Maîtriser l'évaluation des impacts environnementaux dans les projets d'infrastructures de transport : Quels enseignements tirer des pratiques européennes ? Rapport d'étude

BROEZ, Sonia

Auteur moral
Transport développement intermodalité environnement ; France. Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie
Auteur secondaire
Résumé
<p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%"><font face="Times New Roman, serif">"Problématique : Le projet a une visée pragmatique. Il s'agit d'identifier des changements de procédures d'évaluation environnementale et de concertation permettant d'accélérer la réalisation des projets d'infrastructures tout en préservant la prise en compte de l'environnement voire en l'améliorant. Autrement dit, pouvons-nous aujourd'hui améliorer le processus d'évaluation environnementale des projets d'infrastructures dans l'optique d'en améliorer le déroulement en termes de délai ?»</font>
Editeur
TDIE
Descripteur Urbamet
impact ; politique des transports ; environnement ; évaluation ; droit de l'environnement ; impact environnemental
Descripteur écoplanete
Thème
Infrastructures - Ouvrages d'art ; Transports
Texte intégral
MAITRISER L'EVALUATION DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DANS LES PROJETS D'INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT : QUELS ENSEIGNEMENTS TIRER DES PRATIQUES EUROPEENNES ? RAPPORT D'ETUDE, OCTOBRE 2013 REDIGE PAR : Sonia BROEZ, étudiante en Master 1ère année à l'ISMaPP, Institut Supérieur de Management Public et Politique SOUS LA DIRECTION DE : Philippe SUBRA, professeur à l'Institut français de géopolitique (université Paris-8) Dominique AUVERLOT, Chef du Département de la Recherche, des Technologies et du Développement Durable, Commissariat général à la stratégie et à la prospective Marie-Dominique SALAUN, Déléguée Générale de l'association TDIE, Transports, Développement, Inter-modalité, Environnement TDIE, 2013 MAITRISER L'EVALUATION DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DANS LES PROJETS D'INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT : QUELS ENSEIGNEMENTS TIRER DES PRATIQUES EUROPEENNES ? 1 EDITORIAL DES COPRESIDENTS Depuis plus de 10 ans TDIE apporte sa contribution au débat public sur les sujets de mobilité. Au moment où le Gouvernement engage une démarche de simplification des procédures et des normes il nous a semblé important de procéder à une analyse de la situation en matière d'évaluation environnementale des projets d'infrastructures et proposer quelques pistes d'action susceptibles d' en améliorer le déroulement notamment en terme de délai et de lisibilité. L'étude que vous allez découvrir s'intéresse aux pratiques françaises. Elle analyse également celles de quelques pays voisins pour en comprendre la logique et retenir le meilleur de leur action. Ce document, constitue le premier volet d'un triptyque. En effet, les recommandations de l'étude, seront approfondies dans le cadre d'ateliers réunissant praticiens et experts autour des thèmes de la biodiversité et de l'eau, de la concertation et de la simplification des procédures. Elles seront ensuite mises en débat lors d'un colloque organisé par TDIE en partenariat avec le Ministère De l `Ecologie, du développement durable et de l'énergie ainsi que France Nature Environnement. Nous remercions tous ceux qui ont apporté leur concours à ce travail, dans un esprit de dialogue et de coopération qui permet à la fois de « camper » le paysage et construire ensemble les voies d'une évolution attendue par le plus grand nombre. Philippe DURON Co-président délégué Député-Maire de Caen Louis NEGRE Co-président Sénateur-Maire de Cagnes-sur-Mer 2 FICHE RESUMEE Auteur : Sonia Broëz Référents : Philippe Subra et Dominique Auverlot Structure: TDIE, Transport, Développement, Inter-modalité, Environnement Responsable : Marie-Dominique Salaun Comité de pilotage : Demba Diedhiou, Chargé de mission Transports et mobilités Durables, France Nature Environnement Michel Dubromel, Responsable transports et mobilités Durables, France Nature Environnement Dominique Auverlot, chef du Département de la Recherche, des Technologies et du Développement Durable au Commissariat à la Stratégie et à la Prospective Jean-Bernard Kovarik, Adjoint au directeur général des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie Laure Yvonnet, Conseillère juridique, DGITM/DIT Michel Savy, membre du conseil scientifique de TDIE et directeur de l'Observatoire des politiques et des stratégies de transport en Europe ainsi que directeur de la revue Transports/Europe Philippe Subra, professeur à l'Institut français de géopolitique (université Paris-8) Marie-Dominique Salaun, Déléguée générale TDIE - Sujet : Maîtriser l'évaluation des impacts environnementaux des projets d'infrastructures de transport : quels enseignements tirer des pratiques européennes ? Problématique : Le projet a une visée pragmatique. Il s'agit d'identifier des changements de procédures d'évaluation environnementale et de concertation permettant d'accélérer la réalisation des projets d'infrastructures tout en préservant la prise en compte de l'environnement voire en l'améliorant. Autrement dit, pouvons-nous aujourd'hui améliorer le processus d'évaluation environnementale des projets d'infrastructures dans l'optique d'en améliorer le déroulement en termes de délai? 3 Table des matières INTRODUCTION............................................................................................................................................ 7 ISITUATION ACTUELLE ET PROBLEMES CONCRETS : DES TEMPS TOUJOURS PLUS LONGS ENTRE DECISION ET REALISATION ....................................................................................... 10 A- PRESENTATION SUCCINCTE DU PROCESSUS D'EVALUATION ENVIRONNEMENTALE DANS LES PROJETS D'INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT ............................................................................................................. 10 1- Processus français pour les projets d'infrastructures de transport ................................................... 10 2- Agencement des procédures : point sur les grandes étapes réglementaires environnementales d'un projet d'infrastructure de transport ............................................................................................................ 11 B- CONSTAT : CE QUI FAIT PROBLEME ........................................................................................................ 13 1- L'exemple du TGV Roussillon (Montpellier Perpignan) : 20 ans de procédures ................................ 13 2- L'évaluation environnementale en question...................................................................................... 14 3- Sur la piste des possibles points de blocages des processus d'évaluation environnementale ......... 14 4- Une volonté de simplification ............................................................................................................. 15 C- CONTEXTE : DIRECTIVES EUROPEENNES, RAPPEL DE LA LEGISLATION ENVIRONNEMENTALE ET DES REFORMES RECENTES ...................................................................................................................................... 15 1- Rappels historiques du droit de l'environnement .............................................................................. 15 2- Directives européennes et principaux textes en vigueurs ................................................................. 16 3- Les textes de référence ....................................................................................................................... 17 4- Evolutions juridiques récentes ............................................................................................................ 20 5- Les réformes récentes : études d'impact et enquêtes publiques ....................................................... 21 D- FRANCE : PROCEDURES, ACTEURS, DELAIS ........................................................................................... 22 1- Phase amont de la concertation ......................................................................................................... 22 2- Phase de concertation (Débat Public et autres formes de concertation) .......................................... 22 3- Etudes préliminaires et enquête publique.......................................................................................... 30 4- Déclaration d'utilité publique ou déclaration de projet (DUP/DP) ................................................... 32 5- Avant-projet détaillé ........................................................................................................................... 33 6- Réalisation des travaux et bilan environnemental ............................................................................ 35 II- PRINCIPAUX PROBLEMES RELEVES A L'APPUI DES ENTRETIENS REALISES ET DES PREMIERES PISTES DES ETATS GENERAUX DE LA MODERNISATION DU DROIT DE L'ENVIRONNEMENT (EGMDE)................................................................................................................. 37 PROCEDURES .......................................................................................................................................... 37 1- Les codes.............................................................................................................................................. 37 2- Niveaux d'exigence et avancée du projet .......................................................................................... 37 3- Définitions ........................................................................................................................................... 38 4- Manque de moyens et organisation................................................................................................... 39 5- Durées d'instruction des dossiers ....................................................................................................... 40 6- Stabilité ............................................................................................................................................... 40 7- La démarche « ERC » en question ....................................................................................................... 40 8- Problèmes spécifiques par procédure................................................................................................. 42 B- CONCERTATION, MODES DE PARTICIPATION DU PUBLIC ET CONFLITS ................................................... 47 1- Risques, avantages et modalités des différents types de concertation ............................................ 47 2- Le Débat Public, points forts et fragilités ........................................................................................... 48 3- Enquêtes publiques ............................................................................................................................. 50 C- PANORAMA DES CONTENTIEUX ET DE LEURS MOTIFS PAR PROCEDURE................................................ 52 1- Pendant la phase de concertation : le débat public ........................................................................... 52 2- Pendant la phase de concertation : en l'absence de Débat Public .................................................... 52 A- 4 Pendant les études préalables ............................................................................................................ 53 Pendant l'enquête publique ............................................................................................................... 53 La DUP ................................................................................................................................................. 53 Pendant l'Avant-projet détaillé .......................................................................................................... 54 Travaux et bilan environnemental ..................................................................................................... 55 D- APPROCHE SENSIBLE DE LA BIODIVERSITE ET EAU ................................................................................ 55 1- Biodiversité.......................................................................................................................................... 55 2- Repenser la biodiversité sous l'angle de la construction progressive et partagée des projets ? ..... 56 IIIAETUDES DE CAS ETRANGERS ................................................................................................... 58 34567- ALLEMAGNE ............................................................................................................................................. 58 1- Planification et trajet politique d'un projet d'infrastructure de transport ....................................... 58 2- Evaluations .......................................................................................................................................... 61 3- Analyse des impacts sur l'environnement selon la méthode coûts-avantages ................................ 62 4- Evaluation qualitative du risque écologique ...................................................................................... 63 5- Recours et délais ................................................................................................................................. 64 6- Concertation, information et acteurs de la protection de l'environnement ..................................... 64 7- Accélérer les procédures ? .................................................................................................................. 65 8- Conclusions : les avantages d'une comparaison approfondie ........................................................... 66 B- PAYS BAS ................................................................................................................................................ 67 1- Planification et trajet politique d'un projet d'infrastructure de transport ....................................... 67 2- Détails des étapes de planification et de leurs composantes environnementales ........................... 67 3- Délais et difficultés liées à la participation du public : un constat en accord avec celui de notre étude ............................................................................................................................................................ 69 4- Les solutions avancées aux Pays-Bas : l'accélération des procédures via la politique du « Sneller en Beter » .......................................................................................................................................................... 70 5- Conclusions : les avantages d'une comparaison approfondie ........................................................... 73 C- SUISSE ..................................................................................................................................................... 75 1- Planification et trajet politique d'un projet d'infrastructure de transport ....................................... 75 2- Le processus de l'EIE en détail ............................................................................................................ 76 3- Concertation, votation et décision ..................................................................................................... 81 4- Associations de défense de l'environnement, OFEV et information ................................................. 82 IVAPISTES DE SOLUTIONS ET PRECONISATIONS ...................................................................... 84 MUTUALISATION ET REGROUPEMENT : ETUDE DE LA FUSION DES PROCEDURES, DE LA MUTUALISATION DES ETUDES D'IMPACT ET DU REGROUPEMENT DES AUTORISATIONS ENVIRONNEMENTALES POST DUP/DP.................................................................................................................................................. 85 1- Regroupement des procédures post-DUP/DP? .................................................................................. 85 2- Vers une procédure unique, sanctionnée par un « permis environnemental » unique ? ................ 85 3- Risques et alternatives ........................................................................................................................ 87 4- Favoriser les échanges informels entre l'administration et les porteurs de projets ? ...................... 87 5- Solidifier les bases scientifiques d'un projet grâce au regroupement et au partage de l'information environnementale des territoires entre associations et maîtres d'ouvrage afin de favoriser les mesures d'évitement dès l'amont du projet ? ........................................................................................................... 89 6- Alléger le travail des services instructeurs en développant la pratique des autorisations tacites en l'absence de réponse de l'administration dans un certain délai ? ............................................................. 90 B- ELABORATION CONCERTEE DES PROJETS : FAVORISER LES ECHANGES ET LA CONCERTATION CONTINUS ......................................................................................................................................................... 90 1- Une généralisation de la concertation volontaire au moment des études préalables au Débat Public ? ......................................................................................................................................................... 91 5 Quid de la participation du « grand public » ? ................................................................................... 92 Compléter la réunion publique ? ........................................................................................................ 92 Considérer les avantages du garant ? ................................................................................................ 93 C- ANTICIPER LA TRANSPOSITION DES NORMES COMMUNAUTAIRES.......................................................... 93 D- GESTION DES MESURES COMPENSATOIRES ........................................................................................... 95 1- Pouvoir compenser ailleurs qu'à proximité des espaces impactés ? ................................................. 95 2- Vers la création un organisme de gestion afin de permettre leur meilleur entretien et suivi sur le long terme ? ................................................................................................................................................. 96 3- Permettre l'expropriation pour la compensation ? ........................................................................... 97 E- ESPECES PROTEGEES ............................................................................................................................. 99 1- Adapter la procédure liée aux espèces protégées aux cas des espèces qui se développent en milieu anthropisé ? ................................................................................................................................................. 99 2- Permettre la cessibilité des dérogations « espèces protégées » ? .................................................. 100 F- PROPOSITIONS DE MODIFICATION ET DE MISE EN COHERENCE DES CODES DE L'URBANISME, DE L'ENVIRONNEMENT ET DE L'EXPROPRIATION ................................................................................................. 100 1- Supprimer la double évaluation environnementale que constitue l'évaluation environnementale de la mise en compatibilité des documents d'urbanisme et l'étude d'impact des projets ? ........................ 100 2- Mise en cohérence des déclarations d'utilité publique et déclarations de projet ? ........................ 101 CONCLUSION ........................................................................................................................................... 102 BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................................................... 103 GLOSSAIRE .............................................................................................................................................. 106 ACRONYMES ET SIGLES ....................................................................................................................... 109 ANNEXE : ENTRETIENS REALISES PAR ORDRE CHRONOLOGIQUE .......................................... 110 234- 6 INTRODUCTION « La simplicité ne précède pas la complexité, elle la suit. » Alan Perlis. Le développement de nouvelles infrastructures, aussi bien que la modernisation de celles existantes, s'avèrent aujourd'hui plus difficile qu'il y a dix ou vingt ans, et ce pour plusieurs raisons : conflits d'intérêt, espaces de plus en plus en plus rares, restrictions budgétaires, résistances locales aux projets, multiplication des acteurs et complexité des questions et des processus d'évaluation environnementale. C'est sur ce dernier point que se portera toute notre attention. Planifier un projet d'infrastructure de transport coûte de plus en plus de temps et d'argent ; conduire le processus global d'un projet d'infrastructure de transport, quel qu'il soit, est devenu extrêmement délicat. De fait, entre 1978 et 1985, il aura fallu sept ans pour élaborer dans son entier le TGV Sud-Est, reliant Paris à Lyon. Aujourd'hui, projets autoroutiers et ferroviaires demandent un temps d'étude pouvant aller de dix à vingt ans. Et les projets de plus faible ampleur ne sont pas en reste. Les raisons de cet allongement de la durée d'élaboration des projets sont multiples et tiennent la plupart du temps aux domaines politiques ou financiers, dans un contexte où les montants engagés pour la construction et la modernisation des réseaux d'infrastructures de transport ont souvent peu de chance de pouvoir être mobilisés entièrement dans un calendrier resserré. D'autre part, l'étalement dans le temps des projets suscite des problèmes de continuité de la gestion, les renouvellements des mandats électifs ne garantissant pas toujours la stabilité de la ligne. On peut alors connaître des gels volontaires dans les budgets publics, assister à des remises en cause fondamentales, voir naître des contentieux, abandonner le projet... Les absences de financement ou les pressions que subissent certains élus locaux peuvent donner lieu à des atermoiements, des doutes et donc faire perdre du temps dans les phases d'élaboration des projets d'équipement : en général, pour les projets d'ampleur, les allongements de délais sont moins relatifs à la réglementation qu'à la nature et à la conduite du projet lui-même. Cela étant dit, on constate cependant aujourd'hui une accumulation et une complexification des procédures et en particulier des procédures environnementales qui, si elles répondent à des finalités légitimes et relèvent de l'obligation communautaire, engendrent néanmoins une complexification handicapante et un manque de lisibilité, pour les projets et leurs opérateurs. Ce qui a tendance à ralentir considérablement la phase de gestation des projets. Pour autant, cette accumulation a-t-elle permis une meilleure prise en compte de l'environnement ? Rien n'est moins sûr. Notre étude se concentrera sur l'allongement de la période de gestation des projets dont (une partie de) la responsabilité peut être portée par les procédures environnementales et la conduite de la concertation. En trente ans, les procédures environnementales (étude d'impact, évaluation environnementale, mesures compensatoires, enquête publique, débat public, dispositions de protection particulière) et les contentieux qui découlent du droit et des normes environnementales, se sont démultipliés à tel point que l'idée selon laquelle l'abondance de la réglementation environnementale paralyserait la construction et l'innovation est devenue prégnante dans les esprits de la plupart des porteurs de projet. Dans ce contexte, trois initiatives ont été prises pour la simplification, portées par trois niveaux politiques différents : le « choc de simplification » demandé par le Premier Ministre, la mission de lutte contre l'inflation normative, dit rapport « Lambert-Boulard », et les Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l'Environnement annoncés par le président de la République et lancés par la ministre de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie. Ces initiatives sont cohérentes avec l'exigence « d'excellence environnementale » affirmée par le Président de la République. Elles guident la réflexion vers la maîtrise de l'évaluation des impacts environnementaux via une simplification « non simpliste », qui soit résolument tournée 7 vers l'amélioration de la gestion environnementale des projets, et parmi ceux-ci, les projets d'infrastructures de transport. Si la définition et la mise en oeuvre des mesures de protection de l'environnement, et au-delà du développement durable, stimulent la recherche, les bureaux d'étude et les entreprises et bénéficient à toute une partie de la société, la protection de l'environnement se traduit par un allongement de l'obtention des procédures et de la durée des travaux ce qui s'avère préjudiciable au dynamisme de l'activité, et paradoxalement, à la qualité environnementale même du projet. Nous vivons aujourd'hui le paradoxe étonnant entre une réglementation toujours plus fournie et une difficulté croissante, dénoncée par un grand nombre d'acteurs, à mettre les textes, « au service » des projets dans une véritable démarche d'ingénierie et « d'écologie au service de l'homme ». Cet allongement du processus d'évaluation joue-t-il en faveur de la qualité des projets et d'une réponse mieux acceptée, mieux adaptée aux besoins et d'un moindre impact écologique ? A contrario, n'affaiblit-il pas notre capacité d'adaptation, au regard des enjeux de moderniser et de fiabiliser nos systèmes et transport, de réduire les inégalités territoriales? La démarche de cette étude s'est orientée en direction des acteurs ayant pour mission d'appliquer les textes desquels découlent les procédures, dans le but, à terme, de simplifier leur travail sans faire régresser les exigences environnementales. Le cheminement pragmatique de l'étude a été réalisé en trois temps : un constat de la situation française en matière de délais de réalisation des projets et de retards liés aux procédures via l'audition d'acteurs administratifs, techniques et associatifs. L'objectif a été d'analyser les difficultés pouvant émaner de la rencontre entre les textes et les pratiques. Cette première salve d'entretiens a permis d'identifier les difficultés principales et le moment où elles apparaissent, entre les études en amont et l'attribution finale des marchés1. Pour traiter au mieux de la prise en compte des effets environnementaux des infrastructures de transport dans la décision et la réalisation de nouveaux projets, nous avons mené une comparaison des textes, des procédures, des pratiques et de leurs effets tout en prenant en compte la difficulté d'une analogie touchant à des projets hétérogènes, dans quelques pays voisins caractérisés par des systèmes politiques et des sensibilités différentes. Trois Etats ont retenu notre attention : l'Allemagne, les PaysBas et la Suisse. Sur la base d'entretiens menés avec des experts nationaux du droit de l'environnement et des méthodes de planification des infrastructures de transport, il a été possible d'analyser les différents systèmes dans le but d'apprendre de nos voisins. Enfin, des interrogations et remarques nées de tous ces entretiens, ont émergé des pistes de modernisation concernant d'une part les procédures d'évaluation environnementales en tant que telles, et d'autre part les processus de concertation. Ces pistes d'amélioration ne sont pas forcément toutes consensuelles au sein du comité de pilotage, elles n'ont pas été expérimentées et méritent d'être discutées plus avant. - - En bref, il semble que la modernisation des processus d'évaluation environnementale doive passer par : La rédaction de dispositions législatives et réglementaires claires et non redondantes dans leurs objectifs, 1 La liste des entretiens réalisés a été placée en annexe. 8 Une « solidification » des bases du projet et de son acceptation, La réduction des motifs de contentieux, Une plus grande stabilité de la norme et des projets eux-mêmes, Une simplification des procédures et des intervenants, à l'aide d'un régime harmonisé des actes par exemple, La clarification du niveau d'exigence de protection souhaitée, La production d'un document réunissant les retours d'expériences sur les mesures de réduction et de compensation par type de cas, à destination des maîtres d'ouvrages et des services instructeurs, Un plus grand investissement français dans les négociations des textes européens et l'anticipation de la réflexion sur la transposition des normes en droit national. 9 I- SITUATION ACTUELLE ET PROBLEMES CONCRETS : DES TEMPS TOUJOURS PLUS LONGS ENTRE DECISION ET REALISATION A- PRESENTATION SUCCINCTE DU PROCESSUS D'EVALUATION ENVIRONNEMENTALE DANS LES PROJETS D'INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT Par procédures environnementales, on entend, dans un sens large, ce qui touche à l'étude d'impact, à l'évaluation environnementale, aux mesures compensatoires, à l'enquête publique et plus généralement à la concertation et l'information du public, à l'Autorité environnementale, aux dispositions de protection particulière et enfin aux contentieux. A noter que les « études environnementales » ont lieu pendant toute la durée d'un projet. 1- Processus français pour les projets d'infrastructures de transport En France, la plupart des projets d'infrastructures de transport ont été pensés dans le cadre d'un Schéma National des Infrastructures de Transports et ont généralement fait l'objet de débats au sein de collectivités territoriales. Ils ont ensuite été inscrits à différents schémas prospectifs d'aménagement comme les Directives Territoriales d'Aménagement et de Développement Durable (DTADD), les Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT), les Plans Locaux d'Urbanisme (PLU), les Plans de Déplacement Urbain (PDU), etc. Cependant, avec la crise financière, est né le besoin d'une hiérarchisation des projets au vu des financements et de la logique nationale de mobilité durable ; repenser le Schéma National des Infrastructures de Transports est devenu une priorité. La commission Mobilité 21, en charge de ce travail, a remis le 27 juin 2013 le « rapport Duron » - du nom de député socialiste Philippe Duron-, étude chargée de préciser les conditions de mise en oeuvre d'un Schéma National des Infrastructures de Transports et de proposer une hiérarchisation des projets d'infrastructures de transport en fonction des perspectives des finances publiques françaises aux horizons 20142030, 2030-2050 et au-delà de 2050. Cette priorisation des infrastructures de transport inscrites aux « prospectives mobilité 21 » a retenu deux scénarios : le premier constitué d'un nombre restreint de projets voués à l'amélioration des liaisons des plates-formes portuaires de niveau européen avec leur hinterland et au traitement des points noirs du réseau ferroviaire et le second concentré sur l'objectif de confortement des noeuds ferroviaires. Le rapport précise enfin que « la satisfaction des besoins d'entretien et de modernisation de l'existant doit constituer la toute première priorité en matière d'investissement ». En France, c'est l'échelle de territoire et la nature du projet qui déterminent la responsabilité des acteurs publics quant au projet : de fait, un projet peut-être uniquement de la responsabilité de la commune ou d'un regroupement de communes, ou de celle de l'Etat. Ce niveau de responsabilité déterminera l'autorité compétente en matière d'autorisation. Cependant, quel que soit le type de projet envisagé, ce sont toujours les pouvoirs publics (représentés par le Ministre, les Collectivités ou le Préfet) qui auront le pouvoir de décider de l'autorisation d'un projet. Outre l'Etat et les collectivités locales, les autres acteurs indispensables à l'élaboration et la conduite d'un projet d'infrastructure de transport sont : les établissements publics et les partenaires financiers, et le « Public » au sens large, dans lequel on pourra réunir le « grand public », les usagers et les associations. La participation de l'ensemble de ces acteurs territoriaux à l'élaboration d'un projet d'infrastructure constitue une étape clé de la réussite d'un projet. C'est le maître d'ouvrage qui sera l'entité porteuse du projet, de ses besoins, son calendrier, son budget et ses procédures environnementales. Ce dernier peut décider de mettre en place un comité de pilotage afin de regrouper les différents acteurs intéressés par le projet (associations, financeurs, élus locaux, etc.) et de créer un lieu d'échanges et de discussions sur l'opportunité et la conduite du projet. Afin de répondre à l'objectif fixé par la Commission Mobilité 21, de réduction de l'empreinte environnementale des infrastructures de transport, et dans la lignée des évolutions juridiques du droit de l'environnement en matière d'évaluation des impacts environnementaux, les critères de respect de l'environnement pour un projet 10 d'infrastructure de transport sont illustrés par son degré de conformité aux « procédures environnementales » dictées de manière réglementaire. 2- Agencement des procédures : point sur les grandes environnementales d'un projet d'infrastructure de transport2 étapes réglementaires En raison de leur grande diversité, les projets d'infrastructures de transport ne sont pas tous élaborés selon des modalités strictement identiques. Toutefois, les nombreuses étapes jalonnant l'élaboration d'un projet d'infrastructure de transport sont, comme vu précédemment, bel et bien imposées par le droit (décrets, arrêtés,...). On pourra citer, le Débat Public, la concertation, la réalisation de l'étude d'impact, l'enquête publique, la déclaration d'utilité publique, la déclaration de projet, les autorisations environnementales liées à l'eau ou aux espèces protégées et le bilan de la réalisation de l'infrastructure. En bref, quatre étapes majeures peuvent servir de repères à l'élaboration des projets d'infrastructures de transports, quelle que soit leur nature (ferroviaire, routière, autoroutière, etc). 1) La première phase est généralement celle de l'étude d'opportunité et d'une première concertation. Le maître d'ouvrage doit alors rechercher les premières informations concernant le projet de manière à déterminer si la réalisation de celui-ci est opportune ou non. Ces premières données sont alors l'objet d'une discussion avec le public lors d'une phase de concertation, qui, selon le maître d'ouvrage et l'ampleur du projet pourra être réalisée lors d'un Débat Public ou d'une concertation relevant du Code de l'urbanisme, etc. 2) Ensuite, vient le moment des études préalables et de l'enquête publique, pendant lequel le maître d'ouvrage élabore le projet en profondeur et établit les documents qui servent à évaluer l'impact du projet (via l'étude d'impact notamment). Cette étape s'achève par la présentation du projet en enquête publique et par la déclaration d'utilité publique (DUP) dont le but est de valider le projet et de permettre l'amorce du processus d'expropriation le long du tracé de l'infrastructure. Cette étape peut aussi s'achever par une déclaration de projet (DP) le cas échéant (mais celle-ci ne permet pas les expropriations). 3) La troisième étape est celle de l'avant-projet détaillé : le maître d'ouvrage peut alors décider de confier la réalisation du projet à une personne déléguée ou une entreprise, ou bien continuer à porter lui-même le projet. La phase de l'avant-projet détaillé consiste alors à fixer les modalités concrètes de réalisation du projet au moyen d'études et de concertation avec les publics directement concernés par l'ouvrage. Elle fait l'objet d'un certain nombre d'autorisations administratives (loi sur l'eau et dérogations espèces protégées par exemple). 4) Enfin, les dernières étapes correspondent à la réalisation des travaux et au bilan environnemental de l'infrastructure, qui doit être réalisé dans un délai de cinq ans après sa mise en service. Le public continue d'être informé par le maître d'ouvrage durant cette phase travaux. Schéma : Les grandes étapes d'un projet d'infrastructure de transport et leurs délais Source : FNE/RFF. Réalisation personnelle. 2 Source : France Nature Environnement (2012), Guide d'aide au positionnement et à l'action des associations 11 Infrastructures et transport et Environnement, Paris, FNE Engagement des Travaux Mise en service Déclaration d'Utilité Publique Avis de l'autorité Environnementale Choix du tracé RÉALISATION Choix du fuseau Décision de la poursuite des études ÉTUDES DÉTAILÉES ET TRAVAUX PRÉPARATOIRES (Information du public) ENQUÊTE PUBLIQUE ÉTUDES PRÉALABLES à l'enquête publique (concertation continue) ÉTUDES PRÉALABLES DÉBAT PUBLIC (Concertation continue) au débat public Enjeux Conception Faisabilité 1.Options fonctionnelles et zones de passage préférentielles 2. Etudes d'Esquisses de tracés : Précisions trafic et ESE 3. Tracés finaux Préparation de l'enquête publique Opportunité et caractéristiques générales du projet EP: Code de l'Environnement EP: Code de l'Expropriation Dimensionnement des ouvrages et acquisitions foncières Travaux 4 ans et + 2 ans 6 à 8 ans 12 B- CONSTAT : CE QUI FAIT PROBLEME 1- L'exemple du TGV Roussillon (Montpellier Perpignan) : 20 ans de procédures On ne peut ignorer l'écart toujours plus important qui sépare la motivation d'un projet d'infrastructure de transport, de sa réalisation et plus encore de sa mise en service. Entre 1978 et 1985, il aura fallu sept ans pour élaborer dans son entier le TGV Sud-Est, reliant Paris à Lyon. Aujourd'hui, projets autoroutiers et ferroviaires demandent un temps d'étude pouvant aller de dix à vingt ans, aggravant dans le même temps, les problèmes de gestion du projet liés au renouvellement des ingénieurs et des élus. Si un projet est d'autant mieux réussi qu'il est soutenu au-delà des clivages politiques, d'autres, qui font moins l'objet d'un consensus politique, peuvent fortement souffrir du fait de cet étalement dans le temps. Actuellement en projet, nous avons choisi pour première illustration de nous intéresser au projet de ligne nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP)3. La Ligne Nouvelle Montpellier-Perpignan, qui s'inscrit dans le programme des grands projets ferroviaires nationaux conduit par Réseau Ferré de France, est un projet de création d'une nouvelle liaison ferroviaire d'une longueur d'environ 150 km reliant Montpellier à Perpignan, qui vise à répondre durablement à la demande croissante de mobilité et aux problèmes de congestion à moyen terme sur l'axe ferroviaire du Languedoc-Roussillon. Le projet de création d'une ligne ferroviaire nouvelle entre Montpellier et Perpignan est le fruit d'une longue histoire : dès la fin des années 1980, de nombreux projets de lignes à grande vitesse (LGV) sont mis à l'étude par la SNCF, parmi lesquels celui du « TGV Languedoc-Roussillon ». Cette ligne, prolongation du projet du « TGV Méditerranée » (devant relier Valence à Marseille et Montpellier) visait à transporter des voyageurs à grande vitesse entre Montpellier et la frontière espagnole. Les études d'Avant-projet sommaire (APS) sont réalisées de 1993 à 1995 puis approuvées le 9 mai 1995 par décision ministérielle. Un tracé est alors retenu. Mais cette même année marque un coup d'arrêt pour le « TGV Languedoc- Roussillon». Le projet de LGV n'atteint plus Montpellier mais s'arrête à l'ouest de Nîmes. Le « TGV Languedoc-Roussillon » est donc ajourné. Pourtant, les années 2000 marquent l'urgente volonté de développer l'axe ferroviaire du Languedoc-Roussillon. En 2000, le tracé retenu en 1995 est qualifié de Projet d'Intérêt Général (PIG) afin de pouvoir réserver un espace d'emprise. En mai 2005, le contournement de Nîmes et Montpellier est déclaré d'utilité publique et la consultation pour le choix d'un partenaire privé est lancée en septembre 2008. Cependant cela ne concerne pas encore la section Montpellier Perpignan. Ce n'est qu'en 2006 que le Ministère des Transports demande à RFF d'engager les études de la Ligne Nouvelle Montpellier Perpignan (LNMP), aboutissant, de mars à juin 2009, au Débat Public concernant le projet LNMP et le 3 juillet 2009 au bilan établi par le Président de la Commission nationale du débat public. Le 14 novembre 2011 la Ministre en charge de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement valide finalement la première étape des études qui définit une zone de passage de 1000 mètres. En bref, il aura fallu plus de 10 ans pour aboutir au Débat Public de 2009 et il faudra encore une dizaine d'années pour mener à bien toutes les procédures menant d'abord aux travaux, puis à la mise en service. 3 Source : RFF, Ligne Nouvelle Montpellier-Perpignan dossier ministériel de fin d'étape 1 13 Frise prévisionnelle des grandes étapes de procédures de la LNMP Source : www.tgv-roussillon.fr 2- L'évaluation environnementale en question Si l'exemple précédent illustre bien la tendance actuelle à l'étalement de la durée des grands projets d'infrastructures de transports, il ne permet pas, en l'état, de blâmer les procédures d'évaluation environnementale (étude d'impact, évaluation environnementale, mesures compensatoires, enquête publique, association et information continues du public, etc.). Par un effet de zoom sur le droit de l'environnement et ses dispositions en matière de procédures d'évaluation environnementale, à leurs acteurs et à leurs agencements, il sera alors possible de brosser un tableau des carences françaises en la matière. 3- Sur la piste des possibles points de blocages des processus d'évaluation environnementale D'un point de vue strictement budgétaire, la prise en compte des enjeux environnementaux renchérit le coût d'un projet ferroviaire : les mesures d'évitement se traduisent souvent par une restriction des emprises ou une déviation de parcours, nécessitant la plupart du temps des techniques de construction plus onéreuses ; les mesures de réduction peuvent nécessiter quant à elles des choix d'ouvrages plus coûteux ; et les mesures compensatoires ajoutent en toute logique encore au coût de l'infrastructure. Ce point est néanmoins à nuancer car si l'évitement a été bien pensé, les mesures de réduction/compensation seront moindres, et donc n'entraineront pas l'additionnalité des coûts. Favoriser au maximum l'évitement en amont permet de réduire les coûts en aval liés à d'éventuelles mesures de compensation. En général, la protection de l'environnement se traduit par un allongement des procédures et de leur de l'obtention, ce qui s'avère préjudiciable au dynamisme de l'activité, et paradoxalement, à la qualité environnementale même du projet. D'un point de vue plus économique et social, la définition et la mise en oeuvre des mesures de protection de l'environnement, et au-delà du développement durable, stimulent la recherche, les bureaux d'étude et les entreprises et bénéficient à toute une partie de la société. A plus long terme, il est certain que le souci de préserver l'environnement en tant que patrimoine et que ressources renouvelables mais fragiles, contribue au développement de la société. 14 Ainsi, ce premier bilan est en demi-teinte: si la naissance et le développement des processus d'évaluation environnementale se trouvent éminemment justifiés, il est toutefois légitime de s'interroger sur la capacité de cet outil de la protection de l'environnement a bien servir son objectif. Il est également nécessaire d'évaluer si ­ et de quelle manière- le fond et la forme actuels de la réglementation environnementale sont vecteurs d'une réelle valeur ajoutée économique et sociale pour les projets d'infrastructure de transport. D'autres problèmes peuvent venir à l'esprit lorsque les processus d'évaluation environnementale sont évoqués ; problèmes que nous aurons loisir de développer par la suite. Parmi ceux-ci : accumulation des normes, forte emprise de la bureaucratie, et immobilisme relatif, qui conduit à l'impuissance des politiques publiques et par tant pose un problème de compétitivité économique à la Nation. 4- Une volonté de simplification Il n'est pas inutile de rappeler que la perspective de l'amélioration du droit par sa simplification a fait récemment l'objet de plusieurs travaux et volontés ministérielles, inscrivant la présente étude au coeur de la plus brûlante actualité. De fait, le « choc de simplification » demandé par le gouvernement, le rapport Lambert-Boulard, les Etats généraux de la modernisation du droit de l'environnement annoncés par le président de la République et lancés par la ministre de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie, ou encore le virulent pamphlet de Guillaume Poitrinal, chef d'entreprise et auteur de Plus vite ! La France Malade de son temps, rassemblent tous cette volonté d'optimisation, de maîtrise et de simplification des procédures et entre autres, des procédures environnementales appliquées en France. La politique des transports doit s'orienter vers les trois dimensions de la durabilité, en tenant compte des critères économiques, écologiques et sociaux. Le développement futur des infrastructures de transport étant partagé entre des exigences de croissance, des conditions cadre écologiques de plus en plus strictes et des moyens financiers limités, il est difficile de trouver un équilibre entre ces exigences, et difficile aussi (mais pas impossible !) d'opérer « une simplification méliorative » sans appauvrir la qualité et les avancées du droit environnemental, car la planification, l'évaluation et les procédures de décision d'un projet d'infrastructure de transport forment un système complexe. Cette superposition de couches de procédures répond à des finalités légitimes, résultant de l'application du droit européen et international (étude d'impact, etc.), mais aboutit à un parcours où, en l'espace de 30 ans, les étapes se sont démultipliées, engendrant des délais toujours plus longs, sans pour autant que la protection de l'environnement n'en ait été proportionnellement améliorée. C- CONTEXTE : DIRECTIVES EUROPEENNES, RAPPEL DE LA LEGISLATION ENVIRONNEMENTALE ET DES REFORMES RECENTES 1- Rappels historiques du droit de l'environnement Le 25 juin 2003, le projet de loi Constitutionnel de la Charte de l'environnement était présenté en Conseil des ministres. Cette étape, majeure, a elle-même été précédée de la construction, étape après étape, du droit de l'environnement, en particulier depuis la fin des années 70. Pour rappel4, le 2 mai 1930, est promulguée la « loi sur la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque », loi qui est encore aujourd'hui le fondement des classements et des inscriptions de sites, et la première traduction de la protection de la nature. A partir des années 70, la protection de la nature se dote de ses propres outils et de ses concepts, politiques et juridiques. En France, la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature permet la protection non plus seulement de sites mais de la faune et de la flore et établit une liste d'espèces protégées. 4 Source : Discours d'ouverture des Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l'Environnement (EGMDE) par Delphine Batho, Ministre l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie de juin 2012 à juillet 2013 15 La loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement (les ICPE), impose aux installations industrielles et agricoles des normes environnementales. Cette loi, et l'idée centrale d'une nomenclature qui recense toutes les catégories d'installations et les régimes qui leur sont applicables avec des prescriptions générales, servira de référence au niveau européen. En 1979, vient ensuite le temps des grandes avancées du droit européen avec, la directive relative à la conservation des Oiseaux sauvages ainsi que leurs habitats, suivie en 1992 par la Directive Habitats qui impose la protection d'espèces protégées. C'est un tournant important, puisque aujourd'hui 85 % des normes environnementales nationales sont d'origine communautaire. Puis est venu le temps d'une vision globale et systémique de l'environnement, avec la loi sur l'eau de 1992, ainsi que les lois sur les déchets et sur le recyclage. Puis, la loi Barnier du 2 février 1995 instaure la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) et fixe les principes de la prévention des risques naturels. Et le 18 septembre 2000, la naissance du code de l'environnement réunit pour la première fois le corpus du droit de l'environnement français. Ainsi, la protection de l'environnement ne relève pas seulement d'un droit technique, de normes sectorielles, mais bien de principes supérieurs, ayant valeur constitutionnelle, universels et compréhensibles par tous. Trois principes traduisent ce droit de l'environnement: principe de prévention, principe de précaution, principe de participation du public. 2- Directives européennes et principaux textes en vigueurs Si 85% des normes environnementales sont issues du droit communautaire, l'évaluation des impacts environnementaux ne déroge pas à la règle. Deux directives européennes la réglementent : la première concerne l'évaluation des incidences des projets sur l'environnement (dite directive EIE pour « évaluation des incidences sur l'environnement » ou directive « projets ») et la deuxième s'attache à l'évaluation des incidences des plans et programmes sur l'environnement (dite directive ESIE pour « évaluation stratégique des incidences sur l'environnement » ou directive « plans et programmes »). 1) Directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement 5(directive recodifiée 2011/92/UE du 13 décembre 2011) L'objectif de cette directive EIE est de soumettre les projets publics et privés ayant une incidence notable sur l'environnement (art. 1er) à une évaluation par l'autorité nationale compétente. Elle doit déterminer les effets directs (sur la base de l'information appropriée fournie par le maître d'ouvrage et éventuellement complétée par les autorités et par le public susceptible d'être concerné par le projet6) et indirects7 des projets sur différents 5 Source : Legifrance.fr et europa.fr Considérant 7 de la directive : « L'autorisation des projets publics et privés susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ne devrait être accordée qu'après évaluation des incidences notables que ces projets sont susceptibles d'avoir sur l'environnement. Ladite évaluation devrait être effectuée sur la base de l'information appropriée fournie par le maître d'ouvrage et éventuellement complétée par les autorités et par le public susceptible d'être concerné par le projet. » 6 7 L'annexe III de la directive 2011/92 précise que pour les effets importants des projets sur l'environnement, il s'agit : de décrire les effets directs et, le cas échéant, les effets indirects secondaires, cumulatifs, à court, moyen et long termes, permanents et temporaires, positifs et négatifs du projet. 16 éléments comme : le sol, l'air, l'eau, la faune, la flore, le climat, le paysage, le patrimoine culturel, l'homme, ainsi que sur leurs interactions. Pour les projets d'infrastructures de transport, cette évaluation peut ne pas être systématiquement obligatoire : la directive autorise les Etats membres à procéder à une évaluation au cas par cas ou par seuils selon la taille, l'impact potentiel et la localisation des projets. C'est le maître d'ouvrage qui est chargé de la constitution et de la présentation du dossier à l'autorité compétente pour autoriser le projet. Ce dossier doit contenir a minima les principales caractéristiques du projet et les solutions envisagées pour éviter, réduire et éventuellement compenser les impacts environnementaux du projet. Ces informations sont par la suite mises à la disposition des principales parties prenantes ; citoyens, autorité compétente en matière d'environnement, etc. Des délais suffisants doivent être prévus pour permettre une réaction de toutes les parties intéressées. Ces avis doivent être pris en compte dans la procédure d'autorisation - hormis l'avis d'AE qui est un avis simple et non bloquant, et ne va pas autoriser ou non un projet. En 2003, une révision de cette directive a permis d'y insérer l'esprit de la Convention d'Aarhus, convention européenne signée en 1998 qui vise à impliquer les citoyens dans le processus décisionnel d'un projet lorsque leur environnement se trouve concerné. La directive ESIE (évaluation stratégique des incidences sur l'environnement) vise à compléter la directive EIE en enrichissant la notion de « projet » par celle de « programme ». Selon la définition du Grenelle 2 de l'environnement, « un programme de travaux, d'aménagements ou d'ouvrages est constitué par des projets de travaux, d'ouvrages et d`aménagements réalisés par un ou plusieurs maîtres d'ouvrage et constituant une unité fonctionnelle ». En conséquence, l'évaluation des incidences doit être globale pour tous les projets concourant à un même objectif et les projets ne se concevant pas l'un sans l'autre, alors même que les maîtres d'ouvrage seraient différents. L'objectif est ici de considérer les incidences globales sur l'environnement d'opérations ayant un lien fonctionnel entre elles. 2) Directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement Les plans et programmes publics couverts par la présente directive font l'objet d'une évaluation environnementale au cours de leur élaboration et avant leur adoption. Cette évaluation inclut l'établissement d'un rapport sur les incidences environnementales (indiquant notamment les solutions de substitution raisonnables) ainsi que la réalisation de consultations du public, des autorités chargées des questions d'environnement et le cas échéant, des autres États membres en cas d'incidences transfrontières notables. Le rapport sur les incidences environnementales et les résultats des consultations sont pris en compte avant l'adoption du plan ou du programme. Une fois que celui-ci est adopté, les autorités chargées des questions d'environnement, le public et tout État membre consulté sont informés, et les renseignements pertinents mis à leur disposition. 3- Les textes de référence Tableaux des principaux textes de référence par procédure : 17 1. Elaboration concertée des projets d'infrastructure Thèmes Principaux textes de référence Convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public et l'accès à la justice dans le domaine de l'environnement du 25 juin 1998 Directive n°2003/4/CE du 26 mai 2003 relative à la participation du public à l'élaboration de certain plans et programmes Art 7 de la Charte de l'environnement Art L. 121-1 et suivants du code de l'environnement Loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement Art L.300-1 et L.300-2 du Code de l'urbanisme Consultation des services de l'Etat 2. Evaluation préalable des incidences Thèmes Principaux textes de référence Charte Constitutionnelle de l'environnement « Grenelle 1 et 2 » de l'environnement Loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement Etude d'impact Art L. 122-1 et suivants du Code de l'environnement Art R. 122-1 à R.122-6 du Code de l'environnement Décret 2011-2019 du 19 décembre 2011 portant réforme des études d'impact (dit décret « Grenelle2 ») Art L. 371 et suivants du Code de l'environnement Décret n°2012-1492 du 27 décembre 2012 relatif à la trame verte et bleue Directive n°2009/147/CE du 30 novembre 2009 (nouvelle directive « oiseau ») Directive n°92/43/CE du Conseil du 21 mars 1992 (directive « habitat ») Art L. 414-1 et suivants et R. 414-1 et suivants du Code de l'environnement Circulaire du 15 avril 2010 relative à l'évaluation des incidences Natura 2000 Art L. 1511-2 à L. 1511-4 du Code des transports (bilan socio-économique) 18 Circulaire du 05 octobre 2004 du Premier Ministre relative à la concertation applicable aux projets de travaux, d'aménagements et d'ouvrages de l'Etat et des collectivités locales Principes généraux de participation du public Débat public Concertation (L. 300-2 du Code de l'urbanisme) Principes généraux d'évaluation des incidences environnementales Trame verte et trame bleue (TVB) Dossier d'incidence Natura 2000 Evaluation socio-économique 3. Police de l'eau et installations classées Thèmes Principaux textes de référence Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour un politique communautaire dans le domaine de l'eau Directive 2008/105/CE du 16 décembre 2008 établissant des normes de qualité environnementales dans le domaine de l'eau Ordonnance n°2012-34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du Code de l'environnement Art L. 210-1 et suivants et R. 211-1 et suivants du Code de l'environnement Police de l'eau Police des ICPE Directive n°2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux Directive SEVESO II du 9 décembre 1996 Ordonnance n°2012-34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du Code de l'environnement Articles L. 511-1, L.512-1, L.513-1, L.514-1, L.515-1, L.516-1 et L.517-1 et suivants du Code de l'environnement 19 4. Reconnaissance de l'intérêt général Thèmes Principaux textes de référence Grenelle 1et 2 et loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement Décret n°2011-2018 du 29 décembre 2011 portant réforme de l'enquête publique relative aux opérations susceptibles d'affecter l'environnement Art L. 123-1 et R.123-1 du code de l'environnement Grenelle 1et 2 et loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement Décret n°2011-2018 du 29 décembre 2011 portant réforme de l'enquête publique relative aux opérations susceptibles d'affecter l'environnement Art L.11-1 et suivants et R. 11-1 à R.11-4 du Code de l'expropriation Art L. 123-1 et suivants et L. 126-1 et suivants du Code de l'environnement Loi du 7 juillet 1845-police des chemins de fer Circulaire n°71-721 du 21 octobre 1971 Circulaire n°91-21 du 18 mars 1991 L'enquête publique « code de l'environnement » L'enquête publique préalable à la DUP L'enquête publique de Commodo et Incommodo 4- Evolutions juridiques récentes8 Les évolutions juridiques récentes concernent tout d'abord la loi n°2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (dite loi Grenelle 1), et la loi n°2010-788 du 12 juillet 2012 portant engagement national pour l'environnement (dite loi Grenelle 2). Elles précisent notamment : L'obligation pour les procédures de décisions susceptibles de porter atteinte à l'environnement de « faire la preuve qu'une décision alternative plus favorable à l'environnement est impossible à un coût raisonnable » Le développement d'un Schéma National des Infrastructures de Transport (cependant, resté au stade de projet, il n'existe officiellement pas) La création des notions de « trames vertes et bleues », outils intégrés au code de l'environnement (décrets n°2012-1219 du 27/10/2012 et n°2012-1492 du 27/12/2012) - Le droit communautaire précise que les évaluations préalables des incidences environnementales d'un projet d'infrastructure de transport se doivent d'être des outils d'aide à la décision des maîtres d'ouvrage. Elles doivent lui donner les informations nécessaires à l'élaboration du « bon projet », c'est-à-dire du projet concerté, dont le besoin est reconnu. Elles doivent également lui permettre d'anticiper les conséquences dommageables pour y remédier. Cette évaluation préalable des incidences est prévue en France comme une étude « administrative », 8 Source : Dorothée Pic, Manuel Maîtrise des procédures administratives des projets d'infrastructures de transports terrestres 20 « réglementée » et « contraignante» de par ses exigences de forme et de fond. L'appréhension des incidences nécessite au préalable de définir le périmètre du projet et de préciser ses relations avec les autres projets à proximité (notion de « programme »). La loi Grenelle 2 modifie fondamentalement le fonctionnement et la place de l'évaluation environnementale : elle en fait ainsi un véritable outil d'aide à la décision. 5- Les réformes récentes : études d'impact et enquêtes publiques Le 1er juin 2012, deux réformes importantes pour le droit de l'environnement sont entrées en vigueur : la réforme des études d'impact (portée par le décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011) et la réforme de l'enquête publique (portée par le décret n° 2011-2018 du 29 décembre 2011). A noter que la réforme de l'enquête publique s'inscrivait déjà dans une démarche de simplification des procédures d'évaluation environnementale. En ce qui concerne les études d'impact, la réforme récente visait une approche mieux ciblée des enjeux environnementaux. Les améliorations portaient sur les points suivants : La suppression des seuils financiers au profit de la catégorisation des projets au regard de leurs impacts potentiels, la création d'une procédure d'examen au cas par cas à l'issue de laquelle l'autorité environnementale prend une décision motivée de soumettre le projet à étude d'impact ou au contraire de l'en dispenser, l'insertion dans les décisions d'autorisation des mesures de réduction et de compensation des effets négatifs des projets sur l'environnement. - - La réforme des enquêtes publiques, procédures traditionnelles de participation du public, quant à elle a considérablement réduit le nombre des régimes particuliers d'enquêtes publiques. De fait, avant la réforme, on dénombrait environ 180 types d'enquêtes différentes. Désormais on distingue deux types d'enquêtes : les enquêtes relevant du code de l'environnement et celles relevant du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Autres objectifs de la réforme : l'amélioration de la participation du public à la décision publique et une plus grande sécurité juridique des décisions prises à l'issue d'une enquête publique. On citera ainsi quelques dispositions nouvelles concourant à ces objectifs : la possibilité de participer à l'enquête publique par voie électronique, la possibilité de suspendre l'enquête lorsqu'il est nécessaire d'apporter au projet ou plan concerné des modifications substantielles, la possibilité de prévoir une enquête publique complémentaire en cas de changements qui modifient l'économie générale du projet, l'ouverture d'un contrôle par le président du tribunal administratif de la motivation des conclusions du commissaire enquêteur. Au niveau de la simplification des procédures, on peut noter, entre autre, l'encadrement de la durée de l'enquête9 ou encore la possibilité de regrouper les enquêtes en une enquête unique en cas de pluralité de maîtres d'ouvrage ou de réglementations distinctes. Le décret fixe aussi la composition du dossier d'enquête qui devra comporter un bilan du Débat Public ou de la concertation préalable si le projet en fait l'objet. Ces réformes simplifient à la fois le travail des maîtres d'ouvrage, améliorent la participation du public et la prise en compte des avis formulés, optimisent les procédures et la possibilité de modifier les projets en cours d'enquête. 9 Durée fixée réglementairement, voir R. 123-6 du code de l'environnement. 21 La question que nous pouvons dès lors nous poser est double : ces réformes ont-elles amélioré la maîtrise de l'évaluation environnementale en pratique, et ne peut-on pas aller plus loin dans cette démarche de simplification et de regroupement ? D- FRANCE : PROCEDURES, ACTEURS, DELAIS Cette partie propose de décrire en précision et de manière la plus complète possible les étapes de l'élaboration d'un projet d'infrastructure de transport, leurs délais, et acteurs. Le lecteur pourra se reporter au schéma de la page 12. 1- Phase amont de la concertation Afin d'identifier les enjeux du projet et de décider s'il est opportun ou non de lancer des études sur les conditions précises de la réalisation du projet, le maître d'ouvrage peut en tout premier lieu décider de la réalisation d'une étude d'opportunité, aussi appelée « pré-étude fonctionnelle ». C'est une phase qui n'est néanmoins ni prévue de manière réglementaire, ni sujette à un formalisme particulier. Les associations nationales, entre autres acteurs, peuvent être sollicitées dès ce stade par le maître d'ouvrage. Ce dernier peut en effet, dès le lancement de l'étude d'opportunité, décider de la création d'un comité de pilotage regroupant la plupart du temps les principaux intéressés par le projet : financeurs, élus locaux, associations, etc. Ce comité est un lieu de discussion sur l'opportunité du projet. Cette phase permet entre autres, d'identifier les principaux acteurs de la concertation, à son stade le plus précoce. C'est également à ce stade qu'il faut s'assurer que le projet est compatible avec les orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques et qu'il prend en compte les schémas régionaux de cohérence écologique. 2- Phase de concertation (Débat Public et autres formes de concertation) Le Débat Public10 1) Objectifs et finalité11 : Le Débat Public est une étape dans le processus décisionnel s'inscrivant en amont du processus d'élaboration d'un projet et portant à la fois sur son opportunité, ses objectifs et sur ses caractéristiques principales lorsque toutes les options sont encore ouvertes. Forme institutionnalisée de la concertation, le Débat Public est ouvert à l'ensemble de la population. Le Débat Public réunit trois objectifs et une finalité : Il doit tout d'abord informer le public sur le projet soumis au débat, sur ses enjeux et ses impacts de façon la plus objective qui soit. Ces informations sont recueillies dans le dossier du débat, présentées et expliquées lors des réunions publiques par exemple, réunions qui constituent l'essentiel de la forme du débat public. Le deuxième objectif du Débat est de permettre au public de s'exprimer sur le projet, de poser toutes les questions qu'il souhaite et d'en obtenir les réponses. Le troisième et dernier objectif du Débat Public est d'éclairer le maître d'ouvrage ou la personne publique responsable du projet : à l'issue d'un Débat Public ceux-ci doivent pouvoir être en mesure de mettre en évidence les éléments clés permettant soit de refonder le projet et de mieux cerner les conditions de sa réussite, soit de le suspendre, soit de l'annuler. Enfin, la finalité du Débat Public est de démocratiser et de légitimer la décision finale qui ne fera pas nécessairement consensus mais qui sera rendue acceptable parce que tous auront pu s'exprimer et être entendus. Le Débat Public n'est ni le lieu de la décision, ni même celui de la négociation. Il est un temps d'ouverture et de dialogue dans le processus décisionnel, un temps riche d'opinions plurielles dans lequel le 10 11 Voir également II, B « Débat public » Source : CNDP 2002-2012, La pratique du Débat Public : évolution et moyens de la commission nationale 22 public, grâce à son « expertise d'usage », peut apporter des points de vue nouveaux et utiles à la réflexion et à la décision future du maître d'ouvrage. Les rôles de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) et des Commissions Particulières de Débat Public (CPDP) qui la composent, doivent être d'organiser le Débat et de faciliter l'expression des opinions sans jamais prendre parti sur le fond du projet. 2) Projets visés Première formalité de participation et de concertation imposée au maître d'ouvrage, le processus de Débat Public concerne les projets d'infrastructures de transports terrestres suivants12 : La création de routes à 2x2 voies à chaussées séparées ; l'élargissement d'une route existante à 2 ou 3 voies pour en faire une route à 2x2 ou plus à chaussées séparées et la création de lignes ferroviaires : La saisine de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) est obligatoire lorsque le coût du projet est supérieur à 300 millions d'euros ou que la longueur du projet est supérieure à 40 km La saisine de la CNDP est facultative lorsque le coût du projet est supérieur à 150 million d'euros ou que la longueur du projet est supérieure à 20 km. 12 Articles R. 121-1 et R. 121-2 du code de l'environnement 23 Les autres projets soumis à la procédure de Débat Public sont recensés dans le tableau ci-après : Catégories d'opérations visées à l'article L. 121-8 Seuils et critères visés à l'article L. 121-8-I Seuils et critères visés à l'article L. 121-8-II 1. a) Créations d'autoroutes, de routes express ou de routes à 2 × 2 voies à chaussées séparées ; Coût du projet supérieur à 300 M ou longueur du projet supérieur à 40 km. Coût du projet supérieur à 150 M ou longueur du projet supérieure à 20 km. b) Elargissement d'une route existante à 2 voies ou 3 voies pour en faire une route à 2 × 2 voies ou plus à chaussées séparées ; c) Création de lignes ferroviaires ; d) Création de voies navigables, ou mise à grand gabarit de canaux existants. 2. Création ou extension d'infrastructures de pistes d'aérodromes. Aérodrome de catégorie A et coût du projet supérieur à 100 M . Aérodrome de catégorie A et coût du projet supérieur à 35 M . 3. Création ou extension d'infrastructures portuaires. Coût du projet supérieur à 150 M ou superficie du projet supérieure à 200 ha. Coût du projet supérieur à 75 M ou superficie du projet supérieure à 100 ha. 4. Création de lignes électriques. Lignes de tension supérieure ou égale à 400 kV et d'une longueur supérieure à 10 km. Lignes de tension supérieure ou égale à 200 kV et d'une longueur aérienne supérieure à 15 km. 5. Création de canalisations de transport de gaz, d'hydrocarbures ou de produits chimiques Canalisations de transport de diamètre supérieur ou égal à 600 millimètres et de longueur supérieure à 200 kilomètres. Canalisations de transport de diamètre supérieur ou égal à 600 millimètres et de longueur supérieure ou égale à 100 kilomètres 6. Création d'une installation nucléaire de base. Nouveau site de production nucléaire-Nouveau site hors production électro-nucléaire correspondant à un investissement d'un coût supérieur à 300 M . Nouveau site de production nucléaire-Nouveau site hors production électro-nucléaire correspondant à un investissement d'un coût supérieur à 150 M . 7. Création de barrages hydroélectriques ou de barragesréservoirs. Volume supérieur à 20 millions de mètres cubes. Volume supérieur à 10 millions de mètres cubes. 8. Transfert d'eau de bassin fluvial (hors voies navigables). Débit supérieur ou égal à un mètre cube par seconde. Débit supérieur ou égal à un demi-mètre cube par seconde. 24 3) Formalités d'organisation et délais Le dossier de saisine doit présenter les objectifs et les principales caractéristiques du projet, les enjeux socioéconomiques, le coût estimatif, et l'identification des impacts significatifs du projet sur l'environnement ou l'aménagement du territoire. Un dossier de support doit également être produit. Le débat en lui-même consiste en différentes réunions publiques afin de mettre en relation le maître d'ouvrage et les acteurs intéressés par l'opération. Généralement, la procédure dépend de la décision de la CNDP. Toutefois, la loi Grenelle 2 a prolongé le rôle de la CNDP jusqu'à la réception des équipements et travaux des projets dont elle a été saisie. A noter que le rôle de la CNDP, une fois que celle-ci a été saisie, est de décider du type de concertation à mettre en place par la suite et de veiller à son organisation. En termes de délais, il faut compter environ deux ans ­hors élaboration du dossier de saisine- pour mener à bien le processus de Débat Public, depuis la publicité du projet, jusqu'à la déclaration du maître d'ouvrage sur la suite à donner au projet, déclaration basée sur le bilan du Débat Public et sur les conclusions des différents acteurs lors du Débat Public. En détail, la conduite du processus de Débat Public s'effectue comme suit : Processus d'un Débat Public SAISINE Publicité du projet 2 mois Désignation du type de concertation par la CNDP (DP, garant, etc) 2 mois Le maître d'ouvrage constitue le dossier qui sera soumis au DP et l'adresse à la CNDP 6 mois* Organisation du DP et fixation du calendrier 2 mois Débat public 4 mois Prolongation possible 2 mois Compte rendu 2 mois Le Maître d'ouvrage se prononce sur les suites à donner 3 mois CLOTURE *Ce délai ne peut dépasser les 6 mois. Réalisation personnelle. Source : FNE. En détail, l'organisation et le déroulement d'un Débat Public peuvent être résumés par le logigramme suivant : 25 L'organisation et le déroulement d'un débat public Source et réalisation : Philippe Subra 26 Concertation L. 300-213 En l'absence de Débat Public, des possibilités de participation sont néanmoins ouvertes aux associations et au public : La concertation de type L. 300-2 du code de l'urbanisme a pour objectif d'associer le public à l'élaboration des projets d'infrastructures et d'aménagement à l'échelle locale. Son champ d'application concerne notamment : toutes les opérations d'aménagement qui, par leur importance ou leur nature, modifient de façon substantielle le cadre de vie ou l'activité économique de la commune et qui figurent aux articles R. 300-1 à R. 300-3 du Code de l'urbanisme. Le but du dossier est de faire partager les démarches et études menées : il faut généralement un à trois mois au maître d'ouvrage pour l'élaborer puis 4 à 8 mois entre les deux délibérations. Concertation inter-administrative La concertation inter-administrative n'est pas une procédure formalisée, elle découle d'une circulaire encourageant les maîtres d'ouvrage à solliciter les services compétents de l'Etat pour assurer la qualité et la conformité des dossiers. C'est une démarche menée et anticipée par le maître d'ouvrage, qui doit être force de proposition dans la conduite et les étapes du processus. La loi Grenelle 2 a renforcé la concertation avec les services de l'Etat et les autres collectivités : Suite à la réforme concernant les études d'impact, le maître d'ouvrage peut saisir l'autorité compétente pour avis sur le degré de précision de l'étude d'impact. C'est le « cadrage préalable ». La procédure d'avis de l'Autorité Environnementale (qui renforce la nécessité d'une rencontre avec les services de l'Etat) La réglementation liée au suivi de la mise en oeuvre des mesures environnementales crée également la nécessité de maintenir cette concertation pendant les travaux. L'objectif de la concertation administrative est d'assurer la qualité et la conformité des dossiers d'évaluation environnementale et économique dans le cadre des procédures liées à la protection de l'environnement et notamment dans le cadre des études d'impact et enquêtes publiques. Sont soumis à concertation inter-administrative (IA) tous projets dès lors qu'ils comprennent l'élaboration d'une étude d'impact ou s'ils sont en présence d'une sensibilité environnementale particulière. La concertation IA doit démarrer au moment de la finalisation de l'étude d'impact. La durée de la concertation IA est beaucoup plus courte que celle de l'élaboration de l'étude d'impact (en générale 1 ou 2 mois, voire 15 jours). Toutefois, la concertation Inter-Administrative ne vaut pas avis de l'autorité environnementale et ne remplace pas non plus les demandes d'avis exigées par les textes. Suite de la concertation Il est à noter en effet que la concertation continue, suite aux études d'opportunité, pendant les études préalables selon plusieurs modalités : Dans l'hypothèse où un Débat Public a eu lieu, la CNDP doit être tenue informée « des modalités d'information et de participation du public mises en oeuvre ainsi que sa contribution à l'amélioration du 13 Modification en cours dans le cadre de l'article 82 de la loi accès au logement et urbanisme rénové. 27 - projet jusqu'à l'enquête publique»14. Depuis Grenelle 2, la CNDP peut alors mettre en place un garant chargé de s'assurer du bon suivi de la concertation15. Dans le cas où un Débat Public n'a pas été organisé, le suivi de la concertation peut être rendu obligatoire par l'article L. 300-2 du Code de l'urbanisme. Enfin, en l'absence d'obligation réglementaire, le maître d'ouvrage peut décider de mettre volontairement en place une concertation sur la base de l'article L. 121-6 du code de l'environnement : c'est le processus de concertation volontaire. Schéma ci-après : Niveau d'avancement des procédures d'évaluation d'un projet d'infrastructure de transport terrestre et phases de concertation associées Réalisation personnelle. Aide : Dorothée Pic et Laetitia Mathieu, rédactrices du manuel Admoveo/Arcadis Formation Ponts Paristech : Maîtrise des procédures administratives des projets d'infrastructures de transports terrestres. Module 1 : ordonnancement des procédures. 14 15 Code de l'environnement, art L.121-13-1 Voir II, B 28 29 3- Etudes préliminaires et enquête publique Lorsque l'opportunité d'un projet est validée (à l'issue du Débat Public par exemple), le maître d'ouvrage doit alors lancer des études afin de répondre aux enjeux soulevés par l'étude d'opportunité. Ces « études préliminaires » sont généralement constituées de l'étude d'impact, du dossier Natura 2000 et des études socioéconomiques. Elles aboutissent traditionnellement à présenter le tracé de l'infrastructure dans un fuseau bien plus resserré que celui de l'étude d'opportunité : on passe généralement de plusieurs kilomètres à quelques centaines de mètres. L'évaluation socio-économique (LOTI) Présentant de manière globale les avantages et les inconvénients du projet, l'évaluation socio-économique est un document obligatoire qui peut néanmoins être incorporée à l'étude d'impact. Elle présente d'une part une analyse des incidences du choix du projet sur les équipements de transport existants ou en cours de réalisation, ainsi que sur leurs conditions d'exploitation et d'autre part un exposé sur la compatibilité du projet avec les schémas directeurs d'infrastructures applicables. L'élaboration d'une évaluation socio-économique est complexe et doit donc être anticipée. Son délai moyen de rédaction est de 9 mois mais les études socio-économiques doivent être menées tout au long du processus d'élaboration du projet. Cette évaluation est à joindre au dossier d'enquête publique. L'étude d'impact Obligatoire également pour les projets répondant à certains critères16, elle concerne la quasi-totalité des projets d'infrastructures17. Elle est unique et tient compte de l'impact global du projet lorsque celui-ci est morcelé en plusieurs projets de plus petite envergure (notion de « programme de travaux»). En outre, si les projets sont échelonnés dans le temps, une rubrique traitant de l'impact global de l'opération devra être jointe aux différentes études d'impact. L'étude d'impact est composée a minima18 : De l'analyse de l'état initial du site et de son environnement, De l'analyse des effets du projet De la motivation du projet et des alternatives au projet retenu De la méthode utilisée pour évaluer les effets négatifs du projet Des mesures envisagées pour éviter, réduire et éventuellement compenser les impacts négatifs du projet D'un résumé non technique La production d'une étude d'impact et très variable d'un projet à l'autre. A noter que l'étude d'impact sera jointe à chaque dossier d'autorisation nécessitant la réalisation préalable d'une étude d'impact (R.122-8 du Code de l'environnement), ce qui impliquera une réactualisation de l'étude d'impact19. 16 17 Art L. 122-1 et suivants et R. 122-1 et suivants du Code de l'environnement Voir I, B 18 Art R. 122-5 Code de l'environnement 19 Néanmoins, si le dossier loi sur l'eau intervient 6 mois après l'étude d'impact, il n'y aura pas actualisation. 30 L'Autorité Environnementale Créée par le décret n°2009-496 du 30 avril 2009, l'Autorité Environnementale vise à faciliter la participation du public à l'élaboration des décisions qui le concerne et à améliorer la qualité des projets en rendant des avis, concernant notamment les études. L'autorité peut être le ministre chargé de l'environnement ou, localement et pour son compte, les préfets lorsque le ministre n'est pas lui-même responsable de l'opération. Mais lorsque l'opération est réalisée par le ministère ou un organisme placé sous sa tutelle, la fonction d'autorité environnementale ne peut être directement dépendante de lui, ce qui a conduit à créer une structure spécifique au sein du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) pour avoir une garantie d'impartialité. Ses membres sont majoritairement issus du Conseil général de l'environnement et du développement durable, instance de conseil et d'inspection du ministère du développement durable ou bien sont recrutés pour leurs compétences environnementales. Depuis 2009, toute production d'étude d'impact donne lieu à un avis de l'Autorité Environnementale. Cette autorité examine l'étude d'impact et rend un avis sur la qualité et la complétude de celle-ci. L'avis de l'autorité environnementale n'oblige pas le maître d'ouvrage mais ce dernier doit en « tenir compte ». Il pourra, s'il le souhaite, adresser un mémoire de réponse à l'Autorité environnementale afin de lui faire part des éléments qu'il aura ou non décidé de prendre en compte. A noter cependant que si l'avis de l'Autorité Environnementale n'est pas pris en compte par le maître d'ouvrage, cela peut nourrir l'argumentation d'un recours devant le juge administratif. L'évaluation d'incidence Natura 2000 Si un projet soumis à étude d'impact est susceptible de porter atteinte à un site Natura 2000, le maître d'ouvrage doit alors réaliser une étude des incidences sur ce site. Elle peut également être incorporée à l'étude d'impact et doit comporter20: Une description du projet avec une carte ainsi qu'un exposé des raisons pour lesquelles l'opération serait susceptible de porter préjudice à un site Natura 2000, Si préjudice il y a, une analyse des effets directs ou indirects, temporaires ou permanents, isolés ou cumulés, que le projet et ses effets peuvent avoir sur le site, Un exposé des mesures prises pour réduire ou supprimer les effets négatifs sur le site, puis pour les compenser si aucunes autres solutions n'auront été trouvées. L'enquête publique Suite à ces études préalables et pour obtenir l'autorisation de passer aux phases concrètes de la réalisation du projet (expropriation, choix d'un concessionnaire...), le maître d'ouvrage doit mettre en place une procédure essentielle en matière de participation du public : l'enquête publique. Cette phase permet au public d'exprimer son avis sur un projet beaucoup plus aboutit qu'il ne l'aura été jusqu'alors. Elle dure traditionnellement deux mois. 20 Art R. 414-19,II, Code de l'environnement 31 Depuis Grenelle 2, la procédure d'enquête publique est calquée sur la réalisation de l'étude d'impact : si un projet est soumis à étude d'impact, alors il donne lieu à une enquête publique, que le projet doive engendrer des expropriations ou non. Depuis la réforme de 2012, on dénombre deux « types » d'enquêtes publiques (pouvant en réunir plusieurs) : un selon le Code de l'environnement, et un autre selon le Code de l'expropriation. Le dossier d'enquête publique, accessible et pouvant être communiqué à toute personne en ayant fait la demande avant l'ouverture de l'enquête, est établi par le maître d'ouvrage et doit contenir : L'étude d'impact et si elle a eu lieu, l'évaluation des incidences Natura 2000 L'avis de l'Autorité Environnementale, ainsi que les différents avis émis par les autorités sur le projet, Le bilan de la concertation préalable à l'enquête L'étude socio-économique du projet Un résumé non technique du projet. Tiers neutre chargé d'organiser cette procédure d'enquête publique et de recueillir l'avis du public, le commissaire enquêteur est le garant du bon déroulement de l'enquête. Ce dernier est nommé par le président du tribunal administratif. A cet effet, il est chargé de s'assurer que le public participe effectivement à l'enquête et qu'il soit suffisamment informé des enjeux et caractéristiques du projet. En outre, il tient des permanences pour recueillir les observations du public. Il peut également : Demander au maître d'ouvrage de compléter le dossier, Procéder à toutes les consultations qu'il juge utile et visiter les lieux du projet (avec l'accord du pétitionnaire), Décider seul de l'organisation d'une réunion publique (en présence du pétitionnaire), Décider seul de prolonger le délai d'enquête de 15 jours, Suspendre l'enquête pendant 6 mois maximum si le maître d'ouvrage entend apporter des modifications substantielles au projet pendant la phase d'enquête. La même mission est confiée à une « commission d'enquête publique » pour les dossiers les plus importants. Les dossiers soumis à l'enquête sont déposés en mairie. Le commissaire-enquêteur rédige ensuite un rapport d'enquête, après avoir examiné toutes les observations consignées dans le registre d'enquête. En conclusion, il formule un avis, favorable, favorable sous réserves ou défavorable. Cet avis ne lie pas la collectivité, mais il est généralement suivi en étant intégré dans la version finale du projet. Si le commissaire enquêteur n'est pas tenu de suivre l'opinion de la majorité des participants au débat pour rendre son avis, il doit toujours motiver suffisamment son avis sous peine de l'annulation de l'autorisation du projet. Enfin, si le maître d'ouvrage décide de modifier le projet selon les conclusions du commissaire-enquêteur, il peut demander à organiser une enquête complémentaire afin de discuter des « avantages et inconvénients de ces modifications sur le projet ». Si ces modifications sont jugées substantielles, l'Autorité Environnementale devra être à nouveau sollicitée pour rendre un avis sur le projet. 4- Déclaration d'utilité publique ou déclaration de projet (DUP/DP) Dans un délai d'un an après l'enquête publique et sur les bases des conclusions du commissaire enquêteur, l'autorité chargée d'autoriser le projet signe la Déclaration d'Utilité Publique (DUP) dès lors que la réalisation du projet requiert de procéder à des expropriations21, ou sinon la Déclaration de Projet (DP) prévue à l'article L.121- 21 Art L.11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique 32 6 du code de l'environnement. La DUP est le pivot d'un projet d'infrastructure de transport : elle signe l'utilité publique22, la reconnaissance de l'intérêt général du projet, et autorise la suite du projet jusqu'aux travaux. Schéma : Logigramme des projets soumis à enquêtes publiques, DP et DUP Source : Manuel Admoveo « Maîtrise des procédures administratives des projets d'infrastructures de transports terrestres ». Réalisation : Personnelle. Projet soumis à l'étude d'impact (obligatoire ou au cas par cas) ? OUI NON Le projet nécessite-il des acquisitions foncières ? Le projet nécessite-il des acquisitions foncières ? OUI Enquête publique préalable à la Déclaration de Projet puis à la DUP (C. env. + C. expro) NON Enquête publique préalable à la Déclaration de Projet (C. env.) OUI Enquête publique préalable à la DUP (C.expro) NON Pas d'enquête publique Si la DUP intervient plus d'un an après la clôture de l'enquête publique, le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (L.11-1-2) oblige le maître d'ouvrage à organiser une nouvelle enquête publique. 5- Avant-projet détaillé L'avant-projet détaillé est la réponse technique au programme établit par la DUP, c'est l'étape finale des études relatives au projet. Fréquemment, deux autorisations environnementales sont nécessaires pour compléter le dossier : Les autorisations nécessaires au titre de la loi sur l'eau 22 Définie par le Conseil d'Etat dans le considérant suivant : « Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, éventuellement, les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente... ». 33 - Les autorisations accordant des dérogations au titre de la protection des espèces et des habitats naturels. Autorisation loi sur l'eau Une autorisation loi sur l'eau est nécessaire dès qu'un projet ou ses travaux sont susceptibles d'engendrer des impacts sur les cours d'eau ou les zones humides. Son but est d'évaluer, avec précision, les incidences du projet sur la ressource en eau. Cette autorisation est automatiquement suivie d'une enquête publique qui est fréquemment découplée de l'enquête publique préalable à la DUP car pour la mener à bien, il faut que le maître d'ouvrage ait déjà évalué avec exactitude l'impact de l'infrastructure sur la ressource en eau, ce qui ne peut se faire qu'au stade de l'avantprojet détaillé. Une fois ces incidences connues, l'enquête publique au titre de la loi sur l'eau pourra être menée, selon les mêmes modalités que la précédente. Au même titre, si les impacts sur la ressource en eau sont tels qu'ils n'ont pas été prévus avec exactitude dans l'étude d'impact préalable, cette autorisation devra également donner lieu à la rédaction d'un document d'incidences23, qui accompagnera le dossier d'enquête publique. Puis, suite à l'enquête publique, le dossier d'autorisation sera transmis pour avis au Conseil de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) présent dans chaque département et englobant au moins un acteur associatif. Cet avis ne lie pas le préfet dans la décision à venir, mais est généralement suivi par ce dernier. Dérogation « espèces protégées » Si le projet est susceptible d'altérer ou de détruire des espèces protégées24 ou leurs habitats ou si les travaux sont susceptibles d'engendrer leurs déplacements, le maître d'ouvrage doit obtenir une autorisation de dérogation au titre de la protection des espèces et des habitats naturels. Le maître d'ouvrage doit alors présenter en détail les mesures prévues pour compenser les incidences sur les espèces protégées et leurs habitats dans un dossier adressé, selon les cas, au préfet de département ou au Ministre. Ce dossier doit obligatoirement faire l'objet d'un avis du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) qui se réunit quatre fois par ans. 23 24 Art R. 214-6 du Code de l'environnement. Espèces protégées par la directive Habitats de 1992 et en vertu de leur présence sur des listes fixées par arrêtés ministériels. La possibilité de dérogation est régie par les articles L. 411-2 et R. 411-6 à 14 du code de l'environnement 34 Le CNPN Le Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) a été créé en 1946, à l'origine pour participer à la définition des statuts des parcs nationaux, veiller à la mise en place de réserves naturelles et de leur gestion et pour rendre des avis sur diverses questions en rapport avec l'aménagement dans ces parcs et réserves. En 1989 et sous l'impulsion des directives européennes « Oiseaux » et « Habitats - Faune - Flore », lui a été confié l'examen pour avis et expertise des sujets touchant à la protection de la biodiversité sous toutes ses formes. Régi par les articles R-133-1 et suivants du Code de l'Environnement le CNPN est une commission administrative à caractère consultatif, missionnée de donner son avis sur les moyens propres à préserver et à restaurer la diversité de la faune et de la flore sauvage et des habitats naturels. Le CNPN examine également les mesures législatives et réglementaires prises en matière de protection de la nature par les autorités compétentes. Doté d'un comité permanent, il rend en moyenne 800 avis par an. Les séances plénières, au nombre de deux à quatre par ans, sont présidées par le Ministre chargé de la protection de la nature et se composent de 40 experts environnementaux de tous horizons (scientifiques, représentants d'associations régionales de protection de la nature, et de structures professionnelles). Comme précédemment, la décision du CNPN ne lie pas le Préfet (ou Ministre) mais un avis négatif du CNPN peut constituer un argument utile en cas de contestation de l'autorisation et, si elle ne condamne généralement pas le projet, elle permet de le retarder25. Cette autorisation peut être accordée uniquement si, d'une part, il « n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations concernées dans leur aire de répartition naturelle »26 et si, d'autre, part, le maître d'ouvrage aura démontré que l'opération représente « un intérêt public majeur » qui justifie la dérogation. Une fois ces autorisations obtenues, le maître d'ouvrage peut lancer les « études de projet », procéder aux expropriations avant la réalisation des travaux et passer des contrats avec les maîtres d'oeuvre. Les dérogations « espèces protégées », décisions individuelles, doivent par ailleurs désormais être soumises à la procédure de participation du public prévue par l'ordonnance n°2013-714 du 5 août 2013 relative à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement, qui a inséré l'article L.120-1-1 au code de l'environnement. 6- Réalisation des travaux et bilan environnemental Si tout s'est bien passé, le maître d'ouvrage doit lancer les travaux dans un délai de cinq ans maximum après l'obtention de la DUP, sous peine de devoir organiser une nouvelle enquête publique, si une prorogation de 5 années de la DUP n'a pas été décidée avant l'échéance. Le maître d'ouvrage peut décider de réunir un comité de suivi ou un comité scientifique regroupant des représentants d'associations, des experts des divers domaines impactés et des directions concernées. Le rôle de 25 26 Voir II, D Art R.133-1 et suivants du Code de l'Environnement. 35 ses comités est de s'assurer de la bonne réalisation des mesures de réduction et compensation ainsi que de leur efficacité. En l'absence de ces comités, le maître d'ouvrage doit assurer seul cette mission de contrôle. Mais les associations peuvent également jouer ce rôle de contrôle de manière informelle. Plus tôt seront mises en place ces mesures d'évitement, de réduction et de compensation, plus elles seront effectives. D'abord un an, puis cinq ans après la mise en service de l'infrastructure, le maître d'ouvrage est généralement obligé d'effectuer un bilan des effets socio-économiques et environnementaux du projet. Ces deux bilans sont de bons outils pour mesurer l'efficacité de la prise en compte de l'environnement par le maître d'ouvrage mais peuvent aussi présenter parfois de nombreuses lacunes. * Faisant suite à cette présentation générale du processus de conduction d'un projet d'infrastructure de transport et du système d'évaluation des impacts environnementaux, nous proposons de conduire un examen détaillé des multiples points clefs de blocage potentiel de ce système, relevés lors de diverses rencontres d'experts et de professionnels au cours de l'élaboration de cette étude et à l'appui des premières conclusions des Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l'Environnement. 36 II- PRINCIPAUX PROBLEMES RELEVES A L'APPUI DES ENTRETIENS REALISES ET DES PREMIERES PISTES DES ETATS GENERAUX DE LA MODERNISATION DU DROIT DE L'ENVIRONNEMENT (EGMDE) A- PROCEDURES Une grande majorité des aménageurs, décideurs, services instructeurs, associations et citoyens partagent le même diagnostic : les procédures d'évaluation environnementale de tout projet d'infrastructure de transport sont trop longues et victimes de leur agrégation successive ce qui entraîne un temps toujours plus long entre la décision politique et la mise en service de l'ouvrage, entre la décision démocratique et son application. Toutes ces procédures ont un sens par rapport à la prise en compte de l'environnement et à la volonté de faire participer les différents acteurs, mais elles sont trop nombreuses et trop imbriquées pour être compréhensibles, non seulement par la population mais aussi parfois par les services de l'Etat. Longueur, étalement, morcellement, multiplication des procédures administratives environnementales, inflation normative, incohérence entre les textes, problèmes de définitions : quels sont les principaux points de blocage des procédures d'évaluation environnementale en France ? Les différents points suivants ont été relevés au cours des entretiens menés auprès d'acteurs appartenant aux diverses sphères de la mobilité et du développement durable. Ainsi, les problèmes relevés ci-après ont fait l'objet : soit d'un consensus entre les différents acteurs, tous s'accordant sur la difficulté pointée, soit d'une divergence d'opinion tenant à leurs différents rôles et obligations professionnels. 1- Les codes Plusieurs plaintes ont été dirigées contre les incohérences entre les textes et les différents codes régissant le droit environnemental. Plusieurs incohérences ont été notées suite aux Grenelle 1 et 2 et à la réforme du Code de l'environnement. Si les évolutions de ces textes sont louables, elles n'ont pourtant pas mené à une actualisation des autres codes (code forestier, code de l'expropriation, code minier, code de l'urbanisme) ce qui peut complexifier de beaucoup les démarches des maîtres d'ouvrage et des maîtres d'oeuvre, créer un nombre important de vides juridiques ou de redondances et ainsi augmenter substantiellement le risque de recours et de retards. Exemple 1 : La réforme du code forestier quant aux défrichements La réforme précise que, pour toutes les autorisations de défrichement d'une forêt domaniale gérée par l'ONF, c'est l'ONF qui doit mener l'enquête publique et le dossier de défrichement correspondant, par département. Mais un maître d'ouvrage doit lui aussi réaliser un dossier de défrichement sur l'ensemble de son linéaire. Comme un projet d'infrastructure donne lieu à des défrichements de bois privés et publics, on ne sait comment faire intervenir l'ONF sur la partie publique ni qui doit intervenir sur le reste, car la réforme du texte ne le prévoit pas ce qui crée là encore un vide juridique et enferme l'incertitude dans « l'attente de la jurisprudence ». Aujourd'hui, un projet doit se référer à plusieurs codes, mais si ces codes ne sont pas réformés ensemble mais chacun à leur tour, des incohérences se créent au niveau des procédures. Comment rétablir la cohérence entre les textes ? 2- Niveaux d'exigence et avancée du projet A l'heure actuelle, l'étude d'impact est le premier bilan écologique de l'évaluation préalable des incidences d'un projet d'infrastructure. Elle doit : a. Veiller à bien définir le périmètre programme/projet et l'articulation avec les autres projets connus. 37 - b. Justifier du projet, ce qui passe par l'analyse : De l'évolution de la situation environnementale dans le projet De solutions alternatives c. Etablir un premier panorama des mesures ERC, ainsi que leur mise en oeuvre et leur suivi. Toute production d'étude d'impact donne lieu à un avis de l'Autorité Environnementale. Or il apparaît dans la pratique que les études d'impact soient parfois critiquées pour leur « insuffisance », notamment concernant les espèces protégées. Or le stade du projet et la nature d'une étude d'impact interdisent un degré de précision trop important. Le maître d'ouvrage se retrouve alors dans une impasse réglementaire. Le problème peut souvent venir du fait que certaines espèces protégées sont découvertes tard dans la procédure car les inventaires de terrain n'ont pas été réalisé suffisamment tôt : faire des inventaires en amont pourrait permettre de mieux positionner le projet et donc d'éviter les surcoûts relatifs aux mesures de réduction et de compensation. D'autre part, certains projets sont conduits en plusieurs phases, faisant chacune l'objet de décisions administratives, sur la base d'une étude d'impact qui doit être actualisée et précisée pour garantir la prise en compte des enjeux environnementaux tout au long du processus décisionnel. Est-il vraiment utile que toutes les phases fassent l'objet d'une étude d'impact actualisée, d'autant plus si les inventaires en amont ont été correctement développés ? Egalement, a pu être notée une incohérence au niveau des calendriers dans lesquels s'inscrivent les procédures et notamment en ce qui concerne les délais de prorogation de la DUP, des enquêtes publiques et des études de projet détaillées. Par exemple, une DUP de portée ministérielle est valable 10 ans, prorogeable en Conseil d'Etat de la même période. Une enquête publique sera valable 5 ans, renouvelable une fois. Quant aux études loi sur l'eau par exemple, elles ne sont valables que 5 ans. Il y a aujourd'hui dans le droit de l'environnement un paradoxe notable entre les différentes périodes de validité des procédures, paradoxe qui place la DUP en position de force et de pivot car c'est elle qui justifie l'intérêt général, mais du même coup fragilise toutes procédures qui gravitent autour d'elle et renforce l'insécurité juridique du projet. Plus les incidents se multiplieront (contestations, difficultés à mobiliser les financements nécessaires), plus le jeu des prorogations sera en passe de retarder encore le projet, plus le maître d'ouvrage se verra dans l'obligation de produire nombre de doublons procéduriers. Enfin, beaucoup réclament une clarification sur les niveaux d'exigence de protection souhaitée, notamment en matière de mesures de réduction et de compensation. Il serait plus aisé, pour les pétitionnaires, d'avoir recours à une sorte de « jurisprudence », ou retour d'expérience, afin d'augmenter la transparence des exigences des prescriptions des mesures d'évitement, de réduction et de compensation. 