normal au regard de l'âge et de la sollicitation cumulée de ces rails anciens. Malgré le passage de l'engin d'auscultation équipé de capteurs ultrasons spécifiques, les défauts 213 ne sont pas détectés de manière exhaustive 34. Ce type de défaut n'est pas aisément détectable lors d'une tournée à pied « rail » même par un agent expérimenté. Il l'est plus probablement par un contrôle manuel à l'aide d'une canne US. Ce moyen est moins rapide et par principe plus performant qu'un ELUS. Dans le cas présent, il n'était pas prévu de contrôle US à la canne mais un contrôle par ELUS. Seule a été réalisée une confirmation manuelle par OPUS des présomptions de défauts. Ainsi, le défaut de fissuration verticale longitudinale pourtant profond et avancé de plusieurs années n'a pas été détecté.
3.1.4 - Le pont-rail de la LGV EE
Suite à l'accident de Saint-Hilaire-au-Temple, les experts de l'Ingénierie de SNCF Réseau ont expertisé l'ouvrage. Ce pont-cadre est situé sur le périmètre de l'Infrapôle Est Européen (voie portée) mais la voie franchie est sur le périmètre de l'Infrapôle Champagne Ardennes. L'ouvrage concerné n'a pas subi de dommages structurels 35 malgré sa participation à la dynamique de l'accident :
mur en retour de gauche : traces de frottements, arrête supérieure épaufrée sur toute la longueur sans fer apparent ; piédroit de gauche : trace de frottement dans l'axe de la culée, épaufrure sans fer apparent côté mur gauche de 3 cm de profondeur sur 1,5 m de hauteur ; dalle : rien à signaler si ce n'est que les deux supports caténaires ont été arrachés avec leurs fixations.
34 Selon les essais réalisés par SNCF, le taux de détection ELUS de défauts en voie précédemment confirmés est de 50 %. 35 cf. le SI Patrimoine OA (PIOA) de SNCF Réseau.
40
Pour la protection vis-à -vis du choc ferroviaire 36, la conception de l'ouvrage fait référence à l'ancienne fiche UIC 777-2 « Dispositions constructives à appliquer aux constructions situées au-dessus des voies ferrées vis-à -vis du risque de choc ferroviaire ». Le mur en retour côté gauche de l'entrée de l'ouvrage ne s'élève que jusqu'à mi-hauteur du mur latéral gauche, offrant de ce fait un angle obtus (d'environ 120°) à mi-hauteur et par là même un obstacle franc vis-à -vis d'un choc ferroviaire. Le bogie arrière du wagon 4 ainsi que le premier essieu du wagon 5 ont franchi le mur en retour à sa base et glissé sur le mur en retour jusqu'à s'encastrer dans l'angle obtus décrit plus haut. Si le mur en retour s'était élevé jusqu'au sommet du mur latéral, les bogies des wagons 4 et 5 auraient pu se décrocher et retomber au sol dans l'axe du mouvement de la tête du train.
Figure 51 : trajectoire du bogie arrière du wagon 4 sur le mur en retour côté intérieur de la courbe
(Source BEA-TT)
L'examen des référentiels en vigueur à date de conception de l'ouvrage montre que la conception de l'ouvrage est conforme. La fiche UIC ne donne aucune prescription quant aux obstacles francs que peuvent présenter ces ouvrages.
3.2 -
Les facteurs organisationnels et humains
Le système de surveillance et de maintenance du rail repose sur plusieurs activités humaines requérant des spécialistes agissant dans des conditions parfois difficiles.
3.2.1 - Réalisation des « tournées à pied »
La voie ferrée, le rail en particulier, fait l'objet de fréquentes tournées à pied visant la détection de signaux faibles quant au comportement de la voie, amorces de défauts ou de désordres. Le champ couvert par ces tournées est large. Au regard de la spécificité des défauts de fissuration verticale longitudinale, l'expérience montre que les tournées à pied, tant des dirigeants voie que des agents réalisant les tournées rail, sont délicates. Aussi la direction de l'infrastructure a-t-elle émis, après la survenue de l'accident de ce rapport, un document de formation spécifique défaut 213 pour les soutenir dans leur mission, leur permettre d'interpréter certains aspects visuels du plan de roulement et de faire confirmer ultérieurement leurs doutes par une auscultation manuelle par un contrôleur ultrason. Néanmoins, les zones les plus critiques à défauts 213 (ZSS) sont connues et identifiées dans DEFRAIL et dans son support de tournée. Cela constitue une aide précieuse. Dans notre cas, la fissuration débouchait par endroit et n'a pas été observée. Les agents en charge de ces tournées ne sont pas « alertés » de la présence plus probable qu'ailleurs de défauts de fissuration verticale longitudinale en raison de voies comportant des rails de fabrication ancienne en coulée par lingotière. La zone de production Nord-Est-Normandie du réseau national comporte de loin le plus grand linéaire correspondant.
36 S'agissant du 3 Rail (rail de sécurité), les ouvrages d'art les plus récents sont également conçus avec l'IG 90 201
41
De plus, l'auscultation manuelle du rail par ultrasons requiert un personnel OPUS, très spécialisé dont la formation est longue et s'opère en partie par compagnonnage. Leur nombre restreint37 et l'accroissement de leurs sollicitations induisent une charge qui réduit la sérénité des auscultations. Le traitement des défauts longs de surface et des défauts de fissuration verticale longitudinale requiert des auscultations sur plusieurs centaines de mètres, dans des conditions climatiques et des états du rail pas toujours optimaux. Pour les défauts 213 confirmés, il est requis d'ausculter manuellement 500 m de part et d'autre, éventuellement 500 m au-delà d'un nouveau défaut révélé, et ainsi de suite. Pour ces raisons les tournées à pied, pour aussi utiles qu'elles soient, ne peuvent constituer une barrière de sécurité à fort taux de détection des défauts de fissuration verticale longitudinale du rail. Même les tournées de confirmation ultrasons avec les capteurs spécifiques 213, seul moyen reconnu pleinement efficace pour la détection de ces défauts, ne peuvent garantir un taux de détection à 100 %.
3.2.2 - Réalisation des auscultations par ultrasons et gestion des signalements
Le référentiel38 n'exige pas la mise en oeuvre systématique des capteurs 213 sur les ELUS. Celle-ci reste du ressort du dirigeant voie local accompagnant l'engin d'auscultation. Sa connaissance de la ligne auscultée doit lui permettre de juger de l'opportunité d'une telle surveillance spécifique. Le référentiel MT 02 070 demande en effet aux responsables des Infrapôles de demander l'ajout des capteurs spécifiques « 213 » sur les ELUS effectuant une opération de surveillance en continu, de façon obligatoire sur l'ensemble des tronçons de voies contenant dans DEFRAIL des défauts de grande longueur à surveillance spécifique des fissurations verticales longitudinales et « à la demande » sur des tronçons de voies autres que ci-dessus pour lesquels l'Infrapôle estime qu'il y a une pertinence à mettre en oeuvre ces capteurs. Le délai de préavis doit être au minimum de 48 heures. L'engin lourd d'auscultation ultrason V6 SNCF est passé en octobre 2019 avec, selon le dirigeant local, le capteur spécifique défaut 113/213 activé. La tournée ultrason n'a révélé aucun défaut de fissuration verticale longitudinale, notamment sur la section de voie objet de notre analyse. L'engin lourd d'auscultation peut dans certaines situations ne pas être à même de faire un diagnostic valable39 (absence d'écho de fond, écho trop rapide du fait d'un mauvais couplage entre rail et capteurs...) conduisant, le cas échéant, à une invalidation de la mesure. Sur les voies avec du rail de fabrication ancienne, le nombre de défauts révélés entraîne une pression sur les personnels. Les zones avec ces acquisitions non valides ne seront, dans le meilleur des cas, traitées que lorsque les défauts révélés l'auront été.
3.2.3 - Réalisation des couponnages
Les rails anciens présentent logiquement un fort niveau d'usure verticale ce qui complique les opérations de couponnage40 avec du rail 46 E2 neuf (nécessité dans certain cas d'approvisionner du rail « usé »41). La longueur des coupons devrait être adaptée à la possibilité d'absorption de soudure préexistante (réduction du nombre de points faibles) et non pas être systématiquement de la longueur minimale autorisée en réparation définitive42 (6 m en rayon inférieur à 1 000 m, 4 m sinon).
37 38 39 40 41 42
Il n'y a que 6 contrôleurs US sur l'Établissement Champagne-Ardennes qui a pourtant une forte population de rails anciens « Surveillance des rails posés sur voies principales » MT 02 070 du 14/04/2018 Acquisitions non valides ou « NR » sur les comptes rendus de tournée d'auscultation « Maintenance et travaux sur les rails  Utilisation des techniques de soudage en voie » IN 00 310 du 28/01/2009 « Raccords de rails de profils et/ou d'usures différents » IN 00 202 du 31/03/2008 « Mode opératoire de réparation des rails fissurés ou rompus de voies principales » MT 02 071 du 04/06/2018
42
3.2.4 - Anticipation des renouvellements de rail  adéquation de la maintenance
Depuis la date de la tournée d'émergence de mars 2017 le trafic a augmenté et aurait pu conduire à une remise en question des dates proposées pour les renouvellements de rail. Le nombre de défauts trouvés lors des tournées ELUS et OPUS a entraîné la mise en voie de nombreux coupons de rail. Si l'on s'en tient à la portion de voie en rail U33 entre les deux appareils de voies de raccordement à la LGV EE (en rail UIC60), le taux de couponnage dépasse le seuil de 15 % du linéaire remplacé par couponnage, condition « déclenchante » d'une opération de renouvellement du rail43. Le retard de renouvellement entraîne une augmentation des opérations de surveillance et de maintenance, voire une limitation des performances44 afin maîtriser le niveau de sécurité. Le dirigeant local a demandé une réduction du cycle de passage des engins d'auscultation de 5 à 4 ans afin de mieux traiter dans les délais fixés l'augmentation du nombre de défauts détectés. Le dirigeant local n'a pu agir sur l'anticipation d'une opération de renouvellement. Le contexte contraint ne facilite pas la gestion de ces émergences et peut constituer un facteur explicatif de ce genre d'accident.
3.3 -
Les mesures immédiates prises par SNCF Réseau
SNCF Réseau a très rapidement pris des mesures conservatoires, tant au niveau national que sur la ligne de Reims à Châlons-en-Champagne à la suite de l'accident. Ces mesures incluent notamment un recensement des âges de fabrication des rails de réemploi et des coupons utilisés en LRS. Ces dispositions ainsi que les résultats associés seront respectivement décrits aux § 4.4.2 et 4.4.3.
43 « Guide d'objectivation spécialité voie »  critère de retrait : 3 retraits par an et par km et/ou 15 % de retraits ou 17 retraits cumulés depuis la mise en voie du rail ; déclenchement des propositions quand le taux de retraits atteint 8 % à 10 %)  dans notre cas sur une longueur de voie de 100 m, 5 coupons soit : 5 × 18 / 100 = 90 % 44 La réduction de la vitesse réduit le niveau de sollicitation dynamique du rail et donc la vitesse de propagation des fissures
43
4 - Les conclusions sur la recherche des causes et des facteurs
4.1 L'arbre des causes
44
4.2 -
La cause de l'accident
La cause principale du déraillement est la rupture du rail situé en file basse sous le passage du train. Le rail ancien était affecté d'un défaut de fissuration verticale longitudinale du champignon, codifié 213, qui s'est développé sur plusieurs années et qui n'a pas été détecté par les actions de surveillance du rail. L'état avancé de la fissuration a permis la chute brutale du demi-champignon extérieur sous l'effet d'une circulation TER précédente et sa ruine sous l'effet de la circulation lourde accidentée.
4.3 -
Les facteurs contributifs
La rupture du rail est la conséquence de plusieurs facteurs contributifs.
4.3.1 - Le déficit de renouvellement des rails anciens de réemploi
Les défauts de fissuration verticale longitudinale apparaissent quasi exclusivement sur des rails de fabrication ancienne ayant supporté un trafic important. C'est notamment le cas des rails de réemploi dont l'année de fabrication et l'estimation du trafic supporté pendant leur première vie ne sont généralement pas connus. Une part du trafic cumulé n'est pas prise en compte, entraînant une appréciation biaisée de la vétusté de fatigue. Ainsi dans le cas présent le rail de 1955 posé de réemploi en 1983 a supporté un trafic cumulé supérieur à 250 Mt, limite théorique pour ce type de rail. Les valeurs correspondantes des indicateurs de consistance, critères de renouvellement des voies, sont surévaluées. De ce fait ces rails font l'objet d'un déficit de renouvellement. Comme plusieurs audits l'ont déjà avancé, l'effort de renouvellement du réseau doit être renforcé si l'on veut mettre en place une réelle politique de gestion des actifs industriels, c'est-à -dire d'une part, maintenir à niveau la sécurité45 de l'exploitation ferroviaire et, d'autre part, réduire les coûts de maintien en condition opérationnelle. La politique de surveillance et de remplacement devrait prioriser les composants les plus sensibles dont les rails les plus anciens46. Le problème est survenu parce que les rails sont, comme l'écrivent les agents en charge des tournées d'émergence, en état de « vétusté » et sans perspective de renouvellement immédiat.
4.3.2 - Le couponnage du rail
Ces dernières années, le nombre de défauts révélés et concomitamment le nombre de coupons mis en voie est en croissance accélérée, augmentant d'autant le nombre de « fragilités » des rails de la courbe et alertant sur la généralisation de défauts de différentes natures. La section de voie objet de ce rapport présente la mise en voie cette dernière dizaine d'années de nombreux coupons traduisant l'accumulation de défauts de « vieillesse » de rails « vétustes » au regard du trafic cumulé supporté. Il se trouve ainsi sur la voie 2 objet de l'accident une dizaine de coupons de rails posés en maintenance entre les Pk 186,6 et 187,6 (Annexe 4). De plus, le référentiel édité en 2018 n'a pas prévu de faire réaliser rétroactivement une auscultation manuelle des rails de 500 m de part et d'autre des coupons mis en voie avant 2011 suite à défaut confirmé de fissuration verticale longitudinale. Logiquement, il
45 Les référentiels permettent de toujours de maintenir la sécurité même en cas de retard de renouvellement, le cas échéant au prix d'une réduction des performances et donc des sollicitations de l'infrastructure. 46 Renouvellement des rails anciens de réemploi de fabrication antérieure à 1930 dans un premier temps, de fabrication antérieure à 1960 dans un second temps et de fabrication antérieure à 1980 dans un troisième temps.
45
aurait fallu effectuer cette opération de contrôle. Cette disposition aurait été particulièrement pertinente sur les rails anciens issus d'une fabrication ancienne qui constituent un terrain propice à l'apparition de ce type de défaut. Par ailleurs, il est permis de s'interroger sur la pertinence d'utiliser des coupons de longueur minimale autorisée par les référentiels, et ce sans tenir compte des possibilités d'effacer des soudures préexistantes et des courts rails anciens, plus particulièrement sources de défauts. Ainsi la multiplication des coupons mis en voie n'a conduit ni à réduire le nombre de soudures de rail (le long rail soudé a été constitué par soudage de barres de 18 mètres), ni à rajeunir progressivement le rail.
4.3.3 - L'augmentation des sollicitations du rail
Le trafic de la voie 2 en cause a vu depuis 2006, année de raccordement à la LGV EE de la ligne Reims à Châlons-en-Champagne, une augmentation significative de la vitesse de franchissement et du tonnage brut cumulé supporté. Un accroissement des sollicitations dynamiques générées par les circulations ferroviaires rend l'occurrence d'une rupture d'un rail vétuste plus probable. Ce facteur n'a pas été suffisamment pris en compte pour la détermination des périodicités de maintenance (bourrage mécanique lourd, couponnage...) et de renouvellement des actifs (remplacement des rails...). La voie a fait l'objet d'une augmentation significative des sollicitations sans questionnement sur son renouvellement. De plus, il n'est pas pris attachement dans les bases de données de l'infrastructure des âges réels des rails de réemploi et de leurs trafics cumulés réellement supportés.
4.3.4 - La non-détection par l'ELUS du défaut de fissuration verticale longitudinale
La surveillance du rail repose sur l'auscultation par les engins lourds à ultrasons (ELUS) qui permettent de trouver des présomptions de défauts 47. La détection des défauts de fissuration verticale longitudinale requiert, à la demande du dirigeant local au moins 48 heures avant la tournée, la mise en place de capteurs spécialisés. Préalablement à l'accident, il ne semblait pas y avoir eu de sensibilisation particulière des agents accompagnant les tournées ultrasons à ce type de défauts plus fréquents sur les lignes équipées avec des rails de réemploi de fabrication ancienne. Le fait que l'application ARMEN n'indique pas l'année de fabrication mais l'année de pose pouvait induire les agents en erreur quant à l'estimation du risque de fissuration verticale longitudinale. Le croisement des données des applications DEFRAIL et ARMEN peut permettre à cet effet d'identifier et de cibler les sections de voie où :
le rail de réemploi doit être considéré comme plus âgé que ce qu'indique l'année de pose (avec un relevé des années de fabrication ou à défaut en prenant typiquement l'année de pause diminuée de 30 ans) ; le rail où un couponnage suite à défaut de fissuration verticale longitudinale a précédemment eu lieu avant l'année 2011.
Les dirigeants locaux en seraient d'autant plus sensibilisés pour l'adaptation des cycles de passage et des vitesses des tournées d'auscultation des rails au regard de l'état réel du rail (amélioration de la qualité de détection pour tenir compte de l'état réel des rails anciens).
47 Classiquement, on considère que les engins d'auscultation équipés de capteurs 213 permettent la détection de 50 % des défauts identifiables par opérateur ultrason (au regard de leur longueur, profondeur etc.)
46
4.3.5 - La non-détection par les OPUS du défaut de fissuration verticale longitudinale
L'auscultation manuelle des rails par des opérateurs ultrasons est considérée comme le moyen le plus efficace de détecter et de confirmer une fissuration verticale longitudinale du rail. Il semble que l'application de ce mode d'auscultation puisse être mise en défaut lorsque les linéaires de rail à inspecter sont importants et les rails anciens avec des états de surface imparfaits. Il y a lieu de progresser quant à l'efficacité de cette méthode d'auscultation du rail.
4.3.6 - La non-détection par les tournées Dirigeant et les tournées Rails
Au regard des difficultés de détection de défauts de fissuration verticale longitudinale du rail, l'expérience montre que les tournées à pied, tant des dirigeants voie que des agents réalisant les tournées rail, peuvent ne pas être pleinement efficaces. Les tournées visuelles « Dirigeant » et « Rail » visent chacune à détecter certains défauts. Dans le cas présent, elles n'ont pas permis de détecter le défaut malgré l'état avancé de la fissuration. Il ne faut néanmoins pas négliger le pouvoir de détection de ce type de tournées. Une attention particulière pourrait être donnée à la formation des agents et à leur soutien par un guide méthodologique pratique quant à la détection de ces défauts (savoir interpréter certains aspects visuels du plan de roulement...).
4.4 -
Le retour d'expérience
4.4.1 - Les faits survenus antérieurs de nature comparable
Rupture de rail sur défaut 213 du 17/09/2020 Postérieurement à l'accident objet du présent rapport, le 17 septembre 2020, sur la ligne de Blainville à Lure (Ligne 42 000) une rupture en ligne d'une longueur de 400 mm a été franchie par deux circulations commerciales à 115 km/h. La voie en groupe UIC 8 « avec voyageurs » est circulée à 120 km/h. La rupture est survenue suite à une fissuration verticale longitudinale du patin et du champignon (défauts de fissuration verticale longitudinale du rail codifiés 213). À la suite de l'incident, des contrôles ultrasons en continu effectués de part et d'autre de la rupture ont permis de constater que ce défaut n'était pas un cas isolé et plusieurs défauts classés X1 et X2 ont été découverts. Aucune conséquence humaine n'est à déplorer. Ceci est notamment dû au fait que la voie était en alignement et que la circulation était « légère » permettant une évolution sur l'âme du rail. Si la portion de voie avait été équipée de circuit de voie, celui-ci aurait pu détecter la rupture consécutive après le premier franchissement. Celle-ci avait conduit au lancement d'actions visant à réduire le risque lié à ce défaut sur le réseau national. Dès lors, les défauts, retraits, ruptures pour défauts « 113/213 » sont historisés dans DEFRAIL sous l'appellation « défaut de grande longueur, zone de surveillance spécifique » et les agents en charge des tournées rail sont préalablement renseignés de leur existence. Rupture de rail sur défaut 213 du 1/10/2021 Postérieurement à l'accident objet du présent rapport, le 1er octobre 2021, sur la ligne de Saint-Dié à Lunéville (Ligne 67 000). La voie classée en groupe UIC 8 « avec voyageurs » est circulée à 120 km/h.
47
La première circulation a considéré le choc comme un heurt d'animal. Le même conducteur lors de la circulation retour a arrêté son train et s'est rendu sur place pour constater la rupture du rail. Celle-ci, d'une longueur de 5 m (Pk 427,190 au 427,195) en file droite et en alignement, a été franchie en vitesse, sans déraillement, par deux circulations successives. Le rail rompu est de profil 46 kg type Est fabriqué en 1899 et posé en rail de réemploi en 1930, mis en long rail soudé constitué par soudage de barres avec conservation des abouts. Il était encadré par un rail de 1903 en aval et un coupon de 2002 en amont. Les spécialistes de SNCF Réseau dépêchés sur place ont conclu à la ruine du rail après le second passage. Les actions immédiates décidées se sont inscrites dans la suite des mesures prises après l'accident de Saint-Hilaire-au-Temple, explicitées au chapitre suivant.
Figure 52 : rupture multiple suite à fissuration verticale longitudinale
(Source SNCF)
Le laboratoire des rails a analysé les éléments recueillis. Cet événement est dû à une rupture multiple du rail initiée par une fissuration verticale longitudinale du champignon 48 comme l'illustre la figure 53.
Figure 53 : examen fractographie et coupe du rail
(Source SNCF) 48 Rapport L2143-2021-137 « Expertise de la rupture multiple de rail survenue le 01/10/2021 sur la ligne 67 000 entre Lunéville et Saint dié »  Infrapôle Lorraine  DGII VAR du 19/11/2021
48
4.4.2 - Les courriers émis par la direction de SNCF Réseau
La direction de l'ingénierie du gestionnaire d'infrastructure SNCF Réseau a pris sous forme de courriers aux zones de production et aux Infrapôles des mesures immédiates consécutives à la rupture de rail sur défaut 213 non détecté à Saint-Hilaire-au-Temple, objet du présent rapport. Le 13/09/2021, un courrier49 demande les mesures suivantes :
l'étude d'une possibilité de passage supplémentaire ELUS V6 ou UST 15 avec les capteurs spécifiques 113/213 avant fin 2021 sur les zones de surveillance spécifiques 113/213 et zones rails d'âge antérieur à 1980 connues des Infrapôles ; la réalisation des tournées ELUS avec systématiquement l'accompagnement des tournées par un agent dirigeant50 de l'Infrapôle et l'activation systématique et le contrôle de bon fonctionnement par les opérateurs ELUS des capteurs de défauts 113/213 ; la surveillance particulière des voies n'ayant pas donné lieu à remplacement de la barre élémentaire suite à un défaut 113/213 révélé. Ceci consiste à réaliser un examen de 500 m de rails encadrant les coupons mis en voie entre 2011 et 2018 ; la voie 2 de Saint-Hilaire-au-Temple était dans ce cas ; la prise en attachement de l'âge de fabrication des rails de « réemploi » pour lesquels l'année de fabrication n'est pas connue des bases de données historique rail. la confirmation manuelle aux ultrasons par les opérateurs OPUS après détection d'un défaut par ELUS ; la surveillance visuelle périodique du rail avec une attention quant aux défauts 213. Un premier guide de surveillance visuelle a été réalisé à cet effet.
Il rappelle et demande une attention particulière des agents quant à :
La fin de réalisation des contrôles était attendue pour novembre 2021. Le 19/10/2021, un courrier51 renforce les mesures précédentes suite à la rupture de rail sur défaut 213 non détecté entre Lunéville et Saint-Dié. Il s'agit notamment de la vérification immédiate aux ultrasons de la barre de part et d'autre de la rupture, du passage d'un ELUS prioritairement aux mesures manuelles par opérateur ultrasons. Le courrier demande les mesures supplémentaires suivantes :
une priorisation des contrôles ultrasons OPUS sur la base d'une cartographie de priorité des traitements des contrôles US en 5 classes tenant compte des paramètres âge du rail, vitesse/tonnage de part et d'autre de rails connus pour porter des défauts/Retraits/Ruptures anciens de code 213 n'ayant pas fait l'objet d'un renouvellement ; une priorisation des contrôles ultrasons ELUS par ordre de trafic prioritaire à contrôler, sur le critère : vitesse/tonnage, sur les portions de ligne qui ont le plus de zones à contrôler et en commençant par les rails les plus anciens (antérieurs à 1980/1984 ou âge non renseigné dans les bases).
La fin de réalisation des contrôles était attendue pour mi-mars 2022.
49 DGII-DTR-VA-PC n° 998/2021 50 Mission décrite à l'article 4.2 de l'IN 2600 51 DGII-DTR-VA-PC n° 1239/2021
49
Le 03/11/2021, un courrier52 définit la mesure compensatoire à prendre en cas de dépassement de l'échéance du 19/11/21 pour le contrôle ultrasons :
réaliser une tournée visuelle de recherche de défauts 113/213, appuyée d'un miroir dès identification d'indice de présence de défaut 113/213 par du personnel formé à la détection de défauts de rails et sur le même linéaire que les contrôles OPUS.
La fin de réalisation des contrôles par les Infrapôles Champagne-Ardenne et Lorraine de la zone de production Nord-Est-Normandie était attendue pour fin décembre 2021. Le 18/01/2022, un dernier courrier53 définit le plan d'actions 2022/2023. Il décrit l'organisation des tournées de surveillance visuelle rail en 2022 et s'appuie sur un nouveau fichier de « classement du patrimoine rail par priorité et urgence pour le plan d'action 213 ». Le plan d'action fait suite aux retours des actions initiées par les courriers antérieurs, notamment le contrôle ultrasons manuel sur 2 800 km de rails dont les zones de surveillance spécifique à risque 213. Les experts de SNCF réseau ont mis en évidence :
le lien direct entre le nombre de défauts de rails et la vétusté des rails (au-delà du seul défaut « 213 »). L'analyse des retours des contrôles a permis de classifier le rail selon son âge et le tonnage supporté depuis sa pose, par niveaux de priorité de traitement P1 à P5 (P1 pour les rails très anciens des années 1900 à 1920 et P5 pour les rails de 2000 à aujourd'hui) ; la nécessité d'adapter systématiquement la vitesse d'auscultation des ELUS à l'état du patrimoine rail afin de garantir la qualité d'enregistrement. Il en ressort la nécessité de définir des niveaux d'urgences en fonction de la qualité du patrimoine en voie pour organiser les tournées visuelles rails dans le cadre du plan d'action. Ainsi, les priorités de traitements (P1 à P5) combinées aux conditions d'exploitation (vitesse) définissent les niveaux d'urgence de tournées en regard de la sécurité technique. l'amélioration de la surveillance visuelle et par ultrasons des rails ; l'adaptation de la politique de régénération des rails les plus critiques (adossée à une surveillance adaptée et robuste).
