Rapport d'enquête technique sur la collision entre un ensemble semi-remorque et trois véhicules légers survenue le 2 août 2010 sur l'autoroute A9 à Lespignan (34) - Affaire n° BEATT-2010-013

Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre
Auteur secondaire
Résumé
<p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%"><font face="sans-serif"><font face="sans-serif">Le lundi 2 </font><font face="sans-serif">août 2010, un ensemble routier constitué d'un tracteur et d'une semi-remorque circule sur la voie de droite de l'autoroute A9, dans le sens Montpellier </font>- <font size="2" style="font-size: 10pt">Narbonne, à une vitesse de 90 km/h. Au PR 171sur le territoire de la commune de Lespignan (34), cet ensemble routier se déporte brusquement sur sa gauche, traverse le terre-plein central en brisant la glissière de sécurité métallique, se couche sur le flanc gauche et glisse jusqu'à son immobilisation, la remorque obstruant alors la voie de gauche et la voie médiane de la chaussée du sens de circulation opposé.<br />Quatre voitures particulières circulant toutes sur la voie médiane de l'autoroute A9 dans le sens Narbonne - Montpellier, à une vitesse qui peut être estimée à 120 km/h, arrivent sur le site. Trois d'entre elles heurtent frontalement l'arrière de la semi-remorque.<br />L'accident a provoqué le décès de quatre personnes et occasionné à deux autres des blessures nécessitant une hospitalisation.<br />Le BEA-TT n'émet aucune recommandation formelle.</font></font></p><p style="margin-bottom: 0cm; line-height: 100%">
Editeur
BEA-TT
Descripteur Urbamet
accident ; enquête ; poids lourd
Descripteur écoplanete
collision
Thème
Transports
Texte intégral
BEA-TT Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre Rapport d'enquête technique sur la collision entre un ensemble semi-remorque et trois véhicules légers survenue le 2 août 2010 sur l'autoroute A9 à Lespignan (34) juillet 2012 Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie www.developpement-durable.gouv.fr Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre Affaire n° BEATT-2010-013 Rapport d'enquête technique sur la collision entre un ensemble semi-remorque et trois véhicules légers survenue le 2 août 2010 sur l'autoroute A9 à Lespignan (34) Bordereau documentaire Organisme commanditaire : Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie (MEDDE) Organisme auteur : Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT) Titre du document : Rapport d'enquête technique sur la collision entre un ensemble semi-remorque et trois véhicules légers survenue le 2 août 2010 sur l'autoroute A9 à Lespignan (34) N°ISRN : EQ-BEAT--12-8--FR Proposition de mots-clés : accident ; autoroute ; ensemble routier ; véhicule lourd ; pneumatique ; renversement. Avertissement L'enquête technique faisant l'objet du présent rapport est réalisée dans le cadre des articles L 1621-1 à 1622-2 du titre II du livre VI du code des transports et du décret n°2004-85 du 26 janvier 2004, relatifs notamment aux enquêtes techniques après accident ou incident de transport terrestre. Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents, en déterminant les circonstances et les causes de l'événement analysé et en établissant les recommandations de sécurité utiles. Elle ne vise pas à déterminer des responsabilités. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées. SOMMAIRE GLOSSAIRE...................................................................................................................................9 RÉSUMÉ.......................................................................................................................................11 1 - CONSTATS IMMÉDIATS ET ENGAGEMENT DE L'ENQUÊTE...........................................13 1.1 - Circonstances de l'accident.............................................................................................13 1.2 - Bilan humain et matériel...................................................................................................13 1.3 - Engagement et organisation de l'enquête.......................................................................13 2 - CONTEXTE DE L'ACCIDENT................................................................................................15 2.1 - L'infrastructure autoroutière.............................................................................................15 2.1.1 -Les caractéristiques.............................................................................................................................. 15 2.1.2 -Le dispositif de retenue en place sur le terre-plein central....................................................................15 2.1.3 -Le trafic, l'accidentalité et les vitesses pratiquées................................................................................16 2.2 - Les conditions météorologiques......................................................................................16 3 - COMPTE RENDU DES INVESTIGATIONS EFFECTUÉES..................................................17 3.1 - Les constats sur le site de l'accident...............................................................................17 3.2 - Les véhicules impliqués...................................................................................................20 3.2.1 -Le tracteur (A) et la semi-remorque (A')................................................................................................ 20 3.2.2 -Les véhicules particuliers (B),(C),(D) et (E)..........................................................................................20 3.3 - Les conducteurs...............................................................................................................20 3.4 - Résumés des témoignages.............................................................................................21 3.4.1 -Témoignage d'un automobiliste témoin de la sortie de route de l'ensemble routier (A + A').................21 3.4.2 -Témoignage du conducteur de l'ensemble routier (A+A').....................................................................21 3.4.3 -Témoignage du conducteur de la voiture particulière (C).....................................................................22 3.4.4 -Témoignage du conducteur de la voiture particulière (E).....................................................................22 3.4.5 -Témoignage de la passagère avant droit de la voiture particulière (B).................................................22 3.5 - Analyse de l'enregistrement du chronotachygraphe de l'ensemble routier (A+A')..........23 3.6 - Examen des pneumatiques de l'ensemble routier (A+A')................................................23 3.6.1 -Le montage des pneumatiques............................................................................................................. 