3- Définitions Il a été noté plusieurs fois un problème de définition des projets soumis à étude d'impact ou à la procédure de « cas par cas » définie à l'article annexe à l'article R122-2 du code de l'environnement, ce qui entraîne un souci de discernement entre les projets les plus susceptibles d'avoir un impact important sur un milieu et les autres (petits bouts de route permettant l'acheminement des matériaux de chantier par exemple). Chaque projet ayant ses spécificités, la classification mériterait peut-être d'être repensée de manière plus précise, afin de donner tout son sens à la procédure de « cas par cas » et de ne plus penser en termes de « petits » et « gros » projets, mais véritablement en termes d'impacts. D'autre part, les maîtres d'ouvrage ont besoin d'une directive fiable et claire pour éviter que les recours ne s'appuient sur une mauvaise interprétation des textes. Par ailleurs, les problèmes de définitions et d'interprétation des textes, notamment des études d'impacts via la procédure de « cas par cas », peuvent aboutir à mettre en opposition les porteurs de projets et les services instructeurs sur le sens à donner aux prescriptions 38 de la directive, en l'absence ­du moins jusqu'à présent- de position du juge. Par exemple, qu'est-ce qu'une « route d'une longueur inférieure à 3 kilomètres » ? Les Etats généraux de la modernisation du droit de l'environnement, lancés le 16 avril 2013, ont également relevé ce point. Et « clarifier voire simplifier l'usage du « cas par cas » pour les études d'impact » fait partie des attentes exprimées pour le court terme concernant la modernisation de l'évaluation environnementale. Projets soumis à la procédure de « Cas par cas » Infrastructures de transport Infrastructures ferroviaires PROJETS soumis à l'étude d'impact PROJETS soumis à la procédure de « cas par cas » a) Autres voies ferroviaires de plus de 500 mètres. b) Haltes ferroviaires ou points d'arrêt non gérés ; travaux entraînant une modification substantielle de l'emprise des ouvrages. a) Voies pour le trafic ferroviaire à grande distance, à l'exclusion des voies de garage. b) Création de gares de voyageurs et de marchandises, de plates-formes ferroviaires et intermodales et de terminaux intermodaux. Infrastructures routières a) Travaux de création, d'élargissement, ou d'allongement d'autoroutes, voies rapides, y compris échangeurs. b) Modification ou extension non substantielle d'autoroutes et voies rapides, y compris échangeurs. b) Modification ou extension substantielle d'autoroutes et voies rapides, y compris échangeurs. c) Travaux de création d'une route à 4 voies ou plus, d'allongement, d'alignement et/ ou d'élargissement d'une route existante à 2 voies ou moins pour en faire une route à 4 voies ou plus. d) Toutes autres routes d'une longueur égale ou supérieure à 3 kilomètres. d) Toutes routes d'une longueur inférieure à 3 kilomètres. e) Tout giratoire dont l'emprise est supérieure ou égale à 0,4 hectare. Source : Legifrance 4- Manque de moyens et organisation La modernisation du droit de l'environnement en général nécessite des moyens humains, techniques et financiers pour les administrations en charge de ces questions. En effet, une meilleure application du droit de l'environnement nécessite, des améliorations procédurales mais également et surtout un renforcement des moyens pour mettre en oeuvre ce droit notamment par une meilleure formation des personnes en charge de sa mise en oeuvre, et l'acquisition d'une véritable culture administrative des enjeux environnementaux. Ainsi, les demandes seront traitées plus rapidement et donc de manière plus satisfaisante pour les pétitionnaires et les citoyens. 39 5- Durées d'instruction des dossiers Prise indépendamment, chaque procédure semble être justifiée. Mais le renforcement de la réglementation se traduit par un allongement et une complexification des procédures d'obtention des autorisations administratives, avant comme après la déclaration d'utilité publique. Ainsi, la conception des dossiers à instruire est rendue complexe par le niveau de précision des études à fournir pour en obtenir l'autorisation, qui se répercute sur les procédures d'instruction, lesquelles sont alors longues et nécessitent des allers-retours nombreux avec les services instructeurs. Ajoutons à cela le fait qu'il soit trop tôt pour que les services instructeurs aient réussi à développer une réelle expertise des dossiers et que, comme soulevé précédemment, les moyens humains, techniques et financiers des services de l'Etat ne permettent pas de tenir de courtes périodes d'instruction. Par ailleurs, les problèmes de définition et d'interprétation des textes relatifs aux procédures d'instruction, notamment des études d'impact via la procédure de « cas par cas », aboutissent à des incompréhensions, voire à des divergences de vues entre porteurs de projets et services instructeurs. 6- Stabilité Trop difficile à comprendre, à appliquer, instable, cristallisant problèmes de clarté des définitions entraînant par la suite des interprétations différentes et ainsi fragilisant grandement les décisions prises, entraînant lourdeur et surcoûts des procédures qui pénalisent les petites et moyennes entreprises... Les défauts du processus d'évaluation environnementale sont pointés de façon récurrente. Ainsi, la réflexion des EGMDE s'est notamment orientée vers le besoin de « faire des lois plus courtes et penser leur application en même temps que leur élaboration »27 et faire en sorte que les circulaires d'application ne créent pas à leur tour du droit. Il semble nécessaire que la conception et la formalisation des procédures associent plus étroitement les juristes et les ingénieurs. Pour freiner la frénésie normative, il apparait utile de procéder à l'évaluation des processus existants avant de les modifier : la notion de stabilité dans les textes et les services administratifs semble primordiale suite aux importantes réformes récentes. Malgré le but de cette étude, nous devons reconnaître qu'il semble nécessaire de laisser le temps à tous les acteurs de s'habituer aux changements récents afin que puisse se développer un réel savoir-faire pratique. L'axe de la modernisation devra également s'organiser autour de la stabilisation des relations entre services instructeurs et maîtres d'ouvrage : leur communication et leur fonctionnement lors de la phase projet doivent être confortés, y compris sur une base souple et non-formalisée. Verbatim : « Il est nécessaire de faire des lois plus courtes et de penser leur application en même temps que leur élaboration. » Claude Chardonnet 7- La démarche « ERC » en question Il est évident que la plupart des projets d'infrastructures de transport engendrent un impact irréductible dans leur sillage. Ainsi, dans la conception et la mise en oeuvre de leurs projets, les maîtres d'ouvrage doivent définir 27 Propos recueillis lors de l'entretien avec Mme Claude Chardonnet, Spécialiste des méthodes de concertation et débat public, Membre du comité de pilotage des Etats Généraux de la modernisation du droit de l'environnement (EGMDE), PDG de C&S conseil 40 les mesures adaptées pour éviter, réduire et, lorsque c'est nécessaire et possible, pour compenser leurs impacts négatifs significatifs sur l'environnement28. Objectifs et lignes directrices de la doctrine « ERC » Les questions environnementales doivent faire partie des données de conception des projets au même titre que les autres éléments techniques, financiers, etc. Cette conception doit tout d'abord s'attacher à éviter les impacts sur l'environnement, y compris au niveau des choix fondamentaux liés au projet (nature du projet, localisation, voire opportunité). Cette phase est essentielle et préalable à toutes les autres actions consistant à minimiser les impacts environnementaux des projets, c'est-à-dire à réduire au maximum ces impacts et en dernier lieu, si besoin, à compenser les impacts résiduels après évitement et réduction. C'est en ce sens et compte-tenu de cet ordre que l'on parle de « séquence éviter, réduire, compenser ». La séquence « éviter, réduire, compenser » les impacts sur l'environnement concerne l'ensemble des thématiques de l'environnement, et notamment les milieux naturels. Elle s'applique, de manière proportionnée aux enjeux, à tous types de plans, programmes et projets (qui seront dénommés « projets » dans la suite du texte) dans le cadre des procédures administratives de leur autorisation (étude d'impacts ou étude d'incidences thématiques i.e. loi sur l'eau, Natura 2000, espèces protégées, ...). Dans la conception et la mise en oeuvre de leurs projets, les maîtres d'ouvrage doivent définir les mesures adaptées pour éviter, réduire et, lorsque c'est nécessaire et possible compenser leurs impacts négatifs significatifs sur l'environnement. Cette démarche doit conduire à prendre en compte l'environnement le plus en amont possible lors de la conception des projets d'autant plus que l'absence de faisabilité de la compensation peut, dans certains cas mettre, en cause le projet. Sept lignes directrices Concevoir le projet de moindre impact pour l'environnement Donner la priorité à l'évitement, puis à la réduction Assurer la cohérence et la complémentarité des mesures environnementales prises au titre de différentes procédures Identifier et caractériser les impacts Définir les mesures compensatoires Pérenniser les effets de mesures de réduction et de compensation aussi longtemps que les impacts sont présents Fixer dans les autorisations les mesures à prendre, les objectifs de résultats et en suivre l'exécution et l'efficacité Ces mesures sont-elles efficaces ? Peut-on interroger le triptyque « éviter, réduire, compenser » ? Relativement à un enjeu considéré (espèces protégées, ressources en eau, etc.), les mesures d'évitement portent de manière évidente leur fruit. Mais pour un maître d'ouvrage, la stratégie d'évitement ne peut s'appliquer à 28 Depuis Grenelle 2. Source, Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (2012), Doctrine relative à la séquence éviter, réduire et compenser les impacts sur le milieu naturel, Paris, MEDDE 41 tous les objectifs : éviter un impact revient souvent à en créer un nouveau autre part, sur la nature ou encore sur une terre agricole ou habitée par exemple, milieux qui s'avèrent très défendus politiquement. Si la question de l'évaluation de la hiérarchisation de ces impacts est soulevée, il est encore très dur de réussir à la définir, et encore plus de réussir à l'appliquer. Les mesures de compensation soulèvent elles aussi quelques interrogations. A l'heure actuelle, les mesures de compensation, quand elles ont lieu, doivent respecter la règle de « l'équivalence écologique ». A chaque portion de nature irrémédiablement impactée par le projet, devra correspondre une portion compensée, à égal « équivalent écologique ». Le problème d'objectivité en termes de « quantité » et de « qualité » de l'espace compensé est réel : chaque acteur, chaque décideur et même chaque expert environnemental et scientifique n'aura pas la même notion de l'équivalence écologique, ce qui rend presque impossible la modélisation d'une norme. Là encore, plusieurs acteurs sont dans l'attente d'un retour d'expérience. En deuxième lieu, la compensation impose au maître d'ouvrage de compenser à proximité du site impacté, ce qui est parfois très difficile ­ou engendre de nombreux coûts supplémentaires- du fait de l'aménagement même du projet et de ses interconnexions avec d'autres projets à proximité. Pour exemple, le doublement d'une voie autoroutière par une ligne à grande vitesse ne permet pas de trouver des espaces libres et propices pour servir à la compensation. Il est évident que dans le contexte actuel de concurrence entre les usages du sol, trouver les espaces pour les opérations de compensation devient de plus en plus difficile et aussi de plus en plus coûteux. Pour illustrer ce point, nous pouvons citer la construction du super réacteur Iter à Cadarache qui a conduit entre autres à la destruction de vieilles chênaies méditerranéennes. Il convenait donc pour la compensation de trouver de vieilles forêts méditerranéennes qu'Iter pouvait acheter pour honorer ses engagements en matière de destruction d'habitats et d'espèces protégés. Or, il s'avère que cette opération est très difficile à réaliser car: - Les habitats « vieilles chênaies méditerranéennes » sont en voie de raréfaction dans l'arc méditerranéen. Il est donc difficile de les trouver en quantité suffisante pour compenser les destructions, - Les propriétaires de ce type de forêts, considérant les moyens financiers d'Iter et sachant que l'organisme était dans la nécessité de faire face à ses engagements de compensation, on fait grimper les prix d'achat, rendant l'opération de compensation d'autant plus coûteuse et lente à mener. Enfin, un dernier point vient interroger la bonne marche des mesures de compensation : le problème du suivi des mesures compensatoires et de leur efficacité. De fait, c'est le maître d'ouvrage qui est techniquement responsable du suivi des mesures de compensation mises en place dans le cadre d'un projet. Mais force est de constater qu'en pratique, certaines mesures qui demandent un entretien régulier, comme les passes à poissons par exemple, peuvent ne pas bénéficier d'un suivi suffisant, leur dégradation entraînant non seulement leur inutilité environnementale mais également la perte des investissements effectués pour leur mise en place. 8- Problèmes spécifiques par procédure Afin de pointer de manière plus précise les problèmes relevés procédure par procédure et afin de démontrer que les points noirs de l'évaluation environnementale ne concernent pas uniquement les projets d'ampleur, nous avons choisi d'illustrer notre propos par un logigramme présentant les procédures administratives types nécessaires à la mise en place d'un passage à niveau ferroviaire. Ce logigramme est accompagné d'un tableau regroupant une liste non exhaustive des difficultés par procédures, relevées au cours des entretiens 29. 29 Source principale : SNCF, Romain Guibert, Référent procédures administratives SNCF 42 Schéma 1 : Logigramme des procédures environnementales pour un ouvrage ferroviaire simple Réalisation personnelle. Source et aide : Romain Guibert, Référent procédures administratives SNCF. Schéma 2 : Tableau associé des principales difficultés par procédure Réalisation personnelle. 43 N° act Nom 0A 2A 3A 4A 1A 5A 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 Procedure pour ouvrage simple 1 Inventaires écologiques Inventaires Ecologiques 2 Examen au cas par cas Concertation préalable Concertation préalable 3 Examen au cas par cas 4 Etude d'impact sur l'Environnement (EIE) Etude d'impact Autorisation Natura 2000 5 Autorisation Natura 2000 6 Avis AE Avis AE Enquête publique code de l'environnement 7 Autorisation loi sur l'eau Autorisation Loi sur l'Eau MECDU 8 Enquête publique préalable à la Déclaration d'Utilité Publique MECDU (Mise en compatibilité des documents d'urbanisme) 9 Dossier de Déclaration d'Utilité Publique 10 Dépôt du dossier de DUP Instructuction dossier DUP Dossier de Déclaration d'Utilité Publique Dépôt du dossier de DUP à la préfecture 11 Instruction du dossier jusqu'à la fin de l'enquête publique 12 Obtention de la DUP 13 Acquisitions foncières Obtention de la DUP DP du Conseil général 14 Concertation Inter Administrative 15 Dérogation CNPN Acquisitions foncières 16 Concertation Interadministrative Autorisation de défrichement 17 Etudes Préliminaires 18 AVP Dérogation CNPN 19 PRO Autorisation de défrichement 20 Travaux EP AVP PRO Marchés 44 Travaux 1 Inventaires écologiques Enjeux Diagnostic écologique d'un territoire sur un cycle biologique (environ 1 an) Analyse dynamique prenant en compte les interactions entre le territoire étudié et les espèces qui l'entourent Permet une représentation cartographique des zones "à risque" et l'identification des trames vertes et bleues. Risques et difficultés potentielles Difficile de cerner objectivement l'aire d'étude : elle diffère selon les bureaux d'études en charge des inventaires Fragilité de cet inventaire dans le temps: 5 ou 10 ans plus tard, lors des travaux, il peut ne plus être viable. 2 Concertation préalable Meilleure maîtrise des délais: la concertation avec le public et les associations est prise en charge par le maître d'ouvrage sur toute la durée de l'étude et de la réalisation du projet (selon le code de l'environnement) Faire partager et accepter le futur projet aux riverains et aux futurs usagers Informer pour éviter la peur du changement et faire preuve de transparence Améliorer le déroulement ultérieur du projet et dimunuer les risuqes de recours Contentieux quand concertation "fictive" Contestations de principe (mouvements NIMBY), pas de consensus, ralentissement dû à des avis non éclairés techniquement, cristallisation des oppositions lors d'un débat par trop passioné Manque de confiance des citoyens envers les représentants politiques et les experts scientifiques. 3 Examen au cas par cas Détermine si un projet doit être soumis ou non à Etude d'Impact sur l'Environnement. Arrêté du 31 mai 2011 portant réforme de l'Etude d'Impact et précisant le modèle de formulaire Cerfa à utiliser pour les demandes d'examen au « cas par cas ». Article R.122-3 du Code de l'environnement Circulaire explicative en attente de parution Lacunes des définitions: manque de précisions quant aux ouvrages soumis ou non à Etude d'Impact Risque de recours juridiques car le cas par cas est entérinné par un acte officiel qui n'existait pas auparavant Risque de dérapage de calendrier: La procédure d'examen au cas par cas induit un délai incompressible de 50 jours, qui peut occasionner le report d'un projet de plusieurs mois lorsque par exemple l'état des lieux d'une espèce n'est plus possible au terme de ce délai Moyens mis à la dispositions des services instructeurs pour répondre à ces études dans un délais raisonnable: En Midi Pyrénées, le nombre de demandes d'examen au cas par cas est estimé entre 600 et 800 dossiers, alors que le nombre de fonctionnaires de la DREAL affectés à ces procédures se limite à quatre 4 Etude d'impact sur l'Environnement (EIE) Premier bilan écologique de l'évaluation préalable des incidences d'un projet d'infrastructure Aire d'étude (effets rebond de l'Inventaire écologique) Veille à bien définir le périmètre programme/projet et l'articulation avec les autres projets connus Sous évaluer des impacts ou ne pas en analyser (par exemple pendant la phase travaux) Justifie du projet par l'annalyse de l'évolution de la situation environnementale dans le projet et de potentielles solutions alternatives: elle établie Risques délais: - Selon le niveau d'études quand des études complémentaires sont demandées par les services de l'Etat un premier panorama des mesures d'insertion et de compensation ainsi que leur mise en oeuvre et leur suivi - Selon les avis des services consultés - Selon les oppositions 5 Autorisation Natura 2000 L'évaluation des incidences a pour but de vérifier la compatibilité d'une activité avec les objectifs de conservation du ou des sites Natura 2000 c'est à La circulaire du 15 avril 2010 fixe une liste de questions destinées à aider les services instructeurs à définir si un programme/projet est dire des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage et de la conservation des oiseaux sauvages susceptible de porter atteinte aux objectifs de conservation d'un site N2000 ; la notion de "proximité" reste néanmoins largement soumise à Elle est proportionnée à la nature et à l'importance des activités, aux enjeux de conservation du ou des sites Natura 2000 concernés et à l'existence interprétation ou non d'incidences potentielles du projet sur ces sites L'article R. 414-19, II, C. env. précise que "sauf mention contraire, les programmes et projets sont soumis à l'obligation d'évaluation des incidences N2000, que le territoire qu'ils couvrent ou que leur localisation géographique soient situés ou non dans le périmètre d'un site N2000" Accentuation du degré de précision demandé par l'AE au porteur de projet lors de la phase des études préliminaires Avis consultatif: en pratique, la rédaction d'un mémoire de réponse de la part du ou des maîtres d'ouvrages n'est pas obligatoire 6 Avis AE Toute production d'étude d'impact donne lieu à un avis de l'Autorité Environnementale L'autorité environnementale sera, dans la majorité des cas, le préfet de région pour des projets au niveau local et le ministre chargé de l'environnement pour les autres projets. Mais, lorsque l'opération est réalisée par le ministère lui-même ou un organisme placé sous sa tutelle, la fonction d'autorité environnementale est assurée par une instance spécifique instituée au sein du CGEDD 7 Autorisation loi sur l'eau Dossier technique indiquant toutes les incidences sur la ressource en eau, le milieu aquatique et humide, l'écoulement, le niveau et la qualité des eaux, et le ruissellement des ouvrages en fonction de leur volume, leur objet, des travaux ou de l'activité envisagés en en tenant compte de la proximité ou de la connexité d'autres installations, ouvrages, travaux ou activités susceptibles de porter atteinte aux eaux ou au milieu aquatique Le dossier doit être remis en 7 exemplaires Pratiques différentes selon les collectivités tenant à l'interprétation des définitions réglementaires. Par exemple, il y a obligation de constituer un dossier pour tous "installations, ouvrages, remblais et épis dans le lit mineur d'un cours d'eau": en fonction de la décision des services instructeurs locaux, la définition du "lit mineur d'un cours d'eau" ne sera pas la même. 8 MEDCU Mise en compatibilité des documents d'urbanisme la MECDU constitue une intervention des services de l'Etat dans une procédure qui relève de la compétence des collectivités territoriales. De Le Code de l'Urbanisme fait obligation de mettre les documents d'urbanisme (SCoT, PLU) en compatibilité avec les projets déclarés d'Utilité Publique. plus, parfois on observe des modifications par la collectivité des documents d'urbanisme mis en compatibilité ce qui nécessite de vérifier que la La DUP emporte automatiquement la mise en compatibilité du PLU modification n'impacte pas le projet. Cette procédure se déroule en parallèle dela procédure d'enquête publique (temps masqué) 10 45 9 Dossier de Déclaration d'Utilité Publique Un dossier de DUP est elle est l'acte administratif qui autorise dans l'intérêt général le transfert forcé de la propriété d'un bien immobilier (et donc Contentieux de principe l'expropriation: elle ne peut être prononcée qu'autant qu'elle aura été précédée d'une déclaration d'utilité publique intervenue à la suite d'une Délais de prorogation qui ne s'inscrivent pas dans le même calendrier que la loi sur l'eau (valable 5 ans) ou l'enquête publique code de enquête (enquête publique prélable à la DUP) et généralement, de la concertation inter-administrations (voir ci-dessous) l'environnement (valable 5 ans, renouvelable une fois) La validité d'une DUP préfectorale est de 5 ans et celle d'une DUP en Conseil d'Etat se situe en général autour de 10 ou 15 ans. La DUP peut être prorogée une fois pour une durée égale à sa durée initiale Depuis le 01/06/12, la DUP mentione les mesures prévues par le maître d'ouvrage pour éviter, réduire ou compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement ainsi que les modalités du suivi de la rélaisation de ces mesures Dépôt du dossier de DUP à la préfecture Rigidité et risques délais: la procédure peut être suspendue une fois si le maître d'ouvrage veut y apporter des modifications substantielles en cours d'enquête -> 6 mois maximum + nouvel avis de l'AE Désignation d'une comission d'enquête Arrêté de l'ouverture d'enquête dommageables du projet sur l'environnement ainsi que les modalités du suivi de la rélaisation de ces mesures 10 Dépôt du dossier de DUP à la préfecture 11 Instruction du dossier jusqu'à la fin de l'enquête publique Désignation d'une comission d'enquête Arrêté de l'ouverture d'enquête Avis de la commune, du Ministre... (délais de deux mois) Publicité organisée par le préfet et mise en oeuvre par les communes concernées Enquête publique (minimum 15 jours) Rapport de la comission d'enquête (sous 30 jours après clotûre) Durée: le délai maximum de 12 mois peut-il être réduit? L'administration a-t-elle les moyens de réduire ce délai? Rigidité et risques délais: la procédure peut être suspendue une fois si le maître d'ouvrage veut y apporter des modifications substantielles en cours d'enquête -> 6 mois maximum + nouvel avis de l'AE A l'issue de l'Enquête Publique, et au vues des conclusions de la comission d'enquête, le maître d'ouvrage peut demander une enquête complémentaire pour modification du projet. Le délai pour la prise de décision court à compter de la clôture de l'enquête complémentaire L'appréciation de la modification substantielle se fait au cas par cas: problème de l'imprécision des textes 12 Obtention de la DUP 13 Acquisitions foncières Le préfet bénéficie d'un délais de 12 mois pour étudier les conclusions de la commission d'enquête et signer l'arrêté préfectoral de DUP qui permettra de commencer les acquisitions foncières Achat des terrains suite aux autorisations d'expropriations pour les travaux 14 Concertation Inter Administrative Consultation des services instructeurs et des collectivités Optimiser les études; Assurer la conformité des projets; Sensibiliser au projet, à son planning et alerter les services sur les moyens nécessaires à l'instruction rapide des dossiers Services instructeurs seuls sont souvent peu aptes à guider un projet Il s'agit souvent pour les aménageurs et les décideurs d'accompagner les services instructeurs dans cette concertation Concertation souvent mal vue de la part des associations et des citoyens si la concertation amont n'a pas été suivie d'un relatif consensus les textes ne précisent pas de délais (l'usage est de 6 mois à compter du dépôt de la demande mais chaque cas est spécifique) Le CNPN se réunit 4 fois par ans, ce qui, par rapport à l'ampleur croissante des demandes, peut créer des délais supplémentaires 15 Dérogation CNPN Assure le respect de la réglementation des espèces protégées (faune/flore) impactées par les travaux ou par l'infrastructure réalisée le niveau d'autorisation dépend de la personne qui demande l'autorisation ou bien de l'espèce protégée elle-même: - autorisation préfectorale en règle générale - autorisation de niveau ministériel pour 38 espèces vertébrées menacées d'extinction listées par arrêté ddu 9 juillet 1999 Dossier très technique basé sur un support scientifique 16 Autorisation de défrichement Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière Délais moyens: - hors enquête, 2 mois à compter du dépôt du dossier, mais prorogation possible à 6 ou 9 mois - avec enquête, 8 mois à compter du dépôt du dossier Incertitude des textes quant à l'intervention de l'ONF prévue par le code forestier pour un défrichement sur les forêts domaniales Sont soumis à étude d'impact (et donc à enquête publique), obligatoire les défrichements portant sur une superficie totale égale ou supérieure à 25 hectares et à étude d'impact au cas par cas sur une superficie inférieure à 25 hectares -> Pourrait-on traiter la question du défrichement directement dans l'étude d'impact? Optimisation générale des délais procédures (à compléter) Rassembler un maximum d'enquêtes publiques, qui, malgré la dernière réforme sont encore nombreuses (de 8 à 12 par projet) Anticiper les tâches critiques (notamment liées à la sensibilité environnementale du projet De bonnes définitions des moyens nécéssaires pour la conduite du projet Une concertation amont renforcée : Avec le public et avec les services de l'Etat et les autres collectivités Optimisation nécéssitant le lancement de procédures "sensibles": Approffondissement des études qui doit être anticipé (rapprocher les phases AVP et PRO) Lancement des procédures préalables susceptibles de générer des prescriptions environnementales La procédure de défrichement peut être largement anticipée les acquisitions amiables peuvent être anticipées mais ne doivent pas être maintenues trop longtemps après la DUP (pour assurer la maîtrise du foncier avant la fin du délais de validité de la DUP) 46 * Notre objectif doit être la lisibilité, la simplicité et la stabilité de la règle, pour un droit de l'environnement effectif. Ces conditions sont nécessaires à la mise en application des règles dans un avenir proche, car l'effectivité du droit de l'environnement fait partie des objectifs que s'est fixé l'Union européenne dans le 6e programme d'action pour l'environnement : une mise en oeuvre et une application plus efficace de la législation communautaire sur l'environnement doivent être considérées comme des objectifs stratégiques de la politique environnementale de l'UE. Il faut donc améliorer le respect des règles en matière de protection de l'environnement, et réviser les normes d'inspection, de surveillance, et d'application. B- CONCERTATION, MODES DE PARTICIPATION DU PUBLIC ET CONFLITS La participation de l'ensemble des acteurs territoriaux à l'élaboration d'un projet d'infrastructure est une étape clé de la réussite d'un projet. Parmi ces acteurs territoriaux, on compte d'une part l'Etat et les collectivités locales, les établissements publics et les partenaires financiers, et d'autre part le « Public » au sens large, dans lequel on pourra réunir le « grand public », les usagers et les associations. Les principes généraux de la participation du public à l'élaboration concertée d'un projet sont réunis à l'article 7 de la Charte de l'Environnement et relèvent comme expliqué plus haut, de la Convention d'Aarhus ratifiée par la France le 8 juillet 2002. 1- Risques, avantages et modalités des différents types de concertation On relève habituellement trois formes dans l'élaboration concertée des projets : le débat public qui relève du Code de l'Environnement, la concertation de type L.300-2 du Code de l'Urbanisme, et la concertation interadministrative. On peut ajouter à ces formes de participation concertée, les phases d'enquêtes publiques. En outre, l'article L.121-16 du code de l'environnement crée la possibilité pour le maître d'ouvrage d'un projet, de mener une concertation volontaire, hors champ du débat public et de la concertation L. 300-2 du code de l'urbanisme et en dehors de toutes modalités obligatoires avant enquête publique. Les formes de cette concertation volontaire sont définies par le maître d'ouvrage lui-même et nécessitent la définition d'une stratégie volontaire. Cette concertation volontaire doit toutefois être menée tout au long du processus d'élaboration du projet, dans le respect des textes européens et nationaux. La phase d'élaboration concertée permet une meilleure maîtrise des délais Consulter en amont les services instructeurs et les collectivités c'est : optimiser les études d'abord, assurer la conformité des projets ensuite et enfin sensibiliser au projet, à son planning, et alerter les services sur les moyens nécessaires à l'instruction rapide des dossiers. Concerter avec le public et les associations c'est : faire partager voire accepter le futur projet aux riverains et aux futurs usagers, informer pour éviter la peur du changement et faire preuve de transparence, et améliorer le déroulement ultérieur du projet en diminuant les risques de recours. Rappelons ici que les études à lancer en priorité sont les études environnementales et socio-économiques car elles permettent d'identifier les besoins et le contexte du futur projet et doivent aider le Maître d'ouvrage dans ses choix d'implantation et d'infrastructure. On part donc du besoin de l'environnement et on va vers le projet, pas l'inverse. Par conséquent, les procédures de concertation avec le public doivent éclairer le maître d'ouvrage sur les choix qu'il doit faire. En conséquence, les concertations amont sont des procédures qui préparent l'enquête publique ultérieure, et non qui retardent le projet. 47 Les risques Les risques en termes de délais de la phase d'élaboration concertée tiennent à un aspect inhérent à chaque processus de débat : contestations, aucun accord trouvé, ralentissement dû à des avis citoyens non éclairés techniquement, etc. Il est important de noter à ce stade que l'évolution de notre société tend à supporter de moins en moins la contrainte individuelle ; chacun voulant que son intérêt particulier soit respecté. On voit donc toute la difficulté à faire apparaître l'intérêt général via la participation d'une assemblée dite « citoyenne ». Ainsi, le ressenti général s'oriente vers la constatation qu'il est de plus en plus compliqué de faire passer des ouvrages. Du côté des citoyens, d'autre part, il est difficile d'ignorer une certaine perte de confiance envers les porteurs de projet, mais plus grave, également envers certains représentants associatifs et les experts scientifiques et ce dû à des pratiques d'élaboration concertée mal maîtrisées et au sentiment d'être souvent « mis devant le fait accompli ». La montée en puissance et en intensité des mouvements NIMBY 30depuis le début des années 1990 montre à quel point il est devenu difficile pour un projet public de bénéficier du soutien des citoyens. Notamment après la médiatisation de plusieurs projets mal conduits, et plusieurs concertations mal menées 31. Ceci étant dit, le but sera de retrouver la confiance des citoyens et de concevoir des processus de concertation qui apportent une valeur ajoutée aux projets, dans la durée. Les grandes questions qui devront nous guider concernant les processus de concertation seront donc les suivantes : comment et jusqu'à quel point faire place aux controverses portées par les associations et le grand public ? Comment faire émerger l'intérêt général ? 2- Le Débat Public, points forts et fragilités Le Débat Public a pour objectif d'assurer la participation du public à la réflexion sur l'opportunité, les objectifs et caractéristiques principales du projet ainsi que sur les modalités d'information et de participation du public après le débat. La loi L.95-101 du 2 février 1995, relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite loi Barnier, et son décret d'application n°96-388 du 10 mai 1996 relatif à la consultation du public et des associations en amont des décisions d'aménagement a introduit en France la procédure du Débat Public, dispositif de participation du public au processus décisionnel en ce qui concerne les grandes opérations publiques d'aménagement d'intérêt national. Créée pour décider s'il y a lieu d'organiser un débat après l'avis des ministres concernés, la Commission Nationale du Débat Public garantit l'objectivité et la qualité du Débat Public, elle veille aux modalités de son organisation et pour cela elle constitue une commission particulière, composé de trois à sept membres, y compris le président, ayant pour tâche d'animer le débat public. Depuis la loi Grenelle 2, les prérogatives de la CNDP ont évolué : elle peut désigner un garant, à son initiative ou à la demande du maître d'ouvrage qui sera chargé de veiller à ce que la concertation permette au public de présenter ses observations et contre-propositions. Soixante Débats Publics ont été menés depuis que cet organe administratif indépendant existe : sur ce nombre, seulement sept projets ont été abandonnés à la suite du processus et les trois-quarts restant ont été substantiellement modifiés. Ces chiffres montrent l'utilité du Débat Public. Garant Les enseignements de la pratique du Débat Public sont très nombreux. Parmi eux, l'émergence de la fonction de garant, personnalité indépendante du maître d'ouvrage, nommée par la CNDP dans certains cas bien précis, pour 30 31 Mouvement « Not In My Backyard », « Pas dans mon jardin» L'aéroport de Notre Dame des Landes, pour n'en citer qu'un. 48 veiller à la qualité des concertations menées par les maîtres d'ouvrage en termes d'information et de participation du public. Le principe du garant de la concertation n'est pas nouveau mais le Grenelle 2 en a renforcé l'importance puisque la loi donne la possibilité à la CNDP de désigner un garant pour les concertations qu'elle décide et aux maîtres d'ouvrage de demander la nomination d'un garant suite à un Débat Public pour suivre la concertation sur un projet jusqu'à l'enquête publique. La présence d'un garant peut être source de confiance dans le dispositif mis en place: en effet, une concertation menée par un maître d'ouvrage seul, même si elle s'appuie sur une réelle volonté de dialogue de sa part, risque fort d'être considérée, à tort ou à raison, comme une démarche orientée. La personnalité extérieure, dont le profil et la neutralité doivent être incontestables, peut apporter de ce point de vue une garantie utile pour le public et le maître d'ouvrage que tous les points de vue pourront s'exprimer et que l'information sera complète. Ce principe n'est d'ailleurs pas réservé aux projets dont la CNDP est saisie : rien n'empêche un maire, qui doit porter par exemple un projet d'urbanisme dans sa commune, de faire de lui-même appel à un « garant » neutre et indépendant. Cahiers d'acteurs Autre outil privilégié de la concertation lors des débats, les « cahiers d'acteurs » sont des documents servant aux différents acteurs à exprimer leurs opinions sur le projet et venant à l'appui des Débats Publics organisés par les CPDP et les réunions publiques. Extrêmement prisés par les acteurs associatifs, ce document de quatre pages maximum, devant être profitable au débat en cours, sert pour les associations à faire connaître et partager leur opinion aux acteurs participant aux Débats Publics. Critique du Débat Public Le Débat Public est une expérience française de démocratie participative. Ce dispositif est hautement spécifique : autorité indépendante, juridiquement reconnue et dotée de compétence, la structure même de la CNDP contraste avec l'image des dispositifs de participation du public qui l'on précédée, souvent soupçonnés d'instrumentalisation. S'il peut être critiquable sur sa forme, le Débat Public reste à ce jour l'exemple le plus achevé d'organisation de la participation des citoyens à la discussion des choix collectifs. Cependant, un certain nombre de critiques ont pu émaner des différents entretiens réalisés : influence faible sur la décision, participation parcellaire du public, contestation de principe, méthodologies peu appropriées, persistance des dominations de toutes sortes, information plutôt que réel débat, « grand public » non apte techniquement à rendre des avis éclairés et, à l'inverse, perte de confiance envers les instances dirigeantes du projet quand les citoyens se sentent mis devant le fait accompli. L'association France Nature Environnement, si elle a toujours soutenu le principe et le fonctionnement de la CNDP, pointe également les limites d'une organisation trop stricte lors des débats : le peu de place laissé au public et à la spontanéité handicape les échanges. D'autre part, certaines critiques ont pu s'orienter en direction du coût d'un Débat Public. En moyenne, celui-ci avoisine le million d'euros32 et ces dépenses relatives à la préparation et à l'organisation matérielle du débat sont à la charge du maître d'ouvrage responsable du projet. Toutefois, sur les dix dernières années, si l'on se détache des valeurs fiduciaires, le coût moyen d'un Débat Public par rapport au projet, est de 0,09%. Les coûts relatifs aux processus de concertation et au débat public lorsqu'il a lieu sont intégrés au coût total du projet : aujourd'hui, le coût d'un débat public est de 2 à 5 millièmes du coût d'un projet. Selon Mme Laurence Monoyer-Smith, Vice-présidente de la CNDP, « la mauvaise estimation du coût des projets est la première responsable du coût pharamineux d'un projet, pas le Débat Public », et d'ajouter : « le déroulement d'un débat est incertain car à partir du moment où l'on ouvre la discussion à tous, on n'est jamais 32 Source : Laurence Monoyer-Smith, Vice-Présidente de la Commission Nationale du Débat Public 49 sûr du résultat. Pour les porteurs de projet, il est compréhensible que cette incertitude soit pénible à vivre, tout comme les avis de certains citoyens, qu'ils jugent trop éloignés de la réalité technique du projet. » A noter que la France s'est orientée vers la participation continue accompagnée de la mise en place de Débats Publics en amont organisés sous l'égide de la CNDP et « la concertation avec le public tout au long de l'élaboration d'un projet » (loi sur la démocratie de proximité du 27 février 2002). Toutefois cette évolution concerne un nombre réduit de projets d'aménagement (les plus importants en termes de taille et d'enjeux) et malgré les réformes récentes, la participation de la population est encore trop souvent mal maîtrisée et l'objet de nombreuses critiques. En effet, souvent critiquée, la participation du public est néanmoins l'un des piliers du droit environnemental européen (Convention d'Aarhus du 25 juin 1998) et un droit garanti par la Constitution. Utile et désormais ancrée dans les moeurs, elle est le pivot du Débat Public. Le Débat Public est amené à s'insérer dans un environnement social préexistant composé de scènes multiples et d'acteurs divers (élus, associations, citoyens) ce qui n'est pas pour faciliter la tâche de l'exercice. Cet environnement n'empêche pas l'émergence d'un espace public et la construction de la légitimité du Débat Public. Le débat, même s'il est tributaire des stratégies des acteurs impliqués, n'est pas qu'un objet de manipulation, de neutralisation ou de captation. Il convient de saisir l'impact de celui-ci avant d'en dénoncer l'échec, ou l'illusion. Il faut percevoir l'insertion du Débat Public comme un processus long et sinueux, qui ne peut, en aucun cas, éviter les écueils des luttes et des intérêts inhérents à chaque projet débattu. Toutefois, si ces débats constituent un véritable progrès en termes de participation de la population et de manière de concevoir la décision, quelle marge de progression offre aujourd'hui ce mouvement ? Une des manières de répondre à ces interrogations consiste à porter notre attention vers d'autres pays. La comparaison internationale autoriserait en effet une prise de recul sur ce mouvement hexagonal et permettrait d'autant mieux d'en apprécier la portée33. Verbatim : « Le déroulement d'un débat est incertain car à partir du moment où la discussion est ouverte à tous, le résultat n'est jamais certain. Pour les porteurs de projet, il est compréhensible que cette incertitude soit pénible à vivre, tout comme les avis de certains citoyens, qu'ils jugent trop éloignés de la réalité technique du projet, mais ceci est l'apanage de toute démarche de concertation. » Laurence Monoyer-Smith, Vice-Présidente de la CNDP 3- Enquêtes publiques L'enquête publique est une des phases privilégiées de la procédure d'élaboration concertée au cours de laquelle le public (habitants, associations, acteurs économiques ou simples citoyens) est invité à donner son avis sur un projet de règlement ou d'aménagement préparé et présenté par une collectivité publique ou privée ou par l'État, ou encore par les différents gestionnaires d'infrastructures (RFF, VNF, etc.). Comme précisé précédemment, la réalisation d'ouvrages ou de travaux, exécutés par des personnes publiques ou privées, doit être précédée d'une enquête publique lorsqu'en raison de leur nature ou de leur consistance, ces opérations sont susceptibles 33 Voir III 50 d'affecter l'environnement. Le code de l'environnement précise les modalités d'application de cette mesure : elle est ouverte à tous, sans aucune restriction. Elle donne lieu à des mesures de publicité préalable qui permettent d'informer le public. Toutefois, leur mise en place peut parfois présenter des difficultés, malgré les menaces de recours contentieux : horaires serrés, information du public lacunaire, manque de disponibilité du commissaire-enquêteur, etc. De fait, si les enquêtes dépendent de la nature du projet et sont censées être réunies en deux « catégories » (code de l'environnement et code de l'expropriation) depuis 2012, elles restent néanmoins nombreuses en pratique, ce qui ne facilite pas leur compréhension par le public. La possibilité de les regrouper existe depuis la loi Grenelle 2, mais n'est pas toujours exploitée en pratique. On en dénombre en moyenne parfois entre six à dix par projet34 : Enquête publique de DUP Enquête publique de loi sur l'eau Enquête publique sur le défrichement quand défrichement il y a Enquête publique ICPE Enquête publique sur le parcellaire (qui peut elle-même contenir plusieurs enquêtes) Enquête publique sur le réaménagement foncier Leurs horaires et leurs modalités semblent difficilement compréhensibles et accessibles pour le public35. L'idée principale semble être que la consultation du public, trop fréquente, non coordonnée, et souvent fondée sur des données absconses, affaiblirait la capacité du public à participer à l'élaboration du projet. En conclusion, même si certains considèrent que le droit existant ne permet pas d'associer de manière satisfaisante le public à l'élaboration des décisions, d'autres considèrent que ce sont les temporalités qui sont souvent inadaptées ce qui a pour résultat des enquêtes publiques sans public, ou des débats publics parfois prévus à des stades très avancés de la procédure, alors même que les options ne sont plus ouvertes, que les discussions font peu de cas des échanges, que l'information n'est pas adaptée au public du fait de sa technicité et de son volume... Il est également soulevé que la multiplication de procédures distinctes et disparates pouvant se superposer, suscitent dans le public confusion et frustration. Une frustration qui provient comme nous venons de le soulever, d'une consultation souvent tardive donnant à l'opinion le sentiment d'être mise devant le fait accompli. De même se pose la question du manque de transparence reproché aux maîtres d'ouvrage malgré les efforts déjà réalisés par l'administration et, en conséquence, la demande d'expertises complémentaires voire de contre-expertises, menant à l'escalade de la contestation. Les premières difficultés sont liées à des malentendus. Malentendu sur la légitimité démocratique revendiquée à la fois par les citoyens détenteurs de la souveraineté populaire et par les élus ou les représentants du gouvernement en charge de l'intérêt général. Malentendu aussi sur l'objet même des enquêtes et de la concertation conçues pour les uns comme une formalité nécessaire à la réalisation d'un projet dont la décision est déjà acquise et vécue par les autres comme l'occasion d'en contester les principes et l'opportunité. 34 35 Source : entretien avec Stéphane Pradon, Directeur adjoint, EGIS environnement. Et ce malgré l'article R. 123-10 du Code de l'environnement : « les jours et heures, ouvrables ou non, où le public pourra consulter un exemplaire du dossier et présenter ses observations sont fixés de manière à permettre la participation de la plus grande partie de la population, compte tenu notamment de ses horaires normaux de travail. » 51 Malentendu enfin sur les définitions réglementaires donnant lieu à des applications différentes selon les services instructeurs et pouvant occasionner des failles juridiques aisément repérables pour les détracteurs des projets. C- PANORAMA DES CONTENTIEUX ET DE LEURS MOTIFS PAR PROCEDURE Si l'on reprend la classification des grandes étapes et procédures d'un projet d'infrastructure de transport36, les possibilités d'intervention en termes de recours contentieux sont nombreuses. Ces recours contentieux, qui, si ils sont raisonnés et s'inscrivent dans l'optique de la défense de l'intérêt général, peuvent néanmoins viser au ralentissement voire à l'annulation d'un projet. Ils sont le plus souvent portés par les associations nationales de protection de l'environnement (France Nature Environnement en tête) et/ou les associations de riverains, crées ponctuellement ou présentes sur la scène nationale depuis longtemps. En bref, à chaque procédure d'autorisation correspond une possibilité de recours contentieux. Un panorama de ces possibilités d'intervention pourra aider à mieux identifier les « points durs » des procédures d'évaluation des impacts environnementaux dans les projets d'infrastructures de transport. 1- Pendant la phase de concertation : le débat public En premier lieu, si le maître d'ouvrage a décidé de ne pas saisir la CNDP, cette saisine peut quand même être réalisée dans les deux mois « à compter du moment où ces projets sont rendus publics par le maître d'ouvrage », par une association de protection de l'environnement agrée exerçant au niveau national (FNE ou WWF par exemple) ou par l'organe délibératif d'une collectivité territoriale. Une fois saisie, si la CNDP refuse la mise en place d'un Débat Public, ce refus peut être contesté devant le Conseil d'Etat dans un délai de deux mois37. Mais compte tenu du pouvoir discrétionnaire de la CNDP en la matière, le recours ne pourra se fonder que sur des motifs de forme, comme celui de l'irrégularité de la procédure de saisine de la CNDP. Les décisions prises par la CNDP ou la CPDP concernant les modalités du calendrier et du déroulement du Débat Public ne peuvent faire l'objet d'un recours devant le tribunal administratif38. Néanmoins, les irrégularités de ces décisions pourront être notées et servir ultérieurement, par exemple lors de la décision de poursuite du projet suite au Débat Public. De fait, cette décision peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif dans un délai de deux mois. C'est la forme qui est là encore le plus souvent attaquée : irrégularité du Débat Public (manque de documents, peu de réunions, etc.) ou irrespect des délais par l'auteur de l'acte. Enfin, il est à noter que les associations peuvent demander lors des débats d'avoir recours à une « expertise complémentaire » sur un aspect technique ou un impact en particulier du projet. Cette demande devra être formellement exprimée le plus tôt possible dans le processus de Débat Public et pourra engendrer l'allongement du débat (possibilité de prolonger de 4 à 6 mois le Débat Public en tant que tel -possibilité néanmoins très peu exploitée). 2- Pendant la phase de concertation : en l'absence de Débat Public En substance, l'article L. 300-2 du Code de l'urbanisme précise qu'une concertation « mal réalisée » ne peut pas suffire à annuler l'autorisation du projet. Cependant, une mauvaise exécution de la concertation pourra être un argument parmi d'autres lors d'un recours visant l'annulation de l'autorisation finale du projet. 36 37 Voir I, C CE, 17 mai 2002 FNE n° 236202 38 CE 5 avril 2004 Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre Dame des Landes 52 3- Pendant les études préalables En tant que document obligatoire, l'absence voire l'insuffisance des études d'impact, et des incidences socioéconomique et Natura 2000 fonde l'annulation contentieuse d'un projet d'infrastructure. L'insuffisance, pour l'étude d'impact peut être celle des effets du projet sur l'environnement mais aussi celle concernant les divers éléments obligatoires de l'étude (état initial, motivation du projet, mesures compensatoires, méthode d'évaluation des effets, résumé non technique), comme : La grave sous-évaluation du coût de l'opération39 La surévaluation des hypothèses de trafic40 L'absence d'évaluation des coûts externes du projet, notamment sur les consommations énergétiques 41 Etc. En outre, l'absence de transmission pour avis de l'étude d'impact à l'autorité compétente en matière d'environnement, permet d'obtenir la suspension en référé de l'autorisation devant le juge administratif. 4- Pendant l'enquête publique Un avis insuffisamment motivé du commissaire-enquêteur peut justifier l'annulation de l'autorisation du projet42. Cet avis est jugé insuffisamment motivé si le commissaire enquêteur a ignoré dans ses conclusions, les objections argumentées au projet. Par ailleurs, un avis défavorable du commissaire enquêteur sur le projet constitue un argument important pour pouvoir contester la validité de l'autorisation, et ce quand bien même le maître d'ouvrage n'est pas lié juridiquement par cet avis. Enfin, si l'enquête ne se déroule pas de façon réglementaire (information pas assez diffusée sur la teneur des réunions, horaires trop serrés, manque de disponibilité du commissaire-enquêteur, etc.), cela peut pousser le juge à déclarer l'enquête irrégulière. A noter que si l'association se pose d'emblée en tant qu' « opposant total»43 au projet, sa participation à l'enquête publique sera pour elle l'occasion de relever tous les vices de forme ou de procédures pouvant servir au contentieux. La plupart du temps, l'association dans ce cas de figure cherchera à soulever les lacunes du registre d'enquête le plus tard possible, de manière à empêcher le maître d'ouvrage de régulariser le dossier. 5- La DUP A ce stade avancée de la procédure, la DUP peut être contestée par écrit et dans les deux mois suivant sa publication devant le tribunal administratif ou le Conseil d'Etat (si c'est une autorité ministérielle qui a adopté la déclaration). Cette démarche engendre cependant un certain nombre de frais (démarche longue, frais d'avocats, etc.) et n'est donc pas accessible à toutes les associations. Bien que cette démarche soit souvent portée devant les tribunaux ­notamment par les associations de protection de l'environnement- il est très rare que la justice annule des DUP ou Déclaration de Projet s'il s'agit de projets d'envergure (comme les projets d'infrastructures de transport) portés par une volonté politique forte le plus souvent. 39 40 TA de Caen, 7 juin 2007, Manche Nature Idem 41 TA de Rennes 10 avril 2003 42 CAA de Lyon, 4 novembre 2008, société Vicat 43 Source de l'expression : France Nature Environnement (2012), Guide d'aide au positionnement et à l'action des associations Infrastructures et transport et Environnement 53 Deux types d'arguments majeurs (appelés « moyens ») peuvent être invoqués pour « casser » la déclaration d'utilité publique des projets : Les moyens de forme concernent tous les vices de procédure et les irrégularités ayant pu avoir lieu jusqu'ici44. Deux cas sont alors possibles : soit l'irrégularité relevée justifie seule de l'annulation (insuffisance grave de l'étude d'impact, incompétence de la personne adoptant la déclaration, etc.), soit les irrégularités relevés sont minimes mais leur nombre justifie de l'annulation de la déclaration. Les moyens de fonds se rapportent directement à l'opportunité d'autoriser ou non le projet. Il s'agit pour le juge d'évaluer les avantages et les inconvénients du projet afin de déterminer s'il est bien « d'utilité publique ». A noter qu'il est rare que le juge annule un projet uniquement sur la base d'arguments environnementaux45. - Ainsi, les arguments les plus fiables pour justifier le fait rare d'absence d'utilité publique sont : Effets importants sur le paysage, la faune et la flore, et traversée d'un site Natura 2000, dommage important sur des sites classés ou une ZNIEFF (Zone Naturelle d'Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique) Effets positifs sur l'économie pas établis, erreurs dans les projections de croissance et dans l'évaluation du coût de l'opération Projet traversant une zone humide vulnérable... - Mais le moyen le plus sûr pour mener à bien l'annulation de la DUP reste encore de prouver l'insuffisance de l'étude d'impact. Cette relative vulnérabilité de l'étude d'impact a ses revers : en pratique, les maîtres d'ouvrage ont tendance à fournir toujours plus d'informations aux études d'impact, ce qui engendre des dossiers toujours plus longs, complexes, difficilement compréhensibles pouvant par conséquent générer plus d'erreurs et d'incohérence. 6- Pendant l'Avant-projet détaillé L'autorisation loi sur l'eau L'autorisation loi sur l'eau peut être contestée dans un délai d'un an à compter de la publication de l'arrêté d'autorisation. Mais, le contrôle du juge se limitant à l'erreur manifeste d'appréciation du Préfet, l'autorisation est difficile à faire annuler en argumentant uniquement sur le fond (les motifs se concentrent plutôt sur les irrégularités concernant l'étude d'impact ou le document d'incidence et l'enquête publique par exemple). La dérogation « espèces protégées » En raison de la difficulté du jugement objectif des « raisons d'intérêt public majeur » invoquées lors des accords de dérogation, il est généralement difficile de revenir sur une telle décision. Cependant, quand l'avis du CNPN est négatif, cela peut constituer un argument utile en cas de contestation de l'autorisation et ce, même si l'avis du CNPN ne lie pas juridiquement le préfet. Lorsque l'annulation d'une dérogation aboutit, elle ne condamne généralement pas le projet mais peut servir à le retarder. 44 A l'exception des griefs relevés lors de la procédure de débat public qui ne peuvent être relevés que lors de la contestation de la décision de poursuite de projet qui fait suite au débat. 45 Il existe quelques décisions d'annulation de DUP pour des motifs environnementaux, relatifs à des projets ayant multiplié les atteintes à l'environnement. Par exemple : CE, 21 juin 2006, Association interdépartementale et intercommunale pour la protection du lac de Sainte-Croix les lacs et sites du Verdon. 54 7- Travaux et bilan environnemental Les objets de conflits pendant la phase travaux concernent le plus souvent la mise en place tardive ou précaire des mesures de compensation. Il est important d'organiser un travail de suivi des mesures compensatoires pendant cette phase. Les associations s'assurent généralement qu'un système de management environnemental a été mis en place dans le respect des arrêtés d'autorisation et peut, lorsque ces arrêtés ne sont pas respectés, faire appel aux différentes administrations de police environnementale : ONEMA pour les atteintes à l'eau, ONCFS pour celles à la faune et la flore ou les DREAL. Sur la base des mêmes critiques et si les normes de protection dictées par le Code de l'environnement ne sont pas respectées, par exemple si les travaux ont engendré la destruction d'une espèce protégée pour laquelle aucune dérogation n'avait été accordée, les associations peuvent également attaquer les porteurs de projet devant les juridictions civiles afin d'obtenir des dommages et intérêts ou bien porter plainte auprès du Procureur de la République. En outre, certaines revendications peuvent apparaître de la part de riverains directement impactés par le projet, qui, malgré les mesures d'information précédentes n'auraient réellement pris connaissance de l'ampleur du projet qu'une fois les matériaux de chantier sur place. Face à cette situation critique, il est alors difficile d'apaiser les tensions entre le public et les porteurs de projet. Enfin, le bilan environnemental, devant être produit par le maître d'ouvrage cinq ans suivant la mise en service de l'ouvrage, n'est en pratique pas contestable devant les tribunaux, quand bien même ce dernier présenterait des lacunes ou serait incomplet. Les possibilités de recours contentieux sont en conséquence multiples et complexes, et s'étalent sur toute la longueur des études d'un projet. Il est clair, après le bref exposé précédant, que les chemins de traverse pour retarder sciemment voire annuler un projet ne manquent pas et sont même très régulièrement exploités, surtout lorsque les porteurs de projet et le maître d'ouvrage se constituent une opposition ferme et catégorique de la part des associations de protection de l'environnement et de riverains. Ainsi, si nous ne remettons pas en cause ces possibilités de recours, qui sont autant de filets de sécurité nécessaire au droit de l'environnement ­et plus généralement au développement durable-, il est utile de s'interroger avec force sur les moyens à mettre en oeuvre pour réduire drastiquement les motifs de ces recours contentieux et donc, les oppositions au projet. De fait, s'il est clair que le consensus de tous les acteurs intéressés par un projet n'est pas possible, ni même souhaitable, il s'agira de tout mettre en oeuvre pour réduire drastiquement les positions « d'opposition totale » des associations, au profit de leurs « oppositions constructives » au projet. Il faut en effet rétablir un dialogue constructif entre associations et maîtres d'ouvrages afin que le travail des uns serve à corriger celui des autres dans une démarche d'amélioration globale, tant sur le fond que sur la forme des études. D- APPROCHE SENSIBLE DE LA BIODIVERSITE ET EAU Nous ne remettons pas en cause l'importance primordiale du respect de la biodiversité. Mais il a été noté au cours des entretiens, que la Biodiversité, enjeu jeune et complexe, n'arrivait peut-être pas encore à bien distinguer les contraintes fortes des contraintes que l'on peut potentiellement modérer. 1- Biodiversité Définition La biodiversité est un thème d'importance lorsque l'on parle d'environnement. Mais la définition même de la biodiversité n'est pas aisée. La biodiversité est un terme qui désigne la diversité du monde vivant à tous les niveaux : diversité des milieux (écosystèmes), diversité des espèces, diversité génétique au sein d'une même espèce. Par biodiversité on entend l'interaction de l'ensemble des êtres vivants, des végétaux et de leurs milieux naturels. Elle constitue un système formé de l'interaction de ses membres. Chaque milieu est unique et possède 55 une ou des espèces « clé de voûte ». Mais ces espèces sont difficiles à identifier d'autant plus que la « biodiversité ordinaire » est partout. La biodiversité est un enjeu relativement jeune : nous nous apercevons que l'on aboutit à un sacrifice de la nature mais nous avons peut-être encore du mal à distinguer les contraintes fortes des contraintes que l'on peut modérer. Les cas d'école du pique prune ou du lézard des murailles, petit animal affectionnant particulièrement le ballast, peuvent illustrer ce propos. L'Exemple du scarabée Pique-Prune de l'autoroute A28 La découverte sur le tracé projeté pour l'autoroute A28 du scarabée Pique-Prune protégé par la Convention de Berne a conduit à retarder pendant dix ans le chantier46. De bonnes études préliminaires auraient peut-être permis de mettre à jour l'enjeu que l'animal représentait et de développer en amont une stratégie pour éviter les perturbations qui ont suivi. Le lézard des murailles Espèce la plus répandue de lézard en Europe, ceux-ci habitent les vieux murs, les tas de pierres, les rochers, les carrières, les terrils et apprécient spécialement les rails ou les quais de gares peu fréquentés. Cette espèce est protégée en France et en Europe, ce qui pose régulièrement problème aux maîtres d'ouvrage et maîtres d'oeuvre ferroviaire (surtout lors des opérations d'entretien des rails) et engendre des procédures d'autorisation lourdes, dès lors que l'animal préfère le milieu anthropique mais doit dans le même temps en être protégé. 2- Repenser la biodiversité sous l'angle de la construction progressive et partagée des projets ? Serait-il donc possible - sous réserve de le concerter en amont avec le maître d'ouvrage et surtout les associations, garantes de la biodiversité - de penser à des aménagements spéciaux et simples de procédures dans certain projets, afin de résoudre les problèmes tels qu'ils ont pu être appréhendés lors des deux exemples, du scarabée Pique-prune et du lézard des murailles, exemples susceptibles de cristalliser les mécontentements et d'aboutir à un gel prolongé des projets ? Une solution simple pourrait être de prôner le développement et le renforcement des inventaires écologiques en amont, ou bien de penser la création d'un conseil, d'une table ronde entre maîtres d'ouvrages et associations, qui, grâce à un système de décisions prises à la majorité ou à 90%, pourrait arriver à résoudre des problèmes comme celui du Pique-prune plus rapidement. L'intégrité de ce conseil devant bien sûr être totale... Les idées principales étant : Qu'on ne peut relâcher une contrainte environnementale uniquement s'il y a eu concertation avec les associations ; on peut introduire des dérogations à condition que le maître d'ouvrage soit appuyé par les garants de l'environnement. Et qu'aujourd'hui, l'empilement des procédures censées protéger la biodiversité en arrive à la mettre en péril. - La protection « à la lettre des procédures» de la biodiversité, peut en effet avoir des effets néfastes : il faut s'entourer d'avis afin de savoir jusqu'où il est possible d'aller dans l'intégration de l'environnement, et dans l'utilité du développement économique et social. Pour un retour à une théorie du bilan ? 46 Source : Lambert A. et Boulard J-C. (2013), Rapport de la mission de lutte contre l'inflation normative, Paris, La documentation française 56 Nous partons ici de deux observations : La protection de l'environnement garantie par le droit, s'est construite pour donner la voix aux défenseurs de l'environnement, afin de contrebalancer une prépondérance économique jugée préjudiciable à nos équilibres naturels. Ce qui crée des réglementations environnementales de plus en plus rigides pour les projets, qui dès lors cherchent à se recentrer sur les volets sociaux, techniques et financiers. - Doit-on militer pour un rééquilibrage entre les procédures et ainsi replacer l'environnement dans une « démarche de développement durable », au regard des piliers sociaux et économiques ? Comment faire pour constamment garantir la mise en perspective de l'utilité d'un projet et des enjeux environnementaux ? Faut-il définir des nouveaux principes de réflexion sur lesquels fonder un projet ? De manière générale, le droit de l'environnement a pour objectif la protection, la mise en valeur, la restauration, la remise en état et la gestion des espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres écologiques. S'il ne convient pas de modifier le fond de ces principes, il serait certainement opportun d'en revoir les modalités de mise en oeuvre, en introduisant une proportionnalité des moyens mis en oeuvre par rapport à l'impact supposé et une limite pour se concentrer sur les enjeux qui font sens. L'objectif de « développement durable », vise à satisfaire les besoins de développement des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Ainsi, l'appréciation des enjeux environnementaux ne doit pas entrainer l'omission des dimensions économiques et sociales qui satisfont au développement des générations présentes. A noter que certaines réglementations, comme l'article L522-1 du code du patrimoine, tiennent compte de ces enjeux et précisent que « l'Etat veille à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social ». Doit-on penser en termes de multicritères sociaux, économiques et environnementaux pour chaque procédures et à chaque étape de l'évaluation environnemental ? Plutôt qu'une norme, serait-il utile d'ériger en principe cette nécessité de prendre en compte les aspects économiques et sociaux du développement durable ? Si oui, comment y arriver sans retour en arrière environnemental ? 57 III- ETUDES DE CAS ETRANGERS Marquées par le droit communautaire, les méthodes d'établissement des programmes d'infrastructures de transport ainsi que les processus d'évaluation des impacts environnementaux diffèrent considérablement d'un Etat membre à l'autre. Cette hétérogénéité peut être mise sur le compte de la dissemblance des cadres institutionnels et culturels ainsi que de la grande diversité des approches scientifiques disponibles. Toutefois, c'est certainement dans cette variété que nous serons le plus à même de trouver puis dérouler les fils des solutions à nos propres problèmes. Dès lors, et pour traiter au mieux de la prise en compte des effets environnementaux des infrastructures de transport dans la décision et la réalisation de projets, nous avons pensé qu'il serait enrichissant de nous appuyer sur une comparaison des textes, des procédures, des pratiques et de leurs effets ­ tout en prenant en compte la difficulté d'une analogie touchant à des projets hétérogènes ­ dans des pays caractérisés par des systèmes et des sensibilités assez différents. Ainsi, trois Etats européens ont retenu notre attention : l'Allemagne, les PaysBas et la Suisse. Sur la base d'entretiens menés avec des experts nationaux du droit environnemental et des méthodes de planification des infrastructures de transport, nous avons pu analyser les différents systèmes et apprendre de nos voisins. Il est inutile d'ajouter que la valeur ajoutée de cette étude commandée par TDIE tient à sa dimension internationale : étudier le fonctionnement de nos voisins allemands, néerlandais et suisses et s'orienter vers les meilleures démarches permettra, d'une part, une approche plus efficace des procédures d'évaluation environnementales, sociales et économiques et, d'autre part, renforcera les projets transfrontaliers. A- ALLEMAGNE 1- Planification et trajet politique d'un projet d'infrastructure de transport Pays de structure fédérale (Bund, Länder et Gemeinden : Etat fédéral, « Länder » et communes), la prise de décision est en général décentralisée. A ce titre, la planification des infrastructures de transports s'effectue à tous les niveaux du pouvoir : les responsabilités de l'Etat fédéral se bornent aux routes fédérales (autoroutes et routes nationales), aux chemins de fer fédéraux (réseau de la Deutsche Bahn) et aux voies navigables. Si les ports et les aéroports ne sont pas de son ressort, le plan directeur fédéral des transports s'étend cependant aux liaisons de ces infrastructures essentielles avec les réseaux fédéraux. Le plan directeur fédéral des transports ou Bundesverkehrswegeplan (BVWP) est voté par le gouvernement. Sur cette base, le gouvernement prépare un projet de loi qui sera proposé au parlement afin de modifier les lois existantes pour l'aménagement des routes et des voies ferrées avec leurs listes des besoins respectifs (Bedarfsplan). Les listes des besoins (Bedarfspläne) se trouvent dans les annexes des lois pour l'aménagement des routes et des voies ferrées fédérales et citent les projets pour lesquels existe un besoin, condition pour recevoir un financement du Bund. C'est donc le parlement qui décide d'intégrer les projets du BVWP dans ces listes des besoins. Il est important de noter que le BVWP est là pour démontrer le besoin d'un projet mais ne représente qu'une recommandation pour le parlement qui décidera plus tard des projets qui seront inscrits dans les lois. Les Länder voire les communes peuvent présenter des projets et surtout, fournissent la plupart des données utiles aux processus d'évaluation. Représentants du Bundesrat, les Länder jouent un rôle important lors de la phase de mise en oeuvre du plan directeur. Les Länder ont pour mission de démontrer que les projets prévus par le plan directeur s'intègrent bien dans leur structure spatiale régie par le « Raumordnungsgesetz », la loi sur l'aménagement du territoire. Les communes quant à elles participent à la finalisation des tracés et à l'établissement du plan définitif (« Planfestsellung »), après quoi l'on peut légalement procéder aux expropriations. Les méthodes d'évaluation et l'élaboration de plans directeurs doivent être partagées entre les trois niveaux politiques et pleinement acceptées par ceux-ci. Dès lors, le travail s'effectue en plusieurs phases : 58 1 2 3 4 5 6 7 8 Scénarios, prévisions de l'évolution des transports Mise à jour de la méthode d'évaluation Modernisation des réseaux, définition des projets Evaluation des projets par analyse coûts-avantages et autres méthodes Fixation des priorités en tenant compte des disponibilités budgétaires Consultation des Länder et des ONG et réunions de coordination avec ces mêmes instances Décision du Gouvernement, approbation du plan d'infrastructures Approbation par le Parlement, adoption des lois et des règlements nécessaires Tableau : Phases successives du processus d'adoption du Plan fédéral d'infrastructure de transport (Bundesverkehrswegeplan). Source : Ministère allemand des Transports, des Travaux Publics et du Logement, 2003 59 En détail, la procédure de planification du Bundesverkehrswegeplan est schématisée ci-après et se sépare en trois grandes phases : détermination des besoins, procédures d'aménagement du territoire et procédures d'autorisation du projet lui-même. Ce schéma-bilan nous servira de support tout au long de cette partie. 60 D'autres organismes non gouvernementaux participent à l'élaboration des plans d'infrastructures, comme l'entreprise publique des chemins de fer fédéraux, La Deutsche Bahn, les associations d'usagers, ou encore les associations pour la protection de l'environnement. La Deutsche Bahn élabore la plupart des projets fédéraux et fournit des données nécessaires au processus d'évaluation. Les autres intervenants participent au processus de manière moins directe lors de « discussions » avec les autorités compétentes et l'organisation de mouvements pour ou contre le projet. Le premier BVWP après la réunification date de 1992 et le second de 2003 : il couvre la période de 2001 à 2015. Le nouveau BVWP qui doit être voté en conseil des ministres en 2015 est actuellement à l'étude. Ce plan à long terme de développement des infrastructures de transport donne un aperçu des projets d'investissement à réaliser dans le domaine des grands axes routiers, des chemins de fer, et des voies navigables sous la responsabilité de l'Etat fédéral. Approuvé par le Gouvernement, le Bundestag et le Bundesrat (chambre des Länder), il est la base de lois en vertu desquelles les projets qu'il définit peuvent être introduits dans le processus légal de planification aux niveaux de l'Etat et des communes. Sur la base de l'inscription des projets dans les listes des besoins (Bedarfspläne) en annexe des lois pour l'aménagement des routes et des voies ferrées fédérales, le gouvernement est chargé de continuer la planification et la réalisation des projets d'infrastructures de transport. Il est tenu : 1) De vérifier tous les 5 ans si les projets d'infrastructures mentionnés dans les listes des besoins sont toujours nécessaires d'un point de vue économique et par rapport aux prévisions de trafic (Bedarfsplanüberprüfung). 2) D'établir des plans quinquennaux qui chiffrent les investissements nécessaires pour la réalisation des projets mentionnés dans les listes des besoins (Investitionsrahmenplan). Donc, les plans d'investissement font partie de la planification des infrastructures mais sont intégrés progressivement. Le BVWP n'aborde pas les questions de financement ni les problèmes d'autorisations nécessaires à la construction des infrastructures. Il s'agit d'un programme cadre, d'un instrument de planification dans lequel le Bund apporte la preuve que les projets mentionnés sont nécessaires et avantageux d'un point de vue socioéconomique. Cependant, le plan directeur fédéral de 2003 a été élaboré sur la base d'un système élargi, ajoutant aux règles d'évaluation économique, un volet spatial et un volet écologique. Particularité notable, la réalisation des projets qui ne figurent pas dans le plan d'infrastructure ne peut souvent pas être envisagée avant la prochaine révision du BVWP, et ce malgré la possibilité du Parlement d'inscrire d'autres projets dans les listes des besoins lors de sa vérification (tous les 5 ans). Cela peut poser problème et entraîner des retards, lors par exemple, de l'annulation d'un projet pour raisons financières. C'est par exemple le cas du « Metrorapid » qui devait créer une liaison à sustentation magnétique entre Dortmund et Düsseldorf qui a été annulé pour des raisons liées au financement du projet. Le gouvernement du Land de Nord-Westphalie en charge du précédent projet, a travaillé sur un nouvel équipement du nom de « Metroexpress » qui s'appuyait sur la technique de la grande vitesse ferroviaire. Dès lors, ce projet devra attendre une révision du plan d'infrastructures pour être mis à l'étude. 2- Evaluations Etape nécessaire avant l'adoption du plan d'infrastructure par les Parlements, la procédure d'évaluation générale se divise en six phases et trois volets: Les phases : 61 1- Présentation des projets à évaluer et propositions des Länder, de la DB et des différents départements du Ministère des transports. Les projets du plan d'infrastructures précédant n'ayant pas pu être réalisés y sont ajoutés. 2- Prévisions de l'évolution du trafic 3- Evaluation économique et analyse coûts-bénéfices 4- Analyse des impacts géographiques et du risque écologique 5- Analyse d'interdépendance 6- Définition des choix politiques à effectuer et fixation des priorités Les volets : Analyse coûts-avantages Analyse des impacts spatiaux Analyse du risque écologique Très fortement formalisée, la méthode d'évaluation allemande est très différente tant par son fond que par sa forme de la méthode française. La méthode allemande part de l'idée qu'il est impossible de produire des données économiques fiables pour tous les impacts. Elle les soumet donc à une analyse multicritères qui débouche sur l'attribution d'une note au projet, note qui servira à orienter leur traitement pendant la suite du processus de planification47. Cette méthode, notamment utilisée pour l'analyse environnementale stratégique (StrategischeUmweltprüfung), opère une distinction entre : les impacts sur l'environnement traduisibles en termes monétaires et pouvant donc être intégrés à une analyse coûts-avantages, et le risque écologique, c'està-dire la nature et la gravité des perturbations observées à plus grande échelle. In fine, ce seront les responsables politiques qui feront la synthèse de tous les résultats issus des six phases d'évaluation, ce qui permettra de prioriser les projets et de leur accorder des financements prévisionnels. Nous nous focaliserons sur les évaluations environnementales et leurs modalités. Pour rappel, celles-ci se situent au niveau de la phase de « détermination des besoins »48 et concernent le développement du plan des infrastructures fédérales de transport et la détermination des équipements à réaliser. 3- Analyse des impacts sur l'environnement selon la méthode coûts-avantages La première analyse des impacts sur l'environnement arrive au moment de l'analyse coûts-avantages, pièce maîtresse de la méthode d'évaluation des projets du plan fédéral d'infrastructures de transport. L'analyse considère : le bruit, les gaz d'échappement et le fractionnement du territoire, les autres critères ne pouvant pas être monétarisés sont pris en compte dans l'analyse du risque écologique. La méthode pour déterminer les coûts et les avantages des impacts environnementaux est la suivante : après une analyse d'impact et une prévision des impacts encourus, on compare ce qui pourra résulter de la réalisation ou de la non-réalisation d'un projet. Les critères sont monétarisés et les bénéfices nets sont chiffrés puis divisés par les coûts du projet afin d'obtenir un rapport coûts-avantages (ou coûts-bénéfices). Pour illustrer cette méthode, nous prendrons l'exemple de l'analyse du bruit : la valeur monétaire du bruit est calculée à partir des quatre grandeurs suivantes : dépassement de « l'intensité cible » (si le bruit prévu par le projet excède de 2 décibels le cas de référence) Nombre de personnes exposées au bruit 47 48 Classement des projets selon leur priorité : projets de première ou de seconde priorité. Se reporter au schéma-bilan. 62 - Intensité de la nuisance acoustique Coût unitaire de l'impact acoustique (défini sur la base du coût des vitrages à isolation phonique) 4- Evaluation qualitative du risque écologique Visant à compléter l'analyse monétarisée, l'évaluation qualitative du risque écologique a pour but d'apprécier les impacts des projets d'infrastructures sur la nature, les paysages, les eaux, le sol, ainsi que sur la santé et le bien-être des citoyens. Elle se construit en plusieurs étapes. Evaluation préliminaire et classement Selon des critères établis par l'Office fédéral pour la protection de la nature, les risques écologiques potentiels sont évalués et classés. Il est important que ces risques soient identifiés dès les premiers stades du processus de planification, alors même que tous les détails d'un projet ne sont pas encore connus. Les risques écologiques sont classés de I (fort) à IV (léger) selon les critères suivants : Tableau : Classement préliminaire des risques Traversée d'une zone protégée de 1ère catégorie Passage en bordure d'une zone protégée de 1ère catégorie II Projet de plus de 10 km Traversée d'une zone protégée de 2nde catégorie Passage en bordure d'une zone protégée de 2nde catégorie III Nouvelle I II II construction Modernisation II III III III IV Source : Tables rondes CMT Systèmes nationaux de planification des infrastructures de transport. Evaluation du risque Suite à l'évaluation préliminaire, la nature du projet et la sensibilité écologique de la zone concernée sont les premiers éléments à mettre en relation. Ils sont ensuite conjugués dans une matrice, ce qui débouche sur une première évaluation du risque. Tableau : Matrice combinant l'intensité des mesures et la sensibilité des zones Intensité des mesures Très faible Faible Moyenne Forte Très forte Faible 1 1 1 2 3 Moyenne 1 2 3 3 4 Forte 2 3 4 4 5 Très forte 3 4 5 5 5 Source : Tables rondes CMT Systèmes nationaux de planification des infrastructures de transport. Le classement obtenu grâce à la matrice est finalement réexaminé selon l'itinéraire et les critères spécifiques du tracé, puis le risque à nouveau classé de « très faible » à « très fort ». Si le système peut sembler mériter quelques affinements, rappelons que celui-ci date de 2003 et qu'un système d'évaluation plus complet est à l'étude depuis septembre 2013 pour le prochain schéma de planification des infrastructures de transport de 2015. Va notamment être ajoutée une catégorie de « priorité ++ » pour les projets justifiants à la fois d'une rentabilité économique très élevée et du minimum d'impacts sur l'environnement. Une Sensibilité 63 modélisation cartographique plus précise des projets potentiels -afin de déterminer leurs intérêts et leurs impacts- est également à l'étude. Mais des critiques émanent déjà de ces propositions: de fait, un projet important et de rentabilité socio-économique forte pourrait ne plus être inscrit dans la catégorie de priorisation la plus importante dès lors que ses impacts environnementaux seraient considérés trop élevés. Or certains arguent que ces problèmes environnementaux pourraient par exemple être résolus dans les phases suivantes de conception, ce qui devrait prévenir l'enterrement précoce d'un projet justifiant d'avantages manifestes. 5- Recours et délais La période globale de conception/réalisation d'un « grand » projet d'infrastructure de transport en Allemagne s'étend en moyenne de 10 à 15 ans. Fortement formalisée et clairement définie, la phase de « détermination des besoins » et plus encore celle des procédures d'évaluation environnementales ne s'étalent pas outre mesure dans le temps. Les évaluations sont en général confiées à des experts qui évaluent les effets des projets dans des délais relativement courts. Les causes de retard sont doubles. Les premiers sont relatifs aux financements, les schémas de plan prévoyant souvent plus de projets que le Bund ou les Länder ne peuvent financer pendant la période initialement prévue. Les seconds arrivent lorsque le projet est défini dans son entier et qu'il est alors temps de passer à l'acquisition et à l'expropriation des terrains. Les propriétaires refusent souvent de se soumettre à l'expropriation, soit pour pouvoir négocier en position de force, soit parce qu'ils se positionnent contre le projet. En termes de recours, tous ceux qui se sentent exposé par un projet peuvent saisir les tribunaux et engager une procédure qui peut durer plusieurs années. A noter que ces recours ne peuvent intervenir qu'après la définition complète des emprises du projet. Le projet peut continuer son cours pendant ces actions mais si, à terme, les tribunaux décident de la modification profonde d'un projet, tout le processus doit alors recommencer depuis le début. Par conséquent, si tout se passe bien, les délais d'un projet peuvent être relativement ramassés mais si le moindre problème survient, le projet peut prendre beaucoup de retard. Par exemple, ce fut le cas de la ligne ferroviaire reliant Francfort à Cologne, dont les premiers plans datent du milieu des années 70 et la mise en service de 2001. A noter qu'en pratique, les procédures d'évaluations environnementales sont très peu attaquées. 6- Concertation, information et acteurs de la protection de l'environnement L'Office fédéral de l'environnement, ou « Umweltbundesamt », fondée en 1974, est l'autorité compétente en matière d'environnement. Cette agence relève de la tutelle du Ministère fédéral pour l'environnement et la protection de la nature et travaille en relation avec le « Bundesamit für Naturschutz », l'Agence fédérale de la protection de la nature. Ses tâches consistent à : - Soutenir scientifiquement le Gouvernement fédéral et ses ministères (comme les ministères pour l'environnement, la santé, la recherche et le ministère des transports), - Mettre en place une législation environnementale (certificats d'émission, et autorisations concernant les substances chimiques, médicaments et produits phytosanitaires) - Informer le public au sujet de la protection de l'environnement. Ces organismes fédéraux sont surtout associés aux phases de détermination des besoins et se substituent au grand public en ce qui concerne les discussions quant à l'opportunité des projets. De fait, la concertation avec 64 riverains et intéressés arrive relativement tard dans la procédure, à la fin de la phase 2, « Procédures d'aménagement du territoire »49. La concertation publique et les divers recours peuvent encore changer le projet mais la question de la réalisation ou non du projet a déjà été prise bien plus en amont. A noter qu'il n'existe aucune possibilité de recours juridique concernant l'opportunité et le besoin d'une infrastructure de transport. Cette possibilité de recours n'est donnée qu'au terme de la procédure, et seulement pour les personnes concernées par une mesure concrète. Toutefois, en vertu des règles européennes, les porteurs de projet sont tenus d'informer le public de l'avancée du projet dès les phases de conception. Pour les infrastructures routières, ce sont les administrations des Länder qui s'occupent de mettre en place concertation et information. En pratique, la qualité de cette diffusion d'informations dépend des Länder et des projets. La remontée de la concertation avec le public et les associations de défense de l'environnement, notamment concernant l'opportunité des projets, est une revendication à l'étude concernant le prochain schéma directeur de 2015. De fait, l'Allemagne a eu son lot de projets violemment contestés ces dernières années, dont le plus mémorable reste sans doute « Stuttgart 21 », projet ferroviaire et urbain visant à réagencer et moderniser le noeud ferroviaire de Stuttgart. Le coeur du projet consistait en la transformation de la gare centrale de Stuttgart actuellement de type cul-de-sac en une gare souterraine de passage. Supporté par la Deutsche Bahn et le Gouvernement fédéral, le projet ­dont les travaux ont commencé en 2010- fait l'objet d'une importante controverse et a provoqué plusieurs grandes manifestations de la part des habitants de Stuttgart depuis le début du chantier. De fait, très peu consultés lors des phases d'élaborations du projet, ils dénoncent notamment le manque de rentabilité et les coûts entraînés par le projet, et reprochent par ailleurs aux organisateurs de ne pas prendre suffisamment en considération les incidences possibles pour l'environnement (destruction d'espaces verts, peu de considérations faites à la géologie,...). Le peu de transparence des informations transmises au public avant la mise en chantier et les pressions politiques malgré de nombreux surcoûts ont fini de mettre le feu aux poudres. 7- Accélérer les procédures ? Si l'Allemagne constitue un exemple intéressant à étudier, c'est certainement grâce à ses processus d'accélération exceptionnels. Après la réunification, le cruel besoin d'infrastructures routières et autoroutières en Allemagne de l'Est et entre les ex RDA et RFA a permis de privilégier une solution rapide et de lever la plupart des contraintes au bénéfice des nouvelles constructions dont le tout jeune pays avait besoin. En moins de 10 ans, cette partie du pays n'avait plus rien à envier aux équipements de transports du reste des pays de l'Europe occidentale. Le second exemple50 est plus récent, et concerne cette fois les grandes infrastructures énergétiques. Le 12 mars 2012, les autorités Bruxelloises ont voté un projet de règlement sur les orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes, règlement qui se place comme un véritable accélérateur de la transition énergétique européenne : désormais, les projets inscrits par Bruxelles à la liste des projets énergétiques d'intérêt commun bénéficieront de systèmes d'autorisation à grande vitesse. Pour ce faire, chaque Etat membre désignera une autorité unique qui coordonnera la procédure et prendra une décision globale. Ce nouveau type de procédure, qui reste encore à créer, réduirait les frais administratifs des projets européens d'environ 30% en moyenne pour les promoteurs, et d'environ 45% pour les autorités, selon le Parlement européen. Ce nouveau type de procédure inquiète par son ambition: le public devra être associé le plus en amont possible au montage du projet, lequel devra scrupuleusement respecter les législations protégeant les sites Natura 2000, les zones protégées, la biodiversité, etc. Tout cela en allant deux à trois fois plus vite qu'aujourd'hui. 49 50 Se reporter au Schéma-Bilan p. 59 Source : AEF Développement Durable, article du 15 mars 2012 65 Cependant, et sur la base de ce règlement, les élus au Bundestag vont prochainement examiner un projet de loi visant à faire passer de cette manière les 2 800 km de lignes de réseaux de transport d'électricité qui relieront les champs d'éoliennes de la mer du Nord au sud du pays, et ce malgré de multiples contestations locales. Afin de réussir le pari de faire passer de 10 à 4 ans la durée de construction, Berlin entend transférer une partie des compétences des Länder à l'Etat fédéral. Le texte défendu par le ministre allemand de l'économie prévoit également que la Cour administrative fédérale soit la seule instance compétente en cas de litiges. Dès lors, il n'est pas interdit de penser qu'une telle procédure accélérée, si elle se justifie suffisamment, pourra être élargie au développement des infrastructures de transports. 8- Conclusions : les avantages d'une comparaison approfondie Le cas allemand nous montre d'abord qu'il n'existe pas de processus « idéal », aucun système national n'étant exempt de critiques. En outre, il reste difficile de comparer à la France cet Etat de structure fédérale. Cependant, le système allemand présente certaines idées qu'il serait utile d'envisager pour l'amélioration de notre propre processus : La formalisation poussée des procédures allemandes présente un cadre et des délais plus stricts qu'en France : trois phases précises de planification, agrégation poussée des procédures, encadrement des recours juridiques. Si le projet bénéficie d'un appui politique fort et d'un relatif consensus auprès des parties prenantes, ce système a toutes les chances d'aboutir à la réalisation rapide des équipements. Le bémol étant que la machine puisse s'enrayer au moindre « grain de sable », remettant alors en cause toute la procédure et pouvant générer des retards considérables. L'application de méthodes simples pour évaluer et monétariser certains impacts environnementaux (sur le trafic, l'air, le bruit, etc.) semble pouvoir simplifier le travail des porteurs de projet et des décideurs : plus les mesures sont précises, et plus ces derniers peuvent appréhender les coûts des options. Même si elles n'ont pas encore atteint le domaine des transports, les mesures d'accélération prises par le Bundestag et l'Europe constituent une initiative intéressante. 66 B- PAYS BAS 1- Planification et trajet politique d'un projet d'infrastructure de transport La planification des infrastructures de transport se divise aux Pays Bas en trois phases 51. La première consiste en l'élaboration d'une politique générale des transports qui correspond à un programme cadre à long terme qui doit être approuvé par le Parlement. Ce « Planologische Kern Beslissing » est un programme cadre qui s'étend sur 20 ans et qui peut être modifié ou mis à jour avant son terme. Il trace les grandes lignes politiques à suivre et décrit les projets à réaliser dans l'idéal tout en laissant l'espace nécessaire à leur réalisation. La deuxième phase correspond à la présentation du MIRT (anciennement appelé le MIT : le « Meerjarenprogramma Infrastructuur en Transport »), un plan pluriannuel devant également être approuvé par le parlement. Crée en 2007, le MIRT - programme à long terme espaces et infrastructures de transport ­ s'inscrit dans le cadre d'une politique visant à mieux intégrer les investissements et les équipements à la dimension spatiale des territoires. A noter que, le MIRT étant encore en développement, le MIT s'applique toujours à la plupart des projets. Ces plans à moyen terme sont mis à jour d'année en année et visent à affiner le programme cadre et à faire l'inventaire des projets d'infrastructures qui sont considérés comme nécessaires ­ et qui sont donc le plus souvent déjà à l'étude ou en cours de réalisation. Ils répartissent les crédits entre les projets et peuvent servir aux autorités nationales et régionales à attirer l'attention de l'Etat sur des problèmes particuliers de mobilité. Au cours de cette phase les projets sont mis au point. Cette mise au point s'effectue en quatre moments : Identification et description d'un problème de transport et des travaux d'infrastructure à réaliser pour le résoudre. Analyse des solutions, des variantes et du coût du projet dans le but de l'adoption d'une décision de réalisation des travaux et de leur financement total ou partiel par l'Etat. Préparation des travaux dans le respect des règles d'aménagement du territoire. Réalisation puis évaluation du projet Ces dispositions s'appliquent aux grandes infrastructures routières, ferroviaires, fluviales et aux infrastructures de transports publics régionaux. Mais tous les projets de moins de 225 millions d'euros sont régis par d'autres règles. De fait, la conduite de ces projets relève de la responsabilité des autorités régionales : celles-ci s'occupent de leurs infrastructures routières et cyclistes ainsi que des infrastructures des transports publics. L'Etat alloue quelques 250 millions d'euros par an aux 12 régions néerlandaises, qui devront répartir ces crédits entre les différentes formes de mobilité selon leurs besoins. Les autorités régionales fixent leurs priorités et prennent leurs décisions elles-mêmes de façon à équilibrer au mieux leurs réseaux, leurs infrastructures, leurs interconnexions, etc. En bref, les autorités régionales néerlandaises décident des transports urbains et régionaux et sont responsables de la qualité des transports publics. 2- Détails des étapes de planification et de leurs composantes environnementales Le programme cadre La procédure d'élaboration du programme cadre est une procédure particulière, garantie par la loi, qui assure la participation de tous les acteurs intéressés et qui doit être approuvée par le Parlement. Les collectivités locales établissent leurs propres plans d'aménagement dans les limites tracées par les programmes nationaux. Le programme cadre actuellement en vigueur est le « Mémorandum sur la mobilité» (Nota Mobiliteit) qui court sur la période 2004-2020. En tant que programme cadre, il doit : 51 Source : Tables rondes CMT Systèmes nationaux de planification des infrastructures de transport. 67 - Définir la politique à suivre dans le domaine de la mobilité et établir les grands choix d'aménagements, Présenter les aspects spatiaux de ces aménagements à moyen terme et établir l'impact général des infrastructures, Etre illustré de cartes indiquant l'impact spatial. A noter que si un projet figure sur l'une des cartes du programme cadre, celui-ci n'est pas dans l'obligation d'être réalisé. La liste figurant dans les plans du programme reste indicative. Avoir pour finalité l'amélioration de la qualité du système de mobilité et l'atténuation de ses impacts négatifs sur les Hommes et l'environnement. A ce titre, les recommandations gouvernementales précisent que la construction de nouvelles infrastructures ne doit être envisagée qu'en dernier recours ; l'amélioration de l'accessibilité par l'innovation technologique devant primer sur les infrastructures construites ex-nihilo. - - Depuis 1990, un plan cadre est élaboré comme suit : ABCDDéclaration d'intention du Gouvernement Observation de la société civile Avis des organes consultatifs Décision prise par le Gouvernement et approuvée par le Parlement Les particuliers, les groupes d'intérêts et les représentants de la société civile interviennent dans le processus entre les parties A et B et peuvent également s'exprimer à titre informel pendant toutes les autres étapes. Plan pluriannuel, MIT et MIRT Affinant le programme cadre, le plan pluriannuel présente et décrit un ensemble cohérent de projets d'équipements (route, voies navigable, rail, transports publics régionaux) ou d'amélioration de structures existantes et en assure les financements. Il est revu d'année en année et implique la participation du public aux projets. Il est lui aussi validé par le Parlement chaque année. Le plan pluriannuel se sépare en trois phases : l'étude préliminaire (Verbenning), la planification (Planvorming) et l'exécution. L'étude préliminaire est réalisée par l'initiateur du projet (administration nationale des ponts et chaussées par exemple) : elle rassemble les analyses des problèmes de mobilité qui se posent dans la ou les régions concernées par le projet ainsi que les solutions potentielles. Cette étape peut durer de un à cinq ans. La planification se divise en quatre sous-phases et peut également durer plusieurs années : elle se compose de l'avant-projet, d'une étude de faisabilité avec évaluation de l'impact sur l'environnement, de la définition du tracé et enfin du projet définitif avec devis. Les trois premières sous-phases étant closent par une enquête publique. L'avant-projet est élaboré en collaboration avec les professionnels et le public et se clôt par une enquête publique: il explique d'une part les objectifs du projet et les modalités des études à réaliser par la suite et, d'autre part, informe le public des conditions dans lesquelles celui-ci peut s'exprimer. Les organes professionnels consultés sont : Le comité d'évaluation de l'impact sur l'environnement : comité permanent composé d'experts désignés par les pouvoirs publics. Plusieurs associations spécialisées, selon la volonté du maître d'ouvrage. 