Les mesures suite au plan d'action sur les défauts 213 non détectés comportent :
4.4.3 - Les résultats des premières remontées
L'analyse des bases de données ARMEN et DEFRAIL a permis d'identifier les points du réseau susceptibles de connaître le même type de rupture, sur lesquels a été établi un plan d'inspection des rails par cannes à ultrasons. Les mesures immédiates visaient deux objectifs principaux : d'une part, renforcer l'efficacité de détection des défauts 113/213 par une tournée de surveillance visuelle ciblée sur le patrimoine à défauts métallurgiques 113/213 connus et, d'autre part, pratiquer des contrôles US ciblés sur les défauts 113/213.
À échéance du 01/11/2021
La figure 54 reporte le nombre de défauts par mode de découverte sur les quatre lignes de la zone de production Nord-Est-Normandie les plus sujettes au niveau national à défaut 113 et 213.
52 DGII-DTR-VA-PC n° 1341/2021 53 DGII-DTR-VA-SH-AD n° 40/2022
50
Figure 54 : résultat du plan d'action - dénombrement des défauts non détectés avant la campagne sur les 4 lignes les plus touchées par ces défauts
(Source SNCF)
Les lignes n° 42 000 et n° 145 000 présentent sensiblement plus de détections durant la période 2000 à 2021 que pendant le nouveau plan d'action de novembre 2021. Les lignes 67 000 et 85 000 ont sensiblement moins de détections durant la période 2000 à 2021 que pendant le plan d'action. Il y a pour ces dernières lignes un effet de rattrapage avec une recrudescence de défaut « S » (en jaune) et « X2 » (en gris).
À échéance du 30/04/2022
Les résultats du tableau suivant ont pu être collectés.
Atlantique ÃŽle-deFrance
Nbre de km vérifiés Nbre de défauts X Nbre de défauts S Nbre de défauts X et S par km de rail inspecté
Nord-EstNormandie 917 1095 74 1,19
NEN hors NEN Sud-Est Total Lorraine Lorraine France 584 244 6 0,42 333 851 68 2,56 810 119 4 0,15 2223 1308 98 0,66
Total hors Lorraine 1890 457 30 0,24
368 40 20 0,16
128 34 0 0,27
La densité de défauts a été très élevée sur l'Infrapôle Lorraine, ayant nécessité des renforts d'autres Infrapôles pour les inspections et la réparation et un décalage de la fin des inspections au 30/04/2022. La densité de défauts (de type 213) nécessitant des réparations sur les lignes inspectées en Lorraine est plus de 10 fois supérieure à la moyenne nationale hors Lorraine : 2,63 défauts/km en Lorraine versus 0,25 défauts/km hors Lorraine. Près de deux tiers des défauts nécessitant des réparations ont été trouvés sur les zones inspectées en Lorraine et un tiers sur les zones inspectées sur le reste du réseau ferré national. Ce constat a conduit au plan d'action 2022/2023 du 18/01/2022 décrit plus haut. Les résultats du plan d'action montrent que le défaut de Saint-Hilaire-au-Temple n'est pas isolé mais traduit une dégradation générale des rails de fabrication ancienne antérieure à 1980, notamment ceux utilisés en réemploi et ayant de ce fait supporté déjà un important trafic cumulé.
51
Conclusions (english version)
The cause of the accident
The main cause of the derailment was the failure of the low rail under the train. The old rail was affected by a longitudinal vertical cracking head defect, coded 213, which had developed over several years and was not detected by the rail monitoring actions. The advanced state of the cracking allowed the outer half of the railhead to fall off abruptly under the effect of previous TER traffic and to be ruined under the effect of the accidental heavy traffic.
Contributing factors
The rail failure is the consequence of several contributing factors.
The renewal deficit of old reuse rails
Longitudinal vertical cracking defects appear almost exclusively on old rails that have been subjected to heavy traffic. This is particularly the case for re-used rails in a renewal operation, for which the year of manufacture and the estimated traffic supported during their first life are generally not known. Some of the cumulative traffic is not taken into account, resulting in a biased assessment of fatigue age. In this case, the 1955 rail laid for re-use in 1983 has withstood a cumulative traffic of more than 250 MT. The corresponding values of the track renewal criteria are overestimated. These rails are subject to a renewal deficit. The effort to renew the network must be strengthened if a real asset management policy is to be put in place, i.e. on the one hand, to maintain the safety of rail operations and, on the other, to reduce the costs of maintaining it in operational condition. The monitoring and replacement policy should prioritise the most sensitive components, including the oldest rails. The problem has arisen because the rails are in a dilapidated state with no immediate prospect of renewal.
Rail couponing
In recent years, the number of defects revealed and, at the same time, the number of coupons installed on the track has increased rapidly, increasing the number of rail weaknesses on the curve and raising the alarm that defects of various kinds are becoming widespread. The section of track that is the subject of this report has had numerous rail coupons installed over the last ten years, reflecting the accumulation of defects due to the age of obsolete rails in relation to the cumulative traffic supported. There are thus about ten rail coupons laid for maintenance on the track concerned by the accident. Furthermore, the national reference system published in 2018 did not provide for a retroactive manual inspection of 500 m of rails on either side of coupons laid before 2011 following a confirmed longitudinal vertical cracking defect. This would have been appropriate on older rails of older manufacture, which are a breeding ground for this type of defect. Furthermore, it is questionable whether it is appropriate to use coupons of the minimum length permitted by the standards, without taking into account the possibility of removing pre-existing welds and old short rails, which are particularly prone to defects.
52
Increased rail stresses
Since 2006, when the Reims to Châlons-en-Champagne line was connected to the East European high-speed line (LGV EE), traffic on the track in question has seen a significant increase in crossing speed and in the cumulative gross tonnage carried. An increase in the dynamic stresses generated by rail traffic makes it more likely that an old rail will break. This factor has not been sufficiently taken into account when determining the maintenance and renewal periods for the assets. In addition, the actual ages of the reused rails and their cumulative traffic actually supported are not recorded in the infrastructure databases.
Non-detection of the vertical longitudinal cracking defect by the Heavy Ultrasonic Device
Rail monitoring is based on inspection by heavy ultrasonic equipment (ELUS), which can find suspected defects. The detection of longitudinal vertical cracking defects requires, at the request of the local manager at least 48 hours before the periodic tour, the installation of specialised sensors. The fact that the ARMEN application (national track database) does not indicate the year of manufacture but the year of installation could mislead the agents in estimating the risk of longitudinal vertical cracking. The cross-referencing of data from the DEFRAIL (National Rail Defects Database) and ARMEN applications may make it possible to identify and target track sections where the re-used rail should be considered older than the year of laying, as well as rail where a cut-off due to a longitudinal vertical cracking defect has previously taken place before the year 2011. This would increase the awareness of local managers to adapt the cycle and speed of rail testing rounds.
Non-detection of the vertical longitudinal cracking defect by US surveyors
Manual rail testing by ultrasonic operators is considered the most effective way to detect and confirm longitudinal vertical rail cracking. It appears that the application of this method of inspection can be compromised when the rail lines to be inspected are long and the rails are old with imperfect surface conditions. There is a need to make progress on the effectiveness of this method of rail testing.
Non-detection by Manager and Rails periodic tours
In view of the difficulties in detecting longitudinal vertical rail cracking defects, experience shows that walking periodic tours, both for track managers and for staff carrying out rail tours, may not be fully effective. The visual periodic tours of the "Track Officer" and "Rail Specialist" are both aimed at detecting certain defects. In this case, they did not detect the defect despite the advanced state of the crack. Nevertheless, the detection power of this type of tour should not be neglected. Particular attention could be given to the training of staff and to supporting them with a practical methodological guide to the detection of these defects.
53
Feedback
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Rail break on defect 213 of September 17th 2020 On 17 September 2020, on the line from Blainville to Lure, two commercial trains at 115 km/h crossed a 400 mm long line break. The track in UIC group 8 with passengers is operated at 120 km/h. The failure occurred because of vertical longitudinal cracking of the skid and head. Following the incident, continuous ultrasonic testing on both sides of the failure revealed that this was not an isolated defect and several X1 and X2 classified defects were found. There were no human consequences. This was due in particular to the fact that the track was aligned and that traffic was "light", allowing movement on the rail web. If the track section had been equipped with a track circuit, it could have detected the subsequent break after the first crossing. This incident led to the launch of actions aimed at reducing the risk linked to this defect on the national network. Defects, withdrawals and breakages due to "113/213" defects are recorded in DEFRAIL database under the heading "long defect, specific surveillance zone" and the agents in charge of the rail rounds are informed of their existence beforehand. Rail break on defect 213 of October 01ft 2021 On 1st October 2021, on the line from Saint-Dié to Lunéville. The track, classified as UIC group 8 "with passengers", was being run at 120 km/h. The first traffic considered the impact as an animal collision. The same driver stopped his train in the return traffic and went to the site to see the rail break. The broken rail was 5 m long in a straight line and had been passed at speed, without derailing, by two successive trains. The broken rail is a 46 kg profile manufactured in 1899 and laid as a reused rail in 1930, laid as a long welded rail made by welding the bars together. It was framed by a 1903 rail downstream and a 2002 coupon upstream. SNCF Reseau specialists concluded that the rail was ruined after the second run. The immediate actions decided upon were in line with the measures taken following the incident at Saint-Hilaire-au-Temple. The rail laboratory analysed the elements collected and concluded that this event was due to a multiple rail failure initiated by a longitudinal vertical crack in the head.
Letters issued by the management of SNCF Reseau
The infrastructure manager SNCF Réseau took immediate action in the form of letters to the production areas and the Infrapoles (entity maintenance) following the undetected rail break on fault 213 at Saint-Hilaire-au-Temple, which is the subject of this report. On 13/09/2021, a letter requests:
the study of a possible ELUS periodic tour with specific 113/213 sensors before the end of 2021 on specific 113/213 monitoring areas and rail areas older than 1980 known to the Infrapoles; the carrying out of ELUS rounds with the accompaniment of an Infrapole manager and the systematic activation and checking of the correct functioning of the fault sensors 113/213;
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special monitoring of tracks that have not had the basic bar replaced following a revealed defect. This consists of an examination of 500 m of rail framing the coupons laid between 2011 and 2018; taking into account the age of manufacture of "re-used" rails for which the year of manufacture is not known from the historical rail databases. manual ultrasonic confirmation by OPUS operators after a fault has been detected by ELUS; periodic visual monitoring of the rail with attention to defects. A first visual monitoring guide has been produced for this purpose.
It requires particular attention from agents in terms of :
The controls were expected to be completed by November 2021. On 19/10/2021, a letter reinforced the previous measures following the undetected rupture between Lunéville and Saint-Dié. This involved the immediate ultrasonic verification of the bar on either side of the rupture, the passage of an ELUS as a priority to manual measurements by an ultrasonic operator. The letter asks:
Prioritisation of OPUS ultrasonic testing on the basis of a priority mapping of US testing treatments in 5 classes taking into account the parameters of rail age, speed/tonnage on both sides of rails known to carry old defects/removals/breaks of code 213 that have not been renewed; A prioritisation of the ultrasonic checks by order of priority traffic to be checked, on the criterion: speed/tonnage, on the sections of line that have the most areas to be checked and starting with the oldest rails.
The controls were expected to be completed by mid-March 2022. On 18/01/2022, a letter defines the 2022/2023 action plan. It describes the organisation of the rail visual surveillance rounds in 2022 and is based on a new file of "classification of rail assets by priority and urgency for the 213 action plan". The action plan follows feedback from actions initiated by previous letters, including manual ultrasonic inspection of 2,800 km of rail including specific 213 risk areas. SNCF network experts have highlighted:
the direct link between the number of rail defects and the age of the rails. The analysis of the returns from the inspections made it possible to classify the rail according to its age and the tonnage supported since it was laid, by 5 levels of treatment priority P1 to P5; the need to adapt the speed of inspection of the ELUS to the state of the track assets in order to guarantee the quality of the recordings. It emerged that it was necessary to define levels of urgency according to the quality of the track assets in order to organise the visual rail rounds as part of the action plan.
Measures following the action plan on undetected defects include improved visual and ultrasonic rail monitoring and an adaptation of the regeneration policy for the most critical rails.
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The results of the first feedback
Analysis of the national databases made it possible to identify the points on the network likely to have the same type of failure, on which a plan was drawn up to inspect the rails using ultrasonic rods. The immediate measures had two main objectives: firstly, to increase the effectiveness of detection of 113/213 defects by a visual surveillance tour targeted at assets with known 113/213 metallurgical defects and, secondly, to carry out targeted US inspections on 113/213 defects. By 30/04/2022, the results in the following table could be collected.
Atlantic ÃŽle-deFrance 128 34 0 0,27 North East Normandy (NEN) 917 1095 74 1,19 NEN outside Lorraine 584 244 6 0,42 NEN Lorraine 333 851 68 2,56 South East 810 119 4 0,15 Total France 2223 1308 98 0,66 Total outside Lorraine 1890 457 30 0,24
No. of km checked Number of defects X No. of defects S Number of X and S defects per km of rail inspected
368 40 20 0,16
The density of defects is very high on the Lorraine Infrapole. The density of type 213 defects requiring repair on the inspected lines is more than 10 times higher in Lorraine than the national average outside Lorraine (2.63 defects/km versus 0.25 defects/km). Nearly two thirds of the defects requiring repair were found on the areas inspected in Lorraine and one-third on the areas inspected on the rest of the national rail network. This finding led to the 2022/2023 action plan of 18/01/2022 described above. The results of the action plan show that the defect at Saint-Hilaire-au-Temple is not an isolated one but reflects a general deterioration of old rails manufactured before 1980, particularly those used for re-use and which have therefore already borne a lot of accumulated traffic.
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5 - Les recommandations en matière de sécurité
5.1 La cause du déraillement de l'accident
La cause principale du déraillement du train de Fret SNCF n° 71 646 le 28 août 2021 à Saint-Hilaire-au-Temple est la rupture sous le train au Pk 187,150 du rail en file basse de la courbe à gauche de la voie 2. Le défaut initial est une fissuration verticale longitudinale du champignon, codifié 213, qui existait depuis plusieurs années et qui n'a pas été détecté par la politique de surveillance du rail. Son état avancé a permis la chute brutale du demi-champignon extérieur sous l'effet d'une circulation TER précédente et sa ruine sous l'effet de la circulation accidentée.
5.2 -
Le déficit de renouvellement des rails anciens de réemploi
Les rails de réemploi ont supporté en première vie un trafic important, généralement non connu, et en seconde vie un trafic plus léger qui n'illustre pas l'état de vieillissement réel du rail. De plus, ces rails anciens présentent des pathologies particulières (notamment les défauts de fissuration verticale du champignon) liées à des techniques de fabrications spécifiques. Le processus d'objectivation des renouvellements des rails doit prendre en compte l'âge réel des rails, tant dans le calcul des indicateurs de consistance de la voie que dans les critères déclenchant définis par les référentiels54. Pour les rails il s'agit notamment des critères :
de vieillissement : trafic cumulé supportable au regard du profil du rail, toutes vies confondues (250 Mt pour du rail 46 kg/m, 600 Mt pour du rail 60 kg/m...) ; de retrait : nombre de retraits pour défaut de fatigue de l'ordre d'une dizaine par kilomètre de voie ou en cas de présence de défauts de grande longueur ; d'échéance théorique : celle-ci est par exemple de 50 ans pour des voies de groupe UIC 6.
Les tournées d'émergence doivent porter une attention particulière, au-delà des seuls défauts de fissuration verticale longitudinale du rail, sur la traçabilité de l'historique des rails et les phénomènes de vétusté des rails anciens. Le BEA-TT émet les recommandations ci-après. Recommandation R1 à l'attention de SNCF Réseau : Fiabiliser les données d'ARMEN et de DEFRAIL relatives à l'état de vétusté des rails en vue d'identifier et localiser les rails les plus anciens et les plus sollicités.
Recommandation R2 à l'attention de SNCF Réseau : Réexaminer les prescriptions en matière de couponnage et de renouvellement des rails en vue de garantir l'éradication rapide des rails les plus anciens et les plus sollicités ou leur bon état de fonctionnement.
54 MT 04 007 « Politique de renouvellement du domaine voie  périmètres des lignes classiques », etc.
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5.3 -
L'efficacité du processus de surveillance de l'état des rails anciens
Les tournées à pied ne permettent pas toujours de détecter les anomalies affectant les rails, notamment lorsqu'il s'agit d'anomalies peu apparentes (fissurations peu ou non débouchante) et sur lesquelles l'attention des agents n'a pas été préalablement attirée. Par ailleurs, lors des tournées qu'ils effectuent, les dirigeants d'unité et les dirigeants de proximité ont des objectifs spécifiques à leurs missions d'encadrement et de mainteneur. Outre leur permettre d'acquérir ou de maintenir une connaissance précise des installations, de leur historique, de leur environnement et de leurs évolutions, ces tournées doivent leur permettre de contrôler la bonne exécution des travaux et des opérations de maintenance. Une traçabilité de l'état réel des rails de réemploi (date de fabrication, trafic cumulé supporté, nombre de coupons par kilomètre...) et des opérations de maintenance réalisées est nécessaire. Elle doit permettre d'ajuster localement en fréquence et en conditions de réalisation, les moyens de surveillance à mettre en oeuvre au regard de l'historique des rails et dans l'attente d'une opération de renouvellement. L'efficacité du processus de surveillance repose non seulement sur la capacité des agents et des systèmes ultrasons à détecter les anomalies et à évaluer leur criticité, mais aussi sur l'aptitude du système de maintenance. Celui-ci doit garantir l'exécution, dans les plages et délais prescrits55, des mesures correctives qui découlent des signalements effectués renforcés le cas échéant de l'analyse du retour d'expérience. SNCF Réseau a, dans son plan d'action 2022, lancé une politique ambitieuse de surveillance comportant notamment : la mise à profit des tournées pour vérifier la conformité des caractéristiques du patrimoine rails sur le terrain avec celles décrites dans les bases de données et mettre à jour ARMEN et DEFRAIL ; la définition d'un effort de surveillance des rails anciens en fonction de la vitesse de circulation et de leurs dates réelles de fabrication par classes d'âge ; la nécessité de mettre en oeuvre systématiquement les capteurs 113/213 et d'adapter la vitesse d'auscultation des ELUS à l'état du patrimoine rail afin de garantir la qualité de l'enregistrement ; la prise en compte des âges des rails plus anciens s'il existe une importante variabilité des âges sur un même tronçon de voie ; des fréquences renforcées si la voie présente au moins un des cas suivants : absence de circuit de voie, soudures aluminothermique à gros bourrelet ou long rail soudé constitué par soudage de barres avec conservation des abouts. Il conviendrait d'inscrire ces actions dans la durée. Le BEA-TT émet la recommandation ci-après. Recommandation R3 à l'attention de SNCF Réseau : Parachever dans les référentiels le renforcement des analyses et modalités de surveillance de l'état réel des rails afin de traiter les risques liés à la vétusté des rails anciens, tout particulièrement les défauts de fissuration verticale. Prévoir dans l'organisation générale de la maintenance les dispositions assurant que ces nouvelles mesures sont prises en compte de façon fiable et auditable. Les actions relatives à cette recommandation sont, à date de publication de ce rapport, déjà engagées.
55 Selon la gravité S, X2, X1 du défaut
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5.4 -
La qualité d'auscultation ultrasons des rails par engins lourds
L'activité de surveillance des rails (identification des présomptions de défauts) est à assurer avec un fort niveau de confiance. Dans les tests statistiques on considère classiquement deux risques56 : le risque de première espèce ou risque alpha qui est le risque de conclure à l'absence d'un défaut alors que celui-ci existe bien ; le risque de deuxième espèce ou risque bêta ou défaut de puissance qui consiste à considérer l'existence d'un défaut alors qu'il n'en existe pas. La puissance du test de détection est la probabilité de détecter l'existence d'un défaut si ce défaut existe vraiment. Il est usuel de la fixer à 80 ou 90 %. Le BEA-TT estime, au regard de l'état de l'art des technologies actuellement à disposition (intelligence artificielle, capteurs, puissance de calcul, caméras haute résolution...) qu'il doit être possible de requestionner les chaînes de mesures et de traitement des informations afin d'augmenter la puissance du test de détection jusqu'à atteindre l'objectif précédemment défini. Dans ce cadre, la mise en oeuvre des capteurs spécialisés pour les défauts 113/213 et le signalement d'une mesure US non valide (NR) doivent être systématiques. Le BEA-TT estime qu'au regard des évolutions prévisibles des systèmes de détection et localisation de train (notamment le déploiement futur du système ETCS niveau 2 qui verra la disparition des circuits de voie, et par là même l'absence de détection d'une première rupture) qui auront lieu sans synchronisation avec la politique de remplacement des rails, la puissance du test de détection des engins lourds d'auscultation ultrasons devra être plus élevée qu'actuellement pour maintenir le niveau de sécurité du réseau ferré national. Le BEA-TT émet la recommandation ci-après. Recommandation R4 à l'attention de SNCF Réseau Étudier la faisabilité d'une meilleure qualité de détection par renforcement des méthodes et moyens mis en oeuvre sur les engins lourds d'auscultation des rails par ultrasons afin d'améliorer le taux de détection sûre de défauts de rails, notamment des défauts de fissuration verticale longitudinale du champignon, en utilisant le cas échéant les techniques nouvelles accessibles et les croisements utiles avec les bases de données de description du réseau ferré national. Dans l'attente de résultats probants, prescrire que les capteurs 113/213 soient plus systématiquement opérationnels, que la vitesse d'auscultation soit adaptée à la qualité du couplage rail-capteur et que les seuils de déclenchements soient réinstruits, en regard des autres actions mises en place pour minimiser le risque de non-reconnaissance.
5.5 -
La qualité des tournées de surveillance visuelle du rail
Les tournées rails sont à assurer avec un haut niveau de confiance. Elles sont à réaliser par du personnel techniquement compétent ayant la connaissance de la recherche des défauts de rails et disposant d'un support décrivant le patrimoine rail et son historique de maintenance (données ARMEN et DEFRAIL). Les compétences et grades sont cités dans le référentiel MT 02 070. Des guides pratiques pour le relevé visuel de toutes les zones de rails à inspecter, selon les connaissances actuelles, sont à constituer et distribuer.
56 Dits risques Alpha et Bêta
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Le BEA-TT émet la recommandation ci-après. Recommandation R5 à l'attention de SNCF Réseau Analyser du point de vue des facteurs humains et organisationnels la tâche de réalisation des tournées rails visant à la détection des défauts afin d'en tirer les enseignements utiles du point de vue de l'organisation des tournées, de la formation des opérateurs et de la mise à disposition des supports pratiques adaptés.
5.6 -
Les murs en retour des ponts-rail
Le bogie arrière du quatrième wagon et le bogie avant du cinquième wagon se sont encastrés dans le mur en retour du pont-rail de la LGV EE, entraînant un arrêt brutal de la circulation ferroviaire et, par voie de conséquence, l'aggravation des dégâts ainsi qu'un engagement de la voie contiguë. Cet encastrement est dû au fait que le mur en retour côté gauche de l'entrée de l'ouvrage ne s'élève qu'à mi-hauteur du mur latéral gauche, offrant de ce fait un obstacle franc vis-à -vis d'un choc ferroviaire. La fiche UIC 777-2-2 traite des dispositions constructives à appliquer aux constructions situées au-dessus des voies ferrées vis-à -vis du risque de choc ferroviaire. La fiche UIC ne donne aucune prescription quant aux obstacles francs que peuvent présenter ces ouvrages. Elle traite bien, en cas de choc avec l'ouvrage, des risques pour l'ouvrage mais insuffisamment ceux pour les circulations ferroviaires. Le BEA-TT émet la recommandation ci-après. Recommandation R6 à l'attention de l'UIC Évaluer la pertinence d'étudier plus avant le scénario d'un accrochage sur un obstacle franc que peut présenter un ouvrage, dans le cadre du programme d'activités des experts associés à la révision de cette fiche UIC. Selon le résultat de cette évaluation, intégrer aux travaux de révision en cours ou à une révision ultérieure, l'objectif d'améliorer la fiche 777-2.
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Safety recommendations (english version)
The renewal deficit of old reused rails
The reused rails have withstood heavy traffic in their first life, generally unknown, and lighter traffic in their second life, which does not illustrate the real state of ageing of the rail. Moreover, these old rails present particular pathologies linked to specific manufacturing techniques. The process of objectifying rail renewals must take into account the real age of the rails, both in the calculation of the triggering criteria defined by the standards. For the rails, these criteria include the following:
of ageing: cumulative traffic that is bearable with respect to the rail profile, all lives combined; number of withdrawals for fatigue defects of the order of ten per kilometre of track or in the event of the presence of long defects; theoretical maturity: this is, for example, 50 years for UIC 6 tracks.
The emergence rounds must pay particular attention to the traceability of the rail history and the obsolescence of old rails. The BEA-TT makes the following recommendations. Recommendation R1 to SNCF Réseau: Improve the reliability of the data in the national databases on the state of disrepair of the rails with a view to identifying and locating the oldest and most stressed rails. Recommendation R2 to SNCF Réseau: Review the requirements for the rail couponing and renewal of rails to ensure that the oldest and most stressed rails are quickly eradicated or remain in good working order.