24 3.6.2 -L'état du pneumatique avant gauche du tracteur (A)............................................................................25 4 - DÉROULEMENT DE L'ACCIDENT ET DES SECOURS.......................................................27 4.1 - Le déroulement de l'accident...........................................................................................27 4.2 - L'alerte et les secours......................................................................................................31 5 - ANALYSE DES CAUSES, ORIENTATIONS PRÉVENTIVES ET CONCLUSION................33 5.1 - L'analyse des causes.......................................................................................................33 5.1.1 -Les constats.......................................................................................................................................... 33 5.1.2 -Les causes de l'accident....................................................................................................................... 33 5.2 - Orientations préventives et conclusion............................................................................34 5.2.1 -L'équipement en pneumatiques des véhicules.....................................................................................34 5.2.2 -La circulation à droite sur les infrastructures routières à chaussées séparées.....................................35 ANNEXES.....................................................................................................................................37 Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête.............................................................................39 Annexe 2 : Plan de situation.....................................................................................................41 Annexe 3 : Photographies des véhicules impliqués.................................................................43 Annexe 4 : Chronologie des interventions de secours............................................................45 Glossaire ASF : Autoroutes du Sud de la France ASFA : Association des Sociétés Françaises d'Autoroutes BAU : Bande d'Arrêt d'Urgence CHU : Centre Hospitalier Universitaire CNIR : Centre National d'Information Routière GPS : Global Positioning System PMV : Panneau à Messages Variables PR : Point de Repère RTFM : Radio Trafic à Modulation de Fréquence (Frequency Modulation) TPC : Terre-Plein Central 9 Résumé Le lundi 2 août 2010 vers 23h30, un ensemble routier constitué d'un tracteur et d'une semi-remorque circule sur la voie de droite de l'autoroute A9, dans le sens Montpellier ­ Narbonne, à une vitesse de 90 km/h. Au PR 171, sur le territoire de la commune de Lespignan (34), cet ensemble routier se déporte brusquement sur sa gauche, traverse le terre-plein central en brisant la glissière de sécurité métallique, se couche sur le flanc gauche et glisse jusqu'à son immobilisation, la remorque obstruant alors la voie de gauche et la voie médiane de la chaussée du sens de circulation opposé. Quatre voitures particulières circulant toutes sur la voie médiane de l'autoroute A9 dans le sens Narbonne ­ Montpellier, à une vitesse qui peut être estimée à 120 km/h, arrivent sur le site peu de temps après l'immobilisation de l'ensemble routier. Trois d'entre elles heurtent frontalement l'arrière de la semi-remorque, puis s'immobilisent en aval sur l'autoroute. L'accident a provoqué le décès de quatre personnes et occasionné à deux autres des blessures nécessitant une hospitalisation. Elles étaient toutes occupantes de deux des quatre voitures impliquées. La cause première de l'accident est l'éclatement du pneumatique équipant la roue avant gauche du tracteur de l'ensemble routier, qui a provoqué son changement de direction brutal et impossible à maîtriser. Le heurt de la semi-remorque par des véhicules arrivant au même moment à vitesse normale sur la voie médiane de la chaussée du sens de circulation opposé devenait alors inévitable, toute tentative d'en atténuer les effets de la part des conducteurs concernés s'avérant pratiquement impossible. La cause de l'éclatement du pneumatique n'a pas pu être déterminée. Il a été noté qu'il était d'une marque différente de celle du pneumatique monté sur l'autre roue du même essieu, contrevenant ainsi à l'arrêté du 24 octobre 1994 relatif aux pneumatiques, et d'un type normalement réservé aux remorques. Toutefois, aucun élément objectif ne permet d'établir un lien entre ces conditions de montage et l'éclatement. La circulation des voitures accidentées, sans raison particulière, sur la voie médiane de la chaussée autoroutière qu'elles empruntaient, a par ailleurs contribué à cet accident. Au regard des circonstances de cet accident, le BEA-TT, sans formuler de recommandations formelles, rappelle d'une part, la nécessité de respecter la réglementation relative aux conditions d'emploi et de montage des pneumatiques et d'autre part, tout l'intérêt d'une communication régulière et soutenue sur l'obligation de circuler, sauf raisons légitimes, sur la voie de droite des chaussées des autoroutes et des routes à chaussées séparées. 11 1 - Constats immédiats et engagement de l'enquête 1.1 Circonstances de l'accident Le lundi 2 août 2010 vers 23h30, à la hauteur de la commune de Lespignan dans l'Hérault (34), un ensemble routier constitué d'un tracteur et d'une semi-remorque immatriculés en Allemagne, circulant sur la voie de droite de l'autoroute A9 dans le sens Montpellier ­ Narbonne, sort brusquement de sa voie au niveau du PR 171, traverse la chaussée, brise la glissière de sécurité implantée sur le terre-plein central, puis se couche sur le flanc gauche, glisse et s'immobilise en obstruant deux des trois voies de circulation du sens opposé. La semi-remorque répand son chargement, composé de 21 tonnes de feuilles de verre, sur ces trois voies de circulation et est percutée dans sa partie arrière par trois véhicules légers circulant de Narbonne vers Montpellier. Une quatrième voiture, également impliquée dans cet accident, évite le véhicule lourd renversé sur la chaussée. L'annexe 2 précise la localisation de l'accident. Pour faciliter la lecture du présent rapport, le tracteur de l'ensemble routier, sa semiremorque et les véhicules légers concernés seront respectivement désignés par les lettres (A), (A'), (B), (C), (D) et (E). 