Rapport d'enquête technique sur la collision entre un TER et une automobile au PN 8 de Bonneville-sur-Touques (14), le 2 novembre 2017 - Affaire n° BEATT-2017-05

Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre
Auteur secondaire
Résumé
Le 2 novembre 2017, un TER percute une automobile sur le passage à niveau n° 8, non gardé, à croix de Saint-André. Le TER qui circulait à 135 km/h déraille suite au choc.<br class="autobr" />Le bilan est de trois personnes décédées (les occupants de la voiture). Le véhicule routier a été disloqué. Les avaries sur le matériel ferroviaire sont conséquentes. La circulation ferroviaire est interrompue jusqu'au lendemain matin.<br />Le BEA-TT émet deux recommandations.
Editeur
BEA-TT
Descripteur Urbamet
accident ; enquête ; gestion de la circulation
Descripteur écoplanete
collision
Thème
Transports
Texte intégral
RAPPORT D'ENQUÊTE TECHNIQUE Juillet 2019 sur la collision entre un TER et une automobile au PN 8 de Bonneville-sur-Touques (14) le 2 novembre 2017 Ministère de la Transition écologique et solidaire www.ecologique-solidaire.gouv.fr Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre Affaire n° BEATT-2017-05 Rapport d'enquête technique sur la collision entre un TER et une automobile au PN 8 de Bonneville-sur-Touques (14) le 2 novembre 2017 Bordereau documentaire Organisme commanditaire : Ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES) Organisme auteur : Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT) Titre du document : Rapport d'enquête technique sur la collision entre un TER et une automobile au PN 8 de Bonneville-sur-Touques (14) le 2 novembre 2017 N° ISRN : EQ-BEAT--19-9--FR Proposition de mots-clés : accident, passage à niveau, signalisation, déraillement Avertissement L'enquête technique faisant l'objet du présent rapport est réalisée dans le cadre des articles L. 1621-2 à 1622-2 et R. 1621-1 à 1621-26 du code des transports relatifs, notamment, aux enquêtes techniques après accident ou incident de transport terrestre. Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents, en déterminant les circonstances et les causes certaines ou possibles de l'événement analysé et en établissant les recommandations de sécurité utiles. Elle ne vise pas à déterminer des responsabilités. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées. SOMMAIRE GLOSSAIRE...................................................................................................................................9 RÉSUMÉ.......................................................................................................................................11 1 - CONSTATS IMMÉDIATS ET ENGAGEMENT DE L'ENQUÊTE............................................13 1.1 - L'évènement.....................................................................................................................13 1.2 - Les bilans humain et matériel..........................................................................................13 1.3 - Les mesures prises après l'accident................................................................................14 1.4 - L'engagement et l'organisation de l'enquête...................................................................14 2 - CONTEXTE DE L'ACCIDENT................................................................................................15 2.1 - La ligne ferroviaire............................................................................................................15 2.2 - Les voies routières...........................................................................................................16 2.3 - Le passage à niveau n° 8................................................................................................19 2.4 - Le matériel ferroviaire accidenté......................................................................................20 2.5 - Le véhicule routier accidenté...........................................................................................21 3 - COMPTE RENDU DES INVESTIGATIONS EFFECTUÉES..................................................23 3.1 - Les déclarations et témoignages.....................................................................................23 3.1.1 -Déclaration du conducteur du TER....................................................................................................... 23 3.1.2 -Contrôle d'alcoolémie........................................................................................................................... 23 3.2 - Les investigations sur le TER accidenté..........................................................................23 3.2.1 -Les enregistrements du train................................................................................................................ 23 3.2.2 -Les dégâts sur le TER.......................................................................................................................... 24 3.3 - Les dégâts à l'infrastructure ferroviaire............................................................................25 3.4 - Les investigations sur le véhicule routier accidenté........................................................26 3.5 - Les investigations sur les aménagements routiers du chemin........................................26 3.6 - Les conditions météorologiques......................................................................................28 3.7 - Les actions menées sur la sécurisation des passages à niveau.....................................28 3.7.1 -Les actions concernant les PN sans barrières équipés de croix de Saint-André..................................28 3.7.2 -Les enquêtes précédentes du BEA-TT sur les PN de deuxième catégorie..........................................29 3.8 - La situation des PN sur la ligne de Lisieux à Trouville-Deauville....................................30 3.8.1 -Le classement des PN de la ligne......................................................................................................... 30 3.8.2 -Les conventions d'utilisation des PN privés de la ligne.........................................................................30 3.8.3 -Les accidents sur les PN de cette ligne................................................................................................31 3.8.4 -Les suites données à l'accident du 2 novembre 2017..........................................................................31 4 - ANALYSE DU DÉROULEMENT DE L'ACCIDENT ET DES SECOURS...............................33 4.1 - Déroulé chronologique pour le mobile ferroviaire............................................................33 4.2 - Hypothèse concernant l'itinéraire du véhicule routier......................................................34 5 - ANALYSE DES CAUSES ET FACTEURS ASSOCIÉS, ORIENTATIONS PRÉVENTIVES. .35 5.1 - Schéma du déroulement probable de l'accident..............................................................35 5.2 - Les causes de l'accident..................................................................................................36 5.3 - L'inspection de sécurité des passages à niveau..............................................................37 5.4 - L'amélioration de la signalisation routière et l'accès au PN 8.........................................38 5.5 - Les PN à croix de Saint-André sur les lignes circulées à 140 km/h................................39 6 - CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS.........................................................................41 6.1 - Conclusions......................................................................................................................41 6.2 - Recommandations...........................................................................................................41 ANNEXES.....................................................................................................................................43 Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête.............................................................................45 Annexe 2 : Sécurisation des passages à niveau.....................................................................46 Annexe 3 : Mesures gouvernementalses dites « D BUSSEREAU » de juillet 2008...............50 Glossaire ATESS : Acquisition et Traitement des Événements de Sécurité en Statique CEREMA : Centre d'études et d'expertises sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement DGITM : Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer GSM-GFU : Global Système for Mobil communication ­ Groupe Fermé d'Utilisateur : Système de communication sol-train par téléphone GSM. Pk : Point kilométrique PN : Passage à Niveau PSN : Programme de Sécurité National SETRA : Service d'Études sur les Transports, les Routes et leurs Aménagements. A intégré le CEREMA en janvier 2014 TER : Train Express Régional TET : Trains d'Équilibre du Territoire (anciennement « Trains Intercités ») 9 Résumé Le jeudi 2 novembre 2017, à 15 h 52, le Train Express Régional n° 852429 en provenance de Lisieux et à destination de Trouville-Deauville, percute une automobile sur le passage à niveau n° 8 sur la commune de Bonneville-sur-Touques. Ce PN est de type non gardé à signalisation en croix de Saint-André avec panneau « STOP ». Lors du choc, le TER qui circulait à la vitesse de 135 km/h a déraillé mais ne s'est pas renversé. Trois occupants étaient à bord du véhicule