Rapport d'enquête technique sur le heurt du pont autoroutier à Givors (69) par le bateau à passagers BIJOU DU RHÔNE le 6 avril 2018. Affaire BEATT-2018-16
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre
Auteur secondaire
Résumé
Le 6 avril 2018, le bateau à passagers "Bijou du Rhône" heurte la pile d'un pont autoroutier. Une voie d'eau se déclare dans une cabine d'équipage. Le bateau rejoint la rive et les passagers sont évacués. L'accident n'a pas fait de victime.<br />Le Bea-tt émet des recommandations préventives dans le domaine de la signalisation d'aide à la navigation à l'approche du Pont de Givors.<br />
Descripteur Urbamet
accident
;gestion de la circulation
;enquête
;bateau
Descripteur écoplanete
chenal
Thème
Transports
Texte intégral
RAPPORT D'ENQUÊTE TECHNIQUE
sur le heurt du pont autoroutier à Givors (69) par le bateau à passager BIJOU DU RHÔNE le 6 avril 2018
Janvier 2020
Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre
Affaire n° BEATT-2018-16
Rapport d'enquête technique sur le heurt du pont autoroutier à Givors (69) par le bateau à passagers BIJOU DU RHÔNE le 6 avril 2018
Bordereau documentaire
Organisme auteur : Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT) Titre du document : Rapport d'enquête technique sur le heurt du pont autoroutier à Givors (69) par le bateau à passagers BIJOU DU RHÔNE le 6 avril 2018 N° ISRN : EQ-BEAT--20-2--FR Proposition de mots-clés : navigation intérieure, balisage, signalisation, chenal
Avertissement L'enquête technique faisant l'objet du présent rapport est réalisée dans le cadre des articles L. 1621-2 à 1622-2 et R. 1621-1 à 1621-26-2 du code des transports relatifs, notamment, aux enquêtes techniques après accident ou incident de transport terrestre. Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents. Sans préjudice, le cas échéant, de l'enquête judiciaire qui peut être ouverte, elle consiste à collecter et analyser les informations utiles, à déterminer les circonstances et les causes certaines ou possibles de l'événement, de l'accident ou de l'incident et, s'il y a lieu, à établir des recommandations de sécurité. Elle ne vise pas à déterminer des responsabilités. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
SOMMAIRE
GLOSSAIRE...................................................................................................................................7 RÉSUMÉ.........................................................................................................................................9 1 - CONSTATS IMMÉDIATS ET ENGAGEMENT DE L'ENQUÊTE............................................11 1.1 - Les circonstances de l'accident.......................................................................................11 1.2 - Le bilan humain et matériel..............................................................................................11 1.3 - L'engagement et l'organisation de l'enquête....................................................................11 2 - CONTEXTE DE L'ACCIDENT................................................................................................13 2.1 - Le règlement général de police de la navigation intérieure.............................................13 2.2 - Le balisage des voies navigables de grande largeur......................................................13 2.3 - Le règlement particulier de police sur le Rhône..............................................................14 2.4 - Les titres de navigation des bateaux...............................................................................15 2.5 - Les certificats requis pour la conduite d'un bateau de commerce..................................15 2.6 - La procédure à mettre en oeuvre en cas d'accident sur le Rhône..................................16 2.7 - Les conditions de navigation le jour de l'accident...........................................................17
2.7.1 -La météorologie.................................................................................................................................... 17 2.7.2 -La luminosité......................................................................................................................................... 17 2.7.3 -Le débit du Rhône et le courant............................................................................................................ 17
3 - COMPTE RENDU DES INVESTIGATIONS EFFECTUÉES..................................................19 3.1 - Le bateau Bijou du Rhône...............................................................................................19
3.1.1 -Présentation générale........................................................................................................................... 19 3.1.2 -Le titre de navigation du bateau à passagers Bijou du Rhône..............................................................19 3.1.3 -Les instruments de navigation.............................................................................................................. 20 3.1.4 -Les cartes électroniques de navigation CEN........................................................................................ 20 3.1.5 -Les autres moyens d'information pour la navigation.............................................................................22 3.1.6 -Les voyages programmés.................................................................................................................... 23
3.2 - Le pont autoroutier et son approche................................................................................24
3.2.1 -Le pont autoroutier................................................................................................................................ 24 3.2.2 -L'approche du pont............................................................................................................................... 25 3.2.3 -Les accidents au passage du pont autoroutier de Givors.....................................................................27
3.3 - L'état du pont autoroutier après l'accident.......................................................................28 3.4 - Le témoignage du capitaine.............................................................................................28 3.5 - L'état du bateau après le heurt avec le pont autoroutier.................................................29 3.6 - Les mesures administratives, techniques et de police prises après l'accident...............30 3.7 - Les réparations du bateau réalisées à Arles....................................................................30 4 - DÉROULEMENT DE L'ACCIDENT ET DES SECOURS.......................................................33 5 - ANALYSE DES CAUSES ET FACTEURS ASSOCIÉS, ORIENTATIONS PRÉVENTIVES. .35 ANNEXE : Décision d'ouverture d'enquête.............................................................................41
Glossaire
AIS : Automatic Information System CEN : Carte Électronique de Navigation CEREMA : Centre d'études et d'Expertise sur les Risques, l'Environnement, la Mobilité et l'Aménagement CNR : Compagnie Nationale du Rhône DDT : Direction Départementale des Territoires DIRCE : Direction Interdépartementale des Routes Centre-Est ECDIS : Electronic Chart Display and Information System ESPAR : balise fixe composée d'un corps cylindrique (pieu), dont le diamètre est proportionnel à la hauteur OHI : Organisation Hydrographique Internationale PHEN : Plus Hautes Eaux Navigables PK : Point Kilométrique VHF : Very High Frequency (bande de fréquences radio comprises entre 108 et 118 MHz) RGPNI : Règlement Général de Police de la Navigation Intérieure RPP : Règlement de Police Particulier SIF : Services d'Information Fluviale UNECE : United Nations Economic Commission for Europe - Commission économique pour l'Europe des Nations Unies VNF : Voies Navigables de France
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Résumé
Le bateau à passagers « Bijou du Rhône » assure des croisières sur la Saône et le Rhône entre Chalon-sur-Saône et Arles. Parti de Lyon en début de croisière, il descend le Rhône et s'apprête à passer sous le pont autoroutier de l'A47 près de la commune de Givors le vendredi 6 avril 2018 à 23 h 40. Sorti aux trois quarts de la passe, le bateau heurte une pile de pont située au centre du fleuve par son travers arrière tribord. Une voie d'eau se déclare dans une cabine d'équipage. Le capitaine décide de s'amarrer au plus vite afin de sécuriser les 127 passagers et les membres de l'équipage. Une fois à quai, les passagers sont alors évacués du bateau avec l'aide des secours terrestres arrivés rapidement sur place. Aucun blessé n'est à déplorer. Les investigations effectuées permettent d'établir que la cause directe de l'accident est la mauvaise approche du pont par le bateau à passagers Bijou du Rhône qui s'est présenté trop à droite de la passe. Plusieurs facteurs ont pu contribuer à la survenance de cet accident :
un courant important avec un bateau avalant naviguant au niveau d'un méandre du Rhône dont le pont se trouve en son milieu ; des piles du pont positionnées au centre du fleuve ; seuls deux espars, à bâbord à 350 m et à tribord à 15 m en amont du pont, signalent les limites du chenal ; ces balises ne disposent pas de feux visibles de nuit.