1.2 - Bilan humain et matériel L'accident a concerné 16 personnes, conductrices ou passagères des différents véhicules précités. Il a provoqué le décès de quatre d'entre elles et occasionné à deux autres des blessures nécessitant une hospitalisation. Ces six personnes occupaient les véhicules (B) et (D). Les dix autres personnes impliquées ont été très légèrement blessées ou sont sorties indemnes de l'accident. L'annexe 3 regroupe des photographies des véhicules accidentés : certains ont subi des dégâts très importants. Du fait de l'accident, l'autoroute A9 a été fermée à la circulation dans le sens Montpellier ­ Narbonne du 2 août 23h40 au 3 août 2h55. 1.3 - Engagement et organisation de l'enquête Au vu des circonstances de cet accident et avec l'accord du ministre chargé des transports, le directeur du bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) a ouvert, le 9 août 2010, une enquête technique en application du titre III de la loi n°2002-3 du 3 janvier 2002, codifié depuis le 28 octobre 2010 aux articles L.1621-1 à L.1622-2 du code des transports. Les enquêteurs du BEA-TT ont rencontré le juge d'instruction et les services du peloton de gendarmerie autoroutier en charge de l'enquête judiciaire. Ils ont également eu accès aux pièces de l'enquête de flagrance et de la procédure d'instruction. 13 2 - Contexte de l'accident 2.1 L'infrastructure autoroutière 2.1.1 - Les caractéristiques L'accident s'est produit au PR 171 de l'autoroute A9, sur une section en rase campagne située au sud de Béziers et exploitée par la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF), qui offre trois voies de circulation de 3,5 m de largeur dans chaque sens et sur laquelle la vitesse est limitée à 130 km/h. Le schéma ci-après détaille les caractéristiques du profil en travers de cette autoroute dans la zone où l'accident est survenu. Figure 1 : Profil en travers de l'autoroute A9 au droit du PR 171 Cette section autoroutière présente également dans la zone considérée : un tracé en plan rectiligne ; un profil en long en légère rampe dans le sens Narbonne ­ Montpellier ; une bonne visibilité axiale et latérale ; un revêtement en bon état, constitué d'un béton bitumineux. 2.1.2 - Le dispositif de retenue en place sur le terre-plein central La section d'autoroute sur laquelle s'est produit l'accident analysé dans le présent rapport est, comme la plupart des autoroutes françaises, dotée en terre-plein central d'un dispositif de retenue métallique. Il est constitué de deux files de glissières de sécurité simples qui répondent aux normes françaises qui devaient être appliquées lorsqu'elles ont été installées. Elles remplissent ainsi les exigences de niveau 1 fixées dans la circulaire n°88-49 du 9 mai 1988 relative à l'agrément et aux conditions d'emploi des dispositifs de retenue contre les sorties accidentelles de chaussée. Elles sont, à ce titre, conçues pour retenir un véhicule de 1 250 kg les heurtant soit à 100 km/h avec un angle de 20°, soit à 80 km/h avec un angle de 30°. 15 Ces normes ont, depuis, été renforcées. Les performances auxquelles doivent désormais satisfaire les dispositifs de retenue sont fixées par l'arrêté éponyme du 2 mars 2009 qui reprend les dispositions de la norme européenne EN 1317. La mise en oeuvre de ces dispositions conduirait à équiper l'autoroute A9 d'un dispositif capable de résister au choc d'un véhicule de 13 tonnes lancé à 70 km/h qui le heurterait avec un angle d'incidence de 20°. Elles ne sont toutefois d'application obligatoire que lors de la mise en service de sections autoroutières nouvelles ou lors de travaux d'aménagement nécessitant la dépose d'une longueur significative de glissières de sécurité. Le BEA-TT a procédé à un examen approfondi des caractéristiques et des capacités de résistance du dispositif de retenue installé sur le terre-plein central de l'autoroute A9 dans le rapport concluant l'enquête technique qu'il a conduite sur la sortie de route d'un minibus survenue sur cette autoroute le 24 mars 2008 à la hauteur de la commune de Gigean dans l'Hérault. Il est à souligner que si des glissières de sécurité satisfaisant les exigences de l'arrêté du 2 mars 2009 auraient vraisemblablement retenu le minibus accidenté à Gigean, elles n'auraient très probablement pas empêché, au regard de son poids très supérieur à 13 tonnes, l'ensemble routier (A+A') de franchir le terre-plein central de l'autoroute A9 le 2 août 2010 à Lespignan. 2.1.3 - Le trafic, l'accidentalité et les vitesses pratiquées Sur la section d'autoroute concernée, le trafic moyen journalier s'est élevé au mois d'août 2009 à 47 541 véhicules dans le sens Narbonne ­ Montpellier et à 52 641 véhicules dans le sens Montpellier ­ Narbonne, avec des proportions de véhicules dits « longs » atteignant respectivement 8,9 % et 8,6 %. Le tableau ci-après précise les débits horaires constatés au moment de l'accident, c'est-à-dire le 2 août 2010 entre 23h et 24h. Point de mesure PR 167,2 (1) PR 172,3 (2) (1) sens Narbonne ­ Montpellier (2) sens Montpellier ­ Narbonne Trafic horaire total (véhicules) le 2 août 2010 de 23h à 24h 888 1 247 Dont véhicules dits « longs » 118 (13,3 %) 218 (17,5 %) Entre 2005 et 2009 inclus, il a été dénombré dans la zone de l'accident analysé dans le présent rapport, sur le kilomètre s'étendant du PR 170,5 au PR 171,5, 33 accidents, tous sans gravité puisqu'ils n'ont causé que des blessures légères à six personnes, aucun tué et aucun blessé grave n'ayant été à déplorer. A titre de comparaison, il a été enregistré 1 490 accidents sur l'ensemble du tronçon de l'autoroute A9 relevant, entre les PR 149,9 et 218,7, du district de Narbonne d'ASF*. La section d'autoroute située au niveau du PR 171 ne présente pas de caractéristiques particulières en terme d'accidentalité. Les vitesses pratiquées sur cette section autoroutière, telles qu'elles ont été enregistrées par des appareils automatiques, étaient le 2 août 2010, à 23h30, de 108,67 km/h dans le sens Narbonne ­ Montpellier au PR 167,2 et de 105,67 km/h dans le sens opposé au PR 172,3. 