routier : un couple et un enfant de 11 ans. Ils ont tous trois été tués dans la collision. Aucune victime n'est à déplorer parmi les 95 personnes à bord du train. La cause directe de l'accident est que le conducteur du véhicule routier n'a pas perçu l'arrivée du train avant de traverser le PN. La cause sous-jacente est que le conducteur du véhicule routier s'est engagé dans une voie en impasse, probablement par erreur d'orientation. Puis juste après avoir traversé le PN 8, le conducteur a constaté l'absence de revêtement routier, il a vraisemblablement pris conscience de son erreur d'orientation et a entamé une manoeuvre de rebroussement. Il a effectué un retournement. Il s'est à nouveau engagé sur le PN lors de l'arrivée, sur sa droite, d'un TER. Des facteurs associés peuvent être identifiés : le diagnostic de sécurité du PN 8 n'a pas permis d'identifier les facteurs de risque liés à l'environnement comme la signalisation d'accès à une voie en impasse et l'arrêt du revêtement routier juste après le PN ; cet accès aux marais ne devrait être possible que pour des personnes avisées ; lors de la traversée de la voie ferrée, l'attention du conducteur routier, vis-à-vis de l'arrivée du train, n'a pas été attirée par un dispositif physique, lumineux et sonore. Un tel dispositif aurait été déclenché par un allumage des feux et une sonnerie, 20 secondes au moins avant l'arrivée du TER au PN et donc bien avant l'alerte sonore par le sifflet du TER, qui ne s'est produit que 8 secondes avant l'arrivée du TER. Les orientations préventives sont à rechercher dans ces domaines. Il est toutefois à noter que la vitesse élevée de circulation des trains sur cette ligne (140 km/h), a entraîné des conséquences importantes pour les deux modes de transport tant routier que ferroviaire. Les services de la préfecture, du conseil départemental et de la commune ont lancé une procédure de suppression du PN 8. Dans l'attente de la mise en oeuvre des modalités de suppression de ce PN, la signalisation routière a été renforcée à l'entrée du chemin de la Libération en provenance de la route départementale 677. Le BEA-TT émet deux recommandations, l'une concernant la mise en place, à proximité du PN, d'un dispositif interdisant l'accès du passage à niveau aux personnes autres que les ayants droit. L'autre concerne de façon générale l'automatisation des PN à croix de Saint-André situés sur des lignes circulées à 140 km/h. S'agissant de l'évolution des inspections de sécurité des PN, la problématique ayant déjà été traitée par une recommandation du rapport sur l'accident de Millas survenu le 14 décembre 2017, le BEA-TT ne formule pas de nouvelle recommandation. 11 1 - Constats immédiats et engagement de l'enquête 1.1 L'évènement Le jeudi 2 novembre 2017, à 15 h 52, le Train Express Régional (TER) n° 852429 en provenance de Lisieux et à destination de Trouville-Deauville, percute une automobile sur le passage à niveau n° 8 (PN 8), non gardé, à croix de Saint-André avec STOP, sur le chemin de la Libération de la commune de Bonneville-sur-Touques. Le TER circulait à la vitesse de 135 km/h. Sous le choc, il a déraillé du premier bogie et a percuté un poteau caténaire. La rame ne s'est pas renversée. Figure 1 : localisation de l'accident 1.2 - Les bilans humain et matériel Les trois occupants du véhicule routier (un couple et un enfant de 11 ans) ont été tués dans cette collision. Aucune victime n'est à déplorer parmi les 95 personnes à bord du TER. Le conducteur et l'un des passagers du TER ont, néanmoins, été choqués. Le véhicule routier a été disloqué lors de la collision. La carcasse principale a été projetée à 70 m du PN mais d'autres éléments ont été éparpillés sur les 400 m qui séparent le PN de l'avant du TER sur lequel le capot de la voiture a été retrouvé. Les avaries sur la rame tant sur la carrosserie que sur les éléments de sécurité sous la cabine de conduite sont conséquentes. Les avaries sur l'infrastructure ferroviaire concernent principalement la voie elle-même et les installations de traction électrique. Du point de vue de l'exploitation ferroviaire, la circulation ferroviaire a été interrompue jusqu'au lendemain matin ; 10 trains ont été supprimés. 13 1.3 - Les mesures prises après l'accident Le conducteur du train a déclenché le signal d'alerte lumineux et a avisé l'agent circulation de Lisieux afin d'arrêter toute circulation ferroviaire se dirigeant vers le lieu de l'accident. Puis, il a appelé les secours en se rendant à l'endroit du choc accompagné d'un voyageur médecin qui s'est proposé de l'accompagner. Le Plan ORSEC NOVI1 a été immédiatement déclenché. Les services de secours et de police se sont rendus très rapidement sur place et ont constaté le décès des trois occupants du véhicule léger. Les voyageurs ont été invités à cheminer le long de la voie, par l'avant du train, afin d'être transportés jusqu'à Deauville par véhicules routiers. Le TER a été remis sur rail dans la nuit du 2 au 3 novembre puis à l'aide d'un engin de secours acheminé à Lisieux à la vitesse de 10 km/h. La circulation a été interrompue sur la ligne jusqu'au lendemain 3 novembre en milieu de journée, sous couvert d'une limitation de vitesse à 40 km/h au niveau du PN 8, jusqu'à réparation de l'infrastructure. 1.4 - L'engagement et l'organisation de l'enquête Au vu des circonstances de cet accident, le directeur du bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) a ouvert le 9 novembre 2017 une enquête technique en application des articles L 1621-1 à L 1622-2 du Code des transports. Les enquêteurs du BEA-TT ont contacté les autorités judiciaires pour coordonner les enquêtes. Ils se sont rendus sur place et ont rencontré l'officier de police judiciaire en charge de l'enquête. Ils ont pu disposer de l'ensemble des pièces et documents nécessaires à leurs analyses, et en particulier les témoignages écrits et rapports d'enquêtes établis par les exploitants. 1 Plan ORSEC NOVI : ORganisation des SECours ­ Nombreuses VIctimes 14 2 - Contexte de l'accident Les passages à niveau, permettant l'intersection d'une voie ferrée et d'une voie routière, sont classés par arrêtés préfectoraux suivant quatre catégories 2 définies par l'arrêté du 18 mars 19913 modifié du ministère en charge des transports, en fonction notamment des caractéristiques des circulations ferroviaires et routières et des conditions de visibilités de l'intersection. 2.1 - La ligne ferroviaire La ligne de Lisieux à Trouville-Deauville, numérotée 390000, est constituée d'une seule voie. Elle a été électrifiée en 25 000 V alternatif en 1996. Un trafic exclusivement voyageurs (TER et TET4) y est assuré depuis la gare de Lisieux, où se trouve le poste de commande des installations de signalisation de cette ligne. La vitesse maximale est de 140 km/h. La ligne est équipée du système GSM-GFU5 de communication sol-train par téléphone GSM. Cette ligne est équipée du système de sécurité d'espacement des trains automatique appelé « block automatique à permissivité restreinte de voie banalisée ». Chaque jour,22 trains, 11 dans chaque sens, circulent sur cette ligne. La ligne de Lisieux à Trouville-Deauville comporte 13 PN dont 2 relèvent de la deuxième catégorie et sont équipés de croix de Saint-André avec STOP. Il s'agit des PN 8 et PN 7 voisins l'un de l'autre de 650 m, sur la même commune de Bonneville-sur-Touques. La signalisation ferroviaire prévoit l'usage, par le conducteur d'un train, du sifflet au droit d'un panneau « S », à l'approche des PN non gardés 7 et 8. Les panneaux S sont implantées de part et d'autre du PN 8 au point kilométrique 214+691 en provenance de Lisieux et au point kilométrique 215+322 en provenance de Trouville-Deauville, soit à la distance, respectivement, de 311 m et 320 m du PN. Figure 2 : extrait du schéma de signalisation avec l'implantation des panneaux « S » 2 L'annexe 2 présente ces quatre catégories 3 Arrêté du 18 mars 1991 relatif au classement, à la réglementation et à l'équipement des passages à niveau 4 TER : Train Express Régional ; TET : Train d'Équilibre du Territoire 5 Global Système for Mobil communication ­ Groupe Fermé d'Utilisateur 15 2.2 - Les voies routières Figure 3 : carte du réseau routier à proximité du PN 8 La route départementale 677 (RD677) relie Pont-l'Évêque à Deauville. De Canapville jusqu'à Trouville, la voie ferrée de Lisieux à Trouville-Deauville se situe entre la RD677 et la Touques. La Touques est un fleuve côtier, au parcours assez sinueux, entouré de zones marécageuses, jusqu'à proximité de son embouchure dans la Manche entre Deauville et Trouville-sur-Mer, par un estuaire ensablé, après un parcours de 108,4 km. Sur la commune de Bonneville-sur-Touques, le chemin de la Libération est une voie communale (VC 102). Il relie la RD677 à quelques habitations, dont un gîte, jusqu'au PN 8, puis donne accès à 4 champs dont 3 clôturés ; le premier à 50 m, le deuxième à 120 m et les deux autres à 200 m (voir figure 4 ci-dessous). 16 Figure 4 : vue du chemin de la Libération et de son environnement Le chemin de la Libération est recouvert d'un revêtement bitumineux entre la RD677 et le PN 8. Ce revêtement s'arrête environ 10 m au-delà du PN 8. Ensuite il s'agit d'un chemin en terre (figure 5 ci-dessous). 