The effectiveness of the process of monitoring the condition of old rails
Walking periodic tours do not always allow for the detection of rail anomalies, especially when they are not very obvious and have not been brought to the attention of the staff beforehand. During their periodic tours, unit managers and local managers have specific objectives in their management and maintenance roles. In addition to enabling them to acquire or maintain a precise knowledge of the installations, their history, their environment and their evolution, these rounds must enable them to check that the work and maintenance operations are being carried out correctly. It is necessary to be able to trace the actual state of the reused rails and the maintenance operations carried out. This should enable the frequency and conditions of the work to be adjusted locally to the monitoring methods to be implemented in the light of the history of the rails and pending a renewal operation. The effectiveness of the monitoring process depends not only on the ability of the agents and the ultrasonic systems to detect anomalies and assess their criticality, but also on the ability of the maintenance system. The latter must ensure that corrective actions resulting from reports, reinforced where necessary by feedback analysis, are carried out within the prescribed periods. In its 2022 action plan, SNCF Réseau has committed to a monitoring policy including:
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the use of the tours to check the conformity of the characteristics of the rail heritage in the field with those described in the national databases; the definition of a monitoring effort for old rails according to the speed of traffic and their actual dates of manufacture by age classes; the need to systematically implement the 113/213 sensors and to adapt the speed of the ELUS inspection to the state of the rail assets in order to guarantee the quality of the recording; taking into account the ages of older rails if there is significant age variability on the same section of track; reinforced frequencies if the track has at least one of the following cases: absence of a track circuit, aluminothermy welds with a large bead or a long welded rail made up of welded bars with preservation of the ends.
In order to make these actions sustainable, the BEA-TT makes the following recommendation. Recommendation R3 to SNCF Réseau: Complete the strengthening of the analysis and monitoring of the actual state of the rails in the reference systems in order to deal with the risks associated with the obsolescence of old rails, particularly vertical cracking defects. Include in the overall maintenance organisation arrangements to ensure that these new measures are taken into account in a reliable and auditable manner.
The quality of ultrasonic rail inspection by heavy machinery
The rail monitoring activity must be carried out with a high level of confidence. In statistical tests, two risks are classically considered: the first kind of risk or alpha risk, which is the risk of concluding that a defect does not exist when it does; the second kind of risk or beta risk or power defect, which consists of considering the existence of a defect when it does not exist. The power of the detection test is the probability of detecting the existence of a defect if it really exists. It is usual to set it at 80 or 90 %. The BEA-TT considers, in view of the state of the art of the technologies currently available, that it should be possible to rework the measurement and information processing chains in order to increase the power of the detection test until the previously defined objective is reached. In this context, the implementation of specialised sensors for 113/213 defects and the reporting of an invalid US measurement must be systematic. The BEA-TT considers that in view of the foreseeable developments in train detection and location systems (deployment of the ETCS level 2 system, which will see the disappearance of track circuits and hence the absence of detection of a first break), which will take place without synchronising with the rail replacement policy, the power of the detection test for heavy ultrasonic inspection equipment will have to be higher than at present in order to maintain the level of safety of the national rail network. The BEA-TT makes the following recommendation. Recommendation R4 to SNCF Réseau Study the feasibility of improving the quality of detection by strengthening the methods and means used on heavy ultrasonic rail testing equipment in order to improve the rate of safe detection of rail defects, in particular vertical longitudinal head cracking defects, using, where appropriate, the new techniques available and the useful cross-references with the national rail network description databases
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Pending conclusive results, prescribe that the 113/213 sensors be more systematically operational, that the speed of inspection be adapted to the quality of the rail-sensor coupling and that the trigger thresholds be reset, in view of the other actions taken to minimise the risk of non-recognition.
The quality of the visual rail monitoring rounds
Rail inspections should be carried out with a high level of confidence. They should be carried out by technically competent personnel with knowledge of rail defect detection and with a description of the rail assets and their maintenance history. Practical guides for the visual survey of all rail areas to be inspected, according to current knowledge, should be compiled and distributed. The BEA-TT makes the following recommendation. Recommendation R5 to SNCF Réseau To analyse the task of carrying out rail periodic tours aimed at detecting defects from the point of view of human and organisational factors in order to draw useful lessons from it in terms of periodic tour organisation, operator training and the provision of appropriate practical support.
Return walls of railway bridges
The rear bogie of the fourth wagon and the front bogie of the fifth wagon became embedded in the return wall of the rail bridge, bringing rail traffic to a sudden halt and thereby increasing the damage and engaging the adjoining track. The reason for this is that the return wall on the left-hand side of the entrance to the structure provides a clear obstacle to a railway impact. UIC leaflet 777-2 deals with the constructional provisions to be applied to buildings located above railway tracks with regard to the risk of railway impact. The sheet does not give any requirements as to the free obstacles that these structures may present. In the event of a collision with the structure, it deals with the risks to the structure but not sufficiently with the risks to rail traffic. The BEA-TT makes the following recommendation. Recommendation R6 to the UIC Evaluate the relevance of further studying the scenario of a collision on a clear obstacle that a structure may present, as part of the programme of activities of the experts associated with the revision of this UIC leaflet. Depending on the outcome of this assessment, incorporate the objective of improving sheet 777-2 into the ongoing revision work or a future revision.
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ANNEXES
Annexe 1 : décision d'ouverture d'enquête Annexe 2 : politique de surveillance et maintenance du rail Annexe 3 : retour d'expérience national sur le rail Annexe 4 : synthèse du couponnage et des défauts Annexe 5 : expertise du Laboratoire des rails Annexe 6 : règlement général de protection des données
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Annexe 1 : décision d'ouverture d'enquête
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Annexe 2 : politique de surveillance et de maintenance du rail
1- Politique de surveillance du rail
Le référentiel MT 02 070 définit les modalités de la surveillance des rails en voies principales en matière de cycles, d'organisation, moyens et prescriptions techniques de réalisation. Niveaux de détectabilité des moyens de surveillance vis-à -vis des types de défauts Chaque moyen de surveillance possède, vis-à -vis des différents types de défauts de rails, un certain niveau de détectabilité.
Performance de détection des défauts situés en zone d'abouts examen visuel partiellement adapté ; examen par OPUS manuel complètement adapté. Performance des moyens de détection des défauts de pleine barre examen visuel, partiellement adapté ; examen par ELUS sans capteur 213, très peu adapté ; examen par ELUS avec capteur 213, partiellement adapté ; examen par Canne ou bifile (OPUS) sans capteur 213, très peu adapté ; examen par Canne ou bifile (OPUS) avec capteur 213, adapté.
Défaut 113  Fissuration verticale longitudinale du champignon :
Défaut 213  Fissuration verticale longitudinale du champignon :
Le dirigeant local demande l'activation des capteurs 213 au moins 48 h avant la tournée. Tournées de surveillance des rails L'objectif principal de la surveillance visuelle est la recherche de nouveaux défauts. Au même titre que la surveillance US, la surveillance visuelle est un pilier indispensable à la surveillance des rails. Elle comble les manques inhérents à la surveillance US (notamment ELUS). Ces deux modes de surveillance doivent assurer la sécurité technique du rail. La tournée rails consiste en un examen attentif des rails. Elle doit être effectuée périodiquement voie par voie sur l'ensemble des voies principales, et ce quel que soit le groupe UIC. Pour une voie donnée, la tournée rail doit englober l'ensemble des rails de la voie parcourue. La plage de réalisation théorique annuelle est fixe, indépendante de la date de réalisation de la dernière tournée rail : 12 mois ± 60 jours. Tournées rails du plan d'action 2011 au regard des défauts 113 et 213 En 2011, suite à une rupture grave pour défaut codé 213, un plan d'action a été mis en oeuvre. Ce plan d'action prévoyait, entre autres, une surveillance visuelle sur l'ensemble des zones critiques. Ce plan d'action a permis de retirer un grand nombre de défauts et d'éviter ainsi un certain nombre de ruptures. Le problème perdurera tant que les rails incriminés n'auront pas tous été renouvelés. Les zones critiques appelées « zones à surveillance spécifique » sont basées sur les différents événements 113/213. Celles-ci sont fusionnées lorsqu'il y a moins de 5 km entre deux événements successifs. Les ZSS sont intégrées dans l'application DEFRAIL sous la forme d'un « défaut de grande longueur » (DGL 213 par exemple). Considérant que les ELUS ne sont pas encore suffisamment performants pour détecter efficacement ce type de défauts, il est
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nécessaire d'exercer une surveillance particulière sur ces ZSS. Ces DGL ZSS sont intégrés dans les tournées rails. La présence de DGL/ZSS codés 213 dans un parcours de tournée rails a pour objet de rappeler à l'opérateur que les rails qu'il surveille sont potentiellement affectés de défauts 113 ou 213 et qu'il doit leur apporter une attention accrue. Ces défauts peuvent être « invisibles » contrairement à n'importe quel autre DGL. La surveillance continue par ELUS Les ELUS ont pour objet de détecter des présomptions de défauts qui seront ensuite confirmées par un opérateur US. Les ELUS sont équipés de capteurs :
+70° / 0°/ -70°, en centré sur le champignon, destinés à détecter les fissures internes situées dans l'axe de symétrie du rail. +70° / -70° en décentré de 10 mm, et bigle de 5°, côté intérieur voie, afin de détecter les fissures (défauts 222) prenant naissance au congé supérieur du flanc actif du champignon des files de grand rayon des courbes.
Principes de recherche de défauts à l'aide de capteurs à angles Le capteur émet une onde Ultrasonore qui se propage dans le rail jusqu'à ce qu'elle rencontre une éventuelle discontinuité sur laquelle elle rebondit. Dans le cas où cette discontinuité est sensiblement perpendiculaire au faisceau émis, ce dernier va retourner avec le même angle vers le capteur et la discontinuité sera détectée. A contrario, lorsque la discontinuité présente des angles très différents par rapport à sa perpendiculaire, le faisceau va diverger et, au mieux, seule une partie de l'énergie reviendra vers le capteur ce qui ne permettra pas toujours de détecter la discontinuité. Afin d'élargir le champ de détection aux défauts les plus fréquents ou les plus dangereux, plusieurs angles de tir précédemment définis ont été utilisés par les capteurs des ELUS.
Avec l'angle 70°, la technique US est inopérante pour la partie superficielle de la table de roulement du champignon (zone des 5 premiers millimètres)
Les fissures verticales sont recherchées « manuellement » avec l'angle 0° horizontal. Le capteur 0° (utilisé, en mode horizontal), plaqué sur le flanc du champignon ou l'âme, permet de détecter et mesurer le paramètre L, des défauts. (113/213, 133/233).
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Deux des ELUS peuvent disposer depuis 2014 d'un dispositif spécifique permettant de détecter ces défauts 113 et 213
L'utilisation des capteurs spécifiques « 213 » sur les ELUS est obligatoire sur l'ensemble des tronçons de voies contenant dans l'application DEFRAIL des DGL (ZSS) 213. Procédure de remontée des informations au dirigeant local voie Toute détection ELUS fait l'objet d'une confirmation manuelle par OPUS. Celle-ci effectuée, l'OPUS remet les rapports US au responsable local voie qui a commandité sa prestation. En cas de la découverte de défauts classés X1 ou X2 ce signalement est journalier. En cas de découverte d'un rail classé S, l'OPUS en informe immédiatement l'agent sécurité qui prend les mesures de sécurité définies dans les référentiels57, analyse la situation et opte pour l'une des décisions suivantes : maintenir l'arrêt des circulations, lorsqu'il estime que le défaut n'est pas franchissable ou autoriser le franchissement du défaut à une vitesse qu'il détermine, et qui ne doit pas excéder 40 Km/h. Surveillance conditionnelle si défaut 113/213 détecté par ELUS Après découverte d'un défaut 113 ou 213 ou survenue d'une rupture confirmée 113 ou 213 il y a lieu d'opérer une surveillance US spécifique 213 (par OPUS) sur un minimum de 500 m de voie, de part et d'autre de l'événement « défaut / rupture », ce dans un délai de 30 jours après la découverte du défaut ou de la rupture. La découverte de tout défaut classé O ou X*, codés 113 ou 213 sur la zone initiale de contrôle a pour effet de prolonger de 500 m à partir de ce défaut, la zone de contrôle. Le contrôle spécifique s'arrête dès qu'une zone de 500 m de voie, exempte de défauts 113/213, sera trouvée.
2 - Politique de maintenance du rail
Le référentiel MT 02 071 (EF 02 C 33) / 06-2018 traite de la réparation et remplacement des rails fissurés ou rompus de voies principales. Réparation définitive par couponnage La longueur minimale des coupons à mettre en voie sur lignes classiques est de 4 m si le rayon de la courbe est supérieur à 1 000 m et de 6 m dans le cas contraire. Lorsqu'il s'agit d'une fissuration verticale longitudinale du champignon, de l'âme ou du patin, l'ensemble du rail élémentaire est à retirer de la voie et le rail concerné doit être ferraillé. Dans l'attente du ferraillage, et pour éviter le risque de réemploi intempestif, le rail sera repéré par des bandes de peinture rouge discontinues d'un mètre environ de longueur, sur les deux faces de l'âme. Utilisation des techniques de soudage en voie Types de soudures à utiliser : Les types de soudure à utiliser (procédé, intercalaire, nuance de métal d'apport) en fonction du profil et de la nuance des rails à souder sont définis pour tous rails au profil « Vignole ».
57 OP 00 588 et OP 00 839 (ex S2B)
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Annexe 3 : retour d'expérience national sur le rail
Audit du réseau ferré national58 2017 Le nombre de défauts de rails en voie « O » a sensiblement augmenté. Le solde entre le nombre de défauts amortis et le nombre de défauts découverts est légèrement positif (moins de défauts découverts que de défauts amortis). Le réseau comptait en 2018 plus de 200 000 défauts « O » ou « X » répertoriés. Selon une statistique interne, la moitié des défauts sont liés à la fatigue de contact railÂroue. Les défauts 113/213 ne dépassent pas 4 % des défauts. Simultanément, le nombre de ruptures de rails est en baisse, montrant une maîtrise du risque. Il reste néanmoins un important « stock » de défauts de rails en voie à résorber. En 2009, les auditeurs constataient qu'environ 14 000 (valeur 2007) coupons de rails étaient remplacés chaque année, par des moyens peu mécanisés. Bilan Annuel rail 2019 (BAR) L'âge moyen des rails (tenant compte de leur année de pose et non de fabrication) des groupes 5 et 6 est de 30 ans. L'indicateur de consistance de la voie (ICV) baisse à nouveau depuis 2010 (passage de 32 à 27, pour une valeur cible de 55). Les longueurs de rails remplacés en voie principale par Renouvellement Voie Ballast ou par d'autres opérations importantes et en remplacement de rail à l'entretien se stabilise depuis 2014. Le linéaire total de rails remplacés contient des rails neufs et aujourd'hui marginalement des rails de réemploi « direct » provenant des remplacement de rail de LGV. Le linéaire total de rail remplacé sur 5 ans se maintient aux alentours de 2 300 km de rail. Ce linéaire de renouvellement de rail parvient tout juste à stabiliser l'âge moyen des rails du RFN à environ 30 ans. Le nombre annuel de « défauts vivants » en voie se stabilise autour de 60 000 depuis 2012 (cf. DEFRAIL). Le BAR alerte sur le fait que « l'effort de remplacement de rail doit être amplifié afin de réduire cet âge moyen sur le long terme, dans la mesure où le composant rail qui couvre une grande part du risque sécurité technique du domaine « Voie » reste une priorité ». Le BAR alerte de même quant à la réduction de l'effectif des opérateurs US en Infrapôle. Ainsi, en 2019, le nombre d'opérateurs ultrasons (OPUS) a diminué de 6 % suite aux départs à la retraite, sachant qu'il faut entre 9 et 12 mois pour former un OPUS jusqu'à l'obtention de la certification. La production des opérateurs US est notamment essentielle pour les défauts 113/213. En 2012 et 2013 il a même été demandé aux Infrapôle d'adapter les moyens en opérateurs US en fonction de la charge supplémentaire représentée par les plans d'action 113/213. Au regard de notre accident : l'Infrapôle Champagne-Ardenne ne dispose plus que de 4 opérateurs (5 sur la période 2013 à 2018). Le linéaire à ausculter par ELUS est dépendant des cycles définis par les Infrapôles en fonction des critères imposés par le référentiel MT 02 070. Le volume ausculté en 2019 est de 29 261 km, soit le plus faible depuis 2013. La baisse des kilomètres auscultés concerne surtout les groupes 3 à 5, sachant que les voies des groupes 6 sont déjà très faiblement auscultées.
58 « Audit sur l'état du réseau ferré national  Rapport de la mission »  pour le compte de SNCF réseau  Date : 19/03/2018 version 2.3
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Le BAR note une baisse notable du nombre de confirmations pour les trois statuts (O, X1, X2) qui ne semble pas pouvoir être entièrement imputée à la baisse de la production. Une mauvaise qualité des auscultations (notamment lié au dysfonctionnement de l'UST15) a nécessairement contribué à cette chute. Le taux de « NR » est d'autant plus important que les rails sont « anciens », groupe UIC 6 et 7 à 9. En 2019 : 3619 points à confirmer sont relatifs à des défauts non connus jusqu'alors : ils se décomposent en 792 classés X ou S qui feront l'objet de retraits et de 1919 classés O qui se rajouteront aux défauts déjà suivis en voie. Le nombre annuel de ruptures de rail constitue un indicateur de performance de la maintenance des rails. 132 ruptures ont été comptabilisées pour l'année 2019, soit 0,27 ruptures par km de voie. Ce nombre de ruptures est en baisse par rapport à 2018 et ce, sur les quatre zones de production. Les défauts 113 et 213 appartiennent à la catégorie « Divers + cause non identifiées », soit moins de 4 % des ruptures annuelles sur le RFN. Les défauts 113 et 213, sont dangereux, difficiles à trouver, ne surviennent que sur des rails de fabrication ancienne et enfin relativement rares au regard des autres typologies de défauts. Plus de 65 % des ruptures de rail sont détectés par les circuits de voie. Près de 43 % des ruptures ne sont malheureusement pas détectées par les circuits de voie, les 113 et 213 ne le sont jamais. La détection par les agents Infrastructure reste un facteur important avec plus de 20 % des ruptures détectées à l'occasion des tournées ou lors des travaux principalement :
sur les lignes sans circuit de voie ; dans les appareils de voie et zones de non-détection afférentes du fait des plans d'isolement des AdV à montage dit « en parallèle » ; dans les joints.
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Annexe 4 : synthèse du couponnage et des défauts
Synthèse des coupons mis en voie à compte de 2005 et les défauts détectés à compter de 2008 (dans les bases de données).
Code : Bleu = Rail remplacé par couponnage Rose = Rail avec défaut détecté Rouge = Rail rompu à l'origine du déraillement
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Annexe 5 : expertise du Laboratoire des rails
La présente est une reformulation synthétique du rapport L2143-2021-108 « Expertise de la rupture d'un rail découverte le 26/08/2021 suite à un déraillement sur la ligne 81 000 (Infrapôle Champagne-Ardenne) » du Département voie et abords, Section produit rail et expertises  Révision n°02 du 06/10/2021. Elle n'engage que le BEA-TT. Le contenu du rapport s'avère trop volumineux pour être présenté ici dans son intégralité. Examen visuel Caractérisation de la rupture : rupture multiple survenue sur un rail Burbach de profil U33 et laminé en 1955, présentant de nombreuses composantes :
une composante verticale longitudinale dans l'axe du champignon sur une longueur d'au moins 3,10 m ; cette composante étant localement désaxée côté extérieur voie sur les éléments reçus les plus éloignés de la soudure aluminothermique ; une composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme sur une longueur d'au moins 3,10 m ; une composante transversale sur l'ensemble du profil à proximité de la soudure ; de multiples composantes transversales. soudure de type PLR poinçonnée « 04 13 RS41 » ; différence de hauteur de 3,5 mm entre les deux rails soudés. traces de chocs post-rupture sur le champignon au droit de certaines composantes transversales ; traces de meulages récentes sur la table de roulement de l'ensemble des éléments reçus.
Caractérisation de la soudure aluminothermique :
Autres observations :
Examens fractographiques L'examen réalisé sur la composante verticale longitudinale dans l'axe du champignon a montré :
une fissuration verticale longitudinale oxydée dans le champignon, indiquant une fissuration développée en service et antérieure au déraillement ; une zone d'amorçage située à plus de 2,50 m de la soudure aluminothermique ; une zone fissurée en service débouchante sur la table de roulement située au-delà de cette zone d'amorçage d'une longueur de 330 mm.
Cette composante a été codifiée 213 (fissuration verticale longitudinale du champignon). L'examen réalisé sur la composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme a montré :
un faciès oxydé du côté extérieur voie, caractéristique d'un développement antérieur au déraillement, correspondant à la partie inférieure de la fissuration verticale longitudinale du champignon codifiée 213 ; une bande matée homogène sur le bord de l'âme côté extérieur voie, témoignant de frottements en service entre les deux parties de la fissuration ; une zone de propagation rapide de type semi-fragile non oxydée du côté intérieur voie correspondant à la zone de rupture brutale finale de cette composante, vraisemblablement survenue lors du déraillement.
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L'examen de la composante transversale sur le profil à proximité de la soudure a montré :
une fissuration transversale oxydée dans le champignon côté extérieur voie et dans l'âme jusqu'au congé âme-patin, initiée depuis la fissuration verticale longitudinale codifiée 213 et vraisemblablement survenue avant le déraillement ; une seconde fissuration transversale oxydée de petite taille dans le champignon côté intérieur voie dans la soudure aluminothermique, également initiée depuis la fissuration verticale longitudinale codifiée 213 ; des zones de propagation rapide de type semi-fragile au patin, au champignon côté intérieur voie et localement au champignon côté extérieur voie, correspondant aux zones de rupture brutale finale de cette composante, vraisemblablement survenue lors du déraillement.
Les examens réalisés sur les autres composantes transversales à travers l'âme et le patin ont montré des ruptures brutales initiées depuis la composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme, vraisemblablement survenues lors du déraillement. Les examens réalisés sur les autres composantes transversales à travers le champignon ont montré des ruptures brutales initiées depuis ou à proximité de la fissuration verticale longitudinale codifiée 213, vraisemblablement survenues lors du déraillement. Les examens macrographiques font apparaître :
des résultats conformes aux exigences actuelles de la norme NF EN 13 674-1 ; un fibrage en forme caractéristique de type « poireau » dans le champignon, l'âme et la partie centrale du patin ; une empreinte conforme aux exigences de la norme NF EN 13 674-1 ; une propagation de la fissuration verticale longitudinale codifiée 213 dans la soudure aluminothermique sur 13 mm au-delà des zones visibles sur les faciès de rupture ; cette fissuration ne se propage pas dans le rail de profil 46 E2 ; une absence d'anomalie de la zone fondue de la soudure aluminothermique au droit de la fissuration codifiée 213, indiquant que celle-ci n'était pas débouchante sur l'about de rail lors de la réalisation de la soudure en 2013.
Caractérisation de la rupture multiple Des schémas représentant les positions des éléments reçus et localisables et des différentes composantes de la rupture multiple sont visibles ci-dessous :
Le positionnement des morceaux du champignon situés à plus de 2,50 m de la soudure aluminothermique ne peut pas être réalisé avec précision du fait des éléments non reçus.
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Composante verticale longitudinale dans l'axe du champignon Examen réalisé sur les échantillons situés jusqu'à une distance de 2,50 m après la soudure aluminothermique (morceaux de champignon repérés A à H). Les examens réalisés, avant et après désoxydation, sur la composante verticale longitudinale développée dans l'axe du champignon ont montré :
une fissuration verticale longitudinale oxydée dans le champignon d'une hauteur maximale de 45 mm environ, indiquant une fissuration développée en service et antérieure au déraillement ; une progression longitudinale de la fissuration en direction de la soudure, dans le sens opposé aux circulations, sur l'ensemble des éléments situés jusqu'à 2,50 m après la soudure (morceaux de champignons repérés A à H) ; une zone de propagation rapide de type semi-fragile non oxydée à proximité de la table de roulement sur ces différents éléments, correspondant à la zone de rupture brutale finale de cette composante.
Un schéma récapitulatif indiquant les différentes propagations (réalisé sur le morceau de demi-champignon côté extérieur voie repéré C, représentatif des différents éléments localisés jusqu'à 2,50 m après la soudure aluminothermique) est visible ci-dessous. Cette composante a été codifiée 213 (fissuration verticale longitudinale du champignon) selon le référentiel MT 00 285 « Codification des défauts de rails ».
L'examen des morceaux de champignon situés à une distance de plus de 2,50 m de la soudure aluminothermique (morceaux de champignon repérés I à N) a mis en évidence :
la fissuration verticale longitudinale oxydée dans le champignon indiquant une fissuration développée en service et antérieure au déraillement ; sur les deux morceaux du demi-champignon côté intérieur voie repérés I et J, une progression longitudinale de la fissuration dans le sens opposé au sens de circulation en direction de la soudure aluminothermique ; sur le morceau du demi-champignon côté extérieur voie repéré K, une zone d'initiation au droit d'une indication oxydée dans le champignon, le faciès de rupture présentant des sens de propagation opposés de part et d'autre de cette zone ; sur le morceau du demi-champignon côté extérieur voie repéré L et sur les deux morceaux du demi champignon côté intérieur voie repérés M et N, une progression longitudinale de la fissuration dans le sens de circulation ; des zones de propagation rapide de type semi-fragile non oxydées à proximité de la table de roulement sur les morceaux repérés I, J, K et M, correspondant à la zone de rupture brutale finale de la composante verticale longitudinale sur ces éléments ; une oxydation visible sur toute la hauteur du faciès sur les morceaux repérés L et N, sur une longueur totale de 330 mm, indiquant que la fissuration était débouchante sur la table de roulement dans cette zone avant la rupture du rail.
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Composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme Les examens réalisés sur la composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme ont montré deux zones de développement distinctes qui occupent chacune environ 50 % de la largeur de l'âme sur les éléments localisables situés jusqu'à 1,80 m de la soudure aluminothermique :
un faciès oxydé du côté extérieur voie, indiquant un développement en service antérieur au déraillement dans cette zone, qui correspond à la partie inférieure de la fissuration verticale longitudinale au champignon codifié 213 ; une zone de propagation rapide de type semi-fragile non oxydée du côté intérieur voie, correspondant à la zone de rupture brutale finale de cette composante vraisemblablement survenue lors du déraillement dans cette zone. une bande matée homogène sur le bord de l'âme côté extérieur voie, témoignant de frottements en service entre les deux parties de la fissuration ; des zones matées très importantes et localement bleuies sur le faciès côté intérieur voie, témoignant d'impacts consécutifs à la rupture.