2.2 - Les conditions météorologiques Les relevés météorologiques effectués le 2 août 2010, à 23h21, dans le secteur de l'accident font état d'une température de l'air de 17,5°C, d'une vitesse du vent de 45 km/h et d'une absence de précipitation. La chaussée était sèche, sa température s'élevant à 21°C. * Terme figurant dans le glossaire 16 3 - Compte rendu des investigations effectuées 3.1 Les constats sur le site de l'accident L'ensemble routier, tracteur (A) et semi-remorque (A'), qui se dirigeait vers Narbonne, s'est immobilisé sur le flanc gauche après avoir franchi le terre-plein central (TPC) de l'autoroute A9 vers le PR 171, la semi-remorque (A') obstruant la voie de gauche et la voie médiane de la chaussée dédiée au sens de circulation opposé. Le chargement du véhicule, en l'occurrence 21 tonnes de plaques de verre, a été éjecté puis s'est brisé et répandu sur la totalité de la largeur de cette chaussée. De nombreux débris métalliques ont par ailleurs été disséminés dans la zone de l'accident. Les figures 2 et 3 montrent l'ensemble routier (A+A') immobilisé après sa sortie de route. Figures 2 et 3 : L'ensemble routier (A+A') immobilisé sur la chaussée de l'autoroute, dans le sens Narbonne ­ Montpellier1 La bande de roulement du pneumatique avant gauche du tracteur (A), qui a été arrachée, a été retrouvée à proximité de la glissière de sécurité implantée sur le terre-plein central, ainsi qu'en témoigne la figure 4 ci-après. Figure 4 : La bande de roulement du pneumatique avant gauche du tracteur à l'endroit où elle a été retrouvée après l'accident 1 Les photographies des figures 2 et 3 ont toutes les deux été prises sur la chaussée de l'autoroute dans le sens Narbonne ­ Montpellier, celle de la figure 2 dans le sens de circulation des véhicules et celle de la figure 3 en sens inverse. 17 L'examen des lieux a, en outre, permis d'identifier clairement sur la chaussée sur laquelle circulait l'ensemble routier (A+A') : d'une part, des traces de ripage causées par les pneumatiques ; d'autre part, des traces de grattage, avec une scarification de la couche de roulement, provenant notamment du frottement de la jante de la roue avant gauche du tracteur (A). Les figures 5 et 6 visualisent ces différentes traces, qui marquent une déviation de trajectoire brutale de l'ensemble routier (A+A'), depuis la voie de circulation qu'il empruntait, à droite de la chaussée, jusqu'au terre-plein central. Figure 6 Les traces de ripage et de grattage provenant de l'ensemble routier (A+A') vues dans le sens de son déplacement (figure 5) et en sens inverse (figure 6) Figure 5 La voiture particulière (B) a été retrouvée sur la voie de droite de la chaussée dédiée à la circulation en direction de Montpellier, à environ 750 m en aval de la semi-remorque. La voiture particulière (C) était immobilisée sur la bande d'arrêt d'urgence (BAU), une dizaine de mètres derrière le véhicule (B), comme le montre la figure 7. 18 Figure 7 : Les véhicules (B) et (C) immobilisés après l'accident sur la chaussée de Narbonne vers Montpellier Les voitures particulières (D) et (E) étaient immobilisées à cheval sur la voie de droite et la bande d'arrêt d'urgence de cette même chaussée, à une trentaine de mètres en aval de la semi-remorque. Elles étaient solidarisées latéralement, comme le montre la figure 8. Figure 8 : Les véhicules (D) et (E) immobilisés après l'accident sur la chaussée de Narbonne vers Montpellier 19 3.2 - Les véhicules impliqués 3.2.1 - Le tracteur (A) et la semi-remorque (A') Le tracteur (A) et la semi-remorque (A') sont la propriété de la société GOLDA TRANSP OHG sise à Oer-Erkenschwick en Allemagne, dans le land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Le tracteur (A) est de marque VOLVO. Il a été mis en circulation le 13 janvier 2004 et acquis par la société précitée le 14 février 2005. Au moment de l'accident, il totalisait 895 458 km. Son dernier contrôle technique, effectué le 8 juin 2010, était valable jusqu'au 7 juin 2011. La semi-remorque (A') est de marque KRONE et elle a été mise en circulation le 11 février 2008. Sa longueur est de 13,5 m, sa hauteur de 2,95 m et sa largeur de 2,55 m. Lors de l'accident, elle était chargée de 21 tonnes de plaques de verre enfermées dans des caisses de bois. Ce chargement était maintenu sur son châssis par des sangles. 3.2.2 - Les véhicules particuliers (B),(C),(D) et (E) Le tableau ci-dessous récapitule les caractéristiques principales des quatre véhicules particuliers impliqués dans l'accident. Caractéristiques Marque Type commercial Date de 1re mise en circulation Limite de validité du contrôle technique État des pneumatiques Usure bande (mm) Répartition usure B CITROËN Xsara Picasso 22 septembre 2005 2 octobre 2011 C RENAULT Modus 16 avril 2008 16 avril 2012 D CITROËN C4 Picasso 25 juin 2009 25 juin 2013 E TOYOTA Auris inconnu inconnu 5,5 régulière P.M. (1) 4 régulière 6 à 7,5 (2) régulière (1) Ne présentant que de faibles dégâts, ce véhicule n'a pas été immobilisé par les enquêteurs (2) Respectivement à l'avant et à l'arrière 3.3 - Les conducteurs Le conducteur de l'ensemble semi-remorque (A+A'), qui est à l'origine de l'accident, est de nationalité allemande, âgé de 55 ans et titulaire d'un permis de conduire valide. Il est salarié de la société GOLDA TRANSP OHG, propriétaire du tracteur (A) et de la semiremorque (A'). Lorsque l'accident est survenu, il convoyait un chargement de plaques de verre entre l'Allemagne et l'Espagne. Les dépistages d'alcoolémie et de consommation de stupéfiants auxquels les conducteurs des cinq véhicules accidentés ont été soumis, post mortem pour deux d'entre eux, se sont révélés négatifs. 20 3.4 - Résumés des témoignages Les résumés des témoignages présentés ci-après sont établis par les enquêteurs techniques sur la base des déclarations orales ou écrites dont ils ont eu connaissance. Ils ne retiennent que les éléments qui paraissent utiles pour éclairer la compréhension et l'analyse des événements et pour formuler des recommandations. Il peut exister des divergences entre les différentes déclarations recueillies ou entre ces déclarations et les constats et analyses présentés par ailleurs. 3.4.1 - Témoignage d'un automobiliste témoin de la sortie de route de l'ensemble routier (A + A') Le témoin, âgé de 30 ans, circulait sur l'autoroute A9 dans le même sens de circulation que l'ensemble (A+A') accidenté, à bord d'un véhicule 4X4 Nissan qu'il conduisait. Le témoin déclare qu'il roulait, régulateur activé, à une vitesse affichée de 130 km/h au compteur et de 122 km/h sur l'écran du GPS*. Se trouvant sur la voie médiane pour finir de doubler un ensemble routier, il a aperçu un autre véhicule lourd circulant 400 à 500 m devant lui sur la voie de droite. Au moment où il envisageait de le dépasser, il a entendu un « violent bang » et en une fraction de seconde, le véhicule concerné, qui paraissait « tordu » et couché sur le flanc gauche, a occupé les trois voies de circulation, presque perpendiculairement à la chaussée. Le témoin indique avoir eu la sensation de voir « voler » l'ensemble routier à environ un mètre du sol, puis au-dessus des glissières de sécurité du terre-plein central, avant qu'il ne s'immobilise sur la chaussée en sens opposé. Il précise qu'il n'a alors entendu aucun bruit de choc. Il a poursuivi sa route à vitesse plus réduite, feux de détresse allumés pour prévenir les usagers circulant en sens inverse, puis il a de nouveau accéléré jusqu'à 110 km/h, de crainte d'être rattrapé et heurté par un automobiliste. Il s'est ensuite arrêté sur l'aire de repos de Lespignan et sa passagère a appelé les secours avec son téléphone portable. 