17 Figure 5 : chaussée aux abords du PN 8, côté Touques L'arrêté préfectoral du 14 février 1995 a classé le PN 8 de Bonneville-sur-Touques en deuxième catégorie conformément à l'arrêté du 18 mars 1991 modifié relatif au classement, à la réglementation et à l'équipement des passages à niveau. Il s'agit donc d'un PN public pour voitures équipé d'un signal de position : panneau G1 « croix de Saint-André » complété par un panneau AB4 « STOP » (signal d'arrêt) de chaque côté de la voie. Une ligne d'effet du STOP est visible au sol. La largeur de la chaussée est de 5 m et la longueur de la traversée de 8 m entre les deux panneaux STOP. Figure 6 : le PN 8 sur le chemin de la Libération en provenance de la RD677 Aucune limitation de vitesse spécifique n'est signalée sur le chemin de la Libération. La vitesse maximale autorisée est donc celle définie par la règle générale hors agglomération, à savoir 90 km/h à la date de l'accident. La signalisation routière avancée et de position du PN 8, constatée sur place, est conforme à l'instruction interministérielle sur la signalisation routière (IISR). 18 2.3 - Le passage à niveau n° 8 Le PN de Bonneville-sur-Touques est situé au kilomètre 215+002 de la ligne 390000 Lisieux à Trouville-Deauville. Il se situe sur le chemin de la Libération de la commune de Bonneville-sur-Touques et donne accès à une voie sans issue. L'angle formé par la voie ferrée et le chemin de la Libération est de 90°. La voie ferrée est en ligne droite au droit du PN. Il n'y a donc pas de différence de hauteur entre les deux files de rail. Un platelage en bois permet la traversée du PN, par les véhicules routiers, sans difficulté technique. La voie ferrée est plane en amont du PN (côté Lisieux ­ provenance du TER) et amorce une très légère descente (2/1000) en aval du PN vers Deauville. Figure 7 : voie en alignement côté Lisieux depuis le PN 8, en provenance de la RD677 Le moment de circulation du PN, produit du nombre moyen journalier de circulations ferroviaires (23) par le nombre moyen de circulations routières (1), était de 23 lors du comptage réalisé en 2016. Ce moment de 23 est très faible ; il a cependant été constaté une circulation de 3 véhicules lors d'une visite d'une demi-heure. La vitesse des circulations ferroviaires, au droit de ce PN est de 140 km/h. La voie ferrée est bordée d'arbres mais la visibilité, pour un véhicule routier arrêté au droit du panneau AB4 « STOP » du PN, est d'environ 500 m. La visibilité exigée, conformément à l'arrêté du 18 mars 1991 modifié, est de 287 m. Par ailleurs, le PN 8 de Bonneville-sur-Touques ne figure pas dans la liste des PN inscrits au programme de sécurisation national, établie par l'instance de coordination de la politique nationale d'amélioration de la sécurité des passages à niveau. Enfin, en application du programme d'actions pour le traitement de la sécurité des passages à niveau décidé en 2008, le PN 8 de Bonneville-sur-Touques a fait l'objet de diagnostics de sécurité en date du 25 février 2015 et, du fait d'un moment inférieur à 150, ne fait pas partie de la liste des PN devant être équipés de barrières et de feux clignotants. 19 Figure 8 : vue sur la voie ferrée côté Lisieux depuis un véhicule en provenance des marais, arrêté au droit du panneau AB4 « STOP » du PN 8 2.4 - Le matériel ferroviaire accidenté Le TER accidenté est constitué de la rame AGC (automotrice de grande capacité) à traction thermique (Diesel) X76631. Elle comporte 3 caisses et 4 bogies 6. Sa longueur est de 57,4 mètres et son poids à vide de 118,9 tonnes. La motrice avant est la n° 76631 et la motrice arrière est la n° 76632. Figure 9 : rame AGC du type 76500. Cette rame comme toutes celles assurant le service voyageur TER de cette ligne est exploitée par l'entreprise ferroviaire SNCF Mobilités. 6 Bogie : ensemble de 2 essieux et de 4 roues 20 Cette rame, X76631, a été mise en service le 13 janvier 2006 et avait déjà parcouru 1 291 911 km. Les opérations de maintenance sur cette rame ont été réalisées conformément aux directives définies dans les documents du référentiel ferroviaire de SNCF Mobilités. La dernière maintenance préventive a été réalisée le 27 octobre 2017 dans les ateliers du technicentre de Caen. Ce TER assure la liaison de Lisieux à Trouville-Deauville sous le numéro de train 852429 ; le départ de la gare de Lisieux a eu lieu à 15 h 35 et l'arrivée à la gare de Trouville-Deauville était prévue à 15 h 57. Le TER a marqué un arrêt d'une minute à 15 h 47 en gare de Pont-l'Évêque. Le 2 novembre 2017, le TER 852429 est le 14 e train à circuler sur cette ligne et il est à l'heure. 2.5 - Le véhicule routier accidenté Le véhicule routier est de marque BMW Série 3 modèle 330D de couleur blanche. Il comporte quatre portes. Il est équipé d'une boite automatique. Le moteur fonctionne au gasoil, sa cylindrée est de 3 litres et sa puissance de 190 kW. La puissance fiscale est de 15CV. Il a été mis en circulation en février 2013. Le dernier contrôle technique a été réalisé le 29 août 2017. Trois passagers sont à bord, un couple et un enfant de 11 ans. Figure 10 : BMW série 3 Il n'a pas été possible de retrouver la trace de l'utilisation d'un système de navigation au moment de la collision. 21 3 - Compte rendu des investigations effectuées Les résumés ci-dessous sont établis par l'enquêteur sur la base des déclarations écrites dont il a eu connaissance. Ne sont retenus que les éléments qui paraissent utiles pour éclairer la compréhension et l'analyse des événements et pour formuler des recommandations. Il peut exister des divergences entre les différents témoignages recueillis ou avec les constats ou les analyses présentées par ailleurs. 3.1 - Les déclarations et témoignages 3.1.1 - Déclaration du conducteur du TER Le conducteur est titulaire d'une licence délivrée le 10 mai 2017. Il est autorisé à la conduite sur cette ligne, notamment, et de ce type d'engin. Le 2 novembre 2017, le conducteur a pris son service à Caen à 12 h 45, il s'est rendu à Lisieux comme voyageur afin de réaliser son premier train de la journée. Il s'agit du TER 852429 qui a quitté Lisieux à 15 h 35 pour se rendre à Trouville-Deauville, en desservant les gares de « Le grand jardin » et de « Pont-l'Évêque ». L'arrivée à Trouville-Deauville était prévue à 15 h 57. Le conducteur a déclaré qu'il circulait à 135 km/h, qu'il a actionné son sifflet en approche du PN 8. Il a aperçu un véhicule blanc s'avancer doucement vers le PN, il a donc à nouveau actionné le sifflet. Puis en voyant le véhicule blanc continuer à avancer sur le PN et engager le gabarit ferroviaire, le conducteur a freiné et n'a pu éviter le choc avec le véhicule. Le TER a déraillé et a heurté un poteau caténaire. Le conducteur du TER a constaté des débris de verre et a attendu l'immobilisation de son train. Après avoir fait l'annonce aux voyageurs afin qu'ils ne sortent pas du train, il a ouvert une porte. Un médecin lui a proposé de l'accompagner. Ils se sont dirigés vers la voiture accidentée. 3.1.2 - Contrôle d'alcoolémie Les forces de l'ordre ont pratiqué, sur le conducteur du TER, un test de dépistage de l'imprégnation alcoolique et de produits stupéfiants. Ces tests se sont révélés négatifs. 3.2 - Les investigations sur le TER accidenté 3.2.1 - Les enregistrements du train Le dépouillement de l'enregistreur des données ATESS7 montre que : à 15:35:18 : le conducteur est parti, à l'heure, de la gare de Lisieux. à 15:48:08 : le conducteur est parti, à l'heure, de la gare de Pont-l'Évêque. à 15:51:44 : le conducteur a actionné le sifflet une première fois. Il circule à 135 km/h et se situe à 977 m du PN 8 ; cela correspond au respect du panneau S situé au point kilométrique 214+025 en amont du PN 7. 7 ATESS : Acquisition et Traitement des Événements de Sécurité en Statique 23 à 15:52:02 : le conducteur a actionné le sifflet une deuxième fois. Il circule alors à 136 km/h et se situe à 311 m du PN 8 (cf. figure 11), soit au passage du panneau S situé au point kilométrique 214+691 en amont du PN 8. à 15:52:04 : le conducteur a actionné à nouveau le sifflet, probablement parce qu'il a aperçu le véhicule routier sur sa gauche. à 15:52:10 : le conducteur a positionné son manipulateur de conduite directement sur la position freinage et appuie aussitôt sur le bouton d'arrêt d'urgence. à 15:52:36 : le TER a été arrêté à environ 420 m après le PN 8 Figure 11 : extraits du fichier d'acquisition des données de conduite du TER n° 852429 3.2.2 - Les dégâts sur le TER La rame a déraillé de son premier bogie, soit 2 essieux, sur environ 350 m. Figure 12 : déraillement du premier bogie 24 Les dégâts occasionnés sur le TER : Déformation de l'attelage automatique, arrachement des différentes jupes sous cabine, du chasse-obstacle et du côté de la cabine de conduite. Une partie du carénage de la cabine de conduite a été retrouvé enroulé autour du poteau caténaire 8 215/5 situé à 240 m du PN. Détérioration du bogie déraillé et des suspensions, détérioration du système de frein de l'élément moteur avant et déformation du support du patin de frein électromagnétique. Déformation de l'ossature des éléments sous caisse avec arrachement des liaisons pneumatiques et électriques. Détérioration du carter du moteur et du réservoir et détérioration des systèmes de répétition des signaux et de contrôle de vitesse. Fissurations de nombreuses vitres et arrachement de différents pièces sur les portes. Figure 13 : détérioration de la cabine et du premier bogie 3.3 - Les dégâts à l'infrastructure ferroviaire Les dégâts occasionnés sur l'infrastructure ferroviaire sont des conséquences de l'accident. Ils ont nécessité le remplacement de 600 traverses détériorées par le déraillement et 3 poteaux caténaires vrillés et leur armement9. Une chambre de tirage de câble, endommagée, a dû être refaite. Les réparations ont été réalisées sous couvert d'une limitation temporaire de vitesse de la ligne à 40 km/h. 8 Caténaire : installation de traction électrique 9 L'armement d'un poteau caténaire correspond à l'ensemble des pièces mécaniques permettant le positionnement de la caténaire (ligne de traction électrique) au-dessus de la voie ferrée. 