Les examens fractographiques montrent également :
Un schéma récapitulatif indiquant les différentes propagations de la composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme sur les éléments situés jusqu'à 1,80 m de la soudure aluminothermique est visible ci-dessous :
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Annexe 6 : règlement général de protection des données
Le bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) est investi d'une mission de service public dont la finalité est la réalisation de rapports sur les accidents afin d'améliorer la sécurité des transports terrestres (articles L. 1621-1 et 1621-2 du code des transports, voir la page de présentation de l'organisme). Pour remplir cette mission, les personnes chargées de l'enquête, agents du BEA-TT habilités ainsi que d'éventuels enquêteurs extérieurs spécialement commissionnés, peuvent rencontrer toute personne impliquée dans un accident de transport terrestre (articles L. 1621-14) et recueillir toute donnée utile. Ils traitent alors les données recueillies dans le cadre de l'enquête dont ils ont la responsabilité uniquement pour la seule finalité prédéfinie en garantissant la confidentialité des données à caractère personnel. Les rapports d'enquêtes sont publiés sans le nom des personnes et ne font état que des informations nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de l'accident. Les données personnelles sont conservées pour une durée de 4 années à compter de la publication du rapport d'enquête, elles sont ensuite détruites. Le traitement « Enquête accident BEA-TT » est mis en oeuvre sous la responsabilité du BEA-TT relevant du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT). Le MTECT s'engage à ce que les traitements de données à caractère personnel dont il est le responsable de traitement soient mis en oeuvre conformément au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (ci-après, « règlement général sur la protection des données » ou RGPD) et à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Les personnes concernées par le traitement, conformément à la législation en vigueur, peuvent exercer leurs droits auprès du responsable de traitement : droit d'accès aux données, droit de rectification, droit à la limitation, droit d'opposition. Pour toute information ou exercice de vos droits, vous pouvez contacter : 1- Le responsable de traitement, qui peut être contacté à l'adresse suivante : - à l'adresse : bea-tt@developpement-durable.gouv.fr - ou par courrier (avec copie de votre pièce d'identité en cas d'exercice de vos droits) à l'adresse suivante : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires A l'attention du directeur du BEA-TT Grande Arche - Paroi Sud, 29e étage, 92055 LA DEFENSE Cedex 2- Le délégué à la protection des données (DPD) du MTECT : - à l'adresse suivante : dpd.daj.sg@developpement-durable.gouv.fr ; - ou par courrier (avec copie de votre pièce d'identité en cas d'exercice de vos droits) à l'adresse suivante : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires A l'attention du Délégué à la protection des données SG/DAJ/AJAG1-2 92055 La Défense cedex Vous avez également la possibilité d'adresser une réclamation relative aux traitements mis en oeuvre à la Commission nationale informatique et libertés (3 Place de Fontenoy - TSA 80715 - 75334 PARIS CEDEX 07).
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Bureau d'E nquêtes sur les Ac cidents de T ransport T errestre
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Grande Arche - Paroi Sud 92055 La Défense cedex Téléphone : 01 40 81 21 83 bea-tt@developpement-durable.gouv.fr www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr
(ATTENTION: OPTION t l'année 2011.
Les dirigeants locaux en seraient d'autant plus sensibilisés pour l'adaptation des cycles de passage et des vitesses des tournées d'auscultation des rails au regard de l'état réel du rail (amélioration de la qualité de détection pour tenir compte de l'état réel des rails anciens).
47 Classiquement, on considère que les engins d'auscultation équipés de capteurs 213 permettent la détection de 50 % des défauts identifiables par opérateur ultrason (au regard de leur longueur, profondeur etc.)
46
4.3.5 - La non-détection par les OPUS du défaut de fissuration verticale longitudinale
L'auscultation manuelle des rails par des opérateurs ultrasons est considérée comme le moyen le plus efficace de détecter et de confirmer une fissuration verticale longitudinale du rail. Il semble que l'application de ce mode d'auscultation puisse être mise en défaut lorsque les linéaires de rail à inspecter sont importants et les rails anciens avec des états de surface imparfaits. Il y a lieu de progresser quant à l'efficacité de cette méthode d'auscultation du rail.
4.3.6 - La non-détection par les tournées Dirigeant et les tournées Rails
Au regard des difficultés de détection de défauts de fissuration verticale longitudinale du rail, l'expérience montre que les tournées à pied, tant des dirigeants voie que des agents réalisant les tournées rail, peuvent ne pas être pleinement efficaces. Les tournées visuelles « Dirigeant » et « Rail » visent chacune à détecter certains défauts. Dans le cas présent, elles n'ont pas permis de détecter le défaut malgré l'état avancé de la fissuration. Il ne faut néanmoins pas négliger le pouvoir de détection de ce type de tournées. Une attention particulière pourrait être donnée à la formation des agents et à leur soutien par un guide méthodologique pratique quant à la détection de ces défauts (savoir interpréter certains aspects visuels du plan de roulement...).
4.4 -
Le retour d'expérience
4.4.1 - Les faits survenus antérieurs de nature comparable
Rupture de rail sur défaut 213 du 17/09/2020 Postérieurement à l'accident objet du présent rapport, le 17 septembre 2020, sur la ligne de Blainville à Lure (Ligne 42 000) une rupture en ligne d'une longueur de 400 mm a été franchie par deux circulations commerciales à 115 km/h. La voie en groupe UIC 8 « avec voyageurs » est circulée à 120 km/h. La rupture est survenue suite à une fissuration verticale longitudinale du patin et du champignon (défauts de fissuration verticale longitudinale du rail codifiés 213). À la suite de l'incident, des contrôles ultrasons en continu effectués de part et d'autre de la rupture ont permis de constater que ce défaut n'était pas un cas isolé et plusieurs défauts classés X1 et X2 ont été découverts. Aucune conséquence humaine n'est à déplorer. Ceci est notamment dû au fait que la voie était en alignement et que la circulation était « légère » permettant une évolution sur l'âme du rail. Si la portion de voie avait été équipée de circuit de voie, celui-ci aurait pu détecter la rupture consécutive après le premier franchissement. Celle-ci avait conduit au lancement d'actions visant à réduire le risque lié à ce défaut sur le réseau national. Dès lors, les défauts, retraits, ruptures pour défauts « 113/213 » sont historisés dans DEFRAIL sous l'appellation « défaut de grande longueur, zone de surveillance spécifique » et les agents en charge des tournées rail sont préalablement renseignés de leur existence. Rupture de rail sur défaut 213 du 1/10/2021 Postérieurement à l'accident objet du présent rapport, le 1er octobre 2021, sur la ligne de Saint-Dié à Lunéville (Ligne 67 000). La voie classée en groupe UIC 8 « avec voyageurs » est circulée à 120 km/h.
47
La première circulation a considéré le choc comme un heurt d'animal. Le même conducteur lors de la circulation retour a arrêté son train et s'est rendu sur place pour constater la rupture du rail. Celle-ci, d'une longueur de 5 m (Pk 427,190 au 427,195) en file droite et en alignement, a été franchie en vitesse, sans déraillement, par deux circulations successives. Le rail rompu est de profil 46 kg type Est fabriqué en 1899 et posé en rail de réemploi en 1930, mis en long rail soudé constitué par soudage de barres avec conservation des abouts. Il était encadré par un rail de 1903 en aval et un coupon de 2002 en amont. Les spécialistes de SNCF Réseau dépêchés sur place ont conclu à la ruine du rail après le second passage. Les actions immédiates décidées se sont inscrites dans la suite des mesures prises après l'accident de Saint-Hilaire-au-Temple, explicitées au chapitre suivant.
Figure 52 : rupture multiple suite à fissuration verticale longitudinale
(Source SNCF)
Le laboratoire des rails a analysé les éléments recueillis. Cet événement est dû à une rupture multiple du rail initiée par une fissuration verticale longitudinale du champignon 48 comme l'illustre la figure 53.
Figure 53 : examen fractographie et coupe du rail
(Source SNCF) 48 Rapport L2143-2021-137 « Expertise de la rupture multiple de rail survenue le 01/10/2021 sur la ligne 67 000 entre Lunéville et Saint dié »  Infrapôle Lorraine  DGII VAR du 19/11/2021
48
4.4.2 - Les courriers émis par la direction de SNCF Réseau
La direction de l'ingénierie du gestionnaire d'infrastructure SNCF Réseau a pris sous forme de courriers aux zones de production et aux Infrapôles des mesures immédiates consécutives à la rupture de rail sur défaut 213 non détecté à Saint-Hilaire-au-Temple, objet du présent rapport. Le 13/09/2021, un courrier49 demande les mesures suivantes :
l'étude d'une possibilité de passage supplémentaire ELUS V6 ou UST 15 avec les capteurs spécifiques 113/213 avant fin 2021 sur les zones de surveillance spécifiques 113/213 et zones rails d'âge antérieur à 1980 connues des Infrapôles ; la réalisation des tournées ELUS avec systématiquement l'accompagnement des tournées par un agent dirigeant50 de l'Infrapôle et l'activation systématique et le contrôle de bon fonctionnement par les opérateurs ELUS des capteurs de défauts 113/213 ; la surveillance particulière des voies n'ayant pas donné lieu à remplacement de la barre élémentaire suite à un défaut 113/213 révélé. Ceci consiste à réaliser un examen de 500 m de rails encadrant les coupons mis en voie entre 2011 et 2018 ; la voie 2 de Saint-Hilaire-au-Temple était dans ce cas ; la prise en attachement de l'âge de fabrication des rails de « réemploi » pour lesquels l'année de fabrication n'est pas connue des bases de données historique rail. la confirmation manuelle aux ultrasons par les opérateurs OPUS après détection d'un défaut par ELUS ; la surveillance visuelle périodique du rail avec une attention quant aux défauts 213. Un premier guide de surveillance visuelle a été réalisé à cet effet.
Il rappelle et demande une attention particulière des agents quant à :
La fin de réalisation des contrôles était attendue pour novembre 2021. Le 19/10/2021, un courrier51 renforce les mesures précédentes suite à la rupture de rail sur défaut 213 non détecté entre Lunéville et Saint-Dié. Il s'agit notamment de la vérification immédiate aux ultrasons de la barre de part et d'autre de la rupture, du passage d'un ELUS prioritairement aux mesures manuelles par opérateur ultrasons. Le courrier demande les mesures supplémentaires suivantes :
une priorisation des contrôles ultrasons OPUS sur la base d'une cartographie de priorité des traitements des contrôles US en 5 classes tenant compte des paramètres âge du rail, vitesse/tonnage de part et d'autre de rails connus pour porter des défauts/Retraits/Ruptures anciens de code 213 n'ayant pas fait l'objet d'un renouvellement ; une priorisation des contrôles ultrasons ELUS par ordre de trafic prioritaire à contrôler, sur le critère : vitesse/tonnage, sur les portions de ligne qui ont le plus de zones à contrôler et en commençant par les rails les plus anciens (antérieurs à 1980/1984 ou âge non renseigné dans les bases).
La fin de réalisation des contrôles était attendue pour mi-mars 2022.
49 DGII-DTR-VA-PC n° 998/2021 50 Mission décrite à l'article 4.2 de l'IN 2600 51 DGII-DTR-VA-PC n° 1239/2021
49
Le 03/11/2021, un courrier52 définit la mesure compensatoire à prendre en cas de dépassement de l'échéance du 19/11/21 pour le contrôle ultrasons :
réaliser une tournée visuelle de recherche de défauts 113/213, appuyée d'un miroir dès identification d'indice de présence de défaut 113/213 par du personnel formé à la détection de défauts de rails et sur le même linéaire que les contrôles OPUS.
La fin de réalisation des contrôles par les Infrapôles Champagne-Ardenne et Lorraine de la zone de production Nord-Est-Normandie était attendue pour fin décembre 2021. Le 18/01/2022, un dernier courrier53 définit le plan d'actions 2022/2023. Il décrit l'organisation des tournées de surveillance visuelle rail en 2022 et s'appuie sur un nouveau fichier de « classement du patrimoine rail par priorité et urgence pour le plan d'action 213 ». Le plan d'action fait suite aux retours des actions initiées par les courriers antérieurs, notamment le contrôle ultrasons manuel sur 2 800 km de rails dont les zones de surveillance spécifique à risque 213. Les experts de SNCF réseau ont mis en évidence :
le lien direct entre le nombre de défauts de rails et la vétusté des rails (au-delà du seul défaut « 213 »). L'analyse des retours des contrôles a permis de classifier le rail selon son âge et le tonnage supporté depuis sa pose, par niveaux de priorité de traitement P1 à P5 (P1 pour les rails très anciens des années 1900 à 1920 et P5 pour les rails de 2000 à aujourd'hui) ; la nécessité d'adapter systématiquement la vitesse d'auscultation des ELUS à l'état du patrimoine rail afin de garantir la qualité d'enregistrement. Il en ressort la nécessité de définir des niveaux d'urgences en fonction de la qualité du patrimoine en voie pour organiser les tournées visuelles rails dans le cadre du plan d'action. Ainsi, les priorités de traitements (P1 à P5) combinées aux conditions d'exploitation (vitesse) définissent les niveaux d'urgence de tournées en regard de la sécurité technique. l'amélioration de la surveillance visuelle et par ultrasons des rails ; l'adaptation de la politique de régénération des rails les plus critiques (adossée à une surveillance adaptée et robuste).
Les mesures suite au plan d'action sur les défauts 213 non détectés comportent :
4.4.3 - Les résultats des premières remontées
L'analyse des bases de données ARMEN et DEFRAIL a permis d'identifier les points du réseau susceptibles de connaître le même type de rupture, sur lesquels a été établi un plan d'inspection des rails par cannes à ultrasons. Les mesures immédiates visaient deux objectifs principaux : d'une part, renforcer l'efficacité de détection des défauts 113/213 par une tournée de surveillance visuelle ciblée sur le patrimoine à défauts métallurgiques 113/213 connus et, d'autre part, pratiquer des contrôles US ciblés sur les défauts 113/213.
À échéance du 01/11/2021
La figure 54 reporte le nombre de défauts par mode de découverte sur les quatre lignes de la zone de production Nord-Est-Normandie les plus sujettes au niveau national à défaut 113 et 213.
52 DGII-DTR-VA-PC n° 1341/2021 53 DGII-DTR-VA-SH-AD n° 40/2022
50
Figure 54 : résultat du plan d'action - dénombrement des défauts non détectés avant la campagne sur les 4 lignes les plus touchées par ces défauts
(Source SNCF)
Les lignes n° 42 000 et n° 145 000 présentent sensiblement plus de détections durant la période 2000 à 2021 que pendant le nouveau plan d'action de novembre 2021. Les lignes 67 000 et 85 000 ont sensiblement moins de détections durant la période 2000 à 2021 que pendant le plan d'action. Il y a pour ces dernières lignes un effet de rattrapage avec une recrudescence de défaut « S » (en jaune) et « X2 » (en gris).
À échéance du 30/04/2022
Les résultats du tableau suivant ont pu être collectés.
Atlantique ÃŽle-deFrance
Nbre de km vérifiés Nbre de défauts X Nbre de défauts S Nbre de défauts X et S par km de rail inspecté
Nord-EstNormandie 917 1095 74 1,19
NEN hors NEN Sud-Est Total Lorraine Lorraine France 584 244 6 0,42 333 851 68 2,56 810 119 4 0,15 2223 1308 98 0,66
Total hors Lorraine 1890 457 30 0,24
368 40 20 0,16
128 34 0 0,27
La densité de défauts a été très élevée sur l'Infrapôle Lorraine, ayant nécessité des renforts d'autres Infrapôles pour les inspections et la réparation et un décalage de la fin des inspections au 30/04/2022. La densité de défauts (de type 213) nécessitant des réparations sur les lignes inspectées en Lorraine est plus de 10 fois supérieure à la moyenne nationale hors Lorraine : 2,63 défauts/km en Lorraine versus 0,25 défauts/km hors Lorraine. Près de deux tiers des défauts nécessitant des réparations ont été trouvés sur les zones inspectées en Lorraine et un tiers sur les zones inspectées sur le reste du réseau ferré national. Ce constat a conduit au plan d'action 2022/2023 du 18/01/2022 décrit plus haut. Les résultats du plan d'action montrent que le défaut de Saint-Hilaire-au-Temple n'est pas isolé mais traduit une dégradation générale des rails de fabrication ancienne antérieure à 1980, notamment ceux utilisés en réemploi et ayant de ce fait supporté déjà un important trafic cumulé.
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Conclusions (english version)
The cause of the accident
The main cause of the derailment was the failure of the low rail under the train. The old rail was affected by a longitudinal vertical cracking head defect, coded 213, which had developed over several years and was not detected by the rail monitoring actions. The advanced state of the cracking allowed the outer half of the railhead to fall off abruptly under the effect of previous TER traffic and to be ruined under the effect of the accidental heavy traffic.
Contributing factors
The rail failure is the consequence of several contributing factors.
The renewal deficit of old reuse rails
Longitudinal vertical cracking defects appear almost exclusively on old rails that have been subjected to heavy traffic. This is particularly the case for re-used rails in a renewal operation, for which the year of manufacture and the estimated traffic supported during their first life are generally not known. Some of the cumulative traffic is not taken into account, resulting in a biased assessment of fatigue age. In this case, the 1955 rail laid for re-use in 1983 has withstood a cumulative traffic of more than 250 MT. The corresponding values of the track renewal criteria are overestimated. These rails are subject to a renewal deficit. The effort to renew the network must be strengthened if a real asset management policy is to be put in place, i.e. on the one hand, to maintain the safety of rail operations and, on the other, to reduce the costs of maintaining it in operational condition. The monitoring and replacement policy should prioritise the most sensitive components, including the oldest rails. The problem has arisen because the rails are in a dilapidated state with no immediate prospect of renewal.
Rail couponing
In recent years, the number of defects revealed and, at the same time, the number of coupons installed on the track has increased rapidly, increasing the number of rail weaknesses on the curve and raising the alarm that defects of various kinds are becoming widespread. The section of track that is the subject of this report has had numerous rail coupons installed over the last ten years, reflecting the accumulation of defects due to the age of obsolete rails in relation to the cumulative traffic supported. There are thus about ten rail coupons laid for maintenance on the track concerned by the accident. Furthermore, the national reference system published in 2018 did not provide for a retroactive manual inspection of 500 m of rails on either side of coupons laid before 2011 following a confirmed longitudinal vertical cracking defect. This would have been appropriate on older rails of older manufacture, which are a breeding ground for this type of defect. Furthermore, it is questionable whether it is appropriate to use coupons of the minimum length permitted by the standards, without taking into account the possibility of removing pre-existing welds and old short rails, which are particularly prone to defects.
52
Increased rail stresses
Since 2006, when the Reims to Châlons-en-Champagne line was connected to the East European high-speed line (LGV EE), traffic on the track in question has seen a significant increase in crossing speed and in the cumulative gross tonnage carried. An increase in the dynamic stresses generated by rail traffic makes it more likely that an old rail will break. This factor has not been sufficiently taken into account when determining the maintenance and renewal periods for the assets. In addition, the actual ages of the reused rails and their cumulative traffic actually supported are not recorded in the infrastructure databases.
Non-detection of the vertical longitudinal cracking defect by the Heavy Ultrasonic Device
Rail monitoring is based on inspection by heavy ultrasonic equipment (ELUS), which can find suspected defects. The detection of longitudinal vertical cracking defects requires, at the request of the local manager at least 48 hours before the periodic tour, the installation of specialised sensors. The fact that the ARMEN application (national track database) does not indicate the year of manufacture but the year of installation could mislead the agents in estimating the risk of longitudinal vertical cracking. The cross-referencing of data from the DEFRAIL (National Rail Defects Database) and ARMEN applications may make it possible to identify and target track sections where the re-used rail should be considered older than the year of laying, as well as rail where a cut-off due to a longitudinal vertical cracking defect has previously taken place before the year 2011. This would increase the awareness of local managers to adapt the cycle and speed of rail testing rounds.
Non-detection of the vertical longitudinal cracking defect by US surveyors
Manual rail testing by ultrasonic operators is considered the most effective way to detect and confirm longitudinal vertical rail cracking. It appears that the application of this method of inspection can be compromised when the rail lines to be inspected are long and the rails are old with imperfect surface conditions. There is a need to make progress on the effectiveness of this method of rail testing.
Non-detection by Manager and Rails periodic tours
In view of the difficulties in detecting longitudinal vertical rail cracking defects, experience shows that walking periodic tours, both for track managers and for staff carrying out rail tours, may not be fully effective. The visual periodic tours of the "Track Officer" and "Rail Specialist" are both aimed at detecting certain defects. In this case, they did not detect the defect despite the advanced state of the crack. Nevertheless, the detection power of this type of tour should not be neglected. Particular attention could be given to the training of staff and to supporting them with a practical methodological guide to the detection of these defects.
53
Feedback
Previous events of a comparable nature
Rail break on defect 213 of September 17th 2020 On 17 September 2020, on the line from Blainville to Lure, two commercial trains at 115 km/h crossed a 400 mm long line break. The track in UIC group 8 with passengers is operated at 120 km/h. The failure occurred because of vertical longitudinal cracking of the skid and head. Following the incident, continuous ultrasonic testing on both sides of the failure revealed that this was not an isolated defect and several X1 and X2 classified defects were found. There were no human consequences. This was due in particular to the fact that the track was aligned and that traffic was "light", allowing movement on the rail web. If the track section had been equipped with a track circuit, it could have detected the subsequent break after the first crossing. This incident led to the launch of actions aimed at reducing the risk linked to this defect on the national network. Defects, withdrawals and breakages due to "113/213" defects are recorded in DEFRAIL database under the heading "long defect, specific surveillance zone" and the agents in charge of the rail rounds are informed of their existence beforehand. Rail break on defect 213 of October 01ft 2021 On 1st October 2021, on the line from Saint-Dié to Lunéville. The track, classified as UIC group 8 "with passengers", was being run at 120 km/h. The first traffic considered the impact as an animal collision. The same driver stopped his train in the return traffic and went to the site to see the rail break. The broken rail was 5 m long in a straight line and had been passed at speed, without derailing, by two successive trains. The broken rail is a 46 kg profile manufactured in 1899 and laid as a reused rail in 1930, laid as a long welded rail made by welding the bars together. It was framed by a 1903 rail downstream and a 2002 coupon upstream. SNCF Reseau specialists concluded that the rail was ruined after the second run. The immediate actions decided upon were in line with the measures taken following the incident at Saint-Hilaire-au-Temple. The rail laboratory analysed the elements collected and concluded that this event was due to a multiple rail failure initiated by a longitudinal vertical crack in the head.
Letters issued by the management of SNCF Reseau
The infrastructure manager SNCF Réseau took immediate action in the form of letters to the production areas and the Infrapoles (entity maintenance) following the undetected rail break on fault 213 at Saint-Hilaire-au-Temple, which is the subject of this report. On 13/09/2021, a letter requests:
the study of a possible ELUS periodic tour with specific 113/213 sensors before the end of 2021 on specific 113/213 monitoring areas and rail areas older than 1980 known to the Infrapoles; the carrying out of ELUS rounds with the accompaniment of an Infrapole manager and the systematic activation and checking of the correct functioning of the fault sensors 113/213;
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special monitoring of tracks that have not had the basic bar replaced following a revealed defect. This consists of an examination of 500 m of rail framing the coupons laid between 2011 and 2018; taking into account the age of manufacture of "re-used" rails for which the year of manufacture is not known from the historical rail databases. manual ultrasonic confirmation by OPUS operators after a fault has been detected by ELUS; periodic visual monitoring of the rail with attention to defects. A first visual monitoring guide has been produced for this purpose.
It requires particular attention from agents in terms of :
The controls were expected to be completed by November 2021. On 19/10/2021, a letter reinforced the previous measures following the undetected rupture between Lunéville and Saint-Dié. This involved the immediate ultrasonic verification of the bar on either side of the rupture, the passage of an ELUS as a priority to manual measurements by an ultrasonic operator. The letter asks:
Prioritisation of OPUS ultrasonic testing on the basis of a priority mapping of US testing treatments in 5 classes taking into account the parameters of rail age, speed/tonnage on both sides of rails known to carry old defects/removals/breaks of code 213 that have not been renewed; A prioritisation of the ultrasonic checks by order of priority traffic to be checked, on the criterion: speed/tonnage, on the sections of line that have the most areas to be checked and starting with the oldest rails.
The controls were expected to be completed by mid-March 2022. On 18/01/2022, a letter defines the 2022/2023 action plan. It describes the organisation of the rail visual surveillance rounds in 2022 and is based on a new file of "classification of rail assets by priority and urgency for the 213 action plan". The action plan follows feedback from actions initiated by previous letters, including manual ultrasonic inspection of 2,800 km of rail including specific 213 risk areas. SNCF network experts have highlighted:
the direct link between the number of rail defects and the age of the rails. The analysis of the returns from the inspections made it possible to classify the rail according to its age and the tonnage supported since it was laid, by 5 levels of treatment priority P1 to P5; the need to adapt the speed of inspection of the ELUS to the state of the track assets in order to guarantee the quality of the recordings. It emerged that it was necessary to define levels of urgency according to the quality of the track assets in order to organise the visual rail rounds as part of the action plan.
Measures following the action plan on undetected defects include improved visual and ultrasonic rail monitoring and an adaptation of the regeneration policy for the most critical rails.
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The results of the first feedback
Analysis of the national databases made it possible to identify the points on the network likely to have the same type of failure, on which a plan was drawn up to inspect the rails using ultrasonic rods. The immediate measures had two main objectives: firstly, to increase the effectiveness of detection of 113/213 defects by a visual surveillance tour targeted at assets with known 113/213 metallurgical defects and, secondly, to carry out targeted US inspections on 113/213 defects. By 30/04/2022, the results in the following table could be collected.
Atlantic ÃŽle-deFrance 128 34 0 0,27 North East Normandy (NEN) 917 1095 74 1,19 NEN outside Lorraine 584 244 6 0,42 NEN Lorraine 333 851 68 2,56 South East 810 119 4 0,15 Total France 2223 1308 98 0,66 Total outside Lorraine 1890 457 30 0,24
No. of km checked Number of defects X No. of defects S Number of X and S defects per km of rail inspected
368 40 20 0,16
The density of defects is very high on the Lorraine Infrapole. The density of type 213 defects requiring repair on the inspected lines is more than 10 times higher in Lorraine than the national average outside Lorraine (2.63 defects/km versus 0.25 defects/km). Nearly two thirds of the defects requiring repair were found on the areas inspected in Lorraine and one-third on the areas inspected on the rest of the national rail network. This finding led to the 2022/2023 action plan of 18/01/2022 described above. The results of the action plan show that the defect at Saint-Hilaire-au-Temple is not an isolated one but reflects a general deterioration of old rails manufactured before 1980, particularly those used for re-use and which have therefore already borne a lot of accumulated traffic.