68 Sur cette base, les autorités compétentes (ministre des Transports et ministre du Développement régional) arrêtent les règles et les modalités auxquelles l'évaluation de l'impact sur l'environnement doit se conformer. Ces dispositions particulières à chaque projet viennent compléter les règles générales relatives à l'évaluation des impacts sur l'environnement prévue par la loi. L'initiateur du projet doit ensuite détailler les solutions envisageables pour tempérer au mieux ces impacts : il propose des variantes et étudie les conséquences de ces solutions. Les résultats de l'évaluation des impacts environnementaux sont publiés dans un rapport accessible au public. Le maître d'ouvrage organise plusieurs réunions d'information à destination du public. La loi prévoit la possibilité pour les groupements intéressés (particuliers et groupements spécialisés) de se prononcer sur le rapport d'impact. Suite à la consultation du comité d'évaluation de l'impact sur l'environnement et des organismes consultatifs, les autorités compétentes retiennent la solution à laquelle ils accordent leur préférence. Un tracé est alors défini, tracé dont la marge de fluctuation est désormais limitée à 2 mètres à l'horizontale. Le tracé est également soumis aux commentaires du public et des parties intéressées, dont les autorités provinciales et municipales. Sur cette base, les autorités compétentes peuvent alors soit accepter le tracé retenu ­sous réserve de modifications mineures-, soit demander au maître d'ouvrage de présenter une nouvelle proposition qui devra à nouveau être soumise à enquête publique. Si les parties intéressées sont en désaccord avec les autorités compétentes sur le choix du tracé, elles peuvent intenter un recours devant le Conseil d'Etat. Celui-ci doit s'être prononcé avant que le projet définitif ne soit adopté. Le Maître d'ouvrage établit ensuite les plans et le cahier des charges à destination de l'entrepreneur. Plus aucune participation formelle du public n'est prévue à ce stade, mais ce dernier est tenu informé de l'avancement des travaux ainsi que des mesures prises pour tempérer les nuisances engendrées par les travaux. C'est au ministre des Transports, après consultation du Parlement, de fixer la date de démarrage de la phase des travaux. Cette phase d'exécution doit obligatoirement commencer 13 ans maximum après la date d'adoption définitive du projet. Néanmoins, l'allongement dans le temps des projets est aussi un sujet préoccupant aux Pays-Bas. Les raisons de cet allongement dans le temps des projets sont également nombreuses et similaires à celles relevées en France : Fluctuation des priorités politiques entre les phases de planification et d'exécution, Remises en question réitérées des raisons d'être et des objectifs de certains projets, Actions en justice des diverses parties intéressées (particuliers, ONG et conseils municipaux) à l'encontre des projets censés être définitifs, Longueur inhérente à toutes procédures dites « administratives » et difficulté des services de l'Etat à respecter leurs délais d'instruction, Expédition parfois trop hâtive des phases initiales du projet, ce qui ralentit fortement le déroulement de ses phases suivantes. - - 3- Délais et difficultés liées à la participation du public : un constat en accord avec celui de notre étude Il faut en général plus de dix ans pour planifier un projet routier d'envergure (c'est-à-dire entre le dépôt de l'avant-projet et le début de la phase d'exécution), et jusqu'à plus de 20 ans si l'on prend en compte toutes les phases. Les conséquences négatives de ces délais à rallonge sont nombreuses : 69 - Le problème territorial de départ reste sans solutions et ne fait donc qu'empirer, Les raisons d'être et les objectifs du projet sont sans cesse remis en cause par les décideurs d'une part, les associations et les lobbies d'autre part, Les délais peuvent entraîner l'abandon du projet et par conséquent de celui de tous les efforts fournis par la participation des citoyens et pour les études. Enfin, les coûts augmentent au fur et à mesure de l'allongement des projets dans le temps, notamment les coûts relatifs aux solutions apportées en réponse aux observations formulées au sujet du projet. En outre, ces coûts ne sont pas toujours synonymes d'une qualité environnementale optimum. D'autre part, il est également noté aux Pays-Bas que la nature essentiellement réactive de la participation du public ainsi que le caractère trop souvent lacunaire des échanges d'informations entre l'initiateur et les milieux consultés, pénalisent beaucoup les phases d'élaboration concertée, et, in fine, la qualité du projet. Comme en France, certains attribuent ces problèmes aux erreurs de gouvernance, notamment dans le refus des porteurs de projet de prêter une oreille attentive ­assez tôt dans le processus- aux revendications et aux objectifs formulés par le public. Ou encore, les autorités compétentes et le Parlement peuvent être accusés de retenir parfois une solution qui s'écarte de celle recommandée. On comprend alors la frustration des participants et les retombées négatives que cela peut engendrer au moment de l'acceptation finale du projet par la collectivité. On touche ici deux formes de démocratie : une première illustrée par la participation directe des intéressées et l'autre représentée par les parlementaires. D'autres, à contrario, pensent que le comportement revendicateur et calculateur des citoyens s'apparente à une contestation de principe52. Quoiqu'il en soit, les observations des parties intéressées ne semblent être prises en compte qu'à un stade trop avancé du projet, ce qui se traduit par des corrections ou des extensions coûteuses du projet, qui se substituent à un véritable travail sur l'essence du projet. En réalité, il semble que plus les citoyens attribuent une valeur croissante à leur niveau de vie, et plus ils se posent en revendicateurs. 4- Les solutions avancées aux Pays-Bas : l'accélération des procédures via la politique du « Sneller en Beter »53 Aux Pays-Bas, le constat des difficultés entre la protection de l'environnement et le développement des infrastructures n'est pas nouveau. De plus en plus, l'EIE (évaluation des impacts environnementaux) est vue comme une source de retards : les études apparaissent en effet trop complexes et détaillées, ce qui engendre incertitudes, erreurs, incohérences juridiques, et, à terme, freine le développement des infrastructures. L'accent se porte plus sur l'atténuation des atteintes à l'environnement plutôt que sur la course aux recherches de synergies. Ainsi, la complexité et la longueur des études environnementales débouchent, comme en France, sur des retards, des freins juridiques, voire sur l'annulation pure et simple des projets. Car, particularité néerlandaise notable, les processus de décision pour les projets d'infrastructures de transport considèrent dans le détail les études environnementales des projets. En 2008, a été créé le Comité Elverding, mandaté par le gouvernement néerlandais afin de trouver des solutions durables à tous ces problèmes, et d'accélérer drastiquement les processus de décision des projets d'infrastructures de transport. Les conclusions de ce Comité sont prometteuses puisque le rapport affirme qu'il serait possible de diviser par deux le temps de planification des projets tout en augmentant la qualité des études. Le rapport et ses conclusions se construisent autour de trois propositions phares concernant l'EIE et la concertation : 1) Procédures : Vers une prise de décision par étapes 52 Source : Entretien avec M. Bert van Wee, Professeur en politique des transports et logistique à l'Université de Technologie, Politique et Management de Delft. 53 « Faster and Better »/ « Plus vite et mieux ». 70 Il s'agit ici de déplacer l'effort vers les stades précoces du processus de planification en y incluant une Etude Environnementale Stratégique (EES) chargée d'identifier dès les phases d'exploration les principaux impacts potentiels. S'ensuivra une EIE plus ciblée et renforcée durablement par un suivi des mesures mises en place chargé de favoriser les bonnes pratiques tout au long du projet. 2) Processus : vers une participation large et précoce du public et des parties intéressées Les parties prenantes affectées par le projet (public, associations, organes gouvernementaux, acteurs financiers, etc.) devront être impliquées dès l'étape de l'exploration et de l'identification des problèmes et de leurs solutions possibles 3) Contenu : vers une évaluation « pertinente » des impacts environnementaux Mesures, calculs et prédictions devront servir les processus de décisions. En bref, il faudra : D'avantage d'évaluations qualitatives au moment des phases les plus précoces du projet. L'application de méthodes simples pour évaluer les impacts (sur le trafic, l'air, le bruit, etc.), méthodes qui prennent en compte les marges d'erreurs des études et de la phase d'EIE. L'instauration d'un suivi et d'une gestion des impacts réels dans la phase de mise en service du projet. Schéma : Situation actuelle du processus de planification des projets d'infrastructures de transport selon le Comité Elverding. Degré « d'efforts » Trop peu structurée et inadaptée -Exploration trop générale des problèmes -Manque de clarté du processus de décision -Engagement politique absent/limité -Alternatives trop nombreuses -Faible participation des parties prenantes et du public PHASE D'EXPLORATION Max. 5 ans Trop de formalisation pour peu de stabilité -Etudes lourdes et détaillées à outrance -Risques juridiques -Spectre financier trouble -Trop d'alternatives -Concentration des phases de concertation => Contexte très instable Stabilité -Etudes travaux Néant BILAN ET SUIVI PHASE D'ETUDES PROJET Aucuns délais butoirs formels PHASE DE CONSTRUCTION Etapes du processus de planification Source: Rapport « Infrastructure planning and impact assessment in the Netherlands: challenges for the 21st century, National Conference, August 2010 ». Réalisation : Personnelle. 71 Schéma : Situation optimale désirée du processus de planification des projets d'infrastructures de transport selon le Comité Elverding. Degré « d'efforts » Parties prenantes « indirectes » Parties prenantes « directes » Robustesse, clarté, et élargissement de la participation -Fondations solides -Priorisation des besoins d'équipement -Etudes environnementales stratégiques -Large participation -Large spectre d'alternatives et choix clairs des préférences -Spectre financier précis -Engagement politique solide => Bases solides préalable à la décision PHASE D'EXPLORATION Max. 2 ans Stabiliser, concentrer -Clarification des champs d'action et des points de départ du projet -Limitation des alternatives -EIE ciblée prête pour approbation -Définition des mesures potentielles à prendre -Délais butoirs stricts -Moins de place aux recours juridiques ? Limiter les modifications -Etudes travaux Suivi et ajustements -Assurer la qualité environnementale des ouvrages et des mesures prises pour tempérer les impacts -Suivi régulier -Si nécessaire, mesures correctives supplémentaires -régulations, maintien BILAN ET SUIVI PHASE D'ETUDES PROJET Max. 2 ans PHASE DE CONSTRUCTION Etapes du processus de planification Source: Rapport « Infrastructure planning and impact assessment in the Netherlands: challenges for the 21st century, National Conference, August 2010 ». Réalisation : Personnelle. En nous appuyant sur ces schémas, nous synthétiserons ci-après les propositions concrètes du rapport « Faster and Better » du Comité Elderling visant à améliorer et rationaliser les processus de planification des projets d'infrastructures de transport (tant au niveau du processus décisionnel que de celui de l'évaluation des impacts environnementaux)54. Un des points principaux du rapport appuie de fait sur les efforts à porter en priorité à la phase d'exploration/élaboration d'un projet. Une fois le besoin d'infrastructure identifié grâce au programme cadre et au MIRT, l'attention doit être plus particulièrement portée sur la phase d'exploration des projets, dont le rôle est d'étudier les différentes variantes potentielles du projet. Plus précisément, le travail consiste à veiller à la bonne synergie du projet avec les autres infrastructures présentes sur le territoire, d'une part, et, d'autre part, à améliorer la participation des parties prenantes, participation jusqu'alors généralement cantonnée à la phase « projet ». Cette phase d'exploration doit se traduire par une étude d'exploration formalisée reliée à l'esprit des recommandations du MIRT. Elle doit comprendre une Evaluation Environnementale Stratégique (EES) utile à la 54 Pour plus de détails, le lecteur pourra se rapporter au rapport « Infrastructure planning and impact assessment in the Netherlands : challenges for the 21st century, National Conference, August 2010 ». 72 mise en place d'études environnementales plus ciblées par la suite. De cette étude d'exploration devra résulter une « décision préférentielle » marquant un engagement politique précis de la part des différentes autorités compétentes. Cette décision, qui s'appuiera également sur la participation précoce du public et des diverses parties prenantes « indirectes », marquera la fin de la phase d'exploration et devra définir de manière précise, à l'aide d'un cahier des charges, les objectifs et les modalités de la phase d'étude suivante (et de l'EIE notamment). Les études de projet, phase suivante de la planification ont quant à elles tout à gagner à être plus compactes et pragmatiques. Alors que les grandes lignes du projet sont d'ores et déjà fixées (données initiales et, dans la mesure du possible, garanties politiques et financières), il est temps de détailler les alternatives et les variantes du projet choisies comme étant les plus viables pendant la phase 1. Ces variantes seront soumises à une EIE dont les modalités auront été prédéfinies. Un des rôles majeurs de l'EIE sera de donner une vue précise et transparente des effets du projet, non seulement en termes de biodiversité mais également en termes d'économie ou encore d'intégration territoriale. Le Comité prévoit un délai maximum de 4 années pour l'élaboration complète de ces deux premières phases (rappelons ici qu'il nous est encore impossible de vérifier ce processus optimisé en pratique). Enfin, si les impacts environnementaux excèdent en pratique les prévisions, il est prévu une phase de suivi et de « correction » pendant et surtout après les travaux et la mise en service. Ceci constitue une toute nouvelle approche par rapport aux méthodes classiques d'évaluation des impacts environnementaux : en effet, l'idée principale tient ici dans la possibilité de tempérer une partie des impacts après les avoir identifiés « dans la réalité ». Il s'agit d'accepter le pilotage d'un projet moins par les risques que par la pratique. En conclusion, si le Parlement néerlandais a adopté les mesures prévues par le Comité Elderling, il semble cependant que plusieurs problèmes de fond viennent s'opposer à l'application concrète de toutes leurs prescriptions. Un des plus importants obstacles tient au changement de fond à effectuer sur les pratiques politiques et l'organisation administrative. Le temps, via les délais butoirs proposés par le Comité, est peut-être un instrument de pilotage pertinent : de fait, le Comité prévoit que si le Parlement est décidé à prendre au sérieux sa propre volonté d'accélération des processus de planification, il devra supprimer définitivement du MIRT chaque projet dont l'étude exploratoire aura duré plus de deux ans. L'idée étant que si en deux ans les parties prenantes n'ont pas réussi à aboutir à un accord concernant les principaux points d'un projet, il est légitime de se demander si elles y arriveront jamais un jour. Afin de solidifier au maximum les bases d'un projet, l'ultime priorité est qu'il soit et demeure politiquement stable. Le deuxième problème tient au nombre de projets programmés par le MIRT et notamment à l'incapacité technique et budgétaire de suivre ses ambitions. Le Comité propose de revoir à la baisse le nombre de projets d'infrastructures inscrit dans le plan pluriannuel et de se concentrer sur ce qui est techniquement et financièrement faisable afin d'éviter d'entamer des études susceptibles d'être abandonnées par la suite. Enfin, le Comité appuie sur la nécessité d'assurer les financements d'un projet le plus tôt possible dans la planification. A cette fin, il semble suggérer que le financement de certaines infrastructures pourrait être trouvé parmi des fonds privés, sans réellement développer la question. - - Quoi qu'il en soit, le Comité, et c'est là son plus franc succès, a été capable de présenter une démarche intégrée, portant à la fois sur les procédures, les processus de planification et de concertation ainsi que leurs contenus. 5- Conclusions : les avantages d'une comparaison approfondie A mi-chemin entre le formalisme allemand et les ambitions françaises, les avantages du système néerlandais sont multiples : 73 - Tout d'abord, ces préoccupations de simplification et d'accélération rejoignent en tous points notre problématique et il semble que la plupart des dispositions du Comité Elverding, notamment sur l'optimisation de l'EIE, pourraient être mises à profit en France. Cette structure de planification, portant sur deux échelles de temps différentes et complémentaires paraît laisser plus de souplesse aux aménageurs et aux pouvoirs publics, dès lors capables d'adapter leurs ambitions aux finances publiques. La préparation des programmes cadres et des plans d'infrastructures pluriannuels s'effectuent avec l'aide poussée des organismes non gouvernementaux. Dans la même veine, les Pays-Bas semblent accorder une grande importance à la concertation avec le public le plus en amont possible. - - 74 C- SUISSE55 1- Planification et trajet politique d'un projet d'infrastructure de transport Il existe en Suisse deux niveaux d'initiatives pour l'aménagement des projets d'infrastructures de transport : le niveau fédéral d'une part, et le niveau cantonal d'autre part. En bref, les Cantons s'occupent des routes cantonales et de toutes les routes qui ne sont pas du ressort fédéral, c'est-à-dire de toutes les routes hormis les autoroutes qui sont les seules infrastructures routières sous la responsabilité de la confédération. S'il existe quelques administrations cantonales qui peuvent avoir à s'occuper de certains réseaux (principalement pour en améliorer la desserte), les chemins de fer sont quant à eux principalement du ressort fédéral. Pour initier un projet, plusieurs stratégies sont possibles : Le gouvernement peut, suite à différentes pressions (notamment de la part des cantons) ou par sa volonté (via les « plans sectoriels » dont nous reparlerons) décider d'élaborer une stratégie de transport. Il procède ensuite à une demande d'investissement globale auprès du Parlement, demande qui devra être avalisée par celui-ci ou éventuellement par votation fédérale. Les cantons peuvent également proposer de soumettre aux votes parlementaires, un réseau ou un tronçon local. Cependant, dans le cas où un canton noterait un besoin d'autoroute, il devra envoyer une demande de subvention au gouvernement fédéral et enfin participer à une discussion avec le ministère des transports afin d'établir si la nouvelle construction peut s'inscrire ou s'inscrit déjà dans les prospectives du plan sectoriel. Cependant, si le besoin de route reste cantonal, la décision se fera à ce niveau. - La division entre canton et fédération est primordiale, et on la retrouvera à chaque étape de l'évaluation environnementale d'un projet d'infrastructure de transport. De fait, en ce qui concerne l'EIE (Evaluation des Impacts Environnementaux) suisse, si le projet évalué est cantonal, ce seront les autorités cantonales de l'environnement qui seront responsables et décisionnaires, mais si le projet évalué est d'ordre fédéral, la responsabilité des études sera à la charge de l'autorité fédérale de l'environnement (OFEV). A noter que chaque projet, fédéral ou cantonal, inscrit ou non aux plans sectoriels, peut être contré dès son étude d'opportunité par référendum organisé à la demande d'un ou de plusieurs groupements politiques opposés au projet. Selon le résultat, le conseil fédéral peut être amené à revoir sa stratégie. Partant, il existe bel et bien des « schémas de plan d'infrastructures de transport national » en Suisse : ce sont les « plans sectoriels » dont le rôle est de donner des orientations stratégiques sur cinq années. Comme expliqué ci-avant, ils ne sont pas définitifs et peuvent être modifiés au grès des volontés politiques, populaires et financières. Comme c'est le cas pour d'autres étapes de la procédure, le système suisse possède un caractère plus informel que la France. M. Tristan Chevroulet56 évoquait cette différence en ces mots : « Dans le processus suisse, il y a beaucoup d'outils à disposition. Quand un problème se présente, les responsables se munissent de l'outil qui sera le plus susceptible de résoudre la situation ». Pour illustration, le processus d'Evaluation Environnementale Stratégique (EES), qui vient généralement en amont de l'EIE, n'est pas systématique car il existe au moins deux autres systèmes prospectifs qu'il est possible d'utiliser : 55 Sources : Entretien avec M. Tristan Chevroulet, collaborateur scientifique à l'Institut Interdisciplinaire d'Éthique et des Droits de l'Homme (IIEDH), Université de Fribourg (Suisse) et Manuel de L'EIE, Directives de la Confédération sur l'étude d'impact sur l'environnement (PDF disponible en ligne). 56 Collaborateur scientifique à l'Institut Interdisciplinaire d'Éthique et des Droits de l'Homme (IIEDH), Université de Fribourg (Suisse). 75 - - - Les études de durabilité, qui sont généralement effectuées pour chaque projet fédéral : elles concernent tous les aspects du développement durable et sont ainsi plus englobantes qu'une simple évaluation environnementale. Les études d'opportunité qui pour leur part intègrent certains aspect des EES et sont faites dans le cadre des plans sectoriels. Elles sont néanmoins très facultatives et peuvent être réalisées à la demande expresse d'un parlementaire ou d'un bureau d'étude spécialisé. Enfin, les EES n'ont en pratique qu'un succès ténu car elles viennent s'ajouter aux réflexions établies dans le cadre de la préparation des plans sectoriels, qui bénéficient déjà de la participation active des responsables de l'environnement. L'EIE a contrario est une étape capitale et sa conduite est beaucoup plus systématique que tout le processus amont. Si elle est menée à son terme et approuvée, elle marque la plupart du temps la véritable « date de naissance » du projet. Verbatim : « Dans le processus suisse, il y a beaucoup d'outils à disposition. Quand un problème se présente, les responsables se munissent de l'outil qui sera le plus susceptible de résoudre la situation », Tristan Chevroulet 2- Le processus de l'EIE en détail Participation précoce des services de défense de l'environnement, du public et des parties prenantes L'EIE est un instrument de coordination et une étude de conformité légale : c'est une procédure d'autorisation, au même titre que les procédures d'approbation de plans ou d'autorisation de construction. Ces modalités sont régies par l'OEIE (Ordonnance relative à l'étude de l'impact sur l'environnement). Avant de procéder à l'autorisation de la construction, on regarde si le projet respecte les prescriptions réglementaires relatives à la protection de l'environnement. L'EIE, comme l'étude d'impact française, a pour objectif d'identifier le plus tôt possible l'impact environnemental du projet et de le supprimer ou le limiter. L'EIE est un processus d'accompagnement et d'optimisation des projets : elle vise à s'assurer que les prescriptions environnementales sont bien prises en compte, et ce, dès l'amont du projet. Pour se faire, l'EIE intègre de manière précoce les spécialistes de l'environnement dans l'équipe du projet : dès « l'idée » du projet et « l'enquête préliminaire », ingénieurs, maîtres d'ouvrage et spécialistes de l'environnement travaillent main dans la main au choix du site et aux variantes de tracé. Les conseils de ces instances sont précieux et permettent d'éviter les contestations ou la découverte d'un problème imprévu en aval, mais aussi facilite l'élaboration de réponses satisfaisant à la fois aux besoins du requérant57, aux normes techniques et à la protection de l'environnement, qui, plus elle est intégrée tôt aux études de projet, moins elle sera susceptible d'engendrer des frais importants. De plus, et pour les projets dits « critiques », l'usage est d'intégrer le public, et notamment les personnes directement concernées, les organisations habilitées à recourir et la commune, à la phase la plus précoce d'étude du projet. Via des réunions « spéciales », le public est ainsi tenu informé de la progression des opérations, ce qui permet d'éviter au maximum de probables contestations par la suite. La mise en place de cette plateforme institutionnalisée de participation du public, ainsi que celle d'un comité de suivi regroupant experts, 57 Le maître d'ouvrage. 76 représentants du requérant, de l'autorité compétente et du service spécialisé de l'environnement, est fortement recommandée pour tous les projets d'ampleur. Délais Pour les projets de grande envergure, une importante phase d'investigation est souvent nécessaire au préalable de l'EIE. C'est surtout cette partie de préparation qui est susceptible de prendre du temps (parfois des années) selon le projet. En ce qui concerne la planification des délais de l'EIE, celle-ci prend généralement en compte l'élaboration de l'enquête préliminaire, en plus des études environnementales et de la rédaction du Rapport d'Impact sur l'Environnement (RIE), document qui entérine l'EIE et dont l'ampleur et la durée de rédaction seront très variables selon les projets. Il faut compter en moyenne quelques semaines pour l'élaboration du dossier d'enquête préliminaire et un à plusieurs mois pour le RIE car l'élaboration du dossier peut parfois stagner, le temps de certaines études, comme celle sur les relevés floristiques, qui ne peut s'effectuer que pendant les périodes de végétation. En général, une EIE est techniquement bouclée au bout de 6 mois. Le projet s'ouvre alors sur une période où les délais peuvent être beaucoup plus flous et susceptibles de s'allonger de beaucoup notamment du fait de certains problèmes pouvant apparaître au moment des financements 58. Les délais de l'examen de l'enquête préliminaire et du RIE par les autorités compétentes ne sont pas formalisée : les articles 12a et 12b de l'OEIE (Ordonnance relative à l'étude de l'impact sur l'environnement) définissent les délais impartis aux services spécialisés de l'environnement pour évaluer les dossiers. Les délais ne courent qu'à la réception du dossier complet : de fait, un bon dossier influencera la durée nécessaire aux autorités pour l'évaluer : plus un dossier est lacunaire ou peu clair, plus les autorités mettront du temps à rendre leurs conclusions. Voir Encadré ci-après. Art. 12a : Délais de traitement pour l'enquête préliminaire et le cahier des charges. 1 Si l'EIE est effectuée par une autorité cantonale, le droit cantonal fixe le délai dont dispose le service spécialisé de la protection de l'environnement pour évaluer l'enquête préliminaire et le cahier des charges. 2 Si l'EIE est effectuée par une autorité fédérale, l'OFEV évalue l'enquête préliminaire et le cahier des charges dans un délai de deux mois. Il dispose d'un mois au minimum pour se prononcer après réception de l'avis cantonal. 3 S'il s'agit d'un projet pour lequel l'annexe prévoit que l'OFEV doit être consulté, celui-ci évalue l'enquête préliminaire et le cahier des charges dans un délai de deux mois. Art. 12b : Délais de traitement pour le rapport d'impact 1 Si l'EIE est effectuée par une autorité cantonale, le droit cantonal fixe le délai dont dispose le service spécialisé de la protection de l'environnement pour évaluer le rapport d'impact. 2 Si l'EIE est effectuée par une autorité fédérale, l'OFEV évalue le rapport d'impact dans un délai de cinq mois. Il dispose de deux mois au minimum pour se prononcer après réception de l'avis cantonal. 3 S'il s'agit d'un projet pour lequel l'annexe prévoit que l'OFEV doit être consulté, celui-ci dispose de deux mois pour évaluer si l'installation prévue est conforme aux prescriptions sur la protection de l'environnement. 58 Voir « Votation », p. 81 77 Enfin, l'autorité compétente a elle aussi besoin d'un délai pour préparer sa décision. En effet, préalablement à sa décision, elle doit examiner les autorisations précédentes et organiser si nécessaire des pourparlers de négociation. Les principaux acteurs de l'EIE Outre les parties prenantes « classiques » (autorité compétente, service spécialisé de l'environnement, maître d'ouvrage...), l'article 48 de la loi fédérale sur la procédure administrative précise que « les particuliers concernés et les organisations de protection de l'environnement habilitées à recourir » occupent une place essentielle dans toutes les phases des études des opérations d'infrastructures de transport. 1) Le Requérant C'est le maître d'ouvrage. Il a la charge de constituer le dossier de requête, lequel inclut l'enquête préliminaire et le cahier des charges, documents qu'il remet ensuite à l'Autorité compétente pour approbation de l'autorisation. Il doit également mettre à disposition du public les informations concernant le projet et ses impacts environnementaux et c'est également lui qui demande à un ou plusieurs bureaux spécialisés externes de réaliser les études environnementales du projet. 2) L'Autorité compétente C'est elle qui décide si la réalisation d'une EIE est ou non nécessaire, après l'étude de l'enquête préliminaire. C'est également elle qui dirige la procédure à distance : elle veille à ce que le service de la protection de l'environnement dispose de tous les documents dont elle peut avoir besoin et assure la coordination de leurs échanges avec le maître d'ouvrage. Elle peut également demander des études complémentaires. In fine, c'est elle qui délivre toutes les autorisations requises en vertu du droit fédéral, apprécie l'impact du projet sur l'environnement et en fonction, décide de la de la réalisation de ce dernier, ou non. 3) Services spécialisés de la protection de l'environnement Responsables d'une double mission de conseil et d'évaluation, les services spécialisés de la protection de l'environnement travaillent en lien étroit avec l'autorité compétente et le requérant. Ils peuvent apporter leur aide lors d'études environnementales particulières grâce à leurs connaissances des milieux et à leur grande base de données environnementales. Certain services spécialisés de la protection de l'environnement peuvent être décentralisés au niveau des cantons. Ces cantons désignent un service de coordination pour la protection de l'environnement qui permet de coordonner l'évaluation environnementale. Le rôle des services spécialisés de la protection de l'environnement est d'évaluer l'enquête préliminaire et le RIE dans le cadre de la procédure décisive. A chaque étape, le service spécialisé de la protection de l'environnement vérifie que le projet respecte bien la législation environnementale. Enfin, ils assurent également un rôle de police environnementale et peuvent exiger des explications complémentaires au requérant. Ils semblent plus intégrés et plus présents en continu dans la procédure que ne l'est notre « Autorité Environnementale ». 4) Public et droit de recours contentieux Toute personne, directement touchée par le projet ou non, a droit à une information transparente, dite « tempérée par la réserve du maintien du secret » : tous les documents peuvent être consultés, hormis ceux relevant d'intérêts privés ou publics. En revanche, le droit de s'opposer au projet ou de recourir est quant à lui 78 réservé aux parties directement impliquées et aux associations de protection de l'environnement habilitées à recourir. Un recours ne peut être formé que si l'organisme habilité a, au préalable, effectué une « opposition »59. L'EIE en détail Schéma de la procédure de l'EIE fédérale en détail. Source : Manuel de L'EIE, Directives de la Confédération sur l'étude d'impact sur l'environnement Réalisation personnelle. 59 Selon la LPE, loi de protection de l'environnement et la LPN, loi de protection de la nature et des paysages 79 Non détaillerons ici les étapes de l'EIE suisse qui nous ont paru utiles à la comparaison avec la France. Pour plus de détail, le lecteur pourra consulter le « Manuel de l'EIE. Directive de la Confédération sur l'étude d'impact sur l'environnement, OFEV 2009 », disponible en ligne. Préparation / Etude d'impact préalable: évaluation par le maître d'ouvrage des variantes et des solutions alternatives et détermination de la faisabilité du projet au regard du droit environnemental. Prise de contact avec des spécialistes de l'environnement. Les études d'impact préalables font partie du processus mais peuvent être relativement volatiles : elles prennent généralement la forme de rapports de travail circulant entre le maître d'ouvrage, l'autorité compétente et le public. Leur but est d'identifier très en amont les principaux impacts que pourra entraîner le projet et les moyens de les éviter. C'est souvent sur ces pré-études d'impact que se fonde la décision de procéder ou non à une EIE formalisée. Projet soumis à l'EIE ? : Le maître d'ouvrage se réfère à l'annexe de l'OEIE pour déterminer si son projet sera ou non soumis à l'EIE. S'il doute, c'est l'autorité compétente, en lien avec les services spécialisés de la protection de l'environnement qui auront le dernier mot. Les projets non soumis à l'EIE sont généralement ceux d'une valeur inférieure à 40 millions de francs suisses (soit 36 millions d'euros). De plus, il est tout de même nécessaire de réaliser une pré-étude d'impact expliquant en quoi les impacts du projet ne sont pas assez significatifs pour justifier d'une EIE et précisant les mesures standards prises pour éviter les impacts, mêmes minimes. L'étude d'impact préalable est un prérequis utile et obligatoire à la procédure 60. Respect du droit de l'environnement : Si un projet n'est pas soumis à l'EIE, il doit néanmoins respecter les prescriptions environnementales en vigueur (enquêtes sur les nuisances possibles et rédaction d'une « notice d'impact » pour les projets d'envergure). Enquête préliminaire : le maître d'ouvrage a l'obligation d'effectuer une enquête préliminaire pour déterminer l'impact global du projet sur l'environnement 61. Premier résultat de l'EIE, elle indique les principales questions, conditions et exigences du projet afin de limiter au stricte nécessaire la suite des études environnementales. L'autorité compétente rend un avis sur cette enquête, ce qui permet d'emblée au requérant de disposer d'une position officielle des autorités sur le projet et ainsi de pouvoir opérer une planification sécurisée de la plupart des retards liés aux études. Enquête préliminaire ayant valeur de RIE : pour les petits projets, l'enquête préliminaire est souvent suffisante pour évaluer tous les problèmes du projet sur l'environnement et est alors considérée comme ayant valeur de RIE. Enquête préliminaire avec cahier des charges : pour tous les autres projets, et notamment ceux d'importance, le requérant doit effectuer une démarche par étape, dont les investigations sont fixées dans le temps et l'espace. Les étapes de l'EIE sont décrites dans l'enquête préliminaire avec cahier des charges des études environnementales à réaliser. En clair, le cahier des charges désigne les études environnementales à réaliser et fixe le cadre spatial et temporel de ces investigations : selon l'ampleur et la complexité du projet, la durée et les détails nécessaires à l'élaboration du RIE seront très variables. Etudes environnementales : Après les avis des services spécialisés cantonaux et fédéraux, ainsi que celui de l'autorité compétente, le maître d'ouvrage peut procéder à la suite des évaluations environnementales, sur la base d'un cahier des charges éventuellement retouché. A partir de ce moment et jusqu'à la remise du RIE aux autorités compétentes, la procédure doit généralement être bouclée dans les 6 mois. 60 Cf « Préparation » : le requérant peut dès ce stade s'entourer de tous les acteurs qu'il juge nécessaire à sa bonne évaluation des impacts les plus significatifs du projet. 61 Office Fédéral de l'Environnement (OFEV), art. 8 et art. 10, OEIE 80 RIE : le rapport d'impact environnemental consigne les résultats des études et les mesures requises pour la protection de l'environnement. Le RIE et les autres documents du dossier d'enquête sont envoyés à l'autorité compétente et à l'OFEV (Office fédéral de l'Environnement) pour vérification de la complétude du dossier. L'autorité compétente peut encore demander au requérant de compléter le dossier et s'assure d'autre part que le public a accès au dossier. Oppositions éventuelles et séances de conciliation : A ce stade, les organisations habilités et les particuliers peuvent manifester leur opposition au projet auprès de l'Autorité compétente. A ce titre, des séances de conciliation peuvent être organisées, séances qui seront appuyées par le soutien technique de l'OFEV. Evaluation du RIE par le canton puis par l'OFEV : D'abord c'est le service cantonale de la protection de l'environnement qui donne son avis sur le RIE, puis, le dossier est envoyé à l'OFEV qui aura 5 mois à partir de la réception du dossier pour l'évaluer. L'OFEV peut à son tour demander des enquêtes supplémentaires s'il estime que le dossier est lacunaire. Enfin, il formule des charges et conditions pour la protection de l'environnement et donne son avis sur le projet. Décision : En se fondant sur l'avis cantonal et sur celui de l'OFEV, l'autorité compétente prend la décision finale et apprécie l'impact du projet sur l'environnement. Recours : Un recours auprès du tribunal fédéral administratif contre la décision de l'autorité compétente peut être formé par les parties prenantes habilitées. En conclusion, rappelons qu'il n'existe pas de consensus types pour chacune des étapes de l'EIE car celles-ci seront différentes selon les types d'installations et d'infrastructures. Chaque infrastructure bénéficie d'un traitement particulier qui définit, étape par étape, le degré de précision devant être fourni par l'EIE. 3- Concertation, votation et décision Concertation Comme en France, c'est le maître d'ouvrage qui est chargé d'organiser la concertation. Pour ce faire, il peut demander l'avis des offices fédéraux ou cantonaux de l'environnement quant aux acteurs à intégrer à cette concertation. Lorsque c'est le cas, l'office délègue le plus souvent la concertation à un « répondant », adjuvant au maître d'ouvrage pendant toutes les phases d'élaboration concertée des projets. La concertation est une plateforme d'échanges dont les acteurs varient selon les projets : citoyens, riverains touchés par le projet, autorités cantonales, ONG, offices fédéraux si le projet tombe sous leur responsabilité62, et parfois même représentants du Conseil d'Etat. La participation du grand public et des riverains s'organisent généralement autour d'ateliers régionaux, réunissant jusqu'à 200 personnes volontaires. Les conclusions de ces ateliers sont ensuite envoyées aux pouvoirs locaux et libres de consultation. Ces ateliers peuvent également donner lieu à des travaux académiques et publications de retour d'expérience, qui pourront faciliter les décisions de projets ultérieurs. Nullement obligatoires, ces ateliers seront suivis de manière plus ou moins intensive selon le degré de contestation qu'aura engendré le projet. A l'image des procédures d'évaluation environnementale, la concertation transalpine reste menée de manière très informelle et est d'autre part beaucoup moins utilisée comme faire valoir d'oppositions catégoriques ou d'oppositions de principe qu'en France. 62 A noter que les offices fédéraux ont la possibilité d'assister aux phases d'élaboration concertée d'un projet cantonal en tant que simple observateur afin de conseiller le maître d'ouvrage ou de collecter des informations. 81 A contrario, le recours aux spécialistes de l'environnement s'effectuera de manière beaucoup plus systématique63. Votation Pratique emblématique de nos voisins helvètes, la votation peut servir à entériner quasi complétement un projet, ou au contraire, à l'annuler totalement. Liées aux financements des projets les plus conséquents, elles peuvent avoir lieu à l'issue d'une EIE et se substituer à la décision de l'autorité compétente de réaliser ou non le projet. Le recours à la votation est le plus souvent décidé après le processus d'EIE, lorsque le projet nécessite de débloquer un crédit particulier : la population est alors consultée quant à l'acceptation d'un « schéma de financement ». Cette pratique peut marquer le début d'un processus plus « mou » : techniquement solide, le projet doit alors convaincre la population. Cette votation populaire peut avoir l'avantage de débloquer beaucoup de verrous voir d'accélérer la mise en service d'un projet ; l'opportunité et a fortiori l'existence concrète du projet ne pouvant plus être contestées. La conduite du projet des « Nouvelles lignes ferroviaires transversales alpines » (NLFA) pourrait servir d'exemple à ce postulat : Les nouvelles lignes ferroviaires alpines (NLFA) se composent de deux nouveaux tunnels de base à travers les Alpes suisses ­ le tunnel du Lötschberg (34,6 km de longueur) et celui du Gothard (57 km) ­ et d'un aménagement des lignes d'accès. A l'origine de ce projet : une initiative populaire de 1994 et la volonté de transférer le transport de marchandises de la route vers le rail. Ce projet nécessitait des investissements colossaux d'une hauteur de 15 milliards de Francs suisses. Portés par une forte volonté populaire et politique, le tunnel de Lötschberg a pu être ouvert en 2007, seulement 13 ans après son « idée ». Mais l'initiative populaire que représente la votation peut également sonner le retard voir le glas d'un projet d'équipement. C'est ce qu'il s'est passé à Neufchâtel en 2012 pour le projet de RER « Transrun », enterré à plus de 50% par les Neuchâtelois. Le Transrun, projet de ligne ferroviaire directe entre Neuchâtel et La Chaux-deFonds visant à réunir les trois villes du canton ­ Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds et le Locle ­ en une seule agglomération de plus de 120 000 habitants appelait une facture de 850 millions de francs suisses jugée trop élevée par rapport à l'utilité du projet et à l'état des finances du canton cette même année. Et ce, malgré les promesses d'aides fédérales et le large soutien du gouvernement neuchâtelois des villes de Neuchâtel, de la Chaux-de-Fonds et du Locle, ainsi que de tous les principaux partis politiques, à l'exception de l'UDC 64. Le projet, qui aurait signifié à terme l'abandon d'une ligne ferroviaire en bon état et de la desserte de six gares, n'a pas su convaincre la population et ce malgré le déroulement sans histoire des études techniques et environnementales. 4- Associations de défense de l'environnement, OFEV et information Le système d'identification et d'évaluation des impacts environnementaux est extrêmement poreux entre le maître d'ouvrage et les spécialistes de l'environnement, notamment les associations. Pro Natura, WWF Suisse et Environnement Suisse pour les plus importantes, sont très souvent mobilisées par les requérants pour leurs expertises sur le terrain et leurs bases d'informations concernant les espèces protégées, les corridors écologiques et les inventaires floristiques et faunistiques. Elles sont généralement sollicitées dès l'étape de l'étude d'impact préalable, alors que le projet et son tracé ne sont défini que très globalement. Ces pré-consultations permettent de cibler le plus rapidement possible les projets qui auront besoin d'une attention plus poussée. A une étape du projet plus avancée, lorsque les variantes sont étudiées plus précisément, ce partenariat permet d'aider les porteurs de projet à sélectionner la trame la plus viable selon la méthode « Eviter, Réduire, Compenser » tout en bénéficiant de l'accord informel des acteurs de la protection de l'environnement. Ainsi, cette démarche permet de réduire drastiquement les motifs de recours contentieux pouvant arriver par la suite à l'initiative des associations de défense de l'environnement. 63 64 Voir point suivant « Associations de défense de l'environnement, OFEV et information » Union Démocratique du Centre 82 Les ONG, financées la plupart du temps par des fonds fédéraux et les donations de leurs membres, sont motrices pour l'apport et la diffusion d'informations : facile d'accès pour le maître d'ouvrage, elles fournissent des prestations gratuites et complètent les informations transmises au requérant par les offices fédéraux et cantonaux de l'environnement. De fait, les ONG et les autorités compétentes en matière d'environnement possèdent le plus souvent des cadastres faune et flore complémentaires permettant une optimisation des données par leur recoupement. Les associations et l'office fédéral de l'environnement publient régulièrement des études ou des rapports rassemblant les données environnementales soit par thèmes (forêts, biodiversité, etc.), soit par cadastres. A revers, les associations nationales de défense de l'environnement s'occupent également de communiquer aux riverains les dangers qu'elles ont identifiés si elles ne se sentent pas assez écoutées par le maître d'ouvrage. 5- Conclusions : les avantages d'une comparaison approfondie La Suisse est dotée d'un système de planification et d'évaluation des projets d'infrastructures de transport tout à fait original et unique. Caractère informel de la procédure, engendrant une forme de souplesse à tous les niveaux, Une EIE affinée avec enquête préliminaire et cahier des charges, pour des délais d'étude ramassés (6 mois) Elaboration des projets avec l'intégration précoce des spécialistes de l'environnement (organismes gouvernementaux et non gouvernementaux), la majorité des informations utiles à l'évaluation environnementale des projets étant aux mains des associations protectrices de l'environnement. Déblocage politique et financier des projets grâce à la votation populaire. - 83 IV- PISTES DE SOLUTIONS ET PRECONISATIONS Les Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l'Environnement 65 ont révélé des attentes partagées par la plupart des 800 contributeurs : rendre le droit de l'environnement plus lisible, plus clair, plus compréhensible, proportionner les exigences du droit aux enjeux environnementaux et disposer de règles stables et prévisibles. Parmi les contributeurs, les porteurs de projets ont exprimé les souhaits suivants : la création d'un guichet unique, la mise en place d'un permis environnemental et d'une autorisation unique afin d'éviter les procédures multiples. L'absence d'approche intégrée engendre des délais et une charge de travail supplémentaires, tant pour les porteurs de projets que pour les services qui les instruisent, ainsi qu'un risque d'incohérence. Elle est aussi source d'incompréhension et de confusion pour le public, qui perçoit moins l'utilité de sa contribution. Le premier axe de réforme pourrait consister en la mise en oeuvre d'un permis unique par étapes, avec par exemple la création d'un guichet unique, avec un référent unique au sein de l'administration destiné à accompagner les porteurs de projets, puis la fusion des autorisations délivrées au titre du code de l'environnement. La création d'un tel permis environnemental nécessiterait toutefois des réflexions plus avancées sur la mutualisation des études d'impacts et l'harmonisation des délais de délivrance et de validité des autorisations ou encore celle des voies de recours. Le permis unique est envisagé comme l'ultime étape. Il regrouperait l'ensemble des autorisations relevant des législations sur l'environnement, l'urbanisme et l'agriculture. D'autres pistes ont été envisagées lors de ces Etats généraux : la dématérialisation des procédures, qui serait source de réduction des délais et des coûts d'instruction des dossiers, l'étude d'une procédure d'autorisation tacite en l'absence de réponse de l'administration dans les délais, ainsi que la réduction globale des délais de traitement des dossiers. De nombreuses critiques ont porté sur les études environnementales, jugées trop nombreuses et redondantes. Pour un même projet, peuvent être nécessaires une étude d'impact, une évaluation de son incidence au titre des espaces Natura 2000, une étude au regard de la loi sur l'eau, une autre sur l'état de conservation des espèces protégées... La réflexion sur la mutualisation de ces études est très attendue. En conséquence, il semble que la modernisation des processus d'évaluation environnementale doit passer par : D'un point de vue global par : la recherche d'un progrès et non d'un recul en matière de droit de l'environnement, le souhait d'une plus forte proportionnalité des contraintes procédurales aux enjeux environnementaux et enfin la volonté d'une plus grande efficacité et effectivité du droit de l'environnement66, La rédaction de dispositions législatives et réglementaires claires et non redondantes dans leurs objectifs, Une « solidification » des bases du projet et de son acceptation, La réduction des motifs de contentieux, Une plus grande stabilité de la norme et des projets eux-mêmes, - 65 Source : Audition devant la commission du développement durable du Sénat, le 17 juillet 2013, de Delphine Hedary, présidente du comité de pilotage des États généraux de la modernisation du droit de l'environnement, et de Claude Chardonnet, membre du comité de pilotage. http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20130715/devdur.html 66 Principes retenus par le conseil des ministres du 17 juillet 2013 suite à cette première phase des EGMDE : http://www.elysee.fr/conseils-des-ministres/article/compte-rendu-du-conseil-des-ministres-du-17-juillet-201/ 84 - Une simplification des procédures et des intervenants, à l'aide d'un régime harmonisé des actes par exemple, La clarification du niveau d'exigence de protection souhaitée, La production d'un document réunissant les retours d'expériences sur les mesures de réduction et de compensation par type de cas, à destination des maîtres d'ouvrages et des services instructeurs, Un plus grand investissement français dans les négociations des textes européens et l'anticipation de la réflexion sur la transposition des normes en droit national. - - Cette clarification mérite également de revoir l'approche des textes communautaires, souvent généraux dans leurs contenus et prescrivant des objectifs d'amélioration environnementale impliquant des évaluations scientifiques poussées et des mesures de gouvernance lourdes. Les recommandations qui suivent sont issues des entretiens réalisés dans le cadre de l'étude. Elles sont de nature variée : appel à des évolutions réglementaires, à des améliorations méthodologiques, à des changements de comportement...Elles ont vocation à être débattues. A- MUTUALISATION ET REGROUPEMENT : ETUDE DE LA FUSION DES PROCEDURES, DE LA MUTUALISATION DES ETUDES D'IMPACT ET DU REGROUPEMENT DES AUTORISATIONS ENVIRONNEMENTALES POST DUP/DP 1- Regroupement des procédures post-DUP/DP? La déclaration d'utilité publique constitue aujourd'hui un pivot mais aussi un facteur de rigidité compromettant pour les capacités d'adaptation des projets issus de l'enquête d'utilité publique. De fait, on ne soumet à l'enquête d'utilité publique qu'un projet abouti, et il n'est pas susceptible, ou peu, d'être modifié à l'issue de la procédure. Les marges d'adaptabilité d'un projet sont extrêmement faibles après la DUP : si celui-ci bouge de façon significative après cette étape, il est susceptible d'entrer dans le champ de la « modification substantielle » qui induit la reconduite d'une enquête publique ainsi qu'un nouveau passage à l'AE. Le projet est donc figé, ce qui va poser problème si, les études qui suivent (loi sur l'eau et espèces protégées notamment) au moins aussi importantes que les précédentes, entrainent une modification substantielle du projet. La rigidité introduite au niveau de la DUP fragilise les procédures et oblige à la négociation pas à pas. Cette pratique favorise les mesures de compensation par exemple, plutôt que la viabilité d'un projet sur le long terme. A noter également que les recours sur les procédures post DUP, relevant du plein contentieux, sont plus importants parce que plus aisés à enclencher. En 1976, la loi Bouchardeau regroupait les enquêtes publiques et la DUP. Est-il possible, aujourd'hui, de faire la même chose avec la loi sur l'eau par exemple, et les procédures post-DUP, désormais presque autant attaquées que la DUP elle-même ? Cela permettrait de fusionner les procédures et d'aller dans le sens d'un enrichissement de l'étude d'impact grâce aux précisions concernant la biodiversité et la loi sur l'eau. Cela permettrait d'autre part un vrai point de rendez-vous ainsi que l'assouplissement de la DUP. A noter qu'il ne faut pas que ce « regroupement » devienne un moyen d'échapper à certaines procédures nécessaires à la protection de l'environnement. D'où une attention plus poussée quant au bilan des procédures. Ces différentes simplifications et regroupements doivent induire une plus grande vigilance : vigilance qui pourrait être garantie par la concertation permanente ou par une autorité administrative qui verrait son rôle transformé. 2- Vers une procédure unique, sanctionnée par un « permis environnemental » unique ? La mise en place d'un permis environnemental unique reste encore une proposition hautement hypothétique, voire contestée ; l'étude de son possible fonctionnement est un sujet d'actualité et de débat, notamment au sein 85 des Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l'Environnement. Ainsi, les propositions ci-après restent largement ouvertes à la discussion. Le permis unique Morcellement, faiblesses, lourdeur sont les difficultés du système actuel. Afin de s'assurer que les impacts des projets soient les plus limités possibles à travers la démarche Eviter, Réduire, Compenser, les procédures du code de l'environnement se sont démultipliées : on compte aujourd'hui une vingtaine de régimes administratifs ayant pour but d'encadrer des décisions individuelles dont chacune dépend d'une autorité compétente différente, mais aussi de délais d'instruction propres, de modalités de publicité, de consultations obligatoires, d'information du public, de délais et de voies de recours différents. La démarche, très peu intégrée, peut provoquer un risque d'incohérence dans la séquence d'application de la démarche ERC 67, et une recrudescence des délais et des charges de travail pour les porteurs de projets et les services instructeurs, entraînant par la même occasion des incompréhensions de la part de tous les acteurs et du public et augmentant les motifs de contentieux. A noter que la recherche d'intégration peut néanmoins s'accompagner de délais d'instructions importants, ce qui doit rester un point de vigilance important. C'est notamment ce que montre le retour d'expérience de l'autorisation « installations classées », visant à intégrer l'ensemble des impacts sanitaires et environnementaux ainsi que les prescriptions de sécurité associées à ces installations. Dans ce contexte, et dans une logique de simplification et de modernisation, a été étudiée la possibilité de mettre en place un « permis environnemental » unique qui signerait la naissance d'un processus intégré destiné à unifier les autorisations environnementales existantes de manière à traiter l'ensemble des problématiques relevant du code de l'environnement et les prescriptions des mesures ERC au sein d'un acte unique. Il s'agirait alors de créer une nomenclature unique reprenant les libellés existants : nomenclature ICPE, loi sur l'eau, habitats, afin : de traiter de façon plus satisfaisante les projets d'élaboration de longue haleine, de regrouper au sein d'une procédure unique l'ensemble de l'analyse environnementale du projet, et d'améliorer la mise en place des mesures d'évitement, de réduction et de compensation. Cette procédure doit être simplificatrice à la fois en termes de réalisation des dossiers que d'instruction de ces dossiers : une méthode efficace pour « mesurer » cette simplification, serait par exemple le délai global estimé pour réaliser ces dossiers et les instruire. D'autre part, cette procédure doit intervenir pour les autorisations postérieures à la DUP, sans englober cette dernière et pour les projets de faible ampleur uniquement, tant du point de vue spatial que temporel. La procédure unique devra donc être une possibilité, et non une obligation. Elle devra également prendre en compte les particularités liées aux projets de grande ampleur, comme celle de leur DUP notamment. De fait, pour ces projets, il importe d'obtenir la DUP très en amont des autorisations préalables au lancement des travaux pour être à même de maîtriser les emprises foncières comme les procédures d'acquisition, d'aménagement foncier ou d'archéologie se déroulant sur des périodes longues, généralement de trois à cinq ans. Il s'agira également de mutualiser les autorisations : la réalisation d'un projet ne nécessitera plus qu'un seul permis environnemental entérinant un acte unique afin d'unifier la procédure post-DUP. Mais cette procédure, qui doit permettre de gérer les évolutions d'un projet simplement, doit prévoir la divisibilité des autorisations issues de cette procédure unique pour éviter la perte de « toutes les autorisations » en cas d'annulation de la décision. Par conséquent, si un projet évolue à la marge et nécessite pour cela l'obtention d'une autorisation spécifique sur une thématique particulière (défrichement par exemple), la procédure « unique » devra permettre l'obtention de l'autorisation sur cette adaptation mineure sur la base d'un dossier traitant uniquement de l'enjeu en question. 67 Source : DGITM 86 L'idée générale est d'essayer de créer un processus décisionnel au titre de l'environnement en fonction de l'avancement des études du maître d'ouvrage, le but étant de donner plus de visibilité, en amont, au maître d'ouvrage. Le permis environnemental serait en fait un support qui permettrait une approche plus intégrée de l'environnement. Proposition68 La fusion des procédures post-DUP/DP contribuerait à la simplification et à l'efficience de la règle de droit en harmonisant le contenu et la nature des actes préparatoires aux autorisations (étude d'impact, document d'incidence) et la fusion des autorisations homogénéiserait leur durée de validité. Il conviendra de s'assurer, au concret, que ces fusions simplifient bien les tâches des maîtres d'ouvrage, permettent un gain de temps et d'efficacité dans l'instruction et le contrôle par les services de l'Etat, en même temps qu'elles demeurent compatibles avec les nécessaires progressivités et adaptabilité des projets d'infrastructures de transport. L'autorisation unique devrait être divisible pour permettre d'éventuelles modifications ultérieures seulement sur une partie de son objet, et pour en permettre le cas échéant une annulation partielle. Ces procédures fusionnées permettraient à une opération de pouvoir être contestée sur des mesures qui font l'objet de l'autorisation en question, mais plus sur les caractéristiques du projet légalement décidées à l'issue de la DUP/DP (dans un objectif de sécurisation des décisions prises lors des phases successives d'avancement du projet). 3- Risques et alternatives Rappelons au préalable que la proposition de permis unique n'en est qu'à son premier galop d'essai et ne fait pas l'unanimité chez tous les acteurs. Premier point de vigilance: les études, si on les raccourcit, doivent rester suffisamment précises pour pouvoir être assez complètes afin de permettre leur autorisation. Une deuxième difficulté apparaît dès lors que l'on traduit cette mesure de regroupement en termes d'autorisations : regrouper c'est en effet moins matérialiser les différentes étapes par des autorisations afin d'augmenter la capacité d'adaptation du projet. Donc, avoir une seule procédure sans décisions intermédiaires, qui sanctionne les différentes étapes, cela pourra signifier la transformation des compétences des différentes autorités à plusieurs niveaux de décision (ministre, préfet de région, préfet de département, etc.). Le regroupement des procédures s'accompagnera-t-il d'un regroupement des autorités ? Si cela est possible et souhaitable, quelles autorités seront susceptibles d'être regroupées ? D'autres difficultés appellent à rester vigilent quant aux modalités d'application de la procédure unique. Reste notamment le problème de l'articulation de la DUP/DP avec cette autorisation unique. De fait, la DUP est soumise à étude d'impact et description de la démarche ERC. L'idée serait également de faire porter une étude d'impact sur la procédure unifiée. Or cette articulation reste floue. Une certaine clarté pourra être trouvée dès lors que le travail de transformation du processus en termes juridiques aura eu lieu. Enfin, la procédure du permis unique telle que présentée précédemment semble être plus adaptée aux « petits » projets. En effet, un projet dit « simple » est souvent soumis à plusieurs autorisations dans un temps proche voire simultanément, et c'est dans ce cas que la procédure de permis unique pourra être la plus efficiente et permettre le maximum de gain de temps et de simplicité. Mais, pour les infrastructures de transport cumulant élaboration complexe et étalement dans la durée (comme les grandes infrastructures linéaires), d'autres solutions semblent leur être plus adaptées. 4- Favoriser les échanges informels entre l'administration et les porteurs de projets ? 68 Source : MEDDE 87 Le guichet unique, une alternative au permis unique pour les projets complexes Si la mise en place d'une procédure unique ne peut être réalisée, il conviendrait peut-être de rechercher une amélioration des relations entre l'administration et les porteurs de projets. Amélioration qui pourrait être assurée aux porteurs de projet par l'existence d'un « guichet unique » et d'un interlocuteur désigné assurant le suivi de leur projet pour l'ensemble des procédures. Les premières réflexions sur le permis unique tendent à favoriser cette seconde approche. De fait, cette autre approche est que l'on peut simplifier sans forcément toucher aux procédures, en procédant à un regroupement des dossiers ou encore à un guichet unique. Pour la mise en place d'un guichet unique, il faudra d'abord que se mettent en compatibilité les différents services informatiques des différents services instructeurs. L'objectif étant de permettre, à terme, le dépôt dématérialisé d'un seul dossier par projet, quel que soit le nombre d'autorisations requises, regroupant l'ensemble des informations communes aux besoins d'instruction des dossiers (comme les besoins des volets hydrauliques, faunistiques, forestiers, sur la qualité de l'air...) à un niveau de détail approprié. Pour les projets d'infrastructures linéaires, et compte tenu de leurs nombreux enjeux et de leur temporalité qui s'inscrit en général sur plusieurs décennies, rechercher cette mutualisation des procédures doit être appuyé par l'assurance d'une meilleure stabilité du droit de l'environnement et des pratiques correspondantes. A ce titre, le droit de l'environnement pourrait intégrer un effet de cliquet permettant à une opération de ne pouvoir être contestée que sur ses mesures d'accompagnement mais pas sur son principe même. Il a été proposé, à ce titre, la possibilité de purger de recours les vices de formes et de procédures, des procédures Post-DUP, via une procédure en référé. La procédure en référé d'urgence par exemple, permettra de savoir rapidement si l'acte est valable au titre de sa forme et de sa procédure. Les Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l'Environnement proposent quant à eux : « d'étudier les moyens de limiter le risque contentieux dans le procès administratif sans remettre en cause l'accès au juge, en particulier par l'ouverture d'une possibilité de saisir le juge afin qu'il statue sur la régularité d'une procédure et puisse, à un stade précoce de celle-ci, prescrire les mesures propres à remédier à ses irrégularités. » Cette mesure pourra être envisagée à raison de compromis, comme celui de la remontée en amont des dispositifs de concertation. Deux stratégies peuvent en effet être envisagées : la première consiste, comme nous venons de l'évoquer, à diminuer les possibilités de recours, et la seconde, à réduire les motifs de recours. - Améliorer l'appropriation du contenu des Etudes d'Impact Mutualiser les Etudes d'impact Aujourd'hui, les grands projets d'équipement sont soumis à une multitude d'autorisations à caractère environnemental qui nécessitent pour presque chacune, une étude d'impact. L'impression du maître d'ouvrage est qu'il doit incessamment produire des études d'impact, à tous les stades d'avancée du projet, sur chaque procédure, avec des cahiers des charges différents, etc. Il est alors dur de s'y retrouver pour le maître d'ouvrage et dur de trouver une réelle utilité à cette charge de travail. Dans le cadre des Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l'Environnement, une attente très forte est celle de la mutualisation des études, notamment des études d'impacts avant la DUP. Selon certain maîtres d'ouvrage, la multiplication des études d'impacts demandées au titre de différentes procédures et à différents stade d'élaboration du projet, est une source de complication dans l'avancement des projets en premier lieu du fait des difficultés de compréhension de ce qui est attendu du maître d'ouvrage aux différentes étapes de l'avancement. Il est nécessaire d'explorer comment peuvent être mutualisées ces études d'impact, de mieux comprendre le niveau de finesse attendu aux différentes étapes et selon les procédures. Rattachée à l'enjeu de 88 la procédure unique, la conduite de l'élaboration du projet peut être améliorée et rendue plus lisible par la mutualisation de ces études. - Une demande d'amélioration de l'approche méthodologique Sur la base d'une documentation plus précise, une nette demande a été faite d'augmenter les échanges informels entre le maître d'ouvrage et l'administration. Il faut notamment que ceux-ci soient sur la même longueur d'onde quant aux niveaux de précisions à atteindre dans l'étude d'impact. En conséquence, cela appelle trois évolutions : L'augmentation des échanges informels entre le maître d'ouvrage et l'administration via un guichet unique par exemple, dont un des objectifs serait de préciser le contenu des études d'impact, pour une meilleure application du principe de proportionnalité, La précision des démarches et des seuils du cas par cas, surtout en ce qui concerne les petits projets, car les maîtres d'ouvrages se retrouvent souvent dans le flou quant au sens à donner aux critères du cas par cas (une route de chantier est-elle une route de moins de 3 km et donc doit-elle être soumise à la procédure de cas par cas ?), Et l'utilisation plus poussée de cahiers méthodologiques, ou de documents synthétisants les retours d'expériences des mises en application concrètes et par projet, de la démarche Eviter, Réduire, Compenser. Ce dernier point pose néanmoins la question de la réalisation concrète de cette « jurisprudence des pratiques administratives dans le cadre des procédures d'évaluation environnementale ». Préciser au maximum le contenu de l'étude d'impact permettrait, entre autre, à l'administration de ne pas être dépassée par l'ampleur de certaines études d'impacts, certains projets pouvant engendrer des documents allant jusqu'à 3000 pages, impossibles à instruire dans les délais impartis. Il est intéressant de noter à ce stade que la pratique de nos voisins néerlandais et suisses pourrait s'avérer intéressante. En effet, ces derniers procèdent en deux temps : tout d'abord les projets d'infrastructures sont soumis à une première étude d'impact générale (Evaluation Environnementale Stratégique aux Pays-Bas et Etude d'impact préliminaire en Suisse) dont les résultats seront par la suite utilisés pour détailler le contenu de l'étude d'impact principal69. 5- Solidifier les bases scientifiques d'un projet grâce au regroupement et au partage de l'information environnementale des territoires entre associations et maîtres d'ouvrage afin de favoriser les mesures d'évitement dès l'amont du projet ? Dans la lignée d'un renforcement du dialogue informel entre le maître d'ouvrage et les autres parties prenantes d'un projet, France Nature Environnement a proposé la création d' « Atlas communaux » : fonds scientifiques, géographiques, cartographiques et de définitions par territoire, alimentés et actualisés par des experts nationaux et locaux ainsi que par les associations elles-mêmes. Ces inventaires des territoires et de la Nature permettront en amont au maître d'ouvrage une meilleure collecte de ces informations qui ne sont actuellement ni homogènes, ni regroupées, ni actualisées et partant ralentissent le travail de ce dernier. L'objectif de ces atlas est en priorité de favoriser au maximum les mesures d'évitement (par rapport à celles de réduction et plus encore à celles de compensation), car l'évitement est encore la solution la plus viable en termes d'environnement et la moins chère pour les porteurs de projet. 69 Voir III 89 Plusieurs exemples récents, notamment celui de la LGV POCL (Paris-Orléans-Clermont-Lyon) ont montrés que, plus il y a d'échanges informels avec les associations en amont, plus celles-ci sont en mesure d'aider le maître d'ouvrage à mutualiser toutes les informations nécessaires quant aux caractéristiques des territoires et à la biodiversité qui les constitue. Ainsi, le maître d'ouvrage qui pourra bénéficier d'une vue d'ensemble des besoins sur le ou les territoires de son projet sera moins enclin, par exemple, à découvrir plus tard une espèce protégées dont il n'avait pas la connaissance. En dialoguant sur ces informations avec les associations locales ou nationales, il renforcera d'autre part la sécurité juridique de son projet et pourra réduire les risques de contentieux avec ces mêmes associations. Un accès facilité à l'information scientifique sur les territoires permet donc de renforcer la sécurité des projets. Plusieurs questions demeurent, comme celle du financement de ces Atlas communaux, ou encore celle de leur durée de vie. A minima, il semble qu'il faille encourager la mutualisation de ces documents d'information via leur mise en ligne. Ce qui permettrait également de pouvoir les actualiser plus facilement et ainsi éviter à terme l'obsolescence des données. Notre proposition : Encourager les recueils d'information pour favoriser les mesures d'évitement en amont. Favoriser la mise en ligne des informations existantes pour un accès plus simple des maîtres d'ouvrage aux documents. Favoriser au maximum les échanges informels entre les acteurs associatifs et les maîtres d'ouvrage, afin de sécuriser les bases d'un projet et de permettre à l'information concernant les territoires et la biodiversité de circuler de manière la plus fluide possible. 6- Alléger le travail des services instructeurs en développant la pratique des autorisations tacites en l'absence de réponse de l'administration dans un certain délai ? La conception des dossiers est rendue complexe par le niveau de précisions des études à fournir pour obtenir les autorisations nécessaires, ce qui se répercute sur les procédures d'instruction, lesquelles sont alors longues et nécessitent des allers-retours nombreux avec les services instructeurs. Afin de réduire autant que faire se peut les délais d'instruction des dossiers et de faciliter la tâche des administrations, il pourrait être avantageux de développer la pratique des autorisations tacites en l'absence de réponse de l'administration dans un certain délai. Actuellement le processus est, à quelques exceptions près, en général inversé. Une étude à ce sujet est analysée au Conseil d'Etat au moment de la rédaction de ce rapport d'étude. Dans le cas d'une autorisation unique, amalgamant toutes les autres, il serait nécessaire d'inventer une procédure d'instruction autre que la somme de toutes les procédures d'instruction pour chacune des autorisations, sinon, les délais seraient particulièrement allongés. B- ELABORATION CONCERTEE DES PROJETS : FAVORISER LES ECHANGES ET LA CONCERTATION CONTINUS Deux pratiques quant à la concertation autour d'un projet semblent être à privilégier : D'une part, la concertation visant à renforcer les bases d'un projet, tant du point de vue de sa viabilité que de son opportunité Et d'autre part, la concertation permanente et sur le long terme. En effet, à l'ère du numérique, il est possible de militer pour : des forums où les divers points de vues seraient en mesure de s'exprimer et 90 un système de documentation en ligne accessible à la population mais surtout assez précis pour aider à la décision des maîtres d'ouvrages ainsi qu'à l'accessibilité des informations scientifiques pour les associations. Ce dernier pourra prendre la forme d'un fond scientifique, géographique, cartographique et de définitions alimenté par des experts nationaux et locaux. Il serait alors en mesure de permettre l'identification en amont des principales zones prioritaires de biodiversité, et ainsi aider aux meilleures stratégies de tracé des infrastructures. Ces « Atlas communaux » comme les nomme FNE, pourront jouer ce rôle de mutualisation des connaissances scientifiques de terrain. Il est donc préconisé de construire un dialogue permanent avec toutes les parties prenantes, via par exemple l'outil numérique ou la redéfinition des réunions publiques, plutôt que de borner la discussion à plusieurs concertations, qui peuvent paraître souvent biaisées : Du point de vue des aménageurs lorsque la discussion se veut technique et que la participation citoyenne semble être uniquement contestataire. Du point de vue du grand public et des associations, lorsque ces derniers ont l'impression de n'être associés à la concertation, qu'une fois les décisions prises. Pour autant il n'est pas conseillé de rendre obligatoire ce dialogue, qui devra toujours se trouver sous la responsabilité du maître d'ouvrage. Il s'agit néanmoins de tout faire pour renforcer certaines pratiques de concertation vertueuses qui ont fait leurs preuves70. En bref, on ne peut faire l'économie de l'élaboration concertée d'un projet. Mais il est utile de repenser la démarche si l'on souhaite mettre en place une évolution pérenne : pour faciliter les démarches de simplification et leur acceptation, il est nécessaire de renforcer les bases d'un projet. 1- Une généralisation de la concertation volontaire au moment des études préalables au Débat Public ? Plusieurs (FNE notamment) ont milité dans ce sens lors des entretiens. Ces études permettent de fournir les éléments d'éclairage utiles au débat. En particulier, elles identifient les scénarios fonctionnels et techniques, les évaluent au regard des objectifs de niveau de service ferroviaire ou routier et de performance environnementale, et produisent les premières fourchettes d'estimation des investissements. Cette phase est une étape fondamentale dans le processus d'évitement et de réduction des impacts, notamment pour les enjeux de conservation d'habitats et d'espèces et de préservation des continuités écologiques. Selon le maître d'ouvrage, cette phase peut être conduite avec ou sans les acteurs associatifs. Les expériences ont pourtant montré, et notamment celles réalisées entre RFF et FNE sur la ligne Paris-OrléansClermont-Lyon, qu'une étroite collaboration avec le secteur associatif dès ce stade était en mesure d'alimenter au mieux la connaissance du terrain et ainsi réaliser une première évaluation concertée des impacts et compensations les plus viables. L'idée est de pouvoir, dès lors que la CNDP décide de l'utilité d'un débat public et que le maître d'ouvrage commence à préparer un dossier de saisine, intégrer et associer les associations protectrices de l'environnement pour une meilleure connaissance du terrain. Pour autant, il ne s'agit ni de concurrencer le débat public, ni pour les associations de porter leurs désaccords et revendications sur le projet. Cette étape doit être un moment de décision concertée, où les acteurs associatifs amènent leurs connaissances et leurs savoirs locaux le plus en amont possible, ce qui doit permettre : De renforcer l'évaluation des enjeux environnementaux de la zone d'étude, 70 Source : RFF, entretien avec Jean Marc DZIEDZICKI, Responsable de l'unité Concertation et débat public, Direction des Relations Extérieures, de la Communication et de la Concertation. 91 - De prévenir les oppositions en aval, De mieux anticiper les démarches de compensations, De restaurer la confiance du public envers l'utilité du projet. Cette phase de concertation préalable pouvant être reléguée par les « têtes de réseaux locales » que constituent les antennes régionales de FNE par exemple. On peut ainsi espérer que les citoyens, informés, n'arriveraient plus au débat public en opposants systématiques. Les risques : Renforcer la procédure très en amont peut amener un degré d'exigence qui n'aurait pas sa place à un tel moment et ne serait pas en cohérence avec le stade de conception du projet. De fait, un pré-Débat Public qui viendrait concurrencer le Débat Public et qui remonterait progressivement vers l'amont les exigences de précisions appliquées à un projet, n'est pas à privilégier. L'objectif premier est ici d'utiliser le maximum des capacités du dispositif amont, sans pour autant l'alourdir. Quelles simplifications les études préalables au débat public concertées permettraient-elles de mettre en place par la suite ? 2- Quid de la participation du « grand public » ? Souvent critiquée, cette participation est néanmoins l'un des piliers du droit environnemental européen (Convention d'Aarhus du 25 juin 1998) et un droit garanti par la Constitution. Utile et désormais ancrée dans les moeurs, elle constitue l'essence du débat public. Ceci étant dit, il n'est pas politiquement incorrect d'examiner l'utilité des modalités de sa participation aux autres étapes de l'élaboration d'un projet. Pour les études de définition en amont, une concertation type « gouvernance à cinq » devrait être suffisante. Actuellement, le nombre d'étapes de sollicitation du public peut paraître énorme. En pratique, il est sollicité à chaque enquête publique : enquête publique de DUP, de loi sur l'eau, de défrichement, ICPE, parcellaire et réaménagement foncier, cette dernière pouvant englober à elle seule trois enquêtes publiques différentes. En l'espace de trois ou quatre ans, le public peut être sollicité sur 8 enquêtes publiques différentes, traitant de sujets généralement très techniques. Cette complexité est susceptible d'entraîner l'incompréhension puis le désintéressement progressif pour les enquêtes publiques, ce qui peut alors donner lieu plus tard à d'importantes contestations. Dans une phase post Débat Public, il est donc envisageable de continuer à faire vivre des formes de concertation où le grand public n'est pas entièrement associé, si et seulement si l'organisation d'un suivi est mis en place, afin de ne pas rendre obsolètes les accords pris pendant le Débat Public. Il est en outre primordial de conserver un flux d'information continu en faveur des citoyens (ce à quoi l'outil numérique peut largement contribuer) et de faire attention à conserver une forme de concertation et d'information importante lors des phases opérationnelles à l'approche des travaux et en phase travaux. Il faut donc privilégier un système de concertation sur le long terme et permanent plutôt que morcelé et suivant les différentes procédures. Un système d'information et d'écoute des revendications citoyennes parallèles pourrait permettre un véritable travail en temps masqué. 3- Compléter la réunion publique ? 92 Mode de concertation le plus répandu, la réunion publique signe la concertation. Le constat est toutefois que, dans un certain nombre de cas, le public présent n'est pas suffisant ou pas suffisamment impliqué, ce qui rend ces réunions publiques moins contributives pour le projet qu'elles ne devraient l'être. La réunion publique ne constitue donc pas l'alpha et l'oméga de la concertation, les formes de travail collectif sont à repenser, par exemple sous la forme d'ateliers (plus petits groupes) dans lesquels le maître d'ouvrage devrait veiller à la diversité et à la qualité des parties prenantes associées. Celles-ci doivent en effet être suffisamment motivées pour s'engager dans la durée. Moins la concertation est dilettante, moins le projet est susceptible de faire des bonds en arrière. Les parties prenantes associées à ces ateliers de travail doivent être les plus diversifiées possibles : représentants de l'Etat, des collectivités, du monde associatif de défense de l'environnement, d'usagers des transports, de défense des consommateurs, des agriculteurs, du monde économique et du monde des usages (chasseurs, pêcheurs, etc.). Le public plus large pourra lui aussi être associé à la procédure, selon des modalités qu'il reste à définir et en gardant à l'esprit que l'optique de l'exercice est de garder une taille raisonnable à ces groupes de travail pour garantir leur efficacité. Les qualités nécessaires pour une bonne concertation étant pour tous : diversité, volontariat, capacité à s'engager dans la durée. Après les avoir constitués, ces ateliers peuvent fonctionner par exemple, sur la base d'une démarche thématique. Car, face à la complexité des projets, cette approche peut faciliter l'appréhension des domaines tels que les milieux naturels, les paysages, la santé. Contenus et organisation de ces ateliers de travail pourront être ajustés à mesure que le projet avance. D'échelle plus réduite que l'actuelle réunion publique, cette approche sous forme d'ateliers de travail présente plusieurs avantages : Engagement sur la durée des parties prenantes, qui peuvent prendre toute la mesure de la complexité des choses et peuvent apprendre à se connaître entre elles, Travail global sur la démarche ERC. Les parties prenantes doivent être associées au travail d'entonnoir des procédures « éviter et réduire » si l'on veut espérer que les mesures de compensations soient élaborées collectivement, bien comprises et acceptées par la suite, A terme, amélioration de la définition et de l'acceptabilité d'un projet. - Ces ateliers posent toutefois la question de leur articulation avec les réunions publiques. Une possibilité serait de concevoir celles-ci comme des temps de synthèse et de discussion publique des travaux effectués en ateliers. Le maître d'ouvrage, mais aussi ses partenaires et les participants à ces ateliers s'y s'exprimeraient. A la clé d'une telle approche, la possibilité de sortir des logiques d'invective sommaire et la possibilité d'élaborer en commun des solutions aux problèmes et points de blocage identifiés. 4- Considérer les avantages du garant ? Avoir recours à un tiers est un facteur de progrès dans la qualité des échanges mais c'est également un gage de qualité dans le processus d'élaboration du projet pour les maîtres d'ouvrage en interne car le garant peut jouer un rôle d'aiguillon. La généralisation du garant serait un facteur de progrès pour le maître d'ouvrage sur toute la durée du processus d'élaboration concertée des projets. D'autre part, une concertation avec garant présente une économie de dépense par rapport au Débat Public, une meilleure gestion des délais et l'instauration d'un fil continu entre les différentes étapes d'un projet et les temps forts de la concertation. C- ANTICIPER LA TRANSPOSITION DES NORMES COMMUNAUTAIRES 93 Les manquements au droit environnemental européen (absence /retard de transposition et non-respect des directives) coûtent très chers en amendes, astreintes mais aussi en termes de sécurité juridique pour ses opérateurs internes. La France, si elle respecte le droit de l'environnement de l'Union Européenne, n'en est pas moins un de ces plus mauvais élèves (dans les 6 plus mauvais en 2012). Il faut par exemple rappeler que la France se trouve actuellement sous le joug : d'une condamnation pour non-respect de la Directive Nitrates, d'une autre condamnation pour non-respect de la Directive Habitats et d'un contentieux sur l'absence de transposition de la Directive Plans et Programmes. Pourtant, les conclusions du Rapport Lambert-Boulard rappelaient les dangers de la sur-transposition des normes européennes et le cas de la France en la matière : « En matière d'application, la France a tendance à en rajouter en sur-transposant aussi bien dans la mise en oeuvre des directives que dans les contrôles. » De fait, il est nécessaire de s'interroger sur la transcription de l'esprit des textes communautaires, la législation et la réglementation française pouvant aller au-delà des directives européennes, par soucis de prévention des contentieux en germe dans certaines directives. L'approche française quant aux processus de transposition peut parfois se traduire par des retards de transposition et/ou par des niveaux d'exigences démesurés par rapport aux outils et moyens réellement disponibles ; dans les deux cas, cette pratique est source de contentieux et ne place pas la France à son avantage pour les négociations utiles avec les parties concernées au niveau supranational. Il convient également d'observer que71 : - Le législateur peut parfois avoir des interprétations extensives du droit communautaire ou international, alors même que le texte supranational à transposer relève déjà d'une gageure ou fait déjà l'objet d'une menace contentieuse. - Il est souvent fait référence aux guides interprétatifs de la Commission européenne (qui pourtant sont publiés sans engager les Etats-membres), alors que ceux-ci mériteraient parfois un réel travail de transposition (dans le droit ou dans un guide méthodologique, selon le cas) pour être réellement applicables, s'il y a lieu. Enfin, en pratique, la transposition des règles communautaires mêle la transposition stricte et le droit national existant, ce qui conduit à une accumulation de contraintes, parfois très procédurières, sans réelle garantie de plus-value ou d'efficacité par rapport à la protection de l'environnement. Nous proposons donc d'admettre que l'application de tels principes puisse s'accommoder de l'ensemble des contraintes et enjeux en présence. Ainsi, cette application doit rester guidée par un souci de pragmatisme, compte tenu des exigences matérielles ou pratiques. Recommandation72 Les autorités françaises devraient s'investir davantage en amont dans les négociations des textes européens et anticiper la réflexion sur la transposition en droit national73. La pratique des institutions européennes n'offre que de courts délais de réaction aux parties prenantes, y compris lorsqu'elles sont chef de file et doivent mobiliser différents réseaux pour définir une position officielle. Le rythme irrégulier des travaux correspondants accentue la difficulté de partager dans la durée des enjeux tranversaux avec tous les acteurs concernés. S'investir davantage en amont implique donc également d'avoir 71 72 Source : CGDD Source : DGITM 73 Cf. démarche « Better Régulation » et « Regulatory fitness » 94 une vraie réflexion sur la façon d'associer efficacement les différents enjeux sectoriels concernés, avec l'anticipation qui convient, compte tenu du rythme prévisible des travaux communautaires. Le droit de l'environnement étant dans une très grande part d'origine communautaire, il importe de s'interroger sur la qualité des normes européennes et sur l'intensité du rôle que la France entend jouer pour y contribuer avec ses partenaires européens. Les autorités françaises devraient s'impliquer davantage dès les phases de négociation préalable des projets de textes européens en environnement-transport, intervenir auprès de la Commission européenne pour que soit renforcée la qualité des études d'impact, et se mettre en mesure d'apprécier plus rapidement les conditions d'application des futurs textes en droit interne, pour contribuer là encore à la simplification et à l'efficience de la règle de droit. Les mesures de transposition des directives, établies en prenant soin d'éviter tout risque juridique pour les projets qui serait lié au non-respect de ces directives, devraient également se garder de "sur-transposer", c'est à dire d'être plus strictes que ce que requiert la norme européenne. Enfin, après l'étude de plusieurs cas étrangers (et notamment de l'Allemagne et des Pays Bas), il semblerait que les volontés de simplification du droit environnemental ne soient pas une simple préoccupation nationale. Partant, il n'est pas incorrect de prôner également des simplifications au niveau supranational. D- GESTION DES MESURES COMPENSATOIRES Plusieurs propositions, à débattre, visent l'optimisation des mesures compensatoires : 1- Pouvoir compenser ailleurs qu'à proximité des espaces impactés ? La première difficulté d'un maitre d'ouvrage dans la réalisation des mesures compensatoires, qui interviennent après que les solutions d'évitement et de réduction ont été mises en oeuvre, réside dans l'identification des zones susceptibles de les accueillir favorablement et durablement. Or, la règlementation en vigueur impose que les mesures compensatoires soient « mises en oeuvre en priorité sur le site endommagé ou à proximité de celui-ci afin de garantir sa fonctionnalité de manière pérenne » (R.122-14 du code de l'environnement). Il faut en effet, a minima, que la compensation puisse produire ses effets en termes de « fonctionnalité » : par exemple, en loi sur l'eau, les compensations s'examinent d'abord au sein d'un même bassin versant pour des flux de pollution (rejets) ou le maintien d'une ligne d'eau (compensation de remblais en zone inondable). Cependant, cette obligation peut venir complexifier la recherche de ces zones de compensation. Par ailleurs, les zones à proximité des secteurs impactés ne sont pas toujours les plus appropriées pour recevoir la mesure et peuvent même souvent « mordre » sur d'autres espaces compensés. Loin d'être simplement une possibilité offerte au maitre d'ouvrage de faciliter la mise en oeuvre des mesures compensatoires, une compensation au-delà de la seule proximité peut aussi être la réponse adéquate à une meilleure réussite de la mesure elle-même. Par ailleurs, une appréciation globale de tout ou partie des impacts d'un projet, permettrait d'optimiser la réalisation de plusieurs mesures entre elles, mesures pouvant résulter d'un ou plusieurs projets. Ainsi, la somme d'impacts parfois faibles, voire très faibles, au regard de l'état de conservation locale, peut s'avérer conséquente et nécessiter une compensation. Dès lors, il conviendrait également d'envisager la possibilité d'une compensation globale de ces « petits » impacts, notamment, au regard d'espaces plus grands ou plus éloignés et appropriés au sein desquels la compensation sera plus facile et sans doute plus efficace. A savoir maintenant si cette mesure, pourra être viable en termes d'exigences de la biodiversité et acceptée par les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux de la protection environnementale. Le réseau Biodiversité de France Nature Environnement explique en effet que la proposition se heurte à la réalité biologique intangible des espèces et des milieux : la réalisation d'aménagement porte souvent sur des « zones 95 biogéographiques » qui peuvent être très variables. Certains insectes ont un pouvoir de dispersion de l'ordre de quelques centaines de mètres par exemple. Envisager de reporter la compensation ailleurs qu'à proximité des espaces impactés, signifierait que les espèces impactées ne pourraient trouver à proximité des habitats détruits, des habitats favorables où s'installer. D'autre part, cette proposition n'aiderait pas à résoudre le problème des pratiques actuelles de compensation à proximité des habitats et espèces détruites ne présentant pas un bilan neutre, bilan pourtant requis par la séquence ERC. En clair, l'objectif de la compensation est de présenter un bilan neutre de l'opération d'aménagement. Or, parfois, la compensation proposée par les aménageurs est d'offrir des espaces naturels de même type que ceux détruits, déjà existants. Enfin, il faut rappeler que la notion de « proximité » devra être définie et validée par les professionnels de la biodiversité afin de pouvoir être discutée de manière intelligente. La Direction de l'Eau et de la Biodiversité du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie pointe quant à elle deux autres points : S'agissant des espèces dont la répartition est morcelée, la directive 92/43/CEE Habitats Faune Flore impose de raisonner en considération des noyaux de population. Si une dérogation est accordée au détriment d'un noyau de population donné d'une espèce, la compensation doit être prévue dans ce même noyau. Par exemple, on ne peut compenser sur le territoire de la Corse une atteinte à la tortue d'Hermann dans le Var. Sur ce point, le guide interprétatif de la directive rappelle : « Pour être pertinente dans le contexte spécifique de la dérogation, une évaluation appropriée de l'impact d'une dérogation particulière se situera normalement à un niveau inférieur [à l'aire de répartition] (site, population, etc.). » Il faut d'autre part tenir compte dans l'élaboration des mesures compensatoires de l'impératif de continuité écologique : si la compensation se fait trop loin de la zone détruite, le risque est fort de l'ignorance des articles L. 371-1 et suivants du Code de l'environnement. - 2- Vers la création un organisme de gestion afin de permettre leur meilleur entretien et suivi sur le long terme ? La DGITM propose également la création d'un organisme national compétent pour mettre en oeuvre les mesures compensatoires occasionnées par des projets d'aménagement, ce qui permettrait de mieux faire converger les différentes politiques publiques concernées, sans nuire aux enjeux de biodiversité, ni à la responsabilité du maître d'ouvrage. Cela permettrait d'assurer la bonne gestion et l'entretien des mesures compensatoires car les maitres d'ouvrages n'ont souvent pas la compétence ni la vocation à gérer des mesures environnementales sur le long terme. Le recours à un organisme tiers et unique permettrait d'assurer la pérennité de ces mesures. FNE convient pour sa part que la mise en oeuvre et le suivi des mesures compensatoires manque de lisibilité. Il est actuellement difficile de de savoir si tel ou tel aménageur a effectivement mis en oeuvre les mesures compensatoires auxquelles il était engagé et encore moins de savoir si ces mesures compensatoires sont efficaces ou pas et par conséquent de savoir si elles présentent le bilan neutre attendu. Pire, il est même impossible de savoir si les terrains proposés en compensation par un aménageur ne sont pas eux-mêmes des terrains proposés en compensation dans le cadre d'un autre projet d'aménagement antérieur. Actuellement, il n'existe aucun outil, ne serait-ce que cartographique, permettant de garder la mémoire des localisations des terrains proposés en compensation. Il est effectivement nécessaire de créer un organisme national de gestion des mesures compensatoires, mais les mesures compensatoires doivent demeurer de la responsabilité de l'aménageur à l'origine des destructions. Si un organisme national de gestion des mesures compensatoires devait être créé, il pourrait avoir pour mission de cartographier les terrains compensatoires afin d'entretenir la mémoire de leur localisation pour éviter qu'ils ne fassent l'objet d'un autre projet d'aménagement ou ne soient proposés plusieurs fois en compensation dans 96 le cadre d'aménagement connexes. Cet organisme serait également chargé de s'assurer que les compensations soient effectives et efficaces. Cet organisme pourra être, pour la fédération, comme un veilleur, voire un gendarme du suivi des mesures compensatoires. Il est enfin utile de rappeler que plusieurs expérimentations sont actuellement à l'oeuvre, dont la CDC Biodiversité, organisme affilié à la Caisse des Dépôts et lancée en 2008, dont la vocation est d'intervenir auprès des entreprises, des collectivités, des maîtres d'ouvrage et des pouvoirs publics, dans leurs actions en faveur de la biodiversité : de la restauration, reconquête, gestion, valorisation à la compensation. Elle agit aujourd'hui en tant qu'opérateur financier de la biodiversité d'une part, et en tant qu'opérateur de la compensation d'autre part. Toutefois, les retours d'expériences, s'ils ont pu montrer l'efficacité de la CDC Biodiversité à gérer ponctuellement les mesures de compensation, n'ont pourtant pas encore démontré sa capacité à gérer ces mesures pour les projets d'amplitude géographique large, comme les grands linéaires pouvant traverser le territoire national. 3- Permettre l'expropriation pour la compensation ? Il conviendrait enfin de travailler à la possibilité d'exproprier pour des mesures compensatoires; en effet, même si le code de l'environnement et celui de l'expropriation le permettent en théorie, ce champ reste très peu appliqué car nous ne disposons pas des outils méthodologiques appropriés pour identifier raisonnablement les parcelles concernées sans accroître significativement le risque de contestation du projet. Possibilité de recourir à l'expropriation pour la réalisation des mesures compensatoires liées à un projet, qui seraient éventuellement localisées au-delà des limites initialement prévues lors de la déclaration d'utilité publique initiale pour la réalisation des travaux NB : Proposition complémentaire à la proposition « fiabiliser la gestion des mesures compensatoires sur des terrains privés dans les conditions établies par l'utilité publique » Afin d'accélérer la mise en place des mesures environnementales, tout maître d'ouvrage devrait disposer de la possibilité d'exproprier les terrains nécessaires au même titre que les terrains prévus pour la réalisation proprement dite du projet. Cette possibilité, en principe prévue par le droit, nécessite manifestement des clarifications dans le cas des mesures compensatoires. A ce stade, elle pose également diverses difficultés pratiques qui empêchent les maîtres d'ouvrages de décliner les procédures correspondantes en pareil cas. Afin d'apporter les précisions juridiques utiles et, le cas échéant, d'adapter le droit, il conviendrait d'étudier ces difficultés et d'identifier les solutions correspondantes dans le cadre d'une mission nationale. En particulier, il convient de préciser les modalités permettant de recourir à cette possibilité dans le cadre de la déclaration d'utilité publique du projet, lorsque c'est approprié. Lorsque cette condition ne peut être raisonnablement et suffisamment étudiée dès la DUP du projet, il pourrait également être envisagé de recourir à une DUP complémentaire au moment approprié, postérieurement à la DUP du projet. Toutefois, France Nature Environnement a émis des réticences quant à cette séparation des actes : l'association rappelle qu'il est risqué de scinder les démarches, avec une DUP pour le projet, et ensuite une DUP pour compenser. De plus, il est nécessaire de faire attention à la constitutionnalité d'une loi sur l'expropriation qui ne poursuivrait pas un but d'utilité publique. L'association ajoute qu'il convient de travailler encore à la proposition afin de peser sereinement les avantages et les inconvénients d'un tel dispositif. Il convient toutefois de noter que la présente proposition ne remet pas en cause le principe de la séquence qui consiste à « éviter, réduire, compenser », dans un ordre hiérarchisé, les impacts sur les milieux naturels et donc à n'envisager des mesures compensatoires qu'en dernier recours. Il s'agit simplement de faciliter la mise en oeuvre et l'effectivité des mesures compensatoires, lorsqu'elles sont requises. 