25 3.4 - Les investigations sur le véhicule routier accidenté Le véhicule routier a été percuté par le TER sur son avant droit, puis poussé en dehors de la voie. Le véhicule a ensuite été éparpillé le long de la voie, à gauche dans le sens de circulation du TER. Le capot avant du véhicule est resté accroché au TER. Figure 14 : véhicule routier après l'accident 3.5 - Les investigations sur les aménagements routiers du chemin L'accès au chemin de la Libération ne peut se faire que depuis la RD677. À l'entrée, un panneau C13a (voie en impasse) est implanté à droite de la voie et un panneau B13 « accès interdit aux véhicules de plus de 8 tonnes », à gauche de la voie. Figure 15 : signalisation à l'entrée du chemin de la Libération depuis la RD677. 26 Sur ce chemin, la signalisation visible par un véhicule en provenance de la RD677 est la suivante : à 150 m du PN, un panneau A8 (passage à niveau sans barrières ni demi-barrières) complété par un panonceau M5 « STOP à 150 m » ; à 3,20 m de la voie ferrée un panneau G1 « croix de Saint-André » surmontant un panneau AB4 « STOP » ainsi qu'une ligne d'effet du STOP ; sur la gauche de la chaussée un panonceau précise « Défense absolue de toucher aux fils électriques, même tombés à terre. Danger de mort ». La même signalisation avancée et de position est mise en place de l'autre côté du PN 8. Figure 16 : signalisation avancée et de position au PN 8 À noter que l'inspection de sécurité du PN 8, réalisée le 25 février 2015, ne mentionnait que le manque de balises de jalonnement J1010 sur la signalisation routière en approche du PN. Les enquêteurs du BEA-TT n'ont pas eu connaissance des suites données à ce constat. Néanmoins, l'instruction interministérielle sur la signalisation routière (IISR) qui définit en son article 35 la signalisation avancée pour les PN sans barrières ni signalisation automatique apporte une réponse. Le 2e alinéa du paragraphe A de cet article stipule que la mise en place de balises J10, sans être obligatoire, est recommandée pour les passages à niveau à circulation automobile notable. Dans le cas du PN 8, la circulation routière ne peut être considérée comme notable, et les balises de jalonnement sont donc non obligatoires. 10 Balises de jalonnement J10 en approche d'un PN : pancartes comportant 3, 2 et 1 bandes obliques rouges et placées respectivement à 150, 100 et 50 m. 27 3.6 - Les conditions météorologiques Le relevé de la station météo proche de Deauville précise que le ciel est très nuageux, sans précipitation, le 2 novembre 2017 vers 16 h. Ces conditions étaient sans influence sur la visibilité. 3.7 - Les actions menées sur la sécurisation des passages à niveau 3.7.1 - Les actions concernant les PN sans barrières équipés de croix de Saint-André Ces passages à niveau dépourvus de barrières mais équipés du dispositif de croix de Saint-André complété par un signal d'obligation d'arrêt STOP, sont classés en deuxième catégorie par arrêté préfectoral. L'annexe 2 présente le classement des PN en 4 catégories (extrait de l'arrêté ministériel), les instances nationales pour la sécurisation aux PN ainsi que des extraits des plans de sécurisation énoncés à la date de l'accident du présent rapport. L'une des mesures figurant dans le plan de sécurisation de juillet 2008, énoncé à la suite de la collision entre un TER et un autocar scolaire qui s'est produite le 2 juin 2008 11, concerne les PN de deuxième catégorie. Ces PN étaient considérés comme plus accidentogènes que les PN équipés de signalisation automatique. L'intitulé de la mesure 18 (voir annexe 3), tel qu'il a été présenté dans le plan de juillet 2008 est le suivant : « Modifier la réglementation pour rendre obligatoire d'ici 5 ans, les barrières sur tous les PN où la vitesse des trains est supérieure à 90 km/h et les feux clignotants sur tous les PN où la vitesse des trains est supérieure à 40 km/h. » Suite à la demande de Réseau Ferré de France, une évolution de cette mesure a été adoptée, en 2012, par l'instance nationale pour la sécurisation des passages à niveaux. Il s'agit d'imposer l'équipement d'une signalisation automatique, lumineuse et sonore complétée de deux demi-barrières pour les PN non gardés à croix de Saint-André sur des lignes dont la vitesse des trains est supérieure à 60 km/h et dont le moment12 est supérieur à 150. Le PN 8 de Bonneville-sur-Touques, dont le moment de circulation avait été évalué à 23, ne fait plus partie de la liste des PN à automatiser alors qu'il l'était dans le cadre de la première formulation de la mesure. Cependant, le moment de ce PN a été calculé sur une estimation de 1 circulation routière journalière. Cette valeur est certainement avérée en moyenne, mais la zone marécageuse au-delà du PN 8 est soumise à une fréquentation plus importante du fait qu'elle représente une zone de chasse, de pêche et de promenade. La valeur de ce moment est donc variable en fonction des saisons, et peut être supérieure à certaines périodes de l'année. De plus, la vitesse des trains sur ce PN est de 140 km/h et les conséquences de cette collision auraient pu être plus dramatiques pour les voyageurs du TER, compte tenu du déraillement de la rame. 11 Le BEATT a émis un rapport sous l'intitulé « Enquête technique sur la collision entre un TER et un autocar, le 2 juin 2008 au passage à niveau n° 68 à Allinges (74) ». Il est consultable sur http://www.beatt.developpement-durable.gouv.fr. 12 Le moment d'un PN est le produit arithmétique entre le nombre moyen journalier de circulations ferroviaires et le nombre moyen journalier de circulations routières 28 3.7.2 - Les enquêtes précédentes du BEA-TT sur les PN de deuxième catégorie Une collision entre un TER et un camion est survenue le 27 septembre 2010 sur le PN 76 de la commune de Gimont (32)13. La cause directe de l'accident est l'incapacité pour le camion de franchir le passage à niveau avant que le train ne l'atteigne. L'un des facteurs déterminants était un délai insuffisant pour la perception du train par le conducteur du camion arrêté et le temps de franchissement du PN par l'ensemble routier. Le second facteur correspond au tracé sinueux de la voie communale en approche du PN. Trois recommandations ont été émises par le BEA-TT. La première rappelle la démarche d'automatisation préconisée par la mesure 18 du plan d'action gouvernemental de juillet 2008. Les deux autres recommandations relèvent des aménagements routiers locaux en privilégiant la suppression du PN 76. Le PN 76 a, depuis, été supprimé. Une collision entre un TER et une automobile, survenu le 4 décembre 2011 sur le PN 65 de la commune du Breuil (69)14. La cause directe de cet accident est l'engagement de l'automobile sur le passage à niveau très peu de temps avant l'arrivée du train. Les circonstances de cet accident semblent être qu'à la suite d'un engagement par erreur dans une voie en impasse, l'automobile repartait en marche arrière sur un chemin étroit non revêtu. Les deux facteurs déterminants qui ont été établis, sont : l'absence de signalisation routière informant les usagers s'engageant sur l'ancienne route départementale puis sur le chemin communal franchissant le passage à niveau, de leur caractère sans issue ; l'ouverture à la circulation publique d'un passage à niveau sans barrières, à croix de Saint-André, qui n'est fréquenté que par quelques riverains et est situé sur un chemin en terre et en impasse et où tout demi-tour est malaisé. Trois recommandations ont été émises par le BEA-TT. La première relève de la sécurisation des PN à croix de Saint-André, comme pour l'accident de Gimont. La deuxième demande que des mesures soient prises afin de limiter l'accès de ce PN aux seuls riverains. La troisième concerne la suppression du PN 65 et dans l'attente, d'en limiter strictement l'accès aux seuls riverains. Le PN 65 a, depuis, été supprimé. De ces deux accidents, les circonstances du second s'apparentent fortement à celui du PN 8 de Bonneville-sur-Touques. En effet, il s'agit de l'engagement, probablement par erreur, d'un véhicule routier dans une impasse le conduisant au franchissement d'un PN non gardé. Cependant, contrairement au cas du PN 65 pour lequel il y avait plusieurs accès dont l'un ne portait aucune mention d'impasse, à l'entrée de la seule voie d'accès au PN 8 la signalisation routière mentionnait la voie en impasse par un panneau C13a (cf figure 15). 