À la lumière de ces éléments, le BEA-TT est conduit à formuler des recommandations préventives dans le domaine de la signalisation d'aide à la navigation à l'approche du pont de Givors.
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1 - Constats immédiats et engagement de l'enquête
1.1 Les circonstances de l'accident
Le bateau à passagers « Bijou du Rhône » assure des croisières sur le Rhône entre Chalon-sur-Saône et Arles. Parti de Lyon, il descend le fleuve à une vitesse proche de 20 km/h imposée par un débit important de l'ordre de 1870 m³/s. Vers 23 h 40 le 6 avril 2018, ayant pratiquement terminé le franchissement du pont supportant l'autoroute A47, l'arrière du bateau heurte la semelle d'une des piles centrales de cet ouvrage. Une voie d'eau est constatée sous la ligne de flottaison à l'arrière droit du bateau. Le capitaine décide alors de regrouper l'ensemble des passagers à l'avant du bateau et recherche un point de stationnement en sécurité. Le débarquement de nuit a lieu au niveau du quai de Loire-sur-Rhône, à quelques kilomètres en aval du pont de Givors.
1.2 -
Le bilan humain et matériel
L'ensemble des passagers a pu être débarqué rapidement et tous ont été pris en charge par les secours sur les lieux. Aucun des passagers et des membres de l'équipage n'a été blessé. Seuls des dégâts matériels à la coque, au niveau de la voie d'eau située côté tribord à environ 25 m de la poupe, ont été constatés. Une déformation de la coque du bateau est visible de l'intérieur sur 1 m de long et 50 cm de large. Ces dégâts sur le bateau ont été causés par la semelle et non la pile elle-même qui ne présente aucune trace de choc. La semelle de la pile du pont, immergée au moment de l'accident, n'a pas pu être inspectée.
1.3 -
L'engagement et l'organisation de l'enquête
Au vu des circonstances de cet accident, le directeur du bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre a ouvert, le 24 mai 2018, une enquête technique en application des articles L. 1621-2 à L. 1622-2 du Code des transports. Les enquêteurs du BEA-TT se sont rendus sur le bateau Bijou du Rhône après la réparation des avaries pour y rencontrer le capitaine aux commandes au moment de l'accident. Ils ont pu discuter avec le directeur technique de la société Nicko Cruises et le directeur des opérations des bateaux à passagers en charge de l'armement français de ce bateau au sein de la société AGIS. Ils ont également rencontré les représentants de l'unité des permis et des titres de navigation de la Direction départementale des territoires du Rhône (DDT 69), les services de Voies navigables de France (VNF), ainsi qu'un administrateur de la Chambre nationale de la batellerie artisanale pour la région Rhône/Saône.
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2 - Contexte de l'accident
2.1 Le règlement général de police de la navigation intérieure
La police de la navigation sur les fleuves, rivières, canaux, lacs, retenues et étangs d'eau douce ainsi que leurs dépendances, est régie par le règlement général de police de la navigation intérieure (RGPNI). Il est intégré au Code des transports (quatrième partie des volets législatif et réglementaire). Ce texte précise notamment les certificats requis pour la conduite d'un bateau à passagers, les règles concernant la tenue de la barre, la navigation par temps bouché et le balisage des chenaux de navigation. Le RGPNI est complété par des règlements particuliers de police (RPP) pris pour son exécution sous la forme d'arrêtés préfectoraux ou inter-préfectoraux. Pour l'information des navigants, les prescriptions de ces règlements particuliers de police sont précisées par des avis à la batellerie, suivant les conditions de navigation des voies d'eau. Un avis à la batellerie spécial est édité chaque début d'année et assure la récapitulation de tous les avis à la batellerie dont l'application demeure dans le temps.
2.2 -
Le balisage des voies navigables de grande largeur
Les signaux de balisage servant à réguler le trafic sur les voies de navigation intérieure figurent en annexe 5 du RGPNI. Des bouées et marques de couleur verte et rouge balisent respectivement les rives gauche et droite1 des voies navigables de grande largeur. À bandes horizontales telles que celles indiquées sur la figure 1 ci-après, les bouées et marques balisent également des obstacles.
Figure 1 Marque de balisage d'un obstacle en rive gauche Marque de balisage d'un obstacle en rive droite
Ainsi, à l'image des navires venant de la mer qui entrent dans les ports ou les estuaires, les bateaux qui remontent les voies d'eau ont les bouées vertes sur tribord et les bouées rouges sur bâbord.
1 Les désignations « rive droite » et « rive gauche » de la voie de navigation intérieure s'entendent pour un observateur tourné vers l'aval. 13
Les balises peuvent être surmontées d'un réflecteur radar pour en améliorer la détection ou celle de l'obstacle signalé. Ces réflecteurs peuvent également être fixés sur les ouvrages à l'aide d'un mat soutenu par un hauban.
Figure 2 : Réflecteur radar sur mât et sur balise (source RGPNI)
Lorsque les arches d'un pont portent le signal D1a de la figure 3 ci-après, il est recommandé de naviguer sous ces arches. De nuit, ce signal est matérialisé par un feu lumineux continu de couleur jaune.
Figure 3 : Signal D1a indiquant la passe recommandée dans les deux sens et feu lumineux jaune associé
2.3 -
Le règlement particulier de police sur le Rhône
Le règlement particulier de police (RPP) sur le Rhône et la Saône est fixé par arrêté 2. Ce dernier précise notamment que :
la vitesse de marche, par rapport à la rive, des bateaux motorisés ne doit pas excéder 30 km/h sur le Rhône et sur les sections en rivière de la Saône en aval de Saint-Symphorien ; la puissance des moteurs installés sur les bateaux doit être suffisante pour permettre aux bateaux montants d'atteindre une vitesse moyenne de 3,6 km/h par rapport au fond.
Pour les règles de route des bateaux naviguant au radar, le RPP renvoie aux avis à la batellerie. L'avis à la batellerie n° 1 diffusé au début de chaque année par la direction territoriale Rhône-Saône de VNF fournit notamment les informations sur les écluses, les caractéristiques des voies d'eau et des ouvrages, les obstacles à la navigation, le stationnement des bateaux, les règles de routes, la vitesse de marche des bâtiments, les canaux VHF à utiliser et la procédure en cas d'accident.
2 arrêté interpréfectoral de 2014 portant règlement particulier de police de la navigation intérieure sur l'itinéraire Rhône-Saône à grand gabarit 14
Il indique notamment que :
le pont autoroutier de Givors est situé au PK 18,00 sur le Rhône et que la largeur de la passe est de 60 mètres ; le chenal de navigation de Lyon à Port Saint-Louis-du-Rhône, excepté entre les PK 162 et PK 166, a une largeur de 60 m et se situe à 20 m à l'intérieur du chenal balisé sur la voie d'eau.