97 Au-delà de l'enjeu des seules mesures environnementales liées à des projets d'aménagement, la présente proposition pourrait conduire à des outils également utiles de manière générale pour la protection de l'environnement. Fiabiliser la gestion des mesures compensatoires sur des terrains privés dans les conditions établies par l'utilité publique Afin de faciliter la gestion des mesures environnementales et ainsi améliorer leur effectivité et leur efficacité au terme souhaité, il conviendrait d'étudier, dans le cadre d'une mission nationale appropriée, la possibilité d'instaurer de manière pérenne les conditions de gestion nécessaires pour assurer la gestion d'une mesure compensatoire, au-delà de sa mise en place initiale, dans les cas où le maître d'ouvrage n'est pas propriétaire du terrain concerné. La mise en place de mesures compensatoires suppose de maîtriser l'usage des terrains concernés, quel qu'en soit le propriétaire. Ces conditions de gestion peuvent contraindre le type d'exploitation de ces terrains (par exemple privilégier la culture du blé, interdire la culture de maïs, etc), ou leurs modalités d'entretien (par exemple en matière de fauchage, débroussaillage, désenvasement, etc), ou au contraire imposer un maintien de ces terrains à l'état naturel et non exploité. Dans certains cas, l'acquisition foncière des terrains concernés peut constituer un préalable à l'établissement des conditions de gestion adéquates. Cependant, compte tenu des spécificités de certains territoires (forte pression foncière, par exemple pour des motifs agricoles, viticoles, forestiers, naturels... voire urbains) ou de l'ampleur des mesures compensatoires à mettre en place pour certains projets, il n'est pas systématiquement pertinent d'acquérir les terrains concernés. De plus, les mesures compensatoires liées à un projet d'aménagement n'ont pas vocation à se substituer à un éventuel besoin de réserve naturelle. Dans ces conditions, il conviendrait de disposer d'autres outils que l'acquisition foncière, pour apporter des garanties suffisamment pérennes. Dans le cadre du projet de loi-cadre sur la biodiversité, le MEDDE réfléchit actuellement à la possibilité de développer certains outils en ce sens, par exemple sous forme de servitudes conventionnelles. Il semble toutefois que les principales pistes actuellement étudiées dans ce cadre resteraient tributaires d'un accord des parties concernées (propriétaire, exploitant, et maître d'ouvrage) et de la permanence des conditions correspondante. Ces pistes, certes utiles, n'offriraient donc pas une complète garantie de pérennité. Alternative à la servitude conventionnelle, une autre piste étudiée dans le même cadre porte toutefois sur la notion « d'obligation réelle ». Celle-ci pourrait sans doute fournir la garantie de pérennité utile, ce qui mérite d'être souligné. Néanmoins elle conserverait le principe d'un accord amiable entre les 3 parties prenantes, comme condition préalable à sa mise en place, ce qui rendrait leur déclenchement d'autant plus hypothétique que son effet est durable. A l'instar de la réflexion à engager pour améliorer la possibilité d'expropriation pour des mesures compensatoires, il convient d'engager également une réflexion nationale alternative et complémentaire de la précédente, pour assurer, dans certains cas, l'utilité publique des conditions de gestion appropriées. Une mission parlementaire et une expertise interministérielle pourraient être appropriées. La notion de servitude peut fournir certaines pistes, sous réserve d'adaptation (possibilité d'indemnité compensatrice fixée à l'amiable ou à défaut comme en matière d'expropriation, durée limitée). Cela étant, dans la mesure où il n'est pas certain que celle-ci pourrait directement faire consensus en interministériel, il convient d'en avoir une appréciation suffisamment extensive pour étudier toutes les possibilités pertinentes et repérer celles compatibles notamment avec les autres politiques publiques concernées (droit de propriété, enjeux agricoles et forestier, etc). 98 Dans le contexte de la modernisation du droit, il convient d'observer que de nouveaux outils ne sont pas à exclure s'ils contribuent à une relance de l'économie en facilitant la réponse aux besoins sociétaux, tout en respectant les enjeux d'environnement, dans un esprit de développement durable. E- ESPECES PROTEGEES 1- Adapter la procédure liée aux espèces protégées aux cas des espèces qui se développent en milieu anthropisé ? Certaines espèces protégées, comme le lézard des murailles74développent leurs habitats naturels dans certains milieux anthropisés, comme le ballast par exemple, ce qui peut poser problème lors de l'entretien du ballast, entretien pouvant être soumis à des procédures d'autorisation lourdes75. Afin de tenir compte de cette « préférence » et de l'inscrire dans une démarche de simplification, il est proposé d'adapter la procédure liée aux espèces protégées aux cas des espèces qui se développent en milieu athropisé, en prenant garde aux espèces et à leurs stades d'évolution. Mais, afin de prévenir les dérives pouvant être en germe dans cette proposition, il conviendrait préalablement que tous les acteurs et les scientifiques s'accordent sur la définition à donner à la notion de « milieu anthropisés », car scientifiquement il n'existe pas à proprement parler de milieux non-anthropisés (hormis quelques hectares de forêts primaires et les glaciers). Dans ce cadre, il serait tenu compte de la situation des sites et équipements entièrement « anthropisés » à la suite de procédures administratives, tels que des ouvrages d'infrastructure qui nécessitent des opérations d'entretien, de renouvellement ou de modernisation conformes à leur affectation. Le cas échéant, la création de ces sites et équipements a donné lieu, en son temps, à des mesures de réduction d'impact ou des mesures compensatoires des milieux et espèces affectés par leur réalisation. Sont particulièrement concernés les remblais ou les déblais créés artificiellement et nécessaires à la conservation d'ouvrages, voire la structure même de ceuxci (par exemple le ballast des voies de chemin de fer colonisé par des espèces dont la présence soit compromet la conservation des ouvrages soit est remise en cause par les opérations d'entretien telles que le renouvellement du ballast ; les lieux de dépôts de produits de dragage qui ont par ailleurs vocation à être valorisés). A l'heure actuelle, les dispositions de l'article L.411-1 du code de l'environnement assurent mal la coordination entre la protection des espèces et de leurs habitats et les nécessités de fonctionnement et de sécurité qui conduisent à maintenir l'artificialisation de ces sites. Cette situation est source d'insécurité juridique et peut compromettre les opérations qui, sans empiéter sur les milieux naturels ni affecter les espèces dans leurs habitats d'origine distincts de sites anthropisés, permettent d'assurer l'entretien et l'évolution normale de ces derniers. La proposition a pour objectif d'assurer la cohérence entre les procédures et décisions qui ont conduit à l'anthropisation des milieux concernés par l'implantation des ouvrages et la protection des espèces ainsi que de leurs milieux. Elle est proportionnée à l'objectif d'intérêt général recherché et conditionne la restriction apportée aux nécessités qui découlent de l'affectation des sites en question car elle n'a pas vocation à s'appliquer de manière indistincte à tout milieu anthropisé. Dans le même sens le recours à la notion de « site anthropisé » est plus restrictif que celle de « milieu anthropisé ». Toutefois, il est important de garder à l'esprit que cette proposition se heurte aux articles 9 et 16 de la directive Habitats et aux espèces figurant sur les listes d'espèces protégées élaborées au niveau communautaire, dont notre droit interne est directement issu 76. Sur cette proposition débattue lors de la première session des Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l'Environnement, le Conseil d'Etat aurait en effet rappelé la primeur du respect des directives communautaires. D'autre part, scientifiquement, la proposition peut amener à 74 75 Voir II, D. Source : RFF 76 L. 411-2 du code de l'environnement. 99 méconnaître les exigences de connectivité entre les noyaux de population et les différents services écosystémiques rendus, y compris par les milieux les plus anthropisés (comme la « nature en ville » par exemple). Les modalités de cette proposition apparaissent en pratique difficile à justifier auprès des acteurs de la protection de l'environnement, des biologistes, et même du droit, et méritent donc d'être plus amplement discutées. 2- Permettre la cessibilité des dérogations « espèces protégées » ? Proposition Modification de l'article R.411-11 du code de l'environnement pour permettre la cessibilité des dérogations mentionnées aux articles R. 411-6 à R. 411-8, relatives aux espèces protégées. L'incessibilité des dérogations « espèces protégées » impose qu'elles soient sollicitées le cas échéant par les titulaires de concession de travaux ou de contrat de partenariat public-privé. Or, il est fréquent que le titulaire d'un tel contrat ne soit désigné que tardivement au regard de l'avancée des procédures liées au projet. La cessibilité des dérogations « espèces protégées » proposée ci-dessus permettrait que le maître d'ouvrage initial puisse les solliciter avant la désignation de son cocontractant qui pourra par la suite en être le bénéficiaire. Rappelons qu'à l'origine de la disposition, la dérogation doit être obtenue contre assurance que la personne bénéficiaire possède de réelles compétences. Ainsi, la cession du droit à dérogation devra être accompagnée d'un mécanisme de contrôle de la compétence de la personne qui va en bénéficier. F- PROPOSITIONS DE MODIFICATION ET DE MISE EN COHERENCE DES CODES DE L'URBANISME, DE L'ENVIRONNEMENT ET DE L'EXPROPRIATION 1- Supprimer la double évaluation environnementale que constitue l'évaluation environnementale de la mise en compatibilité des documents d'urbanisme et l'étude d'impact des projets ? Proposition Modifier l'article R121-16 du code de l'urbanisme afin de supprimer l'évaluation environnementale de la mise en compatibilité des documents d'urbanisme dans le cas de projet faisant l'objet d'une étude d'impact. Une évolution récente du code de l'urbanisme (décret n°2012-995 du 23 août 2012 relatif à l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme) impose ainsi que les déclarations de projet fassent l'objet d'une évaluation environnementale (article R121-16 du code de l'urbanisme), au même titre que les évolutions ou les modifications de ces documents d'urbanisme. Il s'agit en réalité de réaliser l'évaluation de la mise en compatibilité du document d'urbanisme (MECDU) à la suite d'une déclaration de projet, prise en vertu de l'article L300-6 du code de l'urbanisme. Dans un certain nombre de cas, le projet est porté par l'Etat ou un de ses établissements publics et la déclaration de projet (ou la déclaration d'utilité publique en tenant lieu) est prise par lui et induit une mise en compatibilité d'un document d'urbanisme, relevant d'une collectivité locale ou d'un groupement de collectivités locales. La réalisation de l'évaluation environnementale de la MECDU pose le problème de la personne devant réaliser cette évaluation : s'agit-il du porteur de projet ou de la collectivité locale ? Dans le second cas, dans l'hypothèse où la collectivité locale serait opposée au projet, elle jouirait ainsi d'un pouvoir de blocage important, ce qui ne peut être acceptable. Dans le premier cas, se pose la question de la légitimité du porteur de projet à réaliser une évaluation environnementale d'une évolution du document d'urbanisme, qu'il n'a pas élaboré. 100 En l'occurrence, la pratique actuelle est la suivante : le porteur de projet réalise l'évaluation environnementale de la MECDU. En réalité, le projet relève bien souvent des catégories de l'étude d'impact : le porteur de projet réalise ses dossiers d'évaluation environnementale de la MECDU, en reprenant strictement l'analyse de l'étude d'impact sur le périmètre du document d'urbanisme concerné. Les autorités environnementales pour l'étude d'impact du projet et pour l'évaluation environnementale de la MECDU, dans la plupart des cas différentes, compte tenu de la rédaction des codes de l'urbanisme et de l'environnement, sont alors saisies et doivent rendre leur avis sur des documents dont le fond est identique mais la présentation différente. Il s'agit d'un doublon des tâches qui n'apporte rien à la protection de l'environnement et complique le travail de l'administration. 2- Mise en cohérence des déclarations d'utilité publique et déclarations de projet ? Proposition Assurer la cohérence entre les déclarations d'utilité publique et les déclarations de projet, en termes de durée de validité. Actuellement, le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose que la déclaration d'utilité publique prise au bénéfice de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics tient lieu de déclaration de projet mais les durées de validité et modalités de prorogation des deux actes ne sont pas similaires en fonction des codes. Cela entraîne une forte insécurité juridique alors même que les motivations de ces deux actes, l'utilité publique dans un cas et l'intérêt général dans l'autre, sont très proches, voire similaires. La proposition vise à amender légèrement les rédactions actuelles pour permettre une cohérence exacte sur toute la durée des actes considérés. Précisément, trois codes citent actuellement la déclaration de projet : 1) L'article L126-1 du code de l'environnement définit la déclaration de projet comme indispensable à la poursuite de l'opération, notamment pour l'obtention des autorisations administratives ultérieures. 2) L'article L300-6 du code de l'urbanisme définit la déclaration de projet pour tout type de projet, public ou privé, dont la puissance publique souhaite déclarer l'intérêt général, qu'elle en soit responsable ou non. En pratique, cette déclaration de projet, qui ne peut être prise qu'après enquête publique, est indispensable notamment à la mise en compatibilité des documents d'urbanisme. 3) L'article L11-1-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose que, pour les projets dont l'expropriation est poursuivie au nom de l'État ou d'un de ses établissements publics, la déclaration d'utilité publique tient lieu de déclaration de projet. L'article ne précise au titre de quel code : on comprend en lisant l'alinéa précédent qu'il s'agirait plutôt de la déclaration de projet au titre du code de l'environnement. L'article L11-4 dudit code reprend les termes exacts de l'article L123-14 du code de l'urbanisme (relatif mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme). On comprend à cette lecture que la déclaration d'utilité publique, prononcée au bénéfice de l'État ou de ses établissements publics, tient lieu de déclaration de projet aussi au sens du code de l'urbanisme et permet de procéder à la mise en compatibilité du PLU. Cependant, en ce qui concerne les durées de validité et modalités de prorogation de la déclaration de projet, seul l'article L126-1 du code de l'environnement donne un cadre précis. Celui-ci s'avère incohérent avec les déclarations d'utilité publique prises par décret en Conseil d'État, dont les durées de validité, qui peuvent être supérieures à 10 ans, et les modalités de prorogation sont précisées dans l'article L11-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. La proposition permet de rendre les trois codes cohérents sur ce point. 101 CONCLUSION Les recommandations de l'étude « maîtriser l'évaluation des impacts environnementaux des projets d'infrastructures de transport : quels enseignements tirer des pratiques européennes ? » n'ont pas vocation à être figées. Ce rapport d'étude constitue la première étape d'une démarche en quatre temps : ces propositions de recommandations seront discutées et le cas échéant complétées ou supprimées à la suite de trois ateliers de travail et d'un colloque. Elles seront enfin rassemblées en un document de synthèse. Ceci dit, les recommandations issues du présent rapport d'étude peuvent être résumées comme suit : Fusion des procédures post DUP/DP, à valider par une décision unique : un « permis environnemental » unique. Pour les projets d'ampleur pour lesquels un permis unique serait difficile à mettre en place : création d'un « guichet unique » et d'un regroupement des dossiers dans le but de renforcer les échanges entre l'administration et les maîtres d'ouvrage pour une plus grande stabilité des projets. Mutualisation des études d'impact. Facilitation de la conduite des projets : Encourager la mise au point et l'utilisation de cahiers méthodologiques (études et procédures). Développer des documents synthétisants les retours d'expériences des mises en application concrètes et par projet de la démarche Eviter, Réduire, Compenser. Mutualisation des connaissances scientifiques sur le terrain via la création d'Atlas communaux afin de solidifier les bases scientifiques d'un projet et de favoriser les mesures d'évitement en amont, grâce au regroupement et au partage de l'information des territoires entre associations et maîtres d'ouvrages. Evolution des échanges et de la concertation continue : Encourager le maître d'ouvrage à mettre en place une concertation volontaire au moment des études préalables au Débat Public. Compléter les réunions publiques en expérimentant la pratique d'ateliers complémentaires pour un travail, dans la durée, plus serein. Généraliser l'usage du garant pour des concertations de qualité et ouvertes à tous Renforcement de l'investissement des autorités françaises dans les négociations des textes européens et anticipation de la réflexion sur la transposition en droit national. Gestion des mesures compensatoires : Possibilité d'exproprier pour compenser. Compenser ailleurs qu'à proximité immédiate du site sous réserve de l'accord des professionnels de la protection de l'environnement. Créer un organisme de gestion des mesures compensatoires. Espèces protégées : sous réserve de discussions et d'extrême prudence, adapter la procédure liée aux espèces protégées aux cas des espèces qui se développent en milieu anthropisé, en prenant garde à ces espèces, à leurs stades d'évolution, à la définition du terme « anthropisé » et aux directives communautaires. - - - - - Ces pistes de progrès résultent d'une approche faisant le lien indispensable entre la théorie et l'applicabilité des conclusions. Si, comme le gouvernement l'annonce, il faut déclencher un "choc de simplification" salutaire, l'objectif est d'y contribuer. 102 BIBLIOGRAPHIE Cette bibliographie recense, au-delà des notes de bas de page, la documentation rassemblée en vue de la réalisation de la présente étude Ouvrages et études France Nature Environnement (2011), Participer à la concertation et au Débat Public, Paris, Delphine et Elodie France Nature Environnement (2012), Guide d'aide au positionnement et à l'action des associations Infrastructures et transport et Environnement, Paris, FNE Sarger de Bourgeaud A-F. et Vince P., Cofely Ineo (2012), Guide de la mobilité durable, Paris, Les Editions Stratégiques Réseau Ferré de France (2011), Charte pour la conduite de la concertation-Les engagements de Réseau Ferré de France, Paris, Stratis Lefèvre C. et Offner J-M. (1990), Les transports urbains en question, Paris, Celse Poitrinal G. (2012), Plus vite ! 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Ce terme englobe également les interactions entre ces dernières et leur environnement. Ceci inclut les processus écologiques qu'ils influencent ou dont ils sont les acteurs (biens et services écosystémiques). Etudes d'opportunité Etudes réalisées par le maître d'ouvrage afin d'identifier les enjeux d'un projet et de déterminer si sa réalisation est ou non opportune. Lorsque le projet entre dans le cadre des projets concernés par le Débat Public, ce dernier fait suite à la réalisation des études d'opportunité. Débat Public Procédure prévue aux articles L. 121-1 et suivants du Code de l'environnement, qui donne l'occasion aux personnes intéressées de discuter de l'opportunité d'un projet donné en amont de sa réalisation lors de réunion publiques. Il donne lieu à un compte rendu et un bilan. Etude d'impact Document dont la réalisation est prévue aux articles L. 122-1 et suivants du Code de l'environnement. Le maître d'ouvrage d'un projet a l'obligation d'établir une étude d'impact afin de rendre compte des conséquences d'un projet sur l'environnement préalablement à sa réalisation. Maître d'ouvrage Donneur d'ordre au profit de qui l'ouvrage est réalisé (pour les infrastructures de transport : Etat, Collectivités). Quand il n'exerce pas directement cette mission, l'Etat l'a confiée à des établissements publics pour certains modes de transport (pour les projets ferroviaires, RFF ; les projets fluviaux, VNF ; les projets portuaires : grands ports maritimes), ou à des concessionnaires (autoroutes concédées à des sociétés privées ; aménagement du Rhône par la CNR...) ; Evaluation socio-économique L'évaluation socio-économique consiste à mesurer l'intérêt d'un projet ou d'une politique pour la collectivité dans son ensemble. Elle se distingue de l'analyse de rentabilité financière. Les avantages apportés par le projet (gains de temps, report modal, amélioration de la sécurité, etc.) sont comparés à ses inconvénients (coûts de construction et d'exploitation, pollution, etc.). Pour ce faire, les effets de l'investissement (environnementaux, sociaux et économiques) sont, dans la mesure du possible, traduits en termes monétaires. Etude socio-économique Document dont la réalisation est prévue aux articles L. 11511-1 à 5 du Code des transports. Elle constitue une évaluation du projet sur la base de différents critères (coûts financiers, besoin des usagers, impact social, impératifs de sécurité, atteinte à l'environnement, etc.). Elle est contenue dans le dossier d'enquête publique. Bilan des effets sociaux et environnementaux Obligation contenue aux articles L. 1511-6 du Code des transports : elle exige du maître d'ouvrage qu'il réalise tous les cinq ans un bilan des effets à la fois sociaux, économiques et environnementaux de l'infrastructure mise en place. Ce bilan est rendu public. 106 Etudes préalables Etudes approfondissant les Etudes d'opportunité et examinant les modalités précises de réalisation d'un projet. Leur résultat est présenté au public sous la forme du dossier d'enquête publique, notamment composé de l'étude socio-économique et de l'étude d'impact. Continuité écologique Ensemble des zones vitales (réservoirs de biodiversité) et des éléments qui permettent à une population d'espèces de circuler et d'accéder à ses zones vitales (corridors écologiques) Enquête publique Procédure prévue aux articles L. 11-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et L. 123-1 et suivants du Code de l'environnement. Elle permet au public de formuler des commentaires et question sur le projet présenté par le maître d'ouvrage. A son issue, un tiers nommé commissaire-enquêteur rend un rapport et des conclusions motivées sur le projet. Concertation Elle désigne de manière générale les échanges réalisés entre le maître d'ouvrage et autres personnes (personnes publique, société civile, etc.) permettant de discuter des modalités de réalisation d'un projet. Plus particulièrement, une procédure dite de concertation est prévue pour certains projets à l'article L. 300-2 du Code de l'urbanisme. Déclaration d'utilité publique Décision administrative prévue à l'article L. 11-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Elle fait suite à une enquête publique et conditionne l'autorisation des travaux permettant la réalisation d'un projet. Elle est notamment obligatoire pour procéder aux expropriations rendues nécessaires par le projet. Déclaration de projet Décision administrative prévue à l'article L. 126-1 du code de l'environnement. Elle se distingue de la déclaration d'utilité publique par le fait qu'elle est appliquée dans le cas où un projet ne rend nécessaire aucune expropriation. Comité de pilotage Groupe de travail ad hoc mis en place par le maître d'ouvrage. Il constitue un lieu de discussions entre différents acteurs concernés par le projet (maître d'ouvrage, financeurs, élus locaux, associations, etc.) Evaluation des incidences Natura 2000 Document dont la réalisation est prévue à l'article L. 414-4 du code de l'environnement. Il analyse l'impact d'un projet sur les sites Natura 2000 concernés par celui-ci et présente les mesures prises pour éviter, supprimer ou compenser cet impact. Autorité compétente en matière d'environnement Personne désignée à l'article R. 122-1-1 du Code de l'environnement ayant la charge de rendre un avis sur l'étude d'impact établie à la charge du maître d'ouvrage. Il s'agit selon les cas du ministre de l'Environnement, du Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable, ou du Préfet de région. 107 Droit de l'environnement Le droit de l'environnement regroupe les règles juridiques concernant la gestion, l'utilisation, et la protection de l'environnement, la prévention et la répression des atteintes à l'environnement (en particulier par la pollution) et l'indemnisation des victimes pour les préjudices environnementaux. L'environnement qui fait l'objet de ces règles est l'ensemble des formes du milieu physique, qu'elles soient terrestres, aquatiques et marines, naturelles et culturelles. Les sources du droit de l'environnement sont nationales, européennes ou internationales. Le droit de l'environnement s'étend en particulier au droit de la mer et de l'espace. Le Droit de l'Environnement est donc une branche du droit (textes réglementaires, jurisprudences) spécifique à la protection de l'environnement. Le Droit de l'Environnement concerne tous les compartiments naturels avec l'eau, l'air, les déchets, le bruit, les dangers naturels ou non, les risques, le secteur de la santé, l'urbanisme, etc. Infrastructures de transport Les infrastructures de transport sont l'ensemble des installations fixes qu'il est nécessaire d'aménager pour permettre la circulation des véhicules et plus généralement le fonctionnement des systèmes de transport. 108 ACRONYMES ET SIGLES CGDD : Commissariat général au Développement durable. Administration centrale du ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, il a pour objectif de promouvoir le développement durable, tant au sein de toutes les politiques publiques que dans les actions de l'ensemble des acteurs socio-économiques. Pour ce faire, il élabore, anime et assure le suivi de la stratégie nationale de développement durable et contribue à son déploiement. CGEDD : Conseil général de l'environnement et du développement durable. Il est chargé de conseiller le Gouvernement dans les domaines de l'environnement, des transports, du bâtiment et des travaux publics, de la mer, de l'aménagement et du développement durables des territoires, du logement, de l'urbanisme, de la politique de la ville et du changement climatique. Dans ce cadre, il mène les missions d'expertise, d'audit, d'étude, d'évaluation, d'appui et de coopération internationale que lui confie le Gouvernement. DUP : Déclaration d'utilité publique. Cet acte administratif permet de reconnaître le caractère d'utilité publique à une opération projetée par une personne publique ou pour son compte, après avoir recueilli l'avis de la population par le biais d'une enquête d'utilité. SNIT : Schéma national des infrastructures de transport. Destiné à fixer les orientations de l'Etat en matière de développement, de modernisation et d'entretien des réseaux d'infrastructures de l'État ainsi que de réduction des impacts de ces réseaux sur l'environnement, sa réalisation est prévue par la loi 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle. Un projet de SNIT a été établi en octobre 2011, identifiant les projets et les mesures dont la réalisation apparaît souhaitable pour l'État dans les 20 à 30 prochaines années pour faire progresser le système de transport, le rendre plus performant et l'inscrire dans une dynamique de développement durable. Il a été profondément revu par la commission « Mobilité 21 » animée par le Député Philippe Duron. RFF : Réseau Ferré de France, principal gestionnaire d'infrastructure ferroviaire en France. Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) de l'État français, il est en charge de l'aménagement, du développement, de la cohérence et de la mise en valeur du réseau ferré national. BVWP : Bundesverkehrswegeplan. Plan directeur fédéral des transports allemands. OFEV : Office Fédéral de l'Environnement suisse. FNE : France Nature Environnement. Fédération française des associations de protection de la nature et de l'environnement. DGITM : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer. Administration centrale française du ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, elle élabore et met en oeuvre les orientations de la politique multimodale des transports terrestres et maritimes, dans le respect des principes du développement durable. MEDDE : Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. MECDU : Mise en compatibilité des documents d'urbanisme. EP : Enquête Publique. EI : Etude d'impact. AE : Autorité environnementale. 109 ANNEXE : ENTRETIENS REALISES PAR ORDRE CHRONOLOGIQUE EN FRANCE : Romain GUIBERT (romain.guibert@sncf.fr) Référent Procédures Administratives SNCF ­ INFRA projets système ingénierie, pôle maîtrise d'ouvrage mandatée Ile-de-France. Guillaume BOUVIER (guillaume.bouvier@rff.fr) Responsable de la communication Projets, Réseau Ferré de France - Direction des relations extérieures, de la communication et de la concertation (DRECC). Demba DIEDHIOU (demba.diedhiou@fne.asso.fr) Chargé de mission Transports et mobilités Durables, France Nature Environnement. Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie : Jean Bernard KOVARIK (jean-bernard.kovarik@developpement-durable.gouv.fr) Adjoint au directeur général des infrastructures, des transports et de la mer. Dominique RITZ (dominique.ritz@developpement-durable.gouv.fr) Sous-directeur de l'aménagement du réseau routier national. Laure YVONNET (laure.yvonnet@developpement-durable.gouv.fr) Conseillère juridique. Laurence MONNOYER-SMITH Vice-présidente de la Commission nationale du débat public. Stéphane PRADON (stephane.pradon@egis.fr) Directeur adjoint, EGIS environnement. Réseau Ferré de France : Anne GUERRERO (anne.guerrero@rff.fr) Chargée de mission Environnement et Développement Durable, Pôle Planification et Commercialisation. Virginie BORDAGE (virginie.bordage@rff.fr) Chef de l'unité projets d'investissement et environnement, Direction Juridique. Jean-Marc DZIEDZICKI (jean-marc.dziedzicki@rff.fr) Responsable de l'unité Concertation et débat public, Direction des Relations Extérieures, de la Communication et de la Concertation. Dominique AUVERLOT (dominique.auverlot@strategie.gouv.fr) Chef du Département de la Recherche, des Technologies et du Développement Durable, Commissariat général à la stratégie et à la prospective. Pierre SERNE Vice-président au Conseil Régional Ile-de-France, chargé des transports et des mobilités. Conseil Général des Bouches du Rhône : Michel SPAGNULO (michel.spagnulo@cg13.fr) Directeur des routes. Claude PASCAL, Directeur adjoint déplacement et infrastructures. Mireille FRONTERI, Coordonatrice Développement Durable de la direction des routes. Dorothée Pic (d.pic@si-lex.fr) Coauteur du guide « Maîtrise des procédures administratives des projets d'infrastructures de transports terrestres » (Ponts formation conseil et Admoveo), Associée consultante senior Expertise Administrative pour Si-Lex & Associés. Michel BADRE Président de l'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). Claude CHARDONNET (cchardonnet@csconseils.fr) Présidente-Directrice Générale et Consultante expert, C&S Conseils. Elisabeth DUPONT-KERLAN (edupontkerlan@gmail.com ) Directrice Générale de l'ONEMA. Nadia FABRE (Nadia.Fabre@developpement-durable.gouv.fr) Chef de l'Unité Maîtrise d'Ouvrage et Adjointe au chef du Service Transports Infrastructures, DREAL PACA. 110 EN EUROPE : Hendrik HASSHEIDER (hendrik.hassheider@bmvbs.bund.de), spécialiste environnementale des infrastructures de transport fédéral (Allemagne). de la planification Bert van Wee, (G.P.vanWee@tudelft.nl) Professeur en politique des transports et logistique à l'Université de Technologie, Politique et Management de Delft (Pays Bas). Tristan Chevroulet (t_chevroulet@me.com) collaborateur scientifique à l'Institut Interdisciplinaire d'Éthique et des Droits de l'Homme (IIEDH), Université de Fribourg (Suisse). 111 112 113 (ATTENTION: OPTION ubliques et des études de projet détaillées. Par exemple, une DUP de portée ministérielle est valable 10 ans, prorogeable en Conseil d'Etat de la même période. Une enquête publique sera valable 5 ans, renouvelable une fois. Quant aux études loi sur l'eau par exemple, elles ne sont valables que 5 ans. Il y a aujourd'hui dans le droit de l'environnement un paradoxe notable entre les différentes périodes de validité des procédures, paradoxe qui place la DUP en position de force et de pivot car c'est elle qui justifie l'intérêt général, mais du même coup fragilise toutes procédures qui gravitent autour d'elle et renforce l'insécurité juridique du projet. Plus les incidents se multiplieront (contestations, difficultés à mobiliser les financements nécessaires), plus le jeu des prorogations sera en passe de retarder encore le projet, plus le maître d'ouvrage se verra dans l'obligation de produire nombre de doublons procéduriers. Enfin, beaucoup réclament une clarification sur les niveaux d'exigence de protection souhaitée, notamment en matière de mesures de réduction et de compensation. Il serait plus aisé, pour les pétitionnaires, d'avoir recours à une sorte de « jurisprudence », ou retour d'expérience, afin d'augmenter la transparence des exigences des prescriptions des mesures d'évitement, de réduction et de compensation. 3- Définitions Il a été noté plusieurs fois un problème de définition des projets soumis à étude d'impact ou à la procédure de « cas par cas » définie à l'article annexe à l'article R122-2 du code de l'environnement, ce qui entraîne un souci de discernement entre les projets les plus susceptibles d'avoir un impact important sur un milieu et les autres (petits bouts de route permettant l'acheminement des matériaux de chantier par exemple). Chaque projet ayant ses spécificités, la classification mériterait peut-être d'être repensée de manière plus précise, afin de donner tout son sens à la procédure de « cas par cas » et de ne plus penser en termes de « petits » et « gros » projets, mais véritablement en termes d'impacts. D'autre part, les maîtres d'ouvrage ont besoin d'une directive fiable et claire pour éviter que les recours ne s'appuient sur une mauvaise interprétation des textes. Par ailleurs, les problèmes de définitions et d'interprétation des textes, notamment des études d'impacts via la procédure de « cas par cas », peuvent aboutir à mettre en opposition les porteurs de projets et les services instructeurs sur le sens à donner aux prescriptions 38 de la directive, en l'absence ­du moins jusqu'à présent- de position du juge. Par exemple, qu'est-ce qu'une « route d'une longueur inférieure à 3 kilomètres » ? Les Etats généraux de la modernisation du droit de l'environnement, lancés le 16 avril 2013, ont également relevé ce point. Et « clarifier voire simplifier l'usage du « cas par cas » pour les études d'impact » fait partie des attentes exprimées pour le court terme concernant la modernisation de l'évaluation environnementale. Projets soumis à la procédure de « Cas par cas » Infrastructures de transport Infrastructures ferroviaires PROJETS soumis à l'étude d'impact PROJETS soumis à la procédure de « cas par cas » a) Autres voies ferroviaires de plus de 500 mètres. b) Haltes ferroviaires ou points d'arrêt non gérés ; travaux entraînant une modification substantielle de l'emprise des ouvrages. a) Voies pour le trafic ferroviaire à grande distance, à l'exclusion des voies de garage. b) Création de gares de voyageurs et de marchandises, de plates-formes ferroviaires et intermodales et de terminaux intermodaux. Infrastructures routières a) Travaux de création, d'élargissement, ou d'allongement d'autoroutes, voies rapides, y compris échangeurs. b) Modification ou extension non substantielle d'autoroutes et voies rapides, y compris échangeurs. b) Modification ou extension substantielle d'autoroutes et voies rapides, y compris échangeurs. c) Travaux de création d'une route à 4 voies ou plus, d'allongement, d'alignement et/ ou d'élargissement d'une route existante à 2 voies ou moins pour en faire une route à 4 voies ou plus. d) Toutes autres routes d'une longueur égale ou supérieure à 3 kilomètres. d) Toutes routes d'une longueur inférieure à 3 kilomètres. e) Tout giratoire dont l'emprise est supérieure ou égale à 0,4 hectare. Source : Legifrance 4- Manque de moyens et organisation La modernisation du droit de l'environnement en général nécessite des moyens humains, techniques et financiers pour les administrations en charge de ces questions. En effet, une meilleure application du droit de l'environnement nécessite, des améliorations procédurales mais également et surtout un renforcement des moyens pour mettre en oeuvre ce droit notamment par une meilleure formation des personnes en charge de sa mise en oeuvre, et l'acquisition d'une véritable culture administrative des enjeux environnementaux. Ainsi, les demandes seront traitées plus rapidement et donc de manière plus satisfaisante pour les pétitionnaires et les citoyens. 39 5- Durées d'instruction des dossiers Prise indépendamment, chaque procédure semble être justifiée. Mais le renforcement de la réglementation se traduit par un allongement et une complexification des procédures d'obtention des autorisations administratives, avant comme après la déclaration d'utilité publique. Ainsi, la conception des dossiers à instruire est rendue complexe par le niveau de précision des études à fournir pour en obtenir l'autorisation, qui se répercute sur les procédures d'instruction, lesquelles sont alors longues et nécessitent des allers-retours nombreux avec les services instructeurs. Ajoutons à cela le fait qu'il soit trop tôt pour que les services instructeurs aient réussi à développer une réelle expertise des dossiers et que, comme soulevé précédemment, les moyens humains, techniques et financiers des services de l'Etat ne permettent pas de tenir de courtes périodes d'instruction. Par ailleurs, les problèmes de définition et d'interprétation des textes relatifs aux procédures d'instruction, notamment des études d'impact via la procédure de « cas par cas », aboutissent à des incompréhensions, voire à des divergences de vues entre porteurs de projets et services instructeurs. 6- Stabilité Trop difficile à comprendre, à appliquer, instable, cristallisant problèmes de clarté des définitions entraînant par la suite des interprétations différentes et ainsi fragilisant grandement les décisions prises, entraînant lourdeur et surcoûts des procédures qui pénalisent les petites et moyennes entreprises... Les défauts du processus d'évaluation environnementale sont pointés de façon récurrente. Ainsi, la réflexion des EGMDE s'est notamment orientée vers le besoin de « faire des lois plus courtes et penser leur application en même temps que leur élaboration »27 et faire en sorte que les circulaires d'application ne créent pas à leur tour du droit. Il semble nécessaire que la conception et la formalisation des procédures associent plus étroitement les juristes et les ingénieurs. Pour freiner la frénésie normative, il apparait utile de procéder à l'évaluation des processus existants avant de les modifier : la notion de stabilité dans les textes et les services administratifs semble primordiale suite aux importantes réformes récentes. Malgré le but de cette étude, nous devons reconnaître qu'il semble nécessaire de laisser le temps à tous les acteurs de s'habituer aux changements récents afin que puisse se développer un réel savoir-faire pratique. L'axe de la modernisation devra également s'organiser autour de la stabilisation des relations entre services instructeurs et maîtres d'ouvrage : leur communication et leur fonctionnement lors de la phase projet doivent être confortés, y compris sur une base souple et non-formalisée. Verbatim : « Il est nécessaire de faire des lois plus courtes et de penser leur application en même temps que leur élaboration. » Claude Chardonnet 7- La démarche « ERC » en question Il est évident que la plupart des projets d'infrastructures de transport engendrent un impact irréductible dans leur sillage. Ainsi, dans la conception et la mise en oeuvre de leurs projets, les maîtres d'ouvrage doivent définir 27 Propos recueillis lors de l'entretien avec Mme Claude Chardonnet, Spécialiste des méthodes de concertation et débat public, Membre du comité de pilotage des Etats Généraux de la modernisation du droit de l'environnement (EGMDE), PDG de C&S conseil 40 les mesures adaptées pour éviter, réduire et, lorsque c'est nécessaire et possible, pour compenser leurs impacts négatifs significatifs sur l'environnement28. Objectifs et lignes directrices de la doctrine « ERC » Les questions environnementales doivent faire partie des données de conception des projets au même titre que les autres éléments techniques, financiers, etc. Cette conception doit tout d'abord s'attacher à éviter les impacts sur l'environnement, y compris au niveau des choix fondamentaux liés au projet (nature du projet, localisation, voire opportunité). Cette phase est essentielle et préalable à toutes les autres actions consistant à minimiser les impacts environnementaux des projets, c'est-à-dire à réduire au maximum ces impacts et en dernier lieu, si besoin, à compenser les impacts résiduels après évitement et réduction. C'est en ce sens et compte-tenu de cet ordre que l'on parle de « séquence éviter, réduire, compenser ». La séquence « éviter, réduire, compenser » les impacts sur l'environnement concerne l'ensemble des thématiques de l'environnement, et notamment les milieux naturels. Elle s'applique, de manière proportionnée aux enjeux, à tous types de plans, programmes et projets (qui seront dénommés « projets » dans la suite du texte) dans le cadre des procédures administratives de leur autorisation (étude d'impacts ou étude d'incidences thématiques i.e. loi sur l'eau, Natura 2000, espèces protégées, ...). Dans la conception et la mise en oeuvre de leurs projets, les maîtres d'ouvrage doivent définir les mesures adaptées pour éviter, réduire et, lorsque c'est nécessaire et possible compenser leurs impacts négatifs significatifs sur l'environnement. Cette démarche doit conduire à prendre en compte l'environnement le plus en amont possible lors de la conception des projets d'autant plus que l'absence de faisabilité de la compensation peut, dans certains cas mettre, en cause le projet. Sept lignes directrices Concevoir le projet de moindre impact pour l'environnement Donner la priorité à l'évitement, puis à la réduction Assurer la cohérence et la complémentarité des mesures environnementales prises au titre de différentes procédures Identifier et caractériser les impacts Définir les mesures compensatoires Pérenniser les effets de mesures de réduction et de compensation aussi longtemps que les impacts sont présents Fixer dans les autorisations les mesures à prendre, les objectifs de résultats et en suivre l'exécution et l'efficacité Ces mesures sont-elles efficaces ? Peut-on interroger le triptyque « éviter, réduire, compenser » ? Relativement à un enjeu considéré (espèces protégées, ressources en eau, etc.), les mesures d'évitement portent de manière évidente leur fruit. Mais pour un maître d'ouvrage, la stratégie d'évitement ne peut s'appliquer à 28 Depuis Grenelle 2. Source, Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (2012), Doctrine relative à la séquence éviter, réduire et compenser les impacts sur le milieu naturel, Paris, MEDDE 41 tous les objectifs : éviter un impact revient souvent à en créer un nouveau autre part, sur la nature ou encore sur une terre agricole ou habitée par exemple, milieux qui s'avèrent très défendus politiquement. Si la question de l'évaluation de la hiérarchisation de ces impacts est soulevée, il est encore très dur de réussir à la définir, et encore plus de réussir à l'appliquer. Les mesures de compensation soulèvent elles aussi quelques interrogations. A l'heure actuelle, les mesures de compensation, quand elles ont lieu, doivent respecter la règle de « l'équivalence écologique ». A chaque portion de nature irrémédiablement impactée par le projet, devra correspondre une portion compensée, à égal « équivalent écologique ». Le problème d'objectivité en termes de « quantité » et de « qualité » de l'espace compensé est réel : chaque acteur, chaque décideur et même chaque expert environnemental et scientifique n'aura pas la même notion de l'équivalence écologique, ce qui rend presque impossible la modélisation d'une norme. Là encore, plusieurs acteurs sont dans l'attente d'un retour d'expérience. En deuxième lieu, la compensation impose au maître d'ouvrage de compenser à proximité du site impacté, ce qui est parfois très difficile ­ou engendre de nombreux coûts supplémentaires- du fait de l'aménagement même du projet et de ses interconnexions avec d'autres projets à proximité. Pour exemple, le doublement d'une voie autoroutière par une ligne à grande vitesse ne permet pas de trouver des espaces libres et propices pour servir à la compensation. Il est évident que dans le contexte actuel de concurrence entre les usages du sol, trouver les espaces pour les opérations de compensation devient de plus en plus difficile et aussi de plus en plus coûteux. Pour illustrer ce point, nous pouvons citer la construction du super réacteur Iter à Cadarache qui a conduit entre autres à la destruction de vieilles chênaies méditerranéennes. Il convenait donc pour la compensation de trouver de vieilles forêts méditerranéennes qu'Iter pouvait acheter pour honorer ses engagements en matière de destruction d'habitats et d'espèces protégés. Or, il s'avère que cette opération est très difficile à réaliser car: - Les habitats « vieilles chênaies méditerranéennes » sont en voie de raréfaction dans l'arc méditerranéen. Il est donc difficile de les trouver en quantité suffisante pour compenser les destructions, - Les propriétaires de ce type de forêts, considérant les moyens financiers d'Iter et sachant que l'organisme était dans la nécessité de faire face à ses engagements de compensation, on fait grimper les prix d'achat, rendant l'opération de compensation d'autant plus coûteuse et lente à mener. Enfin, un dernier point vient interroger la bonne marche des mesures de compensation : le problème du suivi des mesures compensatoires et de leur efficacité. De fait, c'est le maître d'ouvrage qui est techniquement responsable du suivi des mesures de compensation mises en place dans le cadre d'un projet. Mais force est de constater qu'en pratique, certaines mesures qui demandent un entretien régulier, comme les passes à poissons par exemple, peuvent ne pas bénéficier d'un suivi suffisant, leur dégradation entraînant non seulement leur inutilité environnementale mais également la perte des investissements effectués pour leur mise en place. 8- Problèmes spécifiques par procédure Afin de pointer de manière plus précise les problèmes relevés procédure par procédure et afin de démontrer que les points noirs de l'évaluation environnementale ne concernent pas uniquement les projets d'ampleur, nous avons choisi d'illustrer notre propos par un logigramme présentant les procédures administratives types nécessaires à la mise en place d'un passage à niveau ferroviaire. Ce logigramme est accompagné d'un tableau regroupant une liste non exhaustive des difficultés par procédures, relevées au cours des entretiens 29. 29 Source principale : SNCF, Romain Guibert, Référent procédures administratives SNCF 42 Schéma 1 : Logigramme des procédures environnementales pour un ouvrage ferroviaire simple Réalisation personnelle. Source et aide : Romain Guibert, Référent procédures administratives SNCF. Schéma 2 : Tableau associé des principales difficultés par procédure Réalisation personnelle. 43 N° act Nom 0A 2A 3A 4A 1A 5A 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 Procedure pour ouvrage simple 1 Inventaires écologiques Inventaires Ecologiques 2 Examen au cas par cas Concertation préalable Concertation préalable 3 Examen au cas par cas 4 Etude d'impact sur l'Environnement (EIE) Etude d'impact Autorisation Natura 2000 5 Autorisation Natura 2000 6 Avis AE Avis AE Enquête publique code de l'environnement 7 Autorisation loi sur l'eau Autorisation Loi sur l'Eau MECDU 8 Enquête publique préalable à la Déclaration d'Utilité Publique MECDU (Mise en compatibilité des documents d'urbanisme) 9 Dossier de Déclaration d'Utilité Publique 10 Dépôt du dossier de DUP Instructuction dossier DUP Dossier de Déclaration d'Utilité Publique Dépôt du dossier de DUP à la préfecture 11 Instruction du dossier jusqu'à la fin de l'enquête publique 12 Obtention de la DUP 13 Acquisitions foncières Obtention de la DUP DP du Conseil général 14 Concertation Inter Administrative 15 Dérogation CNPN Acquisitions foncières 16 Concertation Interadministrative Autorisation de défrichement 17 Etudes Préliminaires 18 AVP Dérogation CNPN 19 PRO Autorisation de défrichement 20 Travaux EP AVP PRO Marchés 44 Travaux 1 Inventaires écologiques Enjeux Diagnostic écologique d'un territoire sur un cycle biologique (environ 1 an) Analyse dynamique prenant en compte les interactions entre le territoire étudié et les espèces qui l'entourent Permet une représentation cartographique des zones "à risque" et l'identification des trames vertes et bleues. Risques et difficultés potentielles Difficile de cerner objectivement l'aire d'étude : elle diffère selon les bureaux d'études en charge des inventaires Fragilité de cet inventaire dans le temps: 5 ou 10 ans plus tard, lors des travaux, il peut ne plus être viable. 2 Concertation préalable Meilleure maîtrise des délais: la concertation avec le public et les associations est prise en charge par le maître d'ouvrage sur toute la durée de l'étude et de la réalisation du projet (selon le code de l'environnement) Faire partager et accepter le futur projet aux riverains et aux futurs usagers Informer pour éviter la peur du changement et faire preuve de transparence Améliorer le déroulement ultérieur du projet et dimunuer les risuqes de recours Contentieux quand concertation "fictive" Contestations de principe (mouvements NIMBY), pas de consensus, ralentissement dû à des avis non éclairés techniquement, cristallisation des oppositions lors d'un débat par trop passioné Manque de confiance des citoyens envers les représentants politiques et les experts scientifiques. 3 Examen au cas par cas Détermine si un projet doit être soumis ou non à Etude d'Impact sur l'Environnement. Arrêté du 31 mai 2011 portant réforme de l'Etude d'Impact et précisant le modèle de formulaire Cerfa à utiliser pour les demandes d'examen au « cas par cas ». Article R.122-3 du Code de l'environnement Circulaire explicative en attente de parution Lacunes des définitions: manque de précisions quant aux ouvrages soumis ou non à Etude d'Impact Risque de recours juridiques car le cas par cas est entérinné par un acte officiel qui n'existait pas auparavant Risque de dérapage de calendrier: La procédure d'examen au cas par cas induit un délai incompressible de 50 jours, qui peut occasionner le report d'un projet de plusieurs mois lorsque par exemple l'état des lieux d'une espèce n'est plus possible au terme de ce délai Moyens mis à la dispositions des services instructeurs pour répondre à ces études dans un délais raisonnable: En Midi Pyrénées, le nombre de demandes d'examen au cas par cas est estimé entre 600 et 800 dossiers, alors que le nombre de fonctionnaires de la DREAL affectés à ces procédures se limite à quatre 4 Etude d'impact sur l'Environnement (EIE) Premier bilan écologique de l'évaluation préalable des incidences d'un projet d'infrastructure Aire d'étude (effets rebond de l'Inventaire écologique) Veille à bien définir le périmètre programme/projet et l'articulation avec les autres projets connus Sous évaluer des impacts ou ne pas en analyser (par exemple pendant la phase travaux) Justifie du projet par l'annalyse de l'évolution de la situation environnementale dans le projet et de potentielles solutions alternatives: elle établie Risques délais: - Selon le niveau d'études quand des études complémentaires sont demandées par les services de l'Etat un premier panorama des mesures d'insertion et de compensation ainsi que leur mise en oeuvre et leur suivi - Selon les avis des services consultés - Selon les oppositions 5 Autorisation Natura 2000 L'évaluation des incidences a pour but de vérifier la compatibilité d'une activité avec les objectifs de conservation du ou des sites Natura 2000 c'est à La circulaire du 15 avril 2010 fixe une liste de questions destinées à aider les services instructeurs à définir si un programme/projet est dire des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage et de la conservation des oiseaux sauvages susceptible de porter atteinte aux objectifs de conservation d'un site N2000 ; la notion de "proximité" reste néanmoins largement soumise à Elle est proportionnée à la nature et à l'importance des activités, aux enjeux de conservation du ou des sites Natura 2000 concernés et à l'existence interprétation ou non d'incidences potentielles du projet sur ces sites L'article R. 414-19, II, C. env. précise que "sauf mention contraire, les programmes et projets sont soumis à l'obligation d'évaluation des incidences N2000, que le territoire qu'ils couvrent ou que leur localisation géographique soient situés ou non dans le périmètre d'un site N2000" Accentuation du degré de précision demandé par l'AE au porteur de projet lors de la phase des études préliminaires Avis consultatif: en pratique, la rédaction d'un mémoire de réponse de la part du ou des maîtres d'ouvrages n'est pas obligatoire 6 Avis AE Toute production d'étude d'impact donne lieu à un avis de l'Autorité Environnementale L'autorité environnementale sera, dans la majorité des cas, le préfet de région pour des projets au niveau local et le ministre chargé de l'environnement pour les autres projets. Mais, lorsque l'opération est réalisée par le ministère lui-même ou un organisme placé sous sa tutelle, la fonction d'autorité environnementale est assurée par une instance spécifique instituée au sein du CGEDD 7 Autorisation loi sur l'eau Dossier technique indiquant toutes les incidences sur la ressource en eau, le milieu aquatique et humide, l'écoulement, le niveau et la qualité des eaux, et le ruissellement des ouvrages en fonction de leur volume, leur objet, des travaux ou de l'activité envisagés en en tenant compte de la proximité ou de la connexité d'autres installations, ouvrages, travaux ou activités susceptibles de porter atteinte aux eaux ou au milieu aquatique Le dossier doit être remis en 7 exemplaires Pratiques différentes selon les collectivités tenant à l'interprétation des définitions réglementaires. Par exemple, il y a obligation de constituer un dossier pour tous "installations, ouvrages, remblais et épis dans le lit mineur d'un cours d'eau": en fonction de la décision des services instructeurs locaux, la définition du "lit mineur d'un cours d'eau" ne sera pas la même. 8 MEDCU Mise en compatibilité des documents d'urbanisme la MECDU constitue une intervention des services de l'Etat dans une procédure qui relève de la compétence des collectivités territoriales. De Le Code de l'Urbanisme fait obligation de mettre les documents d'urbanisme (SCoT, PLU) en compatibilité avec les projets déclarés d'Utilité Publique. plus, parfois on observe des modifications par la collectivité des documents d'urbanisme mis en compatibilité ce qui nécessite de vérifier que la La DUP emporte automatiquement la mise en compatibilité du PLU modification n'impacte pas le projet. Cette procédure se déroule en parallèle dela procédure d'enquête publique (temps masqué) 10 45 9 Dossier de Déclaration d'Utilité Publique Un dossier de DUP est elle est l'acte administratif qui autorise dans l'intérêt général le transfert forcé de la propriété d'un bien immobilier (et donc Contentieux de principe l'expropriation: elle ne peut être prononcée qu'autant qu'elle aura été précédée d'une déclaration d'utilité publique intervenue à la suite d'une Délais de prorogation qui ne s'inscrivent pas dans le même calendrier que la loi sur l'eau (valable 5 ans) ou l'enquête publique code de enquête (enquête publique prélable à la DUP) et généralement, de la concertation inter-administrations (voir ci-dessous) l'environnement (valable 5 ans, renouvelable une fois) La validité d'une DUP préfectorale est de 5 ans et celle d'une DUP en Conseil d'Etat se situe en général autour de 10 ou 15 ans. La DUP peut être prorogée une fois pour une durée égale à sa durée initiale Depuis le 01/06/12, la DUP mentione les mesures prévues par le maître d'ouvrage pour éviter, réduire ou compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement ainsi que les modalités du suivi de la rélaisation de ces mesures Dépôt du dossier de DUP à la préfecture Rigidité et risques délais: la procédure peut être suspendue une fois si le maître d'ouvrage veut y apporter des modifications substantielles en cours d'enquête -> 6 mois maximum + nouvel avis de l'AE Désignation d'une comission d'enquête Arrêté de l'ouverture d'enquête dommageables du projet sur l'environnement ainsi que les modalités du suivi de la rélaisation de ces mesures 10 Dépôt du dossier de DUP à la préfecture 11 Instruction du dossier jusqu'à la fin de l'enquête publique Désignation d'une comission d'enquête Arrêté de l'ouverture d'enquête Avis de la commune, du Ministre... (délais de deux mois) Publicité organisée par le préfet et mise en oeuvre par les communes concernées Enquête publique (minimum 15 jours) Rapport de la comission d'enquête (sous 30 jours après clotûre) Durée: le délai maximum de 12 mois peut-il être réduit? L'administration a-t-elle les moyens de réduire ce délai? Rigidité et risques délais: la procédure peut être suspendue une fois si le maître d'ouvrage veut y apporter des modifications substantielles en cours d'enquête -> 6 mois maximum + nouvel avis de l'AE A l'issue de l'Enquête Publique, et au vues des conclusions de la comission d'enquête, le maître d'ouvrage peut demander une enquête complémentaire pour modification du projet. Le délai pour la prise de décision court à compter de la clôture de l'enquête complémentaire L'appréciation de la modification substantielle se fait au cas par cas: problème de l'imprécision des textes 12 Obtention de la DUP 13 Acquisitions foncières Le préfet bénéficie d'un délais de 12 mois pour étudier les conclusions de la commission d'enquête et signer l'arrêté préfectoral de DUP qui permettra de commencer les acquisitions foncières Achat des terrains suite aux autorisations d'expropriations pour les travaux 14 Concertation Inter Administrative Consultation des services instructeurs et des collectivités Optimiser les études; Assurer la conformité des projets; Sensibiliser au projet, à son planning et alerter les services sur les moyens nécessaires à l'instruction rapide des dossiers Services instructeurs seuls sont souvent peu aptes à guider un projet Il s'agit souvent pour les aménageurs et les décideurs d'accompagner les services instructeurs dans cette concertation Concertation souvent mal vue de la part des associations et des citoyens si la concertation amont n'a pas été suivie d'un relatif consensus les textes ne précisent pas de délais (l'usage est de 6 mois à compter du dépôt de la demande mais chaque cas est spécifique) Le CNPN se réunit 4 fois par ans, ce qui, par rapport à l'ampleur croissante des demandes, peut créer des délais supplémentaires 15 Dérogation CNPN Assure le respect de la réglementation des espèces protégées (faune/flore) impactées par les travaux ou par l'infrastructure réalisée le niveau d'autorisation dépend de la personne qui demande l'autorisation ou bien de l'espèce protégée elle-même: - autorisation préfectorale en règle générale - autorisation de niveau ministériel pour 38 espèces vertébrées menacées d'extinction listées par arrêté ddu 9 juillet 1999 Dossier très technique basé sur un support scientifique 16 Autorisation de défrichement Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière Délais moyens: - hors enquête, 2 mois à compter du dépôt du dossier, mais prorogation possible à 6 ou 9 mois - avec enquête, 8 mois à compter du dépôt du dossier Incertitude des textes quant à l'intervention de l'ONF prévue par le code forestier pour un défrichement sur les forêts domaniales Sont soumis à étude d'impact (et donc à enquête publique), obligatoire les défrichements portant sur une superficie totale égale ou supérieure à 25 hectares et à étude d'impact au cas par cas sur une superficie inférieure à 25 hectares -> Pourrait-on traiter la question du défrichement directement dans l'étude d'impact? Optimisation générale des délais procédures (à compléter) Rassembler un maximum d'enquêtes publiques, qui, malgré la dernière réforme sont encore nombreuses (de 8 à 12 par projet) Anticiper les tâches critiques (notamment liées à la sensibilité environnementale du projet De bonnes définitions des moyens nécéssaires pour la conduite du projet Une concertation amont renforcée : Avec le public et avec les services de l'Etat et les autres collectivités Optimisation nécéssitant le lancement de procédures "sensibles": Approffondissement des études qui doit être anticipé (rapprocher les phases AVP et PRO) Lancement des procédures préalables susceptibles de générer des prescriptions environnementales La procédure de défrichement peut être largement anticipée les acquisitions amiables peuvent être anticipées mais ne doivent pas être maintenues trop longtemps après la DUP (pour assurer la maîtrise du foncier avant la fin du délais de validité de la DUP) 46 * Notre objectif doit être la lisibilité, la simplicité et la stabilité de la règle, pour un droit de l'environnement effectif. Ces conditions sont nécessaires à la mise en application des règles dans un avenir proche, car l'effectivité du droit de l'environnement fait partie des objectifs que s'est fixé l'Union européenne dans le 6e programme d'action pour l'environnement : une mise en oeuvre et une application plus efficace de la législation communautaire sur l'environnement doivent être considérées comme des objectifs stratégiques de la politique environnementale de l'UE. Il faut donc améliorer le respect des règles en matière de protection de l'environnement, et réviser les normes d'inspection, de surveillance, et d'application. B- CONCERTATION, MODES DE PARTICIPATION DU PUBLIC ET CONFLITS La participation de l'ensemble des acteurs territoriaux à l'élaboration d'un projet d'infrastructure est une étape clé de la réussite d'un projet. Parmi ces acteurs territoriaux, on compte d'une part l'Etat et les collectivités locales, les établissements publics et les partenaires financiers, et d'autre part le « Public » au sens large, dans lequel on pourra réunir le « grand public », les usagers et les associations. Les principes généraux de la participation du public à l'élaboration concertée d'un projet sont réunis à l'article 7 de la Charte de l'Environnement et relèvent comme expliqué plus haut, de la Convention d'Aarhus ratifiée par la France le 8 juillet 2002. 1- Risques, avantages et modalités des différents types de concertation On relève habituellement trois formes dans l'élaboration concertée des projets : le débat public qui relève du Code de l'Environnement, la concertation de type L.300-2 du Code de l'Urbanisme, et la concertation interadministrative. On peut ajouter à ces formes de participation concertée, les phases d'enquêtes publiques. En outre, l'article L.121-16 du code de l'environnement crée la possibilité pour le maître d'ouvrage d'un projet, de mener une concertation volontaire, hors champ du débat public et de la concertation L. 300-2 du code de l'urbanisme et en dehors de toutes modalités obligatoires avant enquête publique. Les formes de cette concertation volontaire sont définies par le maître d'ouvrage lui-même et nécessitent la définition d'une stratégie volontaire. Cette concertation volontaire doit toutefois être menée tout au long du processus d'élaboration du projet, dans le respect des textes européens et nationaux. La phase d'élaboration concertée permet une meilleure maîtrise des délais Consulter en amont les services instructeurs et les collectivités c'est : optimiser les études d'abord, assurer la conformité des projets ensuite et enfin sensibiliser au projet, à son planning, et alerter les services sur les moyens nécessaires à l'instruction rapide des dossiers. Concerter avec le public et les associations c'est : faire partager voire accepter le futur projet aux riverains et aux futurs usagers, informer pour éviter la peur du changement et faire preuve de transparence, et améliorer le déroulement ultérieur du projet en diminuant les risques de recours. Rappelons ici que les études à lancer en priorité sont les études environnementales et socio-économiques car elles permettent d'identifier les besoins et le contexte du futur projet et doivent aider le Maître d'ouvrage dans ses choix d'implantation et d'infrastructure. On part donc du besoin de l'environnement et on va vers le projet, pas l'inverse. Par conséquent, les procédures de concertation avec le public doivent éclairer le maître d'ouvrage sur les choix qu'il doit faire. En conséquence, les concertations amont sont des procédures qui préparent l'enquête publique ultérieure, et non qui retardent le projet. 47 Les risques Les risques en termes de délais de la phase d'élaboration concertée tiennent à un aspect inhérent à chaque processus de débat : contestations, aucun accord trouvé, ralentissement dû à des avis citoyens non éclairés techniquement, etc. Il est important de noter à ce stade que l'évolution de notre société tend à supporter de moins en moins la contrainte individuelle ; chacun voulant que son intérêt particulier soit respecté. On voit donc toute la difficulté à faire apparaître l'intérêt général via la participation d'une assemblée dite « citoyenne ». Ainsi, le ressenti général s'oriente vers la constatation qu'il est de plus en plus compliqué de faire passer des ouvrages. Du côté des citoyens, d'autre part, il est difficile d'ignorer une certaine perte de confiance envers les porteurs de projet, mais plus grave, également envers certains représentants associatifs et les experts scientifiques et ce dû à des pratiques d'élaboration concertée mal maîtrisées et au sentiment d'être souvent « mis devant le fait accompli ». La montée en puissance et en intensité des mouvements NIMBY 30depuis le début des années 1990 montre à quel point il est devenu difficile pour un projet public de bénéficier du soutien des citoyens. Notamment après la médiatisation de plusieurs projets mal conduits, et plusieurs concertations mal menées 31. Ceci étant dit, le but sera de retrouver la confiance des citoyens et de concevoir des processus de concertation qui apportent une valeur ajoutée aux projets, dans la durée. Les grandes questions qui devront nous guider concernant les processus de concertation seront donc les suivantes : comment et jusqu'à quel point faire place aux controverses portées par les associations et le grand public ? Comment faire émerger l'intérêt général ? 2- Le Débat Public, points forts et fragilités Le Débat Public a pour objectif d'assurer la participation du public à la réflexion sur l'opportunité, les objectifs et caractéristiques principales du projet ainsi que sur les modalités d'information et de participation du public après le débat. La loi L.95-101 du 2 février 1995, relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite loi Barnier, et son décret d'application n°96-388 du 10 mai 1996 relatif à la consultation du public et des associations en amont des décisions d'aménagement a introduit en France la procédure du Débat Public, dispositif de participation du public au processus décisionnel en ce qui concerne les grandes opérations publiques d'aménagement d'intérêt national. Créée pour décider s'il y a lieu d'organiser un débat après l'avis des ministres concernés, la Commission Nationale du Débat Public garantit l'objectivité et la qualité du Débat Public, elle veille aux modalités de son organisation et pour cela elle constitue une commission particulière, composé de trois à sept membres, y compris le président, ayant pour tâche d'animer le débat public. Depuis la loi Grenelle 2, les prérogatives de la CNDP ont évolué : elle peut désigner un garant, à son initiative ou à la demande du maître d'ouvrage qui sera chargé de veiller à ce que la concertation permette au public de présenter ses observations et contre-propositions. Soixante Débats Publics ont été menés depuis que cet organe administratif indépendant existe : sur ce nombre, seulement sept projets ont été abandonnés à la suite du processus et les trois-quarts restant ont été substantiellement modifiés. Ces chiffres montrent l'utilité du Débat Public. Garant Les enseignements de la pratique du Débat Public sont très nombreux. Parmi eux, l'émergence de la fonction de garant, personnalité indépendante du maître d'ouvrage, nommée par la CNDP dans certains cas bien précis, pour 30 31 Mouvement « Not In My Backyard », « Pas dans mon jardin» L'aéroport de Notre Dame des Landes, pour n'en citer qu'un. 48 veiller à la qualité des concertations menées par les maîtres d'ouvrage en termes d'information et de participation du public. Le principe du garant de la concertation n'est pas nouveau mais le Grenelle 2 en a renforcé l'importance puisque la loi donne la possibilité à la CNDP de désigner un garant pour les concertations qu'elle décide et aux maîtres d'ouvrage de demander la nomination d'un garant suite à un Débat Public pour suivre la concertation sur un projet jusqu'à l'enquête publique. La présence d'un garant peut être source de confiance dans le dispositif mis en place: en effet, une concertation menée par un maître d'ouvrage seul, même si elle s'appuie sur une réelle volonté de dialogue de sa part, risque fort d'être considérée, à tort ou à raison, comme une démarche orientée. La personnalité extérieure, dont le profil et la neutralité doivent être incontestables, peut apporter de ce point de vue une garantie utile pour le public et le maître d'ouvrage que tous les points de vue pourront s'exprimer et que l'information sera complète. Ce principe n'est d'ailleurs pas réservé aux projets dont la CNDP est saisie : rien n'empêche un maire, qui doit porter par exemple un projet d'urbanisme dans sa commune, de faire de lui-même appel à un « garant » neutre et indépendant. Cahiers d'acteurs Autre outil privilégié de la concertation lors des débats, les « cahiers d'acteurs » sont des documents servant aux différents acteurs à exprimer leurs opinions sur le projet et venant à l'appui des Débats Publics organisés par les CPDP et les réunions publiques. Extrêmement prisés par les acteurs associatifs, ce document de quatre pages maximum, devant être profitable au débat en cours, sert pour les associations à faire connaître et partager leur opinion aux acteurs participant aux Débats Publics. Critique du Débat Public Le Débat Public est une expérience française de démocratie participative. Ce dispositif est hautement spécifique : autorité indépendante, juridiquement reconnue et dotée de compétence, la structure même de la CNDP contraste avec l'image des dispositifs de participation du public qui l'on précédée, souvent soupçonnés d'instrumentalisation. S'il peut être critiquable sur sa forme, le Débat Public reste à ce jour l'exemple le plus achevé d'organisation de la participation des citoyens à la discussion des choix collectifs. Cependant, un certain nombre de critiques ont pu émaner des différents entretiens réalisés : influence faible sur la décision, participation parcellaire du public, contestation de principe, méthodologies peu appropriées, persistance des dominations de toutes sortes, information plutôt que réel débat, « grand public » non apte techniquement à rendre des avis éclairés et, à l'inverse, perte de confiance envers les instances dirigeantes du projet quand les citoyens se sentent mis devant le fait accompli. L'association France Nature Environnement, si elle a toujours soutenu le principe et le fonctionnement de la CNDP, pointe également les limites d'une organisation trop stricte lors des débats : le peu de place laissé au public et à la spontanéité handicape les échanges. D'autre part, certaines critiques ont pu s'orienter en direction du coût d'un Débat Public. En moyenne, celui-ci avoisine le million d'euros32 et ces dépenses relatives à la préparation et à l'organisation matérielle du débat sont à la charge du maître d'ouvrage responsable du projet. Toutefois, sur les dix dernières années, si l'on se détache des valeurs fiduciaires, le coût moyen d'un Débat Public par rapport au projet, est de 0,09%. Les coûts relatifs aux processus de concertation et au débat public lorsqu'il a lieu sont intégrés au coût total du projet : aujourd'hui, le coût d'un débat public est de 2 à 5 millièmes du coût d'un projet. Selon Mme Laurence Monoyer-Smith, Vice-présidente de la CNDP, « la mauvaise estimation du coût des projets est la première responsable du coût pharamineux d'un projet, pas le Débat Public », et d'ajouter : « le déroulement d'un débat est incertain car à partir du moment où l'on ouvre la discussion à tous, on n'est jamais 32 Source : Laurence Monoyer-Smith, Vice-Présidente de la Commission Nationale du Débat Public 49 sûr du résultat. Pour les porteurs de projet, il est compréhensible que cette incertitude soit pénible à vivre, tout comme les avis de certains citoyens, qu'ils jugent trop éloignés de la réalité technique du projet. » A noter que la France s'est orientée vers la participation continue accompagnée de la mise en place de Débats Publics en amont organisés sous l'égide de la CNDP et « la concertation avec le public tout au long de l'élaboration d'un projet » (loi sur la démocratie de proximité du 27 février 2002). Toutefois cette évolution concerne un nombre réduit de projets d'aménagement (les plus importants en termes de taille et d'enjeux) et malgré les réformes récentes, la participation de la population est encore trop souvent mal maîtrisée et l'objet de nombreuses critiques. En effet, souvent critiquée, la participation du public est néanmoins l'un des piliers du droit environnemental européen (Convention d'Aarhus du 25 juin 1998) et un droit garanti par la Constitution. Utile et désormais ancrée dans les moeurs, elle est le pivot du Débat Public. Le Débat Public est amené à s'insérer dans un environnement social préexistant composé de scènes multiples et d'acteurs divers (élus, associations, citoyens) ce qui n'est pas pour faciliter la tâche de l'exercice. Cet environnement n'empêche pas l'émergence d'un espace public et la construction de la légitimité du Débat Public. Le débat, même s'il est tributaire des stratégies des acteurs impliqués, n'est pas qu'un objet de manipulation, de neutralisation ou de captation. Il convient de saisir l'impact de celui-ci avant d'en dénoncer l'échec, ou l'illusion. Il faut percevoir l'insertion du Débat Public comme un processus long et sinueux, qui ne peut, en aucun cas, éviter les écueils des luttes et des intérêts inhérents à chaque projet débattu. Toutefois, si ces débats constituent un véritable progrès en termes de participation de la population et de manière de concevoir la décision, quelle marge de progression offre aujourd'hui ce mouvement ? Une des manières de répondre à ces interrogations consiste à porter notre attention vers d'autres pays. La comparaison internationale autoriserait en effet une prise de recul sur ce mouvement hexagonal et permettrait d'autant mieux d'en apprécier la portée33. Verbatim : « Le déroulement d'un débat est incertain car à partir du moment où la discussion est ouverte à tous, le résultat n'est jamais certain. Pour les porteurs de projet, il est compréhensible que cette incertitude soit pénible à vivre, tout comme les avis de certains citoyens, qu'ils jugent trop éloignés de la réalité technique du projet, mais ceci est l'apanage de toute démarche de concertation. » Laurence Monoyer-Smith, Vice-Présidente de la CNDP 3- Enquêtes publiques L'enquête publique est une des phases privilégiées de la procédure d'élaboration concertée au cours de laquelle le public (habitants, associations, acteurs économiques ou simples citoyens) est invité à donner son avis sur un projet de règlement ou d'aménagement préparé et présenté par une collectivité publique ou privée ou par l'État, ou encore par les différents gestionnaires d'infrastructures (RFF, VNF, etc.). Comme précisé précédemment, la réalisation d'ouvrages ou de travaux, exécutés par des personnes publiques ou privées, doit être précédée d'une enquête publique lorsqu'en raison de leur nature ou de leur consistance, ces opérations sont susceptibles 33 Voir III 50 d'affecter l'environnement. Le code de l'environnement précise les modalités d'application de cette mesure : elle est ouverte à tous, sans aucune restriction. Elle donne lieu à des mesures de publicité préalable qui permettent d'informer le public. Toutefois, leur mise en place peut parfois présenter des difficultés, malgré les menaces de recours contentieux : horaires serrés, information du public lacunaire, manque de disponibilité du commissaire-enquêteur, etc. De fait, si les enquêtes dépendent de la nature du projet et sont censées être réunies en deux « catégories » (code de l'environnement et code de l'expropriation) depuis 2012, elles restent néanmoins nombreuses en pratique, ce qui ne facilite pas leur compréhension par le public. La possibilité de les regrouper existe depuis la loi Grenelle 2, mais n'est pas toujours exploitée en pratique. On en dénombre en moyenne parfois entre six à dix par projet34 : Enquête publique de DUP Enquête publique de loi sur l'eau Enquête publique sur le défrichement quand défrichement il y a Enquête publique ICPE Enquête publique sur le parcellaire (qui peut elle-même contenir plusieurs enquêtes) Enquête publique sur le réaménagement foncier Leurs horaires et leurs modalités semblent difficilement compréhensibles et accessibles pour le public35. L'idée principale semble être que la consultation du public, trop fréquente, non coordonnée, et souvent fondée sur des données absconses, affaiblirait la capacité du public à participer à l'élaboration du projet. En conclusion, même si certains considèrent que le droit existant ne permet pas d'associer de manière satisfaisante le public à l'élaboration des décisions, d'autres considèrent que ce sont les temporalités qui sont souvent inadaptées ce qui a pour résultat des enquêtes publiques sans public, ou des débats publics parfois prévus à des stades très avancés de la procédure, alors même que les options ne sont plus ouvertes, que les discussions font peu de cas des échanges, que l'information n'est pas adaptée au public du fait de sa technicité et de son volume... Il est également soulevé que la multiplication de procédures distinctes et disparates pouvant se superposer, suscitent dans le public confusion et frustration. Une frustration qui provient comme nous venons de le soulever, d'une consultation souvent tardive donnant à l'opinion le sentiment d'être mise devant le fait accompli. De même se pose la question du manque de transparence reproché aux maîtres d'ouvrage malgré les efforts déjà réalisés par l'administration et, en conséquence, la demande d'expertises complémentaires voire de contre-expertises, menant à l'escalade de la contestation. Les premières difficultés sont liées à des malentendus. Malentendu sur la légitimité démocratique revendiquée à la fois par les citoyens détenteurs de la souveraineté populaire et par les élus ou les représentants du gouvernement en charge de l'intérêt général. Malentendu aussi sur l'objet même des enquêtes et de la concertation conçues pour les uns comme une formalité nécessaire à la réalisation d'un projet dont la décision est déjà acquise et vécue par les autres comme l'occasion d'en contester les principes et l'opportunité. 34 35 Source : entretien avec Stéphane Pradon, Directeur adjoint, EGIS environnement. Et ce malgré l'article R. 123-10 du Code de l'environnement : « les jours et heures, ouvrables ou non, où le public pourra consulter un exemplaire du dossier et présenter ses observations sont fixés de manière à permettre la participation de la plus grande partie de la population, compte tenu notamment de ses horaires normaux de travail. » 51 Malentendu enfin sur les définitions réglementaires donnant lieu à des applications différentes selon les services instructeurs et pouvant occasionner des failles juridiques aisément repérables pour les détracteurs des projets. C- PANORAMA DES CONTENTIEUX ET DE LEURS MOTIFS PAR PROCEDURE Si l'on reprend la classification des grandes étapes et procédures d'un projet d'infrastructure de transport36, les possibilités d'intervention en termes de recours contentieux sont nombreuses. Ces recours contentieux, qui, si ils sont raisonnés et s'inscrivent dans l'optique de la défense de l'intérêt général, peuvent néanmoins viser au ralentissement voire à l'annulation d'un projet. Ils sont le plus souvent portés par les associations nationales de protection de l'environnement (France Nature Environnement en tête) et/ou les associations de riverains, crées ponctuellement ou présentes sur la scène nationale depuis longtemps. En bref, à chaque procédure d'autorisation correspond une possibilité de recours contentieux. Un panorama de ces possibilités d'intervention pourra aider à mieux identifier les « points durs » des procédures d'évaluation des impacts environnementaux dans les projets d'infrastructures de transport. 1- Pendant la phase de concertation : le débat public En premier lieu, si le maître d'ouvrage a décidé de ne pas saisir la CNDP, cette saisine peut quand même être réalisée dans les deux mois « à compter du moment où ces projets sont rendus publics par le maître d'ouvrage », par une association de protection de l'environnement agrée exerçant au niveau national (FNE ou WWF par exemple) ou par l'organe délibératif d'une collectivité territoriale. Une fois saisie, si la CNDP refuse la mise en place d'un Débat Public, ce refus peut être contesté devant le Conseil d'Etat dans un délai de deux mois37. Mais compte tenu du pouvoir discrétionnaire de la CNDP en la matière, le recours ne pourra se fonder que sur des motifs de forme, comme celui de l'irrégularité de la procédure de saisine de la CNDP. Les décisions prises par la CNDP ou la CPDP concernant les modalités du calendrier et du déroulement du Débat Public ne peuvent faire l'objet d'un recours devant le tribunal administratif38. Néanmoins, les irrégularités de ces décisions pourront être notées et servir ultérieurement, par exemple lors de la décision de poursuite du projet suite au Débat Public. De fait, cette décision peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif dans un délai de deux mois. C'est la forme qui est là encore le plus souvent attaquée : irrégularité du Débat Public (manque de documents, peu de réunions, etc.) ou irrespect des délais par l'auteur de l'acte. Enfin, il est à noter que les associations peuvent demander lors des débats d'avoir recours à une « expertise complémentaire » sur un aspect technique ou un impact en particulier du projet. Cette demande devra être formellement exprimée le plus tôt possible dans le processus de Débat Public et pourra engendrer l'allongement du débat (possibilité de prolonger de 4 à 6 mois le Débat Public en tant que tel -possibilité néanmoins très peu exploitée). 2- Pendant la phase de concertation : en l'absence de Débat Public En substance, l'article L. 300-2 du Code de l'urbanisme précise qu'une concertation « mal réalisée » ne peut pas suffire à annuler l'autorisation du projet. Cependant, une mauvaise exécution de la concertation pourra être un argument parmi d'autres lors d'un recours visant l'annulation de l'autorisation finale du projet. 36 37 Voir I, C CE, 17 mai 2002 FNE n° 236202 38 CE 5 avril 2004 Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre Dame des Landes 52 3- Pendant les études préalables En tant que document obligatoire, l'absence voire l'insuffisance des études d'impact, et des incidences socioéconomique et Natura 2000 fonde l'annulation contentieuse d'un projet d'infrastructure. L'insuffisance, pour l'étude d'impact peut être celle des effets du projet sur l'environnement mais aussi celle concernant les divers éléments obligatoires de l'étude (état initial, motivation du projet, mesures compensatoires, méthode d'évaluation des effets, résumé non technique), comme : La grave sous-évaluation du coût de l'opération39 La surévaluation des hypothèses de trafic40 L'absence d'évaluation des coûts externes du projet, notamment sur les consommations énergétiques 41 Etc. En outre, l'absence de transmission pour avis de l'étude d'impact à l'autorité compétente en matière d'environnement, permet d'obtenir la suspension en référé de l'autorisation devant le juge administratif. 4- Pendant l'enquête publique Un avis insuffisamment motivé du commissaire-enquêteur peut justifier l'annulation de l'autorisation du projet42. Cet avis est jugé insuffisamment motivé si le commissaire enquêteur a ignoré dans ses conclusions, les objections argumentées au projet. Par ailleurs, un avis défavorable du commissaire enquêteur sur le projet constitue un argument important pour pouvoir contester la validité de l'autorisation, et ce quand bien même le maître d'ouvrage n'est pas lié juridiquement par cet avis. Enfin, si l'enquête ne se déroule pas de façon réglementaire (information pas assez diffusée sur la teneur des réunions, horaires trop serrés, manque de disponibilité du commissaire-enquêteur, etc.), cela peut pousser le juge à déclarer l'enquête irrégulière. A noter que si l'association se pose d'emblée en tant qu' « opposant total»43 au projet, sa participation à l'enquête publique sera pour elle l'occasion de relever tous les vices de forme ou de procédures pouvant servir au contentieux. La plupart du temps, l'association dans ce cas de figure cherchera à soulever les lacunes du registre d'enquête le plus tard possible, de manière à empêcher le maître d'ouvrage de régulariser le dossier. 5- La DUP A ce stade avancée de la procédure, la DUP peut être contestée par écrit et dans les deux mois suivant sa publication devant le tribunal administratif ou le Conseil d'Etat (si c'est une autorité ministérielle qui a adopté la déclaration). Cette démarche engendre cependant un certain nombre de frais (démarche longue, frais d'avocats, etc.) et n'est donc pas accessible à toutes les associations. Bien que cette démarche soit souvent portée devant les tribunaux ­notamment par les associations de protection de l'environnement- il est très rare que la justice annule des DUP ou Déclaration de Projet s'il s'agit de projets d'envergure (comme les projets d'infrastructures de transport) portés par une volonté politique forte le plus souvent. 39 40 TA de Caen, 7 juin 2007, Manche Nature Idem 41 TA de Rennes 10 avril 2003 42 CAA de Lyon, 4 novembre 2008, société Vicat 43 Source de l'expression : France Nature Environnement (2012), Guide d'aide au positionnement et à l'action des associations Infrastructures et transport et Environnement 53 Deux types d'arguments majeurs (appelés « moyens ») peuvent être invoqués pour « casser » la déclaration d'utilité publique des projets : Les moyens de forme concernent tous les vices de procédure et les irrégularités ayant pu avoir lieu jusqu'ici44. Deux cas sont alors possibles : soit l'irrégularité relevée justifie seule de l'annulation (insuffisance grave de l'étude d'impact, incompétence de la personne adoptant la déclaration, etc.), soit les irrégularités relevés sont minimes mais leur nombre justifie de l'annulation de la déclaration. Les moyens de fonds se rapportent directement à l'opportunité d'autoriser ou non le projet. Il s'agit pour le juge d'évaluer les avantages et les inconvénients du projet afin de déterminer s'il est bien « d'utilité publique ». A noter qu'il est rare que le juge annule un projet uniquement sur la base d'arguments environnementaux45. - Ainsi, les arguments les plus fiables pour justifier le fait rare d'absence d'utilité publique sont : Effets importants sur le paysage, la faune et la flore, et traversée d'un site Natura 2000, dommage important sur des sites classés ou une ZNIEFF (Zone Naturelle d'Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique) Effets positifs sur l'économie pas établis, erreurs dans les projections de croissance et dans l'évaluation du coût de l'opération Projet traversant une zone humide vulnérable... - Mais le moyen le plus sûr pour mener à bien l'annulation de la DUP reste encore de prouver l'insuffisance de l'étude d'impact. Cette relative vulnérabilité de l'étude d'impact a ses revers : en pratique, les maîtres d'ouvrage ont tendance à fournir toujours plus d'informations aux études d'impact, ce qui engendre des dossiers toujours plus longs, complexes, difficilement compréhensibles pouvant par conséquent générer plus d'erreurs et d'incohérence. 6- Pendant l'Avant-projet détaillé L'autorisation loi sur l'eau L'autorisation loi sur l'eau peut être contestée dans un délai d'un an à compter de la publication de l'arrêté d'autorisation. Mais, le contrôle du juge se limitant à l'erreur manifeste d'appréciation du Préfet, l'autorisation est difficile à faire annuler en argumentant uniquement sur le fond (les motifs se concentrent plutôt sur les irrégularités concernant l'étude d'impact ou le document d'incidence et l'enquête publique par exemple). La dérogation « espèces protégées » En raison de la difficulté du jugement objectif des « raisons d'intérêt public majeur » invoquées lors des accords de dérogation, il est généralement difficile de revenir sur une telle décision. Cependant, quand l'avis du CNPN est négatif, cela peut constituer un argument utile en cas de contestation de l'autorisation et ce, même si l'avis du CNPN ne lie pas juridiquement le préfet. Lorsque l'annulation d'une dérogation aboutit, elle ne condamne généralement pas le projet mais peut servir à le retarder. 44 A l'exception des griefs relevés lors de la procédure de débat public qui ne peuvent être relevés que lors de la contestation de la décision de poursuite de projet qui fait suite au débat. 45 Il existe quelques décisions d'annulation de DUP pour des motifs environnementaux, relatifs à des projets ayant multiplié les atteintes à l'environnement. Par exemple : CE, 21 juin 2006, Association interdépartementale et intercommunale pour la protection du lac de Sainte-Croix les lacs et sites du Verdon. 54 7- Travaux et bilan environnemental Les objets de conflits pendant la phase travaux concernent le plus souvent la mise en place tardive ou précaire des mesures de compensation. Il est important d'organiser un travail de suivi des mesures compensatoires pendant cette phase. Les associations s'assurent généralement qu'un système de management environnemental a été mis en place dans le respect des arrêtés d'autorisation et peut, lorsque ces arrêtés ne sont pas respectés, faire appel aux différentes administrations de police environnementale : ONEMA pour les atteintes à l'eau, ONCFS pour celles à la faune et la flore ou les DREAL. Sur la base des mêmes critiques et si les normes de protection dictées par le Code de l'environnement ne sont pas respectées, par exemple si les travaux ont engendré la destruction d'une espèce protégée pour laquelle aucune dérogation n'avait été accordée, les associations peuvent également attaquer les porteurs de projet devant les juridictions civiles afin d'obtenir des dommages et intérêts ou bien porter plainte auprès du Procureur de la République. En outre, certaines revendications peuvent apparaître de la part de riverains directement impactés par le projet, qui, malgré les mesures d'information précédentes n'auraient réellement pris connaissance de l'ampleur du projet qu'une fois les matériaux de chantier sur place. Face à cette situation critique, il est alors difficile d'apaiser les tensions entre le public et les porteurs de projet. Enfin, le bilan environnemental, devant être produit par le maître d'ouvrage cinq ans suivant la mise en service de l'ouvrage, n'est en pratique pas contestable devant les tribunaux, quand bien même ce dernier présenterait des lacunes ou serait incomplet. Les possibilités de recours contentieux sont en conséquence multiples et complexes, et s'étalent sur toute la longueur des études d'un projet. Il est clair, après le bref exposé précédant, que les chemins de traverse pour retarder sciemment voire annuler un projet ne manquent pas et sont même très régulièrement exploités, surtout lorsque les porteurs de projet et le maître d'ouvrage se constituent une opposition ferme et catégorique de la part des associations de protection de l'environnement et de riverains. Ainsi, si nous ne remettons pas en cause ces possibilités de recours, qui sont autant de filets de sécurité nécessaire au droit de l'environnement ­et plus généralement au développement durable-, il est utile de s'interroger avec force sur les moyens à mettre en oeuvre pour réduire drastiquement les motifs de ces recours contentieux et donc, les oppositions au projet. De fait, s'il est clair que le consensus de tous les acteurs intéressés par un projet n'est pas possible, ni même souhaitable, il s'agira de tout mettre en oeuvre pour réduire drastiquement les positions « d'opposition totale » des associations, au profit de leurs « oppositions constructives » au projet. Il faut en effet rétablir un dialogue constructif entre associations et maîtres d'ouvrages afin que le travail des uns serve à corriger celui des autres dans une démarche d'amélioration globale, tant sur le fond que sur la forme des études. D- APPROCHE SENSIBLE DE LA BIODIVERSITE ET EAU Nous ne remettons pas en cause l'importance primordiale du respect de la biodiversité. Mais il a été noté au cours des entretiens, que la Biodiversité, enjeu jeune et complexe, n'arrivait peut-être pas encore à bien distinguer les contraintes fortes des contraintes que l'on peut potentiellement modérer. 1- Biodiversité Définition La biodiversité est un thème d'importance lorsque l'on parle d'environnement. Mais la définition même de la biodiversité n'est pas aisée. La biodiversité est un terme qui désigne la diversité du monde vivant à tous les niveaux : diversité des milieux (écosystèmes), diversité des espèces, diversité génétique au sein d'une même espèce. Par biodiversité on entend l'interaction de l'ensemble des êtres vivants, des végétaux et de leurs milieux naturels. Elle constitue un système formé de l'interaction de ses membres. Chaque milieu est unique et possède 55 une ou des espèces « clé de voûte ». Mais ces espèces sont difficiles à identifier d'autant plus que la « biodiversité ordinaire » est partout. La biodiversité est un enjeu relativement jeune : nous nous apercevons que l'on aboutit à un sacrifice de la nature mais nous avons peut-être encore du mal à distinguer les contraintes fortes des contraintes que l'on peut modérer. Les cas d'école du pique prune ou du lézard des murailles, petit animal affectionnant particulièrement le ballast, peuvent illustrer ce propos. L'Exemple du scarabée Pique-Prune de l'autoroute A28 La découverte sur le tracé projeté pour l'autoroute A28 du scarabée Pique-Prune protégé par la Convention de Berne a conduit à retarder pendant dix ans le chantier46. De bonnes études préliminaires auraient peut-être permis de mettre à jour l'enjeu que l'animal représentait et de développer en amont une stratégie pour éviter les perturbations qui ont suivi. Le lézard des murailles Espèce la plus répandue de lézard en Europe, ceux-ci habitent les vieux murs, les tas de pierres, les rochers, les carrières, les terrils et apprécient spécialement les rails ou les quais de gares peu fréquentés. Cette espèce est protégée en France et en Europe, ce qui pose régulièrement problème aux maîtres d'ouvrage et maîtres d'oeuvre ferroviaire (surtout lors des opérations d'entretien des rails) et engendre des procédures d'autorisation lourdes, dès lors que l'animal préfère le milieu anthropique mais doit dans le même temps en être protégé. 2- Repenser la biodiversité sous l'angle de la construction progressive et partagée des projets ? Serait-il donc possible - sous réserve de le concerter en amont avec le maître d'ouvrage et surtout les associations, garantes de la biodiversité - de penser à des aménagements spéciaux et simples de procédures dans certain projets, afin de résoudre les problèmes tels qu'ils ont pu être appréhendés lors des deux exemples, du scarabée Pique-prune et du lézard des murailles, exemples susceptibles de cristalliser les mécontentements et d'aboutir à un gel prolongé des projets ? Une solution simple pourrait être de prôner le développement et le renforcement des inventaires écologiques en amont, ou bien de penser la création d'un conseil, d'une table ronde entre maîtres d'ouvrages et associations, qui, grâce à un système de décisions prises à la majorité ou à 90%, pourrait arriver à résoudre des problèmes comme celui du Pique-prune plus rapidement. L'intégrité de ce conseil devant bien sûr être totale... Les idées principales étant : Qu'on ne peut relâcher une contrainte environnementale uniquement s'il y a eu concertation avec les associations ; on peut introduire des dérogations à condition que le maître d'ouvrage soit appuyé par les garants de l'environnement. Et qu'aujourd'hui, l'empilement des procédures censées protéger la biodiversité en arrive à la mettre en péril. - La protection « à la lettre des procédures» de la biodiversité, peut en effet avoir des effets néfastes : il faut s'entourer d'avis afin de savoir jusqu'où il est possible d'aller dans l'intégration de l'environnement, et dans l'utilité du développement économique et social. Pour un retour à une théorie du bilan ? 46 Source : Lambert A. et Boulard J-C. (2013), Rapport de la mission de lutte contre l'inflation normative, Paris, La documentation française 56 Nous partons ici de deux observations : La protection de l'environnement garantie par le droit, s'est construite pour donner la voix aux défenseurs de l'environnement, afin de contrebalancer une prépondérance économique jugée préjudiciable à nos équilibres naturels. Ce qui crée des réglementations environnementales de plus en plus rigides pour les projets, qui dès lors cherchent à se recentrer sur les volets sociaux, techniques et financiers. - Doit-on militer pour un rééquilibrage entre les procédures et ainsi replacer l'environnement dans une « démarche de développement durable », au regard des piliers sociaux et économiques ? Comment faire pour constamment garantir la mise en perspective de l'utilité d'un projet et des enjeux environnementaux ? Faut-il définir des nouveaux principes de réflexion sur lesquels fonder un projet ? De manière générale, le droit de l'environnement a pour objectif la protection, la mise en valeur, la restauration, la remise en état et la gestion des espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres écologiques. S'il ne convient pas de modifier le fond de ces principes, il serait certainement opportun d'en revoir les modalités de mise en oeuvre, en introduisant une proportionnalité des moyens mis en oeuvre par rapport à l'impact supposé et une limite pour se concentrer sur les enjeux qui font sens. L'objectif de « développement durable », vise à satisfaire les besoins de développement des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Ainsi, l'appréciation des enjeux environnementaux ne doit pas entrainer l'omission des dimensions économiques et sociales qui satisfont au développement des générations présentes. A noter que certaines réglementations, comme l'article L522-1 du code du patrimoine, tiennent compte de ces enjeux et précisent que « l'Etat veille à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social ». Doit-on penser en termes de multicritères sociaux, économiques et environnementaux pour chaque procédures et à chaque étape de l'évaluation environnemental ? Plutôt qu'une norme, serait-il utile d'ériger en principe cette nécessité de prendre en compte les aspects économiques et sociaux du développement durable ? Si oui, comment y arriver sans retour en arrière environnemental ? 