3.4.2 - Témoignage du conducteur de l'ensemble routier (A+A') Le témoin, âgé de 55 ans, est de nationalité allemande et de langue polonaise. Son interrogatoire a nécessité l'assistance d'un interprète. Le témoin déclare qu'après deux jours de repos, il est parti d'Allemagne le 1 er août vers 22h, pour convoyer 21 tonnes de verre en Espagne. Le 2 août, dans la période qui a précédé l'accident, il s'est arrêté vers 19h20 pendant 50 minutes en application de la réglementation sur les temps de conduite et de repos. Il est reparti à 20h10 et il a roulé sans problème jusqu'à 23h30. A ce moment-là, alors qu'il circulait à 90 km/h sur la voie de droite de la chaussée de l'autoroute A9, en direction de Narbonne, il a entendu un bruit similaire à une détonation. Son véhicule a bifurqué sur la gauche puis a percuté les glissières de sécurité du terre-plein central et s'est couché sur le côté. Le témoin indique n'avoir perçu aucun signe précurseur et n'avoir pu effectuer aucune manoeuvre durant le laps de temps, d'environ 3 à 4 secondes selon lui, qui s'est écoulé entre la détonation qu'il a entendue et l'immobilisation de son véhicule. Il n'a ensuite entendu aucun bruit de choc ou de freinage. Selon lui, « la cause de l'accident est directement liée à l'éclatement du pneumatique avant gauche du tracteur ». Il affirme que son véhicule était en bon état général, la responsabilité de son entretien incombant à son employeur qu'il qualifie de « très sérieux » en la matière. Il lui semble que l'entreprise a l'habitude de monter des pneus neufs non rechapés et que ceux de l'essieu arrière du tracteur ont été changés il y a deux mois environ. Il n'a jamais connu de * Terme figurant dans le glossaire 21 problèmes de crevaison avec le véhicule concerné, dont il est le seul utilisateur depuis janvier 2010. Le témoin souligne, par ailleurs, qu'il n'a pas consommé d'alcool depuis le 30 juillet, mais qu'il est sous contrôle médical pour hypertension. Il précise également qu'il portait sa ceinture de sécurité au moment de l'accident et qu'il n'a jamais commis d'infractions à la réglementation relative à la coordination des transports, tant en Allemagne que dans les autres pays de l'Union Européenne. 3.4.3 - Témoignage du conducteur de la voiture particulière (C) Âgé de 31 ans, le conducteur de la voiture (C) se rendait, avec ses deux passagers, d'Espagne (d'où il est parti le 2 août vers 22h) à la Grande-Motte dans l'Hérault. Il circulait sur l'autoroute A9 dans le sens Narbonne ­ Montpellier au moment de l'accident. Le témoin indique qu'il circulait sur la voie médiane de l'autoroute derrière une voiture Citroën Picasso lorsqu'un objet volumineux, qu'il suppose être une poussette, a heurté son pare-brise à son niveau, provoquant une pluie d'éclats de verre. Ne comprenant pas ce qui se passait, esquivant des débris sur la chaussée en suivant la voiture qui le précédait, il a ralenti et continué sa course sur « environ un kilomètre ». Il s'est alors arrêté derrière la voiture Citroën Picasso dont il a tenté de secourir les passagers. Il précise que personne n'a été blessé à l'intérieur de sa voiture, qui a subi des chocs sur la calandre et porte des traces d'impacts sur le pare-brise. 3.4.4 - Témoignage du conducteur de la voiture particulière (E) Âgé de 33 ans, de nationalité néerlandaise, le conducteur de la voiture (E) circulait sur l'autoroute A9 en direction de Montpellier, avec deux passagers à l'arrière de son véhicule. Son témoignage a nécessité l'assistance d'un interprète. Le témoin circulait sur la voie médiane à la vitesse de 120 km/h lorsqu'il a perçu un « grand choc » sans comprendre la situation et sans pouvoir faire quoi que ce soit pour maîtriser son véhicule. Ce n'est que lorsqu'il s'est arrêté qu'il a constaté qu'il était côte à côte avec une autre voiture (nota : il s'agit de la voiture D). Le témoin et ses deux passagers se sont alors réfugiés de l'autre côté de la bande d'arrêt d'urgence en attendant les secours, aucun d'entre eux n'étant blessé. Il précise que les trois occupants de son véhicule portaient leur ceinture de sécurité. 3.4.5 - Témoignage de la passagère avant droit de la voiture particulière (B) Le véhicule (B) est parti du Perthus dans les Pyrénées-Orientales, le 2 août vers 20h30, avec quatre occupants. Après un arrêt à Perpignan, il a repris la route à 22h45 pour se rendre au Cap d'Agde dans l'Hérault. Le conducteur et le passager assis à gauche à l'arrière de ce véhicule ont perdu la vie dans l'accident. Le témoin indique que tous les passagers de la voiture avaient bouclé leur ceinture de sécurité et qu'il dormait lorsqu'un « énorme bruit accompagné d'un choc violent » l'a réveillé, au moment où les airbags se déclenchaient. La voiture, dont une partie était arrachée, a alors fait plusieurs embardées en heurtant des glissières de sécurité. Il a réussi à l'immobiliser sur la voie de droite de l'autoroute en actionnant le frein à main. Le témoin précise également qu'il a attendu les secours pendant environ 45 minutes, avant d'être évacué par ambulance vers le CHU* de Béziers. * Terme figurant dans le glossaire 22 3.5 - Analyse de l'enregistrement du chronotachygraphe de l'ensemble routier (A+A') L'exploitation visuelle du diagramme du chronotachygraphe dont était équipé l'ensemble routier (A+A') montre qu'il circulait à une vitesse de l'ordre de 90 km/h, le 2 août 2010 entre 23h25 et 23h30, heure de l'accident, ainsi que l'indique la figure 9. Figure 9 : Extrait du diagramme du chronotachygraphe de l'ensemble routier (A+A') Par ailleurs, l'examen de ce chronotachygraphe ne fait apparaître aucune infraction aux dispositions européennes relatives au temps de travail, au temps de conduite et au temps de repos dans le secteur du transport routier. 