Les échanges entre bateaux et avec les services de l'exploitant sont réalisés par les moyens de radiocommunication de bord sur le canal 10. Le franchissement de chaque ouvrage situé entre les PK 16 et PK 20, et en particulier pour le passage du pont de Givors situé au PK 18, nécessite obligatoirement une annonce de radiocommunication.
2.4 -
Les titres de navigation des bateaux
Pour être admis à naviguer sur les eaux intérieures, tout bateau à passagers doit disposer d'un titre de navigation attestant sa conformité avec les prescriptions techniques qui lui sont applicables, conformément à la directive 2016-1629 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2016, et à la directive déléguée 2018-970 modifiant les annexes II, III et V de la directive 2016-1629. Au moment de l'accident, les textes nationaux de transposition de cette directive n'étaient pas publiés. Les textes en vigueur étaient pris en application de la directive 2006-87 antérieurement applicable et comportaient : 1. le décret 2007-1168 du 2 août 2007 relatif aux titres de navigation ; 2. l'arrêté du 28 août 2007 relatif au nombre et à la compétence territoriale des services instructeurs ; 3. l'arrêté du 21 décembre 2007 relatif aux titres de navigation ; 4. l'arrêté du 30 décembre 2008 relatif aux prescriptions techniques de sécurité.
2.5 -
Les certificats requis pour la conduite d'un bateau de commerce
La conduite d'un bateau de commerce sur les eaux intérieures impose au pilote d'être titulaire d'un « certificat de capacité ». Celui-ci mentionne le groupe de voies pour lequel il est valable. Les voies d'eau du « groupe A » comprennent l'ensemble des eaux intérieures à l'exception des voies sur lesquelles s'applique le règlement relatif à la délivrance des patentes du Rhin. Les voies d'eau du « groupe B » comprennent les voies du groupe A à l'exclusion des voies à caractère maritime. Pour être admis à conduire un bateau de commerce au radar, son conducteur doit détenir, en plus de son certificat de capacité, une attestation spéciale « radar ». Sur tout bateau transportant des passagers, le conducteur ou un membre d'équipage doit être titulaire d'une attestation spéciale « passagers ». Lorsque plus de 50 personnes sont admises sur le bateau, la présence à bord d'une seconde personne titulaire de cette attestation est obligatoire. Pour assurer les radiocommunications VHF, les conducteurs doivent posséder un certificat restreint de radiotéléphoniste. La grande patente du Rhin, qui est l'autorisation de conduire tout type de bateau sur ce fleuve, est un certificat suffisant pour conduire les bateaux sur les eaux intérieures françaises.
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2.6 -
La procédure à mettre en oeuvre en cas d'accident sur le Rhône
Le conducteur du bateau impliqué dans un sinistre pouvant mettre en cause la sécurité de la navigation alerte selon le cas Voies navigables de France (VNF) ou la Compagnie nationale du Rhône (CNR) si le bateau se trouve sur les portions du réseau dont elle est exploitante. Ces deux organismes transmettent les informations qu'ils reçoivent aux différents intervenants concernés et notamment à la DDT 69, aux forces de l'ordre et au Centre opérationnel départemental d'incendie et de secours (CODIS).
Figure 4 : Modalités d'alerte en cas d'accident
(source : Plan zonal de réponse à un accident de navigation fluviale sur le réseau Rhône-Saône)
VNF est un établissement public administratif responsable de la gestion des voies d'eau et des ports fluviaux. Ses missions sont :
d'entretenir, d'exploiter et d'étendre les voies navigables ; de valoriser le domaine public et d'assurer la conservation du patrimoine ; de participer au développement d'activités fluviales.
VNF est gestionnaire de l'ensemble des fleuves Rhône et Saône. Certains secteurs sont cependant sous le régime de la concession, gérés par la CNR pour aménager, entretenir et exploiter des tronçons du Rhône, suivant trois missions :
la production d'électricité ; la navigation ; l'irrigation et d'autres usages agricoles.
Dans le périmètre de la concession, la CNR exploite 19 écluses, et est responsable de l'entretien et du balisage du chenal de navigation, ainsi que de l'entretien des quais et des appontements.
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La navigation du bateau impliqué est alors interrompue jusqu'à l'obtention de l'avis d'un organisme de contrôle qui analyse la conformité du bateau aux spécifications techniques qui lui sont applicables au regard des dégâts constatés ainsi que sa capacité à poursuivre sa navigation. Sur la base du rapport de l'organisme de contrôle, l'unité des permis et des titres de navigation de la DDT 69 apprécie la navigabilité du bateau accidenté et les risques pour la sécurité. Plusieurs cas peuvent se présenter :
si l'organisme de contrôle atteste qu'il n'y a pas de dégâts ou que ceux-ci peuvent être réparés sur place, le bateau pourra reprendre sa navigation avec son titre de navigation ; dans le cas où des réparations temporaires permettent une navigation en toute sécurité, le bateau pourra continuer sa navigation en attendant les réparations définitives en chantier ; un titre de navigation provisoire est délivré ; dans l'hypothèse où les dégâts nécessitent d'être réparés au chantier, un titre provisoire est délivré uniquement pour se rendre à ce chantier. Si le bateau ne peut pas se déplacer par ses propres moyens, le titre provisoire précité impose la navigation en convoyage jusqu'au chantier de réparation.
L'avis à la batellerie n° 1/2018 publié par la direction territoriale Rhône/Saône de VNF rappelle la procédure de signalement des accidents aux usagers. Il indique notamment que le conducteur prévient sans délai l'exploitant de la voie d'eau intérieure compétent et précise que l'appel aux secours se fait également lorsqu'un bateau présente un risque tel que l'échouement, la dérive ou la situation délicate. Les coordonnées de contact de l'exploitant responsable du secteur sont précisées en fonction des PK. Le pont de Givors étant situé au PK 18,00 du secteur du Rhône à grand gabarit, l'exploitant concerné est le service de la CNR présent à l'écluse de Vaugris, situé à 16 km en aval du pont de Givors.
2.7 -
Les conditions de navigation le jour de l'accident
Les conditions météorologiques relevées à la station de Lyon-Bron, la plus proche et à une altitude identique, située à 20 km environ de Givors font état d'un vent du sud soufflant à une vitesse moyenne de 18 km/h avec des rafales pouvant atteindre 50 km/h autour de minuit, en diminution vers 30 km/h pour les premières heures de la journée, et d'une bonne visibilité sans précipitation.
2.7.1 - La météorologie
2.7.2 - La luminosité
Le 6 avril 2018 vers 23 h 30 le soleil était couché, mais la lune pas encore levée. L'éphéméride lunaire indique le lever vers 2 h 40. La luminosité était très faible.
2.7.3 - Le débit du Rhône et le courant
Le débit du Rhône à 23 h 30 a été mesuré par la station de Ternay, située à côté de Givors, à environ 1850 m³/s, avec une hauteur d'eau à 219,50 cm. Trois heures plus tard, la hauteur d'eau était descendue à une valeur de 218,00 cm. L'avis à la batellerie n° 1/2018 indique que pour la zone de navigation concernée, le seuil de crue est fixé à 2700 m³/s. Le débit de 1850 m³/s peut néanmoins être qualifié d'important.