57 III- ETUDES DE CAS ETRANGERS Marquées par le droit communautaire, les méthodes d'établissement des programmes d'infrastructures de transport ainsi que les processus d'évaluation des impacts environnementaux diffèrent considérablement d'un Etat membre à l'autre. Cette hétérogénéité peut être mise sur le compte de la dissemblance des cadres institutionnels et culturels ainsi que de la grande diversité des approches scientifiques disponibles. Toutefois, c'est certainement dans cette variété que nous serons le plus à même de trouver puis dérouler les fils des solutions à nos propres problèmes. Dès lors, et pour traiter au mieux de la prise en compte des effets environnementaux des infrastructures de transport dans la décision et la réalisation de projets, nous avons pensé qu'il serait enrichissant de nous appuyer sur une comparaison des textes, des procédures, des pratiques et de leurs effets ­ tout en prenant en compte la difficulté d'une analogie touchant à des projets hétérogènes ­ dans des pays caractérisés par des systèmes et des sensibilités assez différents. Ainsi, trois Etats européens ont retenu notre attention : l'Allemagne, les PaysBas et la Suisse. Sur la base d'entretiens menés avec des experts nationaux du droit environnemental et des méthodes de planification des infrastructures de transport, nous avons pu analyser les différents systèmes et apprendre de nos voisins. Il est inutile d'ajouter que la valeur ajoutée de cette étude commandée par TDIE tient à sa dimension internationale : étudier le fonctionnement de nos voisins allemands, néerlandais et suisses et s'orienter vers les meilleures démarches permettra, d'une part, une approche plus efficace des procédures d'évaluation environnementales, sociales et économiques et, d'autre part, renforcera les projets transfrontaliers. A- ALLEMAGNE 1- Planification et trajet politique d'un projet d'infrastructure de transport Pays de structure fédérale (Bund, Länder et Gemeinden : Etat fédéral, « Länder » et communes), la prise de décision est en général décentralisée. A ce titre, la planification des infrastructures de transports s'effectue à tous les niveaux du pouvoir : les responsabilités de l'Etat fédéral se bornent aux routes fédérales (autoroutes et routes nationales), aux chemins de fer fédéraux (réseau de la Deutsche Bahn) et aux voies navigables. Si les ports et les aéroports ne sont pas de son ressort, le plan directeur fédéral des transports s'étend cependant aux liaisons de ces infrastructures essentielles avec les réseaux fédéraux. Le plan directeur fédéral des transports ou Bundesverkehrswegeplan (BVWP) est voté par le gouvernement. Sur cette base, le gouvernement prépare un projet de loi qui sera proposé au parlement afin de modifier les lois existantes pour l'aménagement des routes et des voies ferrées avec leurs listes des besoins respectifs (Bedarfsplan). Les listes des besoins (Bedarfspläne) se trouvent dans les annexes des lois pour l'aménagement des routes et des voies ferrées fédérales et citent les projets pour lesquels existe un besoin, condition pour recevoir un financement du Bund. C'est donc le parlement qui décide d'intégrer les projets du BVWP dans ces listes des besoins. Il est important de noter que le BVWP est là pour démontrer le besoin d'un projet mais ne représente qu'une recommandation pour le parlement qui décidera plus tard des projets qui seront inscrits dans les lois. Les Länder voire les communes peuvent présenter des projets et surtout, fournissent la plupart des données utiles aux processus d'évaluation. Représentants du Bundesrat, les Länder jouent un rôle important lors de la phase de mise en oeuvre du plan directeur. Les Länder ont pour mission de démontrer que les projets prévus par le plan directeur s'intègrent bien dans leur structure spatiale régie par le « Raumordnungsgesetz », la loi sur l'aménagement du territoire. Les communes quant à elles participent à la finalisation des tracés et à l'établissement du plan définitif (« Planfestsellung »), après quoi l'on peut légalement procéder aux expropriations. Les méthodes d'évaluation et l'élaboration de plans directeurs doivent être partagées entre les trois niveaux politiques et pleinement acceptées par ceux-ci. Dès lors, le travail s'effectue en plusieurs phases : 58 1 2 3 4 5 6 7 8 Scénarios, prévisions de l'évolution des transports Mise à jour de la méthode d'évaluation Modernisation des réseaux, définition des projets Evaluation des projets par analyse coûts-avantages et autres méthodes Fixation des priorités en tenant compte des disponibilités budgétaires Consultation des Länder et des ONG et réunions de coordination avec ces mêmes instances Décision du Gouvernement, approbation du plan d'infrastructures Approbation par le Parlement, adoption des lois et des règlements nécessaires Tableau : Phases successives du processus d'adoption du Plan fédéral d'infrastructure de transport (Bundesverkehrswegeplan). Source : Ministère allemand des Transports, des Travaux Publics et du Logement, 2003 59 En détail, la procédure de planification du Bundesverkehrswegeplan est schématisée ci-après et se sépare en trois grandes phases : détermination des besoins, procédures d'aménagement du territoire et procédures d'autorisation du projet lui-même. Ce schéma-bilan nous servira de support tout au long de cette partie. 60 D'autres organismes non gouvernementaux participent à l'élaboration des plans d'infrastructures, comme l'entreprise publique des chemins de fer fédéraux, La Deutsche Bahn, les associations d'usagers, ou encore les associations pour la protection de l'environnement. La Deutsche Bahn élabore la plupart des projets fédéraux et fournit des données nécessaires au processus d'évaluation. Les autres intervenants participent au processus de manière moins directe lors de « discussions » avec les autorités compétentes et l'organisation de mouvements pour ou contre le projet. Le premier BVWP après la réunification date de 1992 et le second de 2003 : il couvre la période de 2001 à 2015. Le nouveau BVWP qui doit être voté en conseil des ministres en 2015 est actuellement à l'étude. Ce plan à long terme de développement des infrastructures de transport donne un aperçu des projets d'investissement à réaliser dans le domaine des grands axes routiers, des chemins de fer, et des voies navigables sous la responsabilité de l'Etat fédéral. Approuvé par le Gouvernement, le Bundestag et le Bundesrat (chambre des Länder), il est la base de lois en vertu desquelles les projets qu'il définit peuvent être introduits dans le processus légal de planification aux niveaux de l'Etat et des communes. Sur la base de l'inscription des projets dans les listes des besoins (Bedarfspläne) en annexe des lois pour l'aménagement des routes et des voies ferrées fédérales, le gouvernement est chargé de continuer la planification et la réalisation des projets d'infrastructures de transport. Il est tenu : 1) De vérifier tous les 5 ans si les projets d'infrastructures mentionnés dans les listes des besoins sont toujours nécessaires d'un point de vue économique et par rapport aux prévisions de trafic (Bedarfsplanüberprüfung). 2) D'établir des plans quinquennaux qui chiffrent les investissements nécessaires pour la réalisation des projets mentionnés dans les listes des besoins (Investitionsrahmenplan). Donc, les plans d'investissement font partie de la planification des infrastructures mais sont intégrés progressivement. Le BVWP n'aborde pas les questions de financement ni les problèmes d'autorisations nécessaires à la construction des infrastructures. Il s'agit d'un programme cadre, d'un instrument de planification dans lequel le Bund apporte la preuve que les projets mentionnés sont nécessaires et avantageux d'un point de vue socioéconomique. Cependant, le plan directeur fédéral de 2003 a été élaboré sur la base d'un système élargi, ajoutant aux règles d'évaluation économique, un volet spatial et un volet écologique. Particularité notable, la réalisation des projets qui ne figurent pas dans le plan d'infrastructure ne peut souvent pas être envisagée avant la prochaine révision du BVWP, et ce malgré la possibilité du Parlement d'inscrire d'autres projets dans les listes des besoins lors de sa vérification (tous les 5 ans). Cela peut poser problème et entraîner des retards, lors par exemple, de l'annulation d'un projet pour raisons financières. C'est par exemple le cas du « Metrorapid » qui devait créer une liaison à sustentation magnétique entre Dortmund et Düsseldorf qui a été annulé pour des raisons liées au financement du projet. Le gouvernement du Land de Nord-Westphalie en charge du précédent projet, a travaillé sur un nouvel équipement du nom de « Metroexpress » qui s'appuyait sur la technique de la grande vitesse ferroviaire. Dès lors, ce projet devra attendre une révision du plan d'infrastructures pour être mis à l'étude. 2- Evaluations Etape nécessaire avant l'adoption du plan d'infrastructure par les Parlements, la procédure d'évaluation générale se divise en six phases et trois volets: Les phases : 61 1- Présentation des projets à évaluer et propositions des Länder, de la DB et des différents départements du Ministère des transports. Les projets du plan d'infrastructures précédant n'ayant pas pu être réalisés y sont ajoutés. 2- Prévisions de l'évolution du trafic 3- Evaluation économique et analyse coûts-bénéfices 4- Analyse des impacts géographiques et du risque écologique 5- Analyse d'interdépendance 6- Définition des choix politiques à effectuer et fixation des priorités Les volets : Analyse coûts-avantages Analyse des impacts spatiaux Analyse du risque écologique Très fortement formalisée, la méthode d'évaluation allemande est très différente tant par son fond que par sa forme de la méthode française. La méthode allemande part de l'idée qu'il est impossible de produire des données économiques fiables pour tous les impacts. Elle les soumet donc à une analyse multicritères qui débouche sur l'attribution d'une note au projet, note qui servira à orienter leur traitement pendant la suite du processus de planification47. Cette méthode, notamment utilisée pour l'analyse environnementale stratégique (StrategischeUmweltprüfung), opère une distinction entre : les impacts sur l'environnement traduisibles en termes monétaires et pouvant donc être intégrés à une analyse coûts-avantages, et le risque écologique, c'està-dire la nature et la gravité des perturbations observées à plus grande échelle. In fine, ce seront les responsables politiques qui feront la synthèse de tous les résultats issus des six phases d'évaluation, ce qui permettra de prioriser les projets et de leur accorder des financements prévisionnels. Nous nous focaliserons sur les évaluations environnementales et leurs modalités. Pour rappel, celles-ci se situent au niveau de la phase de « détermination des besoins »48 et concernent le développement du plan des infrastructures fédérales de transport et la détermination des équipements à réaliser. 3- Analyse des impacts sur l'environnement selon la méthode coûts-avantages La première analyse des impacts sur l'environnement arrive au moment de l'analyse coûts-avantages, pièce maîtresse de la méthode d'évaluation des projets du plan fédéral d'infrastructures de transport. L'analyse considère : le bruit, les gaz d'échappement et le fractionnement du territoire, les autres critères ne pouvant pas être monétarisés sont pris en compte dans l'analyse du risque écologique. La méthode pour déterminer les coûts et les avantages des impacts environnementaux est la suivante : après une analyse d'impact et une prévision des impacts encourus, on compare ce qui pourra résulter de la réalisation ou de la non-réalisation d'un projet. Les critères sont monétarisés et les bénéfices nets sont chiffrés puis divisés par les coûts du projet afin d'obtenir un rapport coûts-avantages (ou coûts-bénéfices). Pour illustrer cette méthode, nous prendrons l'exemple de l'analyse du bruit : la valeur monétaire du bruit est calculée à partir des quatre grandeurs suivantes : dépassement de « l'intensité cible » (si le bruit prévu par le projet excède de 2 décibels le cas de référence) Nombre de personnes exposées au bruit 47 48 Classement des projets selon leur priorité : projets de première ou de seconde priorité. Se reporter au schéma-bilan. 62 - Intensité de la nuisance acoustique Coût unitaire de l'impact acoustique (défini sur la base du coût des vitrages à isolation phonique) 4- Evaluation qualitative du risque écologique Visant à compléter l'analyse monétarisée, l'évaluation qualitative du risque écologique a pour but d'apprécier les impacts des projets d'infrastructures sur la nature, les paysages, les eaux, le sol, ainsi que sur la santé et le bien-être des citoyens. Elle se construit en plusieurs étapes. Evaluation préliminaire et classement Selon des critères établis par l'Office fédéral pour la protection de la nature, les risques écologiques potentiels sont évalués et classés. Il est important que ces risques soient identifiés dès les premiers stades du processus de planification, alors même que tous les détails d'un projet ne sont pas encore connus. Les risques écologiques sont classés de I (fort) à IV (léger) selon les critères suivants : Tableau : Classement préliminaire des risques Traversée d'une zone protégée de 1ère catégorie Passage en bordure d'une zone protégée de 1ère catégorie II Projet de plus de 10 km Traversée d'une zone protégée de 2nde catégorie Passage en bordure d'une zone protégée de 2nde catégorie III Nouvelle I II II construction Modernisation II III III III IV Source : Tables rondes CMT Systèmes nationaux de planification des infrastructures de transport. Evaluation du risque Suite à l'évaluation préliminaire, la nature du projet et la sensibilité écologique de la zone concernée sont les premiers éléments à mettre en relation. Ils sont ensuite conjugués dans une matrice, ce qui débouche sur une première évaluation du risque. Tableau : Matrice combinant l'intensité des mesures et la sensibilité des zones Intensité des mesures Très faible Faible Moyenne Forte Très forte Faible 1 1 1 2 3 Moyenne 1 2 3 3 4 Forte 2 3 4 4 5 Très forte 3 4 5 5 5 Source : Tables rondes CMT Systèmes nationaux de planification des infrastructures de transport. Le classement obtenu grâce à la matrice est finalement réexaminé selon l'itinéraire et les critères spécifiques du tracé, puis le risque à nouveau classé de « très faible » à « très fort ». Si le système peut sembler mériter quelques affinements, rappelons que celui-ci date de 2003 et qu'un système d'évaluation plus complet est à l'étude depuis septembre 2013 pour le prochain schéma de planification des infrastructures de transport de 2015. Va notamment être ajoutée une catégorie de « priorité ++ » pour les projets justifiants à la fois d'une rentabilité économique très élevée et du minimum d'impacts sur l'environnement. Une Sensibilité 63 modélisation cartographique plus précise des projets potentiels -afin de déterminer leurs intérêts et leurs impacts- est également à l'étude. Mais des critiques émanent déjà de ces propositions: de fait, un projet important et de rentabilité socio-économique forte pourrait ne plus être inscrit dans la catégorie de priorisation la plus importante dès lors que ses impacts environnementaux seraient considérés trop élevés. Or certains arguent que ces problèmes environnementaux pourraient par exemple être résolus dans les phases suivantes de conception, ce qui devrait prévenir l'enterrement précoce d'un projet justifiant d'avantages manifestes. 5- Recours et délais La période globale de conception/réalisation d'un « grand » projet d'infrastructure de transport en Allemagne s'étend en moyenne de 10 à 15 ans. Fortement formalisée et clairement définie, la phase de « détermination des besoins » et plus encore celle des procédures d'évaluation environnementales ne s'étalent pas outre mesure dans le temps. Les évaluations sont en général confiées à des experts qui évaluent les effets des projets dans des délais relativement courts. Les causes de retard sont doubles. Les premiers sont relatifs aux financements, les schémas de plan prévoyant souvent plus de projets que le Bund ou les Länder ne peuvent financer pendant la période initialement prévue. Les seconds arrivent lorsque le projet est défini dans son entier et qu'il est alors temps de passer à l'acquisition et à l'expropriation des terrains. Les propriétaires refusent souvent de se soumettre à l'expropriation, soit pour pouvoir négocier en position de force, soit parce qu'ils se positionnent contre le projet. En termes de recours, tous ceux qui se sentent exposé par un projet peuvent saisir les tribunaux et engager une procédure qui peut durer plusieurs années. A noter que ces recours ne peuvent intervenir qu'après la définition complète des emprises du projet. Le projet peut continuer son cours pendant ces actions mais si, à terme, les tribunaux décident de la modification profonde d'un projet, tout le processus doit alors recommencer depuis le début. Par conséquent, si tout se passe bien, les délais d'un projet peuvent être relativement ramassés mais si le moindre problème survient, le projet peut prendre beaucoup de retard. Par exemple, ce fut le cas de la ligne ferroviaire reliant Francfort à Cologne, dont les premiers plans datent du milieu des années 70 et la mise en service de 2001. A noter qu'en pratique, les procédures d'évaluations environnementales sont très peu attaquées. 6- Concertation, information et acteurs de la protection de l'environnement L'Office fédéral de l'environnement, ou « Umweltbundesamt », fondée en 1974, est l'autorité compétente en matière d'environnement. Cette agence relève de la tutelle du Ministère fédéral pour l'environnement et la protection de la nature et travaille en relation avec le « Bundesamit für Naturschutz », l'Agence fédérale de la protection de la nature. Ses tâches consistent à : - Soutenir scientifiquement le Gouvernement fédéral et ses ministères (comme les ministères pour l'environnement, la santé, la recherche et le ministère des transports), - Mettre en place une législation environnementale (certificats d'émission, et autorisations concernant les substances chimiques, médicaments et produits phytosanitaires) - Informer le public au sujet de la protection de l'environnement. Ces organismes fédéraux sont surtout associés aux phases de détermination des besoins et se substituent au grand public en ce qui concerne les discussions quant à l'opportunité des projets. De fait, la concertation avec 64 riverains et intéressés arrive relativement tard dans la procédure, à la fin de la phase 2, « Procédures d'aménagement du territoire »49. La concertation publique et les divers recours peuvent encore changer le projet mais la question de la réalisation ou non du projet a déjà été prise bien plus en amont. A noter qu'il n'existe aucune possibilité de recours juridique concernant l'opportunité et le besoin d'une infrastructure de transport. Cette possibilité de recours n'est donnée qu'au terme de la procédure, et seulement pour les personnes concernées par une mesure concrète. Toutefois, en vertu des règles européennes, les porteurs de projet sont tenus d'informer le public de l'avancée du projet dès les phases de conception. Pour les infrastructures routières, ce sont les administrations des Länder qui s'occupent de mettre en place concertation et information. En pratique, la qualité de cette diffusion d'informations dépend des Länder et des projets. La remontée de la concertation avec le public et les associations de défense de l'environnement, notamment concernant l'opportunité des projets, est une revendication à l'étude concernant le prochain schéma directeur de 2015. De fait, l'Allemagne a eu son lot de projets violemment contestés ces dernières années, dont le plus mémorable reste sans doute « Stuttgart 21 », projet ferroviaire et urbain visant à réagencer et moderniser le noeud ferroviaire de Stuttgart. Le coeur du projet consistait en la transformation de la gare centrale de Stuttgart actuellement de type cul-de-sac en une gare souterraine de passage. Supporté par la Deutsche Bahn et le Gouvernement fédéral, le projet ­dont les travaux ont commencé en 2010- fait l'objet d'une importante controverse et a provoqué plusieurs grandes manifestations de la part des habitants de Stuttgart depuis le début du chantier. De fait, très peu consultés lors des phases d'élaborations du projet, ils dénoncent notamment le manque de rentabilité et les coûts entraînés par le projet, et reprochent par ailleurs aux organisateurs de ne pas prendre suffisamment en considération les incidences possibles pour l'environnement (destruction d'espaces verts, peu de considérations faites à la géologie,...). Le peu de transparence des informations transmises au public avant la mise en chantier et les pressions politiques malgré de nombreux surcoûts ont fini de mettre le feu aux poudres. 7- Accélérer les procédures ? Si l'Allemagne constitue un exemple intéressant à étudier, c'est certainement grâce à ses processus d'accélération exceptionnels. Après la réunification, le cruel besoin d'infrastructures routières et autoroutières en Allemagne de l'Est et entre les ex RDA et RFA a permis de privilégier une solution rapide et de lever la plupart des contraintes au bénéfice des nouvelles constructions dont le tout jeune pays avait besoin. En moins de 10 ans, cette partie du pays n'avait plus rien à envier aux équipements de transports du reste des pays de l'Europe occidentale. Le second exemple50 est plus récent, et concerne cette fois les grandes infrastructures énergétiques. Le 12 mars 2012, les autorités Bruxelloises ont voté un projet de règlement sur les orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes, règlement qui se place comme un véritable accélérateur de la transition énergétique européenne : désormais, les projets inscrits par Bruxelles à la liste des projets énergétiques d'intérêt commun bénéficieront de systèmes d'autorisation à grande vitesse. Pour ce faire, chaque Etat membre désignera une autorité unique qui coordonnera la procédure et prendra une décision globale. Ce nouveau type de procédure, qui reste encore à créer, réduirait les frais administratifs des projets européens d'environ 30% en moyenne pour les promoteurs, et d'environ 45% pour les autorités, selon le Parlement européen. Ce nouveau type de procédure inquiète par son ambition: le public devra être associé le plus en amont possible au montage du projet, lequel devra scrupuleusement respecter les législations protégeant les sites Natura 2000, les zones protégées, la biodiversité, etc. Tout cela en allant deux à trois fois plus vite qu'aujourd'hui. 49 50 Se reporter au Schéma-Bilan p. 59 Source : AEF Développement Durable, article du 15 mars 2012 65 Cependant, et sur la base de ce règlement, les élus au Bundestag vont prochainement examiner un projet de loi visant à faire passer de cette manière les 2 800 km de lignes de réseaux de transport d'électricité qui relieront les champs d'éoliennes de la mer du Nord au sud du pays, et ce malgré de multiples contestations locales. Afin de réussir le pari de faire passer de 10 à 4 ans la durée de construction, Berlin entend transférer une partie des compétences des Länder à l'Etat fédéral. Le texte défendu par le ministre allemand de l'économie prévoit également que la Cour administrative fédérale soit la seule instance compétente en cas de litiges. Dès lors, il n'est pas interdit de penser qu'une telle procédure accélérée, si elle se justifie suffisamment, pourra être élargie au développement des infrastructures de transports. 8- Conclusions : les avantages d'une comparaison approfondie Le cas allemand nous montre d'abord qu'il n'existe pas de processus « idéal », aucun système national n'étant exempt de critiques. En outre, il reste difficile de comparer à la France cet Etat de structure fédérale. Cependant, le système allemand présente certaines idées qu'il serait utile d'envisager pour l'amélioration de notre propre processus : La formalisation poussée des procédures allemandes présente un cadre et des délais plus stricts qu'en France : trois phases précises de planification, agrégation poussée des procédures, encadrement des recours juridiques. Si le projet bénéficie d'un appui politique fort et d'un relatif consensus auprès des parties prenantes, ce système a toutes les chances d'aboutir à la réalisation rapide des équipements. Le bémol étant que la machine puisse s'enrayer au moindre « grain de sable », remettant alors en cause toute la procédure et pouvant générer des retards considérables. L'application de méthodes simples pour évaluer et monétariser certains impacts environnementaux (sur le trafic, l'air, le bruit, etc.) semble pouvoir simplifier le travail des porteurs de projet et des décideurs : plus les mesures sont précises, et plus ces derniers peuvent appréhender les coûts des options. Même si elles n'ont pas encore atteint le domaine des transports, les mesures d'accélération prises par le Bundestag et l'Europe constituent une initiative intéressante. 66 B- PAYS BAS 1- Planification et trajet politique d'un projet d'infrastructure de transport La planification des infrastructures de transport se divise aux Pays Bas en trois phases 51. La première consiste en l'élaboration d'une politique générale des transports qui correspond à un programme cadre à long terme qui doit être approuvé par le Parlement. Ce « Planologische Kern Beslissing » est un programme cadre qui s'étend sur 20 ans et qui peut être modifié ou mis à jour avant son terme. Il trace les grandes lignes politiques à suivre et décrit les projets à réaliser dans l'idéal tout en laissant l'espace nécessaire à leur réalisation. La deuxième phase correspond à la présentation du MIRT (anciennement appelé le MIT : le « Meerjarenprogramma Infrastructuur en Transport »), un plan pluriannuel devant également être approuvé par le parlement. Crée en 2007, le MIRT - programme à long terme espaces et infrastructures de transport ­ s'inscrit dans le cadre d'une politique visant à mieux intégrer les investissements et les équipements à la dimension spatiale des territoires. A noter que, le MIRT étant encore en développement, le MIT s'applique toujours à la plupart des projets. Ces plans à moyen terme sont mis à jour d'année en année et visent à affiner le programme cadre et à faire l'inventaire des projets d'infrastructures qui sont considérés comme nécessaires ­ et qui sont donc le plus souvent déjà à l'étude ou en cours de réalisation. Ils répartissent les crédits entre les projets et peuvent servir aux autorités nationales et régionales à attirer l'attention de l'Etat sur des problèmes particuliers de mobilité. Au cours de cette phase les projets sont mis au point. Cette mise au point s'effectue en quatre moments : Identification et description d'un problème de transport et des travaux d'infrastructure à réaliser pour le résoudre. Analyse des solutions, des variantes et du coût du projet dans le but de l'adoption d'une décision de réalisation des travaux et de leur financement total ou partiel par l'Etat. Préparation des travaux dans le respect des règles d'aménagement du territoire. Réalisation puis évaluation du projet Ces dispositions s'appliquent aux grandes infrastructures routières, ferroviaires, fluviales et aux infrastructures de transports publics régionaux. Mais tous les projets de moins de 225 millions d'euros sont régis par d'autres règles. De fait, la conduite de ces projets relève de la responsabilité des autorités régionales : celles-ci s'occupent de leurs infrastructures routières et cyclistes ainsi que des infrastructures des transports publics. L'Etat alloue quelques 250 millions d'euros par an aux 12 régions néerlandaises, qui devront répartir ces crédits entre les différentes formes de mobilité selon leurs besoins. Les autorités régionales fixent leurs priorités et prennent leurs décisions elles-mêmes de façon à équilibrer au mieux leurs réseaux, leurs infrastructures, leurs interconnexions, etc. En bref, les autorités régionales néerlandaises décident des transports urbains et régionaux et sont responsables de la qualité des transports publics. 2- Détails des étapes de planification et de leurs composantes environnementales Le programme cadre La procédure d'élaboration du programme cadre est une procédure particulière, garantie par la loi, qui assure la participation de tous les acteurs intéressés et qui doit être approuvée par le Parlement. Les collectivités locales établissent leurs propres plans d'aménagement dans les limites tracées par les programmes nationaux. Le programme cadre actuellement en vigueur est le « Mémorandum sur la mobilité» (Nota Mobiliteit) qui court sur la période 2004-2020. En tant que programme cadre, il doit : 51 Source : Tables rondes CMT Systèmes nationaux de planification des infrastructures de transport. 67 - Définir la politique à suivre dans le domaine de la mobilité et établir les grands choix d'aménagements, Présenter les aspects spatiaux de ces aménagements à moyen terme et établir l'impact général des infrastructures, Etre illustré de cartes indiquant l'impact spatial. A noter que si un projet figure sur l'une des cartes du programme cadre, celui-ci n'est pas dans l'obligation d'être réalisé. La liste figurant dans les plans du programme reste indicative. Avoir pour finalité l'amélioration de la qualité du système de mobilité et l'atténuation de ses impacts négatifs sur les Hommes et l'environnement. A ce titre, les recommandations gouvernementales précisent que la construction de nouvelles infrastructures ne doit être envisagée qu'en dernier recours ; l'amélioration de l'accessibilité par l'innovation technologique devant primer sur les infrastructures construites ex-nihilo. - - Depuis 1990, un plan cadre est élaboré comme suit : ABCDDéclaration d'intention du Gouvernement Observation de la société civile Avis des organes consultatifs Décision prise par le Gouvernement et approuvée par le Parlement Les particuliers, les groupes d'intérêts et les représentants de la société civile interviennent dans le processus entre les parties A et B et peuvent également s'exprimer à titre informel pendant toutes les autres étapes. Plan pluriannuel, MIT et MIRT Affinant le programme cadre, le plan pluriannuel présente et décrit un ensemble cohérent de projets d'équipements (route, voies navigable, rail, transports publics régionaux) ou d'amélioration de structures existantes et en assure les financements. Il est revu d'année en année et implique la participation du public aux projets. Il est lui aussi validé par le Parlement chaque année. Le plan pluriannuel se sépare en trois phases : l'étude préliminaire (Verbenning), la planification (Planvorming) et l'exécution. L'étude préliminaire est réalisée par l'initiateur du projet (administration nationale des ponts et chaussées par exemple) : elle rassemble les analyses des problèmes de mobilité qui se posent dans la ou les régions concernées par le projet ainsi que les solutions potentielles. Cette étape peut durer de un à cinq ans. La planification se divise en quatre sous-phases et peut également durer plusieurs années : elle se compose de l'avant-projet, d'une étude de faisabilité avec évaluation de l'impact sur l'environnement, de la définition du tracé et enfin du projet définitif avec devis. Les trois premières sous-phases étant closent par une enquête publique. L'avant-projet est élaboré en collaboration avec les professionnels et le public et se clôt par une enquête publique: il explique d'une part les objectifs du projet et les modalités des études à réaliser par la suite et, d'autre part, informe le public des conditions dans lesquelles celui-ci peut s'exprimer. Les organes professionnels consultés sont : Le comité d'évaluation de l'impact sur l'environnement : comité permanent composé d'experts désignés par les pouvoirs publics. Plusieurs associations spécialisées, selon la volonté du maître d'ouvrage. 68 Sur cette base, les autorités compétentes (ministre des Transports et ministre du Développement régional) arrêtent les règles et les modalités auxquelles l'évaluation de l'impact sur l'environnement doit se conformer. Ces dispositions particulières à chaque projet viennent compléter les règles générales relatives à l'évaluation des impacts sur l'environnement prévue par la loi. L'initiateur du projet doit ensuite détailler les solutions envisageables pour tempérer au mieux ces impacts : il propose des variantes et étudie les conséquences de ces solutions. Les résultats de l'évaluation des impacts environnementaux sont publiés dans un rapport accessible au public. Le maître d'ouvrage organise plusieurs réunions d'information à destination du public. La loi prévoit la possibilité pour les groupements intéressés (particuliers et groupements spécialisés) de se prononcer sur le rapport d'impact. Suite à la consultation du comité d'évaluation de l'impact sur l'environnement et des organismes consultatifs, les autorités compétentes retiennent la solution à laquelle ils accordent leur préférence. Un tracé est alors défini, tracé dont la marge de fluctuation est désormais limitée à 2 mètres à l'horizontale. Le tracé est également soumis aux commentaires du public et des parties intéressées, dont les autorités provinciales et municipales. Sur cette base, les autorités compétentes peuvent alors soit accepter le tracé retenu ­sous réserve de modifications mineures-, soit demander au maître d'ouvrage de présenter une nouvelle proposition qui devra à nouveau être soumise à enquête publique. Si les parties intéressées sont en désaccord avec les autorités compétentes sur le choix du tracé, elles peuvent intenter un recours devant le Conseil d'Etat. Celui-ci doit s'être prononcé avant que le projet définitif ne soit adopté. Le Maître d'ouvrage établit ensuite les plans et le cahier des charges à destination de l'entrepreneur. Plus aucune participation formelle du public n'est prévue à ce stade, mais ce dernier est tenu informé de l'avancement des travaux ainsi que des mesures prises pour tempérer les nuisances engendrées par les travaux. C'est au ministre des Transports, après consultation du Parlement, de fixer la date de démarrage de la phase des travaux. Cette phase d'exécution doit obligatoirement commencer 13 ans maximum après la date d'adoption définitive du projet. Néanmoins, l'allongement dans le temps des projets est aussi un sujet préoccupant aux Pays-Bas. Les raisons de cet allongement dans le temps des projets sont également nombreuses et similaires à celles relevées en France : Fluctuation des priorités politiques entre les phases de planification et d'exécution, Remises en question réitérées des raisons d'être et des objectifs de certains projets, Actions en justice des diverses parties intéressées (particuliers, ONG et conseils municipaux) à l'encontre des projets censés être définitifs, Longueur inhérente à toutes procédures dites « administratives » et difficulté des services de l'Etat à respecter leurs délais d'instruction, Expédition parfois trop hâtive des phases initiales du projet, ce qui ralentit fortement le déroulement de ses phases suivantes. - - 3- Délais et difficultés liées à la participation du public : un constat en accord avec celui de notre étude Il faut en général plus de dix ans pour planifier un projet routier d'envergure (c'est-à-dire entre le dépôt de l'avant-projet et le début de la phase d'exécution), et jusqu'à plus de 20 ans si l'on prend en compte toutes les phases. Les conséquences négatives de ces délais à rallonge sont nombreuses : 69 - Le problème territorial de départ reste sans solutions et ne fait donc qu'empirer, Les raisons d'être et les objectifs du projet sont sans cesse remis en cause par les décideurs d'une part, les associations et les lobbies d'autre part, Les délais peuvent entraîner l'abandon du projet et par conséquent de celui de tous les efforts fournis par la participation des citoyens et pour les études. Enfin, les coûts augmentent au fur et à mesure de l'allongement des projets dans le temps, notamment les coûts relatifs aux solutions apportées en réponse aux observations formulées au sujet du projet. En outre, ces coûts ne sont pas toujours synonymes d'une qualité environnementale optimum. D'autre part, il est également noté aux Pays-Bas que la nature essentiellement réactive de la participation du public ainsi que le caractère trop souvent lacunaire des échanges d'informations entre l'initiateur et les milieux consultés, pénalisent beaucoup les phases d'élaboration concertée, et, in fine, la qualité du projet. Comme en France, certains attribuent ces problèmes aux erreurs de gouvernance, notamment dans le refus des porteurs de projet de prêter une oreille attentive ­assez tôt dans le processus- aux revendications et aux objectifs formulés par le public. Ou encore, les autorités compétentes et le Parlement peuvent être accusés de retenir parfois une solution qui s'écarte de celle recommandée. On comprend alors la frustration des participants et les retombées négatives que cela peut engendrer au moment de l'acceptation finale du projet par la collectivité. On touche ici deux formes de démocratie : une première illustrée par la participation directe des intéressées et l'autre représentée par les parlementaires. D'autres, à contrario, pensent que le comportement revendicateur et calculateur des citoyens s'apparente à une contestation de principe52. Quoiqu'il en soit, les observations des parties intéressées ne semblent être prises en compte qu'à un stade trop avancé du projet, ce qui se traduit par des corrections ou des extensions coûteuses du projet, qui se substituent à un véritable travail sur l'essence du projet. En réalité, il semble que plus les citoyens attribuent une valeur croissante à leur niveau de vie, et plus ils se posent en revendicateurs. 4- Les solutions avancées aux Pays-Bas : l'accélération des procédures via la politique du « Sneller en Beter »53 Aux Pays-Bas, le constat des difficultés entre la protection de l'environnement et le développement des infrastructures n'est pas nouveau. De plus en plus, l'EIE (évaluation des impacts environnementaux) est vue comme une source de retards : les études apparaissent en effet trop complexes et détaillées, ce qui engendre incertitudes, erreurs, incohérences juridiques, et, à terme, freine le développement des infrastructures. L'accent se porte plus sur l'atténuation des atteintes à l'environnement plutôt que sur la course aux recherches de synergies. Ainsi, la complexité et la longueur des études environnementales débouchent, comme en France, sur des retards, des freins juridiques, voire sur l'annulation pure et simple des projets. Car, particularité néerlandaise notable, les processus de décision pour les projets d'infrastructures de transport considèrent dans le détail les études environnementales des projets. En 2008, a été créé le Comité Elverding, mandaté par le gouvernement néerlandais afin de trouver des solutions durables à tous ces problèmes, et d'accélérer drastiquement les processus de décision des projets d'infrastructures de transport. Les conclusions de ce Comité sont prometteuses puisque le rapport affirme qu'il serait possible de diviser par deux le temps de planification des projets tout en augmentant la qualité des études. Le rapport et ses conclusions se construisent autour de trois propositions phares concernant l'EIE et la concertation : 1) Procédures : Vers une prise de décision par étapes 52 Source : Entretien avec M. Bert van Wee, Professeur en politique des transports et logistique à l'Université de Technologie, Politique et Management de Delft. 53 « Faster and Better »/ « Plus vite et mieux ». 70 Il s'agit ici de déplacer l'effort vers les stades précoces du processus de planification en y incluant une Etude Environnementale Stratégique (EES) chargée d'identifier dès les phases d'exploration les principaux impacts potentiels. S'ensuivra une EIE plus ciblée et renforcée durablement par un suivi des mesures mises en place chargé de favoriser les bonnes pratiques tout au long du projet. 2) Processus : vers une participation large et précoce du public et des parties intéressées Les parties prenantes affectées par le projet (public, associations, organes gouvernementaux, acteurs financiers, etc.) devront être impliquées dès l'étape de l'exploration et de l'identification des problèmes et de leurs solutions possibles 3) Contenu : vers une évaluation « pertinente » des impacts environnementaux Mesures, calculs et prédictions devront servir les processus de décisions. En bref, il faudra : D'avantage d'évaluations qualitatives au moment des phases les plus précoces du projet. L'application de méthodes simples pour évaluer les impacts (sur le trafic, l'air, le bruit, etc.), méthodes qui prennent en compte les marges d'erreurs des études et de la phase d'EIE. L'instauration d'un suivi et d'une gestion des impacts réels dans la phase de mise en service du projet. Schéma : Situation actuelle du processus de planification des projets d'infrastructures de transport selon le Comité Elverding. Degré « d'efforts » Trop peu structurée et inadaptée -Exploration trop générale des problèmes -Manque de clarté du processus de décision -Engagement politique absent/limité -Alternatives trop nombreuses -Faible participation des parties prenantes et du public PHASE D'EXPLORATION Max. 5 ans Trop de formalisation pour peu de stabilité -Etudes lourdes et détaillées à outrance -Risques juridiques -Spectre financier trouble -Trop d'alternatives -Concentration des phases de concertation => Contexte très instable Stabilité -Etudes travaux Néant BILAN ET SUIVI PHASE D'ETUDES PROJET Aucuns délais butoirs formels PHASE DE CONSTRUCTION Etapes du processus de planification Source: Rapport « Infrastructure planning and impact assessment in the Netherlands: challenges for the 21st century, National Conference, August 2010 ». Réalisation : Personnelle. 71 Schéma : Situation optimale désirée du processus de planification des projets d'infrastructures de transport selon le Comité Elverding. Degré « d'efforts » Parties prenantes « indirectes » Parties prenantes « directes » Robustesse, clarté, et élargissement de la participation -Fondations solides -Priorisation des besoins d'équipement -Etudes environnementales stratégiques -Large participation -Large spectre d'alternatives et choix clairs des préférences -Spectre financier précis -Engagement politique solide => Bases solides préalable à la décision PHASE D'EXPLORATION Max. 2 ans Stabiliser, concentrer -Clarification des champs d'action et des points de départ du projet -Limitation des alternatives -EIE ciblée prête pour approbation -Définition des mesures potentielles à prendre -Délais butoirs stricts -Moins de place aux recours juridiques ? Limiter les modifications -Etudes travaux Suivi et ajustements -Assurer la qualité environnementale des ouvrages et des mesures prises pour tempérer les impacts -Suivi régulier -Si nécessaire, mesures correctives supplémentaires -régulations, maintien BILAN ET SUIVI PHASE D'ETUDES PROJET Max. 2 ans PHASE DE CONSTRUCTION Etapes du processus de planification Source: Rapport « Infrastructure planning and impact assessment in the Netherlands: challenges for the 21st century, National Conference, August 2010 ». Réalisation : Personnelle. En nous appuyant sur ces schémas, nous synthétiserons ci-après les propositions concrètes du rapport « Faster and Better » du Comité Elderling visant à améliorer et rationaliser les processus de planification des projets d'infrastructures de transport (tant au niveau du processus décisionnel que de celui de l'évaluation des impacts environnementaux)54. Un des points principaux du rapport appuie de fait sur les efforts à porter en priorité à la phase d'exploration/élaboration d'un projet. Une fois le besoin d'infrastructure identifié grâce au programme cadre et au MIRT, l'attention doit être plus particulièrement portée sur la phase d'exploration des projets, dont le rôle est d'étudier les différentes variantes potentielles du projet. Plus précisément, le travail consiste à veiller à la bonne synergie du projet avec les autres infrastructures présentes sur le territoire, d'une part, et, d'autre part, à améliorer la participation des parties prenantes, participation jusqu'alors généralement cantonnée à la phase « projet ». Cette phase d'exploration doit se traduire par une étude d'exploration formalisée reliée à l'esprit des recommandations du MIRT. Elle doit comprendre une Evaluation Environnementale Stratégique (EES) utile à la 54 Pour plus de détails, le lecteur pourra se rapporter au rapport « Infrastructure planning and impact assessment in the Netherlands : challenges for the 21st century, National Conference, August 2010 ». 72 mise en place d'études environnementales plus ciblées par la suite. De cette étude d'exploration devra résulter une « décision préférentielle » marquant un engagement politique précis de la part des différentes autorités compétentes. Cette décision, qui s'appuiera également sur la participation précoce du public et des diverses parties prenantes « indirectes », marquera la fin de la phase d'exploration et devra définir de manière précise, à l'aide d'un cahier des charges, les objectifs et les modalités de la phase d'étude suivante (et de l'EIE notamment). Les études de projet, phase suivante de la planification ont quant à elles tout à gagner à être plus compactes et pragmatiques. Alors que les grandes lignes du projet sont d'ores et déjà fixées (données initiales et, dans la mesure du possible, garanties politiques et financières), il est temps de détailler les alternatives et les variantes du projet choisies comme étant les plus viables pendant la phase 1. Ces variantes seront soumises à une EIE dont les modalités auront été prédéfinies. Un des rôles majeurs de l'EIE sera de donner une vue précise et transparente des effets du projet, non seulement en termes de biodiversité mais également en termes d'économie ou encore d'intégration territoriale. Le Comité prévoit un délai maximum de 4 années pour l'élaboration complète de ces deux premières phases (rappelons ici qu'il nous est encore impossible de vérifier ce processus optimisé en pratique). Enfin, si les impacts environnementaux excèdent en pratique les prévisions, il est prévu une phase de suivi et de « correction » pendant et surtout après les travaux et la mise en service. Ceci constitue une toute nouvelle approche par rapport aux méthodes classiques d'évaluation des impacts environnementaux : en effet, l'idée principale tient ici dans la possibilité de tempérer une partie des impacts après les avoir identifiés « dans la réalité ». Il s'agit d'accepter le pilotage d'un projet moins par les risques que par la pratique. En conclusion, si le Parlement néerlandais a adopté les mesures prévues par le Comité Elderling, il semble cependant que plusieurs problèmes de fond viennent s'opposer à l'application concrète de toutes leurs prescriptions. Un des plus importants obstacles tient au changement de fond à effectuer sur les pratiques politiques et l'organisation administrative. Le temps, via les délais butoirs proposés par le Comité, est peut-être un instrument de pilotage pertinent : de fait, le Comité prévoit que si le Parlement est décidé à prendre au sérieux sa propre volonté d'accélération des processus de planification, il devra supprimer définitivement du MIRT chaque projet dont l'étude exploratoire aura duré plus de deux ans. L'idée étant que si en deux ans les parties prenantes n'ont pas réussi à aboutir à un accord concernant les principaux points d'un projet, il est légitime de se demander si elles y arriveront jamais un jour. Afin de solidifier au maximum les bases d'un projet, l'ultime priorité est qu'il soit et demeure politiquement stable. Le deuxième problème tient au nombre de projets programmés par le MIRT et notamment à l'incapacité technique et budgétaire de suivre ses ambitions. Le Comité propose de revoir à la baisse le nombre de projets d'infrastructures inscrit dans le plan pluriannuel et de se concentrer sur ce qui est techniquement et financièrement faisable afin d'éviter d'entamer des études susceptibles d'être abandonnées par la suite. Enfin, le Comité appuie sur la nécessité d'assurer les financements d'un projet le plus tôt possible dans la planification. A cette fin, il semble suggérer que le financement de certaines infrastructures pourrait être trouvé parmi des fonds privés, sans réellement développer la question. - - Quoi qu'il en soit, le Comité, et c'est là son plus franc succès, a été capable de présenter une démarche intégrée, portant à la fois sur les procédures, les processus de planification et de concertation ainsi que leurs contenus. 5- Conclusions : les avantages d'une comparaison approfondie A mi-chemin entre le formalisme allemand et les ambitions françaises, les avantages du système néerlandais sont multiples : 73 - Tout d'abord, ces préoccupations de simplification et d'accélération rejoignent en tous points notre problématique et il semble que la plupart des dispositions du Comité Elverding, notamment sur l'optimisation de l'EIE, pourraient être mises à profit en France. Cette structure de planification, portant sur deux échelles de temps différentes et complémentaires paraît laisser plus de souplesse aux aménageurs et aux pouvoirs publics, dès lors capables d'adapter leurs ambitions aux finances publiques. La préparation des programmes cadres et des plans d'infrastructures pluriannuels s'effectuent avec l'aide poussée des organismes non gouvernementaux. Dans la même veine, les Pays-Bas semblent accorder une grande importance à la concertation avec le public le plus en amont possible. - - 74 C- SUISSE55 1- Planification et trajet politique d'un projet d'infrastructure de transport Il existe en Suisse deux niveaux d'initiatives pour l'aménagement des projets d'infrastructures de transport : le niveau fédéral d'une part, et le niveau cantonal d'autre part. En bref, les Cantons s'occupent des routes cantonales et de toutes les routes qui ne sont pas du ressort fédéral, c'est-à-dire de toutes les routes hormis les autoroutes qui sont les seules infrastructures routières sous la responsabilité de la confédération. S'il existe quelques administrations cantonales qui peuvent avoir à s'occuper de certains réseaux (principalement pour en améliorer la desserte), les chemins de fer sont quant à eux principalement du ressort fédéral. Pour initier un projet, plusieurs stratégies sont possibles : Le gouvernement peut, suite à différentes pressions (notamment de la part des cantons) ou par sa volonté (via les « plans sectoriels » dont nous reparlerons) décider d'élaborer une stratégie de transport. Il procède ensuite à une demande d'investissement globale auprès du Parlement, demande qui devra être avalisée par celui-ci ou éventuellement par votation fédérale. Les cantons peuvent également proposer de soumettre aux votes parlementaires, un réseau ou un tronçon local. Cependant, dans le cas où un canton noterait un besoin d'autoroute, il devra envoyer une demande de subvention au gouvernement fédéral et enfin participer à une discussion avec le ministère des transports afin d'établir si la nouvelle construction peut s'inscrire ou s'inscrit déjà dans les prospectives du plan sectoriel. Cependant, si le besoin de route reste cantonal, la décision se fera à ce niveau. - La division entre canton et fédération est primordiale, et on la retrouvera à chaque étape de l'évaluation environnementale d'un projet d'infrastructure de transport. De fait, en ce qui concerne l'EIE (Evaluation des Impacts Environnementaux) suisse, si le projet évalué est cantonal, ce seront les autorités cantonales de l'environnement qui seront responsables et décisionnaires, mais si le projet évalué est d'ordre fédéral, la responsabilité des études sera à la charge de l'autorité fédérale de l'environnement (OFEV). A noter que chaque projet, fédéral ou cantonal, inscrit ou non aux plans sectoriels, peut être contré dès son étude d'opportunité par référendum organisé à la demande d'un ou de plusieurs groupements politiques opposés au projet. Selon le résultat, le conseil fédéral peut être amené à revoir sa stratégie. Partant, il existe bel et bien des « schémas de plan d'infrastructures de transport national » en Suisse : ce sont les « plans sectoriels » dont le rôle est de donner des orientations stratégiques sur cinq années. Comme expliqué ci-avant, ils ne sont pas définitifs et peuvent être modifiés au grès des volontés politiques, populaires et financières. Comme c'est le cas pour d'autres étapes de la procédure, le système suisse possède un caractère plus informel que la France. M. Tristan Chevroulet56 évoquait cette différence en ces mots : « Dans le processus suisse, il y a beaucoup d'outils à disposition. Quand un problème se présente, les responsables se munissent de l'outil qui sera le plus susceptible de résoudre la situation ». Pour illustration, le processus d'Evaluation Environnementale Stratégique (EES), qui vient généralement en amont de l'EIE, n'est pas systématique car il existe au moins deux autres systèmes prospectifs qu'il est possible d'utiliser : 55 Sources : Entretien avec M. Tristan Chevroulet, collaborateur scientifique à l'Institut Interdisciplinaire d'Éthique et des Droits de l'Homme (IIEDH), Université de Fribourg (Suisse) et Manuel de L'EIE, Directives de la Confédération sur l'étude d'impact sur l'environnement (PDF disponible en ligne). 56 Collaborateur scientifique à l'Institut Interdisciplinaire d'Éthique et des Droits de l'Homme (IIEDH), Université de Fribourg (Suisse). 75 - - - Les études de durabilité, qui sont généralement effectuées pour chaque projet fédéral : elles concernent tous les aspects du développement durable et sont ainsi plus englobantes qu'une simple évaluation environnementale. Les études d'opportunité qui pour leur part intègrent certains aspect des EES et sont faites dans le cadre des plans sectoriels. Elles sont néanmoins très facultatives et peuvent être réalisées à la demande expresse d'un parlementaire ou d'un bureau d'étude spécialisé. Enfin, les EES n'ont en pratique qu'un succès ténu car elles viennent s'ajouter aux réflexions établies dans le cadre de la préparation des plans sectoriels, qui bénéficient déjà de la participation active des responsables de l'environnement. L'EIE a contrario est une étape capitale et sa conduite est beaucoup plus systématique que tout le processus amont. Si elle est menée à son terme et approuvée, elle marque la plupart du temps la véritable « date de naissance » du projet. Verbatim : « Dans le processus suisse, il y a beaucoup d'outils à disposition. Quand un problème se présente, les responsables se munissent de l'outil qui sera le plus susceptible de résoudre la situation », Tristan Chevroulet 2- Le processus de l'EIE en détail Participation précoce des services de défense de l'environnement, du public et des parties prenantes L'EIE est un instrument de coordination et une étude de conformité légale : c'est une procédure d'autorisation, au même titre que les procédures d'approbation de plans ou d'autorisation de construction. Ces modalités sont régies par l'OEIE (Ordonnance relative à l'étude de l'impact sur l'environnement). Avant de procéder à l'autorisation de la construction, on regarde si le projet respecte les prescriptions réglementaires relatives à la protection de l'environnement. L'EIE, comme l'étude d'impact française, a pour objectif d'identifier le plus tôt possible l'impact environnemental du projet et de le supprimer ou le limiter. L'EIE est un processus d'accompagnement et d'optimisation des projets : elle vise à s'assurer que les prescriptions environnementales sont bien prises en compte, et ce, dès l'amont du projet. Pour se faire, l'EIE intègre de manière précoce les spécialistes de l'environnement dans l'équipe du projet : dès « l'idée » du projet et « l'enquête préliminaire », ingénieurs, maîtres d'ouvrage et spécialistes de l'environnement travaillent main dans la main au choix du site et aux variantes de tracé. Les conseils de ces instances sont précieux et permettent d'éviter les contestations ou la découverte d'un problème imprévu en aval, mais aussi facilite l'élaboration de réponses satisfaisant à la fois aux besoins du requérant57, aux normes techniques et à la protection de l'environnement, qui, plus elle est intégrée tôt aux études de projet, moins elle sera susceptible d'engendrer des frais importants. De plus, et pour les projets dits « critiques », l'usage est d'intégrer le public, et notamment les personnes directement concernées, les organisations habilitées à recourir et la commune, à la phase la plus précoce d'étude du projet. Via des réunions « spéciales », le public est ainsi tenu informé de la progression des opérations, ce qui permet d'éviter au maximum de probables contestations par la suite. La mise en place de cette plateforme institutionnalisée de participation du public, ainsi que celle d'un comité de suivi regroupant experts, 57 Le maître d'ouvrage. 76 représentants du requérant, de l'autorité compétente et du service spécialisé de l'environnement, est fortement recommandée pour tous les projets d'ampleur. Délais Pour les projets de grande envergure, une importante phase d'investigation est souvent nécessaire au préalable de l'EIE. C'est surtout cette partie de préparation qui est susceptible de prendre du temps (parfois des années) selon le projet. En ce qui concerne la planification des délais de l'EIE, celle-ci prend généralement en compte l'élaboration de l'enquête préliminaire, en plus des études environnementales et de la rédaction du Rapport d'Impact sur l'Environnement (RIE), document qui entérine l'EIE et dont l'ampleur et la durée de rédaction seront très variables selon les projets. Il faut compter en moyenne quelques semaines pour l'élaboration du dossier d'enquête préliminaire et un à plusieurs mois pour le RIE car l'élaboration du dossier peut parfois stagner, le temps de certaines études, comme celle sur les relevés floristiques, qui ne peut s'effectuer que pendant les périodes de végétation. En général, une EIE est techniquement bouclée au bout de 6 mois. Le projet s'ouvre alors sur une période où les délais peuvent être beaucoup plus flous et susceptibles de s'allonger de beaucoup notamment du fait de certains problèmes pouvant apparaître au moment des financements 58. Les délais de l'examen de l'enquête préliminaire et du RIE par les autorités compétentes ne sont pas formalisée : les articles 12a et 12b de l'OEIE (Ordonnance relative à l'étude de l'impact sur l'environnement) définissent les délais impartis aux services spécialisés de l'environnement pour évaluer les dossiers. Les délais ne courent qu'à la réception du dossier complet : de fait, un bon dossier influencera la durée nécessaire aux autorités pour l'évaluer : plus un dossier est lacunaire ou peu clair, plus les autorités mettront du temps à rendre leurs conclusions. Voir Encadré ci-après. Art. 12a : Délais de traitement pour l'enquête préliminaire et le cahier des charges. 1 Si l'EIE est effectuée par une autorité cantonale, le droit cantonal fixe le délai dont dispose le service spécialisé de la protection de l'environnement pour évaluer l'enquête préliminaire et le cahier des charges. 2 Si l'EIE est effectuée par une autorité fédérale, l'OFEV évalue l'enquête préliminaire et le cahier des charges dans un délai de deux mois. Il dispose d'un mois au minimum pour se prononcer après réception de l'avis cantonal. 3 S'il s'agit d'un projet pour lequel l'annexe prévoit que l'OFEV doit être consulté, celui-ci évalue l'enquête préliminaire et le cahier des charges dans un délai de deux mois. Art. 12b : Délais de traitement pour le rapport d'impact 1 Si l'EIE est effectuée par une autorité cantonale, le droit cantonal fixe le délai dont dispose le service spécialisé de la protection de l'environnement pour évaluer le rapport d'impact. 2 Si l'EIE est effectuée par une autorité fédérale, l'OFEV évalue le rapport d'impact dans un délai de cinq mois. Il dispose de deux mois au minimum pour se prononcer après réception de l'avis cantonal. 3 S'il s'agit d'un projet pour lequel l'annexe prévoit que l'OFEV doit être consulté, celui-ci dispose de deux mois pour évaluer si l'installation prévue est conforme aux prescriptions sur la protection de l'environnement. 58 Voir « Votation », p. 81 77 Enfin, l'autorité compétente a elle aussi besoin d'un délai pour préparer sa décision. En effet, préalablement à sa décision, elle doit examiner les autorisations précédentes et organiser si nécessaire des pourparlers de négociation. Les principaux acteurs de l'EIE Outre les parties prenantes « classiques » (autorité compétente, service spécialisé de l'environnement, maître d'ouvrage...), l'article 48 de la loi fédérale sur la procédure administrative précise que « les particuliers concernés et les organisations de protection de l'environnement habilitées à recourir » occupent une place essentielle dans toutes les phases des études des opérations d'infrastructures de transport. 1) Le Requérant C'est le maître d'ouvrage. Il a la charge de constituer le dossier de requête, lequel inclut l'enquête préliminaire et le cahier des charges, documents qu'il remet ensuite à l'Autorité compétente pour approbation de l'autorisation. Il doit également mettre à disposition du public les informations concernant le projet et ses impacts environnementaux et c'est également lui qui demande à un ou plusieurs bureaux spécialisés externes de réaliser les études environnementales du projet. 2) L'Autorité compétente C'est elle qui décide si la réalisation d'une EIE est ou non nécessaire, après l'étude de l'enquête préliminaire. C'est également elle qui dirige la procédure à distance : elle veille à ce que le service de la protection de l'environnement dispose de tous les documents dont elle peut avoir besoin et assure la coordination de leurs échanges avec le maître d'ouvrage. Elle peut également demander des études complémentaires. In fine, c'est elle qui délivre toutes les autorisations requises en vertu du droit fédéral, apprécie l'impact du projet sur l'environnement et en fonction, décide de la de la réalisation de ce dernier, ou non. 3) Services spécialisés de la protection de l'environnement Responsables d'une double mission de conseil et d'évaluation, les services spécialisés de la protection de l'environnement travaillent en lien étroit avec l'autorité compétente et le requérant. Ils peuvent apporter leur aide lors d'études environnementales particulières grâce à leurs connaissances des milieux et à leur grande base de données environnementales. Certain services spécialisés de la protection de l'environnement peuvent être décentralisés au niveau des cantons. Ces cantons désignent un service de coordination pour la protection de l'environnement qui permet de coordonner l'évaluation environnementale. Le rôle des services spécialisés de la protection de l'environnement est d'évaluer l'enquête préliminaire et le RIE dans le cadre de la procédure décisive. A chaque étape, le service spécialisé de la protection de l'environnement vérifie que le projet respecte bien la législation environnementale. Enfin, ils assurent également un rôle de police environnementale et peuvent exiger des explications complémentaires au requérant. Ils semblent plus intégrés et plus présents en continu dans la procédure que ne l'est notre « Autorité Environnementale ». 4) Public et droit de recours contentieux Toute personne, directement touchée par le projet ou non, a droit à une information transparente, dite « tempérée par la réserve du maintien du secret » : tous les documents peuvent être consultés, hormis ceux relevant d'intérêts privés ou publics. En revanche, le droit de s'opposer au projet ou de recourir est quant à lui 78 réservé aux parties directement impliquées et aux associations de protection de l'environnement habilitées à recourir. Un recours ne peut être formé que si l'organisme habilité a, au préalable, effectué une « opposition »59. L'EIE en détail Schéma de la procédure de l'EIE fédérale en détail. Source : Manuel de L'EIE, Directives de la Confédération sur l'étude d'impact sur l'environnement Réalisation personnelle. 59 Selon la LPE, loi de protection de l'environnement et la LPN, loi de protection de la nature et des paysages 79 Non détaillerons ici les étapes de l'EIE suisse qui nous ont paru utiles à la comparaison avec la France. Pour plus de détail, le lecteur pourra consulter le « Manuel de l'EIE. Directive de la Confédération sur l'étude d'impact sur l'environnement, OFEV 2009 », disponible en ligne. Préparation / Etude d'impact préalable: évaluation par le maître d'ouvrage des variantes et des solutions alternatives et détermination de la faisabilité du projet au regard du droit environnemental. Prise de contact avec des spécialistes de l'environnement. Les études d'impact préalables font partie du processus mais peuvent être relativement volatiles : elles prennent généralement la forme de rapports de travail circulant entre le maître d'ouvrage, l'autorité compétente et le public. Leur but est d'identifier très en amont les principaux impacts que pourra entraîner le projet et les moyens de les éviter. C'est souvent sur ces pré-études d'impact que se fonde la décision de procéder ou non à une EIE formalisée. Projet soumis à l'EIE ? : Le maître d'ouvrage se réfère à l'annexe de l'OEIE pour déterminer si son projet sera ou non soumis à l'EIE. S'il doute, c'est l'autorité compétente, en lien avec les services spécialisés de la protection de l'environnement qui auront le dernier mot. Les projets non soumis à l'EIE sont généralement ceux d'une valeur inférieure à 40 millions de francs suisses (soit 36 millions d'euros). De plus, il est tout de même nécessaire de réaliser une pré-étude d'impact expliquant en quoi les impacts du projet ne sont pas assez significatifs pour justifier d'une EIE et précisant les mesures standards prises pour éviter les impacts, mêmes minimes. L'étude d'impact préalable est un prérequis utile et obligatoire à la procédure 60. Respect du droit de l'environnement : Si un projet n'est pas soumis à l'EIE, il doit néanmoins respecter les prescriptions environnementales en vigueur (enquêtes sur les nuisances possibles et rédaction d'une « notice d'impact » pour les projets d'envergure). Enquête préliminaire : le maître d'ouvrage a l'obligation d'effectuer une enquête préliminaire pour déterminer l'impact global du projet sur l'environnement 61. Premier résultat de l'EIE, elle indique les principales questions, conditions et exigences du projet afin de limiter au stricte nécessaire la suite des études environnementales. L'autorité compétente rend un avis sur cette enquête, ce qui permet d'emblée au requérant de disposer d'une position officielle des autorités sur le projet et ainsi de pouvoir opérer une planification sécurisée de la plupart des retards liés aux études. Enquête préliminaire ayant valeur de RIE : pour les petits projets, l'enquête préliminaire est souvent suffisante pour évaluer tous les problèmes du projet sur l'environnement et est alors considérée comme ayant valeur de RIE. Enquête préliminaire avec cahier des charges : pour tous les autres projets, et notamment ceux d'importance, le requérant doit effectuer une démarche par étape, dont les investigations sont fixées dans le temps et l'espace. Les étapes de l'EIE sont décrites dans l'enquête préliminaire avec cahier des charges des études environnementales à réaliser. En clair, le cahier des charges désigne les études environnementales à réaliser et fixe le cadre spatial et temporel de ces investigations : selon l'ampleur et la complexité du projet, la durée et les détails nécessaires à l'élaboration du RIE seront très variables. Etudes environnementales : Après les avis des services spécialisés cantonaux et fédéraux, ainsi que celui de l'autorité compétente, le maître d'ouvrage peut procéder à la suite des évaluations environnementales, sur la base d'un cahier des charges éventuellement retouché. A partir de ce moment et jusqu'à la remise du RIE aux autorités compétentes, la procédure doit généralement être bouclée dans les 6 mois. 60 Cf « Préparation » : le requérant peut dès ce stade s'entourer de tous les acteurs qu'il juge nécessaire à sa bonne évaluation des impacts les plus significatifs du projet. 61 Office Fédéral de l'Environnement (OFEV), art. 8 et art. 10, OEIE 80 RIE : le rapport d'impact environnemental consigne les résultats des études et les mesures requises pour la protection de l'environnement. Le RIE et les autres documents du dossier d'enquête sont envoyés à l'autorité compétente et à l'OFEV (Office fédéral de l'Environnement) pour vérification de la complétude du dossier. L'autorité compétente peut encore demander au requérant de compléter le dossier et s'assure d'autre part que le public a accès au dossier. Oppositions éventuelles et séances de conciliation : A ce stade, les organisations habilités et les particuliers peuvent manifester leur opposition au projet auprès de l'Autorité compétente. A ce titre, des séances de conciliation peuvent être organisées, séances qui seront appuyées par le soutien technique de l'OFEV. Evaluation du RIE par le canton puis par l'OFEV : D'abord c'est le service cantonale de la protection de l'environnement qui donne son avis sur le RIE, puis, le dossier est envoyé à l'OFEV qui aura 5 mois à partir de la réception du dossier pour l'évaluer. L'OFEV peut à son tour demander des enquêtes supplémentaires s'il estime que le dossier est lacunaire. Enfin, il formule des charges et conditions pour la protection de l'environnement et donne son avis sur le projet. Décision : En se fondant sur l'avis cantonal et sur celui de l'OFEV, l'autorité compétente prend la décision finale et apprécie l'impact du projet sur l'environnement. Recours : Un recours auprès du tribunal fédéral administratif contre la décision de l'autorité compétente peut être formé par les parties prenantes habilitées. En conclusion, rappelons qu'il n'existe pas de consensus types pour chacune des étapes de l'EIE car celles-ci seront différentes selon les types d'installations et d'infrastructures. Chaque infrastructure bénéficie d'un traitement particulier qui définit, étape par étape, le degré de précision devant être fourni par l'EIE. 3- Concertation, votation et décision Concertation Comme en France, c'est le maître d'ouvrage qui est chargé d'organiser la concertation. Pour ce faire, il peut demander l'avis des offices fédéraux ou cantonaux de l'environnement quant aux acteurs à intégrer à cette concertation. Lorsque c'est le cas, l'office délègue le plus souvent la concertation à un « répondant », adjuvant au maître d'ouvrage pendant toutes les phases d'élaboration concertée des projets. La concertation est une plateforme d'échanges dont les acteurs varient selon les projets : citoyens, riverains touchés par le projet, autorités cantonales, ONG, offices fédéraux si le projet tombe sous leur responsabilité62, et parfois même représentants du Conseil d'Etat. La participation du grand public et des riverains s'organisent généralement autour d'ateliers régionaux, réunissant jusqu'à 200 personnes volontaires. Les conclusions de ces ateliers sont ensuite envoyées aux pouvoirs locaux et libres de consultation. Ces ateliers peuvent également donner lieu à des travaux académiques et publications de retour d'expérience, qui pourront faciliter les décisions de projets ultérieurs. Nullement obligatoires, ces ateliers seront suivis de manière plus ou moins intensive selon le degré de contestation qu'aura engendré le projet. A l'image des procédures d'évaluation environnementale, la concertation transalpine reste menée de manière très informelle et est d'autre part beaucoup moins utilisée comme faire valoir d'oppositions catégoriques ou d'oppositions de principe qu'en France. 62 A noter que les offices fédéraux ont la possibilité d'assister aux phases d'élaboration concertée d'un projet cantonal en tant que simple observateur afin de conseiller le maître d'ouvrage ou de collecter des informations. 81 A contrario, le recours aux spécialistes de l'environnement s'effectuera de manière beaucoup plus systématique63. Votation Pratique emblématique de nos voisins helvètes, la votation peut servir à entériner quasi complétement un projet, ou au contraire, à l'annuler totalement. Liées aux financements des projets les plus conséquents, elles peuvent avoir lieu à l'issue d'une EIE et se substituer à la décision de l'autorité compétente de réaliser ou non le projet. Le recours à la votation est le plus souvent décidé après le processus d'EIE, lorsque le projet nécessite de débloquer un crédit particulier : la population est alors consultée quant à l'acceptation d'un « schéma de financement ». Cette pratique peut marquer le début d'un processus plus « mou » : techniquement solide, le projet doit alors convaincre la population. Cette votation populaire peut avoir l'avantage de débloquer beaucoup de verrous voir d'accélérer la mise en service d'un projet ; l'opportunité et a fortiori l'existence concrète du projet ne pouvant plus être contestées. La conduite du projet des « Nouvelles lignes ferroviaires transversales alpines » (NLFA) pourrait servir d'exemple à ce postulat : Les nouvelles lignes ferroviaires alpines (NLFA) se composent de deux nouveaux tunnels de base à travers les Alpes suisses ­ le tunnel du Lötschberg (34,6 km de longueur) et celui du Gothard (57 km) ­ et d'un aménagement des lignes d'accès. A l'origine de ce projet : une initiative populaire de 1994 et la volonté de transférer le transport de marchandises de la route vers le rail. Ce projet nécessitait des investissements colossaux d'une hauteur de 15 milliards de Francs suisses. Portés par une forte volonté populaire et politique, le tunnel de Lötschberg a pu être ouvert en 2007, seulement 13 ans après son « idée ». Mais l'initiative populaire que représente la votation peut également sonner le retard voir le glas d'un projet d'équipement. C'est ce qu'il s'est passé à Neufchâtel en 2012 pour le projet de RER « Transrun », enterré à plus de 50% par les Neuchâtelois. Le Transrun, projet de ligne ferroviaire directe entre Neuchâtel et La Chaux-deFonds visant à réunir les trois villes du canton ­ Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds et le Locle ­ en une seule agglomération de plus de 120 000 habitants appelait une facture de 850 millions de francs suisses jugée trop élevée par rapport à l'utilité du projet et à l'état des finances du canton cette même année. Et ce, malgré les promesses d'aides fédérales et le large soutien du gouvernement neuchâtelois des villes de Neuchâtel, de la Chaux-de-Fonds et du Locle, ainsi que de tous les principaux partis politiques, à l'exception de l'UDC 64. Le projet, qui aurait signifié à terme l'abandon d'une ligne ferroviaire en bon état et de la desserte de six gares, n'a pas su convaincre la population et ce malgré le déroulement sans histoire des études techniques et environnementales. 4- Associations de défense de l'environnement, OFEV et information Le système d'identification et d'évaluation des impacts environnementaux est extrêmement poreux entre le maître d'ouvrage et les spécialistes de l'environnement, notamment les associations. Pro Natura, WWF Suisse et Environnement Suisse pour les plus importantes, sont très souvent mobilisées par les requérants pour leurs expertises sur le terrain et leurs bases d'informations concernant les espèces protégées, les corridors écologiques et les inventaires floristiques et faunistiques. Elles sont généralement sollicitées dès l'étape de l'étude d'impact préalable, alors que le projet et son tracé ne sont défini que très globalement. Ces pré-consultations permettent de cibler le plus rapidement possible les projets qui auront besoin d'une attention plus poussée. A une étape du projet plus avancée, lorsque les variantes sont étudiées plus précisément, ce partenariat permet d'aider les porteurs de projet à sélectionner la trame la plus viable selon la méthode « Eviter, Réduire, Compenser » tout en bénéficiant de l'accord informel des acteurs de la protection de l'environnement. Ainsi, cette démarche permet de réduire drastiquement les motifs de recours contentieux pouvant arriver par la suite à l'initiative des associations de défense de l'environnement. 63 64 Voir point suivant « Associations de défense de l'environnement, OFEV et information » Union Démocratique du Centre 82 Les ONG, financées la plupart du temps par des fonds fédéraux et les donations de leurs membres, sont motrices pour l'apport et la diffusion d'informations : facile d'accès pour le maître d'ouvrage, elles fournissent des prestations gratuites et complètent les informations transmises au requérant par les offices fédéraux et cantonaux de l'environnement. De fait, les ONG et les autorités compétentes en matière d'environnement possèdent le plus souvent des cadastres faune et flore complémentaires permettant une optimisation des données par leur recoupement. Les associations et l'office fédéral de l'environnement publient régulièrement des études ou des rapports rassemblant les données environnementales soit par thèmes (forêts, biodiversité, etc.), soit par cadastres. A revers, les associations nationales de défense de l'environnement s'occupent également de communiquer aux riverains les dangers qu'elles ont identifiés si elles ne se sentent pas assez écoutées par le maître d'ouvrage. 5- Conclusions : les avantages d'une comparaison approfondie La Suisse est dotée d'un système de planification et d'évaluation des projets d'infrastructures de transport tout à fait original et unique. Caractère informel de la procédure, engendrant une forme de souplesse à tous les niveaux, Une EIE affinée avec enquête préliminaire et cahier des charges, pour des délais d'étude ramassés (6 mois) Elaboration des projets avec l'intégration précoce des spécialistes de l'environnement (organismes gouvernementaux et non gouvernementaux), la majorité des informations utiles à l'évaluation environnementale des projets étant aux mains des associations protectrices de l'environnement. Déblocage politique et financier des projets grâce à la votation populaire. - 83 IV- PISTES DE SOLUTIONS ET PRECONISATIONS Les Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l'Environnement 65 ont révélé des attentes partagées par la plupart des 800 contributeurs : rendre le droit de l'environnement plus lisible, plus clair, plus compréhensible, proportionner les exigences du droit aux enjeux environnementaux et disposer de règles stables et prévisibles. Parmi les contributeurs, les porteurs de projets ont exprimé les souhaits suivants : la création d'un guichet unique, la mise en place d'un permis environnemental et d'une autorisation unique afin d'éviter les procédures multiples. L'absence d'approche intégrée engendre des délais et une charge de travail supplémentaires, tant pour les porteurs de projets que pour les services qui les instruisent, ainsi qu'un risque d'incohérence. Elle est aussi source d'incompréhension et de confusion pour le public, qui perçoit moins l'utilité de sa contribution. Le premier axe de réforme pourrait consister en la mise en oeuvre d'un permis unique par étapes, avec par exemple la création d'un guichet unique, avec un référent unique au sein de l'administration destiné à accompagner les porteurs de projets, puis la fusion des autorisations délivrées au titre du code de l'environnement. La création d'un tel permis environnemental nécessiterait toutefois des réflexions plus avancées sur la mutualisation des études d'impacts et l'harmonisation des délais de délivrance et de validité des autorisations ou encore celle des voies de recours. Le permis unique est envisagé comme l'ultime étape. Il regrouperait l'ensemble des autorisations relevant des législations sur l'environnement, l'urbanisme et l'agriculture. D'autres pistes ont été envisagées lors de ces Etats généraux : la dématérialisation des procédures, qui serait source de réduction des délais et des coûts d'instruction des dossiers, l'étude d'une procédure d'autorisation tacite en l'absence de réponse de l'administration dans les délais, ainsi que la réduction globale des délais de traitement des dossiers. De nombreuses critiques ont porté sur les études environnementales, jugées trop nombreuses et redondantes. Pour un même projet, peuvent être nécessaires une étude d'impact, une évaluation de son incidence au titre des espaces Natura 2000, une étude au regard de la loi sur l'eau, une autre sur l'état de conservation des espèces protégées... La réflexion sur la mutualisation de ces études est très attendue. En conséquence, il semble que la modernisation des processus d'évaluation environnementale doit passer par : D'un point de vue global par : la recherche d'un progrès et non d'un recul en matière de droit de l'environnement, le souhait d'une plus forte proportionnalité des contraintes procédurales aux enjeux environnementaux et enfin la volonté d'une plus grande efficacité et effectivité du droit de l'environnement66, La rédaction de dispositions législatives et réglementaires claires et non redondantes dans leurs objectifs, Une « solidification » des bases du projet et de son acceptation, La réduction des motifs de contentieux, Une plus grande stabilité de la norme et des projets eux-mêmes, - 65 Source : Audition devant la commission du développement durable du Sénat, le 17 juillet 2013, de Delphine Hedary, présidente du comité de pilotage des États généraux de la modernisation du droit de l'environnement, et de Claude Chardonnet, membre du comité de pilotage. http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20130715/devdur.html 66 Principes retenus par le conseil des ministres du 17 juillet 2013 suite à cette première phase des EGMDE : http://www.elysee.fr/conseils-des-ministres/article/compte-rendu-du-conseil-des-ministres-du-17-juillet-201/ 84 - Une simplification des procédures et des intervenants, à l'aide d'un régime harmonisé des actes par exemple, La clarification du niveau d'exigence de protection souhaitée, La production d'un document réunissant les retours d'expériences sur les mesures de réduction et de compensation par type de cas, à destination des maîtres d'ouvrages et des services instructeurs, Un plus grand investissement français dans les négociations des textes européens et l'anticipation de la réflexion sur la transposition des normes en droit national. - - Cette clarification mérite également de revoir l'approche des textes communautaires, souvent généraux dans leurs contenus et prescrivant des objectifs d'amélioration environnementale impliquant des évaluations scientifiques poussées et des mesures de gouvernance lourdes. Les recommandations qui suivent sont issues des entretiens réalisés dans le cadre de l'étude. Elles sont de nature variée : appel à des évolutions réglementaires, à des améliorations méthodologiques, à des changements de comportement...Elles ont vocation à être débattues. A- MUTUALISATION ET REGROUPEMENT : ETUDE DE LA FUSION DES PROCEDURES, DE LA MUTUALISATION DES ETUDES D'IMPACT ET DU REGROUPEMENT DES AUTORISATIONS ENVIRONNEMENTALES POST DUP/DP 1- Regroupement des procédures post-DUP/DP? La déclaration d'utilité publique constitue aujourd'hui un pivot mais aussi un facteur de rigidité compromettant pour les capacités d'adaptation des projets issus de l'enquête d'utilité publique. De fait, on ne soumet à l'enquête d'utilité publique qu'un projet abouti, et il n'est pas susceptible, ou peu, d'être modifié à l'issue de la procédure. Les marges d'adaptabilité d'un projet sont extrêmement faibles après la DUP : si celui-ci bouge de façon significative après cette étape, il est susceptible d'entrer dans le champ de la « modification substantielle » qui induit la reconduite d'une enquête publique ainsi qu'un nouveau passage à l'AE. Le projet est donc figé, ce qui va poser problème si, les études qui suivent (loi sur l'eau et espèces protégées notamment) au moins aussi importantes que les précédentes, entrainent une modification substantielle du projet. La rigidité introduite au niveau de la DUP fragilise les procédures et oblige à la négociation pas à pas. Cette pratique favorise les mesures de compensation par exemple, plutôt que la viabilité d'un projet sur le long terme. A noter également que les recours sur les procédures post DUP, relevant du plein contentieux, sont plus importants parce que plus aisés à enclencher. En 1976, la loi Bouchardeau regroupait les enquêtes publiques et la DUP. Est-il possible, aujourd'hui, de faire la même chose avec la loi sur l'eau par exemple, et les procédures post-DUP, désormais presque autant attaquées que la DUP elle-même ? Cela permettrait de fusionner les procédures et d'aller dans le sens d'un enrichissement de l'étude d'impact grâce aux précisions concernant la biodiversité et la loi sur l'eau. Cela permettrait d'autre part un vrai point de rendez-vous ainsi que l'assouplissement de la DUP. A noter qu'il ne faut pas que ce « regroupement » devienne un moyen d'échapper à certaines procédures nécessaires à la protection de l'environnement. D'où une attention plus poussée quant au bilan des procédures. Ces différentes simplifications et regroupements doivent induire une plus grande vigilance : vigilance qui pourrait être garantie par la concertation permanente ou par une autorité administrative qui verrait son rôle transformé. 2- Vers une procédure unique, sanctionnée par un « permis environnemental » unique ? La mise en place d'un permis environnemental unique reste encore une proposition hautement hypothétique, voire contestée ; l'étude de son possible fonctionnement est un sujet d'actualité et de débat, notamment au sein 85 des Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l'Environnement. Ainsi, les propositions ci-après restent largement ouvertes à la discussion. Le permis unique Morcellement, faiblesses, lourdeur sont les difficultés du système actuel. Afin de s'assurer que les impacts des projets soient les plus limités possibles à travers la démarche Eviter, Réduire, Compenser, les procédures du code de l'environnement se sont démultipliées : on compte aujourd'hui une vingtaine de régimes administratifs ayant pour but d'encadrer des décisions individuelles dont chacune dépend d'une autorité compétente différente, mais aussi de délais d'instruction propres, de modalités de publicité, de consultations obligatoires, d'information du public, de délais et de voies de recours différents. La démarche, très peu intégrée, peut provoquer un risque d'incohérence dans la séquence d'application de la démarche ERC 67, et une recrudescence des délais et des charges de travail pour les porteurs de projets et les services instructeurs, entraînant par la même occasion des incompréhensions de la part de tous les acteurs et du public et augmentant les motifs de contentieux. A noter que la recherche d'intégration peut néanmoins s'accompagner de délais d'instructions importants, ce qui doit rester un point de vigilance important. C'est notamment ce que montre le retour d'expérience de l'autorisation « installations classées », visant à intégrer l'ensemble des impacts sanitaires et environnementaux ainsi que les prescriptions de sécurité associées à ces installations. Dans ce contexte, et dans une logique de simplification et de modernisation, a été étudiée la possibilité de mettre en place un « permis environnemental » unique qui signerait la naissance d'un processus intégré destiné à unifier les autorisations environnementales existantes de manière à traiter l'ensemble des problématiques relevant du code de l'environnement et les prescriptions des mesures ERC au sein d'un acte unique. Il s'agirait alors de créer une nomenclature unique reprenant les libellés existants : nomenclature ICPE, loi sur l'eau, habitats, afin : de traiter de façon plus satisfaisante les projets d'élaboration de longue haleine, de regrouper au sein d'une procédure unique l'ensemble de l'analyse environnementale du projet, et d'améliorer la mise en place des mesures d'évitement, de réduction et de compensation. Cette procédure doit être simplificatrice à la fois en termes de réalisation des dossiers que d'instruction de ces dossiers : une méthode efficace pour « mesurer » cette simplification, serait par exemple le délai global estimé pour réaliser ces dossiers et les instruire. D'autre part, cette procédure doit intervenir pour les autorisations postérieures à la DUP, sans englober cette dernière et pour les projets de faible ampleur uniquement, tant du point de vue spatial que temporel. La procédure unique devra donc être une possibilité, et non une obligation. Elle devra également prendre en compte les particularités liées aux projets de grande ampleur, comme celle de leur DUP notamment. De fait, pour ces projets, il importe d'obtenir la DUP très en amont des autorisations préalables au lancement des travaux pour être à même de maîtriser les emprises foncières comme les procédures d'acquisition, d'aménagement foncier ou d'archéologie se déroulant sur des périodes longues, généralement de trois à cinq ans. Il s'agira également de mutualiser les autorisations : la réalisation d'un projet ne nécessitera plus qu'un seul permis environnemental entérinant un acte unique afin d'unifier la procédure post-DUP. Mais cette procédure, qui doit permettre de gérer les évolutions d'un projet simplement, doit prévoir la divisibilité des autorisations issues de cette procédure unique pour éviter la perte de « toutes les autorisations » en cas d'annulation de la décision. Par conséquent, si un projet évolue à la marge et nécessite pour cela l'obtention d'une autorisation spécifique sur une thématique particulière (défrichement par exemple), la procédure « unique » devra permettre l'obtention de l'autorisation sur cette adaptation mineure sur la base d'un dossier traitant uniquement de l'enjeu en question. 67 Source : DGITM 86 L'idée générale est d'essayer de créer un processus décisionnel au titre de l'environnement en fonction de l'avancement des études du maître d'ouvrage, le but étant de donner plus de visibilité, en amont, au maître d'ouvrage. Le permis environnemental serait en fait un support qui permettrait une approche plus intégrée de l'environnement. Proposition68 La fusion des procédures post-DUP/DP contribuerait à la simplification et à l'efficience de la règle de droit en harmonisant le contenu et la nature des actes préparatoires aux autorisations (étude d'impact, document d'incidence) et la fusion des autorisations homogénéiserait leur durée de validité. Il conviendra de s'assurer, au concret, que ces fusions simplifient bien les tâches des maîtres d'ouvrage, permettent un gain de temps et d'efficacité dans l'instruction et le contrôle par les services de l'Etat, en même temps qu'elles demeurent compatibles avec les nécessaires progressivités et adaptabilité des projets d'infrastructures de transport. L'autorisation unique devrait être divisible pour permettre d'éventuelles modifications ultérieures seulement sur une partie de son objet, et pour en permettre le cas échéant une annulation partielle. Ces procédures fusionnées permettraient à une opération de pouvoir être contestée sur des mesures qui font l'objet de l'autorisation en question, mais plus sur les caractéristiques du projet légalement décidées à l'issue de la DUP/DP (dans un objectif de sécurisation des décisions prises lors des phases successives d'avancement du projet). 3- Risques et alternatives Rappelons au préalable que la proposition de permis unique n'en est qu'à son premier galop d'essai et ne fait pas l'unanimité chez tous les acteurs. Premier point de vigilance: les études, si on les raccourcit, doivent rester suffisamment précises pour pouvoir être assez complètes afin de permettre leur autorisation. Une deuxième difficulté apparaît dès lors que l'on traduit cette mesure de regroupement en termes d'autorisations : regrouper c'est en effet moins matérialiser les différentes étapes par des autorisations afin d'augmenter la capacité d'adaptation du projet. Donc, avoir une seule procédure sans décisions intermédiaires, qui sanctionne les différentes étapes, cela pourra signifier la transformation des compétences des différentes autorités à plusieurs niveaux de décision (ministre, préfet de région, préfet de département, etc.). Le regroupement des procédures s'accompagnera-t-il d'un regroupement des autorités ? Si cela est possible et souhaitable, quelles autorités seront susceptibles d'être regroupées ? D'autres difficultés appellent à rester vigilent quant aux modalités d'application de la procédure unique. Reste notamment le problème de l'articulation de la DUP/DP avec cette autorisation unique. De fait, la DUP est soumise à étude d'impact et description de la démarche ERC. L'idée serait également de faire porter une étude d'impact sur la procédure unifiée. Or cette articulation reste floue. Une certaine clarté pourra être trouvée dès lors que le travail de transformation du processus en termes juridiques aura eu lieu. Enfin, la procédure du permis unique telle que présentée précédemment semble être plus adaptée aux « petits » projets. En effet, un projet dit « simple » est souvent soumis à plusieurs autorisations dans un temps proche voire simultanément, et c'est dans ce cas que la procédure de permis unique pourra être la plus efficiente et permettre le maximum de gain de temps et de simplicité. Mais, pour les infrastructures de transport cumulant élaboration complexe et étalement dans la durée (comme les grandes infrastructures linéaires), d'autres solutions semblent leur être plus adaptées. 4- Favoriser les échanges informels entre l'administration et les porteurs de projets ? 68 Source : MEDDE 87 Le guichet unique, une alternative au permis unique pour les projets complexes Si la mise en place d'une procédure unique ne peut être réalisée, il conviendrait peut-être de rechercher une amélioration des relations entre l'administration et les porteurs de projets. Amélioration qui pourrait être assurée aux porteurs de projet par l'existence d'un « guichet unique » et d'un interlocuteur désigné assurant le suivi de leur projet pour l'ensemble des procédures. Les premières réflexions sur le permis unique tendent à favoriser cette seconde approche. De fait, cette autre approche est que l'on peut simplifier sans forcément toucher aux procédures, en procédant à un regroupement des dossiers ou encore à un guichet unique. Pour la mise en place d'un guichet unique, il faudra d'abord que se mettent en compatibilité les différents services informatiques des différents services instructeurs. L'objectif étant de permettre, à terme, le dépôt dématérialisé d'un seul dossier par projet, quel que soit le nombre d'autorisations requises, regroupant l'ensemble des informations communes aux besoins d'instruction des dossiers (comme les besoins des volets hydrauliques, faunistiques, forestiers, sur la qualité de l'air...) à un niveau de détail approprié. Pour les projets d'infrastructures linéaires, et compte tenu de leurs nombreux enjeux et de leur temporalité qui s'inscrit en général sur plusieurs décennies, rechercher cette mutualisation des procédures doit être appuyé par l'assurance d'une meilleure stabilité du droit de l'environnement et des pratiques correspondantes. A ce titre, le droit de l'environnement pourrait intégrer un effet de cliquet permettant à une opération de ne pouvoir être contestée que sur ses mesures d'accompagnement mais pas sur son principe même. Il a été proposé, à ce titre, la possibilité de purger de recours les vices de formes et de procédures, des procédures Post-DUP, via une procédure en référé. La procédure en référé d'urgence par exemple, permettra de savoir rapidement si l'acte est valable au titre de sa forme et de sa procédure. Les Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l'Environnement proposent quant à eux : « d'étudier les moyens de limiter le risque contentieux dans le procès administratif sans remettre en cause l'accès au juge, en particulier par l'ouverture d'une possibilité de saisir le juge afin qu'il statue sur la régularité d'une procédure et puisse, à un stade précoce de celle-ci, prescrire les mesures propres à remédier à ses irrégularités. » Cette mesure pourra être envisagée à raison de compromis, comme celui de la remontée en amont des dispositifs de concertation. Deux stratégies peuvent en effet être envisagées : la première consiste, comme nous venons de l'évoquer, à diminuer les possibilités de recours, et la seconde, à réduire les motifs de recours. - Améliorer l'appropriation du contenu des Etudes d'Impact Mutualiser les Etudes d'impact Aujourd'hui, les grands projets d'équipement sont soumis à une multitude d'autorisations à caractère environnemental qui nécessitent pour presque chacune, une étude d'impact. L'impression du maître d'ouvrage est qu'il doit incessamment produire des études d'impact, à tous les stades d'avancée du projet, sur chaque procédure, avec des cahiers des charges différents, etc. Il est alors dur de s'y retrouver pour le maître d'ouvrage et dur de trouver une réelle utilité à cette charge de travail. Dans le cadre des Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l'Environnement, une attente très forte est celle de la mutualisation des études, notamment des études d'impacts avant la DUP. Selon certain maîtres d'ouvrage, la multiplication des études d'impacts demandées au titre de différentes procédures et à différents stade d'élaboration du projet, est une source de complication dans l'avancement des projets en premier lieu du fait des difficultés de compréhension de ce qui est attendu du maître d'ouvrage aux différentes étapes de l'avancement. Il est nécessaire d'explorer comment peuvent être mutualisées ces études d'impact, de mieux comprendre le niveau de finesse attendu aux différentes étapes et selon les procédures. Rattachée à l'enjeu de 88 la procédure unique, la conduite de l'élaboration du projet peut être améliorée et rendue plus lisible par la mutualisation de ces études. - Une demande d'amélioration de l'approche méthodologique Sur la base d'une documentation plus précise, une nette demande a été faite d'augmenter les échanges informels entre le maître d'ouvrage et l'administration. Il faut notamment que ceux-ci soient sur la même longueur d'onde quant aux niveaux de précisions à atteindre dans l'étude d'impact. En conséquence, cela appelle trois évolutions : L'augmentation des échanges informels entre le maître d'ouvrage et l'administration via un guichet unique par exemple, dont un des objectifs serait de préciser le contenu des études d'impact, pour une meilleure application du principe de proportionnalité, La précision des démarches et des seuils du cas par cas, surtout en ce qui concerne les petits projets, car les maîtres d'ouvrages se retrouvent souvent dans le flou quant au sens à donner aux critères du cas par cas (une route de chantier est-elle une route de moins de 3 km et donc doit-elle être soumise à la procédure de cas par cas ?), Et l'utilisation plus poussée de cahiers méthodologiques, ou de documents synthétisants les retours d'expériences des mises en application concrètes et par projet, de la démarche Eviter, Réduire, Compenser. Ce dernier point pose néanmoins la question de la réalisation concrète de cette « jurisprudence des pratiques administratives dans le cadre des procédures d'évaluation environnementale ». Préciser au maximum le contenu de l'étude d'impact permettrait, entre autre, à l'administration de ne pas être dépassée par l'ampleur de certaines études d'impacts, certains projets pouvant engendrer des documents allant jusqu'à 3000 pages, impossibles à instruire dans les délais impartis. Il est intéressant de noter à ce stade que la pratique de nos voisins néerlandais et suisses pourrait s'avérer intéressante. En effet, ces derniers procèdent en deux temps : tout d'abord les projets d'infrastructures sont soumis à une première étude d'impact générale (Evaluation Environnementale Stratégique aux Pays-Bas et Etude d'impact préliminaire en Suisse) dont les résultats seront par la suite utilisés pour détailler le contenu de l'étude d'impact principal69. 