13 Le BEATT a émis un rapport sous l'intitulé « Enquête technique sur la collision entre un TER et un camion est survenue le 27 septembre 2010 sur le PN 76 à GIMONT (32) ». Il est consultable sur http://www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr 14 Le BEATT a émis un rapport sous l'intitulé « Enquête technique sur la collision entre un TER et une automobile, survenue le 4 décembre 2011 sur le PN 65 au Breuil (69) ». Il est consultable sur http://www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr 29 3.8 - La situation des PN sur la ligne de Lisieux à Trouville-Deauville 3.8.1 - Le classement des PN de la ligne La ligne de Lisieux à Trouville-Deauville comporte 13 PN dans les quatre catégories prévues à l'article 1 de l'arrêté du 18 mars 1991 modifié relatif au classement, à la réglementation et à l'équipement des passages à niveau. Leur classement est le suivant : 7 PN sont de première catégorie et sont équipés de signalisation automatique lumineuse ; 2 PN, dont le PN 8, sont de deuxième catégorie et sont équipés de croix de Saint-André avec STOP ; 1 PN est de troisième catégorie, c'est-à-dire un PN public pour piétons ; 3 PN sont de quatrième catégorie, à savoir des PN privés pour voitures avec barrières manuelles dont 2 sans passage piétons accolé. Le second PN équipé de croix de Saint-André avec STOP est le PN 7 qui est voisin de 650 m sur la même commune de Bonneville-sur-Touques (voir figure 2). 3.8.2 - Les conventions d'utilisation des PN privés de la ligne L'arrêté du 18 mars 1991 modifié précise que ces « PN sont utilisés sous la responsabilité des particuliers ou des personnes morales ou publiques ou privées, auxquels, à leurs risques et périls, le droit d'utilisation de ces traversées est réservé dans les conditions prévues dans une convention signée avec l'exploitant ferroviaire ». En l'occurrence l'exploitant ferroviaire est SNCF Réseau. Sur le PN 4 bis (pk 194+271), situé sur la ville d'Ouilly-le-Vicomte, une convention de 1987 permet l'accès à 3 utilisateurs. Sur le PN 10 bis (pk 201+641), situé à Fierville-les-Parcs, ce sont 8 utilisateurs qui ont accès : un projet de convention a été établi en 2008, mais n'a pas été signé. Sur le PN 15 bis (pk 205+894), situé à Saint-Julien-sur-Calonne, il y a un seul permissionnaire et deux personnes formées à l'utilisation du PN. Il n'a pas été établi de convention. Dans le référentiel général (RRG 21011 15) de SNCF Réseau, la politique de suppression des passages à niveau vise également les PN privés. Il est à noter que les conventions sont nominatives et nullement cessibles. Une convention est d'office caduque en cas de changement de propriétaire. SNCF Réseau a engagé la mise à jour des conventions sur les PN privés. Le comptage de véhicules qui avait été réalisé sur le PN 8, en février 2016, faisait mention d'un nombre moyen journalier de 23 véhicules ferroviaires et de 1 véhicule routier. Le PN 8 peut donc s'apparenter à un PN privé. Il est légitime de se demander si la proposition de déclasser ce PN de la deuxième à la quatrième catégorie 16 sous couvert d'une barrière et d'une convention avec les utilisateurs permettrait d'éviter le retour d'un accident comme celui du 2 novembre 2017 tout comme le précédent accident sur ce PN 8 qui était survenu le 22 novembre 2002 (voir paragraphe suivant). 15 Réseau Référentiel Général : RRG 21001 « Politique sécurité passages à niveau » 16 Voir article 2.1 pour le classement des PN 30 Cependant lors de l'analyse des suites données à l'accident, objet du présent rapport, et qui seront présentées en paragraphe 3.8.4 à suivre, il a été précisé que « plusieurs dizaines de personnes d'une association de chasseurs peuvent emprunter ce PN auxquels il faut ajouter des promeneurs qui déambulent dans cette zone de marécages à la flore et à la faune diversifiée ». Dans ces conditions, l'option du déclassement du PN en PN privé ne peut être retenue. Néanmoins, lors d'une visite sur site en janvier 2019, il a été constaté la circulation d'un utilitaire suivi de deux véhicules légers sur ce PN 8. La circulation routière sur ce PN 8 est assez faible en moyenne, mais peut substantiellement augmenter en fonction des saisons. 3.8.3 - Les accidents sur les PN de cette ligne Il est à noter qu'un accident de même nature s'est déjà produit le 22 novembre 2002 sur le PN 8 et avait causé le décès du conducteur et unique passager d'un véhicule léger. De façon plus récente : Le 20 décembre 2017, sur le PN 5 à Canapville, un véhicule léger a été percuté par le TER 852426 (sens Trouville-Deauville vers Lisieux). Le PN 5 est un PN équipé d'une signalisation automatique lumineuse à deux demi-barrières (SAL2). Malgré les barrières basses et le fonctionnement normal de la signalisation automatique, le véhicule routier engageait le gabarit17 de la voie ferrée à l'approche du TER. Le conducteur du véhicule routier n'a été que légèrement blessé. Le 21 janvier 2018, sur le PN 10, également équipé de SAL 2, situé à Saint-Arnoult sur la RD27b, un véhicule casse la barrière et traverse le PN au moment du passage du TER 852478 en provenance de Trouville-Deauville. Le conducteur du véhicule décède lors de la collision. De ces deux accidents, l'un était probablement dû à une imprudence et le second à un acte délibéré. Ces deux PN étaient pourtant équipés de signalisation automatique lumineuse et sonore avec deux demi-barrières. 3.8.4 - Les suites données à l'accident du 2 novembre 2017 Un projet de suppression du PN 8 et la mise en oeuvre d'une signalisation automatique lumineuse et sonore avec demi-barrières au PN 7, a été approuvé par délibération du conseil municipal de Bonneville-sur-Touques en séance du 7 juin 2010. Ce projet était assujetti à la création de la déviation de Canapville. En novembre 2014, une association « pays d'Auge Nature et Conservation » s'est opposée à la déviation de Canapville. Il était rappelé que 220 espèces sont recensées au total dont quelques espèces reconnues comme protégées nationalement. En 2015, le préfet du Calvados émet un avis défavorable à la création de la déviation de Canapville vu son impact sur l'environnement et demande au département d'étudier de nouveaux scénarios ayant un moindre impact sur les milieux naturels. Cette étude devait être présentée courant 2018. À la suite de l'accident du 2 novembre 2017, plusieurs réunions, ayant pour objet la suppression du PN 8 de Bonneville-sur-Touques, ont été pilotées par la sous-préfecture de Lisieux. À ces réunions participent des représentants du conseil départemental, de la commune de Bonneville-sur-Touques, de SNCF Réseau. 17 Pour un véhicule ou tout autre objet ou personne, « engager le gabarit ferroviaire » signifie que cette personne ou objet peut être percuté par un train ou soumis à l'effet de souffle au passage du train. L'effet de souffle pouvant générer un déséquilibre d'une personne et entraîner sa chute. 31 Les démarches engagées, à la date d'avril 2019, peuvent être résumées ainsi : SNCF réseau a proposé la réalisation d'un chemin de rabattement du PN 8 vers le PN 7, qui longerait la voie SNCF, du côté des marais. SNCF Réseau réalisera les études concernant la loi sur l'eau. Le conseil départemental a modifié la signalisation routière sur la RD677. Il s'agit de la mise en place de panneaux C13b (voie sans issue) sur la RD677 en provenance de Pont-l'Évêque et de Deauville ainsi qu'un panneau B1 (sens interdit) avec le panonceau M9z portant la mention « sauf ayants droit » tel que présenté dans la figure 17. Figure 17 : nouvelle signalisation routière mise en place fin 2018 Lors de la réunion qui s'est tenue en avril 2019, le projet du chemin de rabattement allant du PN 7 vers le PN 8 et longeant la voie ferrée, du côté des marais, est acté. Le planning du projet n'est pas encore défini, des études notamment concernant la loi sur l'eau sont encore à entreprendre. Cette démarche devrait permettre d'éviter les accidents comme celui du 2 novembre 2017 et également celui du 22 novembre 2002. 32 4 - Analyse du déroulement de l'accident et des secours 4.1 Déroulé chronologique pour le mobile ferroviaire Les Informations qui suivent sont issues du relevé ATESS18 du TER à 15:35 : le TER a quitté la gare de Lisieux ; à 15:47 : le TER a assuré la desserte voyageur en gare de Pont-l'Évêque ; à 15:51:44 : le conducteur a actionné le sifflet au passage du panneau S située au point kilométrique 214+025, Le TER se trouve alors à 977 m en amont du PN 8. Il circule alors à 135 km/h ; à 15:52:02 : le conducteur a actionné le sifflet au passage du panneau S situé au point kilométrique 214+691, à 311 m en amont du PN 8. Il circule alors à 136 km/h ; à 15:52:04 : le conducteur a actionné à nouveau le sifflet, à la vue d'un véhicule blanc sur la gauche du PN 8 ; à 15:52:10 : le conducteur a coupé la traction et positionné son manipulateur de conduite directement sur la position freinage dans un même geste, il appuie aussitôt sur le bouton d'arrêt d'urgence. Puis le TER percute l'avant droit du véhicule sur le PN 8 et l'emmène sur la voie. Lors du choc, le premier bogie du TER déraille. Le véhicule est poussé sur le côté gauche de la voie et est disloqué. Le côté gauche du TER a frotté les poteaux caténaires. Une pièce du carénage du TER s'est enroulé autour du poteau caténaire 215/5 ; à 15:52:36 : le TER est arrêté à environ 420 m du PN 8. Le TER s'est arrêté en 600 m. Le conducteur a déclenché le signal d'alerte lumineux et informé le service de la circulation de la collision ; dès l'arrêt de son TER, le conducteur a avisé les services de la circulation afin d'interdire toute circulations ferroviaire sur cette portion de ligne. Il a ensuite fait une annonce afin de demander aux voyageurs de rester dans la rame et de ne pas tenter d'en descendre : un médecin, voyageur, l'a ensuite accompagné sur les lieux de l'accident ; en retournant vers le train, il appelle, lui-même, les secours ; à 18:00 : la rame est vide. Les 95 passagers ont été évacués et pris en charge par autobus jusqu'en gare de Trouville-Deauville ; à 19:30 : les victimes ont été prises en charge par les pompes funèbres ; à 19:45 : l'équipe de relevage du train est sur place ; à 19:52 : la voiture a été évacuée ; à 05:30 le lendemain : la rame est remise sur rail. Elle est ensuite acheminée à la vitesse de 10 km/h au dépôt de Lisieux. Elle sera prise en charge par l'atelier de maintenance des matériels roulants de Rouen Quatre-Mares pour remise en état fonctionnel. 