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3 - Compte rendu des investigations effectuées
3.1 Le bateau Bijou du Rhône
3.1.1 - Présentation générale
Figure 5 : Le bateau à passagers Bijou du Rhône
Le bateau à passagers Bijou du Rhône appartient à la société internationale Premicon Cruise dont le siège opérationnel est situé à Limassol (Chypre). Ce bâtiment dispose de 75 cabines lui donnant la capacité d'embarquer 150 passagers. La majorité des passagers sont en général des touristes américains ou allemands. Au moment de l'accident, 127 passagers allemands étaient à bord ainsi que 27 membres d'équipage.
Nom du bateau Numéro européen Port d'immatriculation Pavillon Longueur Tirant d'eau Année de construction Bijou du Rhône 4800210 La Valette Malte 114,34 mètres 1,86 m 2001
Figure 6 : Les principales caractéristiques du bateau à passagers Bijou du Rhône
3.1.2 - Le titre de navigation du bateau à passagers Bijou du Rhône
Le Bijou du Rhône dispose d'un certificat communautaire l'autorisant à naviguer sur le Rhin n° SI 11409 R. Ce titre, délivré le 20 mars 2015 par la commission de visite néerlandaise de Rotterdam est valide jusqu'au 31 janvier 2020. Comme il est rappelé au paragraphe 2.5 du présent rapport, un certificat de visite des bateaux du Rhin est approprié pour naviguer sur le Rhône. En conséquence, au moment de l'accident, le bateau à passagers Bijou du Rhône disposait d'un titre de navigation valide.
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3.1.3 - Les instruments de navigation
La timonerie télescopique du Bijou du Rhône est équipée de l'ensemble des instruments nécessaires à la sécurité de la navigation. Les principaux outils de positionnement et d'anti-collision sont :
un système d'identification automatique AIS (automatic identification system), transmettant le nom et la position de chaque bateau équipé, informations qui sont affichées sur les cartes numériques de navigation. Cet outil est destiné à accroître la sécurité de la navigation et l'efficacité de la gestion du trafic fluvial et maritime ; un poste radio VHF permettant de communiquer avec les autres bateaux et les stations terrestres ; un radar dont l'antenne est située à l'avant du bateau. Cette dernière ne nécessite pas d'être descendue lors du passage sous les ponts. En conséquence, l'écran radar associé à cette antenne permet d'obtenir en permanence une image de l'environnement extérieur au bateau. En revanche, les ondes radar sont arrêtées par les superstructures du bateau sur l'arrière et l'écran radar n'affiche que l'image de l'environnement situé sur l'avant du bateau. un radar dont l'antenne est située au-dessus de la timonerie télescopique. Cette antenne monte et descend solidairement avec cette dernière. La qualité de l'image de l'environnement extérieur dépend de la hauteur de l'antenne et peut disparaître lorsque la timonerie est totalement abaissée. Par contre, cette antenne permet d'obtenir une image de l'environnement tout autour du bateau lorsque la timonerie est relevée. un système de visualisation des cartes électroniques. En mode navigation, le dessin de la carte peut être superposé à l'image donnée par le radar.
3.1.4 - Les cartes électroniques de navigation CEN
La directive 2005/44/CE relative aux services d'information fluviale (SIF) établit le cadre pour le déploiement et l'utilisation de tels services d'information afin de favoriser les transports fluviaux tout en renforçant la sécurité et le respect de l'environnement. Les SIF couvrent des services tels que l'information sur les chenaux, l'information sur le trafic, la gestion des trafics, etc. Cette directive concerne l'ensemble des voies navigables des États membres, de classe IV ou supérieure, qui sont reliées par une voie navigable de classe IV ou supérieure à une voie navigable de classe IV ou supérieure d'un autre État membre, ainsi que les ports de ces voies. Pour des voies navigables de classe IV ou supérieure non reliées au réseau, les États sont libres d'appliquer les principes de cette directive. Sur le plan technique, des spécifications particulières ont été établies par la Commission et publiées dans des règlements d'exécution pour l'élaboration des cartes électroniques (CEN) et les systèmes de visualisation (ECDIS3). Au moment de l'accident, le règlement d'exécution (UE) n° 909/2013 était en vigueur. Le système ECDIS affiche sur écran les différents objets cartographiques géo-référencés des cartes électroniques. Dans le mode navigation, qui correspond à une utilisation de l'ECDIS pour la conduite du bateau avec superposition de l'image radar, les objets suivants doivent en particulier être affichés :
les points surplombant le chenal navigable présentant un danger isolé, tels que les ponts ; l'axe de la voie navigable ;
3 ECDIS : Electronic Chart Display and Information System 20
les dispositifs officiels d'assistance à la navigation tels que les balises, signaux lumineux et panneaux de signalisation ; et le cas échéant, les limites du chenal navigable.
Les standards de données pour les CEN précisées dans le règlement 909/2013 prennent comme référence le document S-57 intitulé « Normes pour le transfert de données hydrographiques numériques » version 3.1 de l'OHI4, afin de rendre compatibles les données des CEN des domaines fluvial et maritime. Les textes nationaux qui ont transposé la directive 2005/44/CE sont :
le décret 2013-253 qui crée la quatrième partie réglementaire du Code des transports traitant de la navigation intérieure et du transport fluvial, qui abroge le décret 2008-168 relatif aux SIF qui transposait initialement la directive 2005/44 ; l'arrêté du 18 mars 2008 toujours en vigueur pris en application de l'article 2 du décret 2008-168 du 18 mars 2008.
Le décret 2013-253 précise que les SIF sont mis en oeuvre sur toutes les voies navigables de classe IV et supérieure reliées à une voie navigable de classe IV ou supérieure d'un autre État membre de l'UE. L'arrêté du 18 mars 2008 liste les voies navigables concernées par le SIF. Le Rhône n'étant pas relié à une autre voie navigable de classe IV ou supérieure, il ne fait pas partie du réseau européen sur lequel les SIF sont mis en place. La CNR et VNF gestionnaires de la voie navigable, bien que n'ayant pas d'obligation à respecter les spécifications relatives au SIF, ont toutefois établi des cartes électroniques concernant ce fleuve. La figure 7 présente un extrait de la CEN de la région de Givors, établi par la CNR.
4 OHI : Organisation Hydrographique Internationale 21
Figure 7 : Affichage de la carte électronique publiée sur le site de la CNR avec le logiciel SeeMyEnc
3.1.5 - Les autres moyens d'information pour la navigation
Sur les cartes papier de type fluviacarte, le secteur du pont de Givors n'est pas identifié comme étant un point qui nécessite une vigilance particulière, à la différence de certains lieux répertoriés dans la légende par un texte de couleur rouge, tel que celui relatif aux hauts fonds de la figure 8. Ces cartes sont mises à jour avec une périodicité de plusieurs années. Elles sont réalisées avec le concours des gestionnaires des voies d'eau ainsi que d'organismes professionnels.