5- Solidifier les bases scientifiques d'un projet grâce au regroupement et au partage de l'information environnementale des territoires entre associations et maîtres d'ouvrage afin de favoriser les mesures d'évitement dès l'amont du projet ? Dans la lignée d'un renforcement du dialogue informel entre le maître d'ouvrage et les autres parties prenantes d'un projet, France Nature Environnement a proposé la création d' « Atlas communaux » : fonds scientifiques, géographiques, cartographiques et de définitions par territoire, alimentés et actualisés par des experts nationaux et locaux ainsi que par les associations elles-mêmes. Ces inventaires des territoires et de la Nature permettront en amont au maître d'ouvrage une meilleure collecte de ces informations qui ne sont actuellement ni homogènes, ni regroupées, ni actualisées et partant ralentissent le travail de ce dernier. L'objectif de ces atlas est en priorité de favoriser au maximum les mesures d'évitement (par rapport à celles de réduction et plus encore à celles de compensation), car l'évitement est encore la solution la plus viable en termes d'environnement et la moins chère pour les porteurs de projet. 69 Voir III 89 Plusieurs exemples récents, notamment celui de la LGV POCL (Paris-Orléans-Clermont-Lyon) ont montrés que, plus il y a d'échanges informels avec les associations en amont, plus celles-ci sont en mesure d'aider le maître d'ouvrage à mutualiser toutes les informations nécessaires quant aux caractéristiques des territoires et à la biodiversité qui les constitue. Ainsi, le maître d'ouvrage qui pourra bénéficier d'une vue d'ensemble des besoins sur le ou les territoires de son projet sera moins enclin, par exemple, à découvrir plus tard une espèce protégées dont il n'avait pas la connaissance. En dialoguant sur ces informations avec les associations locales ou nationales, il renforcera d'autre part la sécurité juridique de son projet et pourra réduire les risques de contentieux avec ces mêmes associations. Un accès facilité à l'information scientifique sur les territoires permet donc de renforcer la sécurité des projets. Plusieurs questions demeurent, comme celle du financement de ces Atlas communaux, ou encore celle de leur durée de vie. A minima, il semble qu'il faille encourager la mutualisation de ces documents d'information via leur mise en ligne. Ce qui permettrait également de pouvoir les actualiser plus facilement et ainsi éviter à terme l'obsolescence des données. Notre proposition : Encourager les recueils d'information pour favoriser les mesures d'évitement en amont. Favoriser la mise en ligne des informations existantes pour un accès plus simple des maîtres d'ouvrage aux documents. Favoriser au maximum les échanges informels entre les acteurs associatifs et les maîtres d'ouvrage, afin de sécuriser les bases d'un projet et de permettre à l'information concernant les territoires et la biodiversité de circuler de manière la plus fluide possible. 6- Alléger le travail des services instructeurs en développant la pratique des autorisations tacites en l'absence de réponse de l'administration dans un certain délai ? La conception des dossiers est rendue complexe par le niveau de précisions des études à fournir pour obtenir les autorisations nécessaires, ce qui se répercute sur les procédures d'instruction, lesquelles sont alors longues et nécessitent des allers-retours nombreux avec les services instructeurs. Afin de réduire autant que faire se peut les délais d'instruction des dossiers et de faciliter la tâche des administrations, il pourrait être avantageux de développer la pratique des autorisations tacites en l'absence de réponse de l'administration dans un certain délai. Actuellement le processus est, à quelques exceptions près, en général inversé. Une étude à ce sujet est analysée au Conseil d'Etat au moment de la rédaction de ce rapport d'étude. Dans le cas d'une autorisation unique, amalgamant toutes les autres, il serait nécessaire d'inventer une procédure d'instruction autre que la somme de toutes les procédures d'instruction pour chacune des autorisations, sinon, les délais seraient particulièrement allongés. B- ELABORATION CONCERTEE DES PROJETS : FAVORISER LES ECHANGES ET LA CONCERTATION CONTINUS Deux pratiques quant à la concertation autour d'un projet semblent être à privilégier : D'une part, la concertation visant à renforcer les bases d'un projet, tant du point de vue de sa viabilité que de son opportunité Et d'autre part, la concertation permanente et sur le long terme. En effet, à l'ère du numérique, il est possible de militer pour : des forums où les divers points de vues seraient en mesure de s'exprimer et 90 un système de documentation en ligne accessible à la population mais surtout assez précis pour aider à la décision des maîtres d'ouvrages ainsi qu'à l'accessibilité des informations scientifiques pour les associations. Ce dernier pourra prendre la forme d'un fond scientifique, géographique, cartographique et de définitions alimenté par des experts nationaux et locaux. Il serait alors en mesure de permettre l'identification en amont des principales zones prioritaires de biodiversité, et ainsi aider aux meilleures stratégies de tracé des infrastructures. Ces « Atlas communaux » comme les nomme FNE, pourront jouer ce rôle de mutualisation des connaissances scientifiques de terrain. Il est donc préconisé de construire un dialogue permanent avec toutes les parties prenantes, via par exemple l'outil numérique ou la redéfinition des réunions publiques, plutôt que de borner la discussion à plusieurs concertations, qui peuvent paraître souvent biaisées : Du point de vue des aménageurs lorsque la discussion se veut technique et que la participation citoyenne semble être uniquement contestataire. Du point de vue du grand public et des associations, lorsque ces derniers ont l'impression de n'être associés à la concertation, qu'une fois les décisions prises. Pour autant il n'est pas conseillé de rendre obligatoire ce dialogue, qui devra toujours se trouver sous la responsabilité du maître d'ouvrage. Il s'agit néanmoins de tout faire pour renforcer certaines pratiques de concertation vertueuses qui ont fait leurs preuves70. En bref, on ne peut faire l'économie de l'élaboration concertée d'un projet. Mais il est utile de repenser la démarche si l'on souhaite mettre en place une évolution pérenne : pour faciliter les démarches de simplification et leur acceptation, il est nécessaire de renforcer les bases d'un projet. 1- Une généralisation de la concertation volontaire au moment des études préalables au Débat Public ? Plusieurs (FNE notamment) ont milité dans ce sens lors des entretiens. Ces études permettent de fournir les éléments d'éclairage utiles au débat. En particulier, elles identifient les scénarios fonctionnels et techniques, les évaluent au regard des objectifs de niveau de service ferroviaire ou routier et de performance environnementale, et produisent les premières fourchettes d'estimation des investissements. Cette phase est une étape fondamentale dans le processus d'évitement et de réduction des impacts, notamment pour les enjeux de conservation d'habitats et d'espèces et de préservation des continuités écologiques. Selon le maître d'ouvrage, cette phase peut être conduite avec ou sans les acteurs associatifs. Les expériences ont pourtant montré, et notamment celles réalisées entre RFF et FNE sur la ligne Paris-OrléansClermont-Lyon, qu'une étroite collaboration avec le secteur associatif dès ce stade était en mesure d'alimenter au mieux la connaissance du terrain et ainsi réaliser une première évaluation concertée des impacts et compensations les plus viables. L'idée est de pouvoir, dès lors que la CNDP décide de l'utilité d'un débat public et que le maître d'ouvrage commence à préparer un dossier de saisine, intégrer et associer les associations protectrices de l'environnement pour une meilleure connaissance du terrain. Pour autant, il ne s'agit ni de concurrencer le débat public, ni pour les associations de porter leurs désaccords et revendications sur le projet. Cette étape doit être un moment de décision concertée, où les acteurs associatifs amènent leurs connaissances et leurs savoirs locaux le plus en amont possible, ce qui doit permettre : De renforcer l'évaluation des enjeux environnementaux de la zone d'étude, 70 Source : RFF, entretien avec Jean Marc DZIEDZICKI, Responsable de l'unité Concertation et débat public, Direction des Relations Extérieures, de la Communication et de la Concertation. 91 - De prévenir les oppositions en aval, De mieux anticiper les démarches de compensations, De restaurer la confiance du public envers l'utilité du projet. Cette phase de concertation préalable pouvant être reléguée par les « têtes de réseaux locales » que constituent les antennes régionales de FNE par exemple. On peut ainsi espérer que les citoyens, informés, n'arriveraient plus au débat public en opposants systématiques. Les risques : Renforcer la procédure très en amont peut amener un degré d'exigence qui n'aurait pas sa place à un tel moment et ne serait pas en cohérence avec le stade de conception du projet. De fait, un pré-Débat Public qui viendrait concurrencer le Débat Public et qui remonterait progressivement vers l'amont les exigences de précisions appliquées à un projet, n'est pas à privilégier. L'objectif premier est ici d'utiliser le maximum des capacités du dispositif amont, sans pour autant l'alourdir. Quelles simplifications les études préalables au débat public concertées permettraient-elles de mettre en place par la suite ? 2- Quid de la participation du « grand public » ? Souvent critiquée, cette participation est néanmoins l'un des piliers du droit environnemental européen (Convention d'Aarhus du 25 juin 1998) et un droit garanti par la Constitution. Utile et désormais ancrée dans les moeurs, elle constitue l'essence du débat public. Ceci étant dit, il n'est pas politiquement incorrect d'examiner l'utilité des modalités de sa participation aux autres étapes de l'élaboration d'un projet. Pour les études de définition en amont, une concertation type « gouvernance à cinq » devrait être suffisante. Actuellement, le nombre d'étapes de sollicitation du public peut paraître énorme. En pratique, il est sollicité à chaque enquête publique : enquête publique de DUP, de loi sur l'eau, de défrichement, ICPE, parcellaire et réaménagement foncier, cette dernière pouvant englober à elle seule trois enquêtes publiques différentes. En l'espace de trois ou quatre ans, le public peut être sollicité sur 8 enquêtes publiques différentes, traitant de sujets généralement très techniques. Cette complexité est susceptible d'entraîner l'incompréhension puis le désintéressement progressif pour les enquêtes publiques, ce qui peut alors donner lieu plus tard à d'importantes contestations. Dans une phase post Débat Public, il est donc envisageable de continuer à faire vivre des formes de concertation où le grand public n'est pas entièrement associé, si et seulement si l'organisation d'un suivi est mis en place, afin de ne pas rendre obsolètes les accords pris pendant le Débat Public. Il est en outre primordial de conserver un flux d'information continu en faveur des citoyens (ce à quoi l'outil numérique peut largement contribuer) et de faire attention à conserver une forme de concertation et d'information importante lors des phases opérationnelles à l'approche des travaux et en phase travaux. Il faut donc privilégier un système de concertation sur le long terme et permanent plutôt que morcelé et suivant les différentes procédures. Un système d'information et d'écoute des revendications citoyennes parallèles pourrait permettre un véritable travail en temps masqué. 3- Compléter la réunion publique ? 92 Mode de concertation le plus répandu, la réunion publique signe la concertation. Le constat est toutefois que, dans un certain nombre de cas, le public présent n'est pas suffisant ou pas suffisamment impliqué, ce qui rend ces réunions publiques moins contributives pour le projet qu'elles ne devraient l'être. La réunion publique ne constitue donc pas l'alpha et l'oméga de la concertation, les formes de travail collectif sont à repenser, par exemple sous la forme d'ateliers (plus petits groupes) dans lesquels le maître d'ouvrage devrait veiller à la diversité et à la qualité des parties prenantes associées. Celles-ci doivent en effet être suffisamment motivées pour s'engager dans la durée. Moins la concertation est dilettante, moins le projet est susceptible de faire des bonds en arrière. Les parties prenantes associées à ces ateliers de travail doivent être les plus diversifiées possibles : représentants de l'Etat, des collectivités, du monde associatif de défense de l'environnement, d'usagers des transports, de défense des consommateurs, des agriculteurs, du monde économique et du monde des usages (chasseurs, pêcheurs, etc.). Le public plus large pourra lui aussi être associé à la procédure, selon des modalités qu'il reste à définir et en gardant à l'esprit que l'optique de l'exercice est de garder une taille raisonnable à ces groupes de travail pour garantir leur efficacité. Les qualités nécessaires pour une bonne concertation étant pour tous : diversité, volontariat, capacité à s'engager dans la durée. Après les avoir constitués, ces ateliers peuvent fonctionner par exemple, sur la base d'une démarche thématique. Car, face à la complexité des projets, cette approche peut faciliter l'appréhension des domaines tels que les milieux naturels, les paysages, la santé. Contenus et organisation de ces ateliers de travail pourront être ajustés à mesure que le projet avance. D'échelle plus réduite que l'actuelle réunion publique, cette approche sous forme d'ateliers de travail présente plusieurs avantages : Engagement sur la durée des parties prenantes, qui peuvent prendre toute la mesure de la complexité des choses et peuvent apprendre à se connaître entre elles, Travail global sur la démarche ERC. Les parties prenantes doivent être associées au travail d'entonnoir des procédures « éviter et réduire » si l'on veut espérer que les mesures de compensations soient élaborées collectivement, bien comprises et acceptées par la suite, A terme, amélioration de la définition et de l'acceptabilité d'un projet. - Ces ateliers posent toutefois la question de leur articulation avec les réunions publiques. Une possibilité serait de concevoir celles-ci comme des temps de synthèse et de discussion publique des travaux effectués en ateliers. Le maître d'ouvrage, mais aussi ses partenaires et les participants à ces ateliers s'y s'exprimeraient. A la clé d'une telle approche, la possibilité de sortir des logiques d'invective sommaire et la possibilité d'élaborer en commun des solutions aux problèmes et points de blocage identifiés. 4- Considérer les avantages du garant ? Avoir recours à un tiers est un facteur de progrès dans la qualité des échanges mais c'est également un gage de qualité dans le processus d'élaboration du projet pour les maîtres d'ouvrage en interne car le garant peut jouer un rôle d'aiguillon. La généralisation du garant serait un facteur de progrès pour le maître d'ouvrage sur toute la durée du processus d'élaboration concertée des projets. D'autre part, une concertation avec garant présente une économie de dépense par rapport au Débat Public, une meilleure gestion des délais et l'instauration d'un fil continu entre les différentes étapes d'un projet et les temps forts de la concertation. C- ANTICIPER LA TRANSPOSITION DES NORMES COMMUNAUTAIRES 93 Les manquements au droit environnemental européen (absence /retard de transposition et non-respect des directives) coûtent très chers en amendes, astreintes mais aussi en termes de sécurité juridique pour ses opérateurs internes. La France, si elle respecte le droit de l'environnement de l'Union Européenne, n'en est pas moins un de ces plus mauvais élèves (dans les 6 plus mauvais en 2012). Il faut par exemple rappeler que la France se trouve actuellement sous le joug : d'une condamnation pour non-respect de la Directive Nitrates, d'une autre condamnation pour non-respect de la Directive Habitats et d'un contentieux sur l'absence de transposition de la Directive Plans et Programmes. Pourtant, les conclusions du Rapport Lambert-Boulard rappelaient les dangers de la sur-transposition des normes européennes et le cas de la France en la matière : « En matière d'application, la France a tendance à en rajouter en sur-transposant aussi bien dans la mise en oeuvre des directives que dans les contrôles. » De fait, il est nécessaire de s'interroger sur la transcription de l'esprit des textes communautaires, la législation et la réglementation française pouvant aller au-delà des directives européennes, par soucis de prévention des contentieux en germe dans certaines directives. L'approche française quant aux processus de transposition peut parfois se traduire par des retards de transposition et/ou par des niveaux d'exigences démesurés par rapport aux outils et moyens réellement disponibles ; dans les deux cas, cette pratique est source de contentieux et ne place pas la France à son avantage pour les négociations utiles avec les parties concernées au niveau supranational. Il convient également d'observer que71 : - Le législateur peut parfois avoir des interprétations extensives du droit communautaire ou international, alors même que le texte supranational à transposer relève déjà d'une gageure ou fait déjà l'objet d'une menace contentieuse. - Il est souvent fait référence aux guides interprétatifs de la Commission européenne (qui pourtant sont publiés sans engager les Etats-membres), alors que ceux-ci mériteraient parfois un réel travail de transposition (dans le droit ou dans un guide méthodologique, selon le cas) pour être réellement applicables, s'il y a lieu. Enfin, en pratique, la transposition des règles communautaires mêle la transposition stricte et le droit national existant, ce qui conduit à une accumulation de contraintes, parfois très procédurières, sans réelle garantie de plus-value ou d'efficacité par rapport à la protection de l'environnement. Nous proposons donc d'admettre que l'application de tels principes puisse s'accommoder de l'ensemble des contraintes et enjeux en présence. Ainsi, cette application doit rester guidée par un souci de pragmatisme, compte tenu des exigences matérielles ou pratiques. Recommandation72 Les autorités françaises devraient s'investir davantage en amont dans les négociations des textes européens et anticiper la réflexion sur la transposition en droit national73. La pratique des institutions européennes n'offre que de courts délais de réaction aux parties prenantes, y compris lorsqu'elles sont chef de file et doivent mobiliser différents réseaux pour définir une position officielle. Le rythme irrégulier des travaux correspondants accentue la difficulté de partager dans la durée des enjeux tranversaux avec tous les acteurs concernés. S'investir davantage en amont implique donc également d'avoir 71 72 Source : CGDD Source : DGITM 73 Cf. démarche « Better Régulation » et « Regulatory fitness » 94 une vraie réflexion sur la façon d'associer efficacement les différents enjeux sectoriels concernés, avec l'anticipation qui convient, compte tenu du rythme prévisible des travaux communautaires. Le droit de l'environnement étant dans une très grande part d'origine communautaire, il importe de s'interroger sur la qualité des normes européennes et sur l'intensité du rôle que la France entend jouer pour y contribuer avec ses partenaires européens. Les autorités françaises devraient s'impliquer davantage dès les phases de négociation préalable des projets de textes européens en environnement-transport, intervenir auprès de la Commission européenne pour que soit renforcée la qualité des études d'impact, et se mettre en mesure d'apprécier plus rapidement les conditions d'application des futurs textes en droit interne, pour contribuer là encore à la simplification et à l'efficience de la règle de droit. Les mesures de transposition des directives, établies en prenant soin d'éviter tout risque juridique pour les projets qui serait lié au non-respect de ces directives, devraient également se garder de "sur-transposer", c'est à dire d'être plus strictes que ce que requiert la norme européenne. Enfin, après l'étude de plusieurs cas étrangers (et notamment de l'Allemagne et des Pays Bas), il semblerait que les volontés de simplification du droit environnemental ne soient pas une simple préoccupation nationale. Partant, il n'est pas incorrect de prôner également des simplifications au niveau supranational. D- GESTION DES MESURES COMPENSATOIRES Plusieurs propositions, à débattre, visent l'optimisation des mesures compensatoires : 1- Pouvoir compenser ailleurs qu'à proximité des espaces impactés ? La première difficulté d'un maitre d'ouvrage dans la réalisation des mesures compensatoires, qui interviennent après que les solutions d'évitement et de réduction ont été mises en oeuvre, réside dans l'identification des zones susceptibles de les accueillir favorablement et durablement. Or, la règlementation en vigueur impose que les mesures compensatoires soient « mises en oeuvre en priorité sur le site endommagé ou à proximité de celui-ci afin de garantir sa fonctionnalité de manière pérenne » (R.122-14 du code de l'environnement). Il faut en effet, a minima, que la compensation puisse produire ses effets en termes de « fonctionnalité » : par exemple, en loi sur l'eau, les compensations s'examinent d'abord au sein d'un même bassin versant pour des flux de pollution (rejets) ou le maintien d'une ligne d'eau (compensation de remblais en zone inondable). Cependant, cette obligation peut venir complexifier la recherche de ces zones de compensation. Par ailleurs, les zones à proximité des secteurs impactés ne sont pas toujours les plus appropriées pour recevoir la mesure et peuvent même souvent « mordre » sur d'autres espaces compensés. Loin d'être simplement une possibilité offerte au maitre d'ouvrage de faciliter la mise en oeuvre des mesures compensatoires, une compensation au-delà de la seule proximité peut aussi être la réponse adéquate à une meilleure réussite de la mesure elle-même. Par ailleurs, une appréciation globale de tout ou partie des impacts d'un projet, permettrait d'optimiser la réalisation de plusieurs mesures entre elles, mesures pouvant résulter d'un ou plusieurs projets. Ainsi, la somme d'impacts parfois faibles, voire très faibles, au regard de l'état de conservation locale, peut s'avérer conséquente et nécessiter une compensation. Dès lors, il conviendrait également d'envisager la possibilité d'une compensation globale de ces « petits » impacts, notamment, au regard d'espaces plus grands ou plus éloignés et appropriés au sein desquels la compensation sera plus facile et sans doute plus efficace. A savoir maintenant si cette mesure, pourra être viable en termes d'exigences de la biodiversité et acceptée par les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux de la protection environnementale. Le réseau Biodiversité de France Nature Environnement explique en effet que la proposition se heurte à la réalité biologique intangible des espèces et des milieux : la réalisation d'aménagement porte souvent sur des « zones 95 biogéographiques » qui peuvent être très variables. Certains insectes ont un pouvoir de dispersion de l'ordre de quelques centaines de mètres par exemple. Envisager de reporter la compensation ailleurs qu'à proximité des espaces impactés, signifierait que les espèces impactées ne pourraient trouver à proximité des habitats détruits, des habitats favorables où s'installer. D'autre part, cette proposition n'aiderait pas à résoudre le problème des pratiques actuelles de compensation à proximité des habitats et espèces détruites ne présentant pas un bilan neutre, bilan pourtant requis par la séquence ERC. En clair, l'objectif de la compensation est de présenter un bilan neutre de l'opération d'aménagement. Or, parfois, la compensation proposée par les aménageurs est d'offrir des espaces naturels de même type que ceux détruits, déjà existants. Enfin, il faut rappeler que la notion de « proximité » devra être définie et validée par les professionnels de la biodiversité afin de pouvoir être discutée de manière intelligente. La Direction de l'Eau et de la Biodiversité du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie pointe quant à elle deux autres points : S'agissant des espèces dont la répartition est morcelée, la directive 92/43/CEE Habitats Faune Flore impose de raisonner en considération des noyaux de population. Si une dérogation est accordée au détriment d'un noyau de population donné d'une espèce, la compensation doit être prévue dans ce même noyau. Par exemple, on ne peut compenser sur le territoire de la Corse une atteinte à la tortue d'Hermann dans le Var. Sur ce point, le guide interprétatif de la directive rappelle : « Pour être pertinente dans le contexte spécifique de la dérogation, une évaluation appropriée de l'impact d'une dérogation particulière se situera normalement à un niveau inférieur [à l'aire de répartition] (site, population, etc.). » Il faut d'autre part tenir compte dans l'élaboration des mesures compensatoires de l'impératif de continuité écologique : si la compensation se fait trop loin de la zone détruite, le risque est fort de l'ignorance des articles L. 371-1 et suivants du Code de l'environnement. - 2- Vers la création un organisme de gestion afin de permettre leur meilleur entretien et suivi sur le long terme ? La DGITM propose également la création d'un organisme national compétent pour mettre en oeuvre les mesures compensatoires occasionnées par des projets d'aménagement, ce qui permettrait de mieux faire converger les différentes politiques publiques concernées, sans nuire aux enjeux de biodiversité, ni à la responsabilité du maître d'ouvrage. Cela permettrait d'assurer la bonne gestion et l'entretien des mesures compensatoires car les maitres d'ouvrages n'ont souvent pas la compétence ni la vocation à gérer des mesures environnementales sur le long terme. Le recours à un organisme tiers et unique permettrait d'assurer la pérennité de ces mesures. FNE convient pour sa part que la mise en oeuvre et le suivi des mesures compensatoires manque de lisibilité. Il est actuellement difficile de de savoir si tel ou tel aménageur a effectivement mis en oeuvre les mesures compensatoires auxquelles il était engagé et encore moins de savoir si ces mesures compensatoires sont efficaces ou pas et par conséquent de savoir si elles présentent le bilan neutre attendu. Pire, il est même impossible de savoir si les terrains proposés en compensation par un aménageur ne sont pas eux-mêmes des terrains proposés en compensation dans le cadre d'un autre projet d'aménagement antérieur. Actuellement, il n'existe aucun outil, ne serait-ce que cartographique, permettant de garder la mémoire des localisations des terrains proposés en compensation. Il est effectivement nécessaire de créer un organisme national de gestion des mesures compensatoires, mais les mesures compensatoires doivent demeurer de la responsabilité de l'aménageur à l'origine des destructions. Si un organisme national de gestion des mesures compensatoires devait être créé, il pourrait avoir pour mission de cartographier les terrains compensatoires afin d'entretenir la mémoire de leur localisation pour éviter qu'ils ne fassent l'objet d'un autre projet d'aménagement ou ne soient proposés plusieurs fois en compensation dans 96 le cadre d'aménagement connexes. Cet organisme serait également chargé de s'assurer que les compensations soient effectives et efficaces. Cet organisme pourra être, pour la fédération, comme un veilleur, voire un gendarme du suivi des mesures compensatoires. Il est enfin utile de rappeler que plusieurs expérimentations sont actuellement à l'oeuvre, dont la CDC Biodiversité, organisme affilié à la Caisse des Dépôts et lancée en 2008, dont la vocation est d'intervenir auprès des entreprises, des collectivités, des maîtres d'ouvrage et des pouvoirs publics, dans leurs actions en faveur de la biodiversité : de la restauration, reconquête, gestion, valorisation à la compensation. Elle agit aujourd'hui en tant qu'opérateur financier de la biodiversité d'une part, et en tant qu'opérateur de la compensation d'autre part. Toutefois, les retours d'expériences, s'ils ont pu montrer l'efficacité de la CDC Biodiversité à gérer ponctuellement les mesures de compensation, n'ont pourtant pas encore démontré sa capacité à gérer ces mesures pour les projets d'amplitude géographique large, comme les grands linéaires pouvant traverser le territoire national. 3- Permettre l'expropriation pour la compensation ? Il conviendrait enfin de travailler à la possibilité d'exproprier pour des mesures compensatoires; en effet, même si le code de l'environnement et celui de l'expropriation le permettent en théorie, ce champ reste très peu appliqué car nous ne disposons pas des outils méthodologiques appropriés pour identifier raisonnablement les parcelles concernées sans accroître significativement le risque de contestation du projet. Possibilité de recourir à l'expropriation pour la réalisation des mesures compensatoires liées à un projet, qui seraient éventuellement localisées au-delà des limites initialement prévues lors de la déclaration d'utilité publique initiale pour la réalisation des travaux NB : Proposition complémentaire à la proposition « fiabiliser la gestion des mesures compensatoires sur des terrains privés dans les conditions établies par l'utilité publique » Afin d'accélérer la mise en place des mesures environnementales, tout maître d'ouvrage devrait disposer de la possibilité d'exproprier les terrains nécessaires au même titre que les terrains prévus pour la réalisation proprement dite du projet. Cette possibilité, en principe prévue par le droit, nécessite manifestement des clarifications dans le cas des mesures compensatoires. A ce stade, elle pose également diverses difficultés pratiques qui empêchent les maîtres d'ouvrages de décliner les procédures correspondantes en pareil cas. Afin d'apporter les précisions juridiques utiles et, le cas échéant, d'adapter le droit, il conviendrait d'étudier ces difficultés et d'identifier les solutions correspondantes dans le cadre d'une mission nationale. En particulier, il convient de préciser les modalités permettant de recourir à cette possibilité dans le cadre de la déclaration d'utilité publique du projet, lorsque c'est approprié. Lorsque cette condition ne peut être raisonnablement et suffisamment étudiée dès la DUP du projet, il pourrait également être envisagé de recourir à une DUP complémentaire au moment approprié, postérieurement à la DUP du projet. Toutefois, France Nature Environnement a émis des réticences quant à cette séparation des actes : l'association rappelle qu'il est risqué de scinder les démarches, avec une DUP pour le projet, et ensuite une DUP pour compenser. De plus, il est nécessaire de faire attention à la constitutionnalité d'une loi sur l'expropriation qui ne poursuivrait pas un but d'utilité publique. L'association ajoute qu'il convient de travailler encore à la proposition afin de peser sereinement les avantages et les inconvénients d'un tel dispositif. Il convient toutefois de noter que la présente proposition ne remet pas en cause le principe de la séquence qui consiste à « éviter, réduire, compenser », dans un ordre hiérarchisé, les impacts sur les milieux naturels et donc à n'envisager des mesures compensatoires qu'en dernier recours. Il s'agit simplement de faciliter la mise en oeuvre et l'effectivité des mesures compensatoires, lorsqu'elles sont requises. 97 Au-delà de l'enjeu des seules mesures environnementales liées à des projets d'aménagement, la présente proposition pourrait conduire à des outils également utiles de manière générale pour la protection de l'environnement. Fiabiliser la gestion des mesures compensatoires sur des terrains privés dans les conditions établies par l'utilité publique Afin de faciliter la gestion des mesures environnementales et ainsi améliorer leur effectivité et leur efficacité au terme souhaité, il conviendrait d'étudier, dans le cadre d'une mission nationale appropriée, la possibilité d'instaurer de manière pérenne les conditions de gestion nécessaires pour assurer la gestion d'une mesure compensatoire, au-delà de sa mise en place initiale, dans les cas où le maître d'ouvrage n'est pas propriétaire du terrain concerné. La mise en place de mesures compensatoires suppose de maîtriser l'usage des terrains concernés, quel qu'en soit le propriétaire. Ces conditions de gestion peuvent contraindre le type d'exploitation de ces terrains (par exemple privilégier la culture du blé, interdire la culture de maïs, etc), ou leurs modalités d'entretien (par exemple en matière de fauchage, débroussaillage, désenvasement, etc), ou au contraire imposer un maintien de ces terrains à l'état naturel et non exploité. Dans certains cas, l'acquisition foncière des terrains concernés peut constituer un préalable à l'établissement des conditions de gestion adéquates. Cependant, compte tenu des spécificités de certains territoires (forte pression foncière, par exemple pour des motifs agricoles, viticoles, forestiers, naturels... voire urbains) ou de l'ampleur des mesures compensatoires à mettre en place pour certains projets, il n'est pas systématiquement pertinent d'acquérir les terrains concernés. De plus, les mesures compensatoires liées à un projet d'aménagement n'ont pas vocation à se substituer à un éventuel besoin de réserve naturelle. Dans ces conditions, il conviendrait de disposer d'autres outils que l'acquisition foncière, pour apporter des garanties suffisamment pérennes. Dans le cadre du projet de loi-cadre sur la biodiversité, le MEDDE réfléchit actuellement à la possibilité de développer certains outils en ce sens, par exemple sous forme de servitudes conventionnelles. Il semble toutefois que les principales pistes actuellement étudiées dans ce cadre resteraient tributaires d'un accord des parties concernées (propriétaire, exploitant, et maître d'ouvrage) et de la permanence des conditions correspondante. Ces pistes, certes utiles, n'offriraient donc pas une complète garantie de pérennité. Alternative à la servitude conventionnelle, une autre piste étudiée dans le même cadre porte toutefois sur la notion « d'obligation réelle ». Celle-ci pourrait sans doute fournir la garantie de pérennité utile, ce qui mérite d'être souligné. Néanmoins elle conserverait le principe d'un accord amiable entre les 3 parties prenantes, comme condition préalable à sa mise en place, ce qui rendrait leur déclenchement d'autant plus hypothétique que son effet est durable. A l'instar de la réflexion à engager pour améliorer la possibilité d'expropriation pour des mesures compensatoires, il convient d'engager également une réflexion nationale alternative et complémentaire de la précédente, pour assurer, dans certains cas, l'utilité publique des conditions de gestion appropriées. Une mission parlementaire et une expertise interministérielle pourraient être appropriées. La notion de servitude peut fournir certaines pistes, sous réserve d'adaptation (possibilité d'indemnité compensatrice fixée à l'amiable ou à défaut comme en matière d'expropriation, durée limitée). Cela étant, dans la mesure où il n'est pas certain que celle-ci pourrait directement faire consensus en interministériel, il convient d'en avoir une appréciation suffisamment extensive pour étudier toutes les possibilités pertinentes et repérer celles compatibles notamment avec les autres politiques publiques concernées (droit de propriété, enjeux agricoles et forestier, etc). 98 Dans le contexte de la modernisation du droit, il convient d'observer que de nouveaux outils ne sont pas à exclure s'ils contribuent à une relance de l'économie en facilitant la réponse aux besoins sociétaux, tout en respectant les enjeux d'environnement, dans un esprit de développement durable. E- ESPECES PROTEGEES 1- Adapter la procédure liée aux espèces protégées aux cas des espèces qui se développent en milieu anthropisé ? Certaines espèces protégées, comme le lézard des murailles74développent leurs habitats naturels dans certains milieux anthropisés, comme le ballast par exemple, ce qui peut poser problème lors de l'entretien du ballast, entretien pouvant être soumis à des procédures d'autorisation lourdes75. Afin de tenir compte de cette « préférence » et de l'inscrire dans une démarche de simplification, il est proposé d'adapter la procédure liée aux espèces protégées aux cas des espèces qui se développent en milieu athropisé, en prenant garde aux espèces et à leurs stades d'évolution. Mais, afin de prévenir les dérives pouvant être en germe dans cette proposition, il conviendrait préalablement que tous les acteurs et les scientifiques s'accordent sur la définition à donner à la notion de « milieu anthropisés », car scientifiquement il n'existe pas à proprement parler de milieux non-anthropisés (hormis quelques hectares de forêts primaires et les glaciers). Dans ce cadre, il serait tenu compte de la situation des sites et équipements entièrement « anthropisés » à la suite de procédures administratives, tels que des ouvrages d'infrastructure qui nécessitent des opérations d'entretien, de renouvellement ou de modernisation conformes à leur affectation. Le cas échéant, la création de ces sites et équipements a donné lieu, en son temps, à des mesures de réduction d'impact ou des mesures compensatoires des milieux et espèces affectés par leur réalisation. Sont particulièrement concernés les remblais ou les déblais créés artificiellement et nécessaires à la conservation d'ouvrages, voire la structure même de ceuxci (par exemple le ballast des voies de chemin de fer colonisé par des espèces dont la présence soit compromet la conservation des ouvrages soit est remise en cause par les opérations d'entretien telles que le renouvellement du ballast ; les lieux de dépôts de produits de dragage qui ont par ailleurs vocation à être valorisés). A l'heure actuelle, les dispositions de l'article L.411-1 du code de l'environnement assurent mal la coordination entre la protection des espèces et de leurs habitats et les nécessités de fonctionnement et de sécurité qui conduisent à maintenir l'artificialisation de ces sites. Cette situation est source d'insécurité juridique et peut compromettre les opérations qui, sans empiéter sur les milieux naturels ni affecter les espèces dans leurs habitats d'origine distincts de sites anthropisés, permettent d'assurer l'entretien et l'évolution normale de ces derniers. La proposition a pour objectif d'assurer la cohérence entre les procédures et décisions qui ont conduit à l'anthropisation des milieux concernés par l'implantation des ouvrages et la protection des espèces ainsi que de leurs milieux. Elle est proportionnée à l'objectif d'intérêt général recherché et conditionne la restriction apportée aux nécessités qui découlent de l'affectation des sites en question car elle n'a pas vocation à s'appliquer de manière indistincte à tout milieu anthropisé. Dans le même sens le recours à la notion de « site anthropisé » est plus restrictif que celle de « milieu anthropisé ». Toutefois, il est important de garder à l'esprit que cette proposition se heurte aux articles 9 et 16 de la directive Habitats et aux espèces figurant sur les listes d'espèces protégées élaborées au niveau communautaire, dont notre droit interne est directement issu 76. Sur cette proposition débattue lors de la première session des Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l'Environnement, le Conseil d'Etat aurait en effet rappelé la primeur du respect des directives communautaires. D'autre part, scientifiquement, la proposition peut amener à 74 75 Voir II, D. Source : RFF 76 L. 411-2 du code de l'environnement. 99 méconnaître les exigences de connectivité entre les noyaux de population et les différents services écosystémiques rendus, y compris par les milieux les plus anthropisés (comme la « nature en ville » par exemple). Les modalités de cette proposition apparaissent en pratique difficile à justifier auprès des acteurs de la protection de l'environnement, des biologistes, et même du droit, et méritent donc d'être plus amplement discutées. 2- Permettre la cessibilité des dérogations « espèces protégées » ? Proposition Modification de l'article R.411-11 du code de l'environnement pour permettre la cessibilité des dérogations mentionnées aux articles R. 411-6 à R. 411-8, relatives aux espèces protégées. L'incessibilité des dérogations « espèces protégées » impose qu'elles soient sollicitées le cas échéant par les titulaires de concession de travaux ou de contrat de partenariat public-privé. Or, il est fréquent que le titulaire d'un tel contrat ne soit désigné que tardivement au regard de l'avancée des procédures liées au projet. La cessibilité des dérogations « espèces protégées » proposée ci-dessus permettrait que le maître d'ouvrage initial puisse les solliciter avant la désignation de son cocontractant qui pourra par la suite en être le bénéficiaire. Rappelons qu'à l'origine de la disposition, la dérogation doit être obtenue contre assurance que la personne bénéficiaire possède de réelles compétences. Ainsi, la cession du droit à dérogation devra être accompagnée d'un mécanisme de contrôle de la compétence de la personne qui va en bénéficier. F- PROPOSITIONS DE MODIFICATION ET DE MISE EN COHERENCE DES CODES DE L'URBANISME, DE L'ENVIRONNEMENT ET DE L'EXPROPRIATION 1- Supprimer la double évaluation environnementale que constitue l'évaluation environnementale de la mise en compatibilité des documents d'urbanisme et l'étude d'impact des projets ? Proposition Modifier l'article R121-16 du code de l'urbanisme afin de supprimer l'évaluation environnementale de la mise en compatibilité des documents d'urbanisme dans le cas de projet faisant l'objet d'une étude d'impact. Une évolution récente du code de l'urbanisme (décret n°2012-995 du 23 août 2012 relatif à l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme) impose ainsi que les déclarations de projet fassent l'objet d'une évaluation environnementale (article R121-16 du code de l'urbanisme), au même titre que les évolutions ou les modifications de ces documents d'urbanisme. Il s'agit en réalité de réaliser l'évaluation de la mise en compatibilité du document d'urbanisme (MECDU) à la suite d'une déclaration de projet, prise en vertu de l'article L300-6 du code de l'urbanisme. Dans un certain nombre de cas, le projet est porté par l'Etat ou un de ses établissements publics et la déclaration de projet (ou la déclaration d'utilité publique en tenant lieu) est prise par lui et induit une mise en compatibilité d'un document d'urbanisme, relevant d'une collectivité locale ou d'un groupement de collectivités locales. La réalisation de l'évaluation environnementale de la MECDU pose le problème de la personne devant réaliser cette évaluation : s'agit-il du porteur de projet ou de la collectivité locale ? Dans le second cas, dans l'hypothèse où la collectivité locale serait opposée au projet, elle jouirait ainsi d'un pouvoir de blocage important, ce qui ne peut être acceptable. Dans le premier cas, se pose la question de la légitimité du porteur de projet à réaliser une évaluation environnementale d'une évolution du document d'urbanisme, qu'il n'a pas élaboré. 100 En l'occurrence, la pratique actuelle est la suivante : le porteur de projet réalise l'évaluation environnementale de la MECDU. En réalité, le projet relève bien souvent des catégories de l'étude d'impact : le porteur de projet réalise ses dossiers d'évaluation environnementale de la MECDU, en reprenant strictement l'analyse de l'étude d'impact sur le périmètre du document d'urbanisme concerné. Les autorités environnementales pour l'étude d'impact du projet et pour l'évaluation environnementale de la MECDU, dans la plupart des cas différentes, compte tenu de la rédaction des codes de l'urbanisme et de l'environnement, sont alors saisies et doivent rendre leur avis sur des documents dont le fond est identique mais la présentation différente. Il s'agit d'un doublon des tâches qui n'apporte rien à la protection de l'environnement et complique le travail de l'administration. 2- Mise en cohérence des déclarations d'utilité publique et déclarations de projet ? Proposition Assurer la cohérence entre les déclarations d'utilité publique et les déclarations de projet, en termes de durée de validité. Actuellement, le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose que la déclaration d'utilité publique prise au bénéfice de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics tient lieu de déclaration de projet mais les durées de validité et modalités de prorogation des deux actes ne sont pas similaires en fonction des codes. Cela entraîne une forte insécurité juridique alors même que les motivations de ces deux actes, l'utilité publique dans un cas et l'intérêt général dans l'autre, sont très proches, voire similaires. La proposition vise à amender légèrement les rédactions actuelles pour permettre une cohérence exacte sur toute la durée des actes considérés. Précisément, trois codes citent actuellement la déclaration de projet : 1) L'article L126-1 du code de l'environnement définit la déclaration de projet comme indispensable à la poursuite de l'opération, notamment pour l'obtention des autorisations administratives ultérieures. 2) L'article L300-6 du code de l'urbanisme définit la déclaration de projet pour tout type de projet, public ou privé, dont la puissance publique souhaite déclarer l'intérêt général, qu'elle en soit responsable ou non. En pratique, cette déclaration de projet, qui ne peut être prise qu'après enquête publique, est indispensable notamment à la mise en compatibilité des documents d'urbanisme. 3) L'article L11-1-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose que, pour les projets dont l'expropriation est poursuivie au nom de l'État ou d'un de ses établissements publics, la déclaration d'utilité publique tient lieu de déclaration de projet. L'article ne précise au titre de quel code : on comprend en lisant l'alinéa précédent qu'il s'agirait plutôt de la déclaration de projet au titre du code de l'environnement. L'article L11-4 dudit code reprend les termes exacts de l'article L123-14 du code de l'urbanisme (relatif mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme). On comprend à cette lecture que la déclaration d'utilité publique, prononcée au bénéfice de l'État ou de ses établissements publics, tient lieu de déclaration de projet aussi au sens du code de l'urbanisme et permet de procéder à la mise en compatibilité du PLU. Cependant, en ce qui concerne les durées de validité et modalités de prorogation de la déclaration de projet, seul l'article L126-1 du code de l'environnement donne un cadre précis. Celui-ci s'avère incohérent avec les déclarations d'utilité publique prises par décret en Conseil d'État, dont les durées de validité, qui peuvent être supérieures à 10 ans, et les modalités de prorogation sont précisées dans l'article L11-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. La proposition permet de rendre les trois codes cohérents sur ce point. 101 CONCLUSION Les recommandations de l'étude « maîtriser l'évaluation des impacts environnementaux des projets d'infrastructures de transport : quels enseignements tirer des pratiques européennes ? » n'ont pas vocation à être figées. Ce rapport d'étude constitue la première étape d'une démarche en quatre temps : ces propositions de recommandations seront discutées et le cas échéant complétées ou supprimées à la suite de trois ateliers de travail et d'un colloque. Elles seront enfin rassemblées en un document de synthèse. Ceci dit, les recommandations issues du présent rapport d'étude peuvent être résumées comme suit : Fusion des procédures post DUP/DP, à valider par une décision unique : un « permis environnemental » unique. Pour les projets d'ampleur pour lesquels un permis unique serait difficile à mettre en place : création d'un « guichet unique » et d'un regroupement des dossiers dans le but de renforcer les échanges entre l'administration et les maîtres d'ouvrage pour une plus grande stabilité des projets. Mutualisation des études d'impact. Facilitation de la conduite des projets : Encourager la mise au point et l'utilisation de cahiers méthodologiques (études et procédures). Développer des documents synthétisants les retours d'expériences des mises en application concrètes et par projet de la démarche Eviter, Réduire, Compenser. Mutualisation des connaissances scientifiques sur le terrain via la création d'Atlas communaux afin de solidifier les bases scientifiques d'un projet et de favoriser les mesures d'évitement en amont, grâce au regroupement et au partage de l'information des territoires entre associations et maîtres d'ouvrages. Evolution des échanges et de la concertation continue : Encourager le maître d'ouvrage à mettre en place une concertation volontaire au moment des études préalables au Débat Public. Compléter les réunions publiques en expérimentant la pratique d'ateliers complémentaires pour un travail, dans la durée, plus serein. Généraliser l'usage du garant pour des concertations de qualité et ouvertes à tous Renforcement de l'investissement des autorités françaises dans les négociations des textes européens et anticipation de la réflexion sur la transposition en droit national. Gestion des mesures compensatoires : Possibilité d'exproprier pour compenser. Compenser ailleurs qu'à proximité immédiate du site sous réserve de l'accord des professionnels de la protection de l'environnement. Créer un organisme de gestion des mesures compensatoires. Espèces protégées : sous réserve de discussions et d'extrême prudence, adapter la procédure liée aux espèces protégées aux cas des espèces qui se développent en milieu anthropisé, en prenant garde à ces espèces, à leurs stades d'évolution, à la définition du terme « anthropisé » et aux directives communautaires. - - - - - Ces pistes de progrès résultent d'une approche faisant le lien indispensable entre la théorie et l'applicabilité des conclusions. Si, comme le gouvernement l'annonce, il faut déclencher un "choc de simplification" salutaire, l'objectif est d'y contribuer. 102 BIBLIOGRAPHIE Cette bibliographie recense, au-delà des notes de bas de page, la documentation rassemblée en vue de la réalisation de la présente étude Ouvrages et études France Nature Environnement (2011), Participer à la concertation et au Débat Public, Paris, Delphine et Elodie France Nature Environnement (2012), Guide d'aide au positionnement et à l'action des associations Infrastructures et transport et Environnement, Paris, FNE Sarger de Bourgeaud A-F. et Vince P., Cofely Ineo (2012), Guide de la mobilité durable, Paris, Les Editions Stratégiques Réseau Ferré de France (2011), Charte pour la conduite de la concertation-Les engagements de Réseau Ferré de France, Paris, Stratis Lefèvre C. et Offner J-M. (1990), Les transports urbains en question, Paris, Celse Poitrinal G. (2012), Plus vite ! 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Ce terme englobe également les interactions entre ces dernières et leur environnement. Ceci inclut les processus écologiques qu'ils influencent ou dont ils sont les acteurs (biens et services écosystémiques). Etudes d'opportunité Etudes réalisées par le maître d'ouvrage afin d'identifier les enjeux d'un projet et de déterminer si sa réalisation est ou non opportune. Lorsque le projet entre dans le cadre des projets concernés par le Débat Public, ce dernier fait suite à la réalisation des études d'opportunité. Débat Public Procédure prévue aux articles L. 121-1 et suivants du Code de l'environnement, qui donne l'occasion aux personnes intéressées de discuter de l'opportunité d'un projet donné en amont de sa réalisation lors de réunion publiques. Il donne lieu à un compte rendu et un bilan. Etude d'impact Document dont la réalisation est prévue aux articles L. 122-1 et suivants du Code de l'environnement. Le maître d'ouvrage d'un projet a l'obligation d'établir une étude d'impact afin de rendre compte des conséquences d'un projet sur l'environnement préalablement à sa réalisation. Maître d'ouvrage Donneur d'ordre au profit de qui l'ouvrage est réalisé (pour les infrastructures de transport : Etat, Collectivités). Quand il n'exerce pas directement cette mission, l'Etat l'a confiée à des établissements publics pour certains modes de transport (pour les projets ferroviaires, RFF ; les projets fluviaux, VNF ; les projets portuaires : grands ports maritimes), ou à des concessionnaires (autoroutes concédées à des sociétés privées ; aménagement du Rhône par la CNR...) ; Evaluation socio-économique L'évaluation socio-économique consiste à mesurer l'intérêt d'un projet ou d'une politique pour la collectivité dans son ensemble. Elle se distingue de l'analyse de rentabilité financière. Les avantages apportés par le projet (gains de temps, report modal, amélioration de la sécurité, etc.) sont comparés à ses inconvénients (coûts de construction et d'exploitation, pollution, etc.). Pour ce faire, les effets de l'investissement (environnementaux, sociaux et économiques) sont, dans la mesure du possible, traduits en termes monétaires. Etude socio-économique Document dont la réalisation est prévue aux articles L. 11511-1 à 5 du Code des transports. Elle constitue une évaluation du projet sur la base de différents critères (coûts financiers, besoin des usagers, impact social, impératifs de sécurité, atteinte à l'environnement, etc.). Elle est contenue dans le dossier d'enquête publique. Bilan des effets sociaux et environnementaux Obligation contenue aux articles L. 1511-6 du Code des transports : elle exige du maître d'ouvrage qu'il réalise tous les cinq ans un bilan des effets à la fois sociaux, économiques et environnementaux de l'infrastructure mise en place. Ce bilan est rendu public. 106 Etudes préalables Etudes approfondissant les Etudes d'opportunité et examinant les modalités précises de réalisation d'un projet. Leur résultat est présenté au public sous la forme du dossier d'enquête publique, notamment composé de l'étude socio-économique et de l'étude d'impact. Continuité écologique Ensemble des zones vitales (réservoirs de biodiversité) et des éléments qui permettent à une population d'espèces de circuler et d'accéder à ses zones vitales (corridors écologiques) Enquête publique Procédure prévue aux articles L. 11-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et L. 123-1 et suivants du Code de l'environnement. Elle permet au public de formuler des commentaires et question sur le projet présenté par le maître d'ouvrage. A son issue, un tiers nommé commissaire-enquêteur rend un rapport et des conclusions motivées sur le projet. Concertation Elle désigne de manière générale les échanges réalisés entre le maître d'ouvrage et autres personnes (personnes publique, société civile, etc.) permettant de discuter des modalités de réalisation d'un projet. Plus particulièrement, une procédure dite de concertation est prévue pour certains projets à l'article L. 300-2 du Code de l'urbanisme. Déclaration d'utilité publique Décision administrative prévue à l'article L. 11-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Elle fait suite à une enquête publique et conditionne l'autorisation des travaux permettant la réalisation d'un projet. Elle est notamment obligatoire pour procéder aux expropriations rendues nécessaires par le projet. Déclaration de projet Décision administrative prévue à l'article L. 126-1 du code de l'environnement. Elle se distingue de la déclaration d'utilité publique par le fait qu'elle est appliquée dans le cas où un projet ne rend nécessaire aucune expropriation. Comité de pilotage Groupe de travail ad hoc mis en place par le maître d'ouvrage. Il constitue un lieu de discussions entre différents acteurs concernés par le projet (maître d'ouvrage, financeurs, élus locaux, associations, etc.) Evaluation des incidences Natura 2000 Document dont la réalisation est prévue à l'article L. 414-4 du code de l'environnement. Il analyse l'impact d'un projet sur les sites Natura 2000 concernés par celui-ci et présente les mesures prises pour éviter, supprimer ou compenser cet impact. Autorité compétente en matière d'environnement Personne désignée à l'article R. 122-1-1 du Code de l'environnement ayant la charge de rendre un avis sur l'étude d'impact établie à la charge du maître d'ouvrage. Il s'agit selon les cas du ministre de l'Environnement, du Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable, ou du Préfet de région. 107 Droit de l'environnement Le droit de l'environnement regroupe les règles juridiques concernant la gestion, l'utilisation, et la protection de l'environnement, la prévention et la répression des atteintes à l'environnement (en particulier par la pollution) et l'indemnisation des victimes pour les préjudices environnementaux. L'environnement qui fait l'objet de ces règles est l'ensemble des formes du milieu physique, qu'elles soient terrestres, aquatiques et marines, naturelles et culturelles. Les sources du droit de l'environnement sont nationales, européennes ou internationales. Le droit de l'environnement s'étend en particulier au droit de la mer et de l'espace. Le Droit de l'Environnement est donc une branche du droit (textes réglementaires, jurisprudences) spécifique à la protection de l'environnement. Le Droit de l'Environnement concerne tous les compartiments naturels avec l'eau, l'air, les déchets, le bruit, les dangers naturels ou non, les risques, le secteur de la santé, l'urbanisme, etc. Infrastructures de transport Les infrastructures de transport sont l'ensemble des installations fixes qu'il est nécessaire d'aménager pour permettre la circulation des véhicules et plus généralement le fonctionnement des systèmes de transport. 108 ACRONYMES ET SIGLES CGDD : Commissariat général au Développement durable. Administration centrale du ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, il a pour objectif de promouvoir le développement durable, tant au sein de toutes les politiques publiques que dans les actions de l'ensemble des acteurs socio-économiques. Pour ce faire, il élabore, anime et assure le suivi de la stratégie nationale de développement durable et contribue à son déploiement. CGEDD : Conseil général de l'environnement et du développement durable. Il est chargé de conseiller le Gouvernement dans les domaines de l'environnement, des transports, du bâtiment et des travaux publics, de la mer, de l'aménagement et du développement durables des territoires, du logement, de l'urbanisme, de la politique de la ville et du changement climatique. Dans ce cadre, il mène les missions d'expertise, d'audit, d'étude, d'évaluation, d'appui et de coopération internationale que lui confie le Gouvernement. DUP : Déclaration d'utilité publique. Cet acte administratif permet de reconnaître le caractère d'utilité publique à une opération projetée par une personne publique ou pour son compte, après avoir recueilli l'avis de la population par le biais d'une enquête d'utilité. SNIT : Schéma national des infrastructures de transport. Destiné à fixer les orientations de l'Etat en matière de développement, de modernisation et d'entretien des réseaux d'infrastructures de l'État ainsi que de réduction des impacts de ces réseaux sur l'environnement, sa réalisation est prévue par la loi 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle. Un projet de SNIT a été établi en octobre 2011, identifiant les projets et les mesures dont la réalisation apparaît souhaitable pour l'État dans les 20 à 30 prochaines années pour faire progresser le système de transport, le rendre plus performant et l'inscrire dans une dynamique de développement durable. Il a été profondément revu par la commission « Mobilité 21 » animée par le Député Philippe Duron. RFF : Réseau Ferré de France, principal gestionnaire d'infrastructure ferroviaire en France. Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) de l'État français, il est en charge de l'aménagement, du développement, de la cohérence et de la mise en valeur du réseau ferré national. BVWP : Bundesverkehrswegeplan. Plan directeur fédéral des transports allemands. OFEV : Office Fédéral de l'Environnement suisse. FNE : France Nature Environnement. Fédération française des associations de protection de la nature et de l'environnement. DGITM : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer. Administration centrale française du ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, elle élabore et met en oeuvre les orientations de la politique multimodale des transports terrestres et maritimes, dans le respect des principes du développement durable. MEDDE : Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. MECDU : Mise en compatibilité des documents d'urbanisme. EP : Enquête Publique. EI : Etude d'impact. AE : Autorité environnementale. 109 ANNEXE : ENTRETIENS REALISES PAR ORDRE CHRONOLOGIQUE EN FRANCE : Romain GUIBERT (romain.guibert@sncf.fr) Référent Procédures Administratives SNCF ­ INFRA projets système ingénierie, pôle maîtrise d'ouvrage mandatée Ile-de-France. Guillaume BOUVIER (guillaume.bouvier@rff.fr) Responsable de la communication Projets, Réseau Ferré de France - Direction des relations extérieures, de la communication et de la concertation (DRECC). Demba DIEDHIOU (demba.diedhiou@fne.asso.fr) Chargé de mission Transports et mobilités Durables, France Nature Environnement. Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie : Jean Bernard KOVARIK (jean-bernard.kovarik@developpement-durable.gouv.fr) Adjoint au directeur général des infrastructures, des transports et de la mer. Dominique RITZ (dominique.ritz@developpement-durable.gouv.fr) Sous-directeur de l'aménagement du réseau routier national. Laure YVONNET (laure.yvonnet@developpement-durable.gouv.fr) Conseillère juridique. Laurence MONNOYER-SMITH Vice-présidente de la Commission nationale du débat public. Stéphane PRADON (stephane.pradon@egis.fr) Directeur adjoint, EGIS environnement. Réseau Ferré de France : Anne GUERRERO (anne.guerrero@rff.fr) Chargée de mission Environnement et Développement Durable, Pôle Planification et Commercialisation. Virginie BORDAGE (virginie.bordage@rff.fr) Chef de l'unité projets d'investissement et environnement, Direction Juridique. Jean-Marc DZIEDZICKI (jean-marc.dziedzicki@rff.fr) Responsable de l'unité Concertation et débat public, Direction des Relations Extérieures, de la Communication et de la Concertation. Dominique AUVERLOT (dominique.auverlot@strategie.gouv.fr) Chef du Département de la Recherche, des Technologies et du Développement Durable, Commissariat général à la stratégie et à la prospective. Pierre SERNE Vice-président au Conseil Régional Ile-de-France, chargé des transports et des mobilités. Conseil Général des Bouches du Rhône : Michel SPAGNULO (michel.spagnulo@cg13.fr) Directeur des routes. Claude PASCAL, Directeur adjoint déplacement et infrastructures. Mireille FRONTERI, Coordonatrice Développement Durable de la direction des routes. Dorothée Pic (d.pic@si-lex.fr) Coauteur du guide « Maîtrise des procédures administratives des projets d'infrastructures de transports terrestres » (Ponts formation conseil et Admoveo), Associée consultante senior Expertise Administrative pour Si-Lex & Associés. Michel BADRE Président de l'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). Claude CHARDONNET (cchardonnet@csconseils.fr) Présidente-Directrice Générale et Consultante expert, C&S Conseils. Elisabeth DUPONT-KERLAN (edupontkerlan@gmail.com ) Directrice Générale de l'ONEMA. Nadia FABRE (Nadia.Fabre@developpement-durable.gouv.fr) Chef de l'Unité Maîtrise d'Ouvrage et Adjointe au chef du Service Transports Infrastructures, DREAL PACA. 110 EN EUROPE : Hendrik HASSHEIDER (hendrik.hassheider@bmvbs.bund.de), spécialiste environnementale des infrastructures de transport fédéral (Allemagne). de la planification Bert van Wee, (G.P.vanWee@tudelft.nl) Professeur en politique des transports et logistique à l'Université de Technologie, Politique et Management de Delft (Pays Bas). Tristan Chevroulet (t_chevroulet@me.com) collaborateur scientifique à l'Institut Interdisciplinaire d'Éthique et des Droits de l'Homme (IIEDH), Université de Fribourg (Suisse). 111 112 113 INVALIDE) (ATTENTION: OPTION e 5 ans, renouvelable une fois. Quant aux études loi sur l'eau par exemple, elles ne sont valables que 5 ans. Il y a aujourd'hui dans le droit de l'environnement un paradoxe notable entre les différentes périodes de validité des procédures, paradoxe qui place la DUP en position de force et de pivot car c'est elle qui justifie l'intérêt général, mais du même coup fragilise toutes procédures qui gravitent autour d'elle et renforce l'insécurité juridique du projet. Plus les incidents se multiplieront (contestations, difficultés à mobiliser les financements nécessaires), plus le jeu des prorogations sera en passe de retarder encore le projet, plus le maître d'ouvrage se verra dans l'obligation de produire nombre de doublons procéduriers. Enfin, beaucoup réclament une clarification sur les niveaux d'exigence de protection souhaitée, notamment en matière de mesures de réduction et de compensation. Il serait plus aisé, pour les pétitionnaires, d'avoir recours à une sorte de « jurisprudence », ou retour d'expérience, afin d'augmenter la transparence des exigences des prescriptions des mesures d'évitement, de réduction et de compensation. 3- Définitions Il a été noté plusieurs fois un problème de définition des projets soumis à étude d'impact ou à la procédure de « cas par cas » définie à l'article annexe à l'article R122-2 du code de l'environnement, ce qui entraîne un souci de discernement entre les projets les plus susceptibles d'avoir un impact important sur un milieu et les autres (petits bouts de route permettant l'acheminement des matériaux de chantier par exemple). Chaque projet ayant ses spécificités, la classification mériterait peut-être d'être repensée de manière plus précise, afin de donner tout son sens à la procédure de « cas par cas » et de ne plus penser en termes de « petits » et « gros » projets, mais véritablement en termes d'impacts. D'autre part, les maîtres d'ouvrage ont besoin d'une directive fiable et claire pour éviter que les recours ne s'appuient sur une mauvaise interprétation des textes. Par ailleurs, les problèmes de définitions et d'interprétation des textes, notamment des études d'impacts via la procédure de « cas par cas », peuvent aboutir à mettre en opposition les porteurs de projets et les services instructeurs sur le sens à donner aux prescriptions 38 de la directive, en l'absence ­du moins jusqu'à présent- de position du juge. Par exemple, qu'est-ce qu'une « route d'une longueur inférieure à 3 kilomètres » ? Les Etats généraux de la modernisation du droit de l'environnement, lancés le 16 avril 2013, ont également relevé ce point. Et « clarifier voire simplifier l'usage du « cas par cas » pour les études d'impact » fait partie des attentes exprimées pour le court terme concernant la modernisation de l'évaluation environnementale. Projets soumis à la procédure de « Cas par cas » Infrastructures de transport Infrastructures ferroviaires PROJETS soumis à l'étude d'impact PROJETS soumis à la procédure de « cas par cas » a) Autres voies ferroviaires de plus de 500 mètres. b) Haltes ferroviaires ou points d'arrêt non gérés ; travaux entraînant une modification substantielle de l'emprise des ouvrages. a) Voies pour le trafic ferroviaire à grande distance, à l'exclusion des voies de garage. b) Création de gares de voyageurs et de marchandises, de plates-formes ferroviaires et intermodales et de terminaux intermodaux. Infrastructures routières a) Travaux de création, d'élargissement, ou d'allongement d'autoroutes, voies rapides, y compris échangeurs. b) Modification ou extension non substantielle d'autoroutes et voies rapides, y compris échangeurs. b) Modification ou extension substantielle d'autoroutes et voies rapides, y compris échangeurs. c) Travaux de création d'une route à 4 voies ou plus, d'allongement, d'alignement et/ ou d'élargissement d'une route existante à 2 voies ou moins pour en faire une route à 4 voies ou plus. d) Toutes autres routes d'une longueur égale ou supérieure à 3 kilomètres. d) Toutes routes d'une longueur inférieure à 3 kilomètres. e) Tout giratoire dont l'emprise est supérieure ou égale à 0,4 hectare. Source : Legifrance 4- Manque de moyens et organisation La modernisation du droit de l'environnement en général nécessite des moyens humains, techniques et financiers pour les administrations en charge de ces questions. En effet, une meilleure application du droit de l'environnement nécessite, des améliorations procédurales mais également et surtout un renforcement des moyens pour mettre en oeuvre ce droit notamment par une meilleure formation des personnes en charge de sa mise en oeuvre, et l'acquisition d'une véritable culture administrative des enjeux environnementaux. Ainsi, les demandes seront traitées plus rapidement et donc de manière plus satisfaisante pour les pétitionnaires et les citoyens. 39 5- Durées d'instruction des dossiers Prise indépendamment, chaque procédure semble être justifiée. Mais le renforcement de la réglementation se traduit par un allongement et une complexification des procédures d'obtention des autorisations administratives, avant comme après la déclaration d'utilité publique. Ainsi, la conception des dossiers à instruire est rendue complexe par le niveau de précision des études à fournir pour en obtenir l'autorisation, qui se répercute sur les procédures d'instruction, lesquelles sont alors longues et nécessitent des allers-retours nombreux avec les services instructeurs. Ajoutons à cela le fait qu'il soit trop tôt pour que les services instructeurs aient réussi à développer une réelle expertise des dossiers et que, comme soulevé précédemment, les moyens humains, techniques et financiers des services de l'Etat ne permettent pas de tenir de courtes périodes d'instruction. Par ailleurs, les problèmes de définition et d'interprétation des textes relatifs aux procédures d'instruction, notamment des études d'impact via la procédure de « cas par cas », aboutissent à des incompréhensions, voire à des divergences de vues entre porteurs de projets et services instructeurs. 6- Stabilité Trop difficile à comprendre, à appliquer, instable, cristallisant problèmes de clarté des définitions entraînant par la suite des interprétations différentes et ainsi fragilisant grandement les décisions prises, entraînant lourdeur et surcoûts des procédures qui pénalisent les petites et moyennes entreprises... Les défauts du processus d'évaluation environnementale sont pointés de façon récurrente. Ainsi, la réflexion des EGMDE s'est notamment orientée vers le besoin de « faire des lois plus courtes et penser leur application en même temps que leur élaboration »27 et faire en sorte que les circulaires d'application ne créent pas à leur tour du droit. Il semble nécessaire que la conception et la formalisation des procédures associent plus étroitement les juristes et les ingénieurs. Pour freiner la frénésie normative, il apparait utile de procéder à l'évaluation des processus existants avant de les modifier : la notion de stabilité dans les textes et les services administratifs semble primordiale suite aux importantes réformes récentes. Malgré le but de cette étude, nous devons reconnaître qu'il semble nécessaire de laisser le temps à tous les acteurs de s'habituer aux changements récents afin que puisse se développer un réel savoir-faire pratique. L'axe de la modernisation devra également s'organiser autour de la stabilisation des relations entre services instructeurs et maîtres d'ouvrage : leur communication et leur fonctionnement lors de la phase projet doivent être confortés, y compris sur une base souple et non-formalisée. Verbatim : « Il est nécessaire de faire des lois plus courtes et de penser leur application en même temps que leur élaboration. » Claude Chardonnet 7- La démarche « ERC » en question Il est évident que la plupart des projets d'infrastructures de transport engendrent un impact irréductible dans leur sillage. Ainsi, dans la conception et la mise en oeuvre de leurs projets, les maîtres d'ouvrage doivent définir 27 Propos recueillis lors de l'entretien avec Mme Claude Chardonnet, Spécialiste des méthodes de concertation et débat public, Membre du comité de pilotage des Etats Généraux de la modernisation du droit de l'environnement (EGMDE), PDG de C&S conseil 40 les mesures adaptées pour éviter, réduire et, lorsque c'est nécessaire et possible, pour compenser leurs impacts négatifs significatifs sur l'environnement28. Objectifs et lignes directrices de la doctrine « ERC » Les questions environnementales doivent faire partie des données de conception des projets au même titre que les autres éléments techniques, financiers, etc. Cette conception doit tout d'abord s'attacher à éviter les impacts sur l'environnement, y compris au niveau des choix fondamentaux liés au projet (nature du projet, localisation, voire opportunité). Cette phase est essentielle et préalable à toutes les autres actions consistant à minimiser les impacts environnementaux des projets, c'est-à-dire à réduire au maximum ces impacts et en dernier lieu, si besoin, à compenser les impacts résiduels après évitement et réduction. C'est en ce sens et compte-tenu de cet ordre que l'on parle de « séquence éviter, réduire, compenser ». La séquence « éviter, réduire, compenser » les impacts sur l'environnement concerne l'ensemble des thématiques de l'environnement, et notamment les milieux naturels. Elle s'applique, de manière proportionnée aux enjeux, à tous types de plans, programmes et projets (qui seront dénommés « projets » dans la suite du texte) dans le cadre des procédures administratives de leur autorisation (étude d'impacts ou étude d'incidences thématiques i.e. loi sur l'eau, Natura 2000, espèces protégées, ...). Dans la conception et la mise en oeuvre de leurs projets, les maîtres d'ouvrage doivent définir les mesures adaptées pour éviter, réduire et, lorsque c'est nécessaire et possible compenser leurs impacts négatifs significatifs sur l'environnement. Cette démarche doit conduire à prendre en compte l'environnement le plus en amont possible lors de la conception des projets d'autant plus que l'absence de faisabilité de la compensation peut, dans certains cas mettre, en cause le projet. Sept lignes directrices Concevoir le projet de moindre impact pour l'environnement Donner la priorité à l'évitement, puis à la réduction Assurer la cohérence et la complémentarité des mesures environnementales prises au titre de différentes procédures Identifier et caractériser les impacts Définir les mesures compensatoires Pérenniser les effets de mesures de réduction et de compensation aussi longtemps que les impacts sont présents Fixer dans les autorisations les mesures à prendre, les objectifs de résultats et en suivre l'exécution et l'efficacité Ces mesures sont-elles efficaces ? Peut-on interroger le triptyque « éviter, réduire, compenser » ? Relativement à un enjeu considéré (espèces protégées, ressources en eau, etc.), les mesures d'évitement portent de manière évidente leur fruit. Mais pour un maître d'ouvrage, la stratégie d'évitement ne peut s'appliquer à 28 Depuis Grenelle 2. Source, Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (2012), Doctrine relative à la séquence éviter, réduire et compenser les impacts sur le milieu naturel, Paris, MEDDE 41 tous les objectifs : éviter un impact revient souvent à en créer un nouveau autre part, sur la nature ou encore sur une terre agricole ou habitée par exemple, milieux qui s'avèrent très défendus politiquement. Si la question de l'évaluation de la hiérarchisation de ces impacts est soulevée, il est encore très dur de réussir à la définir, et encore plus de réussir à l'appliquer. Les mesures de compensation soulèvent elles aussi quelques interrogations. A l'heure actuelle, les mesures de compensation, quand elles ont lieu, doivent respecter la règle de « l'équivalence écologique ». A chaque portion de nature irrémédiablement impactée par le projet, devra correspondre une portion compensée, à égal « équivalent écologique ». Le problème d'objectivité en termes de « quantité » et de « qualité » de l'espace compensé est réel : chaque acteur, chaque décideur et même chaque expert environnemental et scientifique n'aura pas la même notion de l'équivalence écologique, ce qui rend presque impossible la modélisation d'une norme. Là encore, plusieurs acteurs sont dans l'attente d'un retour d'expérience. En deuxième lieu, la compensation impose au maître d'ouvrage de compenser à proximité du site impacté, ce qui est parfois très difficile ­ou engendre de nombreux coûts supplémentaires- du fait de l'aménagement même du projet et de ses interconnexions avec d'autres projets à proximité. Pour exemple, le doublement d'une voie autoroutière par une ligne à grande vitesse ne permet pas de trouver des espaces libres et propices pour servir à la compensation. Il est évident que dans le contexte actuel de concurrence entre les usages du sol, trouver les espaces pour les opérations de compensation devient de plus en plus difficile et aussi de plus en plus coûteux. Pour illustrer ce point, nous pouvons citer la construction du super réacteur Iter à Cadarache qui a conduit entre autres à la destruction de vieilles chênaies méditerranéennes. Il convenait donc pour la compensation de trouver de vieilles forêts méditerranéennes qu'Iter pouvait acheter pour honorer ses engagements en matière de destruction d'habitats et d'espèces protégés. Or, il s'avère que cette opération est très difficile à réaliser car: - Les habitats « vieilles chênaies méditerranéennes » sont en voie de raréfaction dans l'arc méditerranéen. Il est donc difficile de les trouver en quantité suffisante pour compenser les destructions, - Les propriétaires de ce type de forêts, considérant les moyens financiers d'Iter et sachant que l'organisme était dans la nécessité de faire face à ses engagements de compensation, on fait grimper les prix d'achat, rendant l'opération de compensation d'autant plus coûteuse et lente à mener. Enfin, un dernier point vient interroger la bonne marche des mesures de compensation : le problème du suivi des mesures compensatoires et de leur efficacité. De fait, c'est le maître d'ouvrage qui est techniquement responsable du suivi des mesures de compensation mises en place dans le cadre d'un projet. Mais force est de constater qu'en pratique, certaines mesures qui demandent un entretien régulier, comme les passes à poissons par exemple, peuvent ne pas bénéficier d'un suivi suffisant, leur dégradation entraînant non seulement leur inutilité environnementale mais également la perte des investissements effectués pour leur mise en place. 8- Problèmes spécifiques par procédure Afin de pointer de manière plus précise les problèmes relevés procédure par procédure et afin de démontrer que les points noirs de l'évaluation environnementale ne concernent pas uniquement les projets d'ampleur, nous avons choisi d'illustrer notre propos par un logigramme présentant les procédures administratives types nécessaires à la mise en place d'un passage à niveau ferroviaire. Ce logigramme est accompagné d'un tableau regroupant une liste non exhaustive des difficultés par procédures, relevées au cours des entretiens 29. 29 Source principale : SNCF, Romain Guibert, Référent procédures administratives SNCF 42 Schéma 1 : Logigramme des procédures environnementales pour un ouvrage ferroviaire simple Réalisation personnelle. Source et aide : Romain Guibert, Référent procédures administratives SNCF. Schéma 2 : Tableau associé des principales difficultés par procédure Réalisation personnelle. 43 N° act Nom 0A 2A 3A 4A 1A 5A 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 Procedure pour ouvrage simple 1 Inventaires écologiques Inventaires Ecologiques 2 Examen au cas par cas Concertation préalable Concertation préalable 3 Examen au cas par cas 4 Etude d'impact sur l'Environnement (EIE) Etude d'impact Autorisation Natura 2000 5 Autorisation Natura 2000 6 Avis AE Avis AE Enquête publique code de l'environnement 7 Autorisation loi sur l'eau Autorisation Loi sur l'Eau MECDU 8 Enquête publique préalable à la Déclaration d'Utilité Publique MECDU (Mise en compatibilité des documents d'urbanisme) 9 Dossier de Déclaration d'Utilité Publique 10 Dépôt du dossier de DUP Instructuction dossier DUP Dossier de Déclaration d'Utilité Publique Dépôt du dossier de DUP à la préfecture 11 Instruction du dossier jusqu'à la fin de l'enquête publique 12 Obtention de la DUP 13 Acquisitions foncières Obtention de la DUP DP du Conseil général 14 Concertation Inter Administrative 15 Dérogation CNPN Acquisitions foncières 16 Concertation Interadministrative Autorisation de défrichement 17 Etudes Préliminaires 18 AVP Dérogation CNPN 19 PRO Autorisation de défrichement 20 Travaux EP AVP PRO Marchés 44 Travaux 1 Inventaires écologiques Enjeux Diagnostic écologique d'un territoire sur un cycle biologique (environ 1 an) Analyse dynamique prenant en compte les interactions entre le territoire étudié et les espèces qui l'entourent Permet une représentation cartographique des zones "à risque" et l'identification des trames vertes et bleues. Risques et difficultés potentielles Difficile de cerner objectivement l'aire d'étude : elle diffère selon les bureaux d'études en charge des inventaires Fragilité de cet inventaire dans le temps: 5 ou 10 ans plus tard, lors des travaux, il peut ne plus être viable. 2 Concertation préalable Meilleure maîtrise des délais: la concertation avec le public et les associations est prise en charge par le maître d'ouvrage sur toute la durée de l'étude et de la réalisation du projet (selon le code de l'environnement) Faire partager et accepter le futur projet aux riverains et aux futurs usagers Informer pour éviter la peur du changement et faire preuve de transparence Améliorer le déroulement ultérieur du projet et dimunuer les risuqes de recours Contentieux quand concertation "fictive" Contestations de principe (mouvements NIMBY), pas de consensus, ralentissement dû à des avis non éclairés techniquement, cristallisation des oppositions lors d'un débat par trop passioné Manque de confiance des citoyens envers les représentants politiques et les experts scientifiques. 3 Examen au cas par cas Détermine si un projet doit être soumis ou non à Etude d'Impact sur l'Environnement. Arrêté du 31 mai 2011 portant réforme de l'Etude d'Impact et précisant le modèle de formulaire Cerfa à utiliser pour les demandes d'examen au « cas par cas ». Article R.122-3 du Code de l'environnement Circulaire explicative en attente de parution Lacunes des définitions: manque de précisions quant aux ouvrages soumis ou non à Etude d'Impact Risque de recours juridiques car le cas par cas est entérinné par un acte officiel qui n'existait pas auparavant Risque de dérapage de calendrier: La procédure d'examen au cas par cas induit un délai incompressible de 50 jours, qui peut occasionner le report d'un projet de plusieurs mois lorsque par exemple l'état des lieux d'une espèce n'est plus possible au terme de ce délai Moyens mis à la dispositions des services instructeurs pour répondre à ces études dans un délais raisonnable: En Midi Pyrénées, le nombre de demandes d'examen au cas par cas est estimé entre 600 et 800 dossiers, alors que le nombre de fonctionnaires de la DREAL affectés à ces procédures se limite à quatre 4 Etude d'impact sur l'Environnement (EIE) Premier bilan écologique de l'évaluation préalable des incidences d'un projet d'infrastructure Aire d'étude (effets rebond de l'Inventaire écologique) Veille à bien définir le périmètre programme/projet et l'articulation avec les autres projets connus Sous évaluer des impacts ou ne pas en analyser (par exemple pendant la phase travaux) Justifie du projet par l'annalyse de l'évolution de la situation environnementale dans le projet et de potentielles solutions alternatives: elle établie Risques délais: - Selon le niveau d'études quand des études complémentaires sont demandées par les services de l'Etat un premier panorama des mesures d'insertion et de compensation ainsi que leur mise en oeuvre et leur suivi - Selon les avis des services consultés - Selon les oppositions 5 Autorisation Natura 2000 L'évaluation des incidences a pour but de vérifier la compatibilité d'une activité avec les objectifs de conservation du ou des sites Natura 2000 c'est à La circulaire du 15 avril 2010 fixe une liste de questions destinées à aider les services instructeurs à définir si un programme/projet est dire des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage et de la conservation des oiseaux sauvages susceptible de porter atteinte aux objectifs de conservation d'un site N2000 ; la notion de "proximité" reste néanmoins largement soumise à Elle est proportionnée à la nature et à l'importance des activités, aux enjeux de conservation du ou des sites Natura 2000 concernés et à l'existence interprétation ou non d'incidences potentielles du projet sur ces sites L'article R. 414-19, II, C. env. précise que "sauf mention contraire, les programmes et projets sont soumis à l'obligation d'évaluation des incidences N2000, que le territoire qu'ils couvrent ou que leur localisation géographique soient situés ou non dans le périmètre d'un site N2000" Accentuation du degré de précision demandé par l'AE au porteur de projet lors de la phase des études préliminaires Avis consultatif: en pratique, la rédaction d'un mémoire de réponse de la part du ou des maîtres d'ouvrages n'est pas obligatoire 6 Avis AE Toute production d'étude d'impact donne lieu à un avis de l'Autorité Environnementale L'autorité environnementale sera, dans la majorité des cas, le préfet de région pour des projets au niveau local et le ministre chargé de l'environnement pour les autres projets. Mais, lorsque l'opération est réalisée par le ministère lui-même ou un organisme placé sous sa tutelle, la fonction d'autorité environnementale est assurée par une instance spécifique instituée au sein du CGEDD 7 Autorisation loi sur l'eau Dossier technique indiquant toutes les incidences sur la ressource en eau, le milieu aquatique et humide, l'écoulement, le niveau et la qualité des eaux, et le ruissellement des ouvrages en fonction de leur volume, leur objet, des travaux ou de l'activité envisagés en en tenant compte de la proximité ou de la connexité d'autres installations, ouvrages, travaux ou activités susceptibles de porter atteinte aux eaux ou au milieu aquatique Le dossier doit être remis en 7 exemplaires Pratiques différentes selon les collectivités tenant à l'interprétation des définitions réglementaires. Par exemple, il y a obligation de constituer un dossier pour tous "installations, ouvrages, remblais et épis dans le lit mineur d'un cours d'eau": en fonction de la décision des services instructeurs locaux, la définition du "lit mineur d'un cours d'eau" ne sera pas la même. 8 MEDCU Mise en compatibilité des documents d'urbanisme la MECDU constitue une intervention des services de l'Etat dans une procédure qui relève de la compétence des collectivités territoriales. De Le Code de l'Urbanisme fait obligation de mettre les documents d'urbanisme (SCoT, PLU) en compatibilité avec les projets déclarés d'Utilité Publique. plus, parfois on observe des modifications par la collectivité des documents d'urbanisme mis en compatibilité ce qui nécessite de vérifier que la La DUP emporte automatiquement la mise en compatibilité du PLU modification n'impacte pas le projet. Cette procédure se déroule en parallèle dela procédure d'enquête publique (temps masqué) 10 45 9 Dossier de Déclaration d'Utilité Publique Un dossier de DUP est elle est l'acte administratif qui autorise dans l'intérêt général le transfert forcé de la propriété d'un bien immobilier (et donc Contentieux de principe l'expropriation: elle ne peut être prononcée qu'autant qu'elle aura été précédée d'une déclaration d'utilité publique intervenue à la suite d'une Délais de prorogation qui ne s'inscrivent pas dans le même calendrier que la loi sur l'eau (valable 5 ans) ou l'enquête publique code de enquête (enquête publique prélable à la DUP) et généralement, de la concertation inter-administrations (voir ci-dessous) l'environnement (valable 5 ans, renouvelable une fois) La validité d'une DUP préfectorale est de 5 ans et celle d'une DUP en Conseil d'Etat se situe en général autour de 10 ou 15 ans. La DUP peut être prorogée une fois pour une durée égale à sa durée initiale Depuis le 01/06/12, la DUP mentione les mesures prévues par le maître d'ouvrage pour éviter, réduire ou compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement ainsi que les modalités du suivi de la rélaisation de ces mesures Dépôt du dossier de DUP à la préfecture Rigidité et risques délais: la procédure peut être suspendue une fois si le maître d'ouvrage veut y apporter des modifications substantielles en cours d'enquête -> 6 mois maximum + nouvel avis de l'AE Désignation d'une comission d'enquête Arrêté de l'ouverture d'enquête dommageables du projet sur l'environnement ainsi que les modalités du suivi de la rélaisation de ces mesures 10 Dépôt du dossier de DUP à la préfecture 11 Instruction du dossier jusqu'à la fin de l'enquête publique Désignation d'une comission d'enquête Arrêté de l'ouverture d'enquête Avis de la commune, du Ministre... (délais de deux mois) Publicité organisée par le préfet et mise en oeuvre par les communes concernées Enquête publique (minimum 15 jours) Rapport de la comission d'enquête (sous 30 jours après clotûre) Durée: le délai maximum de 12 mois peut-il être réduit? L'administration a-t-elle les moyens de réduire ce délai? Rigidité et risques délais: la procédure peut être suspendue une fois si le maître d'ouvrage veut y apporter des modifications substantielles en cours d'enquête -> 6 mois maximum + nouvel avis de l'AE A l'issue de l'Enquête Publique, et au vues des conclusions de la comission d'enquête, le maître d'ouvrage peut demander une enquête complémentaire pour modification du projet. Le délai pour la prise de décision court à compter de la clôture de l'enquête complémentaire L'appréciation de la modification substantielle se fait au cas par cas: problème de l'imprécision des textes 12 Obtention de la DUP 13 Acquisitions foncières Le préfet bénéficie d'un délais de 12 mois pour étudier les conclusions de la commission d'enquête et signer l'arrêté préfectoral de DUP qui permettra de commencer les acquisitions foncières Achat des terrains suite aux autorisations d'expropriations pour les travaux 14 Concertation Inter Administrative Consultation des services instructeurs et des collectivités Optimiser les études; Assurer la conformité des projets; Sensibiliser au projet, à son planning et alerter les services sur les moyens nécessaires à l'instruction rapide des dossiers Services instructeurs seuls sont souvent peu aptes à guider un projet Il s'agit souvent pour les aménageurs et les décideurs d'accompagner les services instructeurs dans cette concertation Concertation souvent mal vue de la part des associations et des citoyens si la concertation amont n'a pas été suivie d'un relatif consensus les textes ne précisent pas de délais (l'usage est de 6 mois à compter du dépôt de la demande mais chaque cas est spécifique) Le CNPN se réunit 4 fois par ans, ce qui, par rapport à l'ampleur croissante des demandes, peut créer des délais supplémentaires 15 Dérogation CNPN Assure le respect de la réglementation des espèces protégées (faune/flore) impactées par les travaux ou par l'infrastructure réalisée le niveau d'autorisation dépend de la personne qui demande l'autorisation ou bien de l'espèce protégée elle-même: - autorisation préfectorale en règle générale - autorisation de niveau ministériel pour 38 espèces vertébrées menacées d'extinction listées par arrêté ddu 9 juillet 1999 Dossier très technique basé sur un support scientifique 16 Autorisation de défrichement Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière Délais moyens: - hors enquête, 2 mois à compter du dépôt du dossier, mais prorogation possible à 6 ou 9 mois - avec enquête, 8 mois à compter du dépôt du dossier Incertitude des textes quant à l'intervention de l'ONF prévue par le code forestier pour un défrichement sur les forêts domaniales Sont soumis à étude d'impact (et donc à enquête publique), obligatoire les défrichements portant sur une superficie totale égale ou supérieure à 25 hectares et à étude d'impact au cas par cas sur une superficie inférieure à 25 hectares -> Pourrait-on traiter la question du défrichement directement dans l'étude d'impact? Optimisation générale des délais procédures (à compléter) Rassembler un maximum d'enquêtes publiques, qui, malgré la dernière réforme sont encore nombreuses (de 8 à 12 par projet) Anticiper les tâches critiques (notamment liées à la sensibilité environnementale du projet De bonnes définitions des moyens nécéssaires pour la conduite du projet Une concertation amont renforcée : Avec le public et avec les services de l'Etat et les autres collectivités Optimisation nécéssitant le lancement de procédures "sensibles": Approffondissement des études qui doit être anticipé (rapprocher les phases AVP et PRO) Lancement des procédures préalables susceptibles de générer des prescriptions environnementales La procédure de défrichement peut être largement anticipée les acquisitions amiables peuvent être anticipées mais ne doivent pas être maintenues trop longtemps après la DUP (pour assurer la maîtrise du foncier avant la fin du délais de validité de la DUP) 46 * Notre objectif doit être la lisibilité, la simplicité et la stabilité de la règle, pour un droit de l'environnement effectif. Ces conditions sont nécessaires à la mise en application des règles dans un avenir proche, car l'effectivité du droit de l'environnement fait partie des objectifs que s'est fixé l'Union européenne dans le 6e programme d'action pour l'environnement : une mise en oeuvre et une application plus efficace de la législation communautaire sur l'environnement doivent être considérées comme des objectifs stratégiques de la politique environnementale de l'UE. Il faut donc améliorer le respect des règles en matière de protection de l'environnement, et réviser les normes d'inspection, de surveillance, et d'application. B- CONCERTATION, MODES DE PARTICIPATION DU PUBLIC ET CONFLITS La participation de l'ensemble des acteurs territoriaux à l'élaboration d'un projet d'infrastructure est une étape clé de la réussite d'un projet. Parmi ces acteurs territoriaux, on compte d'une part l'Etat et les collectivités locales, les établissements publics et les partenaires financiers, et d'autre part le « Public » au sens large, dans lequel on pourra réunir le « grand public », les usagers et les associations. Les principes généraux de la participation du public à l'élaboration concertée d'un projet sont réunis à l'article 7 de la Charte de l'Environnement et relèvent comme expliqué plus haut, de la Convention d'Aarhus ratifiée par la France le 8 juillet 2002. 1- Risques, avantages et modalités des différents types de concertation On relève habituellement trois formes dans l'élaboration concertée des projets : le débat public qui relève du Code de l'Environnement, la concertation de type L.300-2 du Code de l'Urbanisme, et la concertation interadministrative. On peut ajouter à ces formes de participation concertée, les phases d'enquêtes publiques. En outre, l'article L.121-16 du code de l'environnement crée la possibilité pour le maître d'ouvrage d'un projet, de mener une concertation volontaire, hors champ du débat public et de la concertation L. 300-2 du code de l'urbanisme et en dehors de toutes modalités obligatoires avant enquête publique. Les formes de cette concertation volontaire sont définies par le maître d'ouvrage lui-même et nécessitent la définition d'une stratégie volontaire. Cette concertation volontaire doit toutefois être menée tout au long du processus d'élaboration du projet, dans le respect des textes européens et nationaux. La phase d'élaboration concertée permet une meilleure maîtrise des délais Consulter en amont les services instructeurs et les collectivités c'est : optimiser les études d'abord, assurer la conformité des projets ensuite et enfin sensibiliser au projet, à son planning, et alerter les services sur les moyens nécessaires à l'instruction rapide des dossiers. Concerter avec le public et les associations c'est : faire partager voire accepter le futur projet aux riverains et aux futurs usagers, informer pour éviter la peur du changement et faire preuve de transparence, et améliorer le déroulement ultérieur du projet en diminuant les risques de recours. Rappelons ici que les études à lancer en priorité sont les études environnementales et socio-économiques car elles permettent d'identifier les besoins et le contexte du futur projet et doivent aider le Maître d'ouvrage dans ses choix d'implantation et d'infrastructure. On part donc du besoin de l'environnement et on va vers le projet, pas l'inverse. Par conséquent, les procédures de concertation avec le public doivent éclairer le maître d'ouvrage sur les choix qu'il doit faire. En conséquence, les concertations amont sont des procédures qui préparent l'enquête publique ultérieure, et non qui retardent le projet. 47 Les risques Les risques en termes de délais de la phase d'élaboration concertée tiennent à un aspect inhérent à chaque processus de débat : contestations, aucun accord trouvé, ralentissement dû à des avis citoyens non éclairés techniquement, etc. Il est important de noter à ce stade que l'évolution de notre société tend à supporter de moins en moins la contrainte individuelle ; chacun voulant que son intérêt particulier soit respecté. On voit donc toute la difficulté à faire apparaître l'intérêt général via la participation d'une assemblée dite « citoyenne ». Ainsi, le ressenti général s'oriente vers la constatation qu'il est de plus en plus compliqué de faire passer des ouvrages. Du côté des citoyens, d'autre part, il est difficile d'ignorer une certaine perte de confiance envers les porteurs de projet, mais plus grave, également envers certains représentants associatifs et les experts scientifiques et ce dû à des pratiques d'élaboration concertée mal maîtrisées et au sentiment d'être souvent « mis devant le fait accompli ». La montée en puissance et en intensité des mouvements NIMBY 30depuis le début des années 1990 montre à quel point il est devenu difficile pour un projet public de bénéficier du soutien des citoyens. Notamment après la médiatisation de plusieurs projets mal conduits, et plusieurs concertations mal menées 31. Ceci étant dit, le but sera de retrouver la confiance des citoyens et de concevoir des processus de concertation qui apportent une valeur ajoutée aux projets, dans la durée. Les grandes questions qui devront nous guider concernant les processus de concertation seront donc les suivantes : comment et jusqu'à quel point faire place aux controverses portées par les associations et le grand public ? Comment faire émerger l'intérêt général ? 