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5 - Les recommandations en matière de sécurité
5.1 La cause du déraillement de l'accident
La cause principale du déraillement du train de Fret SNCF n° 71 646 le 28 août 2021 à Saint-Hilaire-au-Temple est la rupture sous le train au Pk 187,150 du rail en file basse de la courbe à gauche de la voie 2. Le défaut initial est une fissuration verticale longitudinale du champignon, codifié 213, qui existait depuis plusieurs années et qui n'a pas été détecté par la politique de surveillance du rail. Son état avancé a permis la chute brutale du demi-champignon extérieur sous l'effet d'une circulation TER précédente et sa ruine sous l'effet de la circulation accidentée.
5.2 -
Le déficit de renouvellement des rails anciens de réemploi
Les rails de réemploi ont supporté en première vie un trafic important, généralement non connu, et en seconde vie un trafic plus léger qui n'illustre pas l'état de vieillissement réel du rail. De plus, ces rails anciens présentent des pathologies particulières (notamment les défauts de fissuration verticale du champignon) liées à des techniques de fabrications spécifiques. Le processus d'objectivation des renouvellements des rails doit prendre en compte l'âge réel des rails, tant dans le calcul des indicateurs de consistance de la voie que dans les critères déclenchant définis par les référentiels54. Pour les rails il s'agit notamment des critères :
de vieillissement : trafic cumulé supportable au regard du profil du rail, toutes vies confondues (250 Mt pour du rail 46 kg/m, 600 Mt pour du rail 60 kg/m...) ; de retrait : nombre de retraits pour défaut de fatigue de l'ordre d'une dizaine par kilomètre de voie ou en cas de présence de défauts de grande longueur ; d'échéance théorique : celle-ci est par exemple de 50 ans pour des voies de groupe UIC 6.
Les tournées d'émergence doivent porter une attention particulière, au-delà des seuls défauts de fissuration verticale longitudinale du rail, sur la traçabilité de l'historique des rails et les phénomènes de vétusté des rails anciens. Le BEA-TT émet les recommandations ci-après. Recommandation R1 à l'attention de SNCF Réseau : Fiabiliser les données d'ARMEN et de DEFRAIL relatives à l'état de vétusté des rails en vue d'identifier et localiser les rails les plus anciens et les plus sollicités.
Recommandation R2 à l'attention de SNCF Réseau : Réexaminer les prescriptions en matière de couponnage et de renouvellement des rails en vue de garantir l'éradication rapide des rails les plus anciens et les plus sollicités ou leur bon état de fonctionnement.
54 MT 04 007 « Politique de renouvellement du domaine voie  périmètres des lignes classiques », etc.
57
5.3 -
L'efficacité du processus de surveillance de l'état des rails anciens
Les tournées à pied ne permettent pas toujours de détecter les anomalies affectant les rails, notamment lorsqu'il s'agit d'anomalies peu apparentes (fissurations peu ou non débouchante) et sur lesquelles l'attention des agents n'a pas été préalablement attirée. Par ailleurs, lors des tournées qu'ils effectuent, les dirigeants d'unité et les dirigeants de proximité ont des objectifs spécifiques à leurs missions d'encadrement et de mainteneur. Outre leur permettre d'acquérir ou de maintenir une connaissance précise des installations, de leur historique, de leur environnement et de leurs évolutions, ces tournées doivent leur permettre de contrôler la bonne exécution des travaux et des opérations de maintenance. Une traçabilité de l'état réel des rails de réemploi (date de fabrication, trafic cumulé supporté, nombre de coupons par kilomètre...) et des opérations de maintenance réalisées est nécessaire. Elle doit permettre d'ajuster localement en fréquence et en conditions de réalisation, les moyens de surveillance à mettre en oeuvre au regard de l'historique des rails et dans l'attente d'une opération de renouvellement. L'efficacité du processus de surveillance repose non seulement sur la capacité des agents et des systèmes ultrasons à détecter les anomalies et à évaluer leur criticité, mais aussi sur l'aptitude du système de maintenance. Celui-ci doit garantir l'exécution, dans les plages et délais prescrits55, des mesures correctives qui découlent des signalements effectués renforcés le cas échéant de l'analyse du retour d'expérience. SNCF Réseau a, dans son plan d'action 2022, lancé une politique ambitieuse de surveillance comportant notamment : la mise à profit des tournées pour vérifier la conformité des caractéristiques du patrimoine rails sur le terrain avec celles décrites dans les bases de données et mettre à jour ARMEN et DEFRAIL ; la définition d'un effort de surveillance des rails anciens en fonction de la vitesse de circulation et de leurs dates réelles de fabrication par classes d'âge ; la nécessité de mettre en oeuvre systématiquement les capteurs 113/213 et d'adapter la vitesse d'auscultation des ELUS à l'état du patrimoine rail afin de garantir la qualité de l'enregistrement ; la prise en compte des âges des rails plus anciens s'il existe une importante variabilité des âges sur un même tronçon de voie ; des fréquences renforcées si la voie présente au moins un des cas suivants : absence de circuit de voie, soudures aluminothermique à gros bourrelet ou long rail soudé constitué par soudage de barres avec conservation des abouts. Il conviendrait d'inscrire ces actions dans la durée. Le BEA-TT émet la recommandation ci-après. Recommandation R3 à l'attention de SNCF Réseau : Parachever dans les référentiels le renforcement des analyses et modalités de surveillance de l'état réel des rails afin de traiter les risques liés à la vétusté des rails anciens, tout particulièrement les défauts de fissuration verticale. Prévoir dans l'organisation générale de la maintenance les dispositions assurant que ces nouvelles mesures sont prises en compte de façon fiable et auditable. Les actions relatives à cette recommandation sont, à date de publication de ce rapport, déjà engagées.
55 Selon la gravité S, X2, X1 du défaut
58
5.4 -
La qualité d'auscultation ultrasons des rails par engins lourds
L'activité de surveillance des rails (identification des présomptions de défauts) est à assurer avec un fort niveau de confiance. Dans les tests statistiques on considère classiquement deux risques56 : le risque de première espèce ou risque alpha qui est le risque de conclure à l'absence d'un défaut alors que celui-ci existe bien ; le risque de deuxième espèce ou risque bêta ou défaut de puissance qui consiste à considérer l'existence d'un défaut alors qu'il n'en existe pas. La puissance du test de détection est la probabilité de détecter l'existence d'un défaut si ce défaut existe vraiment. Il est usuel de la fixer à 80 ou 90 %. Le BEA-TT estime, au regard de l'état de l'art des technologies actuellement à disposition (intelligence artificielle, capteurs, puissance de calcul, caméras haute résolution...) qu'il doit être possible de requestionner les chaînes de mesures et de traitement des informations afin d'augmenter la puissance du test de détection jusqu'à atteindre l'objectif précédemment défini. Dans ce cadre, la mise en oeuvre des capteurs spécialisés pour les défauts 113/213 et le signalement d'une mesure US non valide (NR) doivent être systématiques. Le BEA-TT estime qu'au regard des évolutions prévisibles des systèmes de détection et localisation de train (notamment le déploiement futur du système ETCS niveau 2 qui verra la disparition des circuits de voie, et par là même l'absence de détection d'une première rupture) qui auront lieu sans synchronisation avec la politique de remplacement des rails, la puissance du test de détection des engins lourds d'auscultation ultrasons devra être plus élevée qu'actuellement pour maintenir le niveau de sécurité du réseau ferré national. Le BEA-TT émet la recommandation ci-après. Recommandation R4 à l'attention de SNCF Réseau Étudier la faisabilité d'une meilleure qualité de détection par renforcement des méthodes et moyens mis en oeuvre sur les engins lourds d'auscultation des rails par ultrasons afin d'améliorer le taux de détection sûre de défauts de rails, notamment des défauts de fissuration verticale longitudinale du champignon, en utilisant le cas échéant les techniques nouvelles accessibles et les croisements utiles avec les bases de données de description du réseau ferré national. Dans l'attente de résultats probants, prescrire que les capteurs 113/213 soient plus systématiquement opérationnels, que la vitesse d'auscultation soit adaptée à la qualité du couplage rail-capteur et que les seuils de déclenchements soient réinstruits, en regard des autres actions mises en place pour minimiser le risque de non-reconnaissance.
5.5 -
La qualité des tournées de surveillance visuelle du rail
Les tournées rails sont à assurer avec un haut niveau de confiance. Elles sont à réaliser par du personnel techniquement compétent ayant la connaissance de la recherche des défauts de rails et disposant d'un support décrivant le patrimoine rail et son historique de maintenance (données ARMEN et DEFRAIL). Les compétences et grades sont cités dans le référentiel MT 02 070. Des guides pratiques pour le relevé visuel de toutes les zones de rails à inspecter, selon les connaissances actuelles, sont à constituer et distribuer.
56 Dits risques Alpha et Bêta
59
Le BEA-TT émet la recommandation ci-après. Recommandation R5 à l'attention de SNCF Réseau Analyser du point de vue des facteurs humains et organisationnels la tâche de réalisation des tournées rails visant à la détection des défauts afin d'en tirer les enseignements utiles du point de vue de l'organisation des tournées, de la formation des opérateurs et de la mise à disposition des supports pratiques adaptés.
5.6 -
Les murs en retour des ponts-rail
Le bogie arrière du quatrième wagon et le bogie avant du cinquième wagon se sont encastrés dans le mur en retour du pont-rail de la LGV EE, entraînant un arrêt brutal de la circulation ferroviaire et, par voie de conséquence, l'aggravation des dégâts ainsi qu'un engagement de la voie contiguë. Cet encastrement est dû au fait que le mur en retour côté gauche de l'entrée de l'ouvrage ne s'élève qu'à mi-hauteur du mur latéral gauche, offrant de ce fait un obstacle franc vis-à -vis d'un choc ferroviaire. La fiche UIC 777-2-2 traite des dispositions constructives à appliquer aux constructions situées au-dessus des voies ferrées vis-à -vis du risque de choc ferroviaire. La fiche UIC ne donne aucune prescription quant aux obstacles francs que peuvent présenter ces ouvrages. Elle traite bien, en cas de choc avec l'ouvrage, des risques pour l'ouvrage mais insuffisamment ceux pour les circulations ferroviaires. Le BEA-TT émet la recommandation ci-après. Recommandation R6 à l'attention de l'UIC Évaluer la pertinence d'étudier plus avant le scénario d'un accrochage sur un obstacle franc que peut présenter un ouvrage, dans le cadre du programme d'activités des experts associés à la révision de cette fiche UIC. Selon le résultat de cette évaluation, intégrer aux travaux de révision en cours ou à une révision ultérieure, l'objectif d'améliorer la fiche 777-2.
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Safety recommendations (english version)
The renewal deficit of old reused rails
The reused rails have withstood heavy traffic in their first life, generally unknown, and lighter traffic in their second life, which does not illustrate the real state of ageing of the rail. Moreover, these old rails present particular pathologies linked to specific manufacturing techniques. The process of objectifying rail renewals must take into account the real age of the rails, both in the calculation of the triggering criteria defined by the standards. For the rails, these criteria include the following:
of ageing: cumulative traffic that is bearable with respect to the rail profile, all lives combined; number of withdrawals for fatigue defects of the order of ten per kilometre of track or in the event of the presence of long defects; theoretical maturity: this is, for example, 50 years for UIC 6 tracks.
The emergence rounds must pay particular attention to the traceability of the rail history and the obsolescence of old rails. The BEA-TT makes the following recommendations. Recommendation R1 to SNCF Réseau: Improve the reliability of the data in the national databases on the state of disrepair of the rails with a view to identifying and locating the oldest and most stressed rails. Recommendation R2 to SNCF Réseau: Review the requirements for the rail couponing and renewal of rails to ensure that the oldest and most stressed rails are quickly eradicated or remain in good working order.
The effectiveness of the process of monitoring the condition of old rails
Walking periodic tours do not always allow for the detection of rail anomalies, especially when they are not very obvious and have not been brought to the attention of the staff beforehand. During their periodic tours, unit managers and local managers have specific objectives in their management and maintenance roles. In addition to enabling them to acquire or maintain a precise knowledge of the installations, their history, their environment and their evolution, these rounds must enable them to check that the work and maintenance operations are being carried out correctly. It is necessary to be able to trace the actual state of the reused rails and the maintenance operations carried out. This should enable the frequency and conditions of the work to be adjusted locally to the monitoring methods to be implemented in the light of the history of the rails and pending a renewal operation. The effectiveness of the monitoring process depends not only on the ability of the agents and the ultrasonic systems to detect anomalies and assess their criticality, but also on the ability of the maintenance system. The latter must ensure that corrective actions resulting from reports, reinforced where necessary by feedback analysis, are carried out within the prescribed periods. In its 2022 action plan, SNCF Réseau has committed to a monitoring policy including:
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the use of the tours to check the conformity of the characteristics of the rail heritage in the field with those described in the national databases; the definition of a monitoring effort for old rails according to the speed of traffic and their actual dates of manufacture by age classes; the need to systematically implement the 113/213 sensors and to adapt the speed of the ELUS inspection to the state of the rail assets in order to guarantee the quality of the recording; taking into account the ages of older rails if there is significant age variability on the same section of track; reinforced frequencies if the track has at least one of the following cases: absence of a track circuit, aluminothermy welds with a large bead or a long welded rail made up of welded bars with preservation of the ends.
In order to make these actions sustainable, the BEA-TT makes the following recommendation. Recommendation R3 to SNCF Réseau: Complete the strengthening of the analysis and monitoring of the actual state of the rails in the reference systems in order to deal with the risks associated with the obsolescence of old rails, particularly vertical cracking defects. Include in the overall maintenance organisation arrangements to ensure that these new measures are taken into account in a reliable and auditable manner.
The quality of ultrasonic rail inspection by heavy machinery
The rail monitoring activity must be carried out with a high level of confidence. In statistical tests, two risks are classically considered: the first kind of risk or alpha risk, which is the risk of concluding that a defect does not exist when it does; the second kind of risk or beta risk or power defect, which consists of considering the existence of a defect when it does not exist. The power of the detection test is the probability of detecting the existence of a defect if it really exists. It is usual to set it at 80 or 90 %. The BEA-TT considers, in view of the state of the art of the technologies currently available, that it should be possible to rework the measurement and information processing chains in order to increase the power of the detection test until the previously defined objective is reached. In this context, the implementation of specialised sensors for 113/213 defects and the reporting of an invalid US measurement must be systematic. The BEA-TT considers that in view of the foreseeable developments in train detection and location systems (deployment of the ETCS level 2 system, which will see the disappearance of track circuits and hence the absence of detection of a first break), which will take place without synchronising with the rail replacement policy, the power of the detection test for heavy ultrasonic inspection equipment will have to be higher than at present in order to maintain the level of safety of the national rail network. The BEA-TT makes the following recommendation. Recommendation R4 to SNCF Réseau Study the feasibility of improving the quality of detection by strengthening the methods and means used on heavy ultrasonic rail testing equipment in order to improve the rate of safe detection of rail defects, in particular vertical longitudinal head cracking defects, using, where appropriate, the new techniques available and the useful cross-references with the national rail network description databases
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Pending conclusive results, prescribe that the 113/213 sensors be more systematically operational, that the speed of inspection be adapted to the quality of the rail-sensor coupling and that the trigger thresholds be reset, in view of the other actions taken to minimise the risk of non-recognition.
The quality of the visual rail monitoring rounds
Rail inspections should be carried out with a high level of confidence. They should be carried out by technically competent personnel with knowledge of rail defect detection and with a description of the rail assets and their maintenance history. Practical guides for the visual survey of all rail areas to be inspected, according to current knowledge, should be compiled and distributed. The BEA-TT makes the following recommendation. Recommendation R5 to SNCF Réseau To analyse the task of carrying out rail periodic tours aimed at detecting defects from the point of view of human and organisational factors in order to draw useful lessons from it in terms of periodic tour organisation, operator training and the provision of appropriate practical support.
Return walls of railway bridges
The rear bogie of the fourth wagon and the front bogie of the fifth wagon became embedded in the return wall of the rail bridge, bringing rail traffic to a sudden halt and thereby increasing the damage and engaging the adjoining track. The reason for this is that the return wall on the left-hand side of the entrance to the structure provides a clear obstacle to a railway impact. UIC leaflet 777-2 deals with the constructional provisions to be applied to buildings located above railway tracks with regard to the risk of railway impact. The sheet does not give any requirements as to the free obstacles that these structures may present. In the event of a collision with the structure, it deals with the risks to the structure but not sufficiently with the risks to rail traffic. The BEA-TT makes the following recommendation. Recommendation R6 to the UIC Evaluate the relevance of further studying the scenario of a collision on a clear obstacle that a structure may present, as part of the programme of activities of the experts associated with the revision of this UIC leaflet. Depending on the outcome of this assessment, incorporate the objective of improving sheet 777-2 into the ongoing revision work or a future revision.
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ANNEXES
Annexe 1 : décision d'ouverture d'enquête Annexe 2 : politique de surveillance et maintenance du rail Annexe 3 : retour d'expérience national sur le rail Annexe 4 : synthèse du couponnage et des défauts Annexe 5 : expertise du Laboratoire des rails Annexe 6 : règlement général de protection des données
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Annexe 1 : décision d'ouverture d'enquête
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Annexe 2 : politique de surveillance et de maintenance du rail
1- Politique de surveillance du rail
Le référentiel MT 02 070 définit les modalités de la surveillance des rails en voies principales en matière de cycles, d'organisation, moyens et prescriptions techniques de réalisation. Niveaux de détectabilité des moyens de surveillance vis-à -vis des types de défauts Chaque moyen de surveillance possède, vis-à -vis des différents types de défauts de rails, un certain niveau de détectabilité.
Performance de détection des défauts situés en zone d'abouts examen visuel partiellement adapté ; examen par OPUS manuel complètement adapté. Performance des moyens de détection des défauts de pleine barre examen visuel, partiellement adapté ; examen par ELUS sans capteur 213, très peu adapté ; examen par ELUS avec capteur 213, partiellement adapté ; examen par Canne ou bifile (OPUS) sans capteur 213, très peu adapté ; examen par Canne ou bifile (OPUS) avec capteur 213, adapté.
Défaut 113  Fissuration verticale longitudinale du champignon :
Défaut 213  Fissuration verticale longitudinale du champignon :
Le dirigeant local demande l'activation des capteurs 213 au moins 48 h avant la tournée. Tournées de surveillance des rails L'objectif principal de la surveillance visuelle est la recherche de nouveaux défauts. Au même titre que la surveillance US, la surveillance visuelle est un pilier indispensable à la surveillance des rails. Elle comble les manques inhérents à la surveillance US (notamment ELUS). Ces deux modes de surveillance doivent assurer la sécurité technique du rail. La tournée rails consiste en un examen attentif des rails. Elle doit être effectuée périodiquement voie par voie sur l'ensemble des voies principales, et ce quel que soit le groupe UIC. Pour une voie donnée, la tournée rail doit englober l'ensemble des rails de la voie parcourue. La plage de réalisation théorique annuelle est fixe, indépendante de la date de réalisation de la dernière tournée rail : 12 mois ± 60 jours. Tournées rails du plan d'action 2011 au regard des défauts 113 et 213 En 2011, suite à une rupture grave pour défaut codé 213, un plan d'action a été mis en oeuvre. Ce plan d'action prévoyait, entre autres, une surveillance visuelle sur l'ensemble des zones critiques. Ce plan d'action a permis de retirer un grand nombre de défauts et d'éviter ainsi un certain nombre de ruptures. Le problème perdurera tant que les rails incriminés n'auront pas tous été renouvelés. Les zones critiques appelées « zones à surveillance spécifique » sont basées sur les différents événements 113/213. Celles-ci sont fusionnées lorsqu'il y a moins de 5 km entre deux événements successifs. Les ZSS sont intégrées dans l'application DEFRAIL sous la forme d'un « défaut de grande longueur » (DGL 213 par exemple). Considérant que les ELUS ne sont pas encore suffisamment performants pour détecter efficacement ce type de défauts, il est
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nécessaire d'exercer une surveillance particulière sur ces ZSS. Ces DGL ZSS sont intégrés dans les tournées rails. La présence de DGL/ZSS codés 213 dans un parcours de tournée rails a pour objet de rappeler à l'opérateur que les rails qu'il surveille sont potentiellement affectés de défauts 113 ou 213 et qu'il doit leur apporter une attention accrue. Ces défauts peuvent être « invisibles » contrairement à n'importe quel autre DGL. La surveillance continue par ELUS Les ELUS ont pour objet de détecter des présomptions de défauts qui seront ensuite confirmées par un opérateur US. Les ELUS sont équipés de capteurs :
+70° / 0°/ -70°, en centré sur le champignon, destinés à détecter les fissures internes situées dans l'axe de symétrie du rail. +70° / -70° en décentré de 10 mm, et bigle de 5°, côté intérieur voie, afin de détecter les fissures (défauts 222) prenant naissance au congé supérieur du flanc actif du champignon des files de grand rayon des courbes.
Principes de recherche de défauts à l'aide de capteurs à angles Le capteur émet une onde Ultrasonore qui se propage dans le rail jusqu'à ce qu'elle rencontre une éventuelle discontinuité sur laquelle elle rebondit. Dans le cas où cette discontinuité est sensiblement perpendiculaire au faisceau émis, ce dernier va retourner avec le même angle vers le capteur et la discontinuité sera détectée. A contrario, lorsque la discontinuité présente des angles très différents par rapport à sa perpendiculaire, le faisceau va diverger et, au mieux, seule une partie de l'énergie reviendra vers le capteur ce qui ne permettra pas toujours de détecter la discontinuité. Afin d'élargir le champ de détection aux défauts les plus fréquents ou les plus dangereux, plusieurs angles de tir précédemment définis ont été utilisés par les capteurs des ELUS.
Avec l'angle 70°, la technique US est inopérante pour la partie superficielle de la table de roulement du champignon (zone des 5 premiers millimètres)
Les fissures verticales sont recherchées « manuellement » avec l'angle 0° horizontal. Le capteur 0° (utilisé, en mode horizontal), plaqué sur le flanc du champignon ou l'âme, permet de détecter et mesurer le paramètre L, des défauts. (113/213, 133/233).
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Deux des ELUS peuvent disposer depuis 2014 d'un dispositif spécifique permettant de détecter ces défauts 113 et 213
L'utilisation des capteurs spécifiques « 213 » sur les ELUS est obligatoire sur l'ensemble des tronçons de voies contenant dans l'application DEFRAIL des DGL (ZSS) 213. Procédure de remontée des informations au dirigeant local voie Toute détection ELUS fait l'objet d'une confirmation manuelle par OPUS. Celle-ci effectuée, l'OPUS remet les rapports US au responsable local voie qui a commandité sa prestation. En cas de la découverte de défauts classés X1 ou X2 ce signalement est journalier. En cas de découverte d'un rail classé S, l'OPUS en informe immédiatement l'agent sécurité qui prend les mesures de sécurité définies dans les référentiels57, analyse la situation et opte pour l'une des décisions suivantes : maintenir l'arrêt des circulations, lorsqu'il estime que le défaut n'est pas franchissable ou autoriser le franchissement du défaut à une vitesse qu'il détermine, et qui ne doit pas excéder 40 Km/h. Surveillance conditionnelle si défaut 113/213 détecté par ELUS Après découverte d'un défaut 113 ou 213 ou survenue d'une rupture confirmée 113 ou 213 il y a lieu d'opérer une surveillance US spécifique 213 (par OPUS) sur un minimum de 500 m de voie, de part et d'autre de l'événement « défaut / rupture », ce dans un délai de 30 jours après la découverte du défaut ou de la rupture. La découverte de tout défaut classé O ou X*, codés 113 ou 213 sur la zone initiale de contrôle a pour effet de prolonger de 500 m à partir de ce défaut, la zone de contrôle. Le contrôle spécifique s'arrête dès qu'une zone de 500 m de voie, exempte de défauts 113/213, sera trouvée.
2 - Politique de maintenance du rail
Le référentiel MT 02 071 (EF 02 C 33) / 06-2018 traite de la réparation et remplacement des rails fissurés ou rompus de voies principales. Réparation définitive par couponnage La longueur minimale des coupons à mettre en voie sur lignes classiques est de 4 m si le rayon de la courbe est supérieur à 1 000 m et de 6 m dans le cas contraire. Lorsqu'il s'agit d'une fissuration verticale longitudinale du champignon, de l'âme ou du patin, l'ensemble du rail élémentaire est à retirer de la voie et le rail concerné doit être ferraillé. Dans l'attente du ferraillage, et pour éviter le risque de réemploi intempestif, le rail sera repéré par des bandes de peinture rouge discontinues d'un mètre environ de longueur, sur les deux faces de l'âme. Utilisation des techniques de soudage en voie Types de soudures à utiliser : Les types de soudure à utiliser (procédé, intercalaire, nuance de métal d'apport) en fonction du profil et de la nuance des rails à souder sont définis pour tous rails au profil « Vignole ».
57 OP 00 588 et OP 00 839 (ex S2B)
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Annexe 3 : retour d'expérience national sur le rail
Audit du réseau ferré national58 2017 Le nombre de défauts de rails en voie « O » a sensiblement augmenté. Le solde entre le nombre de défauts amortis et le nombre de défauts découverts est légèrement positif (moins de défauts découverts que de défauts amortis). Le réseau comptait en 2018 plus de 200 000 défauts « O » ou « X » répertoriés. Selon une statistique interne, la moitié des défauts sont liés à la fatigue de contact railÂroue. Les défauts 113/213 ne dépassent pas 4 % des défauts. Simultanément, le nombre de ruptures de rails est en baisse, montrant une maîtrise du risque. Il reste néanmoins un important « stock » de défauts de rails en voie à résorber. En 2009, les auditeurs constataient qu'environ 14 000 (valeur 2007) coupons de rails étaient remplacés chaque année, par des moyens peu mécanisés. Bilan Annuel rail 2019 (BAR) L'âge moyen des rails (tenant compte de leur année de pose et non de fabrication) des groupes 5 et 6 est de 30 ans. L'indicateur de consistance de la voie (ICV) baisse à nouveau depuis 2010 (passage de 32 à 27, pour une valeur cible de 55). Les longueurs de rails remplacés en voie principale par Renouvellement Voie Ballast ou par d'autres opérations importantes et en remplacement de rail à l'entretien se stabilise depuis 2014. Le linéaire total de rails remplacés contient des rails neufs et aujourd'hui marginalement des rails de réemploi « direct » provenant des remplacement de rail de LGV. Le linéaire total de rail remplacé sur 5 ans se maintient aux alentours de 2 300 km de rail. Ce linéaire de renouvellement de rail parvient tout juste à stabiliser l'âge moyen des rails du RFN à environ 30 ans. Le nombre annuel de « défauts vivants » en voie se stabilise autour de 60 000 depuis 2012 (cf. DEFRAIL). Le BAR alerte sur le fait que « l'effort de remplacement de rail doit être amplifié afin de réduire cet âge moyen sur le long terme, dans la mesure où le composant rail qui couvre une grande part du risque sécurité technique du domaine « Voie » reste une priorité ». Le BAR alerte de même quant à la réduction de l'effectif des opérateurs US en Infrapôle. Ainsi, en 2019, le nombre d'opérateurs ultrasons (OPUS) a diminué de 6 % suite aux départs à la retraite, sachant qu'il faut entre 9 et 12 mois pour former un OPUS jusqu'à l'obtention de la certification. La production des opérateurs US est notamment essentielle pour les défauts 113/213. En 2012 et 2013 il a même été demandé aux Infrapôle d'adapter les moyens en opérateurs US en fonction de la charge supplémentaire représentée par les plans d'action 113/213. Au regard de notre accident : l'Infrapôle Champagne-Ardenne ne dispose plus que de 4 opérateurs (5 sur la période 2013 à 2018). Le linéaire à ausculter par ELUS est dépendant des cycles définis par les Infrapôles en fonction des critères imposés par le référentiel MT 02 070. Le volume ausculté en 2019 est de 29 261 km, soit le plus faible depuis 2013. La baisse des kilomètres auscultés concerne surtout les groupes 3 à 5, sachant que les voies des groupes 6 sont déjà très faiblement auscultées.