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Figure 8 : Cartes de navigation (source Fluviacarte)
L'avis à la batellerie rappelle également la présence de points singuliers pour lesquels une vigilance accrue doit être portée par les navigants au croisement de ces lieux. Le pont de Givors n'apparaît pas comme point singulier ou point dangereux à la navigation. Il est cité dans ce recueil pour l'obligation de s'annoncer par l'utilisation de la radiocommunication VHF avant son franchissement.
3.1.6 - Les voyages programmés
Les croisières du Bijou du Rhône sont organisées sur une période de 8 ou 11 jours, en fonction des visites proposées, pour un maximum de 150 passagers. Une croisière débute et se termine à Lyon et comprend une navigation sur la Saône et le Rhône, avec les escales qui sont indiquées dans le tableau de la figure 9 ci-après suivant les sens de navigation.
Descente du fleuve Mâcon Belleville-sur-Saône Trévoux Lyon Viviers
Montée du fleuve
Chalon sur Saône
Châteauneuf-du-Pape Avignon Arles
Figure 9 : Escales du bateau Bijou du Rhône
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3.2 -
Le pont autoroutier et son approche
Le pont autoroutier de Givors situé au PK 18 permet à l'autoroute A47 une traversée du Rhône en 2 × 2 voies. De longueur 300 mètres, il est constitué de 5 travées de longueurs respectives 30 m, 110 m, 20 m, 110 m et 30 m. La partie centrale repose sur quatre culées positionnées approximativement au milieu du fleuve au niveau de la voûte centrale.
3.2.1 - Le pont autoroutier
Pile heurtée
Figure 10 : Pont autoroutier et passe recommandée
Un espar5 rouge et blanc est positionné devant les piles de pont les plus proches de la rive gauche du fleuve. Il balise un côté de la voie navigable et signale l'obstacle constitué par la pile de pont. Un espar vert, positionné à environ 350 m de part et d'autre du pont, balise l'autre côté. Un losange jaune, comme celui présenté en figure 3, indique la passe recommandée. Au niveau de l'autre passe, un panneau de type E10 indique que la voie suivie est considérée comme affluente à la voie rencontrée.
Figure 11 : Panneau de signalisation d'indication
5 Espar : balise fixe composée d'un corps cylindrique (pieu), dont le diamètre est proportionnel à la hauteur 24
Espar amont
Pile heurtée
Panneau D1a
Panneau E10
Figure 12 : Photo du pont autoroutier côté aval (source Google, mai 2018)
On peut noter que la passe de droite pour les bateaux avalants est signalée par un panneau de signalisation d'indication de type E10, alors que la carte électronique présente une signalisation d'interdiction représentée par des panneaux de type A1.
Figure 13 : Panneau de signalisation d'interdiction
Les deux espars positionnés devant les piles de pont ne sont pas surmontés de réflecteurs qui amélioreraient leur détection par les ondes radar.
3.2.2 - L'approche du pont
Le pont autoroutier de Givors est connu des bateliers pour être un des passages fluviaux demandant une vigilance particulière en période de débit important ou de décrue ou par vent fort. Une des particularités de ce pont est que les bateaux montants ainsi que les avalants voulant le franchir empruntent l'arche située en rive gauche du fleuve. Il est dangereux de s'y croiser pour des bateaux de grands gabarits. Juste en amont et en aval du pont rive droite se jettent le Garon et le Gier. L'impact de ces deux cours d'eau sur les flux du Rhône n'est pas connu par manque de données sur les courants et la bathymétrie. Une autre des particularités du pont réside dans le fait qu'il se trouve dans un méandre du Rhône. Le bateau est donc avec un angle de barre plus ou moins important suivant l'approche pour le passage du pont.
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La passe rive droite n'est pas recommandée
Pile heurtée
Chenal montant
Figure 14 : Environnement du pont autoroutier
De nuit, la visibilité du pont est fortement diminuée par les nombreux éclairages et sources lumineuses présents sur la rive droite en aval de cet ouvrage, qui ont pour effet de plonger, par contraste, le pont et le fleuve dans une obscurité dense. Les infrastructures du pont, et en particulier les piles du pont sont difficilement détectables à l'oeil nu. Un feu jaune de signalisation est installé à côté du panneau losange jaune D1a tel que représenté sur la figure 3, informant pendant la période nocturne la passe recommandée. Lors d'une navigation de nuit, les enquêteurs du BEA-TT n'ont pas constaté que celui-ci était allumé. Toutefois, des rondes de surveillance de périodicité rapprochée sont réalisées par les services de la CNR pour s'assurer du bon fonctionnement de ces équipements et le cas échéant les réparer. Le fonctionnement du feu le jour de l'accident n'a pas pu être confirmé ou infirmé par le capitaine du bateau. L'absence de feux d'éclairage du pont impose de recourir au radar pour estimer la position du bateau par rapport aux balises et aux piles du pont. Les cartes électroniques (figure 7) bien qu'existantes ne peuvent être utilisées qu'à titre d'information. À noter qu'au niveau des deux ouvrages de franchissement du Rhône situés en amont et en aval du pont de Givors, le chenal est représenté par des panneaux marquant les limites de ce dernier, par une signalisation prescrivant une interdiction de passer en dehors de l'espace indiqué (panneau A10) ou recommandant de se tenir à l'intérieur (panneau D2).
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Figure 15 : panneau A10
panneau D2
(source : Signalisation pour la navigation intérieure CEREMA)
Pour le pont de Givors, seul l'axe du chenal est indiqué par le panneau de passe recommandée D1a. Les bords du chenal navigable ne sont pas indiqués mais doivent être estimés à 20 m du positionnement des espars de couleur blanche et rouge positionnés à une vingtaine de mètres en amont et en aval des piles. Sans feu lumineux et sans réflecteur radar sur ces balises, ainsi que sans carte électronique dédiée à la navigation, l'appréciation d'une position correcte du bateau par rapport aux obstacles représentés par les piles de pont peut être difficile de nuit ou par conditions météorologiques défavorables.