2- Le Débat Public, points forts et fragilités Le Débat Public a pour objectif d'assurer la participation du public à la réflexion sur l'opportunité, les objectifs et caractéristiques principales du projet ainsi que sur les modalités d'information et de participation du public après le débat. La loi L.95-101 du 2 février 1995, relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite loi Barnier, et son décret d'application n°96-388 du 10 mai 1996 relatif à la consultation du public et des associations en amont des décisions d'aménagement a introduit en France la procédure du Débat Public, dispositif de participation du public au processus décisionnel en ce qui concerne les grandes opérations publiques d'aménagement d'intérêt national. Créée pour décider s'il y a lieu d'organiser un débat après l'avis des ministres concernés, la Commission Nationale du Débat Public garantit l'objectivité et la qualité du Débat Public, elle veille aux modalités de son organisation et pour cela elle constitue une commission particulière, composé de trois à sept membres, y compris le président, ayant pour tâche d'animer le débat public. Depuis la loi Grenelle 2, les prérogatives de la CNDP ont évolué : elle peut désigner un garant, à son initiative ou à la demande du maître d'ouvrage qui sera chargé de veiller à ce que la concertation permette au public de présenter ses observations et contre-propositions. Soixante Débats Publics ont été menés depuis que cet organe administratif indépendant existe : sur ce nombre, seulement sept projets ont été abandonnés à la suite du processus et les trois-quarts restant ont été substantiellement modifiés. Ces chiffres montrent l'utilité du Débat Public. Garant Les enseignements de la pratique du Débat Public sont très nombreux. Parmi eux, l'émergence de la fonction de garant, personnalité indépendante du maître d'ouvrage, nommée par la CNDP dans certains cas bien précis, pour 30 31 Mouvement « Not In My Backyard », « Pas dans mon jardin» L'aéroport de Notre Dame des Landes, pour n'en citer qu'un. 48 veiller à la qualité des concertations menées par les maîtres d'ouvrage en termes d'information et de participation du public. Le principe du garant de la concertation n'est pas nouveau mais le Grenelle 2 en a renforcé l'importance puisque la loi donne la possibilité à la CNDP de désigner un garant pour les concertations qu'elle décide et aux maîtres d'ouvrage de demander la nomination d'un garant suite à un Débat Public pour suivre la concertation sur un projet jusqu'à l'enquête publique. La présence d'un garant peut être source de confiance dans le dispositif mis en place: en effet, une concertation menée par un maître d'ouvrage seul, même si elle s'appuie sur une réelle volonté de dialogue de sa part, risque fort d'être considérée, à tort ou à raison, comme une démarche orientée. La personnalité extérieure, dont le profil et la neutralité doivent être incontestables, peut apporter de ce point de vue une garantie utile pour le public et le maître d'ouvrage que tous les points de vue pourront s'exprimer et que l'information sera complète. Ce principe n'est d'ailleurs pas réservé aux projets dont la CNDP est saisie : rien n'empêche un maire, qui doit porter par exemple un projet d'urbanisme dans sa commune, de faire de lui-même appel à un « garant » neutre et indépendant. Cahiers d'acteurs Autre outil privilégié de la concertation lors des débats, les « cahiers d'acteurs » sont des documents servant aux différents acteurs à exprimer leurs opinions sur le projet et venant à l'appui des Débats Publics organisés par les CPDP et les réunions publiques. Extrêmement prisés par les acteurs associatifs, ce document de quatre pages maximum, devant être profitable au débat en cours, sert pour les associations à faire connaître et partager leur opinion aux acteurs participant aux Débats Publics. Critique du Débat Public Le Débat Public est une expérience française de démocratie participative. Ce dispositif est hautement spécifique : autorité indépendante, juridiquement reconnue et dotée de compétence, la structure même de la CNDP contraste avec l'image des dispositifs de participation du public qui l'on précédée, souvent soupçonnés d'instrumentalisation. S'il peut être critiquable sur sa forme, le Débat Public reste à ce jour l'exemple le plus achevé d'organisation de la participation des citoyens à la discussion des choix collectifs. Cependant, un certain nombre de critiques ont pu émaner des différents entretiens réalisés : influence faible sur la décision, participation parcellaire du public, contestation de principe, méthodologies peu appropriées, persistance des dominations de toutes sortes, information plutôt que réel débat, « grand public » non apte techniquement à rendre des avis éclairés et, à l'inverse, perte de confiance envers les instances dirigeantes du projet quand les citoyens se sentent mis devant le fait accompli. L'association France Nature Environnement, si elle a toujours soutenu le principe et le fonctionnement de la CNDP, pointe également les limites d'une organisation trop stricte lors des débats : le peu de place laissé au public et à la spontanéité handicape les échanges. D'autre part, certaines critiques ont pu s'orienter en direction du coût d'un Débat Public. En moyenne, celui-ci avoisine le million d'euros32 et ces dépenses relatives à la préparation et à l'organisation matérielle du débat sont à la charge du maître d'ouvrage responsable du projet. Toutefois, sur les dix dernières années, si l'on se détache des valeurs fiduciaires, le coût moyen d'un Débat Public par rapport au projet, est de 0,09%. Les coûts relatifs aux processus de concertation et au débat public lorsqu'il a lieu sont intégrés au coût total du projet : aujourd'hui, le coût d'un débat public est de 2 à 5 millièmes du coût d'un projet. Selon Mme Laurence Monoyer-Smith, Vice-présidente de la CNDP, « la mauvaise estimation du coût des projets est la première responsable du coût pharamineux d'un projet, pas le Débat Public », et d'ajouter : « le déroulement d'un débat est incertain car à partir du moment où l'on ouvre la discussion à tous, on n'est jamais 32 Source : Laurence Monoyer-Smith, Vice-Présidente de la Commission Nationale du Débat Public 49 sûr du résultat. Pour les porteurs de projet, il est compréhensible que cette incertitude soit pénible à vivre, tout comme les avis de certains citoyens, qu'ils jugent trop éloignés de la réalité technique du projet. » A noter que la France s'est orientée vers la participation continue accompagnée de la mise en place de Débats Publics en amont organisés sous l'égide de la CNDP et « la concertation avec le public tout au long de l'élaboration d'un projet » (loi sur la démocratie de proximité du 27 février 2002). Toutefois cette évolution concerne un nombre réduit de projets d'aménagement (les plus importants en termes de taille et d'enjeux) et malgré les réformes récentes, la participation de la population est encore trop souvent mal maîtrisée et l'objet de nombreuses critiques. En effet, souvent critiquée, la participation du public est néanmoins l'un des piliers du droit environnemental européen (Convention d'Aarhus du 25 juin 1998) et un droit garanti par la Constitution. Utile et désormais ancrée dans les moeurs, elle est le pivot du Débat Public. Le Débat Public est amené à s'insérer dans un environnement social préexistant composé de scènes multiples et d'acteurs divers (élus, associations, citoyens) ce qui n'est pas pour faciliter la tâche de l'exercice. Cet environnement n'empêche pas l'émergence d'un espace public et la construction de la légitimité du Débat Public. Le débat, même s'il est tributaire des stratégies des acteurs impliqués, n'est pas qu'un objet de manipulation, de neutralisation ou de captation. Il convient de saisir l'impact de celui-ci avant d'en dénoncer l'échec, ou l'illusion. Il faut percevoir l'insertion du Débat Public comme un processus long et sinueux, qui ne peut, en aucun cas, éviter les écueils des luttes et des intérêts inhérents à chaque projet débattu. Toutefois, si ces débats constituent un véritable progrès en termes de participation de la population et de manière de concevoir la décision, quelle marge de progression offre aujourd'hui ce mouvement ? Une des manières de répondre à ces interrogations consiste à porter notre attention vers d'autres pays. La comparaison internationale autoriserait en effet une prise de recul sur ce mouvement hexagonal et permettrait d'autant mieux d'en apprécier la portée33. Verbatim : « Le déroulement d'un débat est incertain car à partir du moment où la discussion est ouverte à tous, le résultat n'est jamais certain. Pour les porteurs de projet, il est compréhensible que cette incertitude soit pénible à vivre, tout comme les avis de certains citoyens, qu'ils jugent trop éloignés de la réalité technique du projet, mais ceci est l'apanage de toute démarche de concertation. » Laurence Monoyer-Smith, Vice-Présidente de la CNDP 3- Enquêtes publiques L'enquête publique est une des phases privilégiées de la procédure d'élaboration concertée au cours de laquelle le public (habitants, associations, acteurs économiques ou simples citoyens) est invité à donner son avis sur un projet de règlement ou d'aménagement préparé et présenté par une collectivité publique ou privée ou par l'État, ou encore par les différents gestionnaires d'infrastructures (RFF, VNF, etc.). Comme précisé précédemment, la réalisation d'ouvrages ou de travaux, exécutés par des personnes publiques ou privées, doit être précédée d'une enquête publique lorsqu'en raison de leur nature ou de leur consistance, ces opérations sont susceptibles 33 Voir III 50 d'affecter l'environnement. Le code de l'environnement précise les modalités d'application de cette mesure : elle est ouverte à tous, sans aucune restriction. Elle donne lieu à des mesures de publicité préalable qui permettent d'informer le public. Toutefois, leur mise en place peut parfois présenter des difficultés, malgré les menaces de recours contentieux : horaires serrés, information du public lacunaire, manque de disponibilité du commissaire-enquêteur, etc. De fait, si les enquêtes dépendent de la nature du projet et sont censées être réunies en deux « catégories » (code de l'environnement et code de l'expropriation) depuis 2012, elles restent néanmoins nombreuses en pratique, ce qui ne facilite pas leur compréhension par le public. La possibilité de les regrouper existe depuis la loi Grenelle 2, mais n'est pas toujours exploitée en pratique. On en dénombre en moyenne parfois entre six à dix par projet34 : Enquête publique de DUP Enquête publique de loi sur l'eau Enquête publique sur le défrichement quand défrichement il y a Enquête publique ICPE Enquête publique sur le parcellaire (qui peut elle-même contenir plusieurs enquêtes) Enquête publique sur le réaménagement foncier Leurs horaires et leurs modalités semblent difficilement compréhensibles et accessibles pour le public35. L'idée principale semble être que la consultation du public, trop fréquente, non coordonnée, et souvent fondée sur des données absconses, affaiblirait la capacité du public à participer à l'élaboration du projet. En conclusion, même si certains considèrent que le droit existant ne permet pas d'associer de manière satisfaisante le public à l'élaboration des décisions, d'autres considèrent que ce sont les temporalités qui sont souvent inadaptées ce qui a pour résultat des enquêtes publiques sans public, ou des débats publics parfois prévus à des stades très avancés de la procédure, alors même que les options ne sont plus ouvertes, que les discussions font peu de cas des échanges, que l'information n'est pas adaptée au public du fait de sa technicité et de son volume... Il est également soulevé que la multiplication de procédures distinctes et disparates pouvant se superposer, suscitent dans le public confusion et frustration. Une frustration qui provient comme nous venons de le soulever, d'une consultation souvent tardive donnant à l'opinion le sentiment d'être mise devant le fait accompli. De même se pose la question du manque de transparence reproché aux maîtres d'ouvrage malgré les efforts déjà réalisés par l'administration et, en conséquence, la demande d'expertises complémentaires voire de contre-expertises, menant à l'escalade de la contestation. Les premières difficultés sont liées à des malentendus. Malentendu sur la légitimité démocratique revendiquée à la fois par les citoyens détenteurs de la souveraineté populaire et par les élus ou les représentants du gouvernement en charge de l'intérêt général. Malentendu aussi sur l'objet même des enquêtes et de la concertation conçues pour les uns comme une formalité nécessaire à la réalisation d'un projet dont la décision est déjà acquise et vécue par les autres comme l'occasion d'en contester les principes et l'opportunité. 34 35 Source : entretien avec Stéphane Pradon, Directeur adjoint, EGIS environnement. Et ce malgré l'article R. 123-10 du Code de l'environnement : « les jours et heures, ouvrables ou non, où le public pourra consulter un exemplaire du dossier et présenter ses observations sont fixés de manière à permettre la participation de la plus grande partie de la population, compte tenu notamment de ses horaires normaux de travail. » 51 Malentendu enfin sur les définitions réglementaires donnant lieu à des applications différentes selon les services instructeurs et pouvant occasionner des failles juridiques aisément repérables pour les détracteurs des projets. C- PANORAMA DES CONTENTIEUX ET DE LEURS MOTIFS PAR PROCEDURE Si l'on reprend la classification des grandes étapes et procédures d'un projet d'infrastructure de transport36, les possibilités d'intervention en termes de recours contentieux sont nombreuses. Ces recours contentieux, qui, si ils sont raisonnés et s'inscrivent dans l'optique de la défense de l'intérêt général, peuvent néanmoins viser au ralentissement voire à l'annulation d'un projet. Ils sont le plus souvent portés par les associations nationales de protection de l'environnement (France Nature Environnement en tête) et/ou les associations de riverains, crées ponctuellement ou présentes sur la scène nationale depuis longtemps. En bref, à chaque procédure d'autorisation correspond une possibilité de recours contentieux. Un panorama de ces possibilités d'intervention pourra aider à mieux identifier les « points durs » des procédures d'évaluation des impacts environnementaux dans les projets d'infrastructures de transport. 1- Pendant la phase de concertation : le débat public En premier lieu, si le maître d'ouvrage a décidé de ne pas saisir la CNDP, cette saisine peut quand même être réalisée dans les deux mois « à compter du moment où ces projets sont rendus publics par le maître d'ouvrage », par une association de protection de l'environnement agrée exerçant au niveau national (FNE ou WWF par exemple) ou par l'organe délibératif d'une collectivité territoriale. Une fois saisie, si la CNDP refuse la mise en place d'un Débat Public, ce refus peut être contesté devant le Conseil d'Etat dans un délai de deux mois37. Mais compte tenu du pouvoir discrétionnaire de la CNDP en la matière, le recours ne pourra se fonder que sur des motifs de forme, comme celui de l'irrégularité de la procédure de saisine de la CNDP. Les décisions prises par la CNDP ou la CPDP concernant les modalités du calendrier et du déroulement du Débat Public ne peuvent faire l'objet d'un recours devant le tribunal administratif38. Néanmoins, les irrégularités de ces décisions pourront être notées et servir ultérieurement, par exemple lors de la décision de poursuite du projet suite au Débat Public. De fait, cette décision peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif dans un délai de deux mois. C'est la forme qui est là encore le plus souvent attaquée : irrégularité du Débat Public (manque de documents, peu de réunions, etc.) ou irrespect des délais par l'auteur de l'acte. Enfin, il est à noter que les associations peuvent demander lors des débats d'avoir recours à une « expertise complémentaire » sur un aspect technique ou un impact en particulier du projet. Cette demande devra être formellement exprimée le plus tôt possible dans le processus de Débat Public et pourra engendrer l'allongement du débat (possibilité de prolonger de 4 à 6 mois le Débat Public en tant que tel -possibilité néanmoins très peu exploitée). 2- Pendant la phase de concertation : en l'absence de Débat Public En substance, l'article L. 300-2 du Code de l'urbanisme précise qu'une concertation « mal réalisée » ne peut pas suffire à annuler l'autorisation du projet. Cependant, une mauvaise exécution de la concertation pourra être un argument parmi d'autres lors d'un recours visant l'annulation de l'autorisation finale du projet. 36 37 Voir I, C CE, 17 mai 2002 FNE n° 236202 38 CE 5 avril 2004 Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre Dame des Landes 52 3- Pendant les études préalables En tant que document obligatoire, l'absence voire l'insuffisance des études d'impact, et des incidences socioéconomique et Natura 2000 fonde l'annulation contentieuse d'un projet d'infrastructure. L'insuffisance, pour l'étude d'impact peut être celle des effets du projet sur l'environnement mais aussi celle concernant les divers éléments obligatoires de l'étude (état initial, motivation du projet, mesures compensatoires, méthode d'évaluation des effets, résumé non technique), comme : La grave sous-évaluation du coût de l'opération39 La surévaluation des hypothèses de trafic40 L'absence d'évaluation des coûts externes du projet, notamment sur les consommations énergétiques 41 Etc. En outre, l'absence de transmission pour avis de l'étude d'impact à l'autorité compétente en matière d'environnement, permet d'obtenir la suspension en référé de l'autorisation devant le juge administratif. 4- Pendant l'enquête publique Un avis insuffisamment motivé du commissaire-enquêteur peut justifier l'annulation de l'autorisation du projet42. Cet avis est jugé insuffisamment motivé si le commissaire enquêteur a ignoré dans ses conclusions, les objections argumentées au projet. Par ailleurs, un avis défavorable du commissaire enquêteur sur le projet constitue un argument important pour pouvoir contester la validité de l'autorisation, et ce quand bien même le maître d'ouvrage n'est pas lié juridiquement par cet avis. Enfin, si l'enquête ne se déroule pas de façon réglementaire (information pas assez diffusée sur la teneur des réunions, horaires trop serrés, manque de disponibilité du commissaire-enquêteur, etc.), cela peut pousser le juge à déclarer l'enquête irrégulière. A noter que si l'association se pose d'emblée en tant qu' « opposant total»43 au projet, sa participation à l'enquête publique sera pour elle l'occasion de relever tous les vices de forme ou de procédures pouvant servir au contentieux. La plupart du temps, l'association dans ce cas de figure cherchera à soulever les lacunes du registre d'enquête le plus tard possible, de manière à empêcher le maître d'ouvrage de régulariser le dossier. 5- La DUP A ce stade avancée de la procédure, la DUP peut être contestée par écrit et dans les deux mois suivant sa publication devant le tribunal administratif ou le Conseil d'Etat (si c'est une autorité ministérielle qui a adopté la déclaration). Cette démarche engendre cependant un certain nombre de frais (démarche longue, frais d'avocats, etc.) et n'est donc pas accessible à toutes les associations. Bien que cette démarche soit souvent portée devant les tribunaux ­notamment par les associations de protection de l'environnement- il est très rare que la justice annule des DUP ou Déclaration de Projet s'il s'agit de projets d'envergure (comme les projets d'infrastructures de transport) portés par une volonté politique forte le plus souvent. 39 40 TA de Caen, 7 juin 2007, Manche Nature Idem 41 TA de Rennes 10 avril 2003 42 CAA de Lyon, 4 novembre 2008, société Vicat 43 Source de l'expression : France Nature Environnement (2012), Guide d'aide au positionnement et à l'action des associations Infrastructures et transport et Environnement 53 Deux types d'arguments majeurs (appelés « moyens ») peuvent être invoqués pour « casser » la déclaration d'utilité publique des projets : Les moyens de forme concernent tous les vices de procédure et les irrégularités ayant pu avoir lieu jusqu'ici44. Deux cas sont alors possibles : soit l'irrégularité relevée justifie seule de l'annulation (insuffisance grave de l'étude d'impact, incompétence de la personne adoptant la déclaration, etc.), soit les irrégularités relevés sont minimes mais leur nombre justifie de l'annulation de la déclaration. Les moyens de fonds se rapportent directement à l'opportunité d'autoriser ou non le projet. Il s'agit pour le juge d'évaluer les avantages et les inconvénients du projet afin de déterminer s'il est bien « d'utilité publique ». A noter qu'il est rare que le juge annule un projet uniquement sur la base d'arguments environnementaux45. - Ainsi, les arguments les plus fiables pour justifier le fait rare d'absence d'utilité publique sont : Effets importants sur le paysage, la faune et la flore, et traversée d'un site Natura 2000, dommage important sur des sites classés ou une ZNIEFF (Zone Naturelle d'Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique) Effets positifs sur l'économie pas établis, erreurs dans les projections de croissance et dans l'évaluation du coût de l'opération Projet traversant une zone humide vulnérable... - Mais le moyen le plus sûr pour mener à bien l'annulation de la DUP reste encore de prouver l'insuffisance de l'étude d'impact. Cette relative vulnérabilité de l'étude d'impact a ses revers : en pratique, les maîtres d'ouvrage ont tendance à fournir toujours plus d'informations aux études d'impact, ce qui engendre des dossiers toujours plus longs, complexes, difficilement compréhensibles pouvant par conséquent générer plus d'erreurs et d'incohérence. 6- Pendant l'Avant-projet détaillé L'autorisation loi sur l'eau L'autorisation loi sur l'eau peut être contestée dans un délai d'un an à compter de la publication de l'arrêté d'autorisation. Mais, le contrôle du juge se limitant à l'erreur manifeste d'appréciation du Préfet, l'autorisation est difficile à faire annuler en argumentant uniquement sur le fond (les motifs se concentrent plutôt sur les irrégularités concernant l'étude d'impact ou le document d'incidence et l'enquête publique par exemple). La dérogation « espèces protégées » En raison de la difficulté du jugement objectif des « raisons d'intérêt public majeur » invoquées lors des accords de dérogation, il est généralement difficile de revenir sur une telle décision. Cependant, quand l'avis du CNPN est négatif, cela peut constituer un argument utile en cas de contestation de l'autorisation et ce, même si l'avis du CNPN ne lie pas juridiquement le préfet. Lorsque l'annulation d'une dérogation aboutit, elle ne condamne généralement pas le projet mais peut servir à le retarder. 44 A l'exception des griefs relevés lors de la procédure de débat public qui ne peuvent être relevés que lors de la contestation de la décision de poursuite de projet qui fait suite au débat. 45 Il existe quelques décisions d'annulation de DUP pour des motifs environnementaux, relatifs à des projets ayant multiplié les atteintes à l'environnement. Par exemple : CE, 21 juin 2006, Association interdépartementale et intercommunale pour la protection du lac de Sainte-Croix les lacs et sites du Verdon. 54 7- Travaux et bilan environnemental Les objets de conflits pendant la phase travaux concernent le plus souvent la mise en place tardive ou précaire des mesures de compensation. Il est important d'organiser un travail de suivi des mesures compensatoires pendant cette phase. Les associations s'assurent généralement qu'un système de management environnemental a été mis en place dans le respect des arrêtés d'autorisation et peut, lorsque ces arrêtés ne sont pas respectés, faire appel aux différentes administrations de police environnementale : ONEMA pour les atteintes à l'eau, ONCFS pour celles à la faune et la flore ou les DREAL. Sur la base des mêmes critiques et si les normes de protection dictées par le Code de l'environnement ne sont pas respectées, par exemple si les travaux ont engendré la destruction d'une espèce protégée pour laquelle aucune dérogation n'avait été accordée, les associations peuvent également attaquer les porteurs de projet devant les juridictions civiles afin d'obtenir des dommages et intérêts ou bien porter plainte auprès du Procureur de la République. En outre, certaines revendications peuvent apparaître de la part de riverains directement impactés par le projet, qui, malgré les mesures d'information précédentes n'auraient réellement pris connaissance de l'ampleur du projet qu'une fois les matériaux de chantier sur place. Face à cette situation critique, il est alors difficile d'apaiser les tensions entre le public et les porteurs de projet. Enfin, le bilan environnemental, devant être produit par le maître d'ouvrage cinq ans suivant la mise en service de l'ouvrage, n'est en pratique pas contestable devant les tribunaux, quand bien même ce dernier présenterait des lacunes ou serait incomplet. Les possibilités de recours contentieux sont en conséquence multiples et complexes, et s'étalent sur toute la longueur des études d'un projet. Il est clair, après le bref exposé précédant, que les chemins de traverse pour retarder sciemment voire annuler un projet ne manquent pas et sont même très régulièrement exploités, surtout lorsque les porteurs de projet et le maître d'ouvrage se constituent une opposition ferme et catégorique de la part des associations de protection de l'environnement et de riverains. Ainsi, si nous ne remettons pas en cause ces possibilités de recours, qui sont autant de filets de sécurité nécessaire au droit de l'environnement ­et plus généralement au développement durable-, il est utile de s'interroger avec force sur les moyens à mettre en oeuvre pour réduire drastiquement les motifs de ces recours contentieux et donc, les oppositions au projet. De fait, s'il est clair que le consensus de tous les acteurs intéressés par un projet n'est pas possible, ni même souhaitable, il s'agira de tout mettre en oeuvre pour réduire drastiquement les positions « d'opposition totale » des associations, au profit de leurs « oppositions constructives » au projet. Il faut en effet rétablir un dialogue constructif entre associations et maîtres d'ouvrages afin que le travail des uns serve à corriger celui des autres dans une démarche d'amélioration globale, tant sur le fond que sur la forme des études. D- APPROCHE SENSIBLE DE LA BIODIVERSITE ET EAU Nous ne remettons pas en cause l'importance primordiale du respect de la biodiversité. Mais il a été noté au cours des entretiens, que la Biodiversité, enjeu jeune et complexe, n'arrivait peut-être pas encore à bien distinguer les contraintes fortes des contraintes que l'on peut potentiellement modérer. 1- Biodiversité Définition La biodiversité est un thème d'importance lorsque l'on parle d'environnement. Mais la définition même de la biodiversité n'est pas aisée. La biodiversité est un terme qui désigne la diversité du monde vivant à tous les niveaux : diversité des milieux (écosystèmes), diversité des espèces, diversité génétique au sein d'une même espèce. Par biodiversité on entend l'interaction de l'ensemble des êtres vivants, des végétaux et de leurs milieux naturels. Elle constitue un système formé de l'interaction de ses membres. Chaque milieu est unique et possède 55 une ou des espèces « clé de voûte ». Mais ces espèces sont difficiles à identifier d'autant plus que la « biodiversité ordinaire » est partout. La biodiversité est un enjeu relativement jeune : nous nous apercevons que l'on aboutit à un sacrifice de la nature mais nous avons peut-être encore du mal à distinguer les contraintes fortes des contraintes que l'on peut modérer. Les cas d'école du pique prune ou du lézard des murailles, petit animal affectionnant particulièrement le ballast, peuvent illustrer ce propos. L'Exemple du scarabée Pique-Prune de l'autoroute A28 La découverte sur le tracé projeté pour l'autoroute A28 du scarabée Pique-Prune protégé par la Convention de Berne a conduit à retarder pendant dix ans le chantier46. De bonnes études préliminaires auraient peut-être permis de mettre à jour l'enjeu que l'animal représentait et de développer en amont une stratégie pour éviter les perturbations qui ont suivi. Le lézard des murailles Espèce la plus répandue de lézard en Europe, ceux-ci habitent les vieux murs, les tas de pierres, les rochers, les carrières, les terrils et apprécient spécialement les rails ou les quais de gares peu fréquentés. Cette espèce est protégée en France et en Europe, ce qui pose régulièrement problème aux maîtres d'ouvrage et maîtres d'oeuvre ferroviaire (surtout lors des opérations d'entretien des rails) et engendre des procédures d'autorisation lourdes, dès lors que l'animal préfère le milieu anthropique mais doit dans le même temps en être protégé. 2- Repenser la biodiversité sous l'angle de la construction progressive et partagée des projets ? Serait-il donc possible - sous réserve de le concerter en amont avec le maître d'ouvrage et surtout les associations, garantes de la biodiversité - de penser à des aménagements spéciaux et simples de procédures dans certain projets, afin de résoudre les problèmes tels qu'ils ont pu être appréhendés lors des deux exemples, du scarabée Pique-prune et du lézard des murailles, exemples susceptibles de cristalliser les mécontentements et d'aboutir à un gel prolongé des projets ? Une solution simple pourrait être de prôner le développement et le renforcement des inventaires écologiques en amont, ou bien de penser la création d'un conseil, d'une table ronde entre maîtres d'ouvrages et associations, qui, grâce à un système de décisions prises à la majorité ou à 90%, pourrait arriver à résoudre des problèmes comme celui du Pique-prune plus rapidement. L'intégrité de ce conseil devant bien sûr être totale... Les idées principales étant : Qu'on ne peut relâcher une contrainte environnementale uniquement s'il y a eu concertation avec les associations ; on peut introduire des dérogations à condition que le maître d'ouvrage soit appuyé par les garants de l'environnement. Et qu'aujourd'hui, l'empilement des procédures censées protéger la biodiversité en arrive à la mettre en péril. - La protection « à la lettre des procédures» de la biodiversité, peut en effet avoir des effets néfastes : il faut s'entourer d'avis afin de savoir jusqu'où il est possible d'aller dans l'intégration de l'environnement, et dans l'utilité du développement économique et social. Pour un retour à une théorie du bilan ? 46 Source : Lambert A. et Boulard J-C. (2013), Rapport de la mission de lutte contre l'inflation normative, Paris, La documentation française 56 Nous partons ici de deux observations : La protection de l'environnement garantie par le droit, s'est construite pour donner la voix aux défenseurs de l'environnement, afin de contrebalancer une prépondérance économique jugée préjudiciable à nos équilibres naturels. Ce qui crée des réglementations environnementales de plus en plus rigides pour les projets, qui dès lors cherchent à se recentrer sur les volets sociaux, techniques et financiers. - Doit-on militer pour un rééquilibrage entre les procédures et ainsi replacer l'environnement dans une « démarche de développement durable », au regard des piliers sociaux et économiques ? Comment faire pour constamment garantir la mise en perspective de l'utilité d'un projet et des enjeux environnementaux ? Faut-il définir des nouveaux principes de réflexion sur lesquels fonder un projet ? De manière générale, le droit de l'environnement a pour objectif la protection, la mise en valeur, la restauration, la remise en état et la gestion des espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres écologiques. S'il ne convient pas de modifier le fond de ces principes, il serait certainement opportun d'en revoir les modalités de mise en oeuvre, en introduisant une proportionnalité des moyens mis en oeuvre par rapport à l'impact supposé et une limite pour se concentrer sur les enjeux qui font sens. L'objectif de « développement durable », vise à satisfaire les besoins de développement des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Ainsi, l'appréciation des enjeux environnementaux ne doit pas entrainer l'omission des dimensions économiques et sociales qui satisfont au développement des générations présentes. A noter que certaines réglementations, comme l'article L522-1 du code du patrimoine, tiennent compte de ces enjeux et précisent que « l'Etat veille à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social ». Doit-on penser en termes de multicritères sociaux, économiques et environnementaux pour chaque procédures et à chaque étape de l'évaluation environnemental ? Plutôt qu'une norme, serait-il utile d'ériger en principe cette nécessité de prendre en compte les aspects économiques et sociaux du développement durable ? Si oui, comment y arriver sans retour en arrière environnemental ? 57 III- ETUDES DE CAS ETRANGERS Marquées par le droit communautaire, les méthodes d'établissement des programmes d'infrastructures de transport ainsi que les processus d'évaluation des impacts environnementaux diffèrent considérablement d'un Etat membre à l'autre. Cette hétérogénéité peut être mise sur le compte de la dissemblance des cadres institutionnels et culturels ainsi que de la grande diversité des approches scientifiques disponibles. Toutefois, c'est certainement dans cette variété que nous serons le plus à même de trouver puis dérouler les fils des solutions à nos propres problèmes. Dès lors, et pour traiter au mieux de la prise en compte des effets environnementaux des infrastructures de transport dans la décision et la réalisation de projets, nous avons pensé qu'il serait enrichissant de nous appuyer sur une comparaison des textes, des procédures, des pratiques et de leurs effets ­ tout en prenant en compte la difficulté d'une analogie touchant à des projets hétérogènes ­ dans des pays caractérisés par des systèmes et des sensibilités assez différents. Ainsi, trois Etats européens ont retenu notre attention : l'Allemagne, les PaysBas et la Suisse. Sur la base d'entretiens menés avec des experts nationaux du droit environnemental et des méthodes de planification des infrastructures de transport, nous avons pu analyser les différents systèmes et apprendre de nos voisins. Il est inutile d'ajouter que la valeur ajoutée de cette étude commandée par TDIE tient à sa dimension internationale : étudier le fonctionnement de nos voisins allemands, néerlandais et suisses et s'orienter vers les meilleures démarches permettra, d'une part, une approche plus efficace des procédures d'évaluation environnementales, sociales et économiques et, d'autre part, renforcera les projets transfrontaliers. A- ALLEMAGNE 1- Planification et trajet politique d'un projet d'infrastructure de transport Pays de structure fédérale (Bund, Länder et Gemeinden : Etat fédéral, « Länder » et communes), la prise de décision est en général décentralisée. A ce titre, la planification des infrastructures de transports s'effectue à tous les niveaux du pouvoir : les responsabilités de l'Etat fédéral se bornent aux routes fédérales (autoroutes et routes nationales), aux chemins de fer fédéraux (réseau de la Deutsche Bahn) et aux voies navigables. Si les ports et les aéroports ne sont pas de son ressort, le plan directeur fédéral des transports s'étend cependant aux liaisons de ces infrastructures essentielles avec les réseaux fédéraux. Le plan directeur fédéral des transports ou Bundesverkehrswegeplan (BVWP) est voté par le gouvernement. Sur cette base, le gouvernement prépare un projet de loi qui sera proposé au parlement afin de modifier les lois existantes pour l'aménagement des routes et des voies ferrées avec leurs listes des besoins respectifs (Bedarfsplan). Les listes des besoins (Bedarfspläne) se trouvent dans les annexes des lois pour l'aménagement des routes et des voies ferrées fédérales et citent les projets pour lesquels existe un besoin, condition pour recevoir un financement du Bund. C'est donc le parlement qui décide d'intégrer les projets du BVWP dans ces listes des besoins. Il est important de noter que le BVWP est là pour démontrer le besoin d'un projet mais ne représente qu'une recommandation pour le parlement qui décidera plus tard des projets qui seront inscrits dans les lois. Les Länder voire les communes peuvent présenter des projets et surtout, fournissent la plupart des données utiles aux processus d'évaluation. Représentants du Bundesrat, les Länder jouent un rôle important lors de la phase de mise en oeuvre du plan directeur. Les Länder ont pour mission de démontrer que les projets prévus par le plan directeur s'intègrent bien dans leur structure spatiale régie par le « Raumordnungsgesetz », la loi sur l'aménagement du territoire. Les communes quant à elles participent à la finalisation des tracés et à l'établissement du plan définitif (« Planfestsellung »), après quoi l'on peut légalement procéder aux expropriations. Les méthodes d'évaluation et l'élaboration de plans directeurs doivent être partagées entre les trois niveaux politiques et pleinement acceptées par ceux-ci. Dès lors, le travail s'effectue en plusieurs phases : 58 1 2 3 4 5 6 7 8 Scénarios, prévisions de l'évolution des transports Mise à jour de la méthode d'évaluation Modernisation des réseaux, définition des projets Evaluation des projets par analyse coûts-avantages et autres méthodes Fixation des priorités en tenant compte des disponibilités budgétaires Consultation des Länder et des ONG et réunions de coordination avec ces mêmes instances Décision du Gouvernement, approbation du plan d'infrastructures Approbation par le Parlement, adoption des lois et des règlements nécessaires Tableau : Phases successives du processus d'adoption du Plan fédéral d'infrastructure de transport (Bundesverkehrswegeplan). Source : Ministère allemand des Transports, des Travaux Publics et du Logement, 2003 59 En détail, la procédure de planification du Bundesverkehrswegeplan est schématisée ci-après et se sépare en trois grandes phases : détermination des besoins, procédures d'aménagement du territoire et procédures d'autorisation du projet lui-même. Ce schéma-bilan nous servira de support tout au long de cette partie. 60 D'autres organismes non gouvernementaux participent à l'élaboration des plans d'infrastructures, comme l'entreprise publique des chemins de fer fédéraux, La Deutsche Bahn, les associations d'usagers, ou encore les associations pour la protection de l'environnement. La Deutsche Bahn élabore la plupart des projets fédéraux et fournit des données nécessaires au processus d'évaluation. Les autres intervenants participent au processus de manière moins directe lors de « discussions » avec les autorités compétentes et l'organisation de mouvements pour ou contre le projet. Le premier BVWP après la réunification date de 1992 et le second de 2003 : il couvre la période de 2001 à 2015. Le nouveau BVWP qui doit être voté en conseil des ministres en 2015 est actuellement à l'étude. Ce plan à long terme de développement des infrastructures de transport donne un aperçu des projets d'investissement à réaliser dans le domaine des grands axes routiers, des chemins de fer, et des voies navigables sous la responsabilité de l'Etat fédéral. Approuvé par le Gouvernement, le Bundestag et le Bundesrat (chambre des Länder), il est la base de lois en vertu desquelles les projets qu'il définit peuvent être introduits dans le processus légal de planification aux niveaux de l'Etat et des communes. Sur la base de l'inscription des projets dans les listes des besoins (Bedarfspläne) en annexe des lois pour l'aménagement des routes et des voies ferrées fédérales, le gouvernement est chargé de continuer la planification et la réalisation des projets d'infrastructures de transport. Il est tenu : 1) De vérifier tous les 5 ans si les projets d'infrastructures mentionnés dans les listes des besoins sont toujours nécessaires d'un point de vue économique et par rapport aux prévisions de trafic (Bedarfsplanüberprüfung). 2) D'établir des plans quinquennaux qui chiffrent les investissements nécessaires pour la réalisation des projets mentionnés dans les listes des besoins (Investitionsrahmenplan). Donc, les plans d'investissement font partie de la planification des infrastructures mais sont intégrés progressivement. Le BVWP n'aborde pas les questions de financement ni les problèmes d'autorisations nécessaires à la construction des infrastructures. Il s'agit d'un programme cadre, d'un instrument de planification dans lequel le Bund apporte la preuve que les projets mentionnés sont nécessaires et avantageux d'un point de vue socioéconomique. Cependant, le plan directeur fédéral de 2003 a été élaboré sur la base d'un système élargi, ajoutant aux règles d'évaluation économique, un volet spatial et un volet écologique. Particularité notable, la réalisation des projets qui ne figurent pas dans le plan d'infrastructure ne peut souvent pas être envisagée avant la prochaine révision du BVWP, et ce malgré la possibilité du Parlement d'inscrire d'autres projets dans les listes des besoins lors de sa vérification (tous les 5 ans). Cela peut poser problème et entraîner des retards, lors par exemple, de l'annulation d'un projet pour raisons financières. C'est par exemple le cas du « Metrorapid » qui devait créer une liaison à sustentation magnétique entre Dortmund et Düsseldorf qui a été annulé pour des raisons liées au financement du projet. Le gouvernement du Land de Nord-Westphalie en charge du précédent projet, a travaillé sur un nouvel équipement du nom de « Metroexpress » qui s'appuyait sur la technique de la grande vitesse ferroviaire. Dès lors, ce projet devra attendre une révision du plan d'infrastructures pour être mis à l'étude. 2- Evaluations Etape nécessaire avant l'adoption du plan d'infrastructure par les Parlements, la procédure d'évaluation générale se divise en six phases et trois volets: Les phases : 61 1- Présentation des projets à évaluer et propositions des Länder, de la DB et des différents départements du Ministère des transports. Les projets du plan d'infrastructures précédant n'ayant pas pu être réalisés y sont ajoutés. 2- Prévisions de l'évolution du trafic 3- Evaluation économique et analyse coûts-bénéfices 4- Analyse des impacts géographiques et du risque écologique 5- Analyse d'interdépendance 6- Définition des choix politiques à effectuer et fixation des priorités Les volets : Analyse coûts-avantages Analyse des impacts spatiaux Analyse du risque écologique Très fortement formalisée, la méthode d'évaluation allemande est très différente tant par son fond que par sa forme de la méthode française. La méthode allemande part de l'idée qu'il est impossible de produire des données économiques fiables pour tous les impacts. Elle les soumet donc à une analyse multicritères qui débouche sur l'attribution d'une note au projet, note qui servira à orienter leur traitement pendant la suite du processus de planification47. Cette méthode, notamment utilisée pour l'analyse environnementale stratégique (StrategischeUmweltprüfung), opère une distinction entre : les impacts sur l'environnement traduisibles en termes monétaires et pouvant donc être intégrés à une analyse coûts-avantages, et le risque écologique, c'està-dire la nature et la gravité des perturbations observées à plus grande échelle. In fine, ce seront les responsables politiques qui feront la synthèse de tous les résultats issus des six phases d'évaluation, ce qui permettra de prioriser les projets et de leur accorder des financements prévisionnels. Nous nous focaliserons sur les évaluations environnementales et leurs modalités. Pour rappel, celles-ci se situent au niveau de la phase de « détermination des besoins »48 et concernent le développement du plan des infrastructures fédérales de transport et la détermination des équipements à réaliser. 3- Analyse des impacts sur l'environnement selon la méthode coûts-avantages La première analyse des impacts sur l'environnement arrive au moment de l'analyse coûts-avantages, pièce maîtresse de la méthode d'évaluation des projets du plan fédéral d'infrastructures de transport. L'analyse considère : le bruit, les gaz d'échappement et le fractionnement du territoire, les autres critères ne pouvant pas être monétarisés sont pris en compte dans l'analyse du risque écologique. La méthode pour déterminer les coûts et les avantages des impacts environnementaux est la suivante : après une analyse d'impact et une prévision des impacts encourus, on compare ce qui pourra résulter de la réalisation ou de la non-réalisation d'un projet. Les critères sont monétarisés et les bénéfices nets sont chiffrés puis divisés par les coûts du projet afin d'obtenir un rapport coûts-avantages (ou coûts-bénéfices). Pour illustrer cette méthode, nous prendrons l'exemple de l'analyse du bruit : la valeur monétaire du bruit est calculée à partir des quatre grandeurs suivantes : dépassement de « l'intensité cible » (si le bruit prévu par le projet excède de 2 décibels le cas de référence) Nombre de personnes exposées au bruit 47 48 Classement des projets selon leur priorité : projets de première ou de seconde priorité. Se reporter au schéma-bilan. 62 - Intensité de la nuisance acoustique Coût unitaire de l'impact acoustique (défini sur la base du coût des vitrages à isolation phonique) 4- Evaluation qualitative du risque écologique Visant à compléter l'analyse monétarisée, l'évaluation qualitative du risque écologique a pour but d'apprécier les impacts des projets d'infrastructures sur la nature, les paysages, les eaux, le sol, ainsi que sur la santé et le bien-être des citoyens. Elle se construit en plusieurs étapes. Evaluation préliminaire et classement Selon des critères établis par l'Office fédéral pour la protection de la nature, les risques écologiques potentiels sont évalués et classés. Il est important que ces risques soient identifiés dès les premiers stades du processus de planification, alors même que tous les détails d'un projet ne sont pas encore connus. Les risques écologiques sont classés de I (fort) à IV (léger) selon les critères suivants : Tableau : Classement préliminaire des risques Traversée d'une zone protégée de 1ère catégorie Passage en bordure d'une zone protégée de 1ère catégorie II Projet de plus de 10 km Traversée d'une zone protégée de 2nde catégorie Passage en bordure d'une zone protégée de 2nde catégorie III Nouvelle I II II construction Modernisation II III III III IV Source : Tables rondes CMT Systèmes nationaux de planification des infrastructures de transport. Evaluation du risque Suite à l'évaluation préliminaire, la nature du projet et la sensibilité écologique de la zone concernée sont les premiers éléments à mettre en relation. Ils sont ensuite conjugués dans une matrice, ce qui débouche sur une première évaluation du risque. Tableau : Matrice combinant l'intensité des mesures et la sensibilité des zones Intensité des mesures Très faible Faible Moyenne Forte Très forte Faible 1 1 1 2 3 Moyenne 1 2 3 3 4 Forte 2 3 4 4 5 Très forte 3 4 5 5 5 Source : Tables rondes CMT Systèmes nationaux de planification des infrastructures de transport. Le classement obtenu grâce à la matrice est finalement réexaminé selon l'itinéraire et les critères spécifiques du tracé, puis le risque à nouveau classé de « très faible » à « très fort ». Si le système peut sembler mériter quelques affinements, rappelons que celui-ci date de 2003 et qu'un système d'évaluation plus complet est à l'étude depuis septembre 2013 pour le prochain schéma de planification des infrastructures de transport de 2015. Va notamment être ajoutée une catégorie de « priorité ++ » pour les projets justifiants à la fois d'une rentabilité économique très élevée et du minimum d'impacts sur l'environnement. Une Sensibilité 63 modélisation cartographique plus précise des projets potentiels -afin de déterminer leurs intérêts et leurs impacts- est également à l'étude. Mais des critiques émanent déjà de ces propositions: de fait, un projet important et de rentabilité socio-économique forte pourrait ne plus être inscrit dans la catégorie de priorisation la plus importante dès lors que ses impacts environnementaux seraient considérés trop élevés. Or certains arguent que ces problèmes environnementaux pourraient par exemple être résolus dans les phases suivantes de conception, ce qui devrait prévenir l'enterrement précoce d'un projet justifiant d'avantages manifestes. 5- Recours et délais La période globale de conception/réalisation d'un « grand » projet d'infrastructure de transport en Allemagne s'étend en moyenne de 10 à 15 ans. Fortement formalisée et clairement définie, la phase de « détermination des besoins » et plus encore celle des procédures d'évaluation environnementales ne s'étalent pas outre mesure dans le temps. Les évaluations sont en général confiées à des experts qui évaluent les effets des projets dans des délais relativement courts. Les causes de retard sont doubles. Les premiers sont relatifs aux financements, les schémas de plan prévoyant souvent plus de projets que le Bund ou les Länder ne peuvent financer pendant la période initialement prévue. Les seconds arrivent lorsque le projet est défini dans son entier et qu'il est alors temps de passer à l'acquisition et à l'expropriation des terrains. Les propriétaires refusent souvent de se soumettre à l'expropriation, soit pour pouvoir négocier en position de force, soit parce qu'ils se positionnent contre le projet. En termes de recours, tous ceux qui se sentent exposé par un projet peuvent saisir les tribunaux et engager une procédure qui peut durer plusieurs années. A noter que ces recours ne peuvent intervenir qu'après la définition complète des emprises du projet. Le projet peut continuer son cours pendant ces actions mais si, à terme, les tribunaux décident de la modification profonde d'un projet, tout le processus doit alors recommencer depuis le début. Par conséquent, si tout se passe bien, les délais d'un projet peuvent être relativement ramassés mais si le moindre problème survient, le projet peut prendre beaucoup de retard. Par exemple, ce fut le cas de la ligne ferroviaire reliant Francfort à Cologne, dont les premiers plans datent du milieu des années 70 et la mise en service de 2001. A noter qu'en pratique, les procédures d'évaluations environnementales sont très peu attaquées. 6- Concertation, information et acteurs de la protection de l'environnement L'Office fédéral de l'environnement, ou « Umweltbundesamt », fondée en 1974, est l'autorité compétente en matière d'environnement. Cette agence relève de la tutelle du Ministère fédéral pour l'environnement et la protection de la nature et travaille en relation avec le « Bundesamit für Naturschutz », l'Agence fédérale de la protection de la nature. Ses tâches consistent à : - Soutenir scientifiquement le Gouvernement fédéral et ses ministères (comme les ministères pour l'environnement, la santé, la recherche et le ministère des transports), - Mettre en place une législation environnementale (certificats d'émission, et autorisations concernant les substances chimiques, médicaments et produits phytosanitaires) - Informer le public au sujet de la protection de l'environnement. Ces organismes fédéraux sont surtout associés aux phases de détermination des besoins et se substituent au grand public en ce qui concerne les discussions quant à l'opportunité des projets. De fait, la concertation avec 64 riverains et intéressés arrive relativement tard dans la procédure, à la fin de la phase 2, « Procédures d'aménagement du territoire »49. La concertation publique et les divers recours peuvent encore changer le projet mais la question de la réalisation ou non du projet a déjà été prise bien plus en amont. A noter qu'il n'existe aucune possibilité de recours juridique concernant l'opportunité et le besoin d'une infrastructure de transport. Cette possibilité de recours n'est donnée qu'au terme de la procédure, et seulement pour les personnes concernées par une mesure concrète. Toutefois, en vertu des règles européennes, les porteurs de projet sont tenus d'informer le public de l'avancée du projet dès les phases de conception. Pour les infrastructures routières, ce sont les administrations des Länder qui s'occupent de mettre en place concertation et information. En pratique, la qualité de cette diffusion d'informations dépend des Länder et des projets. La remontée de la concertation avec le public et les associations de défense de l'environnement, notamment concernant l'opportunité des projets, est une revendication à l'étude concernant le prochain schéma directeur de 2015. De fait, l'Allemagne a eu son lot de projets violemment contestés ces dernières années, dont le plus mémorable reste sans doute « Stuttgart 21 », projet ferroviaire et urbain visant à réagencer et moderniser le noeud ferroviaire de Stuttgart. Le coeur du projet consistait en la transformation de la gare centrale de Stuttgart actuellement de type cul-de-sac en une gare souterraine de passage. Supporté par la Deutsche Bahn et le Gouvernement fédéral, le projet ­dont les travaux ont commencé en 2010- fait l'objet d'une importante controverse et a provoqué plusieurs grandes manifestations de la part des habitants de Stuttgart depuis le début du chantier. De fait, très peu consultés lors des phases d'élaborations du projet, ils dénoncent notamment le manque de rentabilité et les coûts entraînés par le projet, et reprochent par ailleurs aux organisateurs de ne pas prendre suffisamment en considération les incidences possibles pour l'environnement (destruction d'espaces verts, peu de considérations faites à la géologie,...). Le peu de transparence des informations transmises au public avant la mise en chantier et les pressions politiques malgré de nombreux surcoûts ont fini de mettre le feu aux poudres. 7- Accélérer les procédures ? Si l'Allemagne constitue un exemple intéressant à étudier, c'est certainement grâce à ses processus d'accélération exceptionnels. Après la réunification, le cruel besoin d'infrastructures routières et autoroutières en Allemagne de l'Est et entre les ex RDA et RFA a permis de privilégier une solution rapide et de lever la plupart des contraintes au bénéfice des nouvelles constructions dont le tout jeune pays avait besoin. En moins de 10 ans, cette partie du pays n'avait plus rien à envier aux équipements de transports du reste des pays de l'Europe occidentale. Le second exemple50 est plus récent, et concerne cette fois les grandes infrastructures énergétiques. Le 12 mars 2012, les autorités Bruxelloises ont voté un projet de règlement sur les orientations pour les infrastructures énergétiques transeuropéennes, règlement qui se place comme un véritable accélérateur de la transition énergétique européenne : désormais, les projets inscrits par Bruxelles à la liste des projets énergétiques d'intérêt commun bénéficieront de systèmes d'autorisation à grande vitesse. Pour ce faire, chaque Etat membre désignera une autorité unique qui coordonnera la procédure et prendra une décision globale. Ce nouveau type de procédure, qui reste encore à créer, réduirait les frais administratifs des projets européens d'environ 30% en moyenne pour les promoteurs, et d'environ 45% pour les autorités, selon le Parlement européen. Ce nouveau type de procédure inquiète par son ambition: le public devra être associé le plus en amont possible au montage du projet, lequel devra scrupuleusement respecter les législations protégeant les sites Natura 2000, les zones protégées, la biodiversité, etc. Tout cela en allant deux à trois fois plus vite qu'aujourd'hui. 49 50 Se reporter au Schéma-Bilan p. 59 Source : AEF Développement Durable, article du 15 mars 2012 65 Cependant, et sur la base de ce règlement, les élus au Bundestag vont prochainement examiner un projet de loi visant à faire passer de cette manière les 2 800 km de lignes de réseaux de transport d'électricité qui relieront les champs d'éoliennes de la mer du Nord au sud du pays, et ce malgré de multiples contestations locales. Afin de réussir le pari de faire passer de 10 à 4 ans la durée de construction, Berlin entend transférer une partie des compétences des Länder à l'Etat fédéral. Le texte défendu par le ministre allemand de l'économie prévoit également que la Cour administrative fédérale soit la seule instance compétente en cas de litiges. Dès lors, il n'est pas interdit de penser qu'une telle procédure accélérée, si elle se justifie suffisamment, pourra être élargie au développement des infrastructures de transports. 8- Conclusions : les avantages d'une comparaison approfondie Le cas allemand nous montre d'abord qu'il n'existe pas de processus « idéal », aucun système national n'étant exempt de critiques. En outre, il reste difficile de comparer à la France cet Etat de structure fédérale. Cependant, le système allemand présente certaines idées qu'il serait utile d'envisager pour l'amélioration de notre propre processus : La formalisation poussée des procédures allemandes présente un cadre et des délais plus stricts qu'en France : trois phases précises de planification, agrégation poussée des procédures, encadrement des recours juridiques. Si le projet bénéficie d'un appui politique fort et d'un relatif consensus auprès des parties prenantes, ce système a toutes les chances d'aboutir à la réalisation rapide des équipements. Le bémol étant que la machine puisse s'enrayer au moindre « grain de sable », remettant alors en cause toute la procédure et pouvant générer des retards considérables. L'application de méthodes simples pour évaluer et monétariser certains impacts environnementaux (sur le trafic, l'air, le bruit, etc.) semble pouvoir simplifier le travail des porteurs de projet et des décideurs : plus les mesures sont précises, et plus ces derniers peuvent appréhender les coûts des options. Même si elles n'ont pas encore atteint le domaine des transports, les mesures d'accélération prises par le Bundestag et l'Europe constituent une initiative intéressante. 66 B- PAYS BAS 1- Planification et trajet politique d'un projet d'infrastructure de transport La planification des infrastructures de transport se divise aux Pays Bas en trois phases 51. La première consiste en l'élaboration d'une politique générale des transports qui correspond à un programme cadre à long terme qui doit être approuvé par le Parlement. Ce « Planologische Kern Beslissing » est un programme cadre qui s'étend sur 20 ans et qui peut être modifié ou mis à jour avant son terme. Il trace les grandes lignes politiques à suivre et décrit les projets à réaliser dans l'idéal tout en laissant l'espace nécessaire à leur réalisation. La deuxième phase correspond à la présentation du MIRT (anciennement appelé le MIT : le « Meerjarenprogramma Infrastructuur en Transport »), un plan pluriannuel devant également être approuvé par le parlement. Crée en 2007, le MIRT - programme à long terme espaces et infrastructures de transport ­ s'inscrit dans le cadre d'une politique visant à mieux intégrer les investissements et les équipements à la dimension spatiale des territoires. A noter que, le MIRT étant encore en développement, le MIT s'applique toujours à la plupart des projets. Ces plans à moyen terme sont mis à jour d'année en année et visent à affiner le programme cadre et à faire l'inventaire des projets d'infrastructures qui sont considérés comme nécessaires ­ et qui sont donc le plus souvent déjà à l'étude ou en cours de réalisation. Ils répartissent les crédits entre les projets et peuvent servir aux autorités nationales et régionales à attirer l'attention de l'Etat sur des problèmes particuliers de mobilité. Au cours de cette phase les projets sont mis au point. Cette mise au point s'effectue en quatre moments : Identification et description d'un problème de transport et des travaux d'infrastructure à réaliser pour le résoudre. Analyse des solutions, des variantes et du coût du projet dans le but de l'adoption d'une décision de réalisation des travaux et de leur financement total ou partiel par l'Etat. Préparation des travaux dans le respect des règles d'aménagement du territoire. Réalisation puis évaluation du projet Ces dispositions s'appliquent aux grandes infrastructures routières, ferroviaires, fluviales et aux infrastructures de transports publics régionaux. Mais tous les projets de moins de 225 millions d'euros sont régis par d'autres règles. De fait, la conduite de ces projets relève de la responsabilité des autorités régionales : celles-ci s'occupent de leurs infrastructures routières et cyclistes ainsi que des infrastructures des transports publics. L'Etat alloue quelques 250 millions d'euros par an aux 12 régions néerlandaises, qui devront répartir ces crédits entre les différentes formes de mobilité selon leurs besoins. Les autorités régionales fixent leurs priorités et prennent leurs décisions elles-mêmes de façon à équilibrer au mieux leurs réseaux, leurs infrastructures, leurs interconnexions, etc. En bref, les autorités régionales néerlandaises décident des transports urbains et régionaux et sont responsables de la qualité des transports publics. 2- Détails des étapes de planification et de leurs composantes environnementales Le programme cadre La procédure d'élaboration du programme cadre est une procédure particulière, garantie par la loi, qui assure la participation de tous les acteurs intéressés et qui doit être approuvée par le Parlement. Les collectivités locales établissent leurs propres plans d'aménagement dans les limites tracées par les programmes nationaux. Le programme cadre actuellement en vigueur est le « Mémorandum sur la mobilité» (Nota Mobiliteit) qui court sur la période 2004-2020. En tant que programme cadre, il doit : 51 Source : Tables rondes CMT Systèmes nationaux de planification des infrastructures de transport. 67 - Définir la politique à suivre dans le domaine de la mobilité et établir les grands choix d'aménagements, Présenter les aspects spatiaux de ces aménagements à moyen terme et établir l'impact général des infrastructures, Etre illustré de cartes indiquant l'impact spatial. A noter que si un projet figure sur l'une des cartes du programme cadre, celui-ci n'est pas dans l'obligation d'être réalisé. La liste figurant dans les plans du programme reste indicative. Avoir pour finalité l'amélioration de la qualité du système de mobilité et l'atténuation de ses impacts négatifs sur les Hommes et l'environnement. A ce titre, les recommandations gouvernementales précisent que la construction de nouvelles infrastructures ne doit être envisagée qu'en dernier recours ; l'amélioration de l'accessibilité par l'innovation technologique devant primer sur les infrastructures construites ex-nihilo. - - Depuis 1990, un plan cadre est élaboré comme suit : ABCDDéclaration d'intention du Gouvernement Observation de la société civile Avis des organes consultatifs Décision prise par le Gouvernement et approuvée par le Parlement Les particuliers, les groupes d'intérêts et les représentants de la société civile interviennent dans le processus entre les parties A et B et peuvent également s'exprimer à titre informel pendant toutes les autres étapes. Plan pluriannuel, MIT et MIRT Affinant le programme cadre, le plan pluriannuel présente et décrit un ensemble cohérent de projets d'équipements (route, voies navigable, rail, transports publics régionaux) ou d'amélioration de structures existantes et en assure les financements. Il est revu d'année en année et implique la participation du public aux projets. Il est lui aussi validé par le Parlement chaque année. Le plan pluriannuel se sépare en trois phases : l'étude préliminaire (Verbenning), la planification (Planvorming) et l'exécution. L'étude préliminaire est réalisée par l'initiateur du projet (administration nationale des ponts et chaussées par exemple) : elle rassemble les analyses des problèmes de mobilité qui se posent dans la ou les régions concernées par le projet ainsi que les solutions potentielles. Cette étape peut durer de un à cinq ans. La planification se divise en quatre sous-phases et peut également durer plusieurs années : elle se compose de l'avant-projet, d'une étude de faisabilité avec évaluation de l'impact sur l'environnement, de la définition du tracé et enfin du projet définitif avec devis. Les trois premières sous-phases étant closent par une enquête publique. L'avant-projet est élaboré en collaboration avec les professionnels et le public et se clôt par une enquête publique: il explique d'une part les objectifs du projet et les modalités des études à réaliser par la suite et, d'autre part, informe le public des conditions dans lesquelles celui-ci peut s'exprimer. Les organes professionnels consultés sont : Le comité d'évaluation de l'impact sur l'environnement : comité permanent composé d'experts désignés par les pouvoirs publics. Plusieurs associations spécialisées, selon la volonté du maître d'ouvrage. 68 Sur cette base, les autorités compétentes (ministre des Transports et ministre du Développement régional) arrêtent les règles et les modalités auxquelles l'évaluation de l'impact sur l'environnement doit se conformer. Ces dispositions particulières à chaque projet viennent compléter les règles générales relatives à l'évaluation des impacts sur l'environnement prévue par la loi. L'initiateur du projet doit ensuite détailler les solutions envisageables pour tempérer au mieux ces impacts : il propose des variantes et étudie les conséquences de ces solutions. Les résultats de l'évaluation des impacts environnementaux sont publiés dans un rapport accessible au public. Le maître d'ouvrage organise plusieurs réunions d'information à destination du public. La loi prévoit la possibilité pour les groupements intéressés (particuliers et groupements spécialisés) de se prononcer sur le rapport d'impact. Suite à la consultation du comité d'évaluation de l'impact sur l'environnement et des organismes consultatifs, les autorités compétentes retiennent la solution à laquelle ils accordent leur préférence. Un tracé est alors défini, tracé dont la marge de fluctuation est désormais limitée à 2 mètres à l'horizontale. Le tracé est également soumis aux commentaires du public et des parties intéressées, dont les autorités provinciales et municipales. Sur cette base, les autorités compétentes peuvent alors soit accepter le tracé retenu ­sous réserve de modifications mineures-, soit demander au maître d'ouvrage de présenter une nouvelle proposition qui devra à nouveau être soumise à enquête publique. Si les parties intéressées sont en désaccord avec les autorités compétentes sur le choix du tracé, elles peuvent intenter un recours devant le Conseil d'Etat. Celui-ci doit s'être prononcé avant que le projet définitif ne soit adopté. Le Maître d'ouvrage établit ensuite les plans et le cahier des charges à destination de l'entrepreneur. Plus aucune participation formelle du public n'est prévue à ce stade, mais ce dernier est tenu informé de l'avancement des travaux ainsi que des mesures prises pour tempérer les nuisances engendrées par les travaux. C'est au ministre des Transports, après consultation du Parlement, de fixer la date de démarrage de la phase des travaux. Cette phase d'exécution doit obligatoirement commencer 13 ans maximum après la date d'adoption définitive du projet. Néanmoins, l'allongement dans le temps des projets est aussi un sujet préoccupant aux Pays-Bas. Les raisons de cet allongement dans le temps des projets sont également nombreuses et similaires à celles relevées en France : Fluctuation des priorités politiques entre les phases de planification et d'exécution, Remises en question réitérées des raisons d'être et des objectifs de certains projets, Actions en justice des diverses parties intéressées (particuliers, ONG et conseils municipaux) à l'encontre des projets censés être définitifs, Longueur inhérente à toutes procédures dites « administratives » et difficulté des services de l'Etat à respecter leurs délais d'instruction, Expédition parfois trop hâtive des phases initiales du projet, ce qui ralentit fortement le déroulement de ses phases suivantes. - - 3- Délais et difficultés liées à la participation du public : un constat en accord avec celui de notre étude Il faut en général plus de dix ans pour planifier un projet routier d'envergure (c'est-à-dire entre le dépôt de l'avant-projet et le début de la phase d'exécution), et jusqu'à plus de 20 ans si l'on prend en compte toutes les phases. Les conséquences négatives de ces délais à rallonge sont nombreuses : 69 - Le problème territorial de départ reste sans solutions et ne fait donc qu'empirer, Les raisons d'être et les objectifs du projet sont sans cesse remis en cause par les décideurs d'une part, les associations et les lobbies d'autre part, Les délais peuvent entraîner l'abandon du projet et par conséquent de celui de tous les efforts fournis par la participation des citoyens et pour les études. Enfin, les coûts augmentent au fur et à mesure de l'allongement des projets dans le temps, notamment les coûts relatifs aux solutions apportées en réponse aux observations formulées au sujet du projet. En outre, ces coûts ne sont pas toujours synonymes d'une qualité environnementale optimum. D'autre part, il est également noté aux Pays-Bas que la nature essentiellement réactive de la participation du public ainsi que le caractère trop souvent lacunaire des échanges d'informations entre l'initiateur et les milieux consultés, pénalisent beaucoup les phases d'élaboration concertée, et, in fine, la qualité du projet. Comme en France, certains attribuent ces problèmes aux erreurs de gouvernance, notamment dans le refus des porteurs de projet de prêter une oreille attentive ­assez tôt dans le processus- aux revendications et aux objectifs formulés par le public. Ou encore, les autorités compétentes et le Parlement peuvent être accusés de retenir parfois une solution qui s'écarte de celle recommandée. On comprend alors la frustration des participants et les retombées négatives que cela peut engendrer au moment de l'acceptation finale du projet par la collectivité. On touche ici deux formes de démocratie : une première illustrée par la participation directe des intéressées et l'autre représentée par les parlementaires. D'autres, à contrario, pensent que le comportement revendicateur et calculateur des citoyens s'apparente à une contestation de principe52. Quoiqu'il en soit, les observations des parties intéressées ne semblent être prises en compte qu'à un stade trop avancé du projet, ce qui se traduit par des corrections ou des extensions coûteuses du projet, qui se substituent à un véritable travail sur l'essence du projet. En réalité, il semble que plus les citoyens attribuent une valeur croissante à leur niveau de vie, et plus ils se posent en revendicateurs. 4- Les solutions avancées aux Pays-Bas : l'accélération des procédures via la politique du « Sneller en Beter »53 Aux Pays-Bas, le constat des difficultés entre la protection de l'environnement et le développement des infrastructures n'est pas nouveau. De plus en plus, l'EIE (évaluation des impacts environnementaux) est vue comme une source de retards : les études apparaissent en effet trop complexes et détaillées, ce qui engendre incertitudes, erreurs, incohérences juridiques, et, à terme, freine le développement des infrastructures. L'accent se porte plus sur l'atténuation des atteintes à l'environnement plutôt que sur la course aux recherches de synergies. Ainsi, la complexité et la longueur des études environnementales débouchent, comme en France, sur des retards, des freins juridiques, voire sur l'annulation pure et simple des projets. Car, particularité néerlandaise notable, les processus de décision pour les projets d'infrastructures de transport considèrent dans le détail les études environnementales des projets. En 2008, a été créé le Comité Elverding, mandaté par le gouvernement néerlandais afin de trouver des solutions durables à tous ces problèmes, et d'accélérer drastiquement les processus de décision des projets d'infrastructures de transport. Les conclusions de ce Comité sont prometteuses puisque le rapport affirme qu'il serait possible de diviser par deux le temps de planification des projets tout en augmentant la qualité des études. Le rapport et ses conclusions se construisent autour de trois propositions phares concernant l'EIE et la concertation : 1) Procédures : Vers une prise de décision par étapes 52 Source : Entretien avec M. Bert van Wee, Professeur en politique des transports et logistique à l'Université de Technologie, Politique et Management de Delft. 53 « Faster and Better »/ « Plus vite et mieux ». 70 Il s'agit ici de déplacer l'effort vers les stades précoces du processus de planification en y incluant une Etude Environnementale Stratégique (EES) chargée d'identifier dès les phases d'exploration les principaux impacts potentiels. S'ensuivra une EIE plus ciblée et renforcée durablement par un suivi des mesures mises en place chargé de favoriser les bonnes pratiques tout au long du projet. 2) Processus : vers une participation large et précoce du public et des parties intéressées Les parties prenantes affectées par le projet (public, associations, organes gouvernementaux, acteurs financiers, etc.) devront être impliquées dès l'étape de l'exploration et de l'identification des problèmes et de leurs solutions possibles 3) Contenu : vers une évaluation « pertinente » des impacts environnementaux Mesures, calculs et prédictions devront servir les processus de décisions. En bref, il faudra : D'avantage d'évaluations qualitatives au moment des phases les plus précoces du projet. L'application de méthodes simples pour évaluer les impacts (sur le trafic, l'air, le bruit, etc.), méthodes qui prennent en compte les marges d'erreurs des études et de la phase d'EIE. L'instauration d'un suivi et d'une gestion des impacts réels dans la phase de mise en service du projet. Schéma : Situation actuelle du processus de planification des projets d'infrastructures de transport selon le Comité Elverding. Degré « d'efforts » Trop peu structurée et inadaptée -Exploration trop générale des problèmes -Manque de clarté du processus de décision -Engagement politique absent/limité -Alternatives trop nombreuses -Faible participation des parties prenantes et du public PHASE D'EXPLORATION Max. 5 ans Trop de formalisation pour peu de stabilité -Etudes lourdes et détaillées à outrance -Risques juridiques -Spectre financier trouble -Trop d'alternatives -Concentration des phases de concertation => Contexte très instable Stabilité -Etudes travaux Néant BILAN ET SUIVI PHASE D'ETUDES PROJET Aucuns délais butoirs formels PHASE DE CONSTRUCTION Etapes du processus de planification Source: Rapport « Infrastructure planning and impact assessment in the Netherlands: challenges for the 21st century, National Conference, August 2010 ». Réalisation : Personnelle. 71 Schéma : Situation optimale désirée du processus de planification des projets d'infrastructures de transport selon le Comité Elverding. Degré « d'efforts » Parties prenantes « indirectes » Parties prenantes « directes » Robustesse, clarté, et élargissement de la participation -Fondations solides -Priorisation des besoins d'équipement -Etudes environnementales stratégiques -Large participation -Large spectre d'alternatives et choix clairs des préférences -Spectre financier précis -Engagement politique solide => Bases solides préalable à la décision PHASE D'EXPLORATION Max. 2 ans Stabiliser, concentrer -Clarification des champs d'action et des points de départ du projet -Limitation des alternatives -EIE ciblée prête pour approbation -Définition des mesures potentielles à prendre -Délais butoirs stricts -Moins de place aux recours juridiques ? Limiter les modifications -Etudes travaux Suivi et ajustements -Assurer la qualité environnementale des ouvrages et des mesures prises pour tempérer les impacts -Suivi régulier -Si nécessaire, mesures correctives supplémentaires -régulations, maintien BILAN ET SUIVI PHASE D'ETUDES PROJET Max. 2 ans PHASE DE CONSTRUCTION Etapes du processus de planification Source: Rapport « Infrastructure planning and impact assessment in the Netherlands: challenges for the 21st century, National Conference, August 2010 ». Réalisation : Personnelle. En nous appuyant sur ces schémas, nous synthétiserons ci-après les propositions concrètes du rapport « Faster and Better » du Comité Elderling visant à améliorer et rationaliser les processus de planification des projets d'infrastructures de transport (tant au niveau du processus décisionnel que de celui de l'évaluation des impacts environnementaux)54. Un des points principaux du rapport appuie de fait sur les efforts à porter en priorité à la phase d'exploration/élaboration d'un projet. Une fois le besoin d'infrastructure identifié grâce au programme cadre et au MIRT, l'attention doit être plus particulièrement portée sur la phase d'exploration des projets, dont le rôle est d'étudier les différentes variantes potentielles du projet. Plus précisément, le travail consiste à veiller à la bonne synergie du projet avec les autres infrastructures présentes sur le territoire, d'une part, et, d'autre part, à améliorer la participation des parties prenantes, participation jusqu'alors généralement cantonnée à la phase « projet ». Cette phase d'exploration doit se traduire par une étude d'exploration formalisée reliée à l'esprit des recommandations du MIRT. Elle doit comprendre une Evaluation Environnementale Stratégique (EES) utile à la 54 Pour plus de détails, le lecteur pourra se rapporter au rapport « Infrastructure planning and impact assessment in the Netherlands : challenges for the 21st century, National Conference, August 2010 ». 72 mise en place d'études environnementales plus ciblées par la suite. De cette étude d'exploration devra résulter une « décision préférentielle » marquant un engagement politique précis de la part des différentes autorités compétentes. Cette décision, qui s'appuiera également sur la participation précoce du public et des diverses parties prenantes « indirectes », marquera la fin de la phase d'exploration et devra définir de manière précise, à l'aide d'un cahier des charges, les objectifs et les modalités de la phase d'étude suivante (et de l'EIE notamment). Les études de projet, phase suivante de la planification ont quant à elles tout à gagner à être plus compactes et pragmatiques. Alors que les grandes lignes du projet sont d'ores et déjà fixées (données initiales et, dans la mesure du possible, garanties politiques et financières), il est temps de détailler les alternatives et les variantes du projet choisies comme étant les plus viables pendant la phase 1. Ces variantes seront soumises à une EIE dont les modalités auront été prédéfinies. Un des rôles majeurs de l'EIE sera de donner une vue précise et transparente des effets du projet, non seulement en termes de biodiversité mais également en termes d'économie ou encore d'intégration territoriale. Le Comité prévoit un délai maximum de 4 années pour l'élaboration complète de ces deux premières phases (rappelons ici qu'il nous est encore impossible de vérifier ce processus optimisé en pratique). Enfin, si les impacts environnementaux excèdent en pratique les prévisions, il est prévu une phase de suivi et de « correction » pendant et surtout après les travaux et la mise en service. Ceci constitue une toute nouvelle approche par rapport aux méthodes classiques d'évaluation des impacts environnementaux : en effet, l'idée principale tient ici dans la possibilité de tempérer une partie des impacts après les avoir identifiés « dans la réalité ». Il s'agit d'accepter le pilotage d'un projet moins par les risques que par la pratique. En conclusion, si le Parlement néerlandais a adopté les mesures prévues par le Comité Elderling, il semble cependant que plusieurs problèmes de fond viennent s'opposer à l'application concrète de toutes leurs prescriptions. Un des plus importants obstacles tient au changement de fond à effectuer sur les pratiques politiques et l'organisation administrative. Le temps, via les délais butoirs proposés par le Comité, est peut-être un instrument de pilotage pertinent : de fait, le Comité prévoit que si le Parlement est décidé à prendre au sérieux sa propre volonté d'accélération des processus de planification, il devra supprimer définitivement du MIRT chaque projet dont l'étude exploratoire aura duré plus de deux ans. L'idée étant que si en deux ans les parties prenantes n'ont pas réussi à aboutir à un accord concernant les principaux points d'un projet, il est légitime de se demander si elles y arriveront jamais un jour. Afin de solidifier au maximum les bases d'un projet, l'ultime priorité est qu'il soit et demeure politiquement stable. Le deuxième problème tient au nombre de projets programmés par le MIRT et notamment à l'incapacité technique et budgétaire de suivre ses ambitions. Le Comité propose de revoir à la baisse le nombre de projets d'infrastructures inscrit dans le plan pluriannuel et de se concentrer sur ce qui est techniquement et financièrement faisable afin d'éviter d'entamer des études susceptibles d'être abandonnées par la suite. Enfin, le Comité appuie sur la nécessité d'assurer les financements d'un projet le plus tôt possible dans la planification. A cette fin, il semble suggérer que le financement de certaines infrastructures pourrait être trouvé parmi des fonds privés, sans réellement développer la question. - - Quoi qu'il en soit, le Comité, et c'est là son plus franc succès, a été capable de présenter une démarche intégrée, portant à la fois sur les procédures, les processus de planification et de concertation ainsi que leurs contenus. 5- Conclusions : les avantages d'une comparaison approfondie A mi-chemin entre le formalisme allemand et les ambitions françaises, les avantages du système néerlandais sont multiples : 73 - Tout d'abord, ces préoccupations de simplification et d'accélération rejoignent en tous points notre problématique et il semble que la plupart des dispositions du Comité Elverding, notamment sur l'optimisation de l'EIE, pourraient être mises à profit en France. Cette structure de planification, portant sur deux échelles de temps différentes et complémentaires paraît laisser plus de souplesse aux aménageurs et aux pouvoirs publics, dès lors capables d'adapter leurs ambitions aux finances publiques. La préparation des programmes cadres et des plans d'infrastructures pluriannuels s'effectuent avec l'aide poussée des organismes non gouvernementaux. Dans la même veine, les Pays-Bas semblent accorder une grande importance à la concertation avec le public le plus en amont possible. - - 74 C- SUISSE55 1- Planification et trajet politique d'un projet d'infrastructure de transport Il existe en Suisse deux niveaux d'initiatives pour l'aménagement des projets d'infrastructures de transport : le niveau fédéral d'une part, et le niveau cantonal d'autre part. En bref, les Cantons s'occupent des routes cantonales et de toutes les routes qui ne sont pas du ressort fédéral, c'est-à-dire de toutes les routes hormis les autoroutes qui sont les seules infrastructures routières sous la responsabilité de la confédération. S'il existe quelques administrations cantonales qui peuvent avoir à s'occuper de certains réseaux (principalement pour en améliorer la desserte), les chemins de fer sont quant à eux principalement du ressort fédéral. Pour initier un projet, plusieurs stratégies sont possibles : Le gouvernement peut, suite à différentes pressions (notamment de la part des cantons) ou par sa volonté (via les « plans sectoriels » dont nous reparlerons) décider d'élaborer une stratégie de transport. Il procède ensuite à une demande d'investissement globale auprès du Parlement, demande qui devra être avalisée par celui-ci ou éventuellement par votation fédérale. Les cantons peuvent également proposer de soumettre aux votes parlementaires, un réseau ou un tronçon local. Cependant, dans le cas où un canton noterait un besoin d'autoroute, il devra envoyer une demande de subvention au gouvernement fédéral et enfin participer à une discussion avec le ministère des transports afin d'établir si la nouvelle construction peut s'inscrire ou s'inscrit déjà dans les prospectives du plan sectoriel. Cependant, si le besoin de route reste cantonal, la décision se fera à ce niveau. - La division entre canton et fédération est primordiale, et on la retrouvera à chaque étape de l'évaluation environnementale d'un projet d'infrastructure de transport. De fait, en ce qui concerne l'EIE (Evaluation des Impacts Environnementaux) suisse, si le projet évalué est cantonal, ce seront les autorités cantonales de l'environnement qui seront responsables et décisionnaires, mais si le projet évalué est d'ordre fédéral, la responsabilité des études sera à la charge de l'autorité fédérale de l'environnement (OFEV). A noter que chaque projet, fédéral ou cantonal, inscrit ou non aux plans sectoriels, peut être contré dès son étude d'opportunité par référendum organisé à la demande d'un ou de plusieurs groupements politiques opposés au projet. Selon le résultat, le conseil fédéral peut être amené à revoir sa stratégie. Partant, il existe bel et bien des « schémas de plan d'infrastructures de transport national » en Suisse : ce sont les « plans sectoriels » dont le rôle est de donner des orientations stratégiques sur cinq années. Comme expliqué ci-avant, ils ne sont pas définitifs et peuvent être modifiés au grès des volontés politiques, populaires et financières. Comme c'est le cas pour d'autres étapes de la procédure, le système suisse possède un caractère plus informel que la France. M. Tristan Chevroulet56 évoquait cette différence en ces mots : « Dans le processus suisse, il y a beaucoup d'outils à disposition. Quand un problème se présente, les responsables se munissent de l'outil qui sera le plus susceptible de résoudre la situation ». Pour illustration, le processus d'Evaluation Environnementale Stratégique (EES), qui vient généralement en amont de l'EIE, n'est pas systématique car il existe au moins deux autres systèmes prospectifs qu'il est possible d'utiliser : 55 Sources : Entretien avec M. Tristan Chevroulet, collaborateur scientifique à l'Institut Interdisciplinaire d'Éthique et des Droits de l'Homme (IIEDH), Université de Fribourg (Suisse) et Manuel de L'EIE, Directives de la Confédération sur l'étude d'impact sur l'environnement (PDF disponible en ligne). 56 Collaborateur scientifique à l'Institut Interdisciplinaire d'Éthique et des Droits de l'Homme (IIEDH), Université de Fribourg (Suisse). 75 - - - Les études de durabilité, qui sont généralement effectuées pour chaque projet fédéral : elles concernent tous les aspects du développement durable et sont ainsi plus englobantes qu'une simple évaluation environnementale. Les études d'opportunité qui pour leur part intègrent certains aspect des EES et sont faites dans le cadre des plans sectoriels. Elles sont néanmoins très facultatives et peuvent être réalisées à la demande expresse d'un parlementaire ou d'un bureau d'étude spécialisé. Enfin, les EES n'ont en pratique qu'un succès ténu car elles viennent s'ajouter aux réflexions établies dans le cadre de la préparation des plans sectoriels, qui bénéficient déjà de la participation active des responsables de l'environnement. L'EIE a contrario est une étape capitale et sa conduite est beaucoup plus systématique que tout le processus amont. Si elle est menée à son terme et approuvée, elle marque la plupart du temps la véritable « date de naissance » du projet. Verbatim : « Dans le processus suisse, il y a beaucoup d'outils à disposition. Quand un problème se présente, les responsables se munissent de l'outil qui sera le plus susceptible de résoudre la situation », Tristan Chevroulet 2- Le processus de l'EIE en détail Participation précoce des services de défense de l'environnement, du public et des parties prenantes L'EIE est un instrument de coordination et une étude de conformité légale : c'est une procédure d'autorisation, au même titre que les procédures d'approbation de plans ou d'autorisation de construction. Ces modalités sont régies par l'OEIE (Ordonnance relative à l'étude de l'impact sur l'environnement). Avant de procéder à l'autorisation de la construction, on regarde si le projet respecte les prescriptions réglementaires relatives à la protection de l'environnement. L'EIE, comme l'étude d'impact française, a pour objectif d'identifier le plus tôt possible l'impact environnemental du projet et de le supprimer ou le limiter. L'EIE est un processus d'accompagnement et d'optimisation des projets : elle vise à s'assurer que les prescriptions environnementales sont bien prises en compte, et ce, dès l'amont du projet. Pour se faire, l'EIE intègre de manière précoce les spécialistes de l'environnement dans l'équipe du projet : dès « l'idée » du projet et « l'enquête préliminaire », ingénieurs, maîtres d'ouvrage et spécialistes de l'environnement travaillent main dans la main au choix du site et aux variantes de tracé. Les conseils de ces instances sont précieux et permettent d'éviter les contestations ou la découverte d'un problème imprévu en aval, mais aussi facilite l'élaboration de réponses satisfaisant à la fois aux besoins du requérant57, aux normes techniques et à la protection de l'environnement, qui, plus elle est intégrée tôt aux études de projet, moins elle sera susceptible d'engendrer des frais importants. De plus, et pour les projets dits « critiques », l'usage est d'intégrer le public, et notamment les personnes directement concernées, les organisations habilitées à recourir et la commune, à la phase la plus précoce d'étude du projet. Via des réunions « spéciales », le public est ainsi tenu informé de la progression des opérations, ce qui permet d'éviter au maximum de probables contestations par la suite. La mise en place de cette plateforme institutionnalisée de participation du public, ainsi que celle d'un comité de suivi regroupant experts, 57 Le maître d'ouvrage. 76 représentants du requérant, de l'autorité compétente et du service spécialisé de l'environnement, est fortement recommandée pour tous les projets d'ampleur. Délais Pour les projets de grande envergure, une importante phase d'investigation est souvent nécessaire au préalable de l'EIE. C'est surtout cette partie de préparation qui est susceptible de prendre du temps (parfois des années) selon le projet. En ce qui concerne la planification des délais de l'EIE, celle-ci prend généralement en compte l'élaboration de l'enquête préliminaire, en plus des études environnementales et de la rédaction du Rapport d'Impact sur l'Environnement (RIE), document qui entérine l'EIE et dont l'ampleur et la durée de rédaction seront très variables selon les projets. Il faut compter en moyenne quelques semaines pour l'élaboration du dossier d'enquête préliminaire et un à plusieurs mois pour le RIE car l'élaboration du dossier peut parfois stagner, le temps de certaines études, comme celle sur les relevés floristiques, qui ne peut s'effectuer que pendant les périodes de végétation. En général, une EIE est techniquement bouclée au bout de 6 mois. Le projet s'ouvre alors sur une période où les délais peuvent être beaucoup plus flous et susceptibles de s'allonger de beaucoup notamment du fait de certains problèmes pouvant apparaître au moment des financements 58. Les délais de l'examen de l'enquête préliminaire et du RIE par les autorités compétentes ne sont pas formalisée : les articles 12a et 12b de l'OEIE (Ordonnance relative à l'étude de l'impact sur l'environnement) définissent les délais impartis aux services spécialisés de l'environnement pour évaluer les dossiers. Les délais ne courent qu'à la réception du dossier complet : de fait, un bon dossier influencera la durée nécessaire aux autorités pour l'évaluer : plus un dossier est lacunaire ou peu clair, plus les autorités mettront du temps à rendre leurs conclusions. Voir Encadré ci-après. Art. 12a : Délais de traitement pour l'enquête préliminaire et le cahier des charges. 1 Si l'EIE est effectuée par une autorité cantonale, le droit cantonal fixe le délai dont dispose le service spécialisé de la protection de l'environnement pour évaluer l'enquête préliminaire et le cahier des charges. 2 Si l'EIE est effectuée par une autorité fédérale, l'OFEV évalue l'enquête préliminaire et le cahier des charges dans un délai de deux mois. Il dispose d'un mois au minimum pour se prononcer après réception de l'avis cantonal. 3 S'il s'agit d'un projet pour lequel l'annexe prévoit que l'OFEV doit être consulté, celui-ci évalue l'enquête préliminaire et le cahier des charges dans un délai de deux mois. Art. 12b : Délais de traitement pour le rapport d'impact 1 Si l'EIE est effectuée par une autorité cantonale, le droit cantonal fixe le délai dont dispose le service spécialisé de la protection de l'environnement pour évaluer le rapport d'impact. 2 Si l'EIE est effectuée par une autorité fédérale, l'OFEV évalue le rapport d'impact dans un délai de cinq mois. Il dispose de deux mois au minimum pour se prononcer après réception de l'avis cantonal. 3 S'il s'agit d'un projet pour lequel l'annexe prévoit que l'OFEV doit être consulté, celui-ci dispose de deux mois pour évaluer si l'installation prévue est conforme aux prescriptions sur la protection de l'environnement. 58 Voir « Votation », p. 81 77 Enfin, l'autorité compétente a elle aussi besoin d'un délai pour préparer sa décision. En effet, préalablement à sa décision, elle doit examiner les autorisations précédentes et organiser si nécessaire des pourparlers de négociation. Les principaux acteurs de l'EIE Outre les parties prenantes « classiques » (autorité compétente, service spécialisé de l'environnement, maître d'ouvrage...), l'article 48 de la loi fédérale sur la procédure administrative précise que « les particuliers concernés et les organisations de protection de l'environnement habilitées à recourir » occupent une place essentielle dans toutes les phases des études des opérations d'infrastructures de transport. 1) Le Requérant C'est le maître d'ouvrage. Il a la charge de constituer le dossier de requête, lequel inclut l'enquête préliminaire et le cahier des charges, documents qu'il remet ensuite à l'Autorité compétente pour approbation de l'autorisation. Il doit également mettre à disposition du public les informations concernant le projet et ses impacts environnementaux et c'est également lui qui demande à un ou plusieurs bureaux spécialisés externes de réaliser les études environnementales du projet. 2) L'Autorité compétente C'est elle qui décide si la réalisation d'une EIE est ou non nécessaire, après l'étude de l'enquête préliminaire. C'est également elle qui dirige la procédure à distance : elle veille à ce que le service de la protection de l'environnement dispose de tous les documents dont elle peut avoir besoin et assure la coordination de leurs échanges avec le maître d'ouvrage. Elle peut également demander des études complémentaires. In fine, c'est elle qui délivre toutes les autorisations requises en vertu du droit fédéral, apprécie l'impact du projet sur l'environnement et en fonction, décide de la de la réalisation de ce dernier, ou non. 3) Services spécialisés de la protection de l'environnement Responsables d'une double mission de conseil et d'évaluation, les services spécialisés de la protection de l'environnement travaillent en lien étroit avec l'autorité compétente et le requérant. Ils peuvent apporter leur aide lors d'études environnementales particulières grâce à leurs connaissances des milieux et à leur grande base de données environnementales. Certain services spécialisés de la protection de l'environnement peuvent être décentralisés au niveau des cantons. Ces cantons désignent un service de coordination pour la protection de l'environnement qui permet de coordonner l'évaluation environnementale. Le rôle des services spécialisés de la protection de l'environnement est d'évaluer l'enquête préliminaire et le RIE dans le cadre de la procédure décisive. A chaque étape, le service spécialisé de la protection de l'environnement vérifie que le projet respecte bien la législation environnementale. Enfin, ils assurent également un rôle de police environnementale et peuvent exiger des explications complémentaires au requérant. Ils semblent plus intégrés et plus présents en continu dans la procédure que ne l'est notre « Autorité Environnementale ». 4) Public et droit de recours contentieux Toute personne, directement touchée par le projet ou non, a droit à une information transparente, dite « tempérée par la réserve du maintien du secret » : tous les documents peuvent être consultés, hormis ceux relevant d'intérêts privés ou publics. En revanche, le droit de s'opposer au projet ou de recourir est quant à lui 78 réservé aux parties directement impliquées et aux associations de protection de l'environnement habilitées à recourir. Un recours ne peut être formé que si l'organisme habilité a, au préalable, effectué une « opposition »59. L'EIE en détail Schéma de la procédure de l'EIE fédérale en détail. Source : Manuel de L'EIE, Directives de la Confédération sur l'étude d'impact sur l'environnement Réalisation personnelle. 59 Selon la LPE, loi de protection de l'environnement et la LPN, loi de protection de la nature et des paysages 79 Non détaillerons ici les étapes de l'EIE suisse qui nous ont paru utiles à la comparaison avec la France. Pour plus de détail, le lecteur pourra consulter le « Manuel de l'EIE. Directive de la Confédération sur l'étude d'impact sur l'environnement, OFEV 2009 », disponible en ligne. Préparation / Etude d'impact préalable: évaluation par le maître d'ouvrage des variantes et des solutions alternatives et détermination de la faisabilité du projet au regard du droit environnemental. Prise de contact avec des spécialistes de l'environnement. Les études d'impact préalables font partie du processus mais peuvent être relativement volatiles : elles prennent généralement la forme de rapports de travail circulant entre le maître d'ouvrage, l'autorité compétente et le public. Leur but est d'identifier très en amont les principaux impacts que pourra entraîner le projet et les moyens de les éviter. C'est souvent sur ces pré-études d'impact que se fonde la décision de procéder ou non à une EIE formalisée. Projet soumis à l'EIE ? : Le maître d'ouvrage se réfère à l'annexe de l'OEIE pour déterminer si son projet sera ou non soumis à l'EIE. S'il doute, c'est l'autorité compétente, en lien avec les services spécialisés de la protection de l'environnement qui auront le dernier mot. Les projets non soumis à l'EIE sont généralement ceux d'une valeur inférieure à 40 millions de francs suisses (soit 36 millions d'euros). De plus, il est tout de même nécessaire de réaliser une pré-étude d'impact expliquant en quoi les impacts du projet ne sont pas assez significatifs pour justifier d'une EIE et précisant les mesures standards prises pour éviter les impacts, mêmes minimes. L'étude d'impact préalable est un prérequis utile et obligatoire à la procédure 60. Respect du droit de l'environnement : Si un projet n'est pas soumis à l'EIE, il doit néanmoins respecter les prescriptions environnementales en vigueur (enquêtes sur les nuisances possibles et rédaction d'une « notice d'impact » pour les projets d'envergure). Enquête préliminaire : le maître d'ouvrage a l'obligation d'effectuer une enquête préliminaire pour déterminer l'impact global du projet sur l'environnement 61. Premier résultat de l'EIE, elle indique les principales questions, conditions et exigences du projet afin de limiter au stricte nécessaire la suite des études environnementales. L'autorité compétente rend un avis sur cette enquête, ce qui permet d'emblée au requérant de disposer d'une position officielle des autorités sur le projet et ainsi de pouvoir opérer une planification sécurisée de la plupart des retards liés aux études. Enquête préliminaire ayant valeur de RIE : pour les petits projets, l'enquête préliminaire est souvent suffisante pour évaluer tous les problèmes du projet sur l'environnement et est alors considérée comme ayant valeur de RIE. Enquête préliminaire avec cahier des charges : pour tous les autres projets, et notamment ceux d'importance, le requérant doit effectuer une démarche par étape, dont les investigations sont fixées dans le temps et l'espace. Les étapes de l'EIE sont décrites dans l'enquête préliminaire avec cahier des charges des études environnementales à réaliser. En clair, le cahier des charges désigne les études environnementales à réaliser et fixe le cadre spatial et temporel de ces investigations : selon l'ampleur et la complexité du projet, la durée et les détails nécessaires à l'élaboration du RIE seront très variables. Etudes environnementales : Après les avis des services spécialisés cantonaux et fédéraux, ainsi que celui de l'autorité compétente, le maître d'ouvrage peut procéder à la suite des évaluations environnementales, sur la base d'un cahier des charges éventuellement retouché. A partir de ce moment et jusqu'à la remise du RIE aux autorités compétentes, la procédure doit généralement être bouclée dans les 6 mois. 60 Cf « Préparation » : le requérant peut dès ce stade s'entourer de tous les acteurs qu'il juge nécessaire à sa bonne évaluation des impacts les plus significatifs du projet. 