58 « Audit sur l'état du réseau ferré national  Rapport de la mission »  pour le compte de SNCF réseau  Date : 19/03/2018 version 2.3
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Le BAR note une baisse notable du nombre de confirmations pour les trois statuts (O, X1, X2) qui ne semble pas pouvoir être entièrement imputée à la baisse de la production. Une mauvaise qualité des auscultations (notamment lié au dysfonctionnement de l'UST15) a nécessairement contribué à cette chute. Le taux de « NR » est d'autant plus important que les rails sont « anciens », groupe UIC 6 et 7 à 9. En 2019 : 3619 points à confirmer sont relatifs à des défauts non connus jusqu'alors : ils se décomposent en 792 classés X ou S qui feront l'objet de retraits et de 1919 classés O qui se rajouteront aux défauts déjà suivis en voie. Le nombre annuel de ruptures de rail constitue un indicateur de performance de la maintenance des rails. 132 ruptures ont été comptabilisées pour l'année 2019, soit 0,27 ruptures par km de voie. Ce nombre de ruptures est en baisse par rapport à 2018 et ce, sur les quatre zones de production. Les défauts 113 et 213 appartiennent à la catégorie « Divers + cause non identifiées », soit moins de 4 % des ruptures annuelles sur le RFN. Les défauts 113 et 213, sont dangereux, difficiles à trouver, ne surviennent que sur des rails de fabrication ancienne et enfin relativement rares au regard des autres typologies de défauts. Plus de 65 % des ruptures de rail sont détectés par les circuits de voie. Près de 43 % des ruptures ne sont malheureusement pas détectées par les circuits de voie, les 113 et 213 ne le sont jamais. La détection par les agents Infrastructure reste un facteur important avec plus de 20 % des ruptures détectées à l'occasion des tournées ou lors des travaux principalement :
sur les lignes sans circuit de voie ; dans les appareils de voie et zones de non-détection afférentes du fait des plans d'isolement des AdV à montage dit « en parallèle » ; dans les joints.
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Annexe 4 : synthèse du couponnage et des défauts
Synthèse des coupons mis en voie à compte de 2005 et les défauts détectés à compter de 2008 (dans les bases de données).
Code : Bleu = Rail remplacé par couponnage Rose = Rail avec défaut détecté Rouge = Rail rompu à l'origine du déraillement
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Annexe 5 : expertise du Laboratoire des rails
La présente est une reformulation synthétique du rapport L2143-2021-108 « Expertise de la rupture d'un rail découverte le 26/08/2021 suite à un déraillement sur la ligne 81 000 (Infrapôle Champagne-Ardenne) » du Département voie et abords, Section produit rail et expertises  Révision n°02 du 06/10/2021. Elle n'engage que le BEA-TT. Le contenu du rapport s'avère trop volumineux pour être présenté ici dans son intégralité. Examen visuel Caractérisation de la rupture : rupture multiple survenue sur un rail Burbach de profil U33 et laminé en 1955, présentant de nombreuses composantes :
une composante verticale longitudinale dans l'axe du champignon sur une longueur d'au moins 3,10 m ; cette composante étant localement désaxée côté extérieur voie sur les éléments reçus les plus éloignés de la soudure aluminothermique ; une composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme sur une longueur d'au moins 3,10 m ; une composante transversale sur l'ensemble du profil à proximité de la soudure ; de multiples composantes transversales. soudure de type PLR poinçonnée « 04 13 RS41 » ; différence de hauteur de 3,5 mm entre les deux rails soudés. traces de chocs post-rupture sur le champignon au droit de certaines composantes transversales ; traces de meulages récentes sur la table de roulement de l'ensemble des éléments reçus.
Caractérisation de la soudure aluminothermique :
Autres observations :
Examens fractographiques L'examen réalisé sur la composante verticale longitudinale dans l'axe du champignon a montré :
une fissuration verticale longitudinale oxydée dans le champignon, indiquant une fissuration développée en service et antérieure au déraillement ; une zone d'amorçage située à plus de 2,50 m de la soudure aluminothermique ; une zone fissurée en service débouchante sur la table de roulement située au-delà de cette zone d'amorçage d'une longueur de 330 mm.
Cette composante a été codifiée 213 (fissuration verticale longitudinale du champignon). L'examen réalisé sur la composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme a montré :
un faciès oxydé du côté extérieur voie, caractéristique d'un développement antérieur au déraillement, correspondant à la partie inférieure de la fissuration verticale longitudinale du champignon codifiée 213 ; une bande matée homogène sur le bord de l'âme côté extérieur voie, témoignant de frottements en service entre les deux parties de la fissuration ; une zone de propagation rapide de type semi-fragile non oxydée du côté intérieur voie correspondant à la zone de rupture brutale finale de cette composante, vraisemblablement survenue lors du déraillement.
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L'examen de la composante transversale sur le profil à proximité de la soudure a montré :
une fissuration transversale oxydée dans le champignon côté extérieur voie et dans l'âme jusqu'au congé âme-patin, initiée depuis la fissuration verticale longitudinale codifiée 213 et vraisemblablement survenue avant le déraillement ; une seconde fissuration transversale oxydée de petite taille dans le champignon côté intérieur voie dans la soudure aluminothermique, également initiée depuis la fissuration verticale longitudinale codifiée 213 ; des zones de propagation rapide de type semi-fragile au patin, au champignon côté intérieur voie et localement au champignon côté extérieur voie, correspondant aux zones de rupture brutale finale de cette composante, vraisemblablement survenue lors du déraillement.
Les examens réalisés sur les autres composantes transversales à travers l'âme et le patin ont montré des ruptures brutales initiées depuis la composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme, vraisemblablement survenues lors du déraillement. Les examens réalisés sur les autres composantes transversales à travers le champignon ont montré des ruptures brutales initiées depuis ou à proximité de la fissuration verticale longitudinale codifiée 213, vraisemblablement survenues lors du déraillement. Les examens macrographiques font apparaître :
des résultats conformes aux exigences actuelles de la norme NF EN 13 674-1 ; un fibrage en forme caractéristique de type « poireau » dans le champignon, l'âme et la partie centrale du patin ; une empreinte conforme aux exigences de la norme NF EN 13 674-1 ; une propagation de la fissuration verticale longitudinale codifiée 213 dans la soudure aluminothermique sur 13 mm au-delà des zones visibles sur les faciès de rupture ; cette fissuration ne se propage pas dans le rail de profil 46 E2 ; une absence d'anomalie de la zone fondue de la soudure aluminothermique au droit de la fissuration codifiée 213, indiquant que celle-ci n'était pas débouchante sur l'about de rail lors de la réalisation de la soudure en 2013.
Caractérisation de la rupture multiple Des schémas représentant les positions des éléments reçus et localisables et des différentes composantes de la rupture multiple sont visibles ci-dessous :
Le positionnement des morceaux du champignon situés à plus de 2,50 m de la soudure aluminothermique ne peut pas être réalisé avec précision du fait des éléments non reçus.
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Composante verticale longitudinale dans l'axe du champignon Examen réalisé sur les échantillons situés jusqu'à une distance de 2,50 m après la soudure aluminothermique (morceaux de champignon repérés A à H). Les examens réalisés, avant et après désoxydation, sur la composante verticale longitudinale développée dans l'axe du champignon ont montré :
une fissuration verticale longitudinale oxydée dans le champignon d'une hauteur maximale de 45 mm environ, indiquant une fissuration développée en service et antérieure au déraillement ; une progression longitudinale de la fissuration en direction de la soudure, dans le sens opposé aux circulations, sur l'ensemble des éléments situés jusqu'à 2,50 m après la soudure (morceaux de champignons repérés A à H) ; une zone de propagation rapide de type semi-fragile non oxydée à proximité de la table de roulement sur ces différents éléments, correspondant à la zone de rupture brutale finale de cette composante.
Un schéma récapitulatif indiquant les différentes propagations (réalisé sur le morceau de demi-champignon côté extérieur voie repéré C, représentatif des différents éléments localisés jusqu'à 2,50 m après la soudure aluminothermique) est visible ci-dessous. Cette composante a été codifiée 213 (fissuration verticale longitudinale du champignon) selon le référentiel MT 00 285 « Codification des défauts de rails ».
L'examen des morceaux de champignon situés à une distance de plus de 2,50 m de la soudure aluminothermique (morceaux de champignon repérés I à N) a mis en évidence :
la fissuration verticale longitudinale oxydée dans le champignon indiquant une fissuration développée en service et antérieure au déraillement ; sur les deux morceaux du demi-champignon côté intérieur voie repérés I et J, une progression longitudinale de la fissuration dans le sens opposé au sens de circulation en direction de la soudure aluminothermique ; sur le morceau du demi-champignon côté extérieur voie repéré K, une zone d'initiation au droit d'une indication oxydée dans le champignon, le faciès de rupture présentant des sens de propagation opposés de part et d'autre de cette zone ; sur le morceau du demi-champignon côté extérieur voie repéré L et sur les deux morceaux du demi champignon côté intérieur voie repérés M et N, une progression longitudinale de la fissuration dans le sens de circulation ; des zones de propagation rapide de type semi-fragile non oxydées à proximité de la table de roulement sur les morceaux repérés I, J, K et M, correspondant à la zone de rupture brutale finale de la composante verticale longitudinale sur ces éléments ; une oxydation visible sur toute la hauteur du faciès sur les morceaux repérés L et N, sur une longueur totale de 330 mm, indiquant que la fissuration était débouchante sur la table de roulement dans cette zone avant la rupture du rail.
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Composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme Les examens réalisés sur la composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme ont montré deux zones de développement distinctes qui occupent chacune environ 50 % de la largeur de l'âme sur les éléments localisables situés jusqu'à 1,80 m de la soudure aluminothermique :
un faciès oxydé du côté extérieur voie, indiquant un développement en service antérieur au déraillement dans cette zone, qui correspond à la partie inférieure de la fissuration verticale longitudinale au champignon codifié 213 ; une zone de propagation rapide de type semi-fragile non oxydée du côté intérieur voie, correspondant à la zone de rupture brutale finale de cette composante vraisemblablement survenue lors du déraillement dans cette zone. une bande matée homogène sur le bord de l'âme côté extérieur voie, témoignant de frottements en service entre les deux parties de la fissuration ; des zones matées très importantes et localement bleuies sur le faciès côté intérieur voie, témoignant d'impacts consécutifs à la rupture.
Les examens fractographiques montrent également :
Un schéma récapitulatif indiquant les différentes propagations de la composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme sur les éléments situés jusqu'à 1,80 m de la soudure aluminothermique est visible ci-dessous :
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Annexe 6 : règlement général de protection des données
Le bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) est investi d'une mission de service public dont la finalité est la réalisation de rapports sur les accidents afin d'améliorer la sécurité des transports terrestres (articles L. 1621-1 et 1621-2 du code des transports, voir la page de présentation de l'organisme). Pour remplir cette mission, les personnes chargées de l'enquête, agents du BEA-TT habilités ainsi que d'éventuels enquêteurs extérieurs spécialement commissionnés, peuvent rencontrer toute personne impliquée dans un accident de transport terrestre (articles L. 1621-14) et recueillir toute donnée utile. Ils traitent alors les données recueillies dans le cadre de l'enquête dont ils ont la responsabilité uniquement pour la seule finalité prédéfinie en garantissant la confidentialité des données à caractère personnel. Les rapports d'enquêtes sont publiés sans le nom des personnes et ne font état que des informations nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de l'accident. Les données personnelles sont conservées pour une durée de 4 années à compter de la publication du rapport d'enquête, elles sont ensuite détruites. Le traitement « Enquête accident BEA-TT » est mis en oeuvre sous la responsabilité du BEA-TT relevant du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT). Le MTECT s'engage à ce que les traitements de données à caractère personnel dont il est le responsable de traitement soient mis en oeuvre conformément au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (ci-après, « règlement général sur la protection des données » ou RGPD) et à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Les personnes concernées par le traitement, conformément à la législation en vigueur, peuvent exercer leurs droits auprès du responsable de traitement : droit d'accès aux données, droit de rectification, droit à la limitation, droit d'opposition. Pour toute information ou exercice de vos droits, vous pouvez contacter : 1- Le responsable de traitement, qui peut être contacté à l'adresse suivante : - à l'adresse : bea-tt@developpement-durable.gouv.fr - ou par courrier (avec copie de votre pièce d'identité en cas d'exercice de vos droits) à l'adresse suivante : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires A l'attention du directeur du BEA-TT Grande Arche - Paroi Sud, 29e étage, 92055 LA DEFENSE Cedex 2- Le délégué à la protection des données (DPD) du MTECT : - à l'adresse suivante : dpd.daj.sg@developpement-durable.gouv.fr ; - ou par courrier (avec copie de votre pièce d'identité en cas d'exercice de vos droits) à l'adresse suivante : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires A l'attention du Délégué à la protection des données SG/DAJ/AJAG1-2 92055 La Défense cedex Vous avez également la possibilité d'adresser une réclamation relative aux traitements mis en oeuvre à la Commission nationale informatique et libertés (3 Place de Fontenoy - TSA 80715 - 75334 PARIS CEDEX 07).
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Bureau d'E nquêtes sur les Ac cidents de T ransport T errestre
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Grande Arche - Paroi Sud 92055 La Défense cedex Téléphone : 01 40 81 21 83 bea-tt@developpement-durable.gouv.fr www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr
INVALIDE) (ATTENTION: OPTION ©el du rail (amélioration de la qualité de détection pour tenir compte de l'état réel des rails anciens).
47 Classiquement, on considère que les engins d'auscultation équipés de capteurs 213 permettent la détection de 50 % des défauts identifiables par opérateur ultrason (au regard de leur longueur, profondeur etc.)
46
4.3.5 - La non-détection par les OPUS du défaut de fissuration verticale longitudinale
L'auscultation manuelle des rails par des opérateurs ultrasons est considérée comme le moyen le plus efficace de détecter et de confirmer une fissuration verticale longitudinale du rail. Il semble que l'application de ce mode d'auscultation puisse être mise en défaut lorsque les linéaires de rail à inspecter sont importants et les rails anciens avec des états de surface imparfaits. Il y a lieu de progresser quant à l'efficacité de cette méthode d'auscultation du rail.
4.3.6 - La non-détection par les tournées Dirigeant et les tournées Rails
Au regard des difficultés de détection de défauts de fissuration verticale longitudinale du rail, l'expérience montre que les tournées à pied, tant des dirigeants voie que des agents réalisant les tournées rail, peuvent ne pas être pleinement efficaces. Les tournées visuelles « Dirigeant » et « Rail » visent chacune à détecter certains défauts. Dans le cas présent, elles n'ont pas permis de détecter le défaut malgré l'état avancé de la fissuration. Il ne faut néanmoins pas négliger le pouvoir de détection de ce type de tournées. Une attention particulière pourrait être donnée à la formation des agents et à leur soutien par un guide méthodologique pratique quant à la détection de ces défauts (savoir interpréter certains aspects visuels du plan de roulement...).
4.4 -
Le retour d'expérience
4.4.1 - Les faits survenus antérieurs de nature comparable
Rupture de rail sur défaut 213 du 17/09/2020 Postérieurement à l'accident objet du présent rapport, le 17 septembre 2020, sur la ligne de Blainville à Lure (Ligne 42 000) une rupture en ligne d'une longueur de 400 mm a été franchie par deux circulations commerciales à 115 km/h. La voie en groupe UIC 8 « avec voyageurs » est circulée à 120 km/h. La rupture est survenue suite à une fissuration verticale longitudinale du patin et du champignon (défauts de fissuration verticale longitudinale du rail codifiés 213). À la suite de l'incident, des contrôles ultrasons en continu effectués de part et d'autre de la rupture ont permis de constater que ce défaut n'était pas un cas isolé et plusieurs défauts classés X1 et X2 ont été découverts. Aucune conséquence humaine n'est à déplorer. Ceci est notamment dû au fait que la voie était en alignement et que la circulation était « légère » permettant une évolution sur l'âme du rail. Si la portion de voie avait été équipée de circuit de voie, celui-ci aurait pu détecter la rupture consécutive après le premier franchissement. Celle-ci avait conduit au lancement d'actions visant à réduire le risque lié à ce défaut sur le réseau national. Dès lors, les défauts, retraits, ruptures pour défauts « 113/213 » sont historisés dans DEFRAIL sous l'appellation « défaut de grande longueur, zone de surveillance spécifique » et les agents en charge des tournées rail sont préalablement renseignés de leur existence. Rupture de rail sur défaut 213 du 1/10/2021 Postérieurement à l'accident objet du présent rapport, le 1er octobre 2021, sur la ligne de Saint-Dié à Lunéville (Ligne 67 000). La voie classée en groupe UIC 8 « avec voyageurs » est circulée à 120 km/h.
47
La première circulation a considéré le choc comme un heurt d'animal. Le même conducteur lors de la circulation retour a arrêté son train et s'est rendu sur place pour constater la rupture du rail. Celle-ci, d'une longueur de 5 m (Pk 427,190 au 427,195) en file droite et en alignement, a été franchie en vitesse, sans déraillement, par deux circulations successives. Le rail rompu est de profil 46 kg type Est fabriqué en 1899 et posé en rail de réemploi en 1930, mis en long rail soudé constitué par soudage de barres avec conservation des abouts. Il était encadré par un rail de 1903 en aval et un coupon de 2002 en amont. Les spécialistes de SNCF Réseau dépêchés sur place ont conclu à la ruine du rail après le second passage. Les actions immédiates décidées se sont inscrites dans la suite des mesures prises après l'accident de Saint-Hilaire-au-Temple, explicitées au chapitre suivant.
Figure 52 : rupture multiple suite à fissuration verticale longitudinale
(Source SNCF)
Le laboratoire des rails a analysé les éléments recueillis. Cet événement est dû à une rupture multiple du rail initiée par une fissuration verticale longitudinale du champignon 48 comme l'illustre la figure 53.
Figure 53 : examen fractographie et coupe du rail
(Source SNCF) 48 Rapport L2143-2021-137 « Expertise de la rupture multiple de rail survenue le 01/10/2021 sur la ligne 67 000 entre Lunéville et Saint dié »  Infrapôle Lorraine  DGII VAR du 19/11/2021
48
4.4.2 - Les courriers émis par la direction de SNCF Réseau
La direction de l'ingénierie du gestionnaire d'infrastructure SNCF Réseau a pris sous forme de courriers aux zones de production et aux Infrapôles des mesures immédiates consécutives à la rupture de rail sur défaut 213 non détecté à Saint-Hilaire-au-Temple, objet du présent rapport. Le 13/09/2021, un courrier49 demande les mesures suivantes :
l'étude d'une possibilité de passage supplémentaire ELUS V6 ou UST 15 avec les capteurs spécifiques 113/213 avant fin 2021 sur les zones de surveillance spécifiques 113/213 et zones rails d'âge antérieur à 1980 connues des Infrapôles ; la réalisation des tournées ELUS avec systématiquement l'accompagnement des tournées par un agent dirigeant50 de l'Infrapôle et l'activation systématique et le contrôle de bon fonctionnement par les opérateurs ELUS des capteurs de défauts 113/213 ; la surveillance particulière des voies n'ayant pas donné lieu à remplacement de la barre élémentaire suite à un défaut 113/213 révélé. Ceci consiste à réaliser un examen de 500 m de rails encadrant les coupons mis en voie entre 2011 et 2018 ; la voie 2 de Saint-Hilaire-au-Temple était dans ce cas ; la prise en attachement de l'âge de fabrication des rails de « réemploi » pour lesquels l'année de fabrication n'est pas connue des bases de données historique rail. la confirmation manuelle aux ultrasons par les opérateurs OPUS après détection d'un défaut par ELUS ; la surveillance visuelle périodique du rail avec une attention quant aux défauts 213. Un premier guide de surveillance visuelle a été réalisé à cet effet.
Il rappelle et demande une attention particulière des agents quant à :
La fin de réalisation des contrôles était attendue pour novembre 2021. Le 19/10/2021, un courrier51 renforce les mesures précédentes suite à la rupture de rail sur défaut 213 non détecté entre Lunéville et Saint-Dié. Il s'agit notamment de la vérification immédiate aux ultrasons de la barre de part et d'autre de la rupture, du passage d'un ELUS prioritairement aux mesures manuelles par opérateur ultrasons. Le courrier demande les mesures supplémentaires suivantes :
une priorisation des contrôles ultrasons OPUS sur la base d'une cartographie de priorité des traitements des contrôles US en 5 classes tenant compte des paramètres âge du rail, vitesse/tonnage de part et d'autre de rails connus pour porter des défauts/Retraits/Ruptures anciens de code 213 n'ayant pas fait l'objet d'un renouvellement ; une priorisation des contrôles ultrasons ELUS par ordre de trafic prioritaire à contrôler, sur le critère : vitesse/tonnage, sur les portions de ligne qui ont le plus de zones à contrôler et en commençant par les rails les plus anciens (antérieurs à 1980/1984 ou âge non renseigné dans les bases).
La fin de réalisation des contrôles était attendue pour mi-mars 2022.
49 DGII-DTR-VA-PC n° 998/2021 50 Mission décrite à l'article 4.2 de l'IN 2600 51 DGII-DTR-VA-PC n° 1239/2021
49
Le 03/11/2021, un courrier52 définit la mesure compensatoire à prendre en cas de dépassement de l'échéance du 19/11/21 pour le contrôle ultrasons :
réaliser une tournée visuelle de recherche de défauts 113/213, appuyée d'un miroir dès identification d'indice de présence de défaut 113/213 par du personnel formé à la détection de défauts de rails et sur le même linéaire que les contrôles OPUS.
La fin de réalisation des contrôles par les Infrapôles Champagne-Ardenne et Lorraine de la zone de production Nord-Est-Normandie était attendue pour fin décembre 2021. Le 18/01/2022, un dernier courrier53 définit le plan d'actions 2022/2023. Il décrit l'organisation des tournées de surveillance visuelle rail en 2022 et s'appuie sur un nouveau fichier de « classement du patrimoine rail par priorité et urgence pour le plan d'action 213 ». Le plan d'action fait suite aux retours des actions initiées par les courriers antérieurs, notamment le contrôle ultrasons manuel sur 2 800 km de rails dont les zones de surveillance spécifique à risque 213. Les experts de SNCF réseau ont mis en évidence :
le lien direct entre le nombre de défauts de rails et la vétusté des rails (au-delà du seul défaut « 213 »). L'analyse des retours des contrôles a permis de classifier le rail selon son âge et le tonnage supporté depuis sa pose, par niveaux de priorité de traitement P1 à P5 (P1 pour les rails très anciens des années 1900 à 1920 et P5 pour les rails de 2000 à aujourd'hui) ; la nécessité d'adapter systématiquement la vitesse d'auscultation des ELUS à l'état du patrimoine rail afin de garantir la qualité d'enregistrement. Il en ressort la nécessité de définir des niveaux d'urgences en fonction de la qualité du patrimoine en voie pour organiser les tournées visuelles rails dans le cadre du plan d'action. Ainsi, les priorités de traitements (P1 à P5) combinées aux conditions d'exploitation (vitesse) définissent les niveaux d'urgence de tournées en regard de la sécurité technique. l'amélioration de la surveillance visuelle et par ultrasons des rails ; l'adaptation de la politique de régénération des rails les plus critiques (adossée à une surveillance adaptée et robuste).
Les mesures suite au plan d'action sur les défauts 213 non détectés comportent :
4.4.3 - Les résultats des premières remontées
L'analyse des bases de données ARMEN et DEFRAIL a permis d'identifier les points du réseau susceptibles de connaître le même type de rupture, sur lesquels a été établi un plan d'inspection des rails par cannes à ultrasons. Les mesures immédiates visaient deux objectifs principaux : d'une part, renforcer l'efficacité de détection des défauts 113/213 par une tournée de surveillance visuelle ciblée sur le patrimoine à défauts métallurgiques 113/213 connus et, d'autre part, pratiquer des contrôles US ciblés sur les défauts 113/213.
À échéance du 01/11/2021
La figure 54 reporte le nombre de défauts par mode de découverte sur les quatre lignes de la zone de production Nord-Est-Normandie les plus sujettes au niveau national à défaut 113 et 213.
52 DGII-DTR-VA-PC n° 1341/2021 53 DGII-DTR-VA-SH-AD n° 40/2022
50
Figure 54 : résultat du plan d'action - dénombrement des défauts non détectés avant la campagne sur les 4 lignes les plus touchées par ces défauts
(Source SNCF)
Les lignes n° 42 000 et n° 145 000 présentent sensiblement plus de détections durant la période 2000 à 2021 que pendant le nouveau plan d'action de novembre 2021. Les lignes 67 000 et 85 000 ont sensiblement moins de détections durant la période 2000 à 2021 que pendant le plan d'action. Il y a pour ces dernières lignes un effet de rattrapage avec une recrudescence de défaut « S » (en jaune) et « X2 » (en gris).
À échéance du 30/04/2022
Les résultats du tableau suivant ont pu être collectés.