3.6 - Examen des pneumatiques de l'ensemble routier (A+A') Les traces de ripage et de grattage relevées au droit du PR 171 sur la chaussée de Montpellier vers Narbonne ainsi que deux des témoignages recueillis tendent à montrer que la perte de contrôle de l'ensemble routier (A+A') et sa brusque sortie de route presque perpendiculaire à l'axe de la voie autoroutière ont été provoquées par l'éclatement du pneumatique de la roue avant gauche du tracteur (A). En sus des constats établis in situ par les services de la gendarmerie et des analyses fournies par l'expert judiciaire, le bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre a fait procéder à une expertise complémentaire portant sur les pneumatiques de l'ensemble routier concerné et, plus particulièrement, sur celui équipant la roue avant gauche du tracteur, en vue de cerner les causes de cet éclatement. Deux volets ont été examinés dans ce cadre : le montage des pneumatiques considérés ; l'état du pneumatique détérioré. 23 3.6.1 - Le montage des pneumatiques La figure 10 ci-dessous schématise le montage en pneumatiques du tracteur (A) et de la semi-remorque (A'), en précisant les marques et types « constructeur » utilisés, ainsi que les pressions de gonflage constatées sur les différentes roues du tracteur. Figure 10 : Montage en pneumatiques du tracteur (A) et de la semi-remorque (A') Il en ressort que : les deux pneumatiques équipant l'essieu directeur du tracteur (A) sont de marques différentes, contrevenant ainsi aux dispositions de l'arrêté du 24 octobre 1994 relatif aux pneumatiques qui imposent que tous les pneumatiques montés sur un même essieu soient du même type. Au sens réglementaire, la marque d'un pneumatique est un élément constitutif de son type, au même rang que ses dimensions, sa catégorie d'utilisation, sa structure, sa catégorie de vitesse, son indice de capacité de charge et sa section transversale ; le pneumatique qui a éclaté était d'un type « constructeur » référencé Dunlop SP252, normalement prévu pour équiper des roues de remorque en utilisation longue. Cette préconisation du manufacturier n'a toutefois pas valeur d'obligation réglementaire. 24 3.6.2 - L'état du pneumatique avant gauche du tracteur (A) Le pneumatique, monté sur la roue avant gauche du tracteur (A) était de marque Dunlop. Il a été fabriqué au Luxembourg pendant la 41e semaine de l'année 2007. Il avait donc une durée d'usage de moins de trois ans au moment de l'accident. Il n'était pas rechapé, mais l'historique de son utilisation n'est pas connu. Par ailleurs, le manufacturier n'a pas signalé l'existence de lots défectueux dans cette période de production. Ce pneumatique présente visuellement une usure régulière et une rupture des câbles des nappes de la structure sommet, dont l'aspect est caractéristique d'une rupture suite à un choc ou d'une coupure choc. Il n'a pas été possible de déterminer les causes de son éclatement. Seul, le processus ayant conduit à sa complète détérioration a pu être reconstitué. Il s'est déroulé ainsi qu'il suit : le premier choc du tracteur (A) contre la glissière de sécurité du terre-plein central s'est produit à son extrémité avant gauche, entraînant une déformation du marchepied ; celui-ci a été repoussé vers le pneumatique concerné, dont il a percuté la bande de roulement, générant ainsi une rupture de la structure sommet sur environ 60 % de la largeur de la bande de roulement ; la structure sommet du pneumatique, localement prisonnière du marchepied déformé, s'est alors désolidarisée de la carcasse avec la rotation de la roue. Figure 11 : Le pneu avant gauche du tracteur après l'accident Figure 12 : La face externe de la bande de roulement du pneu arrachée En conclusion, au regard des investigations effectuées, rien ne permet d'affirmer que l'éclatement du pneumatique de la roue avant gauche du tracteur (A) est imputable : à des défauts techniques lors de sa fabrication ou à un entretien insuffisant ; à une utilisation non conforme aux préconisations du manufacturier, c'est-à-dire au fait qu'il ait été monté sur un essieu directeur alors qu'il était normalement conçu pour équiper un essieu de remorque ; au montage de pneumatiques de marques différentes sur cet essieu directeur, contrevenant à l'arrêté du 24 octobre 1994 précité. 25 4 - Déroulement de l'accident et des secours 4.1 Le déroulement de l'accident L'ensemble routier composé du tracteur (A) et de la semi-remorque (A') chargée de 21 tonnes de plaques de verre, se rendant d'Allemagne en Espagne, circule à 90 km/h dans le sens Montpellier ­ Narbonne de l'autoroute A9 sur le territoire de la commune de Lespignan (34). Au PR 171, le pneumatique avant gauche du tracteur éclate et l'ensemble routier se déporte brusquement sur sa gauche, heurte et détériore la glissière de sécurité métallique du terre-plein central, se couche sur le flanc gauche et glisse jusqu'à son immobilisation, la remorque obstruant alors la voie de gauche et la voie médiane de la chaussée du sens de circulation opposé, avec un angle de l'ordre de 140 degrés. Quatre voitures particulières circulant sur la voie médiane de l'autoroute A9 dans le sens Narbonne ­ Montpellier à une vitesse qui peut être estimée à 120 km/h, arrivent successivement sur le site peu de temps après l'immobilisation de l'ensemble routier (A+A'), mais à des intervalles de temps inconnus. La première voiture (B) heurte frontalement, avec prépondérance à gauche, et sans avoir préalablement freiné, l'arrière de la semi-remorque (A'), puis poursuit sa route en percutant à plusieurs reprises la glissière de sécurité bordant la bande d'arrêt d'urgence avant de s'immobiliser 750 m en aval du lieu du choc. La deuxième voiture (C), percutée par une poussette éjectée du chargement du véhicule (B), évite la collision avec la semi-remorque (A') et s'immobilise derrière la voiture (B). La troisième voiture (D) heurte frontalement, avec prépondérance à gauche, et probablement sans avoir freiné, l'arrière de la semi-remorque (A'). Elle est, au même moment, accrochée sur la totalité de son flanc gauche par le flanc droit de la quatrième voiture (E), qui percute également frontalement l'arrière de la semi-remorque (A'), sans freinage préalable mais avec une violence en apparence sensiblement moindre que le véhicule (D). Les deux véhicules (D) et (E) continuent ensuite leur route conjointement, pour s'immobiliser à environ 30 m en aval du lieu du choc. Cet accident s'est donc déroulé en trois phases successives, très proches chronologiquement, même s'il n'est pas possible de quantifier avec précision les écarts de temps les séparant. Les figures 13, 14 et 152 ci-après visualisent ces trois phases. 2 Des échelles différentes sont utilisées en largeur et en hauteur. 