61 Office Fédéral de l'Environnement (OFEV), art. 8 et art. 10, OEIE 80 RIE : le rapport d'impact environnemental consigne les résultats des études et les mesures requises pour la protection de l'environnement. Le RIE et les autres documents du dossier d'enquête sont envoyés à l'autorité compétente et à l'OFEV (Office fédéral de l'Environnement) pour vérification de la complétude du dossier. L'autorité compétente peut encore demander au requérant de compléter le dossier et s'assure d'autre part que le public a accès au dossier. Oppositions éventuelles et séances de conciliation : A ce stade, les organisations habilités et les particuliers peuvent manifester leur opposition au projet auprès de l'Autorité compétente. A ce titre, des séances de conciliation peuvent être organisées, séances qui seront appuyées par le soutien technique de l'OFEV. Evaluation du RIE par le canton puis par l'OFEV : D'abord c'est le service cantonale de la protection de l'environnement qui donne son avis sur le RIE, puis, le dossier est envoyé à l'OFEV qui aura 5 mois à partir de la réception du dossier pour l'évaluer. L'OFEV peut à son tour demander des enquêtes supplémentaires s'il estime que le dossier est lacunaire. Enfin, il formule des charges et conditions pour la protection de l'environnement et donne son avis sur le projet. Décision : En se fondant sur l'avis cantonal et sur celui de l'OFEV, l'autorité compétente prend la décision finale et apprécie l'impact du projet sur l'environnement. Recours : Un recours auprès du tribunal fédéral administratif contre la décision de l'autorité compétente peut être formé par les parties prenantes habilitées. En conclusion, rappelons qu'il n'existe pas de consensus types pour chacune des étapes de l'EIE car celles-ci seront différentes selon les types d'installations et d'infrastructures. Chaque infrastructure bénéficie d'un traitement particulier qui définit, étape par étape, le degré de précision devant être fourni par l'EIE. 3- Concertation, votation et décision Concertation Comme en France, c'est le maître d'ouvrage qui est chargé d'organiser la concertation. Pour ce faire, il peut demander l'avis des offices fédéraux ou cantonaux de l'environnement quant aux acteurs à intégrer à cette concertation. Lorsque c'est le cas, l'office délègue le plus souvent la concertation à un « répondant », adjuvant au maître d'ouvrage pendant toutes les phases d'élaboration concertée des projets. La concertation est une plateforme d'échanges dont les acteurs varient selon les projets : citoyens, riverains touchés par le projet, autorités cantonales, ONG, offices fédéraux si le projet tombe sous leur responsabilité62, et parfois même représentants du Conseil d'Etat. La participation du grand public et des riverains s'organisent généralement autour d'ateliers régionaux, réunissant jusqu'à 200 personnes volontaires. Les conclusions de ces ateliers sont ensuite envoyées aux pouvoirs locaux et libres de consultation. Ces ateliers peuvent également donner lieu à des travaux académiques et publications de retour d'expérience, qui pourront faciliter les décisions de projets ultérieurs. Nullement obligatoires, ces ateliers seront suivis de manière plus ou moins intensive selon le degré de contestation qu'aura engendré le projet. A l'image des procédures d'évaluation environnementale, la concertation transalpine reste menée de manière très informelle et est d'autre part beaucoup moins utilisée comme faire valoir d'oppositions catégoriques ou d'oppositions de principe qu'en France. 62 A noter que les offices fédéraux ont la possibilité d'assister aux phases d'élaboration concertée d'un projet cantonal en tant que simple observateur afin de conseiller le maître d'ouvrage ou de collecter des informations. 81 A contrario, le recours aux spécialistes de l'environnement s'effectuera de manière beaucoup plus systématique63. Votation Pratique emblématique de nos voisins helvètes, la votation peut servir à entériner quasi complétement un projet, ou au contraire, à l'annuler totalement. Liées aux financements des projets les plus conséquents, elles peuvent avoir lieu à l'issue d'une EIE et se substituer à la décision de l'autorité compétente de réaliser ou non le projet. Le recours à la votation est le plus souvent décidé après le processus d'EIE, lorsque le projet nécessite de débloquer un crédit particulier : la population est alors consultée quant à l'acceptation d'un « schéma de financement ». Cette pratique peut marquer le début d'un processus plus « mou » : techniquement solide, le projet doit alors convaincre la population. Cette votation populaire peut avoir l'avantage de débloquer beaucoup de verrous voir d'accélérer la mise en service d'un projet ; l'opportunité et a fortiori l'existence concrète du projet ne pouvant plus être contestées. La conduite du projet des « Nouvelles lignes ferroviaires transversales alpines » (NLFA) pourrait servir d'exemple à ce postulat : Les nouvelles lignes ferroviaires alpines (NLFA) se composent de deux nouveaux tunnels de base à travers les Alpes suisses ­ le tunnel du Lötschberg (34,6 km de longueur) et celui du Gothard (57 km) ­ et d'un aménagement des lignes d'accès. A l'origine de ce projet : une initiative populaire de 1994 et la volonté de transférer le transport de marchandises de la route vers le rail. Ce projet nécessitait des investissements colossaux d'une hauteur de 15 milliards de Francs suisses. Portés par une forte volonté populaire et politique, le tunnel de Lötschberg a pu être ouvert en 2007, seulement 13 ans après son « idée ». Mais l'initiative populaire que représente la votation peut également sonner le retard voir le glas d'un projet d'équipement. C'est ce qu'il s'est passé à Neufchâtel en 2012 pour le projet de RER « Transrun », enterré à plus de 50% par les Neuchâtelois. Le Transrun, projet de ligne ferroviaire directe entre Neuchâtel et La Chaux-deFonds visant à réunir les trois villes du canton ­ Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds et le Locle ­ en une seule agglomération de plus de 120 000 habitants appelait une facture de 850 millions de francs suisses jugée trop élevée par rapport à l'utilité du projet et à l'état des finances du canton cette même année. Et ce, malgré les promesses d'aides fédérales et le large soutien du gouvernement neuchâtelois des villes de Neuchâtel, de la Chaux-de-Fonds et du Locle, ainsi que de tous les principaux partis politiques, à l'exception de l'UDC 64. Le projet, qui aurait signifié à terme l'abandon d'une ligne ferroviaire en bon état et de la desserte de six gares, n'a pas su convaincre la population et ce malgré le déroulement sans histoire des études techniques et environnementales. 4- Associations de défense de l'environnement, OFEV et information Le système d'identification et d'évaluation des impacts environnementaux est extrêmement poreux entre le maître d'ouvrage et les spécialistes de l'environnement, notamment les associations. Pro Natura, WWF Suisse et Environnement Suisse pour les plus importantes, sont très souvent mobilisées par les requérants pour leurs expertises sur le terrain et leurs bases d'informations concernant les espèces protégées, les corridors écologiques et les inventaires floristiques et faunistiques. Elles sont généralement sollicitées dès l'étape de l'étude d'impact préalable, alors que le projet et son tracé ne sont défini que très globalement. Ces pré-consultations permettent de cibler le plus rapidement possible les projets qui auront besoin d'une attention plus poussée. A une étape du projet plus avancée, lorsque les variantes sont étudiées plus précisément, ce partenariat permet d'aider les porteurs de projet à sélectionner la trame la plus viable selon la méthode « Eviter, Réduire, Compenser » tout en bénéficiant de l'accord informel des acteurs de la protection de l'environnement. Ainsi, cette démarche permet de réduire drastiquement les motifs de recours contentieux pouvant arriver par la suite à l'initiative des associations de défense de l'environnement. 63 64 Voir point suivant « Associations de défense de l'environnement, OFEV et information » Union Démocratique du Centre 82 Les ONG, financées la plupart du temps par des fonds fédéraux et les donations de leurs membres, sont motrices pour l'apport et la diffusion d'informations : facile d'accès pour le maître d'ouvrage, elles fournissent des prestations gratuites et complètent les informations transmises au requérant par les offices fédéraux et cantonaux de l'environnement. De fait, les ONG et les autorités compétentes en matière d'environnement possèdent le plus souvent des cadastres faune et flore complémentaires permettant une optimisation des données par leur recoupement. Les associations et l'office fédéral de l'environnement publient régulièrement des études ou des rapports rassemblant les données environnementales soit par thèmes (forêts, biodiversité, etc.), soit par cadastres. A revers, les associations nationales de défense de l'environnement s'occupent également de communiquer aux riverains les dangers qu'elles ont identifiés si elles ne se sentent pas assez écoutées par le maître d'ouvrage. 5- Conclusions : les avantages d'une comparaison approfondie La Suisse est dotée d'un système de planification et d'évaluation des projets d'infrastructures de transport tout à fait original et unique. Caractère informel de la procédure, engendrant une forme de souplesse à tous les niveaux, Une EIE affinée avec enquête préliminaire et cahier des charges, pour des délais d'étude ramassés (6 mois) Elaboration des projets avec l'intégration précoce des spécialistes de l'environnement (organismes gouvernementaux et non gouvernementaux), la majorité des informations utiles à l'évaluation environnementale des projets étant aux mains des associations protectrices de l'environnement. Déblocage politique et financier des projets grâce à la votation populaire. - 83 IV- PISTES DE SOLUTIONS ET PRECONISATIONS Les Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l'Environnement 65 ont révélé des attentes partagées par la plupart des 800 contributeurs : rendre le droit de l'environnement plus lisible, plus clair, plus compréhensible, proportionner les exigences du droit aux enjeux environnementaux et disposer de règles stables et prévisibles. Parmi les contributeurs, les porteurs de projets ont exprimé les souhaits suivants : la création d'un guichet unique, la mise en place d'un permis environnemental et d'une autorisation unique afin d'éviter les procédures multiples. L'absence d'approche intégrée engendre des délais et une charge de travail supplémentaires, tant pour les porteurs de projets que pour les services qui les instruisent, ainsi qu'un risque d'incohérence. Elle est aussi source d'incompréhension et de confusion pour le public, qui perçoit moins l'utilité de sa contribution. Le premier axe de réforme pourrait consister en la mise en oeuvre d'un permis unique par étapes, avec par exemple la création d'un guichet unique, avec un référent unique au sein de l'administration destiné à accompagner les porteurs de projets, puis la fusion des autorisations délivrées au titre du code de l'environnement. La création d'un tel permis environnemental nécessiterait toutefois des réflexions plus avancées sur la mutualisation des études d'impacts et l'harmonisation des délais de délivrance et de validité des autorisations ou encore celle des voies de recours. Le permis unique est envisagé comme l'ultime étape. Il regrouperait l'ensemble des autorisations relevant des législations sur l'environnement, l'urbanisme et l'agriculture. D'autres pistes ont été envisagées lors de ces Etats généraux : la dématérialisation des procédures, qui serait source de réduction des délais et des coûts d'instruction des dossiers, l'étude d'une procédure d'autorisation tacite en l'absence de réponse de l'administration dans les délais, ainsi que la réduction globale des délais de traitement des dossiers. De nombreuses critiques ont porté sur les études environnementales, jugées trop nombreuses et redondantes. Pour un même projet, peuvent être nécessaires une étude d'impact, une évaluation de son incidence au titre des espaces Natura 2000, une étude au regard de la loi sur l'eau, une autre sur l'état de conservation des espèces protégées... La réflexion sur la mutualisation de ces études est très attendue. En conséquence, il semble que la modernisation des processus d'évaluation environnementale doit passer par : D'un point de vue global par : la recherche d'un progrès et non d'un recul en matière de droit de l'environnement, le souhait d'une plus forte proportionnalité des contraintes procédurales aux enjeux environnementaux et enfin la volonté d'une plus grande efficacité et effectivité du droit de l'environnement66, La rédaction de dispositions législatives et réglementaires claires et non redondantes dans leurs objectifs, Une « solidification » des bases du projet et de son acceptation, La réduction des motifs de contentieux, Une plus grande stabilité de la norme et des projets eux-mêmes, - 65 Source : Audition devant la commission du développement durable du Sénat, le 17 juillet 2013, de Delphine Hedary, présidente du comité de pilotage des États généraux de la modernisation du droit de l'environnement, et de Claude Chardonnet, membre du comité de pilotage. http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20130715/devdur.html 66 Principes retenus par le conseil des ministres du 17 juillet 2013 suite à cette première phase des EGMDE : http://www.elysee.fr/conseils-des-ministres/article/compte-rendu-du-conseil-des-ministres-du-17-juillet-201/ 84 - Une simplification des procédures et des intervenants, à l'aide d'un régime harmonisé des actes par exemple, La clarification du niveau d'exigence de protection souhaitée, La production d'un document réunissant les retours d'expériences sur les mesures de réduction et de compensation par type de cas, à destination des maîtres d'ouvrages et des services instructeurs, Un plus grand investissement français dans les négociations des textes européens et l'anticipation de la réflexion sur la transposition des normes en droit national. - - Cette clarification mérite également de revoir l'approche des textes communautaires, souvent généraux dans leurs contenus et prescrivant des objectifs d'amélioration environnementale impliquant des évaluations scientifiques poussées et des mesures de gouvernance lourdes. Les recommandations qui suivent sont issues des entretiens réalisés dans le cadre de l'étude. Elles sont de nature variée : appel à des évolutions réglementaires, à des améliorations méthodologiques, à des changements de comportement...Elles ont vocation à être débattues. A- MUTUALISATION ET REGROUPEMENT : ETUDE DE LA FUSION DES PROCEDURES, DE LA MUTUALISATION DES ETUDES D'IMPACT ET DU REGROUPEMENT DES AUTORISATIONS ENVIRONNEMENTALES POST DUP/DP 1- Regroupement des procédures post-DUP/DP? La déclaration d'utilité publique constitue aujourd'hui un pivot mais aussi un facteur de rigidité compromettant pour les capacités d'adaptation des projets issus de l'enquête d'utilité publique. De fait, on ne soumet à l'enquête d'utilité publique qu'un projet abouti, et il n'est pas susceptible, ou peu, d'être modifié à l'issue de la procédure. Les marges d'adaptabilité d'un projet sont extrêmement faibles après la DUP : si celui-ci bouge de façon significative après cette étape, il est susceptible d'entrer dans le champ de la « modification substantielle » qui induit la reconduite d'une enquête publique ainsi qu'un nouveau passage à l'AE. Le projet est donc figé, ce qui va poser problème si, les études qui suivent (loi sur l'eau et espèces protégées notamment) au moins aussi importantes que les précédentes, entrainent une modification substantielle du projet. La rigidité introduite au niveau de la DUP fragilise les procédures et oblige à la négociation pas à pas. Cette pratique favorise les mesures de compensation par exemple, plutôt que la viabilité d'un projet sur le long terme. A noter également que les recours sur les procédures post DUP, relevant du plein contentieux, sont plus importants parce que plus aisés à enclencher. En 1976, la loi Bouchardeau regroupait les enquêtes publiques et la DUP. Est-il possible, aujourd'hui, de faire la même chose avec la loi sur l'eau par exemple, et les procédures post-DUP, désormais presque autant attaquées que la DUP elle-même ? Cela permettrait de fusionner les procédures et d'aller dans le sens d'un enrichissement de l'étude d'impact grâce aux précisions concernant la biodiversité et la loi sur l'eau. Cela permettrait d'autre part un vrai point de rendez-vous ainsi que l'assouplissement de la DUP. A noter qu'il ne faut pas que ce « regroupement » devienne un moyen d'échapper à certaines procédures nécessaires à la protection de l'environnement. D'où une attention plus poussée quant au bilan des procédures. Ces différentes simplifications et regroupements doivent induire une plus grande vigilance : vigilance qui pourrait être garantie par la concertation permanente ou par une autorité administrative qui verrait son rôle transformé. 2- Vers une procédure unique, sanctionnée par un « permis environnemental » unique ? La mise en place d'un permis environnemental unique reste encore une proposition hautement hypothétique, voire contestée ; l'étude de son possible fonctionnement est un sujet d'actualité et de débat, notamment au sein 85 des Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l'Environnement. Ainsi, les propositions ci-après restent largement ouvertes à la discussion. Le permis unique Morcellement, faiblesses, lourdeur sont les difficultés du système actuel. Afin de s'assurer que les impacts des projets soient les plus limités possibles à travers la démarche Eviter, Réduire, Compenser, les procédures du code de l'environnement se sont démultipliées : on compte aujourd'hui une vingtaine de régimes administratifs ayant pour but d'encadrer des décisions individuelles dont chacune dépend d'une autorité compétente différente, mais aussi de délais d'instruction propres, de modalités de publicité, de consultations obligatoires, d'information du public, de délais et de voies de recours différents. La démarche, très peu intégrée, peut provoquer un risque d'incohérence dans la séquence d'application de la démarche ERC 67, et une recrudescence des délais et des charges de travail pour les porteurs de projets et les services instructeurs, entraînant par la même occasion des incompréhensions de la part de tous les acteurs et du public et augmentant les motifs de contentieux. A noter que la recherche d'intégration peut néanmoins s'accompagner de délais d'instructions importants, ce qui doit rester un point de vigilance important. C'est notamment ce que montre le retour d'expérience de l'autorisation « installations classées », visant à intégrer l'ensemble des impacts sanitaires et environnementaux ainsi que les prescriptions de sécurité associées à ces installations. Dans ce contexte, et dans une logique de simplification et de modernisation, a été étudiée la possibilité de mettre en place un « permis environnemental » unique qui signerait la naissance d'un processus intégré destiné à unifier les autorisations environnementales existantes de manière à traiter l'ensemble des problématiques relevant du code de l'environnement et les prescriptions des mesures ERC au sein d'un acte unique. Il s'agirait alors de créer une nomenclature unique reprenant les libellés existants : nomenclature ICPE, loi sur l'eau, habitats, afin : de traiter de façon plus satisfaisante les projets d'élaboration de longue haleine, de regrouper au sein d'une procédure unique l'ensemble de l'analyse environnementale du projet, et d'améliorer la mise en place des mesures d'évitement, de réduction et de compensation. Cette procédure doit être simplificatrice à la fois en termes de réalisation des dossiers que d'instruction de ces dossiers : une méthode efficace pour « mesurer » cette simplification, serait par exemple le délai global estimé pour réaliser ces dossiers et les instruire. D'autre part, cette procédure doit intervenir pour les autorisations postérieures à la DUP, sans englober cette dernière et pour les projets de faible ampleur uniquement, tant du point de vue spatial que temporel. La procédure unique devra donc être une possibilité, et non une obligation. Elle devra également prendre en compte les particularités liées aux projets de grande ampleur, comme celle de leur DUP notamment. De fait, pour ces projets, il importe d'obtenir la DUP très en amont des autorisations préalables au lancement des travaux pour être à même de maîtriser les emprises foncières comme les procédures d'acquisition, d'aménagement foncier ou d'archéologie se déroulant sur des périodes longues, généralement de trois à cinq ans. Il s'agira également de mutualiser les autorisations : la réalisation d'un projet ne nécessitera plus qu'un seul permis environnemental entérinant un acte unique afin d'unifier la procédure post-DUP. Mais cette procédure, qui doit permettre de gérer les évolutions d'un projet simplement, doit prévoir la divisibilité des autorisations issues de cette procédure unique pour éviter la perte de « toutes les autorisations » en cas d'annulation de la décision. Par conséquent, si un projet évolue à la marge et nécessite pour cela l'obtention d'une autorisation spécifique sur une thématique particulière (défrichement par exemple), la procédure « unique » devra permettre l'obtention de l'autorisation sur cette adaptation mineure sur la base d'un dossier traitant uniquement de l'enjeu en question. 67 Source : DGITM 86 L'idée générale est d'essayer de créer un processus décisionnel au titre de l'environnement en fonction de l'avancement des études du maître d'ouvrage, le but étant de donner plus de visibilité, en amont, au maître d'ouvrage. Le permis environnemental serait en fait un support qui permettrait une approche plus intégrée de l'environnement. Proposition68 La fusion des procédures post-DUP/DP contribuerait à la simplification et à l'efficience de la règle de droit en harmonisant le contenu et la nature des actes préparatoires aux autorisations (étude d'impact, document d'incidence) et la fusion des autorisations homogénéiserait leur durée de validité. Il conviendra de s'assurer, au concret, que ces fusions simplifient bien les tâches des maîtres d'ouvrage, permettent un gain de temps et d'efficacité dans l'instruction et le contrôle par les services de l'Etat, en même temps qu'elles demeurent compatibles avec les nécessaires progressivités et adaptabilité des projets d'infrastructures de transport. L'autorisation unique devrait être divisible pour permettre d'éventuelles modifications ultérieures seulement sur une partie de son objet, et pour en permettre le cas échéant une annulation partielle. Ces procédures fusionnées permettraient à une opération de pouvoir être contestée sur des mesures qui font l'objet de l'autorisation en question, mais plus sur les caractéristiques du projet légalement décidées à l'issue de la DUP/DP (dans un objectif de sécurisation des décisions prises lors des phases successives d'avancement du projet). 3- Risques et alternatives Rappelons au préalable que la proposition de permis unique n'en est qu'à son premier galop d'essai et ne fait pas l'unanimité chez tous les acteurs. Premier point de vigilance: les études, si on les raccourcit, doivent rester suffisamment précises pour pouvoir être assez complètes afin de permettre leur autorisation. Une deuxième difficulté apparaît dès lors que l'on traduit cette mesure de regroupement en termes d'autorisations : regrouper c'est en effet moins matérialiser les différentes étapes par des autorisations afin d'augmenter la capacité d'adaptation du projet. Donc, avoir une seule procédure sans décisions intermédiaires, qui sanctionne les différentes étapes, cela pourra signifier la transformation des compétences des différentes autorités à plusieurs niveaux de décision (ministre, préfet de région, préfet de département, etc.). Le regroupement des procédures s'accompagnera-t-il d'un regroupement des autorités ? Si cela est possible et souhaitable, quelles autorités seront susceptibles d'être regroupées ? D'autres difficultés appellent à rester vigilent quant aux modalités d'application de la procédure unique. Reste notamment le problème de l'articulation de la DUP/DP avec cette autorisation unique. De fait, la DUP est soumise à étude d'impact et description de la démarche ERC. L'idée serait également de faire porter une étude d'impact sur la procédure unifiée. Or cette articulation reste floue. Une certaine clarté pourra être trouvée dès lors que le travail de transformation du processus en termes juridiques aura eu lieu. Enfin, la procédure du permis unique telle que présentée précédemment semble être plus adaptée aux « petits » projets. En effet, un projet dit « simple » est souvent soumis à plusieurs autorisations dans un temps proche voire simultanément, et c'est dans ce cas que la procédure de permis unique pourra être la plus efficiente et permettre le maximum de gain de temps et de simplicité. Mais, pour les infrastructures de transport cumulant élaboration complexe et étalement dans la durée (comme les grandes infrastructures linéaires), d'autres solutions semblent leur être plus adaptées. 4- Favoriser les échanges informels entre l'administration et les porteurs de projets ? 68 Source : MEDDE 87 Le guichet unique, une alternative au permis unique pour les projets complexes Si la mise en place d'une procédure unique ne peut être réalisée, il conviendrait peut-être de rechercher une amélioration des relations entre l'administration et les porteurs de projets. Amélioration qui pourrait être assurée aux porteurs de projet par l'existence d'un « guichet unique » et d'un interlocuteur désigné assurant le suivi de leur projet pour l'ensemble des procédures. Les premières réflexions sur le permis unique tendent à favoriser cette seconde approche. De fait, cette autre approche est que l'on peut simplifier sans forcément toucher aux procédures, en procédant à un regroupement des dossiers ou encore à un guichet unique. Pour la mise en place d'un guichet unique, il faudra d'abord que se mettent en compatibilité les différents services informatiques des différents services instructeurs. L'objectif étant de permettre, à terme, le dépôt dématérialisé d'un seul dossier par projet, quel que soit le nombre d'autorisations requises, regroupant l'ensemble des informations communes aux besoins d'instruction des dossiers (comme les besoins des volets hydrauliques, faunistiques, forestiers, sur la qualité de l'air...) à un niveau de détail approprié. Pour les projets d'infrastructures linéaires, et compte tenu de leurs nombreux enjeux et de leur temporalité qui s'inscrit en général sur plusieurs décennies, rechercher cette mutualisation des procédures doit être appuyé par l'assurance d'une meilleure stabilité du droit de l'environnement et des pratiques correspondantes. A ce titre, le droit de l'environnement pourrait intégrer un effet de cliquet permettant à une opération de ne pouvoir être contestée que sur ses mesures d'accompagnement mais pas sur son principe même. Il a été proposé, à ce titre, la possibilité de purger de recours les vices de formes et de procédures, des procédures Post-DUP, via une procédure en référé. La procédure en référé d'urgence par exemple, permettra de savoir rapidement si l'acte est valable au titre de sa forme et de sa procédure. Les Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l'Environnement proposent quant à eux : « d'étudier les moyens de limiter le risque contentieux dans le procès administratif sans remettre en cause l'accès au juge, en particulier par l'ouverture d'une possibilité de saisir le juge afin qu'il statue sur la régularité d'une procédure et puisse, à un stade précoce de celle-ci, prescrire les mesures propres à remédier à ses irrégularités. » Cette mesure pourra être envisagée à raison de compromis, comme celui de la remontée en amont des dispositifs de concertation. Deux stratégies peuvent en effet être envisagées : la première consiste, comme nous venons de l'évoquer, à diminuer les possibilités de recours, et la seconde, à réduire les motifs de recours. - Améliorer l'appropriation du contenu des Etudes d'Impact Mutualiser les Etudes d'impact Aujourd'hui, les grands projets d'équipement sont soumis à une multitude d'autorisations à caractère environnemental qui nécessitent pour presque chacune, une étude d'impact. L'impression du maître d'ouvrage est qu'il doit incessamment produire des études d'impact, à tous les stades d'avancée du projet, sur chaque procédure, avec des cahiers des charges différents, etc. Il est alors dur de s'y retrouver pour le maître d'ouvrage et dur de trouver une réelle utilité à cette charge de travail. Dans le cadre des Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l'Environnement, une attente très forte est celle de la mutualisation des études, notamment des études d'impacts avant la DUP. Selon certain maîtres d'ouvrage, la multiplication des études d'impacts demandées au titre de différentes procédures et à différents stade d'élaboration du projet, est une source de complication dans l'avancement des projets en premier lieu du fait des difficultés de compréhension de ce qui est attendu du maître d'ouvrage aux différentes étapes de l'avancement. Il est nécessaire d'explorer comment peuvent être mutualisées ces études d'impact, de mieux comprendre le niveau de finesse attendu aux différentes étapes et selon les procédures. Rattachée à l'enjeu de 88 la procédure unique, la conduite de l'élaboration du projet peut être améliorée et rendue plus lisible par la mutualisation de ces études. - Une demande d'amélioration de l'approche méthodologique Sur la base d'une documentation plus précise, une nette demande a été faite d'augmenter les échanges informels entre le maître d'ouvrage et l'administration. Il faut notamment que ceux-ci soient sur la même longueur d'onde quant aux niveaux de précisions à atteindre dans l'étude d'impact. En conséquence, cela appelle trois évolutions : L'augmentation des échanges informels entre le maître d'ouvrage et l'administration via un guichet unique par exemple, dont un des objectifs serait de préciser le contenu des études d'impact, pour une meilleure application du principe de proportionnalité, La précision des démarches et des seuils du cas par cas, surtout en ce qui concerne les petits projets, car les maîtres d'ouvrages se retrouvent souvent dans le flou quant au sens à donner aux critères du cas par cas (une route de chantier est-elle une route de moins de 3 km et donc doit-elle être soumise à la procédure de cas par cas ?), Et l'utilisation plus poussée de cahiers méthodologiques, ou de documents synthétisants les retours d'expériences des mises en application concrètes et par projet, de la démarche Eviter, Réduire, Compenser. Ce dernier point pose néanmoins la question de la réalisation concrète de cette « jurisprudence des pratiques administratives dans le cadre des procédures d'évaluation environnementale ». Préciser au maximum le contenu de l'étude d'impact permettrait, entre autre, à l'administration de ne pas être dépassée par l'ampleur de certaines études d'impacts, certains projets pouvant engendrer des documents allant jusqu'à 3000 pages, impossibles à instruire dans les délais impartis. Il est intéressant de noter à ce stade que la pratique de nos voisins néerlandais et suisses pourrait s'avérer intéressante. En effet, ces derniers procèdent en deux temps : tout d'abord les projets d'infrastructures sont soumis à une première étude d'impact générale (Evaluation Environnementale Stratégique aux Pays-Bas et Etude d'impact préliminaire en Suisse) dont les résultats seront par la suite utilisés pour détailler le contenu de l'étude d'impact principal69. 5- Solidifier les bases scientifiques d'un projet grâce au regroupement et au partage de l'information environnementale des territoires entre associations et maîtres d'ouvrage afin de favoriser les mesures d'évitement dès l'amont du projet ? Dans la lignée d'un renforcement du dialogue informel entre le maître d'ouvrage et les autres parties prenantes d'un projet, France Nature Environnement a proposé la création d' « Atlas communaux » : fonds scientifiques, géographiques, cartographiques et de définitions par territoire, alimentés et actualisés par des experts nationaux et locaux ainsi que par les associations elles-mêmes. Ces inventaires des territoires et de la Nature permettront en amont au maître d'ouvrage une meilleure collecte de ces informations qui ne sont actuellement ni homogènes, ni regroupées, ni actualisées et partant ralentissent le travail de ce dernier. L'objectif de ces atlas est en priorité de favoriser au maximum les mesures d'évitement (par rapport à celles de réduction et plus encore à celles de compensation), car l'évitement est encore la solution la plus viable en termes d'environnement et la moins chère pour les porteurs de projet. 69 Voir III 89 Plusieurs exemples récents, notamment celui de la LGV POCL (Paris-Orléans-Clermont-Lyon) ont montrés que, plus il y a d'échanges informels avec les associations en amont, plus celles-ci sont en mesure d'aider le maître d'ouvrage à mutualiser toutes les informations nécessaires quant aux caractéristiques des territoires et à la biodiversité qui les constitue. Ainsi, le maître d'ouvrage qui pourra bénéficier d'une vue d'ensemble des besoins sur le ou les territoires de son projet sera moins enclin, par exemple, à découvrir plus tard une espèce protégées dont il n'avait pas la connaissance. En dialoguant sur ces informations avec les associations locales ou nationales, il renforcera d'autre part la sécurité juridique de son projet et pourra réduire les risques de contentieux avec ces mêmes associations. Un accès facilité à l'information scientifique sur les territoires permet donc de renforcer la sécurité des projets. Plusieurs questions demeurent, comme celle du financement de ces Atlas communaux, ou encore celle de leur durée de vie. A minima, il semble qu'il faille encourager la mutualisation de ces documents d'information via leur mise en ligne. Ce qui permettrait également de pouvoir les actualiser plus facilement et ainsi éviter à terme l'obsolescence des données. Notre proposition : Encourager les recueils d'information pour favoriser les mesures d'évitement en amont. Favoriser la mise en ligne des informations existantes pour un accès plus simple des maîtres d'ouvrage aux documents. Favoriser au maximum les échanges informels entre les acteurs associatifs et les maîtres d'ouvrage, afin de sécuriser les bases d'un projet et de permettre à l'information concernant les territoires et la biodiversité de circuler de manière la plus fluide possible. 6- Alléger le travail des services instructeurs en développant la pratique des autorisations tacites en l'absence de réponse de l'administration dans un certain délai ? La conception des dossiers est rendue complexe par le niveau de précisions des études à fournir pour obtenir les autorisations nécessaires, ce qui se répercute sur les procédures d'instruction, lesquelles sont alors longues et nécessitent des allers-retours nombreux avec les services instructeurs. Afin de réduire autant que faire se peut les délais d'instruction des dossiers et de faciliter la tâche des administrations, il pourrait être avantageux de développer la pratique des autorisations tacites en l'absence de réponse de l'administration dans un certain délai. Actuellement le processus est, à quelques exceptions près, en général inversé. Une étude à ce sujet est analysée au Conseil d'Etat au moment de la rédaction de ce rapport d'étude. Dans le cas d'une autorisation unique, amalgamant toutes les autres, il serait nécessaire d'inventer une procédure d'instruction autre que la somme de toutes les procédures d'instruction pour chacune des autorisations, sinon, les délais seraient particulièrement allongés. B- ELABORATION CONCERTEE DES PROJETS : FAVORISER LES ECHANGES ET LA CONCERTATION CONTINUS Deux pratiques quant à la concertation autour d'un projet semblent être à privilégier : D'une part, la concertation visant à renforcer les bases d'un projet, tant du point de vue de sa viabilité que de son opportunité Et d'autre part, la concertation permanente et sur le long terme. En effet, à l'ère du numérique, il est possible de militer pour : des forums où les divers points de vues seraient en mesure de s'exprimer et 90 un système de documentation en ligne accessible à la population mais surtout assez précis pour aider à la décision des maîtres d'ouvrages ainsi qu'à l'accessibilité des informations scientifiques pour les associations. Ce dernier pourra prendre la forme d'un fond scientifique, géographique, cartographique et de définitions alimenté par des experts nationaux et locaux. Il serait alors en mesure de permettre l'identification en amont des principales zones prioritaires de biodiversité, et ainsi aider aux meilleures stratégies de tracé des infrastructures. Ces « Atlas communaux » comme les nomme FNE, pourront jouer ce rôle de mutualisation des connaissances scientifiques de terrain. Il est donc préconisé de construire un dialogue permanent avec toutes les parties prenantes, via par exemple l'outil numérique ou la redéfinition des réunions publiques, plutôt que de borner la discussion à plusieurs concertations, qui peuvent paraître souvent biaisées : Du point de vue des aménageurs lorsque la discussion se veut technique et que la participation citoyenne semble être uniquement contestataire. Du point de vue du grand public et des associations, lorsque ces derniers ont l'impression de n'être associés à la concertation, qu'une fois les décisions prises. Pour autant il n'est pas conseillé de rendre obligatoire ce dialogue, qui devra toujours se trouver sous la responsabilité du maître d'ouvrage. Il s'agit néanmoins de tout faire pour renforcer certaines pratiques de concertation vertueuses qui ont fait leurs preuves70. En bref, on ne peut faire l'économie de l'élaboration concertée d'un projet. Mais il est utile de repenser la démarche si l'on souhaite mettre en place une évolution pérenne : pour faciliter les démarches de simplification et leur acceptation, il est nécessaire de renforcer les bases d'un projet. 1- Une généralisation de la concertation volontaire au moment des études préalables au Débat Public ? Plusieurs (FNE notamment) ont milité dans ce sens lors des entretiens. Ces études permettent de fournir les éléments d'éclairage utiles au débat. En particulier, elles identifient les scénarios fonctionnels et techniques, les évaluent au regard des objectifs de niveau de service ferroviaire ou routier et de performance environnementale, et produisent les premières fourchettes d'estimation des investissements. Cette phase est une étape fondamentale dans le processus d'évitement et de réduction des impacts, notamment pour les enjeux de conservation d'habitats et d'espèces et de préservation des continuités écologiques. Selon le maître d'ouvrage, cette phase peut être conduite avec ou sans les acteurs associatifs. Les expériences ont pourtant montré, et notamment celles réalisées entre RFF et FNE sur la ligne Paris-OrléansClermont-Lyon, qu'une étroite collaboration avec le secteur associatif dès ce stade était en mesure d'alimenter au mieux la connaissance du terrain et ainsi réaliser une première évaluation concertée des impacts et compensations les plus viables. L'idée est de pouvoir, dès lors que la CNDP décide de l'utilité d'un débat public et que le maître d'ouvrage commence à préparer un dossier de saisine, intégrer et associer les associations protectrices de l'environnement pour une meilleure connaissance du terrain. Pour autant, il ne s'agit ni de concurrencer le débat public, ni pour les associations de porter leurs désaccords et revendications sur le projet. Cette étape doit être un moment de décision concertée, où les acteurs associatifs amènent leurs connaissances et leurs savoirs locaux le plus en amont possible, ce qui doit permettre : De renforcer l'évaluation des enjeux environnementaux de la zone d'étude, 70 Source : RFF, entretien avec Jean Marc DZIEDZICKI, Responsable de l'unité Concertation et débat public, Direction des Relations Extérieures, de la Communication et de la Concertation. 91 - De prévenir les oppositions en aval, De mieux anticiper les démarches de compensations, De restaurer la confiance du public envers l'utilité du projet. Cette phase de concertation préalable pouvant être reléguée par les « têtes de réseaux locales » que constituent les antennes régionales de FNE par exemple. On peut ainsi espérer que les citoyens, informés, n'arriveraient plus au débat public en opposants systématiques. Les risques : Renforcer la procédure très en amont peut amener un degré d'exigence qui n'aurait pas sa place à un tel moment et ne serait pas en cohérence avec le stade de conception du projet. De fait, un pré-Débat Public qui viendrait concurrencer le Débat Public et qui remonterait progressivement vers l'amont les exigences de précisions appliquées à un projet, n'est pas à privilégier. L'objectif premier est ici d'utiliser le maximum des capacités du dispositif amont, sans pour autant l'alourdir. Quelles simplifications les études préalables au débat public concertées permettraient-elles de mettre en place par la suite ? 2- Quid de la participation du « grand public » ? Souvent critiquée, cette participation est néanmoins l'un des piliers du droit environnemental européen (Convention d'Aarhus du 25 juin 1998) et un droit garanti par la Constitution. Utile et désormais ancrée dans les moeurs, elle constitue l'essence du débat public. Ceci étant dit, il n'est pas politiquement incorrect d'examiner l'utilité des modalités de sa participation aux autres étapes de l'élaboration d'un projet. Pour les études de définition en amont, une concertation type « gouvernance à cinq » devrait être suffisante. Actuellement, le nombre d'étapes de sollicitation du public peut paraître énorme. En pratique, il est sollicité à chaque enquête publique : enquête publique de DUP, de loi sur l'eau, de défrichement, ICPE, parcellaire et réaménagement foncier, cette dernière pouvant englober à elle seule trois enquêtes publiques différentes. En l'espace de trois ou quatre ans, le public peut être sollicité sur 8 enquêtes publiques différentes, traitant de sujets généralement très techniques. Cette complexité est susceptible d'entraîner l'incompréhension puis le désintéressement progressif pour les enquêtes publiques, ce qui peut alors donner lieu plus tard à d'importantes contestations. Dans une phase post Débat Public, il est donc envisageable de continuer à faire vivre des formes de concertation où le grand public n'est pas entièrement associé, si et seulement si l'organisation d'un suivi est mis en place, afin de ne pas rendre obsolètes les accords pris pendant le Débat Public. Il est en outre primordial de conserver un flux d'information continu en faveur des citoyens (ce à quoi l'outil numérique peut largement contribuer) et de faire attention à conserver une forme de concertation et d'information importante lors des phases opérationnelles à l'approche des travaux et en phase travaux. Il faut donc privilégier un système de concertation sur le long terme et permanent plutôt que morcelé et suivant les différentes procédures. Un système d'information et d'écoute des revendications citoyennes parallèles pourrait permettre un véritable travail en temps masqué. 3- Compléter la réunion publique ? 92 Mode de concertation le plus répandu, la réunion publique signe la concertation. Le constat est toutefois que, dans un certain nombre de cas, le public présent n'est pas suffisant ou pas suffisamment impliqué, ce qui rend ces réunions publiques moins contributives pour le projet qu'elles ne devraient l'être. La réunion publique ne constitue donc pas l'alpha et l'oméga de la concertation, les formes de travail collectif sont à repenser, par exemple sous la forme d'ateliers (plus petits groupes) dans lesquels le maître d'ouvrage devrait veiller à la diversité et à la qualité des parties prenantes associées. Celles-ci doivent en effet être suffisamment motivées pour s'engager dans la durée. Moins la concertation est dilettante, moins le projet est susceptible de faire des bonds en arrière. Les parties prenantes associées à ces ateliers de travail doivent être les plus diversifiées possibles : représentants de l'Etat, des collectivités, du monde associatif de défense de l'environnement, d'usagers des transports, de défense des consommateurs, des agriculteurs, du monde économique et du monde des usages (chasseurs, pêcheurs, etc.). Le public plus large pourra lui aussi être associé à la procédure, selon des modalités qu'il reste à définir et en gardant à l'esprit que l'optique de l'exercice est de garder une taille raisonnable à ces groupes de travail pour garantir leur efficacité. Les qualités nécessaires pour une bonne concertation étant pour tous : diversité, volontariat, capacité à s'engager dans la durée. Après les avoir constitués, ces ateliers peuvent fonctionner par exemple, sur la base d'une démarche thématique. Car, face à la complexité des projets, cette approche peut faciliter l'appréhension des domaines tels que les milieux naturels, les paysages, la santé. Contenus et organisation de ces ateliers de travail pourront être ajustés à mesure que le projet avance. D'échelle plus réduite que l'actuelle réunion publique, cette approche sous forme d'ateliers de travail présente plusieurs avantages : Engagement sur la durée des parties prenantes, qui peuvent prendre toute la mesure de la complexité des choses et peuvent apprendre à se connaître entre elles, Travail global sur la démarche ERC. Les parties prenantes doivent être associées au travail d'entonnoir des procédures « éviter et réduire » si l'on veut espérer que les mesures de compensations soient élaborées collectivement, bien comprises et acceptées par la suite, A terme, amélioration de la définition et de l'acceptabilité d'un projet. - Ces ateliers posent toutefois la question de leur articulation avec les réunions publiques. Une possibilité serait de concevoir celles-ci comme des temps de synthèse et de discussion publique des travaux effectués en ateliers. Le maître d'ouvrage, mais aussi ses partenaires et les participants à ces ateliers s'y s'exprimeraient. A la clé d'une telle approche, la possibilité de sortir des logiques d'invective sommaire et la possibilité d'élaborer en commun des solutions aux problèmes et points de blocage identifiés. 4- Considérer les avantages du garant ? Avoir recours à un tiers est un facteur de progrès dans la qualité des échanges mais c'est également un gage de qualité dans le processus d'élaboration du projet pour les maîtres d'ouvrage en interne car le garant peut jouer un rôle d'aiguillon. La généralisation du garant serait un facteur de progrès pour le maître d'ouvrage sur toute la durée du processus d'élaboration concertée des projets. D'autre part, une concertation avec garant présente une économie de dépense par rapport au Débat Public, une meilleure gestion des délais et l'instauration d'un fil continu entre les différentes étapes d'un projet et les temps forts de la concertation. C- ANTICIPER LA TRANSPOSITION DES NORMES COMMUNAUTAIRES 93 Les manquements au droit environnemental européen (absence /retard de transposition et non-respect des directives) coûtent très chers en amendes, astreintes mais aussi en termes de sécurité juridique pour ses opérateurs internes. La France, si elle respecte le droit de l'environnement de l'Union Européenne, n'en est pas moins un de ces plus mauvais élèves (dans les 6 plus mauvais en 2012). Il faut par exemple rappeler que la France se trouve actuellement sous le joug : d'une condamnation pour non-respect de la Directive Nitrates, d'une autre condamnation pour non-respect de la Directive Habitats et d'un contentieux sur l'absence de transposition de la Directive Plans et Programmes. Pourtant, les conclusions du Rapport Lambert-Boulard rappelaient les dangers de la sur-transposition des normes européennes et le cas de la France en la matière : « En matière d'application, la France a tendance à en rajouter en sur-transposant aussi bien dans la mise en oeuvre des directives que dans les contrôles. » De fait, il est nécessaire de s'interroger sur la transcription de l'esprit des textes communautaires, la législation et la réglementation française pouvant aller au-delà des directives européennes, par soucis de prévention des contentieux en germe dans certaines directives. L'approche française quant aux processus de transposition peut parfois se traduire par des retards de transposition et/ou par des niveaux d'exigences démesurés par rapport aux outils et moyens réellement disponibles ; dans les deux cas, cette pratique est source de contentieux et ne place pas la France à son avantage pour les négociations utiles avec les parties concernées au niveau supranational. Il convient également d'observer que71 : - Le législateur peut parfois avoir des interprétations extensives du droit communautaire ou international, alors même que le texte supranational à transposer relève déjà d'une gageure ou fait déjà l'objet d'une menace contentieuse. - Il est souvent fait référence aux guides interprétatifs de la Commission européenne (qui pourtant sont publiés sans engager les Etats-membres), alors que ceux-ci mériteraient parfois un réel travail de transposition (dans le droit ou dans un guide méthodologique, selon le cas) pour être réellement applicables, s'il y a lieu. Enfin, en pratique, la transposition des règles communautaires mêle la transposition stricte et le droit national existant, ce qui conduit à une accumulation de contraintes, parfois très procédurières, sans réelle garantie de plus-value ou d'efficacité par rapport à la protection de l'environnement. Nous proposons donc d'admettre que l'application de tels principes puisse s'accommoder de l'ensemble des contraintes et enjeux en présence. Ainsi, cette application doit rester guidée par un souci de pragmatisme, compte tenu des exigences matérielles ou pratiques. Recommandation72 Les autorités françaises devraient s'investir davantage en amont dans les négociations des textes européens et anticiper la réflexion sur la transposition en droit national73. La pratique des institutions européennes n'offre que de courts délais de réaction aux parties prenantes, y compris lorsqu'elles sont chef de file et doivent mobiliser différents réseaux pour définir une position officielle. Le rythme irrégulier des travaux correspondants accentue la difficulté de partager dans la durée des enjeux tranversaux avec tous les acteurs concernés. S'investir davantage en amont implique donc également d'avoir 71 72 Source : CGDD Source : DGITM 73 Cf. démarche « Better Régulation » et « Regulatory fitness » 94 une vraie réflexion sur la façon d'associer efficacement les différents enjeux sectoriels concernés, avec l'anticipation qui convient, compte tenu du rythme prévisible des travaux communautaires. Le droit de l'environnement étant dans une très grande part d'origine communautaire, il importe de s'interroger sur la qualité des normes européennes et sur l'intensité du rôle que la France entend jouer pour y contribuer avec ses partenaires européens. Les autorités françaises devraient s'impliquer davantage dès les phases de négociation préalable des projets de textes européens en environnement-transport, intervenir auprès de la Commission européenne pour que soit renforcée la qualité des études d'impact, et se mettre en mesure d'apprécier plus rapidement les conditions d'application des futurs textes en droit interne, pour contribuer là encore à la simplification et à l'efficience de la règle de droit. Les mesures de transposition des directives, établies en prenant soin d'éviter tout risque juridique pour les projets qui serait lié au non-respect de ces directives, devraient également se garder de "sur-transposer", c'est à dire d'être plus strictes que ce que requiert la norme européenne. Enfin, après l'étude de plusieurs cas étrangers (et notamment de l'Allemagne et des Pays Bas), il semblerait que les volontés de simplification du droit environnemental ne soient pas une simple préoccupation nationale. Partant, il n'est pas incorrect de prôner également des simplifications au niveau supranational. D- GESTION DES MESURES COMPENSATOIRES Plusieurs propositions, à débattre, visent l'optimisation des mesures compensatoires : 1- Pouvoir compenser ailleurs qu'à proximité des espaces impactés ? La première difficulté d'un maitre d'ouvrage dans la réalisation des mesures compensatoires, qui interviennent après que les solutions d'évitement et de réduction ont été mises en oeuvre, réside dans l'identification des zones susceptibles de les accueillir favorablement et durablement. Or, la règlementation en vigueur impose que les mesures compensatoires soient « mises en oeuvre en priorité sur le site endommagé ou à proximité de celui-ci afin de garantir sa fonctionnalité de manière pérenne » (R.122-14 du code de l'environnement). Il faut en effet, a minima, que la compensation puisse produire ses effets en termes de « fonctionnalité » : par exemple, en loi sur l'eau, les compensations s'examinent d'abord au sein d'un même bassin versant pour des flux de pollution (rejets) ou le maintien d'une ligne d'eau (compensation de remblais en zone inondable). Cependant, cette obligation peut venir complexifier la recherche de ces zones de compensation. Par ailleurs, les zones à proximité des secteurs impactés ne sont pas toujours les plus appropriées pour recevoir la mesure et peuvent même souvent « mordre » sur d'autres espaces compensés. Loin d'être simplement une possibilité offerte au maitre d'ouvrage de faciliter la mise en oeuvre des mesures compensatoires, une compensation au-delà de la seule proximité peut aussi être la réponse adéquate à une meilleure réussite de la mesure elle-même. Par ailleurs, une appréciation globale de tout ou partie des impacts d'un projet, permettrait d'optimiser la réalisation de plusieurs mesures entre elles, mesures pouvant résulter d'un ou plusieurs projets. Ainsi, la somme d'impacts parfois faibles, voire très faibles, au regard de l'état de conservation locale, peut s'avérer conséquente et nécessiter une compensation. Dès lors, il conviendrait également d'envisager la possibilité d'une compensation globale de ces « petits » impacts, notamment, au regard d'espaces plus grands ou plus éloignés et appropriés au sein desquels la compensation sera plus facile et sans doute plus efficace. A savoir maintenant si cette mesure, pourra être viable en termes d'exigences de la biodiversité et acceptée par les acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux de la protection environnementale. Le réseau Biodiversité de France Nature Environnement explique en effet que la proposition se heurte à la réalité biologique intangible des espèces et des milieux : la réalisation d'aménagement porte souvent sur des « zones 95 biogéographiques » qui peuvent être très variables. Certains insectes ont un pouvoir de dispersion de l'ordre de quelques centaines de mètres par exemple. Envisager de reporter la compensation ailleurs qu'à proximité des espaces impactés, signifierait que les espèces impactées ne pourraient trouver à proximité des habitats détruits, des habitats favorables où s'installer. D'autre part, cette proposition n'aiderait pas à résoudre le problème des pratiques actuelles de compensation à proximité des habitats et espèces détruites ne présentant pas un bilan neutre, bilan pourtant requis par la séquence ERC. En clair, l'objectif de la compensation est de présenter un bilan neutre de l'opération d'aménagement. Or, parfois, la compensation proposée par les aménageurs est d'offrir des espaces naturels de même type que ceux détruits, déjà existants. Enfin, il faut rappeler que la notion de « proximité » devra être définie et validée par les professionnels de la biodiversité afin de pouvoir être discutée de manière intelligente. La Direction de l'Eau et de la Biodiversité du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie pointe quant à elle deux autres points : S'agissant des espèces dont la répartition est morcelée, la directive 92/43/CEE Habitats Faune Flore impose de raisonner en considération des noyaux de population. Si une dérogation est accordée au détriment d'un noyau de population donné d'une espèce, la compensation doit être prévue dans ce même noyau. Par exemple, on ne peut compenser sur le territoire de la Corse une atteinte à la tortue d'Hermann dans le Var. Sur ce point, le guide interprétatif de la directive rappelle : « Pour être pertinente dans le contexte spécifique de la dérogation, une évaluation appropriée de l'impact d'une dérogation particulière se situera normalement à un niveau inférieur [à l'aire de répartition] (site, population, etc.). » Il faut d'autre part tenir compte dans l'élaboration des mesures compensatoires de l'impératif de continuité écologique : si la compensation se fait trop loin de la zone détruite, le risque est fort de l'ignorance des articles L. 371-1 et suivants du Code de l'environnement. - 2- Vers la création un organisme de gestion afin de permettre leur meilleur entretien et suivi sur le long terme ? La DGITM propose également la création d'un organisme national compétent pour mettre en oeuvre les mesures compensatoires occasionnées par des projets d'aménagement, ce qui permettrait de mieux faire converger les différentes politiques publiques concernées, sans nuire aux enjeux de biodiversité, ni à la responsabilité du maître d'ouvrage. Cela permettrait d'assurer la bonne gestion et l'entretien des mesures compensatoires car les maitres d'ouvrages n'ont souvent pas la compétence ni la vocation à gérer des mesures environnementales sur le long terme. Le recours à un organisme tiers et unique permettrait d'assurer la pérennité de ces mesures. FNE convient pour sa part que la mise en oeuvre et le suivi des mesures compensatoires manque de lisibilité. Il est actuellement difficile de de savoir si tel ou tel aménageur a effectivement mis en oeuvre les mesures compensatoires auxquelles il était engagé et encore moins de savoir si ces mesures compensatoires sont efficaces ou pas et par conséquent de savoir si elles présentent le bilan neutre attendu. Pire, il est même impossible de savoir si les terrains proposés en compensation par un aménageur ne sont pas eux-mêmes des terrains proposés en compensation dans le cadre d'un autre projet d'aménagement antérieur. Actuellement, il n'existe aucun outil, ne serait-ce que cartographique, permettant de garder la mémoire des localisations des terrains proposés en compensation. Il est effectivement nécessaire de créer un organisme national de gestion des mesures compensatoires, mais les mesures compensatoires doivent demeurer de la responsabilité de l'aménageur à l'origine des destructions. Si un organisme national de gestion des mesures compensatoires devait être créé, il pourrait avoir pour mission de cartographier les terrains compensatoires afin d'entretenir la mémoire de leur localisation pour éviter qu'ils ne fassent l'objet d'un autre projet d'aménagement ou ne soient proposés plusieurs fois en compensation dans 96 le cadre d'aménagement connexes. Cet organisme serait également chargé de s'assurer que les compensations soient effectives et efficaces. Cet organisme pourra être, pour la fédération, comme un veilleur, voire un gendarme du suivi des mesures compensatoires. Il est enfin utile de rappeler que plusieurs expérimentations sont actuellement à l'oeuvre, dont la CDC Biodiversité, organisme affilié à la Caisse des Dépôts et lancée en 2008, dont la vocation est d'intervenir auprès des entreprises, des collectivités, des maîtres d'ouvrage et des pouvoirs publics, dans leurs actions en faveur de la biodiversité : de la restauration, reconquête, gestion, valorisation à la compensation. Elle agit aujourd'hui en tant qu'opérateur financier de la biodiversité d'une part, et en tant qu'opérateur de la compensation d'autre part. Toutefois, les retours d'expériences, s'ils ont pu montrer l'efficacité de la CDC Biodiversité à gérer ponctuellement les mesures de compensation, n'ont pourtant pas encore démontré sa capacité à gérer ces mesures pour les projets d'amplitude géographique large, comme les grands linéaires pouvant traverser le territoire national. 3- Permettre l'expropriation pour la compensation ? Il conviendrait enfin de travailler à la possibilité d'exproprier pour des mesures compensatoires; en effet, même si le code de l'environnement et celui de l'expropriation le permettent en théorie, ce champ reste très peu appliqué car nous ne disposons pas des outils méthodologiques appropriés pour identifier raisonnablement les parcelles concernées sans accroître significativement le risque de contestation du projet. Possibilité de recourir à l'expropriation pour la réalisation des mesures compensatoires liées à un projet, qui seraient éventuellement localisées au-delà des limites initialement prévues lors de la déclaration d'utilité publique initiale pour la réalisation des travaux NB : Proposition complémentaire à la proposition « fiabiliser la gestion des mesures compensatoires sur des terrains privés dans les conditions établies par l'utilité publique » Afin d'accélérer la mise en place des mesures environnementales, tout maître d'ouvrage devrait disposer de la possibilité d'exproprier les terrains nécessaires au même titre que les terrains prévus pour la réalisation proprement dite du projet. Cette possibilité, en principe prévue par le droit, nécessite manifestement des clarifications dans le cas des mesures compensatoires. A ce stade, elle pose également diverses difficultés pratiques qui empêchent les maîtres d'ouvrages de décliner les procédures correspondantes en pareil cas. Afin d'apporter les précisions juridiques utiles et, le cas échéant, d'adapter le droit, il conviendrait d'étudier ces difficultés et d'identifier les solutions correspondantes dans le cadre d'une mission nationale. En particulier, il convient de préciser les modalités permettant de recourir à cette possibilité dans le cadre de la déclaration d'utilité publique du projet, lorsque c'est approprié. Lorsque cette condition ne peut être raisonnablement et suffisamment étudiée dès la DUP du projet, il pourrait également être envisagé de recourir à une DUP complémentaire au moment approprié, postérieurement à la DUP du projet. Toutefois, France Nature Environnement a émis des réticences quant à cette séparation des actes : l'association rappelle qu'il est risqué de scinder les démarches, avec une DUP pour le projet, et ensuite une DUP pour compenser. De plus, il est nécessaire de faire attention à la constitutionnalité d'une loi sur l'expropriation qui ne poursuivrait pas un but d'utilité publique. L'association ajoute qu'il convient de travailler encore à la proposition afin de peser sereinement les avantages et les inconvénients d'un tel dispositif. Il convient toutefois de noter que la présente proposition ne remet pas en cause le principe de la séquence qui consiste à « éviter, réduire, compenser », dans un ordre hiérarchisé, les impacts sur les milieux naturels et donc à n'envisager des mesures compensatoires qu'en dernier recours. Il s'agit simplement de faciliter la mise en oeuvre et l'effectivité des mesures compensatoires, lorsqu'elles sont requises. 97 Au-delà de l'enjeu des seules mesures environnementales liées à des projets d'aménagement, la présente proposition pourrait conduire à des outils également utiles de manière générale pour la protection de l'environnement. Fiabiliser la gestion des mesures compensatoires sur des terrains privés dans les conditions établies par l'utilité publique Afin de faciliter la gestion des mesures environnementales et ainsi améliorer leur effectivité et leur efficacité au terme souhaité, il conviendrait d'étudier, dans le cadre d'une mission nationale appropriée, la possibilité d'instaurer de manière pérenne les conditions de gestion nécessaires pour assurer la gestion d'une mesure compensatoire, au-delà de sa mise en place initiale, dans les cas où le maître d'ouvrage n'est pas propriétaire du terrain concerné. La mise en place de mesures compensatoires suppose de maîtriser l'usage des terrains concernés, quel qu'en soit le propriétaire. Ces conditions de gestion peuvent contraindre le type d'exploitation de ces terrains (par exemple privilégier la culture du blé, interdire la culture de maïs, etc), ou leurs modalités d'entretien (par exemple en matière de fauchage, débroussaillage, désenvasement, etc), ou au contraire imposer un maintien de ces terrains à l'état naturel et non exploité. Dans certains cas, l'acquisition foncière des terrains concernés peut constituer un préalable à l'établissement des conditions de gestion adéquates. Cependant, compte tenu des spécificités de certains territoires (forte pression foncière, par exemple pour des motifs agricoles, viticoles, forestiers, naturels... voire urbains) ou de l'ampleur des mesures compensatoires à mettre en place pour certains projets, il n'est pas systématiquement pertinent d'acquérir les terrains concernés. De plus, les mesures compensatoires liées à un projet d'aménagement n'ont pas vocation à se substituer à un éventuel besoin de réserve naturelle. Dans ces conditions, il conviendrait de disposer d'autres outils que l'acquisition foncière, pour apporter des garanties suffisamment pérennes. Dans le cadre du projet de loi-cadre sur la biodiversité, le MEDDE réfléchit actuellement à la possibilité de développer certains outils en ce sens, par exemple sous forme de servitudes conventionnelles. Il semble toutefois que les principales pistes actuellement étudiées dans ce cadre resteraient tributaires d'un accord des parties concernées (propriétaire, exploitant, et maître d'ouvrage) et de la permanence des conditions correspondante. Ces pistes, certes utiles, n'offriraient donc pas une complète garantie de pérennité. Alternative à la servitude conventionnelle, une autre piste étudiée dans le même cadre porte toutefois sur la notion « d'obligation réelle ». Celle-ci pourrait sans doute fournir la garantie de pérennité utile, ce qui mérite d'être souligné. Néanmoins elle conserverait le principe d'un accord amiable entre les 3 parties prenantes, comme condition préalable à sa mise en place, ce qui rendrait leur déclenchement d'autant plus hypothétique que son effet est durable. A l'instar de la réflexion à engager pour améliorer la possibilité d'expropriation pour des mesures compensatoires, il convient d'engager également une réflexion nationale alternative et complémentaire de la précédente, pour assurer, dans certains cas, l'utilité publique des conditions de gestion appropriées. Une mission parlementaire et une expertise interministérielle pourraient être appropriées. La notion de servitude peut fournir certaines pistes, sous réserve d'adaptation (possibilité d'indemnité compensatrice fixée à l'amiable ou à défaut comme en matière d'expropriation, durée limitée). Cela étant, dans la mesure où il n'est pas certain que celle-ci pourrait directement faire consensus en interministériel, il convient d'en avoir une appréciation suffisamment extensive pour étudier toutes les possibilités pertinentes et repérer celles compatibles notamment avec les autres politiques publiques concernées (droit de propriété, enjeux agricoles et forestier, etc). 98 Dans le contexte de la modernisation du droit, il convient d'observer que de nouveaux outils ne sont pas à exclure s'ils contribuent à une relance de l'économie en facilitant la réponse aux besoins sociétaux, tout en respectant les enjeux d'environnement, dans un esprit de développement durable. E- ESPECES PROTEGEES 1- Adapter la procédure liée aux espèces protégées aux cas des espèces qui se développent en milieu anthropisé ? Certaines espèces protégées, comme le lézard des murailles74développent leurs habitats naturels dans certains milieux anthropisés, comme le ballast par exemple, ce qui peut poser problème lors de l'entretien du ballast, entretien pouvant être soumis à des procédures d'autorisation lourdes75. Afin de tenir compte de cette « préférence » et de l'inscrire dans une démarche de simplification, il est proposé d'adapter la procédure liée aux espèces protégées aux cas des espèces qui se développent en milieu athropisé, en prenant garde aux espèces et à leurs stades d'évolution. Mais, afin de prévenir les dérives pouvant être en germe dans cette proposition, il conviendrait préalablement que tous les acteurs et les scientifiques s'accordent sur la définition à donner à la notion de « milieu anthropisés », car scientifiquement il n'existe pas à proprement parler de milieux non-anthropisés (hormis quelques hectares de forêts primaires et les glaciers). Dans ce cadre, il serait tenu compte de la situation des sites et équipements entièrement « anthropisés » à la suite de procédures administratives, tels que des ouvrages d'infrastructure qui nécessitent des opérations d'entretien, de renouvellement ou de modernisation conformes à leur affectation. Le cas échéant, la création de ces sites et équipements a donné lieu, en son temps, à des mesures de réduction d'impact ou des mesures compensatoires des milieux et espèces affectés par leur réalisation. Sont particulièrement concernés les remblais ou les déblais créés artificiellement et nécessaires à la conservation d'ouvrages, voire la structure même de ceuxci (par exemple le ballast des voies de chemin de fer colonisé par des espèces dont la présence soit compromet la conservation des ouvrages soit est remise en cause par les opérations d'entretien telles que le renouvellement du ballast ; les lieux de dépôts de produits de dragage qui ont par ailleurs vocation à être valorisés). A l'heure actuelle, les dispositions de l'article L.411-1 du code de l'environnement assurent mal la coordination entre la protection des espèces et de leurs habitats et les nécessités de fonctionnement et de sécurité qui conduisent à maintenir l'artificialisation de ces sites. Cette situation est source d'insécurité juridique et peut compromettre les opérations qui, sans empiéter sur les milieux naturels ni affecter les espèces dans leurs habitats d'origine distincts de sites anthropisés, permettent d'assurer l'entretien et l'évolution normale de ces derniers. La proposition a pour objectif d'assurer la cohérence entre les procédures et décisions qui ont conduit à l'anthropisation des milieux concernés par l'implantation des ouvrages et la protection des espèces ainsi que de leurs milieux. Elle est proportionnée à l'objectif d'intérêt général recherché et conditionne la restriction apportée aux nécessités qui découlent de l'affectation des sites en question car elle n'a pas vocation à s'appliquer de manière indistincte à tout milieu anthropisé. Dans le même sens le recours à la notion de « site anthropisé » est plus restrictif que celle de « milieu anthropisé ». Toutefois, il est important de garder à l'esprit que cette proposition se heurte aux articles 9 et 16 de la directive Habitats et aux espèces figurant sur les listes d'espèces protégées élaborées au niveau communautaire, dont notre droit interne est directement issu 76. Sur cette proposition débattue lors de la première session des Etats Généraux de la Modernisation du Droit de l'Environnement, le Conseil d'Etat aurait en effet rappelé la primeur du respect des directives communautaires. D'autre part, scientifiquement, la proposition peut amener à 74 75 Voir II, D. Source : RFF 76 L. 411-2 du code de l'environnement. 99 méconnaître les exigences de connectivité entre les noyaux de population et les différents services écosystémiques rendus, y compris par les milieux les plus anthropisés (comme la « nature en ville » par exemple). Les modalités de cette proposition apparaissent en pratique difficile à justifier auprès des acteurs de la protection de l'environnement, des biologistes, et même du droit, et méritent donc d'être plus amplement discutées. 2- Permettre la cessibilité des dérogations « espèces protégées » ? Proposition Modification de l'article R.411-11 du code de l'environnement pour permettre la cessibilité des dérogations mentionnées aux articles R. 411-6 à R. 411-8, relatives aux espèces protégées. L'incessibilité des dérogations « espèces protégées » impose qu'elles soient sollicitées le cas échéant par les titulaires de concession de travaux ou de contrat de partenariat public-privé. Or, il est fréquent que le titulaire d'un tel contrat ne soit désigné que tardivement au regard de l'avancée des procédures liées au projet. La cessibilité des dérogations « espèces protégées » proposée ci-dessus permettrait que le maître d'ouvrage initial puisse les solliciter avant la désignation de son cocontractant qui pourra par la suite en être le bénéficiaire. Rappelons qu'à l'origine de la disposition, la dérogation doit être obtenue contre assurance que la personne bénéficiaire possède de réelles compétences. Ainsi, la cession du droit à dérogation devra être accompagnée d'un mécanisme de contrôle de la compétence de la personne qui va en bénéficier. F- PROPOSITIONS DE MODIFICATION ET DE MISE EN COHERENCE DES CODES DE L'URBANISME, DE L'ENVIRONNEMENT ET DE L'EXPROPRIATION 1- Supprimer la double évaluation environnementale que constitue l'évaluation environnementale de la mise en compatibilité des documents d'urbanisme et l'étude d'impact des projets ? Proposition Modifier l'article R121-16 du code de l'urbanisme afin de supprimer l'évaluation environnementale de la mise en compatibilité des documents d'urbanisme dans le cas de projet faisant l'objet d'une étude d'impact. Une évolution récente du code de l'urbanisme (décret n°2012-995 du 23 août 2012 relatif à l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme) impose ainsi que les déclarations de projet fassent l'objet d'une évaluation environnementale (article R121-16 du code de l'urbanisme), au même titre que les évolutions ou les modifications de ces documents d'urbanisme. Il s'agit en réalité de réaliser l'évaluation de la mise en compatibilité du document d'urbanisme (MECDU) à la suite d'une déclaration de projet, prise en vertu de l'article L300-6 du code de l'urbanisme. Dans un certain nombre de cas, le projet est porté par l'Etat ou un de ses établissements publics et la déclaration de projet (ou la déclaration d'utilité publique en tenant lieu) est prise par lui et induit une mise en compatibilité d'un document d'urbanisme, relevant d'une collectivité locale ou d'un groupement de collectivités locales. La réalisation de l'évaluation environnementale de la MECDU pose le problème de la personne devant réaliser cette évaluation : s'agit-il du porteur de projet ou de la collectivité locale ? Dans le second cas, dans l'hypothèse où la collectivité locale serait opposée au projet, elle jouirait ainsi d'un pouvoir de blocage important, ce qui ne peut être acceptable. Dans le premier cas, se pose la question de la légitimité du porteur de projet à réaliser une évaluation environnementale d'une évolution du document d'urbanisme, qu'il n'a pas élaboré. 100 En l'occurrence, la pratique actuelle est la suivante : le porteur de projet réalise l'évaluation environnementale de la MECDU. En réalité, le projet relève bien souvent des catégories de l'étude d'impact : le porteur de projet réalise ses dossiers d'évaluation environnementale de la MECDU, en reprenant strictement l'analyse de l'étude d'impact sur le périmètre du document d'urbanisme concerné. Les autorités environnementales pour l'étude d'impact du projet et pour l'évaluation environnementale de la MECDU, dans la plupart des cas différentes, compte tenu de la rédaction des codes de l'urbanisme et de l'environnement, sont alors saisies et doivent rendre leur avis sur des documents dont le fond est identique mais la présentation différente. Il s'agit d'un doublon des tâches qui n'apporte rien à la protection de l'environnement et complique le travail de l'administration. 2- Mise en cohérence des déclarations d'utilité publique et déclarations de projet ? Proposition Assurer la cohérence entre les déclarations d'utilité publique et les déclarations de projet, en termes de durée de validité. Actuellement, le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose que la déclaration d'utilité publique prise au bénéfice de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics tient lieu de déclaration de projet mais les durées de validité et modalités de prorogation des deux actes ne sont pas similaires en fonction des codes. Cela entraîne une forte insécurité juridique alors même que les motivations de ces deux actes, l'utilité publique dans un cas et l'intérêt général dans l'autre, sont très proches, voire similaires. La proposition vise à amender légèrement les rédactions actuelles pour permettre une cohérence exacte sur toute la durée des actes considérés. Précisément, trois codes citent actuellement la déclaration de projet : 1) L'article L126-1 du code de l'environnement définit la déclaration de projet comme indispensable à la poursuite de l'opération, notamment pour l'obtention des autorisations administratives ultérieures. 2) L'article L300-6 du code de l'urbanisme définit la déclaration de projet pour tout type de projet, public ou privé, dont la puissance publique souhaite déclarer l'intérêt général, qu'elle en soit responsable ou non. En pratique, cette déclaration de projet, qui ne peut être prise qu'après enquête publique, est indispensable notamment à la mise en compatibilité des documents d'urbanisme. 3) L'article L11-1-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose que, pour les projets dont l'expropriation est poursuivie au nom de l'État ou d'un de ses établissements publics, la déclaration d'utilité publique tient lieu de déclaration de projet. L'article ne précise au titre de quel code : on comprend en lisant l'alinéa précédent qu'il s'agirait plutôt de la déclaration de projet au titre du code de l'environnement. L'article L11-4 dudit code reprend les termes exacts de l'article L123-14 du code de l'urbanisme (relatif mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme). On comprend à cette lecture que la déclaration d'utilité publique, prononcée au bénéfice de l'État ou de ses établissements publics, tient lieu de déclaration de projet aussi au sens du code de l'urbanisme et permet de procéder à la mise en compatibilité du PLU. Cependant, en ce qui concerne les durées de validité et modalités de prorogation de la déclaration de projet, seul l'article L126-1 du code de l'environnement donne un cadre précis. Celui-ci s'avère incohérent avec les déclarations d'utilité publique prises par décret en Conseil d'État, dont les durées de validité, qui peuvent être supérieures à 10 ans, et les modalités de prorogation sont précisées dans l'article L11-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. La proposition permet de rendre les trois codes cohérents sur ce point. 101 CONCLUSION Les recommandations de l'étude « maîtriser l'évaluation des impacts environnementaux des projets d'infrastructures de transport : quels enseignements tirer des pratiques européennes ? » n'ont pas vocation à être figées. Ce rapport d'étude constitue la première étape d'une démarche en quatre temps : ces propositions de recommandations seront discutées et le cas échéant complétées ou supprimées à la suite de trois ateliers de travail et d'un colloque. Elles seront enfin rassemblées en un document de synthèse. Ceci dit, les recommandations issues du présent rapport d'étude peuvent être résumées comme suit : Fusion des procédures post DUP/DP, à valider par une décision unique : un « permis environnemental » unique. Pour les projets d'ampleur pour lesquels un permis unique serait difficile à mettre en place : création d'un « guichet unique » et d'un regroupement des dossiers dans le but de renforcer les échanges entre l'administration et les maîtres d'ouvrage pour une plus grande stabilité des projets. Mutualisation des études d'impact. Facilitation de la conduite des projets : Encourager la mise au point et l'utilisation de cahiers méthodologiques (études et procédures). Développer des documents synthétisants les retours d'expériences des mises en application concrètes et par projet de la démarche Eviter, Réduire, Compenser. Mutualisation des connaissances scientifiques sur le terrain via la création d'Atlas communaux afin de solidifier les bases scientifiques d'un projet et de favoriser les mesures d'évitement en amont, grâce au regroupement et au partage de l'information des territoires entre associations et maîtres d'ouvrages. Evolution des échanges et de la concertation continue : Encourager le maître d'ouvrage à mettre en place une concertation volontaire au moment des études préalables au Débat Public. Compléter les réunions publiques en expérimentant la pratique d'ateliers complémentaires pour un travail, dans la durée, plus serein. Généraliser l'usage du garant pour des concertations de qualité et ouvertes à tous Renforcement de l'investissement des autorités françaises dans les négociations des textes européens et anticipation de la réflexion sur la transposition en droit national. Gestion des mesures compensatoires : Possibilité d'exproprier pour compenser. Compenser ailleurs qu'à proximité immédiate du site sous réserve de l'accord des professionnels de la protection de l'environnement. Créer un organisme de gestion des mesures compensatoires. Espèces protégées : sous réserve de discussions et d'extrême prudence, adapter la procédure liée aux espèces protégées aux cas des espèces qui se développent en milieu anthropisé, en prenant garde à ces espèces, à leurs stades d'évolution, à la définition du terme « anthropisé » et aux directives communautaires. - - - - - Ces pistes de progrès résultent d'une approche faisant le lien indispensable entre la théorie et l'applicabilité des conclusions. Si, comme le gouvernement l'annonce, il faut déclencher un "choc de simplification" salutaire, l'objectif est d'y contribuer. 102 BIBLIOGRAPHIE Cette bibliographie recense, au-delà des notes de bas de page, la documentation rassemblée en vue de la réalisation de la présente étude Ouvrages et études France Nature Environnement (2011), Participer à la concertation et au Débat Public, Paris, Delphine et Elodie France Nature Environnement (2012), Guide d'aide au positionnement et à l'action des associations Infrastructures et transport et Environnement, Paris, FNE Sarger de Bourgeaud A-F. et Vince P., Cofely Ineo (2012), Guide de la mobilité durable, Paris, Les Editions Stratégiques Réseau Ferré de France (2011), Charte pour la conduite de la concertation-Les engagements de Réseau Ferré de France, Paris, Stratis Lefèvre C. et Offner J-M. (1990), Les transports urbains en question, Paris, Celse Poitrinal G. (2012), Plus vite ! 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Batho, Juin 2013 AEF, Etats généraux du droit de l'environnement : débats sur la « surtransposition » du droit européen en France, Juin 2013 AEF, Etats généraux du droit de l'environnement : un préfet et un Dreal interpellent le juge judiciaire (3 ème table ronde), Juin 2013 AEF, Etude d'impact et autorité environnementale au menu des Etats généraux du droit de l'environnement (2ème table ronde), Juin 2013 AEF, Droit de l'environnement : une simplification mais pas de régression (D. Batho), Juin 2013 Gourgues G., Le débat public en France : limites réelles et progressions latentes, 2007, Disponible sur http://test.espacestemps.net/ CapInfo, Cap Info spécial réglementation, Juin 2013, Le journal de Cap Terre n°28 Sites internet Préfecture de Région Ile-de-France, www.ile-de-france.gouv.fr CGEDD, www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr Dreal PACA, www.paca.developpement-durable.gouv.fr Ministère chargé de l'environnement, www.developpement-durable.gouv.fr Le Moniteur, www.lemoniteur.fr Legifrance, www.legifrance.gouv.fr AEF Développement-Durable, www.aedd.fr Actu environnement, www.actu-environnement.com Clermont-Métropole, www.clermontmetropole.org TGV Roussillon, www.tgv-roussillon.fr Cairn, www.cairn.info La documentation Française, www.ladocumentationfrancaise.fr Commission Nationale du Débat Public, www.debatpublic.fr France Nature Environnement, www.fne.asso.fr ONEMA, www.onema.fr Libération, www.libération.fr Réseau Ferré de France, www.rff.fr SNCF, www.sncf.fr Europa, www.europa.fr Sénat, www.senat.fr Site de l'Elysée, www.elysee.fr 105 GLOSSAIRE Biodiversité Variété et variabilité de tous les organismes vivants sur terre. Ce terme englobe également les interactions entre ces dernières et leur environnement. Ceci inclut les processus écologiques qu'ils influencent ou dont ils sont les acteurs (biens et services écosystémiques). Etudes d'opportunité Etudes réalisées par le maître d'ouvrage afin d'identifier les enjeux d'un projet et de déterminer si sa réalisation est ou non opportune. Lorsque le projet entre dans le cadre des projets concernés par le Débat Public, ce dernier fait suite à la réalisation des études d'opportunité. Débat Public Procédure prévue aux articles L. 121-1 et suivants du Code de l'environnement, qui donne l'occasion aux personnes intéressées de discuter de l'opportunité d'un projet donné en amont de sa réalisation lors de réunion publiques. Il donne lieu à un compte rendu et un bilan. Etude d'impact Document dont la réalisation est prévue aux articles L. 122-1 et suivants du Code de l'environnement. Le maître d'ouvrage d'un projet a l'obligation d'établir une étude d'impact afin de rendre compte des conséquences d'un projet sur l'environnement préalablement à sa réalisation. Maître d'ouvrage Donneur d'ordre au profit de qui l'ouvrage est réalisé (pour les infrastructures de transport : Etat, Collectivités). Quand il n'exerce pas directement cette mission, l'Etat l'a confiée à des établissements publics pour certains modes de transport (pour les projets ferroviaires, RFF ; les projets fluviaux, VNF ; les projets portuaires : grands ports maritimes), ou à des concessionnaires (autoroutes concédées à des sociétés privées ; aménagement du Rhône par la CNR...) ; Evaluation socio-économique L'évaluation socio-économique consiste à mesurer l'intérêt d'un projet ou d'une politique pour la collectivité dans son ensemble. Elle se distingue de l'analyse de rentabilité financière. Les avantages apportés par le projet (gains de temps, report modal, amélioration de la sécurité, etc.) sont comparés à ses inconvénients (coûts de construction et d'exploitation, pollution, etc.). Pour ce faire, les effets de l'investissement (environnementaux, sociaux et économiques) sont, dans la mesure du possible, traduits en termes monétaires. Etude socio-économique Document dont la réalisation est prévue aux articles L. 11511-1 à 5 du Code des transports. Elle constitue une évaluation du projet sur la base de différents critères (coûts financiers, besoin des usagers, impact social, impératifs de sécurité, atteinte à l'environnement, etc.). Elle est contenue dans le dossier d'enquête publique. Bilan des effets sociaux et environnementaux Obligation contenue aux articles L. 1511-6 du Code des transports : elle exige du maître d'ouvrage qu'il réalise tous les cinq ans un bilan des effets à la fois sociaux, économiques et environnementaux de l'infrastructure mise en place. Ce bilan est rendu public. 106 Etudes préalables Etudes approfondissant les Etudes d'opportunité et examinant les modalités précises de réalisation d'un projet. Leur résultat est présenté au public sous la forme du dossier d'enquête publique, notamment composé de l'étude socio-économique et de l'étude d'impact. Continuité écologique Ensemble des zones vitales (réservoirs de biodiversité) et des éléments qui permettent à une population d'espèces de circuler et d'accéder à ses zones vitales (corridors écologiques) Enquête publique Procédure prévue aux articles L. 11-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et L. 123-1 et suivants du Code de l'environnement. Elle permet au public de formuler des commentaires et question sur le projet présenté par le maître d'ouvrage. A son issue, un tiers nommé commissaire-enquêteur rend un rapport et des conclusions motivées sur le projet. Concertation Elle désigne de manière générale les échanges réalisés entre le maître d'ouvrage et autres personnes (personnes publique, société civile, etc.) permettant de discuter des modalités de réalisation d'un projet. Plus particulièrement, une procédure dite de concertation est prévue pour certains projets à l'article L. 300-2 du Code de l'urbanisme. Déclaration d'utilité publique Décision administrative prévue à l'article L. 11-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Elle fait suite à une enquête publique et conditionne l'autorisation des travaux permettant la réalisation d'un projet. Elle est notamment obligatoire pour procéder aux expropriations rendues nécessaires par le projet. Déclaration de projet Décision administrative prévue à l'article L. 126-1 du code de l'environnement. Elle se distingue de la déclaration d'utilité publique par le fait qu'elle est appliquée dans le cas où un projet ne rend nécessaire aucune expropriation. Comité de pilotage Groupe de travail ad hoc mis en place par le maître d'ouvrage. Il constitue un lieu de discussions entre différents acteurs concernés par le projet (maître d'ouvrage, financeurs, élus locaux, associations, etc.) Evaluation des incidences Natura 2000 Document dont la réalisation est prévue à l'article L. 414-4 du code de l'environnement. Il analyse l'impact d'un projet sur les sites Natura 2000 concernés par celui-ci et présente les mesures prises pour éviter, supprimer ou compenser cet impact. Autorité compétente en matière d'environnement Personne désignée à l'article R. 122-1-1 du Code de l'environnement ayant la charge de rendre un avis sur l'étude d'impact établie à la charge du maître d'ouvrage. Il s'agit selon les cas du ministre de l'Environnement, du Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable, ou du Préfet de région. 107 Droit de l'environnement Le droit de l'environnement regroupe les règles juridiques concernant la gestion, l'utilisation, et la protection de l'environnement, la prévention et la répression des atteintes à l'environnement (en particulier par la pollution) et l'indemnisation des victimes pour les préjudices environnementaux. L'environnement qui fait l'objet de ces règles est l'ensemble des formes du milieu physique, qu'elles soient terrestres, aquatiques et marines, naturelles et culturelles. Les sources du droit de l'environnement sont nationales, européennes ou internationales. Le droit de l'environnement s'étend en particulier au droit de la mer et de l'espace. Le Droit de l'Environnement est donc une branche du droit (textes réglementaires, jurisprudences) spécifique à la protection de l'environnement. Le Droit de l'Environnement concerne tous les compartiments naturels avec l'eau, l'air, les déchets, le bruit, les dangers naturels ou non, les risques, le secteur de la santé, l'urbanisme, etc. Infrastructures de transport Les infrastructures de transport sont l'ensemble des installations fixes qu'il est nécessaire d'aménager pour permettre la circulation des véhicules et plus généralement le fonctionnement des systèmes de transport. 108 ACRONYMES ET SIGLES CGDD : Commissariat général au Développement durable. Administration centrale du ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, il a pour objectif de promouvoir le développement durable, tant au sein de toutes les politiques publiques que dans les actions de l'ensemble des acteurs socio-économiques. Pour ce faire, il élabore, anime et assure le suivi de la stratégie nationale de développement durable et contribue à son déploiement. CGEDD : Conseil général de l'environnement et du développement durable. Il est chargé de conseiller le Gouvernement dans les domaines de l'environnement, des transports, du bâtiment et des travaux publics, de la mer, de l'aménagement et du développement durables des territoires, du logement, de l'urbanisme, de la politique de la ville et du changement climatique. Dans ce cadre, il mène les missions d'expertise, d'audit, d'étude, d'évaluation, d'appui et de coopération internationale que lui confie le Gouvernement. DUP : Déclaration d'utilité publique. Cet acte administratif permet de reconnaître le caractère d'utilité publique à une opération projetée par une personne publique ou pour son compte, après avoir recueilli l'avis de la population par le biais d'une enquête d'utilité. SNIT : Schéma national des infrastructures de transport. Destiné à fixer les orientations de l'Etat en matière de développement, de modernisation et d'entretien des réseaux d'infrastructures de l'État ainsi que de réduction des impacts de ces réseaux sur l'environnement, sa réalisation est prévue par la loi 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle. Un projet de SNIT a été établi en octobre 2011, identifiant les projets et les mesures dont la réalisation apparaît souhaitable pour l'État dans les 20 à 30 prochaines années pour faire progresser le système de transport, le rendre plus performant et l'inscrire dans une dynamique de développement durable. Il a été profondément revu par la commission « Mobilité 21 » animée par le Député Philippe Duron. RFF : Réseau Ferré de France, principal gestionnaire d'infrastructure ferroviaire en France. Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) de l'État français, il est en charge de l'aménagement, du développement, de la cohérence et de la mise en valeur du réseau ferré national. BVWP : Bundesverkehrswegeplan. Plan directeur fédéral des transports allemands. OFEV : Office Fédéral de l'Environnement suisse. FNE : France Nature Environnement. Fédération française des associations de protection de la nature et de l'environnement. DGITM : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer. Administration centrale française du ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, elle élabore et met en oeuvre les orientations de la politique multimodale des transports terrestres et maritimes, dans le respect des principes du développement durable. MEDDE : Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. MECDU : Mise en compatibilité des documents d'urbanisme. EP : Enquête Publique. EI : Etude d'impact. AE : Autorité environnementale. 109 ANNEXE : ENTRETIENS REALISES PAR ORDRE CHRONOLOGIQUE EN FRANCE : Romain GUIBERT (romain.guibert@sncf.fr) Référent Procédures Administratives SNCF ­ INFRA projets système ingénierie, pôle maîtrise d'ouvrage mandatée Ile-de-France. Guillaume BOUVIER (guillaume.bouvier@rff.fr) Responsable de la communication Projets, Réseau Ferré de France - Direction des relations extérieures, de la communication et de la concertation (DRECC). Demba DIEDHIOU (demba.diedhiou@fne.asso.fr) Chargé de mission Transports et mobilités Durables, France Nature Environnement. Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie : Jean Bernard KOVARIK (jean-bernard.kovarik@developpement-durable.gouv.fr) Adjoint au directeur général des infrastructures, des transports et de la mer. Dominique RITZ (dominique.ritz@developpement-durable.gouv.fr) Sous-directeur de l'aménagement du réseau routier national. Laure YVONNET (laure.yvonnet@developpement-durable.gouv.fr) Conseillère juridique. Laurence MONNOYER-SMITH Vice-présidente de la Commission nationale du débat public. Stéphane PRADON (stephane.pradon@egis.fr) Directeur adjoint, EGIS environnement. Réseau Ferré de France : Anne GUERRERO (anne.guerrero@rff.fr) Chargée de mission Environnement et Développement Durable, Pôle Planification et Commercialisation. Virginie BORDAGE (virginie.bordage@rff.fr) Chef de l'unité projets d'investissement et environnement, Direction Juridique. Jean-Marc DZIEDZICKI (jean-marc.dziedzicki@rff.fr) Responsable de l'unité Concertation et débat public, Direction des Relations Extérieures, de la Communication et de la Concertation. Dominique AUVERLOT (dominique.auverlot@strategie.gouv.fr) Chef du Département de la Recherche, des Technologies et du Développement Durable, Commissariat général à la stratégie et à la prospective. Pierre SERNE Vice-président au Conseil Régional Ile-de-France, chargé des transports et des mobilités. Conseil Général des Bouches du Rhône : Michel SPAGNULO (michel.spagnulo@cg13.fr) Directeur des routes. Claude PASCAL, Directeur adjoint déplacement et infrastructures. Mireille FRONTERI, Coordonatrice Développement Durable de la direction des routes. Dorothée Pic (d.pic@si-lex.fr) Coauteur du guide « Maîtrise des procédures administratives des projets d'infrastructures de transports terrestres » (Ponts formation conseil et Admoveo), Associée consultante senior Expertise Administrative pour Si-Lex & Associés. Michel BADRE Président de l'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). Claude CHARDONNET (cchardonnet@csconseils.fr) Présidente-Directrice Générale et Consultante expert, C&S Conseils. Elisabeth DUPONT-KERLAN (edupontkerlan@gmail.com ) Directrice Générale de l'ONEMA. Nadia FABRE (Nadia.Fabre@developpement-durable.gouv.fr) Chef de l'Unité Maîtrise d'Ouvrage et Adjointe au chef du Service Transports Infrastructures, DREAL PACA. 110 EN EUROPE : Hendrik HASSHEIDER (hendrik.hassheider@bmvbs.bund.de), spécialiste environnementale des infrastructures de transport fédéral (Allemagne). de la planification Bert van Wee, (G.P.vanWee@tudelft.nl) Professeur en politique des transports et logistique à l'Université de Technologie, Politique et Management de Delft (Pays Bas). Tristan Chevroulet (t_chevroulet@me.com) collaborateur scientifique à l'Institut Interdisciplinaire d'Éthique et des Droits de l'Homme (IIEDH), Université de Fribourg (Suisse). 111 112 113 INVALIDE)

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