Atlantique ÃŽle-deFrance
Nbre de km vérifiés Nbre de défauts X Nbre de défauts S Nbre de défauts X et S par km de rail inspecté
Nord-EstNormandie 917 1095 74 1,19
NEN hors NEN Sud-Est Total Lorraine Lorraine France 584 244 6 0,42 333 851 68 2,56 810 119 4 0,15 2223 1308 98 0,66
Total hors Lorraine 1890 457 30 0,24
368 40 20 0,16
128 34 0 0,27
La densité de défauts a été très élevée sur l'Infrapôle Lorraine, ayant nécessité des renforts d'autres Infrapôles pour les inspections et la réparation et un décalage de la fin des inspections au 30/04/2022. La densité de défauts (de type 213) nécessitant des réparations sur les lignes inspectées en Lorraine est plus de 10 fois supérieure à la moyenne nationale hors Lorraine : 2,63 défauts/km en Lorraine versus 0,25 défauts/km hors Lorraine. Près de deux tiers des défauts nécessitant des réparations ont été trouvés sur les zones inspectées en Lorraine et un tiers sur les zones inspectées sur le reste du réseau ferré national. Ce constat a conduit au plan d'action 2022/2023 du 18/01/2022 décrit plus haut. Les résultats du plan d'action montrent que le défaut de Saint-Hilaire-au-Temple n'est pas isolé mais traduit une dégradation générale des rails de fabrication ancienne antérieure à 1980, notamment ceux utilisés en réemploi et ayant de ce fait supporté déjà un important trafic cumulé.
51
Conclusions (english version)
The cause of the accident
The main cause of the derailment was the failure of the low rail under the train. The old rail was affected by a longitudinal vertical cracking head defect, coded 213, which had developed over several years and was not detected by the rail monitoring actions. The advanced state of the cracking allowed the outer half of the railhead to fall off abruptly under the effect of previous TER traffic and to be ruined under the effect of the accidental heavy traffic.
Contributing factors
The rail failure is the consequence of several contributing factors.
The renewal deficit of old reuse rails
Longitudinal vertical cracking defects appear almost exclusively on old rails that have been subjected to heavy traffic. This is particularly the case for re-used rails in a renewal operation, for which the year of manufacture and the estimated traffic supported during their first life are generally not known. Some of the cumulative traffic is not taken into account, resulting in a biased assessment of fatigue age. In this case, the 1955 rail laid for re-use in 1983 has withstood a cumulative traffic of more than 250 MT. The corresponding values of the track renewal criteria are overestimated. These rails are subject to a renewal deficit. The effort to renew the network must be strengthened if a real asset management policy is to be put in place, i.e. on the one hand, to maintain the safety of rail operations and, on the other, to reduce the costs of maintaining it in operational condition. The monitoring and replacement policy should prioritise the most sensitive components, including the oldest rails. The problem has arisen because the rails are in a dilapidated state with no immediate prospect of renewal.
Rail couponing
In recent years, the number of defects revealed and, at the same time, the number of coupons installed on the track has increased rapidly, increasing the number of rail weaknesses on the curve and raising the alarm that defects of various kinds are becoming widespread. The section of track that is the subject of this report has had numerous rail coupons installed over the last ten years, reflecting the accumulation of defects due to the age of obsolete rails in relation to the cumulative traffic supported. There are thus about ten rail coupons laid for maintenance on the track concerned by the accident. Furthermore, the national reference system published in 2018 did not provide for a retroactive manual inspection of 500 m of rails on either side of coupons laid before 2011 following a confirmed longitudinal vertical cracking defect. This would have been appropriate on older rails of older manufacture, which are a breeding ground for this type of defect. Furthermore, it is questionable whether it is appropriate to use coupons of the minimum length permitted by the standards, without taking into account the possibility of removing pre-existing welds and old short rails, which are particularly prone to defects.
52
Increased rail stresses
Since 2006, when the Reims to Châlons-en-Champagne line was connected to the East European high-speed line (LGV EE), traffic on the track in question has seen a significant increase in crossing speed and in the cumulative gross tonnage carried. An increase in the dynamic stresses generated by rail traffic makes it more likely that an old rail will break. This factor has not been sufficiently taken into account when determining the maintenance and renewal periods for the assets. In addition, the actual ages of the reused rails and their cumulative traffic actually supported are not recorded in the infrastructure databases.
Non-detection of the vertical longitudinal cracking defect by the Heavy Ultrasonic Device
Rail monitoring is based on inspection by heavy ultrasonic equipment (ELUS), which can find suspected defects. The detection of longitudinal vertical cracking defects requires, at the request of the local manager at least 48 hours before the periodic tour, the installation of specialised sensors. The fact that the ARMEN application (national track database) does not indicate the year of manufacture but the year of installation could mislead the agents in estimating the risk of longitudinal vertical cracking. The cross-referencing of data from the DEFRAIL (National Rail Defects Database) and ARMEN applications may make it possible to identify and target track sections where the re-used rail should be considered older than the year of laying, as well as rail where a cut-off due to a longitudinal vertical cracking defect has previously taken place before the year 2011. This would increase the awareness of local managers to adapt the cycle and speed of rail testing rounds.
Non-detection of the vertical longitudinal cracking defect by US surveyors
Manual rail testing by ultrasonic operators is considered the most effective way to detect and confirm longitudinal vertical rail cracking. It appears that the application of this method of inspection can be compromised when the rail lines to be inspected are long and the rails are old with imperfect surface conditions. There is a need to make progress on the effectiveness of this method of rail testing.
Non-detection by Manager and Rails periodic tours
In view of the difficulties in detecting longitudinal vertical rail cracking defects, experience shows that walking periodic tours, both for track managers and for staff carrying out rail tours, may not be fully effective. The visual periodic tours of the "Track Officer" and "Rail Specialist" are both aimed at detecting certain defects. In this case, they did not detect the defect despite the advanced state of the crack. Nevertheless, the detection power of this type of tour should not be neglected. Particular attention could be given to the training of staff and to supporting them with a practical methodological guide to the detection of these defects.
53
Feedback
Previous events of a comparable nature
Rail break on defect 213 of September 17th 2020 On 17 September 2020, on the line from Blainville to Lure, two commercial trains at 115 km/h crossed a 400 mm long line break. The track in UIC group 8 with passengers is operated at 120 km/h. The failure occurred because of vertical longitudinal cracking of the skid and head. Following the incident, continuous ultrasonic testing on both sides of the failure revealed that this was not an isolated defect and several X1 and X2 classified defects were found. There were no human consequences. This was due in particular to the fact that the track was aligned and that traffic was "light", allowing movement on the rail web. If the track section had been equipped with a track circuit, it could have detected the subsequent break after the first crossing. This incident led to the launch of actions aimed at reducing the risk linked to this defect on the national network. Defects, withdrawals and breakages due to "113/213" defects are recorded in DEFRAIL database under the heading "long defect, specific surveillance zone" and the agents in charge of the rail rounds are informed of their existence beforehand. Rail break on defect 213 of October 01ft 2021 On 1st October 2021, on the line from Saint-Dié to Lunéville. The track, classified as UIC group 8 "with passengers", was being run at 120 km/h. The first traffic considered the impact as an animal collision. The same driver stopped his train in the return traffic and went to the site to see the rail break. The broken rail was 5 m long in a straight line and had been passed at speed, without derailing, by two successive trains. The broken rail is a 46 kg profile manufactured in 1899 and laid as a reused rail in 1930, laid as a long welded rail made by welding the bars together. It was framed by a 1903 rail downstream and a 2002 coupon upstream. SNCF Reseau specialists concluded that the rail was ruined after the second run. The immediate actions decided upon were in line with the measures taken following the incident at Saint-Hilaire-au-Temple. The rail laboratory analysed the elements collected and concluded that this event was due to a multiple rail failure initiated by a longitudinal vertical crack in the head.
Letters issued by the management of SNCF Reseau
The infrastructure manager SNCF Réseau took immediate action in the form of letters to the production areas and the Infrapoles (entity maintenance) following the undetected rail break on fault 213 at Saint-Hilaire-au-Temple, which is the subject of this report. On 13/09/2021, a letter requests:
the study of a possible ELUS periodic tour with specific 113/213 sensors before the end of 2021 on specific 113/213 monitoring areas and rail areas older than 1980 known to the Infrapoles; the carrying out of ELUS rounds with the accompaniment of an Infrapole manager and the systematic activation and checking of the correct functioning of the fault sensors 113/213;
54
special monitoring of tracks that have not had the basic bar replaced following a revealed defect. This consists of an examination of 500 m of rail framing the coupons laid between 2011 and 2018; taking into account the age of manufacture of "re-used" rails for which the year of manufacture is not known from the historical rail databases. manual ultrasonic confirmation by OPUS operators after a fault has been detected by ELUS; periodic visual monitoring of the rail with attention to defects. A first visual monitoring guide has been produced for this purpose.
It requires particular attention from agents in terms of :
The controls were expected to be completed by November 2021. On 19/10/2021, a letter reinforced the previous measures following the undetected rupture between Lunéville and Saint-Dié. This involved the immediate ultrasonic verification of the bar on either side of the rupture, the passage of an ELUS as a priority to manual measurements by an ultrasonic operator. The letter asks:
Prioritisation of OPUS ultrasonic testing on the basis of a priority mapping of US testing treatments in 5 classes taking into account the parameters of rail age, speed/tonnage on both sides of rails known to carry old defects/removals/breaks of code 213 that have not been renewed; A prioritisation of the ultrasonic checks by order of priority traffic to be checked, on the criterion: speed/tonnage, on the sections of line that have the most areas to be checked and starting with the oldest rails.
The controls were expected to be completed by mid-March 2022. On 18/01/2022, a letter defines the 2022/2023 action plan. It describes the organisation of the rail visual surveillance rounds in 2022 and is based on a new file of "classification of rail assets by priority and urgency for the 213 action plan". The action plan follows feedback from actions initiated by previous letters, including manual ultrasonic inspection of 2,800 km of rail including specific 213 risk areas. SNCF network experts have highlighted:
the direct link between the number of rail defects and the age of the rails. The analysis of the returns from the inspections made it possible to classify the rail according to its age and the tonnage supported since it was laid, by 5 levels of treatment priority P1 to P5; the need to adapt the speed of inspection of the ELUS to the state of the track assets in order to guarantee the quality of the recordings. It emerged that it was necessary to define levels of urgency according to the quality of the track assets in order to organise the visual rail rounds as part of the action plan.
Measures following the action plan on undetected defects include improved visual and ultrasonic rail monitoring and an adaptation of the regeneration policy for the most critical rails.
55
The results of the first feedback
Analysis of the national databases made it possible to identify the points on the network likely to have the same type of failure, on which a plan was drawn up to inspect the rails using ultrasonic rods. The immediate measures had two main objectives: firstly, to increase the effectiveness of detection of 113/213 defects by a visual surveillance tour targeted at assets with known 113/213 metallurgical defects and, secondly, to carry out targeted US inspections on 113/213 defects. By 30/04/2022, the results in the following table could be collected.
Atlantic ÃŽle-deFrance 128 34 0 0,27 North East Normandy (NEN) 917 1095 74 1,19 NEN outside Lorraine 584 244 6 0,42 NEN Lorraine 333 851 68 2,56 South East 810 119 4 0,15 Total France 2223 1308 98 0,66 Total outside Lorraine 1890 457 30 0,24
No. of km checked Number of defects X No. of defects S Number of X and S defects per km of rail inspected
368 40 20 0,16
The density of defects is very high on the Lorraine Infrapole. The density of type 213 defects requiring repair on the inspected lines is more than 10 times higher in Lorraine than the national average outside Lorraine (2.63 defects/km versus 0.25 defects/km). Nearly two thirds of the defects requiring repair were found on the areas inspected in Lorraine and one-third on the areas inspected on the rest of the national rail network. This finding led to the 2022/2023 action plan of 18/01/2022 described above. The results of the action plan show that the defect at Saint-Hilaire-au-Temple is not an isolated one but reflects a general deterioration of old rails manufactured before 1980, particularly those used for re-use and which have therefore already borne a lot of accumulated traffic.
56
5 - Les recommandations en matière de sécurité
5.1 La cause du déraillement de l'accident
La cause principale du déraillement du train de Fret SNCF n° 71 646 le 28 août 2021 à Saint-Hilaire-au-Temple est la rupture sous le train au Pk 187,150 du rail en file basse de la courbe à gauche de la voie 2. Le défaut initial est une fissuration verticale longitudinale du champignon, codifié 213, qui existait depuis plusieurs années et qui n'a pas été détecté par la politique de surveillance du rail. Son état avancé a permis la chute brutale du demi-champignon extérieur sous l'effet d'une circulation TER précédente et sa ruine sous l'effet de la circulation accidentée.
5.2 -
Le déficit de renouvellement des rails anciens de réemploi
Les rails de réemploi ont supporté en première vie un trafic important, généralement non connu, et en seconde vie un trafic plus léger qui n'illustre pas l'état de vieillissement réel du rail. De plus, ces rails anciens présentent des pathologies particulières (notamment les défauts de fissuration verticale du champignon) liées à des techniques de fabrications spécifiques. Le processus d'objectivation des renouvellements des rails doit prendre en compte l'âge réel des rails, tant dans le calcul des indicateurs de consistance de la voie que dans les critères déclenchant définis par les référentiels54. Pour les rails il s'agit notamment des critères :
de vieillissement : trafic cumulé supportable au regard du profil du rail, toutes vies confondues (250 Mt pour du rail 46 kg/m, 600 Mt pour du rail 60 kg/m...) ; de retrait : nombre de retraits pour défaut de fatigue de l'ordre d'une dizaine par kilomètre de voie ou en cas de présence de défauts de grande longueur ; d'échéance théorique : celle-ci est par exemple de 50 ans pour des voies de groupe UIC 6.
Les tournées d'émergence doivent porter une attention particulière, au-delà des seuls défauts de fissuration verticale longitudinale du rail, sur la traçabilité de l'historique des rails et les phénomènes de vétusté des rails anciens. Le BEA-TT émet les recommandations ci-après. Recommandation R1 à l'attention de SNCF Réseau : Fiabiliser les données d'ARMEN et de DEFRAIL relatives à l'état de vétusté des rails en vue d'identifier et localiser les rails les plus anciens et les plus sollicités.
Recommandation R2 à l'attention de SNCF Réseau : Réexaminer les prescriptions en matière de couponnage et de renouvellement des rails en vue de garantir l'éradication rapide des rails les plus anciens et les plus sollicités ou leur bon état de fonctionnement.
54 MT 04 007 « Politique de renouvellement du domaine voie  périmètres des lignes classiques », etc.
57
5.3 -
L'efficacité du processus de surveillance de l'état des rails anciens
Les tournées à pied ne permettent pas toujours de détecter les anomalies affectant les rails, notamment lorsqu'il s'agit d'anomalies peu apparentes (fissurations peu ou non débouchante) et sur lesquelles l'attention des agents n'a pas été préalablement attirée. Par ailleurs, lors des tournées qu'ils effectuent, les dirigeants d'unité et les dirigeants de proximité ont des objectifs spécifiques à leurs missions d'encadrement et de mainteneur. Outre leur permettre d'acquérir ou de maintenir une connaissance précise des installations, de leur historique, de leur environnement et de leurs évolutions, ces tournées doivent leur permettre de contrôler la bonne exécution des travaux et des opérations de maintenance. Une traçabilité de l'état réel des rails de réemploi (date de fabrication, trafic cumulé supporté, nombre de coupons par kilomètre...) et des opérations de maintenance réalisées est nécessaire. Elle doit permettre d'ajuster localement en fréquence et en conditions de réalisation, les moyens de surveillance à mettre en oeuvre au regard de l'historique des rails et dans l'attente d'une opération de renouvellement. L'efficacité du processus de surveillance repose non seulement sur la capacité des agents et des systèmes ultrasons à détecter les anomalies et à évaluer leur criticité, mais aussi sur l'aptitude du système de maintenance. Celui-ci doit garantir l'exécution, dans les plages et délais prescrits55, des mesures correctives qui découlent des signalements effectués renforcés le cas échéant de l'analyse du retour d'expérience. SNCF Réseau a, dans son plan d'action 2022, lancé une politique ambitieuse de surveillance comportant notamment : la mise à profit des tournées pour vérifier la conformité des caractéristiques du patrimoine rails sur le terrain avec celles décrites dans les bases de données et mettre à jour ARMEN et DEFRAIL ; la définition d'un effort de surveillance des rails anciens en fonction de la vitesse de circulation et de leurs dates réelles de fabrication par classes d'âge ; la nécessité de mettre en oeuvre systématiquement les capteurs 113/213 et d'adapter la vitesse d'auscultation des ELUS à l'état du patrimoine rail afin de garantir la qualité de l'enregistrement ; la prise en compte des âges des rails plus anciens s'il existe une importante variabilité des âges sur un même tronçon de voie ; des fréquences renforcées si la voie présente au moins un des cas suivants : absence de circuit de voie, soudures aluminothermique à gros bourrelet ou long rail soudé constitué par soudage de barres avec conservation des abouts. Il conviendrait d'inscrire ces actions dans la durée. Le BEA-TT émet la recommandation ci-après. Recommandation R3 à l'attention de SNCF Réseau : Parachever dans les référentiels le renforcement des analyses et modalités de surveillance de l'état réel des rails afin de traiter les risques liés à la vétusté des rails anciens, tout particulièrement les défauts de fissuration verticale. Prévoir dans l'organisation générale de la maintenance les dispositions assurant que ces nouvelles mesures sont prises en compte de façon fiable et auditable. Les actions relatives à cette recommandation sont, à date de publication de ce rapport, déjà engagées.
55 Selon la gravité S, X2, X1 du défaut
58
5.4 -
La qualité d'auscultation ultrasons des rails par engins lourds
L'activité de surveillance des rails (identification des présomptions de défauts) est à assurer avec un fort niveau de confiance. Dans les tests statistiques on considère classiquement deux risques56 : le risque de première espèce ou risque alpha qui est le risque de conclure à l'absence d'un défaut alors que celui-ci existe bien ; le risque de deuxième espèce ou risque bêta ou défaut de puissance qui consiste à considérer l'existence d'un défaut alors qu'il n'en existe pas. La puissance du test de détection est la probabilité de détecter l'existence d'un défaut si ce défaut existe vraiment. Il est usuel de la fixer à 80 ou 90 %. Le BEA-TT estime, au regard de l'état de l'art des technologies actuellement à disposition (intelligence artificielle, capteurs, puissance de calcul, caméras haute résolution...) qu'il doit être possible de requestionner les chaînes de mesures et de traitement des informations afin d'augmenter la puissance du test de détection jusqu'à atteindre l'objectif précédemment défini. Dans ce cadre, la mise en oeuvre des capteurs spécialisés pour les défauts 113/213 et le signalement d'une mesure US non valide (NR) doivent être systématiques. Le BEA-TT estime qu'au regard des évolutions prévisibles des systèmes de détection et localisation de train (notamment le déploiement futur du système ETCS niveau 2 qui verra la disparition des circuits de voie, et par là même l'absence de détection d'une première rupture) qui auront lieu sans synchronisation avec la politique de remplacement des rails, la puissance du test de détection des engins lourds d'auscultation ultrasons devra être plus élevée qu'actuellement pour maintenir le niveau de sécurité du réseau ferré national. Le BEA-TT émet la recommandation ci-après. Recommandation R4 à l'attention de SNCF Réseau Étudier la faisabilité d'une meilleure qualité de détection par renforcement des méthodes et moyens mis en oeuvre sur les engins lourds d'auscultation des rails par ultrasons afin d'améliorer le taux de détection sûre de défauts de rails, notamment des défauts de fissuration verticale longitudinale du champignon, en utilisant le cas échéant les techniques nouvelles accessibles et les croisements utiles avec les bases de données de description du réseau ferré national. Dans l'attente de résultats probants, prescrire que les capteurs 113/213 soient plus systématiquement opérationnels, que la vitesse d'auscultation soit adaptée à la qualité du couplage rail-capteur et que les seuils de déclenchements soient réinstruits, en regard des autres actions mises en place pour minimiser le risque de non-reconnaissance.
5.5 -
La qualité des tournées de surveillance visuelle du rail
Les tournées rails sont à assurer avec un haut niveau de confiance. Elles sont à réaliser par du personnel techniquement compétent ayant la connaissance de la recherche des défauts de rails et disposant d'un support décrivant le patrimoine rail et son historique de maintenance (données ARMEN et DEFRAIL). Les compétences et grades sont cités dans le référentiel MT 02 070. Des guides pratiques pour le relevé visuel de toutes les zones de rails à inspecter, selon les connaissances actuelles, sont à constituer et distribuer.
56 Dits risques Alpha et Bêta
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Le BEA-TT émet la recommandation ci-après. Recommandation R5 à l'attention de SNCF Réseau Analyser du point de vue des facteurs humains et organisationnels la tâche de réalisation des tournées rails visant à la détection des défauts afin d'en tirer les enseignements utiles du point de vue de l'organisation des tournées, de la formation des opérateurs et de la mise à disposition des supports pratiques adaptés.
5.6 -
Les murs en retour des ponts-rail
Le bogie arrière du quatrième wagon et le bogie avant du cinquième wagon se sont encastrés dans le mur en retour du pont-rail de la LGV EE, entraînant un arrêt brutal de la circulation ferroviaire et, par voie de conséquence, l'aggravation des dégâts ainsi qu'un engagement de la voie contiguë. Cet encastrement est dû au fait que le mur en retour côté gauche de l'entrée de l'ouvrage ne s'élève qu'à mi-hauteur du mur latéral gauche, offrant de ce fait un obstacle franc vis-à -vis d'un choc ferroviaire. La fiche UIC 777-2-2 traite des dispositions constructives à appliquer aux constructions situées au-dessus des voies ferrées vis-à -vis du risque de choc ferroviaire. La fiche UIC ne donne aucune prescription quant aux obstacles francs que peuvent présenter ces ouvrages. Elle traite bien, en cas de choc avec l'ouvrage, des risques pour l'ouvrage mais insuffisamment ceux pour les circulations ferroviaires. Le BEA-TT émet la recommandation ci-après. Recommandation R6 à l'attention de l'UIC Évaluer la pertinence d'étudier plus avant le scénario d'un accrochage sur un obstacle franc que peut présenter un ouvrage, dans le cadre du programme d'activités des experts associés à la révision de cette fiche UIC. Selon le résultat de cette évaluation, intégrer aux travaux de révision en cours ou à une révision ultérieure, l'objectif d'améliorer la fiche 777-2.
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Safety recommendations (english version)
The renewal deficit of old reused rails
The reused rails have withstood heavy traffic in their first life, generally unknown, and lighter traffic in their second life, which does not illustrate the real state of ageing of the rail. Moreover, these old rails present particular pathologies linked to specific manufacturing techniques. The process of objectifying rail renewals must take into account the real age of the rails, both in the calculation of the triggering criteria defined by the standards. For the rails, these criteria include the following:
of ageing: cumulative traffic that is bearable with respect to the rail profile, all lives combined; number of withdrawals for fatigue defects of the order of ten per kilometre of track or in the event of the presence of long defects; theoretical maturity: this is, for example, 50 years for UIC 6 tracks.
The emergence rounds must pay particular attention to the traceability of the rail history and the obsolescence of old rails. The BEA-TT makes the following recommendations. Recommendation R1 to SNCF Réseau: Improve the reliability of the data in the national databases on the state of disrepair of the rails with a view to identifying and locating the oldest and most stressed rails. Recommendation R2 to SNCF Réseau: Review the requirements for the rail couponing and renewal of rails to ensure that the oldest and most stressed rails are quickly eradicated or remain in good working order.
The effectiveness of the process of monitoring the condition of old rails
Walking periodic tours do not always allow for the detection of rail anomalies, especially when they are not very obvious and have not been brought to the attention of the staff beforehand. During their periodic tours, unit managers and local managers have specific objectives in their management and maintenance roles. In addition to enabling them to acquire or maintain a precise knowledge of the installations, their history, their environment and their evolution, these rounds must enable them to check that the work and maintenance operations are being carried out correctly. It is necessary to be able to trace the actual state of the reused rails and the maintenance operations carried out. This should enable the frequency and conditions of the work to be adjusted locally to the monitoring methods to be implemented in the light of the history of the rails and pending a renewal operation. The effectiveness of the monitoring process depends not only on the ability of the agents and the ultrasonic systems to detect anomalies and assess their criticality, but also on the ability of the maintenance system. The latter must ensure that corrective actions resulting from reports, reinforced where necessary by feedback analysis, are carried out within the prescribed periods. In its 2022 action plan, SNCF Réseau has committed to a monitoring policy including:
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the use of the tours to check the conformity of the characteristics of the rail heritage in the field with those described in the national databases; the definition of a monitoring effort for old rails according to the speed of traffic and their actual dates of manufacture by age classes; the need to systematically implement the 113/213 sensors and to adapt the speed of the ELUS inspection to the state of the rail assets in order to guarantee the quality of the recording; taking into account the ages of older rails if there is significant age variability on the same section of track; reinforced frequencies if the track has at least one of the following cases: absence of a track circuit, aluminothermy welds with a large bead or a long welded rail made up of welded bars with preservation of the ends.
In order to make these actions sustainable, the BEA-TT makes the following recommendation. Recommendation R3 to SNCF Réseau: Complete the strengthening of the analysis and monitoring of the actual state of the rails in the reference systems in order to deal with the risks associated with the obsolescence of old rails, particularly vertical cracking defects. Include in the overall maintenance organisation arrangements to ensure that these new measures are taken into account in a reliable and auditable manner.
The quality of ultrasonic rail inspection by heavy machinery
The rail monitoring activity must be carried out with a high level of confidence. In statistical tests, two risks are classically considered: the first kind of risk or alpha risk, which is the risk of concluding that a defect does not exist when it does; the second kind of risk or beta risk or power defect, which consists of considering the existence of a defect when it does not exist. The power of the detection test is the probability of detecting the existence of a defect if it really exists. It is usual to set it at 80 or 90 %. The BEA-TT considers, in view of the state of the art of the technologies currently available, that it should be possible to rework the measurement and information processing chains in order to increase the power of the detection test until the previously defined objective is reached. In this context, the implementation of specialised sensors for 113/213 defects and the reporting of an invalid US measurement must be systematic. The BEA-TT considers that in view of the foreseeable developments in train detection and location systems (deployment of the ETCS level 2 system, which will see the disappearance of track circuits and hence the absence of detection of a first break), which will take place without synchronising with the rail replacement policy, the power of the detection test for heavy ultrasonic inspection equipment will have to be higher than at present in order to maintain the level of safety of the national rail network. The BEA-TT makes the following recommendation. Recommendation R4 to SNCF Réseau Study the feasibility of improving the quality of detection by strengthening the methods and means used on heavy ultrasonic rail testing equipment in order to improve the rate of safe detection of rail defects, in particular vertical longitudinal head cracking defects, using, where appropriate, the new techniques available and the useful cross-references with the national rail network description databases
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Pending conclusive results, prescribe that the 113/213 sensors be more systematically operational, that the speed of inspection be adapted to the quality of the rail-sensor coupling and that the trigger thresholds be reset, in view of the other actions taken to minimise the risk of non-recognition.