18 ATESS : Acquisition et Traitement des Événements de Sécurité en Statique 33 4.2 - Hypothèse concernant l'itinéraire du véhicule routier Le véhicule a d'abord franchi le PN 8 en provenance de la RD677 (sens nord-sud). Le revêtement bitumineux s'interrompt très rapidement derrière le PN, le conducteur constatant certainement une erreur d'orientation, décide de faire demi-tour. Le conducteur, probablement préoccupé par cette erreur d'orientation, ne prête alors pas attention à la signalisation STOP, à la présence du PN ni même au sifflet du train en approche, et s'avance sur le PN. Le chemin de la Libération donne accès à un gîte rural, en amont du PN 8. D'après les constatations de la gendarmerie, ce couple n'avait pas effectué de réservation dans ce gîte. Il n'a pas été retrouvé de système de navigation dans le véhicule. Pour l'exemple, trois systèmes de navigation, deux français et un allemand, ont proposé l'itinéraire Lisieux-Deauville en traversant la voie ferrée au-delà du chemin de la Libération tel que présenté en bleu ci-dessous. Le tracé poursuit sur la RD677 puis propose de tourner à gauche au rond-point et d'emprunter la RD27. Cette route franchit la voie ferrée par un pont-route dont une photographie est présentée ci-après. Figure 18 : exemple d'un itinéraire proposé pour aller de Lisieux à Deauville L'hypothèse des enquêteurs du BEA-TT est que le conducteur du véhicule routier souhaitait tourner dans la RD 27, et ayant trop anticipé cette manoeuvre, il a tourné dans le chemin de la Libération. Puis, il a réalisé son erreur et fait demi-tour à la fin du chemin revêtu juste après le PN 8 qu'il a à nouveau franchi, dans la continuité de sa manoeuvre. Dans cette hypothèse d'une erreur d'orientation, il est à noter que l'attention du conducteur n'a probablement pas été attirée par le panneau (voie sans issue) à l'entrée du chemin de la Libération. 34 5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives 5.1 Schéma du déroulement probable de l'accident Les investigations conduites permettent d'établir le graphique ci-après qui synthétise le déroulement probable de l'accident et en identifie les causes et les facteurs associés. 35 5.2 - Les causes de l'accident La cause directe de l'accident est que le conducteur du véhicule routier n'a pas perçu l'arrivée du train avant de traverser le PN. La cause sous-jacente est que le conducteur du véhicule routier s'est engagé dans une voie en impasse, probablement par erreur d'orientation. Puis, juste après avoir traversé le PN 8, le conducteur a constaté l'absence de revêtement routier. Il a vraisemblablement pris conscience de son erreur d'orientation et a entamé une manoeuvre de rebroussement. Il a effectué un retournement et s'est à nouveau engagé sur le PN lors de l'arrivée, sur sa droite, d'un TER. La figure 19 présente le scénario probable lors de l'arrivée du TER. Figure 19 : scénario probable Dès la fin de sa manoeuvre, le conducteur du véhicule routier devait se trouver au droit du PN signalé par un panneau G1 (croix de Saint-André). Le panneau AB4 « STOP » posé sur le même support que le panneau G1, imposait au conducteur du véhicule de marquer un temps d'arrêt et de ne s'engager qu'en absence de tout danger ; cette obligation n'a 36 probablement pas été respectée. De plus, lors de sa manoeuvre, le conducteur n'a vraisemblablement pas entendu le sifflet du TER. Des facteurs associés peuvent être identifiés : le diagnostic de sécurité du PN 8 n'a pas permis d'identifier les facteurs de risque liés à l'environnement, comme la signalisation d'accès à une voie en impasse et l'arrêt du revêtement routier juste après le PN ; cet accès aux marais ne devrait être possible que pour des personnes avisées ; lors de la traversée de la voie ferrée, l'attention du conducteur routier vis-à-vis de l'arrivée du train, n'a pas été attirée par un dispositif physique, lumineux et sonore. Un tel dispositif aurait été déclenché par un allumage des feux et une sonnerie, 20 secondes au moins avant l'arrivée du TER au PN et donc bien avant l'alerte sonore par le sifflet du TER, qui ne s'est produit que 8 secondes avant l'arrivée du TER. Les orientations préventives sont à rechercher dans ces domaines. Il est toutefois à noter que la vitesse élevée de circulation des trains sur cette ligne (140 km/h), a entraîné des conséquences importantes pour les deux modes de transport tant routier que ferroviaire. 5.3 - L'inspection de sécurité des passages à niveau Une inspection de sécurité des passages à niveau doit être réalisée conformément aux instructions de la mesure gouvernementale n° 8 (cf. annexe 3) et précisée par une lettre circulaire du 11 juillet 2008.19 Cette inspection a pour objectif d'affiner la connaissance de la dangerosité réelle de chaque PN en prenant en compte l'ensemble des éléments qui jouent un rôle déterminant dans la perception par les usagers de la route ou les difficultés de franchissement. L'inspection de sécurité du PN 8 a été réalisée le 25 février 2015 par le gestionnaire de voirie, la commune de Bonneville-sur-Touques. Le compte rendu de cette inspection de sécurité, qui aurait dû être commune, ne mentionne pas la participation du gestionnaire ferroviaire. Il apparaît que le diagnostic réalisé lors de l'inspection n'a pas identifié deux risques particuliers : l'emprunt de cette voie par des véhicules qui n'auraient pas lieu d'y être ; et, en raison de l'arrêt du revêtement routier 10 m après le PN, l'incitation à rebrousser chemin juste après le PN sans disposer d'une distance d'approche suffisante. Comme évoqué au paragraphe 3.7.2, ces deux risques ont également été en cause dans l'accident qui s'est produit le 4 décembre 2011 sur un PN à croix de Saint-André au Breuil (69). Le BEA-TT considère le diagnostic comme un outil essentiel pour l'amélioration de la sécurité des passages à niveau. L'inspection de sécurité repose sur une grille d'aide à l'inspection qui est proposée par un guide du SETRA. Cet outil est très utile aux gestionnaires d'infrastructure pour conduire les diagnostics de sécurité. 19 Circulaire du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et du secrétaire d'État aux transports relative au diagnostic de sécurité des passages à niveau 37 Le constat fait à la suite de l'accident de Bonneville-sur-Touques, montre que les conditions de réalisation du diagnostic sont perfectibles et que celui-ci doit évoluer vers une analyse de risques plus exhaustive prenant en compte l'ensemble de l'environnement du PN. Il doit s'appuyer sur l'identification des scénarios d'accidents redoutés. L'établissement d'une liste des situations critiques et dangereuses qui se sont déjà produites sur des PN y contribuerait. Un partage d'expériences entre inspecteurs sur ces situations permettrait de renforcer leur connaissance et de mieux les appréhender. Nous avons, de plus, observé (voir paragraphe 3.5) que le compte-rendu de l'inspection de sécurité du PN 8 mentionnait le manque de balises J10 de signalisation d'approche. Bien que ces balises ne soient pas obligatoires, les suites données à ce constat ne sont pas précisées. Le document d'inspection de sécurité pourrait utilement évoluer pour y mentionner les suites données aux remarques et les actions engagées en ce sens. Dans le rapport de l'enquête technique sur la collision entre un train de voyageurs et un autocar survenue le 14 décembre 2017 sur le passage à niveau n° 25 sur la commune de Millas (66), le BEA-TT a déjà évoqué le caractère perfectible du diagnostic de sécurité tant dans l'approche que dans les documents supports (voir le chapitre du rapport sur les orientations préventives). Ledit rapport recommande une évolution des conditions de réalisation du diagnostic de sécurité. Cette évolution pourrait s'appuyer sur un retour d'expérience sur les 10 années de pratique. L'analyse de l'accident du PN 8 de Bonneville-sur-Touques le confirme. La recommandation dudit rapport est ainsi formulée : « Actualiser et compléter les dispositions des circulaires relatives à la sécurité des passages à niveau, et de leurs documents d'application, afin que les diagnostics de sécurité deviennent des analyses de risques plus complètes et de qualité de façon à rendre plus pertinentes les actions préventives nécessaires ». Cette recommandation traitant déjà de la problématique de l'évolution des diagnostics de sécurité, le BEA-TT ne formule pas de nouvelle recommandation. 5.4 - L'amélioration de la signalisation routière et l'accès au PN 8 Depuis l'accident, la signalisation routière à proximité et en accès au chemin de la Libération a été modifiée. Ont été mis en place : des panneaux de type C13b (voie sans issue) sur la RD677, en provenance de Pont-l'Évêque et de Deauville, en plus de celui situé à l'entrée du chemin de la Libération ; un panneau B1 (sens interdit) avec le panonceau M9z portant la mention « sauf ayants droit » en entrée du chemin de la Libération. Cette nouvelle signalisation semble mieux adaptée pour informer, dès la RD677, du caractère sans issue du chemin de la Libération. Cependant, un dispositif plus incitatif à proximité du PN afin qu'il ne soit franchit que par les ayants droit devrait être mis en place. Dans ce contexte, le BEA-TT émet la recommandation suivante : Recommandation R1 adressée à la commune de Bonneville-sur-Touques : Mettre en place, à proximité du passage à niveau n° 8, situé sur le chemin de la Libération à Bonneville-sur-Touques un dispositif interdisant l'accès du passage à niveau aux personnes autres que les ayants droit. 