3.2.3 - Les accidents au passage du pont autoroutier de Givors
D'après les services de l'État, depuis 2013, trois bateaux avalants ont heurté la même pile du pont de l'A47 que le bateau Bijou du Rhône. En mai 2013, vers 1 h 30, le Swisspearl, bateau à passagers d'une longueur de 110 m, en navigation vers le sud, a heurté la pile de pont lors d'une croisière avec 80 personnes à bord. La cause identifiée a été une avarie technique au moment du passage du pont suite à une manoeuvre de virement dans des conditions de débit élevé, de l'ordre de 2500 m³/s, et par conditions météorologiques normales. L'ouvrage autoroutier a été heurté par le côté du bateau, n'ayant eu pour conséquence que des dégâts superficiels sur la pile de pont. Le bateau a fait halte à Vienne, et le choc du bateau contre l'ouvrage a causé des blessures légères à 3 passagers et 2 membres d'équipage. Le 10 octobre 2015, vers minuit, le bateau à passagers Bellefleur naviguant sur le Rhône avec plus d'une centaine de passagers à son bord en direction du sud s'apprêtait à croiser un bateau remontant le Rhône au niveau du pont autoroutier. Le Bellefleur s'est écarté à bâbord mais trop proche d'un espar de couleur verte, qu'il a plié, puis a heurté une pile du pont autoroutier sur son tribord. Quinze passagers ont été légèrement blessés. Les structures avant du bateau ont été enfoncées sur quelques mètres mais il n'y a pas eu de voie d'eau, et le bâtiment a pu rejoindre le port de Vienne pour débarquer l'ensemble des passagers et équipage malgré l'indisponibilité des propulseurs d'étrave. Le débit était de 950 m³/s. Le bateau a fait halte à Vienne. L'inspection de l'ouvrage a conduit à des dégâts qualifiés de notables par les services du CEREMA ayant conduit une inspection détaillée pour les parties émergées. Un mois plus tard était réalisée une inspection subaquatique concluant que la pile et les fondations de l'ouvrage ne semblaient pas avoir été affectées par le choc du bateau. En janvier 2016, un pousseur a frotté de jour la pile du pont par le côté. Les dégâts au niveau de l'ouvrage ont été superficiels. Le débit au moment de l'accident était de 1680 m³/s.
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3.3 -
L'état du pont autoroutier après l'accident
Pile heurtée
Semelle
Figure 16 : Piles centrales du pont autoroutier dans le sens des bateaux avalants
(source CEREMA)
Le lendemain matin après l'accident, les services de la police fluviale de Lyon sont arrivés sur les lieux et n'ont pas constaté de traces particulières sur les piles. Les dégâts sur le bateau n'étaient visibles que de l'intérieur car ils se trouvaient sous la ligne de flottaison. Manifestement, les dégâts ont été causés par la semelle d'une des piles et non par la pile elle-même. Le jour de l'accident, les semelles étaient immergées et n'ont pas pu être inspectées. À noter que la figure 16 est extraite d'un rapport d'une inspection subaquatique des structures réalisée par le CEREMA après l'accident du Bellefleur en 2015.
3.4 -
Le témoignage du capitaine
Le capitaine du bateau Bijou du Rhône était seul dans le poste de pilotage au moment de l'accident. La vitesse du bateau par rapport à la rive était de l'ordre de 20 km/h. Le débit important, mesuré à 1870 m3/s à la station de Ternay, ainsi que des rafales de vent ont perturbé la manoeuvre habituelle du bateau qui était seul à naviguer dans cette zone. Le temps était clair, des vaguelettes créées par le vent provoquaient des échos radar. Lors du passage du pont autoroutier de Givors au PK 18, constatant que le bateau était trop à droite, le pilote a contre-barré autant que possible sur bâbord. La manoeuvre n'a pas suffi à éviter la collision avec une pile de pont à l'arrière tribord.
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Un matelot, envoyé pour contrôler les compartiments, a indiqué qu'une voie d'eau s'était déclarée dans un local de stockage sous la ligne de flottaison. Le capitaine a immédiatement fermé les portes étanches et a fait rassembler les passagers vers l'avant du bateau au niveau du bar. À 23 h 53, le capitaine a prévenu le permanent de l'écluse de « Pierre-Bénite » qui a contacté les pompiers. Un quai disponible a été recherché via les outils de navigation afin de trouver au plus vite un point de stationnement de sécurité. Le bateau a été amarré au PK 22 sur la commune de Loire-sur-Rhône. Les 127 passagers ont débarqué rapidement.
3.5 -
L'état du bateau après le heurt avec le pont autoroutier
Les dégâts causés par le heurt de la pile de pont À leur arrivée sur les lieux le 7 avril 2018, les services de la brigade fluviale de police ont constaté, à l'intérieur du bateau, que la courbe naturelle de la coque était inversée au niveau du point de choc sur environ 1 m de long et 0,5 m de haut. Cette déformation présentait une déchirure non visible à l'oeil nu mais évidente compte tenu de la présence d'eau à l'intérieur du bateau. Cette déchirure se situait à la jonction entre la déformation de la coque et une des plates-varangues, barre métallique transversale de maintien de la coque de 30 cm de côté et de longueur égale à la largeur du bateau. Le 7 avril 2018 vers 19 h, la société de travaux sous-marins Scaphtek a réalisé un colmatage de fortune de la voie d'eau par l'extérieur, à l'aide d'un produit époxy applicable sous l'eau. Le bordereau d'intervention souligne que la coque a été endommagée sous la ligne de flottaison à environ 25 mètres de la poupe et que la perforation de la coque mesure 10 cm x 5 cm environ.
Enfoncement de la coque
Figure 17 : Colmatage de fortune à l'époxy et enfoncement de la coque
Un colmatage intérieur a également été réalisé en utilisant une plaque spéciale de caoutchouc et des tasseaux de bois. Des pompes de cale mobiles ont été installées dans le local de stockage, et une surveillance continue a été mise en place par l'équipage.
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3.6 -
Les mesures administratives, techniques et de police prises après l'accident
Un expert allemand de l'organisme de contrôle Gielisch basé à Düsseldorf a été appelé vers minuit le 6 avril 2018 par le directeur des opérations de la société AGIS exploitant le bateau Bijou du Rhône. En qualité d'expert en construction de paquebots fluviaux, il a été sollicité pour déterminer les travaux à réaliser. Vers 1 h 50 le 7 avril 2018, le cadre d'astreinte de la DDT 69 est informé du heurt d'une pile du pont de Givors. Les passagers sont en cours d'évacuation. Les services de sécurité présents estiment le débit de la voie d'eau à environ 10 m3/h. Un premier colmatage de fortune a été réalisé par les sapeurs-pompiers en utilisant une bâche et des pinoches en bois. Le matin du 7 avril 2018, les services de police constatent les dégâts par une inspection visuelle à l'intérieur du bateau. Le choc ayant eu lieu sous la ligne de flottaison, aucun dégât extérieur n'est apparent. Vers midi le 7 avril 2018, les services de police, considérant que les dégâts constatés constituent un danger manifeste à la navigation conformément aux articles D 4221-34 et D 4221-35 du Code des transports, délivrent au commandant du bateau une décision d'interruption de la navigation. À 21 h 40, un premier courrier est adressé à la DDT 69 par l'expert de l'organisme de contrôle décrivant les dégâts constatés, les travaux de fortune réalisés et les mesures mises en place pour « l'obtention d'une autorisation spéciale de naviguer pour un aller sans passagers à destination du slipway6 d'Arles ». Le cadre d'astreinte considère que ce document ne précise pas clairement les capacités de navigation du bateau et demande des éléments complémentaires. Le 8 avril 2018 à 13 h, l'expert informe par mail la DDT 69 que les réparations permettent au bateau de rejoindre le port d'Arles. Vers 15 h, un courrier de réponse de la DDT 69 autorise le bateau à rejoindre le port d'Arles depuis Loire-sur-Rhône pour des réparations. Il est précisé que cette autorisation vaut titre provisoire de navigation. Par la suite, le directeur des opérations de la compagnie a indiqué que le départ du bateau vers Arles était prévu le 9 avril 2018 à 5 h. L'acte de levée de l'immobilisation a été délivrée le 10 avril 2018, après le départ du bateau de Loire-sur-Rhône.