27 Phase 1 : L'ensemble articulé (A+A') quitte brusquement sa voie de circulation en se déportant sur la gauche suite à l'éclatement du pneu de sa roue avant gauche, heurte et détruit la glissière de sécurité du terre-plein central, se renverse sur le flanc gauche, traverse en grande partie le terre-plein central, avant de s'immobiliser en obstruant les deux voies de gauche de la chaussée opposée à son sens de circulation. Figure 13 : La sortie de route de l'ensemble routier (A+A') 28 Phase 2 : L'ensemble routier (A+A') étant immobilisé, la voiture particulière (B), qui circulait sur la voie médiane de l'autoroute, heurte violemment l'arrière de la semiremorque (A'), poursuit sa marche en avant en percutant à plusieurs reprises la glissière de sécurité de la bande d'arrêt d'urgence et s'immobilise à environ 750 m en aval du lieu du choc sur la voie de droite. La voiture particulière (C), qui suivait le véhicule (B) sur la même voie, est percutée au niveau de son pare-brise par une poussette éjectée du véhicule (B) et continue son chemin parmi les débris sans heurter la semi-remorque (A'), avant de s'immobiliser sur la bande d'arrêt d'urgence, derrière le véhicule (B). Figure 14 : Les collisions des voitures particulières (B) et (C) 29 Phase 3 : L'ensemble routier (A+A') étant immobilisé, les véhicules (B) et (C) se trouvant en aval sur l'autoroute, la voiture particulière (D), qui circulait sur la voie médiane, heurte violemment l'arrière de la semi-remorque (A'). La voiture particulière (E), circulant sur la même voie, vient s'appuyer latéralement sur (D) et heurte à son tour, et presque simultanément, la semi-remorque (A'). Restant solidarisés suite à leur contact latéral, les deux véhicules (D) et (E) poursuivent leur marche en avant et s'immobilisent environ 30 m plus loin, à cheval sur la voie de droite et la bande d'arrêt d'urgence de l'autoroute. Figure 15 : Les collisions des voitures particulières (D) et (E) 30 4.2 - L'alerte et les secours La gendarmerie nationale est arrivée sur les lieux de l'accident à 23h45 et les pompiers à minuit. L'annexe 4 détaille la chronologie des principales interventions de secours qui ont été mises en oeuvre, ainsi que les moyens mobilisés à cette fin. L'accident a provoqué le décès de quatre personnes et occasionné l'hospitalisation de deux blessés. La figure 16 ci-dessous visualise la position des victimes à l'intérieur des différents véhicules impliqués. Figure 16 : Position des victimes à l'intérieur des véhicules impliqués dans l'accident 31 5 - Analyse des causes, orientations préventives et conclusion 5.1 L'analyse des causes 5.1.1 - Les constats Il ressort des éléments exposés dans les chapitres précédents les points-clés suivants : au moment de l'accident, l'ensemble routier (A+A') circulait à la vitesse de 90 km/h et les quatre véhicules accidentés à la vitesse estimée de 120 km/h, la vitesse maximale autorisée sur la section autoroutière concernée étant de 130 km/h ; aucun des conducteurs des véhicules impliqués dans les différentes collisions qui se sont produites (ensemble routier (A+A'), voitures particulières (B), (D) et (E)) n'a freiné ou amorcé une manoeuvre pour éviter ou réduire les chocs ; les tests de dépistage effectués sur tous les conducteurs concernés n'ont révélé aucune consommation d'alcool ou de produits stupéfiants. Par ailleurs, tous les passagers de tous les véhicules portaient lors de l'accident leur ceinture de sécurité, ou un dispositif de retenue adapté en ce qui concerne les enfants ; tout indique que l'ensemble routier (A+A') était en très bon état général ; la brusque sortie de route de l'ensemble routier (A+A') a très probablement été provoquée par l'éclatement du pneumatique équipant la roue avant gauche de son tracteur (A). La cause de cet éclatement n'a pas pu être déterminée. Aucun élément objectif ne permet de l'imputer aux conditions de montage du pneumatique concerné, qui était d'un type normalement réservé aux remorques et qui était d'une marque différente de celle du pneumatique monté sur l'autre roue du même essieu, contrevenant ainsi aux dispositions de l'arrêté du 24 octobre 1994 relatif aux pneumatiques ; les quatre voitures particulières qui circulaient sur l'autoroute A9 dans le sens Narbonne ­ Montpellier juste en amont du site de l'accident au moment où la semiremorque a entravé une partie de la chaussée concernée, se trouvaient toutes sur la voie médiane, alors qu'elles n'effectuaient aucun dépassement et qu'aucun obstacle ou mesure particulière ne restreignait l'utilisation de la voie de droite. Cette pratique, très fréquente sur les chaussées d'autoroute à trois voies, est interdite par l'article R.412-9 du Code de la route qui précise qu' : « En marche normale, tout conducteur doit maintenir son véhicule près du bord droit de la chaussée, autant que le lui permet l'état ou le profil de celle-ci... ». Si les conducteurs de ces véhicules avaient emprunté la voie de droite de leur chaussée, ils auraient probablement évité la semi-remorque (A') et les conséquences de l'accident auraient été moins graves ; les caractéristiques de l'autoroute A9 au PR 171, lieu de l'accident, ne présentent aucun élément particulier susceptible d'avoir joué un rôle dans l'accident examiné ; la chaussée était sèche et la vitesse du vent modérée au moment de l'accident. 5.1.2 - Les causes de l'accident La cause première de l'accident est l'éclatement, pour des raisons inconnues, du pneumatique équipant la roue avant gauche du tracteur (A) de l'ensemble routier (A+A'), qui a provoqué un changement de direction brutal et impossible à maîtriser, puis le franchissement du terre-plein central de l'autoroute, la remorque (A') venant s'immobiliser sur le flanc gauche, en biais sur la voie de gauche et la voie médiane de la chaussée du sens de circulation opposé. Ainsi, le heurt de la semi-remorque par des véhicules circulant au même moment à vitesse normale sur l'une de ces deux voies était inévitable, toute tentative d'en atténuer les effets de la part des conducteurs concernés étant pratiquement impossible. 33 La circulation des voitures accidentées, sans raison particulière, sur la voie médiane de leur chaussée autoroutière, a par ailleurs contribué à cet accident. L'utilisation de la voie de droite, comme le prescrit le Code de la route, leur aurait sans doute permis d'éviter la semi-remorque, réduisant ainsi l'ampleur des conséquences de l'accident. Par ailleurs, aucune information n'est disponible sur les distances qui séparaient les quatre voitures particulières impliquées au moment où la première (B) a heurté la semiremorque. A une vitesse de 120 km/h, le respect de l'interdistance minimale réglementaire correspondant à la distance parcourue en 2 secondes, impliquerait que le véhicule (E) se soit trouvé à plus de 200 m du véhicule (B). La figure 17 ci-dessous présente les événements sous la forme d'un arbre des causes, en se limitant aux faits avérés. Figure 17 : Arbre des causes 5.2 - Orientations préventives et conclusion L'analyse des circonstances et des causes de cet accident conduit le BEA-TT à rechercher des orientations préventives dans deux domaines : l'équipement des véhicules en pneumatiques ; les conditions d'usage des voies de circulation des infrastructures routières à chaussées séparées. 