38 5.5 - Les PN à croix de Saint-André sur les lignes circulées à 140 km/h En cas de non-observation de la signalisation routière d'arrêt absolu « STOP », lorsque le croisement se fait avec une voie ferrée circulée à 140 km/h, les conséquences peuvent être importantes pour les deux modes de transport. Le déraillement d'un train peut entraîner des blessures, parfois graves, aux passagers et au personnel de bord. Cela n'a pas été le cas pour cet accident du 2 novembre 2017. Le PN 8 et le PN 7, voisins de 650 m, devraient être pour l'un supprimé et pour l'autre automatisé, suivant une procédure déjà engagée. Cependant, il restera alors, sur l'ensemble du réseau ferré national, encore 13 PN équipés uniquement de croix de Saint-André avec panneau STOP, et situés sur des lignes dont la vitesse maximale des trains est effectivement de 140 km/h. Ces PN n'ont pas fait l'objet d'un plan de sécurisation du fait du faible nombre de circulation routière les empruntant et en conséquence de leur faible moment de circulation. Le moment est en général très inférieur à 150. Toutefois, la vitesse des trains de 140 km/h aggrave les conséquences d'une collision. Elle peut conduire à un déraillement, même en cas de choc avec un véhicule léger, comme l'a montré l'accident du 2 novembre 2017. La dangerosité d'un passage à niveau doit s'apprécier en fonction de la fréquence de l'occurrence du risque de collision, mais également en fonction de la gravité des conséquences de la collision. La faible fréquentation des passages à niveau conduit à un niveau de risque de faible fréquence. En revanche, la gravité comme la dangerosité peuvent être importantes. Le BEA-TT considère qu'il serait souhaitable d'automatiser ces 13 passages à niveau voire de les supprimer lorsque cela est possible. Pour cela il convient de prendre en compte la vitesse des circulations ferroviaires et de la gravité potentielle des conséquences, sur le véhicule ferroviaire, d'une collision en complément de la notion de moment de circulation de ces PN. Le BEA-TT émet la recommandation suivante : Recommandation R2 adressée à la SNCF Réseau : Réaliser une étude des risques des passages à niveau « à croix de Saint-André » situés sur des lignes circulées à 140 km/h, en tenant compte de la gravité des conséquences, sur le véhicule ferroviaire, d'une collision, en complément de la notion de moment de circulation de ces passages à niveau. Présenter cette étude à une prochaine Instance nationale des passages à niveau, afin de faire évoluer, le cas échéant le plan d'action concernant les automatisations des passages à niveau « à croix de Saint-André ». 39 6 - Conclusions et recommandations 6.1 Conclusions La cause directe de l'accident est que le conducteur du véhicule routier n'a pas perçu l'arrivée du train avant de traverser le PN. La cause sous-jacente est que le conducteur du véhicule routier s'est engagé dans une voie en impasse, probablement par erreur d'orientation. Puis, juste après avoir traversé le PN 8, le conducteur a constaté l'absence de revêtement routier. Il a vraisemblablement pris conscience de son erreur d'orientation et a entamé une manoeuvre de rebroussement. Il a effectué un retournement et s'est à nouveau engagé sur le PN lors de l'arrivée, sur sa droite, d'un TER. Des facteurs associés peuvent être identifiés : le diagnostic de sécurité du PN 8 n'a pas permis d'identifier les facteurs de risque liés à l'environnement, comme la signalisation d'accès à une voie en impasse et l'arrêt du revêtement routier juste après le PN ; cet accès aux marais ne devrait être possible que pour des personnes avisées ; lors de la traversée de la voie ferrée, l'attention du conducteur routier, vis-à-vis de l'arrivée du train, n'a pas été attirée par un dispositif physique, lumineux et sonore. Un tel dispositif aurait été déclenché par un allumage des feux et une sonnerie, 20 secondes au moins avant l'arrivée du TER au PN et donc bien avant l'alerte sonore par le sifflet du TER, qui ne s'est produit que 8 secondes avant l'arrivée du TER. Les orientations préventives sont à rechercher dans ces domaines. Il est toutefois à noter que la vitesse élevée de circulation des trains sur cette ligne (140 km/h), a entraîné des conséquences importantes pour les deux modes de transport tant routier que ferroviaire. 6.2 - Recommandations Recommandation R1 adressée à la commune de Bonneville-sur-Touques : Mettre en place, à proximité du passage à niveau n° 8, situé sur le chemin de la Libération à Bonneville-sur-Touques un dispositif interdisant l'accès du passage à niveau aux personnes autres que les ayants droit. Recommandation R2 adressée à la SNCF Réseau : Réaliser une étude des risques des passages à niveau « à croix de Saint-André » situés sur des lignes circulées à 140 km/h, en tenant compte de la gravité des conséquences, sur le véhicule ferroviaire, d'une collision, en complément de la notion de moment de circulation de ces passages à niveau. Présenter cette étude à une prochaine Instance nationale des passages à niveau, afin de faire évoluer, le cas échéant le plan d'action concernant les automatisations des passages à niveau « à croix de Saint-André ». 41 ANNEXES Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête Annexe 2 : Sécurisation des passages à niveau Annexe 3 : Mesures gouvernementales dites « D Bussereau » de juillet 2008 43 Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête 45 Annexe 2 : Sécurisation des passages à niveau Le contexte réglementaire relatif aux PN L'arrêté ministériel du 18 mars 1991 modifié est relatif au classement, à la réglementation et à l'équipement des PN. Toutefois, cet arrêté ne concerne pas les lignes affectées exclusivement à la circulation des tramways, les voies situées sur les parties privées des embranchements particuliers d'industriels et une grande partie des voies de ports maritimes ou de navigation intérieure. Les passages à niveau sont classés par arrêté préfectoral suivant quatre catégories. Les différentes catégories sont : Première catégorie : PN publics ouverts à la circulation de l'ensemble des usagers de la route. Ces PN sont munis de barrières ou de demi-barrières qui peuvent être soit à fonctionnement automatique, soit à fonctionnement manuel par un agent habilité par l'exploitant ferroviaire. Deuxième catégorie : PN publics ouverts à la circulation de l'ensemble des usagers de la route répondant à des conditions de nombre de circulation et conditions de visibilité. Ces PN sont dépourvus de barrières mais équipés du dispositif de croix de Saint-André pouvant être complété par un signal d'obligation d'arrêt STOP. Troisième catégorie : PN publics utilisables seulement par des piétons. Quatrième catégorie : PN privés pour véhicules et piétons ou pour piétons seulement, et pour les conducteurs d'animaux isolés ou en groupe. La traversée de ces PN s'effectue sous la responsabilité des particuliers ou des personnes morales publiques ou privées, nominativement désignés comme bénéficiaires du droit de passage. Pour mémoire et comme précisé au paragraphe 2.2, le PN 8 est de deuxième catégorie et la signalisation routière avancée et de position, constatée sur place, est conforme à l'instruction interministérielle sur la signalisation routière (IISR). Les instances nationales pour la sécurisation aux PN À la suite du grave accident survenu sur un PN à Port-Sainte-Foy en 1997, une instance de coordination de la politique nationale d'amélioration de la sécurité des passages à niveau a été mise en place. Cette instance, placée sous l'autorité du ministre chargé des transports, est composée des représentants du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, du ministère de l'intérieur, de SNCF Réseau, des collectivités territoriales, de l'établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF), du service technique des remontées mécaniques et des transports guidés (STRMTG), du centre d'études et d'expertises sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), des professionnels du transport routier, de l'union des transports publics et ferroviaires (UTP), de la fédération nationale des usagers des transports (FNAUT) et de la fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (FENVAC). Cette instance se réunit deux fois par an. Elle a plusieurs objectifs : élaborer et proposer aux ministres des transports et de l'intérieur les mesures d'amélioration de la sécurité des passages à niveau ; coordonner les actions liées aux PN des différents services et intervenants concernés ou associés ; actualiser la liste des passages à niveau inscrits au programme de sécurisation national (PSN). Cette liste est publique. 