3.7 -
Les réparations du bateau réalisées à Arles
L'expert a visité le 11 avril le chantier de réparation du bateau, ce dernier étant encore sur le slipway. Il a constaté que sur le côté tribord, la coque était abîmée et enfoncée par endroit. La détérioration s'étendait sur environ 8 m, entre les couples 25 et 37. À cet endroit se trouve une cellule de ballast, un espace d' 1 m de cale, ainsi qu'une cellule vide allant sur l'avant. Sur cette zone, le revêtement extérieur est déchiré sur environ 4 cm. L'expert a adressé le lendemain un rapport de visite de deux pages aux services de la DDT 69 comprenant des informations relatives aux caractéristiques du bateau, au donneur d'ordre, à l'accident, à la visite, aux constatations faites et aux mesures entreprises.
6 Plateforme aménagée sur la rive permettant de hisser les bateaux hors de l'eau 30
Concernant ces dernières, les travaux entrepris sont décrits comme suit (extrait du rapport de l'expert) :
· · · ·
contrôle des points de soudure sur le périmètre des dégâts, qui sont re-soudés si besoin ; la fuite est soudée ; sur le périmètre de la cale, des plaques de métal sont soudés sur 8 m ; contrôle d'étanchéité de la cellule de ballast.
L'expert soulignait en conclusion de son rapport de visite que « le bateau Bijou du Rhône est, ainsi, en capacité de naviguer ».
Réparation à l'epoxy
Figure 18 : Dégâts sur la coque avant réparation
Figure 19 : Coupe transversale montrant l'enfoncement des structures 31
Le 12 avril 2018, un courrier de la DDT 69 adressé au directeur des opérations de la société AGIS indiquait que le bateau a fait l'objet d'une visite de l'organisme de contrôle Gielisch, que suite à la réalisation des travaux et au vu du rapport validé par la société d'expertise, il n'y a désormais aucune obstruction à autoriser la navigation. Le certificat de visite SI 11409 R du bateau Bijou du Rhône est à nouveau valide sans restriction. Au mois de novembre 2018, le bateau est retourné au chantier à Arles pour la remise en état des structures internes embouties lors du choc (figure 20) qui n'avaient pas été réparées lors des premiers travaux entrepris en avril 2018.
Figure 20 : Structures internes réparées lors des travaux de novembre 2018
Figure 21 : Structure externe réparée lors des travaux de novembre 2018 32
4 - Déroulement de l'accident et des secours
Le 6 avril 2018 le bateau à passagers Bijou du Rhône transportant 127 passagers de nationalité allemande a quitté Lyon en direction du sud. Il naviguait à une vitesse proche de 20 km/h imposée par un débit important du fleuve de l'ordre de 1870 m³/s. Les conditions météorologiques en début de nuit faisaient état d'une bonne visibilité sans précipitation et d'un vent du sud soufflant en moyenne à 18 km/h avec des rafales pouvant atteindre 50 km/h. La surface de l'eau était parsemée de vaguelettes suffisamment importantes pour être détectées au radar. Aucun bateau ne naviguait en sens inverse. Ayant pratiquement terminé le franchissement du pont autoroutier, et constatant que le bateau était trop à droite, le capitaine aux commandes a contre-barré autant que possible sur bâbord. La manoeuvre n'a pas suffi à éviter la collision avec le dessus de la semelle d'une pile de pont à l'arrière tribord. À 23 h 53, le capitaine a prévenu l'éclusier de Pierre-Bénite qui a contacté les pompiers. Un matelot, envoyé pour contrôler les compartiments, a indiqué qu'une voie d'eau s'était déclarée dans un local de stockage sous la ligne de flottaison, côté tribord à environ 25 m de la poupe. Une déformation de la coque du bateau était visible de l'intérieur sur 1 m de long et 50 cm de large. Le capitaine a immédiatement fermé les portes étanches et a demandé le rassemblement des passagers à l'avant du bateau. Un point de stationnement a été recherché pour stationner le bateau en sécurité. Le débarquement de nuit a eu lieu au niveau du quai de Loire-sur-Rhône, à quelques kilomètres en aval du pont de Givors. Les services de gendarmerie et de police ainsi qu'une quarantaine de pompiers étaient rapidement sur les lieux. Aucun passager et membre d'équipage n'a été blessé. La mairie de Loire-sur-Rhône a accueilli les passagers à la salle des fêtes avant leur transport vers des hôtels.
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5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives
Les investigations effectuées permettent d'établir que la cause directe de l'accident est la mauvaise approche du pont autoroutier de Givors par le bateau à passagers Bijou du Rhône qui s'est présenté trop à droite de la passe. Plusieurs facteurs ont pu contribuer à l'accident : 1. des conditions particulières d'approche caractérisées par :
un ouvrage à franchir localisé dans un méandre serré de rayon évalué à un peu moins de 700 m, et dont les piles de pont se trouvent au milieu du fleuve, une pollution lumineuse sur la berge en rive droite qui se trouve dans l'axe de navigation, le pont n'est pas éclairé et les balises du chenal positionnées à proximité des piles de l'ouvrage ne disposent pas de feux lumineux idoines qui ne sont pas réglementairement obligatoires, l'absence d'éclairage du pont et de son environnement proche nécessite d'utiliser le radar comme aide à la navigation ; toutefois, les échos radar des piles de pont sont masqués par ceux du tablier, Les espars placés devant les piles de pont peuvent améliorer la détection des piles de pont, mais ils ne sont pas équipés de réflecteur ; certaines conditions météorologiques, telles qu'un vent fort, créant des vaguelettes à la surface de l'eau ou une pluie dense, peuvent engendrer l'apparition d'échos radar parasites, la différence de luminosité entre l'amont et l'aval du pont a pour effet de densifier l'obscurité à son approche, rendant difficile le repérage visuel des piles de pont et donc le positionnement du bateau par rapport à ces obstacles.