5.2.1 - L'équipement en pneumatiques des véhicules Aucun élément objectif ne permet d'établir un lien entre le montage en pneumatiques de l'essieu avant du tracteur de l'ensemble routier accidenté et l'éclatement de celui qui en équipait la roue avant gauche. On peut néanmoins présumer un certain manque de suivi de leur maintenance par l'entreprise de transport. En effet, pour une raison quelconque, la roue avant gauche d'origine du tracteur concerné a été changée et remplacée par une roue de remorque équipée d'un pneumatique différent de celui installé sur la roue droite du même essieu. Ce changement est probablement intervenu après le contrôle technique de ce véhicule effectué le 8 juin 2010, sinon la non-conformité aurait été signalée. Le tracteur a ensuite été utilisé pour au moins un voyage entre l'Allemagne et l'Espagne, sans que l'anomalie soit corrigée. 34 Il faut rappeler que les dispositions édictées par la réglementation, notamment par l'arrêté du 24 octobre 1994 précité, en matière de conditions d'emploi et de montage des pneumatiques, sont pour l'essentiel motivées par des enjeux de sécurité, au rang desquels la prévention des éclatements, l'efficacité du freinage et la stabilité des véhicules. De leur côté, les manufacturiers élaborent des préconisations sur les modes d'utilisation des différents pneumatiques qu'ils produisent. En conséquence le BEA-TT : rappelle aux entreprises assurant la gestion d'une flotte de véhicules, ainsi qu'aux particuliers, l'importance pour la sécurité sur la route d'un entretien méticuleux des pneumatiques et du strict respect de la réglementation relative à leurs conditions d'emploi et de montage. 5.2.2 - La circulation à droite sur les infrastructures routières à chaussées séparées L'article R.412-9 du Code de la route fait obligation de circuler près du bord droit de la chaussée, sauf raisons légitimes telles que le dépassement d'un autre véhicule, la circulation en file ininterrompue ou encore l'existence d'une voie spéciale pour les véhicules lents. Cette obligation réglementaire, que l'Association des Sociétés Françaises d'Autoroutes (ASFA) rappelle clairement sur son site Internet au titre des règles de bonne utilisation des autoroutes, n'est pas, dans la pratique, toujours respectée par les automobilistes, notamment sur les autoroutes et les routes à chaussées séparées comportant plus de deux voies par sens de circulation. En outre, certains experts reprochent à cette obligation d'empêcher dans certains cas une répartition optimale du trafic sur l'ensemble de la surface roulable. Pourtant, en cas de franchissement du terre-plein central par un véhicule circulant en sens opposé, la probabilité est plus forte qu'il s'immobilise sur les voies situées le plus à gauche, constituant ainsi un obstacle souvent très difficile à éviter pour les usagers qui y circulent à vitesse normale. En conséquence, le BEA-TT : rappelle l'obligation de circuler, sauf raisons légitimes, sur la voie la plus à droite des chaussées des autoroutes et des routes à chaussées séparées et incite les gestionnaires de ces infrastructures ainsi que les acteurs de l'information et de la sécurité routière à accentuer leurs efforts de communication en la matière, en s'appuyant sur les différents vecteurs d'information qu'ils utilisent pour délivrer des conseils aux automobilistes. 35 ANNEXES Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête Annexe 2 : Plan de situation Annexe 3 : Photographies des véhicules impliqués Annexe 4 : Chronologie des interventions de secours 37 Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête 39 Annexe 2 : Plan de situation lieu de l'accident La section Narbonne ­ Béziers de l'autoroute A9 PR 171 sens Narbonne ­ Béziers Vue de dessus de l'autoroute A9 au droit du PR 171, lieu de l'accident 41 Annexe 3 : Photographies des véhicules impliqués La semi-remorque (A') après l'accident La face gauche et la porte arrière gauche de la semi-remorque ont été arrachées en totalité au cours de l'accident. Voiture (B) : les dégâts matériels constatés à l'extérieur et à l'intérieur La voiture (B) a heurté frontalement l'arrière de la semi-remorque (A') Voiture (C) : impacts sur le pare-brise La voiture (C) n'a subi aucune collision, mais son par-brise a été percuté par une poussette éjectée de la voiture (B) lors du choc de celle-ci avec la semi-remorque. 43 Voiture (D) : les dégâts matériels constatés à l'extérieur et à l'intérieur (avant et arrière) La voiture (D) a heurté frontalement l'arrière de la semi-remorque (A') et a été heurtée latéralement par la voiture (E) Voiture (E) : les dégâts matériels constatés La voiture (E) a heurté latéralement la voiture (D), puis frontalement l'arrière de la semiremorque (A') 44 Annexe 4 : Chronologie des interventions de secours Le tableau ci-dessous récapitule les principales interventions de secours qui ont été déployées et précise les moyens mobilisés à cet effet. Heure 22h32 22h40 Type d'intervention et service concerné Un patrouilleur de la société ASF signale un accident au PR 171,5 de l'autoroute A9 (sens Narbonne ­ Montpellier) Un message d'alerte de coupure d'autoroute est diffusé sur les panneaux à messages variables et sur la radio autoroutière Arrivée sur place de la gendarmerie Moyens engagés 22h45 22h50 22h53 0h00 0h31 1h17 1h28 2h50 Astreinte au poste central d'exploitation Le Conseil Général de l'Aude et le Conseil Général de l'Hérault sont prévenus de la situation Arrivée des pompiers sur les lieux Contact avec la préfecture de l'Aude Bilan provisoire établi à 4 morts, 1 blessé grave et 7 blessés légers Un hélicoptère se pose sur le site Évacuation des trois véhicules légers 45 BEA-TT ­ Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre Tour Voltaire ­ 92055 LA DEFENSE CEDEX Tél. : +33(0)1 40 81 21 83 ­ Fax : + 33(0)1 40 81 21 50 cgpc.beatt@developpement-durable.gouv.fr www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr www-developpement-durable.gouv.fr

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