46 Dans cette liste sont identifiés les PN à traiter en priorité, soit par suppression simple ou sous couvert de la création d'un ouvrage dénivelé, soit par des améliorations routières et/ou ferroviaires. Cette liste est mise à jour tous les trois ans. En 2015, un comité ministériel sur la sécurité des passages à niveau a été créé. Il a fusionné avec le comité de suivi de la sécurité ferroviaire qui se réunit une fois par an. Le plan de sécurisation de juillet 2008 À la suite de la collision entre un TER et un autocar scolaire qui s'est produite le 2 juin 200820, le secrétaire d'État chargé des transports avait validé un plan de 20 mesures ayant pour objectif de diviser par deux le nombre d'accidents aux PN. Dans un contexte où 98 % des accidents sur les PN sont dus au non-respect de la signalisation, des limitations de vitesse ou à une baisse de vigilance, le plan d'action s'articule autour de deux priorités : inciter les conducteurs à respecter strictement le code de la route ; mobiliser l'ensemble des acteurs ferroviaires et routiers afin d'améliorer la signalisation et la voirie. informer et responsabiliser le conducteur ; mobiliser les gestionnaires de voiries sur la sécurité de leur infrastructure ; poursuivre et accélérer un programme systématique de traitement des PN ; confirmer la proscription absolue de tout nouveau PN sur des lignes voyageurs. Les 20 mesures, présentées en annexe 3, sont regroupées en quatre axes : La liste suivante récapitule une partie des actions qui ont été menées et dont certaines se poursuivent : opération de prévention annuelle depuis 2008 : opérations locales de prévention dans les communes et en milieu scolaire, création de spots radio et de vidéo ; une démarche est en cours pour réaliser une communication spécifique aux chauffeurs de poids lourds et bus. mise en place de radars de franchissement et de sanction automatisée : 78 radars ont été implantés sur 41 PN. Certains ont été associés à des radars de contrôle de vitesse en approche des PN jugés sensibles vis-à-vis de cette problématique. instauration d'un système d'inspection de sécurité commune, en relation avec le gestionnaire ferroviaire, sous la responsabilité des préfets. À fin 2018, sous couvert de nombreuses circulaires de rappel, le taux d'accomplissement des inspections de sécurité atteint 93 %. traitement des projets de suppression ou d'amélioration des PN voire de modification de l'environnement à proximité des PN, de façon systématique conjointement sur les domaines ferroviaire et routier. engagement sur le traitement des PN préoccupants qui étaient au nombre de 364 en 2008. En 2018, il reste 155 PN « inscrits au programme de sécurité national » (PSN). Sur 17 PN situés sur route nationale, des conventions sont signées afin de financer la suppression de 9 PN sous couvert de la réalisation de 6 ponts-route et de 3 ponts-rail et l'amélioration des 8 autres. Les études préliminaires pour le traitement de 15 PN sont terminées. En 2018, il reste 16 PN inscrit au PSN et qui se situent sur une route nationale. 20 Le BEATT a émis un rapport sous l'intitulé « Enquête technique sur la collision entre un TER et un autocar, le 2 juin 2008 à Allinges (74) ». Il est consultable sur http://www.bea-tt.developpementdurable.gouv.fr. 47 automatisation d'un grand nombre de PN non gardés, équipés de croix de Saint-André, avec ou sans STOP. En 2012, l'instance a accepté une modification de cette mesure en imposant l'équipement d'une signalisation automatique, lumineuse et sonore complétée de deux demi-barrières pour les PN non gardés à croix de Saint André sur des lignes dont la vitesse des trains est supérieure à 60 km/h et dont le moment est supérieur à 150. L'industrialisation du processus d'automatisation de ce type de PN, par SNCF Réseau, est en cours. l'instruction des dossiers de création ou de réouverture de ligne doit veiller à ne pas créer de nouveau PN ; un guide méthodologique a été validé en 2011. Ce guide avait une durée de validité de 5 ans. Une nouvelle édition est en cours. Le plan de sécurisation de 2014 En 2014, le ministre délégué aux transports, à la mer et à la pêche a défini un nouveau plan de sécurisation des PN qui a fait l'objet d'une instruction du gouvernement le 1er juillet 2014. Il se décompose en 4 axes : renforcer les mesures de contrôle afin d'en finir avec les passages en force : fin 2016, les 80 radars qui détectent le franchissement du feu rouge clignotant du passage à niveau sont opérationnels. L'infraction entraîne une amende de 135 euros et la perte de 4 points. répondre aux besoins spécifiques des poids-lourds et des autocars : huit mesures concernant les itinéraires et modalités de franchissement des PN par les transports exceptionnels et les autocars ont été présentées. améliorer l'information des usagers de la route : certaines informations données au bon moment peuvent empêcher l'accident. Elles concernent le caractère cassable des demi-barrières, une amélioration de la signalisation (feux, marquage au sol...) pour mieux identifier les passages à niveau, l'intégration des PN dans les GPS, la suppression des panneaux publicitaires. sécuriser en premier lieu les passages à niveau dont la suppression l'amélioration est prioritaire. Il s'agit des PN inscrits au PSN (plan national sécurisation). L'État a demandé aux préfets de reprendre l'initiative en mobilisant gestionnaires de voirie (départements, communes) pour achever les diagnostics sécurité des passages à niveau ; réalisation à 93 % à fin 2018. ou de les de La stratégie de SNCF Réseau La stratégie de la SNCF en matière de sécurisation des PN se décline à travers deux documents, l'un présentant la politique générale de l'entreprise dans ce domaine, l'autre définissant les modalités de sa mise en oeuvre. Il s'agit de : Réseau Référentiel Général : RRG n° 21011 « Politique sécurité passages à niveau » version 1 du 6 avril 2018, Réseau Référentiel Appui : RRA n° 20021 « Mise en oeuvre de la Politique Sécurité Passages à Niveau ». Dans les orientations générales, présentées ci-dessous, SNCF Réseau vise à améliorer le niveau de sécurité sur le plus grand nombre de PN et notamment à réaliser des suppressions simples lorsque cela est possible. L'analyse de l'incidentologie ferroviaire survenue aux PN entre 1998 et 2013 a montré que les origines des accidents les plus graves ou les plus fréquents étaient liées à des difficultés de franchissement des véhicules lourds sur les voies, des imprudences et de la malveillance. 48 Le nombre de collisions est en baisse régulière, par exemple 109 collisions en 2017 pour 128 en 2016. Malheureusement le nombre de décès a connu une augmentation exceptionnelle en 2017 (42 pour 31 en 2016). Dans sa démarche de réduction des risques, SNCF Réseau s'engage à les identifier de manière globale, avec des partenaires externes, dans la réalisation des diagnostics, et l'analyse des projets sur et aux abords des PN, y compris ceux ayant trait au comportement routier des usagers. La liste ci-dessous présente des opérations et engagements portés par SNCF Réseau et décrits dans son document de mise en oeuvre de la politique de sécurisation des PN (RRA 20021) ; SNCF Réseau : effectue des comptages routiers et piétons, au moins tous les 10 ans et dès qu'il y a des changements majeurs de l'environnement du PN comme la création de lotissement, centre commercial, centre scolaire. planifie le relevé des profils routiers des PN en commençant par les PN identifiés sur les parcours des poids lourds et transports exceptionnels. SNCF Réseau s'engage à ne pas dégrader le profil en cas de renouvellement de la voie, mais aussi à étudier l'amélioration si le relevé en démontre le besoin. recherche, sur les PN équipés de feux sans demi-barrières, soit la suppression soit la transformation en PN avec signalisation lumineuse et 2 ou 4 demi-barrières. recherche à améliorer la sécurité des piétons et des cycles. poursuit la mise en oeuvre des dispositifs de télésurveillance des installations, de lampes à diodes. mène des expérimentations sur des dispositifs de vidéoprotection, de système anti-intrusion, d'amélioration de la visibilité des barrières En 2016, le réseau ferré national des lignes exploitées compte environ 14 000 PN dont près de 2 700 sont équipés de croix de saint-André. Parmi ces derniers, qu'ils soient équipés ou non de panneau STOP, la fréquentation routière est : de moins de 10 véhicules routiers par jour pour 59 % de ces PN ; entre 10 et 50 véhicules routiers par jour pour 32 % de ces PN. Il n'existe pas de PN à croix de Saint-André situé sur des voies routières sur lesquelles circulent plus de 500 véhicules routiers par jour. Tous les PN à croix de Saint-André représentent environ 10 % des collisions ; c'est l'une des motivations de la mesure 18 du plan d'action gouvernemental de sécurisation des PN, qui consiste à automatiser ces PN quand il n'est pas possible de les supprimer. Le PN 8 fait partie de la majorité à 59 % de ces PN dont la circulation moyenne journalière est inférieure à 10 véhicules. Ce PN 8 fait partie de la liste des 15 PN à croix de Saint-André, du réseau ferré, se trouvant sur une ligne dont la vitesse est de 140 km/h. Même si la visibilité est a priori satisfaisante, les conséquences d'une collision peuvent être critiques tant pour les circulations routières que ferroviaires. Cependant ce PN 8, comme 13 autres de la liste des 15 PN précités, n'est pas pris en compte dans la liste des PN devant faire l'objet d'une automatisation du fait du faible nombre de circulation routière. 49 Annexe 3 : Mesures gouvernementalses dites « D BUSSEREAU » de juillet 2008 50 51 52 53 Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de T ransport T errestre · Grande Arche - Paroi Sud 92055 La Défense cedex Téléphone : 01 40 81 21 83 Télécopie : 01 40 81 21 50 bea-tt@developpement-durable.gouv.fr www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr

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