The quality of the visual rail monitoring rounds
Rail inspections should be carried out with a high level of confidence. They should be carried out by technically competent personnel with knowledge of rail defect detection and with a description of the rail assets and their maintenance history. Practical guides for the visual survey of all rail areas to be inspected, according to current knowledge, should be compiled and distributed. The BEA-TT makes the following recommendation. Recommendation R5 to SNCF Réseau To analyse the task of carrying out rail periodic tours aimed at detecting defects from the point of view of human and organisational factors in order to draw useful lessons from it in terms of periodic tour organisation, operator training and the provision of appropriate practical support.
Return walls of railway bridges
The rear bogie of the fourth wagon and the front bogie of the fifth wagon became embedded in the return wall of the rail bridge, bringing rail traffic to a sudden halt and thereby increasing the damage and engaging the adjoining track. The reason for this is that the return wall on the left-hand side of the entrance to the structure provides a clear obstacle to a railway impact. UIC leaflet 777-2 deals with the constructional provisions to be applied to buildings located above railway tracks with regard to the risk of railway impact. The sheet does not give any requirements as to the free obstacles that these structures may present. In the event of a collision with the structure, it deals with the risks to the structure but not sufficiently with the risks to rail traffic. The BEA-TT makes the following recommendation. Recommendation R6 to the UIC Evaluate the relevance of further studying the scenario of a collision on a clear obstacle that a structure may present, as part of the programme of activities of the experts associated with the revision of this UIC leaflet. Depending on the outcome of this assessment, incorporate the objective of improving sheet 777-2 into the ongoing revision work or a future revision.
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ANNEXES
Annexe 1 : décision d'ouverture d'enquête Annexe 2 : politique de surveillance et maintenance du rail Annexe 3 : retour d'expérience national sur le rail Annexe 4 : synthèse du couponnage et des défauts Annexe 5 : expertise du Laboratoire des rails Annexe 6 : règlement général de protection des données
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Annexe 1 : décision d'ouverture d'enquête
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Annexe 2 : politique de surveillance et de maintenance du rail
1- Politique de surveillance du rail
Le référentiel MT 02 070 définit les modalités de la surveillance des rails en voies principales en matière de cycles, d'organisation, moyens et prescriptions techniques de réalisation. Niveaux de détectabilité des moyens de surveillance vis-à -vis des types de défauts Chaque moyen de surveillance possède, vis-à -vis des différents types de défauts de rails, un certain niveau de détectabilité.
Performance de détection des défauts situés en zone d'abouts examen visuel partiellement adapté ; examen par OPUS manuel complètement adapté. Performance des moyens de détection des défauts de pleine barre examen visuel, partiellement adapté ; examen par ELUS sans capteur 213, très peu adapté ; examen par ELUS avec capteur 213, partiellement adapté ; examen par Canne ou bifile (OPUS) sans capteur 213, très peu adapté ; examen par Canne ou bifile (OPUS) avec capteur 213, adapté.
Défaut 113  Fissuration verticale longitudinale du champignon :
Défaut 213  Fissuration verticale longitudinale du champignon :
Le dirigeant local demande l'activation des capteurs 213 au moins 48 h avant la tournée. Tournées de surveillance des rails L'objectif principal de la surveillance visuelle est la recherche de nouveaux défauts. Au même titre que la surveillance US, la surveillance visuelle est un pilier indispensable à la surveillance des rails. Elle comble les manques inhérents à la surveillance US (notamment ELUS). Ces deux modes de surveillance doivent assurer la sécurité technique du rail. La tournée rails consiste en un examen attentif des rails. Elle doit être effectuée périodiquement voie par voie sur l'ensemble des voies principales, et ce quel que soit le groupe UIC. Pour une voie donnée, la tournée rail doit englober l'ensemble des rails de la voie parcourue. La plage de réalisation théorique annuelle est fixe, indépendante de la date de réalisation de la dernière tournée rail : 12 mois ± 60 jours. Tournées rails du plan d'action 2011 au regard des défauts 113 et 213 En 2011, suite à une rupture grave pour défaut codé 213, un plan d'action a été mis en oeuvre. Ce plan d'action prévoyait, entre autres, une surveillance visuelle sur l'ensemble des zones critiques. Ce plan d'action a permis de retirer un grand nombre de défauts et d'éviter ainsi un certain nombre de ruptures. Le problème perdurera tant que les rails incriminés n'auront pas tous été renouvelés. Les zones critiques appelées « zones à surveillance spécifique » sont basées sur les différents événements 113/213. Celles-ci sont fusionnées lorsqu'il y a moins de 5 km entre deux événements successifs. Les ZSS sont intégrées dans l'application DEFRAIL sous la forme d'un « défaut de grande longueur » (DGL 213 par exemple). Considérant que les ELUS ne sont pas encore suffisamment performants pour détecter efficacement ce type de défauts, il est
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nécessaire d'exercer une surveillance particulière sur ces ZSS. Ces DGL ZSS sont intégrés dans les tournées rails. La présence de DGL/ZSS codés 213 dans un parcours de tournée rails a pour objet de rappeler à l'opérateur que les rails qu'il surveille sont potentiellement affectés de défauts 113 ou 213 et qu'il doit leur apporter une attention accrue. Ces défauts peuvent être « invisibles » contrairement à n'importe quel autre DGL. La surveillance continue par ELUS Les ELUS ont pour objet de détecter des présomptions de défauts qui seront ensuite confirmées par un opérateur US. Les ELUS sont équipés de capteurs :
+70° / 0°/ -70°, en centré sur le champignon, destinés à détecter les fissures internes situées dans l'axe de symétrie du rail. +70° / -70° en décentré de 10 mm, et bigle de 5°, côté intérieur voie, afin de détecter les fissures (défauts 222) prenant naissance au congé supérieur du flanc actif du champignon des files de grand rayon des courbes.
Principes de recherche de défauts à l'aide de capteurs à angles Le capteur émet une onde Ultrasonore qui se propage dans le rail jusqu'à ce qu'elle rencontre une éventuelle discontinuité sur laquelle elle rebondit. Dans le cas où cette discontinuité est sensiblement perpendiculaire au faisceau émis, ce dernier va retourner avec le même angle vers le capteur et la discontinuité sera détectée. A contrario, lorsque la discontinuité présente des angles très différents par rapport à sa perpendiculaire, le faisceau va diverger et, au mieux, seule une partie de l'énergie reviendra vers le capteur ce qui ne permettra pas toujours de détecter la discontinuité. Afin d'élargir le champ de détection aux défauts les plus fréquents ou les plus dangereux, plusieurs angles de tir précédemment définis ont été utilisés par les capteurs des ELUS.
Avec l'angle 70°, la technique US est inopérante pour la partie superficielle de la table de roulement du champignon (zone des 5 premiers millimètres)
Les fissures verticales sont recherchées « manuellement » avec l'angle 0° horizontal. Le capteur 0° (utilisé, en mode horizontal), plaqué sur le flanc du champignon ou l'âme, permet de détecter et mesurer le paramètre L, des défauts. (113/213, 133/233).
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Deux des ELUS peuvent disposer depuis 2014 d'un dispositif spécifique permettant de détecter ces défauts 113 et 213
L'utilisation des capteurs spécifiques « 213 » sur les ELUS est obligatoire sur l'ensemble des tronçons de voies contenant dans l'application DEFRAIL des DGL (ZSS) 213. Procédure de remontée des informations au dirigeant local voie Toute détection ELUS fait l'objet d'une confirmation manuelle par OPUS. Celle-ci effectuée, l'OPUS remet les rapports US au responsable local voie qui a commandité sa prestation. En cas de la découverte de défauts classés X1 ou X2 ce signalement est journalier. En cas de découverte d'un rail classé S, l'OPUS en informe immédiatement l'agent sécurité qui prend les mesures de sécurité définies dans les référentiels57, analyse la situation et opte pour l'une des décisions suivantes : maintenir l'arrêt des circulations, lorsqu'il estime que le défaut n'est pas franchissable ou autoriser le franchissement du défaut à une vitesse qu'il détermine, et qui ne doit pas excéder 40 Km/h. Surveillance conditionnelle si défaut 113/213 détecté par ELUS Après découverte d'un défaut 113 ou 213 ou survenue d'une rupture confirmée 113 ou 213 il y a lieu d'opérer une surveillance US spécifique 213 (par OPUS) sur un minimum de 500 m de voie, de part et d'autre de l'événement « défaut / rupture », ce dans un délai de 30 jours après la découverte du défaut ou de la rupture. La découverte de tout défaut classé O ou X*, codés 113 ou 213 sur la zone initiale de contrôle a pour effet de prolonger de 500 m à partir de ce défaut, la zone de contrôle. Le contrôle spécifique s'arrête dès qu'une zone de 500 m de voie, exempte de défauts 113/213, sera trouvée.
2 - Politique de maintenance du rail
Le référentiel MT 02 071 (EF 02 C 33) / 06-2018 traite de la réparation et remplacement des rails fissurés ou rompus de voies principales. Réparation définitive par couponnage La longueur minimale des coupons à mettre en voie sur lignes classiques est de 4 m si le rayon de la courbe est supérieur à 1 000 m et de 6 m dans le cas contraire. Lorsqu'il s'agit d'une fissuration verticale longitudinale du champignon, de l'âme ou du patin, l'ensemble du rail élémentaire est à retirer de la voie et le rail concerné doit être ferraillé. Dans l'attente du ferraillage, et pour éviter le risque de réemploi intempestif, le rail sera repéré par des bandes de peinture rouge discontinues d'un mètre environ de longueur, sur les deux faces de l'âme. Utilisation des techniques de soudage en voie Types de soudures à utiliser : Les types de soudure à utiliser (procédé, intercalaire, nuance de métal d'apport) en fonction du profil et de la nuance des rails à souder sont définis pour tous rails au profil « Vignole ».
57 OP 00 588 et OP 00 839 (ex S2B)
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Annexe 3 : retour d'expérience national sur le rail
Audit du réseau ferré national58 2017 Le nombre de défauts de rails en voie « O » a sensiblement augmenté. Le solde entre le nombre de défauts amortis et le nombre de défauts découverts est légèrement positif (moins de défauts découverts que de défauts amortis). Le réseau comptait en 2018 plus de 200 000 défauts « O » ou « X » répertoriés. Selon une statistique interne, la moitié des défauts sont liés à la fatigue de contact railÂroue. Les défauts 113/213 ne dépassent pas 4 % des défauts. Simultanément, le nombre de ruptures de rails est en baisse, montrant une maîtrise du risque. Il reste néanmoins un important « stock » de défauts de rails en voie à résorber. En 2009, les auditeurs constataient qu'environ 14 000 (valeur 2007) coupons de rails étaient remplacés chaque année, par des moyens peu mécanisés. Bilan Annuel rail 2019 (BAR) L'âge moyen des rails (tenant compte de leur année de pose et non de fabrication) des groupes 5 et 6 est de 30 ans. L'indicateur de consistance de la voie (ICV) baisse à nouveau depuis 2010 (passage de 32 à 27, pour une valeur cible de 55). Les longueurs de rails remplacés en voie principale par Renouvellement Voie Ballast ou par d'autres opérations importantes et en remplacement de rail à l'entretien se stabilise depuis 2014. Le linéaire total de rails remplacés contient des rails neufs et aujourd'hui marginalement des rails de réemploi « direct » provenant des remplacement de rail de LGV. Le linéaire total de rail remplacé sur 5 ans se maintient aux alentours de 2 300 km de rail. Ce linéaire de renouvellement de rail parvient tout juste à stabiliser l'âge moyen des rails du RFN à environ 30 ans. Le nombre annuel de « défauts vivants » en voie se stabilise autour de 60 000 depuis 2012 (cf. DEFRAIL). Le BAR alerte sur le fait que « l'effort de remplacement de rail doit être amplifié afin de réduire cet âge moyen sur le long terme, dans la mesure où le composant rail qui couvre une grande part du risque sécurité technique du domaine « Voie » reste une priorité ». Le BAR alerte de même quant à la réduction de l'effectif des opérateurs US en Infrapôle. Ainsi, en 2019, le nombre d'opérateurs ultrasons (OPUS) a diminué de 6 % suite aux départs à la retraite, sachant qu'il faut entre 9 et 12 mois pour former un OPUS jusqu'à l'obtention de la certification. La production des opérateurs US est notamment essentielle pour les défauts 113/213. En 2012 et 2013 il a même été demandé aux Infrapôle d'adapter les moyens en opérateurs US en fonction de la charge supplémentaire représentée par les plans d'action 113/213. Au regard de notre accident : l'Infrapôle Champagne-Ardenne ne dispose plus que de 4 opérateurs (5 sur la période 2013 à 2018). Le linéaire à ausculter par ELUS est dépendant des cycles définis par les Infrapôles en fonction des critères imposés par le référentiel MT 02 070. Le volume ausculté en 2019 est de 29 261 km, soit le plus faible depuis 2013. La baisse des kilomètres auscultés concerne surtout les groupes 3 à 5, sachant que les voies des groupes 6 sont déjà très faiblement auscultées.
58 « Audit sur l'état du réseau ferré national  Rapport de la mission »  pour le compte de SNCF réseau  Date : 19/03/2018 version 2.3
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Le BAR note une baisse notable du nombre de confirmations pour les trois statuts (O, X1, X2) qui ne semble pas pouvoir être entièrement imputée à la baisse de la production. Une mauvaise qualité des auscultations (notamment lié au dysfonctionnement de l'UST15) a nécessairement contribué à cette chute. Le taux de « NR » est d'autant plus important que les rails sont « anciens », groupe UIC 6 et 7 à 9. En 2019 : 3619 points à confirmer sont relatifs à des défauts non connus jusqu'alors : ils se décomposent en 792 classés X ou S qui feront l'objet de retraits et de 1919 classés O qui se rajouteront aux défauts déjà suivis en voie. Le nombre annuel de ruptures de rail constitue un indicateur de performance de la maintenance des rails. 132 ruptures ont été comptabilisées pour l'année 2019, soit 0,27 ruptures par km de voie. Ce nombre de ruptures est en baisse par rapport à 2018 et ce, sur les quatre zones de production. Les défauts 113 et 213 appartiennent à la catégorie « Divers + cause non identifiées », soit moins de 4 % des ruptures annuelles sur le RFN. Les défauts 113 et 213, sont dangereux, difficiles à trouver, ne surviennent que sur des rails de fabrication ancienne et enfin relativement rares au regard des autres typologies de défauts. Plus de 65 % des ruptures de rail sont détectés par les circuits de voie. Près de 43 % des ruptures ne sont malheureusement pas détectées par les circuits de voie, les 113 et 213 ne le sont jamais. La détection par les agents Infrastructure reste un facteur important avec plus de 20 % des ruptures détectées à l'occasion des tournées ou lors des travaux principalement :
sur les lignes sans circuit de voie ; dans les appareils de voie et zones de non-détection afférentes du fait des plans d'isolement des AdV à montage dit « en parallèle » ; dans les joints.
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Annexe 4 : synthèse du couponnage et des défauts
Synthèse des coupons mis en voie à compte de 2005 et les défauts détectés à compter de 2008 (dans les bases de données).
Code : Bleu = Rail remplacé par couponnage Rose = Rail avec défaut détecté Rouge = Rail rompu à l'origine du déraillement
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Annexe 5 : expertise du Laboratoire des rails
La présente est une reformulation synthétique du rapport L2143-2021-108 « Expertise de la rupture d'un rail découverte le 26/08/2021 suite à un déraillement sur la ligne 81 000 (Infrapôle Champagne-Ardenne) » du Département voie et abords, Section produit rail et expertises  Révision n°02 du 06/10/2021. Elle n'engage que le BEA-TT. Le contenu du rapport s'avère trop volumineux pour être présenté ici dans son intégralité. Examen visuel Caractérisation de la rupture : rupture multiple survenue sur un rail Burbach de profil U33 et laminé en 1955, présentant de nombreuses composantes :
une composante verticale longitudinale dans l'axe du champignon sur une longueur d'au moins 3,10 m ; cette composante étant localement désaxée côté extérieur voie sur les éléments reçus les plus éloignés de la soudure aluminothermique ; une composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme sur une longueur d'au moins 3,10 m ; une composante transversale sur l'ensemble du profil à proximité de la soudure ; de multiples composantes transversales. soudure de type PLR poinçonnée « 04 13 RS41 » ; différence de hauteur de 3,5 mm entre les deux rails soudés. traces de chocs post-rupture sur le champignon au droit de certaines composantes transversales ; traces de meulages récentes sur la table de roulement de l'ensemble des éléments reçus.
Caractérisation de la soudure aluminothermique :
Autres observations :
Examens fractographiques L'examen réalisé sur la composante verticale longitudinale dans l'axe du champignon a montré :
une fissuration verticale longitudinale oxydée dans le champignon, indiquant une fissuration développée en service et antérieure au déraillement ; une zone d'amorçage située à plus de 2,50 m de la soudure aluminothermique ; une zone fissurée en service débouchante sur la table de roulement située au-delà de cette zone d'amorçage d'une longueur de 330 mm.
Cette composante a été codifiée 213 (fissuration verticale longitudinale du champignon). L'examen réalisé sur la composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme a montré :
un faciès oxydé du côté extérieur voie, caractéristique d'un développement antérieur au déraillement, correspondant à la partie inférieure de la fissuration verticale longitudinale du champignon codifiée 213 ; une bande matée homogène sur le bord de l'âme côté extérieur voie, témoignant de frottements en service entre les deux parties de la fissuration ; une zone de propagation rapide de type semi-fragile non oxydée du côté intérieur voie correspondant à la zone de rupture brutale finale de cette composante, vraisemblablement survenue lors du déraillement.
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L'examen de la composante transversale sur le profil à proximité de la soudure a montré :
une fissuration transversale oxydée dans le champignon côté extérieur voie et dans l'âme jusqu'au congé âme-patin, initiée depuis la fissuration verticale longitudinale codifiée 213 et vraisemblablement survenue avant le déraillement ; une seconde fissuration transversale oxydée de petite taille dans le champignon côté intérieur voie dans la soudure aluminothermique, également initiée depuis la fissuration verticale longitudinale codifiée 213 ; des zones de propagation rapide de type semi-fragile au patin, au champignon côté intérieur voie et localement au champignon côté extérieur voie, correspondant aux zones de rupture brutale finale de cette composante, vraisemblablement survenue lors du déraillement.
Les examens réalisés sur les autres composantes transversales à travers l'âme et le patin ont montré des ruptures brutales initiées depuis la composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme, vraisemblablement survenues lors du déraillement. Les examens réalisés sur les autres composantes transversales à travers le champignon ont montré des ruptures brutales initiées depuis ou à proximité de la fissuration verticale longitudinale codifiée 213, vraisemblablement survenues lors du déraillement. Les examens macrographiques font apparaître :
des résultats conformes aux exigences actuelles de la norme NF EN 13 674-1 ; un fibrage en forme caractéristique de type « poireau » dans le champignon, l'âme et la partie centrale du patin ; une empreinte conforme aux exigences de la norme NF EN 13 674-1 ; une propagation de la fissuration verticale longitudinale codifiée 213 dans la soudure aluminothermique sur 13 mm au-delà des zones visibles sur les faciès de rupture ; cette fissuration ne se propage pas dans le rail de profil 46 E2 ; une absence d'anomalie de la zone fondue de la soudure aluminothermique au droit de la fissuration codifiée 213, indiquant que celle-ci n'était pas débouchante sur l'about de rail lors de la réalisation de la soudure en 2013.
Caractérisation de la rupture multiple Des schémas représentant les positions des éléments reçus et localisables et des différentes composantes de la rupture multiple sont visibles ci-dessous :
Le positionnement des morceaux du champignon situés à plus de 2,50 m de la soudure aluminothermique ne peut pas être réalisé avec précision du fait des éléments non reçus.
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Composante verticale longitudinale dans l'axe du champignon Examen réalisé sur les échantillons situés jusqu'à une distance de 2,50 m après la soudure aluminothermique (morceaux de champignon repérés A à H). Les examens réalisés, avant et après désoxydation, sur la composante verticale longitudinale développée dans l'axe du champignon ont montré :
une fissuration verticale longitudinale oxydée dans le champignon d'une hauteur maximale de 45 mm environ, indiquant une fissuration développée en service et antérieure au déraillement ; une progression longitudinale de la fissuration en direction de la soudure, dans le sens opposé aux circulations, sur l'ensemble des éléments situés jusqu'à 2,50 m après la soudure (morceaux de champignons repérés A à H) ; une zone de propagation rapide de type semi-fragile non oxydée à proximité de la table de roulement sur ces différents éléments, correspondant à la zone de rupture brutale finale de cette composante.
Un schéma récapitulatif indiquant les différentes propagations (réalisé sur le morceau de demi-champignon côté extérieur voie repéré C, représentatif des différents éléments localisés jusqu'à 2,50 m après la soudure aluminothermique) est visible ci-dessous. Cette composante a été codifiée 213 (fissuration verticale longitudinale du champignon) selon le référentiel MT 00 285 « Codification des défauts de rails ».
L'examen des morceaux de champignon situés à une distance de plus de 2,50 m de la soudure aluminothermique (morceaux de champignon repérés I à N) a mis en évidence :
la fissuration verticale longitudinale oxydée dans le champignon indiquant une fissuration développée en service et antérieure au déraillement ; sur les deux morceaux du demi-champignon côté intérieur voie repérés I et J, une progression longitudinale de la fissuration dans le sens opposé au sens de circulation en direction de la soudure aluminothermique ; sur le morceau du demi-champignon côté extérieur voie repéré K, une zone d'initiation au droit d'une indication oxydée dans le champignon, le faciès de rupture présentant des sens de propagation opposés de part et d'autre de cette zone ; sur le morceau du demi-champignon côté extérieur voie repéré L et sur les deux morceaux du demi champignon côté intérieur voie repérés M et N, une progression longitudinale de la fissuration dans le sens de circulation ; des zones de propagation rapide de type semi-fragile non oxydées à proximité de la table de roulement sur les morceaux repérés I, J, K et M, correspondant à la zone de rupture brutale finale de la composante verticale longitudinale sur ces éléments ; une oxydation visible sur toute la hauteur du faciès sur les morceaux repérés L et N, sur une longueur totale de 330 mm, indiquant que la fissuration était débouchante sur la table de roulement dans cette zone avant la rupture du rail.
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Composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme Les examens réalisés sur la composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme ont montré deux zones de développement distinctes qui occupent chacune environ 50 % de la largeur de l'âme sur les éléments localisables situés jusqu'à 1,80 m de la soudure aluminothermique :
un faciès oxydé du côté extérieur voie, indiquant un développement en service antérieur au déraillement dans cette zone, qui correspond à la partie inférieure de la fissuration verticale longitudinale au champignon codifié 213 ; une zone de propagation rapide de type semi-fragile non oxydée du côté intérieur voie, correspondant à la zone de rupture brutale finale de cette composante vraisemblablement survenue lors du déraillement dans cette zone. une bande matée homogène sur le bord de l'âme côté extérieur voie, témoignant de frottements en service entre les deux parties de la fissuration ; des zones matées très importantes et localement bleuies sur le faciès côté intérieur voie, témoignant d'impacts consécutifs à la rupture.
Les examens fractographiques montrent également :
Un schéma récapitulatif indiquant les différentes propagations de la composante horizontale longitudinale en partie supérieure de l'âme sur les éléments situés jusqu'à 1,80 m de la soudure aluminothermique est visible ci-dessous :
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Annexe 6 : règlement général de protection des données
Le bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) est investi d'une mission de service public dont la finalité est la réalisation de rapports sur les accidents afin d'améliorer la sécurité des transports terrestres (articles L. 1621-1 et 1621-2 du code des transports, voir la page de présentation de l'organisme). Pour remplir cette mission, les personnes chargées de l'enquête, agents du BEA-TT habilités ainsi que d'éventuels enquêteurs extérieurs spécialement commissionnés, peuvent rencontrer toute personne impliquée dans un accident de transport terrestre (articles L. 1621-14) et recueillir toute donnée utile. Ils traitent alors les données recueillies dans le cadre de l'enquête dont ils ont la responsabilité uniquement pour la seule finalité prédéfinie en garantissant la confidentialité des données à caractère personnel. Les rapports d'enquêtes sont publiés sans le nom des personnes et ne font état que des informations nécessaires à la détermination des circonstances et des causes de l'accident. Les données personnelles sont conservées pour une durée de 4 années à compter de la publication du rapport d'enquête, elles sont ensuite détruites. Le traitement « Enquête accident BEA-TT » est mis en oeuvre sous la responsabilité du BEA-TT relevant du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT). Le MTECT s'engage à ce que les traitements de données à caractère personnel dont il est le responsable de traitement soient mis en oeuvre conformément au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (ci-après, « règlement général sur la protection des données » ou RGPD) et à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Les personnes concernées par le traitement, conformément à la législation en vigueur, peuvent exercer leurs droits auprès du responsable de traitement : droit d'accès aux données, droit de rectification, droit à la limitation, droit d'opposition. Pour toute information ou exercice de vos droits, vous pouvez contacter : 1- Le responsable de traitement, qui peut être contacté à l'adresse suivante : - à l'adresse : bea-tt@developpement-durable.gouv.fr - ou par courrier (avec copie de votre pièce d'identité en cas d'exercice de vos droits) à l'adresse suivante : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires A l'attention du directeur du BEA-TT Grande Arche - Paroi Sud, 29e étage, 92055 LA DEFENSE Cedex 2- Le délégué à la protection des données (DPD) du MTECT : - à l'adresse suivante : dpd.daj.sg@developpement-durable.gouv.fr ; - ou par courrier (avec copie de votre pièce d'identité en cas d'exercice de vos droits) à l'adresse suivante : Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires A l'attention du Délégué à la protection des données SG/DAJ/AJAG1-2 92055 La Défense cedex Vous avez également la possibilité d'adresser une réclamation relative aux traitements mis en oeuvre à la Commission nationale informatique et libertés (3 Place de Fontenoy - TSA 80715 - 75334 PARIS CEDEX 07).
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