Mobilité des marchandises dans la ville durable : les nouveaux enjeux de l'action publique locale

HEITZ, Adeline ; DABLANC, Laetitia

Auteur moral
Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux
Auteur secondaire
Résumé
<p style="font-style: normal">Le but de cette étude est d'identifier les politiques actuelles de planification et de réglementation du fret dans les villes françaises et de définir une typologie des villes à cet égard. Il est aussi d'identifier les orientations sur la logistique urbaine que les villes sont susceptibles d'adopter dans leurs politiques à court et moyen termes. Les villes observées dans cette étude sont diversifiées, incluant des métropoles, de grandes aires urbaines, des agglomérations moyennes et petites. Des recommandations et suggestions figurent en conclusion de l'étude.</p><p><br />
Editeur
IFSTTAR ; CGI - Les professionnels du négoce
Descripteur Urbamet
transport de marchandises ; logistique ; plan local d'urbanisme ; logistique urbaine
Descripteur écoplanete
Thème
Transports ; Aménagement urbain
Texte intégral
MOBILITÉ DES MARCHANDISES DANS LA VILLE DURABLE LES NOUVEAUX ENJEUX DE L'ACTION PUBLIQUE LOCALE Adeline Heitz Chercheure IFSTTAR ­ Université Paris-Est Laetitia Dablanc Directrice de recherche IFSTTAR ­ Université Paris-Est Contributeurs Armel Komi-Longo, Tristan Prieur, Loïc Ulliack Directeur de la publication Hugues Pouzin, Directeur général de la CGI Rédaction IFSTTAR, Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux Coordination éditoriale IFSTTAR et CGI Novembre 2019 Conception typographique et mise en pages intérieure Laurent Scandolo Numéro ISBN 978-2-9509145-9-0 18 rue des Pyramides ­ 75 001 Paris ­ Tél. : 01 44 55 35 00 www.cgi-cf.com © Reproduction interdite ­ Tous droits réservés France et étranger Mobilité des marchandises dans la ville durable LES NOUVEAUX ENJEUX DE L'ACTION PUBLIQUE LOCALE PRFACE La distribution urbaine est un sujet émergent avec l'apparition de nouvelles règlementations régulant de façon beaucoup plus drastique l'accès aux villes ou à certaines parties de leurs territoires. Elle met également en lumière des acteurs dont le rôle dans l'approvisionnement des centres-villes devient crucial au moment où la reconquête des villes et de leurs hypercentres devient un enjeu pour beaucoup de municipalités. L'activité des grossistes distributeurs en France représente cinq millions de mouvements par semaine, dont une grande partie en centre-ville. Via leurs 60 000 poids lourds, ils assurent la livraison quotidienne en produits alimentaires et non-alimentaires, faisant d'eux des acteurs majeurs de la logistique urbaine. Il semblait donc tout naturel pour la CGI de conduire des travaux sur le corpus règlementaire au niveau local et son impact sur l'organisation des entreprises qui assurent cette fonction. Ces travaux de recherche ont été confiés à l'IFSTTAR et plus particulièrement aux équipes de Laetitia Dablanc, connue et reconnue pour la qualité de ses travaux au niveau organisationnel et prospectif sur la mobilité, la ville et le transport. La CGI la remercie chaleureusement, ainsi que sa collaboratrice Adeline Heitz, très fortement impliquée sur le sujet. Un diagnostic a ainsi été posé à partir d'une étude menée sur vingt agglomérations françaises représentatives de la diversité des situations locales : taille, déséquilibre démographique lié à la saisonnalité, organisation intercommunale / métropolitaine... L'utilisation des différents outils existants (plan de déplacements urbains, schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, schéma de cohérence territoriale) a également été prise en compte. Ce travail de terrain particulièrement scrupuleux a donné naissance à l'étude que vous allez pouvoir découvrir dans cet ouvrage « Mobilité des marchandises dans la ville durable : les nouveaux enjeux de l'action publique locale ». Des recommandations et suggestions figurent dans la dernière partie de l'étude. Elles doivent permettre aux acteurs du commerce de gros, tout comme aux élus et responsables des questions d'urbanisme dans les collectivités, de se concerter pour aboutir à des solutions pérennes et satisfaisantes pour l'ensemble des parties prenantes, et ainsi animer le coeur des villes... Hugues Pouzin Directeur général de la CGI LES NOUVEAUX ENJEUX DE L'ACTION LOCALE Réglementer et planifier la mobilité des marchandises constituent des défis majeurs pour les pouvoirs publics. Il y a encore dix ans, les chercheurs et les professionnels s'entendaient sur le manque de sensibilisation et de connaissances des acteurs publics sur les enjeux du transport de marchandises (Lindholm, 2010). Le degré de compréhension des questions relatives au fret était faible au niveau des autorités locales. Dix ans plus tard, plusieurs métropoles et villes d'Europe ont engagé un processus d'intégration des questions de transport de marchandises et de logistique dans la planification urbaine (Debrie et Heitz, 2017). Les acteurs publics ont également investi dans des projets de logistique urbaine (Feliu et al., 2018) prouvant qu'ils sont de plus en plus conscients de l'importance des externalités négatives générées par le fret et la logistique dans les zones urbaines. La régulation de la mobilité des marchandises entre dans le champ des politiques de transport et de la réglementation de la circulation ou du stationnement, mais elle entre aussi dans le champ de l'urbanisme qui détermine les espaces pouvant être alloués à des activités logistiques ou économiques (et de plus en plus résidentielles) génératrices de flux de marchandises. La mobilité des marchandises est une question qui relève à la fois des transports et du territoire, de l'organisation spatiale des aires urbaines. Cet aspect à la fois sectoriel et territorial nous invite à considérer tant les pratiques en matière de réglementation des transports, que les pratiques en matière de développement urbain et de planification urbaine. L'analyse de la mobilité des marchandises repose sur une approche systémique qui met en lumière les interactions entre transport et urbanisme. Bien souvent les politiques publiques agissent en silo, en séparant les différents secteurs : d'un côté elles traitent des transports et de l'autre du territoire. Cette étude permet de démontrer que les acteurs publics ont pourtant la main sur ces deux volets, mais n'ont pas ou peu développé de pratiques permettant de lier les deux. La régulation du transport de marchandises et de la logistique, qui repose sur la réglementation et la planification, l'organisation du territoire et des mobilités à court et long termes, est dépendante de cette action publique qui peine à transformer ces objectifs en projets concrets. OBJECTIFS DE L'ÉTUDE Cette étude porte sur l'intégration du transport de marchandises et de la logistique urbaine dans les politiques publiques locales. Vingt ans après les premiers travaux de recherche sur le fret et la logistique dans la ville et les premières obligations de planification de ce secteur, et dans un contexte de très fort essor de la logistique urbaine, l'intégration du transport de marchandises et de la logistique dans les politiques publiques semble encore tâtonnante face aux évolutions institutionnelles, sectorielles, économiques, sociales et environnementales. Dans un contexte de bouleversements des mobilités par l'émergence de nouvelles pratiques, de nouvelles technologies et de nouveaux usages, le législateur propose une nouvelle Loi d'Orientation des Mobilités. Quelle est la place des marchandises dans ce projet de loi et plus généralement dans l'action politique nationale et locale aujourd'hui ? Après des années d'expérimentation et de planification dans différentes villes, comment les activités de fret urbain et de logistique sont-elles intégrées dans les documents de planification et les projets urbains et régionaux ? Le but de ce rapport est d'identifier les politiques actuelles de planification et de réglementation du fret dans les villes françaises et de définir une typologie des villes à cet égard. Il est aussi d'identifier les orientations sur la logistique urbaine que les villes sont susceptibles d'adopter dans leurs politiques à court et moyen termes. Les villes retenues dans notre échantillon sont diversifiées, incluant des métropoles, de grandes aires urbaines, des agglomérations moyennes et petites : Paris, Lyon, Marseille, Lille, Strasbourg, Nantes, Toulouse, Bordeaux, Montpellier, Grenoble, Clermont-Ferrand, Nice, Rouen, Rennes, Orléans, Biarritz, Lens, Le Creusot, La Rochelle et Moutiers. Cette étude repose sur une phase de diagnostic, sur une phase d'évaluation et sur l'élaboration de recommandations. L'étude a été conduite dans vingt villes françaises, mises en perspectives dans leurs Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI). · LE DIAGNOSTIC s'appuie sur un relevé exhaustif des règles de circulation et des règles de stationnement, mais également des règles d'urbanisme issues des plans locaux d'urbanisme organisant les aires de livraison internes des bâtiments recevant des marchandises ou portant organisation de l'usage des sols et de l'attribution des permis de construire des entrepôts. Cette partie s'appuie également sur l'analyse des documents de planification (Plans Locaux d'Urbanisme, Plans de Déplacements Urbains, Schéma de Cohérence Territoriale, etc.) afin de déterminer les effets potentiels de la planification et la vision stratégique des acteurs publics locaux sur le transport de marchandises et la logistique. Enfin, ce diagnostic repose sur une analyse des règles d'installation d'équipements nouveaux liés à la logistique urbaine. · L'ÉVALUATION repose sur un travail analytique de la législation en vigueur, de l'usage de la réglementation et des outils de l'urbanisme, et sur une typologie des villes constituantes de l'échantillon en fonction de leurs règles locales. · LES RECOMMANDATIONS intégrées au bilan de l'analyse doivent permettre d'éclairer tant la pratique des professionnels du transport et de la logistique, que celle des pouvoirs publics locaux, ainsi que de donner des outils permettant la diffusion de la connaissance sur le transport de marchandises et la logistique en France. Table des matières PRÉAMBULE : commerce de gros et logistique urbaine INTRODUCTION : mobilité des marchandises en France, état des lieux, contexte et évolutions Transport de marchandises et logistique dans la ville durable - Essor de la ville durable - Évolution du secteur du transport de marchandises et de la logistique - Essor de la logistique urbaine et du « dernier kilomètre » dans la ville dense - Évolution réglementaire : encadrer les activités logistiques et du transport de marchandises Organisation du transport de marchandises et de la logistique urbaine - Réglementation et organisation du transport de marchandises - Organisation des transports : une compétence intercommunale - Planification du transport de marchandises et de la logistique Méthodes et données - Échantillon géographique - Analyse quantitative - Analyse qualitative - Analyse multiscalaire - Limites de l'analyse PARTIE 1 Hétérogénéité des villes françaises : analyse statistique liminaire PARTIE 2 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises NOTES SECTORIELLES 1 : circulation et stationnement PARTIE 3 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique PARTIE 4 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et transport de marchandises en ville NOTES SECTORIELLES 2 : urbanisme et aménagement SYNTHÈSE : typologie des villes à l'épreuve de l'analyse de la régulation du transport de marchandises et de la logistique CONCLUSION RECOMMANDATIONS : améliorer les pratiques dans le secteur du commerce de gros GLOSSAIRE TABLE DES FIGURES RÉFÉRENCES 11 13 13 13 14 15 16 20 20 23 23 30 30 31 31 32 32 33 43 63 67 135 156 161 163 166 170 171 173 PRÉAMBULE Commerce de gros et logistique urbaine Le commerce de gros distribue des marchandises auprès de clientèles professionnelles (entreprises, commerçants, pharmacies, etc.). C'est une activité d'intermédiation qui permet de rapprocher l'offre et la demande par une mise en relation de plusieurs acteurs ayant des intérêts complémentaires (Pardo, Paché, 2015). L'intermédiation revêt une dimension logistique (pilotage des flux et d'informations entre acteurs) et une dimension transactionnelle (organisation marchande des échanges). Le commerce de gros en France représente 150 000 entreprises, allant de la PME aux grands groupes internationaux, et un million d'emplois salariés. En 2014, il représentait 43 % de la valeur ajoutée du commerce (Sirjean, Boudouin, 2017). Il s'agit donc d'un secteur stratégique. C'est l'un des plus gros générateurs de transport de marchandises en ville (Toilier, Gardrat, 2017). Le commerce de gros est un secteur hétérogène. Par exemple, la grande distribution utilise des services de grossistes en complément de ses stratégies d'achats « plateformisés » (centrales d'achat) (12% de la clientèle grossiste). Le reste de la clientèle se répartit entre l'industrie (16 %), les cafés et restaurants et le commerce de proximité (32 %), les artisans (18 %), les administrations (17 %), les particuliers (9 %) et le tertiaire (6 %) (Sirjean, Boudouin, 2017). On retrouve également dans ce secteur les pharmacies, qui peuvent se faire livrer jusqu'à trois fois par jour. Ce secteur est très contraint par la forme du produit lui-même (produits frais, produits médicaux, matériaux du BTP-gravats, etc.). À noter que, dans le cas du commerce de gros, l'organisation de la logistique et du transport dépend largement de celle du client (heures d'ouverture, configuration de l'espace de livraison, personnels disponibles). En ce sens le BTP est un cas à part. Les chantiers ne sont pas fixes, les points de livraison varient donc en fonction de la taille du chantier, de sa nature et de ses besoins en matériaux. Le nombre de poids lourds effectuant ces livraisons varie donc périodiquement et géographiquement dans les espaces urbains. Le commerce de gros est donc un important contributeur au transport de marchandises en ville et entre dans le champ de la logistique urbaine. Contrairement à d'autres secteurs logistiques, le commerce de gros internalise son activité, en majorité, et mutualise ses flux en interne. Les entreprises rationnalisent ainsi l'approvisionnement de leurs clients afin d'accroître l'efficacité sur un plan économique et environnemental. Sur l'amont, le grossiste regroupe les différents produits proposés par le fournisseur/producteur et devient propriétaire du stock de marchandises acquis. Il cherche ensuite à optimiser l'approvisionnement. Sur l'aval, il organise la distribution physique et réalise certaines opérations ou sous-traite leur réalisation (ex. : logistique, transport). La particularité de ce secteur est la mutualisation et l'optimisation des tournées avant d'effectuer les livraisons : 4/5 des livraisons se font en tournée, réduisant la trace directe. 2/3 des véhicules sont chargés à plus de 60 % (Sirjean, Boudouin, 2017). Les opérations de mutualisation et de consolidation sont réalisées en amont dans les entrepôts des grossistes qui revêtent dès lors la même fonction qu'un centre de distribution urbaine, avatar propre à la logistique urbaine. 11 PRÉAMBULE Commerce de gros et logistique urbaine Souvent peu présent dans les travaux de recherche sur la logistique urbaine, le commerce de gros représente pourtant 15 % des mouvements journaliers aux établissements, ce chiffre grimpant même jusqu'à 22 % à Paris (Sirjean, Boudouin, 2017). 64 % des grossistes réalisent des livraisons en milieu urbain, et pour 25 % d'entre eux, cela représente 50 % de leur activité. Les travaux sur la logistique urbaine se sont beaucoup focalisés sur le secteur de la messagerie et la livraison de colis, B2B et BtoC. De ce fait, certains aspects des livraisons au BtoB ont pu être occultés de ces récents travaux. Le commerce de gros présente également des enjeux en termes d'entrepôts urbains. On sait que, pour l'ensemble des entrepôts d'une agglomération française, dans 80 % des cas les sites logistiques font moins de 5000 m² (Sirjean, Boudouin, 2017). Les recensements des enquêtes nationales sur les entrepôts effectués par les services statistiques du ministère des Transports ne prennent en compte que les entrepôts de plus de 5000 m² privant ainsi de visibilité une part importante du parc immobilier logistique. En Île-de-France, Heitz et al. (2017) ont estimé que cela représentait environ 30 % du parc. De ce fait, les sites logistiques des grossistes ont pu être quelque peu invisibilisés par les statistiques publiques. Les entrepôts franciliens du commerce de gros se situent majoritairement en petite couronne et participent de cette permanence de la logistique dans les zones denses de la métropole (Heitz, 2017). Le commerce de gros est un acteur majeur de la livraison urbaine et du système logistique. Comme les autres secteurs, il est aujourd'hui confronté à des problèmes d'accessibilité dans les villes : congestion, difficultés de stationnement, de livraisons, absence d'espaces aménagés, concurrence pour la voirie avec d'autres modes de transport et activités, etc. Si la logistique urbaine, comme nous le verrons ensuite, est un concept qui permet l'optimisation de la distribution urbaine et une meilleure gestion des flux de marchandises dans la ville, la question de son application se pose au regard du commerce de gros. Comment les principes d'aménagement en lien avec la logistique urbaine peuvent-ils s'appliquer au commerce de gros ? Comment tenir compte des enjeux économiques de ce secteur dans les politiques publiques locales ? Comment les politiques locales régulent-elles les conditions d'accès à la ville pour le transport de marchandises ? Sur quels cadres peuvent-elles aujourd'hui travailler pour s'assurer que les villes se développent sans oublier la fonction vitale de la logistique ? 12 INTRODUCTION Mobilité des marchandises en France, état des lieux, contexte, évolutions TRANSPORT DE MARCHANDISES ET LOGISTIQUE DANS LA VILLE DURABLE Essor de la ville durable Au début des années 2000, l'urbanisme amorce un nouveau tournant. La ville doit devenir « durable » et les politiques publiques vont désormais s'articuler autour de cette notion. Le terme de ville durable ­ sustainable city ­ désigne un horizon politique de portée lointaine, sert de référentiel prospectif, tandis que le développement urbain durable renvoie au processus d'internalisation du développement durable dans les politiques locales et notamment l'urbanisme, selon des modalités plus professionnelles que politiques. L'intérêt pour le développement durable se formalise avec la loi d'Orientation pour l'Aménagement et le Développement Durable du Territoire (LOADT) de 1999 et la loi Solidarité et Renouvellement Urbains (SRU) de 2000. Dans leur grande majorité, les villes françaises ont attendu le cadre apporté par l'État pour agir. On assiste depuis à un essor des politiques de développement durable, des agendas 21, des plans Climat, élaborés par des agglomérations, des « pays », des structures intercommunales, des départements, des régions, selon un processus plus décentralisé que descendant. Cette situation est assez spécifique en Europe, où les États sont restés en retrait, ont suivi et accompagné les initiatives locales, avec un décalage chronologique souvent important par rapport aux premières initiatives et aux programmes incitatifs européens (Emelianoff, 2007). Certains spécialistes de la ville durable, comme Graham Haughton, ont reconnu assez tôt l'existence d'une pluralité d'approches, mettant en jeu des contenus politiques différents. L'auteur identifie quatre modèles de ville durable, qui peuvent s'hybrider, reposant sur des modes de régulation contrastés des relations entre villes et hinterlands : la ville auto-suffisante, incarnant une écologie politique, la région urbaine compacte, credo des planificateurs, la ville inscrite dans des marchés à polluer, prônée par les économistes, la ville équitable vis-à-vis de ses prélèvements et rejets, soucieuse de justice environnementale (Haughton, 1997). Sur le terrain, on observe effectivement que le développement durable s'impose tout en gardant du « jeu ». La notion n'est pas monolithique, les enjeux, les pressions, les militances, les conflits d'acteurs entraînent une diversité d'acceptions, de positionnements, d'expériences et de pratiques. L'adaptabilité du concept et les nombreux points de blocage facteurs d'inertie limitent l'essor de politiques publiques permettant la mise en oeuvre de la ville durable. La fragmentation territoriale, institutionnelle et sectorielle ne permet pas d'avoir de politique durable globale, à chaque acteur d'interpréter et d'intégrer la durabilité dans ses projets, ses objectifs et ses politiques. La notion de ville durable sert souvent de référentiel par la négative et va se traduire dans les objectifs de la puissance publique par la limitation de l'étalement urbain (qui suppose une consommation des terres agricoles, artificialisation des sols et augmentation des risques d'inondation ou destruction d'écosystèmes), la densification urbaine, la baisse des émissions de CO2 et de celles des NOx et particules (qui dégradent la qualité de l'air et posent des problèmes de santé publique) ou la baisse de la consommation d'énergie fossile. 13 INTRODUCTION Évolution du secteur du transport de marchandises et de la logistique : enjeux urbains et environnementaux Cette notion de durabilité va pousser les acteurs publics locaux à s'intéresser au transport de marchandises et à la logistique. Ces deux secteurs économiques, reconnus comme des moteurs essentiels du développement, sont aussi perçus comme des générateurs de pollution et de nuisance. Le transport de marchandises, principalement routier, apparaît en contradiction avec les principaux objectifs de l'action publique : réduction des émissions de CO2 et de polluants locaux, réduction de la congestion. Le transport de marchandises en ville est perçu comme une source de nuisance. Les véhicules de marchandises vont souvent cristalliser l'attention des acteurs publics ou des habitants. Par ailleurs, cette pollution est d'autant plus importante dans les centres-villes que ces espaces accueillent la majorité des mouvements de marchandises. L'exemple de l'Île-de-France montre que 80 % des mouvements de marchandises sont regroupés sur 20 % du territoire qui correspond au coeur de la métropole parisienne (figure 1). % cumulé de la surface d'Île-de-France 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% % cumulé des mouvements en Île-de-France Figure 1. Concentration des mouvements de marchandises (livraisons et enlèvements en Île-de-France (ETMV-IDF, 2014 ; Beziat, 2017) La densité pèse comme une contrainte sur ce secteur d'activité. La livraison est d'autant plus complexe en milieu très dense et requiert souvent l'utilisation de véhicules plus petits (véhicules utilitaires légers ­ VUL), dont la multiplication génère plus de pollution que l'utilisation d'un poids lourd. Les politiques de densification des villes vont complexifier le transport de marchandises en ville, elles devraient donc en théorie s'accompagner d'une politique dédiée à la circulation des marchandises dans la ville. L'évolution de la localisation des activités logistiques ou des terminaux de transport entre également en contradiction avec les objectifs de la puissance publique : lutte contre l'étalement urbain, contre l'artificialisation des sols et contre la fragmentation du territoire. L'étalement logistique (éloignement des terminaux et des entrepôts du centre de l'agglomération, desserrement en périphérie) contribue à rallonger les derniers kilomètres séparant la dernière plateforme de la chaîne logistique du point final de livraison. Longtemps ignorée de la planification urbaine et des politiques d'aménagement (Savy et Liu, 2007), l'organisation spatiale des flux de marchandises répondait alors à une logique spontanée, aux forces du marché immobilier et foncier. L'absence de régulation à l'échelle régionale et métropolitaine de la logistique a laissé cours à un développement logistique dans les marges des villes, contribuant pour certains à cette « France moche » médiatisée (Télérama, 2009), résultat d'une négociation entre des communes périurbaines isolées et des acteurs de la promotion immobilière dynamiques et intégrés aux marchés financiers internationaux (Raimbault, 2014 ; Raimbault, Dablanc, 14 Mobilité des marchandises en France, état des lieux, contexte, évolutions 2015). L'immobilier logistique s'inscrit de fait dans la logique d'une « ville négociée », gouvernée par les arrangements entre acteurs publics et privés (Halbert, 2010). La logistique, fonction centrale dans le fonctionnement des villes et dans leur approvisionnement en biens et marchandises (Dablanc et al., 2017 ; Hesse, 2008 ; Arvidsson, Browne, 2013), est en même temps la cause d'externalités négatives nombreuses. La pollution de l'air, la congestion, le bruit, sont souvent évoqués dans la littérature (De la Calle et Alvarez, 2011 ; Ehrler, Hebes, 2012). En dépit de ces externalités négatives, les villes sont de plus en plus favorables au développement d'une logistique dans les espaces urbains denses (centre-ville) qui doit offrir de nouveaux équipements aux logisticiens et permettre une réduction des distances parcourues par le transport de marchandises et donc son inscription dans les objectifs de durabilité. Les objectifs fixés par les acteurs publics locaux en termes de mixité fonctionnelle, sociale et de réduction des flux liés au dernier kilomètre sont parallèles à ceux de gestion des nuisances et supposent une mobilisation plus importante de la puissance publique sur la question logistique. Construire la ville « compacte » apparaît aujourd'hui comme le dogme dominant dans les pratiques de l'urbanisme et de l'aménagement, qui invite pouvoirs publics et acteurs privés à reconsidérer la place des activités productives dans la ville et à promouvoir l'intégration des activités logistiques dans le tissu urbain. L'introduction du référentiel de durabilité dans la planification des territoires a donc invité la puissance publique à reconsidérer la mobilité des marchandises à travers ses flux et ses lieux. Essor de la logistique urbaine et du « dernier kilomètre » dans la ville dense Le constat d'une logistique qui contribue à l'étalement urbain et les nouveaux objectifs de durabilité ont conduit à recentrer le débat sur le « dernier kilomètre », plutôt que l'aménagement de la logistique dans les périphéries, comme mesure compensatoire à cet étalement, mais aussi comme moyen d'encourager le report modal dans les zones les plus denses des villes. La « logistique urbaine » apparaît dans les années 2000 comme un nouveau modèle pour appréhender le transport de marchandises en ville (Dablanc, 2019). La logistique urbaine se traduit par un certain nombre de mesures comprenant la gestion des flux de circulation, du stationnement, des temporalités (horaires de livraison et de circulation), des véhicules, des méthodes de transport (mutualisation et report modal), l'harmonie avec les structures urbaines en termes d'aménagement du territoire, l'amélioration du mouvement des véhicules en utilisant les nouvelles technologies, et les activités organisationnelles autour du fret. À travers le développement de la « logistique urbaine » la puissance publique entend également apporter une offre immobilière complémentaire à celles proposées par le marché de l'immobilier logistique plutôt en périphérie. Cette nouvelle action publique focalisée sur les centres-villes s'appuie sur le développement de la logistique urbaine pour proposer un nouveau modèle d'organisation territoriale des activités logistiques et du transport de marchandises. Le développement d'espaces de logistique urbaine (ELU), de centres de distribution urbaine (CDU), ou d'hôtels logistiques participent de cette nouvelle offre territoriale pour la logistique urbaine (Heitz, 2017). À partir de ces entrepôts urbains le report modal est encouragé, soit par l'utilisation de vélos-cargos ou de livreurs à pied, soit par des véhicules électriques ou roulant au biogaz. Ces entrepôts urbains se développent aujourd'hui dans toutes les métropoles (Paris, Londres, Séoul, Tokyo, New York, etc.). Certains relèvent du marché immobilier privé, notamment via la rénovation d'entrepôts existants ou de friches industrielles. D'autres sont plus expérimentaux et sont à la recherche d'un modèle économique durable. Cette nouvelle offre logistique diffère de celle en périphérie de bien des manières. La logistique périurbaine qui se caractérise par l'essor d'un immobilier logistique récent, des bâtiments de grandes tailles, standardisés, destinés en majorité à des prestataires logistiques, à la grande distribution ou l'industrie (Heitz, Launay, Beziat, 2017), et d'autre part une logistique urbaine composée de bâtiments « sur-mesure » qui font l'objet d'une attention particulière en termes d'insertion urbaine et qui s'adressent plutôt à des segments logistiques comme le petit colis (Heitz, 2017), le e-commerce ou les livraisons instantanées (Dablanc et al., 2017). 15 INTRODUCTION Évolution réglementaire : encadrer les activités logistiques et du transport de marchandises L'émergence de la logistique urbaine dans les années 2000 a permis de réinterroger les pratiques des acteurs publics en matière de transport de marchandises et de logistique. Depuis une dizaine d'années, sous l'impulsion de quelques acteurs locaux, moteurs à l'échelle régionale ou locale, les enjeux liés à la logistique et au transport de marchandises sont progressivement apparus dans les réflexions sur la ville durable. La régulation de la logistique et du transport de marchandises a été envisagée pour la première fois dans le processus de planification de la région parisienne au début des années 1990 (Dablanc, Raimbault, 2015 ; Debrie, Heitz, 2017) et plus généralement en France avec l'enchaînement, en peu de temps, de la promulgation de quatre lois complémentaires : LAURE (loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie) en 1996, LOADDT (loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, dite loi Voynet) et loi RSCI (loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, dite loi Chevènement) en 1999, loi SRU (loi solidarité et renouvellement urbains) en 2000. Cet arsenal législatif a relancé la planification des déplacements et instauré l'intercommunalité de projet, avant de réformer la planification urbaine et de faire de la cohérence urbanisme-transport et du développement urbain durable les nouveaux paradigmes de l'action publique. La LAURE impose aux collectivités locales d'élaborer un plan de déplacements urbains (PDU) à l'échelle d'un périmètre des transports urbains (PTU) qui se superpose plus ou moins aux agglomérations. Ces PDU doivent permettre de favoriser le report modal vers les transports en commun et les modes « doux » ou « actifs » (modes qui relèvent de la micromobilité : vélo, marche, trottinette), améliorer l'aménagement des voiries et diminuer le trafic routier et la congestion. Ce document doit tenir compte du transport de personnes mais également du transport de marchandises. Ainsi les PDU, selon les dispositions de l'article L1214-2 du CGCT (code général des collectivités territoriales), visent à assurer « l'organisation des conditions d'approvisionnement de l'agglomération nécessaires aux activités commerciales et artisanales, en mettant en cohérence les horaires de livraison et les poids et dimensions des véhicules de livraison dans le ressort territorial de l'autorité organisatrice de la mobilité, en prenant en compte les besoins en surfaces nécessaires aux livraisons pour limiter la congestion des voies et aires de stationnement, en améliorant l'utilisation des infrastructures logistiques existantes, notamment celles situées sur les voies de pénétration autres que routières et en précisant la localisation des infrastructures à venir, dans une perspective multimodale ». En d'autres termes, depuis 1996, les collectivités locales soumises à un PDU doivent harmoniser les conditions de circulation des véhicules de marchandises, aménager des espaces de livraison et développer les installations liées à la logistique urbaine. La loi SRU va plus loin et renforce les dispositifs de la LAURE, en instaurant le droit au transport. Elle accélère les procédures entamées par les AOTU (Autorités Organisatrices des Transports Urbains) en charge des PDU. La loi SRU traduit aussi les difficultés que vont rencontrer les acteurs publics locaux en se saisissant des questions en lien avec le transport et la mobilité. Ces acteurs vont devoir se former à ces questions et adopter de nouvelles pratiques en matière d'aménagement, ce qui peut expliquer la relative inertie de ces mesures. En 2014, avec l'adoption de la loi MAPTAM (Loi de Modernisation de l'Action Publique Territoriale et d'Affirmation des Métropoles), l'AOTU devient l'autorité organisatrice de la mobilité (AOM). Son ressort territorial correspond au périmètre de l'intercommunalité qui exerce la compétence mobilité. Certaines communautés ­ métropoles, communautés urbaines et communautés d'agglomération ­ exercent cette compétence de manière obligatoire ; les communautés de communes peuvent, selon le souhait de leurs membres, choisir de ne pas se doter de cette compétence ou l'exercer en tout ou partie. 16 Mobilité des marchandises en France, état des lieux, contexte, évolutions Il semble que la dimension marchandises ait été délaissée dans ce nouvel apprentissage et ce, pendant un certain nombre d'années (manque de moyens financiers pour investir de front dans plusieurs politiques de transport, priorisation des investissement, absence d'ingénierie dédiée et de connaissances dans ce secteur, etc.). Le constat généralisé d'une faible prise en compte de la question des marchandises dans la planification locale en dépit d'un cadre réglementaire qui oblige à la prendre en considération témoigne bien de cette marginalisation dans l'action publique. Quelques exemples montrent que les marchandises n'ont pas toujours été totalement occultées de l'action publique, ce qui indique que la question du transport de marchandises a mis du temps à émerger concrètement dans les documents de planification et à intégrer les pratiques en matière de mobilité. En région parisienne, le SDRIF (schéma directeur de la Région Île-de-France) de 1994 abordait la question sous forme de diagnostic sans toutefois déterminer une politique ; le SDRIF de 2013 a marqué un tournant dans l'intégration du fret dans les politiques publiques locales. Le fret est progressivement perçu comme un levier pour réduire la pollution de l'air par les camions ou l'étalement généré par le développement d'installations logistiques dans les zones périphériques. Cet intérêt croissant pour la logistique s'est aussi manifesté dans d'autres villes françaises. Le transport de marchandises et la logistique sont des questions qui peuvent apparaître dans la planification de la ville ­ dans les Plans Locaux d'Urbanisme (PLU), notamment dans la partie Projet d'Aménagement et Développement Durable (PADD) ­ ou de la région (dans les Schémas Régionaux d'Aménagement et de Développement Durable et d'Égalité des Territoires ­ SRADDET) sous la forme d'orientations ou d'objectifs à atteindre, le plus souvent en lien avec l'environnement ou la mixité sociale et fonctionnelle. Le traitement de la logistique et du transport de marchandises peut également être fait par les collectivités locales sous l'angle de la réglementation (aires de livraison, zones à faibles émissions, restrictions de gabarit ou d'horaires pour la circulation des camions, etc.). Enfin, la logistique et le transport de marchandises peuvent faire l'objet de politiques urbaines de promotion de l'innovation pour le développement d'un immobilier logistique spécifique (centres de distribution urbaine, hôtels industriels ou logistiques). Par exemple, la ville de Paris soutient des projets spécifiques dédiés à la logistique urbaine pour améliorer les conditions de fret dans la capitale, tels que les hôtels logistiques de Beaugrenelle et « Chapelle International » (Heitz, 2017). Plus généralement, les zones métropolitaines sont devenues des lieux d'expérimentation de l'intégration du fret urbain et de la logistique dans l'aménagement urbain, par exemple en France : Paris ou Lyon (Diziain et al., 2012). Le transport de marchandises et la logistique s'intègrent dans les villes en fonction de l'échelle, des compétences et de la politique publique locale. Face à ces nouvelles questions, au besoin de réguler le transport de marchandises et la logistique pour répondre aux défis urbains et environnementaux qu'ils posent, et face à la relative inefficacité de l'arsenal de lois promulguées depuis 1996, la future Loi d'Orientation des Mobilités (LOM) en cours de finalisation (deuxième lecture au Sénat le 5 novembre 2019) reste timide sur la place du transport de marchandises et de la logistique dans la régulation de la ville. 17 INTRODUCTION CONTENU DE LA LOI D'ORIENTATION DES MOBILITÉS Texte adopté en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale le 17 septembre 2019 Le projet de Loi d'Orientation des Mobilités présenté par le gouvernement d'E. Philippe affiche comme objectifs principaux de refondre le cadre réglementaire de la mobilité, afin de répondre aux enjeux actuels liés à l'évolution des modes de vie, des conditions d'urbanisation, environnementales et de l'évolution des technologies. Le transport de marchandises et la logistique sont également des thèmes présents qui traduisent la relative prise de conscience des acteurs publics sur ces questions, mais ils restent encore très sous-estimés et peu développés. 1 Transport de marchandises et véhicule autonome Le chapitre II vise à encourager les innovations en matière de mobilité. Conformément à la Stratégie nationale pour le véhicule autonome présentée le 14 mai 2018, l'article 12 habilite le Gouvernement à construire le cadre législatif permettant, dans le respect de la Convention de Vienne du 8 novembre 1968, d'ici 2020 à 2022, la circulation sur les voies publiques en France de voitures particulières, de véhicules de transport public, d'engins de livraison et de véhicules de transport de marchandises dont les fonctions de conduite sont déléguées partiellement ou totalement à un système de conduite automatisé. 2 Transport de marchandises décarbonné pour 2025 Le titre III du projet de loi prévoit des mesures ambitieuses pour réduire l'impact de la mobilité sur l'environnement et la santé publique, conformément aux engagements internationaux pris par la France et pour répondre à l'urgence sanitaire liée à la pollution de l'air. Ces mesures s'inscrivent dans la mise en oeuvre du Plan Climat qui prévoit la fin de la vente des voitures émettant des gaz à effet de serre en 2040 et la neutralité carbone de la mobilité en 2050. 3 Transport de marchandises et plateformes de livraison L'article 20 du projet de loi permet l'établissement à titre facultatif, par les plateformes de mise en relation par voie électronique, d'une charte précisant les contours de leur responsabilité sociale, de manière à offrir des droits sociaux supplémentaires aux travailleurs indépendants qui ont recours à leurs services. Afin de sécuriser la relation entre les plateformes et ces travailleurs, le projet précise que l'existence de cette charte et le respect de certains engagements qu'elle contient ne peuvent constituer des indices de requalification de la relation contractuelle en salariat. Cet article permet également de renforcer le droit à la formation professionnelle des travailleurs des plateformes, en définissant, notamment, des règles d'alimentation du compte personnel de formation. Ces dispositions pourraient s'appliquer aux plateformes de livraison instantanée, notamment aux livreurs à vélo. Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement sera autorisé à prendre, par voie d'ordonnance, toutes mesures relevant du domaine de la loi afin de définir les conditions d'exercice de l'activité des plateformes d'intermédiation numérique entre des clients sollicitant un service de transport et des entreprises réalisant du transport public routier de marchandises, pour du transport de marchandises, ou des entreprises de transport public routier collectif de personnes, pour des services occasionnels de transport de passagers ou de groupes de passagers, en prévoyant notamment l'obligation pour l'opérateur de la plateforme de vérifier le respect, par les entreprises de transport, des conditions légales relatives à l'exercice de leur activité, ainsi que le dispositif de contrôle et de sanction qui leur est applicable. Il faudra donc être attentif au décret d'application qui viendra encadrer davantage cette pratique nouvelle. 18 Mobilité des marchandises en France, état des lieux, contexte, évolutions 4 Développement des zones à faibles émissions Les Zones à Circulation Restreinte (ZCR) ­ article L2213-4-1 du CGCT ­ deviennent des « Zones à Faibles Émissions » (ZFE) dont la mise en place sera obligatoire pour les collectivités sur le territoire desquelles les niveaux de pollution sont régulièrement dépassés, tout en prévoyant des simplifications procédurales. Pour faciliter la mise en oeuvre de ces zones, les collectivités pourront recourir à un dispositif de contrôle automatisé des ZFE, en l'assortissant des garanties de nature à limiter les risques d'atteinte au respect du droit à la vie privée. 5 Planification du transport de marchandises et de la logistique : le plan de mobilité Les PDU seront remplacés par des « plans de mobilité » qui devront intégrer la question du transport de marchandises et de la logistique urbaine : « Le plan de mobilité détermine les principes régissant l'organisation de la mobilité des personnes et du transport des marchandises, la circulation et le stationnement dans le ressort territorial de l'autorité organisatrice de la mobilité. Il est élaboré par cette dernière en tenant compte de la diversité des composantes du territoire ainsi que des besoins de la population, en lien avec les les collectivités territoriales limitrophes » (art. L1214-1 du Code des transports) 6 Planification des activités logistiques (échelon régional ­ SDRIF) Le SDRIF dans la proposition de nouvel article 123-1 du code de l'urbanisme, « détermine la localisation préférentielle des extensions urbaines, ainsi que des activités industrielles, logistiques, artisanales, agricoles, forestières et touristiques ». L'ajout de l'adjectif « logistiques » prouve à nouveau la prise de conscience du législateur de planifier ce secteur. Néanmoins, dans le cas du SDRIF, il ne fait qu'entériner légalement une situation déjà existante puisque le SDRIF prend en compte cette dimension depuis 1994. 7 Réserver des espaces pour la logistique dans les PLU (échelon communal) Le PLU peut également délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels la réalisation d'équipements logistiques est nécessaire et définir, le cas échéant, la nature de ces équipements ainsi que les prescriptions permettant d'assurer cet objectif. 8 Programmation financière et opérationnelle des investissements de l'État dans les systèmes de transports pour la période 2019-2027, liée au transport de marchandises et à la logistique L'un des objectifs de cette programmation vise notamment l'amélioration et le renforcement de la compétitivité des territoires et des ports, et le report modal. Le transport de marchandises est perçu comme un enjeu stratégique permettant de renforcer les hinterlands portuaires ou le ferroviaire. La dimension urbaine du transport de marchandises est complètement laissée de côté, ce qui en creux signifie que c'est aux collectivités locales qu'incombe la charge de l'investissement dans ce domaine. Le rééquilibrage modal est au coeur de cette stratégie d'investissement. 9 Co-transportage de colis La LOM reconnaît l'activité de co-transportage de colis dans le code des transports (art. L3232-1) qu'elle définit comme : « L'utilisation en commun, à titre privé, d'un véhicule terrestre à moteur effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, pour transporter des colis dans le cadre d'un déplacement qu'un conducteur effectue pour son propre compte. [...] L'activité de co-transportage n'entre pas dans le champ des professions de transporteur public routier de marchandises mentionnées à l'article L3211-1 ». 19 INTRODUCTION 10 Renforcement des dispositifs de contrôle Afin de faciliter la constatation des infractions aux règles du présent code relatives au poids maximum autorisé des véhicules de transport de marchandises ou de transport en commun de personnes et de permettre le rassemblement des preuves de ces infractions, des dispositifs fixes de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules, associés à des systèmes de pesage en marche des véhicules, peuvent être mis en oeuvre par les services de police et de gendarmerie nationales ainsi que par les services et agents de l'État chargés du contrôle des transports terrestres placés sous l'autorité ou désignés par le ministre chargé des transports (art. L130-9-2 du code des transports). Dans la dernière version de la LOM la technologie apparaît comme un moyen de renforcer les contrôles notamment au regard des gabarits des véhicules (sur les grands axes). ORGANISATION DU TRANSPORT DE MARCHANDISES ET DE LA LOGISTIQUE URBAINE Pour organiser le transport de marchandises en ville et la logistique urbaine, les acteurs publics disposent de différentes prérogatives en matière de réglementation et d'urbanisme. La réglementation correspond au pouvoir de produire des règlements permettant d'agir sur les conditions de circulation et de livraison des marchandises. Celui-ci est dévolu au maire, dans le cadre de son pouvoir de police administrative définie par le code général des collectivités territoriales (article 2213 et suivants). L'urbanisme correspond au pouvoir des collectivités territoriales de planifier le territoire, de déterminer les objectifs en matière de développement de leurs territoires et des mobilités, et les orientations relatives à la production urbaine, aux projets urbains, qui concourt par exemple au développement d'une offre immobilière logistique dédiée aux centres-villes qui permet de réorganiser les flux de marchandises en ville. Ce pouvoir de planification se répartit entre tous les échelons territoriaux. Réglementation et organisation du transport de marchandises En France, l'organisation de la circulation et du stationnement des véhicules de livraison est restée très largement municipale, contrairement à d'autres fonctions urbaines comme la gestion de la voirie (travaux, nettoyage), le ramassage des déchets ou l'organisation des transports publics. Cela pose de nombreux problèmes aux transporteurs, chaque municipalité (et elles sont nombreuses, souvent plusieurs dizaines dans une même agglomération) ayant sa propre définition des règles d'accès (gabarits des poids lourds autorisés) et des horaires de livraison. La loi MAPTAM (loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles) du 27 janvier 2014 et la loi ALUR (pour l'Accès au Logement et un Urbanisme Rénové) du 24 mars 2014 ont étendu le champ des transferts automatiques des pouvoirs de police des maires dans les domaines de la circulation et du stationnement aux présidents d'EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) sous certaines conditions. Lorsque l'EPCI est compétent en matière de voirie, la police de circulation et du stationnement sur l'ensemble des voies communales et intercommunales (hors voies départementales à l'extérieur des agglomérations et routes à grande vitesse), reconnues ou non d'intérêt communautaire, ainsi que la délivrance des autorisations de stationnement des taxis, sont transférées de droit au président de l'EPCI. Mais la loi permet aux maires de s'opposer au transfert automatique de ces pouvoirs en notifiant leur décision au président de l'EPCI dans le délai de six mois suivant l'élection de ce dernier. Le transfert n'a pas lieu dans les communes dont le maire a notifié son opposition. 20 Mobilité des marchandises en France, état des lieux, contexte, évolutions Il existe le cas particulier de compétences conjointes. En effet, dans certaines situations, les compétences peuvent être communes entre deux maires. Par exemple, si l'axe d'une voie communale délimite la frontière réelle entre deux communes, alors les pouvoirs de police appartiennent aux deux maires. Selon l'arrêt n° 01DA00413 de la Cour administrative d'appel de Douai du 25 mai 2004, ces maires peuvent prendre une décision commune, soit par arrêtés concordants signés par chacun d'eux, soit par arrêté unique signé par les deux. Le maire conserve ses pouvoirs de police générale, comme pour le stationnement gênant ou dangereux ou le stationnement en zone bleue ou sur les zones de livraison (puisque le texte ne parle que de stationnement payant) dans le cadre de l'article L2213-2 du CGCT. De manière générale, il ressort de l'article L2212-2 du CGCT que la police municipale a pour but la protection de l'ordre public, c'est-à-dire la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques. À ce titre, le maire peut réglementer la circulation et le stationnement en rendant des arrêtés motivés qui doivent porter sur le respect de l'ordre public. Il ressort expressément de l'article L2213-1 du CGCT que le maire (hors cas où le président de l'EPCI est devenu compétent ­ voir plus haut) est compétent en matière de police de la circulation et du stationnement applicable sur les voies communales, ainsi que sur les portions de routes nationales et départementales situées à l'intérieur de l'agglomération. Le maire est donc l'autorité de police de droit commun en matière de police de circulation et de stationnement sur les voies ouvertes à la circulation publique qui se trouvent sur le territoire de la commune. Il faut entendre par l'expression « voies ouvertes à la circulation publique sur le territoire de la commune » trois catégories de voies : · Les voies appartenant au domaine public routier sur le territoire de la commune : ce sont les voies publiques sur le territoire communal (routes nationales et départementales, voies communales) ; · Les chemins ruraux (articles L161-1 et L161-5 du code de la voirie routière) ; · Les voies privées ouvertes à la circulation publique. S'agissant de la circulation des véhicules, le maire peut prendre des mesures ponctuelles ou élaborer un « plan de circulation » qui définit les sens de circulation, la spécialisation des itinéraires, la séparation des trafics, l'implantation des feux, etc. Il peut interdire la circulation aux véhicules à moteur ou seulement à quelques-uns dans certaines parties de la commune (ex. : interdire la circulation dans un sens). Il peut également prescrire des limitations de vitesse plus rigoureuses que celles du code de la route si cela est justifié par des exigences de sécurité. Enfin, il peut réglementer le stationnement ou l'interdire à la condition que ces mesures soient motivées. Les interdictions de stationnement ne peuvent, en principe, être générales ou absolues sauf si la mesure est justifiée par l'étroitesse de la voie ou l'intensité du trafic. Le maire est en charge d'organiser la vie dans la cité et donc doit avoir une vision sur l'ensemble de son territoire, arbitrer entre les différents flux, les différents services, les différents usages du sol. Une mesure de police, comme tout acte administratif, est soumise au respect de la légalité : elle ne saurait méconnaître les normes qui lui sont supérieures ; dans le cas des mesures de police administrative, l'autorité administrative compétente doit concilier les nécessités de l'ordre public avec le respect des principes sources de la légalité de l'action administrative. À ce titre, la mesure de police doit respecter le principe à valeur constitutionnelle d'égalité : celle-ci ne doit pas être discriminatoire en ce sens qu'elle ne s'appliquerait pas de la même manière à un ensemble de situations pourtant identiques. Le maire est donc le garant du partage de l'espace public de façon équitable. Il peut réserver des espaces publics à des usages mais pas à des catégories d'usagers spécifiques, sauf conditions particulières (ex. : personnes à mobilité réduite). C'est ce qui explique que pour les places de livraison, celles-ci soient réservées à l'usage de chargement ou déchargement de marchandises et non aux livreurs. Enfin, le maire est également en charge de faire appliquer des principes liés à des politiques environnementales et de tenter d'atteindre des objectifs en matière de réduction de la pollution. Le maire est chargé de prévenir les pollutions de toute nature, les accidents et fléaux calamiteux. Il peut interdire, par arrêté motivé, l'accès à certaines voies (ou à certaines portions ou à certains secteurs) aux véhicules dont la circulation est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection 21 INTRODUCTION des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétique, écologique, agricole, forestière ou touristique. L'article L2213-2 du CGCT prend soin de préciser les pouvoirs du maire en la matière : « Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement, interdire certaines heures l'accès de certaines voies de l'agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures, à diverses catégories d'usagers ou de véhicules. » Cette possibilité de prendre des mesures au motif de la protection de l'environnement ou de la qualité de l'air a été renforcée en 2015 par la Loi relative à la Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV) et le décret du 28 juin 2016 relatif aux zones à circulation restreinte. C'est à ce titre que les maires peuvent mettre en place des zones à circulation restreinte qui devraient être rebaptisées « zones à faibles émissions » par la Loi d'Orientation des Mobilités de 2019 (cf. page 19). ZONE À CIRCULATION RESTREINTE OU ZONE À FAIBLES ÉMISSIONS La zone à circulation restreinte (ZCR) est un outil à destination des collectivités pour réduire la pollution atmosphérique et protéger leur population en limitant la circulation des véhicules les plus polluants. Le même type de dispositif appelé communément « Low Emission Zone » est déjà en vigueur dans plus de 200 villes européennes. Les dispositions du projet de loi d'orientation des mobilités proposent de renommer ces zones en « zones à faibles émissions ». La ZCR peut être mise en place uniquement dans les zones comportant un Plan de Protection de l'Atmosphère (PPA) adopté, en révision ou en projet, par les collectivités ayant le pouvoir de police de la circulation (article L2213-4-1 du CGCT). L'identification des différentes catégories de véhicules concernées par la ZCR s'appuie sur les certificats qualité de l'air (CQA) Crit'Air. L'arrêté pris par le maire ou le président de l'intercommunalité à fiscalité propre doit comprendre a minima certaines informations (article L2213-4-1 du CGCT) : · Le territoire et domaine routier concernés ; · Les mesures de restriction de circulation applicables ; · Les catégories de véhicules concernées ; · La durée de vie de la ZCR mise en place ; · La procédure et les motifs de délivrance et de retrait des dérogations (article R2213-1-0-1 du CGCT) ; · Les conditions dans lesquelles le justificatif de la dérogation est rendu visible ou tenu à la disposition des agents chargés des contrôles (article R2213-1-0-1 du CGCT). L'arrêté doit être obligatoirement accompagné d'une étude comprenant des informations obligatoires telles que la population et la proportion de véhicules concernés, etc. (articles L2213-4-1 et R2213-1-0-1 du CGCT). L'arrêté créant la ZCR doit faire l'objet d'une consultation obligatoire des parties prenantes et du public (article L2223-4-1 du CGCT). La ZCR doit être évaluée de façon régulière, au moins tous les trois ans, pour en mesurer l'efficacité (article L2213-4-1 du CGCT). 22 Mobilité des marchandises en France, état des lieux, contexte, évolutions À noter que l'on distingue les zones où la circulation est restreinte en permanence des zones où ces restrictions sont activées de manière temporaire. · Dans les zones à circulation restreinte, la circulation est limitée de manière constante. Ces zones sont continuellement actives et les règlementations en vigueur sont renforcées d'année en année. · Les zones de protection de l'air (ZPA) couvrent des zones géographiques définies, qui peuvent englober plusieurs municipalités et métropoles (article R411-19 du code de la route). Ces zones sont activées uniquement en cas de pic de pollution atmosphérique et valables en général quelques jours seulement. Certaines ZPA peuvent s'étendre à l'ensemble d'un département : dans ces « zones de protection de l'air départementales » (ZPAd), les territoires concernés par des restrictions de circulation sont désignés au cas par cas lors de pic de pollution atmosphérique. Les ZPAd sont déterminées par le préfet et ne relèvent pas de la compétence communale. Organisation des transports : une compétence intercommunale La compétence mobilité exercée par les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) comprend des missions obligatoires et des missions facultatives. Par exemple, les AOM de plus de 100 000 habitants doivent obligatoirement prendre en charge les plans de déplacements urbains. Parmi les missions facultatives, l'AOM peut notamment organiser la mise en place d'un service public de marchandises et de logistique urbaine dans le but de réduire la congestion urbaine et la pollution (si l'organisation par le privé est jugée insuffisante). Dans les missions obligatoires de l'AOM, le transport de marchandises est absent. Il n'entre pas en ligne de compte dans les prérogatives de cette nouvelle autorité. Le transport de marchandises et la logistique font partie des missions facultatives des AOM. La réforme territoriale posée par la loi MAPTAM a ainsi manqué l'occasion de se saisir de cette question et d'agir sur l'ensemble des mobilités. La région est l'autorité organisatrice du transport collectif d'intérêt régional depuis la loi NOTRe (Nouvelle Organisation des Territoires de la République). Le rail fait partie de ses principales compétences. Les régions ont la charge de l'organisation et du financement des services ferroviaires régionaux de voyageurs et des services routiers effectués en substitution de ceux-ci. Avec l'adoption de la loi MAPTAM, le législateur a fait de la région le chef de file de l'intermodalité et de la complémentarité entre les modes de transport. En tant que tel, l'échelon régional est désormais chargé de coordonner son action avec celle des AOM et de définir des règles générales relatives à l'intermodalité entre les services publics de transport et de mobilité dans le cadre du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET). Planification du transport de marchandises et de la logistique Échelon local Les différents échelons territoriaux produisent des documents d'urbanisme et d'aménagement. Ceux-ci définissent les objectifs à poursuivre en matière de développement économique, social et environnemental. Ils définissent également les grandes orientations en matière de planification stratégique et sectorielle (transport, mobilité, emploi, etc.). Tous ces documents traitent plus ou moins de la question de la mobilité en lien avec le développement du territoire. Ils intègrent plus ou moins la question du transport de marchandises. Cette intégration dépend de l'intérêt de l'acteur public pour la question. 23 INTRODUCTION À l'échelon local ou intercommunal, le Plan Local d'Urbanisme (PLU) ou le Plan Local d'Urbanisme Intercommunal (PLUi ­ voir la distinction ci-dessous) est le document réglementaire qui exprime la vision à long terme d'un territoire communal (et maintenant intercommunal). Il revient à celui-ci de déterminer la vocation des espaces du territoire. Il est composé de trois parties : · Le Projet d'Aménagement et de Développement Durable (PADD) qui établit les objectifs à atteindre en matière de développement territorial à partir d'un diagnostic. Ce document est non opposable. · Les Orientations d'Aménagement et de Programmation (OAP) qui peuvent définir les actions et opérations nécessaires pour mettre en valeur l'environnement, notamment les continuités écologiques, les paysages, les entrées de ville et le patrimoine, lutter contre l'insalubrité, permettre le renouvellement urbain et assurer le développement de la commune ; peuvent également favoriser la mixité fonctionnelle en prévoyant qu'en cas de réalisation d'opérations d'aménagement, prendre la forme de schémas d'aménagement et préciser les principales caractéristiques des voies et espaces publics, adapter la délimitation des périmètres, en fonction de la qualité de la desserte, où s'applique le plafonnement à proximité des transports. Avec le décret du 28 décembre 2015 relatif au nouveau contenu des PLU, les OAP assoient leur statut de norme d'urbanisme opérationnel majeure, aux dépens du règlement. En particulier, il est désormais permis de définir, en zone urbaine (U) ou à urbaniser (AU), des secteurs sans règlement, où les OAP sont les seules à s'appliquer. Néanmoins, la portée des OAP est à géométrie variable et requiert une interprétation quant à leur valeur en terme d'opposabilité : les orientations d'une OAP ne sont pas assimilables ni à un emplacement réservé, ni plus généralement à une servitude d'utilité publique, et peuvent de par leur teneur ne constituer qu'une prévision ne pouvant pas justifier un refus de permis de construire (CE, 8 novembre 2017, requête n° 402.511). · Le règlement qui fixe le droit des sols à travers le plan de zonage comprenant quatre catégories : urbaine (U), agricole (A), naturelle (N), à urbaniser (AU). Le règlement peut s'appuyer sur différents outils (hauteur, implantation...) avec pour but la densification des zones existantes avant d'envisager l'ouverture de nouvelles zones dédiées à cette fonction. Le règlement est directement opposable aux demandeurs d'occupation du sol. Le PLU est un document essentiel car la délivrance des permis de construire se fait dans le respect des conditions posées par ce document. Le maire dispose de cette compétence. Si la commune fait partie d'un EPCI, elle peut, en accord avec ce dernier, lui déléguer sa compétence en matière de permis de construire et des autres actes relatifs à l'utilisation du sol. Cette délégation de compétence doit être confirmée après chaque renouvellement du conseil municipal ou après l'élection d'un nouveau président de l'établissement public. Dans ce cas, la délivrance des permis et des autres actes relève de la compétence du président de l'EPCI au nom de cet établissement, étant précisé que le maire doit donner son avis sur chaque demande de permis et chaque déclaration préalable. Dans certains cas, ce sont les préfets qui accordent les permis de construire. Il en est ainsi pour : · Les travaux, constructions et installations réalisés pour le compte de l'État, de ses établissements publics et concessionnaires ainsi que pour le compte d'États étrangers ou d'organisations internationales ; · Certains ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d'énergie, ainsi que ceux utilisant des matières radioactives ; · Les travaux, constructions et installations réalisés à l'intérieur des périmètres des opérations d'intérêt national ; · Les opérations ayant fait l'objet d'une convention en application du code de la construction et de l'habitation pour la réalisation de logements sociaux. Préalablement à la prise de décision, le préfet, lorsqu'il est compétent, recueille l'avis du maire ou du président de l'EPCI concerné. 24 Mobilité des marchandises en France, état des lieux, contexte, évolutions Le tournant durable a conduit à une complexification des documents à l'échelle communale, et à l'échelle intercommunale, notamment avec les SCOT, la nature des schémas évolue en devenant moins précise quant à la régulation juridique de l'usage des sols, ce qui lui permet d'être plus stratégique (Mintzberg, 1994) de manière à être plus flexible pour pouvoir créer plus de consensus à la fois dans l'élaboration et la mise en oeuvre. La planification peut alors prendre la forme de vision stratégique ou de projet métropolitain (Douay, 2013). Ces évolutions invitent les acteurs publics locaux à adopter une démarche de planification qui repose davantage sur la stratégie que la règlementation. De plus, l'influence stratégique peut aussi prendre la forme d'une articulation des différentes échelles de projet (Douay, 2013). La planification territoriale, surtout à l'échelle de l'agglomération, s'articule alors avec la mise en oeuvre de projets urbains qui se concentrent sur un espace particulier et matérialisent cette recherche de résultats concrets (Pinson, 2009). Les acteurs publics locaux, notamment les communes, orientent l'aménagement du territoire autour des projets (urbains, de transport, etc). Pour cela ils définissent des objectifs (dans le plan d'aménagement et de développement durable) qu'ils traduisent ensuite sous la forme de projets (que l'on retrouve dans les orientations d'aménagements et de programmation). Ces projets laissent une grande place à la négociation entre les acteurs publics et les acteurs privés autour de la mise en place de ces projets, on passe d'une logique de planification spatialisée à une gouvernance urbaine plus complexe. Les règlements du PLU offrent un cadre juridique dans l'usage des sols de telle sorte qu'ils guident la réalisation de ces projets ou au contraire en limitent l'expansion. Cette approche plus pragmatique de l'aménagement et de l'urbanisme (A. Motte utilise le terme de « planification stratégique spatialisée », 2006 ; W. Salet et A. Faludi celui de revival of strategic spatial planning, 2000 ; enfin P. Healey ceux de collaborative planning, de strategic plans ou encore de new strategic spatial planning, 1997), est aussi plus collaborative et donne une place plus importante aux acteurs privés. Au prisme du transport de marchandises et de la logistique, cela signifie que les transporteurs, les chargeurs, les logisticiens, les promoteurs de l'immobilier logistique deviennent des acteurs de la planification du territoire en s'impliquant dans des projets urbains qui peuvent être impulsés ou coordonnés par la puissance publique. Cette approche de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme correspond à une pluralisation des acteurs impliqués dans le développement des territoires à l'échelle locale. De ces nouvelles pratiques émerge un « processus sociétal de mobilisation et de coordination dont le projet serait le catalyseur » (Douay, 2013). Échelon intercommunal 1 Les Plans d'Urbanisme Locaux Intercommunaux (PLUi) Depuis la loi du 24 mars 2014 pour l'Accès au Logement et un Urbanisme Rénové dite loi ALUR, la compétence sur le plan local d'urbanisme (PLU) relève des intercommunalités quand elles existent. Le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) est devenu la norme. Face à certains blocages politiques locaux engendrant des difficultés de remontée de la compétence à l'échelon intercommunal, les communes ont bénéficié d'un report au 31 décembre 2019, date à laquelle les procédures de création des PLUi devront être achevées. Entre temps, les agglomérations sont à géométrie variable, plus ou moins avancées dans ce processus, entraînant parfois des superpositions de procédures difficile à appréhender pour les habitants. En Île-de-France, depuis le 1er janvier 2017, l'organisation territoriale francilienne est fondée sur 65 intercommunalités. La Métropole du Grand Paris (MGP) regroupe 12 établissements publics territoriaux (EPT) qui ont, par la loi, la compétence PLUi. Le reste de l'Île-de-France est organisé avec une communauté urbaine (ayant d'office la compétence PLU), 20 communautés d'agglomération et 32 communautés de communes. Ce découpage ne couvre pas l'intégralité du territoire francilien. 25 INTRODUCTION 2 Les Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT) À l'échelon intercommunal, on retrouve aussi le Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT). Le SCoT est un document stratégique. Au sein de ce dernier, on retrouve un PADD propre, un rapport de présentation et le document d'orientations et d'objectifs (DOO) qui détermine notamment les orientations générales de l'organisation de l'espace, celles de la politique des transports et de déplacements et les grands projets d'équipements et de services. Le DOO est opposable juridiquement aux PLUi et PLU, au Plan Local de l'Habitat (PLH), au PDU et cartes communales, ainsi qu'aux principales opérations d'aménagement (Zones d'Aménagement Concerté ­ ZAC, lotissements de plus de 5000 m2, réserves foncières de plus de 5 ha...). Il peut, en outre, définir des secteurs où le PLU doit imposer une densité minimale, à proximité des transports collectifs, sous réserve d'une justification. Depuis le vote de la loi Engagement National pour l'Environnement (ENE) de juillet 2010, les SCoT ont vu leur rôle renforcé. Ils doivent donner la priorité à la gestion économe de l'espace : le rapport de présentation devra proposer une analyse de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant l'approbation du schéma et les objectifs chiffrés de limitation de cette consommation. Ils élargissent leur champ à de nouveaux domaines : développement des communications électroniques (aménagement numérique), préservation et remise en bon état des continuités écologiques (trames vertes et bleues), réduction des émissions de gaz à effet de serre et maîtrise de l'énergie. Les SCoT peuvent imposer aux PLU des normes minimales de densité, ouvrir de nouvelles zones à l'urbanisation dans des secteurs définis. Ils doivent également prendre en compte des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalités des territoires (SRADDET), en cours d'élaboration aujourd'hui. Au 1er janvier 2018, il y avait 316 SCoT opposables concernant 43,4 millions d'habitants et 18 275 communes, 24 projets de SCoT arrêtés, concernant 1,3 million d'habitants ainsi que 1 016 communes ; 106 projets de SCoT sont en cours, concernant 14,3 millions d'habitants et 7 343 communes, 23 SCoT en projet, concernant 2,1 millions d'habitants et 1 716 communes. Ainsi, au total, 469 SCoT sont approuvés, en cours ou en projet, représentant 28 350 communes (près de 80 %) et 61,1 millions d'habitants (93 % de la population française), sur près de 70 % du territoire national. L'élaboration du SCoT renvoie à un processus partagé et concerté entre les personnes publiques associées à leur élaboration (État, régions, départements, chambres consulaires, autorités organisatrices des transports...), mais aussi avec les représentants du monde socio-économique et associatif. La concertation est un processus continu qui se poursuit même après l'arrêt du projet au cours de l'enquête publique, toutefois cet exercice est rendu ardu par la dimension du territoire d'assiette du SCoT. Les périmètres peuvent prendre des formes très diverses avec généralement plusieurs dizaines de communes de plusieurs intercommunalités, mais peinent parfois à prendre en compte l'ensemble d'une aire urbaine. Depuis la loi NOTRe de 2015, un EPCI peut développer un SCoT pour son territoire (dans son périmètre), quand la loi ALUR de 2014 obligeait les SCoT à être développés sur un périmètre de plusieurs EPCI. Il n'y a donc pas toujours de correspondance entre les périmètres des SCoT et des PLUi par exemple. De nombreux SCoT dits « défensifs » se sont constitués aux abords des grandes agglomérations, par peur de devoir intégrer le projet du coeur de l'agglomération. Le cas de l'agglomération marseillaise est particulièrement significatif de ce phénomène. Pour répondre à ce défi du « territoire pertinent », des démarches d'« interSCoT » émergent au sein des régions métropolitaines (Lyon, Toulouse, Strasbourg...) pour associer différents SCoT entre eux. Ces collaborations sont alors de nature politique et technique sans toutefois avoir une portée réglementaire. Le SCoT reste un outil d'aménagement parfois mal identifié dans la pratique. Les SCoT sont tout à la fois un document planificateur et réglementaire défini par le code de l'urbanisme, un cadre de mise en cohérence de politiques publiques territorialisées, une scène de gouvernance 26 Mobilité des marchandises en France, état des lieux, contexte, évolutions interterritoriale (le cas échéant institutionnalisée via un syndicat mixte), un territoire au sein duquel se préparent des recompositions intercommunales, un outil au service de l'économie foncière, du développement durable et de la transition sous toutes ses formes, un projet de territoire (Vanier et al., 2017). Cet aspect multifacettes des SCoT complexifie la lecture et l'application d'un document perçu comme un échelon supplémentaire ou une ambiguïté par les acteurs publics locaux. De plus, Vanier et al. (2017) montrent que la réalisation de ce document est souvent laissée aux élus les moins « puissants » des territoires, car l'autorité et la souveraineté y ont moins leur place que la négociation et la subsidiarité. 3 Les Plans de Déplacements Urbains (PDU) À l'échelon intercommunal on retrouve également les plans de déplacements urbains qui s'appliquent sur un périmètre particulier appelé « Périmètre des Transports Urbains » (PTU) géré par l'autorité organisatrice des mobilités. Le PDU a été créé par la Loi d'Orientation sur les Transports Intérieurs (LOTI) en 1982. Malgré plusieurs démarches volontaires dans les années 1980 et 1990, il s'est réellement développé et enrichi à partir de 1996 lorsque la loi LAURE l'a rendu obligatoire dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants et en a défini la procédure d'élaboration. Ce plan définit les principes d'organisation du transport et du stationnement des personnes et des marchandises, tous modes confondus. Renforcé par plusieurs lois après 2000, il coordonne des politiques sectorielles portant sur les modes alternatifs à la voiture, la voirie et le stationnement en intégrant plusieurs enjeux transversaux : la protection de l'environnement, l'intégration entre politiques urbaines et de mobilité, l'accessibilité des transports pour tous ou encore la sécurité des déplacements (voir section précédente). Au-delà de la planification, le PDU est aussi un outil de programmation, car il hiérarchise et prévoit le financement de ses actions, et ses mesures s'imposent aux plans locaux d'urbanisme, aux actes et décisions pris au titre des pouvoirs de police du maire et des gestionnaires de voirie. En matière de transport de marchandises, le PDU organise les conditions d'approvisionnement de l'agglomération, par la réglementation des horaires de livraison et des véhicules, l'utilisation des infrastructures logistiques existantes et la localisation des infrastructures à venir dans une perspective multimodale (article L1214 et suivants du code des transports). Les PDU doivent être compatibles avec les SCoT et les plans régionaux de la qualité de l'air. Inversement, les PLU doivent être compatibles avec le PDU. Dans le cas des PLU intercommunaux, ceux-ci doivent comporter des orientations d'aménagement portant sur les transports. Ils visent à assurer un équilibre durable entre les besoins de mobilité et de facilité d'accès et les besoins de protection de l'environnement et de la santé. Ils ont comme objectif un usage coordonné de tous les modes de déplacements. Ils précisent les mesures d'aménagement et d'exploitation à mettre en place. Par conséquent, développer les modes alternatifs à la voiture relève nécessairement d'une collaboration entre de multiples acteurs, dans le domaine de l'urbanisme et des transports collectifs, mais aussi de la voirie et du stationnement, et d'une concertation avec les acteurs économiques, les associations et les citoyens. Dans la pratique, les arbitrages entre développement des infrastructures routières et de transports publics ne sont pas toujours aisés (Douay, 2013). Le PDU est rendu compatible avec deux documents de planification environnementale : le Plan de Protection de l'Atmosphère (PPA) élaboré par l'État à l'échelle de l'agglomération et le Schéma Régional du Climat, de l'Air et de l'Énergie (SRCAE) co-élaboré par l'État et la région. Le Plan Climat-Air-Énergie Territorial (PCAET) est un projet territorial de développement durable. À la fois stratégique et opérationnel, il prend en compte l'ensemble de la problématique climat-air-énergie autour de plusieurs axes d'actions : la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), l'adaptation au changement climatique, la sobriété énergétique, la qualité de l'air, le développement des énergies renouvelables. Le PCAET s'applique à l'échelle d'un territoire intercommunal, sur lequel tous les acteurs (entreprises, associations, citoyens...) sont mobilisés et impliqués. Il doit être révisé tous les six ans. 27 INTRODUCTION Le développement de l'échelon intercommunal repose sur une volonté de mutualiser les ressources et les dépenses des communes, de mieux répartir la valeur entre les territoires, mais aussi de prendre en compte le territoire de la mobilité du quotidien. La concrétisation de l'échelon intercommunal ne signifie pas nécessairement empilement ou superposition des compétences mais partage entre les différentes entités. Pour que ce partage soit efficient et permette de développer des projets urbains, sans tomber dans l'inertie de l'action politique, il doit reposer sur une forte coordination des acteurs et une articulation des échelles. Il ne s'agit pas de réfléchir au périmètre pertinent (Vanier, 2008) mais de montrer que l'inter-territorialité, le dialogue des échelons, permet d'aboutir à une politique territoriale cohérente. Échelon régional La loi NOTRe (loi portant nouvelle organisation territoriale de la République) du 7 août 2015 précise et renforce le rôle planificateur de l'institution régionale, en créant le SRADDET (schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires). Ce document d'orientation est chargé d'organiser la stratégie régionale à moyen et long termes (2030 et 2050) en définissant des objectifs et des règles se rapportant à onze domaines obligatoires : lutte contre le changement climatique, gestion économe de l'espace, qualité de l'air, infrastructures, biodiversité, transports, déchets, équilibre des territoires, désenclavement des territoires ruraux, habitat, et énergie. Le SRADDET est prescriptif. Ses objectifs s'imposent dans un rapport de prise en compte. Les règles, elles, s'imposent dans un rapport de compatibilité, ce qui est plus contraignant. Les documents concernés (SCoT, à défaut PLU et cartes communales, chartes de parcs nationaux régionaux, PCAET et PDU) ne doivent pas compromettre ou contrarier leur application ; ils adaptent, précisent ces règles à leur échelle. À noter qu'en Île-de-France, le SRADDET se nomme SDRIF. Le schéma suivant présente les différents documents et leurs relations, ainsi que les différents pouvoirs du maire (pouvoir de police et pouvoir d'urbanisme). SRADDET Échelon régional SCoT PCAET Coopération collective et État PDU PADD DOO (Plan local Habitat) PLH PPRI (Plan de Prévent° Risque inondation) Échelon intercommunal PLUI PADD Règlement OAP PPA Pouvoir de police du maire PLU PADD Règlement OAP (circulation, stationnement, ordre public, etc.) Arrêtés municipaux Autorisation d'utilisation du sol Permis de construire Opérations programmées Opérations urbaines Échelon communal Figure 2. Rapports entre les différents documents de planification et réglementation 28 Mobilité des marchandises en France, état des lieux, contexte, évolutions LES RAPPORTS ENTRE LES DOCUMENTS D'URBANISME ET D'AMÉNAGEMENT Entre ces différents documents il n'y a pas une hiérarchie spatiale, ce n'est pas un système emboîtant. Les documents ont un rapport de simple prise en compte, de compatibilité ou de conformité. Ces divers degrés laissent une plus ou moins grande marge de manoeuvre aux acteurs publics locaux pour interpréter les documents et correspondent à trois niveaux d'opposabilité. La conformité signifie retranscrire à l'identique la norme supérieure, sans possibilité d'adaptation. La compatibilité signifie le respect des principes et des objectifs. La mise en oeuvre de la norme supérieure s'inscrit dans le cadre d'une possible adaptation aux conditions locales. À noter que par un arrêt en date du 18 décembre 2017 (requête n° 395216), le Conseil d'État a précisé la portée de l'obligation de compatibilité du plan local d'urbanisme (PLU) avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT), ainsi que l'étendue du contrôle du juge sur ce point. Dans un premier temps, après avoir rappelé « qu'à l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, [les SCoT] doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs [et] que les plans locaux d'urbanisme sont soumis à une simple obligation de compatibilité avec ces orientations et objectifs », le Conseil d'État a précisé qu' « il appartient aux auteurs des plans locaux d'urbanisme, qui déterminent les parties d'aménagement à retenir en prenant en compte la situation existante et les perspectives d'avenir, d'assurer, ainsi qu'il a été dit, non leur conformité aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais leur compatibilité avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent ». Dans un second temps, l'arrêt définit les modalités du contrôle qu'exerce le juge sur cette obligation de compatibilité : « Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier. » C'est donc une « lecture globale » et non « une lecture pointilleuse du DOO » (Jean-Philippe Strebler, Compatibilité du PLU avec le SCoT : le discours de la méthode, RDI 2018, p. 125) qui doit prévaloir ici. En l'espèce, le dépassement des seuils de croissance démographique fixés par le SCoT n'a pas été jugé incompatible avec ses objectifs et orientations, dès lors que ceux-ci avaient malgré tout été pris en compte par les auteurs du PLU. 29 INTRODUCTION MÉTHODES ET DONNÉES Échantillon géographique Cette étude repose sur l'analyse de vingt villes françaises. De taille et d'importance variées, ces villes constituent un échantillon représentatif des communes hexagonales qui va nous permettre d'observer l'intégration du transport de marchandises et de la logistique par les politiques publiques. Cette diversité permettra de tester l'hypothèse de liens potentiels entre la taille de la ville et l'intégration du transport de marchandises et de la logistique dans les politiques publiques locales. Dans un contexte de développement de l'intercommunalité, il nous paraît important de contextualiser ces villes en rappelant leur appartenance à une intercommunalité ou EPCI (établissement public de coopération intercommunale). Le tableau suivant détaille l'échantillon en précisant la ville observée, le nom de son EPCI et son statut. Ces différents statuts sont fondamentaux. Les métropoles sont des échelons récents créés par la loi MAPTAM. Les communes comprises dans ces nouveaux périmètres doivent céder un certain nombre de prérogatives au profit de ces nouvelles intercommunalités. Une des conséquences est la mise en oeuvre de plans locaux d'urbanisme intercommunaux. À ce titre les communes devront se coordonner et harmoniser leurs réglementations, les objectifs en matière de développement et de planification. VILLE (commune) Paris Lyon Marseille Lille Strasbourg Grenoble Nice Toulouse Bordeaux Montpellier Orléans Clermont-Ferrand Rennes Rouen Nantes Le Creusot La Rochelle Biarritz Lens Moûtiers EPCI Métropole du Grand Paris (MGP) Grand Lyon Métropole Métropole Aix-Marseille-Provence Métropole Européenne de Lille Eurométropole de Strasbourg Grenoble-Alpes Métropole Métropole Nice Côte d'Azur Toulouse Métropole Bordeaux Métropole Montpellier Méditerranée Métropole Orléans Métropole Clermont-Auvergne Métropole Rennes Métropole Métropole Rouen Normandie Nantes Métropole Communauté urbaine Creusot-Monceau Communauté d'agglomération de la Rochelle Communauté d'agglomération du Pays Basque Communaupole de Lens-Liévin Communauté de communes Coeur de Tarentaise STATUT Métropole Métropole Métropole Métropole Métropole Métropole Métropole Métropole Métropole Métropole Métropole Métropole Métropole Métropole Métropole Communauté urbaine Communauté d'agglomération Communauté d'agglomération Communauté d'agglomération Communauté de communes 30 Mobilité des marchandises en France, état des lieux, contexte, évolutions Lens Rouen Paris Rennes Orléans Le Creusot Strasbourg Nantes La Rochelle Clermont-Ferrand Lyon Moûtiers Bordeaux Grenoble Biarritz Toulouse Montpellier Marseille Nice Figure 3. Localisation des communes échantillonnées Analyse quantitative Notre étude repose sur une première analyse statistique des vingt villes de l'échantillon et de leurs EPCI. Nous avons collecté des données quantitatives telles que la densité de population, le nombre d'emplois, la surface d'entrepôts construits entre 2008 et 2018 et enfin le nombre d'établissements commerciaux. La surface d'entrepôt construite donne une indication sur l'importance des flux de marchandises pouvant circuler dans la commune ou dans l'agglomération. Le nombre de commerces permet également de donner une valeur approximative (un « proxy ») à la demande de transport de marchandises (en tout cas pour sa partie B2B, les livraisons aux activités économiques et administrations). Analyse qualitative Après avoir dressé un panorama des villes et de leurs EPCI étudiés dans le cadre de ce projet, nous avons analysé les politiques publiques locales en lien avec la régulation du transport de marchandises et de la logistique. L'étude repose sur l'analyse systématique des documents de planification et les arrêtés municipaux sur les conditions de livraison et de circulation. Nous avons donc collecté l'ensemble de ces documents auprès des différents échelons. Nous avons procédé à plusieurs analyses. Tout d'abord une lecture minutieuse des arrêtés nous a permis de relever les critères utilisés pour réglementer la circulation et le stationnement des véhicules de marchandises, mais également les différentes zones dans lesquelles ces critères s'appliquent. 31 INTRODUCTION Mobilité des marchandises en France, état des lieux, contexte, évolutions Nous avons ensuite relevé dans les PLU et PLUi, dans l'article 12 du règlement qui se consacre plus particulièrement aux conditions de stationnement en lien avec les nouveaux projets urbains, les éléments liés au transport de marchandises et à la logistique. Puis nous avons élargi ce relevé au reste du PLU (PADD, OAP, Règlement), au SCoT, au PDU et au SRADDET / SDRIF. Nous avons effectué ce relevé en utilisant une liste de mots-clés (logistique, marchandise, transport, entrepôt, fret, dernier kilomètre, véhicule, fluvial, ferroviaire, poids lourd, livraison). Enfin, nous avons réalisé des entretiens semi-directifs par téléphone et de visu avec les acteurs publics locaux et quelques acteurs du secteur du transport, afin de mettre en perspective l'action publique dans une dimension prospective. Nous avons réalisé six entretiens et effectué une observation participante lors des réunions du COMOP (comité opérationnel) de la Métropole du Grand Paris sur l'harmonisation des livraisons). Analyse multiscalaire L'étude est donc multiscalaire. Tantôt notre analyse porte sur l'échelle locale (commune) tantôt sur l'échelle intercommunale (intercommunalité). Nous avons choisi de traiter de vingt communes et des agglomérations auxquelles elles appartiennent. Il n'était pas envisageable d'analyser chaque commune de chaque agglomération de notre échantillon, nous nous sommes concentrés sur la commune principale de l'agglomération. Limites de l'analyse La récolte des données s'est faite de façon plus ou moins aisée. Il y a de grandes différences d'accès aux données selon les communes et agglomérations. Certaines mettent à disposition sur leur site internet les documents de planification et les arrêtés, d'autres ne les mettent à disposition qu'en mairie et sont peu enclines à les transmettre aux chercheurs. Certaines communes ont déjà investi dans des outils numériques et ont géolocalisé leurs équipements (ex. : places de livraison). Plus une commune est grande, plus l'information s'est révélée accessible. 32 PARTIE 1 Hétérogénéité des villes françaises : analyse statistique liminaire SOMMAIRE Échelle nationale Échelle locale Typologie des agglomérations 34 37 41 Notre étude repose sur l'analyse de 20 villes et des agglomérations dans lesquelles elles s'insèrent. Le choix de ces villes a été établi avec l'aide de la CGI. La sélection a été faite afin de disposer d'un échantillon varié qui permette d'observer les caractéristiques dans des grandes métropoles, des villes moyennes ou petites, plus ou moins attractives sur le plan économique. Au-delà de la taille, ces villes ont des profils logistiques relativement différents. Cette partie sera dédiée à une analyse quantitative de l'échantillon afin d'établir le contexte. 33 PARTIE 1 Afin de présenter notre échantillon de 20 agglomérations, nous proposons ici de les observer en fonction de quatre variables : · La population (données INSEE, 2017) ; · Le nombre d'emplois (données INSEE, 2017) ; · La structure commerciale ­ nombre de commerces dans la grande distribution et le petit commerce (données INSEE, 2017) ; · La structure logistique ­ nombre de mètres carrés d'entrepôts construits entre 2008 et 2017 (données Sitadel). ÉCHELLE NATIONALE L'analyse de la population (carte 4a) et de l'emploi (carte 4b) permet d'apprécier la demande en biens et marchandises dans les agglomérations. Plus une ville abrite une grande population et un grand nombre d'emplois, plus les flux de marchandises seront importants, et les besoins en termes de régulation et de réglementation du fret seront susceptibles d'être importants. Par ailleurs, les métropoles sont par définition des espaces de croissance dans lesquels la planification de la logistique et du transport de marchandises est à la fois stratégique (emplois, intégration à la mondialisation) et permet aussi de répondre à des enjeux urbains et environnementaux (consommation des terres, émissions, pollutions). On peut donc penser qu'un important marché de consommation nécessite davantage d'attention des pouvoirs publics locaux autour de la question des marchandises. Avec l'analyse de la structure commerciale (carte 4c), il est également possible d'apprécier la demande potentielle des biens et la génération des flux de marchandises dans les agglomérations. L'évolution des surfaces d'entrepôts construites (carte 4d) dans les agglomérations nous renseigne aussi sur les dynamiques en lien avec la logistique. À nouveau cela nous permet d'évaluer les flux de marchandises potentiels circulant dans ces agglomérations ou entrant et sortant de ces agglomérations. La carte 4a représente la population (en valeur absolue) dans toutes les agglomérations dans lesquelles s'insèrent les villes que nous observons. On note ici l'hégémonie parisienne, la présence de métropoles moyennes (Lyon, Marseille, Lille, Bordeaux) et de villes moyennes (Rouen, Strasbourg, Toulouse, Nice, Grenoble, Rennes, Nantes, Orléans, Clermont-Ferrand), et enfin de petites villes (La Rochelle, Biarritz, Moûtiers, le Creusot, Lens). La deuxième carte (4b) montre le nombre d'emplois dans chacune de ces agglomérations. Elle se superpose à la géographie de la population. Il existe une forte corrélation entre les emplois et la population. La carte 4c représente la structure commerciale dans les vingt agglomérations. Le nombre de commerces est fortement corrélé à la population (r²=0,99), cela signifie que plus la population est importante, plus le nombre de commerces est grand. Autrement dit, la population est un bon proxy pour évaluer la demande en matière de commerce et e-commerce. A contrario, la corrélation entre la population et la construction d'entrepôts est faible (r² = 0,5). La présence d'une forte population n'est pas le signe d'une forte dynamique de construction d'entrepôts. Cela peut s'expliquer par la présence de villes moyennes qui ont une forte activité logistique du fait d'une activité portuaire par exemple. Sept agglomérations de notre échantillon (Marseille, Nantes, Bordeaux, La Rochelle, Lille, Strasbourg et Rouen) ont un port maritime ou fluvial d'une importance variable au niveau logistique, au regard des dynamiques de construction d'entrepôts ces dernières années. D'autres villes moyennes, comme Orléans, vont également se spécialiser dans cette activité logistique sans pour autant que tous les flux liés soient en direction de ces agglomérations. On observe d'ores et déjà des disparités très importantes entre les agglomérations qui constituent notre échantillon. L'hégémonie parisienne est notable à tout point de vue, mais atténuée au regard de la dynamique de construction des surfaces d'entreposage. En effet, d'autres agglomérations disposent également d'une forte croissance du nombre de mètres carrés d'entrepôts construits comme Marseille, Lille ou Toulouse. 34 Hétérogénéité des villes françaises : analyse statistique liminaire Lille Lens Rouen Paris Population 2 000 000 Rennes Orléans Le Creusot Strasbourg Nantes 4 000 000 La Rochelle 6 000 000 Bordeaux 7 020 210 Montpellier Toulouse Nice Clermont-Ferrand Lyon Moûtiers 0 100 200 km Grenoble Biarritz Région Marseille Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 Figure 4a. Répartition de la population dans les vingt agglomérations de l'échantillon Lille Lens Rouen Paris Emploi au lieu de travail 1 000 000 Rennes Orléans Le Creusot Strasbourg Nantes 2 000 000 La Rochelle 3 000 000 Bordeaux 3 902 960 Montpellier Toulouse Nice Clermont-Ferrand Lyon Moûtiers 0 100 200 km Grenoble Biarritz Région Marseille Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 Figure 4b. Répartition des emplois dans les vingt agglomérations de l'échantillon 35 PARTIE 1 Lille Lens Rouen Paris Rennes Orléans Le Creusot Strasbourg Nantes La Rochelle Clermont-Ferrand Lyon Moûtiers Type de commerces Région Classe 1 Biarritz Classe 2 Bordeaux Grenoble 0 100 200 km Montpellier Toulouse Marseille Nice Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 Figure 4c. Répartition des commerces dans les vingt agglomérations de l'échantillon Lille Lens Rouen Paris Surfaces d'entrepôts autorisées en m2 1 000 000 Rennes Strasbourg Nantes Orléans Le Creusot 2 000 000 La Rochelle Clermont-Ferrand Lyon Moûtiers 3 000 000 Bordeaux Grenoble 3 085 530 Biarritz Région Toulouse Montpellier 0 100 200 km Nice Marseille Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 Figure 4d. Répartition des surfaces d'entreposage autorisées (2008-2017) dans les vingt agglomérations de l'échantillon 36 Hétérogénéité des villes françaises : analyse statistique liminaire ÉCHELLE LOCALE À l'échelle des agglomérations la population, les emplois, les commerces et les activités logistiques se distribuent différemment selon les territoires. Chaque carte représente une agglomération découpée selon les communes qui la compose. Nous prendrons ici l'exemple de quatre agglomérations (Paris, Marseille, Lyon et Orléans). Répartition de la population dans la Métropole du Grand Paris Paris 0 750 m Paris Population 50 000 100 000 150 000 200 000 0 5 10 km 237 088 Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 Figure 5a. Répartition de la population par communes ­ Métropole du Grand Paris Répartition de la population dans la Métropole d'Aix-Marseille Marseille 0 750 m Population 50 000 100 000 142 668 0 10 20 km Marseille Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 Figure 5b. Répartition de la population par communes ­ Métropole d'Aix-Marseille 37 PARTIE 1 Répartition de la population dans la Métropole de Lyon Lyon 0 750 m Lyon Population 50 000 100 000 0 5 10 km 148 665 Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 Figure 5c. Répartition de la population par communes ­ Métropole de Lyon Répartition de la population dans Orléans Métropole Population 50 000 100 000 Orléans 114 644 Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 Figure 5d. Répartition de la population par communes ­ Orléans Métropole 0 2,5 5 km Globalement on observe une forte densité de population dans les communes centrales de l'agglomération qui décroissent au fur et à mesure qu'on s'éloigne du centre. À noter l'exception de la Métropole d'AixMarseille qui présente une forme polycentrique, avec deux foyers de concentration de population au niveau de Marseille et d'Aix. 38 Hétérogénéité des villes françaises : analyse statistique liminaire Répartition de la surface d'entreposage dans la Métropole du Grand Paris Paris 0 750 m Paris Surfaces d'entrepôts autorisées en m2 50 000 100 000 150 000 0 5 10 km 200 000 249 947 Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 Figure 6a. Répartition des surfaces d'entreposage ­ Métropole du Grand Paris Répartition de la surface d'entreposage dans la Métropole d'Aix-Marseille Marseille 0 750 m Surfaces d'entrepôts autorisées en m2 100 000 200 000 300 000 400 000 0 10 20 km Marseille 412 007 Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 Figure 6b. Répartition des surfaces d'entreposage ­ Métropole d'Aix-Marseille 39 PARTIE 1 Répartition de la surface d'entreposage dans la Métropole de Lyon Lyon 0 750 m Surfaces d'entrepôts autorisées en m2 20 000 40 000 60 000 0 5 10 km Lyon 80 000 84 092 Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 Figure 6c. Répartition des surfaces d'entreposage ­ Métropole de Lyon Répartition de la surface d'entreposage dans Orléans Métropole Surfaces d'entrepôts autorisées en m2 200 000 400 000 600 000 Orléans 703 146 Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 0 2,5 5 km Figure 6d. Répartition des surfaces d'entreposage ­ Orléans Métropole 40 Hétérogénéité des villes françaises : analyse statistique liminaire Les activités logistiques se situent plutôt en périphérie dans les agglomérations les plus grandes et les plus denses (Paris, Lyon). En revanche, dans les agglomérations moins denses (Marseille) et dans les villes moyennes (Orléans), on retrouve des activités logistiques plus proches du coeur de ville. On peut donc émettre l'hypothèse qu'il existe un lien entre la densité de l'agglomération et l'éloignement potentiel des entrepôts du centre de l'agglomération. Dans la suite de nos analyses, nous choisirons donc de nous intéresser plus précisément à la question de la densité. On note ici une grande hétérogénéité au sein des agglomérations. Certaines communes vont davantage polariser l'activité logistique plutôt que d'autres. On note que dans certaines agglomérations comme Orléans ou Lyon la construction d'entrepôts se fait encore dans la commune-centre, tandis que dans la MGP la commune-centre (Paris) n'accueille que très peu de nouvelles surfaces d'entreposage. Nous faisons ici l'hypothèse qu'il existe un seuil de densité de population au-delà duquel la commune centrale de l'agglomération n'est plus accueillante pour l'activité logistique. Ce qui va avoir des conséquences sur la génération des flux et la façon dont ils se répartissent dans la ville. Cela signifie aussi que certaines communes vont être soumises à davantage de nuisances et de pollutions liées à la logistique, donc à ses externalités négatives, quand d'autres seront moins concernées par ces aspects. Rappelons que les agglomérations correspondent le plus souvent aux périmètres d'élaboration des SCoT ou des PDU. Ce sont des documents qui laissent une place importante à la négociation. La dissymétrie des situations face à la logistique va peser dans la négociation. Les documents résultant des compromis faits entre les différentes collectivités territoriales qui composent l'agglomération accorderont plus ou moins d'importance à la question logistique. TYPOLOGIE DES AGGLOMÉRATIONS Nous proposons ici une typologie permettant de classer les vingt agglomérations que nous avons sélectionnées. Malgré leur grande hétérogénéité, la typologie met en évidence les proximités à l'intérieur des clusters. L'analyse de regroupement a révélé que les vingt agglomérations peuvent être regroupées en quatre groupes en fonction des quatre critères suivants : densité de la population, densité de l'emploi, densité des installations commerciales et densité de la surface des entrepôts construits. La figure 7 (page suivante) représente les clusters selon la densité de la population et la densité des surfaces d'entreposage construites. Densité de population (hab/km²) Cluster 1 Cluster 2 Cluster 3 Cluster 4 8 328 1 179 1 082,8 411 Densité d'emploi (emp./km²) 4 630 603,8 507 192,2 Densité commerciale (S.B(1)./km²) 54 6,1 4,8 3 Densité des surfaces d'entreposage autorisées entre 2008 et 2017 (S.B./km²) 3 660 1 115,6 2106 300,5 La classe 1 regroupe une seule agglomération : la Métropole du Grand Paris qui comprend la ville de Paris et 130 autres communes. Compte tenu de sa densité de population et d'emploi, la MGP est très spécifique. Dans le cadre d'une forte centralisation, l'agglomération parisienne qui représente huit millions d'habitants est la principale agglomération française. L'écart entre la première ville (Paris) et la deuxième ville (Lyon) est très important. Avec une densité de population de 8 328 habitants/km² et 4 630 emplois/km², l'agglomération parisienne présente également la plus forte densité commerciale et la plus forte densité d'entrepôts autorisés entre 2008 et 2018. (1) Surface Bâtie 41 PARTIE 1 Hétérogénéité des villes françaises : analyse statistique liminaire La classe 2 comprend les six grandes agglomérations de Lyon, Bordeaux, Grenoble, Montpellier, Strasbourg mais aussi Clermont-Ferrand qui correspond plutôt à une ville moyenne. Loin de l'échelle parisienne, ce sont d'importants centres de consommation avec une densité moyenne de population de 1 179 habitants/km² et une densité d'emploi de 603,8. Ce groupe se caractérise par une densité commerciale moyenne de 6,1 commerces/km² et une densité moyenne d'entrepôts autorisés de 1 115,6 m² cumulés/km². La classe 3 comprend les agglomérations moyennes de Lens, Lille, Nantes, Orléans et Toulouse. Ce groupe se caractérise par une densité moyenne de population et d'emploi, proche de celle du groupe 2, mais la densité moyenne de surface autorisée des entrepôts est beaucoup plus élevée. Ce sont des agglomérations de taille moyenne dont le marché immobilier logistique s'est rapidement développé ces dernières années. La classe 4 comprend les petites et moyennes agglomérations de La Rochelle, Le Creusot, Biarritz et Moûtiers, mais aussi des agglomérations moyennes comme Nice, Rennes, Rouen et, plus surprenant, l'agglomération de Marseille. Avec une densité moyenne de population (411 habitants/km²) et une densité d'emploi de 192,2, ce groupe a une densité commerciale moyenne (3 commerces/km²) et une très faible densité d'entrepôts construits. La présence de Marseille dans cette catégorie s'explique par la très faible densité de population à l'échelle de la métropole Aix-Marseille. Cette première typologie basée sur quatre critères montre déjà la grande hétérogénéité des villes de notre échantillon. Le contexte et les défis liés au transport de marchandises et à la logistique peuvent varier d'une région à l'autre. Par exemple, les villes ayant une densité de population plus élevée pourraient être plus intéressées que d'autres à réglementer le transport de marchandises. Ces variations impliquent que les outils de régulation et de planification doivent être modulés et adaptés à ces contextes locaux. La Métropole du Grand Paris apparaît comme un cas très à part. Elle dispose par ailleurs d'une capacité d'innovation en matière de logistique et de transport de marchandises et joue parfois le rôle de laboratoire urbain pour tester de nouvelles dispositions. La spécificité de son territoire par rapport aux autres agglomérations doit nous questionner sur la possibilité de diffuser, généraliser et adapter ces innovations dans des contextes urbains très différents. Densité de surfaces d'entrepôts 3 000 Cluster 2 000 1 2 3 4 1 000 0 0 2 000 4 000 6 000 8 000 Densité de population Figure 7. Analyse des clusters (K means) des communes échantillonnées 42 PARTIE 2 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises SOMMAIRE 2.1. Arrêtés de circulation : réglementation des flux de marchandises en ville 2.1.1. Critères de réglementation de la circulation des marchandises 2.1.2. Périmètres de réglementation au sein des villes - Périmètres urbains : zones piétonnes et centres-villes - Zones piétonnes : le cas d'Orléans - Périmètres environnementaux - ZCR de Grenoble 2.2. Analyse des arrêtés de livraison 2.2.1. Aires de livraison et arrêt des véhicules de livraison - Le cas de Paris - Le cas de Lyon-Villeurbanne - Le cas de Paris 2.2.2. Conditions applicables aux véhicules de livraison - Le cas de Toulouse 2.3. Absence de continuité spatiale dans les mesures - Le cas d'Orléans Métropole - Le cas de la Métropole du grand Paris 44 44 46 46 48 49 50 52 53 55 57 57 58 58 60 60 61 43 PARTIE 2 La circulation et le stationnement sont des problématiques essentielles pour les villes. Leur gestion assure le renforcement de l'attractivité du centre-ville en améliorant son accessibilité et les possibilités de stationnement. La gestion des livraisons et la facilitation des conditions de travail des livreurs garantissent un espace public plus pacifié et un système de transport de marchandises en ville plus efficace. La bonne gestion de la circulation et du stationnement est aussi source de bien-être pour les riverains et les autres utilisateurs de la ville. La voirie est un espace rare et convoité que les plans de déplacements urbains tentent d'organiser pour assurer les fonctions vitales de la ville, et notamment son approvisionnement. Les villes doivent donc définir précisément les objectifs de leur politique de gestion de la circulation et du stationnement en s'appuyant sur des outils classiques ou en s'inspirant des expériences en cours dans différentes communes. Cette section s'intéresse plus particulièrement à l'exercice de pouvoir de police du maire à travers les arrêtés qu'il prend concernant le transport de marchandises, notamment les arrêtés sur la circulation des véhicules de marchandises et sur les horaires de livraison. Les arrêtés sont des documents produits par le maire et applicables à l'échelle de la commune ou de certaines parties/certaines rues de la commune. Nous avons choisi d'analyser les arrêtés des villes centres des agglomérations de notre échantillon (par exemple, nous avons collecté les arrêtés de la ville de Paris et non des 131 communes qui composent la Métropole du Grand Paris). 2.1. ARRÊTÉS DE CIRCULATION : RÉGLEMENTATION DES FLUX DE MARCHANDISES EN VILLE Nous reviendrons ici sur les arrêtés de circulation pris par les maires et les critères choisis pour réglementer cette activité. 2.1.1. Critères de réglementation de la circulation des marchandises Cette analyse porte sur dix-neuf villes centres des agglomérations de notre échantillon. Nous n'avons pas pu obtenir les arrêtés de la ville de Biarritz qui a refusé de les communiquer. Nous avons recensé tous les critères utilisés pour réglementer le transport de marchandises, le passage des véhicules de livraison ou des véhicules de marchandises traversant la commune. Nous avons relevé l'usage de huit critères : · Le tonnage du véhicule · La hauteur du véhicule · La longueur du véhicule · La largeur du véhicule · La surface au sol du véhicule · Le volume du véhicule · L'âge ou la date de construction et la norme euro (ou Crit'Air) · Les plages horaires de circulation de ces véhicules 44 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises Le graphique suivant montre l'usage des critères de réglementation utilisés par les communes dans les différents arrêtés observés. Un seul arrêté peut cumuler plusieurs critères. Usage des critères de réglementation 90 Part des communes (%) 80 70 60 50 40 30 20 10 0 ge ur o ire e ur eu eu ce Vo lu m ue na ut rg rfa ra /E ho ng To n Su Âg e Ha La Pl ag Lo e Critères utilisés Figure 8. Usage des critères de réglementation dans les arrêtés de circulation Le tonnage est le critère le plus utilisé. 78 % des communes observées l'utilisent pour limiter la circulation en ville. La plage horaire, restreignant la circulation à certains moments de la journée, est également utilisée par environ 50 % des communes observées. La longueur des véhicules est un critère utilisé par 20 % des villes, souvent en complément d'une mesure de tonnage. Le tonnage est perçu comme un indicateur synthétique qui permet de limiter à la fois le poids et le volume du véhicule. Par ailleurs, cet indicateur est adapté à la charge potentielle qu'une voie peut supporter. Il faut rappeler que les communes ont la charge de l'entretien et de la réfection des voiries communales. Or, les véhicules les plus lourds sont les plus susceptibles d'endommager à long terme l'état des voiries. La hauteur, la largeur ou le volume sont plus rarement utilisés comme critères, et souvent en complément d'une mesure de tonnage. Ce qui est assez surprenant car de nombreux centres-villes en France correspondent souvent à des centres urbains historiques dans lesquels les rues sont souvent étroites, irrégulières ou sinueuses ce qui pose des problèmes d'angles rendant certaines manoeuvres plus difficiles pour des véhicules de gros gabarit. On aurait donc pu penser que la largeur aurait été un critère utilisé. Certaines organisations représentant les transporteurs comme le GATMARIF sont d'ailleurs assez favorables à de telles considérations. Bien que le paramètre de tonnage soit celui utilisé par la grande majorité des communes observées, cela ne signifie pas pour autant que les réglementations soient harmonisées et cohérentes sur l'ensemble du territoire grâce à l'utilisation d'un paramètre commun. Les seuils utilisés pour réglementer le tonnage sont tous différents, parfois même à l'intérieur d'une même commune. On recense des réglementations pouvant aller de 2,5 tonnes à 33 tonnes de PTAC (poids total autorisé en charge). L'utilisation du seuil de 3,5 tonnes est très fréquente (elle correspond bien sûr aussi au seuil distinguant les poids lourds des véhicules utilitaires légers), mais elle est souvent peu adaptée aux besoins logistiques du territoire. Ce seuil de 3,5 tonnes est utilisé par 100 % des communes nous ayant transmis leurs arrêtés municipaux. Ce seuil signifie que seuls les véhicules utilitaires légers peuvent accéder à la ville. Il apparaît difficile de concilier les besoins logistiques de certains types d'établissements avec les types de véhicules autorisés, comme par exemple les cafés/restaurants qui sont livrés avec des véhicules d'environ 14 tonnes. Ab se nc e r r 45 PARTIE 2 2.1.2. Périmètres de réglementation au sein des villes PÉRIMÈTRES URBAINS : ZONES PIÉTONNES ET CENTRES-VILLES Les périmètres de réglementation sont également variables au sein d'une commune. Les arrêtés distinguent des rues (nommément) qui vont être soumises à des règles spécifiques. Ils distinguent aussi les centres-villes du reste de la ville. Le centre-ville peut se définir d'un point de vue morphologique comme le coeur ancien, historique de la ville, correspondant souvent aussi à une zone de forte densité, notamment commerciale. Souvent associé à une architecture spécifique (médiévale, haussmannienne, etc.), le centre-ville constitue un espace au paysage relativement homogène créant une identité et participant à l'image de la ville. D'un point de vue fonctionnel, le centre-ville concentre souvent les grandes fonctions administratives, mais aussi commerciales, ou de loisirs et de culture. Il s'agit d'un quartier de la ville qui, du fait de sa morphologie et des fonctions qu'il accueille, concentre les principaux aménagements. C'est un espace de mise en scène et de maîtrise de l'espace par les pouvoirs publics locaux, les habitants et les résidents. La forte proximité entre ces acteurs et les différentes aménités (commerces, services, emplois) implique une gestion plus délicate de cette cohabitation. Le centre-ville définit a contrario les autres espaces de la ville qui se retrouvent périphériques au sens géographique mais aussi dans l'esprit des politiques publiques, qui régulent souvent moins ces espaces. Le centre-ville ne relève pas d'une approche juridique de l'espace. Délimiter un centre-ville n'entraîne pas l'application d'un droit du sol spécifique, il s'agit simplement d'un périmètre. Enfin les arrêtés distinguent également les zones piétonnes. Contrairement aux centres-villes, les zones piétonnes emportent un certain nombre de règles issues du code de la route (art. R110-21) : « Section ou ensemble de sections de voies en agglomération, hors routes à grande circulation, constituant une zone affectée à la circulation des piétons de façon temporaire ou permanente. Dans cette zone, sous réserve des dispositions de l'article R431-9, seuls les véhicules nécessaires à la desserte interne de la zone sont autorisés à circuler à l'allure du pas et les piétons sont prioritaires sur ceux-ci. Les entrées et sorties de cette zone sont annoncées par une signalisation. » L'autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation détermine le périmètre des aires piétonnes et fixe les règles de circulation à l'intérieur de ce périmètre (art. R411-3 du code de la route). L'aire piétonne peut couvrir une rue (de façade à façade), une place ou un ensemble de voiries. Elle peut être plus ou moins étendue, mais doit être créée en englobant l'intégralité de l'espace public pris dans son ensemble. En cela, un trottoir ne peut pas être assimilé à une aire piétonne. En revanche, un grand parvis (par exemple plus de 100 m2) ou une grande place peuvent être une aire piétonne. Son mode de fonctionnement exclut de fait les voies de circulation supportant tout trafic de transit. L'aire piétonne peut être un moyen de gérer les livraisons en fonction du rythme de la ville (exemple : favoriser les livraisons avant 10 heures dans les rues commerçantes). Les zones piétonnes et les périmètres des centres-villes vont être renforcés dans le cadre du programme Action coeur de ville qui entend aussi agir sur la forme urbaine. Ce programme porté par le Commissariat Général à l'Égalité des Territoires (CGET) entend financer le développement et l'aménagement des centres-villes des villes moyennes, notamment des commerces, afin de limiter le phénomène de dévitalisation des centres-villes. Ces dernières années, dans les villes moyennes, un grand nombre de petits commerces ont fermé dans ces centres-villes à la faveur d'un développement commercial périurbain. Deux causes sont généralement avancées dans l'explication de ce phénomène : la très forte utilisation de la voiture dans ces agglomérations pour les déplacements d'achat (en l'absence de facilité de stationnement dans les centres-villes, les consommateurs privilégient les grandes surfaces périphériques qui disposent de grands parkings) et l'absence de contrôle public dans le développement de ces zones et de soutien aux commerces du centre-ville par les pouvoirs publics locaux (Razemon, 2017). 46 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises Le graphique suivant recense les différents périmètres dans les villes observées qui font l'objet d'un arrêté de circulation. Usage des périmètres de réglementation 80 Part des communes (%) 70 60 50 40 30 20 10 0 Rue Zone piétonne Centre-ville Commune Périmètres de réglementation Figure 9. Périmètres de réglementation de la circulation des véhicules de marchandises Nos observations dans les communes de l'échantillon montrent que les communes réglementent rarement le transport de marchandises à l'échelle de la commune entière. Le zonage (aire piétonne, centre-ville, zone centrale, intra-mail) reste largement privilégié. Une réglementation très pointue à l'échelle des rues est également courante. Ces critères sont cumulables dans une même commune. Cela conforte bien l'idée que les centres-villes, dans lesquels on retrouve le plus souvent les zones piétonnes sont les espaces les plus encadrés et régulés au détriment de tout ce qui devient périphérie. Ces zonages montrent aussi que l'action publique cible des zones particulières dans laquelle elle identifie des conflits d'usage. Elle n'a pas de vision globale sur l'ensemble de la commune et se concentre sur une petite partie du territoire. Les outils de réglementation servent au cas par cas, ce qui explique aussi la grande hétérogénéité entre les villes. Elles s'inscrivent dans un contexte très localisé pour répondre à une situation précise. En dehors de ces espaces de forte densité, souvent rien n'est fixé comme principe général ou réglementation précise pour le reste de la ville. Cette hyper-régulation des centres-villes peut paraître surprenante dans un contexte de crise de ces espaces. Le programme « Action coeur de ville » lancé par le CGET en 2018 pour revitaliser les centresvilles notamment des villes moyennes renforce l'attention des acteurs publics locaux sur ces espaces. 47 PARTIE 2 LES ZONES PIÉTONNES : LE CAS D'ORLÉANS Au sein de la zone délimitée du centre-ville (appelée Intra-mail), il existe une zone piétonne dans laquelle une réglementation différente s'applique : les heures de circulation varient pour la livraison et la circulation. Dans la zone piétonne, il n'y a pas d'aires de livraison. Les véhicules peuvent se mettre directement en face des commerces mais pour une durée limitée. La zone piétonne est délimitée par des bornes escamotables. Un badge est nécessaire pour actionner l'abaissement de ces bornes, il s'obtient auprès de la CCI contre un extrait de Kbis qui confirme l'activité de livraison (qu'elle soit en propre ou pour autrui). Ces dispositifs deviennent de plus en plus populaires et permettent de vraiment sanctuariser la zone mais sont très contraignants pour les livraisons qui ne peuvent pas dépasser les créneaux horaires en cas de problèmes. L'arrêté du 6 juin 2014 autorise le stationnement et la circulation pour les véhicules de livraison à l'intérieur de l'Intra-mail pour le temps nécessaire aux opérations de chargement et de déchargement pendant les plages horaires suivantes : · De 6h00 à 10h30 pour tous les véhicules d'une surface au sol maximale de 21 m² ; · De 6h00 à 11h30 pour les véhicules sans émission de CO2 d'une surface au sol maximale de 21 m² ; · De 6h00 à 11h30 et de 14h30 à 16h30 pour les véhicules sans émission de CO2 d'une surface au sol maximale de 4 m². Dans le secteur 2 (reste de l'Intra-mail) : · De 6h00 à 10h30 pour tous les véhicules d'une surface au sol maximale de 21 m² ; · De 6h00 à 11h30 et de 14h30 à 19h00 pour les véhicules sans émission de CO2 d'une surface au sol maximale de 21 m². Ces dispositions sur le stationnement et la circulation des véhicules de marchandises, la ville d'Orléans les a mises en oeuvre en prenant en compte les objectifs du PDU. Elles portent sur les aires de stationnement partagées, les espaces de livraison de proximité, les plateformes de distribution, en concertation avec les commerçants et les transporteurs. Ainsi, grâce à l'arrêté municipal de 2014 qui impose une réglementation plus favorable aux livraisons propres pour les marchandises en centre-ville, la ville a répondu aux attentes des acteurs du territoire interrogés. Elle a étendu les horaires de livraison uniquement pour les véhicules sans émission de CO2. Le cas d'Orléans est particulièrement intéressant. On note une prise de conscience assez forte de la question logistique et du transport de marchandises dans la ville qui passe notamment par l'utilisation de la réglementation de la circulation des véhicules et du stationnement. Néanmoins, on peut s'interroger sur les critères choisis par la mairie concernant les restrictions de livraison et de circulation. La notion d'émission de CO2, plutôt que « véhicule propre » ou « faible émission », montre aussi la représentation que peuvent avoir les acteurs publics des questions environnementales. La qualité de l'air dans la ville est davantage impactée par les particules fines que le CO2 qui est un problème plus global qui dépasse le cadre du transport de marchandises. On peut également s'interroger sur le choix des seuils concernant les gabarits des véhicules. Nos entretiens montrent que ces choix sont plutôt le résultat des discussions effectuées avec les commerçants de la zone et donc très adaptés à une situation locale. 48 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises PÉRIMÈTRES ENVIRONNEMENTAUX La création d'une ZCR/ZFE relève de la compétence de la commune concernée (voir introduction). Une ZCR est mise en place après une période de six mois de concertation avec les acteurs locaux et les communes avoisinantes. La commune doit également produire une étude d'incidence environnementale permettant d'appuyer sa décision. Pour pouvoir circuler dans l'une de ces zones à circulation restreinte françaises, il est nécessaire d'avoir l'une des six vignettes Crit'Air apposée sur son véhicule. Chaque ville ou municipalité détermine les catégories de vignettes autorisées à circuler dans la ZCR, dont l'entrée est signalée par un panneau. Les catégories de vignettes concernées ainsi que les jours et horaires d'application des restrictions sont précisées sur un panonceau attenant. Par ailleurs, la vignette Crit'Air peut éventuellement être utilisée par certaines communes pour attribuer des avantages, tels que des espaces de stationnement privilégiés pour les véhicules les moins polluants. Les vignettes Crit'Air correspondent à la transposition d'une directive européenne qui détermine des normes. À long terme, l'objectif est d'exclure de plus en plus de vignettes des zones à circulation restreinte, de sorte que, d'ici quelques années, seules les catégories E et 1 y soient autorisées. Dans une ZCR, les catégories de vignettes sont exclues de manière constante, indépendamment des conditions météorologiques. Il se peut qu'une ZCR se trouve dans le périmètre d'une ZPA (zone de protection de l'air). Auquel cas, si des restrictions de circulation sont prononcées en cas de pic de pollution pour la ZPA, ces interdictions s'appliquent également à la ZCR. Lorsque cette dernière ne se trouve pas dans une ZPA, le maire n'est pas en mesure d'appliquer des restrictions de circulation complémentaires en fonction des conditions météorologiques. Le projet de Loi d'Orientation des Mobilités déposé par le gouvernement devrait remplacer les ZCR par des zones à faible émission (ZFE). L'article 28 propose de réviser le dispositif régi par l'article L2213-4-1 du CGCT sur les « zones à circulation restreinte » qui deviennent des « zones à faibles émissions » et dont la mise en place sera obligatoire pour les collectivités sur le territoire desquelles les niveaux de pollution sont régulièrement dépassés, tout en prévoyant des simplifications procédurales. Cette disposition fait suite à l'accord construit entre l'État et 19 territoires de s'engager dans cette démarche (Grenoble-Alpes Métropole, Métropole européenne de Lille, MGP, Plaine Commune, Grand Lyon, Eurométropole de Strasbourg, Vallée de l'Arve, Métropole Aix-Marseille-Provence, Toulouse Métropole, Montpellier Méditerranée Métropole, Saint-Étienne Métropole, Métropole Toulon Provence Méditerranée, Communauté urbaine d'Arras, Clermont Auvergne Métropole, Métropole du Grand Nancy, Grand Annecy, Valence Romans Agglo, Communauté d'agglomération de La Rochelle, Fort-deFrance). Contrairement aux ZCR, les ZFE sont créées à l'échelle des agglomérations par les EPCI. Poids lourds Véhicules utilitaires légers Figure 10. Vignettes Crit'Air pour les poids lourds et véhicules utilitaires légers 49 PARTIE 2 ZCR DE GRENOBLE Aujourd'hui, dans la ville de Grenoble, les véhicules les plus polluants classés en norme Euro 3 ne sont pas autorisés à circuler. Cette commune est l'une des premières villes en France à appliquer ce dispositif. Depuis début 2017, les véhicules de transport de marchandises les plus polluants ne peuvent plus accéder au « centre-ville élargi » de Grenoble, du lundi au vendredi de 6 heures à 19 heures. Cette réglementation, qui s'appuie sur les vignettes Crit'Air, s'applique aux véhicules utilitaires légers (VUL) mis en circulation avant le 30/09/1997 et aux poids lourds (PL) mis en circulation avant le 30/09/2001. Un an après sa mise en place, la ville de Grenoble se déclare assez satisfaite de ce dispositif (même si elle n'a pas encore entamé de procédure d'évaluation de ce dernier). La figure suivante correspond au périmètre d'application de la ZCR de Grenoble au centre-ville élargi. Figure 11. Zone de circulation restreinte du centre-ville élargi de Grenoble Forte de son expérience sur le centre-ville élargi, en mai 2019, la Métropole de Grenoble a décidé de porter la ZFE à l'échelle du PLUi. On est ici dans une action territoriale plus cohérente avec une gouvernance renforcée par la superposition des périmètres de l'action publique qui permet plus de verticalité dans les relations. Autrement dit, l'action publique sera simplifiée par des relations moins portées sur la négociation entre les communes. Après seulement deux ans d'expérimentation de la ZFE dans le centre-ville élargi, la Métropole de Grenoble a élargi le périmètre de cette zone à neuf autres communes pour le porter à l'ensemble du territoire. Sur ce périmètre, seuls les véhicules utilitaires et poids lourds à faibles émissions seront autorisés à circuler à horizon 2025. Cette réglementation sera mise en oeuvre progressivement afin de laisser le temps aux acteurs économiques ­ qui ont été associés à la démarche dès 2015 ­ de s'adapter et d'anticiper le renouvellement de leur parc de véhicules. 50 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises Figure 12. Zone à Faibles Émissions (ZFE) de la Métropole de Grenoble La Métropole du Grand Paris a également mis en place une ZFE. Depuis le 1er juillet 2019, les Crit'Air 5, c'est-à-dire les véhicules essence d'avant 1997 et les diesels d'avant 2001, ne peuvent plus circuler dans le périmètre situé à l'intérieur de l'A86. Cette interdiction reste théorique, les moyens de contrôle n'entrant en vigueur qu'en 2021. Par ailleurs, la MGP n'a pu s'assurer de l'adhésion de toutes les communes à ce projet : seules 49 (sur 79 concernées par le périmètre) se sont engagées. Figure 13. Zone à Faibles Émissions de la MGP 51 PARTIE 2 2.2. ANALYSE DES ARRÊTÉS DE LIVRAISON L'opération de stationnement est le dernier « noeud » de la chaîne logistique, elle comprend une rupture de charge, une opération logistique de manutention et un changement de « mode » pour le transport (généralement d'un véhicule à la marche à pied). Cette opération dépend d'une infrastructure qui a une capacité donnée et qui forme l'offre de stationnement. Cette offre peut être inférieure à la demande. Lorsque la demande de livraisons dans une rue donnée est trop importante par rapport au stock d'aires de stationnement dédiées, la qualité de service diminue : le conducteur doit stationner plus loin de sa destination, ce qui accroît son temps de marche à pied et peut le mettre en retard dans son programme d'activités ; ou il doit stationner illégalement, risquant par conséquent une amende. Il s'agit d'un phénomène de congestion, au sens propre (Beziat, 2017). Dans le cadre de son pouvoir de police, le maire ­ afin de garantir le maintien de l'ordre public et la sécurité dans l'espace public ­ doit s'assurer que les opérations de livraison, qui nécessitent le stationnement du véhicule de marchandises, se fasse dans les meilleures conditions possibles. Pour cela il délivre des arrêtés propres à la livraison qui encadrent cette pratique et les usages de la voie publique. Nous reviendrons ici sur les arrêtés de livraison émis par les maires et les critères choisis pour réglementer cette activité. L'analyse des arrêtés de livraison dans les communes de notre échantillon nous a permis de recenser cinq critères de réglementation des livraisons : · Utilisation des aires de livraisons ­ celles-ci peuvent être partagées, c'est-à-dire qu'elles sont réservées pour la livraison, l'arrêt de véhicules effectuant une opération de chargement ou déchargement, à certains horaires de la journée et qu'en dehors de ces plages horaires, les particuliers peuvent y stationner. Elles peuvent également être « sanctuarisées », ce qui signifie que, quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit, les véhicules n'ont pas le droit de stationner ; · Plages horaires ouvertes pour la livraison ; · Gabarit des véhicules pouvant effectuer une opération de livraison ; · Durée de livraison, notamment dans le cas d'une utilisation d'une aire de livraison ; · Âge ou limite de pollution (norme Euro, polluant spécifique ­ par exemple les NOx ­ ou polluant global comme le CO2 à Orléans) du véhicule de livraison. Le graphique suivant montre l'utilisation de ces critères, qui peuvent être combinés, dans les différentes communes observées. Critères de réglementation des livraisons 90 Part des communes (%) 80 70 60 50 40 30 20 10 0 de pa livr rta ais gé on Ai es re s sa de nc li tu vra ar is isé on es iso n ho Pla ra ge ire s s G vé ab hi ar cu it le Du ré e (d lim isq ité ue e ) ra liv de re s Ai Figure 14. Utilisation des critères pour réglementer la livraison dans les communes 52 Ai re s du Âg e/ Eu ro Circulation et stationnement des véhicules de marchandises 2.2.1. Aires de livraison et arrêt des véhicules de livraison Les aires de livraison sont très utilisées, presque 90 % des villes observées en possèdent. Ces aires permettent le chargement et déchargement des marchandises dans des emplacements réservés ce qui limite, théoriquement, le stationnement en double file, ou l'emprunt des pistes cyclables ou couloirs de bus. Elles sont donc des outils de pacification du partage de la voirie entre les différents usages. Règlementation des aires de livraison La réglementation de l'aire de livraison est basée sur la notion d'arrêt : « Immobilisation momentanée d'un véhicule [...] pendant le temps nécessaire pour permettre [...] le chargement ou le déchargement du véhicule, le conducteur restant aux commandes de celui-ci ou à proximité pour pouvoir, le cas échéant, le déplacer » (art. R110-2 du code de la route). Juridiquement, la livraison ne s'attache pas à une durée spécifique : « Le maire peut, par arrêté motivé [...] réserver des emplacements sur les voies publiques de l'agglomération [...] pour l'arrêt des véhicules effectuant un chargement ou un déchargement de marchandises » (art. L2213-2 du CGCT). Cet article a permis depuis 2001 une signalisation horizontale (marquage au sol) réglementaire de l'aire de livraison. La difficulté est de réserver ces espaces aux seuls véhicules de livraison afin d'en préserver l'objet. En effet, selon une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation (chambre criminelle, 27 novembre 1991, pourvoi n° 91-82457), les emplacements de livraison sont légaux dès lors que leur usage est réservé non pas à une certaine catégorie de véhicules mais à une certaine catégorie d'activités. Pour faciliter la circulation, le maire peut délimiter des aires de livraison tant qu'elles ne sont pas contraires au principe de l'égalité des citoyens devant la loi. Il n'est donc pas possible pour les villes de réserver ces aires aux seuls véhicules de livraison, ce qui peut générer un manque de lisibilité et conforter les particuliers dans un usage souvent abusif de ces aires. L'enjeu est pourtant de faire de ces dernières un réel outil de logistique urbaine et de politique publique, le but étant d'améliorer l'accueil des véhicules de livraison grâce à une meilleure lisibilité et un meilleur taux de rotation. L'instruction interministérielle sur la signalisation routière décrit les principes de signalisation pour les aires de livraison auxquels les villes doivent se conformer. Cette instruction laisse à l'appréciation de l'aménageur un certain nombre de critères dimensionnels (longueur, largeur, ergonomie...), afin de ne pas figer le linéaire de stationnement. Il est toutefois possible de définir quelques grands principes et préconisations qui permettent de guider l'aménageur dans sa réalisation d'aires de livraison s'il en a besoin : · La longueur doit permettre l'insertion en marche du véhicule (tout accès en marche arrière étant à proscrire). Étant donné la taille des véhicules de distribution urbaine avec hayon élévateur, l'aire de livraison peut avoir une longueur comprise entre 12 et 15 mètres. Une longueur de 15 mètres a l'intérêt de fournir l'espace correspondant exactement à trois aires de stationnement pour véhicule particulier. · La largeur maximale des véhicules de livraison susceptibles d'utiliser l'aire de livraison est de 2,60 m. Il faut donc que le marquage soit adapté tout en s'intégrant dans la voirie urbaine. · Les différences de niveau entre le trottoir et la chaussée constituent des obstacles difficilement franchissables pour les livreurs. La présence d'un abaissement de trottoir au droit de l'aire accroît sa fonctionnalité. Ce type d'aménagement doit permettre le passage d'une palette aux normes européennes (palette Europe standard : 80 × 120 cm) et empêcher le stationnement sauvage. 53 PARTIE 2 Le schéma suivant correspond à la recommandation ministérielle de création d'aires de livraison sur la voie publique. Il est à la fois indicatif et réducteur. En effet, d'autres schémas (en épi, en bataille par exemple) ou des aires groupées par secteur pourraient être proposés. 10 m trottoir 2,5 m chaussée Figure 15. Recommandation ministérielle pour créer des aires de livraison (CEREMA) La ville de Paris a également expérimenté le double système d'aires de livraison « partagées » tandis que d'autres sont « sanctuarisées » identifiables par des marquages différenciés, mais dans les faits peu compris des usagers. Exemple du double marquage des aires de livraison à Paris Crédit photographique : Ville de Paris Figure 16. Aires partagées et aires sanctuarisées à Paris (source : ville de Paris) Localisation des aires de livraison Les outils mis en place pour recenser les aires de livraison varient beaucoup d'une ville à l'autre. Certaines communes proposent déjà des services de géolocalisation. 54 L I V R A I S O N Circulation et stationnement des véhicules de marchandises LE CAS DE PARIS Par exemple, dans le cas de Paris, les données en open data sur le stationnement recensent 8 819 aires de livraison au total, géolocalisées dans un logiciel SIG. La très grande majorité d'entre elles ­ 8 025 soit 91 % ­ sont périodiques (entre 7h00 et 20h00). Les 794 restantes sont permanentes ou réservées (Beziat, 2017). Figure 17. Espaces déficitaires à Paris en stationnement pour les poids lourds (Beziat, 2017) Figure 18. Espaces déficitaires et excédentaires à Paris en place de stationnement pour les véhicules utilitaires légers (Beziat, 2017) 55 PARTIE 2 Des travaux académiques se sont penchés sur la question de la localisation de ces aires de livraison dans les villes. Tous observent une dissociation spatiale entre l'offre et la demande. Les aires ne sont pas toujours bien localisées par rapport aux besoins des commerces, des bureaux ou, dans le cas du e-commerce, de la livraison aux particuliers. La figure 17 montre le déficit en offre de stationnement pour les poids lourds à l'heure de pointe à Paris (Beziat, 2017). Certaines périodes de la journée, dans certaines zones de Paris, on observe un déficit d'offres de stationnement qui peut être assez conséquent. Au total, quasiment la moitié de la demande de stationnement ­ en minutes d'EVL (2) ­ en heure de pointe ne trouve pas d'offre en aires de livraison. Pour les municipalités, l'autre facette du problème est l'excédent d'offres de stationnement. L'espace dans les centres-villes est rare : réserver de la place pour des espaces sous-utilisés est particulièrement problématique. Dans le cas de Paris, les analyses montrent qu'en heure de pointe, certains espaces sont en excédent en matière d'aires de livraison et d'autres en déficit pour les véhicules utilitaires légers (Beziat, 2017). La répartition spatiale de ces aires de livraison n'est donc pas optimale dans la ville. Le constat de l'inadéquation de l'offre et de la demande amène à poser la question de la pertinence d'une offre supplémentaire d'aires de livraison. En effet, cette offre supplémentaire pourrait apparaître pertinente dans certaines zones de la ville, où l'offre est insuffisante toute la journée. Toutefois, l'espace au sein des villes est une ressource rare : la prise en compte de la demande horaire « enveloppe », c'est-à-dire la demande horaire maximale, est-elle réaliste, ou même souhaitable ? Des espaces réservés supplémentaires permettraient certainement, dans un premier temps, de répondre à la demande horaire maximale. Cependant, le reste du temps, ces espaces de livraison seraient peu ou pas du tout utilisés et diminueraient, de fait, l'espace disponible pour les autres utilisateurs de la voirie (Beziat, 2017). Pour résoudre les problèmes de livraison dans la ville il ne suffit pas simplement de multiplier les aires de livraison, encore faut-il que leur localisation soit adéquate, que ces espaces soient bien dimensionnés et correspondent effectivement aux exigences des bâtiments devant être livrés. Plages horaires des aires de livraison Les plages horaires sont utilisées dans plus de 80 % des villes étudiées. Les livraisons sont autorisées en fonction de plages horaires déterminées. Il s'agit ici de réguler les effets de congestion et de s'adapter au rythme des commerces par exemple. Les quelques constats suivants montrent toute la complexité de cette question : au sein d'une même commune, la réglementation des horaires de livraison n'est pas toujours homogène, ce qui n'en favorise pas le respect. Les limitations horaires ne sont pas en cohérence avec les heures d'ouverture des commerces. Les horaires doivent théoriquement permettre de limiter la congestion en évitant la superposition de flux différents aux heures de pointe mais dans les faits cela n'est pas souvent vérifié. Enfin les horaires sont mal connus des livreurs. Dans la pratique, la multiplication des horaires au sein d'une même commune ou entre communes d'une même agglomération complexifie l'intelligibilité de la règle. D'autant que les arrêtés de livraison sont inégalement diffusés par les communes. La qualité de l'information varie grandement entre les différentes communes. (2) EVL (Équivalent Véhicules Légers) : unité spatiotemporelle utilisée pour mesurer le temps et l'espace occupé par un véhicule utilitaire léger (moyenne de 5 m de long). Par exemple : 15 minutes d'EVL correspond à un véhicule de 5 m occupant une aire de livraison pendant 15 minutes. 56 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises LE CAS DE LYON-VILLEURBANNE Dans les centres-villes de Lyon et Villeurbanne, les livraisons sont autorisées entre 7h00 et 19h00. Les véhicules de 29 m² et plus sont interdits dans le centre Presqu'Ile à Lyon et dans le centre-ville de Villeurbanne. Les rues piétonnes de Lyon ont une réglementation spécifique : livraisons autorisées de 6h00 à 11h30 pour les véhicules de moins de 7,5 tonnes. Les aires de livraison disposent d'un marquage au sol et vertical (voir figure ci-contre) qui indique la plage horaire permettant d'effectuer la livraison. Figure 19. Panneau de signalisation d'une aire de livraison à Lyon Crédit photographique : Grand Lyon Ces plages horaires sont censées permettre aux véhicules d'effectuer leurs livraisons en limitant les nuisances et les troubles du voisinage. Mais elles doivent également correspondre aux besoins des entreprises et commerces qui se font livrer. Nombre de mouvements ne se distribuent pas uniformément au cours d'une journée. LE CAS DE PARIS Dans le cas d'observations menées sur la ville de Paris, on constate que pour le transport de passagers en Île-de-France, les jours de semaine, il y a généralement deux périodes de pointe qui correspondent aux déplacements domicile-travail (IAURIF, 2013). Une première période entre 6 et 8 heures (voire 9 heures), et une deuxième entre 16 et 18 heures (voire 19 heures). D'après les résultats de l'Enquête Globale Transport (EGT), les deux pics sont assez semblables en quantité : 15 % du trafic pour la période de pointe du matin, entre 19 et 20 % pour la période de l'après-midi. Les heures de pointe pour le transport de marchandises sont différentes. D'abord, les périodes de pointe sont décalées par rapport à celles des passagers. La période de pointe du matin est plus tardive, de 9 à 11 heures, tandis que la période de pointe de l'aprèsmidi a lieu plus tôt que celle des passagers, entre 14 et 16 heures. Par ailleurs, la période de pointe du matin est plus importante (presque 35 % des mouvements) et plus étalée (on pourrait l'étendre à une période entre 8 et 12 heures, qui regrouperait presque 60 % des mouvements de la journée) que celle de l'après-midi (13,5 % entre 14 et 16 heures). Encore une fois, le nombre de mouvements par tranche horaire est fonction des exigences d'horaires de livraison des destinataires (beaucoup préfèrent être livrés le matin) et de leurs horaires d'ouverture (Beziat, 2017). La détermination des plages de livraison doit tenir compte de ces observations. Néanmoins, les plages horaires ne peuvent pas se limiter aux tranches horaires correspondant aux pics, car certaines activités fonctionnent différemment. Par exemple, les pharmacies peuvent se faire livrer plusieurs fois par jour. Certains travaux de recherche montrent par ailleurs qu'un meilleur management de la demande de fret, par l'optimisation des opérations logistiques ou la possibilité de livrer en horaires décalés, en dehors des horaires de pointe, comme la nuit, permettrait de limiter les besoins en aires de livraison et de rendre de l'espace au public (Holguín-Veras & Sanchez-Diaz, 2016). 57 PARTIE 2 Limitation de durée de l'activité de livraison 30 % des communes observées ont mis en place une durée limitée pour la livraison. L'occupation de l'aire de livraison peut varier de 20 à 30 minutes selon les communes et nécessite l'utilisation d'un disque. Cela permet d'éviter d'encombrer la voirie trop longtemps. Le disque de livraison vise à rendre les aires de livraison plus disponibles pour les personnes en acte de livraison et à sécuriser et améliorer les conditions de déplacement et de circulation en limitant les arrêts gênants (stationnement en double-file). Cela facilite le contrôle pour les agents de la voirie qui peuvent sanctionner les véhicules ne disposant pas de ce disque et qui se seraient stationnés illégalement. Le disque s'obtient en mairie ou auprès des CCI et permet un contrôle amont des transporteurs ou des commerçants effectuant leurs livraisons en compte propre par exemple. Figure 20. Disque de livraison pour les centres-villes de Lyon et Villeurbanne 2.2.2. Conditions applicables aux véhicules de livraison Moins de 20 % des communes observées ont mis en oeuvre des conditions pour l'occupation des aires de livraison en fonction de la nature du véhicule, à savoir de sa capacité de pollution définie par l'âge ou la norme Crit'Air. Les communes peuvent ouvrir les plages horaires de livraison aux véhicules les moins polluants. Cela fait partie des mesures incitatives que le maire peut mettre en place afin de réduire la pollution dans sa commune. L'avantage consenti aux livreurs qui utiliseront des véhicules propres fait partie d'un ensemble de mesures destinées à encourager le renouvellement du parc utilitaire. LE CAS DE TOULOUSE La ville de Toulouse a mis en place une « charte des livraisons » en 2012 pour son centre-ville, afin de réduire les nuisances atmosphériques et sonores, d'adapter le système de livraison aux évolutions techniques et sociétales, mais aussi d'améliorer le partage de l'espace public entre les différents usages. La commune a mis en oeuvre une réglementation issue de la concertation à l'intérieur de l'anneau des boulevards, qui contient un engagement à maintenir, améliorer, développer et contrôler les aires de livraison et les espaces logistiques à l'intérieur de l'anneau des boulevards. Elle s'est aussi engagée à établir une stratégie de contrôle/sanction par l'organisation de tournées de surveillance, la mise en place d'un disque européen de livraison et des mesures incitatives et de soutien aux innovations technologiques, notamment l'utilisation de véhicules propres. En contrepartie, les transporteurs signataires (FNTR, TLF et GTP) et la CCI de Haute-Garonne sont engagés à développer les véhicules non polluants (électriques et non motorisés) en concertation avec les commerçants, qui devaient aussi tenter de faire coïncider au mieux leurs horaires d'ouverture et de livraison. Dans le centre-ville de Toulouse, les véhicules à moteur thermique ne peuvent livrer que de 9h30 à 11h30 le matin et de 20h00 à 6h00. Les véhicules accrédités avec badge peuvent livrer de 20h00 à 11h30. Les véhicules électriques peuvent livrer toute la journée, tout comme les véhicules non motorisés et à assistance électrique. Plus récemment, la métropole de Toulouse a décidé de favoriser le développement et l'utilisation des biogaz dans le transport de marchandises. Elle accompagne donc ces mesures 58 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises incitatives par la recherche de sites adaptés au développement des points de distribution de GNV et accompagne les porteurs de projets dans leurs études de faisabilité en transmettant les informations qui relèvent de sa compétence (accès depuis la voie publique, autorisations administratives, droit des sols). Par ailleurs, Toulouse Métropole étudie l'implantation de sites de production de bioGNV sur son territoire. À travers son pouvoir de police, la commune de Toulouse encourage le développement d'une flotte de véhicules propres en agissant sur la réglementation, mais aussi sur la planification du territoire par la mise en oeuvre d'une stratégie économique et territoriale. L'efficacité de ces mesures incitatives est aujourd'hui interrogée. La question du contrôle revient souvent. La ville de Toulouse a annoncé qu'elle s'engageait à poursuivre ses efforts et à moderniser les moyens de contrôle pour garantir la bonne application de la réglementation. Plusieurs mesures peuvent être mises en oeuvre : · Sensibilisation continue et formation des agents de surveillance de la voie publique aux dispositions de la Charte et aux particularités du transport de marchandises ; · Développement de technologies de contrôle à disposition des agents (terminaux scannant les plaques d'immatriculation et vérifiant immédiatement les droits du véhicule) ; · Expérimentation d'aires de livraison contrôlées soit par des bornes amovibles, soit par des capteurs détectant le temps d'arrêt des véhicules. Figure 21. Règlement de circulation et livraison dans le centre-ville de Toulouse en fonction des types de véhicules (source : Charte marchandises, ville de Toulouse, 2012) 59 PARTIE 2 2.3. ABSENCE DE CONTINUITÉ SPATIALE DANS LES MESURES Au sein d'une même agglomération ou d'un même PTU (périmètre des transports urbains, identique généralement à celui du PDU), on constate des variations importantes entre les différents critères utilisés pour réglementer le transport de marchandises. Au sein des communes, nous avons constaté de grandes variations dans la réglementation de la circulation et du stationnement. Cette hétérogénéité est valable à l'échelle des agglomérations. Chaque commune décide seule de cette réglementation. Bien que les villes appartenant à un même PDU doivent, depuis la loi SRU de 2000, produire une réglementation coordonnée en la matière, et que depuis les lois récentes ce soient maintenant ­ en théorie ­ les EPCI qui, de droit, doivent réglementer la circulation et le stationnement, dans les faits on constate la permanence de règles locales et peu coordonnées, conduisant à une mauvaise lisibilité des réglementations, à une perte d'efficacité du transport de marchandises et à des usages illégaux de l'espace public sources de conflits. Dans les agglomérations que nous avons observées, nous avons choisi de prendre deux cas d'étude (Orléans Métropole et la Métropole du Grand Paris) afin d'analyser la situation en la matière. LE CAS D'ORLÉANS MÉTROPOLE Au sein de la métropole d'Orléans, le relevé des règles de circulation dans les différentes communes qui la composent montre une grande hétérogénéité. Bien que le paramètre tonnage soit celui utilisé par la grande majorité des communes enquêtées, cela ne signifie pas pour autant que les réglementations soient harmonisées et cohérentes sur l'ensemble du territoire grâce à l'utilisation d'un paramètre commun. À titre d'exemple, 8 % des communes possèdent 5 seuils de tonnages différents, et 23 % en possèdent 2, ce qui pose un problème de lisibilité pour les acteurs du transport de marchandises. Mais elles sont tout de même 62 % à posséder seulement un seul seuil de tonnage bien plus lisible pour les chauffeurs-livreurs (Interface, 2017). L'harmonisation apparaît donc comme un enjeu essentiel. L'harmonisation consiste à assurer la cohérence d'un ensemble sans exiger que les éléments qui le constituent deviennent identiques. L'harmonisation des réglementations communales relatives à la circulation et au stationnement des véhicules de livraison constitue un enjeu fort. Cette harmonisation pourrait également permettre plus d'efficacité économique. L'harmonisation améliore également la lisibilité des règlements, la compréhension et l'application des règles par les transporteurs, livreurs et commerçants. L'harmonisation des règlementations à l'échelle d'une intercommunalité devrait s'appuyer, dans l'idéal, sur une démarche de concertation et de négociation. En effet, il est important que toutes les municipalités se mettent d'accord sur les critères déterminants pour la circulation et la livraison, mais aussi sur les seuils. 60 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises LE CAS DE LA MÉTROPOLE DU GRAND PARIS La Métropole du Grand Paris connaît aujourd'hui une situation similaire. L'absence d'harmonisation des réglementations de circulation et livraison dans les 131 communes qui la composent menace sa cohérence et son efficacité. L'axe présenté ci-après fait 700 m et traverse les communes de Paris, Saint-Mandé et Vincennes, soit trois ensembles de réglementation propres à la circulation des véhicules et aux dispositifs pour la livraison. Figure 22. Rupture de continuité réglementaire dans la MGP (source : DRIEA, 2017) Figure 23. Les territoires et communes impliqués dans le COMOP des règlements de voirie et de livraison (source : MGP, 2018) 61 PARTIE 2 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises La MGP a entrepris de mener plusieurs expérimentations en matière d'harmonisation des réglementations. Elle a créé un comité opérationnel (COMOP) des règlements de voirie et de livraison dans la métropole, dont le but est d'assurer le bon déroulement des expérimentations, produire des recommandations en vue d'aboutir à un règlement harmonisé à l'échelle de la métropole et animer la concertation entre les acteurs publics locaux et les acteurs du transport de marchandises et de la logistique. Le retour de ces expérimentations, actuellement en cours, doit nourrir la mise en oeuvre d'une réglementation harmonisée. Zone n°1 Zone n°2 Figure 24. Les communes d'expérimentation pour des règles de circulation et de livraison harmonisée (source : MGP, 2018) Il ressort des premières discussions que le critère du tonnage pourrait être celui retenu pour la MGP. À nouveau son aspect opérationnel est questionnable. Il ressort également de ces discussions que les aires de livraison sanctuarisées et partagées, comme celles existantes à Paris, seront étendues à l'ensemble de la Métropole. Le COMOP préconise aussi une durée limitée d'utilisation des aires de livraison à 30 minutes régulée par un disque ou bien des capteurs (ce qui nécessiterait la mise en place d'une infrastructure certes plus coûteuse mais qui permettrait une automatisation du contrôle). La possibilité de tester les livraisons la nuit en lien avec l'association CERTIBRUIT est envisagée. 62 NOTES SECTORIELLES 1 Circulation et stationnement La question du périmètre, la portée de l'action locale et les enjeux de l'harmonisation de la réglementation À ce stade de notre étude, nous pouvons d'ores et déjà constater l'existence d'une forte hétérogénéité entre les villes (d'une ville à une autre), au sein des métropoles (d'une commune à une autre, avec une forte fragmentation des règles), et même à l'intérieur des villes (zones piétonnes, centres-villes, rues spécifiques). L'empilement de périmètres et de compétences complexifie grandement la lecture de ces territoires et leur fonctionnement. La lisibilité de la règle est essentielle pour le chauffeurs-livreurs qui effectuent des opérations de livraison. Plusieurs collectivités déplorent l'absence d'outil systématique et précis pour la gestion du fret urbain, contrairement au transport de personnes. Pourtant, les collectivités territoriales ont à leur disposition un large éventail d'outils réglementaires en matière de stationnement, circulation et aménagement, ainsi que de planification, dont les effets sur le fret urbain sont directs et qui en font de bons leviers d'actions. Les arrêtés et les permis de construire sont au coeur de ce dispositif, mais dans la pratique ils sont relativement peu articulés aux documents de planification (voir partie 3). Ainsi les politiques actuellement menées sont incomplètes et ne proposent pas, pour la plupart, de gestion globale et efficiente du fret urbain, qui permettrait aux villes d'avancer dans la prise en charge de ce dernier. Un des enjeux principaux est la mise en cohérence des réglementations. Nos entretiens et nos analyses sur des réglementations au sein des agglomérations montrent que la question de l'harmonisation réglementaire reste aujourd'hui à l'état d'ambition politique, de réflexion. Si cette question est très présente dans les PDU, et dans une moindre mesure dans les SCoT (voir partie 3), elles ne dépassent pas le stade de l'expérimentation, notamment dans la Métropole du Grand Paris. Par ailleurs, on observe une segmentation importante des espaces à l'intérieur des communes, qui complexifie d'autant plus la possibilité d'harmonisation. Le développement de zones piétonnes, les réglementations spécifiques au cas par cas (rue par rue) et la distinction systématique du centreville rendent difficile la lecture des réglementations par les professionnels de la livraison. La question de l'accessibilité de ces centres-villes ou des zones piétonnes devient décisive dans un contexte où la place de la voiture en ville va être réduite et une grande part de la voirie réservée aux transports en commun et modes actifs. 63 NOTES SECTORIELLES 1 Intégration variable de la question des marchandises dans la régulation de la circulation et du stationnement en France S'ajoute à ce constat l'existence d'une grande hétérogénéité entre les villes de France dans leur définition et leur vision des camions et de la logistique. Les enjeux en matière de réglementation du transport de marchandises et de la logistique n'ont pas la même intensité, la même urgence selon les territoires. Tous disposent des mêmes prérogatives et du même arsenal réglementaire mais tous ne s'en saisissent pas de la même façon ce qui crée des situations hétérogènes. En ce sens, la ville de Paris ou la région Île-de-France font figure de collectivités précurseuses en matière de régulation du transport de marchandises et de la logistique, surtout au niveau de l'urbanisme. Il ressort de nos analyses que les outils de réglementation pour la circulation et la livraison sont très utilisés, mais ils le sont de façon différente de ce qui se fait dans les autres villes européennes. Aujourd'hui, la plupart des grandes villes européennes interdisent les camions en fonction de leur âge (zones à faible émission) ; en France les règles sont restées plutôt traditionnelles, fondées sur des normes de gabarit et tonnage. Prise en compte de l'environnement et de la sécurité très limitée Il y a encore très peu de zones à faibles émissions en France et quand elles existent elles sont mal appliquées. Cette situation est dommageable pour les opérateurs de transport qui font l'effort de se mettre en règle et d'avoir des flottes récentes de camions. La faible prise en compte de la dimension environnementale dans la pratique des pouvoirs publics locaux dans un contexte d'urgence climatique est également importante à relever. Si l'application de la loi LOM doit favoriser la généralisation de la mise en oeuvre de cette mesure, elle reste largement dépendante d'une prise en main par les maires ou les présidents des intercommunalités. Sachant que les ZFE sont des outils qui, par nature, réclament un périmètre important couvrant plusieurs communes pour pouvoir être efficace, cela signifie que cette mesure repose sur la mise en place d'une gouvernance efficiente. Or, on voit bien avec l'exemple de la ZFE de la Métropole du Grand Paris que cette mesure ne fait pas l'unanimité. De nombreuses communes de la Métropole ne sont pas concernées par le périmètre (qui correspond à l'intérieur de l'autoroute A86), ce qui rajoute de la complexité à la lisibilité du territoire métropolitain ; mais en plus, un certain nombre de communes concernées ont refusé de faire partie du périmètre. Ce refus, qui relève de leur prérogative, montre bien le pouvoir dont dispose le maire et la difficulté à mobiliser les acteurs publics locaux sur des questions environnementales. Les arguments avancés par ces communes pour refuser la ZFE sont souvent d'ordre socio-économique. Le risque est que cette mesure pénalise les usagers, dont les transporteurs et les PME, qui n'ont pas les ressources suffisantes pour acquérir des véhicules propres. Ce sont les mêmes débats que ceux qui entourent la question des péages urbains. Qu'il s'agisse d'une barrière financière ou d'une barrière environnementale, les conséquences peuvent être importantes pour la structure socio-économique des communes concernées et les emplois, dans un contexte de pénurie des chauffeurs-livreurs et des conditions difficiles de ces métiers. De façon générale, on observe dans les motivations des arrêtés pris par les maires que la question environnementale est rarement au premier plan. Autrement dit, les arrêtés pris ne sont pas ou peu justifiés par la nécessité d'améliorer la qualité de l'air ou la protection de l'environnement en général. Les motivations concernent le plus souvent l'ordre public, la congestion et l'organisation de la voirie et des espaces publics. On retrouve ici des considérations très pragmatiques, mais aussi très éloignées des enjeux pourtant détaillés et repris dans tous les documents de planification (voir partie 3). Remarquons donc que d'une façon générale, les objectifs en matière de développement et d'accompagnement (à la modernisation, à l'optimisation par exemple) de la logistique urbaine sont encore faibles dans la plupart des agglomérations. Les objectifs en matière de politique environnementale prennent de l'importance dans certaines agglomérations et cela peut se traduire par une réglementation en lien avec la logistique ou le transport de marchandises, mais les villes françaises sont à cet égard plus timides que dans nombre de pays étrangers. 64 Circulation et stationnement D'autres sujets sont également absents dans la régulation du transport de marchandises et de la logistique en France, comme par exemple la question du « curbside management », la gestion globale des espaces de voirie entre le trottoir et les voies de circulation. Cela permettrait de mieux coordonner le partage de la voirie avec les camions, notamment sur les trottoirs et dans les linéaires de stationnement. De façon un peu générale, la question du partage de voirie est peu traitée au prisme de la logistique et du transport de marchandises dans la planification. Pouvoir de police du maire et gouvernance Le pouvoir de police du maire reste encore aujourd'hui déterminant dans la réglementation du transport de marchandises en ville. Dernier maillon de la chaîne réglementaire, un arrêté municipal permet la mise en oeuvre concrète des objectifs et des ambitions relevés dans les plans locaux d'urbanisme ou les plans de déplacements urbains (voir partie 3). On voit par ailleurs que l'exercice de ce pouvoir de réglementation est peu inclusif. Contrairement à l'élaboration des documents de planification, notamment PDU et SCoT, les acteurs privés issus du secteur de la logistique et du transport de marchandises ne sont en effet pas consultés dans la prise de décision réglementaire du maire. Cela peut déboucher sur des situations difficiles, peu adaptées voire en contradiction avec les besoins des professionnels. Par exemple, la création et la localisation des aires de livraison en sont un exemple probant. Le spatial mismatch qui existe entre l'offre et la demande d'aires de livraison est le résultat direct de décisions prises unilatéralement, ou uniquement en discutant avec des acteurs très locaux (un commerçant particulier). Cette pratique tend à crisper les acteurs privés qui se sentent rejetés des espaces urbains et déconsidérés. La difficulté du métier de chauffeur-livreur est aussi due à cette image de « gêne » ou de « nuisance » confortée par des réglementations qui cherchent à limiter leurs mouvements. La mise en place d'une gouvernance ou d'une consultation, voire la création d'un schéma portant sur la circulation et le stationnement élaboré conjointement avec les acteurs privés de la logistique et du transport pourraient permettre d'améliorer la situation. Un contrôle variable qui limite la portée des réglementations Les communes rencontrent certaines difficultés à faire appliquer ces réglementations. Il existe des fraudes qui en limitent la portée. Le cas est connu avec le parking en double-file, le parking sur les bandes cyclables ou les trottoirs. Sur les réseaux sociaux (par exemple, Twitter et le hashtag #GCUM), de nombreuses infractions sont recensées chaque jour par des usagers mettant en cause d'autres usagers de la voirie, notamment les chauffeurs-livreurs, ainsi que l'absence de contrôle des responsables publics qui sont interpellés. Le contrôle des règles est nécessaire pour que les réglementations soient effectives. Il existe des contentieux qui permettent à l'usager ou au livreur de contester la réglementation et de la remettre en perspective par rapport à sa pratique (par exemple une place de livraison mal positionnée). Les contrôles permettent de pacifier l'espace public et de ne pas dégrader l'image des chauffeurs-livreurs. Nos entretiens ont par ailleurs démontré la difficulté de ce contrôle (voir plus loin la discussion sur l'impossibilité en France d'utiliser des caméras de relevé automatique des plaques minéralogiques) et la demande en matière de moyens que cela implique. L'exemple de Strasbourg montre aussi que ce contrôle peut être précédé d'une période de pédagogie, où les agents de voirie ne sanctionnent pas immédiatement mais sont dans l'accompagnement, permettant ainsi d'améliorer les pratiques des chauffeurs-livreurs et le partage de la voirie : « On n'a pas contrôlé les trois premiers mois, parce qu'on a fait des panneaux pédagogiques, on a fait beaucoup de pédagogie pendant deux ans. On n'a effectivement pas contrôlé pendant les trois premiers mois parce que qu'il y avait d'autres priorités ; là, depuis le premier janvier on contrôle tout le temps. On est en train de faire une étude d'évaluation en ce moment pour constater s'il y a ou pas une baisse des véhicules en infraction. Il faut vraiment mettre des équipes, on a une dizaine d'équipages de police municipale qui contrôlent. On a un secteur relativement petit qui est vraiment le centre-ville de Strasbourg. » 65 NOTES SECTORIELLES 1 Circulation et stationnement Des informations peu accessibles Enfin, le difficile accès aux informations renforce l'absence d'efficacité de ces mesures. Notre étude s'appuie sur un relevé exhaustif des arrêtés de circulation et de stationnement et sur les documents de planification. Si ces derniers sont pour l'essentiel en ligne (à quelques exceptions près) ou ont pu nous être envoyés par mail suite à des demandes faites par téléphone, un grand nombre d'arrêtés restent encore difficiles à obtenir par internet. Ce qui signifie que la connaissance en amont des règles de circulation ou de stationnement n'est pas évidente pour les livreurs ou les commerçants qui se fient en général à leur pratique, leur expérience et connaissance du terrain. Les villes sont loin d'avoir toutes une page web consacrée aux règles et aux mesures sur le transport des marchandises, qui présenterait de façon simple et positive le cadre réglementaire. Aujourd'hui la question du contrôle et du respect de ces règles revient de façon chronique. Les livreurs, les commerçants, les particuliers et les professionnels du transport n'ont pas nécessairement un accès facilité à l'information. La mise en place de données géolocalisées par les communes, par exemple, reste encore marginale. En creux, notre analyse révèle aussi la faible présence (quasi absence) de l'utilisation de nouvelles technologies comme des places de stationnement gérées automatiquement, connectées (voir a contrario l'exemple d'AreaDUM à Barcelone), une signalisation connectée, un contrôle automatique, etc. À l'heure du big data, on remarque également que les communes ne disposent que de peu de données sur les marchandises et n'entreprennent que peu l'exercice de recensement et de diagnostic de la situation de leur territoire au prisme de la logistique et du transport de marchandises. Comparé à d'autres métropoles ou villes, la question des outils numériques est peu présente dans la réflexion locale sur la logistique urbaine. 66 PARTIE 3 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique SOMMAIRE 3.1. Planification locale du transport de marchandises et de la logistique urbaine : lecture critique des plans locaux d'urbanisme 3.1.1. Planifier les activités logistiques à l'échelle locale : de la définition d'objectifs à leur réalisation 3.1.2. Planifier le transport de marchandises - Dispositions législatives - Analyse des articles 12 dans les PLU - Conclusion 3.2. Effets locaux de la planification intercommunale sur le transport de marchandises et la logistique 3.2.1. Planifier à l'échelle intercommunale : le SCoT - Conclusion 3.2.2. Plans de Déplacements Urbains - Conclusion 3.3. Planifier les activités logistiques à l'échelle régionale - Conclusion sur les SRADDET 68 69 89 89 90 95 96 96 105 107 124 125 133 67 PARTIE 3 Cette section a pour but d'examiner l'usage du pouvoir d'urbanisme en lien avec la planification à d'autres échelons territoriaux. Le pouvoir d'urbanisme et la planification sont des leviers supplémentaires permettant aux acteurs publics locaux d'encadrer le transport de marchandises en ville et le développement de la logistique urbaine. Si la réglementation permet de réguler une situation actuelle, la planification a pour but d'anticiper dans les constructions futures, dans le développement de la ville, les évolutions en lien notamment avec les besoins des activités et des habitants. Les documents de planification traduisent à la fois la vision de ces acteurs pour leur territoire mais aussi leurs actions pour le développement urbain et territorial. La planification porte autant sur l'usage du sol et les projets urbains (PLU, SCoT, SRADDET) que sur les politiques de transport et la mobilité (PLU, PDU, SCoT, SRADDET). 3.1. PLANIFICATION LOCALE DU TRANSPORT DE MARCHANDISES ET DE LA LOGISTIQUE URBAINE : LECTURE CRITIQUE DES PLANS LOCAUX D'URBANISME Les plans locaux d'urbanisme (PLU) sont des documents à la fois stratégiques et réglementaires qui permettent de définir les grandes orientations du territoire guidant l'élaboration des projets urbains, permettant aussi de définir les règles d'utilisation du sol. Comme nous l'avons rappelé précédemment, l'échelon local a conservé toute son importance en matière de planification. Ainsi la prise en compte de cette question à cette échelle est déterminante pour le développement de la logistique urbaine et le futur du transport de marchandises. Dans cette partie nous avons analysé les PLU correspondant aux vingt villes de notre échantillon. Afin de systématiser leur analyse, nous avons sélectionné dix mots-clés (« livraison », « marchandises », « fret », « logistique », « poids lourds », « dernier kilomètre », « entrepôts », « véhicules », « stationnement » et « transport »), à partir desquels nous avons effectué un recensement sur l'ensemble des documents du PLU. Sur ces dix mots-clés, les sept premiers entrent dans le champ lexical de la logistique et du transport de marchandises et les trois derniers dans le champ du transport en général (ils peuvent concerner le transport de personnes ou de marchandises). Nous les avons ensuite groupés selon deux catégories : « fret-logistique » (en bleu) et « mobilité passager » (en orange). L'hypothèse étant que la récurrence de ces mots nous donne une bonne indication générale sur la prise en compte de la question des marchandises et de la logistique dans la planification locale. Nous avons volontairement pris des termes liés directement à la question logistique et aux marchandises, mais également des mots liés au transport (passager et marchandises) qui permettent aussi de remettre en perspective le traitement du transport de marchandises par rapport au transport de personnes. 68 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Le graphique suivant représente le nombre d'occurrences des mots concernant le transport de marchandises et la logistique dans les vingt agglomérations. 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% n es llie r Lil le el le ille nd ris se le rs tie oû Le g s x s au an ob ue ur lo u se Na n nn Pa ra M ar To u on t ra s Bo t-F Ro St G Figure 25. Occurrences des mots-clés du transport de marchandises dans les PLU Il est intéressant de noter que la question du transport de marchandises et de la logistique, indépendamment de la façon dont elle est traitée dans le document, est présente dans tous les PLU observés. Globalement, on observe une évolution des PLU en faveur de la logistique et du transport de marchandises (Debrie, Heitz, 2017 ; Raimbault, Dablanc, 2015). Cependant, il semble que cette question reste largement sous-traitée. L'intégration de la question des marchandises et de la logistique varie grandement en fonction des villes. Les PLU n'ont pas tous intégré de la même façon cette question. On note que c'est Paris qui mentionne le plus la question des marchandises dans son PLU. Néanmoins, la mention d'un mot-clé en lien avec la logistique ou le transport de marchandises ne signifie pas que cette question est bien intégrée dans une stratégie de développement économique, territoriale ou dans des projets urbains concrets. Afin de pouvoir mettre en évidence ces différences, nous proposons une lecture analytique de ces PLU, en distinguant ce qui ressort des objectifs de ce qui ressort de la mise en oeuvre. 3.1.1. Planifier les activités logistiques à l'échelle locale : de la définition d'objectifs à leur réalisation Comme nous l'avons rappelé dans l'introduction, les PLU se composent de deux volets. Un premier qui détermine les objectifs en matière de développement urbain et traduit les ambitions à moyen et long termes portées par la commune ; et une partie règlementaire qui impose des conditions, des règles d'usage du sol et des normes aux nouvelles constructions et projets urbains. Seule la partie réglementaire est opposable à un permis de construire. Le PLU n'est par ailleurs pas opposable à un arrêté municipal. Cl er m on M La M Cr eu bo O rlé rd e pe re n er Ro Re ch so te t 69 PARTIE 3 En matière de transport de marchandises et de logistique, il n'est pas rare de constater un écart entre les objectifs et leur mise en oeuvre (Debrie, Heitz, 2017). La prise en compte de ces questions dans les objectifs et orientations traduit bien la prise de conscience des acteurs publics sur l'intérêt de réguler le transport de marchandises et la logistique, mais la faible transcription de ces questions dans les règlements et les projets urbains révèle le manque d'expertise, de moyens ou d'engagement concret sur ces questions de la part des acteurs publics locaux. On constate aussi l'absence de « rétro-contrôle » de ces questions une fois le projet urbain développé (par exemple des espaces de livraison internes correctement construits mais non utilisés par la suite). Dans les PADD des PLU on retrouve souvent des objectifs d'optimisation des flux de marchandises en ville et une volonté de limiter les émissions de polluants en lien avec le transport de marchandises. Cela se traduit par une volonté de réorganiser les flux dans la ville notamment en agissant sur le dernier kilomètre et le développement de points intermédiaires, comme des espaces logistiques urbains (ELU) (entrepôts urbains, points relais, consignes, etc.). Les PLU peuvent aussi édicter des règles adaptées à certaines destinations de constructions et, depuis le décret du 28 décembre 2015, à certaines sous-destinations, dès lors que cette différenciation est justifiée dans le rapport de présentation. Les PLU peuvent également édicter des règles concernant directement la construction d'espaces de logistique urbaine, à travers l'utilisation d'une sous-destination « entrepôts » (destination « autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire »). Combinées avec des règles prévoyant une mixité fonctionnelle au sein d'un secteur, d'une unité foncière, voire même d'une construction (ex. : espace de stockage en sous-sol et commerce en rez-de-chaussée), ces dispositions facilitent l'intégration de petits espaces logistiques dans le tissu urbain. Le changement de sous-destination d'une construction à l'intérieur d'une même destination (ex. : transformation de locaux industriels en espaces logistiques) ne nécessite aucune autorisation d'urbanisme en l'absence de travaux à réaliser (en cas de travaux et selon leur importance, une déclaration préalable ou un permis de construire sera requis). Par ailleurs, des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) peuvent être définies dans le PLU pour moderniser, rénover des plates-formes logistiques existantes ou intégrer dans le tissu urbain des espaces logistiques. LE CAS DU PLU DE PARIS 1 Diagnostic Dans le diagnostic préalable au PLU et le PADD on retrouve les grands objectifs de la commune en matière de développement urbain. En matière de logistique urbaine, la ville de Paris défend la mise en place d'un modèle urbain particulier, constitué (idéalement) d'un réseau maillé d'entrepôts urbains, connectés à des plates-formes logistiques qui assurent l'approvisionnement et la distribution des marchandises dans Paris. Ce réseau a pour but de favoriser la mutualisation des marchandises et le report modal. La livraison est censée pouvoir se faire depuis ces entrepôts urbains par des véhicules électriques, des véhicules propres (hydrogène ou gaz), des vélos-cargos ou même des livreurs à pied. Le schéma de la figure 26 expose le maillage théorique de ces entrepôts urbains dans Paris. Celui-ci fait partie d'un travail préparatoire réalisé par l'APUR, mais ne figure pas directement dans le PADD du PLU de 2016. Toujours dans ce travail préparatoire réalisé par l'APUR, les espaces fonciers disponibles pour implanter ces entrepôts urbains ont été recensés. La figure 27 permet de les localiser. Il est intéressant de noter qu'à nouveau la ville n'a pas intégré cette carte dans son document final (son PADD). 70 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Légende : Plateformes multimodales Lieux d'échange Flux marchandises : Massifiés Eclatés Dernier kilomètre 0 600 m Figure 26. Schéma du maillage logistique de Paris (source : APUR, 2013) Figure 27. Schéma de localisation des emplacements potentiels pour le développement d'une activité de la logistique urbaine (source : APUR, 2013) 71 PARTIE 3 2 PADD Le PADD a finalement arbitré différemment et retenu une partie des espaces suggérés par le travail de diagnostic de l'APUR. Regroupés dans les zones UGSU, les espaces logistiques montrent l'attention croissante portée par la ville de Paris au maintien de la logistique dans le tissu urbain et au développement de nouvelles filières. Il s'agit pour la ville de permettre l'accueil des activités de logistique et de services tout en respectant la qualité paysagère urbaine et en assurant la mixité des fonctions, ceci dans un milieu dense. Les sites logistiques existants sont, pour leur majorité, concentrés le long de la Seine et près des voies ferrées. Le PADD renvoie au PDUIF et au SDRIF sur les questions de report modal, d'où le choix d'une localisation des entrepôts urbains à proximité des voies ferrées et du fleuve. Figure 28. Schéma de mise en valeur de la Seine (source : PADD, PLU, Paris, 2016) 3 OAP Dans les orientations d'aménagement et de programmation du PLU de Paris, la prise en compte des éléments nécessaires au fonctionnement de la logistique urbaine témoigne d'une véritable volonté d'insérer cette activité dans le tissu dense. Et pour assurer un maillage efficace, la ville prévoit d'augmenter le nombre de sites de tailles différentes. 72 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Figure 29. Schéma des orientations d'aménagement et de programmation de Paris (source : OAP, PLU, Paris, 2016) Cela se traduit par : · L'inscription d'une soixantaine de périmètres comprenant des bâtiments existants, mais aussi de nouveaux sites sur lesquels sont inscrits des espaces de localisation d'équipements de logistique urbaine ; · L'identification par la lettre L dans les schémas des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) des équipements publics à créer ou à modifier ayant pour vocation « Activité logistique ou service à la filière logistique » ; · Des précisions en annexe apportées sur le type et la taille des équipements à réaliser sur ces sites. Figure 30. OAP Nord-Est, Paris (source : OAP, PLU, Paris 2016) 73 PARTIE 3 4 Règlements Dans la partie réglementaire du PLU de Paris, on retrouve une destination du territoire spécifique pour les activités logistiques. Pour la ville de Paris, l'espace parisien devenant rare, il est devenu indispensable de préserver des zones d'accueil pour les équipements et services nécessaires au fonctionnement de l'agglomération, qui apportent un véritable service aux Parisiens, et de définir les conditions dans lesquelles ces équipements et services peuvent durablement s'installer. À cet effet, ces installations ont été rassemblées dans une zone urbaine spécifique, la zone de Grands Services Urbains, ayant pour objectif de les pérenniser et de favoriser leur développement harmonieux et durable. Les objectifs assignés à cette zone portent entre autres sur l'amélioration de la réception, la diffusion et l'enlèvement des marchandises de toute nature en réduisant les pollutions dues à leurs transports par l'utilisation notamment du fer ou de la voie d'eau, modes de transport alternatifs à la route susceptibles de contribuer à l'approvisionnement des activités économiques comme des particuliers (flux entrant et sortant). Le territoire de cette zone s'articule notamment autour des terrains affectés aux transports (réseaux ferrés de transport de voyageurs et marchandises...) et aux activités de logistique urbaine ainsi qu'aux emprises des ports installés sur les berges de la Seine ou des canaux. En 2016 la Mairie de Paris a mis en place une nouvelle catégorie de CINASPIC (Constructions et Installations Nécessaires Aux Services Publics ou d'Intérêt Collectif) dédiée à la logistique urbaine permettant aux espaces logistiques urbains de disposer d'emprises foncières réservées ou d'être intégrés dans les projets urbains. Ces espaces de logistique urbaine sont définis comme les espaces « dédiés à l'accueil des activités liées à la livraison et à l'enlèvement des marchandises, pouvant inclure du stockage de courte durée et le retrait par le destinataire ; sont exclus le reconditionnement, l'entreposage permanent » (PLU de Paris, 2016). Dans les opérations réalisées sur des terrains vierges (terrains nus, parcelles détachées non bâties, emprises de voirie déclassées), la totalité de la surface de plancher devra être destinée à la fonction résidentielle. Cependant par le biais des CINASPIC il sera possible d'inclure dans ces surfaces résidentielles des activités économiques comme de la logistique en rez-de-chaussée. Les CINASPIC permettent donc de développer des projets immobiliers qui reposent sur le principe de la mixité fonctionnelle : en associant des logements et des activités logistiques par exemple. Une autre modification en faveur de la logistique urbaine est également introduite dans le règlement de la zone verte UV (article UV.2.1), autorisant la transformation en espaces dédiés à l'accueil des activités liées à la livraison et à l'enlèvement des marchandises et à la gestion des déchets, des locaux souterrains existants. Les CINASPIC correspondent à une nouvelle catégorie juridique pour des espaces et des bâtiments qui répondent aux besoins de réglementations pour des structures comme les hôtels logistiques. La définition légale de ces CINASPIC exclut de fait une grande partie des activités logistiques ; en insistant sur le stockage de faible durée, ils s'adressent aux activités de messagerie en priorité. Cela tient au fait que les activités logistiques comprises dans les CINASPIC ne peuvent entrer dans le champ de la qualification ICPE qui rend impossible l'intégration d'une activité dans une fonction résidentielle. Cette planification des espaces logistiques dans la zone très dense de la métropole parisienne emporte une différenciation spatiale des activités logistiques. Quelques activités, comme la messagerie ou la distribution alimentaire, ont une place privilégiée dans cette planification, mais d'autres secteurs de la logistique sont oubliés. 74 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique PLU ­ Plans généraux Zonages et destination Zone UG ­ Secteur plus favorable à l'emploi Zone UG ­ Site de protection des Grands magasins Zone UG ­ Secteur privilégiant l'habitation Zone UG ­ Secteur favorisant la mixité habitat-emploi Zone UG ­ ZAC ou secteur d'aménagement Zone UG ­ Secteur de Maisons et Villas Zone UGSU ­ Zone urbaine de grands services urbains Zone UV ­ Zone urbaine verte Limitations des parcs de stationnement Voie sur laquelle la création d'accès à un parc de stationnement est interdite Figure 31. Plan de zonage de Paris (source : Règlement, PLU, Paris, 2016) 75 PARTIE 3 LE CAS DU PLU DE MARSEILLE Le PLU actuel de Marseille est mis en oeuvre depuis 2011, modifié à plusieurs reprises depuis. La Ville a également entamé un processus de participation à l'élaboration du PLUi de la Métropole Aix-Marseille-Provence qui, après les débats publics de 2019, entrera en vigueur en 2020. À nouveau notre analyse s'inscrit dans une période transitoire. On peut penser que les principes développés dans le PLU marseillais se retrouveront dans le PLUi. Mais ce dernier pourrait également amplifier certains aspects. Marseille est une ville portuaire. Le port de Marseille-Fos est l'un des plus importants en France. Le développement logistique est très lié à la croissance du port et des trafics. Dans ce contexte, la ville de Marseille s'est engagée dans un processus de développement de la logistique urbaine. 1 PADD La ville de Marseille a pour objectif de conforter le développement des activités logistiques et industrielles sur son territoire et dans l'hinterland portuaire, notamment par des aménagements et des réserves foncières. Le renforcement de la relation ville-port pour limiter les coupures morphologiques et fonctionnelles, mais aussi pour renforcer les porosités entre ces deux espaces constitue un objectif déterminant. Le traitement de cette interface passe par le développement d'un système de transport pour les passagers et les marchandises, notamment mais bien sûr pas exclusivement, via le fret ferroviaire. Un autre objectif concerne la requalification des zones d'activités économiques principalement logistiques et l'organisation des mobilités, notamment la circulation des poids lourds depuis ces zones vers la ville et le port dans l'optique d'optimiser les flux et de limiter les nuisances : « Veiller à la compatibilité des secteurs dédiés aux activités économiques productives, industrielles, logistiques... » avec leur environnement urbain et surtout avec les zones résidentielles proches, pour limiter les nuisances induites et les conflits d'usage. En particulier, réserver des espaces mutualisés pour les services urbains (déchets, logistique urbaine...) et canaliser les flux de poids lourds pour limiter leurs effets négatifs (nuisances, sécurité routière, risques liés au transport de matières dangereuses...), en organisant des itinéraires entre les autoroutes et les zones d'activités : boulevards urbains économiques connectés aux échangeurs puis voirie adaptée (« trame active ») dédiée aux usagers des zones d'activités, dont les poids-lourds (PADD p.16). On retiendra aussi l'objectif de mutualisation des services urbains. On retrouve ici le même principe qui a guidé la ville de Paris à créer les zones UGSU. Enfin, la ville de Marseille entend promouvoir « l'écomobilité » pour le transport de marchandises en ville et le développement de la logistique urbaine. Cela passe notamment par la mise en place d'un réseau maillé de plates-formes logistiques et urbaines répondant : · Au besoin d'une desserte ferroviaire performante pour le fret, le chantier de transport combiné maritime-continental de Mourepiane constituant à cet égard un projet majeur ; · Aux besoins traditionnels de l'économie urbaine (commerce de gros, messageries...) majoritairement assurés dans la Façade Maritime Nord, qui doivent continuer à être satisfaits dans le cadre des espaces logistiques existants, à requalifier par ailleurs ; · Aux besoins nouveaux en lien avec le e-commerce (messagerie express, livraisons à domicile, vente à distance...). 76 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Le but étant de développer notamment des espaces logistiques de proximité (« consignes, points d'accueil logistique et d'accueil de véhicules pour la redistribution des marchandises, hôtels logistiques... »), mais aussi de réglementer les normes d'émissions atmosphériques et de bruit, d'encourager les innovations en la matière et d'améliorer les conditions de livraison en centre-ville en renforçant « le contrôle, la limitation de la durée de livraison, l'intégration de places de livraison dans les espaces publics et l'aménagement d'aires dédiées en coeur de ville » (PADD, p. 30). 2 OAP Concernant la logistique urbaine ou le transport de marchandises on ne trouve rien dans les OAP permettant de concrétiser les objectifs annoncés précédemment. 3 Règlement Conformément aux objectifs, le règlement du PLU prévoit dans les zones UP (urbaines portuaires) la possibilité de développer des activités logistiques et des dispositions doivent être prises pour les opérations de livraison des véhicules. Dans les zones urbaines (UA) les entrepôts ne sont autorisés que s'ils sont en lien avec les activités déjà présentes dans la commune. Concernant la logistique urbaine on ne retrouve rien dans la partie réglementaire permettant d'entériner des projets. À nouveau le passage difficile des objectifs à leur mise en oeuvre soulève la question de la concrétisation de la logistique urbaine et de l'optimisation du transport de marchandises en ville. 77 PARTIE 3 LE CAS DU PLU DE MONTPELLIER Le PLU de Montpellier, qui a fait l'objet d'une procédure de modification en 2017, présente dans son introduction son engagement sur la question de l'amélioration de la circulation des marchandises dans la ville en lien avec l'objectif du SCOT de « faciliter et rationaliser les livraisons de marchandises et la desserte des pôles logistiques ». 1 PADD La Ville expose son projet de développement de la piétonisation du centre-ville dans une stratégie de redynamisation de cet espace et des commerces qui s'y localisent. Dans cette optique, « des dispositions spécifiques pour permettre la livraison des marchandises dans cette zone seront développées ». La Ville affiche également comme objectif de renforcer le développement de ces zones d'activités économiques, intégrant notamment des activités logistiques. 2 OAP Certains secteurs et projets prévoient d'intégrer ou développer des activités logistiques. C'est notamment le cas de « Garosud », un nouveau parc d'activité en périphérie de la ville qui doit accueillir « un service permanent au marché local (logistique, petite industrie, services, commerces, artisanat) et des grands équipements liés au fonctionnement de l'agglomération (dépôt des bus et des rames de tramway de la TAM, usine de méthanisation) ». On retrouve dans la définition des activités possibles dans ce secteur la notion de services urbains. Comme à Paris, cette zone propose des activités mixtes dont la logistique à destination de Montpellier pourrait faire partie. Sur les 28 objectifs d'aménagement qui composent les OAP du PLU de Montpellier, un seul (celui énoncé plus haut) prend en compte la question logistique. La question du transport et des mobilités, très développée finalement dans le document, se limite aux passagers. 3 Règlement Le règlement du PLU de Montpellier conditionne la construction des entrepôts dans les zones denses au lien qu'ils peuvent avoir avec les activités présentes dans cette zone. Par ailleurs dans certains quartiers, comme celui d'Antigone, ils sont complètement interdits à la construction. Dans certains secteurs, quand les entrepôts sont autorisés, ils doivent être construits de telle sorte que les nuisances soient limitées et ils doivent être compatibles avec leur environnement. Malgré le SCoT et les objectifs déclarés en introduction et dans le PADD, ni les OAP ni le règlement ne semblent particulièrement favoriser le développement de la logistique urbaine ou l'optimisation des flux de marchandises en ville. On note le décalage entre les objectifs et les réalisations : la difficile concrétisation des ambitions sur ces questions à l'échelon local et d'un point de vue réglementaire. 78 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PLU DE CLERMONT-FERRAND Le PLU de Clermont-Ferrand a été approuvé en 2016. Le diagnostic du PLU ne mentionne que peu le transport de marchandises ou le développement d'activités logistiques. Pourtant la Ville intègre des principes de la logistique urbaine qu'elle décline dans les sections suivantes du PLU. 1 PADD La Ville a pour objectif de permettre l'implantation de plates-formes de mutualisation des marchandises à proximité des voies ferrées ou du tramway (la Pardieu, les Gravanches, le Brézet), ainsi que l'instauration de périmètres de livraisons propres, en particulier dans le centre de Clermont. Elle entend aussi développer des points relais pour la livraison de proximité dans des espaces délaissés des zones urbaines favorisant ainsi la mixité des usages. En-dehors des orientations relatives à la mobilité, la ville de Clermont-Ferrand affiche l'ambition de mener une réflexion sur le transport de marchandises, sur les dispositifs de limitation du bruit, sur la qualité des matériaux et des aménagements, notamment dans l'optique de réduire la circulation des poids lourds et des véhicules polluants dans le centre urbain en repensant le système de transport de marchandises. Il s'agit de réduire les émissions de polluants liés au « dernier kilomètre » en réfléchissant à l'adoption d'une Logistique Urbaine Mutualisée et Durable (LUMD). 2 OAP Aucun projet ne permet actuellement dans l'OAP de mettre en oeuvre les objectifs affichés dans le PADD. 3 Règlement Le règlement ne contient aucune disposition relative à la logistique urbaine. On note encore une fois le décalage entre les objectifs et les traductions concrètes dans le règlement. 79 PARTIE 3 LE CAS DU PLU D'ORLEANS Le PLU d'Orléans approuvé en 2013 est aujourd'hui toujours en vigueur. En 2017, la Ville avait fait appel à un bureau d'études pour établir le « fonctionnement global des déplacements et de la logistique urbaine dans la Métropole d'Orléans et la ville d'Orléans ». Cette étude avait pour but d'orienter l'action publique sur ces questions dans un processus de construction d'un PLUi appelé PLUM (Plan Local d'Urbanisme Métropolitain), dont les orientations ont fait l'objet d'une consultation publique à l'été 2019. À nouveau, notre analyse intervient à un moment charnière de préfiguration des PLUi et de consolidation des objectifs de la ville-centre dans la révision de son propre document. On peut donc penser que les principes établis dans le PLU seront présents dans le futur PLUi. 1 PADD Le PADD fixe des objectifs très généraux dans le cas d'Orléans, concernant le renforcement de l'attractivité du territoire, le développement d'une offre en équipements et services en adéquation avec les besoins des habitants et des évolutions de la ville, ou la création d'une ambiance atmosphérique satisfaisante pour la santé. Ce dernier point s'articule notamment autour des véhicules non polluants. Le transport de marchandises n'est pas spécifiquement désigné mais pourrait rentrer en ligne de compte. 2 OAP À nouveau les OAP du PLU de la ville d'Orléans font très peu cas de la question des marchandises et de la logistique à l'exception notable d'une volonté de « promouvoir la mutualisation et l'organisation innovante du stationnement ». Cette mutualisation sous-entend le développement des aires de livraison partagées entre le stationnement des véhicules des particuliers et des véhicules de livraison à différentes heures du jour et de la nuit. À noter que ces dispositions existent aujourd'hui dans la ville d'Orléans et que ces objectifs sont de court terme. 3 Règlement Le règlement écrit du PLU d'Orléans ne contient aucune disposition relative à la logistique, au transport de marchandises ou aux livraisons. La ville d'Orléans ne fait pas de projection à très long terme sur la logistique, traitant la question des marchandises au stade de la seule réglementation. La dimension environnementale est peu prise en compte. L'entretien effectué avec la ville d'Orléans conforte cette observation. Après consultation des acteurs privés (commerçants et transporteurs locaux), le développement d'un CDU n'a pas abouti, ces acteurs n'étant pas particulièrement intéressés par cette disposition. L'action de la ville d'Orléans se concentre plutôt sur les véhicules propres sans toutefois opter pour la mise en place d'une ZFE. Orléans n'emploie pas du tout le levier foncier et immobilier pour développer la logistique urbaine. Si les outils sont les mêmes (PLU), les villes les utilisent de façon très différente, dans la définition de leurs objectifs ou dans la réglementation du sol. 80 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PLU DU CREUSOT La ville du Creusot ne fournit aucune disposition relative au transport de marchandises ou à la logistique dans son PLU. La Ville étant également dans un processus de construction de son PLUi, on peut se demander dans quelle mesure ces questions seront davantage prises en compte dans le futur document. Il est intéressant de noter que le PLU du Creusot met l'accent sur le re-développement du centre-ville en lien avec la lutte contre le délaissement de ces espaces aux profits des zones commerciales en périphérie. Ainsi son PADD porte notamment sur la « réorganisation de l'offre commerciale » qui limite l'extension des centres commerciaux, interdit la création de nouvelles zones commerciales, encadre les transferts entre locaux pour limiter la vacance commerciale. Ces objectifs s'inscrivent dans un contexte généralisé de crise des centres-villes dans les villes moyennes en France. Dans les actions envisagées dans le PADD on retrouve la volonté de piétonniser des espaces, réduire la place de la voiture en ville en retirant des stationnements gratuits et en requalifiant certains axes de circulation afin de porter un projet de mobilité apaisé. Dans ce PADD ces objectifs s'accompagnent d'une prise en compte des besoins des habitants et des commerces en matière de livraison : « Il faudra aussi évaluer la nécessité de mieux organiser les livraisons de marchandises en ville, pour limiter les nuisances occasionnées par l'accès, le stationnement, ... des véhicules de livraison et pour répondre aux évolutions observées sur le nombre et la fréquence des livraisons auprès des particuliers, notamment liées à l'explosion du E-commerce. Cela se traduira par une réflexion sur la mise en place de systèmes de logistiques urbaines propres et pour la gestion du dernier kilomètre (mise en place d'espaces logistiques urbains...) ». Au-delà de cette mention du dernier kilomètre, le reste du PLU ne prévoit rien permettant la réalisation concrète de cet objectif, démontrant ici l'existence d'un décalage entre les objectifs et les réalisations. 81 PARTIE 3 LE CAS DU PLU DE LA ROCHELLE La Rochelle est une ville portuaire. Le port est autonome comme celui de Marseille. Cela signifie que la croissance logistique des espaces portuaires n'est pas dépendante d'une politique publique locale mais bien de l'action du port lui-même. Il y a donc deux entités compétentes pour développer des activités logistiques dans l'agglomération de La Rochelle, comme dans le cas de Marseille ou de Strasbourg. Du fait de cette activité portuaire la question logistique est relativement bien intégrée aux documents de planification. La zone UPM est destinée à recevoir des constructions, installations ou aménagements qui sont en rapport avec les activités portuaires, logistiques et industrialo-portuaires (pêche et culture marine, commerce maritime, Marine nationale). Le secteur UPM correspond au secteur soumis aux risques de submersion marine. Par ailleurs, La Rochelle a développé l'un des premiers centres de distribution urbaine, ou plate-forme de mutualisation, en France (voir partie 4). En lien avec la volonté de promouvoir la logistique urbaine, celui-ci a été localisé à proximité du centre-ville, loin du port maritime, à proximité d'une emprise ferroviaire. Aujourd'hui implanté dans une zone Ufx, qui correspond « aux emprises qui jouxtent la gare SNCF. Ils visent à limiter tout développement de l'urbanisation dans l'attente d'un projet d'ensemble sur ce secteur en lien direct avec le centre-ville ». Or, dans le PLU de 2017, seules les activités logistiques et de bureaux sont autorisées dans cette zone à condition « qu'elles soient liées au trafic et à l'exploitation du réseau ferroviaire ». À notre connaissance aujourd'hui, le CDU ne fonctionne cependant pas avec le ferroviaire. Le CDU de La Rochelle est surtout original sur le plan réglementaire. Il met en oeuvre en effet le seul « service public du transport de marchandises » en France, car son fonctionnement est en effet confié à un concessionnaire dans le cadre d'une délégation de service public, et bénéficie pour cela de subventions d'exploitation. Ce schéma a été longtemps « illégal » sur le plan juridique (dans le droit européen, il est difficile de concevoir un service public des marchandises), mais le droit français, sans doute en décalage avec le droit européen (seule une jurisprudence pourrait nous le confirmer), a récemment autorisé de tels services publics de distribution urbaine des marchandises, si la fourniture par le privé de services de livraison se révèle insuffisante (notamment sur le plan de ses performances environnementales). Figure 32. Extrait du plan de zonage du PLU de La Rochelle, 2017 82 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Il est intéressant de noter la dichotomie des secteurs logistiques. D'un côté on retrouve la logistique portuaire, qui peut être ou non à destination de la ville de La Rochelle, qui correspond à une logistique de longue distance et de gros volumes, aménagée et développée par le port autonome de La Rochelle, et de l'autre la logistique urbaine dédiée à la distribution urbaine aménagée et développée par la ville de La Rochelle. La lecture des documents de planification, notamment du PLU, marque bien cette dichotomie et montre l'absence de coordination de ces deux acteurs autour de la question logistique et du transport de marchandises. Les deux logistiques sont traitées séparément, par des acteurs différents, dans des zones différentes. LE CAS DU PLU DE ROUEN Rouen, à l'instar de La Rochelle, est une ville portuaire, mais fluviale. Au regard des projets de développement de l'Axe-Seine et de fusion des ports HAROPA (Le Havre, Rouen, Paris), on pourrait penser que le développement de la logistique, notamment tournée vers le fleuve, fasse l'objet d'une attention particulière dans le PLU. En effet, le diagnostic rappelle l'importance du fleuve pour le transport de marchandises mais aussi comme une opportunité de développement économique. 1 PADD L'un des principaux objectifs du PLU est le développement du port : « La vocation portuaire et logistique de Rouen doit aussi être confortée. En aval du pont Gustave Flaubert, les projets de redéploiement du terminal de l'Ouest et d'aménagement d'un site intermodal maritime-fluvial sont de nature à réintensifier l'activité portuaire autour du bassin Saint-Gervais. En amont du Pont Corneille, l'activité portuaire fluviale pourrait aussi être amenée à connaître un renouveau. Par ailleurs, l'activité portuaire doit s'ouvrir sur de nouvelles perspectives comme la croisière ou la plaisance ». Le développement portuaire est cependant traité de façon distincte de la question de la logistique urbaine et n'a pas vocation à servir de pied d'appui à une politique de réorganisation des flux de marchandises en ville. 2 OAP Aucune disposition concernant des projets de logistique ou liée au transport de marchandises n'est mentionnée. La Ville semble se reposer sur un développement portuaire porté par HAROPA et ne fait pas du développement de la logistique urbaine fluviale un axe particulier de sa politique en matière de logistique urbaine. 3 Règlement Aucune disposition n'existe concernant le développement des projets logistiques ou en lien avec le transport de marchandises. 83 PARTIE 3 Depuis 2017, la compétence du PLU a été transférée aux intercommunalités, notamment aux métropoles qui ont en charge la mise en oeuvre d'un PLUi. Si cette procédure a pu poser de nombreuses interrogations quant aux calendriers et aux compétences et a incité les élus locaux à revoir leur PLU pour s'armer durant la négociation du PLUi, elle a aussi renforcé l'intégration de la question des marchandises et de la logistique dans la planification et les objectifs de développement de ces territoires à moyen terme. LE CAS DU PLUI DE STRASBOURG Depuis 2016, l'Eurométropole de Strasbourg, qui compte 33 communes, a mis en place un PLUi. Dans la perspective d'une intégration européenne, mais également de développement de la métropole, les principaux objectifs d'aménagement s'articulent autour d'une structuration des pôles urbains, d'une gestion économe et optimisée de l'espace, d'une politique de développement de l'emploi, des logements et de préservation des espaces agricoles. Le PLUi accorde une place relativement importante à la question de la circulation des marchandises et à la logistique. 1 PADD La Métropole entend mettre en oeuvre une politique globale et de gestion des flux de marchandises. L'objectif est d'uniformiser les réglementations en matière de circulation des poids lourds dans l'Eurométropole, pour permettre l'amélioration de la lisibilité des itinéraires pour les acteurs du transport. Le but est également d'organiser le transport de marchandises en s'appuyant sur l'existence de plates-formes logistiques urbaines. Leur localisation doit favoriser l'usage du ferroviaire et du fluvial pour les transports longue distance et, pour les courtes distances, des véhicules électriques, des triporteurs ou du tram-fret. Deux types de « hubs » seront développés : · Des espaces en entrée d'agglomération qui permettent de rationaliser les livraisons et de « massifier » l'approvisionnement ; · Des espaces réservés dans le tissu urbain, à proximité des destinataires finaux (industriels, commerçants et artisans, riverains...), pour assouplir les contraintes de livraison pour les usagers. Le PADD mise également sur la logistique comme une stratégie de développement de l'emploi (en partie). En préservant le foncier qui accueillait auparavant des activités industrielles pour en faire de la logistique et maintenir ainsi des emplois dans ce secteur. La Métropole envisage également de relocaliser les activités industrielles et logistiques de la zone portuaire qui ne sont pas en lien avec le fleuve dans une autre zone. L'ambition est de conforter la fonction portuaire de ces zones, in fine, le transport de marchandises par voie d'eau. La circulation des marchandises fait l'objet d'une préoccupation environnementale, l'objectif étant de rationaliser le transport de marchandises. 2 OAP Dans le secteur métropolitain appelé « coeur métropolitain deux-rives », il s'agit de mettre en oeuvre un projet qui permette d'associer le développement logistique et industriel dans le port et le développement urbain, en travaillant sur l'interface villeport. Le projet repose notamment sur le développement d'entrepôts logistiques liés au commerce. 3 Règlement Le règlement du PLUi ne contient aucun élément sur la logistique ou le transport de marchandises. 84 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PLUI DE RENNES Le nouveau PLUi de la métropole de Rennes s'appliquera fin 2019, alors que le nouveau PLU de la ville de Rennes s'applique depuis le 1er avril après un processus de révision qui a eu lieu entre 2014 et 2019. La mise à jour de ce PLU n'est donc effective que pour quelques mois. La mise en ligne simultanée des documents du PLUi et du PLU nous a permis de mettre en évidence les différences en matière d'aménagement, d'objectifs et de projets portés par ces deux échelons. Les différences sont très importantes. Alors que les deux documents affichent un diagnostic et des objectifs (PADD) proches, les OAP et la partie règlement diffèrent largement. Cela est très clair pour ce qui est de la logistique. Dans le PLU de Rennes, dans les OAP, l'aménagement des espaces logistiques ou la logistique urbaine ne sont pas abordés. En revanche dans le PLUi la logistique y tient une place relativement importante tant sur le plan du développement de la logistique urbaine que sur le plan du développement de la logistique dans les parcs et zones d'activités. Ces perspectives rejoignent des objectifs en lien avec l'environnement et la planification économique, plus stratégiques. 1 Diagnostic du plan local d'urbanisme Dans le diagnostic du PLUi de la métropole de Rennes, la logistique urbaine est mise en avant comme un levier d'amélioration du transport de marchandises en ville du point de vue environnemental mais aussi pour permettre une amélioration des conditions de livraison. Ce diagnostic n'a pas de valeur réglementaire mais permet de mesurer la prise en compte de ces questions par les acteurs publics locaux. « Le diagnostic du PCAET indique que le fret représente 11 % des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire de Rennes Métropole. À Rennes, seulement 20 % des livraisons sont effectuées en recourant aux aires dédiées alors que plus de 40 % d'entre elles ont lieu avec un stationnement en double file. Le centre-ville de Rennes en particulier en tant que pôle commercial majeur, concentre plusieurs problématiques en matière de livraison. Les espaces de stockage sont de petite taille, ce qui implique une gestion en flux tendu et des arrivages fréquents. Le développement des supermarchés en centre-ville nécessite une adaptation des acteurs de la livraison ». Dans le cadre de réflexions menées en accompagnement du PDU, des enjeux ont émergé afin de faciliter et d'organiser les déplacements des acteurs économiques dans les zones urbaines difficilement accessibles et favoriser l'essor d'une logistique urbaine plus durable. Le PDU affiche l'ambition de supprimer les livraisons en diesel dans le centre-ville de Rennes en 2030 et de réduire de 30 % les déplacements en diesel au profit de motorisations électriques ou gaz. Ces enjeux soulèvent un certain nombre de sujets : · La nécessité d'une meilleure connaissance des pratiques de logistique urbaine sur le territoire au travers d'un diagnostic quantitatif ; · La mise en place d'outils efficaces à disposition des acteurs de la profession (en portant une réflexion sur les aires de livraison, leur localisation, leurs horaires et leur lisibilité) ; · Concernant l'émergence de dispositifs innovants (consignes à colis, sas de livraison en commerces...), une prise en compte des besoins d'aménagement pour l'accès des livreurs et de leurs véhicules de livraison ; · Une réflexion sur les grandes aires de livraison, leur adaptation aux chariots et transpalettes, les accès pour les gros gabarits de véhicules ; 85 PARTIE 3 · Une structuration de l'usage de l'espace public en secteur urbain contraint pour sécuriser les livraisons ; · L'identification et la réservation de foncier sur Rennes pour permettre d'accompagner le développement d'espaces logistiques urbains, outils du développement d'une logistique urbaine plus durable ; · La mise en cohérence des réglementations d'accès (circulation, stationnement, horaires) entre les communes de la métropole. 2 PADD Dans le plan d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme de la métropole de Rennes, l'un des objectifs en termes de mobilité concerne le développement de la logistique urbaine : « 5.8 Développer et favoriser une logistique de proximité en s'adaptant aux différentes ambiances urbaines et aux évolutions de consommation et technologiques .» 3 OAP Dans la partie « Orientation d'aménagement et programmation » du PLU de la métropole de Rennes, le point 9 de la partie 2.3 « Les mobilités au service du développement » (Tome 1, p. 71) concerne l'organisation de la logistique urbaine. « La circulation des poids lourds entraînant des nuisances, il existe un enjeu particulier à organiser la logistique urbaine en secteur urbain contraint et notamment dans les centres-villes. Des aires de livraison doivent être aménagées pour structurer l'usage de l'espace public et sécuriser les livraisons. Une réflexion spécifique est à mener sur le dernier maillon de la chaîne logistique, "le dernier kilomètre" et qui pourrait aboutir sur la définition d'une stratégie foncière et immobilière de la logistique urbaine (centre de distribution urbaine permettant le dégroupage et le regroupement de colis). Il conviendrait pour ce dernier kilomètre de privilégier les véhicules à faibles émissions et les mobilités décarbonnées comme la livraison à vélo. » La Métropole de Rennes s'inscrit donc dans une volonté de favoriser le développement d'un immobilier logistique permettant d'optimiser les flux dans la ville et de faire du report modal pour la livraison. Le point 12 des OAP promeut le développement des nouvelles technologies dans la mobilité. La Métropole en s'inscrivant dans une politique nationale portant sur ces nouvelles mobilités, a pour objectif d'appuyer localement le développement des véhicules autonomes notamment pour le fret. L'orientation 1 de la partie 2.4. « Le développement économique et commercial » (Tome 1, p. 76) soulève l'importance de développer une stratégie en matière de localisation des activités « accessibles-spacivores » (logistique, industrie, commerce de gros) qui recherchent de vastes emprises foncières et une desserte routière optimale. L'orientation 3 de la parte 2.4 met en avant la stratégie de requalification des zones d'activités économiques dans leur ensemble qui permette de sanctuariser ces espaces dédiés aux activités industrielles et logistiques pris dans un contexte de pression urbaine importante. La création de nouvelles zones d'activités pour la logistique fait également partie de cette nouvelle stratégie : « Cette offre répond aux entreprises industrielles et logistiques, rayonnant à une échelle nationale et internationale. Ces zones, caractérisées par une topographie adaptée à la réalisation de grands plateaux, doivent être nécessairement bien desservies, et donc situées à proximité des infrastructures de transports. » Ces objectifs prennent aussi en compte la densification des zones logistiques comme la frange est du bois de Soeuvres, et la préservation de la vocation logistique dans la frange logistique nord de la zone « Ecopole sud-est ». 86 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique 4 Règlement La logistique urbaine peut être développée dans les zones UA, UB, UC, UD, UE, UP, UO1. Concernant les entrepôts logistiques, ceux-ci peuvent être développés dans les zones UA, UB, UC, UD, UP, UO1, UE1, UE2, UE3, UO3, UO4 à condition de ne pas générer de nuisances et sous réserve d'intégration paysagère. Ils sont autorisés dans les zones UG1 et 2 à condition d'être liés à la vocation de cette zone, ainsi que dans la zone UG3 ou UGf à condition d'être respectivement en lien avec l'aéroport et l'activité ferroviaire. Ils sont autorisés uniquement par changement de destination et à condition que le bâtiment soit identifié au titre du patrimoine bâti d'intérêt local (ZONE A hors secteur Ad, ZONE N ZONE NP). Ils sont en revanche interdits dans les secteurs Nh, Ah, Ne, UI3, UI4, UI5, UIf, UG4, UGn, UGi, UE4, soit dans des zones naturelles, résidentielles ou très denses du centre-ville. Figure 33. Extrait du règlement graphique du PLU de la Métropole de Rennes, plan de zonage, mars 2019 87 PARTIE 3 Le changement d'échelle dans la planification à moyen terme permet de favoriser l'intégration des objectifs de développement de la logistique urbaine, de la logistique dans les opérations de requalification des zones d'activités économiques et de l'insertion des entrepôts dans la ville au regard des nuisances générées (pollution sonore et visuelle). L'attention portée à ce type de pollution démontre une certaine intention de faire une ville mixte, où ces activités productives cohabitent avec les populations. Ces différents PLU insistent souvent sur la nécessité de développer la logistique urbaine mais aussi un transport de marchandises alternatif. Ces objectifs se traduisent-ils concrètement dans la pratique ? Orléans, disposant d'une étoile ferroviaire assez importante, a pour objectif premier de maintenir les lignes de fret existantes et de les développer par la suite. « On travaille avec la région et la SNCF pour maintenir ces lignes et tous les embranchements à ces lignes qui permettent aux entreprises d'être connectées au réseau ferroviaire. En sachant qu'à la fois la métropole est en soutien mais c'est une politique qui est davantage menée au niveau régional voire national » (chargée de mission Mobilités et PDU, Orléans Métropole). Pour Bordeaux, il est compliqué de favoriser le report modal en fonction de ces spécificités. En effet même s'il y a possibilité d'utiliser un autre mode de transport que la route, ce ne pourra pas être significatif en raison d'un manque d'infrastructures : « On fait difficilement du report modal, on a assez peu de voies ferroviaires qui puissent alimenter le centre de Bordeaux pour de la logistique, on va dire urbaine. On a plus de difficultés encore sur le fluvial où la Garonne historiquement a perdu toute son activité de transport. Il n'y a plus les infrastructures de déchargement donc aujourd'hui il n'y a plus d'activité fluviale sur la Garonne, malheureusement, comme on peut en voir sur la Seine. » Pour y remédier, la ville est en collaboration avec des établissements spécialisés sur ces sujets mais pour l'acheminement de flux de plus petite taille : « On a des travaux qui sont menés notamment avec Voies Navigables de France (VNF) et certaines zones d'agglomération en amont de la Garonne pour essayer de trouver des moyens de transports. Notamment je pense à des granulats, tout ce qui est déchets de chantiers de construction mais aussi des céréales » (Direction Circulation et Stationnement, Bordeaux Métropole). Strasbourg quant à elle a pour objectif de développer les infrastructures permettant la multimodalité, car elle dispose à la fois d'un port et d'une gare de triage : « On a un port, on étudie la possibilité d'un hub ferroviaire, on a un port multimodal sur les trois modes (route, ferroviaire et fluvial). On essaie de renforcer la capacité de traitement des trains de marchandises. ». En ce qui concerne la circulation en ville, Strasbourg privilégie le transport via les mobilités douces : « Dans ce contexte-là y a un modèle économique privé qui a pu émerger, on a deux services privés qui sont installés sur le territoire et qui assurent la livraison en vélo-cargo l'après-midi pour le centre-ville de Strasbourg » (chargée de stratégie logistique urbaine, Strasbourg Eurométropole). Le problème du report modal par voie ferroviaire est son coût important ainsi que sa très faible flexibilité par rapport à la route. En effet l'organisation d'un acheminement par voie ferroviaire se fait très en amont et doit répondre à des règles strictes : « Le fret [ferroviaire], c'est quelque chose qui a du mal à se développer et à être pérennisé car ça a un coût important » (chargée de mission Mobilités et PDU à Orléans Métropole). Même cas pour Strasbourg qui s'est davantage portée sur le fluvial en raison des difficultés à mettre en place du transport de marchandises par voie ferrée. « Pour l'instant avec les opérateurs on travaille mieux avec le volet fluvial mais de toute façon le report modal d'une façon générale est compliqué. Tout simplement en raison du prix du diesel qui est beaucoup plus compétitif. C'est beaucoup plus compétitif de faire du camion qu'autre chose. Donc ça c'est du point de vue des opérateurs, par ailleurs les temps de travaux ne sont pas les mêmes selon qu'on soit une entreprise ou en discussion avec SNCF Réseau ou les instances plutôt portuaires » (chargée de stratégie logistique urbaine, Strasbourg Eurométropole). 88 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique En revanche pour certaines villes de plus petite taille, les enjeux ne sont pas du tout les mêmes. En effet pour le cas de Lens, la ville n'est pas portée sur les aspects liés à la logistique urbaine : « Oui, on en a une [zone logistique] qui est le port de Harnes, c'est un port fluvial qui est sur le chemin du fameux canal Seine-Nord-Europe. Sinon la vraie zone multimodale c'est à Delta 3 sur la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin, où là du coup il y a un terminal ferroviaire. Chez nous c'est surtout du routier à part le port de Harnes » (cheffe de projet mobilité / déplacements, communauté d'agglomération de Lens-Liévin). Ces quelques entretiens et exemples montrent la dichotomie entre les objectifs des PLU et concrètement la possibilité de les mettre en oeuvre. Au-delà de ce qu'autorisent ou permettent les PLU, la difficulté à mettre des mesures en oeuvre est dépendante de la taille de la ville. Plus les villes sont importantes, plus elles auront les moyens de leurs objectifs et pourront mettre en oeuvre un certain nombre de projets mais aussi plus facilement mobiliser et intéresser les acteurs privés. 3.1.2. Planifier le transport de marchandises Dispositions législatives Dans cette section nous analysons l'article 12 des PLU. Le plan local d'urbanisme peut définir, dans cet article, un « ratio logistique » permettant de prévoir des emprises privées pour accueillir les véhicules qui doivent charger ou décharger des marchandises. C'est le choix fait par certaines villes européennes comme Barcelone où une zone de livraison de 25 m² au minimum doit être construite pour tous les nouveaux établissements industriels et commerciaux de plus de 500 m² de surface hors oeuvre nette (SHON). C'est également le cas en France comme à Nice ou Paris où le PLU réglemente les espaces dédiés à la logistique pour les commerces, l'artisanat et l'industrie, les bureaux, les entrepôts, les hébergements hôteliers. En fonction des destinations ou sous-destinations, le rédacteur du PLU peut définir un seuil pour les espaces de stationnement pour la livraison. Il peut aussi définir le dimensionnement de ces aires. Si cette disposition réglementaire présente un réel intérêt en imposant des aires de livraison sur emprises privées qui font moins l'objet de stationnements parasites de la part de véhicules particuliers, la définition de ces ratios constitue un réel enjeu d'appréciation de la situation pour ne pas mésestimer les besoins. La révision du code de l'urbanisme par l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 n'a pas intégré davantage d'éléments sur le stationnement des véhicules de marchandises et l'encadrement des aires de livraison, laissant chaque commune ou EPCI déterminer ces normes dans son PLU. Alors même que cette ordonnance montre l'intégration par le législateur de nouvelles questions posées par l'évolution de la mobilité (intégration des stationnements pour les vélos ou les véhicules électriques par exemple), elle ne propose rien de nouveau pour le transport de marchandises. Par ailleurs, elle renforce certaines dispositions pour le stationnement en général, qui peut, in extenso, s'appliquer au transport de marchandises suivant les interprétations faites par les pouvoirs publics locaux. À travers l'article 12 des PLU, les communes ou les EPCI peuvent : · Fixer un nombre maximal d'aires de stationnement à réaliser pour les constructions autres que l'habitation, lorsque les conditions de desserte en transport en commun le permettent (art. L.15130 et suivants du code de l'urbanisme) et dans le respect des dispositions du PDU. Cette mesure a pour objectif de limiter les usages de la voiture individuelle, en revanche la loi ne prévoit pas de conditions spécifiques ou de dérogation pour le stationnement des véhicules de livraison ; 89 PARTIE 3 · Le PDU peut délimiter des périmètres à l'intérieur desquels les conditions de desserte par les transports en commun permettent de réduire ou de supprimer les obligations imposées en matière de réalisation d'aires de stationnement, notamment lors de la construction d'immeubles de bureaux. À nouveau, rien n'est dit sur la livraison. In extenso, cela pourrait néanmoins s'appliquer au transport de marchandises, même si les logiques sont différentes (il serait dommage, dans le cas des livraisons, de supprimer ces obligations qui permettent de réduire les livraisons sur voirie) ; · Pour les commerces, l'emprise au sol affectée au stationnement ne peut excéder un plafond correspondant à 0,75 fois la surface de plancher affectée au commerce (modulations possibles, encadrées par la loi). La loi ne spécifie rien pour le transport de marchandises, laissant la possibilité aux communes ou aux EPCI de fixer leurs propres conditions ; · Lorsque le PLU tient lieu de PDU, le règlement fixe les obligations minimales en matière de stationnement pour les véhicules non motorisés, en tenant compte des transports en commun. Analyse des articles 12 dans les PLU 67 % des villes précisent dans l'article 12 de leur PLU les conditions pour la création d'aires de livraison, ou en tout cas des conditions pour la livraison des marchandises dans le cas de nouvelles constructions. Ce qui montre qu'il existe encore un tiers des villes, dans notre échantillon, qui ne traitent pas de la question des marchandises dans l'article 12 et ne réglementent pas cet aspect (figure 34). 33% Précise Ne précise pas 67% Figure 34. Utilisation de l'article 12 du PLU pour fixer les conditions de la livraison et du stationnement des véhicules pour les marchandises LE CAS DU PLU DE LYON Dans la zone réglementée UIP du PLU, l'article 12.4 sur les « Dispositions relatives aux livraisons et enlèvements de marchandises » établit que « pour les constructions nouvelles à destination artisanale, commerciale, industrielle et d'entrepôts, le pétitionnaire doit prendre en compte l'impact des livraisons et des enlèvements de marchandises sur le domaine public, notamment en matière d'écoulement du trafic sur la voirie. Si cela est nécessaire, des mesures doivent être prévues pour limiter ces nuisances (ex. : réalisation d'aires de stationnement par le pétitionnaire sur un espace privé, etc.) ». L'article prend bien en compte la question du transport de marchandises et de la livraison, mais laisse à la libre interprétation du maire la prise en compte de l'impact des livraisons. L'article 12 du PLU ne s'accompagne pas de dispositions très précises. 90 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PLU DE PARIS Le PLU de Paris impose la prise en compte des conditions de chargement et déchargement sur les conditions de mise en oeuvre des aires de livraison en fonction des zones. Zones UG12.2 « Les constructions doivent réserver sur leur terrain des aires de livraison. Si elles ne sont pas réalisables de plain-pied, les aires de livraison peuvent être aménagées dans des parcs de stationnement en sous-sol. Les aires de livraison, ainsi que leurs accès, doivent présenter des caractéristiques adaptées aux besoins. » Dans cette zone le PLU prévoit en fonction de cinq destinations (bureaux ; commerces, industries, artisanat ; entrepôt ; hôtellerie ; CINASPIC) des conditions spécifiques en matière de place de stationnement pour les véhicules de marchandises et de livraison. Par exemple pour les bâtiments relevant du commerce, de l'artisanat ou de l'industrie : « Lorsqu'il est construit sur un terrain comportant une surface de plancher relevant d'une ou plusieurs de ces destinations et dépassant 500 m², il doit être réservé sur ledit terrain les emplacements nécessaires et adaptés pour assurer toutes les opérations usuelles de chargement, déchargement et manutention ». Pour les entrepôts, « sur tout terrain comportant une surface de plancher à destination d'entrepôt, il doit être réservé les emplacements nécessaires et adaptés pour assurer toutes les opérations usuelles de chargement, déchargement et manutention. Une aire est exigée pour toute installation, y compris en cas de changement de destination transformant des locaux en entrepôts. Elle doit être de dimension suffisante pour permettre l'accès de véhicules utilitaires et industriels sur le terrain, tout en assurant la sécurité des piétons ». En l'espèce les conditions ne sont pas très précises et laissent de la place à l'interprétation. Zones UGSU12 « Pour tous les établissements, les emplacements nécessaires pour assurer toutes les opérations usuelles de chargement, de déchargement et de manutention adaptées aux besoins de l'établissement doivent être aménagés sur le terrain. » Les zones UGSU accueillent notamment les activités de la logistique urbaine. Cela permet d'adapter les nouvelles constructions au besoin de l'occupant dans une certaine flexibilité. 91 PARTIE 3 LE CAS DU PLU DE LILLE Dans les zones Uad, Ub, Ubz, UC et UD, des dispositions spécifiques sont établies pour les entrepôts et remises, à savoir « la mise en oeuvre de surfaces suffisantes pour l'évolution, le chargement, le déchargement, et le stationnement des véhicules de livraison et de service, et pour la totalité des véhicules du personnel et des visiteurs ». Dans les zones UV, sur chaque unité foncière des surfaces suffisantes doivent être réservées : pour l'évolution, le chargement, le déchargement et le stationnement de la totalité des véhicules de livraison et de service. Légende : P.L.U. UA UB UC Zone urbaine mixte à caractère central et à dominante d'habitat Zone urbaine mixte de densité élevée et à dominante d'habitat Zone urbaine mixte de densité moyenne à dominante d'habitat, assurant la transmission entre les quartiers centraux et les quartiers de faible densité Zone urbaine de faible densité à urbanisation modérée à dominante d'habitat Zone d'activités périphérique Zone d'activités à vocation industrielle et artisanale à maintenir, privilégier et renforcer Zone d'activités diversifiées : bureaux ­ commerces ­ services Zone à dominante commerciale Zones d'Euralille (UL1 : Euralille / UL2 : Euralille 2) Zone de la Haute Borne UK UU UH UN UV AUC AUD A UP NP Zone des rives de la Haute Deule Zone d'équipements universitaires et d'activités scientifiques Zone de la citadelle de Lille Zone de l'Union Zone d'aéroport ou d'aérodrome Zone naturelle à urbaniser constructible Zone naturelle à urbaniser différée Zone agricole Zone de parc urbain Zone naturelle pouvant accueillir des constructions respectant la préservation des sites et des paysages Zone naturelle de protection des milieux écologiquement sensibles UD UE UF UG UX UL UM NE Figure 35. Plan de zonage de la ville de Lille (source : ville de Lille) 92 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PLU DE GRENOBLE Ce PLU est très précis sur les conditions à mettre en oeuvre pour le transport de marchandises lors de la construction d'un nouveau bâtiment. Il laisse peu de places à l'interprétation contrairement aux autres, imposant des gabarits en fonction de la destination des bâtiments par exemple. Dans les zones UA1, UA2, UA3, UB, UC1, UC2, UC3, UCR1 à 9, UD1 à 4, dans le cas de la réalisation d'aires de stationnement pour les poids lourds, ces aires doivent avoir une surface minimale de 12 m par 2,50 m. ZONAGE ZONES URBAINES Centres anciens UA1 Centre ancien de Grenoble UA2 Centres bourgs et villages UA3 Hameaux anciens Tissus hétérogènes et collectifs UB Tissus urbains hétérogènes du coeur métropolitain UC1 Habitat collectif en R + 5 UC2 Habitat collectif en R + 4 UC3 Habitat collectif en R + 3 UCRU Renouvellement urbain Tissus pavillonnaires UD1 Pavillonnaire en mutation UD2 Pavillonnaire en densification UD3 Pavillonnaire en évolution modérée UD4 Pavillonnaire au développement limité Parcs urbains et équipements UV Parcs urbains UZ1 Équipements collectifs et touristiques UZ2 Campus universitaire UZ3 Défense nationale et administration pénitentiaire Zones économiques UE1 Activités productives et artisanales UE2 Activités de production industrielle UE3 Activités productives et de services UE4 Activités tertiaires et technologiques ZONES AGRICOLES ET NATURELLES Zones agricoles A AL Zones naturelles N NL Agricole STECAL en zone agricole Naturelle STECAL en zone naturelle Figure 36. Plan de zonage de la ville de Grenoble (source : ville de Grenoble) 93 PARTIE 3 Le PLU de Grenoble donne aussi des indications précises concernant les différentes destinations (artisanat et commerce de détail ; restauration, commerce de gros, industrie, entrepôts, bureaux ; bureaux et locaux ERP) : Destination Artisanat et commerce de détail Restauration, commerce de gros, industrie, entrepôts, centres de congrès et d'exposition, bureaux Locaux et bureaux accueillant du public, administrations publiques et assimilés Autres destinations 1 000 m² surface plancher Obligations Pas d'obligations Prise en compte du besoin de livraisons généré par l'opération et mise en oeuvre des mesures nécessaires pour limiter leur impact sur le bon fonctionnement de l'espace public 1 000 m² surface plancher 4 000 m² surface plancher Réalisation d'au moins une aire de livraison poids lourds Pas d'obligations Pour conclure, on note que le cadre législatif laisse suffisamment d'ampleur aux pouvoirs publics locaux pour déterminer dans leur PLU les conditions de stationnement pour les véhicules de livraisons. De ce fait, on observe une importante hétérogénéité dans l'application de ce dispositif avec des dispositions plus ou moins détaillées, laissant plus ou moins de place à l'interprétation et l'adaptation du constructeur en fonction du zonage et de la destination du bâtiment. L'article 12 sert pour la construction de nouveaux immeubles. À lui seul ce dispositif ne résoudra pas les problèmes d'occupation illégale de voirie par le transport de marchandises, la congestion ou la pollution de l'air. C'est une mesure parmi d'autres qui permet d'anticiper dans le futur les besoins en matière de livraison des bâtiments et projets urbains à venir. Cela traduit la prise en compte dans la vision à long terme de la commune de ces questions. À noter qu'une jurisprudence récente rendue par le Conseil d'État en 2018 (CE, 4 avril 2018, Mmes F. et A. C., requête n° 407445) a déclaré qu'un permis de construire peut être annulé (par un tribunal) s'il ne respecte pas les conditions de l'article 12, en l'espèce un nombre insuffisant de places de stationnement prévues par le nouvel immeuble d'habitation. Par analogie, on peut imaginer voir des permis de construire annulés s'ils ne respectent pas les conditions nécessaires en termes de places de livraison. 94 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique CONCLUSION · Décalage entre les objectifs de développement et la mise en oeuvre de projets portant sur la logistique urbaine À la lecture de ces dix PLU, il nous semble important de souligner l'écart entre Paris et les autres villes en matière de planification des activités logistiques et de promotion de la logistique urbaine. On relève également un écart entre ambitions et moyens pour les concrétiser. Dans les diagnostics et les PADD des villes de Paris, Clermont-Ferrand, Orléans, Marseille, Montpellier, Rouen ou La Rochelle, le développement de la logistique urbaine est affiché comme un objectif de développement important, tout comme la meilleure gestion des flux de marchandises routiers dans la ville. Or, les OAP et le règlement n'offrent pas les conditions en termes de projet ou de réglementation permettant la mise en oeuvre de ces objectifs. La logistique urbaine et les problèmes posés par le transport de marchandises en ville sont identifiés comme des thèmes importants dans un certain nombre de villes. Les idées circulent et on note une prise de conscience par les acteurs publics locaux. Certains PADD sont assez détaillés pour proposer des solutions à mettre en place comme des hôtels logistiques ou des espaces de mutualisation des marchandises, sans toutefois entrer concrètement dans le sujet en proposant par exemple des zones dans lesquelles ce développement serait possible ou en intégrant dans le zonage existant des activités logistiques (sauf à La Rochelle). Ce décalage est également mis en évidence par l'analyse des articles du règlement des PLU qui renvoient à des dispositions très précises à mettre en oeuvre et qui ont encore du mal à être concrétisées par les acteurs publics locaux. À l'exception de Paris et de l'Île-de-France, les outils de planification sont peu utilisés. La dimension stratégique de la planification est également très inégale entre les espaces et les échelles considérés. La planification du transport de marchandises et de la logistique par le PLU est encore sous-exploitée. · Absence de prise en compte de la logistique et du transport de marchandises dans les petites villes À noter que les PLU de Moûtiers et de Biarritz ne contiennent aucune référence, aucun projet en lien avec le transport de marchandises et la logistique. En dépit des dispositions de la loi LAURE, certaines petites communes rencontrent plus de difficultés à les mettre en oeuvre. · Le rôle du changement d'échelle institutionnelle dans la prise en compte de la logistique urbaine Si les petites communes ont plus de difficultés à prendre en compte ces questions dans leur planification, il semble que dans les PLUi de notre échantillon cette question soit mieux intégrée. Le changement d'échelon serait donc potentiellement un moyen d'intégrer toutes les facettes de la mobilité dans la planification. La mutualisation des ressources et de l'ingénierie permet sans doute de mettre en oeuvre une planification plus ambitieuse. · Le développement de la logistique urbaine comme un service urbain À Paris, Montpellier ou Marseille, l'intégration de la logistique dans la ville passe par le développement des services urbains. La logistique devient donc au même titre que les centres hospitaliers ou les centres de déchets, un marché urbain structuré par la puissance publique sur lequel des acteurs privés peuvent se mobiliser pour proposer un service. Cette intégration dans les services urbains de la logistique entérine une volonté de co-construire entre acteurs publics et acteurs privés le développement de la logistique urbaine. Les acteurs publics se placent ainsi comme des acteurs pouvant impulser un projet mais nécessitant l'engagement d'acteurs privés soit de la promotion immobilière soit du transport de marchandises. Cette vision pose la question de la généralisation du cadre réglementaire pour le développement de ces activités. En effet, celui-ci repose principalement sur une négociation entre la commune et les acteurs privés au cas par cas. Cette gouvernance par projet (Pinson, 2009) présente des limites au regard de l'uniformisation réglementaire et de la reproductibilité des modèles développés par les entreprises. 95 PARTIE 3 · Le cas des villes portuaires (maritimes et fluviales) : difficiles connexions logistiques Notre échantillon contient un certain nombre de villes qui ont des ports fluviaux (Strasbourg, Rouen, Paris, Lyon) ou maritimes (La Rochelle, Marseille). Ces villes ont donc une expérience en matière de logistique et de transport de marchandises directement en lien avec ces infrastructures. Toutefois la logistique urbaine reste un sujet naissant. À travers la redéfinition des liens entre la ville et le port (Strasbourg, Marseille), la question de la connexion des flux et de la circulation des marchandises apparaît dans les objectifs. Ces villes cherchent à intégrer les marchandises à la ville. Dans le cas de Paris, la logistique urbaine s'empare de la question fluviale, comme à Strasbourg où elle renforce l'articulation entre la ville et le port à travers des projets concrets. Dans les autres villes, la logistique urbaine demeure au stade d'ambition ou d'objectifs en matière de développement sans toutefois se concrétiser sur le plan du projet urbain. · La place des marchandises dans les projets de revitalisation des centres-villes pour les villes moyennes Cette analyse montre aussi la prise de conscience des acteurs publics locaux sur la nécessité d'accompagner les transformations urbaines des centres-villes (piétonisation, pistes cyclables), qui ont pour but de revitaliser ces espaces, de mesures permettant d'effectuer des opérations de livraison dans de bonnes conditions et d'améliorer la circulation de ces véhicules dans les espaces les plus denses. 3.2. EFFETS LOCAUX DE LA PLANIFICATION INTERCOMMUNALE SUR LE TRANSPORT DE MARCHANDISES ET LA LOGISTIQUE À l'échelle intercommunale, la planification concernant le transport de marchandises et la logistique se retrouve dans deux types de documents que nous allons analyser dans cette partie : les plans de déplacements urbains (PDU) et les schémas de cohérence territoriale (SCoT). 3.2.1. Planifier à l'échelle intercommunale : le SCoT Le SCoT s'inscrit dans une perspective de « gouvernance territoriale », il permet à de multiples acteurs de travailler ensemble et de définir les conditions d'une mobilisation collective pour atteindre des objectifs partagés de développement (Leroux, 2012). La réflexion sur la gouvernance territoriale porte sur de nouveaux modes d'organisation et de gestion territoriale, alternatifs aux démarches descendantes classiques. La notion de gouvernance territoriale marque le passage d'une action publique centralisée et descendante ­ essentiellement définie aux sommets de l'État et ensuite déclinée localement ­ à des formes d'action plus ouvertes et horizontales, impliquant davantage d'institutions locales et acteurs privés, associatifs, dans l'élaboration des normes au niveau de territoires politiques émergents. La nouvelle gouvernance peut être définie comme « les nouvelles formes interactives de gouvernement dans lesquelles les acteurs privés, les différentes organisations publiques, les groupes ou communautés de citoyens, ou d'autres types d'acteurs, prennent part à la formulation de la politique » (Marcou et al., 1997). Elle est souvent vue comme un moyen permettant de maintenir ou de rétablir une cohésion territoriale et ce notamment dans les zones urbaines (Brunet-Jolivald et Holec, 1999). Elle met l'accent, selon Leloup et al. (2005), sur la multiplicité et la variété (de nature, de statut, de niveau) des acteurs (organisations à but non lucratif, entreprises privées, citoyens, organisations locales, régionales, nationales et étrangères...) associés à la définition et à la mise en oeuvre de l'action publique. En ce sens, le SCoT donne la possibilité aux communes ou à leurs groupements de s'associer pour mettre en place une politique d'aménagement à l'échelle intercommunale. Élaboré par un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, il doit couvrir un territoire continu en vue d'une coopération renforcée des collectivités territoriales sur ce territoire pour leur développement durable. La détermination du périmètre est en fait le résultat d'un compromis politique nourri de réflexions techniques auxquels participent les élus, l'État et les agences d'urbanisme. 96 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Il convient de trouver un compromis entre différentes collectivités dont les intérêts peuvent être pour partie divergents. Celles-ci peuvent être très différentes en termes de taille géographique ou démographique et peuvent avoir des potentialités de développement très variées dans le domaine de l'urbanisme (habitat, activités). Le SCoT une fois élaboré est à la fois un guide pour l'action publique et un cadre de référence pour les acteurs privés. Parmi les parties prenantes du SCoT ou ensemble d'individus ou groupes d'individus qui peuvent être affectés ou sont affectés par l'objet de l'organisation (Freeman, 1984), il y a les collectivités, l'État, les agences d'urbanisme, les citoyens, les entreprises, les associations (de défense de l'environnement, d'usagers). Dans son processus de création, le SCoT laisse donc a priori plus de place aux acteurs privés, notamment aux acteurs du transport et de la logistique du territoire. Cela doit notamment permettre à cet outil de mieux prendre en compte les questions de transport de marchandises et de logistique puisqu'elles n'ont pas besoin d'être soulevées par les acteurs publics pour pouvoir être intégrées dans la discussion. En effet, l'analyse de quelques SCoT montre une certaine prise en compte de la question du transport de marchandises et de la logistique urbaine, souvent dans une vision stratégique du territoire couplée à l'analyse de l'appareil économique et à la compétitivité des infrastructures de transport. La nature ambiguë du SCoT que nous mettions en avant dans la première partie de cette étude est ici illustrée par l'analyse détaillée des SCoT. Entre diagnostic et document stratégique, ils s'appuient sur un état des lieux de l'armature logistique à toutes les échelles et proposent des objectifs ambitieux en matière de logistique et de transport de marchandises sur le long terme incluant différents modes de transport. Toutefois la portée opérationnelle de ce document est discutable au regard des questions de logistique et de transport de marchandises. Ces documents traitent de façon inégale de la question logistique. Certains vont particulièrement développer cette question quand d'autres vont l'évacuer rapidement. Dans cette section nous présenterons le cas de six SCoT qui nous paraissent représentatifs de l'état de ces documents sur la question logistique : Métropole du Grand Lyon, Métropole d'Orléans, Métropole de Clermont-Ferrand, Métropole d'Aix-Marseille-Provence, Nantes Métropole et Bordeaux Métropole. À noter que Paris n'est pas soumise à un SCoT. Celui de la Métropole du Grand Paris est aujourd'hui soumis à la consultation publique et devrait entrer en vigueur en 2020. LE CAS DU SCOT DE LA MÉTROPOLE DU GRAND LYON Le document d'orientation et d'objectifs (DOO) du SCoT a une valeur prescriptive, il s'impose au PLU à travers un lien de compatibilité. Il est important car il définit des zones où le développement logistique peut être renforcé et pas seulement pour la logistique urbaine, aussi pour des zones logistiques plus traditionnelles. Le SCoT de l'agglomération lyonnaise propose une vision stratégique de la localisation des activités logistiques. Il s'appuie sur le schéma de cohérence logistique en région urbaine de Lyon (2005-2020). Le SCoT privilégie la multimodalité, la proximité aux consommateurs, il précise aux collectivités les actions à mettre en oeuvre : · Favoriser les implantations logistiques à vocation de proximité selon le concept « d'espace logistique urbain » (ELU), c'est-à-dire de lieux intermédiaires pour opérer des ruptures de charge et proposer des services aux commerçants comme aux particuliers ; 97 PARTIE 3 · Prévoir la création de centres de services autour du transport de marchandises pour éviter les stationnements anarchiques de poids lourds ; · Harmoniser les réglementations municipales concernant la circulation des poids lourds, via les plans de déplacements urbains ; · Inciter à l'utilisation des modes actifs pour les fonctions de redistribution (vélos et véhicules utilitaires légers) ; · Développer l'utilisation de rames de tramway, à l'exemple de la Suisse, pour assurer le cheminement de colis dans les zones denses. Figure 37. Équipements et zones logistiques (source : DOO, SCOT Grand Lyon, 2004) On note que dans le cas du SCoT du Grand Lyon l'harmonisation est un objectif à atteindre. 98 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU SCOT DE NANTES Le schéma logistique élaboré par le Pôle métropolitain a pour objectif d'améliorer les conditions d'accueil et d'activités des entreprises logistiques, d'optimiser la circulation des flux, de conforter et de renforcer les fonctions logistiques portuaires, ferroviaires et fluviales et de favoriser les reports modaux sur des modes de transports alternatifs au routier, en développant la logistique urbaine. Le développement économique doit d'abord s'effectuer dans les centralités qui pourraient davantage contribuer à la création d'emplois et à l'accueil d'activités (notamment le commerce, dont les implantations doivent être maîtrisées), en préservant des capacités d'accueil pour l'industrie et la logistique. Cette dernière est prise en compte à toutes les échelles. La présence du Grand Port Maritime et la nécessité de rationaliser les flux de marchandises à l'échelle locale imprègnent le SCoT. Les choix réalisés dans le SCoT s'appuient sur l'étude du schéma logistique de la métropole Nantes Saint-Nazaire qui a été menée en 2013 par le Pôle métropolitain. Cette étude a réuni l'ensemble des acteurs publics et privés de la logistique pour réfléchir ensemble à l'avenir du territoire. Une ambition commune a été conçue et déclinée en actions, que le SCoT intègre pour partie (espaces fonciers dédiés à la logistique, développement des infrastructures et de la multimodalité par exemple). Le soutien au projet du Grand Port et la préservation des ressources foncières sont deux orientations majeures. Ce schéma logistique métropolitain acte trois orientations stratégiques auxquels les documents d'urbanisme locaux doivent concourir : · Le renforcement des atouts logistiques au service d'un hub industriel estuarien consolidé et diversifié et du développement de la métropole en dynamisant les activités existantes, en valorisant l'excellence logistique liée aux grands ensembles mécaniques, à l'économie maritime, et au plein essor des énergies marines renouvelables. Le développement industriel et les fonctions portuaires seront intégrés durablement sur le territoire ; · Le Grand Port de la façade Atlantique, plate-forme d'interconnexion aux corridors de fret européens en élargissant la vocation régionale du Grand Port pour tous les trafics (vracs industriels, énergie, conteneurs), voire en lui donnant une vocation nationale, en renforçant ses liens avec l'industrie. L'hinterland du Grand Port doit être élargi vers l'Europe grâce aux connexions aux corridors transeuropéens ; · Un pôle d'excellence pour la recherche, la formation et les services en logistique : s'appuyer sur les structures collaboratives existantes (Néopolia, PA SCA) pour développer ce pôle d'excellence, en rapprochant les compétences recherche logistique-structures de recherche (IRT, EMC2), notamment sur les questions de logistique urbaine, logistique complexe et grands ensembles mécaniques. 99 PARTIE 3 LE CAS DU SCOT DE BORDEAUX Le SCoT de Bordeaux Métropole insiste sur la réflexion à mener en matière d'organisation du transport de marchandises, d'aménagement logistique de l'aire métropolitaine intégrant les potentialités alternatives et de logistique urbaine. L'un des objectifs affichés est de privilégier le développement du fret ferroviaire par la création d'un axe ferroviaire complémentaire afin de désengorger les axes d'accès à l'agglomération, tout en offrant de meilleures conditions aux transporteurs. La métropole de Bordeaux entend également proposer un plan permettant la hiérarchisation des implantations logistiques (plates-formes ou centrales d'achats) d'approvisionnement de l'aire métropolitaine, en pensant aussi bien à leurs localisations et leurs fonctions spécifiques qu'à leur accessibilité. À l'heure de la sobriété énergétique, les modes alternatifs à la route (ferroviaire, fluvial) pour la desserte des plates-formes logistiques et des installations portuaires apparaissent comme des solutions privilégiées à mettre en oeuvre à l'échelle métropolitaine. La métropole de Bordeaux marque également sa volonté d'initier un schéma d'accueil et de développement des sites d'activités logistiques, intégrant la relance de l'ambition portuaire et du transport fluvial. Le coeur d'agglomération fait l'objet d'une ambition spécifique en lien avec la logistique urbaine. La logistique du dernier kilomètre doit bénéficier de sites appropriés, qui devront être connectés dans leur fonctionnement au réseau de « logistique métropolitaine » et aux sites de logistique de « corridor ». Par ailleurs, la Métropole entend lancer un chantier sur l'harmonisation des réglementations en matière de circulation poids lourds afin de fluidifier et rendre plus lisibles les itinéraires. La Métropole affiche également comme objectif de soutenir des programmes d'expérimentation en termes de logistique urbaine des petites distances et des petits volumes tant dans la diversification des supports de déplacements (voies navigables, etc.) que dans le développement de moyens d'acheminement des marchandises au coeur des tissus (tramway, camionnettes électriques...). On note également la volonté de réinterroger le rôle du MIN de Bordeaux vis-à-vis de la logistique urbaine et de l'évolution de la demande dans son rôle en matière d'approvisionnement de l'hypercentre métropolitain. La figure 38 est extraite du DOO du SCoT de Bordeaux. Le document d'orientation et d'objectifs regroupe l'ensemble des prescriptions réglementaires pour la mise en oeuvre du SCoT. Seul document opposable, une fois approuvé et validé par la préfecture, il sert de support pour la rédaction et la mise en application des documents d'urbanisme, tels que le PLU ou le PLH qui doivent être compatibles. La logistique est ici adossée au développement de l'armature commerciale, notamment dans un rapport de proximité. Afin de maintenir l'activité commerciale dans le coeur de l'agglomération, la Métropole se tourne vers la logistique urbaine et invite les communes du SCoT à intégrer cette dimension dans leur réflexion sur le développement économique et commercial. De plus en plus la question logistique va être liée à la question commerciale dans la pratique des politiques publiques locales. 100 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Figure 38. ScoT Bordeaux ­ « Mettre l'équipement commercial au service des territoires ­ V2 Encourager les pratiques de proximité à l'échelle des quartiers et bassin de vie » 101 PARTIE 3 LE CAS DU SCOT DE CLERMONT-FERRAND Pour contribuer à économiser les ressources fossiles, le Grand Clermont propose d'agir de plusieurs façons : 1) développer des solutions moins polluantes pour le transport des marchandises (fret ferroviaire, sites logistiques multimodaux) et des personnes (transports collectifs, co-voiturage) ; 2) chercher des solutions pour l'approvisionnement en matières premières minérales, en concertation avec les territoires limitrophes, tant en termes de sites d'exploitation que de plates-formes de stockage. Cette orientation est primordiale à l'échelle du SCoT, étant donné les perspectives de construction de logements et le transport de matériaux ; 3) rouvrir la réflexion sur les conditions d'acheminement des marchandises et des matières premières comme le bois énergie, notamment en provenance des territoires fournisseurs comme le Livradois Forez, le Sancy, les Combrailles. La nature industrielle de ce territoire (industrie lourde) montre son intérêt pour le transport de marchandises en lien avec l'approvisionnement de la ville en biens mais aussi l'approvisionnement des entreprises industrielles en matières premières. Les objectifs en matière de logistique et de transport de marchandises ne concernent donc pas que le BtoC et le B2B très urbain mais aussi le BtoB plus industriel. Néanmoins, ce document accorde une place relativement importante à la question des conditions de desserte en marchandises des espaces urbains. Le DOO fixe pour orientations d'assurer les besoins en stationnement pour les livraisons (p. 21). Afin de rationaliser le transport de marchandises et les livraisons à l'échelle de l'agglomération clermontoise, le DOO fixe pour orientations de : · Rationaliser les systèmes de desserte en mettant en place des mesures d'optimisation et des services d'accueil, notamment par la définition d'itinéraires en fonction du tonnage des véhicules ; · Assurer l'attractivité des centres urbains par des mesures facilitant les livraisons pour les activités économiques et commerciales en améliorant les conditions de stationnement pour les véhicules de livraison et en intégrant dans les PLU les besoins de création d'emplacements réservés aux livraisons ; · Mettre en oeuvre des schémas permettant la circulation des camions de transport de productions agroalimentaires et de transfert d'aliments ; · Diminuer les nuisances liées au trafic des poids lourds, tant sur la circulation que sur la qualité de vie des quartiers traversés en favorisant l'usage des véhicules propres et silencieux pour les livraisons et les enlèvements ; en promouvant le fret ferroviaire pour les besoins du coeur métropolitain et en recherchant la complémentarité modale route ­ fer, en particulier lors de la création de nouvelles zones d'activités et logistiques ; · Privilégier la voie ferrée Ambert/Pont de Dore/Clermont comme moyen de transport pour l'acheminement des matériaux de carrière et du bois ; · Développer le potentiel de la gare de triage ferroviaire de Gerzat ; · Créer un pôle intermodal de transport de marchandises avec déplacement de l'activité conteneurs actuellement située à Gerzat. Le document cherche à inciter les communes à réglementer les itinéraires empruntés par les poids lourds et harmoniser les conditions de stationnement ou de livraison. Or, ces éléments renvoient au pouvoir de police du maire. Le SCoT a ici une fonction élargie qui n'est pas seulement de servir de support à la rédaction du PLU mais également de provoquer des changements dans la pratique du pouvoir du maire concernant le transport de marchandises. 102 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU SCOT DE MARSEILLE Adopté en 2012, le SCoT de la métropole d'Aix-Marseille-Provence fait aujourd'hui l'objet d'un processus de révision. Il prend là aussi en compte les enjeux logistiques et du transport de marchandises à plusieurs échelles. La logistique urbaine à l'échelle locale et la logistique en lien avec le développement du port maritime à l'échelle régionale. En matière de logistique d'approvisionnement le SCoT de Marseille met en avant l'importance du report modal : « La logistique urbaine doit évoluer dans la mesure où l'accès par camion de fort tonnage sera découragé hors des autoroutes et boulevards urbains. L'utilisation d'autres supports modaux sera recherchée. Il y a là un important champ de recherche et d'innovation à développer illustré par le fret-tramway. » Plusieurs objectifs sont poursuivis comme l'intégration de la dimension logistique dans les projets urbains et notamment dans l'hypercentre de Marseille, zone principale de consommation (réglementation adaptée, aménagement de voirie...). Ce point est particulier car rarement traité. Ici la logistique est intégrée au développement urbain et aux projets urbains directement. On peut supposer qu'il s'agit d'une volonté d'inciter les communes à utiliser l'article 12 des PLU pour permettre le développement de dispositifs pour la livraison des marchandises. Au regard de son activité portuaire, la Métropole entend capitaliser sur le port de Marseille ainsi que sur la plateforme ferroviaire restructurée de fret et de transport combiné de Mourepiane qui traitent la logistique exogène alimentant le réseau des plates-formes logistiques urbaines. On note également l'importance d'un objectif déjà noté dans le PLU concernant l'interface ville-port que l'on retrouve dans cet extrait du DOO. La métropole d'Aix-Marseille-Provence a pour objectif de favoriser le développement de lieux permettant « le basculement des marchandises des véhicules de gros tonnage à des véhicules de livraison adaptés à la circulation urbaine. Les plates-formes des Aiguilles à Ensuès-la-Redonne et celle située à proximité de la gare d'Arenc à Marseille, qui évolue à terme, y contribuent ». La terminologie n'est ici pas très précise, mais on peut interpréter cela comme une volonté de repenser l'armature logistique existante au regard de la logistique urbaine. Marseille dispose déjà d'au moins une plate-forme de logistique urbaine (p. 39). À nouveau, ce SCoT ambitionne de mettre en oeuvre un schéma du fret, hiérarchisant les flux en fonction des infrastructures, en particulier entre les grandes zones logistiques, et privilégiant les modes durables, favorisant l'optimisation des liaisons entre pôle métropolitain pour les marchandises en distinguant la logique des grands flux internationaux et celle de la distribution locale des entreprises et des consommateurs (p. 26). Dans les zones commerciales et compte tenu de la tendance au retour du commerce dans les centres, de l'émergence de nouvelles formes de distribution (e-commerce et plates-formes logistiques urbaines), de la volonté de maîtriser les déplacements et de la rareté foncière, le SCoT donne la priorité au développement du commerce de centralité et aux implantations en pied d'immeuble dans le tissu urbain. Il limite à des cas particuliers l'extension de zones périphériques dans le cadre d'un schéma commercial métropolitain qui décline ces principes. Il encourage des solutions innovantes de centre-ville pour la desserte finale du dernier kilomètre. Il convient d'envisager la requalification des zones existantes dans le respect des objectifs de développement durable (p. 24). 103 PARTIE 3 Figure 39. Le chapitre 6 du DOO propose un schéma de fonctionnement à l'échelle de la centralité 104 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU SCOT D'ORLÉANS MÉTROPOLE Si la logistique est bien présente dans le diagnostic comme un élément constitutif du territoire et de son tissu économique. Il décrit les pôles économiques, notamment logistiques de l'agglomération. La logistique urbaine est une dimension absente de ce document. CONCLUSION Il est intéressant de noter ici la pénétration de la question logistique dans les documents de planification que sont les SCoT. Ces documents stratégiques dont la portée n'est pas toujours bien saisie par les acteurs publics locaux eux-mêmes, témoignent pourtant d'une réelle prise en compte de ces questions qui marquent aujourd'hui l'agenda des politiques publiques. Les cas d'études présentés ici permettent d'illustrer certains points qui nous semblent particulièrement importants : · Développement de schémas métropolitains logistiques ou schémas de fret À plusieurs reprises dans ces documents, nous avons relevé l'intention des acteurs publics locaux de mettre en place à l'échelle intercommunale un schéma directeur dédié au fret et à la logistique. Ce schéma permettrait de faire état de la situation, de l'armature logistique mais aussi du fonctionnement du transport de marchandises. Il permettrait également de penser les questions en lien avec le report modal et les autres modes de transport que la route. Ce schéma doit permettre ensuite d'alimenter les politiques publiques sur ces questions et d'orienter la stratégie économique sectorielle, en prenant en compte les questions de transport, de foncier, d'emplois, etc. Cette démarche est intéressante car souvent le processus de création d'un schéma directeur permet d'inclure des acteurs privés, des professionnels des secteurs concernés dans l'élaboration de ces orientations. Le travail de diagnostic réalisé permet également d'avoir une meilleure connaissance des acteurs du territoire. · Importance du report modal Les différents SCoT que nous avons analysés partagent tous le même objectif (trop ambitieux ?) de se remobiliser autour de la question du fret ferroviaire. Si cette compétence relève surtout de la Région, qui est l'autorité compétente, en ce qui concerne les voyageurs, pour organiser ce type de transport, les agglomérations ou métropoles peuvent investir dans des infrastructures comme des terminaux combinés ou l'embranchement de certaines zones logistiques permettant ainsi d'offrir de nouveaux services de transport, alternatifs à la route, aux entreprises localisées dans leur territoire. Il faudrait pouvoir comparer ces objectifs avec les projets effectivement financés en lien avec le fret ferroviaire. Par ailleurs, le développement du fret ferroviaire repose sur une gouvernance incluant SNCF Réseau et les transporteurs pouvant être intéressés à l'utilisation de ces modes. Ces SCoT promeuvent également les véhicules propres. En restant toutefois assez timide dans les dispositions précises, cette orientation peu présente dans les PLU l'est ici davantage. L'investissement que cela peut représenter (subventions) est peut-être plus facile à envisager à l'échelle de l'intercommunalité où ce coût peut être partagé entre toutes les communes. Mais dans les faits, l'action locale en la matière n'est pas encore majeure. · Harmonisation de la réglementation du transport de marchandises en ville À noter que dans plusieurs cas, l'harmonisation de la réglementation du transport de marchandises en ville (stationnement, livraison, circulation) apparaît comme un objectif important. Comme ce que l'on peut voir à Paris avec les COMOP dans la Métropole du Grand Paris, il est intéressant de voir ici la circulation des idées entre les différents territoires. Avec les expérimentations menées dans la Métropole du Grand Paris, celle-ci est à ce jour parmi les plus avancée sur la mise en oeuvre concrète de cet objectif. 105 PARTIE 3 · Élaboration d'une stratégie de développement économique et environnementale Cet échantillon de SCoT met également en avant la diversité de la question logistique et du transport de marchandises. Elle est abordée au prisme du développement économique en mettant l'accent sur la localisation des entreprises et des emplois. Mais elle est également abordée au regard de la stratégie foncière à adopter. La rationalisation du territoire alloué à ces activités dans une optique de limitation de la consommation de terres est souvent abordée. En ce sens la question logistique et du transport de marchandises est également au coeur des préoccupations environnementales. La gestion des nuisances et de la pollution émanant de ces activités apparaît comme l'un des éléments déterminants dans la stratégie de développement territorial. · Prise en compte des objectifs et des prescriptions réglementaires du SCoT par le PLU Il est difficile de mesurer concrètement le poids du SCoT sur le PLU. Pour rappel, les PLU doivent être compatibles avec les SCoT, ce qui signifie qu'ils doivent respecter les grandes lignes de ces documents. Ils ont une marge de manoeuvre. En prenant l'exemple de Bordeaux, Marseille, Nantes et Orléans, nous proposons ici de mettre en regard ces deux documents. D'un point de vue général, ils sont cohérents. Dans le cas de Marseille, les éléments développés dans le SCoT se retrouvent bien dans le PLU, comme par exemple la prise en compte de la logistique à plusieurs échelles, le lien avec le port ou les commerces. Les SCoT vont souvent plus loin que les PLU en matière de transport de marchandises et de logistique, du moins dans ce que nous avons pu observer, à l'exception du cas d'Orléans. Cela montre que la logistique et le transport ont bien intégré la dimension stratégique de la planification mais encore peu la mise en oeuvre à travers des projets concrets. · Documents permettant la mise en place d'une gouvernance territoriale : l'inclusion des acteurs privés et le compromis territorial En ce sens, l'élaboration d'un schéma directeur de fret est un premier pas vers la construction d'une gouvernance entre acteurs privés et acteurs publics, acteurs de la logistique et du transport et acteurs du territoire. En filigrane, on peut penser que la logistique et le transport de marchandises ne sont pas des questions sur lesquelles les acteurs publics locaux entendent agir seuls laissant ainsi assez d'espace à la discussion et la concertation avec les transporteurs, les chargeurs par exemple. Si ce processus témoigne d'une volonté d'engager une gouvernance partagée, cela montre également que l'on est au tout début du processus. Ainsi, nos analyses nous permettent de montrer que l'élaboration du SCoT s'inscrit (encore très timidement cependant) dans une logique de nouvelle gouvernance territoriale où de multiples acteurs participent à l'élaboration des politiques publiques d'aménagement du territoire en lien avec la logistique. A contrario, l'analyse textuelle des documents démontre que les objectifs de développement économique et environnementaux sont liés dans les discours mais correspondent davantage à des incantations qu'à des lignes directrices d'une politique concrète. Les SCoT apparaissent souvent comme une « to-do list » sans toutefois proposer une hiérarchisation des objectifs et sans accompagner ces documents stratégiques de projets opérationnels. Le SCoT sert dans les faits de document cadre pour établir des PLU qui euxmêmes serviront de cadre à des projets urbains. On note de fait une certaine inertie dans la planification du transport de marchandises et de la logistique. 106 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique 3.2.2. Plans de Déplacements Urbains Le plan de déplacements urbains (PDU) est un outil global de planification de la mobilité à l'échelle d'une agglomération, il définit les principes d'organisation du transport et du stationnement des personnes et des marchandises, tous modes confondus. Renforcé par plusieurs lois entre 2000 et aujourd'hui, il coordonne des politiques sectorielles portant sur les modes alternatifs à la voiture, la voirie et le stationnement en intégrant plusieurs enjeux transversaux : la protection de l'environnement, l'intégration entre politiques urbaines et de mobilité, l'accessibilité des transports pour tous ou encore la sécurité des déplacements. Au-delà de la planification, le PDU est aussi un outil de programmation, car il hiérarchise et prévoit le financement de ses actions, et ses mesures s'imposent aux plans locaux d'urbanisme, aux actes et décisions prises au titre des pouvoirs de police du maire et des gestionnaires de voirie. Enfin, le PDU, démarche partenariale, associe au cours de son élaboration, puis de son évaluation, différents acteurs institutionnels et de la société civile et du monde professionnel. Nous avons choisi ici de comparer dix PDU : Paris (Île-de-France), Marseille, Lyon, Grenoble, Bordeaux, Orléans, Nantes, Lille, Lens et Clermont-Ferrand. Nous avons conduit une lecture analytique de ces documents, réalisé des études de cas, puis un tableau comparatif. L'analyse de ces dix PDU nous permet de mettre en évidence des points communs. Ces métropoles partagent un certain nombre d'objectifs en matière de développement de la mobilité. Ceux-ci peuvent être regroupés en quatre catégories : · Logistique et report modal : création de sites multimodaux, promotion du transport fluvial, du transport ferroviaire, du tram-fret, des véhicules propres, création d'espaces logistiques urbains (ELU), optimisation du dernier kilomètre. · Circulation, livraison et stationnement : créer des espaces de livraison dans l'espace public, dans les parcs de stationnement publics, dans les espaces privés, livrer en horaires décalés, aménager des espaces de livraison de proximité, expérimenter la livraison à pied, en vélos, les points relais. · Réglementation locale : harmoniser la réglementation, réglementation commune sur les gabarits (au sein du PTU), inciter les poids lourds à contourner le centre, développer des mesures incitatives pour le renouvellement des véhicules, gérer les nuisances, définir des plages horaires, développer une gouvernance pour les marchandises incluant tous les acteurs, politique fiscale avantageuse pour des entreprises vertueuses, soutenir des projets urbains durables. · Environnement et santé publique : prise en compte de l'environnement, prise en compte des risques liés aux déplacements, réduction des nuisances et de la consommation d'énergie, limitation de la consommation d'énergie liée aux transports. Nous avons représenté ces critères dans trois tableaux synthétiques qui permettent une comparaison des dix PDU. 107 PARTIE 3 Logistique urbaine et report modal ClermontFerrand ClermontFerrand Bordeaux Grenoble Grenoble Marseille Orléans Lyon Paris Créer des sites logistiques multimodaux Favoriser le report sur voie fluviale Favoriser le report sur rail Création d'espaces logistiques urbains Problème du « dernier kilomètre » Utilisation de véhicules propres (centre-ville) Expérimenter l'utilisation des infrastructures de tramway pour le transport de marchandises Circulation, livraison et stationnement Bordeaux Marseille Orléans Lyon Paris Proposer à l'intérieur des parcs publics des espaces de livraison des achats Créer des aires de stationnement et de livraison Créer des places de livraison dans les espaces privés Aménager et gérer des Espaces de Livraison de Proximité (ELP) Favoriser les livraisons en périodes creuses Expérimentation de livraisons à pied, vélos, automates, points relais Mise en place d'itinéraires de contournement Diminution des circulations en centre-ville Équilibrer le partage modal de la voirie Réduction de la vitesse sur les grands axes 108 Lens Lille Objectifs Nantes Lens Lille Objectifs Nantes Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Réglementation locale ClermontFerrand ClermontFerrand Bordeaux Grenoble Grenoble 109 Marseille Orléans Lyon Paris Harmoniser la réglementation entre les communes Définir une réglementation sur le tonnage ou le gabarit Inciter les poids lourds en transit à contourner le centre Mesures incitatives pour le renouvellement des véhicules vers du propre Définir des plages horaires où les livraisons sont autorisées Limiter les nuisances liées à la circulation des poids lourds et des véhicules utilitaires Développer une gouvernance pour les marchandises Accorder des avantages aux entreprises les plus vertueuses Soutenir les projets des entreprises ou communes pour faire évoluer leurs pratiques Environnement et santé publique Bordeaux Marseille Orléans Lyon Paris Prise en compte de l'environnement dans l'aménagement Gestion des risques dus aux déplacements Réduction des nuisances et de la consommation d'énergie Limitation de la consommation d'énergie liée aux transports Lens Lille Objectifs Nantes Lens Lille Objectifs Nantes PARTIE 3 Le PDU d'Île-de-France est le plus ambitieux en matière de transport de marchandises. Il a de nombreux objectifs, notamment sur : la circulation (moyens d'évitement de l'accès en ville des plus gros véhicules) ; le stationnement avec l'aménagement des aires de livraison sur voirie et la création de places de livraison dans les espaces privés ; la logistique avec la volonté de favoriser les sites logistiques multimodaux et de massifier les flux de transport de marchandises ferroviaires et le transport de marchandises par voie fluviale (projet de canal Seine-Nord Europe). Il propose enfin l'accélération du renouvellement du parc de véhicules et la mutualisation des moyens de transport ou des entrepôts. La réglementation est évoquée, avec l'amélioration du contrôle et du respect des aires de livraison, le développement d'une gouvernance pour les marchandises afin d'assurer la concertation et la coordination de l'action. Les communes ont l'obligation d'établir leurs réglementations d'accès en concertation avec les villes voisines et les gestionnaires de voirie concernés pour la mise en cohérence. Des projets d'expérimentation sont mentionnés, comme l'utilisation de petits véhicules électriques et des infrastructures de tramway pour le transport de marchandises afin de réduire le transport de marchandises sur route. De même qu'à Lyon, le PDU souhaite en plus maintenir les sites d'activités logistiques en centre-ville et accorder des avantages compétitifs aux professionnels les plus vertueux. Pour les agglomérations de Lille, Bordeaux, Orléans et Marseille l'objectif majeur est de limiter l'usage de véhicules polluants au profit de véhicules électriques. Mais aussi de réaliser des aires de livraison et des places de stationnement, qui sont estimées en nombre insuffisant. Les horaires pour les livraisons, les limites par le poids ou la surface au sol de l'accès des véhicules sont évoqués, ainsi que la mise en cohérence des réglementations avec les communes proches et l'expérimentation de l'aménagement d'espaces logistiques urbains. Lille et Orléans possèdent en revanche très peu d'informations sur la logistique et Bordeaux très peu de descriptions sur la situation actuelle et les problèmes rencontrés. Marseille propose quant à elle d'utiliser les infrastructures de tramway pour le transport de marchandises afin de desservir plus finement le centre-ville. Nantes souhaite favoriser le contournement de l'agglomération pour le transport de marchandises en transit, limiter le nombre de livraisons vers le centre-ville et optimiser l'implantation des activités logistiques métropolitaines, afin de favoriser l'émergence de pôles logistiques multimodaux et permettre la mise en place de modes de livraison novateurs. En revanche le stationnement et la livraison n'ont été que très peu mentionnés. De même que Grenoble qui souhaite en plus accélérer la transition énergétique des parcs de véhicules utilitaires et favoriser le transbordement rail-route, l'usage du vélo et de la marche pour les livraisons. Clermont-Ferrand souhaite aussi remettre aux normes les emplacements réservés à la livraison non conformes aux normes en vigueur, dévier le transit des centres urbains et favoriser l'usage des véhicules propres et silencieux pour les livraisons et les enlèvements, optimiser les livraisons dans l'hypercentre en mettant en place une plate-forme logistique commune en dehors du centre-ville. Et enfin promouvoir le fret ferroviaire et mettre en cohérence la réglementation avec les autres communes à proximité. La métropole de Lens est davantage portée sur la rationalisation du transport de marchandises, notamment avec le problème du « dernier kilométrage » en milieu urbain. Mais aussi sur la circulation avec la définition d'itinéraires poids lourds qui doivent être réglementés de manière homogène pour toutes les communes de la Métropole. Le PDU traite également de la qualité des aires et places de livraison et stationnement, et il cherche à trouver des solutions alternatives telles que le report modal permettant de réduire les impacts du trafic routier de marchandises. 110 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PDU ÎLE-DE-FRANCE Le plan de déplacements urbains a été réalisé en 2014 à l'échelle de la région Île-de-France, ce qui est une spécificité puisqu'il s'agit du plus grand périmètre existant pour ce type de document car il est à l'échelle de la région, quand les PDU sont traditionnellement à l'échelle d'une intercommunalité. 1 Améliorer l'offre en matière de stationnement pour les véhicules de livraison Le PDU d'Île-de-France insiste sur la question du stationnement à la fois dans les espaces publics et les espaces privés. À noter que le PDUIF revient sur la question de la « bonne localisation ». Comme nous l'avons évoqué précédemment, il ne suffit pas de créer des aires de livraison sur la voirie pour permettre une bonne gestion des livraisons dans la ville, encore faut-il qu'elles soient optimisées par rapport aux besoins des commerçants et ajustées à la pratique des chauffeurs-livreurs. Le PDUIF insiste également sur la nécessité de contrôle de ces aires. On peut s'interroger sur les moyens de ce contrôle. Ceux-ci ne sont pas particulièrement évoqués dans le cadre du PDUIF, puisqu'ils sont à la discrétion des communes. Avec les nouvelles technologies et notamment l'essor des objets connectés (IoT : Internet of Things), des dispositifs de contrôle automatisés pour les aires de livraison seraient envisageables mais pour l'instant encore inexplorés. 2 Organiser spatialement les activités logistiques et favoriser le report modal Le PDUIF étant un document produit à l'échelle de la région, on retrouve un grand nombre d'objectifs et d'ambitions concomitantes avec celles du SDRIF et en lien avec les compétences de la Région. Cette dernière souhaite favoriser le transport de marchandises ferroviaire et le transport de marchandises par voie fluviale en croissance et qui présente un fort potentiel. Le transport de matériaux de construction et de déblais de chantier constituant plus de 70 % du trafic par voie d'eau. En effet, la région est compétente pour le développement du transport ferroviaire et fluvial (passager et marchandises). Pour que ce transport soit attractif et efficient, il faut que les entrepôts et les plateformes logistiques aient un accès direct à ces modes de transport par des terminaux embranchés ou des quais. Or, pour encourager l'utilisation de ces modes et in fine le report modal, il faut également repenser l'armature logistique. Les entrepôts sont aujourd'hui relativement diffus, étalés dans la région, plutôt localisés à proximité des routes et autoroutes. La Région envisage donc de combiner une politique incitant au report modal avec une politique d'aménagement sur la localisation des entrepôts à proximité des voies ferrées et fluviales. L'objectif est de réorganiser et transférer les flux en les massifiant et en les canalisant sur certains corridors majeurs. La Région compte donc développer les autoroutes de la mer et les autoroutes ferroviaires vers l'Espagne, le Portugal et l'Italie, agir sur les réglementations de circulation et de stationnement. Et enfin développer une gouvernance pour les marchandises afin d'assurer la concertation et la coordination de l'action. 111 PARTIE 3 3 Diminuer l'impact du transport de marchandises sur l'environnement et les populations Après les services à la personne, l'activité logistique est le deuxième secteur créateur d'emplois dans la région. Cependant, le transport de marchandises et les livraisons en ville, assurés à 90 % par le réseau routier, sont sources de pollution atmosphérique, sonore et d'encombrements. Près de la moitié des émissions d'oxydes d'azote du trafic routier sont causées par les poids lourds et les véhicules utilitaires (30 % pour les premiers et 20 % pour les seconds). De plus, le transport de marchandises génère des nuisances sonores, le passage d'un poids lourd émettant en moyenne 10 dB (décibel) de plus que le passage d'un véhicule léger. Le fret ferroviaire est source de nuisances sonores encore plus importantes surtout la nuit. Ceci représente un des défis importants en matière d'aménagement. Cette question de santé publique liée aux différentes formes de pollution sont relativement récentes dans la pratique des pouvoirs publics locaux. La déviation des poids lourds de manière prioritaire sur les réseaux existants les plus adaptés ou de réalisation des maillons manquants pour la desserte des sites multimodaux existants ou en développement permettra par exemple d'optimiser leur circulation réduisant ainsi certaines nuisances. La Région entend également mettre en place des aires de stationnement poids lourds sur le réseau routier principal afin de limiter les stationnements dangereux le long des voiries. Enfin la Région souhaite encourager l'accélération du renouvellement du parc de véhicules via l'aide aux entreprises. Pour cela, la norme Euro 6, effective depuis 2014, est jugée comme devant permettre de faire baisser les rejets des particules les plus fines, les plus préoccupantes pour la santé. 4 Harmoniser les réglementations et innover d'un point de vue réglementaire pour améliorer la circulation L'un des principaux objectifs du PDUIF est l'harmonisation des réglementations en matière de circulation et de stationnement à l'échelle du PTU. Pour cela il faut établir un critère commun. Le PDUIF semble reprendre le critère en vigueur à Paris et vouloir l'étendre sur tout le territoire : « Le seuil préconisé est 29 m² de surface au sol (qui correspond à la norme de la ville de Paris). Les réglementations concernant le gabarit physique (hauteurs, longueurs, largeurs) ou le tonnage des véhicules autorisés à circuler peuvent être appliquées. Mais celles-ci doivent rester ponctuelles et obéir à des logiques de contraintes physiques liées à l'infrastructure : charge maximale admissible par un pont, hauteur sous un tunnel. » 5 Préserver des espaces fonciers pour les activités logistiques L'objectif est de préserver les sites existants à Paris et en première couronne comme ceux reliés au réseau ferroviaire et les ports sur les fleuves comme sur les canaux. Pour maintenir et faciliter la création de sites logistiques en ville pour assurer le cheminement des marchandises en ville, la présence d'espaces logistiques urbains est nécessaire, permettant de favoriser l'utilisation de petits véhicules électriques effectuant des tournées de livraison courtes au départ de ces sites. Le PDUIF reprend ici les dispositions du SDRIF. À noter que, lorsque le même échelon produit le document stratégique régional et le plan de déplacement, cela permet plus de cohérence entre les politiques et les documents, plus de lisibilité entre les périmètres, mais également la possibilité de sortir des politiques en silo avec d'un côté une réflexion sur le territoire et de l'autre sur les mobilités. Elles sont ainsi associées dans une perspective d'intégration urbanisme-transport. 112 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PDU DE LA MÉTROPOLE DE LILLE Le plan de déplacements urbains, réalisé en 2011 à l'échelle de la Métropole, a pour enjeu de garantir le rayonnement de cette dernière tout en inscrivant l'organisation du transport et de la livraison des marchandises dans une perspective de développement durable. 1 Rééquilibrer l'offre de stationnement pour les véhicules de marchandises au sein de la Métropole Il existe peu de zones de livraison à Roubaix et Tourcoing où le stationnement se fait essentiellement sur des places banalisées ou sur des emplacements privés. La distinction est très nette entre les centres urbains et le reste de la Métropole. À Lille, Roubaix et Tourcoing, près d'une livraison sur deux s'effectue sur un emplacement non autorisé et principalement en double file. Les transporteurs évoquent notamment l'occupation des zones de stationnement par les véhicules particuliers. En centre-ville, 2/3 des livraisons durent moins de 15 minutes. Plus le lieu de stationnement est gênant et plus la durée est courte et inversement. Le PDU a donc pour objectif de développer des places de livraison sur l'ensemble de son territoire afin de limiter les stationnements en double-file ou interdits. 2 Harmoniser les réglementations À nouveau, dans ce PDU on retrouve un objectif en lien avec l'harmonisation des réglementations. Ces dernières (horaires de livraison et tonnages) sont très discordantes dans les communes de l'agglomération. Elles tendent cependant toutes à la réduction du tonnage et de la durée de la période de livraison. Le recours à des véhicules plus petits génère un plus grand nombre de trajets pour acheminer la même quantité de marchandises, ceci sur une plage horaire plus réduite. Il peut alors en résulter une congestion croissante dans ces créneaux horaires et des émissions de polluants et de gaz à effet de serre qui peuvent être supérieures. Il est prévu de mettre en place des dispositifs innovants pour les livraisons de marchandises en milieu urbain dense. Sans rentrer dans les détails de ces dispositifs innovants, on constate aujourd'hui que cette ambition en matière d'harmonisation n'a pas abouti. 113 PARTIE 3 LE CAS DU PDU D'ORLÉANS Le plan de déplacements urbains réalisé en 2015 à l'échelle d'Orléans Métropole a entre autres pour objectif d'améliorer la gestion des livraisons et de la voirie qui se fera en coordination et concertation de l'ensemble des partenaires. Concernant le stationnement et la livraison, il est souligné que les aires de livraison et de stationnement ne sont pas présentes en nombre suffisant ce qui provoque une congestion des aires de stationnement qui elle-même provoque une congestion de la voirie. Afin de limiter ces congestions, il est prévu de développer les espaces nécessaires à l'accueil des marchandises et des véhicules de livraison. Pour faciliter la circulation, le stationnement et les livraisons il est nécessaire d'améliorer la signalétique des aires de livraison (marquage au sol, visibilité des panneaux). En ce qui concerne la réglementation, le respect de l'usage des places de stationnement permettant de favoriser la rotation des véhicules, de libérer les aires de livraison pour les transporteurs est primordial. Pour cela la Métropole d'Orléans entend mettre l'accent sur la signalisation de la réglementation, la communication, la surveillance et des dispositifs permettant de dissuader le stationnement lorsque les mesures précédentes ne suffisent pas. Pour favoriser cette rotation il est donc prévu de mener des contrôles afin de lutter contre le stationnement illicite, mais aussi de simplifier la réglementation des livraisons (horaires, critères de taille et de secteur) et d'harmoniser les réglementations entre les communes. Une amélioration de la signalisation à l'entrée et dans les centres-villes est aussi envisagée. Elle permettra d'assurer la continuité des itinéraires accessibles aux poids lourds via une adaptation de la signalisation routière et une accessibilité facilitée pour les transporteurs occasionnels. Enfin, une mise en oeuvre d'actions et d'aménagements organisés du transport et des livraisons de marchandises dans l'agglomération orléanaise et l'élaboration d'une charte de bonne conduite permettront d'inciter les livreurs à respecter la réglementation. Plusieurs expérimentations sont prévues afin de rendre plus performants le stationnement et la livraison. Comme par exemple l'expérimentation d'aires de stationnement partagées (livraison/stationnement banalisé) ou d'espaces de livraison de proximité, consignes tels que les « Pickup Station ». Il est aussi prévu de multiplier des relais-colis, de faire émerger le colis-voiturage et de créer des aires de livraison sur des espaces privés. 114 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PDU D'AIX-MARSEILLE-PROVENCE MÉTROPOLE Le plan de déplacements urbains a été réalisé en 2009 à l'échelle de la Métropole. En matière de transport de marchandises en ville et d'organisation des livraisons, la desserte de la métropole marseillaise mobilise des investissements hybrides à la fois privés (les plateformes, les véhicules) et publics (les infrastructures, les services). La Métropole affiche clairement la volonté de s'impliquer dans l'organisation de la circulation des marchandises à partir des domaines de compétence qui sont les siens, à savoir l'aménagement du territoire. Le territoire métropolitain est particulièrement concerné par la gestion des échanges de marchandises du fait de sa dimension, de la présence d'un grand port maritime, de l'existence de nombreux équipements de transport et d'articulation des flux. La desserte des coeurs de ville qui rassemblent la majorité des commerces et services (soit les 2/3 des mouvements) doit donc être favorisée, ce qui suppose une gestion appropriée des infrastructures de transport (notamment les pénétrantes) et de stationnement. 1 Améliorer le stationnement pour les livraisons et innover L'objectif est d'organiser et gérer le stationnement pour les livraisons et les enlèvements car aujourd'hui, dans les zones denses, le stationnement des véhicules utilitaires se fait majoritairement en infraction du fait de l'occupation illicite des aires dédiées à cet usage et/ou de l'absence d'espaces de stationnement à proximité du lieu à desservir. Il est donc prévu de : · Créer des aires de livraison avec des spécifications techniques (dimension, position) et des impératifs de localisation (distance aux lieux à desservir, densité par rue) ; · Créer des points d'accueil de véhicules (PAV) bien délimités physiquement où les chauffeurs-livreurs peuvent s'arrêter pour transférer leurs marchandises. Ils seront installés en priorité dans les zones difficiles d'accès ; · Étudier d'autres principes pour éventuellement donner lieu à expérimentation, tels que la gestion du stationnement dans le temps (ex. : dans une rue ou un quartier, on interdit le stationnement pour tout autre véhicule que ceux qui réalisent des livraisons entre 9h00 et 12h00) ; · Mutualiser des aires de livraison avec d'autres fonctions (stationnement pour PMR, conteneurs à déchets). 2 Harmoniser les réglementations et améliorer la coordination entre les acteurs publics Le PDU veut enfin définir une réglementation « transport de marchandises » applicable sur le territoire d'Aix-Marseille-Provence Métropole. Comme dans les cas de Paris ou Lille précédemment évoqués, la question de l'harmonisation des réglementations est au coeur des objectifs du PDU en matière de transport de marchandises. 3 Développer la logistique urbaine... ...Au-delà des initiatives privées qui voient le jour (livraisons par tricycles, automates pour mise à disposition de colis, conteneurs mobiles, points relais). Le PDU de la Métropole incite les communes à soutenir ces nouvelles formes de desserte par la mise en place d'interfaces dans les centres-villes, ce qui suppose une acceptabilité règlementaire et juridique ainsi que des surfaces d'accueil et l'installation de points d'articulation au plus près des clients. Des projets tels que les Points d'Accueil des Marchandises (PAM) sont à l'étude. Le principe est ici de substituer à la livraison chez le client une livraison en un point relais, ce qui permet d'ouvrir le champ des possibilités en termes de plage horaire. À proximité des lieux de destination finale ou sur des zones à fort passage. Ou encore les Boîtes Logistiques Urbaines (BLU), interface reliant le transport au client sans que la présence d'une personne soit requise. 115 PARTIE 3 4 Développer, requalifier les zones logistiques et améliorer l'accessibilité autoroutière Le PDU comprend le projet de réalisation de la L2 pour permettre une connexion A7/A50 accessible aux poids lourds, d'identifier des connexions directes entre certains échangeurs ciblés et des boulevards urbains économiques via la création et reconfiguration d'échangeurs. Et enfin de réaliser une desserte fine des zones d'activités, nécessitant la création de nouveaux tronçons de voies pour relier celles déjà existantes. Le but étant d'améliorer l'accessibilité et l'attractivité de zones logistiques existantes développées autour de cette autoroute. 5 Soutenir les innovations Le PDU insiste également sur le développement de solutions innovantes en matière de livraison. Certains projets sont en cours d'expérimentation tels que : l'acheminement / livraison de nuit, avec des normes et référentiels existants ou en cours d'homologation pour encadrer les pratiques et s'assurer de la limitation du bruit généré. En effet, la ville de Marseille a rejoint le programme Certibruit (association qui labellise des transporteurs permettant ainsi de livrer la nuit dans le respect du voisinage). LE CAS DU PDU DE BORDEAUX MÉTROPOLE La dernière version du plan de déplacements a été réalisée en 2016 à l'échelle de la Métropole. Le nouveau PDU sera en vigueur en 2019. Déjà en 2000, Bordeaux Métropole disposait d'un nombre important d'objectifs au regard du transport de marchandises et de la logistique. La Métropole a initié la signature d'une charte de bonne conduite du transport et des livraisons de marchandises en zone urbaine entre la collectivité, les transporteurs et les destinataires. 1 Améliorer les conditions de desserte Le PDU de la métropole de Bordeaux a pour objectif d'optimiser la desserte du transport de marchandises dans les centres-villes (modification de la chaîne de déplacements : tailles des véhicules, distribution fine), et l'aménagement d'aires de stationnement poids lourds en liaison avec les itinéraires définis dans le cadre du schéma directeur (parcs de stationnement adaptés et gardiennés) le permettra. Il est aussi prévu de réaliser un schéma directeur des plates-formes de fret ferroviaire (réservation des équipements futurs dans les dix à vingt prochaines années pour optimiser la part du ferroviaire dans les flux logistiques de la Métropole. D'organiser l'information des transporteurs de marchandises sur l'usage de véhicules moins polluants et de créer une structure de concertation pérenne mettant en relation l'ensemble des acteurs concernés par le transport et la livraison de marchandises. Enfin il est prévu de faciliter les échanges d'information entre les acteurs des transports de marchandises et de favoriser les livraisons des achats de particuliers dans un point relais ou à domicile. 116 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique 2 Harmoniser les réglementations Pour harmoniser la réglementation en matière de circulation et de stationnement, la Métropole propose de définir des plages horaires où les livraisons sont autorisées sur l'ensemble de son territoire. Mais aussi de choisir des critères uniques en lien avec le gabarit du véhicule. Cette réglementation devra s'effectuer en concertation avec les communes de la Métropole puisque les actes qu'elles prennent au titre du pouvoir de police du stationnement et de gestion du domaine public routier devront être compatibles avec le plan de déplacements urbains. Mais aussi avec les organisations professionnelles de transport pour que les mesures réglementaires adoptées le soient mieux. Le PDU de la Métropole de Bordeaux inclut dans son processus de concertation les acteurs privés de la logistique et du transport. 3 Encourager les expérimentations en matière de logistique urbaine Le PDU incite à définir à l'échelle communautaire une nouvelle conception de l'espace public dans les zones fortement génératrices d'activités de livraison ou d'enlèvement de marchandises. Cela permettra de rendre possible et aisée la livraison en limitant les gênes via une amélioration des aires de livraison et une matérialisation de ces aires. Il est donc prévu dans les documents d'urbanisme de réaliser des places de stationnement pour la livraison ou l'enlèvement des marchandises lors de la réalisation, de l'extension, rénovation de bâtiments à usage d'activités, de commerces ou lors de la mutation de bâtiments existants vers un usage d'activités ou de commerces. Ce qui permettra d'indiquer à partir de quelle surface d'activités ou de commerces, la création d'aires de livraison est imposée et le nombre de places à créer et les conditions à respecter afin de permettre un accès réel à ces places. 4 Améliorer la place des marchandises dans l'espace public Le PDU encourage les expérimentations afin d'améliorer le transport de marchandises. Il s'agit d'examiner et de comparer de nouvelles solutions pour la livraison des marchandises dans les centres-villes mis en oeuvre avec le nouveau régime d'accessibilité avec le projet tramway. Mais aussi de proposer à l'intérieur des parcs publics des espaces de livraison des achats. Ou encore de tester des solutions en utilisant la totalité ou une partie du système de transport collectif, avec ou en dehors du système d'exploitation. Et enfin d'expérimenter l'aménagement et la gestion d'Espaces de Livraison de Proximité (ELP) afin de faciliter les livraisons de marchandises ; ils devront être réservés, protégés et contrôlés par les voltigeurs et personnels indépendants du transport. La révision du PDU qui sera en vigueur prochainement semble plus avancé sur les questions de logistique urbaine, notamment en matière d'innovation. Nous n'avons pas eu accès à ces documents, mais nos entretiens ont montré que les ambitions des pouvoirs publics locaux sur ces questions avaient évolué. 117 PARTIE 3 LE CAS DU PDU DE NANTES Le plan de déplacements urbains (2010-2015, perspectives 2030) a été réalisé en 2010 à l'échelle de la Métropole. 1 Améliorer la connaissance du fonctionnement de l'approvisionnement de la métropole de Nantes et de l'utilisation du réseau routier Nantes est la seule ville du territoire métropolitain à avoir une réglementation harmonisée pour les livraisons. Les autres communes disposent d'arrêtés ponctuels, répondant à des problématiques de livraison locales précises. En revanche, les pratiques de livraison dans le centre de Nantes sont à majorité non conformes à la réglementation existante (horaires, gabarits et durée). Une meilleure organisation des flux de marchandises est nécessaire, il est prévu de : · Répertorier les itinéraires indispensables aux fonctions d'approvisionnement du territoire et d'échanges afin d'améliorer l'accès au centre ; · D'identifier les projets permettant de faire évoluer et d'optimiser les pratiques de livraison (véhicules propres, dernier kilomètre, « cargotram »). 2 Optimiser la localisation des activités logistiques métropolitaines et développer l'intermodalité Concernant la logistique, l'objectif est d'optimiser l'implantation des activités logistiques métropolitaines et d'envisager la création de plates-formes multimodales en prenant en compte les capacités d'usage du ferroviaire et du fluvial. En effet, l'intermodalité est aujourd'hui centrale pour le renforcement du territoire de l'estuaire comme entité logistique. Des optimisations d'implantations d'activités logistiques, en termes d'accessibilité, d'impact environnemental et d'insertion urbaine sont prévues, de même que la création, à l'initiative des entreprises de transport et des chargeurs, d'un Opérateur Ferroviaire de Proximité (OFP). 3 Faire évoluer la réglementation concernant la circulation et la livraison En ce qui concerne la réglementation, l'objectif est de la faire évoluer pour la livraison, de manière adaptée aux besoins, en cohérence avec les objectifs de vitalité économique et d'apaisement de la circulation. Pour cela il est prévu de réaliser un schéma métropolitain de circulation des poids lourds et des convois exceptionnels, en prenant en compte les flux de transit poids lourds sur les infrastructures structurantes, la localisation et l'implantation des activités logistiques ou génératrices de trafic, les capacités du réseau (largeur, maillage, catégorie des voies, gabarit des ouvrages d'art) en lien avec la densité et les usages (voiture, modes doux, transports collectifs). Mais aussi les contraintes urbaines comme la priorité accordée sur certains axes aux modes doux et aux transports en commun avec l'objectif de diminution de l'encombrement de la voirie par les véhicules de livraison. Ou encore les contraintes techniques et physiques des véhicules de livraison lourds ou hors gabarits. Enfin les enjeux de stationnement et de services pour les poids lourds sur le réseau routier structurant. 118 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique 4 Soutenir les initiatives privées et les innovations relatives à la logistique La métropole nantaise souhaite accompagner les initiatives privées et les pratiques innovantes pouvant apporter des réponses localisées ou spécifiques (livraisons nocturnes, mutualisation des espaces de stationnement, point d'accueil logistique, utilisation de transpalettes). Pour cela, il est prévu : d'expérimenter une réglementation plus favorable pour les véhicules utilitaires de livraison moins polluants ou propres mais aussi l'utilisation de vélos-cargos pour les petites livraisons de centreville. Enfin de revoir l'intégration du mode ferroviaire dans le transport de fret, avec la recherche de l'émergence d'un « opérateur ferroviaire de proximité ». Nous relevons dans le PDU de Nantes les ambitions affichées en matière de gestion de la circulation et du stationnement des véhicules de transport de marchandises mais aussi en matière de logistique urbaine. Néanmoins ces objectifs reposent sur l'initiative privée, donc avec une implication limitée de la puissance publique. 119 PARTIE 3 LE CAS DU PDU DU GRAND LYON Le plan de déplacements urbains a été réalisé en 2015 à l'échelle de la métropole du Grand Lyon. L'objectif est d'accompagner le dynamisme économique de l'agglomération en intégrant le transport de marchandises dans les politiques d'aménagement afin de réduire l'impact environnemental des déplacements liés au transport de marchandises, d'améliorer la connaissance du transport de marchandises par tous les acteurs concernés et la prise en compte de la logistique dans les aménagements et les équipements urbains. 1 Investissement dans de nouvelles infrastructures de transport, principalement routières Le PDU de la Métropole revient sur les projets d'infrastructure que les pouvoirs publics souhaitent mettre en place notamment le grand contournement de l'agglomération lyonnaise. Il revient également sur l'armature logistique de la métropole et la question de l'accessibilité routière des plateformes et des zones logistiques. Le document envisage donc de préserver les sites routiers existants pertinents, en particulier les multimodaux, sans lesquels le transfert modal ne sera pas possible. Mais aussi en identifiant des sites qui présentent toutes les potentialités pour acquérir une vocation logistique nouvelle (friches, délaissés). 2 Développement de la logistique urbaine et report modal Le PDU de la métropole de Lyon envisage de mettre en oeuvre : · Une incitation et une accélération du renouvellement du parc roulant ; · Le développement de solutions de transport alternatif à la route ou de solutions multimodales pour les marchandises ; · Le maintien de sites et d'activités logistiques en centre-ville ; · L'identification et la préservation des sites ferroviaires ou voies d'eau. 3 Renforcement des mesures de protection de l'environnement et de la qualité de l'air Une zone à faibles émissions dans le centre de l'agglomération, régulant la circulation des poids lourds et véhicules utilitaires légers les plus polluants, est notamment affichée comme un objectif important. La ZFE a pour but de limiter la circulation des VUL non-conformes pour un certain nombre d'entreprises de toute taille et d'encourager le renouvellement des véhicules. En ce sens, le PDU prévoit de mettre en place des actions destinées à accorder des avantages compétitifs aux professionnels les plus vertueux, renouvelant leur flotte ou investissant dans des véhicules basses émissions avant la sortie du diesel, ou à faible niveau d'émissions sonores. 4 Favoriser les véhicules non-thermiques Pour favoriser la cohabitation il est prévu de favoriser l'usage des véhicules électriques et hybrides rechargeables. Mais aussi d'appliquer des fenêtres horaires spécifiques d'accès livraison pour les véhicules basses émissions (électriques, GNV, biogaz...) : l'après-midi / soirée afin de permettre les enlèvements l'après-midi et les livraisons à domicile en soirée. 120 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PDU DE LA MÉTROPOLE GRENOBLE-ALPES Le plan de déplacements urbains réalisé en 2018 est à l'échelle de la Métropole. L'un des objectifs est de promouvoir un transport de marchandises moins routier et moins polluant avec la préservation des possibilités de report modal vers le ferroviaire. Mais aussi le soutien aux expérimentations de transport alternatif à la route, incitation et accompagnement des professionnels pour accélérer la transition énergétique des parcs de véhicules utilitaires. Prendre en compte la logistique dans l'aménagement de la ville et la gestion du dernier kilomètre avec la pérennisation des sites accueillant des activités liées au transport et à la logistique et amélioration de leur fonctionnement, appui à l'émergence de « centres de distribution urbaine ». 1 Encourager l'utilisation de véhicules propres Favoriser l'utilisation de véhicules de livraison moins polluants via la mise en place de tarifications spécifiques sur le stationnement est un des souhaits de la Métropole. En complément des réseaux colis, des systèmes de consignes urbaines qui permettent aux usagers de récupérer des colis lors de leurs déplacements et d'éviter des flux de livraison à domicile qui génèrent souvent un deuxième passage, en l'absence du client chez lui. Pour cela, un état des lieux est nécessaire afin d'avoir une meilleure connaissance des aires de livraison. Il est aussi important de prévoir des espaces de livraison dédiés sur les parcelles privées, les aires de livraison sur l'espace public ne pouvant à elles seules répondre à l'ensemble des besoins. 2 Développer et encourager des projets relatifs à la logistique urbaine Il est prévu de mener une veille en matière d'équipements logistiques de proximité (Équipements de Logistique Urbains) de taille intermédiaire entre le centre de distribution urbaine et la consigne, permettant le stockage temporaire des marchandises, et d'étudier les opportunités d'implantation dans des parkings en ouvrage sur le ressort territorial du SMTC. Enfin de soutenir des projets privés d'équipements logistiques. Afin de limiter le nombre de livraisons vers le centreville de Grenoble et d'agir ainsi sur la fluidité de la circulation et la qualité de l'air, une zone à circulation restreinte interdite aux véhicules utilitaires les plus polluants et le développement des aires de livraison seront mis en place. Deux centres de distribution urbaine (CDU) sont en projet pour réceptionner les marchandises provenant de différents transporteurs, les regrouper par destinataire, puis les livrer en utilisant des véhicules mieux adaptés à l'environnement urbain et plus éco-responsables (Gaz Naturel Véhicules ou électriques, vélos). Mais aussi des espaces logistiques urbains en hyper-centre pour permettre l'utilisation de véhicules plus légers, plus propres et la limite d'entrée des poids lourds seront développés. 3 Harmonisation des réglementations Pour cela, il est nécessaire de limiter les détours pour les poids lourds, afin de ne pas générer d'émissions de CO2 et polluants supplémentaires, d'harmoniser les réglementations afin de les rendre plus lisibles et donc mieux respectées par les professionnels (horaires, tonnage, type de véhicule autorisé). Enfin d'étendre à d'autres communes volontaires le dispositif de disque de livraison. 4 Développer le report modal Des expérimentations sont en cours ou à l'étude telles que le transbordement rail-route, l'usage du vélo et de la marche pour les livraisons, notamment en lien avec les projets de déploiement d'espaces logistiques urbains. Et enfin le transport de marchandises par tramway (tram-fret). 121 PARTIE 3 LE CAS DU PDU DE CLERMONT-FERRAND Le plan de déplacements urbains réalisé en 2011 est à l'échelle de Clermont Auvergne Métropole. 1 Coordonner les acteurs du transport autour d'une plateforme commune L'objectif est d'optimiser les livraisons dans l'hypercentre en mettant en place une plateforme logistique commune en dehors du centre-ville (centre de distribution urbaine), où les transporteurs concernés achemineraient leurs colis pour être ensuite distribués dans le périmètre présenté. 2 Améliorer les conditions de stationnement pour la livraison Clermont-Ferrand dispose de 358 emplacements réservés. Mais certains d'entre eux ne sont pas conformes aux normes en vigueur. De plus, l'aménagement des emplacements réservés dans les quartiers contraints est essentiel pour assurer leur bon fonctionnement, car chaque arrêt sur la chaussée occasionne une gêne pour la circulation en heures de pointe. Le PDU préconise donc de réaménager les places de livraison et de les augmenter dans l'ensemble du territoire métropolitain. 3 Organiser la circulation des marchandises : itinéraires pour le routier et report modal vers le ferroviaire Pour diminuer les nuisances liées au trafic des poids lourds, plusieurs mesures sont envisagées comme la déviation du transit des centres urbains, favoriser l'usage des véhicules propres et silencieux pour les livraisons et les enlèvements. Ou encore promouvoir le fret ferroviaire pour les besoins de l'agglomération et rechercher la complémentarité modale route-fer. Enfin améliorer les conditions de stationnement pour les véhicules de livraison. Il est aussi nécessaire de rationaliser les systèmes de desserte en mettant en place des mesures d'optimisation et des services d'accueil via l'optimisation des tournées de livraison permettant de réduire la distance parcourue et le nombre de véhicules mobilisés, l'amélioration des conditions d'accueil des camions à l'échelle du périmètre de transport urbain (PTU). 4 Harmoniser les réglementations La réglementation est hétérogène à l'échelle du PTU. À l'intérieur, des horaires de livraison sont imposés dans Clermont-Ferrand, Chamalières, Ceyrat, Pont-du-Château et Royat. Mais ils sont mis en place suivant des motifs et besoins différents, comme par exemple les zones piétonnes de Clermont-Ferrand, le marché à Pont-du-Château et la période thermale à Royat. Le même phénomène est observé au niveau des interdictions de tonnage et des itinéraires de transit pour les poids lourds. Une mise en cohérence, une homogénéisation voire une simplification semblent nécessaires à l'échelle du PTU. Le PDU distingue toutefois les poids lourds en transit de ceux en livraison. Concernant les premiers, la réglementation met en place les interdictions nécessaires pour les dévier des centres urbains et en limiter les nuisances. Pour les camions en livraison, la réglementation agit essentiellement sur les itinéraires pour les convois exceptionnels et les transports de matières dangereuses, interdits aux camions dépassant un tonnage notamment dans des secteurs de type « zone 30 ». Mais aussi sur les horaires de livraison, afin d'éviter des perturbations aux riverains et aux usagers de la voirie, sur les arrêts sur voirie, afin de ne pas créer de difficultés supplémentaires notamment pendant les heures les plus chargées. Enfin sur l'organisation des aires réservées aux livraisons ou encore le renforcement de la surveillance concernant le stationnement illégal sur les aires réservées. 122 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PDU DE LENS-LIÉVIN Le plan de déplacements urbains a été réalisé en 2018 à l'échelle de la communauté de communes de l'Artois. 1 Harmonisation de la réglementation et des pratiques Comme dans les autres agglomérations, on retrouve inscrit dans le PDU la volonté d'harmoniser les réglementations en matière de circulation et de stationnement, afin d'améliorer la lisibilité des règles sur le territoire. 2 Report modal Le canal d'Aire constitue un axe majeur de développement en lien avec la façade littorale du Nord-Pas-de-Calais. Le canal de la Deûle est quant à lui un maillon essentiel de la liaison Seine-Escaut pour laquelle le projet de canal Seine-Nord Europe pourrait offrir de nouvelles perspectives. La valorisation de foncier bord à voie d'eau permettant d'accueillir ou de développer des activités utilisatrices du mode fluvial constitue un enjeu pour le territoire. On retrouve ici une volonté de développer le transport en fluvial et les activités logistiques à proximité. Le territoire possède plusieurs sites de transbordement le long de la voie d'eau : quai privé à Isbergues, quai public à Guarbecque, quai privé et port public tri-modal (avec équipement pour colis lourd et conteneur) à Béthune, port public à Harnes et plateforme tri-modale (avec équipement pour colis lourd et conteneur) à Dourges. On observe de plus une augmentation du trafic fluvial (chargements, déchargements et transit) entre 2008 et 2016. La réalisation du canal offre des perspectives de développement pour les territoires traversés par ce réseau fluvial à grand gabarit. Les prévisions annonçant une multiplication par 4 ou 5 du tonnage transporté par voie d'eau sur l'axe nord-sud avec l'arrivée du canal à horizon 2050. 123 PARTIE 3 CONCLUSION Comme dans le cas des SCoT, on note pour les PDU une réelle intégration de la question logistique et du transport de marchandises dans la planification des mobilités. Mais la relative absence de transposition des objectifs relevés dans les arrêtés municipaux montre bien la limite de la portée de ces documents d'un point de vue opérationnel. Il est important de rappeler ici que le PDU n'a pas de portée strictement prescriptive, il offre un cadre à l'action publique, permet de clarifier des objectifs sectoriels. Ce qui explique que le fret est très présent dans ces documents mais est privé par ailleurs d'une réelle portée opérationnelle. · Objectifs partagés et ambitions communes On observe une forte récurrence de certains thèmes dans les différents PDU analysés. Ainsi, tous promeuvent le développement de la logistique urbaine, du report modal, de l'harmonisation des réglementations, de l'amélioration des conditions de livraison et de circulation des marchandises, le développement de véhicules plus propres et la mise en oeuvre d'une réflexion sur la localisation des activités logistiques. Remarquons que ces thèmes sont identifiés dans le cadre législatif et sont donc en quelque sorte imposés par la loi aux PDU. Mais ces derniers s'en sont bien emparés. · Une connaissance encore faible des données et enjeux liés au transport de marchandises et un manque d'expertise La réalisation d'études ou de diagnostic fret par les intercommunalités n'est pas une pratique systématique. Bien qu'on observe une augmentation de ces études notamment dans les plus grandes intercommunalités, elles ne sont pas généralisées notamment dans les plus petites villes. Dans notre échantillon, les métropoles de Paris, Lyon et Bordeaux ou des métropoles moyennes comme Orléans et Grenoble ont effectivement fait ce travail de diagnostic. Mais la majorité des villes interrogées avouent leur manque de connaissance en matière de logistique et de transport de marchandises et se trouvent démunies lors de la réalisation du volet marchandises des PDU pour proposer des données au-delà des enquêtes de trafics ou cordon relatives aux poids lourds. En effet, au-delà de la question de la connaissance en matière de pratiques, il existe aujourd'hui un vide en matière de données. Les communes ou intercommunalités interrogées dans le cadre de cette étude relèvent toutes l'absence de données sur le sujet. De ce fait, elles font de l'exercice de diagnostic et de connaissance de leur territoire une première étape dans la planification ou la réglementation du transport de marchandises et de la logistique, ce qui explique aussi la relative inertie observée dans l'intégration et la mise en oeuvre de réglementations et de projets relatifs à ces sujets. Même si la connaissance en matière de fret urbain a augmenté depuis une vingtaine d'années en France (Programme National Marchandises en Ville, enquêtes marchandises en ville, travail de pédagogie du CERTU, par le biais de la croissance des productions scientifiques sur le sujet), celle-ci n'a encore qu'insuffisamment intégré les données relatives aux livraisons du e-commerce (B2C) et les pratiques des acteurs publics, notamment au travers des techniciens et chargés d'études des services de mobilité ou d'urbanisme, et au-delà parmi les élus. La formation fait défaut. On peut aussi s'interroger sur le rôle des acteurs privés du transport et de la logistique qui dans l'exercice de gouvernance du fret à l'échelle des PTU peuvent accompagner les acteurs publics, les acculturer à ces questions, voire les former. Les collectivités sont conscientes des lacunes, pourtant peu de ressources humaines sont dédiées à la connaissance et à la gestion du fret urbain. La réalisation de nos entretiens a été complexe du fait que bien souvent les interlocuteurs étaient mal identifiés. Nous avons été, et cela est symptomatique du manque d'expertise sur la logistique urbaine, tantôt renvoyés au pôle urbanisme, tantôt au pôle transport et mobilité, tantôt au pôle déplacements et voirie et dans le cas des plus petites villes nous étions directement renvoyés vers le commissariat de police municipale qui se trouvait avoir les informations nécessaires concernant la circulation et le stationnement. 124 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique · Les enjeux d'une question transversale La faible transversalité et collaboration entre ces services et une absence notable de l'urbanisme empêchent de replacer les enjeux logistiques urbains dans le cadre plus large du système urbain. Parmi les outils de planification urbaine et des transports qui peuvent agir sur le fret urbain et que nous avons déjà détaillés (PLU, SCoT), nous observons que le PDU (et son volet marchandises) est l'outil de planification le plus utilisé par les collectivités qui mènent une politique du fret urbain ou qui souhaitent le faire. Cependant, le PDU n'a que peu de pouvoir prescriptif et il n'est pas rare que les fiches actions des PDU restent des voeux pieux. Même si nos entretiens révèlent une plus grande intégration de cette question dans les PDU, la question de la logistique et du transport de marchandises reste encore très largement cantonnée à la planification du transport et de la mobilité, et a plus de mal à s'intégrer dans une approche systémique en faisant le lien avec les territoires et les enjeux urbains. Cela pose donc le problème de la transversalité du transport de marchandises et de la logistique et de l'imperméabilité des politiques sectorielles qui nous renvoient à une question plus large qui est celle de l'articulation entre transport et urbanisme. Malgré des progrès dans son utilisation, le PDU reste un outil sous-utilisé par les collectivités françaises pour gérer la logistique urbaine. Les intercommunalités observées dans le cadre de cette analyse balayent rarement tous les enjeux liés au fret. Leur approche partielle, souvent guidée par des considérations pragmatiques et la volonté de répondre à des problèmes du présent (et au texte du code des transports !), montre également l'incapacité des pouvoirs publics locaux à se projeter à long terme sur la question de la logistique et du transport de marchandises. 3.3. PLANIFIER LES ACTIVITÉS LOGISTIQUES À L'ÉCHELLE RÉGIONALE À l'échelle régionale, le SRADDET ­ ou le SDRIF pour l'Île-de-France ­ est le document qui pose les orientations principales en matière d'aménagement, de développement urbain, des infrastructures de transport. Il traduit la vision stratégique des acteurs pour ce territoire. Il se décompose en trois parties : · Le rapport, qui exprime notamment la stratégie régionale et les objectifs que se fixe le SRADDET ; · Le fascicule, qui contient en particulier les règles que se fixe le SRADDET pour mettre en oeuvre ces objectifs ; · Les annexes, qui complètent ces deux premières pièces afin de faciliter l'information de tous. LE CAS DU SDRIF ­ ÎLE-DE-FRANCE Le SDRIF actuel, adopté en 2013, accorde une place relativement importante à la logistique par rapport aux anciens documents. Le SDRIF est un document d'urbanisme d'échelle régionale. Il a pour objectif de maîtriser la croissance urbaine et démographique, l'utilisation de l'espace tout en garantissant le rayonnement international de la région. Il précise les moyens à mettre en oeuvre pour corriger les disparités spatiales, sociales et économiques de la région, pour coordonner l'offre de déplacement et préserver les zones rurales et naturelles afin d'assurer les conditions d'un développement durable de la région (DRIEA, 2015). Il doit fixer les grandes orientations en matière de localisation d'activités, d'infrastructures et d'équipements. 125 PARTIE 3 Dans ses grands objectifs, il prévoit de construire une région plus connectée et plus durable. Il prend en compte le système logistique métropolitain y compris hors des limites franciliennes. Il affirme également le rôle important des modes ferroviaires et fluviaux dans le système logistique urbain. Dans son volet réglementaire, des orientations spécifiques traitent de l'armature logistique multimodale, à savoir les ports et les équipements ferroviaires. Elles prévoient le maintien et le développement du potentiel de fonctionnement multimodal mais aussi la création de centres de distribution urbaine en zone dense, afin de réduire les nuisances générées par les livraisons du dernier kilomètre. Enfin, pour répondre à l'enjeu de compacité sur le territoire régional, l'étalement de l'activité logistique le long des axes routiers doit également être évité. La logistique dans le coeur de métropole, Sdrif 2013 Figure 40. Armature logistique dans la région francilienne (source : SDRIF, 2013) Depuis 2013, le SDRIF est un document partiellement opposable qui peut s'imposer sous certaines conditions aux documents de planification locaux (schéma de cohérence territoriale, plans locaux d'urbanisme). Plus précisément ce sont les orientations réglementaires et la carte de destination générale des différentes parties du territoire (CDGT) qui sont opposables, en sachant que le texte prévaut sur la carte qui ne peut être zoomée. La CDGT identifie les sites multimodaux à préserver, mais également les sites logistiques dans lesquels l'activité peut être densifiée. La relocalisation des entrepôts est éventuellement possible « à condition que son bilan soit aussi avantageux en termes de service rendu, de préservation de l'environnement et de protection des populations ». 126 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Cette carte reste à l'échelle régionale et identifie sous la forme de petits carrés les zones un peu floues dans lesquelles la logistique devrait être développée ; il revient donc ensuite aux pouvoirs locaux de définir plus précisément le périmètre concerné. Le SDRIF invite donc les acteurs publics locaux à développer une démarche de concertation avec la Région afin de mettre en oeuvre ces objectifs. Figure 41a. Carte de Destination Générale du Territoire, (source : SDRIF, 2013) Sur la CDGT, la hiérarchisation des niveaux d'enjeu pour les sites multimodaux est symbolisée par trois tailles de losanges bleus Figure 41b. Extrait du CDGT (source : SDRIF, 2013) Dans un document intitulé « La mise en compatibilité des documents d'urbanisme avec le Schéma Directeur de la Région Île-de-France » (2015), la Direction Régionale et Interdépartementale de l'Équipement et de l'Aménagement d'Île-de-France (DRIEA) donne des recommandations aux collectivités locales pour mettre en oeuvre cette conformité et notamment sur le plan logistique : « Identifier les emprises des armatures logistiques puis analyser le SCoT ou le PLU sous cet angle et si besoin inscrire des zones et des règles favorisant le maintien des activités logistiques. » Cet extrait démontre bien que l'inscription de zones et de règles qui favoriseraient le développement et la densification logistique reste à la discrétion des pouvoirs locaux. Le SDRIF, en dépit de cette nouvelle capacité d'opposition, reste limité. Le flou des zones et le pouvoir discrétionnaire des collectivités locales limitent fortement l'application des grands principes du SDRIF dans la réalité. 127 PARTIE 3 Le SDRIF est un document régional particulièrement attentif aux questions du transport de marchandises et de la logistique, par rapport à d'autres SRADDET. L'expertise développée dès les années 1990 au niveau de la logistique francilienne se traduit par une plus grande maturité dans la stratégie territoriale. Par ailleurs, la présence d'infrastructures de transport majeures telles que les aéroports ou les ports fluviaux à conteneurs incite les pouvoirs publics locaux à davantage de prise en compte de la question du transport de marchandises et de la logistique. À noter que depuis 2013, la question du transport de marchandises en ville et de la logistique urbaine est une questions très intégrée dans les objectifs de développement de la région mais aussi dans la pratique avec la mise en oeuvre d'une politique visant à préserver dans la mesure du possible du foncier pour les activités logistiques dans la zone dense. LE CAS DU SRADDET ­ AUVERGNE-RHÔNE-ALPES Le SRADDET de la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes a été mis en oeuvre fin mars 2019. Il a en effet dû être refait à la suite de la fusion des régions. 1 Objectifs du rapport Les objectifs portés par ce nouveau document s'articulent autour de la question environnementale : l'ambition est de diminuer de 23 % la consommation d'énergie de la région, et de limiter le processus d'étalement urbain (objectif 3.8 « Réduire la consommation énergétique de la région de 23 % ») ; les logiques d'aménagement et de déplacement doivent être repensées en lien plus étroit. À travers ce document, les acteurs du territoire régional cherchent également une cohérence entre emploi et habitat, en favorisant l'accueil des activités économiques dans les espaces urbains mixtes et en organisant les espaces économiques dédiés. Une optimisation des parcours de circulation des marchandises et une massification de ces flux pourront également être recherchées notamment via le maintien et le développement d'espaces logistiques en milieu urbain ou en priorité à proximité des voies ferrées et des ports, puis des noeuds routiers. Les objectifs sont donc très similaires à ceux posés dans le cadre du SDRIF : densification, lutte contre l'étalement urbain, mixité fonctionnelle, optimisation des flux. Au regard de ces défis, l'objectif que le SRADDET fixe aux acteurs du territoire est de consolider la cohérence entre urbanisme et déplacements. Pour ce faire, le schéma se place à l'horizon 2030 et entend : · Favoriser une urbanisation en pôles de développement (multipolaire) denses et ouverts à diverses fonctions (logements, commerces, équipements sportifs et culturels, logistique, etc.), reliés entre eux par les transports collectifs, en s'appuyant notamment sur l'armature territoriale définie dans les SCoT ; · Limiter le phénomène de desserrement des activités logistiques et préserver l'implantation des espaces logistiques dans des secteurs stratégiques, en se donnant les moyens, via les documents de planification et d'urbanisme, et l'action foncière, d'identifier et de mobiliser les espaces susceptibles d'accueillir les fonctions logistiques nécessaires en cohérence avec les réseaux de transport existants ou à venir ; 128 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique · Promouvoir les systèmes logistiques adaptés aux filières économiques de production et de distribution locales (solutions mutualisées pour les circuits courts, économie circulaire, filière bois, etc.) ; · Favoriser les projets visant à densifier les zones d'activités économiques existantes dédiées ou ayant une vocation logistique par construction ou restructuration du bâti (obsolescence et friches industrielles, commerciales, logistiques) et en intégrant les innovations (bâtiment du futur, efficacité énergétique, verticalisation, etc.) ; · Encourager, au cas par cas, la mutabilité des sites localisés en zone urbaine dense pour de la logistique urbaine (espaces de logistique urbaine, centres de distribution périurbaine), en particulier lorsque ces sites sont multimodaux ; · Intégrer les fonctions logistiques à la conception des opérations d'aménagement exemplaires et aux projets immobiliers innovants. 2 Règlements du fascicule Le règlement permet de traduire les objectifs en mesures concrètes. Les règles générales (contenues dans le fascicule) ont pour objet de contribuer à atteindre les objectifs à moyen et long termes (fixés dans le rapport du SRADDET). Toute règle générale doit donc être fixée en lien avec (au moins un de) ces objectifs. Ces règlements n'ont toutefois pas la portée des règlements des PLU. Mais ils exercent une contrainte sur les PLU au moment de leur élaboration dans un rapport de compatibilité. Les règlements s'imposent aux PDU, PCAET, SCoT et PLU. De ce fait, ces règles sont opposables. · Densification et optimisation du foncier économique existant pour participer à la réduction de la consommation foncière à l'échelle régionale Les SCoT ou à défaut les PLU(i) doivent prioriser, avant toute création ou extension de zones d'activités économiques, y compris logistiques, la densification et l'optimisation des zones d'activités existantes, en cohérence avec les opportunités de complémentarités entre territoires limitrophes, et cela afin de favoriser les synergies d'entreprises et le développement de services mutualisés dans une logique de redynamisation d'ensemble. · Élaboration de projets à enjeux structurants pour le développement régional afin de permettre la réalisation ou le développement de projets qualifiés par le SRADDET de structurants pour le développement régional Les SCoT, ou à défaut les PLU(i), et les chartes de PNR le cas échéant, devront : faire évoluer ou adapter les règles de planification et d'urbanisme pour rendre possible la réalisation des projets telle que définie par la Région ; et/ou réserver et préserver les fonciers stratégiques nécessaires à la réalisation des projets. Par exemple, les sites permettant le transbordement des marchandises de la route vers le fer et le fleuve par les différentes techniques d'intermodalité mobilisables (combiné, autoroute, ferroviaire). 129 PARTIE 3 · Cohérence des documents de planification des déplacements ou de la mobilité à l'échelle d'un ressort territorial, au sein d'un même bassin de mobilité Toute élaboration ou révision d'un document de planification des déplacements ou de la mobilité à l'échelle d'un ressort territorial doit rechercher la cohérence avec les orientations des documents de planifications similaires produits par les autres autorités organisatrices du même bassin, a minima sur les aspects suivants : pôles d'échanges, information multimodale, tarification combinée, continuité des infrastructures, analyse de la mobilité (voyageurs et marchandises) et de ses évolutions prospectives. Avec comme objectif de simplifier et faciliter le parcours des voyageurs et la circulation des marchandises au sein et entre les bassins de vie (de même dans la règle n°15 : Coordination pour l'aménagement et l'accès aux pôles d'échanges d'intérêt régional). · Préservation du foncier embranché fer et/ou bord à voie d'eau pour la logistique et le transport de marchandises Les territoires, via leurs documents de planification et d'urbanisme, et en partenariat avec les gestionnaires d'infrastructures et d'équipements multimodaux, identifient des sites à enjeux urbains et périurbains et réservent du foncier embranché fer et/ ou bord à voie d'eau pour de la logistique et du transport de marchandises utilisant ces modes. Les phénomènes de desserrement des implantations logistiques, tirés par les besoins des entreprises en grandes parcelles (développement des entrepôts de grande taille permettant de concentrer des stocks et d'accroître la productivité par l'automatisation et le pilotage informatique, etc.), génèrent des besoins de fonciers périurbains. Parallèlement, la réintroduction de la logistique en ville est une tendance forte des politiques de revitalisation des centres bourgs. Visant à mieux organiser les flux urbains, dans un contexte d'évolution des pratiques de distribution et de consommation, elle nécessite (qu'elle soit routière et/ou multimodale) des surfaces pour le stockage ou les opérations de transfert des marchandises. Dans un cas (périurbain) comme dans l'autre (centre-ville), la rareté des gisements fonciers en zones denses suscite des concurrences d'usages et appelle non seulement à faire des choix, mais aussi à favoriser les innovations. La volonté de renforcer les chaînes de transport multimodales et la perspective de diversification des formes de logistique urbaine appellent à anticiper l'avenir et à préserver ces fonciers connectés fer et/ou fleuve, en particulier lorsqu'ils sont situés dans les principaux bassins de vie, de consommation et de production, ou lorsqu'ils occupent une place stratégique dans les chaînes logistiques. · Intégration des fonctions logistiques aux opérations d'aménagements et de projets immobiliers Les SCoT, ou à défaut les PLU(i), identifient les mesures nécessaires à l'intégration des fonctions logistiques lors de la conception des opérations d'aménagement et de projets immobiliers. La logistique est essentielle au fonctionnement des territoires, des villes, des quartiers. Pour des raisons liées à la fois à la disponibilité, aux coûts fonciers et aux besoins de surfaces de plus en plus importantes, la logistique s'est toutefois éloignée des centres urbains. 130 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Ces différentes évolutions conduisent à repenser la logistique dans la ville et à réintroduire des surfaces de stockage ou de transit au coeur des zones de livraison. Ces surfaces logistiques qui posent certes des questions de valorisation foncière et de ce fait également de concurrence d'usage du foncier restent de taille modeste et sont utiles à la ville et à sa dynamique démographique, économique et commerciale. L'enjeu est à la fois d'assurer la distribution jusqu'au coeur des villes tout en rationnalisant les flux et de favoriser la mobilité décarbonée tout comme la mutualisation. L'objectif est de redéfinir la place de la logistique dans l'urbain et pour innover afin de rendre cette logistique performante tant en termes d'exploitation qu'en matière d'impacts (par un verdissement des flottes de livraison, des véhicules plus silencieux, une gestion optimisée des aires de stationnement et des itinéraires de desserte). Mais aussi par l'implantation d'hôtels logistiques multimodaux, le développement de haltes fluviales associées à des services innovants. · Cohérence des règles de circulation des véhicules de livraison dans les bassins de vie Les autorités organisatrices engagent, à l'occasion de la révision ou de l'élaboration de leurs documents de planification des déplacements ou de la mobilité, une réflexion concertée, si nécessaire avec la Région, pour la mise en cohérence des règles de stationnement et de circulation des véhicules de livraison avec les plans de déplacements urbains inclus dans le même bassin de vie. Dans les faits, on constate une fragmentation des réglementations marchandises entre les communes et un manque de lisibilité qui nuisent à leur compréhension par les transporteurs et donc à leur respect. Pour garantir la performance des opérations de livraison (temps, fiabilité, coûts) et faciliter les conditions de travail des livreurs, les PDU devront donc tendre vers une mise en cohérence des règles relatives à la circulation, aux conditions de livraison et au stationnement des poids lourds et des véhicules utilitaires légers. Cet objectif de mise en cohérence devra s'appuyer sur une démarche de concertation continue et itérative visant à : · Améliorer la lisibilité, tant au travers d'une harmonisation des rédactions des arrêtés ou des guides (glossaires communs) que d'une uniformisation de la signalétique (jalonnements adaptés aux marchandises) ; · Simplifier en limitant le nombre de critères (gabarit, tonnage, classes Euro, types d'activité, horaires, surfaces au sol) et de seuils ; · Assurer la continuité (y compris entre territoires limitrophes) et l'optimisation des itinéraires de contournement pour le transit et des plans de circulation pour l'accès aux lieux de livraison ; · Éviter, dans la mesure du possible, le passage des véhicules de livraison/ramasse aux heures de pointe des déplacements des personnes ; · Adapter les aires d'arrêt et de stationnement aux différents besoins, tant en termes d'aménagement (nombre, localisation, dimensionnement, accessibilité) que de gestion (cohérence avec les heures d'ouverture des commerces, durée de (dé) chargement ­ ex. : messagerie et fret express versus marchandises volumineuses). L'objectif in fine doit être d'optimiser les parcours afin de renforcer le niveau de service (qui est une exigence du consommateur), de maîtriser les coûts (pour les opérateurs et les utilisateurs), de réduire les kilomètres à vide et, plus globalement, d'améliorer l'empreinte carbone des produits transportés. 131 PARTIE 3 · Diminution des émissions de polluants dans l'atmosphère De manière à améliorer durablement la qualité de l'air sur leur territoire, les documents de planification et d'urbanisme, les chartes des PNR et les Plans Climat-Air-Énergie Territoriaux (PCAET) définissent les dispositions permettant de réduire les émissions des principaux polluants atmosphériques (visés dans le sous-objectif 1.5.1.) du rapport d'objectifs issus des déplacements (marchandises et voyageurs), du bâti résidentiel et d'activités mais également des activités économiques, agricoles et industrielles présentes sur leur territoire. Les territoires devront prioriser la réduction des émissions pour répondre de façon proportionnée aux niveaux d'altération de la qualité de l'air et d'exposition de la population constatée dans leur état des lieux de la pollution atmosphérique. · Réduction de l'exposition de la population aux polluants atmosphériques Dans la cadre de sa stratégie pour la qualité de l'air, la Région a identifié neuf zones prioritaires d'intervention sur lesquelles elle a décidé de concentrer des moyens en contractualisant avec les territoires, dans un objectif de réduction de l'exposition de la population. Sur les autres zones, il conviendra de rester vigilant au côté des territoires quand les concentrations d'activités ou les choix d'urbanisme peuvent conduire à des expositions significatives des populations (projets structurants pour le développement régional, pôles d'échanges multimodaux, zones d'activités économiques et commerciales, noeuds logistiques, nouvelles implantations de logements et d'établissements recevant du public). La démarche du SRADDET, comme de celle des SCoT et PDU, repose sur la contribution de l'ensemble des acteurs privés. L'objectif, dans la définition et la mise en oeuvre des modalités de suivi et d'évaluation du SRADDET, est de suivre une approche partenariale et pragmatique en travaillant en collaboration avec les divers partenaires dépositaires de données et les systèmes d'observation en place : INSEE, observatoires, État, chambres consulaires, etc. 132 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique CONCLUSION SUR LES SRADDET · Un nouveau rôle pour la Région conforté par l'élaboration des nouveaux documents La planification territoriale combine trois finalités : celle de produire une vision partagée du devenir d'un territoire, celle d'organiser les programmes et les investissements publics, enfin, celle de définir des règles d'usage des sols (Demazière, Desjardins, 2016). Avant, avec les SRADT, les schémas régionaux d'aménagement visaient principalement à définir une vision et à répartir une partie réduite du budget régional par les contrats (Desjardins, Béhar, 2017). Avec l'intégration des différents schémas sectoriels, le schéma d'aménagement régional acquiert un peu plus de pouvoir notamment par le biais des politiques d'investissement dans les infrastructures, principalement celles de transports. Très concrètement, les investissements dans les transports ferroviaires pourraient être conditionnés à des règles en matière d'urbanisation autour des gares et être repris dans les contrats. Les investissements dans la logistique urbaine pourraient être conditionnés par la mise en oeuvre de projets intégrant des objectifs de mixité fonctionnelle. « À la logique d'emboîtement entre "vision", "programme" et "règles" qui constitue la méthode commune de planification, on pourrait passer à une forme d'hybridation entre ces étapes et ces fonctions » (Desjardins, Béhar, 2017). Le SRADDET peut également être l'occasion de poser différemment la nature des relations entre les collectivités territoriales et l'État. Traditionnellement les élus locaux négocient directement avec l'État. Les régions pourraient s'imposer comme un réel intermédiaire de ce point de vue. En revanche, le poids des métropoles au sein de ces régions pourrait remettre en question ce rôle. La concurrence entre les deux échelons est très importante. Deux visions s'affrontent : une vision polycentrique portée par la région qui cherche à équilibrer le territoire par le biais des investissements et des infrastructures, et une vision portée par la métropole qui cherche au contraire à concentrer un maximum d'activités, d'emplois, de ressources sur son territoire. Ces visions antagonistes sur la forme du territoire ont leur importance, car les conséquences en termes de mobilité sont très différentes. En région Auvergne-Rhône-Alpes par exemple, dans le cadre du projet sur le « noeud ferroviaire lyonnais » ces deux visions ont des implications concrètes. La Région souhaite voir développer la gare de Saint-Exupéry pour le passage du fret alors que la Métropole de Lyon porte plutôt un projet en faveur du contournement de l'agglomération lyonnaise (CFAL) qui ne passerait pas par Saint-Exupéry. Cette opposition est à l'origine d'une certaine inertie qui retarde les investissements et les projets en matière de développement du fret, en l'espèce ferroviaire. Pendant ce temps les activités logistiques du territoire ont du mal à se projeter avec une utilisation du fret ferroviaire et se tourne vers la route. Cette compétition entre l'échelon régional et métropolitain se retrouve aussi à Paris. En effet, l'élaboration du pacte métropolitain n'inclut pas activement la région Île-de-France. Ces nouveaux pouvoirs confiés aux régions diminuent le rôle de l'État dans le territoire. L'État intervenait auprès des régions de deux manières : par la co-élaboration de certains documents (notamment le schéma régional de cohérence écologique et le schéma régional relatif à l'air, au climat et à l'énergie) et par la signature de contrats, principalement le contrat de plan État-Région (Desjardins, Béhar, 2017). Avec le transfert de l'élaboration de l'ensemble des schémas aux régions, l'État se voit déchargé de cette co-élaboration et recentre son action autour des Contrats Plan État-Région (CPER) et de quelques actions prioritaires comme l'emploi. · Un nouveau rôle pouvant influer le report modal et la localisation des activités logistiques L'analyse des différents documents régionaux montre que la région a acquis un nouveau pouvoir en matière de réglementation des sols et qu'elle le met en oeuvre. Elle accompagne une stratégie foncière d'investissements en conséquence dans les projets qui respectent ces conditions. Elle peut agir sur la préservation de foncier dédié à l'activité logistique dans les zones denses de la région mais aussi aux abords des voies d'eau ou voies ferrées. Le but étant d'inciter les activités logistiques à utiliser d'autres modes définis comme plus propres et encouragés par la politique régionale. 133 PARTIE 3 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique En ce sens les régions mettent en oeuvre une politique qui associe à la fois les enjeux urbains et d'aménagement du territoire. Il s'agit d'une première forme de coordination transport-urbanisme. Les régions peuvent encourager la localisation des activités logistiques dans des espaces spécifiques limitant ainsi l'étalement urbain et le report modal. Par ailleurs, on note l'implication de la région dans le développement de la logistique urbaine, avec une capacité à participer aux financements de projets. · Enjeux de coordination des politiques publiques locales : le cas de l'harmonisation des livraisons Le document régional se pose ici aussi comme un « super-SCoT » qui incite à l'harmonisation des règles de livraison. On peut s'interroger sur les moyens qui peuvent être mis en oeuvre par les régions au niveau local pour agir concrètement sur les réglementations locales et inciter les communes à collaborer : ils sont faibles, voire inexistants. 134 PARTIE 4 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville SOMMAIRE Charte Marchandises : nouvelle gouvernance pour les expérimentations Leviers d'innovation dans le transport de marchandises : le dernier kilomètre Utilisation des vélos-cargos Barges fluviales Véhicules électriques Véhicules autonomes Concours d'urbanisme et architecture : lieux d'innovation pour la logistique et le transport de marchandises Difficile essor de l'innovation logistique urbaine : des expérimentations limitées Espaces logistiques urbains (ELU) Hôtels logistiques : le cas de Chapelle International Limites de ces expérimentations Limites financières Limites posées par les contraintes techniques et réglementaires Limites du modèle à l'épreuve du temps 136 137 137 138 139 139 140 143 144 146 147 147 149 150 135 PARTIE 4 Cette partie examine les expérimentations en matière de projets urbains relatifs à la logistique urbaine et au transport de marchandises. Elle se concentre plus particulièrement sur le cas parisien qui a connu un grand nombre d'innovations et d'expérimentations jusqu'à présent, mais explore aussi quelques cas dans les autres villes françaises. Cette partie est l'occasion de questionner les évolutions réglementaires en lien avec les innovations en matière d'urbanisme mais aussi de transport en prenant en compte notamment le cas des véhicules autonomes. CHARTE MARCHANDISES : NOUVELLE GOUVERNANCE POUR LES EXPRIMENTATIONS Initiée en 2001 dans un cadre partenarial associant institutions, milieu consulaire, transporteurs et chargeurs, la signature d'une charte des bonnes pratiques des transports et des livraisons de marchandises dans Paris en 2006 témoignait de l'émergence de nouveaux outils. Cette initiative partenariale se verra prolongée en conformité des prescriptions du SDRIF et du PDUIF dans le cadre d'une nouvelle charte en faveur d'une logistique urbaine durable signée par l'ensemble des partenaires (plus de 80) en septembre 2013. Plus opérationnelle, cette nouvelle charte repose sur une identification des structures et équipements ainsi que des pratiques innovantes à accompagner (horaires décalés, nouvelle organisation des tournées). La ville de Paris, dans le cadre de cette charte, initie seize « fiches projets » permettant d'accompagner les objectifs localisés dans la charte. Elle annonce également le financement et la réalisation de quelques projets spécifiques dédiés à la logistique urbaine et à l'amélioration des conditions du fret en ville, dans Paris comme la dalle de Beaugrenelle pour Chronopost, le centre de distribution urbain des Halles ou le projet d'hôtel logistique de Chapelle International. Ces fiches projets sont de deux natures. Un certain nombre d'expérimentations portent sur le transport de marchandises à proprement parler et d'autres sur le développement d'un immobilier logistique qui permette la consolidation et l'optimisation des livraisons dans Paris. La charte de Paris repose donc sur seize actions : · Élaboration d'un schéma d'orientation de la logistique du territoire parisien · Création d'un hôtel logistique « Chapelle International » · Développement du transport sur les canaux (port de l'Allier sur le canal Saint-Denis) · Expérimentation du tram-fret · Développement d'espaces logistiques dans des parkings concédés ou au sein du patrimoine des bailleurs sociaux · Modernisation des aires de livraison notamment d'un service d'informations · Déploiement d'un réseau de bornes de recharge pour les véhicules électriques · Développement de flottes de véhicules électriques · Collaboration entre la ville et les professionnels concernant la circulation des porte-voitures · Labellisation des livraisons de nuit avec la certification Certibruit · Dispositif de réservation de places pour le déménagement · Expérimentation de la livraison à pied · Incitation aux bonnes pratiques notamment auprès des petits commerçants · Développement du transport fluvial (port du Gros-Caillou) · E-commerce et livraison à domicile · Objectif 50 % des livraisons du dernier kilomètre en véhicule non diesel d'ici 2017 136 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Le bilan de ces actions en 2019 est mitigé. Si le projet Chapelle International est réalisé et si plusieurs expérimentations de livraison la nuit ont pu être faites ces dernières années (ex. : Martin Brower), un certain nombre d'actions ne se sont pas concrétisées (tram-fret, 50 % du dernier kilomètre en non diesel, etc.) ou ne se concrétisent que très lentement (véhicules électriques). Ces initiatives sont pour l'instant essentiellement présentes dans Paris. Elles s'inscrivent néanmoins dans une prise en compte plus prononcée de cette question en première couronne. Ces exemples démontrent la volonté et la capacité d'investissement de la ville de Paris dans la logistique urbaine dans des expérimentations qui permettent à la fois de tester de nouvelles pratiques en termes de logistique et de transport de marchandises en lien avec les acteurs du secteur eux-mêmes, mais également de servir d'exemple à d'autres communes en démontrant la viabilité et le bon fonctionnement de ces modèles. Néanmoins ces ambitions politiques se heurtent à l'épreuve du temps et à l'inertie de la gouvernance publique-privée. L'introduction de la logistique urbaine dans les politiques publiques locales, notamment dans le PLU de Paris, montre d'une part que la logistique a bien pénétré l'action publique locale et d'autre part qu'elle repose surtout sur l'échelon le plus local, plutôt que sur l'échelon régional. La ville de Paris a donc créé un cadre réglementaire favorable au développement de la logistique urbaine. Mais pour que cette dernière atterrisse dans la programmation urbaine, d'autres acteurs doivent intervenir notamment dans le développement d'un immobilier logistique. Le pari de la ville de Paris est de miser sur le développement d'une gouvernance publique-privée, afin de garantir le développement d'un urbanisme logistique avec des projets immobiliers logistiques, et le développement de transports de marchandises alternatifs aux camions et VUL thermiques. LEVIERS D'INNOVATION DANS LE TRANSPORT DE MARCHANDISES : LE DERNIER KILOMTRE Utilisation des vélos-cargos Les livraisons en ville et le dernier kilomètre sont des leviers importants de la logistique urbaine, que la puissance publique peut plus ou moins facilement actionner (Dablanc, 2007). Les innovations qui prennent en compte le dernier kilomètre ont fait l'objet de beaucoup d'attentions de la part des transporteurs ­ car le dernier kilomètre peut parfois être considéré comme l'étape la moins efficace dans toute la chaîne d'approvisionnement (Lin et al., 2014) ­, mais également des collectivités publiques car elles peuvent correspondre à leurs objectifs. Les opérateurs de transport sont souvent restreints dans leurs opérations au dernier kilomètre en fonction de la taille du véhicule et des restrictions de poids. Lorsque l'accès à la zone dense est restreint pour les camions, les fournisseurs de transport sont forcés d'utiliser des véhicules plus légers et donc supplémentaires dans leurs opérations de dernier kilomètre. Les vélos sont souvent proposés comme une alternative aux camions et fourgonnettes pour les livraisons finales (et nous verrons leurs nombreuses limites plus loin). Il en existe plusieurs déclinaisons : les vélos, les motos E-Cargo et les tricycles. La littérature s'est beaucoup intéressée à ce mode de transport. On trouve quantité d'articles sur ce sujet. Récemment, à Porto, Melo & Baptista (2017) ont évalué la possibilité de remplacer les camionnettes par des fourgons électriques et des vélos-cargos. Ils ont rappelé que bien évidemment ces derniers ne peuvent supporter que des colis et non des palettes. La taille et le poids des colis ou du courrier sont plutôt petits, et la distance à parcourir doit être courte. Récemment, d'autres entreprises ont exploré le concept de conteneurisation urbaine et son applicabilité aux vélos-cargos et à d'autres types de véhicules. À Paris la livraison à l'aide de vélos-cargos a déjà fait l'objet de multiples analyses. Plusieurs entreprises utilisent ce moyen de transport avec plus ou moins de succès. On peut penser à The Green Link ou Vert chez vous qui avaient expérimenté la livraison à vélo au début des années 2010 et qui ont suspendu cette activité du fait du défaut de rentabilité et de problèmes techniques. D'autres entreprises ont au contraire perduré comme la Petite Reine (maintenant groupe Star Service) et certains chargeurs notamment commerçants ont commencé également à proposer un service de livraison par cargo-vélo voire un service de livraison piéton. 137 PARTIE 4 La livraison par cargo-vélo est aujourd'hui une solution populaire, car son coût environnemental est moindre. Mais elle pose de nombreux problèmes quant à ses limites (taille des colis, des marchandises). Les limites sont aussi nombreuses en matière d'aménagement. Les pistes cyclables, quand elles existent, ou les bandes cyclables ne sont pas toujours dimensionnées ou aménagées pour accueillir ces véhicules qui se trouvent alors sur la route et potentiellement dans les bouchons. Cela limite donc les avantages souvent avancés en matière d'efficacité. Le développement de ce mode de livraison ne pourra donc se faire que si les politiques publiques l'accompagnent par l'aménagement d'infrastructures. Au niveau des recrutements de personnels et de l'attractivité des vélos-cargos, les résultats sont partagés : certains livreurs les apprécient, d'autres non. Barges fluviales Dans le cadre des innovations du dernier kilomètre on recense également l'utilisation de barges fluviales comme alternative au mode routier. Les avantages d'une telle solution résident notamment dans une capacité de transport de gros volumes de marchandises. Cependant, des raisons naturelles limitent la portée d'une barge fluviale dans une ville, ce qui rend indispensable l'utilisation d'un autre mode de transport depuis le quai jusqu'au client final, ce qui représente une rupture de charge et un coût supplémentaire pour le transporteur. L'utilisation d'une barge fluviale est bien évidemment seulement possible lorsqu'une rivière coule de façon centrale dans une ville comme Paris, Amsterdam, Londres ou Chicago. Il est également nécessaire de disposer de différentes zones de déchargement le long de la rivière, ce qui est susceptible d'avoir des coûts importants non seulement en raison des investissements initiaux lorsque de telles zones n'existent pas déjà, mais aussi en raison des prix et des loyers élevés dans le centre urbain et aux abords des fleuves. Des aspects tels que la densité de clients, le volume de fret, les plages horaires de livraison, l'état du trafic et de la congestion doivent être pris en compte lors de l'évaluation de différents modes de distribution en zone dense. Une entreprise a expérimenté la livraison dans Paris par barge fluviale. Il s'agit de Franprix (groupe Casino) qui fait débarquer chaque jour dans le Port de la Bourdonnais des conteneurs de marchandises non périssables (chargés dans le port de Bonneuil) pour alimenter son réseau de magasins dans Paris. La barge permet de livrer 450 palettes pour 80 magasins parisiens. Une fois à quai, les conteneurs sont chargés sur les camions qui vont livrer les magasins. Nous n'avons pas réussi à obtenir d'informations sur le coût de cette expérimentation ni sur les bénéfices financiers potentiels. Cette expérience est toujours d'actualité, même si la question de la rentabilité de ce modèle est toujours posée. Il est certain qu'à ce stade Franprix retire un grand bénéfice en termes d'image. Figure 42. Déchargement des conteneurs Franprix quai de la Bourdonnais, Paris, avril 2014 (source : A. Heitz) 138 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Véhicules électriques Une récente étude a fait le point sur les innovations en matière de logistique urbaine et de fret urbain (Taniguchi et al., 2019). Selon cette étude, de nombreux pays s'efforcent de réduire les émissions de carbone liées au fret pour atteindre les objectifs de développement durable. Par exemple, le Conseil européen s'est fixé comme objectif de parvenir à une logistique urbaine neutre en carbone dans les grands centres urbains d'ici 2030. Les véhicules de transport de marchandises électriques, avec leurs faibles émissions et de faibles coûts d'exploitation, peuvent apporter une solution. Des projets de recherche ont été lancés par l'UE pour évaluer les performances des véhicules électriques, tels que FREVUE. FREVUE a permis d'analyser les performances de 104 véhicules électriques exploités par divers opérateurs dans sept villes européennes et a conclu que, bien que tous les véhicules observés aient été en mesure d'assurer leur fonction logistique respective, ils nécessitent toutefois une charge électrique fréquente en particulier avec un poids inférieur à 3,5 t (Tretvik et al., 2017), ce qui limite la portée des tournées. Bandeira et al. (2019) ont conclu dans une autre étude que les tricycles électriques constituent un meilleur scénario, même en l'absence de subvention publique, que le système conventionnel (basé sur la marche, les autobus et les VUL diesel). Les coûts du cycle de vie et le niveau de service (nombre de clients servis) ainsi que les impacts sociaux, environnementaux et économiques de cette stratégie ont été évalués. Toutefois, leur analyse était fondée sur une étude de cas portant sur la distribution du courrier dans un centre urbain relativement petit (4,1 km²) de topographie plate. De même, Lee et al. (2018) ont présenté une comparaison de camions conventionnels et de vélos électriques à Séoul. Giordano et al. (2018) ont souligné que, du point de vue de l'analyse du cycle de vie des véhicules, les transporteurs de marchandises ont encore besoin de subventions pour compenser le coût. Avec les subventions actuelles, dans certaines villes (Oslo et Londres), les véhicules électriques sont moins chers à l'achat que les véhicules thermiques, sur la base de coûts annuels équivalents. Mais ceci n'est vrai que pour les véhicules des particuliers, qui bénéficient au départ de moins d'avantages fiscaux que les véhicules utilitaires (et donc ces derniers ont relativement moins d'incitation à se reporter sur l'électrique, même si des taxes disparaissent). Dans d'autres pays, des mesures d'incitation (taxation et réglementation des camions diesel) encouragent les transporteurs à choisir des véhicules électriques (Taniguchi et al., 2019). Une récente recherche à l'IFSTTAR (Camilleri, 2018) estime à 13 % le marché des camionnettes électriques pour le transport de marchandises à l'horizon 2032 lorsque les contraintes réelles d'exploitation des opérateurs, filières par filières, sont prises en compte. Ces contraintes peuvent bien évidemment être modifiées par des changements forts de contexte et des mesures publiques (hausse des subventions à l'achat par exemple). Véhicules autonomes L'IAU (Institut d'Aménagement et d'Urbanisme d'Île-de-France) vient de publier une synthèse des leviers et des freins au développement de la voiture autonome. Le véhicule autonome s'inscrit dans le cadre d'une mobilité du futur qui sera polymorphe, à la fois connectée, partagée, électrique et autonome. Les nouveaux services de mobilité (VTC, covoiturage, autopartage) sont foisonnants et pourraient converger à terme avec le véhicule autonome. Dans une certaine mesure les véhicules autonomes progresseront dans les parcs de véhicules de marchandises. Ces innovations imposent de revoir le code de la route, les modalités liées à la responsabilité civile, le parc automobile et les infrastructures. Il s'agit d'un très grand chantier. Un grand nombre d'expérimentations sont lancées dans tous les pays où l'on observe des progrès techniques rapides et une certaine inertie des villes et des sociétés face à cette technologie. 139 PARTIE 4 Le rapport de l'IAU révèle un certain nombre de difficultés notamment en lien avec la délivrance d'autorisation auprès de l'État selon un processus assez lourd. L'étude a montré les nombreux bénéfices du véhicule autonome en termes de sécurité, de mobilité notamment des seniors, mais aussi suscité des interrogations sur la cybersécurité, la protection de la vie privée et le manque de maturité des technologies (capteurs, 5G, V2X, géolocalisation, cartographie 3D, reconnaissance de forme par intelligence artificielle). La question de l'acceptabilité sociale liée à des facteurs psychologiques (trois accidents mortels aux États-Unis ces dernières années) est aussi au coeur des réflexions sur le déploiement massif des véhicules autonomes en France. Une incertitude demeure sur la date de ce déploiement, les constructeurs étant partagés sur la question. Ford, General Motors, Volvo et Toyota annoncent des véhicules au niveau 4 dès 2020 ou 2021 tandis que Carlos Tavares, le président du directoire de PSA, a indiqué en mars 2019 que le groupe français ne développerait pas de fonctionnalités d'autonomie au-delà du niveau 3 (3) pour les véhicules particuliers. Le rapport souligne également le retard des industriels français par rapport aux Américains en la matière, et le rôle que peuvent jouer des acteurs publics comme l'État ou la région pour encadrer ce développement. CONCOURS D'URBANISME ET D'ARCHITECTURE : LIEUX D'INNOVATION POUR LA LOGISTIQUE ET LE TRANSPORT DE MARCHANDISES (4) Ces dernières années la ville de Paris s'est engagée dans un processus de « laboratisation » qui dépasse très largement le cadre de la logistique et a pour but de favoriser l'innovation urbaine en lançant des appels à projet. Dans le cadre de « Réinventer Paris » en 2015, la mairie de Paris a mis à disposition 22 sites dans Paris pour permettre à des groupes de promoteurs, architectes et urbanistes de proposer des bâtiments innovants qui pourraient s'insérer dans les dents creuses du tissu urbain. Dans le cadre de l'appel à projet d'expérimentation Logistique Urbaine Durable, la ville de Paris, en association avec Paris&Co et ses partenaires, ont retenu vingt-deux projets qui ont été testés en situation réelle. Les projets en question peuvent être classés en six catégories et sont représentés dans le tableau suivant : (3) Automatisation conditionnelle. La surveillance de l'environnement du véhicule incombe au système embarqué et non plus au conducteur humain. Mais ce dernier doit rester attentif à la route et doit être capable de reprendre le contrôle immédiatement en cas de besoin (ce qui suppose que la machine lui laisse un temps suffisant pour réagir). Cette partie est extraite de la thèse d'A. Heitz soutenue en 2017 intitulée « La Métropole logistique : structure métropolitaine et enjeux d'aménagement, la dualisation des espaces logistiques métropolitains ». (4) 140 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Thèmes Opérateurs Coursier.fr (Groupe Coursier) Description « Shopping Center » : mise en place d'un ELU et d'une flotte de triporteurs et VUL électriques « Step Vert Paris » : mise en place d'un ELU et d'une flotte de VUL, horaires décalés Service permettant d'optimiser le remplissage des camions, en massifiant les flux B to B et B to C Service de « pooling », mutualisation des livraisons des petits commerçants Application mobile qui permet de connecter les chargeurs et les transporteurs pour mutualiser les livraisons Consigne automatique « Abricolis », consigne automatique et livraison en véhicules propres « Persocode », solution de contrôle Espace de petits stockages, consigne automatique Livraisons depuis un point de stockage mobile par vélo-cargo Mutualisation des espaces et des moyens à disposition Plateforme collaborative pour les livraisons chez les particuliers Plateforme en ligne de livraison Logiciel pour la rationalisation des flux Logiciel d'optimisation des flux et tournées Application Mobile pour les flux et livraisons Stationnement intelligent et guidage Logistique par barge fluviale Solution de transfert modal intégré « BIL », camion entrepôt Véhicule biodiesel avec système permettant la livraison en horaires décalés « Jump Log », palettes éco-construites Step Phoenix Mutualisation des flux Urbismart FM logistics en partenariat avec EGIS INSTAFRET Pickup Services (La Poste) InPost France, Colis Privé, NISSAN, The Green Link Stockage et consigne Spartime City-locker United Parcel Services Biocyle et Au pas de course Livraisons Voisins relais MPW transports CITODI Rationalisation des tournées GEOCONCEPT SHIPPED et Cereza Stationnement et aires de livraison Park 24 en partenariat avec EGIS Blue Line Logistics Cluster Logistique urbaine IDF Solution transport Libner Martin Brower (et Mac Donald France) Green Logistics 141 PARTIE 4 Ces différents projets montrent que se sont surtout les solutions concernant le transport et les outils informatiques d'optimisation des livraisons, tournées ou gestion de flux qui constituent le plus large panel. Les projets faisant appel à l'immobilier logistique sont au nombre de deux (Groupe Coursier et Step Pheonix). Il est intéressant de noter qu'il ne s'agit pas de projets portés par des acteurs de l'immobilier logistique traditionnel mais par un groupe de transport et une start-up spécialisée dans la logistique urbaine. Le concours « Réinventer Paris » accorde davantage de place aux projets immobiliers, notamment grâce à la mise à disposition du foncier préalable par la ville de Paris. En 2016, la ville de Paris a lancé un appel à projet sur les « Espaces Logistiques », visant à favoriser l'émergence d'espaces logistiques urbains de différentes tailles par la mise à disposition de foncier accessible à des coûts abordables aux opérateurs de logistique urbaine. Les sites retenus sont la porte de Champerret, les Halles (voir projet d'ELU présenté dans la section suivante), Porte de Pantin, passage Forceval (Porte de la Villette). Il est intéressant de noter que, pour pallier la difficulté de trouver un opérateur pour l'ELU que la Ville voulait mettre en place aux Halles afin de desservir le quartier Montorgueil, la Mairie a décidé de mettre l'espace au concours afin de lui redonner de l'élan et peut-être intéresser davantage d'acteurs. Le résultat des différents concours est aujourd'hui connu. La logistique urbaine, par l'intermédiaire notamment de Sogaris, foncière immobilière (SEM parisienne) et principal porteur de projets logistiques à Paris, a fait son entrée dans la programmation urbaine parisienne. Dans le cadre du concours « Les dessous de Paris », Sogaris a remporté le projet rue du Grenier-SaintLazare dans le 3e arrondissement avec son projet d'« immeuble inversé », ainsi que le réaménagement de la station-service Champerret pour en faire un espace logistique urbain associée à une livraison du dernier kilomètre effectuée par des véhicules propres. RÉINVENTER PARIS 2 - GRENIER-ST-LAZARE LA CONCIERGERIE DU COIN Lulu dans ma rue met en relation les habitants du quartier à la recherche d'un service et ceux qui ont un savoirfaire et du temps à proposer. LES BOÎTES DU GRENIER Sogaris Services propose un service de micro logistique urbaine dédiée aux particuliers. MON GRENIER PARTAGÉ Lulu dans ma rue anime un espace dédié à l'emprunt d'objets sur le modèle de l'économie collaborative. Un grenier d'objets atypiques et exceptionnels permet aux particuliers comme aux professionnels du quartier de profiter de l'un d'eux sur un temps déterminé au rythme de leurs envies et besoins. MA RÉSERVE DÉPORTÉE Sogaris Services propose un service de réserve tampon dédié aux commerçants du quartier avec des services de logistique / manutention / livraison / conditionnement associés. L'ESPACE À LA DEMANDE Ce service offre à la vie de quartier un espace d'expression temporaire. Une salle est dédiée aux réunions professionnelles et associatives. Sur les temps marqués de l'activité logistique, un espace plus vaste peut être mis à la disposition d'événements ponctuels comme un marché, une exposition, une conférence. Figure 43. Projet d'immeuble inversé, logistique de proximité commerçants et riverains (source : Sogaris, Syvil architecte, CSD & Associés, ARTELIA, Lulu dans ma rue, Les Sismo, SEMAEST, 15marches, K-Ryole, Stuart, 2019) 142 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Figure 44. Projet La Folie Champerret, espace logistique e-commerce (source : Sogaris, Daniel Vaniche & Associés, SemPariSeine, DVVD, Alto, CSD & associés, Emacoustic, Carrefour property, DHL, XYT, MVAW Technologies, 2019) Ces projets urbains marquent la concrétisation des ambitions de la ville de Paris en matière de distribution et de logistique urbaines. Ils sont de plus en plus nombreux et montrent l'intégration de ces nouveaux principes d'urbanisme dans la pratique locale, mais aussi l'implication des acteurs privés, des chargeurs et transporteurs dans ces innovations. Il est d'ailleurs intéressant de noter que si les années 1990-2000 ont vu la production immobilière logistique être externalisée et prise en charge par des promoteurs immobiliers, avec la logistique urbaine les chargeurs et transporteurs réinvestissent directement leurs décisions dans ces questions immobilières comme c'est le cas avec Chronopost et Beaugrenelle. L'utilisateur de l'espace logistique, ici le transporteur Chronopost, s'est beaucoup impliqué dans l'aménagement et la construction de l'espace logistique auprès de Sogaris. DIFFICILE ESSOR DE L'INNOVATION LOGISTIQUE URBAINE : DES EXPÉRIMENTATIONS LIMITÉES Nous proposons ici d'analyser une série d'expérimentations menées dans Paris ces dernières années. Cette section n'a pas pour but de proposer une évaluation économique de ces innovations urbaines logistiques parisiennes. Plusieurs études (Maes, 2015) montrent que très souvent ces solutions ne sont pas encore rentables et ne sont pas compétitives par rapport aux exploitations plus traditionnelles. De nombreuses expériences sur des solutions de transport urbain plus respectueuses de l'environnement ont été tentées au cours des dernières années. Le principal problème des réalisations en matière de logistique urbaine ne réside pas dans une carence en termes d'innovation, mais plutôt dans l'échec des modèles commerciaux durables, ce qui explique que la plupart des projets développés n'ont pas réussi à dépasser le stade de l'essai (Dablanc, 2012 ; Lindholm, 2013). Ces échecs liés au modèle économique montrent également les limites des outils de la puissance publique locale pour développer la logistique urbaine. Certaines innovations se développent par ailleurs très bien en dehors de toute intervention de la puissance publique : les points relais, les consignes automatiques, les livraisons instantanées et leurs applications numériques (Deliveroo...) par exemple. 143 PARTIE 4 L'essor d'un immobilier logistique urbain connaît des résultats mixtes. Il repose parfois (mais pas toujours) sur un effort de la puissance publique à dégager du foncier et il repose toujours sur une implication des acteurs privés de la logistique (chargeurs, transporteurs, promotion immobilière logistique), qui eux ne peuvent faire abstraction d'un modèle économique rentable au regard des investissements qu'ils consentent. Nous avons réalisé une typologie des différentes expérimentations menées en matière d'urbanisme logistique et de transport. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur des entretiens réalisés avec différents acteurs impliqués dans les projets. L'interview est l'outil principal utilisé pour recueillir des informations qualitatives sur les expérimentations de logistique urbaine, mais aussi sur les discours politiques et marketing associés à ces projets. Espaces logistiques urbains (ELU) La Ville a favorisé l'expérimentation des Espaces Logistiques Urbains (ELU) : celui de Beaugrenelle dans le 15e arrondissement de Paris et celui de Montorgueil dans le 2e. Ce type d'équipement doit permettre de recevoir des opérations de transfert de marchandises entre deux véhicules (« cross-docking »), en mettant à disposition des utilisateurs des moyens de manutention, des locaux sociaux ainsi que des places de stationnement pour des véhicules de recharge, s'il s'agit de véhicules électriques. La préparation des tournées doit être faite en amont (APUR, 2016). Le centre de consolidation des marchandises, aménagé en 2010 par Sogaris pour Chronopost (transporteur et chargeur spécialisé dans la messagerie, et notamment le colis), est souvent présenté comme l'archétype du projet de logistique urbaine réussi. Situé dans le 15e arrondissement dans le quartier de Beaugrenelle, ce site est composé de 3 000 m² répartis sur deux niveaux. Il assure la réception des colis et leur redistribution vers les villes de Vanves, Boulogne- Billancourt, Issy-lesMoulineaux et le 15e arrondissement. Cette expérience a été encouragée par la ville de Paris et a dû recevoir un certain nombre d'autorisations, notamment de l'Architecte des Bâtiments de France. Ce projet était techniquement compliqué notamment pour la circulation de poids lourds dans l'ELU, mais également au regard de son insertion dans le voisinage, les riverains étant, au début, assez opposés à une activité source de potentielles nuisances. Ces difficultés surmontées, l'ELU a pu ouvrir en 2013. Intégré au réseau Chronopost, l'ELU est directement lié à l'entrepôt de Chilly-Mazarin, situé en périphérie de l'agglomération parisienne, et permet une massification des flux au plus proche du lieu de consommation directement dans la zone dense. Une flotte de VUL (essentiellement opérés par des sous-traitants) comprenant quelques véhicules électriques (mais beaucoup moins nombreux que prévus au départ) se charge ensuite du dernier kilomètre et de la livraison des colis. D'après nos entretiens, cet ELU est rentable pour Chronopost qui considère cette expérience positivement. Le taux de véhicules électriques utilisés a progressivement baissé depuis l'ouverture du terminal : les soustraitants ne les trouvent pas pratiques à l'usage (ils ne peuvent pas les utiliser pour rentrer chez eux) et les estiment plus coûteux. Figure 45. UCC Beaugrenelle, avril 2014 (source : A. Heitz) 144 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Le centre de distribution urbaine de Montorgueil est un projet porté par la ville de Paris et ses partenaires, leur ambition étant d'expérimenter une nouvelle forme d'ELU au coeur de Paris, dans le cadre de l'objectif Livraison zéro diesel 2020. Cette ambition va être revue à la baisse au regard de l'infaisabilité de cet objectif. Situé sous le Forum des Halles, cet ELU se situe dans l'un des quartiers les plus denses de Paris et doit permettre la livraison des magasins situés dans le quartier de Montorgueil (figure 48). Les 600 m² mis à disposition doivent permettre la mutualisation des flux entre différents opérateurs. L'ambition de la ville de Paris était de proposer un nouveau modèle d'ELU qui implique différents opérateurs et transporteurs. La Ville voulait créer un cadre favorable à la mutualisation des livraisons de différents transporteurs. Mais nos entretiens avec certains transporteurs ont révélé que l'espace proposé par la ville de Paris était trop restreint pour imaginer une implantation dans une zone où les loyers sont très élevés, d'autant plus pour une activité logistique. Ces opérateurs craignent d'être dépendants des aides publiques pour être rentables. Figure 46. CDU Montorgueil, avril 2015 (source : A. Heitz) Ces exemples démontrent la volonté des différents acteurs publics et privés d'expérimenter, sur des sites pilotes, les conditions techniques, financières et réglementaires pour développer des solutions de logistique urbaine. Paris déjà identifié par certains comme « laboratoire urbain de la mobilité » (Tironi, 2012) par ses expérimentations sur le vélib et autolib a entendu poursuivre cette pratique de l'aménagement avec la logistique. Denis et Urry (2009) laissent entendre que le système « postautomobile » requiert des « expérimentations et innovations de rupture », de manière à essayer différentes formes de mobilité et d'organisation urbaine plus respectueuses de l'environnement, mais nous nous demandons plutôt si ce ne sont pas les innovations « invisibles » (Dablanc, 2019) qui doivent plutôt être développées : celles qui ne font pas la première page des médias locaux mais qui ont une influence souterraine et structurante, comme un meilleur contrôle des règles de circulation, stationnement et Crit'Air par exemple. La ville de Paris cherche à s'inscrire dans cette dynamique. Aujourd'hui, le recours à l'expérimentation est récurrent. La Ville se transforme ainsi en un « laboratoire » d'essais et d'analyses, mais les résultats n'apparaissent pas encore à la hauteur des efforts municipaux consentis. Il est intéressant d'analyser de manière systématique les effets de ces processus de « laboratisation urbaine », par l'examen des éléments qui sont expérimentés et des formes d'actions politiques qui en découlent. Les limites de ces expérimentations montrent que la logistique urbaine innovante, telle qu'elle est célébrée aujourd'hui, ne constitue pas encore un modèle économique efficient pour les acteurs du secteur de la logistique. Néanmoins, ces expérimentations sont particulièrement intéressantes pour nous éclairer sur l'action publique et son rapport aux acteurs privés dans la mise en oeuvre de la logistique urbaine. 145 PARTIE 4 Hôtels logistiques : le cas de Chapelle International En 2010, la SNEF (filiale de la SNCF chargée de la valorisation du foncier à céder du groupe) lance un appel d'offre pour la construction d'une halle logistique où du tertiaire pouvait être aménagé dans le nord du 18e arrondissement. Sogaris répond en proposant un projet d'aménagement situé le long du faisceau ferroviaire gare du Nord de 45 000 m² (surface totale, pour une empreinte foncière de 10 000 m2). Sogaris remporte l'appel d'offre en 2011 avec le concept d'hôtel logistique (entrepôt multiétage, multiusage, multimode). Ce concept est développé par Sogaris depuis plusieurs années et entre pour la première fois dans une phase de réalisation avec Chapelle. Il s'agit d'un bâtiment où vont cohabiter plusieurs types d'activités avec principalement de la logistique, mais aussi d'autres activités comme du tertiaire et des équipements publics ou encore des commerces, soit 900 logements et 80 SOHOS (small office home office, des espaces qui combinent lieux de travail et de logements). Le but recherché par cette cohabitation est de faire supporter une partie du coût du bâtiment et du foncier, en général élevé, à ces autres activités qui sont un peu plus lucratives que la logistique. Cette stratégie basée sur une péréquation doit permettre à la logistique de revenir en milieu urbain à un coût acceptable pour elle. Ce projet d'hôtel logistique (prévu par la charte marchandises de 2013) constitue une double expérimentation pour la ville de Paris ; d'abord elle teste le concept d'hôtel logistique et ensuite elle teste l'utilisation du ferroviaire pour le transport de marchandises. Le terminal ferroviaire urbain (TFU) a nécessité beaucoup de travail et d'innovations comme la commande de ponts roulants spécifiques et de conteneurs adaptés. L'impossibilité d'utiliser des techniques standard a surenchéri le coût du projet. Le bâtiment ouvert en juin 2018 possède un embranchement au fer (terminal ferroviaire urbain), un sous-sol pour accueillir un EUD (Espace Urbain de Distribution), des bureaux et des commerces en façade, un data center (sa présence est expliquée par la proximité du bâtiment avec « l'autoroute européenne des fibres optiques » et la double alimentation assurée par ERDF) et des espaces aménagés pour la ville de Paris à destination du public (ferme urbaine, terrains de sport). Le bâtiment, inauguré en 2018, est aujourd'hui en service. Figure 47. Entrée du terminal ferroviaire urbain (source : A. Heitz, 2019) Sogaris a d'abord sélectionné Dourges comme base amont, depuis laquelle pourrait être chargé le train. Située à 200 km de Paris dans la région des Hauts-de-France, elle concentre de grandes plates-formes logistiques de potentiels grands comptes comme Castorama ou Carrefour qui représentent d'importants clients potentiels pour l'utilisation de ce TFU. Chaque navette (traction ferroviaire réalisée par Eurorail) pourrait transporter 60 caisses mobiles. Les marchandises pourraient ensuite être distribuées par des véhicules à motorisations alternatives au diesel comme le gaz (GNV). Cette solution aurait pu contribuer notamment à la réduction de l'usage du diesel en ville pour le transport de marchandises, avec en moyenne 30 camions en moins chaque jour dans les rues de Paris. La commercialisation du train a cependant, depuis 2017, subi plusieurs revers. Elle n'est pas encore effective à la mi 2019 et une partie de l'espace ferroviaire est louée à un groupe de messagerie express. 146 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Figure 48. Terminal ferroviaire urbain et centre de distribution urbaine opéré par DPD, Chapelle International (source : A. Heitz, 2019) Sogaris a acheté 2,4 ha de terrain à un prix inférieur au coût du foncier parisien parce que la ville de Paris a modifié son PLU afin de permettre à l'aménageur, sur le reste de l'emprise, de construire plus haut que le PLU ne le prévoyait initialement. Concrètement, la limite fixée par le PLU était à 37,5 m, la ville de Paris a déplafonné à 50 m de haut pour compenser le manque à gagner sur la partie logistique (à noter que le bâtiment est en grande partie souterrain, seuls 9 mètres se situent au-dessus de la surface du sol). Le PLU a également été modifié pour faire passer le terrain d'emprise de l'hôtel logistique du statut de zone urbaine de grand service urbain (UGSU), qui ne permettait pas de mixer les activités à l'intérieur d'un même bâtiment, au statut de zone urbaine générale (UG) qui l'autorise. Le résultat est un bâtiment mixte qui accueille des activités logistiques et d'autres activités. Les loyers issus des bureaux devraient compenser les pertes des loyers issus de l'exploitation logistique. La faiblesse du loyer du bâtiment (70 /m²/an et 120 /m²/an pour les surfaces logistiques en sous-sol en 2016) permet à l'hôtel logistique de proposer un espace logistique relativement compétitif au regard de sa localisation et de son prix. LIMITES DE CES EXPÉRIMENTATIONS Si le concept de la logistique urbaine innovante a commencé à être intégré dans les politiques publiques qui cherchent à promouvoir le développement d'alternatives pour optimiser les flux de marchandises en milieu urbain dense, il est fortement critiqué en raison des limites que ces solutions rencontrent. Limites financières La ville de Paris n'a jamais expérimenté de centre de distribution urbaine (CDU), forme particulière des ELU dans le sens où les derniers kilomètres et les livraisons sont mutualisés. Connecté à d'autres centres de distribution en périphérie, un CDU permet d'optimiser les tournées, les flux de marchandises dans l'espace urbain. Selon Lin, Chen et Kawamura (2014), il existe des avantages environnementaux liés à l'utilisation de CDU lorsque celle-ci est optimisée par la massification. En théorie, il existe également des avantages liés aux coûts puisque les CDU permettent d'optimiser et réduire le stockage dans les zones denses. Un CDU peut fournir des services à valeur ajoutée à ses clients tels que le stockage, l'emballage et l'étiquetage des envois (Browne et al., 2010). Ces solutions de logistique urbaine répondent aux principaux enjeux mentionnés précédemment (externalités négatives du transport de marchandises, mixité). Ces projets rencontrent pourtant un certain nombre de difficultés liées à leur développement en milieu urbain dense et surtout à leur coût (et leur prix d'usage). Ces études de cas démontrent la difficulté pour ces projets à émerger et surtout à perdurer. Un CDU a besoin d'un soutien de la puissance publique en termes d'encadrement, 147 PARTIE 4 de subventions et plus globalement par l'association entre les acteurs publics et les acteurs privés du transport et de la logistique (Panero et al., 2011). Si nos différentes monographies tendent à démontrer la volonté des différents acteurs à s'impliquer et à s'investir dans la programmation urbaine de la logistique, elles démontrent également l'absence de modèle reproductible à grande échelle et la difficulté de généraliser ces expérimentations. De nombreux projets d'ELU ont été estimés financièrement indépendants sur une perspective à moyen ou à long terme, mais beaucoup ont échoué dans cet objectif. Ville et al. (2013) ont identifié un petit nombre d'ELU financièrement viables, tels que Padoue et Parme en Italie. La littérature s'accorde à dire aujourd'hui que ce qui fait défaut n'est pas l'innovation mais bien le modèle économique. Un certain nombre de projets ont échoué et n'ont pas dépassé le stade de l'expérimentation (Lindholm, 2013). Si la logistique urbaine offre à la ville un terrain d'exploration nouveau, elle permet à travers ces expérimentations d'interroger les pratiques en matière de production urbaine et de gouvernance. Le bilan semble ici mitigé, constat partagé par les différents acteurs rencontrés. La programmation de la logistique n'a effectivement pas tout à fait dépassé le stade expérimental dans le cadre de la métropole parisienne. Répétons cependant que nombre d'innovations de logistique urbaine purement privées représentent un formidable succès, mais elles ne sont pas toujours reconnues par les municipalités, qui peuvent y voir même des activités à réguler voire à combattre, en raison de leurs impacts négatifs : consignes automatiques sur l'espace public qui génèrent un encombrement des trottoirs ou des gares, plateformes numériques de livraisons instantanées qui utilisent des coursiers livreurs autoentrepreneurs aux conditions de travail précaires. Dans une récente étude, des auteurs (Kin, 2016) interrogent la durabilité de certaines expérimentations de logistique urbaine au-delà du soutien financier des collectivités locales. En prenant l'exemple du CDU d'Anvers, les auteurs calculent le coût social de cette expérimentation. Leur conclusion est qu'une expérimentation de ce type à petite échelle pendant la période pilote n'est pas une option pour le secteur privé car les gains ne couvrent pas l'investissement de départ. Les auteurs estiment que dans le cas du CDU d'Anvers celui-ci commencera à produire un bénéfice lorsque le volume actuel augmentera de près de 80 %. La fragilité économique de ces expérimentations tient en grande partie grâce aux soutiens financiers des acteurs publics. Comme nous l'avons vu dans ces quatre expérimentations, toutes celles qui ne bénéficient pas d'un appui de la puissance publique ont cessé leur activité (The Green Link, Vert chez Vous, train Monoprix sur la Halle Gabriel Lamé avec Samada). Pour certaines de ces expérimentations, l'absence de rentabilité économique pose la question plus large de la rentabilité d'un immobilier logistique en zone dense. L'externalisation logistique a créé un marché d'immobilier locatif qui fixe le prix de loyer. Les travaux de recensement des prix de référence indiquent qu'un mètre carré d'entrepôt est loué aux alentours de 100 au bord de Paris et dans certains endroits de la première couronne parisienne. Pour être financièrement viables, des locaux implantés au coeur de Paris ne peuvent pas excéder excessivement les prix de la première couronne. Il apparaît qu'un produit d'immobilier logistique ne peut être concurrentiel qu'en alignant ses caractéristiques de prix et de services sur celles des autres produits d'un même bassin logistique. Ce n'est qu'après cet alignement que la localisation devient un avantage compétitif. Ces ELU doivent donc intégrer la logique financière du marché immobilier logistique. L'échec de certaines expériences que nous avons citées précédemment tient également à ce défaut de rentabilité du modèle économique par rapport au coût du foncier. Dans les métropoles, l'immobilier logistique est en concurrence avec les programmes immobiliers de logements et de bureaux. Il l'est d'abord d'un point de vue économique et ce sont encore des mécanismes fonciers qui sont à l'oeuvre. La valeur d'un terrain correspond à son potentiel de construction. Ce qui signifie que le propriétaire d'un terrain qui cède ce dernier à un promoteur tient compte de la plus-value que le promoteur peut réaliser lorsqu'il vend le bâtiment. Cette plus-value est estimée à partir de la localisation du terrain, mais aussi des droits à construire que le PLU accorde à ce terrain. 148 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Or, en première couronne, le loyer annuel d'un mètre carré est proche de 100 à l'année et ne permet pas à une foncière de se porter acquéreur d'un tel terrain, alors que l'immobilier de bureau permet d'obtenir des loyers qui vont du triple à l'octuple. Dans le cas de la construction d'un bâtiment logistique, il faudrait que le propriétaire cède le terrain à un prix bien moins élevé que le prix du marché, au regard de la pression foncière, pour qu'un acquéreur se décide. Il reste que les activités logistiques n'ont pas les moyens financiers de s'implanter en coeur d'agglomération au prix du marché actuel. Les aides financières des acteurs publics sont souvent nécessaires pour acquérir du foncier au coût réel du marché. Dans le cas de Chapelle International, au-delà du surcoût lié au foncier pour un tel projet, le bâtiment lui-même représente un investissement de taille. Le TFU de l'hôtel logistique à Chapelle International a, semble-t-il, coûté 77 millions d'euros à Sogaris. Afin de réduire les coûts, Sogaris a bénéficié de cinq millions d'euros d'aides d'État dans le cadre des projets d'investissement d'avenir. L'amortissement du bâtiment est prévu sur quinze ans (la durée moyenne pour un entrepôt est de vingt ans, vingt-cinq ans pour des bureaux). Cela signifie que la perte de valeur de ce bâtiment logistique est plus rapide dans le cadre de l'immobilier logistique en zone dense qu'ailleurs. Sogaris estime la durée de vie du bâtiment à quarante, soixante ans. Mais elle envisage déjà l'inadaptation du bâtiment à la demande future et les besoins de réaménagements entre-temps (Heitz, 2017). Limites posées par les contraintes techniques et réglementaires D'autres contraintes viennent peser sur ces expérimentations de logistique urbaine dans Paris, qui rendent la généralisation de ces expériences plus compliquée. Des contraintes techniques d'abord, comme par exemple dans le cas de Chapelle International, puisqu'à l'origine, Sogaris prévoyait de placer la porte d'entrée du TFU au nord, car le train de fret arriverait par là. Les contraintes spécifiques du faisceau ont obligé Sogaris à aménager une porte d'entrée au sud du bâtiment, ce qui a tendance à compliquer l'exploitation opérationnelle du TFU. Par ailleurs, la commercialisation des surfaces a aussi modifié de façon importante la programmation. Si à l'origine Sogaris envisageait de construire la plus grande centrale électrique solaire de Paris sur le toit du bâtiment, la mairie de Paris a souhaité bénéficier du sursol pour y implanter des espaces publics (terrains de sport et ferme urbaine), en passant par un projet urbain partenarial (PUP) avec l'aménageur, ce qui a par ailleurs provoqué des surcoûts de structure puisque plus de poids devait être supporté par les fondations. Les futurs locataires ont aussi négocié des aménagements spécifiques avec Sogaris alors que les procédures de demande d'autorisation avaient déjà été déposées par la foncière auprès de l'administration, entraînant des longueurs administratives supplémentaires. Dans le cas de Beaugrenelle d'autres contraintes techniques sont apparues. Comme il s'agissait de réaménager un ancien parking souterrain, il a fallu organiser l'espace en fonction de l'existant. Par ailleurs, le bâtiment étant classé par les Architectes des Bâtiments de France, le réaménagement de l'espace a été complexe. Une autre contrainte réglementaire pèse sur les projets immobiliers de la logistique urbaine. Les entrepôts sont soumis à une réglementation ICPE lorsque transitent au moins 500 tonnes de marchandises par jour. Or, l'hôtel logistique de Chapelle International ne devrait pas connaître de tels volumes et ainsi aurait pu ne pas être soumis à la réglementation ICPE. Mais les installations techniques comme le groupe électrogène et le data center ont fait entrer le bâtiment dans la catégorie ICPE. Cette catégorie est très contraignante en matière de construction. De plus, ce bâtiment accueille d'autres fonctions que la logistique et est de ce fait soumis à la réglementation des ERP (Établissements Recevant du Public). Les pompiers ont imposé à Sogaris une augmentation des surfaces de désenfumage, des escaliers et des issues de secours supplémentaires, notamment pour le sous-sol qui s'est calé sur les niveaux de sécurité imposés aux ERP. Les normes du sous-sol sont donc très restrictives par rapport aux activités localisées dans cette partie du bâtiment. Le processus de commercialisation a transformé la destination du sous-sol, à l'origine plutôt orientée vers la messagerie, vers une activité de grossiste alimentaire à destination des professionnels. Cet ajout d'équipements de sécurité supplémentaires s'est traduit par une augmentation des dépenses liées à la structure du bâtiment. 149 PARTIE 4 Les servitudes liées à la localisation à proximité directe des faisceaux ferroviaires et les travaux de dépollution, qui se sont étalés de 2011 à septembre 2015, date d'achat du terrain, ont largement pesé sur la construction du bâtiment. L'ensemble complexe que représente ce projet peut participer d'un certain scepticisme autour de la réalité opérationnelle d'une implantation logistique intermodale en milieu urbain dense. L'enjeu autour de ce projet dépasse donc sa condition d'expérimentation et devient également une vitrine qui doit permettre de convaincre les opérateurs et les promoteurs immobiliers de la durabilité et de l'efficacité de ce type d'investissement. D'autres limites mériteraient d'être analysées, par une évaluation environnementale de ces dispositifs et de leur impact sur la réduction effective ou non des émissions de CO2 et autres polluants dans les villes. Limites du modèle à l'épreuve du temps En dehors de Paris, on compte plusieurs expérimentations menées dans diverses villes, dont certaines de notre échantillon. Certaines sont anciennes : en 1990, les autorités publiques d'Aix-en-Provence se posent la question de mieux optimiser les flux de marchandises à l'intérieur de la ville et développent un projet de CDU mutualisé (Dablanc et Massé, 1996). Ce projet n'a pas été mené jusqu'au bout et a été suspendu. Une situation similaire peut s'apprécier à Strasbourg, qui a proposé le premier CDU multimodal en utilisant la gare ferroviaire fret SNCF de la capitale alsacienne. Le projet a été arrêté en 2002 suite à la sortie de l'opérateur ferroviaire du projet. D'autres projets de CDU ont été tentés à Toulouse, où le projet n'a pas été mené dans sa totalité, et à Montpellier. D'autres types d'espaces logistiques urbains en France sont apparus, comme les Espaces de Livraison de Proximité (Bordeaux et Rouen), petites plates-formes urbaines, parfois mobiles, pour l'organisation des livraisons en centre-ville, ou les systèmes de livraison propres, comme La Petite Reine ou Colizen, qui s'appuient sur des petites plates-formes logistiques en zone dense des aires urbaines. Enfin, des plates-formes de massification de type CDU mono-utilisateur ont été tentées aussi, notamment à Paris avec les expériences de Chronopost, Monoprix et Natoora (Gonzalez-Feliu et al., 2013). Il existe également un ELU à Lyon, situé à Cordeliers. Il s'agit d'un CDU privé opéré par Deret logistique mais soutenu par la communauté d'agglomération. À Saint-Étienne il existe un CDU multiopérateur mis en place par la Ville et la FNTR qui, après deux ans d'études de faisabilité, a été construit puis mis en service en juin 2013. Il a fermé en 2017 après quatre ans d'expérimentation faute de rentabilité du dispositif. Enfin, il existe un CDU à Monaco opéré depuis plus de vingt ans (Interface Transport, 2004 ; Paché, 2010). LE CAS DE STRASBOURG La ville de Strasbourg dispose actuellement de deux espaces de proximité. Elle compte développer des espaces logistiques en périphérie, non sans problèmes. « On a deux services privés qui se sont mis en place suite aux évolutions réglementaires de la municipalité. Cela fait plusieurs années qu'on travaille dans le cadre d'une concertation, on a étudié la faisabilité économique du CDU, on n'a pas trouvé de modèle ni de leader pour porter le projet » (chargée de stratégie logistique urbaine, Strasbourg Eurométropole). 150 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville LE CAS DU CDU DE LA ROCHELLE En 1998, dans le cadre du projet européen ELCIDIS (ELectric City DIstribution System), la communauté d'agglomération de La Rochelle a décidé de mettre en place un CDU afin de protéger le centre historique de la ville. À l'origine du projet, la communauté d'agglomération de La Rochelle s'est associée à la CCI, à la Société du commerce rochelais, à des transporteurs et au Programme National Marchandises en Ville (PREDIT, 2005 ;Gonzalez-Feliu, 2013). Un ancien entrepôt situé en périphérie immédiate du centre-ville de La Rochelle a été utilisé pour permettre de distribuer les 1 300 commerces à l'aide de véhicules électriques. La phase d'expérimentation a commencé en début d'année 2001. Cette expérimentation a reçu des aides financières européennes et de la ville de La Rochelle. La communauté d'agglomération (CdA), le conseil régional, la CCI et l'ADEME ont également soutenu le projet financièrement. La Ville est devenue propriétaire du matériel : ensemble du parc roulant (six fourgonnettes de type Berlingo électrique et un véhicule électrique de plus de 3,5 tonnes), matériel de manutention et matériel informatique. La limite majeure de ce projet s'est très vite révélé être l'équilibre financier difficile à atteindre (Malhéné et Breuil, 2010). Depuis 2006 et à travers le projet européen CIVITAS SUCCESS, la CdA a décidé de confier l'exploitation de ce service à Veolia Transport, via sa filiale PROXIWAY, dans le cadre d'une délégation de service public (première du genre, et à notre connaissance la seule en France voire dans le monde...), afin de pérenniser le système et permettre de nouveaux développements. PROXIWAY assure donc la gestion d'ELCIDIS et en plus de deux autres services : LISELEC (véhicules électriques en libre-service) et une navette électrique entre un parking relais et le centre-ville (Trentini et Malhéné, 2010). Cet exemple de La Rochelle prouve à nouveau que le modèle économique et financier de ces expérimentations n'est pas encore au point empêchant la généralisation et la systématisation de l'expérience. Le CDU de La Rochelle est opérationnel depuis plus de quinze ans, mais devrait prochainement fermer. La délégation de service public en cours depuis 2011 arrive bientôt à échéance, par ailleurs l'entrepôt qui abrite aujourd'hui le CDU devrait être démoli dans le cadre d'un nouveau projet urbain autour de la gare (Le courrier des maires, 01/10/2018, article de N. Cruz (5) ). Le cas du CDU de La Rochelle est particulièrement intéressant, car il permet d'observer sur le temps long les difficultés rencontrées par les pouvoirs publics locaux dans la mise en place de ces projets. Depuis plusieurs années déjà et après plusieurs évaluations, les acteurs publics locaux s'interrogent sur la pérennité du CDU. Le dernier procès-verbal du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de La Rochelle entérine la fin du CDU. En 2014, la communauté d'agglomération est devenue compétente en matière de mobilité (AOM) et a décidé de mettre en oeuvre une stratégie pour les marchandises : Historiquement, la CdA de La Rochelle est intervenue dans la politique de logistique urbaine par la biais d'un projet européen Elcidis qui a contribué à la mise en place d'un centre de distribution urbaine (CDU) avec un opérateur équipé de véhicules électriques afin de réaliser le dernier kilomètre de livraison sur le centre-ville de La Rochelle. Cette action a été pérennisée via un contrat de délégation de service public, confié à Proxiway pour une période longue (1er novembre 2006 ­ 31 octobre 2018). En 2016, en anticipation de la fin du contrat d'Elcidis, la CdA s'est engagée dans une réflexion plus globale pour arriver à la formalisation d'une feuille de route sur la logistique urbaine et le transport de marchandises. Cette démarche s'inscrit également dans le cadre du projet Européen Urbact Freight Tails, et a été cofinancée par ce programme (PV conseil communautaire, 20 septembre 2018). (5) http://www.courrierdesmaires.fr/77374/la-rochelle-change-son-fusil-depaule-et-revoit-son-dispositif-de-controle/ 151 PARTIE 4 La communauté d'agglomération de La Rochelle a fait le bilan de ces années de délégation de service public, a réalisé un diagnostic des besoins logistiques de son territoire et entrepris une nouvelle politique basée sur la concertation avec les entreprises de transport locales. Cette politique se décline en trois axes : 1) mettre en place une nouvelle réglementation pour le centre-ville « plus lisible, plus simple et qui favorise progressivement l'accès aux véhicules de livraison faiblement émissifs pour arriver d'ici à l'horizon 2025 à 100 % des livraisons en véhicules (supérieurs à 3,5 tonnes) faiblement émissifs sur le centre-ville » ; 2) inciter à la mutualisation des flux en amont du centre-ville, « plusieurs acteurs du TMV disposent d'un projet de plateforme de mutualisation avec une localisation pertinente par rapport au centre-ville (sur les axes d'entrée sur La Rochelle en amont de la rocade) et s'orientent vers des véhicules faiblement émissifs. Il est ainsi proposé de favoriser leur mise en relation afin qu'ils cherchent des optimisations supplémentaires de flux de marchandises. Devant l'existence d'acteurs économiques sur le territoire, l'implication de la collectivité via un contrat de délégation de service public n'est donc plus justifiée. Il est proposé de ne pas prolonger ni renouveler le service Elcidis au-delà de la fin du contrat (octobre 2018) mais de s'appuyer sur les transporteurs locaux pour les livraisons du dernier kilomètre en véhicule faiblement émissifs » ; 3) favoriser des projets innovants et propres en matière de logistique urbaine. Cette disposition a été adoptée à la majorité lors du conseil communautaire. Le cas de La Rochelle montre que les expérimentations menées en matière de CDU, peu concluantes au regard de leur rentabilité économique et financière, incitent les pouvoirs publics locaux à ne pas les prolonger. Ceux-ci se recentrent sur leurs compétences premières, comme la réglementation pour agir sur le transport de marchandises et la logistique plutôt que de passer par une solution immobilière plus coûteuse et incertaine, surtout pour une petite agglomération. Par ailleurs, on note la volonté des acteurs publics de se reposer davantage sur le secteur privé pour initier ce type de projet. Après s'être investi pour l'exemple, la puissance publique estime avoir joué son rôle de moteur mais n'a pas vocation à pérenniser ce service public. Cela interroge d'autant la possibilité de faire des CDU un service public. LE CAS DE BORDEAUX En ce qui concerne la métropole de Bordeaux, il s'agit d'une initiative des acteurs privés. « C'est un travail que nous menons. Nous ne développons pas ni mettons en place ces initiatives, mais c'est plutôt de la compétence du privé de les mettre en place. » La ville de Bordeaux se voit comme un régulateur ou un facilitateur : « En revanche, notre but c'est de faciliter leur implantation, aujourd'hui on a deux entreprises qui exploitent des espaces logistiques urbains et donc notre rôle a été de les accompagner à leur installation, de les mettre en relation pour trouver des locaux adaptés. Mais aussi être facilitateur pour que les professionnels puissent s'implanter. » La métropole de Bordeaux a par exemple aidé à trouver des places de parking public pour développer des espaces de logistique urbaine. La métropole de Bordeaux a réalisé de nombreuses expérimentations. La première, précédemment citée, a aidé des livraisons nocturnes via l'utilisation de véhicules silencieux. Une deuxième a tenté de mutualiser les flux. La troisième consistait à implanter des espaces logistiques de proximité : « On a fait aussi des expérimentations d'espaces logistiques de proximité dans le cadre de travaux de voirie pour mettre en place un nouveau tramway » (Direction Circulation et Stationnement, Bordeaux Métropole). 152 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Figure 49. Espace Logistique de Proximité, non loin du chantier du tramway (source : Bordeaux Métropole) La Métropole a donc aidé les commerces et livreurs à accéder plus facilement à la zone de travaux. La dernière expérimentation consiste à soutenir les solutions organisationnelles et technologiques des transporteurs privés en cédant certaines compétences à des opérateurs privés. « On est en train de lancer des expérimentations sur le stationnement et l'arrêt pour les livraisons en dédiant de l'espace public à des opérateurs privés » (Direction Circulation et Stationnement, Bordeaux Métropole). Ces expérimentations se font en concertation avec les partenaires privés, parfois à l'initiative des collectivités et des partenaires publics. « Soit c'est nous qui avons souhaité avoir un travail sur un sujet particulier et donc on a sollicité des partenaires privés pour le mettre en place ou accompagner une démarche. Soit c'est l'inverse, afin de mettre en place des nouvelles pratiques, des nouvelles dispositions on les a accompagnés » (Direction Circulation et Stationnement, Bordeaux Métropole). La métropole de Bordeaux, contrairement aux autres, possède une instance de gouvernance de la logistique urbaine co-pilotée entre Bordeaux Métropole et la CCI Bordeaux-Gironde, qui permet grâce à la concertation et au dialogue d'aboutir à des projets qui fonctionnent. « On a une très bonne entente donc du coup, on arrive assez facilement à dialoguer et à mettre en place des solutions qui conviennent à tous finalement. Qu'elles soient à l'initiative de la collectivité ou des partenaires privés, il y a pas mal de synergies qui sont trouvées grâce à ça » (Direction Circulation et Stationnement, Bordeaux Métropole). 153 PARTIE 4 LE CAS D'ORLÉANS La métropole d'Orléans n'a quant à elle pas encore réalisé d'expérimentation, mais il est prévu d'en réaliser, principalement sur le renouvellement de la flotte de véhicules. L'utilisation d'outils connectés permettant une meilleure connaissance sur la disponibilité des places est actuellement expérimentée : « On expérimente à proximité de la gare du stationnement connecté qui permet de savoir en temps réel la disponibilité des places. Nous ferons pareil pour les places de livraisons. » Grâce à ces expérimentations, il a été permis de corriger certains problèmes liés aux livraisons. « On a remis à niveau les places de livraison, leur localisation, leur dimensionnement » (chargée de mission Mobilités et PDU, Orléans Métropole). La dernière expérimentation consiste à ouvrir les places de livraison à tous l'après-midi. Ces expérimentations ont été réalisées comme pour la métropole bordelaise en concertation avec des acteurs privés de la logistique ou encore des entreprises portées sur l'innovation : « On s'est concerté avec les principaux logisticiens et entreprises de livraisons de la métropole et avec les associations de commerçants. On travaille également avec une start-up qui développe du stationnement connecté » (chargée de mission Mobilités et PDU, Orléans Métropole). L'implantation d'espaces logistiques urbains tels que les BLU (Boîtes Logistiques Urbaines), les CDU, les ELP ou encore les ELU a été projetée. Mais suite à une concertation avec les commerçants, associations de commerçants, clients, il en est sorti que l'offre en centre urbain est suffisante : « Ils n'ont pas de besoins particuliers de centres urbains complémentaires en fait. » La stratégie se focalise donc sur un développement des consignes et des triporteurs. Concernant la mixité fonctionnelle en ville, contrairement à Bordeaux, la métropole y est moins exposée. Tout d'abord les livraisons se font dans les heures creuses, c'est-à-dire entre 9h00 et 11h00 : « Ce n'est pas l'heure de pointe ou celle où on dépose ses enfants ni l'heure de pointe où on va dans les commerces donc ça se passe plutôt bien. » En revanche dans les zones d'activités logistiques, il n'y a pas de mixité fonctionnelle en raison des fonctions présentes dans ces zones. « Dans les zones d'activités, le problème est qu'il n'y a pas de mixité fonctionnelle, ce sont seulement des fonctions économiques et c'est plus problématique parce que même si les horaires sont décalés pour le transport de marchandises ça reste très contraint » (chargée de mission Mobilités et PDU, Orléans Métropole). LA COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION DE LENS-LIÉVIN (CALL) La CALL n'a pas réalisé d'expérimentations. Une étude a été menée sur l'autoroute A21 sur la création d'un échangeur dans les zones d'activités congestionnées mais n'a pas été portée car non prioritaire. « Nous n'avons pas le temps, par ailleurs nous sommes davantage sur un schéma de développement classique car on ne rencontre pas les problématiques de congestion que peuvent rencontrer les grandes métropoles. Pour nous, aujourd'hui l'impératif c'est le développement économique et le chômage » (cheffe de projet mobilité/ déplacements, communauté d'agglomération de Lens-Liévin). 154 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Ces différents cas illustrent bien l'hétérogénéité de l'action publique au regard de ces expérimentations, qui prennent des formes différentes selon les villes. La seule volonté de l'acteur public et sa capacité à mobiliser des acteurs privés autour de ces projets sont déterminantes dans la mise en oeuvre de ces expérimentations. À quelques exceptions près, ces études de cas montrent bien la limite des plus petites villes ou intercommunalités à innover en matière de transport de marchandises et de logistique urbaine. Cette dernière semble être aujourd'hui un concept plutôt réservé aux plus grandes métropoles. Mais ces dernières ne connaissent pas de taux de succès très élevé lorsqu'elles prennent directement l'initiative d'expériences de logistique urbaine. Finalement, ce sont surtout les initiatives privées qui se développent, et pas toujours dans le sens espéré ou voulu par les municipalités : nous reprenons notre propos précédent sur les ambiguïtés du développement d'innovations liées aux livraisons du e-commerce (consignes, points relais, livraisons instantanées). Gageons que dans le futur, les développements liés aux modes automatiques ­ drones, robots terrestres, camions et camionnettes autonomes ­ feront l'objet de la part des municipalités du même type de réaction contrastée : méfiance mêlée d'espoir, laisser-faire et volonté de réguler, voire d'interdire. 155 NOTES SECTORIELLES 2 Urbanisme et aménagement La gouvernance urbaine tâtonnante du transport de marchandises et de la logistique 1 Une multiplication des acteurs impliqués, une gouvernance complexe S'il n'y a pas de compétences « fret » ou « logistique » à proprement parler, on note la montée de ces questions dans la planification des territoires. Cette dernière correspond à la capacité des acteurs publics à produire une vision pour leur territoire, à organiser des programmes (projets urbains, projets de transports) et des investissements, et enfin à produire des règles pour réguler le sol et organiser les activités et les populations sur le territoire. Plusieurs acteurs disposent de cette capacité de planification, à différentes échelles : les communes avec le PLU, les intercommunalités avec le PLUi, le SCoT et le PDU et enfin les régions avec les SRADDET. Chacun de ces acteurs agit en fonction de ses intérêts propres. Les communes disposent en plus du pouvoir de police qui leur permet de réguler l'espace public, la voirie et la circulation. Aujourd'hui la question du fret et de la logistique a pénétré tous ces échelons. Bien que certaines villes n'intègrent ces questions qu'à la marge, le SCoT, le PDU ou même le SRADDET peuvent prendre le relais sur ces questions et ainsi progressivement influencer ces communes à intégrer ces questions. Outre l'État, les régions et départements, EPCI et municipalités, il faut aussi noter l'importance des acteurs de l'aménagement du territoire dans le processus d'élaboration de ces documents, comme les agences d'urbanisme, les pôles de compétitivité, les syndicats, mais aussi des acteurs de la vie économique (CCI, observatoire économique ou conseil de développement économique, représentant d'entreprises de transport, etc.), et enfin des acteurs de l'environnement (associations environnementales). On assiste donc à une complexification de la gouvernance de la logistique et du transport de marchandises par la multiplication des acteurs impliqués dans le processus de planification. L'enjeu essentiel réside alors dans la répartition des compétences, entre la planification et la réglementation. Si la planification résulte d'un exercice concerté, la réglementation ­ notamment à l'échelle locale ­ reste encore largement effectuée par les communes. Par ailleurs, le fret et la logistique ont pénétré tous les échelons, la collaboration effective entre les acteurs autour de ces objets reste tâtonnante, conduisant parfois à une perte de cohérence et de lisibilité de la politique logistique et transport de marchandises pour l'ensemble des acteurs. À noter que les situations sont différentes selon les villes comme nous le verrons dans la partie sur la typologie. Face à cette gouvernance complexe, la question de l'échelon pertinent est toujours posée. En ce qui concerne la planification, nous souhaitons ici souligner l'importance de la complémentarité des échelons. En effet, nous avons vu que les plus petites communes, les petites et moyennes agglomérations n'ont pas forcément les ressources, l'ingénierie pour intégrer à l'échelon local les questions de transport de marchandises et de logistique. Les échelons supérieurs, sans intervenir dans la pratique locale garantissent une prise en compte de ses enjeux. En ce qui concerne la 156 NOTES SECTORIELLES 2 Urbanisme et aménagement réglementation on peut en effet penser que l'harmonisation des réglementations dans les territoires des PTU ou des intercommunalités faciliterait la lisibilité des règles de circulation et de stationnement rendant le fonctionnement du transport de marchandises mal optimisé. Le rôle de l'État s'est renouvelé dans le cadre du programme national de marchandises en ville et de la conférence nationale sur la logistique. Conformément à l'article 41 de la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transport, le Gouvernement a pris l'initiative d'organiser une conférence nationale sur la logistique pouvant préfigurer une politique nationale dans ce secteur. Cette disposition législative vise à placer la logistique comme l'un des secteurs essentiels de la compétitivité du territoire et de son économie. Les principaux objectifs visés par l'article de loi sont de : · Rassembler les acteurs ; · Effectuer un diagnostic de l'offre logistique française ; · Déterminer les besoins pour les années à venir ; · Évaluer l'opportunité de mettre en oeuvre un schéma directeur national de la logistique ; · Identifier les priorités d'investissement et de service ; · Inviter les régions et les métropoles à mettre en oeuvre sur leur territoire des plans d'action. Le lancement d'une conférence sur la logistique constitue une première dans un secteur aux contours très étendus. En rupture avec une approche souvent séquentielle et mode par mode en matière des transports, cette conférence est un processus qui réunit tous les acteurs de la chaîne logistique et les secteurs de l'économie qui en dépendent. Malgré un fonctionnement principalement basé sur des relations entre acteurs privés et librement ouvert aux initiatives, l'État et plus largement la puissance publique sont périodiquement interpelés pour aider à la structuration et à la performance de ce secteur. C'est donc dans cet objectif que l'État s'engage sur ce sujet, à partir de l'organisation d'une conférence associant tous les acteurs. Au regard des enjeux du service logistique apporté, voire intégré, à de nombreux secteurs de l'économie, et dont les transports constituent l'élément central, la conférence a été préparée grâce à la collaboration des ministères de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer (MEEM) et de l'Économie, de l'Industrie, et du Numérique (MEIN). L'État prend ainsi un rôle de cadre, de guide des collectivités territoriales dans leur démarche en matière d'intégration de la question logistique dans leur action. 2 Un pouvoir communal au coeur du processus Malgré une prise en compte dans la planification régionale (SDRIF), ce traitement de la question logistique dans les exercices d'aménagement reste alors majoritairement du ressort des pratiques communales et intercommunales. Ce traitement porte tout autant sur les stratégies d'attractivité économique développées par certaines communes et établissement intercommunaux (zonage des activités) que sur la mise en place des règles ordinaires de l'urbanisme (stationnement, circulation). Mais ce sont bien les plans locaux d'urbanisme et les permis de construire qui fixent la carte logistique francilienne et son évolution sans contrainte réelle des services de l'État pourtant responsables des installations classées et des agréments constructeurs. Et la faiblesse des regroupements intercommunaux, en périphérie francilienne, introduit un rapport souvent déséquilibré entre firmes de l'immobilier logistique et communes se traduisant par une forme de privatisation de l'activité logistique périurbaine (Raimbault, 2014 ; Debrie, Heitz, 2017). Pour autant, à l'instar de la consolidation d'une priorité logistique régionale, se développe un intérêt logistique de la ville de Paris. Cet intérêt impacte la réglementation et s'est traduit par la délimitation de neuf zones dites « Grands Services Urbains » dans le plan local d'urbanisme. L'exemple de Paris montre que pour une réelle mise en oeuvre de projets urbains liés à la logistique, l'acteur communal demeure essentiel. Il a un rôle d'impulsion qui peut ensuite être relayé par les intercommunalités et la région. Quoi qu'il en soit, la commune a le dernier mot dans le cadre de son pouvoir lié au permis de construire. 157 NOTES SECTORIELLES 2 3 Une pratique tâtonnante et des acteurs privés encore peu intégrés tout au long du processus Malgré l'intégration des acteurs privés dans le processus d'élaboration des documents de planification, ils restent encore peu mobilisés dans l'élaboration des règles de circulation et de stationnement. La concertation initiée reste ponctuelle à l'occasion d'une étude ou d'un diagnostic PDU mais non pérennisée dans le temps par des ateliers ou groupes rassemblés à une fréquence régulière et connue qui permette aux acteurs d'entrer dans une relation de confiance, peu organisée. Les professionnels insistent sur la logique dominante de « grande messe » top-down informative, au détriment de groupes de travail féconds où problèmes remontés du terrain et solutions se répondent, et incomplète par les acteurs qu'elle réunit (Ducret, 2014). Par ailleurs, ces acteurs privés sont rarement associés aux processus d'évaluation des mesures établies par les pouvoirs publics locaux. Les freins à une concertation de qualité sont multiples : les agents locaux signalent les difficultés à identifier les bons acteurs (outre ceux qui sont bien visibles dans le paysage), l'absence du réflexeconcertation préalable à l'action, ou encore la faible connaissance de l'interlocuteur, de ses intérêts et motivations, ainsi que l'identification de temps de l'action différents qui renforcent la réticence des collectivités à lancer une large concertation (Ducret, 2014). Nous avons observé l'apparition d'un nouvel outil de la concertation, la charte, qui peut être adjointe au processus, à mi-chemin entre concertation et action (charte de principes à Toulouse et charte de bonnes pratiques à Orléans). La forme de la charte, le périmètre d'action, les acteurs signataires, les moyens associés et la portée entre information, prescription et engagement, entre charte de principes et d'information et charte de projets plus opérationnels devront être analysés à l'avenir pour comprendre comment cet outil peut apporter une valeur ajoutée à la politique du transport de marchandises en ville. Paris est une des premières villes à avoir initiée ce processus en 2001 dans un cadre partenarial associant les institutions, le milieu consulaire, les transporteurs et les chargeurs. La signature d'une charte des bonnes pratiques des transports et des livraisons de marchandises dans Paris en 2006 témoigne de l'émergence de nouveaux outils. Cette initiative partenariale est prolongée en conformité des prescriptions du SDRIF et du PDUIF dans le cadre d'une nouvelle charte en faveur d'une logistique urbaine durable signée par l'ensemble des partenaires en septembre 2013. Plus opérationnelle, cette nouvelle charte repose sur une identification des structures et équipements (plate-forme logistique et équipement pour la desserte des quartiers) et des pratiques innovantes à accompagner (horaires décalés, nouvelle organisation des tournées). La ville de Paris, dans le cadre de cette charte, initie seize « fiches projets » permettant d'accompagner les objectifs localisés dans la charte. Elle annonce également le financement et la réalisation de quelques projets spécifiques dédiés à la logistique urbaine et à l'amélioration des conditions du fret en ville, dans Paris comme la dalle de Beaugrenelle pour Chronopost, le centre de distribution urbaine des Halles ou le projet d'hôtel logistique de Chapelle Internationale. Ces initiatives sont pour l'instant essentiellement présentes dans Paris. Elles s'inscrivent néanmoins dans une prise en compte plus prononcée de cette question en première couronne. Ces deux exemples démontrent la volonté et la capacité d'investissement de la ville de Paris dans la logistique urbaine dans des expérimentations qui permettent à la fois de tester de nouvelles pratiques en termes de logistique et de transports de marchandises en lien avec les acteurs du secteur eux-mêmes, mais également de servir d'exemple à d'autres communes en démontrant la viabilité et le bon fonctionnement de ces modèles. La signature d'une charte d'objectifs sur le transport de marchandises en Seine-Saint-Denis entre le Département, la ville de Paris, la Région, 45 communes et regroupements intercommunaux, les gestionnaires d'infrastructures, les transporteurs et chargeurs en est un témoin supplémentaire. De caractère « déclaratoire », les constats, objectifs et intentions renvoient néanmoins à cette même préoccupation d'expérimentations de services nouveaux et de maintien et valorisation des emprises centrales existantes. Cette prise en compte nouvelle de la logistique semble alors se généraliser. On recense également des chartes à Toulouse, Grenoble ou Strasbourg dans le cadre du développement du fluvial. 158 Urbanisme et aménagement La mobilisation d'un outil ­ la charte ­ dans la pratique de l'aménagement complète les instruments que sont les documents de planification régionaux, métropolitains, municipaux. Ces chartes autorisent des collaborations nouvelles entre acteurs dans le but d'assurer la déclinaison des objectifs généraux de l'action publique fixés dans les documents. Elles posent néanmoins la question, au-delà des expérimentations en cours sur quelques sites ciblés en zone centre, de la généralisation de cet intérêt logistique dans les projets urbains. 4 Des outils traditionnels entre objectifs et réalisations : l'importance de la pratique Parmi les outils de planification urbaine et des transports qui peuvent agir sur le fret urbain, nous observons que le PDU (et son volet marchandises) est l'outil de planification le plus utilisé par les collectivités qui mènent une politique du fret urbain ou qui souhaitent le faire. Cependant, le PDU n'a pas de pouvoir prescriptif et il n'est pas rare que les fiches actions restent des voeux pieux. C'est une étape identifiée comme délicate par les techniciens qui peinent à convaincre les élus de mettre en pratique les prescriptions. Mais l'analyse des différentes générations de PDU suite aux révisions dans les villes étudiées permet de constater l'effort de verbalisation d'objectifs opérationnels. Malgré des progrès dans son utilisation, il reste un outil sous-utilisé par les collectivités françaises pour gérer la logistique urbaine. Dix-huit villes de notre panel sont dans l'obligation de réaliser un PDU. Si 66 % des villes du panel donnent à lire des PDU intégrant plus ou moins les questions de fret, la logistique et le transport de marchandises restent des thèmes marginalisées par rapport au transport de passagers et aux enjeux environnementaux. Le PLU par son article 12 relatif aux aires de stationnement pour les nouvelles constructions, par sa capacité à imposer des surfaces de stockage minimum pour les commerces, à revoir la hauteur sous plafond des rez-de-chaussée pour permettre une mutation fonctionnelle, etc., pourrait être un levier d'action essentiel mais il est peu perçu comme tel. 2/3 des communes que nous avons analysées ont effectivement utilisé cet outil, de façon variable. Dans les objectifs du PLU on note également l'importance de la prise en compte de la logistique bien que cela ne se traduise que rarement de façon concrète dans les règlements et les projets urbains des communes, à l'exception notable de Paris. Les PLUi pourraient renforcer le traitement transversal de la logistique urbaine car ce document permet d'actionner à une échelle plus vaste les leviers du PLU et du PDU. Le transport de marchandises en ville et la logistique ne disposent pas d'outils spécifiques pour réglementer ou planifier les territoires. Ils intègrent des documents préexistants dont la manipulation a déjà nourri la pratique des acteurs publics qui doivent réapprendre à les utiliser au regard de nouvelles questions. Aujourd'hui ces acteurs publics doivent se réinterroger non pas sur la nature des documents mais bien sur leurs propres pratiques. Nous avons vu, tout au long de cette analyse des documents de planification, à toutes les échelles une dichotomie entre les objectifs, les ambitions et les règlements qui encadrent la mise en oeuvre de ces objectifs. Pour que ces outils soient effectifs, il ne faut pas de nouveaux outils, mais mieux utiliser ceux qui existent actuellement. Les acteurs publics doivent s'interroger sur leurs pratiques. La mise en cohérence des objectifs d'une part et des règlements d'autre part est essentielle pour mettre en oeuvre ces ambitions, sans quoi celles-ci restent des voeux pieux. Cette distinction entre objectifs et réalisations nous semble primordiale. Nos entretiens montrent que les acteurs publics ont parfois l'impression d'avoir réglé la question du fret et de la logistique parce qu'ils ont adopté des positions plus ou moins ambitieuses en matière d'objectifs, or en l'absence de règlement et de financement de projets en lien avec la logistique et le transport de marchandises, on ne peut considérer que les problèmes sont soldés. 5 Des projets et expérimentations concrets mais limités Derniers leviers d'action, le projet ou l'expérimentation. Ceux-ci apparaissent comme le degré supérieur de prise en charge des questions de logistique urbaine pour des villes d'ores et déjà avancées dans d'autres segments de la politique du fret urbain. Les villes en phases intermédiaires se concentrent plutôt sur la partie réglementaire. Si presque l'ensemble des villes que nous avons analysées ont inscrit dans leurs objectifs, et ce à différentes échelles. 159 NOTES SECTORIELLES 2 Urbanisme et aménagement La pérennité au-delà de l'expérimentation est aussi un sujet délicat. Parmi les outils concrets recensés dans les villes interrogées et plébiscités, citons le centre de distribution urbaine, la conciergerie, l'utilisation du transport fluvial ou du tramway de marchandises, les livraisons de nuit, l'optimisation de l'implantation des aires de livraison, l'incitation à l'utilisation de véhicules propres, etc. La mise en service d'un CDU est souvent envisagée par les collectivités comme un des premiers leviers d'action sur le fret urbain (treize villes de notre panel envisagent de se lancer ou se sont lancées dans l'aventure). L'idée peut même apparaître avant toute réflexion globale sur la logistique urbaine dans le territoire, avant tout diagnostic territorial, pourtant essentiels préalablement à toute action. Ici se fait jour le risque de copier-coller et d'effet de mode sous l'influence d'initiatives médiatisées de villes françaises ou européennes bien avancées. Le taux élevé d'échec des projets d'innovation (Dablanc, 2012) peut être considéré comme un obstacle lorsqu'il s'agit de persuader les responsables et les parties prenantes de mettre en place de nouvelles solutions. Il est donc utile de donner un aperçu des différents types de projets et d'essais d'innovation qui peuvent avoir lieu dans le cadre de la logistique urbaine. En analysant les expériences passées, les raisons du succès et de l'échec peuvent être identifiées. L'objectif de cette section est de souligner l'impact des innovations en termes de logistique urbaine sur les pratiques des acteurs publics et privés et de montrer comment elle participe au renouvellement de la production de la ville. En ce sens la logistique urbaine est « un bon exemple attestant du double apport d'une pratique de recherche, de support à la construction d'une connaissance sectorielle essentielle à l'action publique et d'émergence de réflexions transversales aptes à formuler différemment ces problèmes d'action publique » (Debrie, 2016). 160 SYNTHÈSE Typologie des villes à l'épreuve de l'analyse de la régulation du transport de marchandises et de la logistique 1 La régulation de la mobilité des marchandises ne dépend pas du type de ville L'analyse des politiques publiques, des documents de planification et des expérimentations mérite d'être mise en regard avec la typologie de communes établie précédemment dans cette recherche. À l'aide de variables quantitatives, nous avions classé nos vingt villes de l'échantillon en quatre catégories présentant des caractéristiques communes : · Catégorie 1 : Paris, qui constitue à elle seule une catégorie tant les différences avec le reste du territoire français sont importantes ; · Catégorie 2 : les villes denses, métropoles grandes ou moyennes, présentant une dynamique de construction d'entrepôts moyenne ; · Catégorie 3 : les villes moyennement denses, métropoles grandes ou moyennes mais disposant d'une dynamique importante en matière de construction d'entrepôts ; · Catégorie 4 : les villes peu denses, surtout petites et moyennes (exception Aix-Marseille) avec une dynamique de construction d'entrepôts faible. Les villes concernées sont regroupées dans le tableau ci-dessous : Cat. Cat. 1 Cat. 2 Cat. 3 Cat. 4 Villes Paris Lyon, Bordeaux, Grenoble, Montpellier, Strasbourg, Clermont-Ferrand Lens, Lille, Nantes, Orléans, Toulouse Le Creusot, La Rochelle, Moûtiers, Nice, Rennes, Rouen, Biarritz, Aix-Marseille 161 SYNTHÈSE Typologie des villes à l'épreuve de l'analyse de la régulation du transport de marchandises et de la logistique Il est intéressant de constater que l'intégration de la question du fret et de la logistique dans les politiques publiques n'est pas liée à la nature de la ville. Il n'y a pas de relation entre la taille de la ville ou le potentiel en matière d'offre et de demande logistique, et le niveau d'intégration du fret et de la logistique. À noter que Paris et plus généralement la Métropole du Grand Paris restent des exceptions en France. La taille du marché de consommation et le rôle qu'elles jouent dans la redistribution des flux dans le reste du pays en font un cas à part. Par ailleurs, le cas parisien est spécifique car la ville de Paris et la MGP sont aujourd'hui les plus avancées en matière de réglementation et de planification en lien avec la logistique et le transport de marchandises. Comme on a pu le voir dans la partie 4, Paris est aussi la plus innovante en la matière, et offre par le biais de différentes initiatives originales (concours « Réinventer Paris », labellisation de start-ups de logistique urbaine) un véritable potentiel. Dans la catégorie 2 on retrouve des métropoles qui pour certaines ont engagé une réglementation et une planification en matière de fret et de logistique, par exemple Grenoble et Strasbourg avec des ZFE. Montpellier et Bordeaux ont également mis en oeuvre des procédures récentes de révision de leurs documents de planification pour davantage intégrer le fret. Clermont-Ferrand n'a pas engagé de procédure particulière concernant ce sujet. Il n'y a donc pas d'homogénéité dans cette catégorie. On ne peut donc pas faire de lien entre les caractéristiques logistiques des villes et le degré d'intégration de la mobilité des marchandises. Les catégories 3 et 4 sont aussi hétérogènes. Les villes que nous avons analysées au cours de cette étude ont, sur un plan politico-stratégique, toutes intégré différemment les questions de la logistique urbaine. Les lois qui encadrent les pratiques des acteurs publics locaux sur la logistique, notamment en matière de réglementation et planification de la mobilité des marchandises, sont appliquées et interprétées différemment dans les territoires. Cela n'est pas forcément une surprise (de multiples domaines de politique publique locale apparaissent diversifiés selon les territoires), mais le degré de diversité des politiques menées est certainement à remarquer. 2 L'expérimentation et l'innovation restent l'apanage des plus grandes métropoles En dépit de quelques exceptions comme La Rochelle, notre analyse montre que les plus grandes métropoles et villes en France sont celles qui investissent le plus dans les innovations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises. Si la planification et la définition d'objectifs ne tiennent pas compte de la taille des villes, leur capacité à faire appel à une ingénierie spécialiste pour mettre en oeuvre des solutions, mais aussi la capacité à mobiliser des acteurs privés pour le développement de ces solutions, ne sont pas les mêmes dans toutes les villes. Paris à travers sa charte de logistique urbaine durable a pu mobiliser un certain nombre d'acteurs, qui n'auraient peut-être pas été aussi présents dans le cas d'une autre commune. Les villes restent contraintes par les moyens qu'elles ont à leur disposition. 162 CONCLUSION Cette analyse des politiques menées par vingt villes et agglomérations françaises est riche en enseignements pour les professionnels de la logistique en ville, notamment les grossistes distributeurs représentés par la CGI. Elle permet également de voir ce que l'avenir (de court terme, tant il est difficile de parler des moyen et long termes en ce qui concerne l'évolution des technologies tout comme celle des politiques publiques) réserve aux mobilités logistiques dans les villes. On l'a vu, nos vingt villes ont des politiques assez différentes les unes par rapport aux autres sur le transport des marchandises et on remarque bien entendu l'originalité de la politique parisienne (entendue au sens multiple de ville, métropole et région), qui s'intéresse notamment aux innovations, aux politiques d'aménagement et d'urbanisme relatives aux entrepôts, qui possède une bonne base de connaissance et de données (à travers les enquêtes marchandises franciliennes) et qui met en place une zone à faibles émissions qui a vocation à devenir métropolitaine (pour le moment, seule Grenoble va dans ce sens, les autres villes françaises restant très timorées). Cependant, même à Paris (au sens large), la politique sur la logistique urbaine reste relativement discrète, notamment parce qu'elle est encore peu appliquée : très nombreux sont les camions et camionnettes qui circulent dans la zone dense alors qu'ils n'ont théoriquement plus le droit (véhicules trop anciens). Les politiques d'urbanisme favorables aux entrepôts urbains, par ailleurs, ne représentent encore qu'une goutte d'eau dans un ensemble régional où le jeu du marché foncier et les grands projets urbains continuent à pousser les activités logistiques globalement hors du centre, au détriment parfois de l'efficacité logistique et en augmentant les véhicules-kilomètres parcourus par les véhicules utilitaires dans la région. Les dix-neuf autres villes que nous avons étudiées ont des approches assez variées quant à leur façon de gérer le transport des marchandises et la logistique, mais globalement elles ne s'y intéressent que peu, notamment au niveau local (municipal), qui est le niveau principal encore aujourd'hui de gestion des mobilités logistiques puisque c'est le niveau qui continue à garder, malgré des changements législatifs récents, le pouvoir sur la circulation, sur les zones à faibles émissions, sur le stationnement, sur les horaires de livraison, sur les permis de construire des entrepôts. Les niveaux métropolitain et régional sont de plus en plus intéressés par la logistique, on le voit dans les documents produits à ces échelles (plans de déplacements urbains, schémas directeurs régionaux), mais ces niveaux institutionnels ont peu de pouvoir de mise en oeuvre concrète des stratégies définies dans les schémas. Toutes nos villes, y compris Paris, ont des caractéristiques communes en ce qui concerne les stratégies logistiques, sur lesquelles nous aimerions insister en conclusion, pour en analyser ensuite les impacts potentiels sur les professionnels de la livraison urbaine : · Les villes et agglomérations françaises ont encore du mal à mettre en oeuvre des politiques simples et efficaces relatives au transport des marchandises. Les politiques actuelles restent très fragmentées. À l'intérieur d'une même agglomération, on peut encore compter de nombreuses réglementations différentes et parfois contradictoires sur les véhicules de transport de marchandises. Les autorités d'agglomération (notamment les métropoles) n'ont pas encore, de fait, réussi à imposer des règles harmonisées, qui seules pourraient permettre aux professionnels de « s'y retrouver ». Et ce malgré les propositions faites, depuis plus de vingt ans (!), par les plans de déplacements urbains ou les SCoT ; · Les villes et agglomérations françaises sont bien meilleures qu'il y a vingt ans pour faire participer les professionnels à des instances de concertation. Celles-ci existent désormais dans beaucoup des villes de grande et moyenne tailles, et avec elles leur corollaire, l'adoption de chartes de logistique urbaine ou chartes marchandises. Mais ces instances ne sont pas encore parvenues 163 CONCLUSION à des résultats suffisamment concrets et effectifs, notamment au niveau municipal. À titre d'exemple, qui peut paraître anecdotique mais qui est révélateur, aucune de nos villes n'a un site internet ou une application dédiée (qui inclurait notamment une version en anglais) permettant aux professionnels de connaître et comprendre les règles de circulation et de livraison. La visibilité des sujets « marchandises » est encore faible dans l'affichage des actions de politique des transports des villes ; · Les villes et agglomérations françaises ne sont pas très « high tech » dans leurs politiques sur le transport des marchandises. Contrairement aux villes anglaises, italiennes, espagnoles ou scandinaves, elles n'utilisent que peu les caméras de contrôle automatique, qui seules permettent un bon respect des règles sur l'espace public, offrant ainsi aux professionnels « vertueux » des aires de livraison disponibles et l'assurance qu'ils peuvent investir dans des modes d'exploitation durables sans être victimes de livreurs moins respectueux des règles du jeu locales (règles sur l'âge des véhicules, sur le bruit, sur les règles sociales) ; gageons que la future Loi d'Orientation des Mobilités (LOM), qui va accroître la possibilité donnée aux villes d'utiliser ces outils, va les inciter à le faire ; aucune ville de notre échantillon ne propose encore des outils opérationnels pour les professionnels sur la gestion de leurs activités de chargement / déchargement sur la voirie (voir a contrario l'application AreaDUM de Barcelone). Les logiciels de préparation de tournées disponibles sur le marché intègrent très rarement des informations détaillées en provenance des municipalités comme l'état des chantiers de voirie, les coupures d'itinéraires ou autres incidents. Il faut d'ailleurs dire que ceci n'est pas spécifique à la France ; · Les villes françaises ont mis en place un nombre très limité de zones à faibles émissions, alors que celles-ci (les Low Emission Zones) sont de plus en plus courantes dans les villes du reste de l'Europe (Europe du sud y compris). Les villes françaises font vraiment exception à cet égard ; · Globalement, le paysage institutionnel français reste extrêmement complexe (très grand nombre de communes, nombre élevé de niveaux institutionnels : communes, EPCI, départements, régions, avec des niveaux supplémentaires en Île-de-France) et les compétences transversales portant sur des dossiers comme la qualité de l'air, le changement climatique, le développement économique, la formation professionnelle, et même l'aménagement et urbanisme dans son ensemble, qui tous ont un impact important sur la façon dont les professionnels de la livraison vont opérer dans les villes, sont distribuées de façon très peu lisible à ces différents niveaux institutionnels, engendrant de nombreux chevauchements de responsabilités ; · La promotion des innovations de logistique urbaine est encore hésitante dans les villes que nous avons étudiées. De multiples villes ont testé des démonstrateurs de vélos-cargos, de tramway fret, de logistique fluviale par exemple ; mais les villes se sont peut-être enthousiasmées un peu vite pour des solutions certes médiatiques mais qui au final se sont révélées coûteuses et n'ont pas su trouver leur modèle économique. D'autres politiques peut-être plus prometteuses car portant sur des technologies déjà banales, comme le renforcement de l'aide financière à l'acquisition de véhicules de livraison électriques ou à gaz, n'ont pas été prises, ou l'ont été de façon trop timide. Les véhicules utilitaires légers, par exemple, sont encore trop souvent traités (pour le niveau des aides financières, pour l'équipement en stations de recharge) comme les voitures des particuliers, alors que les professionnels de la livraison qui souhaitent acquérir des véhicules propres ont des besoins et des contraintes très spécifiques, ainsi qu'un coût d'acquisition plus élevé en général que pour celui d'une voiture particulière. L'avenir (à court terme) de l'environnement réglementaire des villes françaises vis-à-vis des activités logistiques peut s'envisager de la façon suivante, compte tenu de ce que les villes font à l'heure actuelle et de leurs intentions pour le futur, pour ce que nous avons pu en percevoir au cours de nos entretiens : · Un contrôle des activités de circulation, stationnement, livraison qui va lentement, mais sans doute sûrement, se renforcer, notamment dans les plus grandes villes, par l'adoption de caméras de contrôle automatique qui vont progressivement devenir davantage autorisées en France. Cette évolution est à double tranchant pour le monde professionnel du transport, mais sans 164 aucun doute à terme positive : hausse des pénalités et des amendes dans un premier temps, mais amélioration globale des conditions de circulation et de chargement/déchargement et réduction de la concurrence déloyale de la part d'entreprises ne respectant pas les règles. Ces évolutions, cependant, se feront de façon lente, tant les villes françaises (et leurs usagers) se sont habituées à des taux élevés de non-respect des règles de circulation et stationnement ; · Des réglementations d'accès des camions et camionnettes qui vont progressivement se focaliser sur le critère de l'âge, ou de la norme Euro, notamment au sein de zones à faibles émissions, au détriment du critère traditionnel du tonnage ou de la surface au sol ; · Une ouverture possible des horaires de livraison de nuit (ou plutôt tard le soir, tôt le matin) afin de favoriser le report hors des heures de pointe de la journée, des activités de livraison ; · Une certaine homogénéisation ­ mais très lente et progressive ­ des règles sur la circulation des livraisons à l'échelle des agglomérations, à l'exemple de ce que tente aujourd'hui la Métropole du Grand Paris pour les normes Euro ; · Des vitesses autorisées sur les grands boulevards urbains et autoroutes urbaines qui vont probablement, mais plutôt aux horizons mi-2020, baisser (50 km/heure pouvant devenir une norme urbaine généralisée, même pour les voies rapides) ; · Hormis la ville de Paris, qui en parle pour le centre (arrondissements 1 à 4), la piétonisation des villes françaises semble ne pas devoir progresser beaucoup, l'essentiel des aménagements ayant été faits dans les années et décennies précédentes. En revanche, les kilomètres de pistes cyclables en zone urbaine vont s'accroître, et ceci probablement rapidement, et les professionnels doivent se préparer à intervenir dans les instances municipales ou de quartier afin de faire entendre leur voix pour que les nécessités de la livraison continuent à être bien prises en compte dans les aménagements de voirie et le design urbain ; · Probablement pas de mise en place de péages urbains avant le moyen voire le long terme. Ces péages urbains sont de fait encore assez rares en Europe (contrairement aux réglementations des vieux camions et camionnettes, au sein des Low Emission Zones) ; et en France elles sont tout particulièrement considérées avec circonspection par les autorités locales, par crainte du refus des opinions publiques ; · Dans certaines villes plus innovantes (Paris, Lyon, Toulouse, Grenoble), des outils technologiques vont sans doute être introduits pour aider les professionnels à circuler en ville (logiciels adaptés alimentés par les big data publiques des municipalités, applications dédiées, sites web informatifs) ; · Des demandes de la part des autorités municipales pour davantage de partage des données des professionnels, afin de mieux connaître les flux de livraison sans avoir à mettre en place des enquêtes ad hoc, qui se révèlent de plus en plus coûteuses pour les autorités locales ; et de pouvoir intégrer les données massives des entreprises faisant de la distribution, du transport et de la logistique dans les modèles de trafic municipaux ou régionaux. Cette « pression » envers les professionnels se fera sans doute à travers les organisations professionnelles, et non pas directement avec les entreprises concernées ; · Un immobilier logistique qui va majoritairement continuer à se développer en grande banlieue mais avec l'émergence parallèle d'un marché de niche portant sur des entrepôts urbains, allant de tout petits micro-hubs logistiques (espaces logistiques urbains) à des entrepôts de 5 à 10 000 m2. Les villes vont sans doute apprendre à accepter davantage ces équipements, voire à les favoriser dans le cadre des règlements des plans d'urbanisme ou dans celui de projets urbains. 165 RECOMMANDATIONS Améliorer les pratiques dans le secteur du commerce de gros Cette étude montre les difficultés rencontrées par les acteurs de la logistique et du transport de marchandises, et en particulier ceux du commerce de gros, en matière d'accessibilité et d'usage de la ville. Les villes, et notamment les centres-villes, sont des espaces de plus en plus contraints. Les nouveaux aménagements réduisent la place des automobiles et des camions sur la voirie. Ces espaces ne sont pas toujours adaptés à la livraison et à la circulation des véhicules de marchandises. Outre l'approvisionnement des commerces, la distribution de colis aux particuliers a renforcé les difficultés éprouvées par les secteurs de la logistique et du transport de marchandises à exercer leurs activités en ville. Cette étude a mis en évidence des évolutions que nous qualifions de « modérées » (car encore très timides et souvent inefficaces) en matière de réglementation et de régulation pour le développement de la logistique urbaine et du transport de marchandises dans les agglomérations françaises. En dépit de l'importance croissante de ces thèmes dans la recherche et de leur intégration progressive dans les objectifs des documents de planification, on ne compte qu'un faible nombre de projets urbains, de règlements locaux et d'innovation dans les pratiques des acteurs publics locaux qui soient directement ciblés sur une amélioration de la logistique en ville, ce qui ne contribue que peu à l'amélioration de la distribution urbaine. Face à une action publique encore limitée, et sans attendre que les villes ne se saisissent pleinement de ces problématiques, que peuvent les acteurs privés de la logistique et du transport eux-mêmes ? Dans la perspective d'une gouvernance publique-privée entre les acteurs de l'aménagement et les acteurs du transport et de la logistique, comment peuvent-ils coopérer autour de cette question de la distribution urbaine ? Nous proposons de terminer cette étude par des recommandations à l'égard de ces différents acteurs. 166 RECOMMANDATIONS Améliorer les pratiques dans le secteur du commerce de gros 1 Défendre la place du transport de marchandises et de la logistique au cours des réunions publiques ­ intégrer le processus démocratique Notre première recommandation concerne les réunions publiques. Lors de la mise en oeuvre d'un nouveau document de planification, qu'il s'agisse d'un PDU, d'un PLU, d'un SCoT ou d'un SRADDET, celui-ci est soumis ­ à plusieurs reprises au cours du processus ­ au débat public. Les citoyens ainsi que les représentants des entreprises ou des commerçants peuvent manifester leurs opinions et défendre leurs intérêts lors de ces réunions. Il s'agit donc pour les entreprises du commerce de gros, et a fortiori leurs représentants, de participer à autant de réunions que possible pour attirer l'attention des acteurs publics locaux sur l'accessibilité des villes au transport de marchandises. Lors de ces réunions publiques, les acteurs publics locaux consultent les entreprises et les habitants, leur avis peut être pris en compte, toutefois cela n'est pas une obligation. Ces réunions peuvent être des forums de discussion et l'occasion également de faire de la pédagogie auprès de ces acteurs qui sont souvent peu armés pour répondre concrètement aux problèmes posés par le transport de marchandises. Dans le cadre de ces consultations, les acteurs publics peuvent même organiser des ateliers préalables, des réunions avec ces acteurs ciblés représentant le transport de marchandises et la distribution urbaine. Néanmoins, cela n'est pas un automatisme et il faut sans doute que la proposition de dialogue vienne de ces professionnels eux-mêmes, qui doivent par ailleurs rester attentifs aux calendriers de rédaction de ces documents de planification. Les réunions publiques peuvent aussi concerner des projets urbains spécifiques ou des projets de transport (souvent de passagers) dans lesquels il serait pertinent de représenter le secteur de la logistique et du fret, afin qu'ils ne soient pas oubliés de la programmation et que les enjeux de distribution urbaine deviennent des réflexes automatiques chez les aménageurs. Cette participation au niveau local permet de façon complémentaire de renforcer les actions entreprises au niveau national par les syndicats et les représentants des entreprises. Une visibilité et une représentation à l'échelon le plus fin permettent de diffuser plus largement et plus en détail des idées et des bonnes pratiques. On est moins dans une approche « top-down » que dans une approche « bottom-up ». La participation à l'émergence d'une gouvernance locale entre les acteurs privés et publics peut permettre d'aboutir à une meilleure prise en compte des enjeux de la distribution urbaine dans la fabrique de la ville. Avant leur participation aux instances de concertation, les professionnels et leurs organisations telles la CGI peuvent se préparer afin de se positionner en interne sur les différents points évoqués en conclusion ci-dessus : zones à faibles émissions, livraisons de nuit, péages urbains, nouvelles technologies, espaces logistiques urbains, etc. 2 Demander aux villes de partager les données Cette étude a notamment permis de révéler l'inégal accès aux arrêtés et règles concernant la circulation et le stationnement. Certaines villes mettent en ligne les arrêtés, d'autres proposent des versions simplifiées et certaines ne les mettent pas à disposition sur internet mais par affichage en mairie ou sur demande. Sachant que chaque ville produit ses propres arrêtés et qu'au sein des agglomérations, les réglementations ne sont pas harmonisées, leur lisibilité est limitée. Notre recommandation se fonde donc sur ce constat. Les communes doivent s'organiser pour diffuser les informations concernant les restrictions de circulation et de stationnement dans toutes les parties de la ville. La mise en ligne des arrêtés est un minimum. Les chauffeurs-livreurs doivent également être incités à les consulter au préalable. Il faut donc pour cela sensibiliser et former cette profession. Le recours à la sous-traitance très fréquent dans le domaine du transport peut compliquer les possibilités de formation relative à l'encadrement réglementaire des villes, car une partie de la responsabilité incombe au commanditaire qui peut être une société de transport voire un commissionnaire. Dans un premier temps, il convient de sensibiliser ces acteurs. Les nouvelles technologies pourraient être utiles ici. Le développement d'un outil, sous forme d'application connectée au GPS du véhicule intégrant l'ensemble des réglementations des communes de l'agglomération pour les véhicules de marchandises mais également la localisation de toutes les aires de livraison. Il existe donc un potentiel dans le développement de nouvelles applications, et les concepteurs eux-mêmes de logiciels d'optimisation à destination des 167 RECOMMANDATIONS professionnels devraient être sensibilisés (6) . Les données pourront être mises à jour en temps réels par la commune ou ­ mais les conditions concrètes d'accès à la technologie devront être soigneusement planifiées ­ les commerçants (qui se font livrer) en cas de changements ou de situations inhabituelles (événements, fermetures exceptionnelles, etc.). Quelques villes comme Paris, Lyon, Nanterre ou Montrouge proposent déjà des services de géolocalisation de leurs aires de livraison, signe qu'elles disposent d'une bonne connaissance de leur parc. Le partage des données peut également se faire dans l'autre sens : les professionnels peuvent aider, par leur connaissance du terrain, à l'amélioration des outils et de la connaissance municipaux. L'existence d'une application pourrait faciliter le dialogue entre les chauffeurs-livreurs ou leurs représentants et les municipalités. Les chauffeurs pourraient au fur et à mesure de leurs tournées, renseigner leurs observations sur la localisation des aires de livraison, les difficultés rencontrées pour circuler ou s'arrêter (par exemple si les places de livraison dédiées sont régulièrement occupées par d'autres usagers, si les trottoirs ne sont pas bien dimensionnés pour manutentionner les chariots permettant la livraison du camion à l'entrée du magasin, etc.). Ces usages horizontaux (Vidal, 2013) vont permettre d'enrichir les flux d'informations liés à l'open data car les usagers vont eux-mêmes donner des informations ascendantes personnelles. Les usagers sont ainsi en même temps au service d'eux-mêmes et au service des entreprises dont ils consomment les produits ou les services (Maillet, 2006). Ces données échangées peuvent permettre d'acquérir une masse d'informations qui peuvent être intégrées à des outils, comme des applications d'aide aux déplacements. Celles-ci ont vocation à faciliter la mobilité en améliorant la maîtrise des individus sur leurs trajets et permettent de diminuer les incertitudes associées à la situation de mobilité (retard, embouteillage, etc.), et dans certains cas d'adapter leurs pratiques en temps réel. 3 Utiliser des espaces privés pour la logistique urbaine Les voies publiques sont des espaces de plus en plus contraints et le stationnement, y compris pour les particuliers, recule. Il est ainsi envisageable de se déporter, pour les fonctions logistiques, sur une offre privée dans des espaces urbains privés inexploités. À ce titre, les parkings souterrains souvent partiellement inoccupés peuvent servir de centres de consolidation dédiés au commerce de gros pour la livraison d'une zone donnée. Ils peuvent également servir de lieu de stationnement dans un quartier où les aires de livraison sont peu fréquentes ou mal localisées. L'utilisation de ces espaces privés ne demande pas d'investissement aux collectivités et se résume à une mise à disposition d'un espace pour des acteurs du transport pouvant rencontrer des difficultés d'accès au centre-ville. À Lyon, l'entreprise publique locale (EPL) Lyon Parc Auto propose depuis quelques années de réutiliser ses parkings sous-exploités pour les mettre à la disposition de transporteurs. Cette entreprise a mis à disposition un espace logistique urbain à Cordeliers aujourd'hui exploité par Deret Transporteur et Ooshop (Carrefour). L'utilisation de ces espaces de parking sous-exploités est aujourd'hui déjà pensée par de nouveaux opérateurs. Des start-ups ont vu le jour ces dernières années en proposant une offre de parking intelligent permettant de connecter tous les gisements de stationnement sous-exploités, tels que les parkings des hôtels, ceux des bailleurs sociaux ou encore ceux des résidences étudiantes et seniors (ex. : Zenpark qui compte EDF et la RATP parmi ses investisseurs). Fondées sur le modèle économique du partage et de l'optimisation du temps d'occupation des espaces, ces nouvelles entreprises s'adressent en priorité aux véhicules particuliers. Mais par analogie, on peut imaginer des entreprises proposant des offres à des opérateurs logistiques ou du transport de marchandises. Les espaces privés alloués à la logistique urbaine peuvent être partagés avec d'autres fonctions pour intensifier les usages. Ils ne sont pas nécessairement destinés à l'usage exclusif de la logistique urbaine. Dans un contexte d'économie collaborative ou partagée, il est envisageable de penser des solutions en lien avec la mixité des fonctions. (6) Des entreprises comme ANTSWAY APLUS INFORMATIQUE, GEOCONCEPT, PTV Group (liste non exhaustive). , 168 Améliorer les pratiques dans le secteur du commerce de gros Le « smart parking » déjà expérimenté avec l'aide d'une application et de capteurs au sol au niveau des places de parking à San Francisco a pour but d'optimiser le stationnement, de limiter les espaces vides, et surtout de limiter le « cruising time », autrement dit le temps passé à chercher une place. Cela doit permettre de limiter les impacts environnementaux. Shoup (2018) a calculé que dans un secteur de Los Angeles comprenant quinze pâtés de maisons seulement, les conducteurs à la recherche d'une place de stationnement ont généré 730 tonnes de CO2 en un an. À Paris, en s'appuyant sur les données fiscales et les statistiques de l'Insee, l'APUR a recensé 462 690 voitures appartenant à des ménages vivant dans les vingt arrondissements de la capitale, soit 0,42 véhicule par personne, le taux le plus bas de France. En regard, ceux-ci bénéficient de 612 610 places de résidents. En théorie donc, ce sont 150 000 aires de stationnement qui peuvent être converties pour d'autres usages, soit une zone libérée de 96 hectares (APUR, 2019). Paris-Habitat mène un travail prospectif pour inviter d'autres usages dans les parkings que ceux réservés au stationnement et à la mobilité, comme le stockage individuel, les consignes, la logistique urbaine pour les derniers kilomètres, les relais-colis tels que des armoires frigorifiques pour conserver les paniers de légumes à distribuer ou pour stocker des produits du e-commerce, et enfin l'agriculture (ex. : ferme urbaine à champignons, comme il en existe déjà une dans le 18e arrondissement). Dans le 4e arrondissement de Paris, Parking Map a été sollicité pour analyser l'usage des places de livraison en vue d'une amélioration de la gestion et du contrôle ou de la pédagogie à mettre en place. Le type d'usagers des espaces de stationnement sera observé ainsi que la durée de stationnement, révélant le taux de fraude et entravant la logistique urbaine. À Paris toujours, le projet de Sogaris développé dans le cadre de « Réinventer Paris 2 » dans la rue du Grenier-Saint-Lazare entend réutiliser un parking pour en faire un espace logistique. Sogaris propose de transformer ce parking cylindrique souterrain en un centre de services et de stockage tourné vers les commerçants et les riverains. Une conciergerie s'installera en surface. Le contexte est aujourd'hui favorable à une réflexion sur la réutilisation des espaces de parking sousutilisés pour une activité de logistique urbaine sur laquelle le commerce de gros peut se positionner. Les acteurs publics parisiens ou métropolitains y sont sensibles, si on considère les récents travaux de l'APUR. La possibilité de développer et expérimenter des solutions à Paris, puis de les diffuser dans les autres agglomérations françaises en s'appuyant sur des nouvelles technologies apparaît aujourd'hui comme une perspective opérationnelle à explorer. Si le soutien des acteurs publics peut être un avantage, leur participation n'est pas impérative. 4 Proposer des formations à la conduite en ville Cette étude a montré les difficultés d'accessibilité auxquelles les chauffeurs-livreurs font face. Les villes ne sont pas toujours très adaptées à la distribution urbaine (zone piétonne, centre-ville médiéval avec des rues étroites, compétition des usages pour la voirie, etc.), les aires de livraison quand elles sont présentes ne sont pas forcément très bien localisées. Toutes ces difficultés ont pu être évoquées au cours de cette étude. Nous formulons ici une recommandation qui permettrait aux entreprises de transport de marchandises de mettre en place des mesures leur permettant d'améliorer leurs pratiques. Sur le modèle des expérimentations à l'éco-conduite, il serait possible d'envisager des formations à la conduite dans le cadre de la livraison urbaine. La Poste, en 2007, a décidé de former ses 60 000 collaborateurs à l'éco-conduite pour permettre de réduire l'impact environnemental de la distribution de courrier, la consommation de carburant et des émissions de CO2. Les résultats de ces formations ont permis de diminuer significativement l'impact environnemental des véhicules, mais aussi de générer des bénéfices financiers et de réduire le nombre d'accidents impliquant l'entreprise. Cette expérience menée en partenariat avec l'ADEME a abouti à la création d'un guide de formation à l'éco-conduite disponible en ligne (ADEME, 2009). La mise en oeuvre d'une formation des chauffeurs-livreurs à la conduite urbaine pourrait permettre de réduire leurs impacts environnementaux, la congestion mais aussi le nombre d'accidents en ville. L'expérience menée pourrait déboucher sur la mise en oeuvre d'un guide, voire d'un label. Ces quelques recommandations ne constituent pas une liste exhaustive. D'autres solutions pourraient être envisagées afin d'améliorer les conditions d'accessibilité aux villes. Il est intéressant de noter que des solutions sont possibles à mettre en oeuvre par les entreprises de la logistique et du transport de marchandises. L'initiative et l'innovation en la matière ne reposent pas seulement sur le secteur public. 169 GLOSSAIRE APUR : Atelier Parisien d'Urbanisme AOM : Autorité Organisatrice de la Mobilité AOTU : Autorité Organisatrice des Transports Urbains CDU : Centre de Distribution Urbaine CINASPIC : Construction et Installation Nécessaire aux Services Publics ou d'Intérêt Collectif CGCT : Code Général des Collectivités Territoriales DOO : Dossier d'Orientation et d'Objectifs DRIEA : Direction Régionale des Infrastructures, de l'Économie et de l'Aménagement ELU : Espace Logistique Urbain EPCI : Établissement Public de Coopération Intercommunale IAU : Institut d'Aménagement et d'Urbanisme LAURE : Loi sur l'Air et l'Utilisation Rationnelle de l'Énergie LOADTT : Loi d'Orientation pour l'Aménagement et le Développement Durables du Territoire LOM : Loi d'Orientation des Mobilités MAPTAM : Loi de Modernisation de l'Action Publique Territoriale et d'Affirmation des Métropoles NOTRe : Loi sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République OAP : Orientations d'Aménagement et de Programmation PADD : Plan d'Aménagement et de Développement Durable PCAET : Plan Climat Air Énergie Territorial PDU : Plan de Déplacements Urbains PLH : Plan Local de l'Habitat PLU : Plan Local d'Urbanisme PLUi : Plan Local d'Urbanisme Intercommunal PPA : Plan de Protection de l'Atmosphère PTU : Périmètre des Transports Urbains RSCI : Loi relative au Renforcement et à la Simplification de la Coopération Intercommunale SCoT : Schéma de Cohérence Territoriale SRADDET : Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires SDRIF : Schéma Directeur d'Île-de-France SRU : Loi Solidarité et Renouvellement Urbains 170 TABLE DES FIGURES Figure 1. Concentration des mouvements de marchandises (livraisons et enlèvements en Île-de-France (ETMV-IDF, 2014 ; Beziat, 2017) Figure 2. Rapports entre les différents documents de planification et réglementation Figure 3. Localisation des communes échantillonnées Figure 4. Localisation des agglomérations observées en fonction de la population, l'emploi, les établissements commerciaux et logistiques Figure 5. Répartition de la population par commune dans quatre agglomérations différentes Figure 6. Répartition des surfaces d'entreposage dans quatre agglomérations Figure 7. Analyse des clusters (K-means) des communes échantillonnées Figure 8. Usage des critères de réglementation dans les arrêtés de circulation Figure 9. Périmètres de réglementation de la circulation des véhicules de marchandises Figure 10. Vignettes Crit'Air pour les poids lourds et véhicules utilitaires légers Figure 11. Zone de circulation restreinte du centre-ville élargi de Grenoble Figure 12. Zone à faible émission (ZFE) de la métropole de Grenoble Figure 13. Future zone à faible émission de la MGP Figure 14. Utilisation des critères pour réglementer la livraison dans les communes Figure 15. Recommandation ministérielle pour créer des aires de livraison (CEREMA) Figure 16. Aires de livraison partagées et sanctuarisées dans la ville de Paris (source : ville de Paris) Figure 17. Espaces déficitaires à Paris en place de stationnement pour les poids lourds (Beziat, 2017) Figure 18. Espaces déficitaires et excédentaires à Paris en place de stationnement pour les véhicules utilitaires légers (Beziat, 2017) Figure 19. Panneau de signalisation d'une aire de livraison à Lyon Figure 20. Disque de livraison pour les centres-villes de Lyon et Villeurbanne Figure 21. Règlement de circulation et livraison dans le centre-ville de Toulouse en fonction des types de véhicules (source : charte marchandises, ville de Toulouse, 2012) Figure 22. Rupture de continuité réglementaire dans la MGP (source : DRIEA, 2017) Figure 23. Les territoires et communes impliquées dans le COMOP des règlements de voirie et de livraison (source : MGP, 2018) Figure 24. Les communes d'expérimentation pour des règles de circulation et de livraison harmonisée (source : MGP, 2018) 14 28 31 35 37 39 42 45 47 49 50 51 51 52 54 54 55 55 57 58 59 61 61 62 171 TABLE DES FIGURES Figure 25. Occurrences des mots-clés du transport de marchandises dans les PLU Figure 26. Schéma du maillage logistique de Paris (source : APUR, 2013) Figure 27. Schéma de localisation des emplacements potentiels pour le développement d'une activité de la logistique urbaine (source : APUR, 2013) Figure 28. Schéma de mise en valeur de la Seine (source : PADD, PLU, Paris, 2013) Figure 29. Schéma des orientation d'aménagement et de programmation de Paris (source : OAP, PLU, Paris, 2013) Figure 30. OAP Nord-Est, Paris (source : OAP, PLU Paris 2013) Figure 31. Plan de zonage de Paris (source : Règlement, PLU, Paris, 2013) Figure 32. Extrait du Plan de zonage du PLU de La Rochelle, 2017 Figure 33. Extrait du règlement graphique du PLU de la métropole de Rennes, plan de zonage, mars 2019 Figure 34. Utilisation de l'article 12 du PLU pour fixer les conditions de la livraison et du stationnement des véhicules pour les marchandises Figure 35. Plan de zonage de la ville de Lille (source : ville de Lille) Figure 36. Plan de zonage de la ville de Grenoble (source : ville de Grenoble) Figure 37. Équipements et zones logistiques (source : DOO, SCoT Grand Lyon, 2004) Figure 38. ScoT Bordeaux ­ « Mettre l'équipement commercial au service des territoires ­ V2 Encourager les pratiques de proximité à l'échelle des quartiers et bassin de vie » Figure 39. Le chapitre 6 du DOG propose un schéma de fonctionnement à l'échelle de la centralité Figure 40. Armature logistique dans la région francilienne (source : SDRIF, 2013) Figure 41. Carte de Destination Générale du Territoire (source : SDRIF, 2013) Extrait du CDGT (source : SDRIF, 2013) Figure 42. Déchargement des conteneurs Franprix quai de la Bourdonnais, Paris, avril 2014 (source : A. Heitz) Figure 43. Projet d'immeuble inversé, logistique de proximité commerçants et riverains (source : Sogaris, Syvil architecte, CSD & Associés, ARTELIA, Lulu dans ma rue, Les Sismo, SEMAEST, 15marches, K-Ryole, Stuart, 2019) Figure 44. Projet La Folie Champerret, espace logistique e-commerce (source : Sogaris, Daniel Vaniche & Associés, SemPariSeine, DVVD, Alto, CSD & associés, Emacoustic, Carrefour property, DHL, XYT, MVAW Technologies, 2019) Figure 45. UCC Beaugrenelle, avril 2014 (source : A. Heitz) Figure 46. UCC Montorgueil, avril 2015 (source : A. Heitz) Figure 47. Entrée du terminal ferroviaire urbain (source : A. Heitz, 2019) Figure 48. Terminal ferroviaire urbain et centre de distribution urbaine opéré par DPD, Chapelle International (source : A. Heitz, 2019) Figure 49. Espace Logistique de Proximité, non loin du chantier du tramway (source : Bordeaux Métropole) 69 71 71 72 73 73 75 82 87 90 92 93 98 101 104 126 127 138 142 143 144 145 146 147 153 172 RÉFÉRENCES · ADEME (2009). Guide de Formation à l'éco-conduite. Enjeux, témoignages, méthodes. N° de réf. 6666 35 p. ­ ISBN n° 978-2- 35838-080-5 · Arvidsson, N., & Browne, M. (2013). A review of the success and failure of tram systems to carry urban freight: the implications for a low emission intermodal solution using electric vehicles on trams. European Transport Trasporti Europei (54) · APUR (2019). Évolution Du Stationnement Et Nouveaux Usages De L'espace Public Volet 3 : Évolutions Des Parkings En Ouvrage, Étude APUR, 76 p. · Beziat A. (2017) Approche des liens entre transport de marchandises en ville, formes urbaines et congestion ­ Le cas de l'Île-de-France. Thèse de doctorat, Université Paris-Est · Browne M., Allen J., Attlassy M. (2007). 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Répartition de la population par communes ­ Orléans Métropole 0 2,5 5 km Globalement on observe une forte densité de population dans les communes centrales de l'agglomération qui décroissent au fur et à mesure qu'on s'éloigne du centre. À noter l'exception de la Métropole d'AixMarseille qui présente une forme polycentrique, avec deux foyers de concentration de population au niveau de Marseille et d'Aix. 38 Hétérogénéité des villes françaises : analyse statistique liminaire Répartition de la surface d'entreposage dans la Métropole du Grand Paris Paris 0 750 m Paris Surfaces d'entrepôts autorisées en m2 50 000 100 000 150 000 0 5 10 km 200 000 249 947 Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 Figure 6a. Répartition des surfaces d'entreposage ­ Métropole du Grand Paris Répartition de la surface d'entreposage dans la Métropole d'Aix-Marseille Marseille 0 750 m Surfaces d'entrepôts autorisées en m2 100 000 200 000 300 000 400 000 0 10 20 km Marseille 412 007 Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 Figure 6b. Répartition des surfaces d'entreposage ­ Métropole d'Aix-Marseille 39 PARTIE 1 Répartition de la surface d'entreposage dans la Métropole de Lyon Lyon 0 750 m Surfaces d'entrepôts autorisées en m2 20 000 40 000 60 000 0 5 10 km Lyon 80 000 84 092 Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 Figure 6c. Répartition des surfaces d'entreposage ­ Métropole de Lyon Répartition de la surface d'entreposage dans Orléans Métropole Surfaces d'entrepôts autorisées en m2 200 000 400 000 600 000 Orléans 703 146 Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 0 2,5 5 km Figure 6d. Répartition des surfaces d'entreposage ­ Orléans Métropole 40 Hétérogénéité des villes françaises : analyse statistique liminaire Les activités logistiques se situent plutôt en périphérie dans les agglomérations les plus grandes et les plus denses (Paris, Lyon). En revanche, dans les agglomérations moins denses (Marseille) et dans les villes moyennes (Orléans), on retrouve des activités logistiques plus proches du coeur de ville. On peut donc émettre l'hypothèse qu'il existe un lien entre la densité de l'agglomération et l'éloignement potentiel des entrepôts du centre de l'agglomération. Dans la suite de nos analyses, nous choisirons donc de nous intéresser plus précisément à la question de la densité. On note ici une grande hétérogénéité au sein des agglomérations. Certaines communes vont davantage polariser l'activité logistique plutôt que d'autres. On note que dans certaines agglomérations comme Orléans ou Lyon la construction d'entrepôts se fait encore dans la commune-centre, tandis que dans la MGP la commune-centre (Paris) n'accueille que très peu de nouvelles surfaces d'entreposage. Nous faisons ici l'hypothèse qu'il existe un seuil de densité de population au-delà duquel la commune centrale de l'agglomération n'est plus accueillante pour l'activité logistique. Ce qui va avoir des conséquences sur la génération des flux et la façon dont ils se répartissent dans la ville. Cela signifie aussi que certaines communes vont être soumises à davantage de nuisances et de pollutions liées à la logistique, donc à ses externalités négatives, quand d'autres seront moins concernées par ces aspects. Rappelons que les agglomérations correspondent le plus souvent aux périmètres d'élaboration des SCoT ou des PDU. Ce sont des documents qui laissent une place importante à la négociation. La dissymétrie des situations face à la logistique va peser dans la négociation. Les documents résultant des compromis faits entre les différentes collectivités territoriales qui composent l'agglomération accorderont plus ou moins d'importance à la question logistique. TYPOLOGIE DES AGGLOMÉRATIONS Nous proposons ici une typologie permettant de classer les vingt agglomérations que nous avons sélectionnées. Malgré leur grande hétérogénéité, la typologie met en évidence les proximités à l'intérieur des clusters. L'analyse de regroupement a révélé que les vingt agglomérations peuvent être regroupées en quatre groupes en fonction des quatre critères suivants : densité de la population, densité de l'emploi, densité des installations commerciales et densité de la surface des entrepôts construits. La figure 7 (page suivante) représente les clusters selon la densité de la population et la densité des surfaces d'entreposage construites. Densité de population (hab/km²) Cluster 1 Cluster 2 Cluster 3 Cluster 4 8 328 1 179 1 082,8 411 Densité d'emploi (emp./km²) 4 630 603,8 507 192,2 Densité commerciale (S.B(1)./km²) 54 6,1 4,8 3 Densité des surfaces d'entreposage autorisées entre 2008 et 2017 (S.B./km²) 3 660 1 115,6 2106 300,5 La classe 1 regroupe une seule agglomération : la Métropole du Grand Paris qui comprend la ville de Paris et 130 autres communes. Compte tenu de sa densité de population et d'emploi, la MGP est très spécifique. Dans le cadre d'une forte centralisation, l'agglomération parisienne qui représente huit millions d'habitants est la principale agglomération française. L'écart entre la première ville (Paris) et la deuxième ville (Lyon) est très important. Avec une densité de population de 8 328 habitants/km² et 4 630 emplois/km², l'agglomération parisienne présente également la plus forte densité commerciale et la plus forte densité d'entrepôts autorisés entre 2008 et 2018. (1) Surface Bâtie 41 PARTIE 1 Hétérogénéité des villes françaises : analyse statistique liminaire La classe 2 comprend les six grandes agglomérations de Lyon, Bordeaux, Grenoble, Montpellier, Strasbourg mais aussi Clermont-Ferrand qui correspond plutôt à une ville moyenne. Loin de l'échelle parisienne, ce sont d'importants centres de consommation avec une densité moyenne de population de 1 179 habitants/km² et une densité d'emploi de 603,8. Ce groupe se caractérise par une densité commerciale moyenne de 6,1 commerces/km² et une densité moyenne d'entrepôts autorisés de 1 115,6 m² cumulés/km². La classe 3 comprend les agglomérations moyennes de Lens, Lille, Nantes, Orléans et Toulouse. Ce groupe se caractérise par une densité moyenne de population et d'emploi, proche de celle du groupe 2, mais la densité moyenne de surface autorisée des entrepôts est beaucoup plus élevée. Ce sont des agglomérations de taille moyenne dont le marché immobilier logistique s'est rapidement développé ces dernières années. La classe 4 comprend les petites et moyennes agglomérations de La Rochelle, Le Creusot, Biarritz et Moûtiers, mais aussi des agglomérations moyennes comme Nice, Rennes, Rouen et, plus surprenant, l'agglomération de Marseille. Avec une densité moyenne de population (411 habitants/km²) et une densité d'emploi de 192,2, ce groupe a une densité commerciale moyenne (3 commerces/km²) et une très faible densité d'entrepôts construits. La présence de Marseille dans cette catégorie s'explique par la très faible densité de population à l'échelle de la métropole Aix-Marseille. Cette première typologie basée sur quatre critères montre déjà la grande hétérogénéité des villes de notre échantillon. Le contexte et les défis liés au transport de marchandises et à la logistique peuvent varier d'une région à l'autre. Par exemple, les villes ayant une densité de population plus élevée pourraient être plus intéressées que d'autres à réglementer le transport de marchandises. Ces variations impliquent que les outils de régulation et de planification doivent être modulés et adaptés à ces contextes locaux. La Métropole du Grand Paris apparaît comme un cas très à part. Elle dispose par ailleurs d'une capacité d'innovation en matière de logistique et de transport de marchandises et joue parfois le rôle de laboratoire urbain pour tester de nouvelles dispositions. La spécificité de son territoire par rapport aux autres agglomérations doit nous questionner sur la possibilité de diffuser, généraliser et adapter ces innovations dans des contextes urbains très différents. Densité de surfaces d'entrepôts 3 000 Cluster 2 000 1 2 3 4 1 000 0 0 2 000 4 000 6 000 8 000 Densité de population Figure 7. Analyse des clusters (K means) des communes échantillonnées 42 PARTIE 2 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises SOMMAIRE 2.1. Arrêtés de circulation : réglementation des flux de marchandises en ville 2.1.1. Critères de réglementation de la circulation des marchandises 2.1.2. Périmètres de réglementation au sein des villes - Périmètres urbains : zones piétonnes et centres-villes - Zones piétonnes : le cas d'Orléans - Périmètres environnementaux - ZCR de Grenoble 2.2. Analyse des arrêtés de livraison 2.2.1. Aires de livraison et arrêt des véhicules de livraison - Le cas de Paris - Le cas de Lyon-Villeurbanne - Le cas de Paris 2.2.2. Conditions applicables aux véhicules de livraison - Le cas de Toulouse 2.3. Absence de continuité spatiale dans les mesures - Le cas d'Orléans Métropole - Le cas de la Métropole du grand Paris 44 44 46 46 48 49 50 52 53 55 57 57 58 58 60 60 61 43 PARTIE 2 La circulation et le stationnement sont des problématiques essentielles pour les villes. Leur gestion assure le renforcement de l'attractivité du centre-ville en améliorant son accessibilité et les possibilités de stationnement. La gestion des livraisons et la facilitation des conditions de travail des livreurs garantissent un espace public plus pacifié et un système de transport de marchandises en ville plus efficace. La bonne gestion de la circulation et du stationnement est aussi source de bien-être pour les riverains et les autres utilisateurs de la ville. La voirie est un espace rare et convoité que les plans de déplacements urbains tentent d'organiser pour assurer les fonctions vitales de la ville, et notamment son approvisionnement. Les villes doivent donc définir précisément les objectifs de leur politique de gestion de la circulation et du stationnement en s'appuyant sur des outils classiques ou en s'inspirant des expériences en cours dans différentes communes. Cette section s'intéresse plus particulièrement à l'exercice de pouvoir de police du maire à travers les arrêtés qu'il prend concernant le transport de marchandises, notamment les arrêtés sur la circulation des véhicules de marchandises et sur les horaires de livraison. Les arrêtés sont des documents produits par le maire et applicables à l'échelle de la commune ou de certaines parties/certaines rues de la commune. Nous avons choisi d'analyser les arrêtés des villes centres des agglomérations de notre échantillon (par exemple, nous avons collecté les arrêtés de la ville de Paris et non des 131 communes qui composent la Métropole du Grand Paris). 2.1. ARRÊTÉS DE CIRCULATION : RÉGLEMENTATION DES FLUX DE MARCHANDISES EN VILLE Nous reviendrons ici sur les arrêtés de circulation pris par les maires et les critères choisis pour réglementer cette activité. 2.1.1. Critères de réglementation de la circulation des marchandises Cette analyse porte sur dix-neuf villes centres des agglomérations de notre échantillon. Nous n'avons pas pu obtenir les arrêtés de la ville de Biarritz qui a refusé de les communiquer. Nous avons recensé tous les critères utilisés pour réglementer le transport de marchandises, le passage des véhicules de livraison ou des véhicules de marchandises traversant la commune. Nous avons relevé l'usage de huit critères : · Le tonnage du véhicule · La hauteur du véhicule · La longueur du véhicule · La largeur du véhicule · La surface au sol du véhicule · Le volume du véhicule · L'âge ou la date de construction et la norme euro (ou Crit'Air) · Les plages horaires de circulation de ces véhicules 44 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises Le graphique suivant montre l'usage des critères de réglementation utilisés par les communes dans les différents arrêtés observés. Un seul arrêté peut cumuler plusieurs critères. Usage des critères de réglementation 90 Part des communes (%) 80 70 60 50 40 30 20 10 0 ge ur o ire e ur eu eu ce Vo lu m ue na ut rg rfa ra /E ho ng To n Su Âg e Ha La Pl ag Lo e Critères utilisés Figure 8. Usage des critères de réglementation dans les arrêtés de circulation Le tonnage est le critère le plus utilisé. 78 % des communes observées l'utilisent pour limiter la circulation en ville. La plage horaire, restreignant la circulation à certains moments de la journée, est également utilisée par environ 50 % des communes observées. La longueur des véhicules est un critère utilisé par 20 % des villes, souvent en complément d'une mesure de tonnage. Le tonnage est perçu comme un indicateur synthétique qui permet de limiter à la fois le poids et le volume du véhicule. Par ailleurs, cet indicateur est adapté à la charge potentielle qu'une voie peut supporter. Il faut rappeler que les communes ont la charge de l'entretien et de la réfection des voiries communales. Or, les véhicules les plus lourds sont les plus susceptibles d'endommager à long terme l'état des voiries. La hauteur, la largeur ou le volume sont plus rarement utilisés comme critères, et souvent en complément d'une mesure de tonnage. Ce qui est assez surprenant car de nombreux centres-villes en France correspondent souvent à des centres urbains historiques dans lesquels les rues sont souvent étroites, irrégulières ou sinueuses ce qui pose des problèmes d'angles rendant certaines manoeuvres plus difficiles pour des véhicules de gros gabarit. On aurait donc pu penser que la largeur aurait été un critère utilisé. Certaines organisations représentant les transporteurs comme le GATMARIF sont d'ailleurs assez favorables à de telles considérations. Bien que le paramètre de tonnage soit celui utilisé par la grande majorité des communes observées, cela ne signifie pas pour autant que les réglementations soient harmonisées et cohérentes sur l'ensemble du territoire grâce à l'utilisation d'un paramètre commun. Les seuils utilisés pour réglementer le tonnage sont tous différents, parfois même à l'intérieur d'une même commune. On recense des réglementations pouvant aller de 2,5 tonnes à 33 tonnes de PTAC (poids total autorisé en charge). L'utilisation du seuil de 3,5 tonnes est très fréquente (elle correspond bien sûr aussi au seuil distinguant les poids lourds des véhicules utilitaires légers), mais elle est souvent peu adaptée aux besoins logistiques du territoire. Ce seuil de 3,5 tonnes est utilisé par 100 % des communes nous ayant transmis leurs arrêtés municipaux. Ce seuil signifie que seuls les véhicules utilitaires légers peuvent accéder à la ville. Il apparaît difficile de concilier les besoins logistiques de certains types d'établissements avec les types de véhicules autorisés, comme par exemple les cafés/restaurants qui sont livrés avec des véhicules d'environ 14 tonnes. Ab se nc e r r 45 PARTIE 2 2.1.2. Périmètres de réglementation au sein des villes PÉRIMÈTRES URBAINS : ZONES PIÉTONNES ET CENTRES-VILLES Les périmètres de réglementation sont également variables au sein d'une commune. Les arrêtés distinguent des rues (nommément) qui vont être soumises à des règles spécifiques. Ils distinguent aussi les centres-villes du reste de la ville. Le centre-ville peut se définir d'un point de vue morphologique comme le coeur ancien, historique de la ville, correspondant souvent aussi à une zone de forte densité, notamment commerciale. Souvent associé à une architecture spécifique (médiévale, haussmannienne, etc.), le centre-ville constitue un espace au paysage relativement homogène créant une identité et participant à l'image de la ville. D'un point de vue fonctionnel, le centre-ville concentre souvent les grandes fonctions administratives, mais aussi commerciales, ou de loisirs et de culture. Il s'agit d'un quartier de la ville qui, du fait de sa morphologie et des fonctions qu'il accueille, concentre les principaux aménagements. C'est un espace de mise en scène et de maîtrise de l'espace par les pouvoirs publics locaux, les habitants et les résidents. La forte proximité entre ces acteurs et les différentes aménités (commerces, services, emplois) implique une gestion plus délicate de cette cohabitation. Le centre-ville définit a contrario les autres espaces de la ville qui se retrouvent périphériques au sens géographique mais aussi dans l'esprit des politiques publiques, qui régulent souvent moins ces espaces. Le centre-ville ne relève pas d'une approche juridique de l'espace. Délimiter un centre-ville n'entraîne pas l'application d'un droit du sol spécifique, il s'agit simplement d'un périmètre. Enfin les arrêtés distinguent également les zones piétonnes. Contrairement aux centres-villes, les zones piétonnes emportent un certain nombre de règles issues du code de la route (art. R110-21) : « Section ou ensemble de sections de voies en agglomération, hors routes à grande circulation, constituant une zone affectée à la circulation des piétons de façon temporaire ou permanente. Dans cette zone, sous réserve des dispositions de l'article R431-9, seuls les véhicules nécessaires à la desserte interne de la zone sont autorisés à circuler à l'allure du pas et les piétons sont prioritaires sur ceux-ci. Les entrées et sorties de cette zone sont annoncées par une signalisation. » L'autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation détermine le périmètre des aires piétonnes et fixe les règles de circulation à l'intérieur de ce périmètre (art. R411-3 du code de la route). L'aire piétonne peut couvrir une rue (de façade à façade), une place ou un ensemble de voiries. Elle peut être plus ou moins étendue, mais doit être créée en englobant l'intégralité de l'espace public pris dans son ensemble. En cela, un trottoir ne peut pas être assimilé à une aire piétonne. En revanche, un grand parvis (par exemple plus de 100 m2) ou une grande place peuvent être une aire piétonne. Son mode de fonctionnement exclut de fait les voies de circulation supportant tout trafic de transit. L'aire piétonne peut être un moyen de gérer les livraisons en fonction du rythme de la ville (exemple : favoriser les livraisons avant 10 heures dans les rues commerçantes). Les zones piétonnes et les périmètres des centres-villes vont être renforcés dans le cadre du programme Action coeur de ville qui entend aussi agir sur la forme urbaine. Ce programme porté par le Commissariat Général à l'Égalité des Territoires (CGET) entend financer le développement et l'aménagement des centres-villes des villes moyennes, notamment des commerces, afin de limiter le phénomène de dévitalisation des centres-villes. Ces dernières années, dans les villes moyennes, un grand nombre de petits commerces ont fermé dans ces centres-villes à la faveur d'un développement commercial périurbain. Deux causes sont généralement avancées dans l'explication de ce phénomène : la très forte utilisation de la voiture dans ces agglomérations pour les déplacements d'achat (en l'absence de facilité de stationnement dans les centres-villes, les consommateurs privilégient les grandes surfaces périphériques qui disposent de grands parkings) et l'absence de contrôle public dans le développement de ces zones et de soutien aux commerces du centre-ville par les pouvoirs publics locaux (Razemon, 2017). 46 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises Le graphique suivant recense les différents périmètres dans les villes observées qui font l'objet d'un arrêté de circulation. Usage des périmètres de réglementation 80 Part des communes (%) 70 60 50 40 30 20 10 0 Rue Zone piétonne Centre-ville Commune Périmètres de réglementation Figure 9. Périmètres de réglementation de la circulation des véhicules de marchandises Nos observations dans les communes de l'échantillon montrent que les communes réglementent rarement le transport de marchandises à l'échelle de la commune entière. Le zonage (aire piétonne, centre-ville, zone centrale, intra-mail) reste largement privilégié. Une réglementation très pointue à l'échelle des rues est également courante. Ces critères sont cumulables dans une même commune. Cela conforte bien l'idée que les centres-villes, dans lesquels on retrouve le plus souvent les zones piétonnes sont les espaces les plus encadrés et régulés au détriment de tout ce qui devient périphérie. Ces zonages montrent aussi que l'action publique cible des zones particulières dans laquelle elle identifie des conflits d'usage. Elle n'a pas de vision globale sur l'ensemble de la commune et se concentre sur une petite partie du territoire. Les outils de réglementation servent au cas par cas, ce qui explique aussi la grande hétérogénéité entre les villes. Elles s'inscrivent dans un contexte très localisé pour répondre à une situation précise. En dehors de ces espaces de forte densité, souvent rien n'est fixé comme principe général ou réglementation précise pour le reste de la ville. Cette hyper-régulation des centres-villes peut paraître surprenante dans un contexte de crise de ces espaces. Le programme « Action coeur de ville » lancé par le CGET en 2018 pour revitaliser les centresvilles notamment des villes moyennes renforce l'attention des acteurs publics locaux sur ces espaces. 47 PARTIE 2 LES ZONES PIÉTONNES : LE CAS D'ORLÉANS Au sein de la zone délimitée du centre-ville (appelée Intra-mail), il existe une zone piétonne dans laquelle une réglementation différente s'applique : les heures de circulation varient pour la livraison et la circulation. Dans la zone piétonne, il n'y a pas d'aires de livraison. Les véhicules peuvent se mettre directement en face des commerces mais pour une durée limitée. La zone piétonne est délimitée par des bornes escamotables. Un badge est nécessaire pour actionner l'abaissement de ces bornes, il s'obtient auprès de la CCI contre un extrait de Kbis qui confirme l'activité de livraison (qu'elle soit en propre ou pour autrui). Ces dispositifs deviennent de plus en plus populaires et permettent de vraiment sanctuariser la zone mais sont très contraignants pour les livraisons qui ne peuvent pas dépasser les créneaux horaires en cas de problèmes. L'arrêté du 6 juin 2014 autorise le stationnement et la circulation pour les véhicules de livraison à l'intérieur de l'Intra-mail pour le temps nécessaire aux opérations de chargement et de déchargement pendant les plages horaires suivantes : · De 6h00 à 10h30 pour tous les véhicules d'une surface au sol maximale de 21 m² ; · De 6h00 à 11h30 pour les véhicules sans émission de CO2 d'une surface au sol maximale de 21 m² ; · De 6h00 à 11h30 et de 14h30 à 16h30 pour les véhicules sans émission de CO2 d'une surface au sol maximale de 4 m². Dans le secteur 2 (reste de l'Intra-mail) : · De 6h00 à 10h30 pour tous les véhicules d'une surface au sol maximale de 21 m² ; · De 6h00 à 11h30 et de 14h30 à 19h00 pour les véhicules sans émission de CO2 d'une surface au sol maximale de 21 m². Ces dispositions sur le stationnement et la circulation des véhicules de marchandises, la ville d'Orléans les a mises en oeuvre en prenant en compte les objectifs du PDU. Elles portent sur les aires de stationnement partagées, les espaces de livraison de proximité, les plateformes de distribution, en concertation avec les commerçants et les transporteurs. Ainsi, grâce à l'arrêté municipal de 2014 qui impose une réglementation plus favorable aux livraisons propres pour les marchandises en centre-ville, la ville a répondu aux attentes des acteurs du territoire interrogés. Elle a étendu les horaires de livraison uniquement pour les véhicules sans émission de CO2. Le cas d'Orléans est particulièrement intéressant. On note une prise de conscience assez forte de la question logistique et du transport de marchandises dans la ville qui passe notamment par l'utilisation de la réglementation de la circulation des véhicules et du stationnement. Néanmoins, on peut s'interroger sur les critères choisis par la mairie concernant les restrictions de livraison et de circulation. La notion d'émission de CO2, plutôt que « véhicule propre » ou « faible émission », montre aussi la représentation que peuvent avoir les acteurs publics des questions environnementales. La qualité de l'air dans la ville est davantage impactée par les particules fines que le CO2 qui est un problème plus global qui dépasse le cadre du transport de marchandises. On peut également s'interroger sur le choix des seuils concernant les gabarits des véhicules. Nos entretiens montrent que ces choix sont plutôt le résultat des discussions effectuées avec les commerçants de la zone et donc très adaptés à une situation locale. 48 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises PÉRIMÈTRES ENVIRONNEMENTAUX La création d'une ZCR/ZFE relève de la compétence de la commune concernée (voir introduction). Une ZCR est mise en place après une période de six mois de concertation avec les acteurs locaux et les communes avoisinantes. La commune doit également produire une étude d'incidence environnementale permettant d'appuyer sa décision. Pour pouvoir circuler dans l'une de ces zones à circulation restreinte françaises, il est nécessaire d'avoir l'une des six vignettes Crit'Air apposée sur son véhicule. Chaque ville ou municipalité détermine les catégories de vignettes autorisées à circuler dans la ZCR, dont l'entrée est signalée par un panneau. Les catégories de vignettes concernées ainsi que les jours et horaires d'application des restrictions sont précisées sur un panonceau attenant. Par ailleurs, la vignette Crit'Air peut éventuellement être utilisée par certaines communes pour attribuer des avantages, tels que des espaces de stationnement privilégiés pour les véhicules les moins polluants. Les vignettes Crit'Air correspondent à la transposition d'une directive européenne qui détermine des normes. À long terme, l'objectif est d'exclure de plus en plus de vignettes des zones à circulation restreinte, de sorte que, d'ici quelques années, seules les catégories E et 1 y soient autorisées. Dans une ZCR, les catégories de vignettes sont exclues de manière constante, indépendamment des conditions météorologiques. Il se peut qu'une ZCR se trouve dans le périmètre d'une ZPA (zone de protection de l'air). Auquel cas, si des restrictions de circulation sont prononcées en cas de pic de pollution pour la ZPA, ces interdictions s'appliquent également à la ZCR. Lorsque cette dernière ne se trouve pas dans une ZPA, le maire n'est pas en mesure d'appliquer des restrictions de circulation complémentaires en fonction des conditions météorologiques. Le projet de Loi d'Orientation des Mobilités déposé par le gouvernement devrait remplacer les ZCR par des zones à faible émission (ZFE). L'article 28 propose de réviser le dispositif régi par l'article L2213-4-1 du CGCT sur les « zones à circulation restreinte » qui deviennent des « zones à faibles émissions » et dont la mise en place sera obligatoire pour les collectivités sur le territoire desquelles les niveaux de pollution sont régulièrement dépassés, tout en prévoyant des simplifications procédurales. Cette disposition fait suite à l'accord construit entre l'État et 19 territoires de s'engager dans cette démarche (Grenoble-Alpes Métropole, Métropole européenne de Lille, MGP, Plaine Commune, Grand Lyon, Eurométropole de Strasbourg, Vallée de l'Arve, Métropole Aix-Marseille-Provence, Toulouse Métropole, Montpellier Méditerranée Métropole, Saint-Étienne Métropole, Métropole Toulon Provence Méditerranée, Communauté urbaine d'Arras, Clermont Auvergne Métropole, Métropole du Grand Nancy, Grand Annecy, Valence Romans Agglo, Communauté d'agglomération de La Rochelle, Fort-deFrance). Contrairement aux ZCR, les ZFE sont créées à l'échelle des agglomérations par les EPCI. Poids lourds Véhicules utilitaires légers Figure 10. Vignettes Crit'Air pour les poids lourds et véhicules utilitaires légers 49 PARTIE 2 ZCR DE GRENOBLE Aujourd'hui, dans la ville de Grenoble, les véhicules les plus polluants classés en norme Euro 3 ne sont pas autorisés à circuler. Cette commune est l'une des premières villes en France à appliquer ce dispositif. Depuis début 2017, les véhicules de transport de marchandises les plus polluants ne peuvent plus accéder au « centre-ville élargi » de Grenoble, du lundi au vendredi de 6 heures à 19 heures. Cette réglementation, qui s'appuie sur les vignettes Crit'Air, s'applique aux véhicules utilitaires légers (VUL) mis en circulation avant le 30/09/1997 et aux poids lourds (PL) mis en circulation avant le 30/09/2001. Un an après sa mise en place, la ville de Grenoble se déclare assez satisfaite de ce dispositif (même si elle n'a pas encore entamé de procédure d'évaluation de ce dernier). La figure suivante correspond au périmètre d'application de la ZCR de Grenoble au centre-ville élargi. Figure 11. Zone de circulation restreinte du centre-ville élargi de Grenoble Forte de son expérience sur le centre-ville élargi, en mai 2019, la Métropole de Grenoble a décidé de porter la ZFE à l'échelle du PLUi. On est ici dans une action territoriale plus cohérente avec une gouvernance renforcée par la superposition des périmètres de l'action publique qui permet plus de verticalité dans les relations. Autrement dit, l'action publique sera simplifiée par des relations moins portées sur la négociation entre les communes. Après seulement deux ans d'expérimentation de la ZFE dans le centre-ville élargi, la Métropole de Grenoble a élargi le périmètre de cette zone à neuf autres communes pour le porter à l'ensemble du territoire. Sur ce périmètre, seuls les véhicules utilitaires et poids lourds à faibles émissions seront autorisés à circuler à horizon 2025. Cette réglementation sera mise en oeuvre progressivement afin de laisser le temps aux acteurs économiques ­ qui ont été associés à la démarche dès 2015 ­ de s'adapter et d'anticiper le renouvellement de leur parc de véhicules. 50 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises Figure 12. Zone à Faibles Émissions (ZFE) de la Métropole de Grenoble La Métropole du Grand Paris a également mis en place une ZFE. Depuis le 1er juillet 2019, les Crit'Air 5, c'est-à-dire les véhicules essence d'avant 1997 et les diesels d'avant 2001, ne peuvent plus circuler dans le périmètre situé à l'intérieur de l'A86. Cette interdiction reste théorique, les moyens de contrôle n'entrant en vigueur qu'en 2021. Par ailleurs, la MGP n'a pu s'assurer de l'adhésion de toutes les communes à ce projet : seules 49 (sur 79 concernées par le périmètre) se sont engagées. Figure 13. Zone à Faibles Émissions de la MGP 51 PARTIE 2 2.2. ANALYSE DES ARRÊTÉS DE LIVRAISON L'opération de stationnement est le dernier « noeud » de la chaîne logistique, elle comprend une rupture de charge, une opération logistique de manutention et un changement de « mode » pour le transport (généralement d'un véhicule à la marche à pied). Cette opération dépend d'une infrastructure qui a une capacité donnée et qui forme l'offre de stationnement. Cette offre peut être inférieure à la demande. Lorsque la demande de livraisons dans une rue donnée est trop importante par rapport au stock d'aires de stationnement dédiées, la qualité de service diminue : le conducteur doit stationner plus loin de sa destination, ce qui accroît son temps de marche à pied et peut le mettre en retard dans son programme d'activités ; ou il doit stationner illégalement, risquant par conséquent une amende. Il s'agit d'un phénomène de congestion, au sens propre (Beziat, 2017). Dans le cadre de son pouvoir de police, le maire ­ afin de garantir le maintien de l'ordre public et la sécurité dans l'espace public ­ doit s'assurer que les opérations de livraison, qui nécessitent le stationnement du véhicule de marchandises, se fasse dans les meilleures conditions possibles. Pour cela il délivre des arrêtés propres à la livraison qui encadrent cette pratique et les usages de la voie publique. Nous reviendrons ici sur les arrêtés de livraison émis par les maires et les critères choisis pour réglementer cette activité. L'analyse des arrêtés de livraison dans les communes de notre échantillon nous a permis de recenser cinq critères de réglementation des livraisons : · Utilisation des aires de livraisons ­ celles-ci peuvent être partagées, c'est-à-dire qu'elles sont réservées pour la livraison, l'arrêt de véhicules effectuant une opération de chargement ou déchargement, à certains horaires de la journée et qu'en dehors de ces plages horaires, les particuliers peuvent y stationner. Elles peuvent également être « sanctuarisées », ce qui signifie que, quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit, les véhicules n'ont pas le droit de stationner ; · Plages horaires ouvertes pour la livraison ; · Gabarit des véhicules pouvant effectuer une opération de livraison ; · Durée de livraison, notamment dans le cas d'une utilisation d'une aire de livraison ; · Âge ou limite de pollution (norme Euro, polluant spécifique ­ par exemple les NOx ­ ou polluant global comme le CO2 à Orléans) du véhicule de livraison. Le graphique suivant montre l'utilisation de ces critères, qui peuvent être combinés, dans les différentes communes observées. Critères de réglementation des livraisons 90 Part des communes (%) 80 70 60 50 40 30 20 10 0 de pa livr rta ais gé on Ai es re s sa de nc li tu vra ar is isé on es iso n ho Pla ra ge ire s s G vé ab hi ar cu it le Du ré e (d lim isq ité ue e ) ra liv de re s Ai Figure 14. Utilisation des critères pour réglementer la livraison dans les communes 52 Ai re s du Âg e/ Eu ro Circulation et stationnement des véhicules de marchandises 2.2.1. Aires de livraison et arrêt des véhicules de livraison Les aires de livraison sont très utilisées, presque 90 % des villes observées en possèdent. Ces aires permettent le chargement et déchargement des marchandises dans des emplacements réservés ce qui limite, théoriquement, le stationnement en double file, ou l'emprunt des pistes cyclables ou couloirs de bus. Elles sont donc des outils de pacification du partage de la voirie entre les différents usages. Règlementation des aires de livraison La réglementation de l'aire de livraison est basée sur la notion d'arrêt : « Immobilisation momentanée d'un véhicule [...] pendant le temps nécessaire pour permettre [...] le chargement ou le déchargement du véhicule, le conducteur restant aux commandes de celui-ci ou à proximité pour pouvoir, le cas échéant, le déplacer » (art. R110-2 du code de la route). Juridiquement, la livraison ne s'attache pas à une durée spécifique : « Le maire peut, par arrêté motivé [...] réserver des emplacements sur les voies publiques de l'agglomération [...] pour l'arrêt des véhicules effectuant un chargement ou un déchargement de marchandises » (art. L2213-2 du CGCT). Cet article a permis depuis 2001 une signalisation horizontale (marquage au sol) réglementaire de l'aire de livraison. La difficulté est de réserver ces espaces aux seuls véhicules de livraison afin d'en préserver l'objet. En effet, selon une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation (chambre criminelle, 27 novembre 1991, pourvoi n° 91-82457), les emplacements de livraison sont légaux dès lors que leur usage est réservé non pas à une certaine catégorie de véhicules mais à une certaine catégorie d'activités. Pour faciliter la circulation, le maire peut délimiter des aires de livraison tant qu'elles ne sont pas contraires au principe de l'égalité des citoyens devant la loi. Il n'est donc pas possible pour les villes de réserver ces aires aux seuls véhicules de livraison, ce qui peut générer un manque de lisibilité et conforter les particuliers dans un usage souvent abusif de ces aires. L'enjeu est pourtant de faire de ces dernières un réel outil de logistique urbaine et de politique publique, le but étant d'améliorer l'accueil des véhicules de livraison grâce à une meilleure lisibilité et un meilleur taux de rotation. L'instruction interministérielle sur la signalisation routière décrit les principes de signalisation pour les aires de livraison auxquels les villes doivent se conformer. Cette instruction laisse à l'appréciation de l'aménageur un certain nombre de critères dimensionnels (longueur, largeur, ergonomie...), afin de ne pas figer le linéaire de stationnement. Il est toutefois possible de définir quelques grands principes et préconisations qui permettent de guider l'aménageur dans sa réalisation d'aires de livraison s'il en a besoin : · La longueur doit permettre l'insertion en marche du véhicule (tout accès en marche arrière étant à proscrire). Étant donné la taille des véhicules de distribution urbaine avec hayon élévateur, l'aire de livraison peut avoir une longueur comprise entre 12 et 15 mètres. Une longueur de 15 mètres a l'intérêt de fournir l'espace correspondant exactement à trois aires de stationnement pour véhicule particulier. · La largeur maximale des véhicules de livraison susceptibles d'utiliser l'aire de livraison est de 2,60 m. Il faut donc que le marquage soit adapté tout en s'intégrant dans la voirie urbaine. · Les différences de niveau entre le trottoir et la chaussée constituent des obstacles difficilement franchissables pour les livreurs. La présence d'un abaissement de trottoir au droit de l'aire accroît sa fonctionnalité. Ce type d'aménagement doit permettre le passage d'une palette aux normes européennes (palette Europe standard : 80 × 120 cm) et empêcher le stationnement sauvage. 53 PARTIE 2 Le schéma suivant correspond à la recommandation ministérielle de création d'aires de livraison sur la voie publique. Il est à la fois indicatif et réducteur. En effet, d'autres schémas (en épi, en bataille par exemple) ou des aires groupées par secteur pourraient être proposés. 10 m trottoir 2,5 m chaussée Figure 15. Recommandation ministérielle pour créer des aires de livraison (CEREMA) La ville de Paris a également expérimenté le double système d'aires de livraison « partagées » tandis que d'autres sont « sanctuarisées » identifiables par des marquages différenciés, mais dans les faits peu compris des usagers. Exemple du double marquage des aires de livraison à Paris Crédit photographique : Ville de Paris Figure 16. Aires partagées et aires sanctuarisées à Paris (source : ville de Paris) Localisation des aires de livraison Les outils mis en place pour recenser les aires de livraison varient beaucoup d'une ville à l'autre. Certaines communes proposent déjà des services de géolocalisation. 54 L I V R A I S O N Circulation et stationnement des véhicules de marchandises LE CAS DE PARIS Par exemple, dans le cas de Paris, les données en open data sur le stationnement recensent 8 819 aires de livraison au total, géolocalisées dans un logiciel SIG. La très grande majorité d'entre elles ­ 8 025 soit 91 % ­ sont périodiques (entre 7h00 et 20h00). Les 794 restantes sont permanentes ou réservées (Beziat, 2017). Figure 17. Espaces déficitaires à Paris en stationnement pour les poids lourds (Beziat, 2017) Figure 18. Espaces déficitaires et excédentaires à Paris en place de stationnement pour les véhicules utilitaires légers (Beziat, 2017) 55 PARTIE 2 Des travaux académiques se sont penchés sur la question de la localisation de ces aires de livraison dans les villes. Tous observent une dissociation spatiale entre l'offre et la demande. Les aires ne sont pas toujours bien localisées par rapport aux besoins des commerces, des bureaux ou, dans le cas du e-commerce, de la livraison aux particuliers. La figure 17 montre le déficit en offre de stationnement pour les poids lourds à l'heure de pointe à Paris (Beziat, 2017). Certaines périodes de la journée, dans certaines zones de Paris, on observe un déficit d'offres de stationnement qui peut être assez conséquent. Au total, quasiment la moitié de la demande de stationnement ­ en minutes d'EVL (2) ­ en heure de pointe ne trouve pas d'offre en aires de livraison. Pour les municipalités, l'autre facette du problème est l'excédent d'offres de stationnement. L'espace dans les centres-villes est rare : réserver de la place pour des espaces sous-utilisés est particulièrement problématique. Dans le cas de Paris, les analyses montrent qu'en heure de pointe, certains espaces sont en excédent en matière d'aires de livraison et d'autres en déficit pour les véhicules utilitaires légers (Beziat, 2017). La répartition spatiale de ces aires de livraison n'est donc pas optimale dans la ville. Le constat de l'inadéquation de l'offre et de la demande amène à poser la question de la pertinence d'une offre supplémentaire d'aires de livraison. En effet, cette offre supplémentaire pourrait apparaître pertinente dans certaines zones de la ville, où l'offre est insuffisante toute la journée. Toutefois, l'espace au sein des villes est une ressource rare : la prise en compte de la demande horaire « enveloppe », c'est-à-dire la demande horaire maximale, est-elle réaliste, ou même souhaitable ? Des espaces réservés supplémentaires permettraient certainement, dans un premier temps, de répondre à la demande horaire maximale. Cependant, le reste du temps, ces espaces de livraison seraient peu ou pas du tout utilisés et diminueraient, de fait, l'espace disponible pour les autres utilisateurs de la voirie (Beziat, 2017). Pour résoudre les problèmes de livraison dans la ville il ne suffit pas simplement de multiplier les aires de livraison, encore faut-il que leur localisation soit adéquate, que ces espaces soient bien dimensionnés et correspondent effectivement aux exigences des bâtiments devant être livrés. Plages horaires des aires de livraison Les plages horaires sont utilisées dans plus de 80 % des villes étudiées. Les livraisons sont autorisées en fonction de plages horaires déterminées. Il s'agit ici de réguler les effets de congestion et de s'adapter au rythme des commerces par exemple. Les quelques constats suivants montrent toute la complexité de cette question : au sein d'une même commune, la réglementation des horaires de livraison n'est pas toujours homogène, ce qui n'en favorise pas le respect. Les limitations horaires ne sont pas en cohérence avec les heures d'ouverture des commerces. Les horaires doivent théoriquement permettre de limiter la congestion en évitant la superposition de flux différents aux heures de pointe mais dans les faits cela n'est pas souvent vérifié. Enfin les horaires sont mal connus des livreurs. Dans la pratique, la multiplication des horaires au sein d'une même commune ou entre communes d'une même agglomération complexifie l'intelligibilité de la règle. D'autant que les arrêtés de livraison sont inégalement diffusés par les communes. La qualité de l'information varie grandement entre les différentes communes. (2) EVL (Équivalent Véhicules Légers) : unité spatiotemporelle utilisée pour mesurer le temps et l'espace occupé par un véhicule utilitaire léger (moyenne de 5 m de long). Par exemple : 15 minutes d'EVL correspond à un véhicule de 5 m occupant une aire de livraison pendant 15 minutes. 56 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises LE CAS DE LYON-VILLEURBANNE Dans les centres-villes de Lyon et Villeurbanne, les livraisons sont autorisées entre 7h00 et 19h00. Les véhicules de 29 m² et plus sont interdits dans le centre Presqu'Ile à Lyon et dans le centre-ville de Villeurbanne. Les rues piétonnes de Lyon ont une réglementation spécifique : livraisons autorisées de 6h00 à 11h30 pour les véhicules de moins de 7,5 tonnes. Les aires de livraison disposent d'un marquage au sol et vertical (voir figure ci-contre) qui indique la plage horaire permettant d'effectuer la livraison. Figure 19. Panneau de signalisation d'une aire de livraison à Lyon Crédit photographique : Grand Lyon Ces plages horaires sont censées permettre aux véhicules d'effectuer leurs livraisons en limitant les nuisances et les troubles du voisinage. Mais elles doivent également correspondre aux besoins des entreprises et commerces qui se font livrer. Nombre de mouvements ne se distribuent pas uniformément au cours d'une journée. LE CAS DE PARIS Dans le cas d'observations menées sur la ville de Paris, on constate que pour le transport de passagers en Île-de-France, les jours de semaine, il y a généralement deux périodes de pointe qui correspondent aux déplacements domicile-travail (IAURIF, 2013). Une première période entre 6 et 8 heures (voire 9 heures), et une deuxième entre 16 et 18 heures (voire 19 heures). D'après les résultats de l'Enquête Globale Transport (EGT), les deux pics sont assez semblables en quantité : 15 % du trafic pour la période de pointe du matin, entre 19 et 20 % pour la période de l'après-midi. Les heures de pointe pour le transport de marchandises sont différentes. D'abord, les périodes de pointe sont décalées par rapport à celles des passagers. La période de pointe du matin est plus tardive, de 9 à 11 heures, tandis que la période de pointe de l'aprèsmidi a lieu plus tôt que celle des passagers, entre 14 et 16 heures. Par ailleurs, la période de pointe du matin est plus importante (presque 35 % des mouvements) et plus étalée (on pourrait l'étendre à une période entre 8 et 12 heures, qui regrouperait presque 60 % des mouvements de la journée) que celle de l'après-midi (13,5 % entre 14 et 16 heures). Encore une fois, le nombre de mouvements par tranche horaire est fonction des exigences d'horaires de livraison des destinataires (beaucoup préfèrent être livrés le matin) et de leurs horaires d'ouverture (Beziat, 2017). La détermination des plages de livraison doit tenir compte de ces observations. Néanmoins, les plages horaires ne peuvent pas se limiter aux tranches horaires correspondant aux pics, car certaines activités fonctionnent différemment. Par exemple, les pharmacies peuvent se faire livrer plusieurs fois par jour. Certains travaux de recherche montrent par ailleurs qu'un meilleur management de la demande de fret, par l'optimisation des opérations logistiques ou la possibilité de livrer en horaires décalés, en dehors des horaires de pointe, comme la nuit, permettrait de limiter les besoins en aires de livraison et de rendre de l'espace au public (Holguín-Veras & Sanchez-Diaz, 2016). 57 PARTIE 2 Limitation de durée de l'activité de livraison 30 % des communes observées ont mis en place une durée limitée pour la livraison. L'occupation de l'aire de livraison peut varier de 20 à 30 minutes selon les communes et nécessite l'utilisation d'un disque. Cela permet d'éviter d'encombrer la voirie trop longtemps. Le disque de livraison vise à rendre les aires de livraison plus disponibles pour les personnes en acte de livraison et à sécuriser et améliorer les conditions de déplacement et de circulation en limitant les arrêts gênants (stationnement en double-file). Cela facilite le contrôle pour les agents de la voirie qui peuvent sanctionner les véhicules ne disposant pas de ce disque et qui se seraient stationnés illégalement. Le disque s'obtient en mairie ou auprès des CCI et permet un contrôle amont des transporteurs ou des commerçants effectuant leurs livraisons en compte propre par exemple. Figure 20. Disque de livraison pour les centres-villes de Lyon et Villeurbanne 2.2.2. Conditions applicables aux véhicules de livraison Moins de 20 % des communes observées ont mis en oeuvre des conditions pour l'occupation des aires de livraison en fonction de la nature du véhicule, à savoir de sa capacité de pollution définie par l'âge ou la norme Crit'Air. Les communes peuvent ouvrir les plages horaires de livraison aux véhicules les moins polluants. Cela fait partie des mesures incitatives que le maire peut mettre en place afin de réduire la pollution dans sa commune. L'avantage consenti aux livreurs qui utiliseront des véhicules propres fait partie d'un ensemble de mesures destinées à encourager le renouvellement du parc utilitaire. LE CAS DE TOULOUSE La ville de Toulouse a mis en place une « charte des livraisons » en 2012 pour son centre-ville, afin de réduire les nuisances atmosphériques et sonores, d'adapter le système de livraison aux évolutions techniques et sociétales, mais aussi d'améliorer le partage de l'espace public entre les différents usages. La commune a mis en oeuvre une réglementation issue de la concertation à l'intérieur de l'anneau des boulevards, qui contient un engagement à maintenir, améliorer, développer et contrôler les aires de livraison et les espaces logistiques à l'intérieur de l'anneau des boulevards. Elle s'est aussi engagée à établir une stratégie de contrôle/sanction par l'organisation de tournées de surveillance, la mise en place d'un disque européen de livraison et des mesures incitatives et de soutien aux innovations technologiques, notamment l'utilisation de véhicules propres. En contrepartie, les transporteurs signataires (FNTR, TLF et GTP) et la CCI de Haute-Garonne sont engagés à développer les véhicules non polluants (électriques et non motorisés) en concertation avec les commerçants, qui devaient aussi tenter de faire coïncider au mieux leurs horaires d'ouverture et de livraison. Dans le centre-ville de Toulouse, les véhicules à moteur thermique ne peuvent livrer que de 9h30 à 11h30 le matin et de 20h00 à 6h00. Les véhicules accrédités avec badge peuvent livrer de 20h00 à 11h30. Les véhicules électriques peuvent livrer toute la journée, tout comme les véhicules non motorisés et à assistance électrique. Plus récemment, la métropole de Toulouse a décidé de favoriser le développement et l'utilisation des biogaz dans le transport de marchandises. Elle accompagne donc ces mesures 58 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises incitatives par la recherche de sites adaptés au développement des points de distribution de GNV et accompagne les porteurs de projets dans leurs études de faisabilité en transmettant les informations qui relèvent de sa compétence (accès depuis la voie publique, autorisations administratives, droit des sols). Par ailleurs, Toulouse Métropole étudie l'implantation de sites de production de bioGNV sur son territoire. À travers son pouvoir de police, la commune de Toulouse encourage le développement d'une flotte de véhicules propres en agissant sur la réglementation, mais aussi sur la planification du territoire par la mise en oeuvre d'une stratégie économique et territoriale. L'efficacité de ces mesures incitatives est aujourd'hui interrogée. La question du contrôle revient souvent. La ville de Toulouse a annoncé qu'elle s'engageait à poursuivre ses efforts et à moderniser les moyens de contrôle pour garantir la bonne application de la réglementation. Plusieurs mesures peuvent être mises en oeuvre : · Sensibilisation continue et formation des agents de surveillance de la voie publique aux dispositions de la Charte et aux particularités du transport de marchandises ; · Développement de technologies de contrôle à disposition des agents (terminaux scannant les plaques d'immatriculation et vérifiant immédiatement les droits du véhicule) ; · Expérimentation d'aires de livraison contrôlées soit par des bornes amovibles, soit par des capteurs détectant le temps d'arrêt des véhicules. Figure 21. Règlement de circulation et livraison dans le centre-ville de Toulouse en fonction des types de véhicules (source : Charte marchandises, ville de Toulouse, 2012) 59 PARTIE 2 2.3. ABSENCE DE CONTINUITÉ SPATIALE DANS LES MESURES Au sein d'une même agglomération ou d'un même PTU (périmètre des transports urbains, identique généralement à celui du PDU), on constate des variations importantes entre les différents critères utilisés pour réglementer le transport de marchandises. Au sein des communes, nous avons constaté de grandes variations dans la réglementation de la circulation et du stationnement. Cette hétérogénéité est valable à l'échelle des agglomérations. Chaque commune décide seule de cette réglementation. Bien que les villes appartenant à un même PDU doivent, depuis la loi SRU de 2000, produire une réglementation coordonnée en la matière, et que depuis les lois récentes ce soient maintenant ­ en théorie ­ les EPCI qui, de droit, doivent réglementer la circulation et le stationnement, dans les faits on constate la permanence de règles locales et peu coordonnées, conduisant à une mauvaise lisibilité des réglementations, à une perte d'efficacité du transport de marchandises et à des usages illégaux de l'espace public sources de conflits. Dans les agglomérations que nous avons observées, nous avons choisi de prendre deux cas d'étude (Orléans Métropole et la Métropole du Grand Paris) afin d'analyser la situation en la matière. LE CAS D'ORLÉANS MÉTROPOLE Au sein de la métropole d'Orléans, le relevé des règles de circulation dans les différentes communes qui la composent montre une grande hétérogénéité. Bien que le paramètre tonnage soit celui utilisé par la grande majorité des communes enquêtées, cela ne signifie pas pour autant que les réglementations soient harmonisées et cohérentes sur l'ensemble du territoire grâce à l'utilisation d'un paramètre commun. À titre d'exemple, 8 % des communes possèdent 5 seuils de tonnages différents, et 23 % en possèdent 2, ce qui pose un problème de lisibilité pour les acteurs du transport de marchandises. Mais elles sont tout de même 62 % à posséder seulement un seul seuil de tonnage bien plus lisible pour les chauffeurs-livreurs (Interface, 2017). L'harmonisation apparaît donc comme un enjeu essentiel. L'harmonisation consiste à assurer la cohérence d'un ensemble sans exiger que les éléments qui le constituent deviennent identiques. L'harmonisation des réglementations communales relatives à la circulation et au stationnement des véhicules de livraison constitue un enjeu fort. Cette harmonisation pourrait également permettre plus d'efficacité économique. L'harmonisation améliore également la lisibilité des règlements, la compréhension et l'application des règles par les transporteurs, livreurs et commerçants. L'harmonisation des règlementations à l'échelle d'une intercommunalité devrait s'appuyer, dans l'idéal, sur une démarche de concertation et de négociation. En effet, il est important que toutes les municipalités se mettent d'accord sur les critères déterminants pour la circulation et la livraison, mais aussi sur les seuils. 60 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises LE CAS DE LA MÉTROPOLE DU GRAND PARIS La Métropole du Grand Paris connaît aujourd'hui une situation similaire. L'absence d'harmonisation des réglementations de circulation et livraison dans les 131 communes qui la composent menace sa cohérence et son efficacité. L'axe présenté ci-après fait 700 m et traverse les communes de Paris, Saint-Mandé et Vincennes, soit trois ensembles de réglementation propres à la circulation des véhicules et aux dispositifs pour la livraison. Figure 22. Rupture de continuité réglementaire dans la MGP (source : DRIEA, 2017) Figure 23. Les territoires et communes impliqués dans le COMOP des règlements de voirie et de livraison (source : MGP, 2018) 61 PARTIE 2 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises La MGP a entrepris de mener plusieurs expérimentations en matière d'harmonisation des réglementations. Elle a créé un comité opérationnel (COMOP) des règlements de voirie et de livraison dans la métropole, dont le but est d'assurer le bon déroulement des expérimentations, produire des recommandations en vue d'aboutir à un règlement harmonisé à l'échelle de la métropole et animer la concertation entre les acteurs publics locaux et les acteurs du transport de marchandises et de la logistique. Le retour de ces expérimentations, actuellement en cours, doit nourrir la mise en oeuvre d'une réglementation harmonisée. Zone n°1 Zone n°2 Figure 24. Les communes d'expérimentation pour des règles de circulation et de livraison harmonisée (source : MGP, 2018) Il ressort des premières discussions que le critère du tonnage pourrait être celui retenu pour la MGP. À nouveau son aspect opérationnel est questionnable. Il ressort également de ces discussions que les aires de livraison sanctuarisées et partagées, comme celles existantes à Paris, seront étendues à l'ensemble de la Métropole. Le COMOP préconise aussi une durée limitée d'utilisation des aires de livraison à 30 minutes régulée par un disque ou bien des capteurs (ce qui nécessiterait la mise en place d'une infrastructure certes plus coûteuse mais qui permettrait une automatisation du contrôle). La possibilité de tester les livraisons la nuit en lien avec l'association CERTIBRUIT est envisagée. 62 NOTES SECTORIELLES 1 Circulation et stationnement La question du périmètre, la portée de l'action locale et les enjeux de l'harmonisation de la réglementation À ce stade de notre étude, nous pouvons d'ores et déjà constater l'existence d'une forte hétérogénéité entre les villes (d'une ville à une autre), au sein des métropoles (d'une commune à une autre, avec une forte fragmentation des règles), et même à l'intérieur des villes (zones piétonnes, centres-villes, rues spécifiques). L'empilement de périmètres et de compétences complexifie grandement la lecture de ces territoires et leur fonctionnement. La lisibilité de la règle est essentielle pour le chauffeurs-livreurs qui effectuent des opérations de livraison. Plusieurs collectivités déplorent l'absence d'outil systématique et précis pour la gestion du fret urbain, contrairement au transport de personnes. Pourtant, les collectivités territoriales ont à leur disposition un large éventail d'outils réglementaires en matière de stationnement, circulation et aménagement, ainsi que de planification, dont les effets sur le fret urbain sont directs et qui en font de bons leviers d'actions. Les arrêtés et les permis de construire sont au coeur de ce dispositif, mais dans la pratique ils sont relativement peu articulés aux documents de planification (voir partie 3). Ainsi les politiques actuellement menées sont incomplètes et ne proposent pas, pour la plupart, de gestion globale et efficiente du fret urbain, qui permettrait aux villes d'avancer dans la prise en charge de ce dernier. Un des enjeux principaux est la mise en cohérence des réglementations. Nos entretiens et nos analyses sur des réglementations au sein des agglomérations montrent que la question de l'harmonisation réglementaire reste aujourd'hui à l'état d'ambition politique, de réflexion. Si cette question est très présente dans les PDU, et dans une moindre mesure dans les SCoT (voir partie 3), elles ne dépassent pas le stade de l'expérimentation, notamment dans la Métropole du Grand Paris. Par ailleurs, on observe une segmentation importante des espaces à l'intérieur des communes, qui complexifie d'autant plus la possibilité d'harmonisation. Le développement de zones piétonnes, les réglementations spécifiques au cas par cas (rue par rue) et la distinction systématique du centreville rendent difficile la lecture des réglementations par les professionnels de la livraison. La question de l'accessibilité de ces centres-villes ou des zones piétonnes devient décisive dans un contexte où la place de la voiture en ville va être réduite et une grande part de la voirie réservée aux transports en commun et modes actifs. 63 NOTES SECTORIELLES 1 Intégration variable de la question des marchandises dans la régulation de la circulation et du stationnement en France S'ajoute à ce constat l'existence d'une grande hétérogénéité entre les villes de France dans leur définition et leur vision des camions et de la logistique. Les enjeux en matière de réglementation du transport de marchandises et de la logistique n'ont pas la même intensité, la même urgence selon les territoires. Tous disposent des mêmes prérogatives et du même arsenal réglementaire mais tous ne s'en saisissent pas de la même façon ce qui crée des situations hétérogènes. En ce sens, la ville de Paris ou la région Île-de-France font figure de collectivités précurseuses en matière de régulation du transport de marchandises et de la logistique, surtout au niveau de l'urbanisme. Il ressort de nos analyses que les outils de réglementation pour la circulation et la livraison sont très utilisés, mais ils le sont de façon différente de ce qui se fait dans les autres villes européennes. Aujourd'hui, la plupart des grandes villes européennes interdisent les camions en fonction de leur âge (zones à faible émission) ; en France les règles sont restées plutôt traditionnelles, fondées sur des normes de gabarit et tonnage. Prise en compte de l'environnement et de la sécurité très limitée Il y a encore très peu de zones à faibles émissions en France et quand elles existent elles sont mal appliquées. Cette situation est dommageable pour les opérateurs de transport qui font l'effort de se mettre en règle et d'avoir des flottes récentes de camions. La faible prise en compte de la dimension environnementale dans la pratique des pouvoirs publics locaux dans un contexte d'urgence climatique est également importante à relever. Si l'application de la loi LOM doit favoriser la généralisation de la mise en oeuvre de cette mesure, elle reste largement dépendante d'une prise en main par les maires ou les présidents des intercommunalités. Sachant que les ZFE sont des outils qui, par nature, réclament un périmètre important couvrant plusieurs communes pour pouvoir être efficace, cela signifie que cette mesure repose sur la mise en place d'une gouvernance efficiente. Or, on voit bien avec l'exemple de la ZFE de la Métropole du Grand Paris que cette mesure ne fait pas l'unanimité. De nombreuses communes de la Métropole ne sont pas concernées par le périmètre (qui correspond à l'intérieur de l'autoroute A86), ce qui rajoute de la complexité à la lisibilité du territoire métropolitain ; mais en plus, un certain nombre de communes concernées ont refusé de faire partie du périmètre. Ce refus, qui relève de leur prérogative, montre bien le pouvoir dont dispose le maire et la difficulté à mobiliser les acteurs publics locaux sur des questions environnementales. Les arguments avancés par ces communes pour refuser la ZFE sont souvent d'ordre socio-économique. Le risque est que cette mesure pénalise les usagers, dont les transporteurs et les PME, qui n'ont pas les ressources suffisantes pour acquérir des véhicules propres. Ce sont les mêmes débats que ceux qui entourent la question des péages urbains. Qu'il s'agisse d'une barrière financière ou d'une barrière environnementale, les conséquences peuvent être importantes pour la structure socio-économique des communes concernées et les emplois, dans un contexte de pénurie des chauffeurs-livreurs et des conditions difficiles de ces métiers. De façon générale, on observe dans les motivations des arrêtés pris par les maires que la question environnementale est rarement au premier plan. Autrement dit, les arrêtés pris ne sont pas ou peu justifiés par la nécessité d'améliorer la qualité de l'air ou la protection de l'environnement en général. Les motivations concernent le plus souvent l'ordre public, la congestion et l'organisation de la voirie et des espaces publics. On retrouve ici des considérations très pragmatiques, mais aussi très éloignées des enjeux pourtant détaillés et repris dans tous les documents de planification (voir partie 3). Remarquons donc que d'une façon générale, les objectifs en matière de développement et d'accompagnement (à la modernisation, à l'optimisation par exemple) de la logistique urbaine sont encore faibles dans la plupart des agglomérations. Les objectifs en matière de politique environnementale prennent de l'importance dans certaines agglomérations et cela peut se traduire par une réglementation en lien avec la logistique ou le transport de marchandises, mais les villes françaises sont à cet égard plus timides que dans nombre de pays étrangers. 64 Circulation et stationnement D'autres sujets sont également absents dans la régulation du transport de marchandises et de la logistique en France, comme par exemple la question du « curbside management », la gestion globale des espaces de voirie entre le trottoir et les voies de circulation. Cela permettrait de mieux coordonner le partage de la voirie avec les camions, notamment sur les trottoirs et dans les linéaires de stationnement. De façon un peu générale, la question du partage de voirie est peu traitée au prisme de la logistique et du transport de marchandises dans la planification. Pouvoir de police du maire et gouvernance Le pouvoir de police du maire reste encore aujourd'hui déterminant dans la réglementation du transport de marchandises en ville. Dernier maillon de la chaîne réglementaire, un arrêté municipal permet la mise en oeuvre concrète des objectifs et des ambitions relevés dans les plans locaux d'urbanisme ou les plans de déplacements urbains (voir partie 3). On voit par ailleurs que l'exercice de ce pouvoir de réglementation est peu inclusif. Contrairement à l'élaboration des documents de planification, notamment PDU et SCoT, les acteurs privés issus du secteur de la logistique et du transport de marchandises ne sont en effet pas consultés dans la prise de décision réglementaire du maire. Cela peut déboucher sur des situations difficiles, peu adaptées voire en contradiction avec les besoins des professionnels. Par exemple, la création et la localisation des aires de livraison en sont un exemple probant. Le spatial mismatch qui existe entre l'offre et la demande d'aires de livraison est le résultat direct de décisions prises unilatéralement, ou uniquement en discutant avec des acteurs très locaux (un commerçant particulier). Cette pratique tend à crisper les acteurs privés qui se sentent rejetés des espaces urbains et déconsidérés. La difficulté du métier de chauffeur-livreur est aussi due à cette image de « gêne » ou de « nuisance » confortée par des réglementations qui cherchent à limiter leurs mouvements. La mise en place d'une gouvernance ou d'une consultation, voire la création d'un schéma portant sur la circulation et le stationnement élaboré conjointement avec les acteurs privés de la logistique et du transport pourraient permettre d'améliorer la situation. Un contrôle variable qui limite la portée des réglementations Les communes rencontrent certaines difficultés à faire appliquer ces réglementations. Il existe des fraudes qui en limitent la portée. Le cas est connu avec le parking en double-file, le parking sur les bandes cyclables ou les trottoirs. Sur les réseaux sociaux (par exemple, Twitter et le hashtag #GCUM), de nombreuses infractions sont recensées chaque jour par des usagers mettant en cause d'autres usagers de la voirie, notamment les chauffeurs-livreurs, ainsi que l'absence de contrôle des responsables publics qui sont interpellés. Le contrôle des règles est nécessaire pour que les réglementations soient effectives. Il existe des contentieux qui permettent à l'usager ou au livreur de contester la réglementation et de la remettre en perspective par rapport à sa pratique (par exemple une place de livraison mal positionnée). Les contrôles permettent de pacifier l'espace public et de ne pas dégrader l'image des chauffeurs-livreurs. Nos entretiens ont par ailleurs démontré la difficulté de ce contrôle (voir plus loin la discussion sur l'impossibilité en France d'utiliser des caméras de relevé automatique des plaques minéralogiques) et la demande en matière de moyens que cela implique. L'exemple de Strasbourg montre aussi que ce contrôle peut être précédé d'une période de pédagogie, où les agents de voirie ne sanctionnent pas immédiatement mais sont dans l'accompagnement, permettant ainsi d'améliorer les pratiques des chauffeurs-livreurs et le partage de la voirie : « On n'a pas contrôlé les trois premiers mois, parce qu'on a fait des panneaux pédagogiques, on a fait beaucoup de pédagogie pendant deux ans. On n'a effectivement pas contrôlé pendant les trois premiers mois parce que qu'il y avait d'autres priorités ; là, depuis le premier janvier on contrôle tout le temps. On est en train de faire une étude d'évaluation en ce moment pour constater s'il y a ou pas une baisse des véhicules en infraction. Il faut vraiment mettre des équipes, on a une dizaine d'équipages de police municipale qui contrôlent. On a un secteur relativement petit qui est vraiment le centre-ville de Strasbourg. » 65 NOTES SECTORIELLES 1 Circulation et stationnement Des informations peu accessibles Enfin, le difficile accès aux informations renforce l'absence d'efficacité de ces mesures. Notre étude s'appuie sur un relevé exhaustif des arrêtés de circulation et de stationnement et sur les documents de planification. Si ces derniers sont pour l'essentiel en ligne (à quelques exceptions près) ou ont pu nous être envoyés par mail suite à des demandes faites par téléphone, un grand nombre d'arrêtés restent encore difficiles à obtenir par internet. Ce qui signifie que la connaissance en amont des règles de circulation ou de stationnement n'est pas évidente pour les livreurs ou les commerçants qui se fient en général à leur pratique, leur expérience et connaissance du terrain. Les villes sont loin d'avoir toutes une page web consacrée aux règles et aux mesures sur le transport des marchandises, qui présenterait de façon simple et positive le cadre réglementaire. Aujourd'hui la question du contrôle et du respect de ces règles revient de façon chronique. Les livreurs, les commerçants, les particuliers et les professionnels du transport n'ont pas nécessairement un accès facilité à l'information. La mise en place de données géolocalisées par les communes, par exemple, reste encore marginale. En creux, notre analyse révèle aussi la faible présence (quasi absence) de l'utilisation de nouvelles technologies comme des places de stationnement gérées automatiquement, connectées (voir a contrario l'exemple d'AreaDUM à Barcelone), une signalisation connectée, un contrôle automatique, etc. À l'heure du big data, on remarque également que les communes ne disposent que de peu de données sur les marchandises et n'entreprennent que peu l'exercice de recensement et de diagnostic de la situation de leur territoire au prisme de la logistique et du transport de marchandises. Comparé à d'autres métropoles ou villes, la question des outils numériques est peu présente dans la réflexion locale sur la logistique urbaine. 66 PARTIE 3 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique SOMMAIRE 3.1. Planification locale du transport de marchandises et de la logistique urbaine : lecture critique des plans locaux d'urbanisme 3.1.1. Planifier les activités logistiques à l'échelle locale : de la définition d'objectifs à leur réalisation 3.1.2. Planifier le transport de marchandises - Dispositions législatives - Analyse des articles 12 dans les PLU - Conclusion 3.2. Effets locaux de la planification intercommunale sur le transport de marchandises et la logistique 3.2.1. Planifier à l'échelle intercommunale : le SCoT - Conclusion 3.2.2. Plans de Déplacements Urbains - Conclusion 3.3. Planifier les activités logistiques à l'échelle régionale - Conclusion sur les SRADDET 68 69 89 89 90 95 96 96 105 107 124 125 133 67 PARTIE 3 Cette section a pour but d'examiner l'usage du pouvoir d'urbanisme en lien avec la planification à d'autres échelons territoriaux. Le pouvoir d'urbanisme et la planification sont des leviers supplémentaires permettant aux acteurs publics locaux d'encadrer le transport de marchandises en ville et le développement de la logistique urbaine. Si la réglementation permet de réguler une situation actuelle, la planification a pour but d'anticiper dans les constructions futures, dans le développement de la ville, les évolutions en lien notamment avec les besoins des activités et des habitants. Les documents de planification traduisent à la fois la vision de ces acteurs pour leur territoire mais aussi leurs actions pour le développement urbain et territorial. La planification porte autant sur l'usage du sol et les projets urbains (PLU, SCoT, SRADDET) que sur les politiques de transport et la mobilité (PLU, PDU, SCoT, SRADDET). 3.1. PLANIFICATION LOCALE DU TRANSPORT DE MARCHANDISES ET DE LA LOGISTIQUE URBAINE : LECTURE CRITIQUE DES PLANS LOCAUX D'URBANISME Les plans locaux d'urbanisme (PLU) sont des documents à la fois stratégiques et réglementaires qui permettent de définir les grandes orientations du territoire guidant l'élaboration des projets urbains, permettant aussi de définir les règles d'utilisation du sol. Comme nous l'avons rappelé précédemment, l'échelon local a conservé toute son importance en matière de planification. Ainsi la prise en compte de cette question à cette échelle est déterminante pour le développement de la logistique urbaine et le futur du transport de marchandises. Dans cette partie nous avons analysé les PLU correspondant aux vingt villes de notre échantillon. Afin de systématiser leur analyse, nous avons sélectionné dix mots-clés (« livraison », « marchandises », « fret », « logistique », « poids lourds », « dernier kilomètre », « entrepôts », « véhicules », « stationnement » et « transport »), à partir desquels nous avons effectué un recensement sur l'ensemble des documents du PLU. Sur ces dix mots-clés, les sept premiers entrent dans le champ lexical de la logistique et du transport de marchandises et les trois derniers dans le champ du transport en général (ils peuvent concerner le transport de personnes ou de marchandises). Nous les avons ensuite groupés selon deux catégories : « fret-logistique » (en bleu) et « mobilité passager » (en orange). L'hypothèse étant que la récurrence de ces mots nous donne une bonne indication générale sur la prise en compte de la question des marchandises et de la logistique dans la planification locale. Nous avons volontairement pris des termes liés directement à la question logistique et aux marchandises, mais également des mots liés au transport (passager et marchandises) qui permettent aussi de remettre en perspective le traitement du transport de marchandises par rapport au transport de personnes. 68 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Le graphique suivant représente le nombre d'occurrences des mots concernant le transport de marchandises et la logistique dans les vingt agglomérations. 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% n es llie r Lil le el le ille nd ris se le rs tie oû Le g s x s au an ob ue ur lo u se Na n nn Pa ra M ar To u on t ra s Bo t-F Ro St G Figure 25. Occurrences des mots-clés du transport de marchandises dans les PLU Il est intéressant de noter que la question du transport de marchandises et de la logistique, indépendamment de la façon dont elle est traitée dans le document, est présente dans tous les PLU observés. Globalement, on observe une évolution des PLU en faveur de la logistique et du transport de marchandises (Debrie, Heitz, 2017 ; Raimbault, Dablanc, 2015). Cependant, il semble que cette question reste largement sous-traitée. L'intégration de la question des marchandises et de la logistique varie grandement en fonction des villes. Les PLU n'ont pas tous intégré de la même façon cette question. On note que c'est Paris qui mentionne le plus la question des marchandises dans son PLU. Néanmoins, la mention d'un mot-clé en lien avec la logistique ou le transport de marchandises ne signifie pas que cette question est bien intégrée dans une stratégie de développement économique, territoriale ou dans des projets urbains concrets. Afin de pouvoir mettre en évidence ces différences, nous proposons une lecture analytique de ces PLU, en distinguant ce qui ressort des objectifs de ce qui ressort de la mise en oeuvre. 3.1.1. Planifier les activités logistiques à l'échelle locale : de la définition d'objectifs à leur réalisation Comme nous l'avons rappelé dans l'introduction, les PLU se composent de deux volets. Un premier qui détermine les objectifs en matière de développement urbain et traduit les ambitions à moyen et long termes portées par la commune ; et une partie règlementaire qui impose des conditions, des règles d'usage du sol et des normes aux nouvelles constructions et projets urbains. Seule la partie réglementaire est opposable à un permis de construire. Le PLU n'est par ailleurs pas opposable à un arrêté municipal. Cl er m on M La M Cr eu bo O rlé rd e pe re n er Ro Re ch so te t 69 PARTIE 3 En matière de transport de marchandises et de logistique, il n'est pas rare de constater un écart entre les objectifs et leur mise en oeuvre (Debrie, Heitz, 2017). La prise en compte de ces questions dans les objectifs et orientations traduit bien la prise de conscience des acteurs publics sur l'intérêt de réguler le transport de marchandises et la logistique, mais la faible transcription de ces questions dans les règlements et les projets urbains révèle le manque d'expertise, de moyens ou d'engagement concret sur ces questions de la part des acteurs publics locaux. On constate aussi l'absence de « rétro-contrôle » de ces questions une fois le projet urbain développé (par exemple des espaces de livraison internes correctement construits mais non utilisés par la suite). Dans les PADD des PLU on retrouve souvent des objectifs d'optimisation des flux de marchandises en ville et une volonté de limiter les émissions de polluants en lien avec le transport de marchandises. Cela se traduit par une volonté de réorganiser les flux dans la ville notamment en agissant sur le dernier kilomètre et le développement de points intermédiaires, comme des espaces logistiques urbains (ELU) (entrepôts urbains, points relais, consignes, etc.). Les PLU peuvent aussi édicter des règles adaptées à certaines destinations de constructions et, depuis le décret du 28 décembre 2015, à certaines sous-destinations, dès lors que cette différenciation est justifiée dans le rapport de présentation. Les PLU peuvent également édicter des règles concernant directement la construction d'espaces de logistique urbaine, à travers l'utilisation d'une sous-destination « entrepôts » (destination « autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire »). Combinées avec des règles prévoyant une mixité fonctionnelle au sein d'un secteur, d'une unité foncière, voire même d'une construction (ex. : espace de stockage en sous-sol et commerce en rez-de-chaussée), ces dispositions facilitent l'intégration de petits espaces logistiques dans le tissu urbain. Le changement de sous-destination d'une construction à l'intérieur d'une même destination (ex. : transformation de locaux industriels en espaces logistiques) ne nécessite aucune autorisation d'urbanisme en l'absence de travaux à réaliser (en cas de travaux et selon leur importance, une déclaration préalable ou un permis de construire sera requis). Par ailleurs, des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) peuvent être définies dans le PLU pour moderniser, rénover des plates-formes logistiques existantes ou intégrer dans le tissu urbain des espaces logistiques. LE CAS DU PLU DE PARIS 1 Diagnostic Dans le diagnostic préalable au PLU et le PADD on retrouve les grands objectifs de la commune en matière de développement urbain. En matière de logistique urbaine, la ville de Paris défend la mise en place d'un modèle urbain particulier, constitué (idéalement) d'un réseau maillé d'entrepôts urbains, connectés à des plates-formes logistiques qui assurent l'approvisionnement et la distribution des marchandises dans Paris. Ce réseau a pour but de favoriser la mutualisation des marchandises et le report modal. La livraison est censée pouvoir se faire depuis ces entrepôts urbains par des véhicules électriques, des véhicules propres (hydrogène ou gaz), des vélos-cargos ou même des livreurs à pied. Le schéma de la figure 26 expose le maillage théorique de ces entrepôts urbains dans Paris. Celui-ci fait partie d'un travail préparatoire réalisé par l'APUR, mais ne figure pas directement dans le PADD du PLU de 2016. Toujours dans ce travail préparatoire réalisé par l'APUR, les espaces fonciers disponibles pour implanter ces entrepôts urbains ont été recensés. La figure 27 permet de les localiser. Il est intéressant de noter qu'à nouveau la ville n'a pas intégré cette carte dans son document final (son PADD). 70 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Légende : Plateformes multimodales Lieux d'échange Flux marchandises : Massifiés Eclatés Dernier kilomètre 0 600 m Figure 26. Schéma du maillage logistique de Paris (source : APUR, 2013) Figure 27. Schéma de localisation des emplacements potentiels pour le développement d'une activité de la logistique urbaine (source : APUR, 2013) 71 PARTIE 3 2 PADD Le PADD a finalement arbitré différemment et retenu une partie des espaces suggérés par le travail de diagnostic de l'APUR. Regroupés dans les zones UGSU, les espaces logistiques montrent l'attention croissante portée par la ville de Paris au maintien de la logistique dans le tissu urbain et au développement de nouvelles filières. Il s'agit pour la ville de permettre l'accueil des activités de logistique et de services tout en respectant la qualité paysagère urbaine et en assurant la mixité des fonctions, ceci dans un milieu dense. Les sites logistiques existants sont, pour leur majorité, concentrés le long de la Seine et près des voies ferrées. Le PADD renvoie au PDUIF et au SDRIF sur les questions de report modal, d'où le choix d'une localisation des entrepôts urbains à proximité des voies ferrées et du fleuve. Figure 28. Schéma de mise en valeur de la Seine (source : PADD, PLU, Paris, 2016) 3 OAP Dans les orientations d'aménagement et de programmation du PLU de Paris, la prise en compte des éléments nécessaires au fonctionnement de la logistique urbaine témoigne d'une véritable volonté d'insérer cette activité dans le tissu dense. Et pour assurer un maillage efficace, la ville prévoit d'augmenter le nombre de sites de tailles différentes. 72 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Figure 29. Schéma des orientations d'aménagement et de programmation de Paris (source : OAP, PLU, Paris, 2016) Cela se traduit par : · L'inscription d'une soixantaine de périmètres comprenant des bâtiments existants, mais aussi de nouveaux sites sur lesquels sont inscrits des espaces de localisation d'équipements de logistique urbaine ; · L'identification par la lettre L dans les schémas des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) des équipements publics à créer ou à modifier ayant pour vocation « Activité logistique ou service à la filière logistique » ; · Des précisions en annexe apportées sur le type et la taille des équipements à réaliser sur ces sites. Figure 30. OAP Nord-Est, Paris (source : OAP, PLU, Paris 2016) 73 PARTIE 3 4 Règlements Dans la partie réglementaire du PLU de Paris, on retrouve une destination du territoire spécifique pour les activités logistiques. Pour la ville de Paris, l'espace parisien devenant rare, il est devenu indispensable de préserver des zones d'accueil pour les équipements et services nécessaires au fonctionnement de l'agglomération, qui apportent un véritable service aux Parisiens, et de définir les conditions dans lesquelles ces équipements et services peuvent durablement s'installer. À cet effet, ces installations ont été rassemblées dans une zone urbaine spécifique, la zone de Grands Services Urbains, ayant pour objectif de les pérenniser et de favoriser leur développement harmonieux et durable. Les objectifs assignés à cette zone portent entre autres sur l'amélioration de la réception, la diffusion et l'enlèvement des marchandises de toute nature en réduisant les pollutions dues à leurs transports par l'utilisation notamment du fer ou de la voie d'eau, modes de transport alternatifs à la route susceptibles de contribuer à l'approvisionnement des activités économiques comme des particuliers (flux entrant et sortant). Le territoire de cette zone s'articule notamment autour des terrains affectés aux transports (réseaux ferrés de transport de voyageurs et marchandises...) et aux activités de logistique urbaine ainsi qu'aux emprises des ports installés sur les berges de la Seine ou des canaux. En 2016 la Mairie de Paris a mis en place une nouvelle catégorie de CINASPIC (Constructions et Installations Nécessaires Aux Services Publics ou d'Intérêt Collectif) dédiée à la logistique urbaine permettant aux espaces logistiques urbains de disposer d'emprises foncières réservées ou d'être intégrés dans les projets urbains. Ces espaces de logistique urbaine sont définis comme les espaces « dédiés à l'accueil des activités liées à la livraison et à l'enlèvement des marchandises, pouvant inclure du stockage de courte durée et le retrait par le destinataire ; sont exclus le reconditionnement, l'entreposage permanent » (PLU de Paris, 2016). Dans les opérations réalisées sur des terrains vierges (terrains nus, parcelles détachées non bâties, emprises de voirie déclassées), la totalité de la surface de plancher devra être destinée à la fonction résidentielle. Cependant par le biais des CINASPIC il sera possible d'inclure dans ces surfaces résidentielles des activités économiques comme de la logistique en rez-de-chaussée. Les CINASPIC permettent donc de développer des projets immobiliers qui reposent sur le principe de la mixité fonctionnelle : en associant des logements et des activités logistiques par exemple. Une autre modification en faveur de la logistique urbaine est également introduite dans le règlement de la zone verte UV (article UV.2.1), autorisant la transformation en espaces dédiés à l'accueil des activités liées à la livraison et à l'enlèvement des marchandises et à la gestion des déchets, des locaux souterrains existants. Les CINASPIC correspondent à une nouvelle catégorie juridique pour des espaces et des bâtiments qui répondent aux besoins de réglementations pour des structures comme les hôtels logistiques. La définition légale de ces CINASPIC exclut de fait une grande partie des activités logistiques ; en insistant sur le stockage de faible durée, ils s'adressent aux activités de messagerie en priorité. Cela tient au fait que les activités logistiques comprises dans les CINASPIC ne peuvent entrer dans le champ de la qualification ICPE qui rend impossible l'intégration d'une activité dans une fonction résidentielle. Cette planification des espaces logistiques dans la zone très dense de la métropole parisienne emporte une différenciation spatiale des activités logistiques. Quelques activités, comme la messagerie ou la distribution alimentaire, ont une place privilégiée dans cette planification, mais d'autres secteurs de la logistique sont oubliés. 74 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique PLU ­ Plans généraux Zonages et destination Zone UG ­ Secteur plus favorable à l'emploi Zone UG ­ Site de protection des Grands magasins Zone UG ­ Secteur privilégiant l'habitation Zone UG ­ Secteur favorisant la mixité habitat-emploi Zone UG ­ ZAC ou secteur d'aménagement Zone UG ­ Secteur de Maisons et Villas Zone UGSU ­ Zone urbaine de grands services urbains Zone UV ­ Zone urbaine verte Limitations des parcs de stationnement Voie sur laquelle la création d'accès à un parc de stationnement est interdite Figure 31. Plan de zonage de Paris (source : Règlement, PLU, Paris, 2016) 75 PARTIE 3 LE CAS DU PLU DE MARSEILLE Le PLU actuel de Marseille est mis en oeuvre depuis 2011, modifié à plusieurs reprises depuis. La Ville a également entamé un processus de participation à l'élaboration du PLUi de la Métropole Aix-Marseille-Provence qui, après les débats publics de 2019, entrera en vigueur en 2020. À nouveau notre analyse s'inscrit dans une période transitoire. On peut penser que les principes développés dans le PLU marseillais se retrouveront dans le PLUi. Mais ce dernier pourrait également amplifier certains aspects. Marseille est une ville portuaire. Le port de Marseille-Fos est l'un des plus importants en France. Le développement logistique est très lié à la croissance du port et des trafics. Dans ce contexte, la ville de Marseille s'est engagée dans un processus de développement de la logistique urbaine. 1 PADD La ville de Marseille a pour objectif de conforter le développement des activités logistiques et industrielles sur son territoire et dans l'hinterland portuaire, notamment par des aménagements et des réserves foncières. Le renforcement de la relation ville-port pour limiter les coupures morphologiques et fonctionnelles, mais aussi pour renforcer les porosités entre ces deux espaces constitue un objectif déterminant. Le traitement de cette interface passe par le développement d'un système de transport pour les passagers et les marchandises, notamment mais bien sûr pas exclusivement, via le fret ferroviaire. Un autre objectif concerne la requalification des zones d'activités économiques principalement logistiques et l'organisation des mobilités, notamment la circulation des poids lourds depuis ces zones vers la ville et le port dans l'optique d'optimiser les flux et de limiter les nuisances : « Veiller à la compatibilité des secteurs dédiés aux activités économiques productives, industrielles, logistiques... » avec leur environnement urbain et surtout avec les zones résidentielles proches, pour limiter les nuisances induites et les conflits d'usage. En particulier, réserver des espaces mutualisés pour les services urbains (déchets, logistique urbaine...) et canaliser les flux de poids lourds pour limiter leurs effets négatifs (nuisances, sécurité routière, risques liés au transport de matières dangereuses...), en organisant des itinéraires entre les autoroutes et les zones d'activités : boulevards urbains économiques connectés aux échangeurs puis voirie adaptée (« trame active ») dédiée aux usagers des zones d'activités, dont les poids-lourds (PADD p.16). On retiendra aussi l'objectif de mutualisation des services urbains. On retrouve ici le même principe qui a guidé la ville de Paris à créer les zones UGSU. Enfin, la ville de Marseille entend promouvoir « l'écomobilité » pour le transport de marchandises en ville et le développement de la logistique urbaine. Cela passe notamment par la mise en place d'un réseau maillé de plates-formes logistiques et urbaines répondant : · Au besoin d'une desserte ferroviaire performante pour le fret, le chantier de transport combiné maritime-continental de Mourepiane constituant à cet égard un projet majeur ; · Aux besoins traditionnels de l'économie urbaine (commerce de gros, messageries...) majoritairement assurés dans la Façade Maritime Nord, qui doivent continuer à être satisfaits dans le cadre des espaces logistiques existants, à requalifier par ailleurs ; · Aux besoins nouveaux en lien avec le e-commerce (messagerie express, livraisons à domicile, vente à distance...). 76 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Le but étant de développer notamment des espaces logistiques de proximité (« consignes, points d'accueil logistique et d'accueil de véhicules pour la redistribution des marchandises, hôtels logistiques... »), mais aussi de réglementer les normes d'émissions atmosphériques et de bruit, d'encourager les innovations en la matière et d'améliorer les conditions de livraison en centre-ville en renforçant « le contrôle, la limitation de la durée de livraison, l'intégration de places de livraison dans les espaces publics et l'aménagement d'aires dédiées en coeur de ville » (PADD, p. 30). 2 OAP Concernant la logistique urbaine ou le transport de marchandises on ne trouve rien dans les OAP permettant de concrétiser les objectifs annoncés précédemment. 3 Règlement Conformément aux objectifs, le règlement du PLU prévoit dans les zones UP (urbaines portuaires) la possibilité de développer des activités logistiques et des dispositions doivent être prises pour les opérations de livraison des véhicules. Dans les zones urbaines (UA) les entrepôts ne sont autorisés que s'ils sont en lien avec les activités déjà présentes dans la commune. Concernant la logistique urbaine on ne retrouve rien dans la partie réglementaire permettant d'entériner des projets. À nouveau le passage difficile des objectifs à leur mise en oeuvre soulève la question de la concrétisation de la logistique urbaine et de l'optimisation du transport de marchandises en ville. 77 PARTIE 3 LE CAS DU PLU DE MONTPELLIER Le PLU de Montpellier, qui a fait l'objet d'une procédure de modification en 2017, présente dans son introduction son engagement sur la question de l'amélioration de la circulation des marchandises dans la ville en lien avec l'objectif du SCOT de « faciliter et rationaliser les livraisons de marchandises et la desserte des pôles logistiques ». 1 PADD La Ville expose son projet de développement de la piétonisation du centre-ville dans une stratégie de redynamisation de cet espace et des commerces qui s'y localisent. Dans cette optique, « des dispositions spécifiques pour permettre la livraison des marchandises dans cette zone seront développées ». La Ville affiche également comme objectif de renforcer le développement de ces zones d'activités économiques, intégrant notamment des activités logistiques. 2 OAP Certains secteurs et projets prévoient d'intégrer ou développer des activités logistiques. C'est notamment le cas de « Garosud », un nouveau parc d'activité en périphérie de la ville qui doit accueillir « un service permanent au marché local (logistique, petite industrie, services, commerces, artisanat) et des grands équipements liés au fonctionnement de l'agglomération (dépôt des bus et des rames de tramway de la TAM, usine de méthanisation) ». On retrouve dans la définition des activités possibles dans ce secteur la notion de services urbains. Comme à Paris, cette zone propose des activités mixtes dont la logistique à destination de Montpellier pourrait faire partie. Sur les 28 objectifs d'aménagement qui composent les OAP du PLU de Montpellier, un seul (celui énoncé plus haut) prend en compte la question logistique. La question du transport et des mobilités, très développée finalement dans le document, se limite aux passagers. 3 Règlement Le règlement du PLU de Montpellier conditionne la construction des entrepôts dans les zones denses au lien qu'ils peuvent avoir avec les activités présentes dans cette zone. Par ailleurs dans certains quartiers, comme celui d'Antigone, ils sont complètement interdits à la construction. Dans certains secteurs, quand les entrepôts sont autorisés, ils doivent être construits de telle sorte que les nuisances soient limitées et ils doivent être compatibles avec leur environnement. Malgré le SCoT et les objectifs déclarés en introduction et dans le PADD, ni les OAP ni le règlement ne semblent particulièrement favoriser le développement de la logistique urbaine ou l'optimisation des flux de marchandises en ville. On note le décalage entre les objectifs et les réalisations : la difficile concrétisation des ambitions sur ces questions à l'échelon local et d'un point de vue réglementaire. 78 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PLU DE CLERMONT-FERRAND Le PLU de Clermont-Ferrand a été approuvé en 2016. Le diagnostic du PLU ne mentionne que peu le transport de marchandises ou le développement d'activités logistiques. Pourtant la Ville intègre des principes de la logistique urbaine qu'elle décline dans les sections suivantes du PLU. 1 PADD La Ville a pour objectif de permettre l'implantation de plates-formes de mutualisation des marchandises à proximité des voies ferrées ou du tramway (la Pardieu, les Gravanches, le Brézet), ainsi que l'instauration de périmètres de livraisons propres, en particulier dans le centre de Clermont. Elle entend aussi développer des points relais pour la livraison de proximité dans des espaces délaissés des zones urbaines favorisant ainsi la mixité des usages. En-dehors des orientations relatives à la mobilité, la ville de Clermont-Ferrand affiche l'ambition de mener une réflexion sur le transport de marchandises, sur les dispositifs de limitation du bruit, sur la qualité des matériaux et des aménagements, notamment dans l'optique de réduire la circulation des poids lourds et des véhicules polluants dans le centre urbain en repensant le système de transport de marchandises. Il s'agit de réduire les émissions de polluants liés au « dernier kilomètre » en réfléchissant à l'adoption d'une Logistique Urbaine Mutualisée et Durable (LUMD). 2 OAP Aucun projet ne permet actuellement dans l'OAP de mettre en oeuvre les objectifs affichés dans le PADD. 3 Règlement Le règlement ne contient aucune disposition relative à la logistique urbaine. On note encore une fois le décalage entre les objectifs et les traductions concrètes dans le règlement. 79 PARTIE 3 LE CAS DU PLU D'ORLEANS Le PLU d'Orléans approuvé en 2013 est aujourd'hui toujours en vigueur. En 2017, la Ville avait fait appel à un bureau d'études pour établir le « fonctionnement global des déplacements et de la logistique urbaine dans la Métropole d'Orléans et la ville d'Orléans ». Cette étude avait pour but d'orienter l'action publique sur ces questions dans un processus de construction d'un PLUi appelé PLUM (Plan Local d'Urbanisme Métropolitain), dont les orientations ont fait l'objet d'une consultation publique à l'été 2019. À nouveau, notre analyse intervient à un moment charnière de préfiguration des PLUi et de consolidation des objectifs de la ville-centre dans la révision de son propre document. On peut donc penser que les principes établis dans le PLU seront présents dans le futur PLUi. 1 PADD Le PADD fixe des objectifs très généraux dans le cas d'Orléans, concernant le renforcement de l'attractivité du territoire, le développement d'une offre en équipements et services en adéquation avec les besoins des habitants et des évolutions de la ville, ou la création d'une ambiance atmosphérique satisfaisante pour la santé. Ce dernier point s'articule notamment autour des véhicules non polluants. Le transport de marchandises n'est pas spécifiquement désigné mais pourrait rentrer en ligne de compte. 2 OAP À nouveau les OAP du PLU de la ville d'Orléans font très peu cas de la question des marchandises et de la logistique à l'exception notable d'une volonté de « promouvoir la mutualisation et l'organisation innovante du stationnement ». Cette mutualisation sous-entend le développement des aires de livraison partagées entre le stationnement des véhicules des particuliers et des véhicules de livraison à différentes heures du jour et de la nuit. À noter que ces dispositions existent aujourd'hui dans la ville d'Orléans et que ces objectifs sont de court terme. 3 Règlement Le règlement écrit du PLU d'Orléans ne contient aucune disposition relative à la logistique, au transport de marchandises ou aux livraisons. La ville d'Orléans ne fait pas de projection à très long terme sur la logistique, traitant la question des marchandises au stade de la seule réglementation. La dimension environnementale est peu prise en compte. L'entretien effectué avec la ville d'Orléans conforte cette observation. Après consultation des acteurs privés (commerçants et transporteurs locaux), le développement d'un CDU n'a pas abouti, ces acteurs n'étant pas particulièrement intéressés par cette disposition. L'action de la ville d'Orléans se concentre plutôt sur les véhicules propres sans toutefois opter pour la mise en place d'une ZFE. Orléans n'emploie pas du tout le levier foncier et immobilier pour développer la logistique urbaine. Si les outils sont les mêmes (PLU), les villes les utilisent de façon très différente, dans la définition de leurs objectifs ou dans la réglementation du sol. 80 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PLU DU CREUSOT La ville du Creusot ne fournit aucune disposition relative au transport de marchandises ou à la logistique dans son PLU. La Ville étant également dans un processus de construction de son PLUi, on peut se demander dans quelle mesure ces questions seront davantage prises en compte dans le futur document. Il est intéressant de noter que le PLU du Creusot met l'accent sur le re-développement du centre-ville en lien avec la lutte contre le délaissement de ces espaces aux profits des zones commerciales en périphérie. Ainsi son PADD porte notamment sur la « réorganisation de l'offre commerciale » qui limite l'extension des centres commerciaux, interdit la création de nouvelles zones commerciales, encadre les transferts entre locaux pour limiter la vacance commerciale. Ces objectifs s'inscrivent dans un contexte généralisé de crise des centres-villes dans les villes moyennes en France. Dans les actions envisagées dans le PADD on retrouve la volonté de piétonniser des espaces, réduire la place de la voiture en ville en retirant des stationnements gratuits et en requalifiant certains axes de circulation afin de porter un projet de mobilité apaisé. Dans ce PADD ces objectifs s'accompagnent d'une prise en compte des besoins des habitants et des commerces en matière de livraison : « Il faudra aussi évaluer la nécessité de mieux organiser les livraisons de marchandises en ville, pour limiter les nuisances occasionnées par l'accès, le stationnement, ... des véhicules de livraison et pour répondre aux évolutions observées sur le nombre et la fréquence des livraisons auprès des particuliers, notamment liées à l'explosion du E-commerce. Cela se traduira par une réflexion sur la mise en place de systèmes de logistiques urbaines propres et pour la gestion du dernier kilomètre (mise en place d'espaces logistiques urbains...) ». Au-delà de cette mention du dernier kilomètre, le reste du PLU ne prévoit rien permettant la réalisation concrète de cet objectif, démontrant ici l'existence d'un décalage entre les objectifs et les réalisations. 81 PARTIE 3 LE CAS DU PLU DE LA ROCHELLE La Rochelle est une ville portuaire. Le port est autonome comme celui de Marseille. Cela signifie que la croissance logistique des espaces portuaires n'est pas dépendante d'une politique publique locale mais bien de l'action du port lui-même. Il y a donc deux entités compétentes pour développer des activités logistiques dans l'agglomération de La Rochelle, comme dans le cas de Marseille ou de Strasbourg. Du fait de cette activité portuaire la question logistique est relativement bien intégrée aux documents de planification. La zone UPM est destinée à recevoir des constructions, installations ou aménagements qui sont en rapport avec les activités portuaires, logistiques et industrialo-portuaires (pêche et culture marine, commerce maritime, Marine nationale). Le secteur UPM correspond au secteur soumis aux risques de submersion marine. Par ailleurs, La Rochelle a développé l'un des premiers centres de distribution urbaine, ou plate-forme de mutualisation, en France (voir partie 4). En lien avec la volonté de promouvoir la logistique urbaine, celui-ci a été localisé à proximité du centre-ville, loin du port maritime, à proximité d'une emprise ferroviaire. Aujourd'hui implanté dans une zone Ufx, qui correspond « aux emprises qui jouxtent la gare SNCF. Ils visent à limiter tout développement de l'urbanisation dans l'attente d'un projet d'ensemble sur ce secteur en lien direct avec le centre-ville ». Or, dans le PLU de 2017, seules les activités logistiques et de bureaux sont autorisées dans cette zone à condition « qu'elles soient liées au trafic et à l'exploitation du réseau ferroviaire ». À notre connaissance aujourd'hui, le CDU ne fonctionne cependant pas avec le ferroviaire. Le CDU de La Rochelle est surtout original sur le plan réglementaire. Il met en oeuvre en effet le seul « service public du transport de marchandises » en France, car son fonctionnement est en effet confié à un concessionnaire dans le cadre d'une délégation de service public, et bénéficie pour cela de subventions d'exploitation. Ce schéma a été longtemps « illégal » sur le plan juridique (dans le droit européen, il est difficile de concevoir un service public des marchandises), mais le droit français, sans doute en décalage avec le droit européen (seule une jurisprudence pourrait nous le confirmer), a récemment autorisé de tels services publics de distribution urbaine des marchandises, si la fourniture par le privé de services de livraison se révèle insuffisante (notamment sur le plan de ses performances environnementales). Figure 32. Extrait du plan de zonage du PLU de La Rochelle, 2017 82 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Il est intéressant de noter la dichotomie des secteurs logistiques. D'un côté on retrouve la logistique portuaire, qui peut être ou non à destination de la ville de La Rochelle, qui correspond à une logistique de longue distance et de gros volumes, aménagée et développée par le port autonome de La Rochelle, et de l'autre la logistique urbaine dédiée à la distribution urbaine aménagée et développée par la ville de La Rochelle. La lecture des documents de planification, notamment du PLU, marque bien cette dichotomie et montre l'absence de coordination de ces deux acteurs autour de la question logistique et du transport de marchandises. Les deux logistiques sont traitées séparément, par des acteurs différents, dans des zones différentes. LE CAS DU PLU DE ROUEN Rouen, à l'instar de La Rochelle, est une ville portuaire, mais fluviale. Au regard des projets de développement de l'Axe-Seine et de fusion des ports HAROPA (Le Havre, Rouen, Paris), on pourrait penser que le développement de la logistique, notamment tournée vers le fleuve, fasse l'objet d'une attention particulière dans le PLU. En effet, le diagnostic rappelle l'importance du fleuve pour le transport de marchandises mais aussi comme une opportunité de développement économique. 1 PADD L'un des principaux objectifs du PLU est le développement du port : « La vocation portuaire et logistique de Rouen doit aussi être confortée. En aval du pont Gustave Flaubert, les projets de redéploiement du terminal de l'Ouest et d'aménagement d'un site intermodal maritime-fluvial sont de nature à réintensifier l'activité portuaire autour du bassin Saint-Gervais. En amont du Pont Corneille, l'activité portuaire fluviale pourrait aussi être amenée à connaître un renouveau. Par ailleurs, l'activité portuaire doit s'ouvrir sur de nouvelles perspectives comme la croisière ou la plaisance ». Le développement portuaire est cependant traité de façon distincte de la question de la logistique urbaine et n'a pas vocation à servir de pied d'appui à une politique de réorganisation des flux de marchandises en ville. 2 OAP Aucune disposition concernant des projets de logistique ou liée au transport de marchandises n'est mentionnée. La Ville semble se reposer sur un développement portuaire porté par HAROPA et ne fait pas du développement de la logistique urbaine fluviale un axe particulier de sa politique en matière de logistique urbaine. 3 Règlement Aucune disposition n'existe concernant le développement des projets logistiques ou en lien avec le transport de marchandises. 83 PARTIE 3 Depuis 2017, la compétence du PLU a été transférée aux intercommunalités, notamment aux métropoles qui ont en charge la mise en oeuvre d'un PLUi. Si cette procédure a pu poser de nombreuses interrogations quant aux calendriers et aux compétences et a incité les élus locaux à revoir leur PLU pour s'armer durant la négociation du PLUi, elle a aussi renforcé l'intégration de la question des marchandises et de la logistique dans la planification et les objectifs de développement de ces territoires à moyen terme. LE CAS DU PLUI DE STRASBOURG Depuis 2016, l'Eurométropole de Strasbourg, qui compte 33 communes, a mis en place un PLUi. Dans la perspective d'une intégration européenne, mais également de développement de la métropole, les principaux objectifs d'aménagement s'articulent autour d'une structuration des pôles urbains, d'une gestion économe et optimisée de l'espace, d'une politique de développement de l'emploi, des logements et de préservation des espaces agricoles. Le PLUi accorde une place relativement importante à la question de la circulation des marchandises et à la logistique. 1 PADD La Métropole entend mettre en oeuvre une politique globale et de gestion des flux de marchandises. L'objectif est d'uniformiser les réglementations en matière de circulation des poids lourds dans l'Eurométropole, pour permettre l'amélioration de la lisibilité des itinéraires pour les acteurs du transport. Le but est également d'organiser le transport de marchandises en s'appuyant sur l'existence de plates-formes logistiques urbaines. Leur localisation doit favoriser l'usage du ferroviaire et du fluvial pour les transports longue distance et, pour les courtes distances, des véhicules électriques, des triporteurs ou du tram-fret. Deux types de « hubs » seront développés : · Des espaces en entrée d'agglomération qui permettent de rationaliser les livraisons et de « massifier » l'approvisionnement ; · Des espaces réservés dans le tissu urbain, à proximité des destinataires finaux (industriels, commerçants et artisans, riverains...), pour assouplir les contraintes de livraison pour les usagers. Le PADD mise également sur la logistique comme une stratégie de développement de l'emploi (en partie). En préservant le foncier qui accueillait auparavant des activités industrielles pour en faire de la logistique et maintenir ainsi des emplois dans ce secteur. La Métropole envisage également de relocaliser les activités industrielles et logistiques de la zone portuaire qui ne sont pas en lien avec le fleuve dans une autre zone. L'ambition est de conforter la fonction portuaire de ces zones, in fine, le transport de marchandises par voie d'eau. La circulation des marchandises fait l'objet d'une préoccupation environnementale, l'objectif étant de rationaliser le transport de marchandises. 2 OAP Dans le secteur métropolitain appelé « coeur métropolitain deux-rives », il s'agit de mettre en oeuvre un projet qui permette d'associer le développement logistique et industriel dans le port et le développement urbain, en travaillant sur l'interface villeport. Le projet repose notamment sur le développement d'entrepôts logistiques liés au commerce. 3 Règlement Le règlement du PLUi ne contient aucun élément sur la logistique ou le transport de marchandises. 84 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PLUI DE RENNES Le nouveau PLUi de la métropole de Rennes s'appliquera fin 2019, alors que le nouveau PLU de la ville de Rennes s'applique depuis le 1er avril après un processus de révision qui a eu lieu entre 2014 et 2019. La mise à jour de ce PLU n'est donc effective que pour quelques mois. La mise en ligne simultanée des documents du PLUi et du PLU nous a permis de mettre en évidence les différences en matière d'aménagement, d'objectifs et de projets portés par ces deux échelons. Les différences sont très importantes. Alors que les deux documents affichent un diagnostic et des objectifs (PADD) proches, les OAP et la partie règlement diffèrent largement. Cela est très clair pour ce qui est de la logistique. Dans le PLU de Rennes, dans les OAP, l'aménagement des espaces logistiques ou la logistique urbaine ne sont pas abordés. En revanche dans le PLUi la logistique y tient une place relativement importante tant sur le plan du développement de la logistique urbaine que sur le plan du développement de la logistique dans les parcs et zones d'activités. Ces perspectives rejoignent des objectifs en lien avec l'environnement et la planification économique, plus stratégiques. 1 Diagnostic du plan local d'urbanisme Dans le diagnostic du PLUi de la métropole de Rennes, la logistique urbaine est mise en avant comme un levier d'amélioration du transport de marchandises en ville du point de vue environnemental mais aussi pour permettre une amélioration des conditions de livraison. Ce diagnostic n'a pas de valeur réglementaire mais permet de mesurer la prise en compte de ces questions par les acteurs publics locaux. « Le diagnostic du PCAET indique que le fret représente 11 % des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire de Rennes Métropole. À Rennes, seulement 20 % des livraisons sont effectuées en recourant aux aires dédiées alors que plus de 40 % d'entre elles ont lieu avec un stationnement en double file. Le centre-ville de Rennes en particulier en tant que pôle commercial majeur, concentre plusieurs problématiques en matière de livraison. Les espaces de stockage sont de petite taille, ce qui implique une gestion en flux tendu et des arrivages fréquents. Le développement des supermarchés en centre-ville nécessite une adaptation des acteurs de la livraison ». Dans le cadre de réflexions menées en accompagnement du PDU, des enjeux ont émergé afin de faciliter et d'organiser les déplacements des acteurs économiques dans les zones urbaines difficilement accessibles et favoriser l'essor d'une logistique urbaine plus durable. Le PDU affiche l'ambition de supprimer les livraisons en diesel dans le centre-ville de Rennes en 2030 et de réduire de 30 % les déplacements en diesel au profit de motorisations électriques ou gaz. Ces enjeux soulèvent un certain nombre de sujets : · La nécessité d'une meilleure connaissance des pratiques de logistique urbaine sur le territoire au travers d'un diagnostic quantitatif ; · La mise en place d'outils efficaces à disposition des acteurs de la profession (en portant une réflexion sur les aires de livraison, leur localisation, leurs horaires et leur lisibilité) ; · Concernant l'émergence de dispositifs innovants (consignes à colis, sas de livraison en commerces...), une prise en compte des besoins d'aménagement pour l'accès des livreurs et de leurs véhicules de livraison ; · Une réflexion sur les grandes aires de livraison, leur adaptation aux chariots et transpalettes, les accès pour les gros gabarits de véhicules ; 85 PARTIE 3 · Une structuration de l'usage de l'espace public en secteur urbain contraint pour sécuriser les livraisons ; · L'identification et la réservation de foncier sur Rennes pour permettre d'accompagner le développement d'espaces logistiques urbains, outils du développement d'une logistique urbaine plus durable ; · La mise en cohérence des réglementations d'accès (circulation, stationnement, horaires) entre les communes de la métropole. 2 PADD Dans le plan d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme de la métropole de Rennes, l'un des objectifs en termes de mobilité concerne le développement de la logistique urbaine : « 5.8 Développer et favoriser une logistique de proximité en s'adaptant aux différentes ambiances urbaines et aux évolutions de consommation et technologiques .» 3 OAP Dans la partie « Orientation d'aménagement et programmation » du PLU de la métropole de Rennes, le point 9 de la partie 2.3 « Les mobilités au service du développement » (Tome 1, p. 71) concerne l'organisation de la logistique urbaine. « La circulation des poids lourds entraînant des nuisances, il existe un enjeu particulier à organiser la logistique urbaine en secteur urbain contraint et notamment dans les centres-villes. Des aires de livraison doivent être aménagées pour structurer l'usage de l'espace public et sécuriser les livraisons. Une réflexion spécifique est à mener sur le dernier maillon de la chaîne logistique, "le dernier kilomètre" et qui pourrait aboutir sur la définition d'une stratégie foncière et immobilière de la logistique urbaine (centre de distribution urbaine permettant le dégroupage et le regroupement de colis). Il conviendrait pour ce dernier kilomètre de privilégier les véhicules à faibles émissions et les mobilités décarbonnées comme la livraison à vélo. » La Métropole de Rennes s'inscrit donc dans une volonté de favoriser le développement d'un immobilier logistique permettant d'optimiser les flux dans la ville et de faire du report modal pour la livraison. Le point 12 des OAP promeut le développement des nouvelles technologies dans la mobilité. La Métropole en s'inscrivant dans une politique nationale portant sur ces nouvelles mobilités, a pour objectif d'appuyer localement le développement des véhicules autonomes notamment pour le fret. L'orientation 1 de la partie 2.4. « Le développement économique et commercial » (Tome 1, p. 76) soulève l'importance de développer une stratégie en matière de localisation des activités « accessibles-spacivores » (logistique, industrie, commerce de gros) qui recherchent de vastes emprises foncières et une desserte routière optimale. L'orientation 3 de la parte 2.4 met en avant la stratégie de requalification des zones d'activités économiques dans leur ensemble qui permette de sanctuariser ces espaces dédiés aux activités industrielles et logistiques pris dans un contexte de pression urbaine importante. La création de nouvelles zones d'activités pour la logistique fait également partie de cette nouvelle stratégie : « Cette offre répond aux entreprises industrielles et logistiques, rayonnant à une échelle nationale et internationale. Ces zones, caractérisées par une topographie adaptée à la réalisation de grands plateaux, doivent être nécessairement bien desservies, et donc situées à proximité des infrastructures de transports. » Ces objectifs prennent aussi en compte la densification des zones logistiques comme la frange est du bois de Soeuvres, et la préservation de la vocation logistique dans la frange logistique nord de la zone « Ecopole sud-est ». 86 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique 4 Règlement La logistique urbaine peut être développée dans les zones UA, UB, UC, UD, UE, UP, UO1. Concernant les entrepôts logistiques, ceux-ci peuvent être développés dans les zones UA, UB, UC, UD, UP, UO1, UE1, UE2, UE3, UO3, UO4 à condition de ne pas générer de nuisances et sous réserve d'intégration paysagère. Ils sont autorisés dans les zones UG1 et 2 à condition d'être liés à la vocation de cette zone, ainsi que dans la zone UG3 ou UGf à condition d'être respectivement en lien avec l'aéroport et l'activité ferroviaire. Ils sont autorisés uniquement par changement de destination et à condition que le bâtiment soit identifié au titre du patrimoine bâti d'intérêt local (ZONE A hors secteur Ad, ZONE N ZONE NP). Ils sont en revanche interdits dans les secteurs Nh, Ah, Ne, UI3, UI4, UI5, UIf, UG4, UGn, UGi, UE4, soit dans des zones naturelles, résidentielles ou très denses du centre-ville. Figure 33. Extrait du règlement graphique du PLU de la Métropole de Rennes, plan de zonage, mars 2019 87 PARTIE 3 Le changement d'échelle dans la planification à moyen terme permet de favoriser l'intégration des objectifs de développement de la logistique urbaine, de la logistique dans les opérations de requalification des zones d'activités économiques et de l'insertion des entrepôts dans la ville au regard des nuisances générées (pollution sonore et visuelle). L'attention portée à ce type de pollution démontre une certaine intention de faire une ville mixte, où ces activités productives cohabitent avec les populations. Ces différents PLU insistent souvent sur la nécessité de développer la logistique urbaine mais aussi un transport de marchandises alternatif. Ces objectifs se traduisent-ils concrètement dans la pratique ? Orléans, disposant d'une étoile ferroviaire assez importante, a pour objectif premier de maintenir les lignes de fret existantes et de les développer par la suite. « On travaille avec la région et la SNCF pour maintenir ces lignes et tous les embranchements à ces lignes qui permettent aux entreprises d'être connectées au réseau ferroviaire. En sachant qu'à la fois la métropole est en soutien mais c'est une politique qui est davantage menée au niveau régional voire national » (chargée de mission Mobilités et PDU, Orléans Métropole). Pour Bordeaux, il est compliqué de favoriser le report modal en fonction de ces spécificités. En effet même s'il y a possibilité d'utiliser un autre mode de transport que la route, ce ne pourra pas être significatif en raison d'un manque d'infrastructures : « On fait difficilement du report modal, on a assez peu de voies ferroviaires qui puissent alimenter le centre de Bordeaux pour de la logistique, on va dire urbaine. On a plus de difficultés encore sur le fluvial où la Garonne historiquement a perdu toute son activité de transport. Il n'y a plus les infrastructures de déchargement donc aujourd'hui il n'y a plus d'activité fluviale sur la Garonne, malheureusement, comme on peut en voir sur la Seine. » Pour y remédier, la ville est en collaboration avec des établissements spécialisés sur ces sujets mais pour l'acheminement de flux de plus petite taille : « On a des travaux qui sont menés notamment avec Voies Navigables de France (VNF) et certaines zones d'agglomération en amont de la Garonne pour essayer de trouver des moyens de transports. Notamment je pense à des granulats, tout ce qui est déchets de chantiers de construction mais aussi des céréales » (Direction Circulation et Stationnement, Bordeaux Métropole). Strasbourg quant à elle a pour objectif de développer les infrastructures permettant la multimodalité, car elle dispose à la fois d'un port et d'une gare de triage : « On a un port, on étudie la possibilité d'un hub ferroviaire, on a un port multimodal sur les trois modes (route, ferroviaire et fluvial). On essaie de renforcer la capacité de traitement des trains de marchandises. ». En ce qui concerne la circulation en ville, Strasbourg privilégie le transport via les mobilités douces : « Dans ce contexte-là y a un modèle économique privé qui a pu émerger, on a deux services privés qui sont installés sur le territoire et qui assurent la livraison en vélo-cargo l'après-midi pour le centre-ville de Strasbourg » (chargée de stratégie logistique urbaine, Strasbourg Eurométropole). Le problème du report modal par voie ferroviaire est son coût important ainsi que sa très faible flexibilité par rapport à la route. En effet l'organisation d'un acheminement par voie ferroviaire se fait très en amont et doit répondre à des règles strictes : « Le fret [ferroviaire], c'est quelque chose qui a du mal à se développer et à être pérennisé car ça a un coût important » (chargée de mission Mobilités et PDU à Orléans Métropole). Même cas pour Strasbourg qui s'est davantage portée sur le fluvial en raison des difficultés à mettre en place du transport de marchandises par voie ferrée. « Pour l'instant avec les opérateurs on travaille mieux avec le volet fluvial mais de toute façon le report modal d'une façon générale est compliqué. Tout simplement en raison du prix du diesel qui est beaucoup plus compétitif. C'est beaucoup plus compétitif de faire du camion qu'autre chose. Donc ça c'est du point de vue des opérateurs, par ailleurs les temps de travaux ne sont pas les mêmes selon qu'on soit une entreprise ou en discussion avec SNCF Réseau ou les instances plutôt portuaires » (chargée de stratégie logistique urbaine, Strasbourg Eurométropole). 88 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique En revanche pour certaines villes de plus petite taille, les enjeux ne sont pas du tout les mêmes. En effet pour le cas de Lens, la ville n'est pas portée sur les aspects liés à la logistique urbaine : « Oui, on en a une [zone logistique] qui est le port de Harnes, c'est un port fluvial qui est sur le chemin du fameux canal Seine-Nord-Europe. Sinon la vraie zone multimodale c'est à Delta 3 sur la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin, où là du coup il y a un terminal ferroviaire. Chez nous c'est surtout du routier à part le port de Harnes » (cheffe de projet mobilité / déplacements, communauté d'agglomération de Lens-Liévin). Ces quelques entretiens et exemples montrent la dichotomie entre les objectifs des PLU et concrètement la possibilité de les mettre en oeuvre. Au-delà de ce qu'autorisent ou permettent les PLU, la difficulté à mettre des mesures en oeuvre est dépendante de la taille de la ville. Plus les villes sont importantes, plus elles auront les moyens de leurs objectifs et pourront mettre en oeuvre un certain nombre de projets mais aussi plus facilement mobiliser et intéresser les acteurs privés. 3.1.2. Planifier le transport de marchandises Dispositions législatives Dans cette section nous analysons l'article 12 des PLU. Le plan local d'urbanisme peut définir, dans cet article, un « ratio logistique » permettant de prévoir des emprises privées pour accueillir les véhicules qui doivent charger ou décharger des marchandises. C'est le choix fait par certaines villes européennes comme Barcelone où une zone de livraison de 25 m² au minimum doit être construite pour tous les nouveaux établissements industriels et commerciaux de plus de 500 m² de surface hors oeuvre nette (SHON). C'est également le cas en France comme à Nice ou Paris où le PLU réglemente les espaces dédiés à la logistique pour les commerces, l'artisanat et l'industrie, les bureaux, les entrepôts, les hébergements hôteliers. En fonction des destinations ou sous-destinations, le rédacteur du PLU peut définir un seuil pour les espaces de stationnement pour la livraison. Il peut aussi définir le dimensionnement de ces aires. Si cette disposition réglementaire présente un réel intérêt en imposant des aires de livraison sur emprises privées qui font moins l'objet de stationnements parasites de la part de véhicules particuliers, la définition de ces ratios constitue un réel enjeu d'appréciation de la situation pour ne pas mésestimer les besoins. La révision du code de l'urbanisme par l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 n'a pas intégré davantage d'éléments sur le stationnement des véhicules de marchandises et l'encadrement des aires de livraison, laissant chaque commune ou EPCI déterminer ces normes dans son PLU. Alors même que cette ordonnance montre l'intégration par le législateur de nouvelles questions posées par l'évolution de la mobilité (intégration des stationnements pour les vélos ou les véhicules électriques par exemple), elle ne propose rien de nouveau pour le transport de marchandises. Par ailleurs, elle renforce certaines dispositions pour le stationnement en général, qui peut, in extenso, s'appliquer au transport de marchandises suivant les interprétations faites par les pouvoirs publics locaux. À travers l'article 12 des PLU, les communes ou les EPCI peuvent : · Fixer un nombre maximal d'aires de stationnement à réaliser pour les constructions autres que l'habitation, lorsque les conditions de desserte en transport en commun le permettent (art. L.15130 et suivants du code de l'urbanisme) et dans le respect des dispositions du PDU. Cette mesure a pour objectif de limiter les usages de la voiture individuelle, en revanche la loi ne prévoit pas de conditions spécifiques ou de dérogation pour le stationnement des véhicules de livraison ; 89 PARTIE 3 · Le PDU peut délimiter des périmètres à l'intérieur desquels les conditions de desserte par les transports en commun permettent de réduire ou de supprimer les obligations imposées en matière de réalisation d'aires de stationnement, notamment lors de la construction d'immeubles de bureaux. À nouveau, rien n'est dit sur la livraison. In extenso, cela pourrait néanmoins s'appliquer au transport de marchandises, même si les logiques sont différentes (il serait dommage, dans le cas des livraisons, de supprimer ces obligations qui permettent de réduire les livraisons sur voirie) ; · Pour les commerces, l'emprise au sol affectée au stationnement ne peut excéder un plafond correspondant à 0,75 fois la surface de plancher affectée au commerce (modulations possibles, encadrées par la loi). La loi ne spécifie rien pour le transport de marchandises, laissant la possibilité aux communes ou aux EPCI de fixer leurs propres conditions ; · Lorsque le PLU tient lieu de PDU, le règlement fixe les obligations minimales en matière de stationnement pour les véhicules non motorisés, en tenant compte des transports en commun. Analyse des articles 12 dans les PLU 67 % des villes précisent dans l'article 12 de leur PLU les conditions pour la création d'aires de livraison, ou en tout cas des conditions pour la livraison des marchandises dans le cas de nouvelles constructions. Ce qui montre qu'il existe encore un tiers des villes, dans notre échantillon, qui ne traitent pas de la question des marchandises dans l'article 12 et ne réglementent pas cet aspect (figure 34). 33% Précise Ne précise pas 67% Figure 34. Utilisation de l'article 12 du PLU pour fixer les conditions de la livraison et du stationnement des véhicules pour les marchandises LE CAS DU PLU DE LYON Dans la zone réglementée UIP du PLU, l'article 12.4 sur les « Dispositions relatives aux livraisons et enlèvements de marchandises » établit que « pour les constructions nouvelles à destination artisanale, commerciale, industrielle et d'entrepôts, le pétitionnaire doit prendre en compte l'impact des livraisons et des enlèvements de marchandises sur le domaine public, notamment en matière d'écoulement du trafic sur la voirie. Si cela est nécessaire, des mesures doivent être prévues pour limiter ces nuisances (ex. : réalisation d'aires de stationnement par le pétitionnaire sur un espace privé, etc.) ». L'article prend bien en compte la question du transport de marchandises et de la livraison, mais laisse à la libre interprétation du maire la prise en compte de l'impact des livraisons. L'article 12 du PLU ne s'accompagne pas de dispositions très précises. 90 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PLU DE PARIS Le PLU de Paris impose la prise en compte des conditions de chargement et déchargement sur les conditions de mise en oeuvre des aires de livraison en fonction des zones. Zones UG12.2 « Les constructions doivent réserver sur leur terrain des aires de livraison. Si elles ne sont pas réalisables de plain-pied, les aires de livraison peuvent être aménagées dans des parcs de stationnement en sous-sol. Les aires de livraison, ainsi que leurs accès, doivent présenter des caractéristiques adaptées aux besoins. » Dans cette zone le PLU prévoit en fonction de cinq destinations (bureaux ; commerces, industries, artisanat ; entrepôt ; hôtellerie ; CINASPIC) des conditions spécifiques en matière de place de stationnement pour les véhicules de marchandises et de livraison. Par exemple pour les bâtiments relevant du commerce, de l'artisanat ou de l'industrie : « Lorsqu'il est construit sur un terrain comportant une surface de plancher relevant d'une ou plusieurs de ces destinations et dépassant 500 m², il doit être réservé sur ledit terrain les emplacements nécessaires et adaptés pour assurer toutes les opérations usuelles de chargement, déchargement et manutention ». Pour les entrepôts, « sur tout terrain comportant une surface de plancher à destination d'entrepôt, il doit être réservé les emplacements nécessaires et adaptés pour assurer toutes les opérations usuelles de chargement, déchargement et manutention. Une aire est exigée pour toute installation, y compris en cas de changement de destination transformant des locaux en entrepôts. Elle doit être de dimension suffisante pour permettre l'accès de véhicules utilitaires et industriels sur le terrain, tout en assurant la sécurité des piétons ». En l'espèce les conditions ne sont pas très précises et laissent de la place à l'interprétation. Zones UGSU12 « Pour tous les établissements, les emplacements nécessaires pour assurer toutes les opérations usuelles de chargement, de déchargement et de manutention adaptées aux besoins de l'établissement doivent être aménagés sur le terrain. » Les zones UGSU accueillent notamment les activités de la logistique urbaine. Cela permet d'adapter les nouvelles constructions au besoin de l'occupant dans une certaine flexibilité. 91 PARTIE 3 LE CAS DU PLU DE LILLE Dans les zones Uad, Ub, Ubz, UC et UD, des dispositions spécifiques sont établies pour les entrepôts et remises, à savoir « la mise en oeuvre de surfaces suffisantes pour l'évolution, le chargement, le déchargement, et le stationnement des véhicules de livraison et de service, et pour la totalité des véhicules du personnel et des visiteurs ». Dans les zones UV, sur chaque unité foncière des surfaces suffisantes doivent être réservées : pour l'évolution, le chargement, le déchargement et le stationnement de la totalité des véhicules de livraison et de service. Légende : P.L.U. UA UB UC Zone urbaine mixte à caractère central et à dominante d'habitat Zone urbaine mixte de densité élevée et à dominante d'habitat Zone urbaine mixte de densité moyenne à dominante d'habitat, assurant la transmission entre les quartiers centraux et les quartiers de faible densité Zone urbaine de faible densité à urbanisation modérée à dominante d'habitat Zone d'activités périphérique Zone d'activités à vocation industrielle et artisanale à maintenir, privilégier et renforcer Zone d'activités diversifiées : bureaux ­ commerces ­ services Zone à dominante commerciale Zones d'Euralille (UL1 : Euralille / UL2 : Euralille 2) Zone de la Haute Borne UK UU UH UN UV AUC AUD A UP NP Zone des rives de la Haute Deule Zone d'équipements universitaires et d'activités scientifiques Zone de la citadelle de Lille Zone de l'Union Zone d'aéroport ou d'aérodrome Zone naturelle à urbaniser constructible Zone naturelle à urbaniser différée Zone agricole Zone de parc urbain Zone naturelle pouvant accueillir des constructions respectant la préservation des sites et des paysages Zone naturelle de protection des milieux écologiquement sensibles UD UE UF UG UX UL UM NE Figure 35. Plan de zonage de la ville de Lille (source : ville de Lille) 92 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PLU DE GRENOBLE Ce PLU est très précis sur les conditions à mettre en oeuvre pour le transport de marchandises lors de la construction d'un nouveau bâtiment. Il laisse peu de places à l'interprétation contrairement aux autres, imposant des gabarits en fonction de la destination des bâtiments par exemple. Dans les zones UA1, UA2, UA3, UB, UC1, UC2, UC3, UCR1 à 9, UD1 à 4, dans le cas de la réalisation d'aires de stationnement pour les poids lourds, ces aires doivent avoir une surface minimale de 12 m par 2,50 m. ZONAGE ZONES URBAINES Centres anciens UA1 Centre ancien de Grenoble UA2 Centres bourgs et villages UA3 Hameaux anciens Tissus hétérogènes et collectifs UB Tissus urbains hétérogènes du coeur métropolitain UC1 Habitat collectif en R + 5 UC2 Habitat collectif en R + 4 UC3 Habitat collectif en R + 3 UCRU Renouvellement urbain Tissus pavillonnaires UD1 Pavillonnaire en mutation UD2 Pavillonnaire en densification UD3 Pavillonnaire en évolution modérée UD4 Pavillonnaire au développement limité Parcs urbains et équipements UV Parcs urbains UZ1 Équipements collectifs et touristiques UZ2 Campus universitaire UZ3 Défense nationale et administration pénitentiaire Zones économiques UE1 Activités productives et artisanales UE2 Activités de production industrielle UE3 Activités productives et de services UE4 Activités tertiaires et technologiques ZONES AGRICOLES ET NATURELLES Zones agricoles A AL Zones naturelles N NL Agricole STECAL en zone agricole Naturelle STECAL en zone naturelle Figure 36. Plan de zonage de la ville de Grenoble (source : ville de Grenoble) 93 PARTIE 3 Le PLU de Grenoble donne aussi des indications précises concernant les différentes destinations (artisanat et commerce de détail ; restauration, commerce de gros, industrie, entrepôts, bureaux ; bureaux et locaux ERP) : Destination Artisanat et commerce de détail Restauration, commerce de gros, industrie, entrepôts, centres de congrès et d'exposition, bureaux Locaux et bureaux accueillant du public, administrations publiques et assimilés Autres destinations 1 000 m² surface plancher Obligations Pas d'obligations Prise en compte du besoin de livraisons généré par l'opération et mise en oeuvre des mesures nécessaires pour limiter leur impact sur le bon fonctionnement de l'espace public 1 000 m² surface plancher 4 000 m² surface plancher Réalisation d'au moins une aire de livraison poids lourds Pas d'obligations Pour conclure, on note que le cadre législatif laisse suffisamment d'ampleur aux pouvoirs publics locaux pour déterminer dans leur PLU les conditions de stationnement pour les véhicules de livraisons. De ce fait, on observe une importante hétérogénéité dans l'application de ce dispositif avec des dispositions plus ou moins détaillées, laissant plus ou moins de place à l'interprétation et l'adaptation du constructeur en fonction du zonage et de la destination du bâtiment. L'article 12 sert pour la construction de nouveaux immeubles. À lui seul ce dispositif ne résoudra pas les problèmes d'occupation illégale de voirie par le transport de marchandises, la congestion ou la pollution de l'air. C'est une mesure parmi d'autres qui permet d'anticiper dans le futur les besoins en matière de livraison des bâtiments et projets urbains à venir. Cela traduit la prise en compte dans la vision à long terme de la commune de ces questions. À noter qu'une jurisprudence récente rendue par le Conseil d'État en 2018 (CE, 4 avril 2018, Mmes F. et A. C., requête n° 407445) a déclaré qu'un permis de construire peut être annulé (par un tribunal) s'il ne respecte pas les conditions de l'article 12, en l'espèce un nombre insuffisant de places de stationnement prévues par le nouvel immeuble d'habitation. Par analogie, on peut imaginer voir des permis de construire annulés s'ils ne respectent pas les conditions nécessaires en termes de places de livraison. 94 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique CONCLUSION · Décalage entre les objectifs de développement et la mise en oeuvre de projets portant sur la logistique urbaine À la lecture de ces dix PLU, il nous semble important de souligner l'écart entre Paris et les autres villes en matière de planification des activités logistiques et de promotion de la logistique urbaine. On relève également un écart entre ambitions et moyens pour les concrétiser. Dans les diagnostics et les PADD des villes de Paris, Clermont-Ferrand, Orléans, Marseille, Montpellier, Rouen ou La Rochelle, le développement de la logistique urbaine est affiché comme un objectif de développement important, tout comme la meilleure gestion des flux de marchandises routiers dans la ville. Or, les OAP et le règlement n'offrent pas les conditions en termes de projet ou de réglementation permettant la mise en oeuvre de ces objectifs. La logistique urbaine et les problèmes posés par le transport de marchandises en ville sont identifiés comme des thèmes importants dans un certain nombre de villes. Les idées circulent et on note une prise de conscience par les acteurs publics locaux. Certains PADD sont assez détaillés pour proposer des solutions à mettre en place comme des hôtels logistiques ou des espaces de mutualisation des marchandises, sans toutefois entrer concrètement dans le sujet en proposant par exemple des zones dans lesquelles ce développement serait possible ou en intégrant dans le zonage existant des activités logistiques (sauf à La Rochelle). Ce décalage est également mis en évidence par l'analyse des articles du règlement des PLU qui renvoient à des dispositions très précises à mettre en oeuvre et qui ont encore du mal à être concrétisées par les acteurs publics locaux. À l'exception de Paris et de l'Île-de-France, les outils de planification sont peu utilisés. La dimension stratégique de la planification est également très inégale entre les espaces et les échelles considérés. La planification du transport de marchandises et de la logistique par le PLU est encore sous-exploitée. · Absence de prise en compte de la logistique et du transport de marchandises dans les petites villes À noter que les PLU de Moûtiers et de Biarritz ne contiennent aucune référence, aucun projet en lien avec le transport de marchandises et la logistique. En dépit des dispositions de la loi LAURE, certaines petites communes rencontrent plus de difficultés à les mettre en oeuvre. · Le rôle du changement d'échelle institutionnelle dans la prise en compte de la logistique urbaine Si les petites communes ont plus de difficultés à prendre en compte ces questions dans leur planification, il semble que dans les PLUi de notre échantillon cette question soit mieux intégrée. Le changement d'échelon serait donc potentiellement un moyen d'intégrer toutes les facettes de la mobilité dans la planification. La mutualisation des ressources et de l'ingénierie permet sans doute de mettre en oeuvre une planification plus ambitieuse. · Le développement de la logistique urbaine comme un service urbain À Paris, Montpellier ou Marseille, l'intégration de la logistique dans la ville passe par le développement des services urbains. La logistique devient donc au même titre que les centres hospitaliers ou les centres de déchets, un marché urbain structuré par la puissance publique sur lequel des acteurs privés peuvent se mobiliser pour proposer un service. Cette intégration dans les services urbains de la logistique entérine une volonté de co-construire entre acteurs publics et acteurs privés le développement de la logistique urbaine. Les acteurs publics se placent ainsi comme des acteurs pouvant impulser un projet mais nécessitant l'engagement d'acteurs privés soit de la promotion immobilière soit du transport de marchandises. Cette vision pose la question de la généralisation du cadre réglementaire pour le développement de ces activités. En effet, celui-ci repose principalement sur une négociation entre la commune et les acteurs privés au cas par cas. Cette gouvernance par projet (Pinson, 2009) présente des limites au regard de l'uniformisation réglementaire et de la reproductibilité des modèles développés par les entreprises. 95 PARTIE 3 · Le cas des villes portuaires (maritimes et fluviales) : difficiles connexions logistiques Notre échantillon contient un certain nombre de villes qui ont des ports fluviaux (Strasbourg, Rouen, Paris, Lyon) ou maritimes (La Rochelle, Marseille). Ces villes ont donc une expérience en matière de logistique et de transport de marchandises directement en lien avec ces infrastructures. Toutefois la logistique urbaine reste un sujet naissant. À travers la redéfinition des liens entre la ville et le port (Strasbourg, Marseille), la question de la connexion des flux et de la circulation des marchandises apparaît dans les objectifs. Ces villes cherchent à intégrer les marchandises à la ville. Dans le cas de Paris, la logistique urbaine s'empare de la question fluviale, comme à Strasbourg où elle renforce l'articulation entre la ville et le port à travers des projets concrets. Dans les autres villes, la logistique urbaine demeure au stade d'ambition ou d'objectifs en matière de développement sans toutefois se concrétiser sur le plan du projet urbain. · La place des marchandises dans les projets de revitalisation des centres-villes pour les villes moyennes Cette analyse montre aussi la prise de conscience des acteurs publics locaux sur la nécessité d'accompagner les transformations urbaines des centres-villes (piétonisation, pistes cyclables), qui ont pour but de revitaliser ces espaces, de mesures permettant d'effectuer des opérations de livraison dans de bonnes conditions et d'améliorer la circulation de ces véhicules dans les espaces les plus denses. 3.2. EFFETS LOCAUX DE LA PLANIFICATION INTERCOMMUNALE SUR LE TRANSPORT DE MARCHANDISES ET LA LOGISTIQUE À l'échelle intercommunale, la planification concernant le transport de marchandises et la logistique se retrouve dans deux types de documents que nous allons analyser dans cette partie : les plans de déplacements urbains (PDU) et les schémas de cohérence territoriale (SCoT). 3.2.1. Planifier à l'échelle intercommunale : le SCoT Le SCoT s'inscrit dans une perspective de « gouvernance territoriale », il permet à de multiples acteurs de travailler ensemble et de définir les conditions d'une mobilisation collective pour atteindre des objectifs partagés de développement (Leroux, 2012). La réflexion sur la gouvernance territoriale porte sur de nouveaux modes d'organisation et de gestion territoriale, alternatifs aux démarches descendantes classiques. La notion de gouvernance territoriale marque le passage d'une action publique centralisée et descendante ­ essentiellement définie aux sommets de l'État et ensuite déclinée localement ­ à des formes d'action plus ouvertes et horizontales, impliquant davantage d'institutions locales et acteurs privés, associatifs, dans l'élaboration des normes au niveau de territoires politiques émergents. La nouvelle gouvernance peut être définie comme « les nouvelles formes interactives de gouvernement dans lesquelles les acteurs privés, les différentes organisations publiques, les groupes ou communautés de citoyens, ou d'autres types d'acteurs, prennent part à la formulation de la politique » (Marcou et al., 1997). Elle est souvent vue comme un moyen permettant de maintenir ou de rétablir une cohésion territoriale et ce notamment dans les zones urbaines (Brunet-Jolivald et Holec, 1999). Elle met l'accent, selon Leloup et al. (2005), sur la multiplicité et la variété (de nature, de statut, de niveau) des acteurs (organisations à but non lucratif, entreprises privées, citoyens, organisations locales, régionales, nationales et étrangères...) associés à la définition et à la mise en oeuvre de l'action publique. En ce sens, le SCoT donne la possibilité aux communes ou à leurs groupements de s'associer pour mettre en place une politique d'aménagement à l'échelle intercommunale. Élaboré par un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, il doit couvrir un territoire continu en vue d'une coopération renforcée des collectivités territoriales sur ce territoire pour leur développement durable. La détermination du périmètre est en fait le résultat d'un compromis politique nourri de réflexions techniques auxquels participent les élus, l'État et les agences d'urbanisme. 96 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Il convient de trouver un compromis entre différentes collectivités dont les intérêts peuvent être pour partie divergents. Celles-ci peuvent être très différentes en termes de taille géographique ou démographique et peuvent avoir des potentialités de développement très variées dans le domaine de l'urbanisme (habitat, activités). Le SCoT une fois élaboré est à la fois un guide pour l'action publique et un cadre de référence pour les acteurs privés. Parmi les parties prenantes du SCoT ou ensemble d'individus ou groupes d'individus qui peuvent être affectés ou sont affectés par l'objet de l'organisation (Freeman, 1984), il y a les collectivités, l'État, les agences d'urbanisme, les citoyens, les entreprises, les associations (de défense de l'environnement, d'usagers). Dans son processus de création, le SCoT laisse donc a priori plus de place aux acteurs privés, notamment aux acteurs du transport et de la logistique du territoire. Cela doit notamment permettre à cet outil de mieux prendre en compte les questions de transport de marchandises et de logistique puisqu'elles n'ont pas besoin d'être soulevées par les acteurs publics pour pouvoir être intégrées dans la discussion. En effet, l'analyse de quelques SCoT montre une certaine prise en compte de la question du transport de marchandises et de la logistique urbaine, souvent dans une vision stratégique du territoire couplée à l'analyse de l'appareil économique et à la compétitivité des infrastructures de transport. La nature ambiguë du SCoT que nous mettions en avant dans la première partie de cette étude est ici illustrée par l'analyse détaillée des SCoT. Entre diagnostic et document stratégique, ils s'appuient sur un état des lieux de l'armature logistique à toutes les échelles et proposent des objectifs ambitieux en matière de logistique et de transport de marchandises sur le long terme incluant différents modes de transport. Toutefois la portée opérationnelle de ce document est discutable au regard des questions de logistique et de transport de marchandises. Ces documents traitent de façon inégale de la question logistique. Certains vont particulièrement développer cette question quand d'autres vont l'évacuer rapidement. Dans cette section nous présenterons le cas de six SCoT qui nous paraissent représentatifs de l'état de ces documents sur la question logistique : Métropole du Grand Lyon, Métropole d'Orléans, Métropole de Clermont-Ferrand, Métropole d'Aix-Marseille-Provence, Nantes Métropole et Bordeaux Métropole. À noter que Paris n'est pas soumise à un SCoT. Celui de la Métropole du Grand Paris est aujourd'hui soumis à la consultation publique et devrait entrer en vigueur en 2020. LE CAS DU SCOT DE LA MÉTROPOLE DU GRAND LYON Le document d'orientation et d'objectifs (DOO) du SCoT a une valeur prescriptive, il s'impose au PLU à travers un lien de compatibilité. Il est important car il définit des zones où le développement logistique peut être renforcé et pas seulement pour la logistique urbaine, aussi pour des zones logistiques plus traditionnelles. Le SCoT de l'agglomération lyonnaise propose une vision stratégique de la localisation des activités logistiques. Il s'appuie sur le schéma de cohérence logistique en région urbaine de Lyon (2005-2020). Le SCoT privilégie la multimodalité, la proximité aux consommateurs, il précise aux collectivités les actions à mettre en oeuvre : · Favoriser les implantations logistiques à vocation de proximité selon le concept « d'espace logistique urbain » (ELU), c'est-à-dire de lieux intermédiaires pour opérer des ruptures de charge et proposer des services aux commerçants comme aux particuliers ; 97 PARTIE 3 · Prévoir la création de centres de services autour du transport de marchandises pour éviter les stationnements anarchiques de poids lourds ; · Harmoniser les réglementations municipales concernant la circulation des poids lourds, via les plans de déplacements urbains ; · Inciter à l'utilisation des modes actifs pour les fonctions de redistribution (vélos et véhicules utilitaires légers) ; · Développer l'utilisation de rames de tramway, à l'exemple de la Suisse, pour assurer le cheminement de colis dans les zones denses. Figure 37. Équipements et zones logistiques (source : DOO, SCOT Grand Lyon, 2004) On note que dans le cas du SCoT du Grand Lyon l'harmonisation est un objectif à atteindre. 98 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU SCOT DE NANTES Le schéma logistique élaboré par le Pôle métropolitain a pour objectif d'améliorer les conditions d'accueil et d'activités des entreprises logistiques, d'optimiser la circulation des flux, de conforter et de renforcer les fonctions logistiques portuaires, ferroviaires et fluviales et de favoriser les reports modaux sur des modes de transports alternatifs au routier, en développant la logistique urbaine. Le développement économique doit d'abord s'effectuer dans les centralités qui pourraient davantage contribuer à la création d'emplois et à l'accueil d'activités (notamment le commerce, dont les implantations doivent être maîtrisées), en préservant des capacités d'accueil pour l'industrie et la logistique. Cette dernière est prise en compte à toutes les échelles. La présence du Grand Port Maritime et la nécessité de rationaliser les flux de marchandises à l'échelle locale imprègnent le SCoT. Les choix réalisés dans le SCoT s'appuient sur l'étude du schéma logistique de la métropole Nantes Saint-Nazaire qui a été menée en 2013 par le Pôle métropolitain. Cette étude a réuni l'ensemble des acteurs publics et privés de la logistique pour réfléchir ensemble à l'avenir du territoire. Une ambition commune a été conçue et déclinée en actions, que le SCoT intègre pour partie (espaces fonciers dédiés à la logistique, développement des infrastructures et de la multimodalité par exemple). Le soutien au projet du Grand Port et la préservation des ressources foncières sont deux orientations majeures. Ce schéma logistique métropolitain acte trois orientations stratégiques auxquels les documents d'urbanisme locaux doivent concourir : · Le renforcement des atouts logistiques au service d'un hub industriel estuarien consolidé et diversifié et du développement de la métropole en dynamisant les activités existantes, en valorisant l'excellence logistique liée aux grands ensembles mécaniques, à l'économie maritime, et au plein essor des énergies marines renouvelables. Le développement industriel et les fonctions portuaires seront intégrés durablement sur le territoire ; · Le Grand Port de la façade Atlantique, plate-forme d'interconnexion aux corridors de fret européens en élargissant la vocation régionale du Grand Port pour tous les trafics (vracs industriels, énergie, conteneurs), voire en lui donnant une vocation nationale, en renforçant ses liens avec l'industrie. L'hinterland du Grand Port doit être élargi vers l'Europe grâce aux connexions aux corridors transeuropéens ; · Un pôle d'excellence pour la recherche, la formation et les services en logistique : s'appuyer sur les structures collaboratives existantes (Néopolia, PA SCA) pour développer ce pôle d'excellence, en rapprochant les compétences recherche logistique-structures de recherche (IRT, EMC2), notamment sur les questions de logistique urbaine, logistique complexe et grands ensembles mécaniques. 99 PARTIE 3 LE CAS DU SCOT DE BORDEAUX Le SCoT de Bordeaux Métropole insiste sur la réflexion à mener en matière d'organisation du transport de marchandises, d'aménagement logistique de l'aire métropolitaine intégrant les potentialités alternatives et de logistique urbaine. L'un des objectifs affichés est de privilégier le développement du fret ferroviaire par la création d'un axe ferroviaire complémentaire afin de désengorger les axes d'accès à l'agglomération, tout en offrant de meilleures conditions aux transporteurs. La métropole de Bordeaux entend également proposer un plan permettant la hiérarchisation des implantations logistiques (plates-formes ou centrales d'achats) d'approvisionnement de l'aire métropolitaine, en pensant aussi bien à leurs localisations et leurs fonctions spécifiques qu'à leur accessibilité. À l'heure de la sobriété énergétique, les modes alternatifs à la route (ferroviaire, fluvial) pour la desserte des plates-formes logistiques et des installations portuaires apparaissent comme des solutions privilégiées à mettre en oeuvre à l'échelle métropolitaine. La métropole de Bordeaux marque également sa volonté d'initier un schéma d'accueil et de développement des sites d'activités logistiques, intégrant la relance de l'ambition portuaire et du transport fluvial. Le coeur d'agglomération fait l'objet d'une ambition spécifique en lien avec la logistique urbaine. La logistique du dernier kilomètre doit bénéficier de sites appropriés, qui devront être connectés dans leur fonctionnement au réseau de « logistique métropolitaine » et aux sites de logistique de « corridor ». Par ailleurs, la Métropole entend lancer un chantier sur l'harmonisation des réglementations en matière de circulation poids lourds afin de fluidifier et rendre plus lisibles les itinéraires. La Métropole affiche également comme objectif de soutenir des programmes d'expérimentation en termes de logistique urbaine des petites distances et des petits volumes tant dans la diversification des supports de déplacements (voies navigables, etc.) que dans le développement de moyens d'acheminement des marchandises au coeur des tissus (tramway, camionnettes électriques...). On note également la volonté de réinterroger le rôle du MIN de Bordeaux vis-à-vis de la logistique urbaine et de l'évolution de la demande dans son rôle en matière d'approvisionnement de l'hypercentre métropolitain. La figure 38 est extraite du DOO du SCoT de Bordeaux. Le document d'orientation et d'objectifs regroupe l'ensemble des prescriptions réglementaires pour la mise en oeuvre du SCoT. Seul document opposable, une fois approuvé et validé par la préfecture, il sert de support pour la rédaction et la mise en application des documents d'urbanisme, tels que le PLU ou le PLH qui doivent être compatibles. La logistique est ici adossée au développement de l'armature commerciale, notamment dans un rapport de proximité. Afin de maintenir l'activité commerciale dans le coeur de l'agglomération, la Métropole se tourne vers la logistique urbaine et invite les communes du SCoT à intégrer cette dimension dans leur réflexion sur le développement économique et commercial. De plus en plus la question logistique va être liée à la question commerciale dans la pratique des politiques publiques locales. 100 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Figure 38. ScoT Bordeaux ­ « Mettre l'équipement commercial au service des territoires ­ V2 Encourager les pratiques de proximité à l'échelle des quartiers et bassin de vie » 101 PARTIE 3 LE CAS DU SCOT DE CLERMONT-FERRAND Pour contribuer à économiser les ressources fossiles, le Grand Clermont propose d'agir de plusieurs façons : 1) développer des solutions moins polluantes pour le transport des marchandises (fret ferroviaire, sites logistiques multimodaux) et des personnes (transports collectifs, co-voiturage) ; 2) chercher des solutions pour l'approvisionnement en matières premières minérales, en concertation avec les territoires limitrophes, tant en termes de sites d'exploitation que de plates-formes de stockage. Cette orientation est primordiale à l'échelle du SCoT, étant donné les perspectives de construction de logements et le transport de matériaux ; 3) rouvrir la réflexion sur les conditions d'acheminement des marchandises et des matières premières comme le bois énergie, notamment en provenance des territoires fournisseurs comme le Livradois Forez, le Sancy, les Combrailles. La nature industrielle de ce territoire (industrie lourde) montre son intérêt pour le transport de marchandises en lien avec l'approvisionnement de la ville en biens mais aussi l'approvisionnement des entreprises industrielles en matières premières. Les objectifs en matière de logistique et de transport de marchandises ne concernent donc pas que le BtoC et le B2B très urbain mais aussi le BtoB plus industriel. Néanmoins, ce document accorde une place relativement importante à la question des conditions de desserte en marchandises des espaces urbains. Le DOO fixe pour orientations d'assurer les besoins en stationnement pour les livraisons (p. 21). Afin de rationaliser le transport de marchandises et les livraisons à l'échelle de l'agglomération clermontoise, le DOO fixe pour orientations de : · Rationaliser les systèmes de desserte en mettant en place des mesures d'optimisation et des services d'accueil, notamment par la définition d'itinéraires en fonction du tonnage des véhicules ; · Assurer l'attractivité des centres urbains par des mesures facilitant les livraisons pour les activités économiques et commerciales en améliorant les conditions de stationnement pour les véhicules de livraison et en intégrant dans les PLU les besoins de création d'emplacements réservés aux livraisons ; · Mettre en oeuvre des schémas permettant la circulation des camions de transport de productions agroalimentaires et de transfert d'aliments ; · Diminuer les nuisances liées au trafic des poids lourds, tant sur la circulation que sur la qualité de vie des quartiers traversés en favorisant l'usage des véhicules propres et silencieux pour les livraisons et les enlèvements ; en promouvant le fret ferroviaire pour les besoins du coeur métropolitain et en recherchant la complémentarité modale route ­ fer, en particulier lors de la création de nouvelles zones d'activités et logistiques ; · Privilégier la voie ferrée Ambert/Pont de Dore/Clermont comme moyen de transport pour l'acheminement des matériaux de carrière et du bois ; · Développer le potentiel de la gare de triage ferroviaire de Gerzat ; · Créer un pôle intermodal de transport de marchandises avec déplacement de l'activité conteneurs actuellement située à Gerzat. Le document cherche à inciter les communes à réglementer les itinéraires empruntés par les poids lourds et harmoniser les conditions de stationnement ou de livraison. Or, ces éléments renvoient au pouvoir de police du maire. Le SCoT a ici une fonction élargie qui n'est pas seulement de servir de support à la rédaction du PLU mais également de provoquer des changements dans la pratique du pouvoir du maire concernant le transport de marchandises. 102 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU SCOT DE MARSEILLE Adopté en 2012, le SCoT de la métropole d'Aix-Marseille-Provence fait aujourd'hui l'objet d'un processus de révision. Il prend là aussi en compte les enjeux logistiques et du transport de marchandises à plusieurs échelles. La logistique urbaine à l'échelle locale et la logistique en lien avec le développement du port maritime à l'échelle régionale. En matière de logistique d'approvisionnement le SCoT de Marseille met en avant l'importance du report modal : « La logistique urbaine doit évoluer dans la mesure où l'accès par camion de fort tonnage sera découragé hors des autoroutes et boulevards urbains. L'utilisation d'autres supports modaux sera recherchée. Il y a là un important champ de recherche et d'innovation à développer illustré par le fret-tramway. » Plusieurs objectifs sont poursuivis comme l'intégration de la dimension logistique dans les projets urbains et notamment dans l'hypercentre de Marseille, zone principale de consommation (réglementation adaptée, aménagement de voirie...). Ce point est particulier car rarement traité. Ici la logistique est intégrée au développement urbain et aux projets urbains directement. On peut supposer qu'il s'agit d'une volonté d'inciter les communes à utiliser l'article 12 des PLU pour permettre le développement de dispositifs pour la livraison des marchandises. Au regard de son activité portuaire, la Métropole entend capitaliser sur le port de Marseille ainsi que sur la plateforme ferroviaire restructurée de fret et de transport combiné de Mourepiane qui traitent la logistique exogène alimentant le réseau des plates-formes logistiques urbaines. On note également l'importance d'un objectif déjà noté dans le PLU concernant l'interface ville-port que l'on retrouve dans cet extrait du DOO. La métropole d'Aix-Marseille-Provence a pour objectif de favoriser le développement de lieux permettant « le basculement des marchandises des véhicules de gros tonnage à des véhicules de livraison adaptés à la circulation urbaine. Les plates-formes des Aiguilles à Ensuès-la-Redonne et celle située à proximité de la gare d'Arenc à Marseille, qui évolue à terme, y contribuent ». La terminologie n'est ici pas très précise, mais on peut interpréter cela comme une volonté de repenser l'armature logistique existante au regard de la logistique urbaine. Marseille dispose déjà d'au moins une plate-forme de logistique urbaine (p. 39). À nouveau, ce SCoT ambitionne de mettre en oeuvre un schéma du fret, hiérarchisant les flux en fonction des infrastructures, en particulier entre les grandes zones logistiques, et privilégiant les modes durables, favorisant l'optimisation des liaisons entre pôle métropolitain pour les marchandises en distinguant la logique des grands flux internationaux et celle de la distribution locale des entreprises et des consommateurs (p. 26). Dans les zones commerciales et compte tenu de la tendance au retour du commerce dans les centres, de l'émergence de nouvelles formes de distribution (e-commerce et plates-formes logistiques urbaines), de la volonté de maîtriser les déplacements et de la rareté foncière, le SCoT donne la priorité au développement du commerce de centralité et aux implantations en pied d'immeuble dans le tissu urbain. Il limite à des cas particuliers l'extension de zones périphériques dans le cadre d'un schéma commercial métropolitain qui décline ces principes. Il encourage des solutions innovantes de centre-ville pour la desserte finale du dernier kilomètre. Il convient d'envisager la requalification des zones existantes dans le respect des objectifs de développement durable (p. 24). 103 PARTIE 3 Figure 39. Le chapitre 6 du DOO propose un schéma de fonctionnement à l'échelle de la centralité 104 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU SCOT D'ORLÉANS MÉTROPOLE Si la logistique est bien présente dans le diagnostic comme un élément constitutif du territoire et de son tissu économique. Il décrit les pôles économiques, notamment logistiques de l'agglomération. La logistique urbaine est une dimension absente de ce document. CONCLUSION Il est intéressant de noter ici la pénétration de la question logistique dans les documents de planification que sont les SCoT. Ces documents stratégiques dont la portée n'est pas toujours bien saisie par les acteurs publics locaux eux-mêmes, témoignent pourtant d'une réelle prise en compte de ces questions qui marquent aujourd'hui l'agenda des politiques publiques. Les cas d'études présentés ici permettent d'illustrer certains points qui nous semblent particulièrement importants : · Développement de schémas métropolitains logistiques ou schémas de fret À plusieurs reprises dans ces documents, nous avons relevé l'intention des acteurs publics locaux de mettre en place à l'échelle intercommunale un schéma directeur dédié au fret et à la logistique. Ce schéma permettrait de faire état de la situation, de l'armature logistique mais aussi du fonctionnement du transport de marchandises. Il permettrait également de penser les questions en lien avec le report modal et les autres modes de transport que la route. Ce schéma doit permettre ensuite d'alimenter les politiques publiques sur ces questions et d'orienter la stratégie économique sectorielle, en prenant en compte les questions de transport, de foncier, d'emplois, etc. Cette démarche est intéressante car souvent le processus de création d'un schéma directeur permet d'inclure des acteurs privés, des professionnels des secteurs concernés dans l'élaboration de ces orientations. Le travail de diagnostic réalisé permet également d'avoir une meilleure connaissance des acteurs du territoire. · Importance du report modal Les différents SCoT que nous avons analysés partagent tous le même objectif (trop ambitieux ?) de se remobiliser autour de la question du fret ferroviaire. Si cette compétence relève surtout de la Région, qui est l'autorité compétente, en ce qui concerne les voyageurs, pour organiser ce type de transport, les agglomérations ou métropoles peuvent investir dans des infrastructures comme des terminaux combinés ou l'embranchement de certaines zones logistiques permettant ainsi d'offrir de nouveaux services de transport, alternatifs à la route, aux entreprises localisées dans leur territoire. Il faudrait pouvoir comparer ces objectifs avec les projets effectivement financés en lien avec le fret ferroviaire. Par ailleurs, le développement du fret ferroviaire repose sur une gouvernance incluant SNCF Réseau et les transporteurs pouvant être intéressés à l'utilisation de ces modes. Ces SCoT promeuvent également les véhicules propres. En restant toutefois assez timide dans les dispositions précises, cette orientation peu présente dans les PLU l'est ici davantage. L'investissement que cela peut représenter (subventions) est peut-être plus facile à envisager à l'échelle de l'intercommunalité où ce coût peut être partagé entre toutes les communes. Mais dans les faits, l'action locale en la matière n'est pas encore majeure. · Harmonisation de la réglementation du transport de marchandises en ville À noter que dans plusieurs cas, l'harmonisation de la réglementation du transport de marchandises en ville (stationnement, livraison, circulation) apparaît comme un objectif important. Comme ce que l'on peut voir à Paris avec les COMOP dans la Métropole du Grand Paris, il est intéressant de voir ici la circulation des idées entre les différents territoires. Avec les expérimentations menées dans la Métropole du Grand Paris, celle-ci est à ce jour parmi les plus avancée sur la mise en oeuvre concrète de cet objectif. 105 PARTIE 3 · Élaboration d'une stratégie de développement économique et environnementale Cet échantillon de SCoT met également en avant la diversité de la question logistique et du transport de marchandises. Elle est abordée au prisme du développement économique en mettant l'accent sur la localisation des entreprises et des emplois. Mais elle est également abordée au regard de la stratégie foncière à adopter. La rationalisation du territoire alloué à ces activités dans une optique de limitation de la consommation de terres est souvent abordée. En ce sens la question logistique et du transport de marchandises est également au coeur des préoccupations environnementales. La gestion des nuisances et de la pollution émanant de ces activités apparaît comme l'un des éléments déterminants dans la stratégie de développement territorial. · Prise en compte des objectifs et des prescriptions réglementaires du SCoT par le PLU Il est difficile de mesurer concrètement le poids du SCoT sur le PLU. Pour rappel, les PLU doivent être compatibles avec les SCoT, ce qui signifie qu'ils doivent respecter les grandes lignes de ces documents. Ils ont une marge de manoeuvre. En prenant l'exemple de Bordeaux, Marseille, Nantes et Orléans, nous proposons ici de mettre en regard ces deux documents. D'un point de vue général, ils sont cohérents. Dans le cas de Marseille, les éléments développés dans le SCoT se retrouvent bien dans le PLU, comme par exemple la prise en compte de la logistique à plusieurs échelles, le lien avec le port ou les commerces. Les SCoT vont souvent plus loin que les PLU en matière de transport de marchandises et de logistique, du moins dans ce que nous avons pu observer, à l'exception du cas d'Orléans. Cela montre que la logistique et le transport ont bien intégré la dimension stratégique de la planification mais encore peu la mise en oeuvre à travers des projets concrets. · Documents permettant la mise en place d'une gouvernance territoriale : l'inclusion des acteurs privés et le compromis territorial En ce sens, l'élaboration d'un schéma directeur de fret est un premier pas vers la construction d'une gouvernance entre acteurs privés et acteurs publics, acteurs de la logistique et du transport et acteurs du territoire. En filigrane, on peut penser que la logistique et le transport de marchandises ne sont pas des questions sur lesquelles les acteurs publics locaux entendent agir seuls laissant ainsi assez d'espace à la discussion et la concertation avec les transporteurs, les chargeurs par exemple. Si ce processus témoigne d'une volonté d'engager une gouvernance partagée, cela montre également que l'on est au tout début du processus. Ainsi, nos analyses nous permettent de montrer que l'élaboration du SCoT s'inscrit (encore très timidement cependant) dans une logique de nouvelle gouvernance territoriale où de multiples acteurs participent à l'élaboration des politiques publiques d'aménagement du territoire en lien avec la logistique. A contrario, l'analyse textuelle des documents démontre que les objectifs de développement économique et environnementaux sont liés dans les discours mais correspondent davantage à des incantations qu'à des lignes directrices d'une politique concrète. Les SCoT apparaissent souvent comme une « to-do list » sans toutefois proposer une hiérarchisation des objectifs et sans accompagner ces documents stratégiques de projets opérationnels. Le SCoT sert dans les faits de document cadre pour établir des PLU qui euxmêmes serviront de cadre à des projets urbains. On note de fait une certaine inertie dans la planification du transport de marchandises et de la logistique. 106 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique 3.2.2. Plans de Déplacements Urbains Le plan de déplacements urbains (PDU) est un outil global de planification de la mobilité à l'échelle d'une agglomération, il définit les principes d'organisation du transport et du stationnement des personnes et des marchandises, tous modes confondus. Renforcé par plusieurs lois entre 2000 et aujourd'hui, il coordonne des politiques sectorielles portant sur les modes alternatifs à la voiture, la voirie et le stationnement en intégrant plusieurs enjeux transversaux : la protection de l'environnement, l'intégration entre politiques urbaines et de mobilité, l'accessibilité des transports pour tous ou encore la sécurité des déplacements. Au-delà de la planification, le PDU est aussi un outil de programmation, car il hiérarchise et prévoit le financement de ses actions, et ses mesures s'imposent aux plans locaux d'urbanisme, aux actes et décisions prises au titre des pouvoirs de police du maire et des gestionnaires de voirie. Enfin, le PDU, démarche partenariale, associe au cours de son élaboration, puis de son évaluation, différents acteurs institutionnels et de la société civile et du monde professionnel. Nous avons choisi ici de comparer dix PDU : Paris (Île-de-France), Marseille, Lyon, Grenoble, Bordeaux, Orléans, Nantes, Lille, Lens et Clermont-Ferrand. Nous avons conduit une lecture analytique de ces documents, réalisé des études de cas, puis un tableau comparatif. L'analyse de ces dix PDU nous permet de mettre en évidence des points communs. Ces métropoles partagent un certain nombre d'objectifs en matière de développement de la mobilité. Ceux-ci peuvent être regroupés en quatre catégories : · Logistique et report modal : création de sites multimodaux, promotion du transport fluvial, du transport ferroviaire, du tram-fret, des véhicules propres, création d'espaces logistiques urbains (ELU), optimisation du dernier kilomètre. · Circulation, livraison et stationnement : créer des espaces de livraison dans l'espace public, dans les parcs de stationnement publics, dans les espaces privés, livrer en horaires décalés, aménager des espaces de livraison de proximité, expérimenter la livraison à pied, en vélos, les points relais. · Réglementation locale : harmoniser la réglementation, réglementation commune sur les gabarits (au sein du PTU), inciter les poids lourds à contourner le centre, développer des mesures incitatives pour le renouvellement des véhicules, gérer les nuisances, définir des plages horaires, développer une gouvernance pour les marchandises incluant tous les acteurs, politique fiscale avantageuse pour des entreprises vertueuses, soutenir des projets urbains durables. · Environnement et santé publique : prise en compte de l'environnement, prise en compte des risques liés aux déplacements, réduction des nuisances et de la consommation d'énergie, limitation de la consommation d'énergie liée aux transports. Nous avons représenté ces critères dans trois tableaux synthétiques qui permettent une comparaison des dix PDU. 107 PARTIE 3 Logistique urbaine et report modal ClermontFerrand ClermontFerrand Bordeaux Grenoble Grenoble Marseille Orléans Lyon Paris Créer des sites logistiques multimodaux Favoriser le report sur voie fluviale Favoriser le report sur rail Création d'espaces logistiques urbains Problème du « dernier kilomètre » Utilisation de véhicules propres (centre-ville) Expérimenter l'utilisation des infrastructures de tramway pour le transport de marchandises Circulation, livraison et stationnement Bordeaux Marseille Orléans Lyon Paris Proposer à l'intérieur des parcs publics des espaces de livraison des achats Créer des aires de stationnement et de livraison Créer des places de livraison dans les espaces privés Aménager et gérer des Espaces de Livraison de Proximité (ELP) Favoriser les livraisons en périodes creuses Expérimentation de livraisons à pied, vélos, automates, points relais Mise en place d'itinéraires de contournement Diminution des circulations en centre-ville Équilibrer le partage modal de la voirie Réduction de la vitesse sur les grands axes 108 Lens Lille Objectifs Nantes Lens Lille Objectifs Nantes Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Réglementation locale ClermontFerrand ClermontFerrand Bordeaux Grenoble Grenoble 109 Marseille Orléans Lyon Paris Harmoniser la réglementation entre les communes Définir une réglementation sur le tonnage ou le gabarit Inciter les poids lourds en transit à contourner le centre Mesures incitatives pour le renouvellement des véhicules vers du propre Définir des plages horaires où les livraisons sont autorisées Limiter les nuisances liées à la circulation des poids lourds et des véhicules utilitaires Développer une gouvernance pour les marchandises Accorder des avantages aux entreprises les plus vertueuses Soutenir les projets des entreprises ou communes pour faire évoluer leurs pratiques Environnement et santé publique Bordeaux Marseille Orléans Lyon Paris Prise en compte de l'environnement dans l'aménagement Gestion des risques dus aux déplacements Réduction des nuisances et de la consommation d'énergie Limitation de la consommation d'énergie liée aux transports Lens Lille Objectifs Nantes Lens Lille Objectifs Nantes PARTIE 3 Le PDU d'Île-de-France est le plus ambitieux en matière de transport de marchandises. Il a de nombreux objectifs, notamment sur : la circulation (moyens d'évitement de l'accès en ville des plus gros véhicules) ; le stationnement avec l'aménagement des aires de livraison sur voirie et la création de places de livraison dans les espaces privés ; la logistique avec la volonté de favoriser les sites logistiques multimodaux et de massifier les flux de transport de marchandises ferroviaires et le transport de marchandises par voie fluviale (projet de canal Seine-Nord Europe). Il propose enfin l'accélération du renouvellement du parc de véhicules et la mutualisation des moyens de transport ou des entrepôts. La réglementation est évoquée, avec l'amélioration du contrôle et du respect des aires de livraison, le développement d'une gouvernance pour les marchandises afin d'assurer la concertation et la coordination de l'action. Les communes ont l'obligation d'établir leurs réglementations d'accès en concertation avec les villes voisines et les gestionnaires de voirie concernés pour la mise en cohérence. Des projets d'expérimentation sont mentionnés, comme l'utilisation de petits véhicules électriques et des infrastructures de tramway pour le transport de marchandises afin de réduire le transport de marchandises sur route. De même qu'à Lyon, le PDU souhaite en plus maintenir les sites d'activités logistiques en centre-ville et accorder des avantages compétitifs aux professionnels les plus vertueux. Pour les agglomérations de Lille, Bordeaux, Orléans et Marseille l'objectif majeur est de limiter l'usage de véhicules polluants au profit de véhicules électriques. Mais aussi de réaliser des aires de livraison et des places de stationnement, qui sont estimées en nombre insuffisant. Les horaires pour les livraisons, les limites par le poids ou la surface au sol de l'accès des véhicules sont évoqués, ainsi que la mise en cohérence des réglementations avec les communes proches et l'expérimentation de l'aménagement d'espaces logistiques urbains. Lille et Orléans possèdent en revanche très peu d'informations sur la logistique et Bordeaux très peu de descriptions sur la situation actuelle et les problèmes rencontrés. Marseille propose quant à elle d'utiliser les infrastructures de tramway pour le transport de marchandises afin de desservir plus finement le centre-ville. Nantes souhaite favoriser le contournement de l'agglomération pour le transport de marchandises en transit, limiter le nombre de livraisons vers le centre-ville et optimiser l'implantation des activités logistiques métropolitaines, afin de favoriser l'émergence de pôles logistiques multimodaux et permettre la mise en place de modes de livraison novateurs. En revanche le stationnement et la livraison n'ont été que très peu mentionnés. De même que Grenoble qui souhaite en plus accélérer la transition énergétique des parcs de véhicules utilitaires et favoriser le transbordement rail-route, l'usage du vélo et de la marche pour les livraisons. Clermont-Ferrand souhaite aussi remettre aux normes les emplacements réservés à la livraison non conformes aux normes en vigueur, dévier le transit des centres urbains et favoriser l'usage des véhicules propres et silencieux pour les livraisons et les enlèvements, optimiser les livraisons dans l'hypercentre en mettant en place une plate-forme logistique commune en dehors du centre-ville. Et enfin promouvoir le fret ferroviaire et mettre en cohérence la réglementation avec les autres communes à proximité. La métropole de Lens est davantage portée sur la rationalisation du transport de marchandises, notamment avec le problème du « dernier kilométrage » en milieu urbain. Mais aussi sur la circulation avec la définition d'itinéraires poids lourds qui doivent être réglementés de manière homogène pour toutes les communes de la Métropole. Le PDU traite également de la qualité des aires et places de livraison et stationnement, et il cherche à trouver des solutions alternatives telles que le report modal permettant de réduire les impacts du trafic routier de marchandises. 110 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PDU ÎLE-DE-FRANCE Le plan de déplacements urbains a été réalisé en 2014 à l'échelle de la région Île-de-France, ce qui est une spécificité puisqu'il s'agit du plus grand périmètre existant pour ce type de document car il est à l'échelle de la région, quand les PDU sont traditionnellement à l'échelle d'une intercommunalité. 1 Améliorer l'offre en matière de stationnement pour les véhicules de livraison Le PDU d'Île-de-France insiste sur la question du stationnement à la fois dans les espaces publics et les espaces privés. À noter que le PDUIF revient sur la question de la « bonne localisation ». Comme nous l'avons évoqué précédemment, il ne suffit pas de créer des aires de livraison sur la voirie pour permettre une bonne gestion des livraisons dans la ville, encore faut-il qu'elles soient optimisées par rapport aux besoins des commerçants et ajustées à la pratique des chauffeurs-livreurs. Le PDUIF insiste également sur la nécessité de contrôle de ces aires. On peut s'interroger sur les moyens de ce contrôle. Ceux-ci ne sont pas particulièrement évoqués dans le cadre du PDUIF, puisqu'ils sont à la discrétion des communes. Avec les nouvelles technologies et notamment l'essor des objets connectés (IoT : Internet of Things), des dispositifs de contrôle automatisés pour les aires de livraison seraient envisageables mais pour l'instant encore inexplorés. 2 Organiser spatialement les activités logistiques et favoriser le report modal Le PDUIF étant un document produit à l'échelle de la région, on retrouve un grand nombre d'objectifs et d'ambitions concomitantes avec celles du SDRIF et en lien avec les compétences de la Région. Cette dernière souhaite favoriser le transport de marchandises ferroviaire et le transport de marchandises par voie fluviale en croissance et qui présente un fort potentiel. Le transport de matériaux de construction et de déblais de chantier constituant plus de 70 % du trafic par voie d'eau. En effet, la région est compétente pour le développement du transport ferroviaire et fluvial (passager et marchandises). Pour que ce transport soit attractif et efficient, il faut que les entrepôts et les plateformes logistiques aient un accès direct à ces modes de transport par des terminaux embranchés ou des quais. Or, pour encourager l'utilisation de ces modes et in fine le report modal, il faut également repenser l'armature logistique. Les entrepôts sont aujourd'hui relativement diffus, étalés dans la région, plutôt localisés à proximité des routes et autoroutes. La Région envisage donc de combiner une politique incitant au report modal avec une politique d'aménagement sur la localisation des entrepôts à proximité des voies ferrées et fluviales. L'objectif est de réorganiser et transférer les flux en les massifiant et en les canalisant sur certains corridors majeurs. La Région compte donc développer les autoroutes de la mer et les autoroutes ferroviaires vers l'Espagne, le Portugal et l'Italie, agir sur les réglementations de circulation et de stationnement. Et enfin développer une gouvernance pour les marchandises afin d'assurer la concertation et la coordination de l'action. 111 PARTIE 3 3 Diminuer l'impact du transport de marchandises sur l'environnement et les populations Après les services à la personne, l'activité logistique est le deuxième secteur créateur d'emplois dans la région. Cependant, le transport de marchandises et les livraisons en ville, assurés à 90 % par le réseau routier, sont sources de pollution atmosphérique, sonore et d'encombrements. Près de la moitié des émissions d'oxydes d'azote du trafic routier sont causées par les poids lourds et les véhicules utilitaires (30 % pour les premiers et 20 % pour les seconds). De plus, le transport de marchandises génère des nuisances sonores, le passage d'un poids lourd émettant en moyenne 10 dB (décibel) de plus que le passage d'un véhicule léger. Le fret ferroviaire est source de nuisances sonores encore plus importantes surtout la nuit. Ceci représente un des défis importants en matière d'aménagement. Cette question de santé publique liée aux différentes formes de pollution sont relativement récentes dans la pratique des pouvoirs publics locaux. La déviation des poids lourds de manière prioritaire sur les réseaux existants les plus adaptés ou de réalisation des maillons manquants pour la desserte des sites multimodaux existants ou en développement permettra par exemple d'optimiser leur circulation réduisant ainsi certaines nuisances. La Région entend également mettre en place des aires de stationnement poids lourds sur le réseau routier principal afin de limiter les stationnements dangereux le long des voiries. Enfin la Région souhaite encourager l'accélération du renouvellement du parc de véhicules via l'aide aux entreprises. Pour cela, la norme Euro 6, effective depuis 2014, est jugée comme devant permettre de faire baisser les rejets des particules les plus fines, les plus préoccupantes pour la santé. 4 Harmoniser les réglementations et innover d'un point de vue réglementaire pour améliorer la circulation L'un des principaux objectifs du PDUIF est l'harmonisation des réglementations en matière de circulation et de stationnement à l'échelle du PTU. Pour cela il faut établir un critère commun. Le PDUIF semble reprendre le critère en vigueur à Paris et vouloir l'étendre sur tout le territoire : « Le seuil préconisé est 29 m² de surface au sol (qui correspond à la norme de la ville de Paris). Les réglementations concernant le gabarit physique (hauteurs, longueurs, largeurs) ou le tonnage des véhicules autorisés à circuler peuvent être appliquées. Mais celles-ci doivent rester ponctuelles et obéir à des logiques de contraintes physiques liées à l'infrastructure : charge maximale admissible par un pont, hauteur sous un tunnel. » 5 Préserver des espaces fonciers pour les activités logistiques L'objectif est de préserver les sites existants à Paris et en première couronne comme ceux reliés au réseau ferroviaire et les ports sur les fleuves comme sur les canaux. Pour maintenir et faciliter la création de sites logistiques en ville pour assurer le cheminement des marchandises en ville, la présence d'espaces logistiques urbains est nécessaire, permettant de favoriser l'utilisation de petits véhicules électriques effectuant des tournées de livraison courtes au départ de ces sites. Le PDUIF reprend ici les dispositions du SDRIF. À noter que, lorsque le même échelon produit le document stratégique régional et le plan de déplacement, cela permet plus de cohérence entre les politiques et les documents, plus de lisibilité entre les périmètres, mais également la possibilité de sortir des politiques en silo avec d'un côté une réflexion sur le territoire et de l'autre sur les mobilités. Elles sont ainsi associées dans une perspective d'intégration urbanisme-transport. 112 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PDU DE LA MÉTROPOLE DE LILLE Le plan de déplacements urbains, réalisé en 2011 à l'échelle de la Métropole, a pour enjeu de garantir le rayonnement de cette dernière tout en inscrivant l'organisation du transport et de la livraison des marchandises dans une perspective de développement durable. 1 Rééquilibrer l'offre de stationnement pour les véhicules de marchandises au sein de la Métropole Il existe peu de zones de livraison à Roubaix et Tourcoing où le stationnement se fait essentiellement sur des places banalisées ou sur des emplacements privés. La distinction est très nette entre les centres urbains et le reste de la Métropole. À Lille, Roubaix et Tourcoing, près d'une livraison sur deux s'effectue sur un emplacement non autorisé et principalement en double file. Les transporteurs évoquent notamment l'occupation des zones de stationnement par les véhicules particuliers. En centre-ville, 2/3 des livraisons durent moins de 15 minutes. Plus le lieu de stationnement est gênant et plus la durée est courte et inversement. Le PDU a donc pour objectif de développer des places de livraison sur l'ensemble de son territoire afin de limiter les stationnements en double-file ou interdits. 2 Harmoniser les réglementations À nouveau, dans ce PDU on retrouve un objectif en lien avec l'harmonisation des réglementations. Ces dernières (horaires de livraison et tonnages) sont très discordantes dans les communes de l'agglomération. Elles tendent cependant toutes à la réduction du tonnage et de la durée de la période de livraison. Le recours à des véhicules plus petits génère un plus grand nombre de trajets pour acheminer la même quantité de marchandises, ceci sur une plage horaire plus réduite. Il peut alors en résulter une congestion croissante dans ces créneaux horaires et des émissions de polluants et de gaz à effet de serre qui peuvent être supérieures. Il est prévu de mettre en place des dispositifs innovants pour les livraisons de marchandises en milieu urbain dense. Sans rentrer dans les détails de ces dispositifs innovants, on constate aujourd'hui que cette ambition en matière d'harmonisation n'a pas abouti. 113 PARTIE 3 LE CAS DU PDU D'ORLÉANS Le plan de déplacements urbains réalisé en 2015 à l'échelle d'Orléans Métropole a entre autres pour objectif d'améliorer la gestion des livraisons et de la voirie qui se fera en coordination et concertation de l'ensemble des partenaires. Concernant le stationnement et la livraison, il est souligné que les aires de livraison et de stationnement ne sont pas présentes en nombre suffisant ce qui provoque une congestion des aires de stationnement qui elle-même provoque une congestion de la voirie. Afin de limiter ces congestions, il est prévu de développer les espaces nécessaires à l'accueil des marchandises et des véhicules de livraison. Pour faciliter la circulation, le stationnement et les livraisons il est nécessaire d'améliorer la signalétique des aires de livraison (marquage au sol, visibilité des panneaux). En ce qui concerne la réglementation, le respect de l'usage des places de stationnement permettant de favoriser la rotation des véhicules, de libérer les aires de livraison pour les transporteurs est primordial. Pour cela la Métropole d'Orléans entend mettre l'accent sur la signalisation de la réglementation, la communication, la surveillance et des dispositifs permettant de dissuader le stationnement lorsque les mesures précédentes ne suffisent pas. Pour favoriser cette rotation il est donc prévu de mener des contrôles afin de lutter contre le stationnement illicite, mais aussi de simplifier la réglementation des livraisons (horaires, critères de taille et de secteur) et d'harmoniser les réglementations entre les communes. Une amélioration de la signalisation à l'entrée et dans les centres-villes est aussi envisagée. Elle permettra d'assurer la continuité des itinéraires accessibles aux poids lourds via une adaptation de la signalisation routière et une accessibilité facilitée pour les transporteurs occasionnels. Enfin, une mise en oeuvre d'actions et d'aménagements organisés du transport et des livraisons de marchandises dans l'agglomération orléanaise et l'élaboration d'une charte de bonne conduite permettront d'inciter les livreurs à respecter la réglementation. Plusieurs expérimentations sont prévues afin de rendre plus performants le stationnement et la livraison. Comme par exemple l'expérimentation d'aires de stationnement partagées (livraison/stationnement banalisé) ou d'espaces de livraison de proximité, consignes tels que les « Pickup Station ». Il est aussi prévu de multiplier des relais-colis, de faire émerger le colis-voiturage et de créer des aires de livraison sur des espaces privés. 114 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PDU D'AIX-MARSEILLE-PROVENCE MÉTROPOLE Le plan de déplacements urbains a été réalisé en 2009 à l'échelle de la Métropole. En matière de transport de marchandises en ville et d'organisation des livraisons, la desserte de la métropole marseillaise mobilise des investissements hybrides à la fois privés (les plateformes, les véhicules) et publics (les infrastructures, les services). La Métropole affiche clairement la volonté de s'impliquer dans l'organisation de la circulation des marchandises à partir des domaines de compétence qui sont les siens, à savoir l'aménagement du territoire. Le territoire métropolitain est particulièrement concerné par la gestion des échanges de marchandises du fait de sa dimension, de la présence d'un grand port maritime, de l'existence de nombreux équipements de transport et d'articulation des flux. La desserte des coeurs de ville qui rassemblent la majorité des commerces et services (soit les 2/3 des mouvements) doit donc être favorisée, ce qui suppose une gestion appropriée des infrastructures de transport (notamment les pénétrantes) et de stationnement. 1 Améliorer le stationnement pour les livraisons et innover L'objectif est d'organiser et gérer le stationnement pour les livraisons et les enlèvements car aujourd'hui, dans les zones denses, le stationnement des véhicules utilitaires se fait majoritairement en infraction du fait de l'occupation illicite des aires dédiées à cet usage et/ou de l'absence d'espaces de stationnement à proximité du lieu à desservir. Il est donc prévu de : · Créer des aires de livraison avec des spécifications techniques (dimension, position) et des impératifs de localisation (distance aux lieux à desservir, densité par rue) ; · Créer des points d'accueil de véhicules (PAV) bien délimités physiquement où les chauffeurs-livreurs peuvent s'arrêter pour transférer leurs marchandises. Ils seront installés en priorité dans les zones difficiles d'accès ; · Étudier d'autres principes pour éventuellement donner lieu à expérimentation, tels que la gestion du stationnement dans le temps (ex. : dans une rue ou un quartier, on interdit le stationnement pour tout autre véhicule que ceux qui réalisent des livraisons entre 9h00 et 12h00) ; · Mutualiser des aires de livraison avec d'autres fonctions (stationnement pour PMR, conteneurs à déchets). 2 Harmoniser les réglementations et améliorer la coordination entre les acteurs publics Le PDU veut enfin définir une réglementation « transport de marchandises » applicable sur le territoire d'Aix-Marseille-Provence Métropole. Comme dans les cas de Paris ou Lille précédemment évoqués, la question de l'harmonisation des réglementations est au coeur des objectifs du PDU en matière de transport de marchandises. 3 Développer la logistique urbaine... ...Au-delà des initiatives privées qui voient le jour (livraisons par tricycles, automates pour mise à disposition de colis, conteneurs mobiles, points relais). Le PDU de la Métropole incite les communes à soutenir ces nouvelles formes de desserte par la mise en place d'interfaces dans les centres-villes, ce qui suppose une acceptabilité règlementaire et juridique ainsi que des surfaces d'accueil et l'installation de points d'articulation au plus près des clients. Des projets tels que les Points d'Accueil des Marchandises (PAM) sont à l'étude. Le principe est ici de substituer à la livraison chez le client une livraison en un point relais, ce qui permet d'ouvrir le champ des possibilités en termes de plage horaire. À proximité des lieux de destination finale ou sur des zones à fort passage. Ou encore les Boîtes Logistiques Urbaines (BLU), interface reliant le transport au client sans que la présence d'une personne soit requise. 115 PARTIE 3 4 Développer, requalifier les zones logistiques et améliorer l'accessibilité autoroutière Le PDU comprend le projet de réalisation de la L2 pour permettre une connexion A7/A50 accessible aux poids lourds, d'identifier des connexions directes entre certains échangeurs ciblés et des boulevards urbains économiques via la création et reconfiguration d'échangeurs. Et enfin de réaliser une desserte fine des zones d'activités, nécessitant la création de nouveaux tronçons de voies pour relier celles déjà existantes. Le but étant d'améliorer l'accessibilité et l'attractivité de zones logistiques existantes développées autour de cette autoroute. 5 Soutenir les innovations Le PDU insiste également sur le développement de solutions innovantes en matière de livraison. Certains projets sont en cours d'expérimentation tels que : l'acheminement / livraison de nuit, avec des normes et référentiels existants ou en cours d'homologation pour encadrer les pratiques et s'assurer de la limitation du bruit généré. En effet, la ville de Marseille a rejoint le programme Certibruit (association qui labellise des transporteurs permettant ainsi de livrer la nuit dans le respect du voisinage). LE CAS DU PDU DE BORDEAUX MÉTROPOLE La dernière version du plan de déplacements a été réalisée en 2016 à l'échelle de la Métropole. Le nouveau PDU sera en vigueur en 2019. Déjà en 2000, Bordeaux Métropole disposait d'un nombre important d'objectifs au regard du transport de marchandises et de la logistique. La Métropole a initié la signature d'une charte de bonne conduite du transport et des livraisons de marchandises en zone urbaine entre la collectivité, les transporteurs et les destinataires. 1 Améliorer les conditions de desserte Le PDU de la métropole de Bordeaux a pour objectif d'optimiser la desserte du transport de marchandises dans les centres-villes (modification de la chaîne de déplacements : tailles des véhicules, distribution fine), et l'aménagement d'aires de stationnement poids lourds en liaison avec les itinéraires définis dans le cadre du schéma directeur (parcs de stationnement adaptés et gardiennés) le permettra. Il est aussi prévu de réaliser un schéma directeur des plates-formes de fret ferroviaire (réservation des équipements futurs dans les dix à vingt prochaines années pour optimiser la part du ferroviaire dans les flux logistiques de la Métropole. D'organiser l'information des transporteurs de marchandises sur l'usage de véhicules moins polluants et de créer une structure de concertation pérenne mettant en relation l'ensemble des acteurs concernés par le transport et la livraison de marchandises. Enfin il est prévu de faciliter les échanges d'information entre les acteurs des transports de marchandises et de favoriser les livraisons des achats de particuliers dans un point relais ou à domicile. 116 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique 2 Harmoniser les réglementations Pour harmoniser la réglementation en matière de circulation et de stationnement, la Métropole propose de définir des plages horaires où les livraisons sont autorisées sur l'ensemble de son territoire. Mais aussi de choisir des critères uniques en lien avec le gabarit du véhicule. Cette réglementation devra s'effectuer en concertation avec les communes de la Métropole puisque les actes qu'elles prennent au titre du pouvoir de police du stationnement et de gestion du domaine public routier devront être compatibles avec le plan de déplacements urbains. Mais aussi avec les organisations professionnelles de transport pour que les mesures réglementaires adoptées le soient mieux. Le PDU de la Métropole de Bordeaux inclut dans son processus de concertation les acteurs privés de la logistique et du transport. 3 Encourager les expérimentations en matière de logistique urbaine Le PDU incite à définir à l'échelle communautaire une nouvelle conception de l'espace public dans les zones fortement génératrices d'activités de livraison ou d'enlèvement de marchandises. Cela permettra de rendre possible et aisée la livraison en limitant les gênes via une amélioration des aires de livraison et une matérialisation de ces aires. Il est donc prévu dans les documents d'urbanisme de réaliser des places de stationnement pour la livraison ou l'enlèvement des marchandises lors de la réalisation, de l'extension, rénovation de bâtiments à usage d'activités, de commerces ou lors de la mutation de bâtiments existants vers un usage d'activités ou de commerces. Ce qui permettra d'indiquer à partir de quelle surface d'activités ou de commerces, la création d'aires de livraison est imposée et le nombre de places à créer et les conditions à respecter afin de permettre un accès réel à ces places. 4 Améliorer la place des marchandises dans l'espace public Le PDU encourage les expérimentations afin d'améliorer le transport de marchandises. Il s'agit d'examiner et de comparer de nouvelles solutions pour la livraison des marchandises dans les centres-villes mis en oeuvre avec le nouveau régime d'accessibilité avec le projet tramway. Mais aussi de proposer à l'intérieur des parcs publics des espaces de livraison des achats. Ou encore de tester des solutions en utilisant la totalité ou une partie du système de transport collectif, avec ou en dehors du système d'exploitation. Et enfin d'expérimenter l'aménagement et la gestion d'Espaces de Livraison de Proximité (ELP) afin de faciliter les livraisons de marchandises ; ils devront être réservés, protégés et contrôlés par les voltigeurs et personnels indépendants du transport. La révision du PDU qui sera en vigueur prochainement semble plus avancé sur les questions de logistique urbaine, notamment en matière d'innovation. Nous n'avons pas eu accès à ces documents, mais nos entretiens ont montré que les ambitions des pouvoirs publics locaux sur ces questions avaient évolué. 117 PARTIE 3 LE CAS DU PDU DE NANTES Le plan de déplacements urbains (2010-2015, perspectives 2030) a été réalisé en 2010 à l'échelle de la Métropole. 1 Améliorer la connaissance du fonctionnement de l'approvisionnement de la métropole de Nantes et de l'utilisation du réseau routier Nantes est la seule ville du territoire métropolitain à avoir une réglementation harmonisée pour les livraisons. Les autres communes disposent d'arrêtés ponctuels, répondant à des problématiques de livraison locales précises. En revanche, les pratiques de livraison dans le centre de Nantes sont à majorité non conformes à la réglementation existante (horaires, gabarits et durée). Une meilleure organisation des flux de marchandises est nécessaire, il est prévu de : · Répertorier les itinéraires indispensables aux fonctions d'approvisionnement du territoire et d'échanges afin d'améliorer l'accès au centre ; · D'identifier les projets permettant de faire évoluer et d'optimiser les pratiques de livraison (véhicules propres, dernier kilomètre, « cargotram »). 2 Optimiser la localisation des activités logistiques métropolitaines et développer l'intermodalité Concernant la logistique, l'objectif est d'optimiser l'implantation des activités logistiques métropolitaines et d'envisager la création de plates-formes multimodales en prenant en compte les capacités d'usage du ferroviaire et du fluvial. En effet, l'intermodalité est aujourd'hui centrale pour le renforcement du territoire de l'estuaire comme entité logistique. Des optimisations d'implantations d'activités logistiques, en termes d'accessibilité, d'impact environnemental et d'insertion urbaine sont prévues, de même que la création, à l'initiative des entreprises de transport et des chargeurs, d'un Opérateur Ferroviaire de Proximité (OFP). 3 Faire évoluer la réglementation concernant la circulation et la livraison En ce qui concerne la réglementation, l'objectif est de la faire évoluer pour la livraison, de manière adaptée aux besoins, en cohérence avec les objectifs de vitalité économique et d'apaisement de la circulation. Pour cela il est prévu de réaliser un schéma métropolitain de circulation des poids lourds et des convois exceptionnels, en prenant en compte les flux de transit poids lourds sur les infrastructures structurantes, la localisation et l'implantation des activités logistiques ou génératrices de trafic, les capacités du réseau (largeur, maillage, catégorie des voies, gabarit des ouvrages d'art) en lien avec la densité et les usages (voiture, modes doux, transports collectifs). Mais aussi les contraintes urbaines comme la priorité accordée sur certains axes aux modes doux et aux transports en commun avec l'objectif de diminution de l'encombrement de la voirie par les véhicules de livraison. Ou encore les contraintes techniques et physiques des véhicules de livraison lourds ou hors gabarits. Enfin les enjeux de stationnement et de services pour les poids lourds sur le réseau routier structurant. 118 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique 4 Soutenir les initiatives privées et les innovations relatives à la logistique La métropole nantaise souhaite accompagner les initiatives privées et les pratiques innovantes pouvant apporter des réponses localisées ou spécifiques (livraisons nocturnes, mutualisation des espaces de stationnement, point d'accueil logistique, utilisation de transpalettes). Pour cela, il est prévu : d'expérimenter une réglementation plus favorable pour les véhicules utilitaires de livraison moins polluants ou propres mais aussi l'utilisation de vélos-cargos pour les petites livraisons de centreville. Enfin de revoir l'intégration du mode ferroviaire dans le transport de fret, avec la recherche de l'émergence d'un « opérateur ferroviaire de proximité ». Nous relevons dans le PDU de Nantes les ambitions affichées en matière de gestion de la circulation et du stationnement des véhicules de transport de marchandises mais aussi en matière de logistique urbaine. Néanmoins ces objectifs reposent sur l'initiative privée, donc avec une implication limitée de la puissance publique. 119 PARTIE 3 LE CAS DU PDU DU GRAND LYON Le plan de déplacements urbains a été réalisé en 2015 à l'échelle de la métropole du Grand Lyon. L'objectif est d'accompagner le dynamisme économique de l'agglomération en intégrant le transport de marchandises dans les politiques d'aménagement afin de réduire l'impact environnemental des déplacements liés au transport de marchandises, d'améliorer la connaissance du transport de marchandises par tous les acteurs concernés et la prise en compte de la logistique dans les aménagements et les équipements urbains. 1 Investissement dans de nouvelles infrastructures de transport, principalement routières Le PDU de la Métropole revient sur les projets d'infrastructure que les pouvoirs publics souhaitent mettre en place notamment le grand contournement de l'agglomération lyonnaise. Il revient également sur l'armature logistique de la métropole et la question de l'accessibilité routière des plateformes et des zones logistiques. Le document envisage donc de préserver les sites routiers existants pertinents, en particulier les multimodaux, sans lesquels le transfert modal ne sera pas possible. Mais aussi en identifiant des sites qui présentent toutes les potentialités pour acquérir une vocation logistique nouvelle (friches, délaissés). 2 Développement de la logistique urbaine et report modal Le PDU de la métropole de Lyon envisage de mettre en oeuvre : · Une incitation et une accélération du renouvellement du parc roulant ; · Le développement de solutions de transport alternatif à la route ou de solutions multimodales pour les marchandises ; · Le maintien de sites et d'activités logistiques en centre-ville ; · L'identification et la préservation des sites ferroviaires ou voies d'eau. 3 Renforcement des mesures de protection de l'environnement et de la qualité de l'air Une zone à faibles émissions dans le centre de l'agglomération, régulant la circulation des poids lourds et véhicules utilitaires légers les plus polluants, est notamment affichée comme un objectif important. La ZFE a pour but de limiter la circulation des VUL non-conformes pour un certain nombre d'entreprises de toute taille et d'encourager le renouvellement des véhicules. En ce sens, le PDU prévoit de mettre en place des actions destinées à accorder des avantages compétitifs aux professionnels les plus vertueux, renouvelant leur flotte ou investissant dans des véhicules basses émissions avant la sortie du diesel, ou à faible niveau d'émissions sonores. 4 Favoriser les véhicules non-thermiques Pour favoriser la cohabitation il est prévu de favoriser l'usage des véhicules électriques et hybrides rechargeables. Mais aussi d'appliquer des fenêtres horaires spécifiques d'accès livraison pour les véhicules basses émissions (électriques, GNV, biogaz...) : l'après-midi / soirée afin de permettre les enlèvements l'après-midi et les livraisons à domicile en soirée. 120 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PDU DE LA MÉTROPOLE GRENOBLE-ALPES Le plan de déplacements urbains réalisé en 2018 est à l'échelle de la Métropole. L'un des objectifs est de promouvoir un transport de marchandises moins routier et moins polluant avec la préservation des possibilités de report modal vers le ferroviaire. Mais aussi le soutien aux expérimentations de transport alternatif à la route, incitation et accompagnement des professionnels pour accélérer la transition énergétique des parcs de véhicules utilitaires. Prendre en compte la logistique dans l'aménagement de la ville et la gestion du dernier kilomètre avec la pérennisation des sites accueillant des activités liées au transport et à la logistique et amélioration de leur fonctionnement, appui à l'émergence de « centres de distribution urbaine ». 1 Encourager l'utilisation de véhicules propres Favoriser l'utilisation de véhicules de livraison moins polluants via la mise en place de tarifications spécifiques sur le stationnement est un des souhaits de la Métropole. En complément des réseaux colis, des systèmes de consignes urbaines qui permettent aux usagers de récupérer des colis lors de leurs déplacements et d'éviter des flux de livraison à domicile qui génèrent souvent un deuxième passage, en l'absence du client chez lui. Pour cela, un état des lieux est nécessaire afin d'avoir une meilleure connaissance des aires de livraison. Il est aussi important de prévoir des espaces de livraison dédiés sur les parcelles privées, les aires de livraison sur l'espace public ne pouvant à elles seules répondre à l'ensemble des besoins. 2 Développer et encourager des projets relatifs à la logistique urbaine Il est prévu de mener une veille en matière d'équipements logistiques de proximité (Équipements de Logistique Urbains) de taille intermédiaire entre le centre de distribution urbaine et la consigne, permettant le stockage temporaire des marchandises, et d'étudier les opportunités d'implantation dans des parkings en ouvrage sur le ressort territorial du SMTC. Enfin de soutenir des projets privés d'équipements logistiques. Afin de limiter le nombre de livraisons vers le centreville de Grenoble et d'agir ainsi sur la fluidité de la circulation et la qualité de l'air, une zone à circulation restreinte interdite aux véhicules utilitaires les plus polluants et le développement des aires de livraison seront mis en place. Deux centres de distribution urbaine (CDU) sont en projet pour réceptionner les marchandises provenant de différents transporteurs, les regrouper par destinataire, puis les livrer en utilisant des véhicules mieux adaptés à l'environnement urbain et plus éco-responsables (Gaz Naturel Véhicules ou électriques, vélos). Mais aussi des espaces logistiques urbains en hyper-centre pour permettre l'utilisation de véhicules plus légers, plus propres et la limite d'entrée des poids lourds seront développés. 3 Harmonisation des réglementations Pour cela, il est nécessaire de limiter les détours pour les poids lourds, afin de ne pas générer d'émissions de CO2 et polluants supplémentaires, d'harmoniser les réglementations afin de les rendre plus lisibles et donc mieux respectées par les professionnels (horaires, tonnage, type de véhicule autorisé). Enfin d'étendre à d'autres communes volontaires le dispositif de disque de livraison. 4 Développer le report modal Des expérimentations sont en cours ou à l'étude telles que le transbordement rail-route, l'usage du vélo et de la marche pour les livraisons, notamment en lien avec les projets de déploiement d'espaces logistiques urbains. Et enfin le transport de marchandises par tramway (tram-fret). 121 PARTIE 3 LE CAS DU PDU DE CLERMONT-FERRAND Le plan de déplacements urbains réalisé en 2011 est à l'échelle de Clermont Auvergne Métropole. 1 Coordonner les acteurs du transport autour d'une plateforme commune L'objectif est d'optimiser les livraisons dans l'hypercentre en mettant en place une plateforme logistique commune en dehors du centre-ville (centre de distribution urbaine), où les transporteurs concernés achemineraient leurs colis pour être ensuite distribués dans le périmètre présenté. 2 Améliorer les conditions de stationnement pour la livraison Clermont-Ferrand dispose de 358 emplacements réservés. Mais certains d'entre eux ne sont pas conformes aux normes en vigueur. De plus, l'aménagement des emplacements réservés dans les quartiers contraints est essentiel pour assurer leur bon fonctionnement, car chaque arrêt sur la chaussée occasionne une gêne pour la circulation en heures de pointe. Le PDU préconise donc de réaménager les places de livraison et de les augmenter dans l'ensemble du territoire métropolitain. 3 Organiser la circulation des marchandises : itinéraires pour le routier et report modal vers le ferroviaire Pour diminuer les nuisances liées au trafic des poids lourds, plusieurs mesures sont envisagées comme la déviation du transit des centres urbains, favoriser l'usage des véhicules propres et silencieux pour les livraisons et les enlèvements. Ou encore promouvoir le fret ferroviaire pour les besoins de l'agglomération et rechercher la complémentarité modale route-fer. Enfin améliorer les conditions de stationnement pour les véhicules de livraison. Il est aussi nécessaire de rationaliser les systèmes de desserte en mettant en place des mesures d'optimisation et des services d'accueil via l'optimisation des tournées de livraison permettant de réduire la distance parcourue et le nombre de véhicules mobilisés, l'amélioration des conditions d'accueil des camions à l'échelle du périmètre de transport urbain (PTU). 4 Harmoniser les réglementations La réglementation est hétérogène à l'échelle du PTU. À l'intérieur, des horaires de livraison sont imposés dans Clermont-Ferrand, Chamalières, Ceyrat, Pont-du-Château et Royat. Mais ils sont mis en place suivant des motifs et besoins différents, comme par exemple les zones piétonnes de Clermont-Ferrand, le marché à Pont-du-Château et la période thermale à Royat. Le même phénomène est observé au niveau des interdictions de tonnage et des itinéraires de transit pour les poids lourds. Une mise en cohérence, une homogénéisation voire une simplification semblent nécessaires à l'échelle du PTU. Le PDU distingue toutefois les poids lourds en transit de ceux en livraison. Concernant les premiers, la réglementation met en place les interdictions nécessaires pour les dévier des centres urbains et en limiter les nuisances. Pour les camions en livraison, la réglementation agit essentiellement sur les itinéraires pour les convois exceptionnels et les transports de matières dangereuses, interdits aux camions dépassant un tonnage notamment dans des secteurs de type « zone 30 ». Mais aussi sur les horaires de livraison, afin d'éviter des perturbations aux riverains et aux usagers de la voirie, sur les arrêts sur voirie, afin de ne pas créer de difficultés supplémentaires notamment pendant les heures les plus chargées. Enfin sur l'organisation des aires réservées aux livraisons ou encore le renforcement de la surveillance concernant le stationnement illégal sur les aires réservées. 122 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PDU DE LENS-LIÉVIN Le plan de déplacements urbains a été réalisé en 2018 à l'échelle de la communauté de communes de l'Artois. 1 Harmonisation de la réglementation et des pratiques Comme dans les autres agglomérations, on retrouve inscrit dans le PDU la volonté d'harmoniser les réglementations en matière de circulation et de stationnement, afin d'améliorer la lisibilité des règles sur le territoire. 2 Report modal Le canal d'Aire constitue un axe majeur de développement en lien avec la façade littorale du Nord-Pas-de-Calais. Le canal de la Deûle est quant à lui un maillon essentiel de la liaison Seine-Escaut pour laquelle le projet de canal Seine-Nord Europe pourrait offrir de nouvelles perspectives. La valorisation de foncier bord à voie d'eau permettant d'accueillir ou de développer des activités utilisatrices du mode fluvial constitue un enjeu pour le territoire. On retrouve ici une volonté de développer le transport en fluvial et les activités logistiques à proximité. Le territoire possède plusieurs sites de transbordement le long de la voie d'eau : quai privé à Isbergues, quai public à Guarbecque, quai privé et port public tri-modal (avec équipement pour colis lourd et conteneur) à Béthune, port public à Harnes et plateforme tri-modale (avec équipement pour colis lourd et conteneur) à Dourges. On observe de plus une augmentation du trafic fluvial (chargements, déchargements et transit) entre 2008 et 2016. La réalisation du canal offre des perspectives de développement pour les territoires traversés par ce réseau fluvial à grand gabarit. Les prévisions annonçant une multiplication par 4 ou 5 du tonnage transporté par voie d'eau sur l'axe nord-sud avec l'arrivée du canal à horizon 2050. 123 PARTIE 3 CONCLUSION Comme dans le cas des SCoT, on note pour les PDU une réelle intégration de la question logistique et du transport de marchandises dans la planification des mobilités. Mais la relative absence de transposition des objectifs relevés dans les arrêtés municipaux montre bien la limite de la portée de ces documents d'un point de vue opérationnel. Il est important de rappeler ici que le PDU n'a pas de portée strictement prescriptive, il offre un cadre à l'action publique, permet de clarifier des objectifs sectoriels. Ce qui explique que le fret est très présent dans ces documents mais est privé par ailleurs d'une réelle portée opérationnelle. · Objectifs partagés et ambitions communes On observe une forte récurrence de certains thèmes dans les différents PDU analysés. Ainsi, tous promeuvent le développement de la logistique urbaine, du report modal, de l'harmonisation des réglementations, de l'amélioration des conditions de livraison et de circulation des marchandises, le développement de véhicules plus propres et la mise en oeuvre d'une réflexion sur la localisation des activités logistiques. Remarquons que ces thèmes sont identifiés dans le cadre législatif et sont donc en quelque sorte imposés par la loi aux PDU. Mais ces derniers s'en sont bien emparés. · Une connaissance encore faible des données et enjeux liés au transport de marchandises et un manque d'expertise La réalisation d'études ou de diagnostic fret par les intercommunalités n'est pas une pratique systématique. Bien qu'on observe une augmentation de ces études notamment dans les plus grandes intercommunalités, elles ne sont pas généralisées notamment dans les plus petites villes. Dans notre échantillon, les métropoles de Paris, Lyon et Bordeaux ou des métropoles moyennes comme Orléans et Grenoble ont effectivement fait ce travail de diagnostic. Mais la majorité des villes interrogées avouent leur manque de connaissance en matière de logistique et de transport de marchandises et se trouvent démunies lors de la réalisation du volet marchandises des PDU pour proposer des données au-delà des enquêtes de trafics ou cordon relatives aux poids lourds. En effet, au-delà de la question de la connaissance en matière de pratiques, il existe aujourd'hui un vide en matière de données. Les communes ou intercommunalités interrogées dans le cadre de cette étude relèvent toutes l'absence de données sur le sujet. De ce fait, elles font de l'exercice de diagnostic et de connaissance de leur territoire une première étape dans la planification ou la réglementation du transport de marchandises et de la logistique, ce qui explique aussi la relative inertie observée dans l'intégration et la mise en oeuvre de réglementations et de projets relatifs à ces sujets. Même si la connaissance en matière de fret urbain a augmenté depuis une vingtaine d'années en France (Programme National Marchandises en Ville, enquêtes marchandises en ville, travail de pédagogie du CERTU, par le biais de la croissance des productions scientifiques sur le sujet), celle-ci n'a encore qu'insuffisamment intégré les données relatives aux livraisons du e-commerce (B2C) et les pratiques des acteurs publics, notamment au travers des techniciens et chargés d'études des services de mobilité ou d'urbanisme, et au-delà parmi les élus. La formation fait défaut. On peut aussi s'interroger sur le rôle des acteurs privés du transport et de la logistique qui dans l'exercice de gouvernance du fret à l'échelle des PTU peuvent accompagner les acteurs publics, les acculturer à ces questions, voire les former. Les collectivités sont conscientes des lacunes, pourtant peu de ressources humaines sont dédiées à la connaissance et à la gestion du fret urbain. La réalisation de nos entretiens a été complexe du fait que bien souvent les interlocuteurs étaient mal identifiés. Nous avons été, et cela est symptomatique du manque d'expertise sur la logistique urbaine, tantôt renvoyés au pôle urbanisme, tantôt au pôle transport et mobilité, tantôt au pôle déplacements et voirie et dans le cas des plus petites villes nous étions directement renvoyés vers le commissariat de police municipale qui se trouvait avoir les informations nécessaires concernant la circulation et le stationnement. 124 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique · Les enjeux d'une question transversale La faible transversalité et collaboration entre ces services et une absence notable de l'urbanisme empêchent de replacer les enjeux logistiques urbains dans le cadre plus large du système urbain. Parmi les outils de planification urbaine et des transports qui peuvent agir sur le fret urbain et que nous avons déjà détaillés (PLU, SCoT), nous observons que le PDU (et son volet marchandises) est l'outil de planification le plus utilisé par les collectivités qui mènent une politique du fret urbain ou qui souhaitent le faire. Cependant, le PDU n'a que peu de pouvoir prescriptif et il n'est pas rare que les fiches actions des PDU restent des voeux pieux. Même si nos entretiens révèlent une plus grande intégration de cette question dans les PDU, la question de la logistique et du transport de marchandises reste encore très largement cantonnée à la planification du transport et de la mobilité, et a plus de mal à s'intégrer dans une approche systémique en faisant le lien avec les territoires et les enjeux urbains. Cela pose donc le problème de la transversalité du transport de marchandises et de la logistique et de l'imperméabilité des politiques sectorielles qui nous renvoient à une question plus large qui est celle de l'articulation entre transport et urbanisme. Malgré des progrès dans son utilisation, le PDU reste un outil sous-utilisé par les collectivités françaises pour gérer la logistique urbaine. Les intercommunalités observées dans le cadre de cette analyse balayent rarement tous les enjeux liés au fret. Leur approche partielle, souvent guidée par des considérations pragmatiques et la volonté de répondre à des problèmes du présent (et au texte du code des transports !), montre également l'incapacité des pouvoirs publics locaux à se projeter à long terme sur la question de la logistique et du transport de marchandises. 3.3. PLANIFIER LES ACTIVITÉS LOGISTIQUES À L'ÉCHELLE RÉGIONALE À l'échelle régionale, le SRADDET ­ ou le SDRIF pour l'Île-de-France ­ est le document qui pose les orientations principales en matière d'aménagement, de développement urbain, des infrastructures de transport. Il traduit la vision stratégique des acteurs pour ce territoire. Il se décompose en trois parties : · Le rapport, qui exprime notamment la stratégie régionale et les objectifs que se fixe le SRADDET ; · Le fascicule, qui contient en particulier les règles que se fixe le SRADDET pour mettre en oeuvre ces objectifs ; · Les annexes, qui complètent ces deux premières pièces afin de faciliter l'information de tous. LE CAS DU SDRIF ­ ÎLE-DE-FRANCE Le SDRIF actuel, adopté en 2013, accorde une place relativement importante à la logistique par rapport aux anciens documents. Le SDRIF est un document d'urbanisme d'échelle régionale. Il a pour objectif de maîtriser la croissance urbaine et démographique, l'utilisation de l'espace tout en garantissant le rayonnement international de la région. Il précise les moyens à mettre en oeuvre pour corriger les disparités spatiales, sociales et économiques de la région, pour coordonner l'offre de déplacement et préserver les zones rurales et naturelles afin d'assurer les conditions d'un développement durable de la région (DRIEA, 2015). Il doit fixer les grandes orientations en matière de localisation d'activités, d'infrastructures et d'équipements. 125 PARTIE 3 Dans ses grands objectifs, il prévoit de construire une région plus connectée et plus durable. Il prend en compte le système logistique métropolitain y compris hors des limites franciliennes. Il affirme également le rôle important des modes ferroviaires et fluviaux dans le système logistique urbain. Dans son volet réglementaire, des orientations spécifiques traitent de l'armature logistique multimodale, à savoir les ports et les équipements ferroviaires. Elles prévoient le maintien et le développement du potentiel de fonctionnement multimodal mais aussi la création de centres de distribution urbaine en zone dense, afin de réduire les nuisances générées par les livraisons du dernier kilomètre. Enfin, pour répondre à l'enjeu de compacité sur le territoire régional, l'étalement de l'activité logistique le long des axes routiers doit également être évité. La logistique dans le coeur de métropole, Sdrif 2013 Figure 40. Armature logistique dans la région francilienne (source : SDRIF, 2013) Depuis 2013, le SDRIF est un document partiellement opposable qui peut s'imposer sous certaines conditions aux documents de planification locaux (schéma de cohérence territoriale, plans locaux d'urbanisme). Plus précisément ce sont les orientations réglementaires et la carte de destination générale des différentes parties du territoire (CDGT) qui sont opposables, en sachant que le texte prévaut sur la carte qui ne peut être zoomée. La CDGT identifie les sites multimodaux à préserver, mais également les sites logistiques dans lesquels l'activité peut être densifiée. La relocalisation des entrepôts est éventuellement possible « à condition que son bilan soit aussi avantageux en termes de service rendu, de préservation de l'environnement et de protection des populations ». 126 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Cette carte reste à l'échelle régionale et identifie sous la forme de petits carrés les zones un peu floues dans lesquelles la logistique devrait être développée ; il revient donc ensuite aux pouvoirs locaux de définir plus précisément le périmètre concerné. Le SDRIF invite donc les acteurs publics locaux à développer une démarche de concertation avec la Région afin de mettre en oeuvre ces objectifs. Figure 41a. Carte de Destination Générale du Territoire, (source : SDRIF, 2013) Sur la CDGT, la hiérarchisation des niveaux d'enjeu pour les sites multimodaux est symbolisée par trois tailles de losanges bleus Figure 41b. Extrait du CDGT (source : SDRIF, 2013) Dans un document intitulé « La mise en compatibilité des documents d'urbanisme avec le Schéma Directeur de la Région Île-de-France » (2015), la Direction Régionale et Interdépartementale de l'Équipement et de l'Aménagement d'Île-de-France (DRIEA) donne des recommandations aux collectivités locales pour mettre en oeuvre cette conformité et notamment sur le plan logistique : « Identifier les emprises des armatures logistiques puis analyser le SCoT ou le PLU sous cet angle et si besoin inscrire des zones et des règles favorisant le maintien des activités logistiques. » Cet extrait démontre bien que l'inscription de zones et de règles qui favoriseraient le développement et la densification logistique reste à la discrétion des pouvoirs locaux. Le SDRIF, en dépit de cette nouvelle capacité d'opposition, reste limité. Le flou des zones et le pouvoir discrétionnaire des collectivités locales limitent fortement l'application des grands principes du SDRIF dans la réalité. 127 PARTIE 3 Le SDRIF est un document régional particulièrement attentif aux questions du transport de marchandises et de la logistique, par rapport à d'autres SRADDET. L'expertise développée dès les années 1990 au niveau de la logistique francilienne se traduit par une plus grande maturité dans la stratégie territoriale. Par ailleurs, la présence d'infrastructures de transport majeures telles que les aéroports ou les ports fluviaux à conteneurs incite les pouvoirs publics locaux à davantage de prise en compte de la question du transport de marchandises et de la logistique. À noter que depuis 2013, la question du transport de marchandises en ville et de la logistique urbaine est une questions très intégrée dans les objectifs de développement de la région mais aussi dans la pratique avec la mise en oeuvre d'une politique visant à préserver dans la mesure du possible du foncier pour les activités logistiques dans la zone dense. LE CAS DU SRADDET ­ AUVERGNE-RHÔNE-ALPES Le SRADDET de la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes a été mis en oeuvre fin mars 2019. Il a en effet dû être refait à la suite de la fusion des régions. 1 Objectifs du rapport Les objectifs portés par ce nouveau document s'articulent autour de la question environnementale : l'ambition est de diminuer de 23 % la consommation d'énergie de la région, et de limiter le processus d'étalement urbain (objectif 3.8 « Réduire la consommation énergétique de la région de 23 % ») ; les logiques d'aménagement et de déplacement doivent être repensées en lien plus étroit. À travers ce document, les acteurs du territoire régional cherchent également une cohérence entre emploi et habitat, en favorisant l'accueil des activités économiques dans les espaces urbains mixtes et en organisant les espaces économiques dédiés. Une optimisation des parcours de circulation des marchandises et une massification de ces flux pourront également être recherchées notamment via le maintien et le développement d'espaces logistiques en milieu urbain ou en priorité à proximité des voies ferrées et des ports, puis des noeuds routiers. Les objectifs sont donc très similaires à ceux posés dans le cadre du SDRIF : densification, lutte contre l'étalement urbain, mixité fonctionnelle, optimisation des flux. Au regard de ces défis, l'objectif que le SRADDET fixe aux acteurs du territoire est de consolider la cohérence entre urbanisme et déplacements. Pour ce faire, le schéma se place à l'horizon 2030 et entend : · Favoriser une urbanisation en pôles de développement (multipolaire) denses et ouverts à diverses fonctions (logements, commerces, équipements sportifs et culturels, logistique, etc.), reliés entre eux par les transports collectifs, en s'appuyant notamment sur l'armature territoriale définie dans les SCoT ; · Limiter le phénomène de desserrement des activités logistiques et préserver l'implantation des espaces logistiques dans des secteurs stratégiques, en se donnant les moyens, via les documents de planification et d'urbanisme, et l'action foncière, d'identifier et de mobiliser les espaces susceptibles d'accueillir les fonctions logistiques nécessaires en cohérence avec les réseaux de transport existants ou à venir ; 128 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique · Promouvoir les systèmes logistiques adaptés aux filières économiques de production et de distribution locales (solutions mutualisées pour les circuits courts, économie circulaire, filière bois, etc.) ; · Favoriser les projets visant à densifier les zones d'activités économiques existantes dédiées ou ayant une vocation logistique par construction ou restructuration du bâti (obsolescence et friches industrielles, commerciales, logistiques) et en intégrant les innovations (bâtiment du futur, efficacité énergétique, verticalisation, etc.) ; · Encourager, au cas par cas, la mutabilité des sites localisés en zone urbaine dense pour de la logistique urbaine (espaces de logistique urbaine, centres de distribution périurbaine), en particulier lorsque ces sites sont multimodaux ; · Intégrer les fonctions logistiques à la conception des opérations d'aménagement exemplaires et aux projets immobiliers innovants. 2 Règlements du fascicule Le règlement permet de traduire les objectifs en mesures concrètes. Les règles générales (contenues dans le fascicule) ont pour objet de contribuer à atteindre les objectifs à moyen et long termes (fixés dans le rapport du SRADDET). Toute règle générale doit donc être fixée en lien avec (au moins un de) ces objectifs. Ces règlements n'ont toutefois pas la portée des règlements des PLU. Mais ils exercent une contrainte sur les PLU au moment de leur élaboration dans un rapport de compatibilité. Les règlements s'imposent aux PDU, PCAET, SCoT et PLU. De ce fait, ces règles sont opposables. · Densification et optimisation du foncier économique existant pour participer à la réduction de la consommation foncière à l'échelle régionale Les SCoT ou à défaut les PLU(i) doivent prioriser, avant toute création ou extension de zones d'activités économiques, y compris logistiques, la densification et l'optimisation des zones d'activités existantes, en cohérence avec les opportunités de complémentarités entre territoires limitrophes, et cela afin de favoriser les synergies d'entreprises et le développement de services mutualisés dans une logique de redynamisation d'ensemble. · Élaboration de projets à enjeux structurants pour le développement régional afin de permettre la réalisation ou le développement de projets qualifiés par le SRADDET de structurants pour le développement régional Les SCoT, ou à défaut les PLU(i), et les chartes de PNR le cas échéant, devront : faire évoluer ou adapter les règles de planification et d'urbanisme pour rendre possible la réalisation des projets telle que définie par la Région ; et/ou réserver et préserver les fonciers stratégiques nécessaires à la réalisation des projets. Par exemple, les sites permettant le transbordement des marchandises de la route vers le fer et le fleuve par les différentes techniques d'intermodalité mobilisables (combiné, autoroute, ferroviaire). 129 PARTIE 3 · Cohérence des documents de planification des déplacements ou de la mobilité à l'échelle d'un ressort territorial, au sein d'un même bassin de mobilité Toute élaboration ou révision d'un document de planification des déplacements ou de la mobilité à l'échelle d'un ressort territorial doit rechercher la cohérence avec les orientations des documents de planifications similaires produits par les autres autorités organisatrices du même bassin, a minima sur les aspects suivants : pôles d'échanges, information multimodale, tarification combinée, continuité des infrastructures, analyse de la mobilité (voyageurs et marchandises) et de ses évolutions prospectives. Avec comme objectif de simplifier et faciliter le parcours des voyageurs et la circulation des marchandises au sein et entre les bassins de vie (de même dans la règle n°15 : Coordination pour l'aménagement et l'accès aux pôles d'échanges d'intérêt régional). · Préservation du foncier embranché fer et/ou bord à voie d'eau pour la logistique et le transport de marchandises Les territoires, via leurs documents de planification et d'urbanisme, et en partenariat avec les gestionnaires d'infrastructures et d'équipements multimodaux, identifient des sites à enjeux urbains et périurbains et réservent du foncier embranché fer et/ ou bord à voie d'eau pour de la logistique et du transport de marchandises utilisant ces modes. Les phénomènes de desserrement des implantations logistiques, tirés par les besoins des entreprises en grandes parcelles (développement des entrepôts de grande taille permettant de concentrer des stocks et d'accroître la productivité par l'automatisation et le pilotage informatique, etc.), génèrent des besoins de fonciers périurbains. Parallèlement, la réintroduction de la logistique en ville est une tendance forte des politiques de revitalisation des centres bourgs. Visant à mieux organiser les flux urbains, dans un contexte d'évolution des pratiques de distribution et de consommation, elle nécessite (qu'elle soit routière et/ou multimodale) des surfaces pour le stockage ou les opérations de transfert des marchandises. Dans un cas (périurbain) comme dans l'autre (centre-ville), la rareté des gisements fonciers en zones denses suscite des concurrences d'usages et appelle non seulement à faire des choix, mais aussi à favoriser les innovations. La volonté de renforcer les chaînes de transport multimodales et la perspective de diversification des formes de logistique urbaine appellent à anticiper l'avenir et à préserver ces fonciers connectés fer et/ou fleuve, en particulier lorsqu'ils sont situés dans les principaux bassins de vie, de consommation et de production, ou lorsqu'ils occupent une place stratégique dans les chaînes logistiques. · Intégration des fonctions logistiques aux opérations d'aménagements et de projets immobiliers Les SCoT, ou à défaut les PLU(i), identifient les mesures nécessaires à l'intégration des fonctions logistiques lors de la conception des opérations d'aménagement et de projets immobiliers. La logistique est essentielle au fonctionnement des territoires, des villes, des quartiers. Pour des raisons liées à la fois à la disponibilité, aux coûts fonciers et aux besoins de surfaces de plus en plus importantes, la logistique s'est toutefois éloignée des centres urbains. 130 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Ces différentes évolutions conduisent à repenser la logistique dans la ville et à réintroduire des surfaces de stockage ou de transit au coeur des zones de livraison. Ces surfaces logistiques qui posent certes des questions de valorisation foncière et de ce fait également de concurrence d'usage du foncier restent de taille modeste et sont utiles à la ville et à sa dynamique démographique, économique et commerciale. L'enjeu est à la fois d'assurer la distribution jusqu'au coeur des villes tout en rationnalisant les flux et de favoriser la mobilité décarbonée tout comme la mutualisation. L'objectif est de redéfinir la place de la logistique dans l'urbain et pour innover afin de rendre cette logistique performante tant en termes d'exploitation qu'en matière d'impacts (par un verdissement des flottes de livraison, des véhicules plus silencieux, une gestion optimisée des aires de stationnement et des itinéraires de desserte). Mais aussi par l'implantation d'hôtels logistiques multimodaux, le développement de haltes fluviales associées à des services innovants. · Cohérence des règles de circulation des véhicules de livraison dans les bassins de vie Les autorités organisatrices engagent, à l'occasion de la révision ou de l'élaboration de leurs documents de planification des déplacements ou de la mobilité, une réflexion concertée, si nécessaire avec la Région, pour la mise en cohérence des règles de stationnement et de circulation des véhicules de livraison avec les plans de déplacements urbains inclus dans le même bassin de vie. Dans les faits, on constate une fragmentation des réglementations marchandises entre les communes et un manque de lisibilité qui nuisent à leur compréhension par les transporteurs et donc à leur respect. Pour garantir la performance des opérations de livraison (temps, fiabilité, coûts) et faciliter les conditions de travail des livreurs, les PDU devront donc tendre vers une mise en cohérence des règles relatives à la circulation, aux conditions de livraison et au stationnement des poids lourds et des véhicules utilitaires légers. Cet objectif de mise en cohérence devra s'appuyer sur une démarche de concertation continue et itérative visant à : · Améliorer la lisibilité, tant au travers d'une harmonisation des rédactions des arrêtés ou des guides (glossaires communs) que d'une uniformisation de la signalétique (jalonnements adaptés aux marchandises) ; · Simplifier en limitant le nombre de critères (gabarit, tonnage, classes Euro, types d'activité, horaires, surfaces au sol) et de seuils ; · Assurer la continuité (y compris entre territoires limitrophes) et l'optimisation des itinéraires de contournement pour le transit et des plans de circulation pour l'accès aux lieux de livraison ; · Éviter, dans la mesure du possible, le passage des véhicules de livraison/ramasse aux heures de pointe des déplacements des personnes ; · Adapter les aires d'arrêt et de stationnement aux différents besoins, tant en termes d'aménagement (nombre, localisation, dimensionnement, accessibilité) que de gestion (cohérence avec les heures d'ouverture des commerces, durée de (dé) chargement ­ ex. : messagerie et fret express versus marchandises volumineuses). L'objectif in fine doit être d'optimiser les parcours afin de renforcer le niveau de service (qui est une exigence du consommateur), de maîtriser les coûts (pour les opérateurs et les utilisateurs), de réduire les kilomètres à vide et, plus globalement, d'améliorer l'empreinte carbone des produits transportés. 131 PARTIE 3 · Diminution des émissions de polluants dans l'atmosphère De manière à améliorer durablement la qualité de l'air sur leur territoire, les documents de planification et d'urbanisme, les chartes des PNR et les Plans Climat-Air-Énergie Territoriaux (PCAET) définissent les dispositions permettant de réduire les émissions des principaux polluants atmosphériques (visés dans le sous-objectif 1.5.1.) du rapport d'objectifs issus des déplacements (marchandises et voyageurs), du bâti résidentiel et d'activités mais également des activités économiques, agricoles et industrielles présentes sur leur territoire. Les territoires devront prioriser la réduction des émissions pour répondre de façon proportionnée aux niveaux d'altération de la qualité de l'air et d'exposition de la population constatée dans leur état des lieux de la pollution atmosphérique. · Réduction de l'exposition de la population aux polluants atmosphériques Dans la cadre de sa stratégie pour la qualité de l'air, la Région a identifié neuf zones prioritaires d'intervention sur lesquelles elle a décidé de concentrer des moyens en contractualisant avec les territoires, dans un objectif de réduction de l'exposition de la population. Sur les autres zones, il conviendra de rester vigilant au côté des territoires quand les concentrations d'activités ou les choix d'urbanisme peuvent conduire à des expositions significatives des populations (projets structurants pour le développement régional, pôles d'échanges multimodaux, zones d'activités économiques et commerciales, noeuds logistiques, nouvelles implantations de logements et d'établissements recevant du public). La démarche du SRADDET, comme de celle des SCoT et PDU, repose sur la contribution de l'ensemble des acteurs privés. L'objectif, dans la définition et la mise en oeuvre des modalités de suivi et d'évaluation du SRADDET, est de suivre une approche partenariale et pragmatique en travaillant en collaboration avec les divers partenaires dépositaires de données et les systèmes d'observation en place : INSEE, observatoires, État, chambres consulaires, etc. 132 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique CONCLUSION SUR LES SRADDET · Un nouveau rôle pour la Région conforté par l'élaboration des nouveaux documents La planification territoriale combine trois finalités : celle de produire une vision partagée du devenir d'un territoire, celle d'organiser les programmes et les investissements publics, enfin, celle de définir des règles d'usage des sols (Demazière, Desjardins, 2016). Avant, avec les SRADT, les schémas régionaux d'aménagement visaient principalement à définir une vision et à répartir une partie réduite du budget régional par les contrats (Desjardins, Béhar, 2017). Avec l'intégration des différents schémas sectoriels, le schéma d'aménagement régional acquiert un peu plus de pouvoir notamment par le biais des politiques d'investissement dans les infrastructures, principalement celles de transports. Très concrètement, les investissements dans les transports ferroviaires pourraient être conditionnés à des règles en matière d'urbanisation autour des gares et être repris dans les contrats. Les investissements dans la logistique urbaine pourraient être conditionnés par la mise en oeuvre de projets intégrant des objectifs de mixité fonctionnelle. « À la logique d'emboîtement entre "vision", "programme" et "règles" qui constitue la méthode commune de planification, on pourrait passer à une forme d'hybridation entre ces étapes et ces fonctions » (Desjardins, Béhar, 2017). Le SRADDET peut également être l'occasion de poser différemment la nature des relations entre les collectivités territoriales et l'État. Traditionnellement les élus locaux négocient directement avec l'État. Les régions pourraient s'imposer comme un réel intermédiaire de ce point de vue. En revanche, le poids des métropoles au sein de ces régions pourrait remettre en question ce rôle. La concurrence entre les deux échelons est très importante. Deux visions s'affrontent : une vision polycentrique portée par la région qui cherche à équilibrer le territoire par le biais des investissements et des infrastructures, et une vision portée par la métropole qui cherche au contraire à concentrer un maximum d'activités, d'emplois, de ressources sur son territoire. Ces visions antagonistes sur la forme du territoire ont leur importance, car les conséquences en termes de mobilité sont très différentes. En région Auvergne-Rhône-Alpes par exemple, dans le cadre du projet sur le « noeud ferroviaire lyonnais » ces deux visions ont des implications concrètes. La Région souhaite voir développer la gare de Saint-Exupéry pour le passage du fret alors que la Métropole de Lyon porte plutôt un projet en faveur du contournement de l'agglomération lyonnaise (CFAL) qui ne passerait pas par Saint-Exupéry. Cette opposition est à l'origine d'une certaine inertie qui retarde les investissements et les projets en matière de développement du fret, en l'espèce ferroviaire. Pendant ce temps les activités logistiques du territoire ont du mal à se projeter avec une utilisation du fret ferroviaire et se tourne vers la route. Cette compétition entre l'échelon régional et métropolitain se retrouve aussi à Paris. En effet, l'élaboration du pacte métropolitain n'inclut pas activement la région Île-de-France. Ces nouveaux pouvoirs confiés aux régions diminuent le rôle de l'État dans le territoire. L'État intervenait auprès des régions de deux manières : par la co-élaboration de certains documents (notamment le schéma régional de cohérence écologique et le schéma régional relatif à l'air, au climat et à l'énergie) et par la signature de contrats, principalement le contrat de plan État-Région (Desjardins, Béhar, 2017). Avec le transfert de l'élaboration de l'ensemble des schémas aux régions, l'État se voit déchargé de cette co-élaboration et recentre son action autour des Contrats Plan État-Région (CPER) et de quelques actions prioritaires comme l'emploi. · Un nouveau rôle pouvant influer le report modal et la localisation des activités logistiques L'analyse des différents documents régionaux montre que la région a acquis un nouveau pouvoir en matière de réglementation des sols et qu'elle le met en oeuvre. Elle accompagne une stratégie foncière d'investissements en conséquence dans les projets qui respectent ces conditions. Elle peut agir sur la préservation de foncier dédié à l'activité logistique dans les zones denses de la région mais aussi aux abords des voies d'eau ou voies ferrées. Le but étant d'inciter les activités logistiques à utiliser d'autres modes définis comme plus propres et encouragés par la politique régionale. 133 PARTIE 3 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique En ce sens les régions mettent en oeuvre une politique qui associe à la fois les enjeux urbains et d'aménagement du territoire. Il s'agit d'une première forme de coordination transport-urbanisme. Les régions peuvent encourager la localisation des activités logistiques dans des espaces spécifiques limitant ainsi l'étalement urbain et le report modal. Par ailleurs, on note l'implication de la région dans le développement de la logistique urbaine, avec une capacité à participer aux financements de projets. · Enjeux de coordination des politiques publiques locales : le cas de l'harmonisation des livraisons Le document régional se pose ici aussi comme un « super-SCoT » qui incite à l'harmonisation des règles de livraison. On peut s'interroger sur les moyens qui peuvent être mis en oeuvre par les régions au niveau local pour agir concrètement sur les réglementations locales et inciter les communes à collaborer : ils sont faibles, voire inexistants. 134 PARTIE 4 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville SOMMAIRE Charte Marchandises : nouvelle gouvernance pour les expérimentations Leviers d'innovation dans le transport de marchandises : le dernier kilomètre Utilisation des vélos-cargos Barges fluviales Véhicules électriques Véhicules autonomes Concours d'urbanisme et architecture : lieux d'innovation pour la logistique et le transport de marchandises Difficile essor de l'innovation logistique urbaine : des expérimentations limitées Espaces logistiques urbains (ELU) Hôtels logistiques : le cas de Chapelle International Limites de ces expérimentations Limites financières Limites posées par les contraintes techniques et réglementaires Limites du modèle à l'épreuve du temps 136 137 137 138 139 139 140 143 144 146 147 147 149 150 135 PARTIE 4 Cette partie examine les expérimentations en matière de projets urbains relatifs à la logistique urbaine et au transport de marchandises. Elle se concentre plus particulièrement sur le cas parisien qui a connu un grand nombre d'innovations et d'expérimentations jusqu'à présent, mais explore aussi quelques cas dans les autres villes françaises. Cette partie est l'occasion de questionner les évolutions réglementaires en lien avec les innovations en matière d'urbanisme mais aussi de transport en prenant en compte notamment le cas des véhicules autonomes. CHARTE MARCHANDISES : NOUVELLE GOUVERNANCE POUR LES EXPRIMENTATIONS Initiée en 2001 dans un cadre partenarial associant institutions, milieu consulaire, transporteurs et chargeurs, la signature d'une charte des bonnes pratiques des transports et des livraisons de marchandises dans Paris en 2006 témoignait de l'émergence de nouveaux outils. Cette initiative partenariale se verra prolongée en conformité des prescriptions du SDRIF et du PDUIF dans le cadre d'une nouvelle charte en faveur d'une logistique urbaine durable signée par l'ensemble des partenaires (plus de 80) en septembre 2013. Plus opérationnelle, cette nouvelle charte repose sur une identification des structures et équipements ainsi que des pratiques innovantes à accompagner (horaires décalés, nouvelle organisation des tournées). La ville de Paris, dans le cadre de cette charte, initie seize « fiches projets » permettant d'accompagner les objectifs localisés dans la charte. Elle annonce également le financement et la réalisation de quelques projets spécifiques dédiés à la logistique urbaine et à l'amélioration des conditions du fret en ville, dans Paris comme la dalle de Beaugrenelle pour Chronopost, le centre de distribution urbain des Halles ou le projet d'hôtel logistique de Chapelle International. Ces fiches projets sont de deux natures. Un certain nombre d'expérimentations portent sur le transport de marchandises à proprement parler et d'autres sur le développement d'un immobilier logistique qui permette la consolidation et l'optimisation des livraisons dans Paris. La charte de Paris repose donc sur seize actions : · Élaboration d'un schéma d'orientation de la logistique du territoire parisien · Création d'un hôtel logistique « Chapelle International » · Développement du transport sur les canaux (port de l'Allier sur le canal Saint-Denis) · Expérimentation du tram-fret · Développement d'espaces logistiques dans des parkings concédés ou au sein du patrimoine des bailleurs sociaux · Modernisation des aires de livraison notamment d'un service d'informations · Déploiement d'un réseau de bornes de recharge pour les véhicules électriques · Développement de flottes de véhicules électriques · Collaboration entre la ville et les professionnels concernant la circulation des porte-voitures · Labellisation des livraisons de nuit avec la certification Certibruit · Dispositif de réservation de places pour le déménagement · Expérimentation de la livraison à pied · Incitation aux bonnes pratiques notamment auprès des petits commerçants · Développement du transport fluvial (port du Gros-Caillou) · E-commerce et livraison à domicile · Objectif 50 % des livraisons du dernier kilomètre en véhicule non diesel d'ici 2017 136 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Le bilan de ces actions en 2019 est mitigé. Si le projet Chapelle International est réalisé et si plusieurs expérimentations de livraison la nuit ont pu être faites ces dernières années (ex. : Martin Brower), un certain nombre d'actions ne se sont pas concrétisées (tram-fret, 50 % du dernier kilomètre en non diesel, etc.) ou ne se concrétisent que très lentement (véhicules électriques). Ces initiatives sont pour l'instant essentiellement présentes dans Paris. Elles s'inscrivent néanmoins dans une prise en compte plus prononcée de cette question en première couronne. Ces exemples démontrent la volonté et la capacité d'investissement de la ville de Paris dans la logistique urbaine dans des expérimentations qui permettent à la fois de tester de nouvelles pratiques en termes de logistique et de transport de marchandises en lien avec les acteurs du secteur eux-mêmes, mais également de servir d'exemple à d'autres communes en démontrant la viabilité et le bon fonctionnement de ces modèles. Néanmoins ces ambitions politiques se heurtent à l'épreuve du temps et à l'inertie de la gouvernance publique-privée. L'introduction de la logistique urbaine dans les politiques publiques locales, notamment dans le PLU de Paris, montre d'une part que la logistique a bien pénétré l'action publique locale et d'autre part qu'elle repose surtout sur l'échelon le plus local, plutôt que sur l'échelon régional. La ville de Paris a donc créé un cadre réglementaire favorable au développement de la logistique urbaine. Mais pour que cette dernière atterrisse dans la programmation urbaine, d'autres acteurs doivent intervenir notamment dans le développement d'un immobilier logistique. Le pari de la ville de Paris est de miser sur le développement d'une gouvernance publique-privée, afin de garantir le développement d'un urbanisme logistique avec des projets immobiliers logistiques, et le développement de transports de marchandises alternatifs aux camions et VUL thermiques. LEVIERS D'INNOVATION DANS LE TRANSPORT DE MARCHANDISES : LE DERNIER KILOMTRE Utilisation des vélos-cargos Les livraisons en ville et le dernier kilomètre sont des leviers importants de la logistique urbaine, que la puissance publique peut plus ou moins facilement actionner (Dablanc, 2007). Les innovations qui prennent en compte le dernier kilomètre ont fait l'objet de beaucoup d'attentions de la part des transporteurs ­ car le dernier kilomètre peut parfois être considéré comme l'étape la moins efficace dans toute la chaîne d'approvisionnement (Lin et al., 2014) ­, mais également des collectivités publiques car elles peuvent correspondre à leurs objectifs. Les opérateurs de transport sont souvent restreints dans leurs opérations au dernier kilomètre en fonction de la taille du véhicule et des restrictions de poids. Lorsque l'accès à la zone dense est restreint pour les camions, les fournisseurs de transport sont forcés d'utiliser des véhicules plus légers et donc supplémentaires dans leurs opérations de dernier kilomètre. Les vélos sont souvent proposés comme une alternative aux camions et fourgonnettes pour les livraisons finales (et nous verrons leurs nombreuses limites plus loin). Il en existe plusieurs déclinaisons : les vélos, les motos E-Cargo et les tricycles. La littérature s'est beaucoup intéressée à ce mode de transport. On trouve quantité d'articles sur ce sujet. Récemment, à Porto, Melo & Baptista (2017) ont évalué la possibilité de remplacer les camionnettes par des fourgons électriques et des vélos-cargos. Ils ont rappelé que bien évidemment ces derniers ne peuvent supporter que des colis et non des palettes. La taille et le poids des colis ou du courrier sont plutôt petits, et la distance à parcourir doit être courte. Récemment, d'autres entreprises ont exploré le concept de conteneurisation urbaine et son applicabilité aux vélos-cargos et à d'autres types de véhicules. À Paris la livraison à l'aide de vélos-cargos a déjà fait l'objet de multiples analyses. Plusieurs entreprises utilisent ce moyen de transport avec plus ou moins de succès. On peut penser à The Green Link ou Vert chez vous qui avaient expérimenté la livraison à vélo au début des années 2010 et qui ont suspendu cette activité du fait du défaut de rentabilité et de problèmes techniques. D'autres entreprises ont au contraire perduré comme la Petite Reine (maintenant groupe Star Service) et certains chargeurs notamment commerçants ont commencé également à proposer un service de livraison par cargo-vélo voire un service de livraison piéton. 137 PARTIE 4 La livraison par cargo-vélo est aujourd'hui une solution populaire, car son coût environnemental est moindre. Mais elle pose de nombreux problèmes quant à ses limites (taille des colis, des marchandises). Les limites sont aussi nombreuses en matière d'aménagement. Les pistes cyclables, quand elles existent, ou les bandes cyclables ne sont pas toujours dimensionnées ou aménagées pour accueillir ces véhicules qui se trouvent alors sur la route et potentiellement dans les bouchons. Cela limite donc les avantages souvent avancés en matière d'efficacité. Le développement de ce mode de livraison ne pourra donc se faire que si les politiques publiques l'accompagnent par l'aménagement d'infrastructures. Au niveau des recrutements de personnels et de l'attractivité des vélos-cargos, les résultats sont partagés : certains livreurs les apprécient, d'autres non. Barges fluviales Dans le cadre des innovations du dernier kilomètre on recense également l'utilisation de barges fluviales comme alternative au mode routier. Les avantages d'une telle solution résident notamment dans une capacité de transport de gros volumes de marchandises. Cependant, des raisons naturelles limitent la portée d'une barge fluviale dans une ville, ce qui rend indispensable l'utilisation d'un autre mode de transport depuis le quai jusqu'au client final, ce qui représente une rupture de charge et un coût supplémentaire pour le transporteur. L'utilisation d'une barge fluviale est bien évidemment seulement possible lorsqu'une rivière coule de façon centrale dans une ville comme Paris, Amsterdam, Londres ou Chicago. Il est également nécessaire de disposer de différentes zones de déchargement le long de la rivière, ce qui est susceptible d'avoir des coûts importants non seulement en raison des investissements initiaux lorsque de telles zones n'existent pas déjà, mais aussi en raison des prix et des loyers élevés dans le centre urbain et aux abords des fleuves. Des aspects tels que la densité de clients, le volume de fret, les plages horaires de livraison, l'état du trafic et de la congestion doivent être pris en compte lors de l'évaluation de différents modes de distribution en zone dense. Une entreprise a expérimenté la livraison dans Paris par barge fluviale. Il s'agit de Franprix (groupe Casino) qui fait débarquer chaque jour dans le Port de la Bourdonnais des conteneurs de marchandises non périssables (chargés dans le port de Bonneuil) pour alimenter son réseau de magasins dans Paris. La barge permet de livrer 450 palettes pour 80 magasins parisiens. Une fois à quai, les conteneurs sont chargés sur les camions qui vont livrer les magasins. Nous n'avons pas réussi à obtenir d'informations sur le coût de cette expérimentation ni sur les bénéfices financiers potentiels. Cette expérience est toujours d'actualité, même si la question de la rentabilité de ce modèle est toujours posée. Il est certain qu'à ce stade Franprix retire un grand bénéfice en termes d'image. Figure 42. Déchargement des conteneurs Franprix quai de la Bourdonnais, Paris, avril 2014 (source : A. Heitz) 138 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Véhicules électriques Une récente étude a fait le point sur les innovations en matière de logistique urbaine et de fret urbain (Taniguchi et al., 2019). Selon cette étude, de nombreux pays s'efforcent de réduire les émissions de carbone liées au fret pour atteindre les objectifs de développement durable. Par exemple, le Conseil européen s'est fixé comme objectif de parvenir à une logistique urbaine neutre en carbone dans les grands centres urbains d'ici 2030. Les véhicules de transport de marchandises électriques, avec leurs faibles émissions et de faibles coûts d'exploitation, peuvent apporter une solution. Des projets de recherche ont été lancés par l'UE pour évaluer les performances des véhicules électriques, tels que FREVUE. FREVUE a permis d'analyser les performances de 104 véhicules électriques exploités par divers opérateurs dans sept villes européennes et a conclu que, bien que tous les véhicules observés aient été en mesure d'assurer leur fonction logistique respective, ils nécessitent toutefois une charge électrique fréquente en particulier avec un poids inférieur à 3,5 t (Tretvik et al., 2017), ce qui limite la portée des tournées. Bandeira et al. (2019) ont conclu dans une autre étude que les tricycles électriques constituent un meilleur scénario, même en l'absence de subvention publique, que le système conventionnel (basé sur la marche, les autobus et les VUL diesel). Les coûts du cycle de vie et le niveau de service (nombre de clients servis) ainsi que les impacts sociaux, environnementaux et économiques de cette stratégie ont été évalués. Toutefois, leur analyse était fondée sur une étude de cas portant sur la distribution du courrier dans un centre urbain relativement petit (4,1 km²) de topographie plate. De même, Lee et al. (2018) ont présenté une comparaison de camions conventionnels et de vélos électriques à Séoul. Giordano et al. (2018) ont souligné que, du point de vue de l'analyse du cycle de vie des véhicules, les transporteurs de marchandises ont encore besoin de subventions pour compenser le coût. Avec les subventions actuelles, dans certaines villes (Oslo et Londres), les véhicules électriques sont moins chers à l'achat que les véhicules thermiques, sur la base de coûts annuels équivalents. Mais ceci n'est vrai que pour les véhicules des particuliers, qui bénéficient au départ de moins d'avantages fiscaux que les véhicules utilitaires (et donc ces derniers ont relativement moins d'incitation à se reporter sur l'électrique, même si des taxes disparaissent). Dans d'autres pays, des mesures d'incitation (taxation et réglementation des camions diesel) encouragent les transporteurs à choisir des véhicules électriques (Taniguchi et al., 2019). Une récente recherche à l'IFSTTAR (Camilleri, 2018) estime à 13 % le marché des camionnettes électriques pour le transport de marchandises à l'horizon 2032 lorsque les contraintes réelles d'exploitation des opérateurs, filières par filières, sont prises en compte. Ces contraintes peuvent bien évidemment être modifiées par des changements forts de contexte et des mesures publiques (hausse des subventions à l'achat par exemple). Véhicules autonomes L'IAU (Institut d'Aménagement et d'Urbanisme d'Île-de-France) vient de publier une synthèse des leviers et des freins au développement de la voiture autonome. Le véhicule autonome s'inscrit dans le cadre d'une mobilité du futur qui sera polymorphe, à la fois connectée, partagée, électrique et autonome. Les nouveaux services de mobilité (VTC, covoiturage, autopartage) sont foisonnants et pourraient converger à terme avec le véhicule autonome. Dans une certaine mesure les véhicules autonomes progresseront dans les parcs de véhicules de marchandises. Ces innovations imposent de revoir le code de la route, les modalités liées à la responsabilité civile, le parc automobile et les infrastructures. Il s'agit d'un très grand chantier. Un grand nombre d'expérimentations sont lancées dans tous les pays où l'on observe des progrès techniques rapides et une certaine inertie des villes et des sociétés face à cette technologie. 139 PARTIE 4 Le rapport de l'IAU révèle un certain nombre de difficultés notamment en lien avec la délivrance d'autorisation auprès de l'État selon un processus assez lourd. L'étude a montré les nombreux bénéfices du véhicule autonome en termes de sécurité, de mobilité notamment des seniors, mais aussi suscité des interrogations sur la cybersécurité, la protection de la vie privée et le manque de maturité des technologies (capteurs, 5G, V2X, géolocalisation, cartographie 3D, reconnaissance de forme par intelligence artificielle). La question de l'acceptabilité sociale liée à des facteurs psychologiques (trois accidents mortels aux États-Unis ces dernières années) est aussi au coeur des réflexions sur le déploiement massif des véhicules autonomes en France. Une incertitude demeure sur la date de ce déploiement, les constructeurs étant partagés sur la question. Ford, General Motors, Volvo et Toyota annoncent des véhicules au niveau 4 dès 2020 ou 2021 tandis que Carlos Tavares, le président du directoire de PSA, a indiqué en mars 2019 que le groupe français ne développerait pas de fonctionnalités d'autonomie au-delà du niveau 3 (3) pour les véhicules particuliers. Le rapport souligne également le retard des industriels français par rapport aux Américains en la matière, et le rôle que peuvent jouer des acteurs publics comme l'État ou la région pour encadrer ce développement. CONCOURS D'URBANISME ET D'ARCHITECTURE : LIEUX D'INNOVATION POUR LA LOGISTIQUE ET LE TRANSPORT DE MARCHANDISES (4) Ces dernières années la ville de Paris s'est engagée dans un processus de « laboratisation » qui dépasse très largement le cadre de la logistique et a pour but de favoriser l'innovation urbaine en lançant des appels à projet. Dans le cadre de « Réinventer Paris » en 2015, la mairie de Paris a mis à disposition 22 sites dans Paris pour permettre à des groupes de promoteurs, architectes et urbanistes de proposer des bâtiments innovants qui pourraient s'insérer dans les dents creuses du tissu urbain. Dans le cadre de l'appel à projet d'expérimentation Logistique Urbaine Durable, la ville de Paris, en association avec Paris&Co et ses partenaires, ont retenu vingt-deux projets qui ont été testés en situation réelle. Les projets en question peuvent être classés en six catégories et sont représentés dans le tableau suivant : (3) Automatisation conditionnelle. La surveillance de l'environnement du véhicule incombe au système embarqué et non plus au conducteur humain. Mais ce dernier doit rester attentif à la route et doit être capable de reprendre le contrôle immédiatement en cas de besoin (ce qui suppose que la machine lui laisse un temps suffisant pour réagir). Cette partie est extraite de la thèse d'A. Heitz soutenue en 2017 intitulée « La Métropole logistique : structure métropolitaine et enjeux d'aménagement, la dualisation des espaces logistiques métropolitains ». (4) 140 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Thèmes Opérateurs Coursier.fr (Groupe Coursier) Description « Shopping Center » : mise en place d'un ELU et d'une flotte de triporteurs et VUL électriques « Step Vert Paris » : mise en place d'un ELU et d'une flotte de VUL, horaires décalés Service permettant d'optimiser le remplissage des camions, en massifiant les flux B to B et B to C Service de « pooling », mutualisation des livraisons des petits commerçants Application mobile qui permet de connecter les chargeurs et les transporteurs pour mutualiser les livraisons Consigne automatique « Abricolis », consigne automatique et livraison en véhicules propres « Persocode », solution de contrôle Espace de petits stockages, consigne automatique Livraisons depuis un point de stockage mobile par vélo-cargo Mutualisation des espaces et des moyens à disposition Plateforme collaborative pour les livraisons chez les particuliers Plateforme en ligne de livraison Logiciel pour la rationalisation des flux Logiciel d'optimisation des flux et tournées Application Mobile pour les flux et livraisons Stationnement intelligent et guidage Logistique par barge fluviale Solution de transfert modal intégré « BIL », camion entrepôt Véhicule biodiesel avec système permettant la livraison en horaires décalés « Jump Log », palettes éco-construites Step Phoenix Mutualisation des flux Urbismart FM logistics en partenariat avec EGIS INSTAFRET Pickup Services (La Poste) InPost France, Colis Privé, NISSAN, The Green Link Stockage et consigne Spartime City-locker United Parcel Services Biocyle et Au pas de course Livraisons Voisins relais MPW transports CITODI Rationalisation des tournées GEOCONCEPT SHIPPED et Cereza Stationnement et aires de livraison Park 24 en partenariat avec EGIS Blue Line Logistics Cluster Logistique urbaine IDF Solution transport Libner Martin Brower (et Mac Donald France) Green Logistics 141 PARTIE 4 Ces différents projets montrent que se sont surtout les solutions concernant le transport et les outils informatiques d'optimisation des livraisons, tournées ou gestion de flux qui constituent le plus large panel. Les projets faisant appel à l'immobilier logistique sont au nombre de deux (Groupe Coursier et Step Pheonix). Il est intéressant de noter qu'il ne s'agit pas de projets portés par des acteurs de l'immobilier logistique traditionnel mais par un groupe de transport et une start-up spécialisée dans la logistique urbaine. Le concours « Réinventer Paris » accorde davantage de place aux projets immobiliers, notamment grâce à la mise à disposition du foncier préalable par la ville de Paris. En 2016, la ville de Paris a lancé un appel à projet sur les « Espaces Logistiques », visant à favoriser l'émergence d'espaces logistiques urbains de différentes tailles par la mise à disposition de foncier accessible à des coûts abordables aux opérateurs de logistique urbaine. Les sites retenus sont la porte de Champerret, les Halles (voir projet d'ELU présenté dans la section suivante), Porte de Pantin, passage Forceval (Porte de la Villette). Il est intéressant de noter que, pour pallier la difficulté de trouver un opérateur pour l'ELU que la Ville voulait mettre en place aux Halles afin de desservir le quartier Montorgueil, la Mairie a décidé de mettre l'espace au concours afin de lui redonner de l'élan et peut-être intéresser davantage d'acteurs. Le résultat des différents concours est aujourd'hui connu. La logistique urbaine, par l'intermédiaire notamment de Sogaris, foncière immobilière (SEM parisienne) et principal porteur de projets logistiques à Paris, a fait son entrée dans la programmation urbaine parisienne. Dans le cadre du concours « Les dessous de Paris », Sogaris a remporté le projet rue du Grenier-SaintLazare dans le 3e arrondissement avec son projet d'« immeuble inversé », ainsi que le réaménagement de la station-service Champerret pour en faire un espace logistique urbain associée à une livraison du dernier kilomètre effectuée par des véhicules propres. RÉINVENTER PARIS 2 - GRENIER-ST-LAZARE LA CONCIERGERIE DU COIN Lulu dans ma rue met en relation les habitants du quartier à la recherche d'un service et ceux qui ont un savoirfaire et du temps à proposer. LES BOÎTES DU GRENIER Sogaris Services propose un service de micro logistique urbaine dédiée aux particuliers. MON GRENIER PARTAGÉ Lulu dans ma rue anime un espace dédié à l'emprunt d'objets sur le modèle de l'économie collaborative. Un grenier d'objets atypiques et exceptionnels permet aux particuliers comme aux professionnels du quartier de profiter de l'un d'eux sur un temps déterminé au rythme de leurs envies et besoins. MA RÉSERVE DÉPORTÉE Sogaris Services propose un service de réserve tampon dédié aux commerçants du quartier avec des services de logistique / manutention / livraison / conditionnement associés. L'ESPACE À LA DEMANDE Ce service offre à la vie de quartier un espace d'expression temporaire. Une salle est dédiée aux réunions professionnelles et associatives. Sur les temps marqués de l'activité logistique, un espace plus vaste peut être mis à la disposition d'événements ponctuels comme un marché, une exposition, une conférence. Figure 43. Projet d'immeuble inversé, logistique de proximité commerçants et riverains (source : Sogaris, Syvil architecte, CSD & Associés, ARTELIA, Lulu dans ma rue, Les Sismo, SEMAEST, 15marches, K-Ryole, Stuart, 2019) 142 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Figure 44. Projet La Folie Champerret, espace logistique e-commerce (source : Sogaris, Daniel Vaniche & Associés, SemPariSeine, DVVD, Alto, CSD & associés, Emacoustic, Carrefour property, DHL, XYT, MVAW Technologies, 2019) Ces projets urbains marquent la concrétisation des ambitions de la ville de Paris en matière de distribution et de logistique urbaines. Ils sont de plus en plus nombreux et montrent l'intégration de ces nouveaux principes d'urbanisme dans la pratique locale, mais aussi l'implication des acteurs privés, des chargeurs et transporteurs dans ces innovations. Il est d'ailleurs intéressant de noter que si les années 1990-2000 ont vu la production immobilière logistique être externalisée et prise en charge par des promoteurs immobiliers, avec la logistique urbaine les chargeurs et transporteurs réinvestissent directement leurs décisions dans ces questions immobilières comme c'est le cas avec Chronopost et Beaugrenelle. L'utilisateur de l'espace logistique, ici le transporteur Chronopost, s'est beaucoup impliqué dans l'aménagement et la construction de l'espace logistique auprès de Sogaris. DIFFICILE ESSOR DE L'INNOVATION LOGISTIQUE URBAINE : DES EXPÉRIMENTATIONS LIMITÉES Nous proposons ici d'analyser une série d'expérimentations menées dans Paris ces dernières années. Cette section n'a pas pour but de proposer une évaluation économique de ces innovations urbaines logistiques parisiennes. Plusieurs études (Maes, 2015) montrent que très souvent ces solutions ne sont pas encore rentables et ne sont pas compétitives par rapport aux exploitations plus traditionnelles. De nombreuses expériences sur des solutions de transport urbain plus respectueuses de l'environnement ont été tentées au cours des dernières années. Le principal problème des réalisations en matière de logistique urbaine ne réside pas dans une carence en termes d'innovation, mais plutôt dans l'échec des modèles commerciaux durables, ce qui explique que la plupart des projets développés n'ont pas réussi à dépasser le stade de l'essai (Dablanc, 2012 ; Lindholm, 2013). Ces échecs liés au modèle économique montrent également les limites des outils de la puissance publique locale pour développer la logistique urbaine. Certaines innovations se développent par ailleurs très bien en dehors de toute intervention de la puissance publique : les points relais, les consignes automatiques, les livraisons instantanées et leurs applications numériques (Deliveroo...) par exemple. 143 PARTIE 4 L'essor d'un immobilier logistique urbain connaît des résultats mixtes. Il repose parfois (mais pas toujours) sur un effort de la puissance publique à dégager du foncier et il repose toujours sur une implication des acteurs privés de la logistique (chargeurs, transporteurs, promotion immobilière logistique), qui eux ne peuvent faire abstraction d'un modèle économique rentable au regard des investissements qu'ils consentent. Nous avons réalisé une typologie des différentes expérimentations menées en matière d'urbanisme logistique et de transport. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur des entretiens réalisés avec différents acteurs impliqués dans les projets. L'interview est l'outil principal utilisé pour recueillir des informations qualitatives sur les expérimentations de logistique urbaine, mais aussi sur les discours politiques et marketing associés à ces projets. Espaces logistiques urbains (ELU) La Ville a favorisé l'expérimentation des Espaces Logistiques Urbains (ELU) : celui de Beaugrenelle dans le 15e arrondissement de Paris et celui de Montorgueil dans le 2e. Ce type d'équipement doit permettre de recevoir des opérations de transfert de marchandises entre deux véhicules (« cross-docking »), en mettant à disposition des utilisateurs des moyens de manutention, des locaux sociaux ainsi que des places de stationnement pour des véhicules de recharge, s'il s'agit de véhicules électriques. La préparation des tournées doit être faite en amont (APUR, 2016). Le centre de consolidation des marchandises, aménagé en 2010 par Sogaris pour Chronopost (transporteur et chargeur spécialisé dans la messagerie, et notamment le colis), est souvent présenté comme l'archétype du projet de logistique urbaine réussi. Situé dans le 15e arrondissement dans le quartier de Beaugrenelle, ce site est composé de 3 000 m² répartis sur deux niveaux. Il assure la réception des colis et leur redistribution vers les villes de Vanves, Boulogne- Billancourt, Issy-lesMoulineaux et le 15e arrondissement. Cette expérience a été encouragée par la ville de Paris et a dû recevoir un certain nombre d'autorisations, notamment de l'Architecte des Bâtiments de France. Ce projet était techniquement compliqué notamment pour la circulation de poids lourds dans l'ELU, mais également au regard de son insertion dans le voisinage, les riverains étant, au début, assez opposés à une activité source de potentielles nuisances. Ces difficultés surmontées, l'ELU a pu ouvrir en 2013. Intégré au réseau Chronopost, l'ELU est directement lié à l'entrepôt de Chilly-Mazarin, situé en périphérie de l'agglomération parisienne, et permet une massification des flux au plus proche du lieu de consommation directement dans la zone dense. Une flotte de VUL (essentiellement opérés par des sous-traitants) comprenant quelques véhicules électriques (mais beaucoup moins nombreux que prévus au départ) se charge ensuite du dernier kilomètre et de la livraison des colis. D'après nos entretiens, cet ELU est rentable pour Chronopost qui considère cette expérience positivement. Le taux de véhicules électriques utilisés a progressivement baissé depuis l'ouverture du terminal : les soustraitants ne les trouvent pas pratiques à l'usage (ils ne peuvent pas les utiliser pour rentrer chez eux) et les estiment plus coûteux. Figure 45. UCC Beaugrenelle, avril 2014 (source : A. Heitz) 144 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Le centre de distribution urbaine de Montorgueil est un projet porté par la ville de Paris et ses partenaires, leur ambition étant d'expérimenter une nouvelle forme d'ELU au coeur de Paris, dans le cadre de l'objectif Livraison zéro diesel 2020. Cette ambition va être revue à la baisse au regard de l'infaisabilité de cet objectif. Situé sous le Forum des Halles, cet ELU se situe dans l'un des quartiers les plus denses de Paris et doit permettre la livraison des magasins situés dans le quartier de Montorgueil (figure 48). Les 600 m² mis à disposition doivent permettre la mutualisation des flux entre différents opérateurs. L'ambition de la ville de Paris était de proposer un nouveau modèle d'ELU qui implique différents opérateurs et transporteurs. La Ville voulait créer un cadre favorable à la mutualisation des livraisons de différents transporteurs. Mais nos entretiens avec certains transporteurs ont révélé que l'espace proposé par la ville de Paris était trop restreint pour imaginer une implantation dans une zone où les loyers sont très élevés, d'autant plus pour une activité logistique. Ces opérateurs craignent d'être dépendants des aides publiques pour être rentables. Figure 46. CDU Montorgueil, avril 2015 (source : A. Heitz) Ces exemples démontrent la volonté des différents acteurs publics et privés d'expérimenter, sur des sites pilotes, les conditions techniques, financières et réglementaires pour développer des solutions de logistique urbaine. Paris déjà identifié par certains comme « laboratoire urbain de la mobilité » (Tironi, 2012) par ses expérimentations sur le vélib et autolib a entendu poursuivre cette pratique de l'aménagement avec la logistique. Denis et Urry (2009) laissent entendre que le système « postautomobile » requiert des « expérimentations et innovations de rupture », de manière à essayer différentes formes de mobilité et d'organisation urbaine plus respectueuses de l'environnement, mais nous nous demandons plutôt si ce ne sont pas les innovations « invisibles » (Dablanc, 2019) qui doivent plutôt être développées : celles qui ne font pas la première page des médias locaux mais qui ont une influence souterraine et structurante, comme un meilleur contrôle des règles de circulation, stationnement et Crit'Air par exemple. La ville de Paris cherche à s'inscrire dans cette dynamique. Aujourd'hui, le recours à l'expérimentation est récurrent. La Ville se transforme ainsi en un « laboratoire » d'essais et d'analyses, mais les résultats n'apparaissent pas encore à la hauteur des efforts municipaux consentis. Il est intéressant d'analyser de manière systématique les effets de ces processus de « laboratisation urbaine », par l'examen des éléments qui sont expérimentés et des formes d'actions politiques qui en découlent. Les limites de ces expérimentations montrent que la logistique urbaine innovante, telle qu'elle est célébrée aujourd'hui, ne constitue pas encore un modèle économique efficient pour les acteurs du secteur de la logistique. Néanmoins, ces expérimentations sont particulièrement intéressantes pour nous éclairer sur l'action publique et son rapport aux acteurs privés dans la mise en oeuvre de la logistique urbaine. 145 PARTIE 4 Hôtels logistiques : le cas de Chapelle International En 2010, la SNEF (filiale de la SNCF chargée de la valorisation du foncier à céder du groupe) lance un appel d'offre pour la construction d'une halle logistique où du tertiaire pouvait être aménagé dans le nord du 18e arrondissement. Sogaris répond en proposant un projet d'aménagement situé le long du faisceau ferroviaire gare du Nord de 45 000 m² (surface totale, pour une empreinte foncière de 10 000 m2). Sogaris remporte l'appel d'offre en 2011 avec le concept d'hôtel logistique (entrepôt multiétage, multiusage, multimode). Ce concept est développé par Sogaris depuis plusieurs années et entre pour la première fois dans une phase de réalisation avec Chapelle. Il s'agit d'un bâtiment où vont cohabiter plusieurs types d'activités avec principalement de la logistique, mais aussi d'autres activités comme du tertiaire et des équipements publics ou encore des commerces, soit 900 logements et 80 SOHOS (small office home office, des espaces qui combinent lieux de travail et de logements). Le but recherché par cette cohabitation est de faire supporter une partie du coût du bâtiment et du foncier, en général élevé, à ces autres activités qui sont un peu plus lucratives que la logistique. Cette stratégie basée sur une péréquation doit permettre à la logistique de revenir en milieu urbain à un coût acceptable pour elle. Ce projet d'hôtel logistique (prévu par la charte marchandises de 2013) constitue une double expérimentation pour la ville de Paris ; d'abord elle teste le concept d'hôtel logistique et ensuite elle teste l'utilisation du ferroviaire pour le transport de marchandises. Le terminal ferroviaire urbain (TFU) a nécessité beaucoup de travail et d'innovations comme la commande de ponts roulants spécifiques et de conteneurs adaptés. L'impossibilité d'utiliser des techniques standard a surenchéri le coût du projet. Le bâtiment ouvert en juin 2018 possède un embranchement au fer (terminal ferroviaire urbain), un sous-sol pour accueillir un EUD (Espace Urbain de Distribution), des bureaux et des commerces en façade, un data center (sa présence est expliquée par la proximité du bâtiment avec « l'autoroute européenne des fibres optiques » et la double alimentation assurée par ERDF) et des espaces aménagés pour la ville de Paris à destination du public (ferme urbaine, terrains de sport). Le bâtiment, inauguré en 2018, est aujourd'hui en service. Figure 47. Entrée du terminal ferroviaire urbain (source : A. Heitz, 2019) Sogaris a d'abord sélectionné Dourges comme base amont, depuis laquelle pourrait être chargé le train. Située à 200 km de Paris dans la région des Hauts-de-France, elle concentre de grandes plates-formes logistiques de potentiels grands comptes comme Castorama ou Carrefour qui représentent d'importants clients potentiels pour l'utilisation de ce TFU. Chaque navette (traction ferroviaire réalisée par Eurorail) pourrait transporter 60 caisses mobiles. Les marchandises pourraient ensuite être distribuées par des véhicules à motorisations alternatives au diesel comme le gaz (GNV). Cette solution aurait pu contribuer notamment à la réduction de l'usage du diesel en ville pour le transport de marchandises, avec en moyenne 30 camions en moins chaque jour dans les rues de Paris. La commercialisation du train a cependant, depuis 2017, subi plusieurs revers. Elle n'est pas encore effective à la mi 2019 et une partie de l'espace ferroviaire est louée à un groupe de messagerie express. 146 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Figure 48. Terminal ferroviaire urbain et centre de distribution urbaine opéré par DPD, Chapelle International (source : A. Heitz, 2019) Sogaris a acheté 2,4 ha de terrain à un prix inférieur au coût du foncier parisien parce que la ville de Paris a modifié son PLU afin de permettre à l'aménageur, sur le reste de l'emprise, de construire plus haut que le PLU ne le prévoyait initialement. Concrètement, la limite fixée par le PLU était à 37,5 m, la ville de Paris a déplafonné à 50 m de haut pour compenser le manque à gagner sur la partie logistique (à noter que le bâtiment est en grande partie souterrain, seuls 9 mètres se situent au-dessus de la surface du sol). Le PLU a également été modifié pour faire passer le terrain d'emprise de l'hôtel logistique du statut de zone urbaine de grand service urbain (UGSU), qui ne permettait pas de mixer les activités à l'intérieur d'un même bâtiment, au statut de zone urbaine générale (UG) qui l'autorise. Le résultat est un bâtiment mixte qui accueille des activités logistiques et d'autres activités. Les loyers issus des bureaux devraient compenser les pertes des loyers issus de l'exploitation logistique. La faiblesse du loyer du bâtiment (70 /m²/an et 120 /m²/an pour les surfaces logistiques en sous-sol en 2016) permet à l'hôtel logistique de proposer un espace logistique relativement compétitif au regard de sa localisation et de son prix. LIMITES DE CES EXPÉRIMENTATIONS Si le concept de la logistique urbaine innovante a commencé à être intégré dans les politiques publiques qui cherchent à promouvoir le développement d'alternatives pour optimiser les flux de marchandises en milieu urbain dense, il est fortement critiqué en raison des limites que ces solutions rencontrent. Limites financières La ville de Paris n'a jamais expérimenté de centre de distribution urbaine (CDU), forme particulière des ELU dans le sens où les derniers kilomètres et les livraisons sont mutualisés. Connecté à d'autres centres de distribution en périphérie, un CDU permet d'optimiser les tournées, les flux de marchandises dans l'espace urbain. Selon Lin, Chen et Kawamura (2014), il existe des avantages environnementaux liés à l'utilisation de CDU lorsque celle-ci est optimisée par la massification. En théorie, il existe également des avantages liés aux coûts puisque les CDU permettent d'optimiser et réduire le stockage dans les zones denses. Un CDU peut fournir des services à valeur ajoutée à ses clients tels que le stockage, l'emballage et l'étiquetage des envois (Browne et al., 2010). Ces solutions de logistique urbaine répondent aux principaux enjeux mentionnés précédemment (externalités négatives du transport de marchandises, mixité). Ces projets rencontrent pourtant un certain nombre de difficultés liées à leur développement en milieu urbain dense et surtout à leur coût (et leur prix d'usage). Ces études de cas démontrent la difficulté pour ces projets à émerger et surtout à perdurer. Un CDU a besoin d'un soutien de la puissance publique en termes d'encadrement, 147 PARTIE 4 de subventions et plus globalement par l'association entre les acteurs publics et les acteurs privés du transport et de la logistique (Panero et al., 2011). Si nos différentes monographies tendent à démontrer la volonté des différents acteurs à s'impliquer et à s'investir dans la programmation urbaine de la logistique, elles démontrent également l'absence de modèle reproductible à grande échelle et la difficulté de généraliser ces expérimentations. De nombreux projets d'ELU ont été estimés financièrement indépendants sur une perspective à moyen ou à long terme, mais beaucoup ont échoué dans cet objectif. Ville et al. (2013) ont identifié un petit nombre d'ELU financièrement viables, tels que Padoue et Parme en Italie. La littérature s'accorde à dire aujourd'hui que ce qui fait défaut n'est pas l'innovation mais bien le modèle économique. Un certain nombre de projets ont échoué et n'ont pas dépassé le stade de l'expérimentation (Lindholm, 2013). Si la logistique urbaine offre à la ville un terrain d'exploration nouveau, elle permet à travers ces expérimentations d'interroger les pratiques en matière de production urbaine et de gouvernance. Le bilan semble ici mitigé, constat partagé par les différents acteurs rencontrés. La programmation de la logistique n'a effectivement pas tout à fait dépassé le stade expérimental dans le cadre de la métropole parisienne. Répétons cependant que nombre d'innovations de logistique urbaine purement privées représentent un formidable succès, mais elles ne sont pas toujours reconnues par les municipalités, qui peuvent y voir même des activités à réguler voire à combattre, en raison de leurs impacts négatifs : consignes automatiques sur l'espace public qui génèrent un encombrement des trottoirs ou des gares, plateformes numériques de livraisons instantanées qui utilisent des coursiers livreurs autoentrepreneurs aux conditions de travail précaires. Dans une récente étude, des auteurs (Kin, 2016) interrogent la durabilité de certaines expérimentations de logistique urbaine au-delà du soutien financier des collectivités locales. En prenant l'exemple du CDU d'Anvers, les auteurs calculent le coût social de cette expérimentation. Leur conclusion est qu'une expérimentation de ce type à petite échelle pendant la période pilote n'est pas une option pour le secteur privé car les gains ne couvrent pas l'investissement de départ. Les auteurs estiment que dans le cas du CDU d'Anvers celui-ci commencera à produire un bénéfice lorsque le volume actuel augmentera de près de 80 %. La fragilité économique de ces expérimentations tient en grande partie grâce aux soutiens financiers des acteurs publics. Comme nous l'avons vu dans ces quatre expérimentations, toutes celles qui ne bénéficient pas d'un appui de la puissance publique ont cessé leur activité (The Green Link, Vert chez Vous, train Monoprix sur la Halle Gabriel Lamé avec Samada). Pour certaines de ces expérimentations, l'absence de rentabilité économique pose la question plus large de la rentabilité d'un immobilier logistique en zone dense. L'externalisation logistique a créé un marché d'immobilier locatif qui fixe le prix de loyer. Les travaux de recensement des prix de référence indiquent qu'un mètre carré d'entrepôt est loué aux alentours de 100 au bord de Paris et dans certains endroits de la première couronne parisienne. Pour être financièrement viables, des locaux implantés au coeur de Paris ne peuvent pas excéder excessivement les prix de la première couronne. Il apparaît qu'un produit d'immobilier logistique ne peut être concurrentiel qu'en alignant ses caractéristiques de prix et de services sur celles des autres produits d'un même bassin logistique. Ce n'est qu'après cet alignement que la localisation devient un avantage compétitif. Ces ELU doivent donc intégrer la logique financière du marché immobilier logistique. L'échec de certaines expériences que nous avons citées précédemment tient également à ce défaut de rentabilité du modèle économique par rapport au coût du foncier. Dans les métropoles, l'immobilier logistique est en concurrence avec les programmes immobiliers de logements et de bureaux. Il l'est d'abord d'un point de vue économique et ce sont encore des mécanismes fonciers qui sont à l'oeuvre. La valeur d'un terrain correspond à son potentiel de construction. Ce qui signifie que le propriétaire d'un terrain qui cède ce dernier à un promoteur tient compte de la plus-value que le promoteur peut réaliser lorsqu'il vend le bâtiment. Cette plus-value est estimée à partir de la localisation du terrain, mais aussi des droits à construire que le PLU accorde à ce terrain. 148 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Or, en première couronne, le loyer annuel d'un mètre carré est proche de 100 à l'année et ne permet pas à une foncière de se porter acquéreur d'un tel terrain, alors que l'immobilier de bureau permet d'obtenir des loyers qui vont du triple à l'octuple. Dans le cas de la construction d'un bâtiment logistique, il faudrait que le propriétaire cède le terrain à un prix bien moins élevé que le prix du marché, au regard de la pression foncière, pour qu'un acquéreur se décide. Il reste que les activités logistiques n'ont pas les moyens financiers de s'implanter en coeur d'agglomération au prix du marché actuel. Les aides financières des acteurs publics sont souvent nécessaires pour acquérir du foncier au coût réel du marché. Dans le cas de Chapelle International, au-delà du surcoût lié au foncier pour un tel projet, le bâtiment lui-même représente un investissement de taille. Le TFU de l'hôtel logistique à Chapelle International a, semble-t-il, coûté 77 millions d'euros à Sogaris. Afin de réduire les coûts, Sogaris a bénéficié de cinq millions d'euros d'aides d'État dans le cadre des projets d'investissement d'avenir. L'amortissement du bâtiment est prévu sur quinze ans (la durée moyenne pour un entrepôt est de vingt ans, vingt-cinq ans pour des bureaux). Cela signifie que la perte de valeur de ce bâtiment logistique est plus rapide dans le cadre de l'immobilier logistique en zone dense qu'ailleurs. Sogaris estime la durée de vie du bâtiment à quarante, soixante ans. Mais elle envisage déjà l'inadaptation du bâtiment à la demande future et les besoins de réaménagements entre-temps (Heitz, 2017). Limites posées par les contraintes techniques et réglementaires D'autres contraintes viennent peser sur ces expérimentations de logistique urbaine dans Paris, qui rendent la généralisation de ces expériences plus compliquée. Des contraintes techniques d'abord, comme par exemple dans le cas de Chapelle International, puisqu'à l'origine, Sogaris prévoyait de placer la porte d'entrée du TFU au nord, car le train de fret arriverait par là. Les contraintes spécifiques du faisceau ont obligé Sogaris à aménager une porte d'entrée au sud du bâtiment, ce qui a tendance à compliquer l'exploitation opérationnelle du TFU. Par ailleurs, la commercialisation des surfaces a aussi modifié de façon importante la programmation. Si à l'origine Sogaris envisageait de construire la plus grande centrale électrique solaire de Paris sur le toit du bâtiment, la mairie de Paris a souhaité bénéficier du sursol pour y implanter des espaces publics (terrains de sport et ferme urbaine), en passant par un projet urbain partenarial (PUP) avec l'aménageur, ce qui a par ailleurs provoqué des surcoûts de structure puisque plus de poids devait être supporté par les fondations. Les futurs locataires ont aussi négocié des aménagements spécifiques avec Sogaris alors que les procédures de demande d'autorisation avaient déjà été déposées par la foncière auprès de l'administration, entraînant des longueurs administratives supplémentaires. Dans le cas de Beaugrenelle d'autres contraintes techniques sont apparues. Comme il s'agissait de réaménager un ancien parking souterrain, il a fallu organiser l'espace en fonction de l'existant. Par ailleurs, le bâtiment étant classé par les Architectes des Bâtiments de France, le réaménagement de l'espace a été complexe. Une autre contrainte réglementaire pèse sur les projets immobiliers de la logistique urbaine. Les entrepôts sont soumis à une réglementation ICPE lorsque transitent au moins 500 tonnes de marchandises par jour. Or, l'hôtel logistique de Chapelle International ne devrait pas connaître de tels volumes et ainsi aurait pu ne pas être soumis à la réglementation ICPE. Mais les installations techniques comme le groupe électrogène et le data center ont fait entrer le bâtiment dans la catégorie ICPE. Cette catégorie est très contraignante en matière de construction. De plus, ce bâtiment accueille d'autres fonctions que la logistique et est de ce fait soumis à la réglementation des ERP (Établissements Recevant du Public). Les pompiers ont imposé à Sogaris une augmentation des surfaces de désenfumage, des escaliers et des issues de secours supplémentaires, notamment pour le sous-sol qui s'est calé sur les niveaux de sécurité imposés aux ERP. Les normes du sous-sol sont donc très restrictives par rapport aux activités localisées dans cette partie du bâtiment. Le processus de commercialisation a transformé la destination du sous-sol, à l'origine plutôt orientée vers la messagerie, vers une activité de grossiste alimentaire à destination des professionnels. Cet ajout d'équipements de sécurité supplémentaires s'est traduit par une augmentation des dépenses liées à la structure du bâtiment. 149 PARTIE 4 Les servitudes liées à la localisation à proximité directe des faisceaux ferroviaires et les travaux de dépollution, qui se sont étalés de 2011 à septembre 2015, date d'achat du terrain, ont largement pesé sur la construction du bâtiment. L'ensemble complexe que représente ce projet peut participer d'un certain scepticisme autour de la réalité opérationnelle d'une implantation logistique intermodale en milieu urbain dense. L'enjeu autour de ce projet dépasse donc sa condition d'expérimentation et devient également une vitrine qui doit permettre de convaincre les opérateurs et les promoteurs immobiliers de la durabilité et de l'efficacité de ce type d'investissement. D'autres limites mériteraient d'être analysées, par une évaluation environnementale de ces dispositifs et de leur impact sur la réduction effective ou non des émissions de CO2 et autres polluants dans les villes. Limites du modèle à l'épreuve du temps En dehors de Paris, on compte plusieurs expérimentations menées dans diverses villes, dont certaines de notre échantillon. Certaines sont anciennes : en 1990, les autorités publiques d'Aix-en-Provence se posent la question de mieux optimiser les flux de marchandises à l'intérieur de la ville et développent un projet de CDU mutualisé (Dablanc et Massé, 1996). Ce projet n'a pas été mené jusqu'au bout et a été suspendu. Une situation similaire peut s'apprécier à Strasbourg, qui a proposé le premier CDU multimodal en utilisant la gare ferroviaire fret SNCF de la capitale alsacienne. Le projet a été arrêté en 2002 suite à la sortie de l'opérateur ferroviaire du projet. D'autres projets de CDU ont été tentés à Toulouse, où le projet n'a pas été mené dans sa totalité, et à Montpellier. D'autres types d'espaces logistiques urbains en France sont apparus, comme les Espaces de Livraison de Proximité (Bordeaux et Rouen), petites plates-formes urbaines, parfois mobiles, pour l'organisation des livraisons en centre-ville, ou les systèmes de livraison propres, comme La Petite Reine ou Colizen, qui s'appuient sur des petites plates-formes logistiques en zone dense des aires urbaines. Enfin, des plates-formes de massification de type CDU mono-utilisateur ont été tentées aussi, notamment à Paris avec les expériences de Chronopost, Monoprix et Natoora (Gonzalez-Feliu et al., 2013). Il existe également un ELU à Lyon, situé à Cordeliers. Il s'agit d'un CDU privé opéré par Deret logistique mais soutenu par la communauté d'agglomération. À Saint-Étienne il existe un CDU multiopérateur mis en place par la Ville et la FNTR qui, après deux ans d'études de faisabilité, a été construit puis mis en service en juin 2013. Il a fermé en 2017 après quatre ans d'expérimentation faute de rentabilité du dispositif. Enfin, il existe un CDU à Monaco opéré depuis plus de vingt ans (Interface Transport, 2004 ; Paché, 2010). LE CAS DE STRASBOURG La ville de Strasbourg dispose actuellement de deux espaces de proximité. Elle compte développer des espaces logistiques en périphérie, non sans problèmes. « On a deux services privés qui se sont mis en place suite aux évolutions réglementaires de la municipalité. Cela fait plusieurs années qu'on travaille dans le cadre d'une concertation, on a étudié la faisabilité économique du CDU, on n'a pas trouvé de modèle ni de leader pour porter le projet » (chargée de stratégie logistique urbaine, Strasbourg Eurométropole). 150 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville LE CAS DU CDU DE LA ROCHELLE En 1998, dans le cadre du projet européen ELCIDIS (ELectric City DIstribution System), la communauté d'agglomération de La Rochelle a décidé de mettre en place un CDU afin de protéger le centre historique de la ville. À l'origine du projet, la communauté d'agglomération de La Rochelle s'est associée à la CCI, à la Société du commerce rochelais, à des transporteurs et au Programme National Marchandises en Ville (PREDIT, 2005 ;Gonzalez-Feliu, 2013). Un ancien entrepôt situé en périphérie immédiate du centre-ville de La Rochelle a été utilisé pour permettre de distribuer les 1 300 commerces à l'aide de véhicules électriques. La phase d'expérimentation a commencé en début d'année 2001. Cette expérimentation a reçu des aides financières européennes et de la ville de La Rochelle. La communauté d'agglomération (CdA), le conseil régional, la CCI et l'ADEME ont également soutenu le projet financièrement. La Ville est devenue propriétaire du matériel : ensemble du parc roulant (six fourgonnettes de type Berlingo électrique et un véhicule électrique de plus de 3,5 tonnes), matériel de manutention et matériel informatique. La limite majeure de ce projet s'est très vite révélé être l'équilibre financier difficile à atteindre (Malhéné et Breuil, 2010). Depuis 2006 et à travers le projet européen CIVITAS SUCCESS, la CdA a décidé de confier l'exploitation de ce service à Veolia Transport, via sa filiale PROXIWAY, dans le cadre d'une délégation de service public (première du genre, et à notre connaissance la seule en France voire dans le monde...), afin de pérenniser le système et permettre de nouveaux développements. PROXIWAY assure donc la gestion d'ELCIDIS et en plus de deux autres services : LISELEC (véhicules électriques en libre-service) et une navette électrique entre un parking relais et le centre-ville (Trentini et Malhéné, 2010). Cet exemple de La Rochelle prouve à nouveau que le modèle économique et financier de ces expérimentations n'est pas encore au point empêchant la généralisation et la systématisation de l'expérience. Le CDU de La Rochelle est opérationnel depuis plus de quinze ans, mais devrait prochainement fermer. La délégation de service public en cours depuis 2011 arrive bientôt à échéance, par ailleurs l'entrepôt qui abrite aujourd'hui le CDU devrait être démoli dans le cadre d'un nouveau projet urbain autour de la gare (Le courrier des maires, 01/10/2018, article de N. Cruz (5) ). Le cas du CDU de La Rochelle est particulièrement intéressant, car il permet d'observer sur le temps long les difficultés rencontrées par les pouvoirs publics locaux dans la mise en place de ces projets. Depuis plusieurs années déjà et après plusieurs évaluations, les acteurs publics locaux s'interrogent sur la pérennité du CDU. Le dernier procès-verbal du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de La Rochelle entérine la fin du CDU. En 2014, la communauté d'agglomération est devenue compétente en matière de mobilité (AOM) et a décidé de mettre en oeuvre une stratégie pour les marchandises : Historiquement, la CdA de La Rochelle est intervenue dans la politique de logistique urbaine par la biais d'un projet européen Elcidis qui a contribué à la mise en place d'un centre de distribution urbaine (CDU) avec un opérateur équipé de véhicules électriques afin de réaliser le dernier kilomètre de livraison sur le centre-ville de La Rochelle. Cette action a été pérennisée via un contrat de délégation de service public, confié à Proxiway pour une période longue (1er novembre 2006 ­ 31 octobre 2018). En 2016, en anticipation de la fin du contrat d'Elcidis, la CdA s'est engagée dans une réflexion plus globale pour arriver à la formalisation d'une feuille de route sur la logistique urbaine et le transport de marchandises. Cette démarche s'inscrit également dans le cadre du projet Européen Urbact Freight Tails, et a été cofinancée par ce programme (PV conseil communautaire, 20 septembre 2018). (5) http://www.courrierdesmaires.fr/77374/la-rochelle-change-son-fusil-depaule-et-revoit-son-dispositif-de-controle/ 151 PARTIE 4 La communauté d'agglomération de La Rochelle a fait le bilan de ces années de délégation de service public, a réalisé un diagnostic des besoins logistiques de son territoire et entrepris une nouvelle politique basée sur la concertation avec les entreprises de transport locales. Cette politique se décline en trois axes : 1) mettre en place une nouvelle réglementation pour le centre-ville « plus lisible, plus simple et qui favorise progressivement l'accès aux véhicules de livraison faiblement émissifs pour arriver d'ici à l'horizon 2025 à 100 % des livraisons en véhicules (supérieurs à 3,5 tonnes) faiblement émissifs sur le centre-ville » ; 2) inciter à la mutualisation des flux en amont du centre-ville, « plusieurs acteurs du TMV disposent d'un projet de plateforme de mutualisation avec une localisation pertinente par rapport au centre-ville (sur les axes d'entrée sur La Rochelle en amont de la rocade) et s'orientent vers des véhicules faiblement émissifs. Il est ainsi proposé de favoriser leur mise en relation afin qu'ils cherchent des optimisations supplémentaires de flux de marchandises. Devant l'existence d'acteurs économiques sur le territoire, l'implication de la collectivité via un contrat de délégation de service public n'est donc plus justifiée. Il est proposé de ne pas prolonger ni renouveler le service Elcidis au-delà de la fin du contrat (octobre 2018) mais de s'appuyer sur les transporteurs locaux pour les livraisons du dernier kilomètre en véhicule faiblement émissifs » ; 3) favoriser des projets innovants et propres en matière de logistique urbaine. Cette disposition a été adoptée à la majorité lors du conseil communautaire. Le cas de La Rochelle montre que les expérimentations menées en matière de CDU, peu concluantes au regard de leur rentabilité économique et financière, incitent les pouvoirs publics locaux à ne pas les prolonger. Ceux-ci se recentrent sur leurs compétences premières, comme la réglementation pour agir sur le transport de marchandises et la logistique plutôt que de passer par une solution immobilière plus coûteuse et incertaine, surtout pour une petite agglomération. Par ailleurs, on note la volonté des acteurs publics de se reposer davantage sur le secteur privé pour initier ce type de projet. Après s'être investi pour l'exemple, la puissance publique estime avoir joué son rôle de moteur mais n'a pas vocation à pérenniser ce service public. Cela interroge d'autant la possibilité de faire des CDU un service public. LE CAS DE BORDEAUX En ce qui concerne la métropole de Bordeaux, il s'agit d'une initiative des acteurs privés. « C'est un travail que nous menons. Nous ne développons pas ni mettons en place ces initiatives, mais c'est plutôt de la compétence du privé de les mettre en place. » La ville de Bordeaux se voit comme un régulateur ou un facilitateur : « En revanche, notre but c'est de faciliter leur implantation, aujourd'hui on a deux entreprises qui exploitent des espaces logistiques urbains et donc notre rôle a été de les accompagner à leur installation, de les mettre en relation pour trouver des locaux adaptés. Mais aussi être facilitateur pour que les professionnels puissent s'implanter. » La métropole de Bordeaux a par exemple aidé à trouver des places de parking public pour développer des espaces de logistique urbaine. La métropole de Bordeaux a réalisé de nombreuses expérimentations. La première, précédemment citée, a aidé des livraisons nocturnes via l'utilisation de véhicules silencieux. Une deuxième a tenté de mutualiser les flux. La troisième consistait à implanter des espaces logistiques de proximité : « On a fait aussi des expérimentations d'espaces logistiques de proximité dans le cadre de travaux de voirie pour mettre en place un nouveau tramway » (Direction Circulation et Stationnement, Bordeaux Métropole). 152 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Figure 49. Espace Logistique de Proximité, non loin du chantier du tramway (source : Bordeaux Métropole) La Métropole a donc aidé les commerces et livreurs à accéder plus facilement à la zone de travaux. La dernière expérimentation consiste à soutenir les solutions organisationnelles et technologiques des transporteurs privés en cédant certaines compétences à des opérateurs privés. « On est en train de lancer des expérimentations sur le stationnement et l'arrêt pour les livraisons en dédiant de l'espace public à des opérateurs privés » (Direction Circulation et Stationnement, Bordeaux Métropole). Ces expérimentations se font en concertation avec les partenaires privés, parfois à l'initiative des collectivités et des partenaires publics. « Soit c'est nous qui avons souhaité avoir un travail sur un sujet particulier et donc on a sollicité des partenaires privés pour le mettre en place ou accompagner une démarche. Soit c'est l'inverse, afin de mettre en place des nouvelles pratiques, des nouvelles dispositions on les a accompagnés » (Direction Circulation et Stationnement, Bordeaux Métropole). La métropole de Bordeaux, contrairement aux autres, possède une instance de gouvernance de la logistique urbaine co-pilotée entre Bordeaux Métropole et la CCI Bordeaux-Gironde, qui permet grâce à la concertation et au dialogue d'aboutir à des projets qui fonctionnent. « On a une très bonne entente donc du coup, on arrive assez facilement à dialoguer et à mettre en place des solutions qui conviennent à tous finalement. Qu'elles soient à l'initiative de la collectivité ou des partenaires privés, il y a pas mal de synergies qui sont trouvées grâce à ça » (Direction Circulation et Stationnement, Bordeaux Métropole). 153 PARTIE 4 LE CAS D'ORLÉANS La métropole d'Orléans n'a quant à elle pas encore réalisé d'expérimentation, mais il est prévu d'en réaliser, principalement sur le renouvellement de la flotte de véhicules. L'utilisation d'outils connectés permettant une meilleure connaissance sur la disponibilité des places est actuellement expérimentée : « On expérimente à proximité de la gare du stationnement connecté qui permet de savoir en temps réel la disponibilité des places. Nous ferons pareil pour les places de livraisons. » Grâce à ces expérimentations, il a été permis de corriger certains problèmes liés aux livraisons. « On a remis à niveau les places de livraison, leur localisation, leur dimensionnement » (chargée de mission Mobilités et PDU, Orléans Métropole). La dernière expérimentation consiste à ouvrir les places de livraison à tous l'après-midi. Ces expérimentations ont été réalisées comme pour la métropole bordelaise en concertation avec des acteurs privés de la logistique ou encore des entreprises portées sur l'innovation : « On s'est concerté avec les principaux logisticiens et entreprises de livraisons de la métropole et avec les associations de commerçants. On travaille également avec une start-up qui développe du stationnement connecté » (chargée de mission Mobilités et PDU, Orléans Métropole). L'implantation d'espaces logistiques urbains tels que les BLU (Boîtes Logistiques Urbaines), les CDU, les ELP ou encore les ELU a été projetée. Mais suite à une concertation avec les commerçants, associations de commerçants, clients, il en est sorti que l'offre en centre urbain est suffisante : « Ils n'ont pas de besoins particuliers de centres urbains complémentaires en fait. » La stratégie se focalise donc sur un développement des consignes et des triporteurs. Concernant la mixité fonctionnelle en ville, contrairement à Bordeaux, la métropole y est moins exposée. Tout d'abord les livraisons se font dans les heures creuses, c'est-à-dire entre 9h00 et 11h00 : « Ce n'est pas l'heure de pointe ou celle où on dépose ses enfants ni l'heure de pointe où on va dans les commerces donc ça se passe plutôt bien. » En revanche dans les zones d'activités logistiques, il n'y a pas de mixité fonctionnelle en raison des fonctions présentes dans ces zones. « Dans les zones d'activités, le problème est qu'il n'y a pas de mixité fonctionnelle, ce sont seulement des fonctions économiques et c'est plus problématique parce que même si les horaires sont décalés pour le transport de marchandises ça reste très contraint » (chargée de mission Mobilités et PDU, Orléans Métropole). LA COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION DE LENS-LIÉVIN (CALL) La CALL n'a pas réalisé d'expérimentations. Une étude a été menée sur l'autoroute A21 sur la création d'un échangeur dans les zones d'activités congestionnées mais n'a pas été portée car non prioritaire. « Nous n'avons pas le temps, par ailleurs nous sommes davantage sur un schéma de développement classique car on ne rencontre pas les problématiques de congestion que peuvent rencontrer les grandes métropoles. Pour nous, aujourd'hui l'impératif c'est le développement économique et le chômage » (cheffe de projet mobilité/ déplacements, communauté d'agglomération de Lens-Liévin). 154 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Ces différents cas illustrent bien l'hétérogénéité de l'action publique au regard de ces expérimentations, qui prennent des formes différentes selon les villes. La seule volonté de l'acteur public et sa capacité à mobiliser des acteurs privés autour de ces projets sont déterminantes dans la mise en oeuvre de ces expérimentations. À quelques exceptions près, ces études de cas montrent bien la limite des plus petites villes ou intercommunalités à innover en matière de transport de marchandises et de logistique urbaine. Cette dernière semble être aujourd'hui un concept plutôt réservé aux plus grandes métropoles. Mais ces dernières ne connaissent pas de taux de succès très élevé lorsqu'elles prennent directement l'initiative d'expériences de logistique urbaine. Finalement, ce sont surtout les initiatives privées qui se développent, et pas toujours dans le sens espéré ou voulu par les municipalités : nous reprenons notre propos précédent sur les ambiguïtés du développement d'innovations liées aux livraisons du e-commerce (consignes, points relais, livraisons instantanées). Gageons que dans le futur, les développements liés aux modes automatiques ­ drones, robots terrestres, camions et camionnettes autonomes ­ feront l'objet de la part des municipalités du même type de réaction contrastée : méfiance mêlée d'espoir, laisser-faire et volonté de réguler, voire d'interdire. 155 NOTES SECTORIELLES 2 Urbanisme et aménagement La gouvernance urbaine tâtonnante du transport de marchandises et de la logistique 1 Une multiplication des acteurs impliqués, une gouvernance complexe S'il n'y a pas de compétences « fret » ou « logistique » à proprement parler, on note la montée de ces questions dans la planification des territoires. Cette dernière correspond à la capacité des acteurs publics à produire une vision pour leur territoire, à organiser des programmes (projets urbains, projets de transports) et des investissements, et enfin à produire des règles pour réguler le sol et organiser les activités et les populations sur le territoire. Plusieurs acteurs disposent de cette capacité de planification, à différentes échelles : les communes avec le PLU, les intercommunalités avec le PLUi, le SCoT et le PDU et enfin les régions avec les SRADDET. Chacun de ces acteurs agit en fonction de ses intérêts propres. Les communes disposent en plus du pouvoir de police qui leur permet de réguler l'espace public, la voirie et la circulation. Aujourd'hui la question du fret et de la logistique a pénétré tous ces échelons. Bien que certaines villes n'intègrent ces questions qu'à la marge, le SCoT, le PDU ou même le SRADDET peuvent prendre le relais sur ces questions et ainsi progressivement influencer ces communes à intégrer ces questions. Outre l'État, les régions et départements, EPCI et municipalités, il faut aussi noter l'importance des acteurs de l'aménagement du territoire dans le processus d'élaboration de ces documents, comme les agences d'urbanisme, les pôles de compétitivité, les syndicats, mais aussi des acteurs de la vie économique (CCI, observatoire économique ou conseil de développement économique, représentant d'entreprises de transport, etc.), et enfin des acteurs de l'environnement (associations environnementales). On assiste donc à une complexification de la gouvernance de la logistique et du transport de marchandises par la multiplication des acteurs impliqués dans le processus de planification. L'enjeu essentiel réside alors dans la répartition des compétences, entre la planification et la réglementation. Si la planification résulte d'un exercice concerté, la réglementation ­ notamment à l'échelle locale ­ reste encore largement effectuée par les communes. Par ailleurs, le fret et la logistique ont pénétré tous les échelons, la collaboration effective entre les acteurs autour de ces objets reste tâtonnante, conduisant parfois à une perte de cohérence et de lisibilité de la politique logistique et transport de marchandises pour l'ensemble des acteurs. À noter que les situations sont différentes selon les villes comme nous le verrons dans la partie sur la typologie. Face à cette gouvernance complexe, la question de l'échelon pertinent est toujours posée. En ce qui concerne la planification, nous souhaitons ici souligner l'importance de la complémentarité des échelons. En effet, nous avons vu que les plus petites communes, les petites et moyennes agglomérations n'ont pas forcément les ressources, l'ingénierie pour intégrer à l'échelon local les questions de transport de marchandises et de logistique. Les échelons supérieurs, sans intervenir dans la pratique locale garantissent une prise en compte de ses enjeux. En ce qui concerne la 156 NOTES SECTORIELLES 2 Urbanisme et aménagement réglementation on peut en effet penser que l'harmonisation des réglementations dans les territoires des PTU ou des intercommunalités faciliterait la lisibilité des règles de circulation et de stationnement rendant le fonctionnement du transport de marchandises mal optimisé. Le rôle de l'État s'est renouvelé dans le cadre du programme national de marchandises en ville et de la conférence nationale sur la logistique. Conformément à l'article 41 de la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transport, le Gouvernement a pris l'initiative d'organiser une conférence nationale sur la logistique pouvant préfigurer une politique nationale dans ce secteur. Cette disposition législative vise à placer la logistique comme l'un des secteurs essentiels de la compétitivité du territoire et de son économie. Les principaux objectifs visés par l'article de loi sont de : · Rassembler les acteurs ; · Effectuer un diagnostic de l'offre logistique française ; · Déterminer les besoins pour les années à venir ; · Évaluer l'opportunité de mettre en oeuvre un schéma directeur national de la logistique ; · Identifier les priorités d'investissement et de service ; · Inviter les régions et les métropoles à mettre en oeuvre sur leur territoire des plans d'action. Le lancement d'une conférence sur la logistique constitue une première dans un secteur aux contours très étendus. En rupture avec une approche souvent séquentielle et mode par mode en matière des transports, cette conférence est un processus qui réunit tous les acteurs de la chaîne logistique et les secteurs de l'économie qui en dépendent. Malgré un fonctionnement principalement basé sur des relations entre acteurs privés et librement ouvert aux initiatives, l'État et plus largement la puissance publique sont périodiquement interpelés pour aider à la structuration et à la performance de ce secteur. C'est donc dans cet objectif que l'État s'engage sur ce sujet, à partir de l'organisation d'une conférence associant tous les acteurs. Au regard des enjeux du service logistique apporté, voire intégré, à de nombreux secteurs de l'économie, et dont les transports constituent l'élément central, la conférence a été préparée grâce à la collaboration des ministères de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer (MEEM) et de l'Économie, de l'Industrie, et du Numérique (MEIN). L'État prend ainsi un rôle de cadre, de guide des collectivités territoriales dans leur démarche en matière d'intégration de la question logistique dans leur action. 2 Un pouvoir communal au coeur du processus Malgré une prise en compte dans la planification régionale (SDRIF), ce traitement de la question logistique dans les exercices d'aménagement reste alors majoritairement du ressort des pratiques communales et intercommunales. Ce traitement porte tout autant sur les stratégies d'attractivité économique développées par certaines communes et établissement intercommunaux (zonage des activités) que sur la mise en place des règles ordinaires de l'urbanisme (stationnement, circulation). Mais ce sont bien les plans locaux d'urbanisme et les permis de construire qui fixent la carte logistique francilienne et son évolution sans contrainte réelle des services de l'État pourtant responsables des installations classées et des agréments constructeurs. Et la faiblesse des regroupements intercommunaux, en périphérie francilienne, introduit un rapport souvent déséquilibré entre firmes de l'immobilier logistique et communes se traduisant par une forme de privatisation de l'activité logistique périurbaine (Raimbault, 2014 ; Debrie, Heitz, 2017). Pour autant, à l'instar de la consolidation d'une priorité logistique régionale, se développe un intérêt logistique de la ville de Paris. Cet intérêt impacte la réglementation et s'est traduit par la délimitation de neuf zones dites « Grands Services Urbains » dans le plan local d'urbanisme. L'exemple de Paris montre que pour une réelle mise en oeuvre de projets urbains liés à la logistique, l'acteur communal demeure essentiel. Il a un rôle d'impulsion qui peut ensuite être relayé par les intercommunalités et la région. Quoi qu'il en soit, la commune a le dernier mot dans le cadre de son pouvoir lié au permis de construire. 157 NOTES SECTORIELLES 2 3 Une pratique tâtonnante et des acteurs privés encore peu intégrés tout au long du processus Malgré l'intégration des acteurs privés dans le processus d'élaboration des documents de planification, ils restent encore peu mobilisés dans l'élaboration des règles de circulation et de stationnement. La concertation initiée reste ponctuelle à l'occasion d'une étude ou d'un diagnostic PDU mais non pérennisée dans le temps par des ateliers ou groupes rassemblés à une fréquence régulière et connue qui permette aux acteurs d'entrer dans une relation de confiance, peu organisée. Les professionnels insistent sur la logique dominante de « grande messe » top-down informative, au détriment de groupes de travail féconds où problèmes remontés du terrain et solutions se répondent, et incomplète par les acteurs qu'elle réunit (Ducret, 2014). Par ailleurs, ces acteurs privés sont rarement associés aux processus d'évaluation des mesures établies par les pouvoirs publics locaux. Les freins à une concertation de qualité sont multiples : les agents locaux signalent les difficultés à identifier les bons acteurs (outre ceux qui sont bien visibles dans le paysage), l'absence du réflexeconcertation préalable à l'action, ou encore la faible connaissance de l'interlocuteur, de ses intérêts et motivations, ainsi que l'identification de temps de l'action différents qui renforcent la réticence des collectivités à lancer une large concertation (Ducret, 2014). Nous avons observé l'apparition d'un nouvel outil de la concertation, la charte, qui peut être adjointe au processus, à mi-chemin entre concertation et action (charte de principes à Toulouse et charte de bonnes pratiques à Orléans). La forme de la charte, le périmètre d'action, les acteurs signataires, les moyens associés et la portée entre information, prescription et engagement, entre charte de principes et d'information et charte de projets plus opérationnels devront être analysés à l'avenir pour comprendre comment cet outil peut apporter une valeur ajoutée à la politique du transport de marchandises en ville. Paris est une des premières villes à avoir initiée ce processus en 2001 dans un cadre partenarial associant les institutions, le milieu consulaire, les transporteurs et les chargeurs. La signature d'une charte des bonnes pratiques des transports et des livraisons de marchandises dans Paris en 2006 témoigne de l'émergence de nouveaux outils. Cette initiative partenariale est prolongée en conformité des prescriptions du SDRIF et du PDUIF dans le cadre d'une nouvelle charte en faveur d'une logistique urbaine durable signée par l'ensemble des partenaires en septembre 2013. Plus opérationnelle, cette nouvelle charte repose sur une identification des structures et équipements (plate-forme logistique et équipement pour la desserte des quartiers) et des pratiques innovantes à accompagner (horaires décalés, nouvelle organisation des tournées). La ville de Paris, dans le cadre de cette charte, initie seize « fiches projets » permettant d'accompagner les objectifs localisés dans la charte. Elle annonce également le financement et la réalisation de quelques projets spécifiques dédiés à la logistique urbaine et à l'amélioration des conditions du fret en ville, dans Paris comme la dalle de Beaugrenelle pour Chronopost, le centre de distribution urbaine des Halles ou le projet d'hôtel logistique de Chapelle Internationale. Ces initiatives sont pour l'instant essentiellement présentes dans Paris. Elles s'inscrivent néanmoins dans une prise en compte plus prononcée de cette question en première couronne. Ces deux exemples démontrent la volonté et la capacité d'investissement de la ville de Paris dans la logistique urbaine dans des expérimentations qui permettent à la fois de tester de nouvelles pratiques en termes de logistique et de transports de marchandises en lien avec les acteurs du secteur eux-mêmes, mais également de servir d'exemple à d'autres communes en démontrant la viabilité et le bon fonctionnement de ces modèles. La signature d'une charte d'objectifs sur le transport de marchandises en Seine-Saint-Denis entre le Département, la ville de Paris, la Région, 45 communes et regroupements intercommunaux, les gestionnaires d'infrastructures, les transporteurs et chargeurs en est un témoin supplémentaire. De caractère « déclaratoire », les constats, objectifs et intentions renvoient néanmoins à cette même préoccupation d'expérimentations de services nouveaux et de maintien et valorisation des emprises centrales existantes. Cette prise en compte nouvelle de la logistique semble alors se généraliser. On recense également des chartes à Toulouse, Grenoble ou Strasbourg dans le cadre du développement du fluvial. 158 Urbanisme et aménagement La mobilisation d'un outil ­ la charte ­ dans la pratique de l'aménagement complète les instruments que sont les documents de planification régionaux, métropolitains, municipaux. Ces chartes autorisent des collaborations nouvelles entre acteurs dans le but d'assurer la déclinaison des objectifs généraux de l'action publique fixés dans les documents. Elles posent néanmoins la question, au-delà des expérimentations en cours sur quelques sites ciblés en zone centre, de la généralisation de cet intérêt logistique dans les projets urbains. 4 Des outils traditionnels entre objectifs et réalisations : l'importance de la pratique Parmi les outils de planification urbaine et des transports qui peuvent agir sur le fret urbain, nous observons que le PDU (et son volet marchandises) est l'outil de planification le plus utilisé par les collectivités qui mènent une politique du fret urbain ou qui souhaitent le faire. Cependant, le PDU n'a pas de pouvoir prescriptif et il n'est pas rare que les fiches actions restent des voeux pieux. C'est une étape identifiée comme délicate par les techniciens qui peinent à convaincre les élus de mettre en pratique les prescriptions. Mais l'analyse des différentes générations de PDU suite aux révisions dans les villes étudiées permet de constater l'effort de verbalisation d'objectifs opérationnels. Malgré des progrès dans son utilisation, il reste un outil sous-utilisé par les collectivités françaises pour gérer la logistique urbaine. Dix-huit villes de notre panel sont dans l'obligation de réaliser un PDU. Si 66 % des villes du panel donnent à lire des PDU intégrant plus ou moins les questions de fret, la logistique et le transport de marchandises restent des thèmes marginalisées par rapport au transport de passagers et aux enjeux environnementaux. Le PLU par son article 12 relatif aux aires de stationnement pour les nouvelles constructions, par sa capacité à imposer des surfaces de stockage minimum pour les commerces, à revoir la hauteur sous plafond des rez-de-chaussée pour permettre une mutation fonctionnelle, etc., pourrait être un levier d'action essentiel mais il est peu perçu comme tel. 2/3 des communes que nous avons analysées ont effectivement utilisé cet outil, de façon variable. Dans les objectifs du PLU on note également l'importance de la prise en compte de la logistique bien que cela ne se traduise que rarement de façon concrète dans les règlements et les projets urbains des communes, à l'exception notable de Paris. Les PLUi pourraient renforcer le traitement transversal de la logistique urbaine car ce document permet d'actionner à une échelle plus vaste les leviers du PLU et du PDU. Le transport de marchandises en ville et la logistique ne disposent pas d'outils spécifiques pour réglementer ou planifier les territoires. Ils intègrent des documents préexistants dont la manipulation a déjà nourri la pratique des acteurs publics qui doivent réapprendre à les utiliser au regard de nouvelles questions. Aujourd'hui ces acteurs publics doivent se réinterroger non pas sur la nature des documents mais bien sur leurs propres pratiques. Nous avons vu, tout au long de cette analyse des documents de planification, à toutes les échelles une dichotomie entre les objectifs, les ambitions et les règlements qui encadrent la mise en oeuvre de ces objectifs. Pour que ces outils soient effectifs, il ne faut pas de nouveaux outils, mais mieux utiliser ceux qui existent actuellement. Les acteurs publics doivent s'interroger sur leurs pratiques. La mise en cohérence des objectifs d'une part et des règlements d'autre part est essentielle pour mettre en oeuvre ces ambitions, sans quoi celles-ci restent des voeux pieux. Cette distinction entre objectifs et réalisations nous semble primordiale. Nos entretiens montrent que les acteurs publics ont parfois l'impression d'avoir réglé la question du fret et de la logistique parce qu'ils ont adopté des positions plus ou moins ambitieuses en matière d'objectifs, or en l'absence de règlement et de financement de projets en lien avec la logistique et le transport de marchandises, on ne peut considérer que les problèmes sont soldés. 5 Des projets et expérimentations concrets mais limités Derniers leviers d'action, le projet ou l'expérimentation. Ceux-ci apparaissent comme le degré supérieur de prise en charge des questions de logistique urbaine pour des villes d'ores et déjà avancées dans d'autres segments de la politique du fret urbain. Les villes en phases intermédiaires se concentrent plutôt sur la partie réglementaire. Si presque l'ensemble des villes que nous avons analysées ont inscrit dans leurs objectifs, et ce à différentes échelles. 159 NOTES SECTORIELLES 2 Urbanisme et aménagement La pérennité au-delà de l'expérimentation est aussi un sujet délicat. Parmi les outils concrets recensés dans les villes interrogées et plébiscités, citons le centre de distribution urbaine, la conciergerie, l'utilisation du transport fluvial ou du tramway de marchandises, les livraisons de nuit, l'optimisation de l'implantation des aires de livraison, l'incitation à l'utilisation de véhicules propres, etc. La mise en service d'un CDU est souvent envisagée par les collectivités comme un des premiers leviers d'action sur le fret urbain (treize villes de notre panel envisagent de se lancer ou se sont lancées dans l'aventure). L'idée peut même apparaître avant toute réflexion globale sur la logistique urbaine dans le territoire, avant tout diagnostic territorial, pourtant essentiels préalablement à toute action. Ici se fait jour le risque de copier-coller et d'effet de mode sous l'influence d'initiatives médiatisées de villes françaises ou européennes bien avancées. Le taux élevé d'échec des projets d'innovation (Dablanc, 2012) peut être considéré comme un obstacle lorsqu'il s'agit de persuader les responsables et les parties prenantes de mettre en place de nouvelles solutions. Il est donc utile de donner un aperçu des différents types de projets et d'essais d'innovation qui peuvent avoir lieu dans le cadre de la logistique urbaine. En analysant les expériences passées, les raisons du succès et de l'échec peuvent être identifiées. L'objectif de cette section est de souligner l'impact des innovations en termes de logistique urbaine sur les pratiques des acteurs publics et privés et de montrer comment elle participe au renouvellement de la production de la ville. En ce sens la logistique urbaine est « un bon exemple attestant du double apport d'une pratique de recherche, de support à la construction d'une connaissance sectorielle essentielle à l'action publique et d'émergence de réflexions transversales aptes à formuler différemment ces problèmes d'action publique » (Debrie, 2016). 160 SYNTHÈSE Typologie des villes à l'épreuve de l'analyse de la régulation du transport de marchandises et de la logistique 1 La régulation de la mobilité des marchandises ne dépend pas du type de ville L'analyse des politiques publiques, des documents de planification et des expérimentations mérite d'être mise en regard avec la typologie de communes établie précédemment dans cette recherche. À l'aide de variables quantitatives, nous avions classé nos vingt villes de l'échantillon en quatre catégories présentant des caractéristiques communes : · Catégorie 1 : Paris, qui constitue à elle seule une catégorie tant les différences avec le reste du territoire français sont importantes ; · Catégorie 2 : les villes denses, métropoles grandes ou moyennes, présentant une dynamique de construction d'entrepôts moyenne ; · Catégorie 3 : les villes moyennement denses, métropoles grandes ou moyennes mais disposant d'une dynamique importante en matière de construction d'entrepôts ; · Catégorie 4 : les villes peu denses, surtout petites et moyennes (exception Aix-Marseille) avec une dynamique de construction d'entrepôts faible. Les villes concernées sont regroupées dans le tableau ci-dessous : Cat. Cat. 1 Cat. 2 Cat. 3 Cat. 4 Villes Paris Lyon, Bordeaux, Grenoble, Montpellier, Strasbourg, Clermont-Ferrand Lens, Lille, Nantes, Orléans, Toulouse Le Creusot, La Rochelle, Moûtiers, Nice, Rennes, Rouen, Biarritz, Aix-Marseille 161 SYNTHÈSE Typologie des villes à l'épreuve de l'analyse de la régulation du transport de marchandises et de la logistique Il est intéressant de constater que l'intégration de la question du fret et de la logistique dans les politiques publiques n'est pas liée à la nature de la ville. Il n'y a pas de relation entre la taille de la ville ou le potentiel en matière d'offre et de demande logistique, et le niveau d'intégration du fret et de la logistique. À noter que Paris et plus généralement la Métropole du Grand Paris restent des exceptions en France. La taille du marché de consommation et le rôle qu'elles jouent dans la redistribution des flux dans le reste du pays en font un cas à part. Par ailleurs, le cas parisien est spécifique car la ville de Paris et la MGP sont aujourd'hui les plus avancées en matière de réglementation et de planification en lien avec la logistique et le transport de marchandises. Comme on a pu le voir dans la partie 4, Paris est aussi la plus innovante en la matière, et offre par le biais de différentes initiatives originales (concours « Réinventer Paris », labellisation de start-ups de logistique urbaine) un véritable potentiel. Dans la catégorie 2 on retrouve des métropoles qui pour certaines ont engagé une réglementation et une planification en matière de fret et de logistique, par exemple Grenoble et Strasbourg avec des ZFE. Montpellier et Bordeaux ont également mis en oeuvre des procédures récentes de révision de leurs documents de planification pour davantage intégrer le fret. Clermont-Ferrand n'a pas engagé de procédure particulière concernant ce sujet. Il n'y a donc pas d'homogénéité dans cette catégorie. On ne peut donc pas faire de lien entre les caractéristiques logistiques des villes et le degré d'intégration de la mobilité des marchandises. Les catégories 3 et 4 sont aussi hétérogènes. Les villes que nous avons analysées au cours de cette étude ont, sur un plan politico-stratégique, toutes intégré différemment les questions de la logistique urbaine. Les lois qui encadrent les pratiques des acteurs publics locaux sur la logistique, notamment en matière de réglementation et planification de la mobilité des marchandises, sont appliquées et interprétées différemment dans les territoires. Cela n'est pas forcément une surprise (de multiples domaines de politique publique locale apparaissent diversifiés selon les territoires), mais le degré de diversité des politiques menées est certainement à remarquer. 2 L'expérimentation et l'innovation restent l'apanage des plus grandes métropoles En dépit de quelques exceptions comme La Rochelle, notre analyse montre que les plus grandes métropoles et villes en France sont celles qui investissent le plus dans les innovations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises. Si la planification et la définition d'objectifs ne tiennent pas compte de la taille des villes, leur capacité à faire appel à une ingénierie spécialiste pour mettre en oeuvre des solutions, mais aussi la capacité à mobiliser des acteurs privés pour le développement de ces solutions, ne sont pas les mêmes dans toutes les villes. Paris à travers sa charte de logistique urbaine durable a pu mobiliser un certain nombre d'acteurs, qui n'auraient peut-être pas été aussi présents dans le cas d'une autre commune. Les villes restent contraintes par les moyens qu'elles ont à leur disposition. 162 CONCLUSION Cette analyse des politiques menées par vingt villes et agglomérations françaises est riche en enseignements pour les professionnels de la logistique en ville, notamment les grossistes distributeurs représentés par la CGI. Elle permet également de voir ce que l'avenir (de court terme, tant il est difficile de parler des moyen et long termes en ce qui concerne l'évolution des technologies tout comme celle des politiques publiques) réserve aux mobilités logistiques dans les villes. On l'a vu, nos vingt villes ont des politiques assez différentes les unes par rapport aux autres sur le transport des marchandises et on remarque bien entendu l'originalité de la politique parisienne (entendue au sens multiple de ville, métropole et région), qui s'intéresse notamment aux innovations, aux politiques d'aménagement et d'urbanisme relatives aux entrepôts, qui possède une bonne base de connaissance et de données (à travers les enquêtes marchandises franciliennes) et qui met en place une zone à faibles émissions qui a vocation à devenir métropolitaine (pour le moment, seule Grenoble va dans ce sens, les autres villes françaises restant très timorées). Cependant, même à Paris (au sens large), la politique sur la logistique urbaine reste relativement discrète, notamment parce qu'elle est encore peu appliquée : très nombreux sont les camions et camionnettes qui circulent dans la zone dense alors qu'ils n'ont théoriquement plus le droit (véhicules trop anciens). Les politiques d'urbanisme favorables aux entrepôts urbains, par ailleurs, ne représentent encore qu'une goutte d'eau dans un ensemble régional où le jeu du marché foncier et les grands projets urbains continuent à pousser les activités logistiques globalement hors du centre, au détriment parfois de l'efficacité logistique et en augmentant les véhicules-kilomètres parcourus par les véhicules utilitaires dans la région. Les dix-neuf autres villes que nous avons étudiées ont des approches assez variées quant à leur façon de gérer le transport des marchandises et la logistique, mais globalement elles ne s'y intéressent que peu, notamment au niveau local (municipal), qui est le niveau principal encore aujourd'hui de gestion des mobilités logistiques puisque c'est le niveau qui continue à garder, malgré des changements législatifs récents, le pouvoir sur la circulation, sur les zones à faibles émissions, sur le stationnement, sur les horaires de livraison, sur les permis de construire des entrepôts. Les niveaux métropolitain et régional sont de plus en plus intéressés par la logistique, on le voit dans les documents produits à ces échelles (plans de déplacements urbains, schémas directeurs régionaux), mais ces niveaux institutionnels ont peu de pouvoir de mise en oeuvre concrète des stratégies définies dans les schémas. Toutes nos villes, y compris Paris, ont des caractéristiques communes en ce qui concerne les stratégies logistiques, sur lesquelles nous aimerions insister en conclusion, pour en analyser ensuite les impacts potentiels sur les professionnels de la livraison urbaine : · Les villes et agglomérations françaises ont encore du mal à mettre en oeuvre des politiques simples et efficaces relatives au transport des marchandises. Les politiques actuelles restent très fragmentées. À l'intérieur d'une même agglomération, on peut encore compter de nombreuses réglementations différentes et parfois contradictoires sur les véhicules de transport de marchandises. Les autorités d'agglomération (notamment les métropoles) n'ont pas encore, de fait, réussi à imposer des règles harmonisées, qui seules pourraient permettre aux professionnels de « s'y retrouver ». Et ce malgré les propositions faites, depuis plus de vingt ans (!), par les plans de déplacements urbains ou les SCoT ; · Les villes et agglomérations françaises sont bien meilleures qu'il y a vingt ans pour faire participer les professionnels à des instances de concertation. Celles-ci existent désormais dans beaucoup des villes de grande et moyenne tailles, et avec elles leur corollaire, l'adoption de chartes de logistique urbaine ou chartes marchandises. Mais ces instances ne sont pas encore parvenues 163 CONCLUSION à des résultats suffisamment concrets et effectifs, notamment au niveau municipal. À titre d'exemple, qui peut paraître anecdotique mais qui est révélateur, aucune de nos villes n'a un site internet ou une application dédiée (qui inclurait notamment une version en anglais) permettant aux professionnels de connaître et comprendre les règles de circulation et de livraison. La visibilité des sujets « marchandises » est encore faible dans l'affichage des actions de politique des transports des villes ; · Les villes et agglomérations françaises ne sont pas très « high tech » dans leurs politiques sur le transport des marchandises. Contrairement aux villes anglaises, italiennes, espagnoles ou scandinaves, elles n'utilisent que peu les caméras de contrôle automatique, qui seules permettent un bon respect des règles sur l'espace public, offrant ainsi aux professionnels « vertueux » des aires de livraison disponibles et l'assurance qu'ils peuvent investir dans des modes d'exploitation durables sans être victimes de livreurs moins respectueux des règles du jeu locales (règles sur l'âge des véhicules, sur le bruit, sur les règles sociales) ; gageons que la future Loi d'Orientation des Mobilités (LOM), qui va accroître la possibilité donnée aux villes d'utiliser ces outils, va les inciter à le faire ; aucune ville de notre échantillon ne propose encore des outils opérationnels pour les professionnels sur la gestion de leurs activités de chargement / déchargement sur la voirie (voir a contrario l'application AreaDUM de Barcelone). Les logiciels de préparation de tournées disponibles sur le marché intègrent très rarement des informations détaillées en provenance des municipalités comme l'état des chantiers de voirie, les coupures d'itinéraires ou autres incidents. Il faut d'ailleurs dire que ceci n'est pas spécifique à la France ; · Les villes françaises ont mis en place un nombre très limité de zones à faibles émissions, alors que celles-ci (les Low Emission Zones) sont de plus en plus courantes dans les villes du reste de l'Europe (Europe du sud y compris). Les villes françaises font vraiment exception à cet égard ; · Globalement, le paysage institutionnel français reste extrêmement complexe (très grand nombre de communes, nombre élevé de niveaux institutionnels : communes, EPCI, départements, régions, avec des niveaux supplémentaires en Île-de-France) et les compétences transversales portant sur des dossiers comme la qualité de l'air, le changement climatique, le développement économique, la formation professionnelle, et même l'aménagement et urbanisme dans son ensemble, qui tous ont un impact important sur la façon dont les professionnels de la livraison vont opérer dans les villes, sont distribuées de façon très peu lisible à ces différents niveaux institutionnels, engendrant de nombreux chevauchements de responsabilités ; · La promotion des innovations de logistique urbaine est encore hésitante dans les villes que nous avons étudiées. De multiples villes ont testé des démonstrateurs de vélos-cargos, de tramway fret, de logistique fluviale par exemple ; mais les villes se sont peut-être enthousiasmées un peu vite pour des solutions certes médiatiques mais qui au final se sont révélées coûteuses et n'ont pas su trouver leur modèle économique. D'autres politiques peut-être plus prometteuses car portant sur des technologies déjà banales, comme le renforcement de l'aide financière à l'acquisition de véhicules de livraison électriques ou à gaz, n'ont pas été prises, ou l'ont été de façon trop timide. Les véhicules utilitaires légers, par exemple, sont encore trop souvent traités (pour le niveau des aides financières, pour l'équipement en stations de recharge) comme les voitures des particuliers, alors que les professionnels de la livraison qui souhaitent acquérir des véhicules propres ont des besoins et des contraintes très spécifiques, ainsi qu'un coût d'acquisition plus élevé en général que pour celui d'une voiture particulière. L'avenir (à court terme) de l'environnement réglementaire des villes françaises vis-à-vis des activités logistiques peut s'envisager de la façon suivante, compte tenu de ce que les villes font à l'heure actuelle et de leurs intentions pour le futur, pour ce que nous avons pu en percevoir au cours de nos entretiens : · Un contrôle des activités de circulation, stationnement, livraison qui va lentement, mais sans doute sûrement, se renforcer, notamment dans les plus grandes villes, par l'adoption de caméras de contrôle automatique qui vont progressivement devenir davantage autorisées en France. Cette évolution est à double tranchant pour le monde professionnel du transport, mais sans 164 aucun doute à terme positive : hausse des pénalités et des amendes dans un premier temps, mais amélioration globale des conditions de circulation et de chargement/déchargement et réduction de la concurrence déloyale de la part d'entreprises ne respectant pas les règles. Ces évolutions, cependant, se feront de façon lente, tant les villes françaises (et leurs usagers) se sont habituées à des taux élevés de non-respect des règles de circulation et stationnement ; · Des réglementations d'accès des camions et camionnettes qui vont progressivement se focaliser sur le critère de l'âge, ou de la norme Euro, notamment au sein de zones à faibles émissions, au détriment du critère traditionnel du tonnage ou de la surface au sol ; · Une ouverture possible des horaires de livraison de nuit (ou plutôt tard le soir, tôt le matin) afin de favoriser le report hors des heures de pointe de la journée, des activités de livraison ; · Une certaine homogénéisation ­ mais très lente et progressive ­ des règles sur la circulation des livraisons à l'échelle des agglomérations, à l'exemple de ce que tente aujourd'hui la Métropole du Grand Paris pour les normes Euro ; · Des vitesses autorisées sur les grands boulevards urbains et autoroutes urbaines qui vont probablement, mais plutôt aux horizons mi-2020, baisser (50 km/heure pouvant devenir une norme urbaine généralisée, même pour les voies rapides) ; · Hormis la ville de Paris, qui en parle pour le centre (arrondissements 1 à 4), la piétonisation des villes françaises semble ne pas devoir progresser beaucoup, l'essentiel des aménagements ayant été faits dans les années et décennies précédentes. En revanche, les kilomètres de pistes cyclables en zone urbaine vont s'accroître, et ceci probablement rapidement, et les professionnels doivent se préparer à intervenir dans les instances municipales ou de quartier afin de faire entendre leur voix pour que les nécessités de la livraison continuent à être bien prises en compte dans les aménagements de voirie et le design urbain ; · Probablement pas de mise en place de péages urbains avant le moyen voire le long terme. Ces péages urbains sont de fait encore assez rares en Europe (contrairement aux réglementations des vieux camions et camionnettes, au sein des Low Emission Zones) ; et en France elles sont tout particulièrement considérées avec circonspection par les autorités locales, par crainte du refus des opinions publiques ; · Dans certaines villes plus innovantes (Paris, Lyon, Toulouse, Grenoble), des outils technologiques vont sans doute être introduits pour aider les professionnels à circuler en ville (logiciels adaptés alimentés par les big data publiques des municipalités, applications dédiées, sites web informatifs) ; · Des demandes de la part des autorités municipales pour davantage de partage des données des professionnels, afin de mieux connaître les flux de livraison sans avoir à mettre en place des enquêtes ad hoc, qui se révèlent de plus en plus coûteuses pour les autorités locales ; et de pouvoir intégrer les données massives des entreprises faisant de la distribution, du transport et de la logistique dans les modèles de trafic municipaux ou régionaux. Cette « pression » envers les professionnels se fera sans doute à travers les organisations professionnelles, et non pas directement avec les entreprises concernées ; · Un immobilier logistique qui va majoritairement continuer à se développer en grande banlieue mais avec l'émergence parallèle d'un marché de niche portant sur des entrepôts urbains, allant de tout petits micro-hubs logistiques (espaces logistiques urbains) à des entrepôts de 5 à 10 000 m2. Les villes vont sans doute apprendre à accepter davantage ces équipements, voire à les favoriser dans le cadre des règlements des plans d'urbanisme ou dans celui de projets urbains. 165 RECOMMANDATIONS Améliorer les pratiques dans le secteur du commerce de gros Cette étude montre les difficultés rencontrées par les acteurs de la logistique et du transport de marchandises, et en particulier ceux du commerce de gros, en matière d'accessibilité et d'usage de la ville. Les villes, et notamment les centres-villes, sont des espaces de plus en plus contraints. Les nouveaux aménagements réduisent la place des automobiles et des camions sur la voirie. Ces espaces ne sont pas toujours adaptés à la livraison et à la circulation des véhicules de marchandises. Outre l'approvisionnement des commerces, la distribution de colis aux particuliers a renforcé les difficultés éprouvées par les secteurs de la logistique et du transport de marchandises à exercer leurs activités en ville. Cette étude a mis en évidence des évolutions que nous qualifions de « modérées » (car encore très timides et souvent inefficaces) en matière de réglementation et de régulation pour le développement de la logistique urbaine et du transport de marchandises dans les agglomérations françaises. En dépit de l'importance croissante de ces thèmes dans la recherche et de leur intégration progressive dans les objectifs des documents de planification, on ne compte qu'un faible nombre de projets urbains, de règlements locaux et d'innovation dans les pratiques des acteurs publics locaux qui soient directement ciblés sur une amélioration de la logistique en ville, ce qui ne contribue que peu à l'amélioration de la distribution urbaine. Face à une action publique encore limitée, et sans attendre que les villes ne se saisissent pleinement de ces problématiques, que peuvent les acteurs privés de la logistique et du transport eux-mêmes ? Dans la perspective d'une gouvernance publique-privée entre les acteurs de l'aménagement et les acteurs du transport et de la logistique, comment peuvent-ils coopérer autour de cette question de la distribution urbaine ? Nous proposons de terminer cette étude par des recommandations à l'égard de ces différents acteurs. 166 RECOMMANDATIONS Améliorer les pratiques dans le secteur du commerce de gros 1 Défendre la place du transport de marchandises et de la logistique au cours des réunions publiques ­ intégrer le processus démocratique Notre première recommandation concerne les réunions publiques. Lors de la mise en oeuvre d'un nouveau document de planification, qu'il s'agisse d'un PDU, d'un PLU, d'un SCoT ou d'un SRADDET, celui-ci est soumis ­ à plusieurs reprises au cours du processus ­ au débat public. Les citoyens ainsi que les représentants des entreprises ou des commerçants peuvent manifester leurs opinions et défendre leurs intérêts lors de ces réunions. Il s'agit donc pour les entreprises du commerce de gros, et a fortiori leurs représentants, de participer à autant de réunions que possible pour attirer l'attention des acteurs publics locaux sur l'accessibilité des villes au transport de marchandises. Lors de ces réunions publiques, les acteurs publics locaux consultent les entreprises et les habitants, leur avis peut être pris en compte, toutefois cela n'est pas une obligation. Ces réunions peuvent être des forums de discussion et l'occasion également de faire de la pédagogie auprès de ces acteurs qui sont souvent peu armés pour répondre concrètement aux problèmes posés par le transport de marchandises. Dans le cadre de ces consultations, les acteurs publics peuvent même organiser des ateliers préalables, des réunions avec ces acteurs ciblés représentant le transport de marchandises et la distribution urbaine. Néanmoins, cela n'est pas un automatisme et il faut sans doute que la proposition de dialogue vienne de ces professionnels eux-mêmes, qui doivent par ailleurs rester attentifs aux calendriers de rédaction de ces documents de planification. Les réunions publiques peuvent aussi concerner des projets urbains spécifiques ou des projets de transport (souvent de passagers) dans lesquels il serait pertinent de représenter le secteur de la logistique et du fret, afin qu'ils ne soient pas oubliés de la programmation et que les enjeux de distribution urbaine deviennent des réflexes automatiques chez les aménageurs. Cette participation au niveau local permet de façon complémentaire de renforcer les actions entreprises au niveau national par les syndicats et les représentants des entreprises. Une visibilité et une représentation à l'échelon le plus fin permettent de diffuser plus largement et plus en détail des idées et des bonnes pratiques. On est moins dans une approche « top-down » que dans une approche « bottom-up ». La participation à l'émergence d'une gouvernance locale entre les acteurs privés et publics peut permettre d'aboutir à une meilleure prise en compte des enjeux de la distribution urbaine dans la fabrique de la ville. Avant leur participation aux instances de concertation, les professionnels et leurs organisations telles la CGI peuvent se préparer afin de se positionner en interne sur les différents points évoqués en conclusion ci-dessus : zones à faibles émissions, livraisons de nuit, péages urbains, nouvelles technologies, espaces logistiques urbains, etc. 2 Demander aux villes de partager les données Cette étude a notamment permis de révéler l'inégal accès aux arrêtés et règles concernant la circulation et le stationnement. Certaines villes mettent en ligne les arrêtés, d'autres proposent des versions simplifiées et certaines ne les mettent pas à disposition sur internet mais par affichage en mairie ou sur demande. Sachant que chaque ville produit ses propres arrêtés et qu'au sein des agglomérations, les réglementations ne sont pas harmonisées, leur lisibilité est limitée. Notre recommandation se fonde donc sur ce constat. Les communes doivent s'organiser pour diffuser les informations concernant les restrictions de circulation et de stationnement dans toutes les parties de la ville. La mise en ligne des arrêtés est un minimum. Les chauffeurs-livreurs doivent également être incités à les consulter au préalable. Il faut donc pour cela sensibiliser et former cette profession. Le recours à la sous-traitance très fréquent dans le domaine du transport peut compliquer les possibilités de formation relative à l'encadrement réglementaire des villes, car une partie de la responsabilité incombe au commanditaire qui peut être une société de transport voire un commissionnaire. Dans un premier temps, il convient de sensibiliser ces acteurs. Les nouvelles technologies pourraient être utiles ici. Le développement d'un outil, sous forme d'application connectée au GPS du véhicule intégrant l'ensemble des réglementations des communes de l'agglomération pour les véhicules de marchandises mais également la localisation de toutes les aires de livraison. Il existe donc un potentiel dans le développement de nouvelles applications, et les concepteurs eux-mêmes de logiciels d'optimisation à destination des 167 RECOMMANDATIONS professionnels devraient être sensibilisés (6) . Les données pourront être mises à jour en temps réels par la commune ou ­ mais les conditions concrètes d'accès à la technologie devront être soigneusement planifiées ­ les commerçants (qui se font livrer) en cas de changements ou de situations inhabituelles (événements, fermetures exceptionnelles, etc.). Quelques villes comme Paris, Lyon, Nanterre ou Montrouge proposent déjà des services de géolocalisation de leurs aires de livraison, signe qu'elles disposent d'une bonne connaissance de leur parc. Le partage des données peut également se faire dans l'autre sens : les professionnels peuvent aider, par leur connaissance du terrain, à l'amélioration des outils et de la connaissance municipaux. L'existence d'une application pourrait faciliter le dialogue entre les chauffeurs-livreurs ou leurs représentants et les municipalités. Les chauffeurs pourraient au fur et à mesure de leurs tournées, renseigner leurs observations sur la localisation des aires de livraison, les difficultés rencontrées pour circuler ou s'arrêter (par exemple si les places de livraison dédiées sont régulièrement occupées par d'autres usagers, si les trottoirs ne sont pas bien dimensionnés pour manutentionner les chariots permettant la livraison du camion à l'entrée du magasin, etc.). Ces usages horizontaux (Vidal, 2013) vont permettre d'enrichir les flux d'informations liés à l'open data car les usagers vont eux-mêmes donner des informations ascendantes personnelles. Les usagers sont ainsi en même temps au service d'eux-mêmes et au service des entreprises dont ils consomment les produits ou les services (Maillet, 2006). Ces données échangées peuvent permettre d'acquérir une masse d'informations qui peuvent être intégrées à des outils, comme des applications d'aide aux déplacements. Celles-ci ont vocation à faciliter la mobilité en améliorant la maîtrise des individus sur leurs trajets et permettent de diminuer les incertitudes associées à la situation de mobilité (retard, embouteillage, etc.), et dans certains cas d'adapter leurs pratiques en temps réel. 3 Utiliser des espaces privés pour la logistique urbaine Les voies publiques sont des espaces de plus en plus contraints et le stationnement, y compris pour les particuliers, recule. Il est ainsi envisageable de se déporter, pour les fonctions logistiques, sur une offre privée dans des espaces urbains privés inexploités. À ce titre, les parkings souterrains souvent partiellement inoccupés peuvent servir de centres de consolidation dédiés au commerce de gros pour la livraison d'une zone donnée. Ils peuvent également servir de lieu de stationnement dans un quartier où les aires de livraison sont peu fréquentes ou mal localisées. L'utilisation de ces espaces privés ne demande pas d'investissement aux collectivités et se résume à une mise à disposition d'un espace pour des acteurs du transport pouvant rencontrer des difficultés d'accès au centre-ville. À Lyon, l'entreprise publique locale (EPL) Lyon Parc Auto propose depuis quelques années de réutiliser ses parkings sous-exploités pour les mettre à la disposition de transporteurs. Cette entreprise a mis à disposition un espace logistique urbain à Cordeliers aujourd'hui exploité par Deret Transporteur et Ooshop (Carrefour). L'utilisation de ces espaces de parking sous-exploités est aujourd'hui déjà pensée par de nouveaux opérateurs. Des start-ups ont vu le jour ces dernières années en proposant une offre de parking intelligent permettant de connecter tous les gisements de stationnement sous-exploités, tels que les parkings des hôtels, ceux des bailleurs sociaux ou encore ceux des résidences étudiantes et seniors (ex. : Zenpark qui compte EDF et la RATP parmi ses investisseurs). Fondées sur le modèle économique du partage et de l'optimisation du temps d'occupation des espaces, ces nouvelles entreprises s'adressent en priorité aux véhicules particuliers. Mais par analogie, on peut imaginer des entreprises proposant des offres à des opérateurs logistiques ou du transport de marchandises. Les espaces privés alloués à la logistique urbaine peuvent être partagés avec d'autres fonctions pour intensifier les usages. Ils ne sont pas nécessairement destinés à l'usage exclusif de la logistique urbaine. Dans un contexte d'économie collaborative ou partagée, il est envisageable de penser des solutions en lien avec la mixité des fonctions. (6) Des entreprises comme ANTSWAY APLUS INFORMATIQUE, GEOCONCEPT, PTV Group (liste non exhaustive). , 168 Améliorer les pratiques dans le secteur du commerce de gros Le « smart parking » déjà expérimenté avec l'aide d'une application et de capteurs au sol au niveau des places de parking à San Francisco a pour but d'optimiser le stationnement, de limiter les espaces vides, et surtout de limiter le « cruising time », autrement dit le temps passé à chercher une place. Cela doit permettre de limiter les impacts environnementaux. Shoup (2018) a calculé que dans un secteur de Los Angeles comprenant quinze pâtés de maisons seulement, les conducteurs à la recherche d'une place de stationnement ont généré 730 tonnes de CO2 en un an. À Paris, en s'appuyant sur les données fiscales et les statistiques de l'Insee, l'APUR a recensé 462 690 voitures appartenant à des ménages vivant dans les vingt arrondissements de la capitale, soit 0,42 véhicule par personne, le taux le plus bas de France. En regard, ceux-ci bénéficient de 612 610 places de résidents. En théorie donc, ce sont 150 000 aires de stationnement qui peuvent être converties pour d'autres usages, soit une zone libérée de 96 hectares (APUR, 2019). Paris-Habitat mène un travail prospectif pour inviter d'autres usages dans les parkings que ceux réservés au stationnement et à la mobilité, comme le stockage individuel, les consignes, la logistique urbaine pour les derniers kilomètres, les relais-colis tels que des armoires frigorifiques pour conserver les paniers de légumes à distribuer ou pour stocker des produits du e-commerce, et enfin l'agriculture (ex. : ferme urbaine à champignons, comme il en existe déjà une dans le 18e arrondissement). Dans le 4e arrondissement de Paris, Parking Map a été sollicité pour analyser l'usage des places de livraison en vue d'une amélioration de la gestion et du contrôle ou de la pédagogie à mettre en place. Le type d'usagers des espaces de stationnement sera observé ainsi que la durée de stationnement, révélant le taux de fraude et entravant la logistique urbaine. À Paris toujours, le projet de Sogaris développé dans le cadre de « Réinventer Paris 2 » dans la rue du Grenier-Saint-Lazare entend réutiliser un parking pour en faire un espace logistique. Sogaris propose de transformer ce parking cylindrique souterrain en un centre de services et de stockage tourné vers les commerçants et les riverains. Une conciergerie s'installera en surface. Le contexte est aujourd'hui favorable à une réflexion sur la réutilisation des espaces de parking sousutilisés pour une activité de logistique urbaine sur laquelle le commerce de gros peut se positionner. Les acteurs publics parisiens ou métropolitains y sont sensibles, si on considère les récents travaux de l'APUR. La possibilité de développer et expérimenter des solutions à Paris, puis de les diffuser dans les autres agglomérations françaises en s'appuyant sur des nouvelles technologies apparaît aujourd'hui comme une perspective opérationnelle à explorer. Si le soutien des acteurs publics peut être un avantage, leur participation n'est pas impérative. 4 Proposer des formations à la conduite en ville Cette étude a montré les difficultés d'accessibilité auxquelles les chauffeurs-livreurs font face. Les villes ne sont pas toujours très adaptées à la distribution urbaine (zone piétonne, centre-ville médiéval avec des rues étroites, compétition des usages pour la voirie, etc.), les aires de livraison quand elles sont présentes ne sont pas forcément très bien localisées. Toutes ces difficultés ont pu être évoquées au cours de cette étude. Nous formulons ici une recommandation qui permettrait aux entreprises de transport de marchandises de mettre en place des mesures leur permettant d'améliorer leurs pratiques. Sur le modèle des expérimentations à l'éco-conduite, il serait possible d'envisager des formations à la conduite dans le cadre de la livraison urbaine. La Poste, en 2007, a décidé de former ses 60 000 collaborateurs à l'éco-conduite pour permettre de réduire l'impact environnemental de la distribution de courrier, la consommation de carburant et des émissions de CO2. Les résultats de ces formations ont permis de diminuer significativement l'impact environnemental des véhicules, mais aussi de générer des bénéfices financiers et de réduire le nombre d'accidents impliquant l'entreprise. Cette expérience menée en partenariat avec l'ADEME a abouti à la création d'un guide de formation à l'éco-conduite disponible en ligne (ADEME, 2009). La mise en oeuvre d'une formation des chauffeurs-livreurs à la conduite urbaine pourrait permettre de réduire leurs impacts environnementaux, la congestion mais aussi le nombre d'accidents en ville. L'expérience menée pourrait déboucher sur la mise en oeuvre d'un guide, voire d'un label. Ces quelques recommandations ne constituent pas une liste exhaustive. D'autres solutions pourraient être envisagées afin d'améliorer les conditions d'accessibilité aux villes. Il est intéressant de noter que des solutions sont possibles à mettre en oeuvre par les entreprises de la logistique et du transport de marchandises. L'initiative et l'innovation en la matière ne reposent pas seulement sur le secteur public. 169 GLOSSAIRE APUR : Atelier Parisien d'Urbanisme AOM : Autorité Organisatrice de la Mobilité AOTU : Autorité Organisatrice des Transports Urbains CDU : Centre de Distribution Urbaine CINASPIC : Construction et Installation Nécessaire aux Services Publics ou d'Intérêt Collectif CGCT : Code Général des Collectivités Territoriales DOO : Dossier d'Orientation et d'Objectifs DRIEA : Direction Régionale des Infrastructures, de l'Économie et de l'Aménagement ELU : Espace Logistique Urbain EPCI : Établissement Public de Coopération Intercommunale IAU : Institut d'Aménagement et d'Urbanisme LAURE : Loi sur l'Air et l'Utilisation Rationnelle de l'Énergie LOADTT : Loi d'Orientation pour l'Aménagement et le Développement Durables du Territoire LOM : Loi d'Orientation des Mobilités MAPTAM : Loi de Modernisation de l'Action Publique Territoriale et d'Affirmation des Métropoles NOTRe : Loi sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République OAP : Orientations d'Aménagement et de Programmation PADD : Plan d'Aménagement et de Développement Durable PCAET : Plan Climat Air Énergie Territorial PDU : Plan de Déplacements Urbains PLH : Plan Local de l'Habitat PLU : Plan Local d'Urbanisme PLUi : Plan Local d'Urbanisme Intercommunal PPA : Plan de Protection de l'Atmosphère PTU : Périmètre des Transports Urbains RSCI : Loi relative au Renforcement et à la Simplification de la Coopération Intercommunale SCoT : Schéma de Cohérence Territoriale SRADDET : Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires SDRIF : Schéma Directeur d'Île-de-France SRU : Loi Solidarité et Renouvellement Urbains 170 TABLE DES FIGURES Figure 1. Concentration des mouvements de marchandises (livraisons et enlèvements en Île-de-France (ETMV-IDF, 2014 ; Beziat, 2017) Figure 2. Rapports entre les différents documents de planification et réglementation Figure 3. Localisation des communes échantillonnées Figure 4. Localisation des agglomérations observées en fonction de la population, l'emploi, les établissements commerciaux et logistiques Figure 5. Répartition de la population par commune dans quatre agglomérations différentes Figure 6. Répartition des surfaces d'entreposage dans quatre agglomérations Figure 7. Analyse des clusters (K-means) des communes échantillonnées Figure 8. Usage des critères de réglementation dans les arrêtés de circulation Figure 9. Périmètres de réglementation de la circulation des véhicules de marchandises Figure 10. Vignettes Crit'Air pour les poids lourds et véhicules utilitaires légers Figure 11. Zone de circulation restreinte du centre-ville élargi de Grenoble Figure 12. Zone à faible émission (ZFE) de la métropole de Grenoble Figure 13. Future zone à faible émission de la MGP Figure 14. Utilisation des critères pour réglementer la livraison dans les communes Figure 15. Recommandation ministérielle pour créer des aires de livraison (CEREMA) Figure 16. Aires de livraison partagées et sanctuarisées dans la ville de Paris (source : ville de Paris) Figure 17. Espaces déficitaires à Paris en place de stationnement pour les poids lourds (Beziat, 2017) Figure 18. Espaces déficitaires et excédentaires à Paris en place de stationnement pour les véhicules utilitaires légers (Beziat, 2017) Figure 19. Panneau de signalisation d'une aire de livraison à Lyon Figure 20. Disque de livraison pour les centres-villes de Lyon et Villeurbanne Figure 21. Règlement de circulation et livraison dans le centre-ville de Toulouse en fonction des types de véhicules (source : charte marchandises, ville de Toulouse, 2012) Figure 22. Rupture de continuité réglementaire dans la MGP (source : DRIEA, 2017) Figure 23. Les territoires et communes impliquées dans le COMOP des règlements de voirie et de livraison (source : MGP, 2018) Figure 24. Les communes d'expérimentation pour des règles de circulation et de livraison harmonisée (source : MGP, 2018) 14 28 31 35 37 39 42 45 47 49 50 51 51 52 54 54 55 55 57 58 59 61 61 62 171 TABLE DES FIGURES Figure 25. Occurrences des mots-clés du transport de marchandises dans les PLU Figure 26. Schéma du maillage logistique de Paris (source : APUR, 2013) Figure 27. Schéma de localisation des emplacements potentiels pour le développement d'une activité de la logistique urbaine (source : APUR, 2013) Figure 28. Schéma de mise en valeur de la Seine (source : PADD, PLU, Paris, 2013) Figure 29. Schéma des orientation d'aménagement et de programmation de Paris (source : OAP, PLU, Paris, 2013) Figure 30. OAP Nord-Est, Paris (source : OAP, PLU Paris 2013) Figure 31. Plan de zonage de Paris (source : Règlement, PLU, Paris, 2013) Figure 32. Extrait du Plan de zonage du PLU de La Rochelle, 2017 Figure 33. Extrait du règlement graphique du PLU de la métropole de Rennes, plan de zonage, mars 2019 Figure 34. Utilisation de l'article 12 du PLU pour fixer les conditions de la livraison et du stationnement des véhicules pour les marchandises Figure 35. Plan de zonage de la ville de Lille (source : ville de Lille) Figure 36. Plan de zonage de la ville de Grenoble (source : ville de Grenoble) Figure 37. Équipements et zones logistiques (source : DOO, SCoT Grand Lyon, 2004) Figure 38. ScoT Bordeaux ­ « Mettre l'équipement commercial au service des territoires ­ V2 Encourager les pratiques de proximité à l'échelle des quartiers et bassin de vie » Figure 39. Le chapitre 6 du DOG propose un schéma de fonctionnement à l'échelle de la centralité Figure 40. Armature logistique dans la région francilienne (source : SDRIF, 2013) Figure 41. Carte de Destination Générale du Territoire (source : SDRIF, 2013) Extrait du CDGT (source : SDRIF, 2013) Figure 42. Déchargement des conteneurs Franprix quai de la Bourdonnais, Paris, avril 2014 (source : A. Heitz) Figure 43. Projet d'immeuble inversé, logistique de proximité commerçants et riverains (source : Sogaris, Syvil architecte, CSD & Associés, ARTELIA, Lulu dans ma rue, Les Sismo, SEMAEST, 15marches, K-Ryole, Stuart, 2019) Figure 44. Projet La Folie Champerret, espace logistique e-commerce (source : Sogaris, Daniel Vaniche & Associés, SemPariSeine, DVVD, Alto, CSD & associés, Emacoustic, Carrefour property, DHL, XYT, MVAW Technologies, 2019) Figure 45. UCC Beaugrenelle, avril 2014 (source : A. Heitz) Figure 46. UCC Montorgueil, avril 2015 (source : A. Heitz) Figure 47. Entrée du terminal ferroviaire urbain (source : A. Heitz, 2019) Figure 48. Terminal ferroviaire urbain et centre de distribution urbaine opéré par DPD, Chapelle International (source : A. Heitz, 2019) Figure 49. Espace Logistique de Proximité, non loin du chantier du tramway (source : Bordeaux Métropole) 69 71 71 72 73 73 75 82 87 90 92 93 98 101 104 126 127 138 142 143 144 145 146 147 153 172 RÉFÉRENCES · ADEME (2009). Guide de Formation à l'éco-conduite. Enjeux, témoignages, méthodes. N° de réf. 6666 35 p. ­ ISBN n° 978-2- 35838-080-5 · Arvidsson, N., & Browne, M. (2013). A review of the success and failure of tram systems to carry urban freight: the implications for a low emission intermodal solution using electric vehicles on trams. European Transport Trasporti Europei (54) · APUR (2019). Évolution Du Stationnement Et Nouveaux Usages De L'espace Public Volet 3 : Évolutions Des Parkings En Ouvrage, Étude APUR, 76 p. · Beziat A. (2017) Approche des liens entre transport de marchandises en ville, formes urbaines et congestion ­ Le cas de l'Île-de-France. Thèse de doctorat, Université Paris-Est · Browne M., Allen J., Attlassy M. (2007). 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CDU et ELP dans l'europe du sud-ouest · Gonzalez-Feliu J., Taniguchi E., Faivre d'Arcier B. (2014). Financing urban logistics projects. From public utility to public-private partnerships. Pre-print · Halbert, L. (2010). L'avantage métropolitain. Paris : PUF · Heitz, A., & Beziat, A. (2016). The Parcel Industry in the Spatial Organization of Logistics Activities in the Paris Region: Inherited Spatial Patterns and Innovations in Urban Logistics Systems. Transportation Research Procedia, 812-824 · Heitz, A., Launay, P., & Beziat, A. (2017). Rethinking Data Collection on Logistics Facilities: New Approach for Measuring the Location of Warehouses and Terminals in Metropolitan Areas. Transportation Research Record: Journal of the Transportation Research Board, (No. 2609) · Heitz, A. (2017). La Métropole Logistique : structure métropolitaine et enjeux d'aménagement. La dualisation logistique. Thèse de doctorat Université Paris-Est · Hesse, M. (2008). The City as a Terminal. 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Presentation at Premières journées du pôle Ville du PRES University Paris-Est, Marne-la-Vallée, France, 20 January 2009 · Shoup D. (2018). Parking and the city · Sirjean, Boudouin (2017). Le grossiste, acteur majeur de la logistique urbaine, les éditions de la CGI. 86 p. ISBN 978-2-9509145-0-7 · Raimbault, N. (2014). Gouverner le développement logistique de la métropole : périurbanisation, planification et compétition métropolitaines. Thèse de doctorat Université Paris-Est · Toilier F., Gardrat M. (2017). Mobilité des marchandises : quelles évolutions ? Transports Environnement Circulation, ATEC ITS France, 2017, p.28-29 · Vidal G. (2013). Présentation. Les Cahiers du numérique, 9(2), p. 9-46 174 Confédération du Commerce de Gros et International 18 rue des Pyramides - 75 001 Paris Tél. : 01 44 55 35 00 - Fax : 01 42 86 01 83 www.cgi-cf.com INVALIDE) (ATTENTION: OPTION nt on observe une forte densité de population dans les communes centrales de l'agglomération qui décroissent au fur et à mesure qu'on s'éloigne du centre. À noter l'exception de la Métropole d'AixMarseille qui présente une forme polycentrique, avec deux foyers de concentration de population au niveau de Marseille et d'Aix. 38 Hétérogénéité des villes françaises : analyse statistique liminaire Répartition de la surface d'entreposage dans la Métropole du Grand Paris Paris 0 750 m Paris Surfaces d'entrepôts autorisées en m2 50 000 100 000 150 000 0 5 10 km 200 000 249 947 Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 Figure 6a. Répartition des surfaces d'entreposage ­ Métropole du Grand Paris Répartition de la surface d'entreposage dans la Métropole d'Aix-Marseille Marseille 0 750 m Surfaces d'entrepôts autorisées en m2 100 000 200 000 300 000 400 000 0 10 20 km Marseille 412 007 Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 Figure 6b. Répartition des surfaces d'entreposage ­ Métropole d'Aix-Marseille 39 PARTIE 1 Répartition de la surface d'entreposage dans la Métropole de Lyon Lyon 0 750 m Surfaces d'entrepôts autorisées en m2 20 000 40 000 60 000 0 5 10 km Lyon 80 000 84 092 Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 Figure 6c. Répartition des surfaces d'entreposage ­ Métropole de Lyon Répartition de la surface d'entreposage dans Orléans Métropole Surfaces d'entrepôts autorisées en m2 200 000 400 000 600 000 Orléans 703 146 Sources : Insee, RGP, 2015 Insee, Base permanente des équipements, 2017 SIT@DEL, 2018 Auteur : Tristan PRIEUR / IFSTTAR ­ 2019 0 2,5 5 km Figure 6d. Répartition des surfaces d'entreposage ­ Orléans Métropole 40 Hétérogénéité des villes françaises : analyse statistique liminaire Les activités logistiques se situent plutôt en périphérie dans les agglomérations les plus grandes et les plus denses (Paris, Lyon). En revanche, dans les agglomérations moins denses (Marseille) et dans les villes moyennes (Orléans), on retrouve des activités logistiques plus proches du coeur de ville. On peut donc émettre l'hypothèse qu'il existe un lien entre la densité de l'agglomération et l'éloignement potentiel des entrepôts du centre de l'agglomération. Dans la suite de nos analyses, nous choisirons donc de nous intéresser plus précisément à la question de la densité. On note ici une grande hétérogénéité au sein des agglomérations. Certaines communes vont davantage polariser l'activité logistique plutôt que d'autres. On note que dans certaines agglomérations comme Orléans ou Lyon la construction d'entrepôts se fait encore dans la commune-centre, tandis que dans la MGP la commune-centre (Paris) n'accueille que très peu de nouvelles surfaces d'entreposage. Nous faisons ici l'hypothèse qu'il existe un seuil de densité de population au-delà duquel la commune centrale de l'agglomération n'est plus accueillante pour l'activité logistique. Ce qui va avoir des conséquences sur la génération des flux et la façon dont ils se répartissent dans la ville. Cela signifie aussi que certaines communes vont être soumises à davantage de nuisances et de pollutions liées à la logistique, donc à ses externalités négatives, quand d'autres seront moins concernées par ces aspects. Rappelons que les agglomérations correspondent le plus souvent aux périmètres d'élaboration des SCoT ou des PDU. Ce sont des documents qui laissent une place importante à la négociation. La dissymétrie des situations face à la logistique va peser dans la négociation. Les documents résultant des compromis faits entre les différentes collectivités territoriales qui composent l'agglomération accorderont plus ou moins d'importance à la question logistique. TYPOLOGIE DES AGGLOMÉRATIONS Nous proposons ici une typologie permettant de classer les vingt agglomérations que nous avons sélectionnées. Malgré leur grande hétérogénéité, la typologie met en évidence les proximités à l'intérieur des clusters. L'analyse de regroupement a révélé que les vingt agglomérations peuvent être regroupées en quatre groupes en fonction des quatre critères suivants : densité de la population, densité de l'emploi, densité des installations commerciales et densité de la surface des entrepôts construits. La figure 7 (page suivante) représente les clusters selon la densité de la population et la densité des surfaces d'entreposage construites. Densité de population (hab/km²) Cluster 1 Cluster 2 Cluster 3 Cluster 4 8 328 1 179 1 082,8 411 Densité d'emploi (emp./km²) 4 630 603,8 507 192,2 Densité commerciale (S.B(1)./km²) 54 6,1 4,8 3 Densité des surfaces d'entreposage autorisées entre 2008 et 2017 (S.B./km²) 3 660 1 115,6 2106 300,5 La classe 1 regroupe une seule agglomération : la Métropole du Grand Paris qui comprend la ville de Paris et 130 autres communes. Compte tenu de sa densité de population et d'emploi, la MGP est très spécifique. Dans le cadre d'une forte centralisation, l'agglomération parisienne qui représente huit millions d'habitants est la principale agglomération française. L'écart entre la première ville (Paris) et la deuxième ville (Lyon) est très important. Avec une densité de population de 8 328 habitants/km² et 4 630 emplois/km², l'agglomération parisienne présente également la plus forte densité commerciale et la plus forte densité d'entrepôts autorisés entre 2008 et 2018. (1) Surface Bâtie 41 PARTIE 1 Hétérogénéité des villes françaises : analyse statistique liminaire La classe 2 comprend les six grandes agglomérations de Lyon, Bordeaux, Grenoble, Montpellier, Strasbourg mais aussi Clermont-Ferrand qui correspond plutôt à une ville moyenne. Loin de l'échelle parisienne, ce sont d'importants centres de consommation avec une densité moyenne de population de 1 179 habitants/km² et une densité d'emploi de 603,8. Ce groupe se caractérise par une densité commerciale moyenne de 6,1 commerces/km² et une densité moyenne d'entrepôts autorisés de 1 115,6 m² cumulés/km². La classe 3 comprend les agglomérations moyennes de Lens, Lille, Nantes, Orléans et Toulouse. Ce groupe se caractérise par une densité moyenne de population et d'emploi, proche de celle du groupe 2, mais la densité moyenne de surface autorisée des entrepôts est beaucoup plus élevée. Ce sont des agglomérations de taille moyenne dont le marché immobilier logistique s'est rapidement développé ces dernières années. La classe 4 comprend les petites et moyennes agglomérations de La Rochelle, Le Creusot, Biarritz et Moûtiers, mais aussi des agglomérations moyennes comme Nice, Rennes, Rouen et, plus surprenant, l'agglomération de Marseille. Avec une densité moyenne de population (411 habitants/km²) et une densité d'emploi de 192,2, ce groupe a une densité commerciale moyenne (3 commerces/km²) et une très faible densité d'entrepôts construits. La présence de Marseille dans cette catégorie s'explique par la très faible densité de population à l'échelle de la métropole Aix-Marseille. Cette première typologie basée sur quatre critères montre déjà la grande hétérogénéité des villes de notre échantillon. Le contexte et les défis liés au transport de marchandises et à la logistique peuvent varier d'une région à l'autre. Par exemple, les villes ayant une densité de population plus élevée pourraient être plus intéressées que d'autres à réglementer le transport de marchandises. Ces variations impliquent que les outils de régulation et de planification doivent être modulés et adaptés à ces contextes locaux. La Métropole du Grand Paris apparaît comme un cas très à part. Elle dispose par ailleurs d'une capacité d'innovation en matière de logistique et de transport de marchandises et joue parfois le rôle de laboratoire urbain pour tester de nouvelles dispositions. La spécificité de son territoire par rapport aux autres agglomérations doit nous questionner sur la possibilité de diffuser, généraliser et adapter ces innovations dans des contextes urbains très différents. Densité de surfaces d'entrepôts 3 000 Cluster 2 000 1 2 3 4 1 000 0 0 2 000 4 000 6 000 8 000 Densité de population Figure 7. Analyse des clusters (K means) des communes échantillonnées 42 PARTIE 2 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises SOMMAIRE 2.1. Arrêtés de circulation : réglementation des flux de marchandises en ville 2.1.1. Critères de réglementation de la circulation des marchandises 2.1.2. Périmètres de réglementation au sein des villes - Périmètres urbains : zones piétonnes et centres-villes - Zones piétonnes : le cas d'Orléans - Périmètres environnementaux - ZCR de Grenoble 2.2. Analyse des arrêtés de livraison 2.2.1. Aires de livraison et arrêt des véhicules de livraison - Le cas de Paris - Le cas de Lyon-Villeurbanne - Le cas de Paris 2.2.2. Conditions applicables aux véhicules de livraison - Le cas de Toulouse 2.3. Absence de continuité spatiale dans les mesures - Le cas d'Orléans Métropole - Le cas de la Métropole du grand Paris 44 44 46 46 48 49 50 52 53 55 57 57 58 58 60 60 61 43 PARTIE 2 La circulation et le stationnement sont des problématiques essentielles pour les villes. Leur gestion assure le renforcement de l'attractivité du centre-ville en améliorant son accessibilité et les possibilités de stationnement. La gestion des livraisons et la facilitation des conditions de travail des livreurs garantissent un espace public plus pacifié et un système de transport de marchandises en ville plus efficace. La bonne gestion de la circulation et du stationnement est aussi source de bien-être pour les riverains et les autres utilisateurs de la ville. La voirie est un espace rare et convoité que les plans de déplacements urbains tentent d'organiser pour assurer les fonctions vitales de la ville, et notamment son approvisionnement. Les villes doivent donc définir précisément les objectifs de leur politique de gestion de la circulation et du stationnement en s'appuyant sur des outils classiques ou en s'inspirant des expériences en cours dans différentes communes. Cette section s'intéresse plus particulièrement à l'exercice de pouvoir de police du maire à travers les arrêtés qu'il prend concernant le transport de marchandises, notamment les arrêtés sur la circulation des véhicules de marchandises et sur les horaires de livraison. Les arrêtés sont des documents produits par le maire et applicables à l'échelle de la commune ou de certaines parties/certaines rues de la commune. Nous avons choisi d'analyser les arrêtés des villes centres des agglomérations de notre échantillon (par exemple, nous avons collecté les arrêtés de la ville de Paris et non des 131 communes qui composent la Métropole du Grand Paris). 2.1. ARRÊTÉS DE CIRCULATION : RÉGLEMENTATION DES FLUX DE MARCHANDISES EN VILLE Nous reviendrons ici sur les arrêtés de circulation pris par les maires et les critères choisis pour réglementer cette activité. 2.1.1. Critères de réglementation de la circulation des marchandises Cette analyse porte sur dix-neuf villes centres des agglomérations de notre échantillon. Nous n'avons pas pu obtenir les arrêtés de la ville de Biarritz qui a refusé de les communiquer. Nous avons recensé tous les critères utilisés pour réglementer le transport de marchandises, le passage des véhicules de livraison ou des véhicules de marchandises traversant la commune. Nous avons relevé l'usage de huit critères : · Le tonnage du véhicule · La hauteur du véhicule · La longueur du véhicule · La largeur du véhicule · La surface au sol du véhicule · Le volume du véhicule · L'âge ou la date de construction et la norme euro (ou Crit'Air) · Les plages horaires de circulation de ces véhicules 44 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises Le graphique suivant montre l'usage des critères de réglementation utilisés par les communes dans les différents arrêtés observés. Un seul arrêté peut cumuler plusieurs critères. Usage des critères de réglementation 90 Part des communes (%) 80 70 60 50 40 30 20 10 0 ge ur o ire e ur eu eu ce Vo lu m ue na ut rg rfa ra /E ho ng To n Su Âg e Ha La Pl ag Lo e Critères utilisés Figure 8. Usage des critères de réglementation dans les arrêtés de circulation Le tonnage est le critère le plus utilisé. 78 % des communes observées l'utilisent pour limiter la circulation en ville. La plage horaire, restreignant la circulation à certains moments de la journée, est également utilisée par environ 50 % des communes observées. La longueur des véhicules est un critère utilisé par 20 % des villes, souvent en complément d'une mesure de tonnage. Le tonnage est perçu comme un indicateur synthétique qui permet de limiter à la fois le poids et le volume du véhicule. Par ailleurs, cet indicateur est adapté à la charge potentielle qu'une voie peut supporter. Il faut rappeler que les communes ont la charge de l'entretien et de la réfection des voiries communales. Or, les véhicules les plus lourds sont les plus susceptibles d'endommager à long terme l'état des voiries. La hauteur, la largeur ou le volume sont plus rarement utilisés comme critères, et souvent en complément d'une mesure de tonnage. Ce qui est assez surprenant car de nombreux centres-villes en France correspondent souvent à des centres urbains historiques dans lesquels les rues sont souvent étroites, irrégulières ou sinueuses ce qui pose des problèmes d'angles rendant certaines manoeuvres plus difficiles pour des véhicules de gros gabarit. On aurait donc pu penser que la largeur aurait été un critère utilisé. Certaines organisations représentant les transporteurs comme le GATMARIF sont d'ailleurs assez favorables à de telles considérations. Bien que le paramètre de tonnage soit celui utilisé par la grande majorité des communes observées, cela ne signifie pas pour autant que les réglementations soient harmonisées et cohérentes sur l'ensemble du territoire grâce à l'utilisation d'un paramètre commun. Les seuils utilisés pour réglementer le tonnage sont tous différents, parfois même à l'intérieur d'une même commune. On recense des réglementations pouvant aller de 2,5 tonnes à 33 tonnes de PTAC (poids total autorisé en charge). L'utilisation du seuil de 3,5 tonnes est très fréquente (elle correspond bien sûr aussi au seuil distinguant les poids lourds des véhicules utilitaires légers), mais elle est souvent peu adaptée aux besoins logistiques du territoire. Ce seuil de 3,5 tonnes est utilisé par 100 % des communes nous ayant transmis leurs arrêtés municipaux. Ce seuil signifie que seuls les véhicules utilitaires légers peuvent accéder à la ville. Il apparaît difficile de concilier les besoins logistiques de certains types d'établissements avec les types de véhicules autorisés, comme par exemple les cafés/restaurants qui sont livrés avec des véhicules d'environ 14 tonnes. Ab se nc e r r 45 PARTIE 2 2.1.2. Périmètres de réglementation au sein des villes PÉRIMÈTRES URBAINS : ZONES PIÉTONNES ET CENTRES-VILLES Les périmètres de réglementation sont également variables au sein d'une commune. Les arrêtés distinguent des rues (nommément) qui vont être soumises à des règles spécifiques. Ils distinguent aussi les centres-villes du reste de la ville. Le centre-ville peut se définir d'un point de vue morphologique comme le coeur ancien, historique de la ville, correspondant souvent aussi à une zone de forte densité, notamment commerciale. Souvent associé à une architecture spécifique (médiévale, haussmannienne, etc.), le centre-ville constitue un espace au paysage relativement homogène créant une identité et participant à l'image de la ville. D'un point de vue fonctionnel, le centre-ville concentre souvent les grandes fonctions administratives, mais aussi commerciales, ou de loisirs et de culture. Il s'agit d'un quartier de la ville qui, du fait de sa morphologie et des fonctions qu'il accueille, concentre les principaux aménagements. C'est un espace de mise en scène et de maîtrise de l'espace par les pouvoirs publics locaux, les habitants et les résidents. La forte proximité entre ces acteurs et les différentes aménités (commerces, services, emplois) implique une gestion plus délicate de cette cohabitation. Le centre-ville définit a contrario les autres espaces de la ville qui se retrouvent périphériques au sens géographique mais aussi dans l'esprit des politiques publiques, qui régulent souvent moins ces espaces. Le centre-ville ne relève pas d'une approche juridique de l'espace. Délimiter un centre-ville n'entraîne pas l'application d'un droit du sol spécifique, il s'agit simplement d'un périmètre. Enfin les arrêtés distinguent également les zones piétonnes. Contrairement aux centres-villes, les zones piétonnes emportent un certain nombre de règles issues du code de la route (art. R110-21) : « Section ou ensemble de sections de voies en agglomération, hors routes à grande circulation, constituant une zone affectée à la circulation des piétons de façon temporaire ou permanente. Dans cette zone, sous réserve des dispositions de l'article R431-9, seuls les véhicules nécessaires à la desserte interne de la zone sont autorisés à circuler à l'allure du pas et les piétons sont prioritaires sur ceux-ci. Les entrées et sorties de cette zone sont annoncées par une signalisation. » L'autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation détermine le périmètre des aires piétonnes et fixe les règles de circulation à l'intérieur de ce périmètre (art. R411-3 du code de la route). L'aire piétonne peut couvrir une rue (de façade à façade), une place ou un ensemble de voiries. Elle peut être plus ou moins étendue, mais doit être créée en englobant l'intégralité de l'espace public pris dans son ensemble. En cela, un trottoir ne peut pas être assimilé à une aire piétonne. En revanche, un grand parvis (par exemple plus de 100 m2) ou une grande place peuvent être une aire piétonne. Son mode de fonctionnement exclut de fait les voies de circulation supportant tout trafic de transit. L'aire piétonne peut être un moyen de gérer les livraisons en fonction du rythme de la ville (exemple : favoriser les livraisons avant 10 heures dans les rues commerçantes). Les zones piétonnes et les périmètres des centres-villes vont être renforcés dans le cadre du programme Action coeur de ville qui entend aussi agir sur la forme urbaine. Ce programme porté par le Commissariat Général à l'Égalité des Territoires (CGET) entend financer le développement et l'aménagement des centres-villes des villes moyennes, notamment des commerces, afin de limiter le phénomène de dévitalisation des centres-villes. Ces dernières années, dans les villes moyennes, un grand nombre de petits commerces ont fermé dans ces centres-villes à la faveur d'un développement commercial périurbain. Deux causes sont généralement avancées dans l'explication de ce phénomène : la très forte utilisation de la voiture dans ces agglomérations pour les déplacements d'achat (en l'absence de facilité de stationnement dans les centres-villes, les consommateurs privilégient les grandes surfaces périphériques qui disposent de grands parkings) et l'absence de contrôle public dans le développement de ces zones et de soutien aux commerces du centre-ville par les pouvoirs publics locaux (Razemon, 2017). 46 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises Le graphique suivant recense les différents périmètres dans les villes observées qui font l'objet d'un arrêté de circulation. Usage des périmètres de réglementation 80 Part des communes (%) 70 60 50 40 30 20 10 0 Rue Zone piétonne Centre-ville Commune Périmètres de réglementation Figure 9. Périmètres de réglementation de la circulation des véhicules de marchandises Nos observations dans les communes de l'échantillon montrent que les communes réglementent rarement le transport de marchandises à l'échelle de la commune entière. Le zonage (aire piétonne, centre-ville, zone centrale, intra-mail) reste largement privilégié. Une réglementation très pointue à l'échelle des rues est également courante. Ces critères sont cumulables dans une même commune. Cela conforte bien l'idée que les centres-villes, dans lesquels on retrouve le plus souvent les zones piétonnes sont les espaces les plus encadrés et régulés au détriment de tout ce qui devient périphérie. Ces zonages montrent aussi que l'action publique cible des zones particulières dans laquelle elle identifie des conflits d'usage. Elle n'a pas de vision globale sur l'ensemble de la commune et se concentre sur une petite partie du territoire. Les outils de réglementation servent au cas par cas, ce qui explique aussi la grande hétérogénéité entre les villes. Elles s'inscrivent dans un contexte très localisé pour répondre à une situation précise. En dehors de ces espaces de forte densité, souvent rien n'est fixé comme principe général ou réglementation précise pour le reste de la ville. Cette hyper-régulation des centres-villes peut paraître surprenante dans un contexte de crise de ces espaces. Le programme « Action coeur de ville » lancé par le CGET en 2018 pour revitaliser les centresvilles notamment des villes moyennes renforce l'attention des acteurs publics locaux sur ces espaces. 47 PARTIE 2 LES ZONES PIÉTONNES : LE CAS D'ORLÉANS Au sein de la zone délimitée du centre-ville (appelée Intra-mail), il existe une zone piétonne dans laquelle une réglementation différente s'applique : les heures de circulation varient pour la livraison et la circulation. Dans la zone piétonne, il n'y a pas d'aires de livraison. Les véhicules peuvent se mettre directement en face des commerces mais pour une durée limitée. La zone piétonne est délimitée par des bornes escamotables. Un badge est nécessaire pour actionner l'abaissement de ces bornes, il s'obtient auprès de la CCI contre un extrait de Kbis qui confirme l'activité de livraison (qu'elle soit en propre ou pour autrui). Ces dispositifs deviennent de plus en plus populaires et permettent de vraiment sanctuariser la zone mais sont très contraignants pour les livraisons qui ne peuvent pas dépasser les créneaux horaires en cas de problèmes. L'arrêté du 6 juin 2014 autorise le stationnement et la circulation pour les véhicules de livraison à l'intérieur de l'Intra-mail pour le temps nécessaire aux opérations de chargement et de déchargement pendant les plages horaires suivantes : · De 6h00 à 10h30 pour tous les véhicules d'une surface au sol maximale de 21 m² ; · De 6h00 à 11h30 pour les véhicules sans émission de CO2 d'une surface au sol maximale de 21 m² ; · De 6h00 à 11h30 et de 14h30 à 16h30 pour les véhicules sans émission de CO2 d'une surface au sol maximale de 4 m². Dans le secteur 2 (reste de l'Intra-mail) : · De 6h00 à 10h30 pour tous les véhicules d'une surface au sol maximale de 21 m² ; · De 6h00 à 11h30 et de 14h30 à 19h00 pour les véhicules sans émission de CO2 d'une surface au sol maximale de 21 m². Ces dispositions sur le stationnement et la circulation des véhicules de marchandises, la ville d'Orléans les a mises en oeuvre en prenant en compte les objectifs du PDU. Elles portent sur les aires de stationnement partagées, les espaces de livraison de proximité, les plateformes de distribution, en concertation avec les commerçants et les transporteurs. Ainsi, grâce à l'arrêté municipal de 2014 qui impose une réglementation plus favorable aux livraisons propres pour les marchandises en centre-ville, la ville a répondu aux attentes des acteurs du territoire interrogés. Elle a étendu les horaires de livraison uniquement pour les véhicules sans émission de CO2. Le cas d'Orléans est particulièrement intéressant. On note une prise de conscience assez forte de la question logistique et du transport de marchandises dans la ville qui passe notamment par l'utilisation de la réglementation de la circulation des véhicules et du stationnement. Néanmoins, on peut s'interroger sur les critères choisis par la mairie concernant les restrictions de livraison et de circulation. La notion d'émission de CO2, plutôt que « véhicule propre » ou « faible émission », montre aussi la représentation que peuvent avoir les acteurs publics des questions environnementales. La qualité de l'air dans la ville est davantage impactée par les particules fines que le CO2 qui est un problème plus global qui dépasse le cadre du transport de marchandises. On peut également s'interroger sur le choix des seuils concernant les gabarits des véhicules. Nos entretiens montrent que ces choix sont plutôt le résultat des discussions effectuées avec les commerçants de la zone et donc très adaptés à une situation locale. 48 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises PÉRIMÈTRES ENVIRONNEMENTAUX La création d'une ZCR/ZFE relève de la compétence de la commune concernée (voir introduction). Une ZCR est mise en place après une période de six mois de concertation avec les acteurs locaux et les communes avoisinantes. La commune doit également produire une étude d'incidence environnementale permettant d'appuyer sa décision. Pour pouvoir circuler dans l'une de ces zones à circulation restreinte françaises, il est nécessaire d'avoir l'une des six vignettes Crit'Air apposée sur son véhicule. Chaque ville ou municipalité détermine les catégories de vignettes autorisées à circuler dans la ZCR, dont l'entrée est signalée par un panneau. Les catégories de vignettes concernées ainsi que les jours et horaires d'application des restrictions sont précisées sur un panonceau attenant. Par ailleurs, la vignette Crit'Air peut éventuellement être utilisée par certaines communes pour attribuer des avantages, tels que des espaces de stationnement privilégiés pour les véhicules les moins polluants. Les vignettes Crit'Air correspondent à la transposition d'une directive européenne qui détermine des normes. À long terme, l'objectif est d'exclure de plus en plus de vignettes des zones à circulation restreinte, de sorte que, d'ici quelques années, seules les catégories E et 1 y soient autorisées. Dans une ZCR, les catégories de vignettes sont exclues de manière constante, indépendamment des conditions météorologiques. Il se peut qu'une ZCR se trouve dans le périmètre d'une ZPA (zone de protection de l'air). Auquel cas, si des restrictions de circulation sont prononcées en cas de pic de pollution pour la ZPA, ces interdictions s'appliquent également à la ZCR. Lorsque cette dernière ne se trouve pas dans une ZPA, le maire n'est pas en mesure d'appliquer des restrictions de circulation complémentaires en fonction des conditions météorologiques. Le projet de Loi d'Orientation des Mobilités déposé par le gouvernement devrait remplacer les ZCR par des zones à faible émission (ZFE). L'article 28 propose de réviser le dispositif régi par l'article L2213-4-1 du CGCT sur les « zones à circulation restreinte » qui deviennent des « zones à faibles émissions » et dont la mise en place sera obligatoire pour les collectivités sur le territoire desquelles les niveaux de pollution sont régulièrement dépassés, tout en prévoyant des simplifications procédurales. Cette disposition fait suite à l'accord construit entre l'État et 19 territoires de s'engager dans cette démarche (Grenoble-Alpes Métropole, Métropole européenne de Lille, MGP, Plaine Commune, Grand Lyon, Eurométropole de Strasbourg, Vallée de l'Arve, Métropole Aix-Marseille-Provence, Toulouse Métropole, Montpellier Méditerranée Métropole, Saint-Étienne Métropole, Métropole Toulon Provence Méditerranée, Communauté urbaine d'Arras, Clermont Auvergne Métropole, Métropole du Grand Nancy, Grand Annecy, Valence Romans Agglo, Communauté d'agglomération de La Rochelle, Fort-deFrance). Contrairement aux ZCR, les ZFE sont créées à l'échelle des agglomérations par les EPCI. Poids lourds Véhicules utilitaires légers Figure 10. Vignettes Crit'Air pour les poids lourds et véhicules utilitaires légers 49 PARTIE 2 ZCR DE GRENOBLE Aujourd'hui, dans la ville de Grenoble, les véhicules les plus polluants classés en norme Euro 3 ne sont pas autorisés à circuler. Cette commune est l'une des premières villes en France à appliquer ce dispositif. Depuis début 2017, les véhicules de transport de marchandises les plus polluants ne peuvent plus accéder au « centre-ville élargi » de Grenoble, du lundi au vendredi de 6 heures à 19 heures. Cette réglementation, qui s'appuie sur les vignettes Crit'Air, s'applique aux véhicules utilitaires légers (VUL) mis en circulation avant le 30/09/1997 et aux poids lourds (PL) mis en circulation avant le 30/09/2001. Un an après sa mise en place, la ville de Grenoble se déclare assez satisfaite de ce dispositif (même si elle n'a pas encore entamé de procédure d'évaluation de ce dernier). La figure suivante correspond au périmètre d'application de la ZCR de Grenoble au centre-ville élargi. Figure 11. Zone de circulation restreinte du centre-ville élargi de Grenoble Forte de son expérience sur le centre-ville élargi, en mai 2019, la Métropole de Grenoble a décidé de porter la ZFE à l'échelle du PLUi. On est ici dans une action territoriale plus cohérente avec une gouvernance renforcée par la superposition des périmètres de l'action publique qui permet plus de verticalité dans les relations. Autrement dit, l'action publique sera simplifiée par des relations moins portées sur la négociation entre les communes. Après seulement deux ans d'expérimentation de la ZFE dans le centre-ville élargi, la Métropole de Grenoble a élargi le périmètre de cette zone à neuf autres communes pour le porter à l'ensemble du territoire. Sur ce périmètre, seuls les véhicules utilitaires et poids lourds à faibles émissions seront autorisés à circuler à horizon 2025. Cette réglementation sera mise en oeuvre progressivement afin de laisser le temps aux acteurs économiques ­ qui ont été associés à la démarche dès 2015 ­ de s'adapter et d'anticiper le renouvellement de leur parc de véhicules. 50 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises Figure 12. Zone à Faibles Émissions (ZFE) de la Métropole de Grenoble La Métropole du Grand Paris a également mis en place une ZFE. Depuis le 1er juillet 2019, les Crit'Air 5, c'est-à-dire les véhicules essence d'avant 1997 et les diesels d'avant 2001, ne peuvent plus circuler dans le périmètre situé à l'intérieur de l'A86. Cette interdiction reste théorique, les moyens de contrôle n'entrant en vigueur qu'en 2021. Par ailleurs, la MGP n'a pu s'assurer de l'adhésion de toutes les communes à ce projet : seules 49 (sur 79 concernées par le périmètre) se sont engagées. Figure 13. Zone à Faibles Émissions de la MGP 51 PARTIE 2 2.2. ANALYSE DES ARRÊTÉS DE LIVRAISON L'opération de stationnement est le dernier « noeud » de la chaîne logistique, elle comprend une rupture de charge, une opération logistique de manutention et un changement de « mode » pour le transport (généralement d'un véhicule à la marche à pied). Cette opération dépend d'une infrastructure qui a une capacité donnée et qui forme l'offre de stationnement. Cette offre peut être inférieure à la demande. Lorsque la demande de livraisons dans une rue donnée est trop importante par rapport au stock d'aires de stationnement dédiées, la qualité de service diminue : le conducteur doit stationner plus loin de sa destination, ce qui accroît son temps de marche à pied et peut le mettre en retard dans son programme d'activités ; ou il doit stationner illégalement, risquant par conséquent une amende. Il s'agit d'un phénomène de congestion, au sens propre (Beziat, 2017). Dans le cadre de son pouvoir de police, le maire ­ afin de garantir le maintien de l'ordre public et la sécurité dans l'espace public ­ doit s'assurer que les opérations de livraison, qui nécessitent le stationnement du véhicule de marchandises, se fasse dans les meilleures conditions possibles. Pour cela il délivre des arrêtés propres à la livraison qui encadrent cette pratique et les usages de la voie publique. Nous reviendrons ici sur les arrêtés de livraison émis par les maires et les critères choisis pour réglementer cette activité. L'analyse des arrêtés de livraison dans les communes de notre échantillon nous a permis de recenser cinq critères de réglementation des livraisons : · Utilisation des aires de livraisons ­ celles-ci peuvent être partagées, c'est-à-dire qu'elles sont réservées pour la livraison, l'arrêt de véhicules effectuant une opération de chargement ou déchargement, à certains horaires de la journée et qu'en dehors de ces plages horaires, les particuliers peuvent y stationner. Elles peuvent également être « sanctuarisées », ce qui signifie que, quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit, les véhicules n'ont pas le droit de stationner ; · Plages horaires ouvertes pour la livraison ; · Gabarit des véhicules pouvant effectuer une opération de livraison ; · Durée de livraison, notamment dans le cas d'une utilisation d'une aire de livraison ; · Âge ou limite de pollution (norme Euro, polluant spécifique ­ par exemple les NOx ­ ou polluant global comme le CO2 à Orléans) du véhicule de livraison. Le graphique suivant montre l'utilisation de ces critères, qui peuvent être combinés, dans les différentes communes observées. Critères de réglementation des livraisons 90 Part des communes (%) 80 70 60 50 40 30 20 10 0 de pa livr rta ais gé on Ai es re s sa de nc li tu vra ar is isé on es iso n ho Pla ra ge ire s s G vé ab hi ar cu it le Du ré e (d lim isq ité ue e ) ra liv de re s Ai Figure 14. Utilisation des critères pour réglementer la livraison dans les communes 52 Ai re s du Âg e/ Eu ro Circulation et stationnement des véhicules de marchandises 2.2.1. Aires de livraison et arrêt des véhicules de livraison Les aires de livraison sont très utilisées, presque 90 % des villes observées en possèdent. Ces aires permettent le chargement et déchargement des marchandises dans des emplacements réservés ce qui limite, théoriquement, le stationnement en double file, ou l'emprunt des pistes cyclables ou couloirs de bus. Elles sont donc des outils de pacification du partage de la voirie entre les différents usages. Règlementation des aires de livraison La réglementation de l'aire de livraison est basée sur la notion d'arrêt : « Immobilisation momentanée d'un véhicule [...] pendant le temps nécessaire pour permettre [...] le chargement ou le déchargement du véhicule, le conducteur restant aux commandes de celui-ci ou à proximité pour pouvoir, le cas échéant, le déplacer » (art. R110-2 du code de la route). Juridiquement, la livraison ne s'attache pas à une durée spécifique : « Le maire peut, par arrêté motivé [...] réserver des emplacements sur les voies publiques de l'agglomération [...] pour l'arrêt des véhicules effectuant un chargement ou un déchargement de marchandises » (art. L2213-2 du CGCT). Cet article a permis depuis 2001 une signalisation horizontale (marquage au sol) réglementaire de l'aire de livraison. La difficulté est de réserver ces espaces aux seuls véhicules de livraison afin d'en préserver l'objet. En effet, selon une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation (chambre criminelle, 27 novembre 1991, pourvoi n° 91-82457), les emplacements de livraison sont légaux dès lors que leur usage est réservé non pas à une certaine catégorie de véhicules mais à une certaine catégorie d'activités. Pour faciliter la circulation, le maire peut délimiter des aires de livraison tant qu'elles ne sont pas contraires au principe de l'égalité des citoyens devant la loi. Il n'est donc pas possible pour les villes de réserver ces aires aux seuls véhicules de livraison, ce qui peut générer un manque de lisibilité et conforter les particuliers dans un usage souvent abusif de ces aires. L'enjeu est pourtant de faire de ces dernières un réel outil de logistique urbaine et de politique publique, le but étant d'améliorer l'accueil des véhicules de livraison grâce à une meilleure lisibilité et un meilleur taux de rotation. L'instruction interministérielle sur la signalisation routière décrit les principes de signalisation pour les aires de livraison auxquels les villes doivent se conformer. Cette instruction laisse à l'appréciation de l'aménageur un certain nombre de critères dimensionnels (longueur, largeur, ergonomie...), afin de ne pas figer le linéaire de stationnement. Il est toutefois possible de définir quelques grands principes et préconisations qui permettent de guider l'aménageur dans sa réalisation d'aires de livraison s'il en a besoin : · La longueur doit permettre l'insertion en marche du véhicule (tout accès en marche arrière étant à proscrire). Étant donné la taille des véhicules de distribution urbaine avec hayon élévateur, l'aire de livraison peut avoir une longueur comprise entre 12 et 15 mètres. Une longueur de 15 mètres a l'intérêt de fournir l'espace correspondant exactement à trois aires de stationnement pour véhicule particulier. · La largeur maximale des véhicules de livraison susceptibles d'utiliser l'aire de livraison est de 2,60 m. Il faut donc que le marquage soit adapté tout en s'intégrant dans la voirie urbaine. · Les différences de niveau entre le trottoir et la chaussée constituent des obstacles difficilement franchissables pour les livreurs. La présence d'un abaissement de trottoir au droit de l'aire accroît sa fonctionnalité. Ce type d'aménagement doit permettre le passage d'une palette aux normes européennes (palette Europe standard : 80 × 120 cm) et empêcher le stationnement sauvage. 53 PARTIE 2 Le schéma suivant correspond à la recommandation ministérielle de création d'aires de livraison sur la voie publique. Il est à la fois indicatif et réducteur. En effet, d'autres schémas (en épi, en bataille par exemple) ou des aires groupées par secteur pourraient être proposés. 10 m trottoir 2,5 m chaussée Figure 15. Recommandation ministérielle pour créer des aires de livraison (CEREMA) La ville de Paris a également expérimenté le double système d'aires de livraison « partagées » tandis que d'autres sont « sanctuarisées » identifiables par des marquages différenciés, mais dans les faits peu compris des usagers. Exemple du double marquage des aires de livraison à Paris Crédit photographique : Ville de Paris Figure 16. Aires partagées et aires sanctuarisées à Paris (source : ville de Paris) Localisation des aires de livraison Les outils mis en place pour recenser les aires de livraison varient beaucoup d'une ville à l'autre. Certaines communes proposent déjà des services de géolocalisation. 54 L I V R A I S O N Circulation et stationnement des véhicules de marchandises LE CAS DE PARIS Par exemple, dans le cas de Paris, les données en open data sur le stationnement recensent 8 819 aires de livraison au total, géolocalisées dans un logiciel SIG. La très grande majorité d'entre elles ­ 8 025 soit 91 % ­ sont périodiques (entre 7h00 et 20h00). Les 794 restantes sont permanentes ou réservées (Beziat, 2017). Figure 17. Espaces déficitaires à Paris en stationnement pour les poids lourds (Beziat, 2017) Figure 18. Espaces déficitaires et excédentaires à Paris en place de stationnement pour les véhicules utilitaires légers (Beziat, 2017) 55 PARTIE 2 Des travaux académiques se sont penchés sur la question de la localisation de ces aires de livraison dans les villes. Tous observent une dissociation spatiale entre l'offre et la demande. Les aires ne sont pas toujours bien localisées par rapport aux besoins des commerces, des bureaux ou, dans le cas du e-commerce, de la livraison aux particuliers. La figure 17 montre le déficit en offre de stationnement pour les poids lourds à l'heure de pointe à Paris (Beziat, 2017). Certaines périodes de la journée, dans certaines zones de Paris, on observe un déficit d'offres de stationnement qui peut être assez conséquent. Au total, quasiment la moitié de la demande de stationnement ­ en minutes d'EVL (2) ­ en heure de pointe ne trouve pas d'offre en aires de livraison. Pour les municipalités, l'autre facette du problème est l'excédent d'offres de stationnement. L'espace dans les centres-villes est rare : réserver de la place pour des espaces sous-utilisés est particulièrement problématique. Dans le cas de Paris, les analyses montrent qu'en heure de pointe, certains espaces sont en excédent en matière d'aires de livraison et d'autres en déficit pour les véhicules utilitaires légers (Beziat, 2017). La répartition spatiale de ces aires de livraison n'est donc pas optimale dans la ville. Le constat de l'inadéquation de l'offre et de la demande amène à poser la question de la pertinence d'une offre supplémentaire d'aires de livraison. En effet, cette offre supplémentaire pourrait apparaître pertinente dans certaines zones de la ville, où l'offre est insuffisante toute la journée. Toutefois, l'espace au sein des villes est une ressource rare : la prise en compte de la demande horaire « enveloppe », c'est-à-dire la demande horaire maximale, est-elle réaliste, ou même souhaitable ? Des espaces réservés supplémentaires permettraient certainement, dans un premier temps, de répondre à la demande horaire maximale. Cependant, le reste du temps, ces espaces de livraison seraient peu ou pas du tout utilisés et diminueraient, de fait, l'espace disponible pour les autres utilisateurs de la voirie (Beziat, 2017). Pour résoudre les problèmes de livraison dans la ville il ne suffit pas simplement de multiplier les aires de livraison, encore faut-il que leur localisation soit adéquate, que ces espaces soient bien dimensionnés et correspondent effectivement aux exigences des bâtiments devant être livrés. Plages horaires des aires de livraison Les plages horaires sont utilisées dans plus de 80 % des villes étudiées. Les livraisons sont autorisées en fonction de plages horaires déterminées. Il s'agit ici de réguler les effets de congestion et de s'adapter au rythme des commerces par exemple. Les quelques constats suivants montrent toute la complexité de cette question : au sein d'une même commune, la réglementation des horaires de livraison n'est pas toujours homogène, ce qui n'en favorise pas le respect. Les limitations horaires ne sont pas en cohérence avec les heures d'ouverture des commerces. Les horaires doivent théoriquement permettre de limiter la congestion en évitant la superposition de flux différents aux heures de pointe mais dans les faits cela n'est pas souvent vérifié. Enfin les horaires sont mal connus des livreurs. Dans la pratique, la multiplication des horaires au sein d'une même commune ou entre communes d'une même agglomération complexifie l'intelligibilité de la règle. D'autant que les arrêtés de livraison sont inégalement diffusés par les communes. La qualité de l'information varie grandement entre les différentes communes. (2) EVL (Équivalent Véhicules Légers) : unité spatiotemporelle utilisée pour mesurer le temps et l'espace occupé par un véhicule utilitaire léger (moyenne de 5 m de long). Par exemple : 15 minutes d'EVL correspond à un véhicule de 5 m occupant une aire de livraison pendant 15 minutes. 56 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises LE CAS DE LYON-VILLEURBANNE Dans les centres-villes de Lyon et Villeurbanne, les livraisons sont autorisées entre 7h00 et 19h00. Les véhicules de 29 m² et plus sont interdits dans le centre Presqu'Ile à Lyon et dans le centre-ville de Villeurbanne. Les rues piétonnes de Lyon ont une réglementation spécifique : livraisons autorisées de 6h00 à 11h30 pour les véhicules de moins de 7,5 tonnes. Les aires de livraison disposent d'un marquage au sol et vertical (voir figure ci-contre) qui indique la plage horaire permettant d'effectuer la livraison. Figure 19. Panneau de signalisation d'une aire de livraison à Lyon Crédit photographique : Grand Lyon Ces plages horaires sont censées permettre aux véhicules d'effectuer leurs livraisons en limitant les nuisances et les troubles du voisinage. Mais elles doivent également correspondre aux besoins des entreprises et commerces qui se font livrer. Nombre de mouvements ne se distribuent pas uniformément au cours d'une journée. LE CAS DE PARIS Dans le cas d'observations menées sur la ville de Paris, on constate que pour le transport de passagers en Île-de-France, les jours de semaine, il y a généralement deux périodes de pointe qui correspondent aux déplacements domicile-travail (IAURIF, 2013). Une première période entre 6 et 8 heures (voire 9 heures), et une deuxième entre 16 et 18 heures (voire 19 heures). D'après les résultats de l'Enquête Globale Transport (EGT), les deux pics sont assez semblables en quantité : 15 % du trafic pour la période de pointe du matin, entre 19 et 20 % pour la période de l'après-midi. Les heures de pointe pour le transport de marchandises sont différentes. D'abord, les périodes de pointe sont décalées par rapport à celles des passagers. La période de pointe du matin est plus tardive, de 9 à 11 heures, tandis que la période de pointe de l'aprèsmidi a lieu plus tôt que celle des passagers, entre 14 et 16 heures. Par ailleurs, la période de pointe du matin est plus importante (presque 35 % des mouvements) et plus étalée (on pourrait l'étendre à une période entre 8 et 12 heures, qui regrouperait presque 60 % des mouvements de la journée) que celle de l'après-midi (13,5 % entre 14 et 16 heures). Encore une fois, le nombre de mouvements par tranche horaire est fonction des exigences d'horaires de livraison des destinataires (beaucoup préfèrent être livrés le matin) et de leurs horaires d'ouverture (Beziat, 2017). La détermination des plages de livraison doit tenir compte de ces observations. Néanmoins, les plages horaires ne peuvent pas se limiter aux tranches horaires correspondant aux pics, car certaines activités fonctionnent différemment. Par exemple, les pharmacies peuvent se faire livrer plusieurs fois par jour. Certains travaux de recherche montrent par ailleurs qu'un meilleur management de la demande de fret, par l'optimisation des opérations logistiques ou la possibilité de livrer en horaires décalés, en dehors des horaires de pointe, comme la nuit, permettrait de limiter les besoins en aires de livraison et de rendre de l'espace au public (Holguín-Veras & Sanchez-Diaz, 2016). 57 PARTIE 2 Limitation de durée de l'activité de livraison 30 % des communes observées ont mis en place une durée limitée pour la livraison. L'occupation de l'aire de livraison peut varier de 20 à 30 minutes selon les communes et nécessite l'utilisation d'un disque. Cela permet d'éviter d'encombrer la voirie trop longtemps. Le disque de livraison vise à rendre les aires de livraison plus disponibles pour les personnes en acte de livraison et à sécuriser et améliorer les conditions de déplacement et de circulation en limitant les arrêts gênants (stationnement en double-file). Cela facilite le contrôle pour les agents de la voirie qui peuvent sanctionner les véhicules ne disposant pas de ce disque et qui se seraient stationnés illégalement. Le disque s'obtient en mairie ou auprès des CCI et permet un contrôle amont des transporteurs ou des commerçants effectuant leurs livraisons en compte propre par exemple. Figure 20. Disque de livraison pour les centres-villes de Lyon et Villeurbanne 2.2.2. Conditions applicables aux véhicules de livraison Moins de 20 % des communes observées ont mis en oeuvre des conditions pour l'occupation des aires de livraison en fonction de la nature du véhicule, à savoir de sa capacité de pollution définie par l'âge ou la norme Crit'Air. Les communes peuvent ouvrir les plages horaires de livraison aux véhicules les moins polluants. Cela fait partie des mesures incitatives que le maire peut mettre en place afin de réduire la pollution dans sa commune. L'avantage consenti aux livreurs qui utiliseront des véhicules propres fait partie d'un ensemble de mesures destinées à encourager le renouvellement du parc utilitaire. LE CAS DE TOULOUSE La ville de Toulouse a mis en place une « charte des livraisons » en 2012 pour son centre-ville, afin de réduire les nuisances atmosphériques et sonores, d'adapter le système de livraison aux évolutions techniques et sociétales, mais aussi d'améliorer le partage de l'espace public entre les différents usages. La commune a mis en oeuvre une réglementation issue de la concertation à l'intérieur de l'anneau des boulevards, qui contient un engagement à maintenir, améliorer, développer et contrôler les aires de livraison et les espaces logistiques à l'intérieur de l'anneau des boulevards. Elle s'est aussi engagée à établir une stratégie de contrôle/sanction par l'organisation de tournées de surveillance, la mise en place d'un disque européen de livraison et des mesures incitatives et de soutien aux innovations technologiques, notamment l'utilisation de véhicules propres. En contrepartie, les transporteurs signataires (FNTR, TLF et GTP) et la CCI de Haute-Garonne sont engagés à développer les véhicules non polluants (électriques et non motorisés) en concertation avec les commerçants, qui devaient aussi tenter de faire coïncider au mieux leurs horaires d'ouverture et de livraison. Dans le centre-ville de Toulouse, les véhicules à moteur thermique ne peuvent livrer que de 9h30 à 11h30 le matin et de 20h00 à 6h00. Les véhicules accrédités avec badge peuvent livrer de 20h00 à 11h30. Les véhicules électriques peuvent livrer toute la journée, tout comme les véhicules non motorisés et à assistance électrique. Plus récemment, la métropole de Toulouse a décidé de favoriser le développement et l'utilisation des biogaz dans le transport de marchandises. Elle accompagne donc ces mesures 58 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises incitatives par la recherche de sites adaptés au développement des points de distribution de GNV et accompagne les porteurs de projets dans leurs études de faisabilité en transmettant les informations qui relèvent de sa compétence (accès depuis la voie publique, autorisations administratives, droit des sols). Par ailleurs, Toulouse Métropole étudie l'implantation de sites de production de bioGNV sur son territoire. À travers son pouvoir de police, la commune de Toulouse encourage le développement d'une flotte de véhicules propres en agissant sur la réglementation, mais aussi sur la planification du territoire par la mise en oeuvre d'une stratégie économique et territoriale. L'efficacité de ces mesures incitatives est aujourd'hui interrogée. La question du contrôle revient souvent. La ville de Toulouse a annoncé qu'elle s'engageait à poursuivre ses efforts et à moderniser les moyens de contrôle pour garantir la bonne application de la réglementation. Plusieurs mesures peuvent être mises en oeuvre : · Sensibilisation continue et formation des agents de surveillance de la voie publique aux dispositions de la Charte et aux particularités du transport de marchandises ; · Développement de technologies de contrôle à disposition des agents (terminaux scannant les plaques d'immatriculation et vérifiant immédiatement les droits du véhicule) ; · Expérimentation d'aires de livraison contrôlées soit par des bornes amovibles, soit par des capteurs détectant le temps d'arrêt des véhicules. Figure 21. Règlement de circulation et livraison dans le centre-ville de Toulouse en fonction des types de véhicules (source : Charte marchandises, ville de Toulouse, 2012) 59 PARTIE 2 2.3. ABSENCE DE CONTINUITÉ SPATIALE DANS LES MESURES Au sein d'une même agglomération ou d'un même PTU (périmètre des transports urbains, identique généralement à celui du PDU), on constate des variations importantes entre les différents critères utilisés pour réglementer le transport de marchandises. Au sein des communes, nous avons constaté de grandes variations dans la réglementation de la circulation et du stationnement. Cette hétérogénéité est valable à l'échelle des agglomérations. Chaque commune décide seule de cette réglementation. Bien que les villes appartenant à un même PDU doivent, depuis la loi SRU de 2000, produire une réglementation coordonnée en la matière, et que depuis les lois récentes ce soient maintenant ­ en théorie ­ les EPCI qui, de droit, doivent réglementer la circulation et le stationnement, dans les faits on constate la permanence de règles locales et peu coordonnées, conduisant à une mauvaise lisibilité des réglementations, à une perte d'efficacité du transport de marchandises et à des usages illégaux de l'espace public sources de conflits. Dans les agglomérations que nous avons observées, nous avons choisi de prendre deux cas d'étude (Orléans Métropole et la Métropole du Grand Paris) afin d'analyser la situation en la matière. LE CAS D'ORLÉANS MÉTROPOLE Au sein de la métropole d'Orléans, le relevé des règles de circulation dans les différentes communes qui la composent montre une grande hétérogénéité. Bien que le paramètre tonnage soit celui utilisé par la grande majorité des communes enquêtées, cela ne signifie pas pour autant que les réglementations soient harmonisées et cohérentes sur l'ensemble du territoire grâce à l'utilisation d'un paramètre commun. À titre d'exemple, 8 % des communes possèdent 5 seuils de tonnages différents, et 23 % en possèdent 2, ce qui pose un problème de lisibilité pour les acteurs du transport de marchandises. Mais elles sont tout de même 62 % à posséder seulement un seul seuil de tonnage bien plus lisible pour les chauffeurs-livreurs (Interface, 2017). L'harmonisation apparaît donc comme un enjeu essentiel. L'harmonisation consiste à assurer la cohérence d'un ensemble sans exiger que les éléments qui le constituent deviennent identiques. L'harmonisation des réglementations communales relatives à la circulation et au stationnement des véhicules de livraison constitue un enjeu fort. Cette harmonisation pourrait également permettre plus d'efficacité économique. L'harmonisation améliore également la lisibilité des règlements, la compréhension et l'application des règles par les transporteurs, livreurs et commerçants. L'harmonisation des règlementations à l'échelle d'une intercommunalité devrait s'appuyer, dans l'idéal, sur une démarche de concertation et de négociation. En effet, il est important que toutes les municipalités se mettent d'accord sur les critères déterminants pour la circulation et la livraison, mais aussi sur les seuils. 60 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises LE CAS DE LA MÉTROPOLE DU GRAND PARIS La Métropole du Grand Paris connaît aujourd'hui une situation similaire. L'absence d'harmonisation des réglementations de circulation et livraison dans les 131 communes qui la composent menace sa cohérence et son efficacité. L'axe présenté ci-après fait 700 m et traverse les communes de Paris, Saint-Mandé et Vincennes, soit trois ensembles de réglementation propres à la circulation des véhicules et aux dispositifs pour la livraison. Figure 22. Rupture de continuité réglementaire dans la MGP (source : DRIEA, 2017) Figure 23. Les territoires et communes impliqués dans le COMOP des règlements de voirie et de livraison (source : MGP, 2018) 61 PARTIE 2 Circulation et stationnement des véhicules de marchandises La MGP a entrepris de mener plusieurs expérimentations en matière d'harmonisation des réglementations. Elle a créé un comité opérationnel (COMOP) des règlements de voirie et de livraison dans la métropole, dont le but est d'assurer le bon déroulement des expérimentations, produire des recommandations en vue d'aboutir à un règlement harmonisé à l'échelle de la métropole et animer la concertation entre les acteurs publics locaux et les acteurs du transport de marchandises et de la logistique. Le retour de ces expérimentations, actuellement en cours, doit nourrir la mise en oeuvre d'une réglementation harmonisée. Zone n°1 Zone n°2 Figure 24. Les communes d'expérimentation pour des règles de circulation et de livraison harmonisée (source : MGP, 2018) Il ressort des premières discussions que le critère du tonnage pourrait être celui retenu pour la MGP. À nouveau son aspect opérationnel est questionnable. Il ressort également de ces discussions que les aires de livraison sanctuarisées et partagées, comme celles existantes à Paris, seront étendues à l'ensemble de la Métropole. Le COMOP préconise aussi une durée limitée d'utilisation des aires de livraison à 30 minutes régulée par un disque ou bien des capteurs (ce qui nécessiterait la mise en place d'une infrastructure certes plus coûteuse mais qui permettrait une automatisation du contrôle). La possibilité de tester les livraisons la nuit en lien avec l'association CERTIBRUIT est envisagée. 62 NOTES SECTORIELLES 1 Circulation et stationnement La question du périmètre, la portée de l'action locale et les enjeux de l'harmonisation de la réglementation À ce stade de notre étude, nous pouvons d'ores et déjà constater l'existence d'une forte hétérogénéité entre les villes (d'une ville à une autre), au sein des métropoles (d'une commune à une autre, avec une forte fragmentation des règles), et même à l'intérieur des villes (zones piétonnes, centres-villes, rues spécifiques). L'empilement de périmètres et de compétences complexifie grandement la lecture de ces territoires et leur fonctionnement. La lisibilité de la règle est essentielle pour le chauffeurs-livreurs qui effectuent des opérations de livraison. Plusieurs collectivités déplorent l'absence d'outil systématique et précis pour la gestion du fret urbain, contrairement au transport de personnes. Pourtant, les collectivités territoriales ont à leur disposition un large éventail d'outils réglementaires en matière de stationnement, circulation et aménagement, ainsi que de planification, dont les effets sur le fret urbain sont directs et qui en font de bons leviers d'actions. Les arrêtés et les permis de construire sont au coeur de ce dispositif, mais dans la pratique ils sont relativement peu articulés aux documents de planification (voir partie 3). Ainsi les politiques actuellement menées sont incomplètes et ne proposent pas, pour la plupart, de gestion globale et efficiente du fret urbain, qui permettrait aux villes d'avancer dans la prise en charge de ce dernier. Un des enjeux principaux est la mise en cohérence des réglementations. Nos entretiens et nos analyses sur des réglementations au sein des agglomérations montrent que la question de l'harmonisation réglementaire reste aujourd'hui à l'état d'ambition politique, de réflexion. Si cette question est très présente dans les PDU, et dans une moindre mesure dans les SCoT (voir partie 3), elles ne dépassent pas le stade de l'expérimentation, notamment dans la Métropole du Grand Paris. Par ailleurs, on observe une segmentation importante des espaces à l'intérieur des communes, qui complexifie d'autant plus la possibilité d'harmonisation. Le développement de zones piétonnes, les réglementations spécifiques au cas par cas (rue par rue) et la distinction systématique du centreville rendent difficile la lecture des réglementations par les professionnels de la livraison. La question de l'accessibilité de ces centres-villes ou des zones piétonnes devient décisive dans un contexte où la place de la voiture en ville va être réduite et une grande part de la voirie réservée aux transports en commun et modes actifs. 63 NOTES SECTORIELLES 1 Intégration variable de la question des marchandises dans la régulation de la circulation et du stationnement en France S'ajoute à ce constat l'existence d'une grande hétérogénéité entre les villes de France dans leur définition et leur vision des camions et de la logistique. Les enjeux en matière de réglementation du transport de marchandises et de la logistique n'ont pas la même intensité, la même urgence selon les territoires. Tous disposent des mêmes prérogatives et du même arsenal réglementaire mais tous ne s'en saisissent pas de la même façon ce qui crée des situations hétérogènes. En ce sens, la ville de Paris ou la région Île-de-France font figure de collectivités précurseuses en matière de régulation du transport de marchandises et de la logistique, surtout au niveau de l'urbanisme. Il ressort de nos analyses que les outils de réglementation pour la circulation et la livraison sont très utilisés, mais ils le sont de façon différente de ce qui se fait dans les autres villes européennes. Aujourd'hui, la plupart des grandes villes européennes interdisent les camions en fonction de leur âge (zones à faible émission) ; en France les règles sont restées plutôt traditionnelles, fondées sur des normes de gabarit et tonnage. Prise en compte de l'environnement et de la sécurité très limitée Il y a encore très peu de zones à faibles émissions en France et quand elles existent elles sont mal appliquées. Cette situation est dommageable pour les opérateurs de transport qui font l'effort de se mettre en règle et d'avoir des flottes récentes de camions. La faible prise en compte de la dimension environnementale dans la pratique des pouvoirs publics locaux dans un contexte d'urgence climatique est également importante à relever. Si l'application de la loi LOM doit favoriser la généralisation de la mise en oeuvre de cette mesure, elle reste largement dépendante d'une prise en main par les maires ou les présidents des intercommunalités. Sachant que les ZFE sont des outils qui, par nature, réclament un périmètre important couvrant plusieurs communes pour pouvoir être efficace, cela signifie que cette mesure repose sur la mise en place d'une gouvernance efficiente. Or, on voit bien avec l'exemple de la ZFE de la Métropole du Grand Paris que cette mesure ne fait pas l'unanimité. De nombreuses communes de la Métropole ne sont pas concernées par le périmètre (qui correspond à l'intérieur de l'autoroute A86), ce qui rajoute de la complexité à la lisibilité du territoire métropolitain ; mais en plus, un certain nombre de communes concernées ont refusé de faire partie du périmètre. Ce refus, qui relève de leur prérogative, montre bien le pouvoir dont dispose le maire et la difficulté à mobiliser les acteurs publics locaux sur des questions environnementales. Les arguments avancés par ces communes pour refuser la ZFE sont souvent d'ordre socio-économique. Le risque est que cette mesure pénalise les usagers, dont les transporteurs et les PME, qui n'ont pas les ressources suffisantes pour acquérir des véhicules propres. Ce sont les mêmes débats que ceux qui entourent la question des péages urbains. Qu'il s'agisse d'une barrière financière ou d'une barrière environnementale, les conséquences peuvent être importantes pour la structure socio-économique des communes concernées et les emplois, dans un contexte de pénurie des chauffeurs-livreurs et des conditions difficiles de ces métiers. De façon générale, on observe dans les motivations des arrêtés pris par les maires que la question environnementale est rarement au premier plan. Autrement dit, les arrêtés pris ne sont pas ou peu justifiés par la nécessité d'améliorer la qualité de l'air ou la protection de l'environnement en général. Les motivations concernent le plus souvent l'ordre public, la congestion et l'organisation de la voirie et des espaces publics. On retrouve ici des considérations très pragmatiques, mais aussi très éloignées des enjeux pourtant détaillés et repris dans tous les documents de planification (voir partie 3). Remarquons donc que d'une façon générale, les objectifs en matière de développement et d'accompagnement (à la modernisation, à l'optimisation par exemple) de la logistique urbaine sont encore faibles dans la plupart des agglomérations. Les objectifs en matière de politique environnementale prennent de l'importance dans certaines agglomérations et cela peut se traduire par une réglementation en lien avec la logistique ou le transport de marchandises, mais les villes françaises sont à cet égard plus timides que dans nombre de pays étrangers. 64 Circulation et stationnement D'autres sujets sont également absents dans la régulation du transport de marchandises et de la logistique en France, comme par exemple la question du « curbside management », la gestion globale des espaces de voirie entre le trottoir et les voies de circulation. Cela permettrait de mieux coordonner le partage de la voirie avec les camions, notamment sur les trottoirs et dans les linéaires de stationnement. De façon un peu générale, la question du partage de voirie est peu traitée au prisme de la logistique et du transport de marchandises dans la planification. Pouvoir de police du maire et gouvernance Le pouvoir de police du maire reste encore aujourd'hui déterminant dans la réglementation du transport de marchandises en ville. Dernier maillon de la chaîne réglementaire, un arrêté municipal permet la mise en oeuvre concrète des objectifs et des ambitions relevés dans les plans locaux d'urbanisme ou les plans de déplacements urbains (voir partie 3). On voit par ailleurs que l'exercice de ce pouvoir de réglementation est peu inclusif. Contrairement à l'élaboration des documents de planification, notamment PDU et SCoT, les acteurs privés issus du secteur de la logistique et du transport de marchandises ne sont en effet pas consultés dans la prise de décision réglementaire du maire. Cela peut déboucher sur des situations difficiles, peu adaptées voire en contradiction avec les besoins des professionnels. Par exemple, la création et la localisation des aires de livraison en sont un exemple probant. Le spatial mismatch qui existe entre l'offre et la demande d'aires de livraison est le résultat direct de décisions prises unilatéralement, ou uniquement en discutant avec des acteurs très locaux (un commerçant particulier). Cette pratique tend à crisper les acteurs privés qui se sentent rejetés des espaces urbains et déconsidérés. La difficulté du métier de chauffeur-livreur est aussi due à cette image de « gêne » ou de « nuisance » confortée par des réglementations qui cherchent à limiter leurs mouvements. La mise en place d'une gouvernance ou d'une consultation, voire la création d'un schéma portant sur la circulation et le stationnement élaboré conjointement avec les acteurs privés de la logistique et du transport pourraient permettre d'améliorer la situation. Un contrôle variable qui limite la portée des réglementations Les communes rencontrent certaines difficultés à faire appliquer ces réglementations. Il existe des fraudes qui en limitent la portée. Le cas est connu avec le parking en double-file, le parking sur les bandes cyclables ou les trottoirs. Sur les réseaux sociaux (par exemple, Twitter et le hashtag #GCUM), de nombreuses infractions sont recensées chaque jour par des usagers mettant en cause d'autres usagers de la voirie, notamment les chauffeurs-livreurs, ainsi que l'absence de contrôle des responsables publics qui sont interpellés. Le contrôle des règles est nécessaire pour que les réglementations soient effectives. Il existe des contentieux qui permettent à l'usager ou au livreur de contester la réglementation et de la remettre en perspective par rapport à sa pratique (par exemple une place de livraison mal positionnée). Les contrôles permettent de pacifier l'espace public et de ne pas dégrader l'image des chauffeurs-livreurs. Nos entretiens ont par ailleurs démontré la difficulté de ce contrôle (voir plus loin la discussion sur l'impossibilité en France d'utiliser des caméras de relevé automatique des plaques minéralogiques) et la demande en matière de moyens que cela implique. L'exemple de Strasbourg montre aussi que ce contrôle peut être précédé d'une période de pédagogie, où les agents de voirie ne sanctionnent pas immédiatement mais sont dans l'accompagnement, permettant ainsi d'améliorer les pratiques des chauffeurs-livreurs et le partage de la voirie : « On n'a pas contrôlé les trois premiers mois, parce qu'on a fait des panneaux pédagogiques, on a fait beaucoup de pédagogie pendant deux ans. On n'a effectivement pas contrôlé pendant les trois premiers mois parce que qu'il y avait d'autres priorités ; là, depuis le premier janvier on contrôle tout le temps. On est en train de faire une étude d'évaluation en ce moment pour constater s'il y a ou pas une baisse des véhicules en infraction. Il faut vraiment mettre des équipes, on a une dizaine d'équipages de police municipale qui contrôlent. On a un secteur relativement petit qui est vraiment le centre-ville de Strasbourg. » 65 NOTES SECTORIELLES 1 Circulation et stationnement Des informations peu accessibles Enfin, le difficile accès aux informations renforce l'absence d'efficacité de ces mesures. Notre étude s'appuie sur un relevé exhaustif des arrêtés de circulation et de stationnement et sur les documents de planification. Si ces derniers sont pour l'essentiel en ligne (à quelques exceptions près) ou ont pu nous être envoyés par mail suite à des demandes faites par téléphone, un grand nombre d'arrêtés restent encore difficiles à obtenir par internet. Ce qui signifie que la connaissance en amont des règles de circulation ou de stationnement n'est pas évidente pour les livreurs ou les commerçants qui se fient en général à leur pratique, leur expérience et connaissance du terrain. Les villes sont loin d'avoir toutes une page web consacrée aux règles et aux mesures sur le transport des marchandises, qui présenterait de façon simple et positive le cadre réglementaire. Aujourd'hui la question du contrôle et du respect de ces règles revient de façon chronique. Les livreurs, les commerçants, les particuliers et les professionnels du transport n'ont pas nécessairement un accès facilité à l'information. La mise en place de données géolocalisées par les communes, par exemple, reste encore marginale. En creux, notre analyse révèle aussi la faible présence (quasi absence) de l'utilisation de nouvelles technologies comme des places de stationnement gérées automatiquement, connectées (voir a contrario l'exemple d'AreaDUM à Barcelone), une signalisation connectée, un contrôle automatique, etc. À l'heure du big data, on remarque également que les communes ne disposent que de peu de données sur les marchandises et n'entreprennent que peu l'exercice de recensement et de diagnostic de la situation de leur territoire au prisme de la logistique et du transport de marchandises. Comparé à d'autres métropoles ou villes, la question des outils numériques est peu présente dans la réflexion locale sur la logistique urbaine. 66 PARTIE 3 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique SOMMAIRE 3.1. Planification locale du transport de marchandises et de la logistique urbaine : lecture critique des plans locaux d'urbanisme 3.1.1. Planifier les activités logistiques à l'échelle locale : de la définition d'objectifs à leur réalisation 3.1.2. Planifier le transport de marchandises - Dispositions législatives - Analyse des articles 12 dans les PLU - Conclusion 3.2. Effets locaux de la planification intercommunale sur le transport de marchandises et la logistique 3.2.1. Planifier à l'échelle intercommunale : le SCoT - Conclusion 3.2.2. Plans de Déplacements Urbains - Conclusion 3.3. Planifier les activités logistiques à l'échelle régionale - Conclusion sur les SRADDET 68 69 89 89 90 95 96 96 105 107 124 125 133 67 PARTIE 3 Cette section a pour but d'examiner l'usage du pouvoir d'urbanisme en lien avec la planification à d'autres échelons territoriaux. Le pouvoir d'urbanisme et la planification sont des leviers supplémentaires permettant aux acteurs publics locaux d'encadrer le transport de marchandises en ville et le développement de la logistique urbaine. Si la réglementation permet de réguler une situation actuelle, la planification a pour but d'anticiper dans les constructions futures, dans le développement de la ville, les évolutions en lien notamment avec les besoins des activités et des habitants. Les documents de planification traduisent à la fois la vision de ces acteurs pour leur territoire mais aussi leurs actions pour le développement urbain et territorial. La planification porte autant sur l'usage du sol et les projets urbains (PLU, SCoT, SRADDET) que sur les politiques de transport et la mobilité (PLU, PDU, SCoT, SRADDET). 3.1. PLANIFICATION LOCALE DU TRANSPORT DE MARCHANDISES ET DE LA LOGISTIQUE URBAINE : LECTURE CRITIQUE DES PLANS LOCAUX D'URBANISME Les plans locaux d'urbanisme (PLU) sont des documents à la fois stratégiques et réglementaires qui permettent de définir les grandes orientations du territoire guidant l'élaboration des projets urbains, permettant aussi de définir les règles d'utilisation du sol. Comme nous l'avons rappelé précédemment, l'échelon local a conservé toute son importance en matière de planification. Ainsi la prise en compte de cette question à cette échelle est déterminante pour le développement de la logistique urbaine et le futur du transport de marchandises. Dans cette partie nous avons analysé les PLU correspondant aux vingt villes de notre échantillon. Afin de systématiser leur analyse, nous avons sélectionné dix mots-clés (« livraison », « marchandises », « fret », « logistique », « poids lourds », « dernier kilomètre », « entrepôts », « véhicules », « stationnement » et « transport »), à partir desquels nous avons effectué un recensement sur l'ensemble des documents du PLU. Sur ces dix mots-clés, les sept premiers entrent dans le champ lexical de la logistique et du transport de marchandises et les trois derniers dans le champ du transport en général (ils peuvent concerner le transport de personnes ou de marchandises). Nous les avons ensuite groupés selon deux catégories : « fret-logistique » (en bleu) et « mobilité passager » (en orange). L'hypothèse étant que la récurrence de ces mots nous donne une bonne indication générale sur la prise en compte de la question des marchandises et de la logistique dans la planification locale. Nous avons volontairement pris des termes liés directement à la question logistique et aux marchandises, mais également des mots liés au transport (passager et marchandises) qui permettent aussi de remettre en perspective le traitement du transport de marchandises par rapport au transport de personnes. 68 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Le graphique suivant représente le nombre d'occurrences des mots concernant le transport de marchandises et la logistique dans les vingt agglomérations. 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% n es llie r Lil le el le ille nd ris se le rs tie oû Le g s x s au an ob ue ur lo u se Na n nn Pa ra M ar To u on t ra s Bo t-F Ro St G Figure 25. Occurrences des mots-clés du transport de marchandises dans les PLU Il est intéressant de noter que la question du transport de marchandises et de la logistique, indépendamment de la façon dont elle est traitée dans le document, est présente dans tous les PLU observés. Globalement, on observe une évolution des PLU en faveur de la logistique et du transport de marchandises (Debrie, Heitz, 2017 ; Raimbault, Dablanc, 2015). Cependant, il semble que cette question reste largement sous-traitée. L'intégration de la question des marchandises et de la logistique varie grandement en fonction des villes. Les PLU n'ont pas tous intégré de la même façon cette question. On note que c'est Paris qui mentionne le plus la question des marchandises dans son PLU. Néanmoins, la mention d'un mot-clé en lien avec la logistique ou le transport de marchandises ne signifie pas que cette question est bien intégrée dans une stratégie de développement économique, territoriale ou dans des projets urbains concrets. Afin de pouvoir mettre en évidence ces différences, nous proposons une lecture analytique de ces PLU, en distinguant ce qui ressort des objectifs de ce qui ressort de la mise en oeuvre. 3.1.1. Planifier les activités logistiques à l'échelle locale : de la définition d'objectifs à leur réalisation Comme nous l'avons rappelé dans l'introduction, les PLU se composent de deux volets. Un premier qui détermine les objectifs en matière de développement urbain et traduit les ambitions à moyen et long termes portées par la commune ; et une partie règlementaire qui impose des conditions, des règles d'usage du sol et des normes aux nouvelles constructions et projets urbains. Seule la partie réglementaire est opposable à un permis de construire. Le PLU n'est par ailleurs pas opposable à un arrêté municipal. Cl er m on M La M Cr eu bo O rlé rd e pe re n er Ro Re ch so te t 69 PARTIE 3 En matière de transport de marchandises et de logistique, il n'est pas rare de constater un écart entre les objectifs et leur mise en oeuvre (Debrie, Heitz, 2017). La prise en compte de ces questions dans les objectifs et orientations traduit bien la prise de conscience des acteurs publics sur l'intérêt de réguler le transport de marchandises et la logistique, mais la faible transcription de ces questions dans les règlements et les projets urbains révèle le manque d'expertise, de moyens ou d'engagement concret sur ces questions de la part des acteurs publics locaux. On constate aussi l'absence de « rétro-contrôle » de ces questions une fois le projet urbain développé (par exemple des espaces de livraison internes correctement construits mais non utilisés par la suite). Dans les PADD des PLU on retrouve souvent des objectifs d'optimisation des flux de marchandises en ville et une volonté de limiter les émissions de polluants en lien avec le transport de marchandises. Cela se traduit par une volonté de réorganiser les flux dans la ville notamment en agissant sur le dernier kilomètre et le développement de points intermédiaires, comme des espaces logistiques urbains (ELU) (entrepôts urbains, points relais, consignes, etc.). Les PLU peuvent aussi édicter des règles adaptées à certaines destinations de constructions et, depuis le décret du 28 décembre 2015, à certaines sous-destinations, dès lors que cette différenciation est justifiée dans le rapport de présentation. Les PLU peuvent également édicter des règles concernant directement la construction d'espaces de logistique urbaine, à travers l'utilisation d'une sous-destination « entrepôts » (destination « autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire »). Combinées avec des règles prévoyant une mixité fonctionnelle au sein d'un secteur, d'une unité foncière, voire même d'une construction (ex. : espace de stockage en sous-sol et commerce en rez-de-chaussée), ces dispositions facilitent l'intégration de petits espaces logistiques dans le tissu urbain. Le changement de sous-destination d'une construction à l'intérieur d'une même destination (ex. : transformation de locaux industriels en espaces logistiques) ne nécessite aucune autorisation d'urbanisme en l'absence de travaux à réaliser (en cas de travaux et selon leur importance, une déclaration préalable ou un permis de construire sera requis). Par ailleurs, des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) peuvent être définies dans le PLU pour moderniser, rénover des plates-formes logistiques existantes ou intégrer dans le tissu urbain des espaces logistiques. LE CAS DU PLU DE PARIS 1 Diagnostic Dans le diagnostic préalable au PLU et le PADD on retrouve les grands objectifs de la commune en matière de développement urbain. En matière de logistique urbaine, la ville de Paris défend la mise en place d'un modèle urbain particulier, constitué (idéalement) d'un réseau maillé d'entrepôts urbains, connectés à des plates-formes logistiques qui assurent l'approvisionnement et la distribution des marchandises dans Paris. Ce réseau a pour but de favoriser la mutualisation des marchandises et le report modal. La livraison est censée pouvoir se faire depuis ces entrepôts urbains par des véhicules électriques, des véhicules propres (hydrogène ou gaz), des vélos-cargos ou même des livreurs à pied. Le schéma de la figure 26 expose le maillage théorique de ces entrepôts urbains dans Paris. Celui-ci fait partie d'un travail préparatoire réalisé par l'APUR, mais ne figure pas directement dans le PADD du PLU de 2016. Toujours dans ce travail préparatoire réalisé par l'APUR, les espaces fonciers disponibles pour implanter ces entrepôts urbains ont été recensés. La figure 27 permet de les localiser. Il est intéressant de noter qu'à nouveau la ville n'a pas intégré cette carte dans son document final (son PADD). 70 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Légende : Plateformes multimodales Lieux d'échange Flux marchandises : Massifiés Eclatés Dernier kilomètre 0 600 m Figure 26. Schéma du maillage logistique de Paris (source : APUR, 2013) Figure 27. Schéma de localisation des emplacements potentiels pour le développement d'une activité de la logistique urbaine (source : APUR, 2013) 71 PARTIE 3 2 PADD Le PADD a finalement arbitré différemment et retenu une partie des espaces suggérés par le travail de diagnostic de l'APUR. Regroupés dans les zones UGSU, les espaces logistiques montrent l'attention croissante portée par la ville de Paris au maintien de la logistique dans le tissu urbain et au développement de nouvelles filières. Il s'agit pour la ville de permettre l'accueil des activités de logistique et de services tout en respectant la qualité paysagère urbaine et en assurant la mixité des fonctions, ceci dans un milieu dense. Les sites logistiques existants sont, pour leur majorité, concentrés le long de la Seine et près des voies ferrées. Le PADD renvoie au PDUIF et au SDRIF sur les questions de report modal, d'où le choix d'une localisation des entrepôts urbains à proximité des voies ferrées et du fleuve. Figure 28. Schéma de mise en valeur de la Seine (source : PADD, PLU, Paris, 2016) 3 OAP Dans les orientations d'aménagement et de programmation du PLU de Paris, la prise en compte des éléments nécessaires au fonctionnement de la logistique urbaine témoigne d'une véritable volonté d'insérer cette activité dans le tissu dense. Et pour assurer un maillage efficace, la ville prévoit d'augmenter le nombre de sites de tailles différentes. 72 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Figure 29. Schéma des orientations d'aménagement et de programmation de Paris (source : OAP, PLU, Paris, 2016) Cela se traduit par : · L'inscription d'une soixantaine de périmètres comprenant des bâtiments existants, mais aussi de nouveaux sites sur lesquels sont inscrits des espaces de localisation d'équipements de logistique urbaine ; · L'identification par la lettre L dans les schémas des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) des équipements publics à créer ou à modifier ayant pour vocation « Activité logistique ou service à la filière logistique » ; · Des précisions en annexe apportées sur le type et la taille des équipements à réaliser sur ces sites. Figure 30. OAP Nord-Est, Paris (source : OAP, PLU, Paris 2016) 73 PARTIE 3 4 Règlements Dans la partie réglementaire du PLU de Paris, on retrouve une destination du territoire spécifique pour les activités logistiques. Pour la ville de Paris, l'espace parisien devenant rare, il est devenu indispensable de préserver des zones d'accueil pour les équipements et services nécessaires au fonctionnement de l'agglomération, qui apportent un véritable service aux Parisiens, et de définir les conditions dans lesquelles ces équipements et services peuvent durablement s'installer. À cet effet, ces installations ont été rassemblées dans une zone urbaine spécifique, la zone de Grands Services Urbains, ayant pour objectif de les pérenniser et de favoriser leur développement harmonieux et durable. Les objectifs assignés à cette zone portent entre autres sur l'amélioration de la réception, la diffusion et l'enlèvement des marchandises de toute nature en réduisant les pollutions dues à leurs transports par l'utilisation notamment du fer ou de la voie d'eau, modes de transport alternatifs à la route susceptibles de contribuer à l'approvisionnement des activités économiques comme des particuliers (flux entrant et sortant). Le territoire de cette zone s'articule notamment autour des terrains affectés aux transports (réseaux ferrés de transport de voyageurs et marchandises...) et aux activités de logistique urbaine ainsi qu'aux emprises des ports installés sur les berges de la Seine ou des canaux. En 2016 la Mairie de Paris a mis en place une nouvelle catégorie de CINASPIC (Constructions et Installations Nécessaires Aux Services Publics ou d'Intérêt Collectif) dédiée à la logistique urbaine permettant aux espaces logistiques urbains de disposer d'emprises foncières réservées ou d'être intégrés dans les projets urbains. Ces espaces de logistique urbaine sont définis comme les espaces « dédiés à l'accueil des activités liées à la livraison et à l'enlèvement des marchandises, pouvant inclure du stockage de courte durée et le retrait par le destinataire ; sont exclus le reconditionnement, l'entreposage permanent » (PLU de Paris, 2016). Dans les opérations réalisées sur des terrains vierges (terrains nus, parcelles détachées non bâties, emprises de voirie déclassées), la totalité de la surface de plancher devra être destinée à la fonction résidentielle. Cependant par le biais des CINASPIC il sera possible d'inclure dans ces surfaces résidentielles des activités économiques comme de la logistique en rez-de-chaussée. Les CINASPIC permettent donc de développer des projets immobiliers qui reposent sur le principe de la mixité fonctionnelle : en associant des logements et des activités logistiques par exemple. Une autre modification en faveur de la logistique urbaine est également introduite dans le règlement de la zone verte UV (article UV.2.1), autorisant la transformation en espaces dédiés à l'accueil des activités liées à la livraison et à l'enlèvement des marchandises et à la gestion des déchets, des locaux souterrains existants. Les CINASPIC correspondent à une nouvelle catégorie juridique pour des espaces et des bâtiments qui répondent aux besoins de réglementations pour des structures comme les hôtels logistiques. La définition légale de ces CINASPIC exclut de fait une grande partie des activités logistiques ; en insistant sur le stockage de faible durée, ils s'adressent aux activités de messagerie en priorité. Cela tient au fait que les activités logistiques comprises dans les CINASPIC ne peuvent entrer dans le champ de la qualification ICPE qui rend impossible l'intégration d'une activité dans une fonction résidentielle. Cette planification des espaces logistiques dans la zone très dense de la métropole parisienne emporte une différenciation spatiale des activités logistiques. Quelques activités, comme la messagerie ou la distribution alimentaire, ont une place privilégiée dans cette planification, mais d'autres secteurs de la logistique sont oubliés. 74 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique PLU ­ Plans généraux Zonages et destination Zone UG ­ Secteur plus favorable à l'emploi Zone UG ­ Site de protection des Grands magasins Zone UG ­ Secteur privilégiant l'habitation Zone UG ­ Secteur favorisant la mixité habitat-emploi Zone UG ­ ZAC ou secteur d'aménagement Zone UG ­ Secteur de Maisons et Villas Zone UGSU ­ Zone urbaine de grands services urbains Zone UV ­ Zone urbaine verte Limitations des parcs de stationnement Voie sur laquelle la création d'accès à un parc de stationnement est interdite Figure 31. Plan de zonage de Paris (source : Règlement, PLU, Paris, 2016) 75 PARTIE 3 LE CAS DU PLU DE MARSEILLE Le PLU actuel de Marseille est mis en oeuvre depuis 2011, modifié à plusieurs reprises depuis. La Ville a également entamé un processus de participation à l'élaboration du PLUi de la Métropole Aix-Marseille-Provence qui, après les débats publics de 2019, entrera en vigueur en 2020. À nouveau notre analyse s'inscrit dans une période transitoire. On peut penser que les principes développés dans le PLU marseillais se retrouveront dans le PLUi. Mais ce dernier pourrait également amplifier certains aspects. Marseille est une ville portuaire. Le port de Marseille-Fos est l'un des plus importants en France. Le développement logistique est très lié à la croissance du port et des trafics. Dans ce contexte, la ville de Marseille s'est engagée dans un processus de développement de la logistique urbaine. 1 PADD La ville de Marseille a pour objectif de conforter le développement des activités logistiques et industrielles sur son territoire et dans l'hinterland portuaire, notamment par des aménagements et des réserves foncières. Le renforcement de la relation ville-port pour limiter les coupures morphologiques et fonctionnelles, mais aussi pour renforcer les porosités entre ces deux espaces constitue un objectif déterminant. Le traitement de cette interface passe par le développement d'un système de transport pour les passagers et les marchandises, notamment mais bien sûr pas exclusivement, via le fret ferroviaire. Un autre objectif concerne la requalification des zones d'activités économiques principalement logistiques et l'organisation des mobilités, notamment la circulation des poids lourds depuis ces zones vers la ville et le port dans l'optique d'optimiser les flux et de limiter les nuisances : « Veiller à la compatibilité des secteurs dédiés aux activités économiques productives, industrielles, logistiques... » avec leur environnement urbain et surtout avec les zones résidentielles proches, pour limiter les nuisances induites et les conflits d'usage. En particulier, réserver des espaces mutualisés pour les services urbains (déchets, logistique urbaine...) et canaliser les flux de poids lourds pour limiter leurs effets négatifs (nuisances, sécurité routière, risques liés au transport de matières dangereuses...), en organisant des itinéraires entre les autoroutes et les zones d'activités : boulevards urbains économiques connectés aux échangeurs puis voirie adaptée (« trame active ») dédiée aux usagers des zones d'activités, dont les poids-lourds (PADD p.16). On retiendra aussi l'objectif de mutualisation des services urbains. On retrouve ici le même principe qui a guidé la ville de Paris à créer les zones UGSU. Enfin, la ville de Marseille entend promouvoir « l'écomobilité » pour le transport de marchandises en ville et le développement de la logistique urbaine. Cela passe notamment par la mise en place d'un réseau maillé de plates-formes logistiques et urbaines répondant : · Au besoin d'une desserte ferroviaire performante pour le fret, le chantier de transport combiné maritime-continental de Mourepiane constituant à cet égard un projet majeur ; · Aux besoins traditionnels de l'économie urbaine (commerce de gros, messageries...) majoritairement assurés dans la Façade Maritime Nord, qui doivent continuer à être satisfaits dans le cadre des espaces logistiques existants, à requalifier par ailleurs ; · Aux besoins nouveaux en lien avec le e-commerce (messagerie express, livraisons à domicile, vente à distance...). 76 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Le but étant de développer notamment des espaces logistiques de proximité (« consignes, points d'accueil logistique et d'accueil de véhicules pour la redistribution des marchandises, hôtels logistiques... »), mais aussi de réglementer les normes d'émissions atmosphériques et de bruit, d'encourager les innovations en la matière et d'améliorer les conditions de livraison en centre-ville en renforçant « le contrôle, la limitation de la durée de livraison, l'intégration de places de livraison dans les espaces publics et l'aménagement d'aires dédiées en coeur de ville » (PADD, p. 30). 2 OAP Concernant la logistique urbaine ou le transport de marchandises on ne trouve rien dans les OAP permettant de concrétiser les objectifs annoncés précédemment. 3 Règlement Conformément aux objectifs, le règlement du PLU prévoit dans les zones UP (urbaines portuaires) la possibilité de développer des activités logistiques et des dispositions doivent être prises pour les opérations de livraison des véhicules. Dans les zones urbaines (UA) les entrepôts ne sont autorisés que s'ils sont en lien avec les activités déjà présentes dans la commune. Concernant la logistique urbaine on ne retrouve rien dans la partie réglementaire permettant d'entériner des projets. À nouveau le passage difficile des objectifs à leur mise en oeuvre soulève la question de la concrétisation de la logistique urbaine et de l'optimisation du transport de marchandises en ville. 77 PARTIE 3 LE CAS DU PLU DE MONTPELLIER Le PLU de Montpellier, qui a fait l'objet d'une procédure de modification en 2017, présente dans son introduction son engagement sur la question de l'amélioration de la circulation des marchandises dans la ville en lien avec l'objectif du SCOT de « faciliter et rationaliser les livraisons de marchandises et la desserte des pôles logistiques ». 1 PADD La Ville expose son projet de développement de la piétonisation du centre-ville dans une stratégie de redynamisation de cet espace et des commerces qui s'y localisent. Dans cette optique, « des dispositions spécifiques pour permettre la livraison des marchandises dans cette zone seront développées ». La Ville affiche également comme objectif de renforcer le développement de ces zones d'activités économiques, intégrant notamment des activités logistiques. 2 OAP Certains secteurs et projets prévoient d'intégrer ou développer des activités logistiques. C'est notamment le cas de « Garosud », un nouveau parc d'activité en périphérie de la ville qui doit accueillir « un service permanent au marché local (logistique, petite industrie, services, commerces, artisanat) et des grands équipements liés au fonctionnement de l'agglomération (dépôt des bus et des rames de tramway de la TAM, usine de méthanisation) ». On retrouve dans la définition des activités possibles dans ce secteur la notion de services urbains. Comme à Paris, cette zone propose des activités mixtes dont la logistique à destination de Montpellier pourrait faire partie. Sur les 28 objectifs d'aménagement qui composent les OAP du PLU de Montpellier, un seul (celui énoncé plus haut) prend en compte la question logistique. La question du transport et des mobilités, très développée finalement dans le document, se limite aux passagers. 3 Règlement Le règlement du PLU de Montpellier conditionne la construction des entrepôts dans les zones denses au lien qu'ils peuvent avoir avec les activités présentes dans cette zone. Par ailleurs dans certains quartiers, comme celui d'Antigone, ils sont complètement interdits à la construction. Dans certains secteurs, quand les entrepôts sont autorisés, ils doivent être construits de telle sorte que les nuisances soient limitées et ils doivent être compatibles avec leur environnement. Malgré le SCoT et les objectifs déclarés en introduction et dans le PADD, ni les OAP ni le règlement ne semblent particulièrement favoriser le développement de la logistique urbaine ou l'optimisation des flux de marchandises en ville. On note le décalage entre les objectifs et les réalisations : la difficile concrétisation des ambitions sur ces questions à l'échelon local et d'un point de vue réglementaire. 78 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PLU DE CLERMONT-FERRAND Le PLU de Clermont-Ferrand a été approuvé en 2016. Le diagnostic du PLU ne mentionne que peu le transport de marchandises ou le développement d'activités logistiques. Pourtant la Ville intègre des principes de la logistique urbaine qu'elle décline dans les sections suivantes du PLU. 1 PADD La Ville a pour objectif de permettre l'implantation de plates-formes de mutualisation des marchandises à proximité des voies ferrées ou du tramway (la Pardieu, les Gravanches, le Brézet), ainsi que l'instauration de périmètres de livraisons propres, en particulier dans le centre de Clermont. Elle entend aussi développer des points relais pour la livraison de proximité dans des espaces délaissés des zones urbaines favorisant ainsi la mixité des usages. En-dehors des orientations relatives à la mobilité, la ville de Clermont-Ferrand affiche l'ambition de mener une réflexion sur le transport de marchandises, sur les dispositifs de limitation du bruit, sur la qualité des matériaux et des aménagements, notamment dans l'optique de réduire la circulation des poids lourds et des véhicules polluants dans le centre urbain en repensant le système de transport de marchandises. Il s'agit de réduire les émissions de polluants liés au « dernier kilomètre » en réfléchissant à l'adoption d'une Logistique Urbaine Mutualisée et Durable (LUMD). 2 OAP Aucun projet ne permet actuellement dans l'OAP de mettre en oeuvre les objectifs affichés dans le PADD. 3 Règlement Le règlement ne contient aucune disposition relative à la logistique urbaine. On note encore une fois le décalage entre les objectifs et les traductions concrètes dans le règlement. 79 PARTIE 3 LE CAS DU PLU D'ORLEANS Le PLU d'Orléans approuvé en 2013 est aujourd'hui toujours en vigueur. En 2017, la Ville avait fait appel à un bureau d'études pour établir le « fonctionnement global des déplacements et de la logistique urbaine dans la Métropole d'Orléans et la ville d'Orléans ». Cette étude avait pour but d'orienter l'action publique sur ces questions dans un processus de construction d'un PLUi appelé PLUM (Plan Local d'Urbanisme Métropolitain), dont les orientations ont fait l'objet d'une consultation publique à l'été 2019. À nouveau, notre analyse intervient à un moment charnière de préfiguration des PLUi et de consolidation des objectifs de la ville-centre dans la révision de son propre document. On peut donc penser que les principes établis dans le PLU seront présents dans le futur PLUi. 1 PADD Le PADD fixe des objectifs très généraux dans le cas d'Orléans, concernant le renforcement de l'attractivité du territoire, le développement d'une offre en équipements et services en adéquation avec les besoins des habitants et des évolutions de la ville, ou la création d'une ambiance atmosphérique satisfaisante pour la santé. Ce dernier point s'articule notamment autour des véhicules non polluants. Le transport de marchandises n'est pas spécifiquement désigné mais pourrait rentrer en ligne de compte. 2 OAP À nouveau les OAP du PLU de la ville d'Orléans font très peu cas de la question des marchandises et de la logistique à l'exception notable d'une volonté de « promouvoir la mutualisation et l'organisation innovante du stationnement ». Cette mutualisation sous-entend le développement des aires de livraison partagées entre le stationnement des véhicules des particuliers et des véhicules de livraison à différentes heures du jour et de la nuit. À noter que ces dispositions existent aujourd'hui dans la ville d'Orléans et que ces objectifs sont de court terme. 3 Règlement Le règlement écrit du PLU d'Orléans ne contient aucune disposition relative à la logistique, au transport de marchandises ou aux livraisons. La ville d'Orléans ne fait pas de projection à très long terme sur la logistique, traitant la question des marchandises au stade de la seule réglementation. La dimension environnementale est peu prise en compte. L'entretien effectué avec la ville d'Orléans conforte cette observation. Après consultation des acteurs privés (commerçants et transporteurs locaux), le développement d'un CDU n'a pas abouti, ces acteurs n'étant pas particulièrement intéressés par cette disposition. L'action de la ville d'Orléans se concentre plutôt sur les véhicules propres sans toutefois opter pour la mise en place d'une ZFE. Orléans n'emploie pas du tout le levier foncier et immobilier pour développer la logistique urbaine. Si les outils sont les mêmes (PLU), les villes les utilisent de façon très différente, dans la définition de leurs objectifs ou dans la réglementation du sol. 80 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PLU DU CREUSOT La ville du Creusot ne fournit aucune disposition relative au transport de marchandises ou à la logistique dans son PLU. La Ville étant également dans un processus de construction de son PLUi, on peut se demander dans quelle mesure ces questions seront davantage prises en compte dans le futur document. Il est intéressant de noter que le PLU du Creusot met l'accent sur le re-développement du centre-ville en lien avec la lutte contre le délaissement de ces espaces aux profits des zones commerciales en périphérie. Ainsi son PADD porte notamment sur la « réorganisation de l'offre commerciale » qui limite l'extension des centres commerciaux, interdit la création de nouvelles zones commerciales, encadre les transferts entre locaux pour limiter la vacance commerciale. Ces objectifs s'inscrivent dans un contexte généralisé de crise des centres-villes dans les villes moyennes en France. Dans les actions envisagées dans le PADD on retrouve la volonté de piétonniser des espaces, réduire la place de la voiture en ville en retirant des stationnements gratuits et en requalifiant certains axes de circulation afin de porter un projet de mobilité apaisé. Dans ce PADD ces objectifs s'accompagnent d'une prise en compte des besoins des habitants et des commerces en matière de livraison : « Il faudra aussi évaluer la nécessité de mieux organiser les livraisons de marchandises en ville, pour limiter les nuisances occasionnées par l'accès, le stationnement, ... des véhicules de livraison et pour répondre aux évolutions observées sur le nombre et la fréquence des livraisons auprès des particuliers, notamment liées à l'explosion du E-commerce. Cela se traduira par une réflexion sur la mise en place de systèmes de logistiques urbaines propres et pour la gestion du dernier kilomètre (mise en place d'espaces logistiques urbains...) ». Au-delà de cette mention du dernier kilomètre, le reste du PLU ne prévoit rien permettant la réalisation concrète de cet objectif, démontrant ici l'existence d'un décalage entre les objectifs et les réalisations. 81 PARTIE 3 LE CAS DU PLU DE LA ROCHELLE La Rochelle est une ville portuaire. Le port est autonome comme celui de Marseille. Cela signifie que la croissance logistique des espaces portuaires n'est pas dépendante d'une politique publique locale mais bien de l'action du port lui-même. Il y a donc deux entités compétentes pour développer des activités logistiques dans l'agglomération de La Rochelle, comme dans le cas de Marseille ou de Strasbourg. Du fait de cette activité portuaire la question logistique est relativement bien intégrée aux documents de planification. La zone UPM est destinée à recevoir des constructions, installations ou aménagements qui sont en rapport avec les activités portuaires, logistiques et industrialo-portuaires (pêche et culture marine, commerce maritime, Marine nationale). Le secteur UPM correspond au secteur soumis aux risques de submersion marine. Par ailleurs, La Rochelle a développé l'un des premiers centres de distribution urbaine, ou plate-forme de mutualisation, en France (voir partie 4). En lien avec la volonté de promouvoir la logistique urbaine, celui-ci a été localisé à proximité du centre-ville, loin du port maritime, à proximité d'une emprise ferroviaire. Aujourd'hui implanté dans une zone Ufx, qui correspond « aux emprises qui jouxtent la gare SNCF. Ils visent à limiter tout développement de l'urbanisation dans l'attente d'un projet d'ensemble sur ce secteur en lien direct avec le centre-ville ». Or, dans le PLU de 2017, seules les activités logistiques et de bureaux sont autorisées dans cette zone à condition « qu'elles soient liées au trafic et à l'exploitation du réseau ferroviaire ». À notre connaissance aujourd'hui, le CDU ne fonctionne cependant pas avec le ferroviaire. Le CDU de La Rochelle est surtout original sur le plan réglementaire. Il met en oeuvre en effet le seul « service public du transport de marchandises » en France, car son fonctionnement est en effet confié à un concessionnaire dans le cadre d'une délégation de service public, et bénéficie pour cela de subventions d'exploitation. Ce schéma a été longtemps « illégal » sur le plan juridique (dans le droit européen, il est difficile de concevoir un service public des marchandises), mais le droit français, sans doute en décalage avec le droit européen (seule une jurisprudence pourrait nous le confirmer), a récemment autorisé de tels services publics de distribution urbaine des marchandises, si la fourniture par le privé de services de livraison se révèle insuffisante (notamment sur le plan de ses performances environnementales). Figure 32. Extrait du plan de zonage du PLU de La Rochelle, 2017 82 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Il est intéressant de noter la dichotomie des secteurs logistiques. D'un côté on retrouve la logistique portuaire, qui peut être ou non à destination de la ville de La Rochelle, qui correspond à une logistique de longue distance et de gros volumes, aménagée et développée par le port autonome de La Rochelle, et de l'autre la logistique urbaine dédiée à la distribution urbaine aménagée et développée par la ville de La Rochelle. La lecture des documents de planification, notamment du PLU, marque bien cette dichotomie et montre l'absence de coordination de ces deux acteurs autour de la question logistique et du transport de marchandises. Les deux logistiques sont traitées séparément, par des acteurs différents, dans des zones différentes. LE CAS DU PLU DE ROUEN Rouen, à l'instar de La Rochelle, est une ville portuaire, mais fluviale. Au regard des projets de développement de l'Axe-Seine et de fusion des ports HAROPA (Le Havre, Rouen, Paris), on pourrait penser que le développement de la logistique, notamment tournée vers le fleuve, fasse l'objet d'une attention particulière dans le PLU. En effet, le diagnostic rappelle l'importance du fleuve pour le transport de marchandises mais aussi comme une opportunité de développement économique. 1 PADD L'un des principaux objectifs du PLU est le développement du port : « La vocation portuaire et logistique de Rouen doit aussi être confortée. En aval du pont Gustave Flaubert, les projets de redéploiement du terminal de l'Ouest et d'aménagement d'un site intermodal maritime-fluvial sont de nature à réintensifier l'activité portuaire autour du bassin Saint-Gervais. En amont du Pont Corneille, l'activité portuaire fluviale pourrait aussi être amenée à connaître un renouveau. Par ailleurs, l'activité portuaire doit s'ouvrir sur de nouvelles perspectives comme la croisière ou la plaisance ». Le développement portuaire est cependant traité de façon distincte de la question de la logistique urbaine et n'a pas vocation à servir de pied d'appui à une politique de réorganisation des flux de marchandises en ville. 2 OAP Aucune disposition concernant des projets de logistique ou liée au transport de marchandises n'est mentionnée. La Ville semble se reposer sur un développement portuaire porté par HAROPA et ne fait pas du développement de la logistique urbaine fluviale un axe particulier de sa politique en matière de logistique urbaine. 3 Règlement Aucune disposition n'existe concernant le développement des projets logistiques ou en lien avec le transport de marchandises. 83 PARTIE 3 Depuis 2017, la compétence du PLU a été transférée aux intercommunalités, notamment aux métropoles qui ont en charge la mise en oeuvre d'un PLUi. Si cette procédure a pu poser de nombreuses interrogations quant aux calendriers et aux compétences et a incité les élus locaux à revoir leur PLU pour s'armer durant la négociation du PLUi, elle a aussi renforcé l'intégration de la question des marchandises et de la logistique dans la planification et les objectifs de développement de ces territoires à moyen terme. LE CAS DU PLUI DE STRASBOURG Depuis 2016, l'Eurométropole de Strasbourg, qui compte 33 communes, a mis en place un PLUi. Dans la perspective d'une intégration européenne, mais également de développement de la métropole, les principaux objectifs d'aménagement s'articulent autour d'une structuration des pôles urbains, d'une gestion économe et optimisée de l'espace, d'une politique de développement de l'emploi, des logements et de préservation des espaces agricoles. Le PLUi accorde une place relativement importante à la question de la circulation des marchandises et à la logistique. 1 PADD La Métropole entend mettre en oeuvre une politique globale et de gestion des flux de marchandises. L'objectif est d'uniformiser les réglementations en matière de circulation des poids lourds dans l'Eurométropole, pour permettre l'amélioration de la lisibilité des itinéraires pour les acteurs du transport. Le but est également d'organiser le transport de marchandises en s'appuyant sur l'existence de plates-formes logistiques urbaines. Leur localisation doit favoriser l'usage du ferroviaire et du fluvial pour les transports longue distance et, pour les courtes distances, des véhicules électriques, des triporteurs ou du tram-fret. Deux types de « hubs » seront développés : · Des espaces en entrée d'agglomération qui permettent de rationaliser les livraisons et de « massifier » l'approvisionnement ; · Des espaces réservés dans le tissu urbain, à proximité des destinataires finaux (industriels, commerçants et artisans, riverains...), pour assouplir les contraintes de livraison pour les usagers. Le PADD mise également sur la logistique comme une stratégie de développement de l'emploi (en partie). En préservant le foncier qui accueillait auparavant des activités industrielles pour en faire de la logistique et maintenir ainsi des emplois dans ce secteur. La Métropole envisage également de relocaliser les activités industrielles et logistiques de la zone portuaire qui ne sont pas en lien avec le fleuve dans une autre zone. L'ambition est de conforter la fonction portuaire de ces zones, in fine, le transport de marchandises par voie d'eau. La circulation des marchandises fait l'objet d'une préoccupation environnementale, l'objectif étant de rationaliser le transport de marchandises. 2 OAP Dans le secteur métropolitain appelé « coeur métropolitain deux-rives », il s'agit de mettre en oeuvre un projet qui permette d'associer le développement logistique et industriel dans le port et le développement urbain, en travaillant sur l'interface villeport. Le projet repose notamment sur le développement d'entrepôts logistiques liés au commerce. 3 Règlement Le règlement du PLUi ne contient aucun élément sur la logistique ou le transport de marchandises. 84 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PLUI DE RENNES Le nouveau PLUi de la métropole de Rennes s'appliquera fin 2019, alors que le nouveau PLU de la ville de Rennes s'applique depuis le 1er avril après un processus de révision qui a eu lieu entre 2014 et 2019. La mise à jour de ce PLU n'est donc effective que pour quelques mois. La mise en ligne simultanée des documents du PLUi et du PLU nous a permis de mettre en évidence les différences en matière d'aménagement, d'objectifs et de projets portés par ces deux échelons. Les différences sont très importantes. Alors que les deux documents affichent un diagnostic et des objectifs (PADD) proches, les OAP et la partie règlement diffèrent largement. Cela est très clair pour ce qui est de la logistique. Dans le PLU de Rennes, dans les OAP, l'aménagement des espaces logistiques ou la logistique urbaine ne sont pas abordés. En revanche dans le PLUi la logistique y tient une place relativement importante tant sur le plan du développement de la logistique urbaine que sur le plan du développement de la logistique dans les parcs et zones d'activités. Ces perspectives rejoignent des objectifs en lien avec l'environnement et la planification économique, plus stratégiques. 1 Diagnostic du plan local d'urbanisme Dans le diagnostic du PLUi de la métropole de Rennes, la logistique urbaine est mise en avant comme un levier d'amélioration du transport de marchandises en ville du point de vue environnemental mais aussi pour permettre une amélioration des conditions de livraison. Ce diagnostic n'a pas de valeur réglementaire mais permet de mesurer la prise en compte de ces questions par les acteurs publics locaux. « Le diagnostic du PCAET indique que le fret représente 11 % des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire de Rennes Métropole. À Rennes, seulement 20 % des livraisons sont effectuées en recourant aux aires dédiées alors que plus de 40 % d'entre elles ont lieu avec un stationnement en double file. Le centre-ville de Rennes en particulier en tant que pôle commercial majeur, concentre plusieurs problématiques en matière de livraison. Les espaces de stockage sont de petite taille, ce qui implique une gestion en flux tendu et des arrivages fréquents. Le développement des supermarchés en centre-ville nécessite une adaptation des acteurs de la livraison ». Dans le cadre de réflexions menées en accompagnement du PDU, des enjeux ont émergé afin de faciliter et d'organiser les déplacements des acteurs économiques dans les zones urbaines difficilement accessibles et favoriser l'essor d'une logistique urbaine plus durable. Le PDU affiche l'ambition de supprimer les livraisons en diesel dans le centre-ville de Rennes en 2030 et de réduire de 30 % les déplacements en diesel au profit de motorisations électriques ou gaz. Ces enjeux soulèvent un certain nombre de sujets : · La nécessité d'une meilleure connaissance des pratiques de logistique urbaine sur le territoire au travers d'un diagnostic quantitatif ; · La mise en place d'outils efficaces à disposition des acteurs de la profession (en portant une réflexion sur les aires de livraison, leur localisation, leurs horaires et leur lisibilité) ; · Concernant l'émergence de dispositifs innovants (consignes à colis, sas de livraison en commerces...), une prise en compte des besoins d'aménagement pour l'accès des livreurs et de leurs véhicules de livraison ; · Une réflexion sur les grandes aires de livraison, leur adaptation aux chariots et transpalettes, les accès pour les gros gabarits de véhicules ; 85 PARTIE 3 · Une structuration de l'usage de l'espace public en secteur urbain contraint pour sécuriser les livraisons ; · L'identification et la réservation de foncier sur Rennes pour permettre d'accompagner le développement d'espaces logistiques urbains, outils du développement d'une logistique urbaine plus durable ; · La mise en cohérence des réglementations d'accès (circulation, stationnement, horaires) entre les communes de la métropole. 2 PADD Dans le plan d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme de la métropole de Rennes, l'un des objectifs en termes de mobilité concerne le développement de la logistique urbaine : « 5.8 Développer et favoriser une logistique de proximité en s'adaptant aux différentes ambiances urbaines et aux évolutions de consommation et technologiques .» 3 OAP Dans la partie « Orientation d'aménagement et programmation » du PLU de la métropole de Rennes, le point 9 de la partie 2.3 « Les mobilités au service du développement » (Tome 1, p. 71) concerne l'organisation de la logistique urbaine. « La circulation des poids lourds entraînant des nuisances, il existe un enjeu particulier à organiser la logistique urbaine en secteur urbain contraint et notamment dans les centres-villes. Des aires de livraison doivent être aménagées pour structurer l'usage de l'espace public et sécuriser les livraisons. Une réflexion spécifique est à mener sur le dernier maillon de la chaîne logistique, "le dernier kilomètre" et qui pourrait aboutir sur la définition d'une stratégie foncière et immobilière de la logistique urbaine (centre de distribution urbaine permettant le dégroupage et le regroupement de colis). Il conviendrait pour ce dernier kilomètre de privilégier les véhicules à faibles émissions et les mobilités décarbonnées comme la livraison à vélo. » La Métropole de Rennes s'inscrit donc dans une volonté de favoriser le développement d'un immobilier logistique permettant d'optimiser les flux dans la ville et de faire du report modal pour la livraison. Le point 12 des OAP promeut le développement des nouvelles technologies dans la mobilité. La Métropole en s'inscrivant dans une politique nationale portant sur ces nouvelles mobilités, a pour objectif d'appuyer localement le développement des véhicules autonomes notamment pour le fret. L'orientation 1 de la partie 2.4. « Le développement économique et commercial » (Tome 1, p. 76) soulève l'importance de développer une stratégie en matière de localisation des activités « accessibles-spacivores » (logistique, industrie, commerce de gros) qui recherchent de vastes emprises foncières et une desserte routière optimale. L'orientation 3 de la parte 2.4 met en avant la stratégie de requalification des zones d'activités économiques dans leur ensemble qui permette de sanctuariser ces espaces dédiés aux activités industrielles et logistiques pris dans un contexte de pression urbaine importante. La création de nouvelles zones d'activités pour la logistique fait également partie de cette nouvelle stratégie : « Cette offre répond aux entreprises industrielles et logistiques, rayonnant à une échelle nationale et internationale. Ces zones, caractérisées par une topographie adaptée à la réalisation de grands plateaux, doivent être nécessairement bien desservies, et donc situées à proximité des infrastructures de transports. » Ces objectifs prennent aussi en compte la densification des zones logistiques comme la frange est du bois de Soeuvres, et la préservation de la vocation logistique dans la frange logistique nord de la zone « Ecopole sud-est ». 86 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique 4 Règlement La logistique urbaine peut être développée dans les zones UA, UB, UC, UD, UE, UP, UO1. Concernant les entrepôts logistiques, ceux-ci peuvent être développés dans les zones UA, UB, UC, UD, UP, UO1, UE1, UE2, UE3, UO3, UO4 à condition de ne pas générer de nuisances et sous réserve d'intégration paysagère. Ils sont autorisés dans les zones UG1 et 2 à condition d'être liés à la vocation de cette zone, ainsi que dans la zone UG3 ou UGf à condition d'être respectivement en lien avec l'aéroport et l'activité ferroviaire. Ils sont autorisés uniquement par changement de destination et à condition que le bâtiment soit identifié au titre du patrimoine bâti d'intérêt local (ZONE A hors secteur Ad, ZONE N ZONE NP). Ils sont en revanche interdits dans les secteurs Nh, Ah, Ne, UI3, UI4, UI5, UIf, UG4, UGn, UGi, UE4, soit dans des zones naturelles, résidentielles ou très denses du centre-ville. Figure 33. Extrait du règlement graphique du PLU de la Métropole de Rennes, plan de zonage, mars 2019 87 PARTIE 3 Le changement d'échelle dans la planification à moyen terme permet de favoriser l'intégration des objectifs de développement de la logistique urbaine, de la logistique dans les opérations de requalification des zones d'activités économiques et de l'insertion des entrepôts dans la ville au regard des nuisances générées (pollution sonore et visuelle). L'attention portée à ce type de pollution démontre une certaine intention de faire une ville mixte, où ces activités productives cohabitent avec les populations. Ces différents PLU insistent souvent sur la nécessité de développer la logistique urbaine mais aussi un transport de marchandises alternatif. Ces objectifs se traduisent-ils concrètement dans la pratique ? Orléans, disposant d'une étoile ferroviaire assez importante, a pour objectif premier de maintenir les lignes de fret existantes et de les développer par la suite. « On travaille avec la région et la SNCF pour maintenir ces lignes et tous les embranchements à ces lignes qui permettent aux entreprises d'être connectées au réseau ferroviaire. En sachant qu'à la fois la métropole est en soutien mais c'est une politique qui est davantage menée au niveau régional voire national » (chargée de mission Mobilités et PDU, Orléans Métropole). Pour Bordeaux, il est compliqué de favoriser le report modal en fonction de ces spécificités. En effet même s'il y a possibilité d'utiliser un autre mode de transport que la route, ce ne pourra pas être significatif en raison d'un manque d'infrastructures : « On fait difficilement du report modal, on a assez peu de voies ferroviaires qui puissent alimenter le centre de Bordeaux pour de la logistique, on va dire urbaine. On a plus de difficultés encore sur le fluvial où la Garonne historiquement a perdu toute son activité de transport. Il n'y a plus les infrastructures de déchargement donc aujourd'hui il n'y a plus d'activité fluviale sur la Garonne, malheureusement, comme on peut en voir sur la Seine. » Pour y remédier, la ville est en collaboration avec des établissements spécialisés sur ces sujets mais pour l'acheminement de flux de plus petite taille : « On a des travaux qui sont menés notamment avec Voies Navigables de France (VNF) et certaines zones d'agglomération en amont de la Garonne pour essayer de trouver des moyens de transports. Notamment je pense à des granulats, tout ce qui est déchets de chantiers de construction mais aussi des céréales » (Direction Circulation et Stationnement, Bordeaux Métropole). Strasbourg quant à elle a pour objectif de développer les infrastructures permettant la multimodalité, car elle dispose à la fois d'un port et d'une gare de triage : « On a un port, on étudie la possibilité d'un hub ferroviaire, on a un port multimodal sur les trois modes (route, ferroviaire et fluvial). On essaie de renforcer la capacité de traitement des trains de marchandises. ». En ce qui concerne la circulation en ville, Strasbourg privilégie le transport via les mobilités douces : « Dans ce contexte-là y a un modèle économique privé qui a pu émerger, on a deux services privés qui sont installés sur le territoire et qui assurent la livraison en vélo-cargo l'après-midi pour le centre-ville de Strasbourg » (chargée de stratégie logistique urbaine, Strasbourg Eurométropole). Le problème du report modal par voie ferroviaire est son coût important ainsi que sa très faible flexibilité par rapport à la route. En effet l'organisation d'un acheminement par voie ferroviaire se fait très en amont et doit répondre à des règles strictes : « Le fret [ferroviaire], c'est quelque chose qui a du mal à se développer et à être pérennisé car ça a un coût important » (chargée de mission Mobilités et PDU à Orléans Métropole). Même cas pour Strasbourg qui s'est davantage portée sur le fluvial en raison des difficultés à mettre en place du transport de marchandises par voie ferrée. « Pour l'instant avec les opérateurs on travaille mieux avec le volet fluvial mais de toute façon le report modal d'une façon générale est compliqué. Tout simplement en raison du prix du diesel qui est beaucoup plus compétitif. C'est beaucoup plus compétitif de faire du camion qu'autre chose. Donc ça c'est du point de vue des opérateurs, par ailleurs les temps de travaux ne sont pas les mêmes selon qu'on soit une entreprise ou en discussion avec SNCF Réseau ou les instances plutôt portuaires » (chargée de stratégie logistique urbaine, Strasbourg Eurométropole). 88 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique En revanche pour certaines villes de plus petite taille, les enjeux ne sont pas du tout les mêmes. En effet pour le cas de Lens, la ville n'est pas portée sur les aspects liés à la logistique urbaine : « Oui, on en a une [zone logistique] qui est le port de Harnes, c'est un port fluvial qui est sur le chemin du fameux canal Seine-Nord-Europe. Sinon la vraie zone multimodale c'est à Delta 3 sur la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin, où là du coup il y a un terminal ferroviaire. Chez nous c'est surtout du routier à part le port de Harnes » (cheffe de projet mobilité / déplacements, communauté d'agglomération de Lens-Liévin). Ces quelques entretiens et exemples montrent la dichotomie entre les objectifs des PLU et concrètement la possibilité de les mettre en oeuvre. Au-delà de ce qu'autorisent ou permettent les PLU, la difficulté à mettre des mesures en oeuvre est dépendante de la taille de la ville. Plus les villes sont importantes, plus elles auront les moyens de leurs objectifs et pourront mettre en oeuvre un certain nombre de projets mais aussi plus facilement mobiliser et intéresser les acteurs privés. 3.1.2. Planifier le transport de marchandises Dispositions législatives Dans cette section nous analysons l'article 12 des PLU. Le plan local d'urbanisme peut définir, dans cet article, un « ratio logistique » permettant de prévoir des emprises privées pour accueillir les véhicules qui doivent charger ou décharger des marchandises. C'est le choix fait par certaines villes européennes comme Barcelone où une zone de livraison de 25 m² au minimum doit être construite pour tous les nouveaux établissements industriels et commerciaux de plus de 500 m² de surface hors oeuvre nette (SHON). C'est également le cas en France comme à Nice ou Paris où le PLU réglemente les espaces dédiés à la logistique pour les commerces, l'artisanat et l'industrie, les bureaux, les entrepôts, les hébergements hôteliers. En fonction des destinations ou sous-destinations, le rédacteur du PLU peut définir un seuil pour les espaces de stationnement pour la livraison. Il peut aussi définir le dimensionnement de ces aires. Si cette disposition réglementaire présente un réel intérêt en imposant des aires de livraison sur emprises privées qui font moins l'objet de stationnements parasites de la part de véhicules particuliers, la définition de ces ratios constitue un réel enjeu d'appréciation de la situation pour ne pas mésestimer les besoins. La révision du code de l'urbanisme par l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 n'a pas intégré davantage d'éléments sur le stationnement des véhicules de marchandises et l'encadrement des aires de livraison, laissant chaque commune ou EPCI déterminer ces normes dans son PLU. Alors même que cette ordonnance montre l'intégration par le législateur de nouvelles questions posées par l'évolution de la mobilité (intégration des stationnements pour les vélos ou les véhicules électriques par exemple), elle ne propose rien de nouveau pour le transport de marchandises. Par ailleurs, elle renforce certaines dispositions pour le stationnement en général, qui peut, in extenso, s'appliquer au transport de marchandises suivant les interprétations faites par les pouvoirs publics locaux. À travers l'article 12 des PLU, les communes ou les EPCI peuvent : · Fixer un nombre maximal d'aires de stationnement à réaliser pour les constructions autres que l'habitation, lorsque les conditions de desserte en transport en commun le permettent (art. L.15130 et suivants du code de l'urbanisme) et dans le respect des dispositions du PDU. Cette mesure a pour objectif de limiter les usages de la voiture individuelle, en revanche la loi ne prévoit pas de conditions spécifiques ou de dérogation pour le stationnement des véhicules de livraison ; 89 PARTIE 3 · Le PDU peut délimiter des périmètres à l'intérieur desquels les conditions de desserte par les transports en commun permettent de réduire ou de supprimer les obligations imposées en matière de réalisation d'aires de stationnement, notamment lors de la construction d'immeubles de bureaux. À nouveau, rien n'est dit sur la livraison. In extenso, cela pourrait néanmoins s'appliquer au transport de marchandises, même si les logiques sont différentes (il serait dommage, dans le cas des livraisons, de supprimer ces obligations qui permettent de réduire les livraisons sur voirie) ; · Pour les commerces, l'emprise au sol affectée au stationnement ne peut excéder un plafond correspondant à 0,75 fois la surface de plancher affectée au commerce (modulations possibles, encadrées par la loi). La loi ne spécifie rien pour le transport de marchandises, laissant la possibilité aux communes ou aux EPCI de fixer leurs propres conditions ; · Lorsque le PLU tient lieu de PDU, le règlement fixe les obligations minimales en matière de stationnement pour les véhicules non motorisés, en tenant compte des transports en commun. Analyse des articles 12 dans les PLU 67 % des villes précisent dans l'article 12 de leur PLU les conditions pour la création d'aires de livraison, ou en tout cas des conditions pour la livraison des marchandises dans le cas de nouvelles constructions. Ce qui montre qu'il existe encore un tiers des villes, dans notre échantillon, qui ne traitent pas de la question des marchandises dans l'article 12 et ne réglementent pas cet aspect (figure 34). 33% Précise Ne précise pas 67% Figure 34. Utilisation de l'article 12 du PLU pour fixer les conditions de la livraison et du stationnement des véhicules pour les marchandises LE CAS DU PLU DE LYON Dans la zone réglementée UIP du PLU, l'article 12.4 sur les « Dispositions relatives aux livraisons et enlèvements de marchandises » établit que « pour les constructions nouvelles à destination artisanale, commerciale, industrielle et d'entrepôts, le pétitionnaire doit prendre en compte l'impact des livraisons et des enlèvements de marchandises sur le domaine public, notamment en matière d'écoulement du trafic sur la voirie. Si cela est nécessaire, des mesures doivent être prévues pour limiter ces nuisances (ex. : réalisation d'aires de stationnement par le pétitionnaire sur un espace privé, etc.) ». L'article prend bien en compte la question du transport de marchandises et de la livraison, mais laisse à la libre interprétation du maire la prise en compte de l'impact des livraisons. L'article 12 du PLU ne s'accompagne pas de dispositions très précises. 90 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PLU DE PARIS Le PLU de Paris impose la prise en compte des conditions de chargement et déchargement sur les conditions de mise en oeuvre des aires de livraison en fonction des zones. Zones UG12.2 « Les constructions doivent réserver sur leur terrain des aires de livraison. Si elles ne sont pas réalisables de plain-pied, les aires de livraison peuvent être aménagées dans des parcs de stationnement en sous-sol. Les aires de livraison, ainsi que leurs accès, doivent présenter des caractéristiques adaptées aux besoins. » Dans cette zone le PLU prévoit en fonction de cinq destinations (bureaux ; commerces, industries, artisanat ; entrepôt ; hôtellerie ; CINASPIC) des conditions spécifiques en matière de place de stationnement pour les véhicules de marchandises et de livraison. Par exemple pour les bâtiments relevant du commerce, de l'artisanat ou de l'industrie : « Lorsqu'il est construit sur un terrain comportant une surface de plancher relevant d'une ou plusieurs de ces destinations et dépassant 500 m², il doit être réservé sur ledit terrain les emplacements nécessaires et adaptés pour assurer toutes les opérations usuelles de chargement, déchargement et manutention ». Pour les entrepôts, « sur tout terrain comportant une surface de plancher à destination d'entrepôt, il doit être réservé les emplacements nécessaires et adaptés pour assurer toutes les opérations usuelles de chargement, déchargement et manutention. Une aire est exigée pour toute installation, y compris en cas de changement de destination transformant des locaux en entrepôts. Elle doit être de dimension suffisante pour permettre l'accès de véhicules utilitaires et industriels sur le terrain, tout en assurant la sécurité des piétons ». En l'espèce les conditions ne sont pas très précises et laissent de la place à l'interprétation. Zones UGSU12 « Pour tous les établissements, les emplacements nécessaires pour assurer toutes les opérations usuelles de chargement, de déchargement et de manutention adaptées aux besoins de l'établissement doivent être aménagés sur le terrain. » Les zones UGSU accueillent notamment les activités de la logistique urbaine. Cela permet d'adapter les nouvelles constructions au besoin de l'occupant dans une certaine flexibilité. 91 PARTIE 3 LE CAS DU PLU DE LILLE Dans les zones Uad, Ub, Ubz, UC et UD, des dispositions spécifiques sont établies pour les entrepôts et remises, à savoir « la mise en oeuvre de surfaces suffisantes pour l'évolution, le chargement, le déchargement, et le stationnement des véhicules de livraison et de service, et pour la totalité des véhicules du personnel et des visiteurs ». Dans les zones UV, sur chaque unité foncière des surfaces suffisantes doivent être réservées : pour l'évolution, le chargement, le déchargement et le stationnement de la totalité des véhicules de livraison et de service. Légende : P.L.U. UA UB UC Zone urbaine mixte à caractère central et à dominante d'habitat Zone urbaine mixte de densité élevée et à dominante d'habitat Zone urbaine mixte de densité moyenne à dominante d'habitat, assurant la transmission entre les quartiers centraux et les quartiers de faible densité Zone urbaine de faible densité à urbanisation modérée à dominante d'habitat Zone d'activités périphérique Zone d'activités à vocation industrielle et artisanale à maintenir, privilégier et renforcer Zone d'activités diversifiées : bureaux ­ commerces ­ services Zone à dominante commerciale Zones d'Euralille (UL1 : Euralille / UL2 : Euralille 2) Zone de la Haute Borne UK UU UH UN UV AUC AUD A UP NP Zone des rives de la Haute Deule Zone d'équipements universitaires et d'activités scientifiques Zone de la citadelle de Lille Zone de l'Union Zone d'aéroport ou d'aérodrome Zone naturelle à urbaniser constructible Zone naturelle à urbaniser différée Zone agricole Zone de parc urbain Zone naturelle pouvant accueillir des constructions respectant la préservation des sites et des paysages Zone naturelle de protection des milieux écologiquement sensibles UD UE UF UG UX UL UM NE Figure 35. Plan de zonage de la ville de Lille (source : ville de Lille) 92 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PLU DE GRENOBLE Ce PLU est très précis sur les conditions à mettre en oeuvre pour le transport de marchandises lors de la construction d'un nouveau bâtiment. Il laisse peu de places à l'interprétation contrairement aux autres, imposant des gabarits en fonction de la destination des bâtiments par exemple. Dans les zones UA1, UA2, UA3, UB, UC1, UC2, UC3, UCR1 à 9, UD1 à 4, dans le cas de la réalisation d'aires de stationnement pour les poids lourds, ces aires doivent avoir une surface minimale de 12 m par 2,50 m. ZONAGE ZONES URBAINES Centres anciens UA1 Centre ancien de Grenoble UA2 Centres bourgs et villages UA3 Hameaux anciens Tissus hétérogènes et collectifs UB Tissus urbains hétérogènes du coeur métropolitain UC1 Habitat collectif en R + 5 UC2 Habitat collectif en R + 4 UC3 Habitat collectif en R + 3 UCRU Renouvellement urbain Tissus pavillonnaires UD1 Pavillonnaire en mutation UD2 Pavillonnaire en densification UD3 Pavillonnaire en évolution modérée UD4 Pavillonnaire au développement limité Parcs urbains et équipements UV Parcs urbains UZ1 Équipements collectifs et touristiques UZ2 Campus universitaire UZ3 Défense nationale et administration pénitentiaire Zones économiques UE1 Activités productives et artisanales UE2 Activités de production industrielle UE3 Activités productives et de services UE4 Activités tertiaires et technologiques ZONES AGRICOLES ET NATURELLES Zones agricoles A AL Zones naturelles N NL Agricole STECAL en zone agricole Naturelle STECAL en zone naturelle Figure 36. Plan de zonage de la ville de Grenoble (source : ville de Grenoble) 93 PARTIE 3 Le PLU de Grenoble donne aussi des indications précises concernant les différentes destinations (artisanat et commerce de détail ; restauration, commerce de gros, industrie, entrepôts, bureaux ; bureaux et locaux ERP) : Destination Artisanat et commerce de détail Restauration, commerce de gros, industrie, entrepôts, centres de congrès et d'exposition, bureaux Locaux et bureaux accueillant du public, administrations publiques et assimilés Autres destinations 1 000 m² surface plancher Obligations Pas d'obligations Prise en compte du besoin de livraisons généré par l'opération et mise en oeuvre des mesures nécessaires pour limiter leur impact sur le bon fonctionnement de l'espace public 1 000 m² surface plancher 4 000 m² surface plancher Réalisation d'au moins une aire de livraison poids lourds Pas d'obligations Pour conclure, on note que le cadre législatif laisse suffisamment d'ampleur aux pouvoirs publics locaux pour déterminer dans leur PLU les conditions de stationnement pour les véhicules de livraisons. De ce fait, on observe une importante hétérogénéité dans l'application de ce dispositif avec des dispositions plus ou moins détaillées, laissant plus ou moins de place à l'interprétation et l'adaptation du constructeur en fonction du zonage et de la destination du bâtiment. L'article 12 sert pour la construction de nouveaux immeubles. À lui seul ce dispositif ne résoudra pas les problèmes d'occupation illégale de voirie par le transport de marchandises, la congestion ou la pollution de l'air. C'est une mesure parmi d'autres qui permet d'anticiper dans le futur les besoins en matière de livraison des bâtiments et projets urbains à venir. Cela traduit la prise en compte dans la vision à long terme de la commune de ces questions. À noter qu'une jurisprudence récente rendue par le Conseil d'État en 2018 (CE, 4 avril 2018, Mmes F. et A. C., requête n° 407445) a déclaré qu'un permis de construire peut être annulé (par un tribunal) s'il ne respecte pas les conditions de l'article 12, en l'espèce un nombre insuffisant de places de stationnement prévues par le nouvel immeuble d'habitation. Par analogie, on peut imaginer voir des permis de construire annulés s'ils ne respectent pas les conditions nécessaires en termes de places de livraison. 94 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique CONCLUSION · Décalage entre les objectifs de développement et la mise en oeuvre de projets portant sur la logistique urbaine À la lecture de ces dix PLU, il nous semble important de souligner l'écart entre Paris et les autres villes en matière de planification des activités logistiques et de promotion de la logistique urbaine. On relève également un écart entre ambitions et moyens pour les concrétiser. Dans les diagnostics et les PADD des villes de Paris, Clermont-Ferrand, Orléans, Marseille, Montpellier, Rouen ou La Rochelle, le développement de la logistique urbaine est affiché comme un objectif de développement important, tout comme la meilleure gestion des flux de marchandises routiers dans la ville. Or, les OAP et le règlement n'offrent pas les conditions en termes de projet ou de réglementation permettant la mise en oeuvre de ces objectifs. La logistique urbaine et les problèmes posés par le transport de marchandises en ville sont identifiés comme des thèmes importants dans un certain nombre de villes. Les idées circulent et on note une prise de conscience par les acteurs publics locaux. Certains PADD sont assez détaillés pour proposer des solutions à mettre en place comme des hôtels logistiques ou des espaces de mutualisation des marchandises, sans toutefois entrer concrètement dans le sujet en proposant par exemple des zones dans lesquelles ce développement serait possible ou en intégrant dans le zonage existant des activités logistiques (sauf à La Rochelle). Ce décalage est également mis en évidence par l'analyse des articles du règlement des PLU qui renvoient à des dispositions très précises à mettre en oeuvre et qui ont encore du mal à être concrétisées par les acteurs publics locaux. À l'exception de Paris et de l'Île-de-France, les outils de planification sont peu utilisés. La dimension stratégique de la planification est également très inégale entre les espaces et les échelles considérés. La planification du transport de marchandises et de la logistique par le PLU est encore sous-exploitée. · Absence de prise en compte de la logistique et du transport de marchandises dans les petites villes À noter que les PLU de Moûtiers et de Biarritz ne contiennent aucune référence, aucun projet en lien avec le transport de marchandises et la logistique. En dépit des dispositions de la loi LAURE, certaines petites communes rencontrent plus de difficultés à les mettre en oeuvre. · Le rôle du changement d'échelle institutionnelle dans la prise en compte de la logistique urbaine Si les petites communes ont plus de difficultés à prendre en compte ces questions dans leur planification, il semble que dans les PLUi de notre échantillon cette question soit mieux intégrée. Le changement d'échelon serait donc potentiellement un moyen d'intégrer toutes les facettes de la mobilité dans la planification. La mutualisation des ressources et de l'ingénierie permet sans doute de mettre en oeuvre une planification plus ambitieuse. · Le développement de la logistique urbaine comme un service urbain À Paris, Montpellier ou Marseille, l'intégration de la logistique dans la ville passe par le développement des services urbains. La logistique devient donc au même titre que les centres hospitaliers ou les centres de déchets, un marché urbain structuré par la puissance publique sur lequel des acteurs privés peuvent se mobiliser pour proposer un service. Cette intégration dans les services urbains de la logistique entérine une volonté de co-construire entre acteurs publics et acteurs privés le développement de la logistique urbaine. Les acteurs publics se placent ainsi comme des acteurs pouvant impulser un projet mais nécessitant l'engagement d'acteurs privés soit de la promotion immobilière soit du transport de marchandises. Cette vision pose la question de la généralisation du cadre réglementaire pour le développement de ces activités. En effet, celui-ci repose principalement sur une négociation entre la commune et les acteurs privés au cas par cas. Cette gouvernance par projet (Pinson, 2009) présente des limites au regard de l'uniformisation réglementaire et de la reproductibilité des modèles développés par les entreprises. 95 PARTIE 3 · Le cas des villes portuaires (maritimes et fluviales) : difficiles connexions logistiques Notre échantillon contient un certain nombre de villes qui ont des ports fluviaux (Strasbourg, Rouen, Paris, Lyon) ou maritimes (La Rochelle, Marseille). Ces villes ont donc une expérience en matière de logistique et de transport de marchandises directement en lien avec ces infrastructures. Toutefois la logistique urbaine reste un sujet naissant. À travers la redéfinition des liens entre la ville et le port (Strasbourg, Marseille), la question de la connexion des flux et de la circulation des marchandises apparaît dans les objectifs. Ces villes cherchent à intégrer les marchandises à la ville. Dans le cas de Paris, la logistique urbaine s'empare de la question fluviale, comme à Strasbourg où elle renforce l'articulation entre la ville et le port à travers des projets concrets. Dans les autres villes, la logistique urbaine demeure au stade d'ambition ou d'objectifs en matière de développement sans toutefois se concrétiser sur le plan du projet urbain. · La place des marchandises dans les projets de revitalisation des centres-villes pour les villes moyennes Cette analyse montre aussi la prise de conscience des acteurs publics locaux sur la nécessité d'accompagner les transformations urbaines des centres-villes (piétonisation, pistes cyclables), qui ont pour but de revitaliser ces espaces, de mesures permettant d'effectuer des opérations de livraison dans de bonnes conditions et d'améliorer la circulation de ces véhicules dans les espaces les plus denses. 3.2. EFFETS LOCAUX DE LA PLANIFICATION INTERCOMMUNALE SUR LE TRANSPORT DE MARCHANDISES ET LA LOGISTIQUE À l'échelle intercommunale, la planification concernant le transport de marchandises et la logistique se retrouve dans deux types de documents que nous allons analyser dans cette partie : les plans de déplacements urbains (PDU) et les schémas de cohérence territoriale (SCoT). 3.2.1. Planifier à l'échelle intercommunale : le SCoT Le SCoT s'inscrit dans une perspective de « gouvernance territoriale », il permet à de multiples acteurs de travailler ensemble et de définir les conditions d'une mobilisation collective pour atteindre des objectifs partagés de développement (Leroux, 2012). La réflexion sur la gouvernance territoriale porte sur de nouveaux modes d'organisation et de gestion territoriale, alternatifs aux démarches descendantes classiques. La notion de gouvernance territoriale marque le passage d'une action publique centralisée et descendante ­ essentiellement définie aux sommets de l'État et ensuite déclinée localement ­ à des formes d'action plus ouvertes et horizontales, impliquant davantage d'institutions locales et acteurs privés, associatifs, dans l'élaboration des normes au niveau de territoires politiques émergents. La nouvelle gouvernance peut être définie comme « les nouvelles formes interactives de gouvernement dans lesquelles les acteurs privés, les différentes organisations publiques, les groupes ou communautés de citoyens, ou d'autres types d'acteurs, prennent part à la formulation de la politique » (Marcou et al., 1997). Elle est souvent vue comme un moyen permettant de maintenir ou de rétablir une cohésion territoriale et ce notamment dans les zones urbaines (Brunet-Jolivald et Holec, 1999). Elle met l'accent, selon Leloup et al. (2005), sur la multiplicité et la variété (de nature, de statut, de niveau) des acteurs (organisations à but non lucratif, entreprises privées, citoyens, organisations locales, régionales, nationales et étrangères...) associés à la définition et à la mise en oeuvre de l'action publique. En ce sens, le SCoT donne la possibilité aux communes ou à leurs groupements de s'associer pour mettre en place une politique d'aménagement à l'échelle intercommunale. Élaboré par un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, il doit couvrir un territoire continu en vue d'une coopération renforcée des collectivités territoriales sur ce territoire pour leur développement durable. La détermination du périmètre est en fait le résultat d'un compromis politique nourri de réflexions techniques auxquels participent les élus, l'État et les agences d'urbanisme. 96 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Il convient de trouver un compromis entre différentes collectivités dont les intérêts peuvent être pour partie divergents. Celles-ci peuvent être très différentes en termes de taille géographique ou démographique et peuvent avoir des potentialités de développement très variées dans le domaine de l'urbanisme (habitat, activités). Le SCoT une fois élaboré est à la fois un guide pour l'action publique et un cadre de référence pour les acteurs privés. Parmi les parties prenantes du SCoT ou ensemble d'individus ou groupes d'individus qui peuvent être affectés ou sont affectés par l'objet de l'organisation (Freeman, 1984), il y a les collectivités, l'État, les agences d'urbanisme, les citoyens, les entreprises, les associations (de défense de l'environnement, d'usagers). Dans son processus de création, le SCoT laisse donc a priori plus de place aux acteurs privés, notamment aux acteurs du transport et de la logistique du territoire. Cela doit notamment permettre à cet outil de mieux prendre en compte les questions de transport de marchandises et de logistique puisqu'elles n'ont pas besoin d'être soulevées par les acteurs publics pour pouvoir être intégrées dans la discussion. En effet, l'analyse de quelques SCoT montre une certaine prise en compte de la question du transport de marchandises et de la logistique urbaine, souvent dans une vision stratégique du territoire couplée à l'analyse de l'appareil économique et à la compétitivité des infrastructures de transport. La nature ambiguë du SCoT que nous mettions en avant dans la première partie de cette étude est ici illustrée par l'analyse détaillée des SCoT. Entre diagnostic et document stratégique, ils s'appuient sur un état des lieux de l'armature logistique à toutes les échelles et proposent des objectifs ambitieux en matière de logistique et de transport de marchandises sur le long terme incluant différents modes de transport. Toutefois la portée opérationnelle de ce document est discutable au regard des questions de logistique et de transport de marchandises. Ces documents traitent de façon inégale de la question logistique. Certains vont particulièrement développer cette question quand d'autres vont l'évacuer rapidement. Dans cette section nous présenterons le cas de six SCoT qui nous paraissent représentatifs de l'état de ces documents sur la question logistique : Métropole du Grand Lyon, Métropole d'Orléans, Métropole de Clermont-Ferrand, Métropole d'Aix-Marseille-Provence, Nantes Métropole et Bordeaux Métropole. À noter que Paris n'est pas soumise à un SCoT. Celui de la Métropole du Grand Paris est aujourd'hui soumis à la consultation publique et devrait entrer en vigueur en 2020. LE CAS DU SCOT DE LA MÉTROPOLE DU GRAND LYON Le document d'orientation et d'objectifs (DOO) du SCoT a une valeur prescriptive, il s'impose au PLU à travers un lien de compatibilité. Il est important car il définit des zones où le développement logistique peut être renforcé et pas seulement pour la logistique urbaine, aussi pour des zones logistiques plus traditionnelles. Le SCoT de l'agglomération lyonnaise propose une vision stratégique de la localisation des activités logistiques. Il s'appuie sur le schéma de cohérence logistique en région urbaine de Lyon (2005-2020). Le SCoT privilégie la multimodalité, la proximité aux consommateurs, il précise aux collectivités les actions à mettre en oeuvre : · Favoriser les implantations logistiques à vocation de proximité selon le concept « d'espace logistique urbain » (ELU), c'est-à-dire de lieux intermédiaires pour opérer des ruptures de charge et proposer des services aux commerçants comme aux particuliers ; 97 PARTIE 3 · Prévoir la création de centres de services autour du transport de marchandises pour éviter les stationnements anarchiques de poids lourds ; · Harmoniser les réglementations municipales concernant la circulation des poids lourds, via les plans de déplacements urbains ; · Inciter à l'utilisation des modes actifs pour les fonctions de redistribution (vélos et véhicules utilitaires légers) ; · Développer l'utilisation de rames de tramway, à l'exemple de la Suisse, pour assurer le cheminement de colis dans les zones denses. Figure 37. Équipements et zones logistiques (source : DOO, SCOT Grand Lyon, 2004) On note que dans le cas du SCoT du Grand Lyon l'harmonisation est un objectif à atteindre. 98 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU SCOT DE NANTES Le schéma logistique élaboré par le Pôle métropolitain a pour objectif d'améliorer les conditions d'accueil et d'activités des entreprises logistiques, d'optimiser la circulation des flux, de conforter et de renforcer les fonctions logistiques portuaires, ferroviaires et fluviales et de favoriser les reports modaux sur des modes de transports alternatifs au routier, en développant la logistique urbaine. Le développement économique doit d'abord s'effectuer dans les centralités qui pourraient davantage contribuer à la création d'emplois et à l'accueil d'activités (notamment le commerce, dont les implantations doivent être maîtrisées), en préservant des capacités d'accueil pour l'industrie et la logistique. Cette dernière est prise en compte à toutes les échelles. La présence du Grand Port Maritime et la nécessité de rationaliser les flux de marchandises à l'échelle locale imprègnent le SCoT. Les choix réalisés dans le SCoT s'appuient sur l'étude du schéma logistique de la métropole Nantes Saint-Nazaire qui a été menée en 2013 par le Pôle métropolitain. Cette étude a réuni l'ensemble des acteurs publics et privés de la logistique pour réfléchir ensemble à l'avenir du territoire. Une ambition commune a été conçue et déclinée en actions, que le SCoT intègre pour partie (espaces fonciers dédiés à la logistique, développement des infrastructures et de la multimodalité par exemple). Le soutien au projet du Grand Port et la préservation des ressources foncières sont deux orientations majeures. Ce schéma logistique métropolitain acte trois orientations stratégiques auxquels les documents d'urbanisme locaux doivent concourir : · Le renforcement des atouts logistiques au service d'un hub industriel estuarien consolidé et diversifié et du développement de la métropole en dynamisant les activités existantes, en valorisant l'excellence logistique liée aux grands ensembles mécaniques, à l'économie maritime, et au plein essor des énergies marines renouvelables. Le développement industriel et les fonctions portuaires seront intégrés durablement sur le territoire ; · Le Grand Port de la façade Atlantique, plate-forme d'interconnexion aux corridors de fret européens en élargissant la vocation régionale du Grand Port pour tous les trafics (vracs industriels, énergie, conteneurs), voire en lui donnant une vocation nationale, en renforçant ses liens avec l'industrie. L'hinterland du Grand Port doit être élargi vers l'Europe grâce aux connexions aux corridors transeuropéens ; · Un pôle d'excellence pour la recherche, la formation et les services en logistique : s'appuyer sur les structures collaboratives existantes (Néopolia, PA SCA) pour développer ce pôle d'excellence, en rapprochant les compétences recherche logistique-structures de recherche (IRT, EMC2), notamment sur les questions de logistique urbaine, logistique complexe et grands ensembles mécaniques. 99 PARTIE 3 LE CAS DU SCOT DE BORDEAUX Le SCoT de Bordeaux Métropole insiste sur la réflexion à mener en matière d'organisation du transport de marchandises, d'aménagement logistique de l'aire métropolitaine intégrant les potentialités alternatives et de logistique urbaine. L'un des objectifs affichés est de privilégier le développement du fret ferroviaire par la création d'un axe ferroviaire complémentaire afin de désengorger les axes d'accès à l'agglomération, tout en offrant de meilleures conditions aux transporteurs. La métropole de Bordeaux entend également proposer un plan permettant la hiérarchisation des implantations logistiques (plates-formes ou centrales d'achats) d'approvisionnement de l'aire métropolitaine, en pensant aussi bien à leurs localisations et leurs fonctions spécifiques qu'à leur accessibilité. À l'heure de la sobriété énergétique, les modes alternatifs à la route (ferroviaire, fluvial) pour la desserte des plates-formes logistiques et des installations portuaires apparaissent comme des solutions privilégiées à mettre en oeuvre à l'échelle métropolitaine. La métropole de Bordeaux marque également sa volonté d'initier un schéma d'accueil et de développement des sites d'activités logistiques, intégrant la relance de l'ambition portuaire et du transport fluvial. Le coeur d'agglomération fait l'objet d'une ambition spécifique en lien avec la logistique urbaine. La logistique du dernier kilomètre doit bénéficier de sites appropriés, qui devront être connectés dans leur fonctionnement au réseau de « logistique métropolitaine » et aux sites de logistique de « corridor ». Par ailleurs, la Métropole entend lancer un chantier sur l'harmonisation des réglementations en matière de circulation poids lourds afin de fluidifier et rendre plus lisibles les itinéraires. La Métropole affiche également comme objectif de soutenir des programmes d'expérimentation en termes de logistique urbaine des petites distances et des petits volumes tant dans la diversification des supports de déplacements (voies navigables, etc.) que dans le développement de moyens d'acheminement des marchandises au coeur des tissus (tramway, camionnettes électriques...). On note également la volonté de réinterroger le rôle du MIN de Bordeaux vis-à-vis de la logistique urbaine et de l'évolution de la demande dans son rôle en matière d'approvisionnement de l'hypercentre métropolitain. La figure 38 est extraite du DOO du SCoT de Bordeaux. Le document d'orientation et d'objectifs regroupe l'ensemble des prescriptions réglementaires pour la mise en oeuvre du SCoT. Seul document opposable, une fois approuvé et validé par la préfecture, il sert de support pour la rédaction et la mise en application des documents d'urbanisme, tels que le PLU ou le PLH qui doivent être compatibles. La logistique est ici adossée au développement de l'armature commerciale, notamment dans un rapport de proximité. Afin de maintenir l'activité commerciale dans le coeur de l'agglomération, la Métropole se tourne vers la logistique urbaine et invite les communes du SCoT à intégrer cette dimension dans leur réflexion sur le développement économique et commercial. De plus en plus la question logistique va être liée à la question commerciale dans la pratique des politiques publiques locales. 100 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Figure 38. ScoT Bordeaux ­ « Mettre l'équipement commercial au service des territoires ­ V2 Encourager les pratiques de proximité à l'échelle des quartiers et bassin de vie » 101 PARTIE 3 LE CAS DU SCOT DE CLERMONT-FERRAND Pour contribuer à économiser les ressources fossiles, le Grand Clermont propose d'agir de plusieurs façons : 1) développer des solutions moins polluantes pour le transport des marchandises (fret ferroviaire, sites logistiques multimodaux) et des personnes (transports collectifs, co-voiturage) ; 2) chercher des solutions pour l'approvisionnement en matières premières minérales, en concertation avec les territoires limitrophes, tant en termes de sites d'exploitation que de plates-formes de stockage. Cette orientation est primordiale à l'échelle du SCoT, étant donné les perspectives de construction de logements et le transport de matériaux ; 3) rouvrir la réflexion sur les conditions d'acheminement des marchandises et des matières premières comme le bois énergie, notamment en provenance des territoires fournisseurs comme le Livradois Forez, le Sancy, les Combrailles. La nature industrielle de ce territoire (industrie lourde) montre son intérêt pour le transport de marchandises en lien avec l'approvisionnement de la ville en biens mais aussi l'approvisionnement des entreprises industrielles en matières premières. Les objectifs en matière de logistique et de transport de marchandises ne concernent donc pas que le BtoC et le B2B très urbain mais aussi le BtoB plus industriel. Néanmoins, ce document accorde une place relativement importante à la question des conditions de desserte en marchandises des espaces urbains. Le DOO fixe pour orientations d'assurer les besoins en stationnement pour les livraisons (p. 21). Afin de rationaliser le transport de marchandises et les livraisons à l'échelle de l'agglomération clermontoise, le DOO fixe pour orientations de : · Rationaliser les systèmes de desserte en mettant en place des mesures d'optimisation et des services d'accueil, notamment par la définition d'itinéraires en fonction du tonnage des véhicules ; · Assurer l'attractivité des centres urbains par des mesures facilitant les livraisons pour les activités économiques et commerciales en améliorant les conditions de stationnement pour les véhicules de livraison et en intégrant dans les PLU les besoins de création d'emplacements réservés aux livraisons ; · Mettre en oeuvre des schémas permettant la circulation des camions de transport de productions agroalimentaires et de transfert d'aliments ; · Diminuer les nuisances liées au trafic des poids lourds, tant sur la circulation que sur la qualité de vie des quartiers traversés en favorisant l'usage des véhicules propres et silencieux pour les livraisons et les enlèvements ; en promouvant le fret ferroviaire pour les besoins du coeur métropolitain et en recherchant la complémentarité modale route ­ fer, en particulier lors de la création de nouvelles zones d'activités et logistiques ; · Privilégier la voie ferrée Ambert/Pont de Dore/Clermont comme moyen de transport pour l'acheminement des matériaux de carrière et du bois ; · Développer le potentiel de la gare de triage ferroviaire de Gerzat ; · Créer un pôle intermodal de transport de marchandises avec déplacement de l'activité conteneurs actuellement située à Gerzat. Le document cherche à inciter les communes à réglementer les itinéraires empruntés par les poids lourds et harmoniser les conditions de stationnement ou de livraison. Or, ces éléments renvoient au pouvoir de police du maire. Le SCoT a ici une fonction élargie qui n'est pas seulement de servir de support à la rédaction du PLU mais également de provoquer des changements dans la pratique du pouvoir du maire concernant le transport de marchandises. 102 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU SCOT DE MARSEILLE Adopté en 2012, le SCoT de la métropole d'Aix-Marseille-Provence fait aujourd'hui l'objet d'un processus de révision. Il prend là aussi en compte les enjeux logistiques et du transport de marchandises à plusieurs échelles. La logistique urbaine à l'échelle locale et la logistique en lien avec le développement du port maritime à l'échelle régionale. En matière de logistique d'approvisionnement le SCoT de Marseille met en avant l'importance du report modal : « La logistique urbaine doit évoluer dans la mesure où l'accès par camion de fort tonnage sera découragé hors des autoroutes et boulevards urbains. L'utilisation d'autres supports modaux sera recherchée. Il y a là un important champ de recherche et d'innovation à développer illustré par le fret-tramway. » Plusieurs objectifs sont poursuivis comme l'intégration de la dimension logistique dans les projets urbains et notamment dans l'hypercentre de Marseille, zone principale de consommation (réglementation adaptée, aménagement de voirie...). Ce point est particulier car rarement traité. Ici la logistique est intégrée au développement urbain et aux projets urbains directement. On peut supposer qu'il s'agit d'une volonté d'inciter les communes à utiliser l'article 12 des PLU pour permettre le développement de dispositifs pour la livraison des marchandises. Au regard de son activité portuaire, la Métropole entend capitaliser sur le port de Marseille ainsi que sur la plateforme ferroviaire restructurée de fret et de transport combiné de Mourepiane qui traitent la logistique exogène alimentant le réseau des plates-formes logistiques urbaines. On note également l'importance d'un objectif déjà noté dans le PLU concernant l'interface ville-port que l'on retrouve dans cet extrait du DOO. La métropole d'Aix-Marseille-Provence a pour objectif de favoriser le développement de lieux permettant « le basculement des marchandises des véhicules de gros tonnage à des véhicules de livraison adaptés à la circulation urbaine. Les plates-formes des Aiguilles à Ensuès-la-Redonne et celle située à proximité de la gare d'Arenc à Marseille, qui évolue à terme, y contribuent ». La terminologie n'est ici pas très précise, mais on peut interpréter cela comme une volonté de repenser l'armature logistique existante au regard de la logistique urbaine. Marseille dispose déjà d'au moins une plate-forme de logistique urbaine (p. 39). À nouveau, ce SCoT ambitionne de mettre en oeuvre un schéma du fret, hiérarchisant les flux en fonction des infrastructures, en particulier entre les grandes zones logistiques, et privilégiant les modes durables, favorisant l'optimisation des liaisons entre pôle métropolitain pour les marchandises en distinguant la logique des grands flux internationaux et celle de la distribution locale des entreprises et des consommateurs (p. 26). Dans les zones commerciales et compte tenu de la tendance au retour du commerce dans les centres, de l'émergence de nouvelles formes de distribution (e-commerce et plates-formes logistiques urbaines), de la volonté de maîtriser les déplacements et de la rareté foncière, le SCoT donne la priorité au développement du commerce de centralité et aux implantations en pied d'immeuble dans le tissu urbain. Il limite à des cas particuliers l'extension de zones périphériques dans le cadre d'un schéma commercial métropolitain qui décline ces principes. Il encourage des solutions innovantes de centre-ville pour la desserte finale du dernier kilomètre. Il convient d'envisager la requalification des zones existantes dans le respect des objectifs de développement durable (p. 24). 103 PARTIE 3 Figure 39. Le chapitre 6 du DOO propose un schéma de fonctionnement à l'échelle de la centralité 104 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU SCOT D'ORLÉANS MÉTROPOLE Si la logistique est bien présente dans le diagnostic comme un élément constitutif du territoire et de son tissu économique. Il décrit les pôles économiques, notamment logistiques de l'agglomération. La logistique urbaine est une dimension absente de ce document. CONCLUSION Il est intéressant de noter ici la pénétration de la question logistique dans les documents de planification que sont les SCoT. Ces documents stratégiques dont la portée n'est pas toujours bien saisie par les acteurs publics locaux eux-mêmes, témoignent pourtant d'une réelle prise en compte de ces questions qui marquent aujourd'hui l'agenda des politiques publiques. Les cas d'études présentés ici permettent d'illustrer certains points qui nous semblent particulièrement importants : · Développement de schémas métropolitains logistiques ou schémas de fret À plusieurs reprises dans ces documents, nous avons relevé l'intention des acteurs publics locaux de mettre en place à l'échelle intercommunale un schéma directeur dédié au fret et à la logistique. Ce schéma permettrait de faire état de la situation, de l'armature logistique mais aussi du fonctionnement du transport de marchandises. Il permettrait également de penser les questions en lien avec le report modal et les autres modes de transport que la route. Ce schéma doit permettre ensuite d'alimenter les politiques publiques sur ces questions et d'orienter la stratégie économique sectorielle, en prenant en compte les questions de transport, de foncier, d'emplois, etc. Cette démarche est intéressante car souvent le processus de création d'un schéma directeur permet d'inclure des acteurs privés, des professionnels des secteurs concernés dans l'élaboration de ces orientations. Le travail de diagnostic réalisé permet également d'avoir une meilleure connaissance des acteurs du territoire. · Importance du report modal Les différents SCoT que nous avons analysés partagent tous le même objectif (trop ambitieux ?) de se remobiliser autour de la question du fret ferroviaire. Si cette compétence relève surtout de la Région, qui est l'autorité compétente, en ce qui concerne les voyageurs, pour organiser ce type de transport, les agglomérations ou métropoles peuvent investir dans des infrastructures comme des terminaux combinés ou l'embranchement de certaines zones logistiques permettant ainsi d'offrir de nouveaux services de transport, alternatifs à la route, aux entreprises localisées dans leur territoire. Il faudrait pouvoir comparer ces objectifs avec les projets effectivement financés en lien avec le fret ferroviaire. Par ailleurs, le développement du fret ferroviaire repose sur une gouvernance incluant SNCF Réseau et les transporteurs pouvant être intéressés à l'utilisation de ces modes. Ces SCoT promeuvent également les véhicules propres. En restant toutefois assez timide dans les dispositions précises, cette orientation peu présente dans les PLU l'est ici davantage. L'investissement que cela peut représenter (subventions) est peut-être plus facile à envisager à l'échelle de l'intercommunalité où ce coût peut être partagé entre toutes les communes. Mais dans les faits, l'action locale en la matière n'est pas encore majeure. · Harmonisation de la réglementation du transport de marchandises en ville À noter que dans plusieurs cas, l'harmonisation de la réglementation du transport de marchandises en ville (stationnement, livraison, circulation) apparaît comme un objectif important. Comme ce que l'on peut voir à Paris avec les COMOP dans la Métropole du Grand Paris, il est intéressant de voir ici la circulation des idées entre les différents territoires. Avec les expérimentations menées dans la Métropole du Grand Paris, celle-ci est à ce jour parmi les plus avancée sur la mise en oeuvre concrète de cet objectif. 105 PARTIE 3 · Élaboration d'une stratégie de développement économique et environnementale Cet échantillon de SCoT met également en avant la diversité de la question logistique et du transport de marchandises. Elle est abordée au prisme du développement économique en mettant l'accent sur la localisation des entreprises et des emplois. Mais elle est également abordée au regard de la stratégie foncière à adopter. La rationalisation du territoire alloué à ces activités dans une optique de limitation de la consommation de terres est souvent abordée. En ce sens la question logistique et du transport de marchandises est également au coeur des préoccupations environnementales. La gestion des nuisances et de la pollution émanant de ces activités apparaît comme l'un des éléments déterminants dans la stratégie de développement territorial. · Prise en compte des objectifs et des prescriptions réglementaires du SCoT par le PLU Il est difficile de mesurer concrètement le poids du SCoT sur le PLU. Pour rappel, les PLU doivent être compatibles avec les SCoT, ce qui signifie qu'ils doivent respecter les grandes lignes de ces documents. Ils ont une marge de manoeuvre. En prenant l'exemple de Bordeaux, Marseille, Nantes et Orléans, nous proposons ici de mettre en regard ces deux documents. D'un point de vue général, ils sont cohérents. Dans le cas de Marseille, les éléments développés dans le SCoT se retrouvent bien dans le PLU, comme par exemple la prise en compte de la logistique à plusieurs échelles, le lien avec le port ou les commerces. Les SCoT vont souvent plus loin que les PLU en matière de transport de marchandises et de logistique, du moins dans ce que nous avons pu observer, à l'exception du cas d'Orléans. Cela montre que la logistique et le transport ont bien intégré la dimension stratégique de la planification mais encore peu la mise en oeuvre à travers des projets concrets. · Documents permettant la mise en place d'une gouvernance territoriale : l'inclusion des acteurs privés et le compromis territorial En ce sens, l'élaboration d'un schéma directeur de fret est un premier pas vers la construction d'une gouvernance entre acteurs privés et acteurs publics, acteurs de la logistique et du transport et acteurs du territoire. En filigrane, on peut penser que la logistique et le transport de marchandises ne sont pas des questions sur lesquelles les acteurs publics locaux entendent agir seuls laissant ainsi assez d'espace à la discussion et la concertation avec les transporteurs, les chargeurs par exemple. Si ce processus témoigne d'une volonté d'engager une gouvernance partagée, cela montre également que l'on est au tout début du processus. Ainsi, nos analyses nous permettent de montrer que l'élaboration du SCoT s'inscrit (encore très timidement cependant) dans une logique de nouvelle gouvernance territoriale où de multiples acteurs participent à l'élaboration des politiques publiques d'aménagement du territoire en lien avec la logistique. A contrario, l'analyse textuelle des documents démontre que les objectifs de développement économique et environnementaux sont liés dans les discours mais correspondent davantage à des incantations qu'à des lignes directrices d'une politique concrète. Les SCoT apparaissent souvent comme une « to-do list » sans toutefois proposer une hiérarchisation des objectifs et sans accompagner ces documents stratégiques de projets opérationnels. Le SCoT sert dans les faits de document cadre pour établir des PLU qui euxmêmes serviront de cadre à des projets urbains. On note de fait une certaine inertie dans la planification du transport de marchandises et de la logistique. 106 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique 3.2.2. Plans de Déplacements Urbains Le plan de déplacements urbains (PDU) est un outil global de planification de la mobilité à l'échelle d'une agglomération, il définit les principes d'organisation du transport et du stationnement des personnes et des marchandises, tous modes confondus. Renforcé par plusieurs lois entre 2000 et aujourd'hui, il coordonne des politiques sectorielles portant sur les modes alternatifs à la voiture, la voirie et le stationnement en intégrant plusieurs enjeux transversaux : la protection de l'environnement, l'intégration entre politiques urbaines et de mobilité, l'accessibilité des transports pour tous ou encore la sécurité des déplacements. Au-delà de la planification, le PDU est aussi un outil de programmation, car il hiérarchise et prévoit le financement de ses actions, et ses mesures s'imposent aux plans locaux d'urbanisme, aux actes et décisions prises au titre des pouvoirs de police du maire et des gestionnaires de voirie. Enfin, le PDU, démarche partenariale, associe au cours de son élaboration, puis de son évaluation, différents acteurs institutionnels et de la société civile et du monde professionnel. Nous avons choisi ici de comparer dix PDU : Paris (Île-de-France), Marseille, Lyon, Grenoble, Bordeaux, Orléans, Nantes, Lille, Lens et Clermont-Ferrand. Nous avons conduit une lecture analytique de ces documents, réalisé des études de cas, puis un tableau comparatif. L'analyse de ces dix PDU nous permet de mettre en évidence des points communs. Ces métropoles partagent un certain nombre d'objectifs en matière de développement de la mobilité. Ceux-ci peuvent être regroupés en quatre catégories : · Logistique et report modal : création de sites multimodaux, promotion du transport fluvial, du transport ferroviaire, du tram-fret, des véhicules propres, création d'espaces logistiques urbains (ELU), optimisation du dernier kilomètre. · Circulation, livraison et stationnement : créer des espaces de livraison dans l'espace public, dans les parcs de stationnement publics, dans les espaces privés, livrer en horaires décalés, aménager des espaces de livraison de proximité, expérimenter la livraison à pied, en vélos, les points relais. · Réglementation locale : harmoniser la réglementation, réglementation commune sur les gabarits (au sein du PTU), inciter les poids lourds à contourner le centre, développer des mesures incitatives pour le renouvellement des véhicules, gérer les nuisances, définir des plages horaires, développer une gouvernance pour les marchandises incluant tous les acteurs, politique fiscale avantageuse pour des entreprises vertueuses, soutenir des projets urbains durables. · Environnement et santé publique : prise en compte de l'environnement, prise en compte des risques liés aux déplacements, réduction des nuisances et de la consommation d'énergie, limitation de la consommation d'énergie liée aux transports. Nous avons représenté ces critères dans trois tableaux synthétiques qui permettent une comparaison des dix PDU. 107 PARTIE 3 Logistique urbaine et report modal ClermontFerrand ClermontFerrand Bordeaux Grenoble Grenoble Marseille Orléans Lyon Paris Créer des sites logistiques multimodaux Favoriser le report sur voie fluviale Favoriser le report sur rail Création d'espaces logistiques urbains Problème du « dernier kilomètre » Utilisation de véhicules propres (centre-ville) Expérimenter l'utilisation des infrastructures de tramway pour le transport de marchandises Circulation, livraison et stationnement Bordeaux Marseille Orléans Lyon Paris Proposer à l'intérieur des parcs publics des espaces de livraison des achats Créer des aires de stationnement et de livraison Créer des places de livraison dans les espaces privés Aménager et gérer des Espaces de Livraison de Proximité (ELP) Favoriser les livraisons en périodes creuses Expérimentation de livraisons à pied, vélos, automates, points relais Mise en place d'itinéraires de contournement Diminution des circulations en centre-ville Équilibrer le partage modal de la voirie Réduction de la vitesse sur les grands axes 108 Lens Lille Objectifs Nantes Lens Lille Objectifs Nantes Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Réglementation locale ClermontFerrand ClermontFerrand Bordeaux Grenoble Grenoble 109 Marseille Orléans Lyon Paris Harmoniser la réglementation entre les communes Définir une réglementation sur le tonnage ou le gabarit Inciter les poids lourds en transit à contourner le centre Mesures incitatives pour le renouvellement des véhicules vers du propre Définir des plages horaires où les livraisons sont autorisées Limiter les nuisances liées à la circulation des poids lourds et des véhicules utilitaires Développer une gouvernance pour les marchandises Accorder des avantages aux entreprises les plus vertueuses Soutenir les projets des entreprises ou communes pour faire évoluer leurs pratiques Environnement et santé publique Bordeaux Marseille Orléans Lyon Paris Prise en compte de l'environnement dans l'aménagement Gestion des risques dus aux déplacements Réduction des nuisances et de la consommation d'énergie Limitation de la consommation d'énergie liée aux transports Lens Lille Objectifs Nantes Lens Lille Objectifs Nantes PARTIE 3 Le PDU d'Île-de-France est le plus ambitieux en matière de transport de marchandises. Il a de nombreux objectifs, notamment sur : la circulation (moyens d'évitement de l'accès en ville des plus gros véhicules) ; le stationnement avec l'aménagement des aires de livraison sur voirie et la création de places de livraison dans les espaces privés ; la logistique avec la volonté de favoriser les sites logistiques multimodaux et de massifier les flux de transport de marchandises ferroviaires et le transport de marchandises par voie fluviale (projet de canal Seine-Nord Europe). Il propose enfin l'accélération du renouvellement du parc de véhicules et la mutualisation des moyens de transport ou des entrepôts. La réglementation est évoquée, avec l'amélioration du contrôle et du respect des aires de livraison, le développement d'une gouvernance pour les marchandises afin d'assurer la concertation et la coordination de l'action. Les communes ont l'obligation d'établir leurs réglementations d'accès en concertation avec les villes voisines et les gestionnaires de voirie concernés pour la mise en cohérence. Des projets d'expérimentation sont mentionnés, comme l'utilisation de petits véhicules électriques et des infrastructures de tramway pour le transport de marchandises afin de réduire le transport de marchandises sur route. De même qu'à Lyon, le PDU souhaite en plus maintenir les sites d'activités logistiques en centre-ville et accorder des avantages compétitifs aux professionnels les plus vertueux. Pour les agglomérations de Lille, Bordeaux, Orléans et Marseille l'objectif majeur est de limiter l'usage de véhicules polluants au profit de véhicules électriques. Mais aussi de réaliser des aires de livraison et des places de stationnement, qui sont estimées en nombre insuffisant. Les horaires pour les livraisons, les limites par le poids ou la surface au sol de l'accès des véhicules sont évoqués, ainsi que la mise en cohérence des réglementations avec les communes proches et l'expérimentation de l'aménagement d'espaces logistiques urbains. Lille et Orléans possèdent en revanche très peu d'informations sur la logistique et Bordeaux très peu de descriptions sur la situation actuelle et les problèmes rencontrés. Marseille propose quant à elle d'utiliser les infrastructures de tramway pour le transport de marchandises afin de desservir plus finement le centre-ville. Nantes souhaite favoriser le contournement de l'agglomération pour le transport de marchandises en transit, limiter le nombre de livraisons vers le centre-ville et optimiser l'implantation des activités logistiques métropolitaines, afin de favoriser l'émergence de pôles logistiques multimodaux et permettre la mise en place de modes de livraison novateurs. En revanche le stationnement et la livraison n'ont été que très peu mentionnés. De même que Grenoble qui souhaite en plus accélérer la transition énergétique des parcs de véhicules utilitaires et favoriser le transbordement rail-route, l'usage du vélo et de la marche pour les livraisons. Clermont-Ferrand souhaite aussi remettre aux normes les emplacements réservés à la livraison non conformes aux normes en vigueur, dévier le transit des centres urbains et favoriser l'usage des véhicules propres et silencieux pour les livraisons et les enlèvements, optimiser les livraisons dans l'hypercentre en mettant en place une plate-forme logistique commune en dehors du centre-ville. Et enfin promouvoir le fret ferroviaire et mettre en cohérence la réglementation avec les autres communes à proximité. La métropole de Lens est davantage portée sur la rationalisation du transport de marchandises, notamment avec le problème du « dernier kilométrage » en milieu urbain. Mais aussi sur la circulation avec la définition d'itinéraires poids lourds qui doivent être réglementés de manière homogène pour toutes les communes de la Métropole. Le PDU traite également de la qualité des aires et places de livraison et stationnement, et il cherche à trouver des solutions alternatives telles que le report modal permettant de réduire les impacts du trafic routier de marchandises. 110 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PDU ÎLE-DE-FRANCE Le plan de déplacements urbains a été réalisé en 2014 à l'échelle de la région Île-de-France, ce qui est une spécificité puisqu'il s'agit du plus grand périmètre existant pour ce type de document car il est à l'échelle de la région, quand les PDU sont traditionnellement à l'échelle d'une intercommunalité. 1 Améliorer l'offre en matière de stationnement pour les véhicules de livraison Le PDU d'Île-de-France insiste sur la question du stationnement à la fois dans les espaces publics et les espaces privés. À noter que le PDUIF revient sur la question de la « bonne localisation ». Comme nous l'avons évoqué précédemment, il ne suffit pas de créer des aires de livraison sur la voirie pour permettre une bonne gestion des livraisons dans la ville, encore faut-il qu'elles soient optimisées par rapport aux besoins des commerçants et ajustées à la pratique des chauffeurs-livreurs. Le PDUIF insiste également sur la nécessité de contrôle de ces aires. On peut s'interroger sur les moyens de ce contrôle. Ceux-ci ne sont pas particulièrement évoqués dans le cadre du PDUIF, puisqu'ils sont à la discrétion des communes. Avec les nouvelles technologies et notamment l'essor des objets connectés (IoT : Internet of Things), des dispositifs de contrôle automatisés pour les aires de livraison seraient envisageables mais pour l'instant encore inexplorés. 2 Organiser spatialement les activités logistiques et favoriser le report modal Le PDUIF étant un document produit à l'échelle de la région, on retrouve un grand nombre d'objectifs et d'ambitions concomitantes avec celles du SDRIF et en lien avec les compétences de la Région. Cette dernière souhaite favoriser le transport de marchandises ferroviaire et le transport de marchandises par voie fluviale en croissance et qui présente un fort potentiel. Le transport de matériaux de construction et de déblais de chantier constituant plus de 70 % du trafic par voie d'eau. En effet, la région est compétente pour le développement du transport ferroviaire et fluvial (passager et marchandises). Pour que ce transport soit attractif et efficient, il faut que les entrepôts et les plateformes logistiques aient un accès direct à ces modes de transport par des terminaux embranchés ou des quais. Or, pour encourager l'utilisation de ces modes et in fine le report modal, il faut également repenser l'armature logistique. Les entrepôts sont aujourd'hui relativement diffus, étalés dans la région, plutôt localisés à proximité des routes et autoroutes. La Région envisage donc de combiner une politique incitant au report modal avec une politique d'aménagement sur la localisation des entrepôts à proximité des voies ferrées et fluviales. L'objectif est de réorganiser et transférer les flux en les massifiant et en les canalisant sur certains corridors majeurs. La Région compte donc développer les autoroutes de la mer et les autoroutes ferroviaires vers l'Espagne, le Portugal et l'Italie, agir sur les réglementations de circulation et de stationnement. Et enfin développer une gouvernance pour les marchandises afin d'assurer la concertation et la coordination de l'action. 111 PARTIE 3 3 Diminuer l'impact du transport de marchandises sur l'environnement et les populations Après les services à la personne, l'activité logistique est le deuxième secteur créateur d'emplois dans la région. Cependant, le transport de marchandises et les livraisons en ville, assurés à 90 % par le réseau routier, sont sources de pollution atmosphérique, sonore et d'encombrements. Près de la moitié des émissions d'oxydes d'azote du trafic routier sont causées par les poids lourds et les véhicules utilitaires (30 % pour les premiers et 20 % pour les seconds). De plus, le transport de marchandises génère des nuisances sonores, le passage d'un poids lourd émettant en moyenne 10 dB (décibel) de plus que le passage d'un véhicule léger. Le fret ferroviaire est source de nuisances sonores encore plus importantes surtout la nuit. Ceci représente un des défis importants en matière d'aménagement. Cette question de santé publique liée aux différentes formes de pollution sont relativement récentes dans la pratique des pouvoirs publics locaux. La déviation des poids lourds de manière prioritaire sur les réseaux existants les plus adaptés ou de réalisation des maillons manquants pour la desserte des sites multimodaux existants ou en développement permettra par exemple d'optimiser leur circulation réduisant ainsi certaines nuisances. La Région entend également mettre en place des aires de stationnement poids lourds sur le réseau routier principal afin de limiter les stationnements dangereux le long des voiries. Enfin la Région souhaite encourager l'accélération du renouvellement du parc de véhicules via l'aide aux entreprises. Pour cela, la norme Euro 6, effective depuis 2014, est jugée comme devant permettre de faire baisser les rejets des particules les plus fines, les plus préoccupantes pour la santé. 4 Harmoniser les réglementations et innover d'un point de vue réglementaire pour améliorer la circulation L'un des principaux objectifs du PDUIF est l'harmonisation des réglementations en matière de circulation et de stationnement à l'échelle du PTU. Pour cela il faut établir un critère commun. Le PDUIF semble reprendre le critère en vigueur à Paris et vouloir l'étendre sur tout le territoire : « Le seuil préconisé est 29 m² de surface au sol (qui correspond à la norme de la ville de Paris). Les réglementations concernant le gabarit physique (hauteurs, longueurs, largeurs) ou le tonnage des véhicules autorisés à circuler peuvent être appliquées. Mais celles-ci doivent rester ponctuelles et obéir à des logiques de contraintes physiques liées à l'infrastructure : charge maximale admissible par un pont, hauteur sous un tunnel. » 5 Préserver des espaces fonciers pour les activités logistiques L'objectif est de préserver les sites existants à Paris et en première couronne comme ceux reliés au réseau ferroviaire et les ports sur les fleuves comme sur les canaux. Pour maintenir et faciliter la création de sites logistiques en ville pour assurer le cheminement des marchandises en ville, la présence d'espaces logistiques urbains est nécessaire, permettant de favoriser l'utilisation de petits véhicules électriques effectuant des tournées de livraison courtes au départ de ces sites. Le PDUIF reprend ici les dispositions du SDRIF. À noter que, lorsque le même échelon produit le document stratégique régional et le plan de déplacement, cela permet plus de cohérence entre les politiques et les documents, plus de lisibilité entre les périmètres, mais également la possibilité de sortir des politiques en silo avec d'un côté une réflexion sur le territoire et de l'autre sur les mobilités. Elles sont ainsi associées dans une perspective d'intégration urbanisme-transport. 112 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PDU DE LA MÉTROPOLE DE LILLE Le plan de déplacements urbains, réalisé en 2011 à l'échelle de la Métropole, a pour enjeu de garantir le rayonnement de cette dernière tout en inscrivant l'organisation du transport et de la livraison des marchandises dans une perspective de développement durable. 1 Rééquilibrer l'offre de stationnement pour les véhicules de marchandises au sein de la Métropole Il existe peu de zones de livraison à Roubaix et Tourcoing où le stationnement se fait essentiellement sur des places banalisées ou sur des emplacements privés. La distinction est très nette entre les centres urbains et le reste de la Métropole. À Lille, Roubaix et Tourcoing, près d'une livraison sur deux s'effectue sur un emplacement non autorisé et principalement en double file. Les transporteurs évoquent notamment l'occupation des zones de stationnement par les véhicules particuliers. En centre-ville, 2/3 des livraisons durent moins de 15 minutes. Plus le lieu de stationnement est gênant et plus la durée est courte et inversement. Le PDU a donc pour objectif de développer des places de livraison sur l'ensemble de son territoire afin de limiter les stationnements en double-file ou interdits. 2 Harmoniser les réglementations À nouveau, dans ce PDU on retrouve un objectif en lien avec l'harmonisation des réglementations. Ces dernières (horaires de livraison et tonnages) sont très discordantes dans les communes de l'agglomération. Elles tendent cependant toutes à la réduction du tonnage et de la durée de la période de livraison. Le recours à des véhicules plus petits génère un plus grand nombre de trajets pour acheminer la même quantité de marchandises, ceci sur une plage horaire plus réduite. Il peut alors en résulter une congestion croissante dans ces créneaux horaires et des émissions de polluants et de gaz à effet de serre qui peuvent être supérieures. Il est prévu de mettre en place des dispositifs innovants pour les livraisons de marchandises en milieu urbain dense. Sans rentrer dans les détails de ces dispositifs innovants, on constate aujourd'hui que cette ambition en matière d'harmonisation n'a pas abouti. 113 PARTIE 3 LE CAS DU PDU D'ORLÉANS Le plan de déplacements urbains réalisé en 2015 à l'échelle d'Orléans Métropole a entre autres pour objectif d'améliorer la gestion des livraisons et de la voirie qui se fera en coordination et concertation de l'ensemble des partenaires. Concernant le stationnement et la livraison, il est souligné que les aires de livraison et de stationnement ne sont pas présentes en nombre suffisant ce qui provoque une congestion des aires de stationnement qui elle-même provoque une congestion de la voirie. Afin de limiter ces congestions, il est prévu de développer les espaces nécessaires à l'accueil des marchandises et des véhicules de livraison. Pour faciliter la circulation, le stationnement et les livraisons il est nécessaire d'améliorer la signalétique des aires de livraison (marquage au sol, visibilité des panneaux). En ce qui concerne la réglementation, le respect de l'usage des places de stationnement permettant de favoriser la rotation des véhicules, de libérer les aires de livraison pour les transporteurs est primordial. Pour cela la Métropole d'Orléans entend mettre l'accent sur la signalisation de la réglementation, la communication, la surveillance et des dispositifs permettant de dissuader le stationnement lorsque les mesures précédentes ne suffisent pas. Pour favoriser cette rotation il est donc prévu de mener des contrôles afin de lutter contre le stationnement illicite, mais aussi de simplifier la réglementation des livraisons (horaires, critères de taille et de secteur) et d'harmoniser les réglementations entre les communes. Une amélioration de la signalisation à l'entrée et dans les centres-villes est aussi envisagée. Elle permettra d'assurer la continuité des itinéraires accessibles aux poids lourds via une adaptation de la signalisation routière et une accessibilité facilitée pour les transporteurs occasionnels. Enfin, une mise en oeuvre d'actions et d'aménagements organisés du transport et des livraisons de marchandises dans l'agglomération orléanaise et l'élaboration d'une charte de bonne conduite permettront d'inciter les livreurs à respecter la réglementation. Plusieurs expérimentations sont prévues afin de rendre plus performants le stationnement et la livraison. Comme par exemple l'expérimentation d'aires de stationnement partagées (livraison/stationnement banalisé) ou d'espaces de livraison de proximité, consignes tels que les « Pickup Station ». Il est aussi prévu de multiplier des relais-colis, de faire émerger le colis-voiturage et de créer des aires de livraison sur des espaces privés. 114 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PDU D'AIX-MARSEILLE-PROVENCE MÉTROPOLE Le plan de déplacements urbains a été réalisé en 2009 à l'échelle de la Métropole. En matière de transport de marchandises en ville et d'organisation des livraisons, la desserte de la métropole marseillaise mobilise des investissements hybrides à la fois privés (les plateformes, les véhicules) et publics (les infrastructures, les services). La Métropole affiche clairement la volonté de s'impliquer dans l'organisation de la circulation des marchandises à partir des domaines de compétence qui sont les siens, à savoir l'aménagement du territoire. Le territoire métropolitain est particulièrement concerné par la gestion des échanges de marchandises du fait de sa dimension, de la présence d'un grand port maritime, de l'existence de nombreux équipements de transport et d'articulation des flux. La desserte des coeurs de ville qui rassemblent la majorité des commerces et services (soit les 2/3 des mouvements) doit donc être favorisée, ce qui suppose une gestion appropriée des infrastructures de transport (notamment les pénétrantes) et de stationnement. 1 Améliorer le stationnement pour les livraisons et innover L'objectif est d'organiser et gérer le stationnement pour les livraisons et les enlèvements car aujourd'hui, dans les zones denses, le stationnement des véhicules utilitaires se fait majoritairement en infraction du fait de l'occupation illicite des aires dédiées à cet usage et/ou de l'absence d'espaces de stationnement à proximité du lieu à desservir. Il est donc prévu de : · Créer des aires de livraison avec des spécifications techniques (dimension, position) et des impératifs de localisation (distance aux lieux à desservir, densité par rue) ; · Créer des points d'accueil de véhicules (PAV) bien délimités physiquement où les chauffeurs-livreurs peuvent s'arrêter pour transférer leurs marchandises. Ils seront installés en priorité dans les zones difficiles d'accès ; · Étudier d'autres principes pour éventuellement donner lieu à expérimentation, tels que la gestion du stationnement dans le temps (ex. : dans une rue ou un quartier, on interdit le stationnement pour tout autre véhicule que ceux qui réalisent des livraisons entre 9h00 et 12h00) ; · Mutualiser des aires de livraison avec d'autres fonctions (stationnement pour PMR, conteneurs à déchets). 2 Harmoniser les réglementations et améliorer la coordination entre les acteurs publics Le PDU veut enfin définir une réglementation « transport de marchandises » applicable sur le territoire d'Aix-Marseille-Provence Métropole. Comme dans les cas de Paris ou Lille précédemment évoqués, la question de l'harmonisation des réglementations est au coeur des objectifs du PDU en matière de transport de marchandises. 3 Développer la logistique urbaine... ...Au-delà des initiatives privées qui voient le jour (livraisons par tricycles, automates pour mise à disposition de colis, conteneurs mobiles, points relais). Le PDU de la Métropole incite les communes à soutenir ces nouvelles formes de desserte par la mise en place d'interfaces dans les centres-villes, ce qui suppose une acceptabilité règlementaire et juridique ainsi que des surfaces d'accueil et l'installation de points d'articulation au plus près des clients. Des projets tels que les Points d'Accueil des Marchandises (PAM) sont à l'étude. Le principe est ici de substituer à la livraison chez le client une livraison en un point relais, ce qui permet d'ouvrir le champ des possibilités en termes de plage horaire. À proximité des lieux de destination finale ou sur des zones à fort passage. Ou encore les Boîtes Logistiques Urbaines (BLU), interface reliant le transport au client sans que la présence d'une personne soit requise. 115 PARTIE 3 4 Développer, requalifier les zones logistiques et améliorer l'accessibilité autoroutière Le PDU comprend le projet de réalisation de la L2 pour permettre une connexion A7/A50 accessible aux poids lourds, d'identifier des connexions directes entre certains échangeurs ciblés et des boulevards urbains économiques via la création et reconfiguration d'échangeurs. Et enfin de réaliser une desserte fine des zones d'activités, nécessitant la création de nouveaux tronçons de voies pour relier celles déjà existantes. Le but étant d'améliorer l'accessibilité et l'attractivité de zones logistiques existantes développées autour de cette autoroute. 5 Soutenir les innovations Le PDU insiste également sur le développement de solutions innovantes en matière de livraison. Certains projets sont en cours d'expérimentation tels que : l'acheminement / livraison de nuit, avec des normes et référentiels existants ou en cours d'homologation pour encadrer les pratiques et s'assurer de la limitation du bruit généré. En effet, la ville de Marseille a rejoint le programme Certibruit (association qui labellise des transporteurs permettant ainsi de livrer la nuit dans le respect du voisinage). LE CAS DU PDU DE BORDEAUX MÉTROPOLE La dernière version du plan de déplacements a été réalisée en 2016 à l'échelle de la Métropole. Le nouveau PDU sera en vigueur en 2019. Déjà en 2000, Bordeaux Métropole disposait d'un nombre important d'objectifs au regard du transport de marchandises et de la logistique. La Métropole a initié la signature d'une charte de bonne conduite du transport et des livraisons de marchandises en zone urbaine entre la collectivité, les transporteurs et les destinataires. 1 Améliorer les conditions de desserte Le PDU de la métropole de Bordeaux a pour objectif d'optimiser la desserte du transport de marchandises dans les centres-villes (modification de la chaîne de déplacements : tailles des véhicules, distribution fine), et l'aménagement d'aires de stationnement poids lourds en liaison avec les itinéraires définis dans le cadre du schéma directeur (parcs de stationnement adaptés et gardiennés) le permettra. Il est aussi prévu de réaliser un schéma directeur des plates-formes de fret ferroviaire (réservation des équipements futurs dans les dix à vingt prochaines années pour optimiser la part du ferroviaire dans les flux logistiques de la Métropole. D'organiser l'information des transporteurs de marchandises sur l'usage de véhicules moins polluants et de créer une structure de concertation pérenne mettant en relation l'ensemble des acteurs concernés par le transport et la livraison de marchandises. Enfin il est prévu de faciliter les échanges d'information entre les acteurs des transports de marchandises et de favoriser les livraisons des achats de particuliers dans un point relais ou à domicile. 116 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique 2 Harmoniser les réglementations Pour harmoniser la réglementation en matière de circulation et de stationnement, la Métropole propose de définir des plages horaires où les livraisons sont autorisées sur l'ensemble de son territoire. Mais aussi de choisir des critères uniques en lien avec le gabarit du véhicule. Cette réglementation devra s'effectuer en concertation avec les communes de la Métropole puisque les actes qu'elles prennent au titre du pouvoir de police du stationnement et de gestion du domaine public routier devront être compatibles avec le plan de déplacements urbains. Mais aussi avec les organisations professionnelles de transport pour que les mesures réglementaires adoptées le soient mieux. Le PDU de la Métropole de Bordeaux inclut dans son processus de concertation les acteurs privés de la logistique et du transport. 3 Encourager les expérimentations en matière de logistique urbaine Le PDU incite à définir à l'échelle communautaire une nouvelle conception de l'espace public dans les zones fortement génératrices d'activités de livraison ou d'enlèvement de marchandises. Cela permettra de rendre possible et aisée la livraison en limitant les gênes via une amélioration des aires de livraison et une matérialisation de ces aires. Il est donc prévu dans les documents d'urbanisme de réaliser des places de stationnement pour la livraison ou l'enlèvement des marchandises lors de la réalisation, de l'extension, rénovation de bâtiments à usage d'activités, de commerces ou lors de la mutation de bâtiments existants vers un usage d'activités ou de commerces. Ce qui permettra d'indiquer à partir de quelle surface d'activités ou de commerces, la création d'aires de livraison est imposée et le nombre de places à créer et les conditions à respecter afin de permettre un accès réel à ces places. 4 Améliorer la place des marchandises dans l'espace public Le PDU encourage les expérimentations afin d'améliorer le transport de marchandises. Il s'agit d'examiner et de comparer de nouvelles solutions pour la livraison des marchandises dans les centres-villes mis en oeuvre avec le nouveau régime d'accessibilité avec le projet tramway. Mais aussi de proposer à l'intérieur des parcs publics des espaces de livraison des achats. Ou encore de tester des solutions en utilisant la totalité ou une partie du système de transport collectif, avec ou en dehors du système d'exploitation. Et enfin d'expérimenter l'aménagement et la gestion d'Espaces de Livraison de Proximité (ELP) afin de faciliter les livraisons de marchandises ; ils devront être réservés, protégés et contrôlés par les voltigeurs et personnels indépendants du transport. La révision du PDU qui sera en vigueur prochainement semble plus avancé sur les questions de logistique urbaine, notamment en matière d'innovation. Nous n'avons pas eu accès à ces documents, mais nos entretiens ont montré que les ambitions des pouvoirs publics locaux sur ces questions avaient évolué. 117 PARTIE 3 LE CAS DU PDU DE NANTES Le plan de déplacements urbains (2010-2015, perspectives 2030) a été réalisé en 2010 à l'échelle de la Métropole. 1 Améliorer la connaissance du fonctionnement de l'approvisionnement de la métropole de Nantes et de l'utilisation du réseau routier Nantes est la seule ville du territoire métropolitain à avoir une réglementation harmonisée pour les livraisons. Les autres communes disposent d'arrêtés ponctuels, répondant à des problématiques de livraison locales précises. En revanche, les pratiques de livraison dans le centre de Nantes sont à majorité non conformes à la réglementation existante (horaires, gabarits et durée). Une meilleure organisation des flux de marchandises est nécessaire, il est prévu de : · Répertorier les itinéraires indispensables aux fonctions d'approvisionnement du territoire et d'échanges afin d'améliorer l'accès au centre ; · D'identifier les projets permettant de faire évoluer et d'optimiser les pratiques de livraison (véhicules propres, dernier kilomètre, « cargotram »). 2 Optimiser la localisation des activités logistiques métropolitaines et développer l'intermodalité Concernant la logistique, l'objectif est d'optimiser l'implantation des activités logistiques métropolitaines et d'envisager la création de plates-formes multimodales en prenant en compte les capacités d'usage du ferroviaire et du fluvial. En effet, l'intermodalité est aujourd'hui centrale pour le renforcement du territoire de l'estuaire comme entité logistique. Des optimisations d'implantations d'activités logistiques, en termes d'accessibilité, d'impact environnemental et d'insertion urbaine sont prévues, de même que la création, à l'initiative des entreprises de transport et des chargeurs, d'un Opérateur Ferroviaire de Proximité (OFP). 3 Faire évoluer la réglementation concernant la circulation et la livraison En ce qui concerne la réglementation, l'objectif est de la faire évoluer pour la livraison, de manière adaptée aux besoins, en cohérence avec les objectifs de vitalité économique et d'apaisement de la circulation. Pour cela il est prévu de réaliser un schéma métropolitain de circulation des poids lourds et des convois exceptionnels, en prenant en compte les flux de transit poids lourds sur les infrastructures structurantes, la localisation et l'implantation des activités logistiques ou génératrices de trafic, les capacités du réseau (largeur, maillage, catégorie des voies, gabarit des ouvrages d'art) en lien avec la densité et les usages (voiture, modes doux, transports collectifs). Mais aussi les contraintes urbaines comme la priorité accordée sur certains axes aux modes doux et aux transports en commun avec l'objectif de diminution de l'encombrement de la voirie par les véhicules de livraison. Ou encore les contraintes techniques et physiques des véhicules de livraison lourds ou hors gabarits. Enfin les enjeux de stationnement et de services pour les poids lourds sur le réseau routier structurant. 118 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique 4 Soutenir les initiatives privées et les innovations relatives à la logistique La métropole nantaise souhaite accompagner les initiatives privées et les pratiques innovantes pouvant apporter des réponses localisées ou spécifiques (livraisons nocturnes, mutualisation des espaces de stationnement, point d'accueil logistique, utilisation de transpalettes). Pour cela, il est prévu : d'expérimenter une réglementation plus favorable pour les véhicules utilitaires de livraison moins polluants ou propres mais aussi l'utilisation de vélos-cargos pour les petites livraisons de centreville. Enfin de revoir l'intégration du mode ferroviaire dans le transport de fret, avec la recherche de l'émergence d'un « opérateur ferroviaire de proximité ». Nous relevons dans le PDU de Nantes les ambitions affichées en matière de gestion de la circulation et du stationnement des véhicules de transport de marchandises mais aussi en matière de logistique urbaine. Néanmoins ces objectifs reposent sur l'initiative privée, donc avec une implication limitée de la puissance publique. 119 PARTIE 3 LE CAS DU PDU DU GRAND LYON Le plan de déplacements urbains a été réalisé en 2015 à l'échelle de la métropole du Grand Lyon. L'objectif est d'accompagner le dynamisme économique de l'agglomération en intégrant le transport de marchandises dans les politiques d'aménagement afin de réduire l'impact environnemental des déplacements liés au transport de marchandises, d'améliorer la connaissance du transport de marchandises par tous les acteurs concernés et la prise en compte de la logistique dans les aménagements et les équipements urbains. 1 Investissement dans de nouvelles infrastructures de transport, principalement routières Le PDU de la Métropole revient sur les projets d'infrastructure que les pouvoirs publics souhaitent mettre en place notamment le grand contournement de l'agglomération lyonnaise. Il revient également sur l'armature logistique de la métropole et la question de l'accessibilité routière des plateformes et des zones logistiques. Le document envisage donc de préserver les sites routiers existants pertinents, en particulier les multimodaux, sans lesquels le transfert modal ne sera pas possible. Mais aussi en identifiant des sites qui présentent toutes les potentialités pour acquérir une vocation logistique nouvelle (friches, délaissés). 2 Développement de la logistique urbaine et report modal Le PDU de la métropole de Lyon envisage de mettre en oeuvre : · Une incitation et une accélération du renouvellement du parc roulant ; · Le développement de solutions de transport alternatif à la route ou de solutions multimodales pour les marchandises ; · Le maintien de sites et d'activités logistiques en centre-ville ; · L'identification et la préservation des sites ferroviaires ou voies d'eau. 3 Renforcement des mesures de protection de l'environnement et de la qualité de l'air Une zone à faibles émissions dans le centre de l'agglomération, régulant la circulation des poids lourds et véhicules utilitaires légers les plus polluants, est notamment affichée comme un objectif important. La ZFE a pour but de limiter la circulation des VUL non-conformes pour un certain nombre d'entreprises de toute taille et d'encourager le renouvellement des véhicules. En ce sens, le PDU prévoit de mettre en place des actions destinées à accorder des avantages compétitifs aux professionnels les plus vertueux, renouvelant leur flotte ou investissant dans des véhicules basses émissions avant la sortie du diesel, ou à faible niveau d'émissions sonores. 4 Favoriser les véhicules non-thermiques Pour favoriser la cohabitation il est prévu de favoriser l'usage des véhicules électriques et hybrides rechargeables. Mais aussi d'appliquer des fenêtres horaires spécifiques d'accès livraison pour les véhicules basses émissions (électriques, GNV, biogaz...) : l'après-midi / soirée afin de permettre les enlèvements l'après-midi et les livraisons à domicile en soirée. 120 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PDU DE LA MÉTROPOLE GRENOBLE-ALPES Le plan de déplacements urbains réalisé en 2018 est à l'échelle de la Métropole. L'un des objectifs est de promouvoir un transport de marchandises moins routier et moins polluant avec la préservation des possibilités de report modal vers le ferroviaire. Mais aussi le soutien aux expérimentations de transport alternatif à la route, incitation et accompagnement des professionnels pour accélérer la transition énergétique des parcs de véhicules utilitaires. Prendre en compte la logistique dans l'aménagement de la ville et la gestion du dernier kilomètre avec la pérennisation des sites accueillant des activités liées au transport et à la logistique et amélioration de leur fonctionnement, appui à l'émergence de « centres de distribution urbaine ». 1 Encourager l'utilisation de véhicules propres Favoriser l'utilisation de véhicules de livraison moins polluants via la mise en place de tarifications spécifiques sur le stationnement est un des souhaits de la Métropole. En complément des réseaux colis, des systèmes de consignes urbaines qui permettent aux usagers de récupérer des colis lors de leurs déplacements et d'éviter des flux de livraison à domicile qui génèrent souvent un deuxième passage, en l'absence du client chez lui. Pour cela, un état des lieux est nécessaire afin d'avoir une meilleure connaissance des aires de livraison. Il est aussi important de prévoir des espaces de livraison dédiés sur les parcelles privées, les aires de livraison sur l'espace public ne pouvant à elles seules répondre à l'ensemble des besoins. 2 Développer et encourager des projets relatifs à la logistique urbaine Il est prévu de mener une veille en matière d'équipements logistiques de proximité (Équipements de Logistique Urbains) de taille intermédiaire entre le centre de distribution urbaine et la consigne, permettant le stockage temporaire des marchandises, et d'étudier les opportunités d'implantation dans des parkings en ouvrage sur le ressort territorial du SMTC. Enfin de soutenir des projets privés d'équipements logistiques. Afin de limiter le nombre de livraisons vers le centreville de Grenoble et d'agir ainsi sur la fluidité de la circulation et la qualité de l'air, une zone à circulation restreinte interdite aux véhicules utilitaires les plus polluants et le développement des aires de livraison seront mis en place. Deux centres de distribution urbaine (CDU) sont en projet pour réceptionner les marchandises provenant de différents transporteurs, les regrouper par destinataire, puis les livrer en utilisant des véhicules mieux adaptés à l'environnement urbain et plus éco-responsables (Gaz Naturel Véhicules ou électriques, vélos). Mais aussi des espaces logistiques urbains en hyper-centre pour permettre l'utilisation de véhicules plus légers, plus propres et la limite d'entrée des poids lourds seront développés. 3 Harmonisation des réglementations Pour cela, il est nécessaire de limiter les détours pour les poids lourds, afin de ne pas générer d'émissions de CO2 et polluants supplémentaires, d'harmoniser les réglementations afin de les rendre plus lisibles et donc mieux respectées par les professionnels (horaires, tonnage, type de véhicule autorisé). Enfin d'étendre à d'autres communes volontaires le dispositif de disque de livraison. 4 Développer le report modal Des expérimentations sont en cours ou à l'étude telles que le transbordement rail-route, l'usage du vélo et de la marche pour les livraisons, notamment en lien avec les projets de déploiement d'espaces logistiques urbains. Et enfin le transport de marchandises par tramway (tram-fret). 121 PARTIE 3 LE CAS DU PDU DE CLERMONT-FERRAND Le plan de déplacements urbains réalisé en 2011 est à l'échelle de Clermont Auvergne Métropole. 1 Coordonner les acteurs du transport autour d'une plateforme commune L'objectif est d'optimiser les livraisons dans l'hypercentre en mettant en place une plateforme logistique commune en dehors du centre-ville (centre de distribution urbaine), où les transporteurs concernés achemineraient leurs colis pour être ensuite distribués dans le périmètre présenté. 2 Améliorer les conditions de stationnement pour la livraison Clermont-Ferrand dispose de 358 emplacements réservés. Mais certains d'entre eux ne sont pas conformes aux normes en vigueur. De plus, l'aménagement des emplacements réservés dans les quartiers contraints est essentiel pour assurer leur bon fonctionnement, car chaque arrêt sur la chaussée occasionne une gêne pour la circulation en heures de pointe. Le PDU préconise donc de réaménager les places de livraison et de les augmenter dans l'ensemble du territoire métropolitain. 3 Organiser la circulation des marchandises : itinéraires pour le routier et report modal vers le ferroviaire Pour diminuer les nuisances liées au trafic des poids lourds, plusieurs mesures sont envisagées comme la déviation du transit des centres urbains, favoriser l'usage des véhicules propres et silencieux pour les livraisons et les enlèvements. Ou encore promouvoir le fret ferroviaire pour les besoins de l'agglomération et rechercher la complémentarité modale route-fer. Enfin améliorer les conditions de stationnement pour les véhicules de livraison. Il est aussi nécessaire de rationaliser les systèmes de desserte en mettant en place des mesures d'optimisation et des services d'accueil via l'optimisation des tournées de livraison permettant de réduire la distance parcourue et le nombre de véhicules mobilisés, l'amélioration des conditions d'accueil des camions à l'échelle du périmètre de transport urbain (PTU). 4 Harmoniser les réglementations La réglementation est hétérogène à l'échelle du PTU. À l'intérieur, des horaires de livraison sont imposés dans Clermont-Ferrand, Chamalières, Ceyrat, Pont-du-Château et Royat. Mais ils sont mis en place suivant des motifs et besoins différents, comme par exemple les zones piétonnes de Clermont-Ferrand, le marché à Pont-du-Château et la période thermale à Royat. Le même phénomène est observé au niveau des interdictions de tonnage et des itinéraires de transit pour les poids lourds. Une mise en cohérence, une homogénéisation voire une simplification semblent nécessaires à l'échelle du PTU. Le PDU distingue toutefois les poids lourds en transit de ceux en livraison. Concernant les premiers, la réglementation met en place les interdictions nécessaires pour les dévier des centres urbains et en limiter les nuisances. Pour les camions en livraison, la réglementation agit essentiellement sur les itinéraires pour les convois exceptionnels et les transports de matières dangereuses, interdits aux camions dépassant un tonnage notamment dans des secteurs de type « zone 30 ». Mais aussi sur les horaires de livraison, afin d'éviter des perturbations aux riverains et aux usagers de la voirie, sur les arrêts sur voirie, afin de ne pas créer de difficultés supplémentaires notamment pendant les heures les plus chargées. Enfin sur l'organisation des aires réservées aux livraisons ou encore le renforcement de la surveillance concernant le stationnement illégal sur les aires réservées. 122 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique LE CAS DU PDU DE LENS-LIÉVIN Le plan de déplacements urbains a été réalisé en 2018 à l'échelle de la communauté de communes de l'Artois. 1 Harmonisation de la réglementation et des pratiques Comme dans les autres agglomérations, on retrouve inscrit dans le PDU la volonté d'harmoniser les réglementations en matière de circulation et de stationnement, afin d'améliorer la lisibilité des règles sur le territoire. 2 Report modal Le canal d'Aire constitue un axe majeur de développement en lien avec la façade littorale du Nord-Pas-de-Calais. Le canal de la Deûle est quant à lui un maillon essentiel de la liaison Seine-Escaut pour laquelle le projet de canal Seine-Nord Europe pourrait offrir de nouvelles perspectives. La valorisation de foncier bord à voie d'eau permettant d'accueillir ou de développer des activités utilisatrices du mode fluvial constitue un enjeu pour le territoire. On retrouve ici une volonté de développer le transport en fluvial et les activités logistiques à proximité. Le territoire possède plusieurs sites de transbordement le long de la voie d'eau : quai privé à Isbergues, quai public à Guarbecque, quai privé et port public tri-modal (avec équipement pour colis lourd et conteneur) à Béthune, port public à Harnes et plateforme tri-modale (avec équipement pour colis lourd et conteneur) à Dourges. On observe de plus une augmentation du trafic fluvial (chargements, déchargements et transit) entre 2008 et 2016. La réalisation du canal offre des perspectives de développement pour les territoires traversés par ce réseau fluvial à grand gabarit. Les prévisions annonçant une multiplication par 4 ou 5 du tonnage transporté par voie d'eau sur l'axe nord-sud avec l'arrivée du canal à horizon 2050. 123 PARTIE 3 CONCLUSION Comme dans le cas des SCoT, on note pour les PDU une réelle intégration de la question logistique et du transport de marchandises dans la planification des mobilités. Mais la relative absence de transposition des objectifs relevés dans les arrêtés municipaux montre bien la limite de la portée de ces documents d'un point de vue opérationnel. Il est important de rappeler ici que le PDU n'a pas de portée strictement prescriptive, il offre un cadre à l'action publique, permet de clarifier des objectifs sectoriels. Ce qui explique que le fret est très présent dans ces documents mais est privé par ailleurs d'une réelle portée opérationnelle. · Objectifs partagés et ambitions communes On observe une forte récurrence de certains thèmes dans les différents PDU analysés. Ainsi, tous promeuvent le développement de la logistique urbaine, du report modal, de l'harmonisation des réglementations, de l'amélioration des conditions de livraison et de circulation des marchandises, le développement de véhicules plus propres et la mise en oeuvre d'une réflexion sur la localisation des activités logistiques. Remarquons que ces thèmes sont identifiés dans le cadre législatif et sont donc en quelque sorte imposés par la loi aux PDU. Mais ces derniers s'en sont bien emparés. · Une connaissance encore faible des données et enjeux liés au transport de marchandises et un manque d'expertise La réalisation d'études ou de diagnostic fret par les intercommunalités n'est pas une pratique systématique. Bien qu'on observe une augmentation de ces études notamment dans les plus grandes intercommunalités, elles ne sont pas généralisées notamment dans les plus petites villes. Dans notre échantillon, les métropoles de Paris, Lyon et Bordeaux ou des métropoles moyennes comme Orléans et Grenoble ont effectivement fait ce travail de diagnostic. Mais la majorité des villes interrogées avouent leur manque de connaissance en matière de logistique et de transport de marchandises et se trouvent démunies lors de la réalisation du volet marchandises des PDU pour proposer des données au-delà des enquêtes de trafics ou cordon relatives aux poids lourds. En effet, au-delà de la question de la connaissance en matière de pratiques, il existe aujourd'hui un vide en matière de données. Les communes ou intercommunalités interrogées dans le cadre de cette étude relèvent toutes l'absence de données sur le sujet. De ce fait, elles font de l'exercice de diagnostic et de connaissance de leur territoire une première étape dans la planification ou la réglementation du transport de marchandises et de la logistique, ce qui explique aussi la relative inertie observée dans l'intégration et la mise en oeuvre de réglementations et de projets relatifs à ces sujets. Même si la connaissance en matière de fret urbain a augmenté depuis une vingtaine d'années en France (Programme National Marchandises en Ville, enquêtes marchandises en ville, travail de pédagogie du CERTU, par le biais de la croissance des productions scientifiques sur le sujet), celle-ci n'a encore qu'insuffisamment intégré les données relatives aux livraisons du e-commerce (B2C) et les pratiques des acteurs publics, notamment au travers des techniciens et chargés d'études des services de mobilité ou d'urbanisme, et au-delà parmi les élus. La formation fait défaut. On peut aussi s'interroger sur le rôle des acteurs privés du transport et de la logistique qui dans l'exercice de gouvernance du fret à l'échelle des PTU peuvent accompagner les acteurs publics, les acculturer à ces questions, voire les former. Les collectivités sont conscientes des lacunes, pourtant peu de ressources humaines sont dédiées à la connaissance et à la gestion du fret urbain. La réalisation de nos entretiens a été complexe du fait que bien souvent les interlocuteurs étaient mal identifiés. Nous avons été, et cela est symptomatique du manque d'expertise sur la logistique urbaine, tantôt renvoyés au pôle urbanisme, tantôt au pôle transport et mobilité, tantôt au pôle déplacements et voirie et dans le cas des plus petites villes nous étions directement renvoyés vers le commissariat de police municipale qui se trouvait avoir les informations nécessaires concernant la circulation et le stationnement. 124 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique · Les enjeux d'une question transversale La faible transversalité et collaboration entre ces services et une absence notable de l'urbanisme empêchent de replacer les enjeux logistiques urbains dans le cadre plus large du système urbain. Parmi les outils de planification urbaine et des transports qui peuvent agir sur le fret urbain et que nous avons déjà détaillés (PLU, SCoT), nous observons que le PDU (et son volet marchandises) est l'outil de planification le plus utilisé par les collectivités qui mènent une politique du fret urbain ou qui souhaitent le faire. Cependant, le PDU n'a que peu de pouvoir prescriptif et il n'est pas rare que les fiches actions des PDU restent des voeux pieux. Même si nos entretiens révèlent une plus grande intégration de cette question dans les PDU, la question de la logistique et du transport de marchandises reste encore très largement cantonnée à la planification du transport et de la mobilité, et a plus de mal à s'intégrer dans une approche systémique en faisant le lien avec les territoires et les enjeux urbains. Cela pose donc le problème de la transversalité du transport de marchandises et de la logistique et de l'imperméabilité des politiques sectorielles qui nous renvoient à une question plus large qui est celle de l'articulation entre transport et urbanisme. Malgré des progrès dans son utilisation, le PDU reste un outil sous-utilisé par les collectivités françaises pour gérer la logistique urbaine. Les intercommunalités observées dans le cadre de cette analyse balayent rarement tous les enjeux liés au fret. Leur approche partielle, souvent guidée par des considérations pragmatiques et la volonté de répondre à des problèmes du présent (et au texte du code des transports !), montre également l'incapacité des pouvoirs publics locaux à se projeter à long terme sur la question de la logistique et du transport de marchandises. 3.3. PLANIFIER LES ACTIVITÉS LOGISTIQUES À L'ÉCHELLE RÉGIONALE À l'échelle régionale, le SRADDET ­ ou le SDRIF pour l'Île-de-France ­ est le document qui pose les orientations principales en matière d'aménagement, de développement urbain, des infrastructures de transport. Il traduit la vision stratégique des acteurs pour ce territoire. Il se décompose en trois parties : · Le rapport, qui exprime notamment la stratégie régionale et les objectifs que se fixe le SRADDET ; · Le fascicule, qui contient en particulier les règles que se fixe le SRADDET pour mettre en oeuvre ces objectifs ; · Les annexes, qui complètent ces deux premières pièces afin de faciliter l'information de tous. LE CAS DU SDRIF ­ ÎLE-DE-FRANCE Le SDRIF actuel, adopté en 2013, accorde une place relativement importante à la logistique par rapport aux anciens documents. Le SDRIF est un document d'urbanisme d'échelle régionale. Il a pour objectif de maîtriser la croissance urbaine et démographique, l'utilisation de l'espace tout en garantissant le rayonnement international de la région. Il précise les moyens à mettre en oeuvre pour corriger les disparités spatiales, sociales et économiques de la région, pour coordonner l'offre de déplacement et préserver les zones rurales et naturelles afin d'assurer les conditions d'un développement durable de la région (DRIEA, 2015). Il doit fixer les grandes orientations en matière de localisation d'activités, d'infrastructures et d'équipements. 125 PARTIE 3 Dans ses grands objectifs, il prévoit de construire une région plus connectée et plus durable. Il prend en compte le système logistique métropolitain y compris hors des limites franciliennes. Il affirme également le rôle important des modes ferroviaires et fluviaux dans le système logistique urbain. Dans son volet réglementaire, des orientations spécifiques traitent de l'armature logistique multimodale, à savoir les ports et les équipements ferroviaires. Elles prévoient le maintien et le développement du potentiel de fonctionnement multimodal mais aussi la création de centres de distribution urbaine en zone dense, afin de réduire les nuisances générées par les livraisons du dernier kilomètre. Enfin, pour répondre à l'enjeu de compacité sur le territoire régional, l'étalement de l'activité logistique le long des axes routiers doit également être évité. La logistique dans le coeur de métropole, Sdrif 2013 Figure 40. Armature logistique dans la région francilienne (source : SDRIF, 2013) Depuis 2013, le SDRIF est un document partiellement opposable qui peut s'imposer sous certaines conditions aux documents de planification locaux (schéma de cohérence territoriale, plans locaux d'urbanisme). Plus précisément ce sont les orientations réglementaires et la carte de destination générale des différentes parties du territoire (CDGT) qui sont opposables, en sachant que le texte prévaut sur la carte qui ne peut être zoomée. La CDGT identifie les sites multimodaux à préserver, mais également les sites logistiques dans lesquels l'activité peut être densifiée. La relocalisation des entrepôts est éventuellement possible « à condition que son bilan soit aussi avantageux en termes de service rendu, de préservation de l'environnement et de protection des populations ». 126 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Cette carte reste à l'échelle régionale et identifie sous la forme de petits carrés les zones un peu floues dans lesquelles la logistique devrait être développée ; il revient donc ensuite aux pouvoirs locaux de définir plus précisément le périmètre concerné. Le SDRIF invite donc les acteurs publics locaux à développer une démarche de concertation avec la Région afin de mettre en oeuvre ces objectifs. Figure 41a. Carte de Destination Générale du Territoire, (source : SDRIF, 2013) Sur la CDGT, la hiérarchisation des niveaux d'enjeu pour les sites multimodaux est symbolisée par trois tailles de losanges bleus Figure 41b. Extrait du CDGT (source : SDRIF, 2013) Dans un document intitulé « La mise en compatibilité des documents d'urbanisme avec le Schéma Directeur de la Région Île-de-France » (2015), la Direction Régionale et Interdépartementale de l'Équipement et de l'Aménagement d'Île-de-France (DRIEA) donne des recommandations aux collectivités locales pour mettre en oeuvre cette conformité et notamment sur le plan logistique : « Identifier les emprises des armatures logistiques puis analyser le SCoT ou le PLU sous cet angle et si besoin inscrire des zones et des règles favorisant le maintien des activités logistiques. » Cet extrait démontre bien que l'inscription de zones et de règles qui favoriseraient le développement et la densification logistique reste à la discrétion des pouvoirs locaux. Le SDRIF, en dépit de cette nouvelle capacité d'opposition, reste limité. Le flou des zones et le pouvoir discrétionnaire des collectivités locales limitent fortement l'application des grands principes du SDRIF dans la réalité. 127 PARTIE 3 Le SDRIF est un document régional particulièrement attentif aux questions du transport de marchandises et de la logistique, par rapport à d'autres SRADDET. L'expertise développée dès les années 1990 au niveau de la logistique francilienne se traduit par une plus grande maturité dans la stratégie territoriale. Par ailleurs, la présence d'infrastructures de transport majeures telles que les aéroports ou les ports fluviaux à conteneurs incite les pouvoirs publics locaux à davantage de prise en compte de la question du transport de marchandises et de la logistique. À noter que depuis 2013, la question du transport de marchandises en ville et de la logistique urbaine est une questions très intégrée dans les objectifs de développement de la région mais aussi dans la pratique avec la mise en oeuvre d'une politique visant à préserver dans la mesure du possible du foncier pour les activités logistiques dans la zone dense. LE CAS DU SRADDET ­ AUVERGNE-RHÔNE-ALPES Le SRADDET de la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes a été mis en oeuvre fin mars 2019. Il a en effet dû être refait à la suite de la fusion des régions. 1 Objectifs du rapport Les objectifs portés par ce nouveau document s'articulent autour de la question environnementale : l'ambition est de diminuer de 23 % la consommation d'énergie de la région, et de limiter le processus d'étalement urbain (objectif 3.8 « Réduire la consommation énergétique de la région de 23 % ») ; les logiques d'aménagement et de déplacement doivent être repensées en lien plus étroit. À travers ce document, les acteurs du territoire régional cherchent également une cohérence entre emploi et habitat, en favorisant l'accueil des activités économiques dans les espaces urbains mixtes et en organisant les espaces économiques dédiés. Une optimisation des parcours de circulation des marchandises et une massification de ces flux pourront également être recherchées notamment via le maintien et le développement d'espaces logistiques en milieu urbain ou en priorité à proximité des voies ferrées et des ports, puis des noeuds routiers. Les objectifs sont donc très similaires à ceux posés dans le cadre du SDRIF : densification, lutte contre l'étalement urbain, mixité fonctionnelle, optimisation des flux. Au regard de ces défis, l'objectif que le SRADDET fixe aux acteurs du territoire est de consolider la cohérence entre urbanisme et déplacements. Pour ce faire, le schéma se place à l'horizon 2030 et entend : · Favoriser une urbanisation en pôles de développement (multipolaire) denses et ouverts à diverses fonctions (logements, commerces, équipements sportifs et culturels, logistique, etc.), reliés entre eux par les transports collectifs, en s'appuyant notamment sur l'armature territoriale définie dans les SCoT ; · Limiter le phénomène de desserrement des activités logistiques et préserver l'implantation des espaces logistiques dans des secteurs stratégiques, en se donnant les moyens, via les documents de planification et d'urbanisme, et l'action foncière, d'identifier et de mobiliser les espaces susceptibles d'accueillir les fonctions logistiques nécessaires en cohérence avec les réseaux de transport existants ou à venir ; 128 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique · Promouvoir les systèmes logistiques adaptés aux filières économiques de production et de distribution locales (solutions mutualisées pour les circuits courts, économie circulaire, filière bois, etc.) ; · Favoriser les projets visant à densifier les zones d'activités économiques existantes dédiées ou ayant une vocation logistique par construction ou restructuration du bâti (obsolescence et friches industrielles, commerciales, logistiques) et en intégrant les innovations (bâtiment du futur, efficacité énergétique, verticalisation, etc.) ; · Encourager, au cas par cas, la mutabilité des sites localisés en zone urbaine dense pour de la logistique urbaine (espaces de logistique urbaine, centres de distribution périurbaine), en particulier lorsque ces sites sont multimodaux ; · Intégrer les fonctions logistiques à la conception des opérations d'aménagement exemplaires et aux projets immobiliers innovants. 2 Règlements du fascicule Le règlement permet de traduire les objectifs en mesures concrètes. Les règles générales (contenues dans le fascicule) ont pour objet de contribuer à atteindre les objectifs à moyen et long termes (fixés dans le rapport du SRADDET). Toute règle générale doit donc être fixée en lien avec (au moins un de) ces objectifs. Ces règlements n'ont toutefois pas la portée des règlements des PLU. Mais ils exercent une contrainte sur les PLU au moment de leur élaboration dans un rapport de compatibilité. Les règlements s'imposent aux PDU, PCAET, SCoT et PLU. De ce fait, ces règles sont opposables. · Densification et optimisation du foncier économique existant pour participer à la réduction de la consommation foncière à l'échelle régionale Les SCoT ou à défaut les PLU(i) doivent prioriser, avant toute création ou extension de zones d'activités économiques, y compris logistiques, la densification et l'optimisation des zones d'activités existantes, en cohérence avec les opportunités de complémentarités entre territoires limitrophes, et cela afin de favoriser les synergies d'entreprises et le développement de services mutualisés dans une logique de redynamisation d'ensemble. · Élaboration de projets à enjeux structurants pour le développement régional afin de permettre la réalisation ou le développement de projets qualifiés par le SRADDET de structurants pour le développement régional Les SCoT, ou à défaut les PLU(i), et les chartes de PNR le cas échéant, devront : faire évoluer ou adapter les règles de planification et d'urbanisme pour rendre possible la réalisation des projets telle que définie par la Région ; et/ou réserver et préserver les fonciers stratégiques nécessaires à la réalisation des projets. Par exemple, les sites permettant le transbordement des marchandises de la route vers le fer et le fleuve par les différentes techniques d'intermodalité mobilisables (combiné, autoroute, ferroviaire). 129 PARTIE 3 · Cohérence des documents de planification des déplacements ou de la mobilité à l'échelle d'un ressort territorial, au sein d'un même bassin de mobilité Toute élaboration ou révision d'un document de planification des déplacements ou de la mobilité à l'échelle d'un ressort territorial doit rechercher la cohérence avec les orientations des documents de planifications similaires produits par les autres autorités organisatrices du même bassin, a minima sur les aspects suivants : pôles d'échanges, information multimodale, tarification combinée, continuité des infrastructures, analyse de la mobilité (voyageurs et marchandises) et de ses évolutions prospectives. Avec comme objectif de simplifier et faciliter le parcours des voyageurs et la circulation des marchandises au sein et entre les bassins de vie (de même dans la règle n°15 : Coordination pour l'aménagement et l'accès aux pôles d'échanges d'intérêt régional). · Préservation du foncier embranché fer et/ou bord à voie d'eau pour la logistique et le transport de marchandises Les territoires, via leurs documents de planification et d'urbanisme, et en partenariat avec les gestionnaires d'infrastructures et d'équipements multimodaux, identifient des sites à enjeux urbains et périurbains et réservent du foncier embranché fer et/ ou bord à voie d'eau pour de la logistique et du transport de marchandises utilisant ces modes. Les phénomènes de desserrement des implantations logistiques, tirés par les besoins des entreprises en grandes parcelles (développement des entrepôts de grande taille permettant de concentrer des stocks et d'accroître la productivité par l'automatisation et le pilotage informatique, etc.), génèrent des besoins de fonciers périurbains. Parallèlement, la réintroduction de la logistique en ville est une tendance forte des politiques de revitalisation des centres bourgs. Visant à mieux organiser les flux urbains, dans un contexte d'évolution des pratiques de distribution et de consommation, elle nécessite (qu'elle soit routière et/ou multimodale) des surfaces pour le stockage ou les opérations de transfert des marchandises. Dans un cas (périurbain) comme dans l'autre (centre-ville), la rareté des gisements fonciers en zones denses suscite des concurrences d'usages et appelle non seulement à faire des choix, mais aussi à favoriser les innovations. La volonté de renforcer les chaînes de transport multimodales et la perspective de diversification des formes de logistique urbaine appellent à anticiper l'avenir et à préserver ces fonciers connectés fer et/ou fleuve, en particulier lorsqu'ils sont situés dans les principaux bassins de vie, de consommation et de production, ou lorsqu'ils occupent une place stratégique dans les chaînes logistiques. · Intégration des fonctions logistiques aux opérations d'aménagements et de projets immobiliers Les SCoT, ou à défaut les PLU(i), identifient les mesures nécessaires à l'intégration des fonctions logistiques lors de la conception des opérations d'aménagement et de projets immobiliers. La logistique est essentielle au fonctionnement des territoires, des villes, des quartiers. Pour des raisons liées à la fois à la disponibilité, aux coûts fonciers et aux besoins de surfaces de plus en plus importantes, la logistique s'est toutefois éloignée des centres urbains. 130 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique Ces différentes évolutions conduisent à repenser la logistique dans la ville et à réintroduire des surfaces de stockage ou de transit au coeur des zones de livraison. Ces surfaces logistiques qui posent certes des questions de valorisation foncière et de ce fait également de concurrence d'usage du foncier restent de taille modeste et sont utiles à la ville et à sa dynamique démographique, économique et commerciale. L'enjeu est à la fois d'assurer la distribution jusqu'au coeur des villes tout en rationnalisant les flux et de favoriser la mobilité décarbonée tout comme la mutualisation. L'objectif est de redéfinir la place de la logistique dans l'urbain et pour innover afin de rendre cette logistique performante tant en termes d'exploitation qu'en matière d'impacts (par un verdissement des flottes de livraison, des véhicules plus silencieux, une gestion optimisée des aires de stationnement et des itinéraires de desserte). Mais aussi par l'implantation d'hôtels logistiques multimodaux, le développement de haltes fluviales associées à des services innovants. · Cohérence des règles de circulation des véhicules de livraison dans les bassins de vie Les autorités organisatrices engagent, à l'occasion de la révision ou de l'élaboration de leurs documents de planification des déplacements ou de la mobilité, une réflexion concertée, si nécessaire avec la Région, pour la mise en cohérence des règles de stationnement et de circulation des véhicules de livraison avec les plans de déplacements urbains inclus dans le même bassin de vie. Dans les faits, on constate une fragmentation des réglementations marchandises entre les communes et un manque de lisibilité qui nuisent à leur compréhension par les transporteurs et donc à leur respect. Pour garantir la performance des opérations de livraison (temps, fiabilité, coûts) et faciliter les conditions de travail des livreurs, les PDU devront donc tendre vers une mise en cohérence des règles relatives à la circulation, aux conditions de livraison et au stationnement des poids lourds et des véhicules utilitaires légers. Cet objectif de mise en cohérence devra s'appuyer sur une démarche de concertation continue et itérative visant à : · Améliorer la lisibilité, tant au travers d'une harmonisation des rédactions des arrêtés ou des guides (glossaires communs) que d'une uniformisation de la signalétique (jalonnements adaptés aux marchandises) ; · Simplifier en limitant le nombre de critères (gabarit, tonnage, classes Euro, types d'activité, horaires, surfaces au sol) et de seuils ; · Assurer la continuité (y compris entre territoires limitrophes) et l'optimisation des itinéraires de contournement pour le transit et des plans de circulation pour l'accès aux lieux de livraison ; · Éviter, dans la mesure du possible, le passage des véhicules de livraison/ramasse aux heures de pointe des déplacements des personnes ; · Adapter les aires d'arrêt et de stationnement aux différents besoins, tant en termes d'aménagement (nombre, localisation, dimensionnement, accessibilité) que de gestion (cohérence avec les heures d'ouverture des commerces, durée de (dé) chargement ­ ex. : messagerie et fret express versus marchandises volumineuses). L'objectif in fine doit être d'optimiser les parcours afin de renforcer le niveau de service (qui est une exigence du consommateur), de maîtriser les coûts (pour les opérateurs et les utilisateurs), de réduire les kilomètres à vide et, plus globalement, d'améliorer l'empreinte carbone des produits transportés. 131 PARTIE 3 · Diminution des émissions de polluants dans l'atmosphère De manière à améliorer durablement la qualité de l'air sur leur territoire, les documents de planification et d'urbanisme, les chartes des PNR et les Plans Climat-Air-Énergie Territoriaux (PCAET) définissent les dispositions permettant de réduire les émissions des principaux polluants atmosphériques (visés dans le sous-objectif 1.5.1.) du rapport d'objectifs issus des déplacements (marchandises et voyageurs), du bâti résidentiel et d'activités mais également des activités économiques, agricoles et industrielles présentes sur leur territoire. Les territoires devront prioriser la réduction des émissions pour répondre de façon proportionnée aux niveaux d'altération de la qualité de l'air et d'exposition de la population constatée dans leur état des lieux de la pollution atmosphérique. · Réduction de l'exposition de la population aux polluants atmosphériques Dans la cadre de sa stratégie pour la qualité de l'air, la Région a identifié neuf zones prioritaires d'intervention sur lesquelles elle a décidé de concentrer des moyens en contractualisant avec les territoires, dans un objectif de réduction de l'exposition de la population. Sur les autres zones, il conviendra de rester vigilant au côté des territoires quand les concentrations d'activités ou les choix d'urbanisme peuvent conduire à des expositions significatives des populations (projets structurants pour le développement régional, pôles d'échanges multimodaux, zones d'activités économiques et commerciales, noeuds logistiques, nouvelles implantations de logements et d'établissements recevant du public). La démarche du SRADDET, comme de celle des SCoT et PDU, repose sur la contribution de l'ensemble des acteurs privés. L'objectif, dans la définition et la mise en oeuvre des modalités de suivi et d'évaluation du SRADDET, est de suivre une approche partenariale et pragmatique en travaillant en collaboration avec les divers partenaires dépositaires de données et les systèmes d'observation en place : INSEE, observatoires, État, chambres consulaires, etc. 132 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique CONCLUSION SUR LES SRADDET · Un nouveau rôle pour la Région conforté par l'élaboration des nouveaux documents La planification territoriale combine trois finalités : celle de produire une vision partagée du devenir d'un territoire, celle d'organiser les programmes et les investissements publics, enfin, celle de définir des règles d'usage des sols (Demazière, Desjardins, 2016). Avant, avec les SRADT, les schémas régionaux d'aménagement visaient principalement à définir une vision et à répartir une partie réduite du budget régional par les contrats (Desjardins, Béhar, 2017). Avec l'intégration des différents schémas sectoriels, le schéma d'aménagement régional acquiert un peu plus de pouvoir notamment par le biais des politiques d'investissement dans les infrastructures, principalement celles de transports. Très concrètement, les investissements dans les transports ferroviaires pourraient être conditionnés à des règles en matière d'urbanisation autour des gares et être repris dans les contrats. Les investissements dans la logistique urbaine pourraient être conditionnés par la mise en oeuvre de projets intégrant des objectifs de mixité fonctionnelle. « À la logique d'emboîtement entre "vision", "programme" et "règles" qui constitue la méthode commune de planification, on pourrait passer à une forme d'hybridation entre ces étapes et ces fonctions » (Desjardins, Béhar, 2017). Le SRADDET peut également être l'occasion de poser différemment la nature des relations entre les collectivités territoriales et l'État. Traditionnellement les élus locaux négocient directement avec l'État. Les régions pourraient s'imposer comme un réel intermédiaire de ce point de vue. En revanche, le poids des métropoles au sein de ces régions pourrait remettre en question ce rôle. La concurrence entre les deux échelons est très importante. Deux visions s'affrontent : une vision polycentrique portée par la région qui cherche à équilibrer le territoire par le biais des investissements et des infrastructures, et une vision portée par la métropole qui cherche au contraire à concentrer un maximum d'activités, d'emplois, de ressources sur son territoire. Ces visions antagonistes sur la forme du territoire ont leur importance, car les conséquences en termes de mobilité sont très différentes. En région Auvergne-Rhône-Alpes par exemple, dans le cadre du projet sur le « noeud ferroviaire lyonnais » ces deux visions ont des implications concrètes. La Région souhaite voir développer la gare de Saint-Exupéry pour le passage du fret alors que la Métropole de Lyon porte plutôt un projet en faveur du contournement de l'agglomération lyonnaise (CFAL) qui ne passerait pas par Saint-Exupéry. Cette opposition est à l'origine d'une certaine inertie qui retarde les investissements et les projets en matière de développement du fret, en l'espèce ferroviaire. Pendant ce temps les activités logistiques du territoire ont du mal à se projeter avec une utilisation du fret ferroviaire et se tourne vers la route. Cette compétition entre l'échelon régional et métropolitain se retrouve aussi à Paris. En effet, l'élaboration du pacte métropolitain n'inclut pas activement la région Île-de-France. Ces nouveaux pouvoirs confiés aux régions diminuent le rôle de l'État dans le territoire. L'État intervenait auprès des régions de deux manières : par la co-élaboration de certains documents (notamment le schéma régional de cohérence écologique et le schéma régional relatif à l'air, au climat et à l'énergie) et par la signature de contrats, principalement le contrat de plan État-Région (Desjardins, Béhar, 2017). Avec le transfert de l'élaboration de l'ensemble des schémas aux régions, l'État se voit déchargé de cette co-élaboration et recentre son action autour des Contrats Plan État-Région (CPER) et de quelques actions prioritaires comme l'emploi. · Un nouveau rôle pouvant influer le report modal et la localisation des activités logistiques L'analyse des différents documents régionaux montre que la région a acquis un nouveau pouvoir en matière de réglementation des sols et qu'elle le met en oeuvre. Elle accompagne une stratégie foncière d'investissements en conséquence dans les projets qui respectent ces conditions. Elle peut agir sur la préservation de foncier dédié à l'activité logistique dans les zones denses de la région mais aussi aux abords des voies d'eau ou voies ferrées. Le but étant d'inciter les activités logistiques à utiliser d'autres modes définis comme plus propres et encouragés par la politique régionale. 133 PARTIE 3 Le pouvoir d'urbanisme et ses effets sur le transport de marchandises en ville et la logistique En ce sens les régions mettent en oeuvre une politique qui associe à la fois les enjeux urbains et d'aménagement du territoire. Il s'agit d'une première forme de coordination transport-urbanisme. Les régions peuvent encourager la localisation des activités logistiques dans des espaces spécifiques limitant ainsi l'étalement urbain et le report modal. Par ailleurs, on note l'implication de la région dans le développement de la logistique urbaine, avec une capacité à participer aux financements de projets. · Enjeux de coordination des politiques publiques locales : le cas de l'harmonisation des livraisons Le document régional se pose ici aussi comme un « super-SCoT » qui incite à l'harmonisation des règles de livraison. On peut s'interroger sur les moyens qui peuvent être mis en oeuvre par les régions au niveau local pour agir concrètement sur les réglementations locales et inciter les communes à collaborer : ils sont faibles, voire inexistants. 134 PARTIE 4 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville SOMMAIRE Charte Marchandises : nouvelle gouvernance pour les expérimentations Leviers d'innovation dans le transport de marchandises : le dernier kilomètre Utilisation des vélos-cargos Barges fluviales Véhicules électriques Véhicules autonomes Concours d'urbanisme et architecture : lieux d'innovation pour la logistique et le transport de marchandises Difficile essor de l'innovation logistique urbaine : des expérimentations limitées Espaces logistiques urbains (ELU) Hôtels logistiques : le cas de Chapelle International Limites de ces expérimentations Limites financières Limites posées par les contraintes techniques et réglementaires Limites du modèle à l'épreuve du temps 136 137 137 138 139 139 140 143 144 146 147 147 149 150 135 PARTIE 4 Cette partie examine les expérimentations en matière de projets urbains relatifs à la logistique urbaine et au transport de marchandises. Elle se concentre plus particulièrement sur le cas parisien qui a connu un grand nombre d'innovations et d'expérimentations jusqu'à présent, mais explore aussi quelques cas dans les autres villes françaises. Cette partie est l'occasion de questionner les évolutions réglementaires en lien avec les innovations en matière d'urbanisme mais aussi de transport en prenant en compte notamment le cas des véhicules autonomes. CHARTE MARCHANDISES : NOUVELLE GOUVERNANCE POUR LES EXPRIMENTATIONS Initiée en 2001 dans un cadre partenarial associant institutions, milieu consulaire, transporteurs et chargeurs, la signature d'une charte des bonnes pratiques des transports et des livraisons de marchandises dans Paris en 2006 témoignait de l'émergence de nouveaux outils. Cette initiative partenariale se verra prolongée en conformité des prescriptions du SDRIF et du PDUIF dans le cadre d'une nouvelle charte en faveur d'une logistique urbaine durable signée par l'ensemble des partenaires (plus de 80) en septembre 2013. Plus opérationnelle, cette nouvelle charte repose sur une identification des structures et équipements ainsi que des pratiques innovantes à accompagner (horaires décalés, nouvelle organisation des tournées). La ville de Paris, dans le cadre de cette charte, initie seize « fiches projets » permettant d'accompagner les objectifs localisés dans la charte. Elle annonce également le financement et la réalisation de quelques projets spécifiques dédiés à la logistique urbaine et à l'amélioration des conditions du fret en ville, dans Paris comme la dalle de Beaugrenelle pour Chronopost, le centre de distribution urbain des Halles ou le projet d'hôtel logistique de Chapelle International. Ces fiches projets sont de deux natures. Un certain nombre d'expérimentations portent sur le transport de marchandises à proprement parler et d'autres sur le développement d'un immobilier logistique qui permette la consolidation et l'optimisation des livraisons dans Paris. La charte de Paris repose donc sur seize actions : · Élaboration d'un schéma d'orientation de la logistique du territoire parisien · Création d'un hôtel logistique « Chapelle International » · Développement du transport sur les canaux (port de l'Allier sur le canal Saint-Denis) · Expérimentation du tram-fret · Développement d'espaces logistiques dans des parkings concédés ou au sein du patrimoine des bailleurs sociaux · Modernisation des aires de livraison notamment d'un service d'informations · Déploiement d'un réseau de bornes de recharge pour les véhicules électriques · Développement de flottes de véhicules électriques · Collaboration entre la ville et les professionnels concernant la circulation des porte-voitures · Labellisation des livraisons de nuit avec la certification Certibruit · Dispositif de réservation de places pour le déménagement · Expérimentation de la livraison à pied · Incitation aux bonnes pratiques notamment auprès des petits commerçants · Développement du transport fluvial (port du Gros-Caillou) · E-commerce et livraison à domicile · Objectif 50 % des livraisons du dernier kilomètre en véhicule non diesel d'ici 2017 136 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Le bilan de ces actions en 2019 est mitigé. Si le projet Chapelle International est réalisé et si plusieurs expérimentations de livraison la nuit ont pu être faites ces dernières années (ex. : Martin Brower), un certain nombre d'actions ne se sont pas concrétisées (tram-fret, 50 % du dernier kilomètre en non diesel, etc.) ou ne se concrétisent que très lentement (véhicules électriques). Ces initiatives sont pour l'instant essentiellement présentes dans Paris. Elles s'inscrivent néanmoins dans une prise en compte plus prononcée de cette question en première couronne. Ces exemples démontrent la volonté et la capacité d'investissement de la ville de Paris dans la logistique urbaine dans des expérimentations qui permettent à la fois de tester de nouvelles pratiques en termes de logistique et de transport de marchandises en lien avec les acteurs du secteur eux-mêmes, mais également de servir d'exemple à d'autres communes en démontrant la viabilité et le bon fonctionnement de ces modèles. Néanmoins ces ambitions politiques se heurtent à l'épreuve du temps et à l'inertie de la gouvernance publique-privée. L'introduction de la logistique urbaine dans les politiques publiques locales, notamment dans le PLU de Paris, montre d'une part que la logistique a bien pénétré l'action publique locale et d'autre part qu'elle repose surtout sur l'échelon le plus local, plutôt que sur l'échelon régional. La ville de Paris a donc créé un cadre réglementaire favorable au développement de la logistique urbaine. Mais pour que cette dernière atterrisse dans la programmation urbaine, d'autres acteurs doivent intervenir notamment dans le développement d'un immobilier logistique. Le pari de la ville de Paris est de miser sur le développement d'une gouvernance publique-privée, afin de garantir le développement d'un urbanisme logistique avec des projets immobiliers logistiques, et le développement de transports de marchandises alternatifs aux camions et VUL thermiques. LEVIERS D'INNOVATION DANS LE TRANSPORT DE MARCHANDISES : LE DERNIER KILOMTRE Utilisation des vélos-cargos Les livraisons en ville et le dernier kilomètre sont des leviers importants de la logistique urbaine, que la puissance publique peut plus ou moins facilement actionner (Dablanc, 2007). Les innovations qui prennent en compte le dernier kilomètre ont fait l'objet de beaucoup d'attentions de la part des transporteurs ­ car le dernier kilomètre peut parfois être considéré comme l'étape la moins efficace dans toute la chaîne d'approvisionnement (Lin et al., 2014) ­, mais également des collectivités publiques car elles peuvent correspondre à leurs objectifs. Les opérateurs de transport sont souvent restreints dans leurs opérations au dernier kilomètre en fonction de la taille du véhicule et des restrictions de poids. Lorsque l'accès à la zone dense est restreint pour les camions, les fournisseurs de transport sont forcés d'utiliser des véhicules plus légers et donc supplémentaires dans leurs opérations de dernier kilomètre. Les vélos sont souvent proposés comme une alternative aux camions et fourgonnettes pour les livraisons finales (et nous verrons leurs nombreuses limites plus loin). Il en existe plusieurs déclinaisons : les vélos, les motos E-Cargo et les tricycles. La littérature s'est beaucoup intéressée à ce mode de transport. On trouve quantité d'articles sur ce sujet. Récemment, à Porto, Melo & Baptista (2017) ont évalué la possibilité de remplacer les camionnettes par des fourgons électriques et des vélos-cargos. Ils ont rappelé que bien évidemment ces derniers ne peuvent supporter que des colis et non des palettes. La taille et le poids des colis ou du courrier sont plutôt petits, et la distance à parcourir doit être courte. Récemment, d'autres entreprises ont exploré le concept de conteneurisation urbaine et son applicabilité aux vélos-cargos et à d'autres types de véhicules. À Paris la livraison à l'aide de vélos-cargos a déjà fait l'objet de multiples analyses. Plusieurs entreprises utilisent ce moyen de transport avec plus ou moins de succès. On peut penser à The Green Link ou Vert chez vous qui avaient expérimenté la livraison à vélo au début des années 2010 et qui ont suspendu cette activité du fait du défaut de rentabilité et de problèmes techniques. D'autres entreprises ont au contraire perduré comme la Petite Reine (maintenant groupe Star Service) et certains chargeurs notamment commerçants ont commencé également à proposer un service de livraison par cargo-vélo voire un service de livraison piéton. 137 PARTIE 4 La livraison par cargo-vélo est aujourd'hui une solution populaire, car son coût environnemental est moindre. Mais elle pose de nombreux problèmes quant à ses limites (taille des colis, des marchandises). Les limites sont aussi nombreuses en matière d'aménagement. Les pistes cyclables, quand elles existent, ou les bandes cyclables ne sont pas toujours dimensionnées ou aménagées pour accueillir ces véhicules qui se trouvent alors sur la route et potentiellement dans les bouchons. Cela limite donc les avantages souvent avancés en matière d'efficacité. Le développement de ce mode de livraison ne pourra donc se faire que si les politiques publiques l'accompagnent par l'aménagement d'infrastructures. Au niveau des recrutements de personnels et de l'attractivité des vélos-cargos, les résultats sont partagés : certains livreurs les apprécient, d'autres non. Barges fluviales Dans le cadre des innovations du dernier kilomètre on recense également l'utilisation de barges fluviales comme alternative au mode routier. Les avantages d'une telle solution résident notamment dans une capacité de transport de gros volumes de marchandises. Cependant, des raisons naturelles limitent la portée d'une barge fluviale dans une ville, ce qui rend indispensable l'utilisation d'un autre mode de transport depuis le quai jusqu'au client final, ce qui représente une rupture de charge et un coût supplémentaire pour le transporteur. L'utilisation d'une barge fluviale est bien évidemment seulement possible lorsqu'une rivière coule de façon centrale dans une ville comme Paris, Amsterdam, Londres ou Chicago. Il est également nécessaire de disposer de différentes zones de déchargement le long de la rivière, ce qui est susceptible d'avoir des coûts importants non seulement en raison des investissements initiaux lorsque de telles zones n'existent pas déjà, mais aussi en raison des prix et des loyers élevés dans le centre urbain et aux abords des fleuves. Des aspects tels que la densité de clients, le volume de fret, les plages horaires de livraison, l'état du trafic et de la congestion doivent être pris en compte lors de l'évaluation de différents modes de distribution en zone dense. Une entreprise a expérimenté la livraison dans Paris par barge fluviale. Il s'agit de Franprix (groupe Casino) qui fait débarquer chaque jour dans le Port de la Bourdonnais des conteneurs de marchandises non périssables (chargés dans le port de Bonneuil) pour alimenter son réseau de magasins dans Paris. La barge permet de livrer 450 palettes pour 80 magasins parisiens. Une fois à quai, les conteneurs sont chargés sur les camions qui vont livrer les magasins. Nous n'avons pas réussi à obtenir d'informations sur le coût de cette expérimentation ni sur les bénéfices financiers potentiels. Cette expérience est toujours d'actualité, même si la question de la rentabilité de ce modèle est toujours posée. Il est certain qu'à ce stade Franprix retire un grand bénéfice en termes d'image. Figure 42. Déchargement des conteneurs Franprix quai de la Bourdonnais, Paris, avril 2014 (source : A. Heitz) 138 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Véhicules électriques Une récente étude a fait le point sur les innovations en matière de logistique urbaine et de fret urbain (Taniguchi et al., 2019). Selon cette étude, de nombreux pays s'efforcent de réduire les émissions de carbone liées au fret pour atteindre les objectifs de développement durable. Par exemple, le Conseil européen s'est fixé comme objectif de parvenir à une logistique urbaine neutre en carbone dans les grands centres urbains d'ici 2030. Les véhicules de transport de marchandises électriques, avec leurs faibles émissions et de faibles coûts d'exploitation, peuvent apporter une solution. Des projets de recherche ont été lancés par l'UE pour évaluer les performances des véhicules électriques, tels que FREVUE. FREVUE a permis d'analyser les performances de 104 véhicules électriques exploités par divers opérateurs dans sept villes européennes et a conclu que, bien que tous les véhicules observés aient été en mesure d'assurer leur fonction logistique respective, ils nécessitent toutefois une charge électrique fréquente en particulier avec un poids inférieur à 3,5 t (Tretvik et al., 2017), ce qui limite la portée des tournées. Bandeira et al. (2019) ont conclu dans une autre étude que les tricycles électriques constituent un meilleur scénario, même en l'absence de subvention publique, que le système conventionnel (basé sur la marche, les autobus et les VUL diesel). Les coûts du cycle de vie et le niveau de service (nombre de clients servis) ainsi que les impacts sociaux, environnementaux et économiques de cette stratégie ont été évalués. Toutefois, leur analyse était fondée sur une étude de cas portant sur la distribution du courrier dans un centre urbain relativement petit (4,1 km²) de topographie plate. De même, Lee et al. (2018) ont présenté une comparaison de camions conventionnels et de vélos électriques à Séoul. Giordano et al. (2018) ont souligné que, du point de vue de l'analyse du cycle de vie des véhicules, les transporteurs de marchandises ont encore besoin de subventions pour compenser le coût. Avec les subventions actuelles, dans certaines villes (Oslo et Londres), les véhicules électriques sont moins chers à l'achat que les véhicules thermiques, sur la base de coûts annuels équivalents. Mais ceci n'est vrai que pour les véhicules des particuliers, qui bénéficient au départ de moins d'avantages fiscaux que les véhicules utilitaires (et donc ces derniers ont relativement moins d'incitation à se reporter sur l'électrique, même si des taxes disparaissent). Dans d'autres pays, des mesures d'incitation (taxation et réglementation des camions diesel) encouragent les transporteurs à choisir des véhicules électriques (Taniguchi et al., 2019). Une récente recherche à l'IFSTTAR (Camilleri, 2018) estime à 13 % le marché des camionnettes électriques pour le transport de marchandises à l'horizon 2032 lorsque les contraintes réelles d'exploitation des opérateurs, filières par filières, sont prises en compte. Ces contraintes peuvent bien évidemment être modifiées par des changements forts de contexte et des mesures publiques (hausse des subventions à l'achat par exemple). Véhicules autonomes L'IAU (Institut d'Aménagement et d'Urbanisme d'Île-de-France) vient de publier une synthèse des leviers et des freins au développement de la voiture autonome. Le véhicule autonome s'inscrit dans le cadre d'une mobilité du futur qui sera polymorphe, à la fois connectée, partagée, électrique et autonome. Les nouveaux services de mobilité (VTC, covoiturage, autopartage) sont foisonnants et pourraient converger à terme avec le véhicule autonome. Dans une certaine mesure les véhicules autonomes progresseront dans les parcs de véhicules de marchandises. Ces innovations imposent de revoir le code de la route, les modalités liées à la responsabilité civile, le parc automobile et les infrastructures. Il s'agit d'un très grand chantier. Un grand nombre d'expérimentations sont lancées dans tous les pays où l'on observe des progrès techniques rapides et une certaine inertie des villes et des sociétés face à cette technologie. 139 PARTIE 4 Le rapport de l'IAU révèle un certain nombre de difficultés notamment en lien avec la délivrance d'autorisation auprès de l'État selon un processus assez lourd. L'étude a montré les nombreux bénéfices du véhicule autonome en termes de sécurité, de mobilité notamment des seniors, mais aussi suscité des interrogations sur la cybersécurité, la protection de la vie privée et le manque de maturité des technologies (capteurs, 5G, V2X, géolocalisation, cartographie 3D, reconnaissance de forme par intelligence artificielle). La question de l'acceptabilité sociale liée à des facteurs psychologiques (trois accidents mortels aux États-Unis ces dernières années) est aussi au coeur des réflexions sur le déploiement massif des véhicules autonomes en France. Une incertitude demeure sur la date de ce déploiement, les constructeurs étant partagés sur la question. Ford, General Motors, Volvo et Toyota annoncent des véhicules au niveau 4 dès 2020 ou 2021 tandis que Carlos Tavares, le président du directoire de PSA, a indiqué en mars 2019 que le groupe français ne développerait pas de fonctionnalités d'autonomie au-delà du niveau 3 (3) pour les véhicules particuliers. Le rapport souligne également le retard des industriels français par rapport aux Américains en la matière, et le rôle que peuvent jouer des acteurs publics comme l'État ou la région pour encadrer ce développement. CONCOURS D'URBANISME ET D'ARCHITECTURE : LIEUX D'INNOVATION POUR LA LOGISTIQUE ET LE TRANSPORT DE MARCHANDISES (4) Ces dernières années la ville de Paris s'est engagée dans un processus de « laboratisation » qui dépasse très largement le cadre de la logistique et a pour but de favoriser l'innovation urbaine en lançant des appels à projet. Dans le cadre de « Réinventer Paris » en 2015, la mairie de Paris a mis à disposition 22 sites dans Paris pour permettre à des groupes de promoteurs, architectes et urbanistes de proposer des bâtiments innovants qui pourraient s'insérer dans les dents creuses du tissu urbain. Dans le cadre de l'appel à projet d'expérimentation Logistique Urbaine Durable, la ville de Paris, en association avec Paris&Co et ses partenaires, ont retenu vingt-deux projets qui ont été testés en situation réelle. Les projets en question peuvent être classés en six catégories et sont représentés dans le tableau suivant : (3) Automatisation conditionnelle. La surveillance de l'environnement du véhicule incombe au système embarqué et non plus au conducteur humain. Mais ce dernier doit rester attentif à la route et doit être capable de reprendre le contrôle immédiatement en cas de besoin (ce qui suppose que la machine lui laisse un temps suffisant pour réagir). Cette partie est extraite de la thèse d'A. Heitz soutenue en 2017 intitulée « La Métropole logistique : structure métropolitaine et enjeux d'aménagement, la dualisation des espaces logistiques métropolitains ». (4) 140 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Thèmes Opérateurs Coursier.fr (Groupe Coursier) Description « Shopping Center » : mise en place d'un ELU et d'une flotte de triporteurs et VUL électriques « Step Vert Paris » : mise en place d'un ELU et d'une flotte de VUL, horaires décalés Service permettant d'optimiser le remplissage des camions, en massifiant les flux B to B et B to C Service de « pooling », mutualisation des livraisons des petits commerçants Application mobile qui permet de connecter les chargeurs et les transporteurs pour mutualiser les livraisons Consigne automatique « Abricolis », consigne automatique et livraison en véhicules propres « Persocode », solution de contrôle Espace de petits stockages, consigne automatique Livraisons depuis un point de stockage mobile par vélo-cargo Mutualisation des espaces et des moyens à disposition Plateforme collaborative pour les livraisons chez les particuliers Plateforme en ligne de livraison Logiciel pour la rationalisation des flux Logiciel d'optimisation des flux et tournées Application Mobile pour les flux et livraisons Stationnement intelligent et guidage Logistique par barge fluviale Solution de transfert modal intégré « BIL », camion entrepôt Véhicule biodiesel avec système permettant la livraison en horaires décalés « Jump Log », palettes éco-construites Step Phoenix Mutualisation des flux Urbismart FM logistics en partenariat avec EGIS INSTAFRET Pickup Services (La Poste) InPost France, Colis Privé, NISSAN, The Green Link Stockage et consigne Spartime City-locker United Parcel Services Biocyle et Au pas de course Livraisons Voisins relais MPW transports CITODI Rationalisation des tournées GEOCONCEPT SHIPPED et Cereza Stationnement et aires de livraison Park 24 en partenariat avec EGIS Blue Line Logistics Cluster Logistique urbaine IDF Solution transport Libner Martin Brower (et Mac Donald France) Green Logistics 141 PARTIE 4 Ces différents projets montrent que se sont surtout les solutions concernant le transport et les outils informatiques d'optimisation des livraisons, tournées ou gestion de flux qui constituent le plus large panel. Les projets faisant appel à l'immobilier logistique sont au nombre de deux (Groupe Coursier et Step Pheonix). Il est intéressant de noter qu'il ne s'agit pas de projets portés par des acteurs de l'immobilier logistique traditionnel mais par un groupe de transport et une start-up spécialisée dans la logistique urbaine. Le concours « Réinventer Paris » accorde davantage de place aux projets immobiliers, notamment grâce à la mise à disposition du foncier préalable par la ville de Paris. En 2016, la ville de Paris a lancé un appel à projet sur les « Espaces Logistiques », visant à favoriser l'émergence d'espaces logistiques urbains de différentes tailles par la mise à disposition de foncier accessible à des coûts abordables aux opérateurs de logistique urbaine. Les sites retenus sont la porte de Champerret, les Halles (voir projet d'ELU présenté dans la section suivante), Porte de Pantin, passage Forceval (Porte de la Villette). Il est intéressant de noter que, pour pallier la difficulté de trouver un opérateur pour l'ELU que la Ville voulait mettre en place aux Halles afin de desservir le quartier Montorgueil, la Mairie a décidé de mettre l'espace au concours afin de lui redonner de l'élan et peut-être intéresser davantage d'acteurs. Le résultat des différents concours est aujourd'hui connu. La logistique urbaine, par l'intermédiaire notamment de Sogaris, foncière immobilière (SEM parisienne) et principal porteur de projets logistiques à Paris, a fait son entrée dans la programmation urbaine parisienne. Dans le cadre du concours « Les dessous de Paris », Sogaris a remporté le projet rue du Grenier-SaintLazare dans le 3e arrondissement avec son projet d'« immeuble inversé », ainsi que le réaménagement de la station-service Champerret pour en faire un espace logistique urbain associée à une livraison du dernier kilomètre effectuée par des véhicules propres. RÉINVENTER PARIS 2 - GRENIER-ST-LAZARE LA CONCIERGERIE DU COIN Lulu dans ma rue met en relation les habitants du quartier à la recherche d'un service et ceux qui ont un savoirfaire et du temps à proposer. LES BOÎTES DU GRENIER Sogaris Services propose un service de micro logistique urbaine dédiée aux particuliers. MON GRENIER PARTAGÉ Lulu dans ma rue anime un espace dédié à l'emprunt d'objets sur le modèle de l'économie collaborative. Un grenier d'objets atypiques et exceptionnels permet aux particuliers comme aux professionnels du quartier de profiter de l'un d'eux sur un temps déterminé au rythme de leurs envies et besoins. MA RÉSERVE DÉPORTÉE Sogaris Services propose un service de réserve tampon dédié aux commerçants du quartier avec des services de logistique / manutention / livraison / conditionnement associés. L'ESPACE À LA DEMANDE Ce service offre à la vie de quartier un espace d'expression temporaire. Une salle est dédiée aux réunions professionnelles et associatives. Sur les temps marqués de l'activité logistique, un espace plus vaste peut être mis à la disposition d'événements ponctuels comme un marché, une exposition, une conférence. Figure 43. Projet d'immeuble inversé, logistique de proximité commerçants et riverains (source : Sogaris, Syvil architecte, CSD & Associés, ARTELIA, Lulu dans ma rue, Les Sismo, SEMAEST, 15marches, K-Ryole, Stuart, 2019) 142 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Figure 44. Projet La Folie Champerret, espace logistique e-commerce (source : Sogaris, Daniel Vaniche & Associés, SemPariSeine, DVVD, Alto, CSD & associés, Emacoustic, Carrefour property, DHL, XYT, MVAW Technologies, 2019) Ces projets urbains marquent la concrétisation des ambitions de la ville de Paris en matière de distribution et de logistique urbaines. Ils sont de plus en plus nombreux et montrent l'intégration de ces nouveaux principes d'urbanisme dans la pratique locale, mais aussi l'implication des acteurs privés, des chargeurs et transporteurs dans ces innovations. Il est d'ailleurs intéressant de noter que si les années 1990-2000 ont vu la production immobilière logistique être externalisée et prise en charge par des promoteurs immobiliers, avec la logistique urbaine les chargeurs et transporteurs réinvestissent directement leurs décisions dans ces questions immobilières comme c'est le cas avec Chronopost et Beaugrenelle. L'utilisateur de l'espace logistique, ici le transporteur Chronopost, s'est beaucoup impliqué dans l'aménagement et la construction de l'espace logistique auprès de Sogaris. DIFFICILE ESSOR DE L'INNOVATION LOGISTIQUE URBAINE : DES EXPÉRIMENTATIONS LIMITÉES Nous proposons ici d'analyser une série d'expérimentations menées dans Paris ces dernières années. Cette section n'a pas pour but de proposer une évaluation économique de ces innovations urbaines logistiques parisiennes. Plusieurs études (Maes, 2015) montrent que très souvent ces solutions ne sont pas encore rentables et ne sont pas compétitives par rapport aux exploitations plus traditionnelles. De nombreuses expériences sur des solutions de transport urbain plus respectueuses de l'environnement ont été tentées au cours des dernières années. Le principal problème des réalisations en matière de logistique urbaine ne réside pas dans une carence en termes d'innovation, mais plutôt dans l'échec des modèles commerciaux durables, ce qui explique que la plupart des projets développés n'ont pas réussi à dépasser le stade de l'essai (Dablanc, 2012 ; Lindholm, 2013). Ces échecs liés au modèle économique montrent également les limites des outils de la puissance publique locale pour développer la logistique urbaine. Certaines innovations se développent par ailleurs très bien en dehors de toute intervention de la puissance publique : les points relais, les consignes automatiques, les livraisons instantanées et leurs applications numériques (Deliveroo...) par exemple. 143 PARTIE 4 L'essor d'un immobilier logistique urbain connaît des résultats mixtes. Il repose parfois (mais pas toujours) sur un effort de la puissance publique à dégager du foncier et il repose toujours sur une implication des acteurs privés de la logistique (chargeurs, transporteurs, promotion immobilière logistique), qui eux ne peuvent faire abstraction d'un modèle économique rentable au regard des investissements qu'ils consentent. Nous avons réalisé une typologie des différentes expérimentations menées en matière d'urbanisme logistique et de transport. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur des entretiens réalisés avec différents acteurs impliqués dans les projets. L'interview est l'outil principal utilisé pour recueillir des informations qualitatives sur les expérimentations de logistique urbaine, mais aussi sur les discours politiques et marketing associés à ces projets. Espaces logistiques urbains (ELU) La Ville a favorisé l'expérimentation des Espaces Logistiques Urbains (ELU) : celui de Beaugrenelle dans le 15e arrondissement de Paris et celui de Montorgueil dans le 2e. Ce type d'équipement doit permettre de recevoir des opérations de transfert de marchandises entre deux véhicules (« cross-docking »), en mettant à disposition des utilisateurs des moyens de manutention, des locaux sociaux ainsi que des places de stationnement pour des véhicules de recharge, s'il s'agit de véhicules électriques. La préparation des tournées doit être faite en amont (APUR, 2016). Le centre de consolidation des marchandises, aménagé en 2010 par Sogaris pour Chronopost (transporteur et chargeur spécialisé dans la messagerie, et notamment le colis), est souvent présenté comme l'archétype du projet de logistique urbaine réussi. Situé dans le 15e arrondissement dans le quartier de Beaugrenelle, ce site est composé de 3 000 m² répartis sur deux niveaux. Il assure la réception des colis et leur redistribution vers les villes de Vanves, Boulogne- Billancourt, Issy-lesMoulineaux et le 15e arrondissement. Cette expérience a été encouragée par la ville de Paris et a dû recevoir un certain nombre d'autorisations, notamment de l'Architecte des Bâtiments de France. Ce projet était techniquement compliqué notamment pour la circulation de poids lourds dans l'ELU, mais également au regard de son insertion dans le voisinage, les riverains étant, au début, assez opposés à une activité source de potentielles nuisances. Ces difficultés surmontées, l'ELU a pu ouvrir en 2013. Intégré au réseau Chronopost, l'ELU est directement lié à l'entrepôt de Chilly-Mazarin, situé en périphérie de l'agglomération parisienne, et permet une massification des flux au plus proche du lieu de consommation directement dans la zone dense. Une flotte de VUL (essentiellement opérés par des sous-traitants) comprenant quelques véhicules électriques (mais beaucoup moins nombreux que prévus au départ) se charge ensuite du dernier kilomètre et de la livraison des colis. D'après nos entretiens, cet ELU est rentable pour Chronopost qui considère cette expérience positivement. Le taux de véhicules électriques utilisés a progressivement baissé depuis l'ouverture du terminal : les soustraitants ne les trouvent pas pratiques à l'usage (ils ne peuvent pas les utiliser pour rentrer chez eux) et les estiment plus coûteux. Figure 45. UCC Beaugrenelle, avril 2014 (source : A. Heitz) 144 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Le centre de distribution urbaine de Montorgueil est un projet porté par la ville de Paris et ses partenaires, leur ambition étant d'expérimenter une nouvelle forme d'ELU au coeur de Paris, dans le cadre de l'objectif Livraison zéro diesel 2020. Cette ambition va être revue à la baisse au regard de l'infaisabilité de cet objectif. Situé sous le Forum des Halles, cet ELU se situe dans l'un des quartiers les plus denses de Paris et doit permettre la livraison des magasins situés dans le quartier de Montorgueil (figure 48). Les 600 m² mis à disposition doivent permettre la mutualisation des flux entre différents opérateurs. L'ambition de la ville de Paris était de proposer un nouveau modèle d'ELU qui implique différents opérateurs et transporteurs. La Ville voulait créer un cadre favorable à la mutualisation des livraisons de différents transporteurs. Mais nos entretiens avec certains transporteurs ont révélé que l'espace proposé par la ville de Paris était trop restreint pour imaginer une implantation dans une zone où les loyers sont très élevés, d'autant plus pour une activité logistique. Ces opérateurs craignent d'être dépendants des aides publiques pour être rentables. Figure 46. CDU Montorgueil, avril 2015 (source : A. Heitz) Ces exemples démontrent la volonté des différents acteurs publics et privés d'expérimenter, sur des sites pilotes, les conditions techniques, financières et réglementaires pour développer des solutions de logistique urbaine. Paris déjà identifié par certains comme « laboratoire urbain de la mobilité » (Tironi, 2012) par ses expérimentations sur le vélib et autolib a entendu poursuivre cette pratique de l'aménagement avec la logistique. Denis et Urry (2009) laissent entendre que le système « postautomobile » requiert des « expérimentations et innovations de rupture », de manière à essayer différentes formes de mobilité et d'organisation urbaine plus respectueuses de l'environnement, mais nous nous demandons plutôt si ce ne sont pas les innovations « invisibles » (Dablanc, 2019) qui doivent plutôt être développées : celles qui ne font pas la première page des médias locaux mais qui ont une influence souterraine et structurante, comme un meilleur contrôle des règles de circulation, stationnement et Crit'Air par exemple. La ville de Paris cherche à s'inscrire dans cette dynamique. Aujourd'hui, le recours à l'expérimentation est récurrent. La Ville se transforme ainsi en un « laboratoire » d'essais et d'analyses, mais les résultats n'apparaissent pas encore à la hauteur des efforts municipaux consentis. Il est intéressant d'analyser de manière systématique les effets de ces processus de « laboratisation urbaine », par l'examen des éléments qui sont expérimentés et des formes d'actions politiques qui en découlent. Les limites de ces expérimentations montrent que la logistique urbaine innovante, telle qu'elle est célébrée aujourd'hui, ne constitue pas encore un modèle économique efficient pour les acteurs du secteur de la logistique. Néanmoins, ces expérimentations sont particulièrement intéressantes pour nous éclairer sur l'action publique et son rapport aux acteurs privés dans la mise en oeuvre de la logistique urbaine. 145 PARTIE 4 Hôtels logistiques : le cas de Chapelle International En 2010, la SNEF (filiale de la SNCF chargée de la valorisation du foncier à céder du groupe) lance un appel d'offre pour la construction d'une halle logistique où du tertiaire pouvait être aménagé dans le nord du 18e arrondissement. Sogaris répond en proposant un projet d'aménagement situé le long du faisceau ferroviaire gare du Nord de 45 000 m² (surface totale, pour une empreinte foncière de 10 000 m2). Sogaris remporte l'appel d'offre en 2011 avec le concept d'hôtel logistique (entrepôt multiétage, multiusage, multimode). Ce concept est développé par Sogaris depuis plusieurs années et entre pour la première fois dans une phase de réalisation avec Chapelle. Il s'agit d'un bâtiment où vont cohabiter plusieurs types d'activités avec principalement de la logistique, mais aussi d'autres activités comme du tertiaire et des équipements publics ou encore des commerces, soit 900 logements et 80 SOHOS (small office home office, des espaces qui combinent lieux de travail et de logements). Le but recherché par cette cohabitation est de faire supporter une partie du coût du bâtiment et du foncier, en général élevé, à ces autres activités qui sont un peu plus lucratives que la logistique. Cette stratégie basée sur une péréquation doit permettre à la logistique de revenir en milieu urbain à un coût acceptable pour elle. Ce projet d'hôtel logistique (prévu par la charte marchandises de 2013) constitue une double expérimentation pour la ville de Paris ; d'abord elle teste le concept d'hôtel logistique et ensuite elle teste l'utilisation du ferroviaire pour le transport de marchandises. Le terminal ferroviaire urbain (TFU) a nécessité beaucoup de travail et d'innovations comme la commande de ponts roulants spécifiques et de conteneurs adaptés. L'impossibilité d'utiliser des techniques standard a surenchéri le coût du projet. Le bâtiment ouvert en juin 2018 possède un embranchement au fer (terminal ferroviaire urbain), un sous-sol pour accueillir un EUD (Espace Urbain de Distribution), des bureaux et des commerces en façade, un data center (sa présence est expliquée par la proximité du bâtiment avec « l'autoroute européenne des fibres optiques » et la double alimentation assurée par ERDF) et des espaces aménagés pour la ville de Paris à destination du public (ferme urbaine, terrains de sport). Le bâtiment, inauguré en 2018, est aujourd'hui en service. Figure 47. Entrée du terminal ferroviaire urbain (source : A. Heitz, 2019) Sogaris a d'abord sélectionné Dourges comme base amont, depuis laquelle pourrait être chargé le train. Située à 200 km de Paris dans la région des Hauts-de-France, elle concentre de grandes plates-formes logistiques de potentiels grands comptes comme Castorama ou Carrefour qui représentent d'importants clients potentiels pour l'utilisation de ce TFU. Chaque navette (traction ferroviaire réalisée par Eurorail) pourrait transporter 60 caisses mobiles. Les marchandises pourraient ensuite être distribuées par des véhicules à motorisations alternatives au diesel comme le gaz (GNV). Cette solution aurait pu contribuer notamment à la réduction de l'usage du diesel en ville pour le transport de marchandises, avec en moyenne 30 camions en moins chaque jour dans les rues de Paris. La commercialisation du train a cependant, depuis 2017, subi plusieurs revers. Elle n'est pas encore effective à la mi 2019 et une partie de l'espace ferroviaire est louée à un groupe de messagerie express. 146 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Figure 48. Terminal ferroviaire urbain et centre de distribution urbaine opéré par DPD, Chapelle International (source : A. Heitz, 2019) Sogaris a acheté 2,4 ha de terrain à un prix inférieur au coût du foncier parisien parce que la ville de Paris a modifié son PLU afin de permettre à l'aménageur, sur le reste de l'emprise, de construire plus haut que le PLU ne le prévoyait initialement. Concrètement, la limite fixée par le PLU était à 37,5 m, la ville de Paris a déplafonné à 50 m de haut pour compenser le manque à gagner sur la partie logistique (à noter que le bâtiment est en grande partie souterrain, seuls 9 mètres se situent au-dessus de la surface du sol). Le PLU a également été modifié pour faire passer le terrain d'emprise de l'hôtel logistique du statut de zone urbaine de grand service urbain (UGSU), qui ne permettait pas de mixer les activités à l'intérieur d'un même bâtiment, au statut de zone urbaine générale (UG) qui l'autorise. Le résultat est un bâtiment mixte qui accueille des activités logistiques et d'autres activités. Les loyers issus des bureaux devraient compenser les pertes des loyers issus de l'exploitation logistique. La faiblesse du loyer du bâtiment (70 /m²/an et 120 /m²/an pour les surfaces logistiques en sous-sol en 2016) permet à l'hôtel logistique de proposer un espace logistique relativement compétitif au regard de sa localisation et de son prix. LIMITES DE CES EXPÉRIMENTATIONS Si le concept de la logistique urbaine innovante a commencé à être intégré dans les politiques publiques qui cherchent à promouvoir le développement d'alternatives pour optimiser les flux de marchandises en milieu urbain dense, il est fortement critiqué en raison des limites que ces solutions rencontrent. Limites financières La ville de Paris n'a jamais expérimenté de centre de distribution urbaine (CDU), forme particulière des ELU dans le sens où les derniers kilomètres et les livraisons sont mutualisés. Connecté à d'autres centres de distribution en périphérie, un CDU permet d'optimiser les tournées, les flux de marchandises dans l'espace urbain. Selon Lin, Chen et Kawamura (2014), il existe des avantages environnementaux liés à l'utilisation de CDU lorsque celle-ci est optimisée par la massification. En théorie, il existe également des avantages liés aux coûts puisque les CDU permettent d'optimiser et réduire le stockage dans les zones denses. Un CDU peut fournir des services à valeur ajoutée à ses clients tels que le stockage, l'emballage et l'étiquetage des envois (Browne et al., 2010). Ces solutions de logistique urbaine répondent aux principaux enjeux mentionnés précédemment (externalités négatives du transport de marchandises, mixité). Ces projets rencontrent pourtant un certain nombre de difficultés liées à leur développement en milieu urbain dense et surtout à leur coût (et leur prix d'usage). Ces études de cas démontrent la difficulté pour ces projets à émerger et surtout à perdurer. Un CDU a besoin d'un soutien de la puissance publique en termes d'encadrement, 147 PARTIE 4 de subventions et plus globalement par l'association entre les acteurs publics et les acteurs privés du transport et de la logistique (Panero et al., 2011). Si nos différentes monographies tendent à démontrer la volonté des différents acteurs à s'impliquer et à s'investir dans la programmation urbaine de la logistique, elles démontrent également l'absence de modèle reproductible à grande échelle et la difficulté de généraliser ces expérimentations. De nombreux projets d'ELU ont été estimés financièrement indépendants sur une perspective à moyen ou à long terme, mais beaucoup ont échoué dans cet objectif. Ville et al. (2013) ont identifié un petit nombre d'ELU financièrement viables, tels que Padoue et Parme en Italie. La littérature s'accorde à dire aujourd'hui que ce qui fait défaut n'est pas l'innovation mais bien le modèle économique. Un certain nombre de projets ont échoué et n'ont pas dépassé le stade de l'expérimentation (Lindholm, 2013). Si la logistique urbaine offre à la ville un terrain d'exploration nouveau, elle permet à travers ces expérimentations d'interroger les pratiques en matière de production urbaine et de gouvernance. Le bilan semble ici mitigé, constat partagé par les différents acteurs rencontrés. La programmation de la logistique n'a effectivement pas tout à fait dépassé le stade expérimental dans le cadre de la métropole parisienne. Répétons cependant que nombre d'innovations de logistique urbaine purement privées représentent un formidable succès, mais elles ne sont pas toujours reconnues par les municipalités, qui peuvent y voir même des activités à réguler voire à combattre, en raison de leurs impacts négatifs : consignes automatiques sur l'espace public qui génèrent un encombrement des trottoirs ou des gares, plateformes numériques de livraisons instantanées qui utilisent des coursiers livreurs autoentrepreneurs aux conditions de travail précaires. Dans une récente étude, des auteurs (Kin, 2016) interrogent la durabilité de certaines expérimentations de logistique urbaine au-delà du soutien financier des collectivités locales. En prenant l'exemple du CDU d'Anvers, les auteurs calculent le coût social de cette expérimentation. Leur conclusion est qu'une expérimentation de ce type à petite échelle pendant la période pilote n'est pas une option pour le secteur privé car les gains ne couvrent pas l'investissement de départ. Les auteurs estiment que dans le cas du CDU d'Anvers celui-ci commencera à produire un bénéfice lorsque le volume actuel augmentera de près de 80 %. La fragilité économique de ces expérimentations tient en grande partie grâce aux soutiens financiers des acteurs publics. Comme nous l'avons vu dans ces quatre expérimentations, toutes celles qui ne bénéficient pas d'un appui de la puissance publique ont cessé leur activité (The Green Link, Vert chez Vous, train Monoprix sur la Halle Gabriel Lamé avec Samada). Pour certaines de ces expérimentations, l'absence de rentabilité économique pose la question plus large de la rentabilité d'un immobilier logistique en zone dense. L'externalisation logistique a créé un marché d'immobilier locatif qui fixe le prix de loyer. Les travaux de recensement des prix de référence indiquent qu'un mètre carré d'entrepôt est loué aux alentours de 100 au bord de Paris et dans certains endroits de la première couronne parisienne. Pour être financièrement viables, des locaux implantés au coeur de Paris ne peuvent pas excéder excessivement les prix de la première couronne. Il apparaît qu'un produit d'immobilier logistique ne peut être concurrentiel qu'en alignant ses caractéristiques de prix et de services sur celles des autres produits d'un même bassin logistique. Ce n'est qu'après cet alignement que la localisation devient un avantage compétitif. Ces ELU doivent donc intégrer la logique financière du marché immobilier logistique. L'échec de certaines expériences que nous avons citées précédemment tient également à ce défaut de rentabilité du modèle économique par rapport au coût du foncier. Dans les métropoles, l'immobilier logistique est en concurrence avec les programmes immobiliers de logements et de bureaux. Il l'est d'abord d'un point de vue économique et ce sont encore des mécanismes fonciers qui sont à l'oeuvre. La valeur d'un terrain correspond à son potentiel de construction. Ce qui signifie que le propriétaire d'un terrain qui cède ce dernier à un promoteur tient compte de la plus-value que le promoteur peut réaliser lorsqu'il vend le bâtiment. Cette plus-value est estimée à partir de la localisation du terrain, mais aussi des droits à construire que le PLU accorde à ce terrain. 148 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Or, en première couronne, le loyer annuel d'un mètre carré est proche de 100 à l'année et ne permet pas à une foncière de se porter acquéreur d'un tel terrain, alors que l'immobilier de bureau permet d'obtenir des loyers qui vont du triple à l'octuple. Dans le cas de la construction d'un bâtiment logistique, il faudrait que le propriétaire cède le terrain à un prix bien moins élevé que le prix du marché, au regard de la pression foncière, pour qu'un acquéreur se décide. Il reste que les activités logistiques n'ont pas les moyens financiers de s'implanter en coeur d'agglomération au prix du marché actuel. Les aides financières des acteurs publics sont souvent nécessaires pour acquérir du foncier au coût réel du marché. Dans le cas de Chapelle International, au-delà du surcoût lié au foncier pour un tel projet, le bâtiment lui-même représente un investissement de taille. Le TFU de l'hôtel logistique à Chapelle International a, semble-t-il, coûté 77 millions d'euros à Sogaris. Afin de réduire les coûts, Sogaris a bénéficié de cinq millions d'euros d'aides d'État dans le cadre des projets d'investissement d'avenir. L'amortissement du bâtiment est prévu sur quinze ans (la durée moyenne pour un entrepôt est de vingt ans, vingt-cinq ans pour des bureaux). Cela signifie que la perte de valeur de ce bâtiment logistique est plus rapide dans le cadre de l'immobilier logistique en zone dense qu'ailleurs. Sogaris estime la durée de vie du bâtiment à quarante, soixante ans. Mais elle envisage déjà l'inadaptation du bâtiment à la demande future et les besoins de réaménagements entre-temps (Heitz, 2017). Limites posées par les contraintes techniques et réglementaires D'autres contraintes viennent peser sur ces expérimentations de logistique urbaine dans Paris, qui rendent la généralisation de ces expériences plus compliquée. Des contraintes techniques d'abord, comme par exemple dans le cas de Chapelle International, puisqu'à l'origine, Sogaris prévoyait de placer la porte d'entrée du TFU au nord, car le train de fret arriverait par là. Les contraintes spécifiques du faisceau ont obligé Sogaris à aménager une porte d'entrée au sud du bâtiment, ce qui a tendance à compliquer l'exploitation opérationnelle du TFU. Par ailleurs, la commercialisation des surfaces a aussi modifié de façon importante la programmation. Si à l'origine Sogaris envisageait de construire la plus grande centrale électrique solaire de Paris sur le toit du bâtiment, la mairie de Paris a souhaité bénéficier du sursol pour y implanter des espaces publics (terrains de sport et ferme urbaine), en passant par un projet urbain partenarial (PUP) avec l'aménageur, ce qui a par ailleurs provoqué des surcoûts de structure puisque plus de poids devait être supporté par les fondations. Les futurs locataires ont aussi négocié des aménagements spécifiques avec Sogaris alors que les procédures de demande d'autorisation avaient déjà été déposées par la foncière auprès de l'administration, entraînant des longueurs administratives supplémentaires. Dans le cas de Beaugrenelle d'autres contraintes techniques sont apparues. Comme il s'agissait de réaménager un ancien parking souterrain, il a fallu organiser l'espace en fonction de l'existant. Par ailleurs, le bâtiment étant classé par les Architectes des Bâtiments de France, le réaménagement de l'espace a été complexe. Une autre contrainte réglementaire pèse sur les projets immobiliers de la logistique urbaine. Les entrepôts sont soumis à une réglementation ICPE lorsque transitent au moins 500 tonnes de marchandises par jour. Or, l'hôtel logistique de Chapelle International ne devrait pas connaître de tels volumes et ainsi aurait pu ne pas être soumis à la réglementation ICPE. Mais les installations techniques comme le groupe électrogène et le data center ont fait entrer le bâtiment dans la catégorie ICPE. Cette catégorie est très contraignante en matière de construction. De plus, ce bâtiment accueille d'autres fonctions que la logistique et est de ce fait soumis à la réglementation des ERP (Établissements Recevant du Public). Les pompiers ont imposé à Sogaris une augmentation des surfaces de désenfumage, des escaliers et des issues de secours supplémentaires, notamment pour le sous-sol qui s'est calé sur les niveaux de sécurité imposés aux ERP. Les normes du sous-sol sont donc très restrictives par rapport aux activités localisées dans cette partie du bâtiment. Le processus de commercialisation a transformé la destination du sous-sol, à l'origine plutôt orientée vers la messagerie, vers une activité de grossiste alimentaire à destination des professionnels. Cet ajout d'équipements de sécurité supplémentaires s'est traduit par une augmentation des dépenses liées à la structure du bâtiment. 149 PARTIE 4 Les servitudes liées à la localisation à proximité directe des faisceaux ferroviaires et les travaux de dépollution, qui se sont étalés de 2011 à septembre 2015, date d'achat du terrain, ont largement pesé sur la construction du bâtiment. L'ensemble complexe que représente ce projet peut participer d'un certain scepticisme autour de la réalité opérationnelle d'une implantation logistique intermodale en milieu urbain dense. L'enjeu autour de ce projet dépasse donc sa condition d'expérimentation et devient également une vitrine qui doit permettre de convaincre les opérateurs et les promoteurs immobiliers de la durabilité et de l'efficacité de ce type d'investissement. D'autres limites mériteraient d'être analysées, par une évaluation environnementale de ces dispositifs et de leur impact sur la réduction effective ou non des émissions de CO2 et autres polluants dans les villes. Limites du modèle à l'épreuve du temps En dehors de Paris, on compte plusieurs expérimentations menées dans diverses villes, dont certaines de notre échantillon. Certaines sont anciennes : en 1990, les autorités publiques d'Aix-en-Provence se posent la question de mieux optimiser les flux de marchandises à l'intérieur de la ville et développent un projet de CDU mutualisé (Dablanc et Massé, 1996). Ce projet n'a pas été mené jusqu'au bout et a été suspendu. Une situation similaire peut s'apprécier à Strasbourg, qui a proposé le premier CDU multimodal en utilisant la gare ferroviaire fret SNCF de la capitale alsacienne. Le projet a été arrêté en 2002 suite à la sortie de l'opérateur ferroviaire du projet. D'autres projets de CDU ont été tentés à Toulouse, où le projet n'a pas été mené dans sa totalité, et à Montpellier. D'autres types d'espaces logistiques urbains en France sont apparus, comme les Espaces de Livraison de Proximité (Bordeaux et Rouen), petites plates-formes urbaines, parfois mobiles, pour l'organisation des livraisons en centre-ville, ou les systèmes de livraison propres, comme La Petite Reine ou Colizen, qui s'appuient sur des petites plates-formes logistiques en zone dense des aires urbaines. Enfin, des plates-formes de massification de type CDU mono-utilisateur ont été tentées aussi, notamment à Paris avec les expériences de Chronopost, Monoprix et Natoora (Gonzalez-Feliu et al., 2013). Il existe également un ELU à Lyon, situé à Cordeliers. Il s'agit d'un CDU privé opéré par Deret logistique mais soutenu par la communauté d'agglomération. À Saint-Étienne il existe un CDU multiopérateur mis en place par la Ville et la FNTR qui, après deux ans d'études de faisabilité, a été construit puis mis en service en juin 2013. Il a fermé en 2017 après quatre ans d'expérimentation faute de rentabilité du dispositif. Enfin, il existe un CDU à Monaco opéré depuis plus de vingt ans (Interface Transport, 2004 ; Paché, 2010). LE CAS DE STRASBOURG La ville de Strasbourg dispose actuellement de deux espaces de proximité. Elle compte développer des espaces logistiques en périphérie, non sans problèmes. « On a deux services privés qui se sont mis en place suite aux évolutions réglementaires de la municipalité. Cela fait plusieurs années qu'on travaille dans le cadre d'une concertation, on a étudié la faisabilité économique du CDU, on n'a pas trouvé de modèle ni de leader pour porter le projet » (chargée de stratégie logistique urbaine, Strasbourg Eurométropole). 150 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville LE CAS DU CDU DE LA ROCHELLE En 1998, dans le cadre du projet européen ELCIDIS (ELectric City DIstribution System), la communauté d'agglomération de La Rochelle a décidé de mettre en place un CDU afin de protéger le centre historique de la ville. À l'origine du projet, la communauté d'agglomération de La Rochelle s'est associée à la CCI, à la Société du commerce rochelais, à des transporteurs et au Programme National Marchandises en Ville (PREDIT, 2005 ;Gonzalez-Feliu, 2013). Un ancien entrepôt situé en périphérie immédiate du centre-ville de La Rochelle a été utilisé pour permettre de distribuer les 1 300 commerces à l'aide de véhicules électriques. La phase d'expérimentation a commencé en début d'année 2001. Cette expérimentation a reçu des aides financières européennes et de la ville de La Rochelle. La communauté d'agglomération (CdA), le conseil régional, la CCI et l'ADEME ont également soutenu le projet financièrement. La Ville est devenue propriétaire du matériel : ensemble du parc roulant (six fourgonnettes de type Berlingo électrique et un véhicule électrique de plus de 3,5 tonnes), matériel de manutention et matériel informatique. La limite majeure de ce projet s'est très vite révélé être l'équilibre financier difficile à atteindre (Malhéné et Breuil, 2010). Depuis 2006 et à travers le projet européen CIVITAS SUCCESS, la CdA a décidé de confier l'exploitation de ce service à Veolia Transport, via sa filiale PROXIWAY, dans le cadre d'une délégation de service public (première du genre, et à notre connaissance la seule en France voire dans le monde...), afin de pérenniser le système et permettre de nouveaux développements. PROXIWAY assure donc la gestion d'ELCIDIS et en plus de deux autres services : LISELEC (véhicules électriques en libre-service) et une navette électrique entre un parking relais et le centre-ville (Trentini et Malhéné, 2010). Cet exemple de La Rochelle prouve à nouveau que le modèle économique et financier de ces expérimentations n'est pas encore au point empêchant la généralisation et la systématisation de l'expérience. Le CDU de La Rochelle est opérationnel depuis plus de quinze ans, mais devrait prochainement fermer. La délégation de service public en cours depuis 2011 arrive bientôt à échéance, par ailleurs l'entrepôt qui abrite aujourd'hui le CDU devrait être démoli dans le cadre d'un nouveau projet urbain autour de la gare (Le courrier des maires, 01/10/2018, article de N. Cruz (5) ). Le cas du CDU de La Rochelle est particulièrement intéressant, car il permet d'observer sur le temps long les difficultés rencontrées par les pouvoirs publics locaux dans la mise en place de ces projets. Depuis plusieurs années déjà et après plusieurs évaluations, les acteurs publics locaux s'interrogent sur la pérennité du CDU. Le dernier procès-verbal du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de La Rochelle entérine la fin du CDU. En 2014, la communauté d'agglomération est devenue compétente en matière de mobilité (AOM) et a décidé de mettre en oeuvre une stratégie pour les marchandises : Historiquement, la CdA de La Rochelle est intervenue dans la politique de logistique urbaine par la biais d'un projet européen Elcidis qui a contribué à la mise en place d'un centre de distribution urbaine (CDU) avec un opérateur équipé de véhicules électriques afin de réaliser le dernier kilomètre de livraison sur le centre-ville de La Rochelle. Cette action a été pérennisée via un contrat de délégation de service public, confié à Proxiway pour une période longue (1er novembre 2006 ­ 31 octobre 2018). En 2016, en anticipation de la fin du contrat d'Elcidis, la CdA s'est engagée dans une réflexion plus globale pour arriver à la formalisation d'une feuille de route sur la logistique urbaine et le transport de marchandises. Cette démarche s'inscrit également dans le cadre du projet Européen Urbact Freight Tails, et a été cofinancée par ce programme (PV conseil communautaire, 20 septembre 2018). (5) http://www.courrierdesmaires.fr/77374/la-rochelle-change-son-fusil-depaule-et-revoit-son-dispositif-de-controle/ 151 PARTIE 4 La communauté d'agglomération de La Rochelle a fait le bilan de ces années de délégation de service public, a réalisé un diagnostic des besoins logistiques de son territoire et entrepris une nouvelle politique basée sur la concertation avec les entreprises de transport locales. Cette politique se décline en trois axes : 1) mettre en place une nouvelle réglementation pour le centre-ville « plus lisible, plus simple et qui favorise progressivement l'accès aux véhicules de livraison faiblement émissifs pour arriver d'ici à l'horizon 2025 à 100 % des livraisons en véhicules (supérieurs à 3,5 tonnes) faiblement émissifs sur le centre-ville » ; 2) inciter à la mutualisation des flux en amont du centre-ville, « plusieurs acteurs du TMV disposent d'un projet de plateforme de mutualisation avec une localisation pertinente par rapport au centre-ville (sur les axes d'entrée sur La Rochelle en amont de la rocade) et s'orientent vers des véhicules faiblement émissifs. Il est ainsi proposé de favoriser leur mise en relation afin qu'ils cherchent des optimisations supplémentaires de flux de marchandises. Devant l'existence d'acteurs économiques sur le territoire, l'implication de la collectivité via un contrat de délégation de service public n'est donc plus justifiée. Il est proposé de ne pas prolonger ni renouveler le service Elcidis au-delà de la fin du contrat (octobre 2018) mais de s'appuyer sur les transporteurs locaux pour les livraisons du dernier kilomètre en véhicule faiblement émissifs » ; 3) favoriser des projets innovants et propres en matière de logistique urbaine. Cette disposition a été adoptée à la majorité lors du conseil communautaire. Le cas de La Rochelle montre que les expérimentations menées en matière de CDU, peu concluantes au regard de leur rentabilité économique et financière, incitent les pouvoirs publics locaux à ne pas les prolonger. Ceux-ci se recentrent sur leurs compétences premières, comme la réglementation pour agir sur le transport de marchandises et la logistique plutôt que de passer par une solution immobilière plus coûteuse et incertaine, surtout pour une petite agglomération. Par ailleurs, on note la volonté des acteurs publics de se reposer davantage sur le secteur privé pour initier ce type de projet. Après s'être investi pour l'exemple, la puissance publique estime avoir joué son rôle de moteur mais n'a pas vocation à pérenniser ce service public. Cela interroge d'autant la possibilité de faire des CDU un service public. LE CAS DE BORDEAUX En ce qui concerne la métropole de Bordeaux, il s'agit d'une initiative des acteurs privés. « C'est un travail que nous menons. Nous ne développons pas ni mettons en place ces initiatives, mais c'est plutôt de la compétence du privé de les mettre en place. » La ville de Bordeaux se voit comme un régulateur ou un facilitateur : « En revanche, notre but c'est de faciliter leur implantation, aujourd'hui on a deux entreprises qui exploitent des espaces logistiques urbains et donc notre rôle a été de les accompagner à leur installation, de les mettre en relation pour trouver des locaux adaptés. Mais aussi être facilitateur pour que les professionnels puissent s'implanter. » La métropole de Bordeaux a par exemple aidé à trouver des places de parking public pour développer des espaces de logistique urbaine. La métropole de Bordeaux a réalisé de nombreuses expérimentations. La première, précédemment citée, a aidé des livraisons nocturnes via l'utilisation de véhicules silencieux. Une deuxième a tenté de mutualiser les flux. La troisième consistait à implanter des espaces logistiques de proximité : « On a fait aussi des expérimentations d'espaces logistiques de proximité dans le cadre de travaux de voirie pour mettre en place un nouveau tramway » (Direction Circulation et Stationnement, Bordeaux Métropole). 152 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Figure 49. Espace Logistique de Proximité, non loin du chantier du tramway (source : Bordeaux Métropole) La Métropole a donc aidé les commerces et livreurs à accéder plus facilement à la zone de travaux. La dernière expérimentation consiste à soutenir les solutions organisationnelles et technologiques des transporteurs privés en cédant certaines compétences à des opérateurs privés. « On est en train de lancer des expérimentations sur le stationnement et l'arrêt pour les livraisons en dédiant de l'espace public à des opérateurs privés » (Direction Circulation et Stationnement, Bordeaux Métropole). Ces expérimentations se font en concertation avec les partenaires privés, parfois à l'initiative des collectivités et des partenaires publics. « Soit c'est nous qui avons souhaité avoir un travail sur un sujet particulier et donc on a sollicité des partenaires privés pour le mettre en place ou accompagner une démarche. Soit c'est l'inverse, afin de mettre en place des nouvelles pratiques, des nouvelles dispositions on les a accompagnés » (Direction Circulation et Stationnement, Bordeaux Métropole). La métropole de Bordeaux, contrairement aux autres, possède une instance de gouvernance de la logistique urbaine co-pilotée entre Bordeaux Métropole et la CCI Bordeaux-Gironde, qui permet grâce à la concertation et au dialogue d'aboutir à des projets qui fonctionnent. « On a une très bonne entente donc du coup, on arrive assez facilement à dialoguer et à mettre en place des solutions qui conviennent à tous finalement. Qu'elles soient à l'initiative de la collectivité ou des partenaires privés, il y a pas mal de synergies qui sont trouvées grâce à ça » (Direction Circulation et Stationnement, Bordeaux Métropole). 153 PARTIE 4 LE CAS D'ORLÉANS La métropole d'Orléans n'a quant à elle pas encore réalisé d'expérimentation, mais il est prévu d'en réaliser, principalement sur le renouvellement de la flotte de véhicules. L'utilisation d'outils connectés permettant une meilleure connaissance sur la disponibilité des places est actuellement expérimentée : « On expérimente à proximité de la gare du stationnement connecté qui permet de savoir en temps réel la disponibilité des places. Nous ferons pareil pour les places de livraisons. » Grâce à ces expérimentations, il a été permis de corriger certains problèmes liés aux livraisons. « On a remis à niveau les places de livraison, leur localisation, leur dimensionnement » (chargée de mission Mobilités et PDU, Orléans Métropole). La dernière expérimentation consiste à ouvrir les places de livraison à tous l'après-midi. Ces expérimentations ont été réalisées comme pour la métropole bordelaise en concertation avec des acteurs privés de la logistique ou encore des entreprises portées sur l'innovation : « On s'est concerté avec les principaux logisticiens et entreprises de livraisons de la métropole et avec les associations de commerçants. On travaille également avec une start-up qui développe du stationnement connecté » (chargée de mission Mobilités et PDU, Orléans Métropole). L'implantation d'espaces logistiques urbains tels que les BLU (Boîtes Logistiques Urbaines), les CDU, les ELP ou encore les ELU a été projetée. Mais suite à une concertation avec les commerçants, associations de commerçants, clients, il en est sorti que l'offre en centre urbain est suffisante : « Ils n'ont pas de besoins particuliers de centres urbains complémentaires en fait. » La stratégie se focalise donc sur un développement des consignes et des triporteurs. Concernant la mixité fonctionnelle en ville, contrairement à Bordeaux, la métropole y est moins exposée. Tout d'abord les livraisons se font dans les heures creuses, c'est-à-dire entre 9h00 et 11h00 : « Ce n'est pas l'heure de pointe ou celle où on dépose ses enfants ni l'heure de pointe où on va dans les commerces donc ça se passe plutôt bien. » En revanche dans les zones d'activités logistiques, il n'y a pas de mixité fonctionnelle en raison des fonctions présentes dans ces zones. « Dans les zones d'activités, le problème est qu'il n'y a pas de mixité fonctionnelle, ce sont seulement des fonctions économiques et c'est plus problématique parce que même si les horaires sont décalés pour le transport de marchandises ça reste très contraint » (chargée de mission Mobilités et PDU, Orléans Métropole). LA COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION DE LENS-LIÉVIN (CALL) La CALL n'a pas réalisé d'expérimentations. Une étude a été menée sur l'autoroute A21 sur la création d'un échangeur dans les zones d'activités congestionnées mais n'a pas été portée car non prioritaire. « Nous n'avons pas le temps, par ailleurs nous sommes davantage sur un schéma de développement classique car on ne rencontre pas les problématiques de congestion que peuvent rencontrer les grandes métropoles. Pour nous, aujourd'hui l'impératif c'est le développement économique et le chômage » (cheffe de projet mobilité/ déplacements, communauté d'agglomération de Lens-Liévin). 154 Projets urbains et expérimentations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises en ville Ces différents cas illustrent bien l'hétérogénéité de l'action publique au regard de ces expérimentations, qui prennent des formes différentes selon les villes. La seule volonté de l'acteur public et sa capacité à mobiliser des acteurs privés autour de ces projets sont déterminantes dans la mise en oeuvre de ces expérimentations. À quelques exceptions près, ces études de cas montrent bien la limite des plus petites villes ou intercommunalités à innover en matière de transport de marchandises et de logistique urbaine. Cette dernière semble être aujourd'hui un concept plutôt réservé aux plus grandes métropoles. Mais ces dernières ne connaissent pas de taux de succès très élevé lorsqu'elles prennent directement l'initiative d'expériences de logistique urbaine. Finalement, ce sont surtout les initiatives privées qui se développent, et pas toujours dans le sens espéré ou voulu par les municipalités : nous reprenons notre propos précédent sur les ambiguïtés du développement d'innovations liées aux livraisons du e-commerce (consignes, points relais, livraisons instantanées). Gageons que dans le futur, les développements liés aux modes automatiques ­ drones, robots terrestres, camions et camionnettes autonomes ­ feront l'objet de la part des municipalités du même type de réaction contrastée : méfiance mêlée d'espoir, laisser-faire et volonté de réguler, voire d'interdire. 155 NOTES SECTORIELLES 2 Urbanisme et aménagement La gouvernance urbaine tâtonnante du transport de marchandises et de la logistique 1 Une multiplication des acteurs impliqués, une gouvernance complexe S'il n'y a pas de compétences « fret » ou « logistique » à proprement parler, on note la montée de ces questions dans la planification des territoires. Cette dernière correspond à la capacité des acteurs publics à produire une vision pour leur territoire, à organiser des programmes (projets urbains, projets de transports) et des investissements, et enfin à produire des règles pour réguler le sol et organiser les activités et les populations sur le territoire. Plusieurs acteurs disposent de cette capacité de planification, à différentes échelles : les communes avec le PLU, les intercommunalités avec le PLUi, le SCoT et le PDU et enfin les régions avec les SRADDET. Chacun de ces acteurs agit en fonction de ses intérêts propres. Les communes disposent en plus du pouvoir de police qui leur permet de réguler l'espace public, la voirie et la circulation. Aujourd'hui la question du fret et de la logistique a pénétré tous ces échelons. Bien que certaines villes n'intègrent ces questions qu'à la marge, le SCoT, le PDU ou même le SRADDET peuvent prendre le relais sur ces questions et ainsi progressivement influencer ces communes à intégrer ces questions. Outre l'État, les régions et départements, EPCI et municipalités, il faut aussi noter l'importance des acteurs de l'aménagement du territoire dans le processus d'élaboration de ces documents, comme les agences d'urbanisme, les pôles de compétitivité, les syndicats, mais aussi des acteurs de la vie économique (CCI, observatoire économique ou conseil de développement économique, représentant d'entreprises de transport, etc.), et enfin des acteurs de l'environnement (associations environnementales). On assiste donc à une complexification de la gouvernance de la logistique et du transport de marchandises par la multiplication des acteurs impliqués dans le processus de planification. L'enjeu essentiel réside alors dans la répartition des compétences, entre la planification et la réglementation. Si la planification résulte d'un exercice concerté, la réglementation ­ notamment à l'échelle locale ­ reste encore largement effectuée par les communes. Par ailleurs, le fret et la logistique ont pénétré tous les échelons, la collaboration effective entre les acteurs autour de ces objets reste tâtonnante, conduisant parfois à une perte de cohérence et de lisibilité de la politique logistique et transport de marchandises pour l'ensemble des acteurs. À noter que les situations sont différentes selon les villes comme nous le verrons dans la partie sur la typologie. Face à cette gouvernance complexe, la question de l'échelon pertinent est toujours posée. En ce qui concerne la planification, nous souhaitons ici souligner l'importance de la complémentarité des échelons. En effet, nous avons vu que les plus petites communes, les petites et moyennes agglomérations n'ont pas forcément les ressources, l'ingénierie pour intégrer à l'échelon local les questions de transport de marchandises et de logistique. Les échelons supérieurs, sans intervenir dans la pratique locale garantissent une prise en compte de ses enjeux. En ce qui concerne la 156 NOTES SECTORIELLES 2 Urbanisme et aménagement réglementation on peut en effet penser que l'harmonisation des réglementations dans les territoires des PTU ou des intercommunalités faciliterait la lisibilité des règles de circulation et de stationnement rendant le fonctionnement du transport de marchandises mal optimisé. Le rôle de l'État s'est renouvelé dans le cadre du programme national de marchandises en ville et de la conférence nationale sur la logistique. Conformément à l'article 41 de la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transport, le Gouvernement a pris l'initiative d'organiser une conférence nationale sur la logistique pouvant préfigurer une politique nationale dans ce secteur. Cette disposition législative vise à placer la logistique comme l'un des secteurs essentiels de la compétitivité du territoire et de son économie. Les principaux objectifs visés par l'article de loi sont de : · Rassembler les acteurs ; · Effectuer un diagnostic de l'offre logistique française ; · Déterminer les besoins pour les années à venir ; · Évaluer l'opportunité de mettre en oeuvre un schéma directeur national de la logistique ; · Identifier les priorités d'investissement et de service ; · Inviter les régions et les métropoles à mettre en oeuvre sur leur territoire des plans d'action. Le lancement d'une conférence sur la logistique constitue une première dans un secteur aux contours très étendus. En rupture avec une approche souvent séquentielle et mode par mode en matière des transports, cette conférence est un processus qui réunit tous les acteurs de la chaîne logistique et les secteurs de l'économie qui en dépendent. Malgré un fonctionnement principalement basé sur des relations entre acteurs privés et librement ouvert aux initiatives, l'État et plus largement la puissance publique sont périodiquement interpelés pour aider à la structuration et à la performance de ce secteur. C'est donc dans cet objectif que l'État s'engage sur ce sujet, à partir de l'organisation d'une conférence associant tous les acteurs. Au regard des enjeux du service logistique apporté, voire intégré, à de nombreux secteurs de l'économie, et dont les transports constituent l'élément central, la conférence a été préparée grâce à la collaboration des ministères de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer (MEEM) et de l'Économie, de l'Industrie, et du Numérique (MEIN). L'État prend ainsi un rôle de cadre, de guide des collectivités territoriales dans leur démarche en matière d'intégration de la question logistique dans leur action. 2 Un pouvoir communal au coeur du processus Malgré une prise en compte dans la planification régionale (SDRIF), ce traitement de la question logistique dans les exercices d'aménagement reste alors majoritairement du ressort des pratiques communales et intercommunales. Ce traitement porte tout autant sur les stratégies d'attractivité économique développées par certaines communes et établissement intercommunaux (zonage des activités) que sur la mise en place des règles ordinaires de l'urbanisme (stationnement, circulation). Mais ce sont bien les plans locaux d'urbanisme et les permis de construire qui fixent la carte logistique francilienne et son évolution sans contrainte réelle des services de l'État pourtant responsables des installations classées et des agréments constructeurs. Et la faiblesse des regroupements intercommunaux, en périphérie francilienne, introduit un rapport souvent déséquilibré entre firmes de l'immobilier logistique et communes se traduisant par une forme de privatisation de l'activité logistique périurbaine (Raimbault, 2014 ; Debrie, Heitz, 2017). Pour autant, à l'instar de la consolidation d'une priorité logistique régionale, se développe un intérêt logistique de la ville de Paris. Cet intérêt impacte la réglementation et s'est traduit par la délimitation de neuf zones dites « Grands Services Urbains » dans le plan local d'urbanisme. L'exemple de Paris montre que pour une réelle mise en oeuvre de projets urbains liés à la logistique, l'acteur communal demeure essentiel. Il a un rôle d'impulsion qui peut ensuite être relayé par les intercommunalités et la région. Quoi qu'il en soit, la commune a le dernier mot dans le cadre de son pouvoir lié au permis de construire. 157 NOTES SECTORIELLES 2 3 Une pratique tâtonnante et des acteurs privés encore peu intégrés tout au long du processus Malgré l'intégration des acteurs privés dans le processus d'élaboration des documents de planification, ils restent encore peu mobilisés dans l'élaboration des règles de circulation et de stationnement. La concertation initiée reste ponctuelle à l'occasion d'une étude ou d'un diagnostic PDU mais non pérennisée dans le temps par des ateliers ou groupes rassemblés à une fréquence régulière et connue qui permette aux acteurs d'entrer dans une relation de confiance, peu organisée. Les professionnels insistent sur la logique dominante de « grande messe » top-down informative, au détriment de groupes de travail féconds où problèmes remontés du terrain et solutions se répondent, et incomplète par les acteurs qu'elle réunit (Ducret, 2014). Par ailleurs, ces acteurs privés sont rarement associés aux processus d'évaluation des mesures établies par les pouvoirs publics locaux. Les freins à une concertation de qualité sont multiples : les agents locaux signalent les difficultés à identifier les bons acteurs (outre ceux qui sont bien visibles dans le paysage), l'absence du réflexeconcertation préalable à l'action, ou encore la faible connaissance de l'interlocuteur, de ses intérêts et motivations, ainsi que l'identification de temps de l'action différents qui renforcent la réticence des collectivités à lancer une large concertation (Ducret, 2014). Nous avons observé l'apparition d'un nouvel outil de la concertation, la charte, qui peut être adjointe au processus, à mi-chemin entre concertation et action (charte de principes à Toulouse et charte de bonnes pratiques à Orléans). La forme de la charte, le périmètre d'action, les acteurs signataires, les moyens associés et la portée entre information, prescription et engagement, entre charte de principes et d'information et charte de projets plus opérationnels devront être analysés à l'avenir pour comprendre comment cet outil peut apporter une valeur ajoutée à la politique du transport de marchandises en ville. Paris est une des premières villes à avoir initiée ce processus en 2001 dans un cadre partenarial associant les institutions, le milieu consulaire, les transporteurs et les chargeurs. La signature d'une charte des bonnes pratiques des transports et des livraisons de marchandises dans Paris en 2006 témoigne de l'émergence de nouveaux outils. Cette initiative partenariale est prolongée en conformité des prescriptions du SDRIF et du PDUIF dans le cadre d'une nouvelle charte en faveur d'une logistique urbaine durable signée par l'ensemble des partenaires en septembre 2013. Plus opérationnelle, cette nouvelle charte repose sur une identification des structures et équipements (plate-forme logistique et équipement pour la desserte des quartiers) et des pratiques innovantes à accompagner (horaires décalés, nouvelle organisation des tournées). La ville de Paris, dans le cadre de cette charte, initie seize « fiches projets » permettant d'accompagner les objectifs localisés dans la charte. Elle annonce également le financement et la réalisation de quelques projets spécifiques dédiés à la logistique urbaine et à l'amélioration des conditions du fret en ville, dans Paris comme la dalle de Beaugrenelle pour Chronopost, le centre de distribution urbaine des Halles ou le projet d'hôtel logistique de Chapelle Internationale. Ces initiatives sont pour l'instant essentiellement présentes dans Paris. Elles s'inscrivent néanmoins dans une prise en compte plus prononcée de cette question en première couronne. Ces deux exemples démontrent la volonté et la capacité d'investissement de la ville de Paris dans la logistique urbaine dans des expérimentations qui permettent à la fois de tester de nouvelles pratiques en termes de logistique et de transports de marchandises en lien avec les acteurs du secteur eux-mêmes, mais également de servir d'exemple à d'autres communes en démontrant la viabilité et le bon fonctionnement de ces modèles. La signature d'une charte d'objectifs sur le transport de marchandises en Seine-Saint-Denis entre le Département, la ville de Paris, la Région, 45 communes et regroupements intercommunaux, les gestionnaires d'infrastructures, les transporteurs et chargeurs en est un témoin supplémentaire. De caractère « déclaratoire », les constats, objectifs et intentions renvoient néanmoins à cette même préoccupation d'expérimentations de services nouveaux et de maintien et valorisation des emprises centrales existantes. Cette prise en compte nouvelle de la logistique semble alors se généraliser. On recense également des chartes à Toulouse, Grenoble ou Strasbourg dans le cadre du développement du fluvial. 158 Urbanisme et aménagement La mobilisation d'un outil ­ la charte ­ dans la pratique de l'aménagement complète les instruments que sont les documents de planification régionaux, métropolitains, municipaux. Ces chartes autorisent des collaborations nouvelles entre acteurs dans le but d'assurer la déclinaison des objectifs généraux de l'action publique fixés dans les documents. Elles posent néanmoins la question, au-delà des expérimentations en cours sur quelques sites ciblés en zone centre, de la généralisation de cet intérêt logistique dans les projets urbains. 4 Des outils traditionnels entre objectifs et réalisations : l'importance de la pratique Parmi les outils de planification urbaine et des transports qui peuvent agir sur le fret urbain, nous observons que le PDU (et son volet marchandises) est l'outil de planification le plus utilisé par les collectivités qui mènent une politique du fret urbain ou qui souhaitent le faire. Cependant, le PDU n'a pas de pouvoir prescriptif et il n'est pas rare que les fiches actions restent des voeux pieux. C'est une étape identifiée comme délicate par les techniciens qui peinent à convaincre les élus de mettre en pratique les prescriptions. Mais l'analyse des différentes générations de PDU suite aux révisions dans les villes étudiées permet de constater l'effort de verbalisation d'objectifs opérationnels. Malgré des progrès dans son utilisation, il reste un outil sous-utilisé par les collectivités françaises pour gérer la logistique urbaine. Dix-huit villes de notre panel sont dans l'obligation de réaliser un PDU. Si 66 % des villes du panel donnent à lire des PDU intégrant plus ou moins les questions de fret, la logistique et le transport de marchandises restent des thèmes marginalisées par rapport au transport de passagers et aux enjeux environnementaux. Le PLU par son article 12 relatif aux aires de stationnement pour les nouvelles constructions, par sa capacité à imposer des surfaces de stockage minimum pour les commerces, à revoir la hauteur sous plafond des rez-de-chaussée pour permettre une mutation fonctionnelle, etc., pourrait être un levier d'action essentiel mais il est peu perçu comme tel. 2/3 des communes que nous avons analysées ont effectivement utilisé cet outil, de façon variable. Dans les objectifs du PLU on note également l'importance de la prise en compte de la logistique bien que cela ne se traduise que rarement de façon concrète dans les règlements et les projets urbains des communes, à l'exception notable de Paris. Les PLUi pourraient renforcer le traitement transversal de la logistique urbaine car ce document permet d'actionner à une échelle plus vaste les leviers du PLU et du PDU. Le transport de marchandises en ville et la logistique ne disposent pas d'outils spécifiques pour réglementer ou planifier les territoires. Ils intègrent des documents préexistants dont la manipulation a déjà nourri la pratique des acteurs publics qui doivent réapprendre à les utiliser au regard de nouvelles questions. Aujourd'hui ces acteurs publics doivent se réinterroger non pas sur la nature des documents mais bien sur leurs propres pratiques. Nous avons vu, tout au long de cette analyse des documents de planification, à toutes les échelles une dichotomie entre les objectifs, les ambitions et les règlements qui encadrent la mise en oeuvre de ces objectifs. Pour que ces outils soient effectifs, il ne faut pas de nouveaux outils, mais mieux utiliser ceux qui existent actuellement. Les acteurs publics doivent s'interroger sur leurs pratiques. La mise en cohérence des objectifs d'une part et des règlements d'autre part est essentielle pour mettre en oeuvre ces ambitions, sans quoi celles-ci restent des voeux pieux. Cette distinction entre objectifs et réalisations nous semble primordiale. Nos entretiens montrent que les acteurs publics ont parfois l'impression d'avoir réglé la question du fret et de la logistique parce qu'ils ont adopté des positions plus ou moins ambitieuses en matière d'objectifs, or en l'absence de règlement et de financement de projets en lien avec la logistique et le transport de marchandises, on ne peut considérer que les problèmes sont soldés. 5 Des projets et expérimentations concrets mais limités Derniers leviers d'action, le projet ou l'expérimentation. Ceux-ci apparaissent comme le degré supérieur de prise en charge des questions de logistique urbaine pour des villes d'ores et déjà avancées dans d'autres segments de la politique du fret urbain. Les villes en phases intermédiaires se concentrent plutôt sur la partie réglementaire. Si presque l'ensemble des villes que nous avons analysées ont inscrit dans leurs objectifs, et ce à différentes échelles. 159 NOTES SECTORIELLES 2 Urbanisme et aménagement La pérennité au-delà de l'expérimentation est aussi un sujet délicat. Parmi les outils concrets recensés dans les villes interrogées et plébiscités, citons le centre de distribution urbaine, la conciergerie, l'utilisation du transport fluvial ou du tramway de marchandises, les livraisons de nuit, l'optimisation de l'implantation des aires de livraison, l'incitation à l'utilisation de véhicules propres, etc. La mise en service d'un CDU est souvent envisagée par les collectivités comme un des premiers leviers d'action sur le fret urbain (treize villes de notre panel envisagent de se lancer ou se sont lancées dans l'aventure). L'idée peut même apparaître avant toute réflexion globale sur la logistique urbaine dans le territoire, avant tout diagnostic territorial, pourtant essentiels préalablement à toute action. Ici se fait jour le risque de copier-coller et d'effet de mode sous l'influence d'initiatives médiatisées de villes françaises ou européennes bien avancées. Le taux élevé d'échec des projets d'innovation (Dablanc, 2012) peut être considéré comme un obstacle lorsqu'il s'agit de persuader les responsables et les parties prenantes de mettre en place de nouvelles solutions. Il est donc utile de donner un aperçu des différents types de projets et d'essais d'innovation qui peuvent avoir lieu dans le cadre de la logistique urbaine. En analysant les expériences passées, les raisons du succès et de l'échec peuvent être identifiées. L'objectif de cette section est de souligner l'impact des innovations en termes de logistique urbaine sur les pratiques des acteurs publics et privés et de montrer comment elle participe au renouvellement de la production de la ville. En ce sens la logistique urbaine est « un bon exemple attestant du double apport d'une pratique de recherche, de support à la construction d'une connaissance sectorielle essentielle à l'action publique et d'émergence de réflexions transversales aptes à formuler différemment ces problèmes d'action publique » (Debrie, 2016). 160 SYNTHÈSE Typologie des villes à l'épreuve de l'analyse de la régulation du transport de marchandises et de la logistique 1 La régulation de la mobilité des marchandises ne dépend pas du type de ville L'analyse des politiques publiques, des documents de planification et des expérimentations mérite d'être mise en regard avec la typologie de communes établie précédemment dans cette recherche. À l'aide de variables quantitatives, nous avions classé nos vingt villes de l'échantillon en quatre catégories présentant des caractéristiques communes : · Catégorie 1 : Paris, qui constitue à elle seule une catégorie tant les différences avec le reste du territoire français sont importantes ; · Catégorie 2 : les villes denses, métropoles grandes ou moyennes, présentant une dynamique de construction d'entrepôts moyenne ; · Catégorie 3 : les villes moyennement denses, métropoles grandes ou moyennes mais disposant d'une dynamique importante en matière de construction d'entrepôts ; · Catégorie 4 : les villes peu denses, surtout petites et moyennes (exception Aix-Marseille) avec une dynamique de construction d'entrepôts faible. Les villes concernées sont regroupées dans le tableau ci-dessous : Cat. Cat. 1 Cat. 2 Cat. 3 Cat. 4 Villes Paris Lyon, Bordeaux, Grenoble, Montpellier, Strasbourg, Clermont-Ferrand Lens, Lille, Nantes, Orléans, Toulouse Le Creusot, La Rochelle, Moûtiers, Nice, Rennes, Rouen, Biarritz, Aix-Marseille 161 SYNTHÈSE Typologie des villes à l'épreuve de l'analyse de la régulation du transport de marchandises et de la logistique Il est intéressant de constater que l'intégration de la question du fret et de la logistique dans les politiques publiques n'est pas liée à la nature de la ville. Il n'y a pas de relation entre la taille de la ville ou le potentiel en matière d'offre et de demande logistique, et le niveau d'intégration du fret et de la logistique. À noter que Paris et plus généralement la Métropole du Grand Paris restent des exceptions en France. La taille du marché de consommation et le rôle qu'elles jouent dans la redistribution des flux dans le reste du pays en font un cas à part. Par ailleurs, le cas parisien est spécifique car la ville de Paris et la MGP sont aujourd'hui les plus avancées en matière de réglementation et de planification en lien avec la logistique et le transport de marchandises. Comme on a pu le voir dans la partie 4, Paris est aussi la plus innovante en la matière, et offre par le biais de différentes initiatives originales (concours « Réinventer Paris », labellisation de start-ups de logistique urbaine) un véritable potentiel. Dans la catégorie 2 on retrouve des métropoles qui pour certaines ont engagé une réglementation et une planification en matière de fret et de logistique, par exemple Grenoble et Strasbourg avec des ZFE. Montpellier et Bordeaux ont également mis en oeuvre des procédures récentes de révision de leurs documents de planification pour davantage intégrer le fret. Clermont-Ferrand n'a pas engagé de procédure particulière concernant ce sujet. Il n'y a donc pas d'homogénéité dans cette catégorie. On ne peut donc pas faire de lien entre les caractéristiques logistiques des villes et le degré d'intégration de la mobilité des marchandises. Les catégories 3 et 4 sont aussi hétérogènes. Les villes que nous avons analysées au cours de cette étude ont, sur un plan politico-stratégique, toutes intégré différemment les questions de la logistique urbaine. Les lois qui encadrent les pratiques des acteurs publics locaux sur la logistique, notamment en matière de réglementation et planification de la mobilité des marchandises, sont appliquées et interprétées différemment dans les territoires. Cela n'est pas forcément une surprise (de multiples domaines de politique publique locale apparaissent diversifiés selon les territoires), mais le degré de diversité des politiques menées est certainement à remarquer. 2 L'expérimentation et l'innovation restent l'apanage des plus grandes métropoles En dépit de quelques exceptions comme La Rochelle, notre analyse montre que les plus grandes métropoles et villes en France sont celles qui investissent le plus dans les innovations en matière de logistique urbaine et de transport de marchandises. Si la planification et la définition d'objectifs ne tiennent pas compte de la taille des villes, leur capacité à faire appel à une ingénierie spécialiste pour mettre en oeuvre des solutions, mais aussi la capacité à mobiliser des acteurs privés pour le développement de ces solutions, ne sont pas les mêmes dans toutes les villes. Paris à travers sa charte de logistique urbaine durable a pu mobiliser un certain nombre d'acteurs, qui n'auraient peut-être pas été aussi présents dans le cas d'une autre commune. Les villes restent contraintes par les moyens qu'elles ont à leur disposition. 162 CONCLUSION Cette analyse des politiques menées par vingt villes et agglomérations françaises est riche en enseignements pour les professionnels de la logistique en ville, notamment les grossistes distributeurs représentés par la CGI. Elle permet également de voir ce que l'avenir (de court terme, tant il est difficile de parler des moyen et long termes en ce qui concerne l'évolution des technologies tout comme celle des politiques publiques) réserve aux mobilités logistiques dans les villes. On l'a vu, nos vingt villes ont des politiques assez différentes les unes par rapport aux autres sur le transport des marchandises et on remarque bien entendu l'originalité de la politique parisienne (entendue au sens multiple de ville, métropole et région), qui s'intéresse notamment aux innovations, aux politiques d'aménagement et d'urbanisme relatives aux entrepôts, qui possède une bonne base de connaissance et de données (à travers les enquêtes marchandises franciliennes) et qui met en place une zone à faibles émissions qui a vocation à devenir métropolitaine (pour le moment, seule Grenoble va dans ce sens, les autres villes françaises restant très timorées). Cependant, même à Paris (au sens large), la politique sur la logistique urbaine reste relativement discrète, notamment parce qu'elle est encore peu appliquée : très nombreux sont les camions et camionnettes qui circulent dans la zone dense alors qu'ils n'ont théoriquement plus le droit (véhicules trop anciens). Les politiques d'urbanisme favorables aux entrepôts urbains, par ailleurs, ne représentent encore qu'une goutte d'eau dans un ensemble régional où le jeu du marché foncier et les grands projets urbains continuent à pousser les activités logistiques globalement hors du centre, au détriment parfois de l'efficacité logistique et en augmentant les véhicules-kilomètres parcourus par les véhicules utilitaires dans la région. Les dix-neuf autres villes que nous avons étudiées ont des approches assez variées quant à leur façon de gérer le transport des marchandises et la logistique, mais globalement elles ne s'y intéressent que peu, notamment au niveau local (municipal), qui est le niveau principal encore aujourd'hui de gestion des mobilités logistiques puisque c'est le niveau qui continue à garder, malgré des changements législatifs récents, le pouvoir sur la circulation, sur les zones à faibles émissions, sur le stationnement, sur les horaires de livraison, sur les permis de construire des entrepôts. Les niveaux métropolitain et régional sont de plus en plus intéressés par la logistique, on le voit dans les documents produits à ces échelles (plans de déplacements urbains, schémas directeurs régionaux), mais ces niveaux institutionnels ont peu de pouvoir de mise en oeuvre concrète des stratégies définies dans les schémas. Toutes nos villes, y compris Paris, ont des caractéristiques communes en ce qui concerne les stratégies logistiques, sur lesquelles nous aimerions insister en conclusion, pour en analyser ensuite les impacts potentiels sur les professionnels de la livraison urbaine : · Les villes et agglomérations françaises ont encore du mal à mettre en oeuvre des politiques simples et efficaces relatives au transport des marchandises. Les politiques actuelles restent très fragmentées. À l'intérieur d'une même agglomération, on peut encore compter de nombreuses réglementations différentes et parfois contradictoires sur les véhicules de transport de marchandises. Les autorités d'agglomération (notamment les métropoles) n'ont pas encore, de fait, réussi à imposer des règles harmonisées, qui seules pourraient permettre aux professionnels de « s'y retrouver ». Et ce malgré les propositions faites, depuis plus de vingt ans (!), par les plans de déplacements urbains ou les SCoT ; · Les villes et agglomérations françaises sont bien meilleures qu'il y a vingt ans pour faire participer les professionnels à des instances de concertation. Celles-ci existent désormais dans beaucoup des villes de grande et moyenne tailles, et avec elles leur corollaire, l'adoption de chartes de logistique urbaine ou chartes marchandises. Mais ces instances ne sont pas encore parvenues 163 CONCLUSION à des résultats suffisamment concrets et effectifs, notamment au niveau municipal. À titre d'exemple, qui peut paraître anecdotique mais qui est révélateur, aucune de nos villes n'a un site internet ou une application dédiée (qui inclurait notamment une version en anglais) permettant aux professionnels de connaître et comprendre les règles de circulation et de livraison. La visibilité des sujets « marchandises » est encore faible dans l'affichage des actions de politique des transports des villes ; · Les villes et agglomérations françaises ne sont pas très « high tech » dans leurs politiques sur le transport des marchandises. Contrairement aux villes anglaises, italiennes, espagnoles ou scandinaves, elles n'utilisent que peu les caméras de contrôle automatique, qui seules permettent un bon respect des règles sur l'espace public, offrant ainsi aux professionnels « vertueux » des aires de livraison disponibles et l'assurance qu'ils peuvent investir dans des modes d'exploitation durables sans être victimes de livreurs moins respectueux des règles du jeu locales (règles sur l'âge des véhicules, sur le bruit, sur les règles sociales) ; gageons que la future Loi d'Orientation des Mobilités (LOM), qui va accroître la possibilité donnée aux villes d'utiliser ces outils, va les inciter à le faire ; aucune ville de notre échantillon ne propose encore des outils opérationnels pour les professionnels sur la gestion de leurs activités de chargement / déchargement sur la voirie (voir a contrario l'application AreaDUM de Barcelone). Les logiciels de préparation de tournées disponibles sur le marché intègrent très rarement des informations détaillées en provenance des municipalités comme l'état des chantiers de voirie, les coupures d'itinéraires ou autres incidents. Il faut d'ailleurs dire que ceci n'est pas spécifique à la France ; · Les villes françaises ont mis en place un nombre très limité de zones à faibles émissions, alors que celles-ci (les Low Emission Zones) sont de plus en plus courantes dans les villes du reste de l'Europe (Europe du sud y compris). Les villes françaises font vraiment exception à cet égard ; · Globalement, le paysage institutionnel français reste extrêmement complexe (très grand nombre de communes, nombre élevé de niveaux institutionnels : communes, EPCI, départements, régions, avec des niveaux supplémentaires en Île-de-France) et les compétences transversales portant sur des dossiers comme la qualité de l'air, le changement climatique, le développement économique, la formation professionnelle, et même l'aménagement et urbanisme dans son ensemble, qui tous ont un impact important sur la façon dont les professionnels de la livraison vont opérer dans les villes, sont distribuées de façon très peu lisible à ces différents niveaux institutionnels, engendrant de nombreux chevauchements de responsabilités ; · La promotion des innovations de logistique urbaine est encore hésitante dans les villes que nous avons étudiées. De multiples villes ont testé des démonstrateurs de vélos-cargos, de tramway fret, de logistique fluviale par exemple ; mais les villes se sont peut-être enthousiasmées un peu vite pour des solutions certes médiatiques mais qui au final se sont révélées coûteuses et n'ont pas su trouver leur modèle économique. D'autres politiques peut-être plus prometteuses car portant sur des technologies déjà banales, comme le renforcement de l'aide financière à l'acquisition de véhicules de livraison électriques ou à gaz, n'ont pas été prises, ou l'ont été de façon trop timide. Les véhicules utilitaires légers, par exemple, sont encore trop souvent traités (pour le niveau des aides financières, pour l'équipement en stations de recharge) comme les voitures des particuliers, alors que les professionnels de la livraison qui souhaitent acquérir des véhicules propres ont des besoins et des contraintes très spécifiques, ainsi qu'un coût d'acquisition plus élevé en général que pour celui d'une voiture particulière. L'avenir (à court terme) de l'environnement réglementaire des villes françaises vis-à-vis des activités logistiques peut s'envisager de la façon suivante, compte tenu de ce que les villes font à l'heure actuelle et de leurs intentions pour le futur, pour ce que nous avons pu en percevoir au cours de nos entretiens : · Un contrôle des activités de circulation, stationnement, livraison qui va lentement, mais sans doute sûrement, se renforcer, notamment dans les plus grandes villes, par l'adoption de caméras de contrôle automatique qui vont progressivement devenir davantage autorisées en France. Cette évolution est à double tranchant pour le monde professionnel du transport, mais sans 164 aucun doute à terme positive : hausse des pénalités et des amendes dans un premier temps, mais amélioration globale des conditions de circulation et de chargement/déchargement et réduction de la concurrence déloyale de la part d'entreprises ne respectant pas les règles. Ces évolutions, cependant, se feront de façon lente, tant les villes françaises (et leurs usagers) se sont habituées à des taux élevés de non-respect des règles de circulation et stationnement ; · Des réglementations d'accès des camions et camionnettes qui vont progressivement se focaliser sur le critère de l'âge, ou de la norme Euro, notamment au sein de zones à faibles émissions, au détriment du critère traditionnel du tonnage ou de la surface au sol ; · Une ouverture possible des horaires de livraison de nuit (ou plutôt tard le soir, tôt le matin) afin de favoriser le report hors des heures de pointe de la journée, des activités de livraison ; · Une certaine homogénéisation ­ mais très lente et progressive ­ des règles sur la circulation des livraisons à l'échelle des agglomérations, à l'exemple de ce que tente aujourd'hui la Métropole du Grand Paris pour les normes Euro ; · Des vitesses autorisées sur les grands boulevards urbains et autoroutes urbaines qui vont probablement, mais plutôt aux horizons mi-2020, baisser (50 km/heure pouvant devenir une norme urbaine généralisée, même pour les voies rapides) ; · Hormis la ville de Paris, qui en parle pour le centre (arrondissements 1 à 4), la piétonisation des villes françaises semble ne pas devoir progresser beaucoup, l'essentiel des aménagements ayant été faits dans les années et décennies précédentes. En revanche, les kilomètres de pistes cyclables en zone urbaine vont s'accroître, et ceci probablement rapidement, et les professionnels doivent se préparer à intervenir dans les instances municipales ou de quartier afin de faire entendre leur voix pour que les nécessités de la livraison continuent à être bien prises en compte dans les aménagements de voirie et le design urbain ; · Probablement pas de mise en place de péages urbains avant le moyen voire le long terme. Ces péages urbains sont de fait encore assez rares en Europe (contrairement aux réglementations des vieux camions et camionnettes, au sein des Low Emission Zones) ; et en France elles sont tout particulièrement considérées avec circonspection par les autorités locales, par crainte du refus des opinions publiques ; · Dans certaines villes plus innovantes (Paris, Lyon, Toulouse, Grenoble), des outils technologiques vont sans doute être introduits pour aider les professionnels à circuler en ville (logiciels adaptés alimentés par les big data publiques des municipalités, applications dédiées, sites web informatifs) ; · Des demandes de la part des autorités municipales pour davantage de partage des données des professionnels, afin de mieux connaître les flux de livraison sans avoir à mettre en place des enquêtes ad hoc, qui se révèlent de plus en plus coûteuses pour les autorités locales ; et de pouvoir intégrer les données massives des entreprises faisant de la distribution, du transport et de la logistique dans les modèles de trafic municipaux ou régionaux. Cette « pression » envers les professionnels se fera sans doute à travers les organisations professionnelles, et non pas directement avec les entreprises concernées ; · Un immobilier logistique qui va majoritairement continuer à se développer en grande banlieue mais avec l'émergence parallèle d'un marché de niche portant sur des entrepôts urbains, allant de tout petits micro-hubs logistiques (espaces logistiques urbains) à des entrepôts de 5 à 10 000 m2. Les villes vont sans doute apprendre à accepter davantage ces équipements, voire à les favoriser dans le cadre des règlements des plans d'urbanisme ou dans celui de projets urbains. 165 RECOMMANDATIONS Améliorer les pratiques dans le secteur du commerce de gros Cette étude montre les difficultés rencontrées par les acteurs de la logistique et du transport de marchandises, et en particulier ceux du commerce de gros, en matière d'accessibilité et d'usage de la ville. Les villes, et notamment les centres-villes, sont des espaces de plus en plus contraints. Les nouveaux aménagements réduisent la place des automobiles et des camions sur la voirie. Ces espaces ne sont pas toujours adaptés à la livraison et à la circulation des véhicules de marchandises. Outre l'approvisionnement des commerces, la distribution de colis aux particuliers a renforcé les difficultés éprouvées par les secteurs de la logistique et du transport de marchandises à exercer leurs activités en ville. Cette étude a mis en évidence des évolutions que nous qualifions de « modérées » (car encore très timides et souvent inefficaces) en matière de réglementation et de régulation pour le développement de la logistique urbaine et du transport de marchandises dans les agglomérations françaises. En dépit de l'importance croissante de ces thèmes dans la recherche et de leur intégration progressive dans les objectifs des documents de planification, on ne compte qu'un faible nombre de projets urbains, de règlements locaux et d'innovation dans les pratiques des acteurs publics locaux qui soient directement ciblés sur une amélioration de la logistique en ville, ce qui ne contribue que peu à l'amélioration de la distribution urbaine. Face à une action publique encore limitée, et sans attendre que les villes ne se saisissent pleinement de ces problématiques, que peuvent les acteurs privés de la logistique et du transport eux-mêmes ? Dans la perspective d'une gouvernance publique-privée entre les acteurs de l'aménagement et les acteurs du transport et de la logistique, comment peuvent-ils coopérer autour de cette question de la distribution urbaine ? Nous proposons de terminer cette étude par des recommandations à l'égard de ces différents acteurs. 166 RECOMMANDATIONS Améliorer les pratiques dans le secteur du commerce de gros 1 Défendre la place du transport de marchandises et de la logistique au cours des réunions publiques ­ intégrer le processus démocratique Notre première recommandation concerne les réunions publiques. Lors de la mise en oeuvre d'un nouveau document de planification, qu'il s'agisse d'un PDU, d'un PLU, d'un SCoT ou d'un SRADDET, celui-ci est soumis ­ à plusieurs reprises au cours du processus ­ au débat public. Les citoyens ainsi que les représentants des entreprises ou des commerçants peuvent manifester leurs opinions et défendre leurs intérêts lors de ces réunions. Il s'agit donc pour les entreprises du commerce de gros, et a fortiori leurs représentants, de participer à autant de réunions que possible pour attirer l'attention des acteurs publics locaux sur l'accessibilité des villes au transport de marchandises. Lors de ces réunions publiques, les acteurs publics locaux consultent les entreprises et les habitants, leur avis peut être pris en compte, toutefois cela n'est pas une obligation. Ces réunions peuvent être des forums de discussion et l'occasion également de faire de la pédagogie auprès de ces acteurs qui sont souvent peu armés pour répondre concrètement aux problèmes posés par le transport de marchandises. Dans le cadre de ces consultations, les acteurs publics peuvent même organiser des ateliers préalables, des réunions avec ces acteurs ciblés représentant le transport de marchandises et la distribution urbaine. Néanmoins, cela n'est pas un automatisme et il faut sans doute que la proposition de dialogue vienne de ces professionnels eux-mêmes, qui doivent par ailleurs rester attentifs aux calendriers de rédaction de ces documents de planification. Les réunions publiques peuvent aussi concerner des projets urbains spécifiques ou des projets de transport (souvent de passagers) dans lesquels il serait pertinent de représenter le secteur de la logistique et du fret, afin qu'ils ne soient pas oubliés de la programmation et que les enjeux de distribution urbaine deviennent des réflexes automatiques chez les aménageurs. Cette participation au niveau local permet de façon complémentaire de renforcer les actions entreprises au niveau national par les syndicats et les représentants des entreprises. Une visibilité et une représentation à l'échelon le plus fin permettent de diffuser plus largement et plus en détail des idées et des bonnes pratiques. On est moins dans une approche « top-down » que dans une approche « bottom-up ». La participation à l'émergence d'une gouvernance locale entre les acteurs privés et publics peut permettre d'aboutir à une meilleure prise en compte des enjeux de la distribution urbaine dans la fabrique de la ville. Avant leur participation aux instances de concertation, les professionnels et leurs organisations telles la CGI peuvent se préparer afin de se positionner en interne sur les différents points évoqués en conclusion ci-dessus : zones à faibles émissions, livraisons de nuit, péages urbains, nouvelles technologies, espaces logistiques urbains, etc. 2 Demander aux villes de partager les données Cette étude a notamment permis de révéler l'inégal accès aux arrêtés et règles concernant la circulation et le stationnement. Certaines villes mettent en ligne les arrêtés, d'autres proposent des versions simplifiées et certaines ne les mettent pas à disposition sur internet mais par affichage en mairie ou sur demande. Sachant que chaque ville produit ses propres arrêtés et qu'au sein des agglomérations, les réglementations ne sont pas harmonisées, leur lisibilité est limitée. Notre recommandation se fonde donc sur ce constat. Les communes doivent s'organiser pour diffuser les informations concernant les restrictions de circulation et de stationnement dans toutes les parties de la ville. La mise en ligne des arrêtés est un minimum. Les chauffeurs-livreurs doivent également être incités à les consulter au préalable. Il faut donc pour cela sensibiliser et former cette profession. Le recours à la sous-traitance très fréquent dans le domaine du transport peut compliquer les possibilités de formation relative à l'encadrement réglementaire des villes, car une partie de la responsabilité incombe au commanditaire qui peut être une société de transport voire un commissionnaire. Dans un premier temps, il convient de sensibiliser ces acteurs. Les nouvelles technologies pourraient être utiles ici. Le développement d'un outil, sous forme d'application connectée au GPS du véhicule intégrant l'ensemble des réglementations des communes de l'agglomération pour les véhicules de marchandises mais également la localisation de toutes les aires de livraison. Il existe donc un potentiel dans le développement de nouvelles applications, et les concepteurs eux-mêmes de logiciels d'optimisation à destination des 167 RECOMMANDATIONS professionnels devraient être sensibilisés (6) . Les données pourront être mises à jour en temps réels par la commune ou ­ mais les conditions concrètes d'accès à la technologie devront être soigneusement planifiées ­ les commerçants (qui se font livrer) en cas de changements ou de situations inhabituelles (événements, fermetures exceptionnelles, etc.). Quelques villes comme Paris, Lyon, Nanterre ou Montrouge proposent déjà des services de géolocalisation de leurs aires de livraison, signe qu'elles disposent d'une bonne connaissance de leur parc. Le partage des données peut également se faire dans l'autre sens : les professionnels peuvent aider, par leur connaissance du terrain, à l'amélioration des outils et de la connaissance municipaux. L'existence d'une application pourrait faciliter le dialogue entre les chauffeurs-livreurs ou leurs représentants et les municipalités. Les chauffeurs pourraient au fur et à mesure de leurs tournées, renseigner leurs observations sur la localisation des aires de livraison, les difficultés rencontrées pour circuler ou s'arrêter (par exemple si les places de livraison dédiées sont régulièrement occupées par d'autres usagers, si les trottoirs ne sont pas bien dimensionnés pour manutentionner les chariots permettant la livraison du camion à l'entrée du magasin, etc.). Ces usages horizontaux (Vidal, 2013) vont permettre d'enrichir les flux d'informations liés à l'open data car les usagers vont eux-mêmes donner des informations ascendantes personnelles. Les usagers sont ainsi en même temps au service d'eux-mêmes et au service des entreprises dont ils consomment les produits ou les services (Maillet, 2006). Ces données échangées peuvent permettre d'acquérir une masse d'informations qui peuvent être intégrées à des outils, comme des applications d'aide aux déplacements. Celles-ci ont vocation à faciliter la mobilité en améliorant la maîtrise des individus sur leurs trajets et permettent de diminuer les incertitudes associées à la situation de mobilité (retard, embouteillage, etc.), et dans certains cas d'adapter leurs pratiques en temps réel. 3 Utiliser des espaces privés pour la logistique urbaine Les voies publiques sont des espaces de plus en plus contraints et le stationnement, y compris pour les particuliers, recule. Il est ainsi envisageable de se déporter, pour les fonctions logistiques, sur une offre privée dans des espaces urbains privés inexploités. À ce titre, les parkings souterrains souvent partiellement inoccupés peuvent servir de centres de consolidation dédiés au commerce de gros pour la livraison d'une zone donnée. Ils peuvent également servir de lieu de stationnement dans un quartier où les aires de livraison sont peu fréquentes ou mal localisées. L'utilisation de ces espaces privés ne demande pas d'investissement aux collectivités et se résume à une mise à disposition d'un espace pour des acteurs du transport pouvant rencontrer des difficultés d'accès au centre-ville. À Lyon, l'entreprise publique locale (EPL) Lyon Parc Auto propose depuis quelques années de réutiliser ses parkings sous-exploités pour les mettre à la disposition de transporteurs. Cette entreprise a mis à disposition un espace logistique urbain à Cordeliers aujourd'hui exploité par Deret Transporteur et Ooshop (Carrefour). L'utilisation de ces espaces de parking sous-exploités est aujourd'hui déjà pensée par de nouveaux opérateurs. Des start-ups ont vu le jour ces dernières années en proposant une offre de parking intelligent permettant de connecter tous les gisements de stationnement sous-exploités, tels que les parkings des hôtels, ceux des bailleurs sociaux ou encore ceux des résidences étudiantes et seniors (ex. : Zenpark qui compte EDF et la RATP parmi ses investisseurs). Fondées sur le modèle économique du partage et de l'optimisation du temps d'occupation des espaces, ces nouvelles entreprises s'adressent en priorité aux véhicules particuliers. Mais par analogie, on peut imaginer des entreprises proposant des offres à des opérateurs logistiques ou du transport de marchandises. Les espaces privés alloués à la logistique urbaine peuvent être partagés avec d'autres fonctions pour intensifier les usages. Ils ne sont pas nécessairement destinés à l'usage exclusif de la logistique urbaine. Dans un contexte d'économie collaborative ou partagée, il est envisageable de penser des solutions en lien avec la mixité des fonctions. (6) Des entreprises comme ANTSWAY APLUS INFORMATIQUE, GEOCONCEPT, PTV Group (liste non exhaustive). , 168 Améliorer les pratiques dans le secteur du commerce de gros Le « smart parking » déjà expérimenté avec l'aide d'une application et de capteurs au sol au niveau des places de parking à San Francisco a pour but d'optimiser le stationnement, de limiter les espaces vides, et surtout de limiter le « cruising time », autrement dit le temps passé à chercher une place. Cela doit permettre de limiter les impacts environnementaux. Shoup (2018) a calculé que dans un secteur de Los Angeles comprenant quinze pâtés de maisons seulement, les conducteurs à la recherche d'une place de stationnement ont généré 730 tonnes de CO2 en un an. À Paris, en s'appuyant sur les données fiscales et les statistiques de l'Insee, l'APUR a recensé 462 690 voitures appartenant à des ménages vivant dans les vingt arrondissements de la capitale, soit 0,42 véhicule par personne, le taux le plus bas de France. En regard, ceux-ci bénéficient de 612 610 places de résidents. En théorie donc, ce sont 150 000 aires de stationnement qui peuvent être converties pour d'autres usages, soit une zone libérée de 96 hectares (APUR, 2019). Paris-Habitat mène un travail prospectif pour inviter d'autres usages dans les parkings que ceux réservés au stationnement et à la mobilité, comme le stockage individuel, les consignes, la logistique urbaine pour les derniers kilomètres, les relais-colis tels que des armoires frigorifiques pour conserver les paniers de légumes à distribuer ou pour stocker des produits du e-commerce, et enfin l'agriculture (ex. : ferme urbaine à champignons, comme il en existe déjà une dans le 18e arrondissement). Dans le 4e arrondissement de Paris, Parking Map a été sollicité pour analyser l'usage des places de livraison en vue d'une amélioration de la gestion et du contrôle ou de la pédagogie à mettre en place. Le type d'usagers des espaces de stationnement sera observé ainsi que la durée de stationnement, révélant le taux de fraude et entravant la logistique urbaine. À Paris toujours, le projet de Sogaris développé dans le cadre de « Réinventer Paris 2 » dans la rue du Grenier-Saint-Lazare entend réutiliser un parking pour en faire un espace logistique. Sogaris propose de transformer ce parking cylindrique souterrain en un centre de services et de stockage tourné vers les commerçants et les riverains. Une conciergerie s'installera en surface. Le contexte est aujourd'hui favorable à une réflexion sur la réutilisation des espaces de parking sousutilisés pour une activité de logistique urbaine sur laquelle le commerce de gros peut se positionner. Les acteurs publics parisiens ou métropolitains y sont sensibles, si on considère les récents travaux de l'APUR. La possibilité de développer et expérimenter des solutions à Paris, puis de les diffuser dans les autres agglomérations françaises en s'appuyant sur des nouvelles technologies apparaît aujourd'hui comme une perspective opérationnelle à explorer. Si le soutien des acteurs publics peut être un avantage, leur participation n'est pas impérative. 4 Proposer des formations à la conduite en ville Cette étude a montré les difficultés d'accessibilité auxquelles les chauffeurs-livreurs font face. Les villes ne sont pas toujours très adaptées à la distribution urbaine (zone piétonne, centre-ville médiéval avec des rues étroites, compétition des usages pour la voirie, etc.), les aires de livraison quand elles sont présentes ne sont pas forcément très bien localisées. Toutes ces difficultés ont pu être évoquées au cours de cette étude. Nous formulons ici une recommandation qui permettrait aux entreprises de transport de marchandises de mettre en place des mesures leur permettant d'améliorer leurs pratiques. Sur le modèle des expérimentations à l'éco-conduite, il serait possible d'envisager des formations à la conduite dans le cadre de la livraison urbaine. La Poste, en 2007, a décidé de former ses 60 000 collaborateurs à l'éco-conduite pour permettre de réduire l'impact environnemental de la distribution de courrier, la consommation de carburant et des émissions de CO2. Les résultats de ces formations ont permis de diminuer significativement l'impact environnemental des véhicules, mais aussi de générer des bénéfices financiers et de réduire le nombre d'accidents impliquant l'entreprise. Cette expérience menée en partenariat avec l'ADEME a abouti à la création d'un guide de formation à l'éco-conduite disponible en ligne (ADEME, 2009). La mise en oeuvre d'une formation des chauffeurs-livreurs à la conduite urbaine pourrait permettre de réduire leurs impacts environnementaux, la congestion mais aussi le nombre d'accidents en ville. L'expérience menée pourrait déboucher sur la mise en oeuvre d'un guide, voire d'un label. Ces quelques recommandations ne constituent pas une liste exhaustive. D'autres solutions pourraient être envisagées afin d'améliorer les conditions d'accessibilité aux villes. Il est intéressant de noter que des solutions sont possibles à mettre en oeuvre par les entreprises de la logistique et du transport de marchandises. L'initiative et l'innovation en la matière ne reposent pas seulement sur le secteur public. 169 GLOSSAIRE APUR : Atelier Parisien d'Urbanisme AOM : Autorité Organisatrice de la Mobilité AOTU : Autorité Organisatrice des Transports Urbains CDU : Centre de Distribution Urbaine CINASPIC : Construction et Installation Nécessaire aux Services Publics ou d'Intérêt Collectif CGCT : Code Général des Collectivités Territoriales DOO : Dossier d'Orientation et d'Objectifs DRIEA : Direction Régionale des Infrastructures, de l'Économie et de l'Aménagement ELU : Espace Logistique Urbain EPCI : Établissement Public de Coopération Intercommunale IAU : Institut d'Aménagement et d'Urbanisme LAURE : Loi sur l'Air et l'Utilisation Rationnelle de l'Énergie LOADTT : Loi d'Orientation pour l'Aménagement et le Développement Durables du Territoire LOM : Loi d'Orientation des Mobilités MAPTAM : Loi de Modernisation de l'Action Publique Territoriale et d'Affirmation des Métropoles NOTRe : Loi sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République OAP : Orientations d'Aménagement et de Programmation PADD : Plan d'Aménagement et de Développement Durable PCAET : Plan Climat Air Énergie Territorial PDU : Plan de Déplacements Urbains PLH : Plan Local de l'Habitat PLU : Plan Local d'Urbanisme PLUi : Plan Local d'Urbanisme Intercommunal PPA : Plan de Protection de l'Atmosphère PTU : Périmètre des Transports Urbains RSCI : Loi relative au Renforcement et à la Simplification de la Coopération Intercommunale SCoT : Schéma de Cohérence Territoriale SRADDET : Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires SDRIF : Schéma Directeur d'Île-de-France SRU : Loi Solidarité et Renouvellement Urbains 170 TABLE DES FIGURES Figure 1. Concentration des mouvements de marchandises (livraisons et enlèvements en Île-de-France (ETMV-IDF, 2014 ; Beziat, 2017) Figure 2. Rapports entre les différents documents de planification et réglementation Figure 3. Localisation des communes échantillonnées Figure 4. Localisation des agglomérations observées en fonction de la population, l'emploi, les établissements commerciaux et logistiques Figure 5. Répartition de la population par commune dans quatre agglomérations différentes Figure 6. Répartition des surfaces d'entreposage dans quatre agglomérations Figure 7. Analyse des clusters (K-means) des communes échantillonnées Figure 8. Usage des critères de réglementation dans les arrêtés de circulation Figure 9. Périmètres de réglementation de la circulation des véhicules de marchandises Figure 10. Vignettes Crit'Air pour les poids lourds et véhicules utilitaires légers Figure 11. Zone de circulation restreinte du centre-ville élargi de Grenoble Figure 12. Zone à faible émission (ZFE) de la métropole de Grenoble Figure 13. Future zone à faible émission de la MGP Figure 14. Utilisation des critères pour réglementer la livraison dans les communes Figure 15. Recommandation ministérielle pour créer des aires de livraison (CEREMA) Figure 16. Aires de livraison partagées et sanctuarisées dans la ville de Paris (source : ville de Paris) Figure 17. Espaces déficitaires à Paris en place de stationnement pour les poids lourds (Beziat, 2017) Figure 18. Espaces déficitaires et excédentaires à Paris en place de stationnement pour les véhicules utilitaires légers (Beziat, 2017) Figure 19. Panneau de signalisation d'une aire de livraison à Lyon Figure 20. Disque de livraison pour les centres-villes de Lyon et Villeurbanne Figure 21. Règlement de circulation et livraison dans le centre-ville de Toulouse en fonction des types de véhicules (source : charte marchandises, ville de Toulouse, 2012) Figure 22. Rupture de continuité réglementaire dans la MGP (source : DRIEA, 2017) Figure 23. Les territoires et communes impliquées dans le COMOP des règlements de voirie et de livraison (source : MGP, 2018) Figure 24. Les communes d'expérimentation pour des règles de circulation et de livraison harmonisée (source : MGP, 2018) 14 28 31 35 37 39 42 45 47 49 50 51 51 52 54 54 55 55 57 58 59 61 61 62 171 TABLE DES FIGURES Figure 25. Occurrences des mots-clés du transport de marchandises dans les PLU Figure 26. Schéma du maillage logistique de Paris (source : APUR, 2013) Figure 27. Schéma de localisation des emplacements potentiels pour le développement d'une activité de la logistique urbaine (source : APUR, 2013) Figure 28. Schéma de mise en valeur de la Seine (source : PADD, PLU, Paris, 2013) Figure 29. Schéma des orientation d'aménagement et de programmation de Paris (source : OAP, PLU, Paris, 2013) Figure 30. OAP Nord-Est, Paris (source : OAP, PLU Paris 2013) Figure 31. Plan de zonage de Paris (source : Règlement, PLU, Paris, 2013) Figure 32. Extrait du Plan de zonage du PLU de La Rochelle, 2017 Figure 33. Extrait du règlement graphique du PLU de la métropole de Rennes, plan de zonage, mars 2019 Figure 34. Utilisation de l'article 12 du PLU pour fixer les conditions de la livraison et du stationnement des véhicules pour les marchandises Figure 35. Plan de zonage de la ville de Lille (source : ville de Lille) Figure 36. Plan de zonage de la ville de Grenoble (source : ville de Grenoble) Figure 37. Équipements et zones logistiques (source : DOO, SCoT Grand Lyon, 2004) Figure 38. ScoT Bordeaux ­ « Mettre l'équipement commercial au service des territoires ­ V2 Encourager les pratiques de proximité à l'échelle des quartiers et bassin de vie » Figure 39. Le chapitre 6 du DOG propose un schéma de fonctionnement à l'échelle de la centralité Figure 40. Armature logistique dans la région francilienne (source : SDRIF, 2013) Figure 41. Carte de Destination Générale du Territoire (source : SDRIF, 2013) Extrait du CDGT (source : SDRIF, 2013) Figure 42. Déchargement des conteneurs Franprix quai de la Bourdonnais, Paris, avril 2014 (source : A. Heitz) Figure 43. Projet d'immeuble inversé, logistique de proximité commerçants et riverains (source : Sogaris, Syvil architecte, CSD & Associés, ARTELIA, Lulu dans ma rue, Les Sismo, SEMAEST, 15marches, K-Ryole, Stuart, 2019) Figure 44. Projet La Folie Champerret, espace logistique e-commerce (source : Sogaris, Daniel Vaniche & Associés, SemPariSeine, DVVD, Alto, CSD & associés, Emacoustic, Carrefour property, DHL, XYT, MVAW Technologies, 2019) Figure 45. UCC Beaugrenelle, avril 2014 (source : A. Heitz) Figure 46. UCC Montorgueil, avril 2015 (source : A. Heitz) Figure 47. Entrée du terminal ferroviaire urbain (source : A. Heitz, 2019) Figure 48. Terminal ferroviaire urbain et centre de distribution urbaine opéré par DPD, Chapelle International (source : A. Heitz, 2019) Figure 49. Espace Logistique de Proximité, non loin du chantier du tramway (source : Bordeaux Métropole) 69 71 71 72 73 73 75 82 87 90 92 93 98 101 104 126 127 138 142 143 144 145 146 147 153 172 RÉFÉRENCES · ADEME (2009). Guide de Formation à l'éco-conduite. Enjeux, témoignages, méthodes. N° de réf. 6666 35 p. ­ ISBN n° 978-2- 35838-080-5 · Arvidsson, N., & Browne, M. (2013). A review of the success and failure of tram systems to carry urban freight: the implications for a low emission intermodal solution using electric vehicles on trams. European Transport Trasporti Europei (54) · APUR (2019). Évolution Du Stationnement Et Nouveaux Usages De L'espace Public Volet 3 : Évolutions Des Parkings En Ouvrage, Étude APUR, 76 p. · Beziat A. (2017) Approche des liens entre transport de marchandises en ville, formes urbaines et congestion ­ Le cas de l'Île-de-France. Thèse de doctorat, Université Paris-Est · Browne M., Allen J., Attlassy M. (2007). 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Presentation at Premières journées du pôle Ville du PRES University Paris-Est, Marne-la-Vallée, France, 20 January 2009 · Shoup D. (2018). Parking and the city · Sirjean, Boudouin (2017). Le grossiste, acteur majeur de la logistique urbaine, les éditions de la CGI. 86 p. ISBN 978-2-9509145-0-7 · Raimbault, N. (2014). Gouverner le développement logistique de la métropole : périurbanisation, planification et compétition métropolitaines. Thèse de doctorat Université Paris-Est · Toilier F., Gardrat M. (2017). Mobilité des marchandises : quelles évolutions ? Transports Environnement Circulation, ATEC ITS France, 2017, p.28-29 · Vidal G. (2013). Présentation. Les Cahiers du numérique, 9(2), p. 9-46 174 Confédération du Commerce de Gros et International 18 rue des Pyramides - 75 001 Paris Tél. : 01 44 55 35 00 - Fax : 01 42 86 01 83 www.cgi-cf.com INVALIDE)

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