2. un débit important de 1870 m³/s ; 3. un vent de sud suffisamment fort pour soulever des vagues sur cette zone perturbant la navigation au radar par la création d'échos radar parasites. Il est probable également que la force et la direction du vent ont eu pour effet de pousser l'arrière du bateau vers la pile de pont au moment des manoeuvres de rotation engagées par le capitaine pour franchir l'ouvrage. L'analyse de cet accident conduit le BEA-TT à rechercher des orientations préventives dans le domaine de la signalisation de guidage. Les accidents précédents et en particulier celui du Bellefleur en 2015 amène le BEA-TT dans le cadre d'un retour d'expérience à rechercher une orientation préventive dans le domaine de la signalisation d'information avant le passage de ce pont. La signalisation de guidage au niveau du pont autoroutier de Givors Les trois derniers accidents qui ont eu lieu au niveau du pont de Givors impliquaient des bateaux navigant dans le sens avalant. Pour deux d'entre eux, l'accident a eu lieu en milieu de nuit. À la différence des bateaux montants, la vitesse des navires, pour rester manoeuvrables, doit être plus importante compte tenu de la vitesse du courant. Au-delà des conditions locales d'approche, les spécificités hydrométéorologiques, courants forts et vents violents, du bassin Rhône-Saône ont conduit à l'élaboration d'un simulateur de formation à la navigation sur ces cours d'eau. Pour le Rhône, neuf sites ont
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été intégrés dans cet outil d'aide à la conduite. Pour chacun d'eux, trois états de débit particuliers ont été simulés avec la courantologie associée : les débits extrêmes caractérisés par l'étiage et les plus hautes eaux navigables (PHEN), ainsi qu'un niveau de débit moyen. L'arrivée sur le pont autoroutier par les bateaux avalants n'a pas été intégrée au sein du simulateur. Les forces et direction des courants ne sont donc pas connus précisément. De façon simplifiée, on peut représenter sur les figures 22 et 23 le courant habituellement constaté dans un coude d'une rivière, dont l'intensité est plus importante du côté concave, et le gradient des vitesses en surface. Cette représentation hydrodynamique est théorique mais permet néanmoins d'appréhender les difficultés que peuvent rencontrer les navigants dans le pilotage d'un bateau de grande longueur au niveau de cette passe. Malgré le positionnement du chenal de navigation à 20 m des balises, les bateaux impliqués dans les derniers accidents ont heurté la même pile de pont, probablement parce que le courant, dont la direction forme un angle avec le chenal, se dirige vers les piles centrales.
Zone d'impact
Figure 22 : Courants et chenal de navigation
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Vitesses du courant Pile heurtée
Figure 23 : Gradient de vitesses et chenal de navigation
Sur le plan réglementaire, la circulaire 76-38 du 1 er mars 1976 a pour objet de fixer les caractéristiques générales qui devront être adoptées pour la construction de voies nouvelles ou l'aménagement de voies existantes. Elle indique, dans le paragraphe 3.4 relatif aux ponts, que le franchissement de la voie d'eau doit avoir une largeur de 42 m pour cette portion du Rhône, au vu de sa classification (La 2e partie de la circulaire affecte la classe VI au Rhône sur la portion de Lyon à la mer). Dans les courbes, une surlargeur doit être appliquée à cette valeur. Elle est fonction du rayon de navigation, qui est pris sur l'axe du chenal. La figure 24 positionne ce couloir de navigation dont la largeur est de 60 m et dont les bords se trouvent à 20 m au droit des balises jalonnant la voie navigable en amont et en aval du pont et devant les piles de cet ouvrage. Schématiquement, le rayon de navigation peut être estimé à 670 m donc proche du rayon minimal réduit précisé dans le « tableau des caractéristiques de voies navigables à adopter pour les projets ».
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Figure 24 : Localisation et courbure du chenal
Le tableau précité indique que la valeur de la surlargeur à appliquer doit être égale à 16 000/R, soit être de 24 m. La largeur de la voie navigable doit donc être légèrement supérieure à une soixantaine de mètres. Cette circulaire précise également que les piles de pont doivent être calculées aux chocs des bateaux selon les prescriptions de la circulaire 71-155 du 29 décembre 1971. D'après les services de la direction interdépartementale des routes de la région centre-est (DIRCE), gestionnaires de l'autoroute et du pont, cet ouvrage a été construit de 1967 à 1970 et sa conception n'a pas intégré l'impact de chocs sur les piles. Un bureau d'études devrait être missionné dans les années à venir pour la réalisation d'une étude de vulnérabilité de l'ouvrage à de tels chocs. Les inspections subaquatiques et aériennes des différentes parties de l'ouvrage, réalisées suite aux précédents accidents, ont conclu à l'absence de désordres structurels de l'ouvrage routier. Toutefois, des réparations du type ré-agréage, passivation des aciers et reconstitution des bétons des zones de la pile et de la semelle ont été nécessaires après chaque accident. Ces travaux de faible ampleur ont pu être menés sans qu'il soit nécessaire de mettre en place des mesures d'exploitation de l'autoroute restrictives pour la circulation routière, voire pour la circulation fluviale, et donc sans conséquence sur l'économie de la région. Face à ces conditions de navigation considérées d'autant plus difficiles que le débit est élevé, il est souhaitable d'aider les navigants à traverser cette passe.
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Suite à la réforme de la signalisation de la voie d'eau et du domaine fluvial traduite par l'arrêté ministériel du 28 juin 2013 portant règlement général de police de la navigation intérieure (RGPNI), le CEREMA a publié en 2019 un guide technique 7 pour aider les gestionnaires et exploitants de la voie d'eau à installer une signalisation conforme. La date limite de cette mise en conformité était initialement prévue au 1 septembre 2019, elle a été repoussée de 2 ans. Comme l'indique ce guide qui prend comme référence les travaux du groupe international des transports par voie navigable de la Commission économique pour l'Europe des Nations Unies (UNECE), la sécurité de la navigation dépend essentiellement des capacités nautiques du conducteur et de sa connaissance constamment actualisée des particularités des secteurs qu'il traverse, mais repose également sur une signalisation claire et cohérente. La condition fondamentale pour assurer la sécurité du passage des passes navigables des ponts est de baliser la direction du chenal, et là où cela est nécessaire les côtés du chenal. En conséquence, le BEA-TT formule la recommandation suivante : Recommandation R1 adressée à la Compagnie nationale du Rhône (exploitant de la voie d'eau responsable de la signalisation) : Étudier et installer une signalisation de balisage du chenal, visible de jour et de nuit, en amont et en aval du pont autoroutier de Givors suivant le guide CEREMA « Signalisation pour la navigation intérieure ». La signalisation d'information En référence au RPP, une obligation d'annonce est imposée à tous les bateaux avant le franchissement de chaque ouvrage ou point singulier sur les sections du Rhône du PK16 au PK 20. Le pont de Givors étant situé au PK 18, une annonce VHF sur le canal 10 doit être réalisée avant son franchissement. Actuellement, seul l'avis à la batellerie publié en début d'année rappelle cette obligation. Les cartes électroniques mises à disposition par la CNR et bien que non obligatoires sur le Rhône ne présentent pas cette obligation (c.f figure 7). Aucune signalisation par panneau n'est présente sur la rive. Compte tenu des enjeux évoqués précédemment relatifs aux difficultés de navigation et à l'importance pour la sécurité de la navigation de disposer d'une signalisation claire et cohérente, le BEA-TT formule la recommandation suivante : Recommandation R2 adressée à la Compagnie nationale du Rhône : Installer une signalisation par panneaux B.11 tels que prévus par l'article A. 4241-51-1 du Code des transports imposant l'obligation d'annonce au passage des ouvrages sur le Rhône à grand gabarit entre les PK 16 et 20.
7 Signalisation pour la navigation intérieure collection Références 39
ANNEXE : Décision d'ouverture d'enquête
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Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport T errestre
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Grande Arche - Paroi Sud 92055 La Défense cedex Téléphone : 01 40 81 21 83 Télécopie : 01 40 81 21 50 bea-tt@developpement-durable.gouv.fr www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr