Rapport d'enquête technique sur l'accident d'un camion citerne survenu le 7 août 2006 sur l'A55 près de Châteauneuf-les-Martigues (13)

Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre
Auteur secondaire
Résumé
Au matin du 7 août 2006, un camion citerne transportant des hydrocarbures se renverse et s'enflamme après avoir heurté une pile de pont sur l'A55 près de Châteauneuf-les-Martigues. Cet accident a provoqué la mort du chauffeur et un début d'incendie dans la végétation alentour. La cause directe de l'accident est liée à un comportement de conduite imprudent et inadapté du conducteur du poids lourd accidenté.Le fait que l'autoroute A55 supporte un trafic important de transports lourds de marchandises dangereuses, particulièrement des hydrocarbures, est un élément de contexte important à prendre en compte dans la sécurité de cet itinéraire. Le BEA-TT formule deux recommandations portant d'une part, sur la vigilance que doivent avoir les entreprises de transport de marchandises à l'égard du comportement de conduite de leurs conducteurs et d'autre part, sur l'étude d'une interdiction de dépassement, sur cet itinéraire, pour les poids lourds transportant des marchandises dangereuses.
Editeur
BEA-TT
Descripteur Urbamet
enquête ; accident de la route ; prévention ; sécurité routière ; marchandise dangereuse ; incendie ; camion
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
BEA-TT Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre les rapports Rapport d'enquête technique sur l'accident et l'incendie d'un poids lourd transportant des produits pétroliers survenus le 7 août 2006 sur l'A55 à Châteauneuf-les-Martigues (13) octobre 2007 Conseil Général des Ponts et Chaussées Le 05 octobre 2007 Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre Affaire n°BEATT-2006-010 Rapport d'enquête technique sur l'accident et l'incendie d'un poids lourd transportant des produits pétroliers survenus le 7 août 2006 sur l'A55 à Châteauneuf-les-Martigues (13) 1 Bordereau documentaire Organisme (s) commanditaire (s) : Ministère de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables ; MEDAD Organisme (s) auteur (s) : Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre ; BEA-TT Titre du document : rapport d'enquête technique sur l'accident et l'incendie d'un poids lourd transportant des produits pétroliers survenus le 7 août 2006 sur l'A55 à Châteauneuf-les-Martigues (13) N°ISRN : EQ-BEATT--07-4--FR Mots-clés : Accident, poids lourd, transport de marchandise dangereuse, incendie, excès de vitesse 2 Sommaire Glossaire...................................................................................................... 5 Résumé........................................................................................................ 7 1- Engagement de l'enquête....................................................................... 9 2- Constats immédiats et organisation de l'enquête.............................. 11 2.1- L'accident......................................................................................................... 11 2.2- Les secours.......................................................................................................11 2.3- Le bilan............................................................................................................ 11 2.4- Organisation de l'enquête.................................................................................11 3- Compte rendu des investigations effectuées.......................................13 3.1- Résumé des témoignages................................................................................. 13 3.2- L'infrastructure routière................................................................................... 13 3.2.1- Caractéristiques, trafic et accidentalité........................................................................... 13 3.2.2- Système de gestion de la sécurité....................................................................................14 3.3- Les entreprises de transport concernées.......................................................... 14 3.4- Le conducteur de l'ensemble routier accidenté................................................14 3.4.1- Antécédents professionnels du conducteur.....................................................................14 3.4.2- Activité du conducteur le jour de l'accident....................................................................15 3.5- L'ensemble routier accidenté........................................................................... 16 3.5.1- Le tracteur....................................................................................................................... 16 3.5.2- La citerne........................................................................................................................ 16 3.5.3- Le chargement de la citerne............................................................................................ 17 3.6- Météorologie et conditions de circulation....................................................... 17 4- Déroulement reconstitué de l'accident............................................... 19 5- Analyse des causes et facteurs associés...............................................23 5.1- Chargement du véhicule accidenté.................................................................. 23 5.1.1- L'impact du chargement sur le comportement routier du véhicule.................................23 5.1.2- Orientations pour la prévention...................................................................................... 23 5.2- Respect de la limite de vitesse applicable aux TMD.......................................23 5.2.1- Rappel des faits...............................................................................................................23 5.2.2- Orientations pour la prévention...................................................................................... 24 5.3- Comportement de conduite du conducteur accidenté......................................24 5.3.1- Rappel des faits...............................................................................................................24 5.3.2- Orientations pour la prévention...................................................................................... 24 5.4- Exploitation de l'autoroute A55 concernant les TMD.....................................25 3 6- Conclusions et recommandations....................................................... 27 6.1- Identification des causes.................................................................................. 27 6.2- Recommandations préventives........................................................................ 27 6.3- Recommandations............................................................................................27 ANNEXES................................................................................................. 29 Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête.............................................................31 Annexe 2 : Analyse du chargement de l'ensemble routier...................................... 32 Annexe 2.1 - Rappel du principe...............................................................................................32 Annexe 2.2 - Le cas du véhicule en cause.................................................................................33 Annexe 3 : Lieu de l'accident.................................................................................. 36 Annexe 3-1 : Photographie........................................................................................................36 Annexe 3-2 : Plan......................................................................................................................35 Annexe 4 : Photographies de l'accident et de l'épave............................................. 38 4 Glossaire APTH : Association pour la Prévention dans le Transport d'Hydrocarbures. ATMD : Association Française du Transport routier de Matières Dangereuses. DDE : Direction Départementale de l'Equipement. DGMT : Direction générale de la Mer et des Transports DIRMED : Direction Interdépartementale des Routes Méditerranée DRE : Direction Régionale de l'Equipement. DRIRE : Direction Régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement. ITT : Inspection du Travail et des Transports. MJA : Trafic Moyen Journalier Annuel Phénomène de carène liquide : terme de marine appliqué aux citernes routières transportant des liquides. Lorsque la citerne n'est pas pleine, le liquide se déplace sous l'effet des accélérations transversales du véhicule, ce qui a pour conséquence de déplacer le centre de gravité de la citerne et provoquer selon l'ampleur du déplacement, même à très faible vitesse, le renversement du véhicule. Nota : les dispositifs de pare-flot ou la division de la citerne en compartiments étanches limite voire annule les effets du déplacement longitudinal. Permis de conduire de catégorie C : Permis de conduire des véhicules automobiles isolés dont le PTAC excède 3,5 tonnes, autres que les véhicules de transport en commun. Permis de conduire de catégorie E(C) : Permis de conduire les véhicules de catégorie C attelés d'une remorque dont le PTAC excède 750 Kg. PTAC : Poids Total Autorisé en Charge. Radar CSA : Contrôle Sanction Automatique de vitesse. SDIS :Service Départemental d'Incendie et de Secours. TMD : Transport de Marchandises Dangereuses. 5 Résumé Le 07 août 2006 aux alentours de 06h30, sur l'autoroute A55 au niveau de La Mède dans les Bouches-du-Rhône, un ensemble routier, tracteur et semi-remorque citerne, chargé de 34 000 litres d'hydrocarbure dont 15 000 litres d'essence très inflammable, s'est renversé, a heurté la pile d'un pont et son chargement s'est embrasé. Le poids lourd en cause venait de dépasser un premier poids lourd et s'apprêtait à en dépasser un second, lorsque gêné par une voiture, il s'est rabattu sur sa droite et a heurté le second poids lourd, ce qui l'a déséquilibré. Il s'est alors renversé sur son flanc gauche, a glissé jusqu'à la pile d'un pont et l'a heurté. La citerne s'est éventrée sous le choc et son contenu a alors pris feu. Le conducteur, s'est extrait de la cabine du tracteur, a été pris dans l'incendie et est mort sur place. Le véhicule en feu a été complètement détruit. Le feu qui s'était communiqué à la garrigue longeant l'autoroute, a été rapidement maîtrisé par les sapeurs pompiers intervenus 15 minutes après l'accident. Après réfection du revêtement de la chaussée détruite par le feu, l'autoroute a été rendue intégralement à la circulation dès 20h00. La cause directe de l'accident est liée à un comportement de conduite imprudent et inadapté du conducteur du poids lourd accidenté. Ce comportement s'est traduit par une vitesse excessive et des manoeuvres dangereuses dont un dépassement juste avant l'accident et la tentative de dépassement qui a conduit à l'accident. De la part de l'entreprise de transport, l'absence de détection et de réaction devant cet excès de vitesse habituel a constitué un facteur causal indirect. La nature des marchandises transportées a constitué un facteur aggravant des conséquences de l'accident qui auraient pu être beaucoup plus graves. Le fait que l'autoroute A55 supporte un trafic important de transports lourds de marchandises dangereuses, particulièrement des hydrocarbures, est un élément de contexte important à prendre en compte dans la sécurité de cet itinéraire. Sur ces différents points, le BEA-TT formule deux recommandations portant d'une part, sur la vigilance que doivent avoir les entreprises de transport de marchandises à l'égard du comportement de conduite de leurs conducteurs et d'autre part, sur l'étude d'une interdiction de dépassement, sur cet itinéraire, pour les poids lourds transportant des marchandises dangereuses. 7 1- Engagement de l'enquête Le 07 août 2006 aux alentours de 06h30, sur l'autoroute A55 à l'approche du passage supérieur de l'échangeur n°9, un semi-remorque citerne transportant du carburant, a heurté une pile du pont et s'est embrasé. Cet accident a provoqué la mort du conducteur et un début d'incendie de la végétation des espaces riverains. Par décision du ministre en date du 9 août 2006, le BEA-TT a ouvert une enquête technique sur cet accident. L'enquête technique faisant l'objet du présent rapport est réalisée dans le cadre du titre III de la loi n°2002-3 du 3 janvier 2002, et du décret n°2004-85 du 26 janvier 2004, relatifs aux enquêtes techniques après accident ou incident de transport terrestre. Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents, en déterminant les circonstances et les causes de l'évènement analysé, et en établissant les recommandations de sécurité utiles. 9 2- Constats immédiats et organisation de l'enquête 2.1- L'accident Le 07 août 2006 aux alentours de 06h30, sur l'autoroute A55 à l'approche du passage supérieur de l'échangeur n°9, un ensemble routier semi-remorque citerne, chargé de 15 000 litres d'essence et de 19 000 litres de gazole et circulant dans le sens Martigues - Marseille, à la suite d'une brusque embardée est venu heurter la pile centrale du pont et s'est embrasé. 2.2- Les secours L'alerte a été donnée par plusieurs usagers. Dans les minutes qui ont suivi l'accident, le feu alimenté et propagé par le gazole répandu sur la chaussée et dans les caniveaux, a détruit le revêtement de la chaussée et embrasé la pinède aux abords de l'échangeur. Les unités du SDIS * sont arrivées sur les lieux 15 minutes après l'accident. Des moyens importants (80 sapeurs et 20 véhicules divers) ont été mis en oeuvre, pour empêcher le feu de se propager par la pinède vers une zone de villas proche sur la commune de la Mède. Le sinistre a été maîtrisé assez rapidement, permettant de protéger de l'incendie les zones habitées voisines et de rouvrir une voie de circulation dans le sens Marseille ­ Martigues dès 12 heures et dans le sens Martigues ­ Marseille à 20 heures. 2.3- Le bilan La seule victime de cet accident (le conducteur de l'ensemble routier) prise dans l'incendie est décédée sur place. Le tracteur et la citerne ont été entièrement calcinés. Le revêtement de la chaussée de l'autoroute dans le sens Martigues ­ Marseille, détruit sur plusieurs dizaines de mètres, a été refait pour permettre la réouverture au trafic. 2.4- Organisation de l'enquête Les enquêteurs se sont rendus sur le site de l'accident et ont rencontré les responsables locaux concernés. Leurs investigations se sont appuyées notamment, sur les résultats de l'enquête préliminaire (et ceux des expertises requises) diligentée par le Tribunal de Grande Instance d'Aixen-Provence et réalisée par la CRS autoroutière Provence ainsi que sur les documents administratifs et de contrôle des services départementaux (DDE, DRE, DRIRE, ITT, SDIS)*. * Termes figurant dans le glossaire 11 3- Compte-rendu des investigations effectuées 3.1- Résumé des témoignages Les témoignages recueillis auprès de quatre témoins oculaires circulant sur l'A55 (dont le conducteur d'un véhicule circulant en sens inverse sur l'autre chaussée) permettent de préciser les circonstances de l'accident : Le poids lourd citerne accidenté venait de doubler un autre poids lourd benne. Dans l'instant qui a précédé l'accident, un troisième poids lourd, benne également, roulait à faible vitesse devant le véhicule accidenté et quelques dizaines de mètres avant l'échangeur lieu de l'accident. Ce véhicule qui pourrait être sorti à cet échangeur, n'a pas été retrouvé et aucun témoignage n'indique l'avoir vu après l'accident. Le poids lourd citerne a engagé une manoeuvre de dépassement de ce troisième poids, s'est brusquement rabattu à droite puis est reparti sur la gauche, s'est renversé sur son flanc gauche avant de venir heurter la pile du pont de l'échangeur et de s'embraser. 3.2- L'infrastructure routière 3.2.1- Caractéristiques, trafic et accidentalité L'accident s'est produit sur l'autoroute non concédée A55 dans le sens de circulation Martigues ­ Marseille, à l'échangeur n°9 de la Mède. Le tronçon concerné est en légère pente, montante pour le sens de circulation concerné. Cette autoroute supporte un trafic de 50 000 à 90 000 véhicules en MJA * selon les tronçons. Au voisinage de l'échangeur concerné, le trafic MJA est de 62 000. La part des poids lourds transportant des marchandises dangereuses, essentiellement des hydrocarbures, est de 2000 poids lourds par jour. Le bilan des accidents sur les autoroutes non concédées du département des Bouches-duRhône, établi par la direction départementale de l'équipement pour 2005, fait apparaître sur l'A55, pour 100 millions de kilomètres parcourus, les taux d'accidents suivants : Ces taux sont élevés, environ 1,5 fois plus forts que la moyenne nationale, si l'on exclut les accidents matériels. Notons, cependant, que ce bilan, encore peu favorable, marque une amélioration par rapport à 2004, notamment en matière de gravité des accidents, en raison des mesures générales mises en oeuvre pour améliorer la sécurité routière (radars CSA*, politique plus répressive en matière de circulation routière). * Terme figurant dans le glossaire 13 3.2.2- Système de gestion de la sécurité En raison de l'important trafic de citernes d'hydrocarbure, la situation de cet itinéraire demeure préoccupante, bien que les accidents mettant en cause des citernes d'hydrocarbure soient très rares et que l'événement examiné reste un cas unique sur cet itinéraire. Pour pouvoir répondre aux situations d'urgence que pourrait engendrer cette configuration, les services départementaux ont mis en place un « plan d'intervention d'urgence sur autoroute » associant tous les acteurs de sécurité civile et les gestionnaires d'infrastructures. Par ailleurs, le bataillon des marins pompiers de Marseille et le corps départemental des sapeurs pompiers des Bouches-du-Rhône ont élaboré un « schéma départemental d'analyse et de couverture des risques » qui intègre le risque transport routier de marchandises dangereuses. 3.3- Les entreprises de transport concernées Spécialisée dans le transport de produits pétroliers et domiciliée dans les Alpes-Maritimes, la société Zamora Transports qui assurait ce transport, intervient dans les Bouches-du-Rhône à partir de son site de Velaux. Son activité est organisée en groupement avec d'autres entreprises de la région, notamment pour ce qui concerne la répartition et l'utilisation des parcs de véhicules tant tracteurs que remorques. Elle compte 80 employés dont 65 conducteurs. Par ailleurs, Zamora Transports est l'un des 34 affiliés du groupe E.B.TRANS. E.B.TRANS est un important groupe européen spécialisé dans le transport de marchandises dangereuses (TMD). Avec ses 34 affiliés, il couvre 13 pays européens dont la France, s'appuie sur un effectif de 3 800 collaborateurs et dispose d'un parc de 2 400 moteurs et 2 700 citernes. Avec un chiffre d'affaire de 340 M en 2003, son activité, en chiffre d'affaires, se répartit comme indiqué dans le tableau ci-dessous : Les investigations conduites auprès de Zamora Transports montrent que ses activités de transport de marchandises dangereuses répondent aux exigences professionnelles et réglementaires de la profession et ne révèlent pas de risques particuliers qui seraient liés à l'organisation de l'activité. 3.4- Le conducteur de l'ensemble routier accidenté 3.4.1- Antécédents professionnels du conducteur Le conducteur, âgé de 37 ans, était en bonne condition physique et ne suivait aucun traitement médical. Conducteur routier depuis une quinzaine d'année, il avait exercé sa profession dans le Calvados puis dans les Alpes-Maritimes dont il était originaire avant de s'installer dans les Bouches-du-Rhône. Il avait été recruté par la société Zamora à compter du 09 mai 2006 par contrat (CDI) passé le 05 mai 2006. Lors de ce recrutement, l'intéressé était titulaire des catégories C et E(C) * du permis de conduire et avait fait l'objet d'un avis médical favorable en date du 13 mai 2005 délivré par la 14 commission médicale de Marseille pour une durée de 5 ans. Il disposait, par ailleurs, d'une attestation de Formation Initiale Minimale Obligatoire (FIMO) pour les conducteurs de véhicules de transport de marchandises d'un PTAC* supérieur à 7,5 tonnes, délivrée le 21 octobre 2005 par l'AFT-IFTIM (Association pour le développement de la formation transport et techniques d'implémentation et de manutention) et valide jusqu'au 20 octobre 2010. L'intéressé ne disposant pas des qualifications requises pour la conduite de véhicules transportant des marchandises dangereuses, la société Zamora lui avait fait suivre, préalablement à son embauche, la formation nécessaire pour obtenir les qualifications idoines. A sa prise de fonction dans la société Zamora, il était titulaire du certificat de formation pour les conducteurs de véhicules transportant des marchandises dangereuses (produits pétroliers en citernes), délivré le 04 mai 2006 par l'Association pour la Prévention dans le Transport d'Hydrocarbures (APTH). Les témoignages indiquent que tant ses employeurs que ses collègues appréciaient le comportement professionnel de ce conducteur. Lui-même s'était ouvert à ses proches de sa satisfaction concernant son nouvel emploi et les conditions de travail. Toutefois, il convient de noter que, au cours des dix années précédentes, plusieurs infractions entraînant retrait de points avaient été relevées à son encontre (notamment, grands excès de vitesse, non respect de feu rouge, changement de direction, non respect de bande blanche) qui avaient conduit à plusieurs suspensions judiciaire du permis de conduire et à une annulation administrative pour solde de points nul en octobre 2004. Il avait repassé le permis de conduire (catégories B, C et E(C)) dans les Bouches-du-Rhône fin juin et début juillet 2005. Enfin, l'examen des enregistrements du chronotachygraphe du conducteur pour la période du 02 juillet au 12 juillet 2006, montrent que sa vitesse de croisière habituelle se situait entre 85 et 90 km/h et plutôt à proximité de 90 km/h, valeur supérieure à la vitesse limite de 80 km/h autorisée pour les transports de marchandises dangereuses. 3.4.2- Activité du conducteur le jour de l'accident Le jour de l'accident, le recoupement des témoignages permet d'établir une chronologie assez précise de l'activité du conducteur du poids lourd accidenté : Le conducteur s'est levé aux environs de 04h00 et a dû quitter son domicile une dizaine de minutes avant 05h00 pour rejoindre, à une distance de près de 9 kilomètres sur la commune de Velaux, le parc routier de l'entreprise Zamora Transports, C'est aux alentours de 05h00 qu'il a quitté le parc routier au volant de son véhicule (tracteur semi-remorque citerne) pour se rendre à DPF (Dépôts Pétroliers de Fos-sur-Mer), situé à une cinquantaine de kilomètres de Velaux, Sur le site de DPF, il est procédé au remplissage des cuves de la citerne avec 15 000 litres d'essence et 19 000 litres de gazole. Le pointage de cette fourniture, effectuée par DPF, indique que le poids lourd a dû quitter le site vers 06h17 pour une livraison à la station de distribution Carrefour du centre commercial Grand Var à la Valette du Var, située à environ 130 kilomètres de Fos-sur-Mer, A une heure qui peut être située entre 06h30 et 06h35, compte tenu de l'imprécision des données recueillies, l'accident est survenu sur l'A55, à une distance de 20,6 kilomètres du lieu de chargement, Enfin, notons que le cycle d'activité de la journée devait se terminer par le trajet retour « La Valette du Var ­ Velaux » long d'environ 110 km, portant à près de 300 km la totalité du parcours, avec une arrivée avant 13h00, pour une durée totale de travail voisine de 08h00. * Terme figurant dans le glossaire 15 De ces éléments, il ressort que, en retranchant 3h au cycle de 8h, pour tenir largement compte des temps de pause, de chargement et de déchargement, les 5h restantes de conduite effective permettaient de parcourir les 300 km du trajet total, dont 80% sur autoroute, à la vitesse moyenne de 60 km/h. Ce constat indique une programmation assez large sans pression particulière, notamment en période de circulation fluide. 3.5- L'ensemble routier accidenté L'ensemble routier accidenté était constitué d'un véhicule tracteur et d'une semi remorque citerne. 3.5.1- Le tracteur Le tracteur de marque MERCEDES avait été mis en circulation en février 2002. Il appartenait à la catégorie VM-TMD (véhicule moteur ­ transport de marchandises dangereuses) correspondant à l'usage qui en était fait. D'un poids total à vide de 6,7 tonnes, il était autorisé pour un poids total roulant de 44,250 tonnes. Le dernier contrôle technique annuel, auquel sont soumis les véhicules de ce type, avait été effectué le 15 février 2006. A cette occasion, aucun défaut n'avait été constaté mais seulement quelques anomalies mineures, non soumises à contre visite et n'engageant pas la sécurité du véhicule qui, de ce fait, était en ordre de marche. L'expertise a établi que l'épave du tracteur présentait les traces d'un choc, assez violent, sur la partie avant supérieure du côté droit de la cabine. Elle conclut que ce choc d'avant en arrière est sans aucune relation avec son renversement, la percussion du pont ou l'embrasement du véhicule, mais résulte, compte tenu de la déformation, de sa direction et de son emplacement, d'un heurt avec le camion benne qui précédait le poids lourd accidenté. En revanche, l'expertise n'a révélé aucun désordre mécanique (frein, suspension, direction...) qui aurait pu jouer un rôle dans l'accident. 3.5.2- La citerne La citerne, de marque FRUEHAUF réalisée en alliage d'aluminium (nuance 5063 H111 de la norme NF-A 50451 avec spécifications STK3142 et STK3161) a été mise en circulation en mars 1995. Elle répondait aux normes de dimensionnement, de construction et d'exploitation pour ce type de matériel. Elle appartenait au type de carrosserie « CARB LEG » (citerne pour carburant léger). D'un poids à vide de 6,420 tonnes, elle était autorisée pour une charge de 27,580 tonnes soit un poids total en charge de 34 tonnes. Elle était constituée de neuf compartiments étanches pour une capacité totale de 39 520 litres. Le dernier contrôle technique avait été effectué le 21 juin 2006. Aucun défaut n'a été relevé, seulement quelques anomalies non soumises à contre visite. La semi-remorque disposait du certificat d'agrément pour les véhicules transportant certaines marchandises dangereuses (accord européen relatif au transport international de marchandises dangereuses par route « ADR »). La dernière visite annuelle du 21 juin 2006 reconduisait la validité de l'agrément jusqu'au 21 juin 2007. Le dernier contrôle complet de la citerne avait été effectué le 28 juin 2006. Portant sur tous ses éléments et organes, ses fonctions accessoires et sa sécurité (épreuve hydraulique, étanchéité, épaisseur des parois...), ce contrôle n'avait révélé aucun défaut. Enfin, l'expertise des essieux de la semi-remorque (seuls organes subsistant après l'incendie) n'a révélé aucune défaillance mécanique (frein, transmission ou suspension) qui puisse avoir une incidence sur la survenue de l'accident. 16 3.5.3- Le chargement de la citerne Les éléments recueillis indiquent que les entreprises de transport concernées par cet accident répondent aux obligations réglementaires relatives au transport de marchandises dangereuses tant en ce qui concerne la gestion du personnel que l'organisation de l'activité ou la gestion du matériel. Le bordereau de remplissage de la citerne, établi par DPF (Dépôts Pétroliers de Fos sur Mer) permet de connaître la nature et le volume des hydrocarbures dont était chargée la citerne ainsi que la température et la masse des produits au moment du chargement. L'absence de données précises, du fait de la destruction complète du véhicule, n'a pas permis de retrouver l'état de charge réel au moment de l'accident. Toutefois, une analyse détaillée (présentée en annexe 2) conduit à conclure que la citerne était vraisemblablement chargée conformément aux prescriptions techniques concernant la répartition des charges et le remplissage des cuves. 3.6- Météorologie et conditions de circulation Le 07 août 2006 à 06h30, instant de l'accident, le temps était sec et clair et le trafic sur l'A55 était faible. Il est à noter que cet itinéraire est habituellement très chargé, y compris à l'heure indiquée, et que, souvent, des bouchons se forment aux heures de pointe dans la section concernée. La fluidité, ce jour-là, s'explique en raison de la période de vacances. 17 4- Déroulement reconstitué de l'accident Les relevés effectués sur place, les résultats de l'expertise réalisée dans le cadre de la procédure d'enquête ainsi que les témoignages des conducteurs qui ont assisté à l'embardée et à l'accident du poids lourd impliqué, permettent de décrire le déroulement de l'événement en distinguant neuf phases, illustrées par les schémas ci-après. Ces schémas donnent le positionnement approximatif des véhicules sur la voirie, représentée comme indiqué sur la légende ci-dessous. Légende Phase 1 Quelques instants avant l'accident, trois poids lourds, PLA, PLB et PLC, suivis de deux véhicules légers, VL1 et VL2, circulent sur la voie de droite de l'autoroute A55 dans le sens Martigues ­ Marseille, dans l'ordre de marche indiqué sur le schéma ci-dessus. Le PLA, composé d'un tracteur et d'une citerne semi-remorque, chargée de 34 000 litres d'hydrocarbure, est le véhicule accidenté, seul impliqué dans l'accident. Le PLB est un camion benne qui roulait à 83 km/h (déclaration du conducteur confirmée par la courbe du chronotachygraphe). Le PLC est également un camion benne (6/4) de couleur bleue. Ce camion poursuivra sa route bien qu'il ait été heurté par le PL accidenté. Malgré les recherches actives entreprises, ce témoin capital ne sera pas retrouvé. Les témoignages indiquent que le PLC, lourdement chargé, roulait assez lentement. Deux véhicules légers, VL1 et VL2, suivent le PLA. Phase 2 Le PLA s'engage sur la voie de gauche pour dépasser le PLB, donc à une vitesse supérieure à 83 km/h. Simultanément, le VL1 qui s'apprêtait à dépasser le PLA, doit ralentir et rester derrière lui. 19 Phase 3 Le VL1 s'engage derrière le PLA qui dépasse le PLB. Phase 4 Le VL2 s'est engagé derrière le VL1. Les deux véhicules dépassent le PLB et poursuivent en dépassant le PLA qui s'est rabattu sur la voie de droite derrière le PLC. Le VL2 voit derrière lui un troisième véhicule léger, le VL3, qui arrive à vive allure. Le PLA se rapproche du PLC qui roule plus lentement. Phase 5 A cet instant, on peut formuler l'hypothèse que, s'apprêtant à prendre la bretelle de sortie, le conducteur du PLC ait levé le pied. Dans ce tronçon en montée et compte tenu de la charge du poids lourd, cette manoeuvre sans freinage a pu provoqué un fort ralentissement du PLC. Surpris, le conducteur du PLA ne freine pas mais se déporte à gauche pour dépasser le PLC, sans avoir, semble-t-il, vu le véhicule VL3 qui arrive à vive allure. Avec cette manoeuvre, le PLA effectue un premier changement de direction. Phase 6 Le VL3 évite la manoeuvre du PLA en se déportant sur sa gauche vers la glissière de sécurité et alerte le PLA par avertisseur sonore. Surpris, le PLA braque brusquement sur sa droite et effectue ainsi un second changement brusque de direction. Ce rabattement à droite le ramène sur le PLC qui a encore ralenti et dont il vient heurter l'arrière gauche, alors que le VL3 réussit à passer sans heurt. 20 Phase 7 Le choc sur l'arrière droit du PLC projette le PLA sur la gauche, provoquant une troisième et brusque inversion de trajectoire qui entretient en l'accentuant le déplacement en lacet du PLA. A cet instant, le conducteur du PLA, dont le véhicule est déjà fortement déséquilibré, comme l'indiquent les témoignages, tente de corriger sa trajectoire à gauche en contre-braquant à droite. Phase 8 Ce quatrième changement de direction vient amplifier les effets dynamiques du choc et des brusques et rapides changements de trajectoire antérieurs à plus de 85 km/h, et achève de déséquilibrer le PLA. La citerne se renverse sur son flanc gauche au-dessus de la glissière de sécurité du TPC et entraîne le tracteur dans son mouvement. Phase 9 Sur sa lancée, l'ensemble routier PLA, couché sur la glissière de sécurité, glisse jusqu'à ce que la partie supérieure avant de la citerne vienne percuter la pile. Sous le choc, la citerne est éventrée. L'essence et le gazole contenus dans la citerne sont projetés aux alentours et s'embrasent. Le conducteur arrive à s'extraire du tracteur en feu, mais, pris au sein du brasier, il s'écroule quelques mètres plus loin sans que les témoins les plus proches (à quelques dizaines de mètres) ne puissent intervenir en raison de l'intensité de l'incendie et de la chaleur qui s'en dégage. Éléments complémentaires Bien que du gazole en feu se soit écoulé sur la chaussée et par les caniveaux, l'absence de véhicule et de matériaux combustible à proximité a empêché la propagation de l'incendie sur l'autoroute. Le PLB resté sur place, véhicule le plus proche à environ soixante mètres en amont du sinistre, n'a pas pris feu. En revanche, la pinède aux abords de l'échangeur s'est rapidement enflammée et a fait courir un risque de propagation en dehors de l'autoroute. La gravité de cet accident est liée au danger important auquel ont été exposés pendant plusieurs dizaines de minutes les usagers et l'environnement de l'autoroute, du fait de l'éclatement de la citerne et surtout de l'incendie des 34 000 litres d'hydrocarbure, dû à l'embrasement spontané de l'essence, danger auquel n'a pu échapper le conducteur. Seul celui-ci a été victime, on peut imaginer 21 que dans un contexte différent, les conséquences auraient pu être beaucoup plus graves. Aucune trace de freinage du PLA n'a été relevée. En raison de la masse et de la vitesse du PLA, le PLC a forcément ressenti le choc. Mais il a poursuivi sa route et semble avoir pris la bretelle de sortie de l'autoroute dont la voie de décélération sur la droite débute quelques dizaines de mètres avant le pont de l'échangeur (les témoins VL2 et VL3 ne signalent pas l'avoir vu dans leur rétroviseur alors qu'ils indiquent avoir vu le PLA heurter la pile du pont). A l'exception du PLB resté en amont de l'accident, les quatre autres véhicules ne se sont pas arrêtés et ont quitté les lieux immédiatement, après avoir, pour certains, alerté les secours. Cependant, les conducteurs de deux d'entre eux (VL2 et VL3) sont venus, après coup, témoigner. Ceux du VL1 et du PLC n'ont pas été retrouvés. Si l'arrivée du VL3 a été un élément déclencheur, sa présence aurait dû être détectée par le PLA, puisque le conducteur du VL2 dit l'avoir vu arriver derrière lui alors qu'il était en train de doubler le PLA. Le VL1, comme le VL2 d'ailleurs, n'est pas impliqué dans cet accident. Le PLC, bien que non responsable du choc, aurait dû s'arrêter. Les recherches entreprises pour le retrouver sont restées vaines. Notons que dans le cadre de ces recherches conduites dans les sociétés possédant et utilisant ce type de camion benne , ont été mises en lumière des pratiques de transport non déclarées et non réglementaires. 22 5- Analyse des causes et facteurs associés Le déroulement de l'accident conduit à examiner quatre facteurs susceptibles de donner lieu à des recommandations préventives : Le chargement du véhicule accidenté, le respect de la limite de vitesse applicable aux TMD*, le comportement de conduite du conducteur accidenté, l'exploitation de l'autoroute A55 concernant les TMD. 5.1- Chargement du véhicule accidenté 5.1.1- L'impact du chargement sur le comportement routier du véhicule L'analyse détaillée de la répartition du chargement dans la citerne, le jour de l'accident, et les particularités du comportement routier de ce type de véhicule sont présentées en annexe 2. Cet examen conduit à penser que la citerne était correctement chargée et que son renversement ne peut être imputé à une mauvaise répartition du chargement. Par ailleurs, l'ensemble routier en cause était en ordre de marche et les investigations conduites n'ont révélé aucun défaut mécanique qui aurait pu favoriser le renversement ou provoquer l'embardée du véhicule. En revanche, même avec un état de charge nominal parfaitement équilibré, un tel ensemble routier, sous l'effet de brusques changements de direction, se renverse de manière inéluctable, même à une vitesse réduite (annexe 2). C'est précisément dans cette situation que s'est trouvé le véhicule accidenté suite aux manoeuvres effectuées par le conducteur. Par ailleurs, rappelons que la citerne était en aluminium, matériau moins résistant que l'acier. Néanmoins, il apparaît que, vu les circonstances de l'accident, une citerne en acier n'aurait évité ni l'éclatement ni l'embrasement. 5.1.2- Orientations pour la prévention Cet accident met l'accent sur l'instabilité transversale des citernes en virage lorsqu'elles sont pleines. Rappelons que cette instabilité aurait été encore plus forte s'il y avait eu un remplissage incomplet des compartiments (phénomène de carène liquide)*. Cet aspect conduit à souligner, une fois encore, l'importance de la formation et du professionnalisme que doivent avoir les conducteurs de citernes dont le comportement routier appelle une vigilance de chaque instant, d'autant que ce comportement peut fortement varier avec la répartition du chargement et le niveau de remplissage. 5.2- Respect de la limite de vitesse applicable aux TMD 5.2.1- Rappel des faits D'une manière générale, les investigations conduites auprès de Zamora Transports montrent que ses activités TMD* répondent aux exigences professionnelles et réglementaires de la profession et ne laissent apparaître aucun risque particulier qui serait lié à leur organisation. Par ailleurs, l'organisation du trajet et les durées programmées de conduite sont conformes à la réglementation, ne révèlent aucune pression particulière incitant à une conduite rapide et permettaient d'accomplir le trajet prévu en respectant la limite de 80 km/h qui s'impose aux TMD. Pourtant, il apparaît que le véhicule accidenté circulait à une vitesse supérieure à cette limite au moment de l'accident et que le conducteur était coutumier du fait. En effet, un examen des * Terme figurant dans le glossaire 23 disques d'enregistrement du conducteur montre qu'il avait l'habitude de rouler au-delà de 80 km/h, ce qui aurait dû alerter l'entreprise. 5.2.2- Orientations pour la prévention Ces constats conduisent à rappeler aux entreprises de transport de marchandises dangereuses et à leurs conducteurs que la limite de 80 km/h doit être considérée comme une règle de sécurité nécessaire mais non suffisante. En premier lieu, la règle absolue de sécurité, notamment pour un véhicule TMD, est de limiter sa vitesse en fonction des conditions de circulation. En second lieu, le dépassement de cette limite de 80 km/h, outre l'infraction qu'il constitue, représente toujours un danger supplémentaire et indique chez le conducteur qui en est coutumier un comportement à risque. Il importe que les entreprises de TMD s'attachent à vérifier et éradiquer ce type de comportement. 5.3- Comportement de conduite du conducteur accidenté 5.3.1- Rappel des faits Le PLB roule à 83 km/h. Le PLA, en se déportant sur la voie de gauche pour dépasser le PLB, gêne le VL1 qui s'apprêtait, lui-même, à dépasser le PLA et doit freiner. La vitesse du PLA qui semble avoir effectué le dépassement assez rapidement, est sans doute assez proche de 90 km/h. Arrivant ensuite derrière le PLC et sans doute surpris par son ralentissement, le PLA se déporte de nouveau à gauche pour le dépasser sans avoir vu le VL3. En l'espace de quelques secondes, le conducteur vient de couper deux fois la route aux véhicules qui le suivent, ce qui indique un défaut d'attention aux conditions de circulation. En particulier, ce déport sur la gauche pour dépasser le PLC apparaît dans ce contexte, comme une manoeuvre inappropriée qui constitue la cause immédiate de l'accident. L'activité du conducteur le jour de l'accident n'indique aucune contrainte particulière qui ait pu l'inciter à rouler au-dessus de la limite de 80 km/h. Pourtant, il circulait à une vitesse supérieure. Ce point appelle deux remarques. Ce conducteur avait l'habitude de rouler à une vitesse plus proche de 90 km/h que de 80 k/m qui est la vitesse limite pour ce type de transport (voir chapitre 4.2.2), Le tracteur était équipé d'un limiteur de vitesse. Il ne semble pas que son réglage ait été fait sur 82 km/h ou 85 km/h comme l'indiquent certains témoins mais plus probablement sur 90 km/h qui est la norme européenne pour les limiteurs de vitesse réglementés pour les marchandises. Cette limite de 90 km/h laisse, bien entendu, toute latitude au conducteur du tracteur de régler sa vitesse à une limite inférieure, 80 km/h par exemple, pour tenir compte de la nature de son transport. Un tel réglage du limiteur sur le tracteur ne constitue pas une infraction et renvoie à la responsabilité du conducteur pour le respect de limites inférieures imposées en raison de l'infrastructure ou de la charge transportée. 5.3.2- Orientations pour la prévention Ces constats font apparaître une vitesse excessive et un comportement de conduite insuffisamment attentif de la part d'un conducteur transportant 34 tonnes d'hydrocarbure. Là se situe la cause principale de cet événement qui met en lumière la nécessité pour les entreprises d'assurer un suivi professionnel de leurs conducteurs et de leur rappeler la vigilance de chaque instant qu'impose le transport de marchandises dangereuses. En effet, ni la garantie de compétence prescrite des conducteurs professionnels apportée par les formations réglementaires obligatoires ni la responsabilité individuelle de tout conducteur, n'exonèrent les entreprises de veiller à la mise en oeuvre pratique des consignes de conduite en sécurité par leurs conducteurs. 24 En particulier, l'entreprise pouvait constater le non-respect habituel de la limite de vitesse de 80km/h par le conducteur accidenté. Dans cet esprit, le BEA-TT formule la recommandation suivante : Recommandation n°1 (DGMT, ATMD, APTH)* : rappeler aux entreprises de transport de marchandises dangereuses que, si les obligations réglementaires de formation permettent d'assurer une compétence technique de base, il leur appartient de développer en interne un dispositif de suivi professionnel et de rappel constant à la vigilance et au respect des règles de conduite en sécurité qu'exige ce type de transport, notamment concernant le respect des limites de vitesse. 5.4- Exploitation de l'autoroute A55 concernant les TMD Même si au terme de son embardée, le PLA a heurté la pile du pont de l'échangeur, l'infrastructure routière et ses équipements ne sont pas en cause dans l'origine de cet accident. Cependant, le fort trafic marchandises dangereuses sur cet itinéraire, constitue un risque particulier qui vient alourdir le risque accident. Au-delà du dispositif d'intervention mis en place pour traiter en urgence les cas de sinistre, des mesures spécifiques visant à mieux encadrer et sécuriser ce flux important d'hydrocarbure sur cet itinéraire pourraient être étudiées. Il pourrait s'agir de mesures de circulation concernant la mise en place de contrôles du respect de la vitesse limite de 80 km/h pour les TMD et de l'interdiction de doubler sur cet itinéraire pour ces mêmes véhicules. Recommandation n°2 (Préfecture 13, DIRMED*) : étudier la mise en place sur l'A55 d'une interdiction de dépassement pour les véhicules lourds transportant des marchandises dangereuses. * Terme figurant dans le glossaire 25 6- Conclusions et recommandations 6.1- Identification des causes La cause directe de l'accident est liée à un comportement de conduite imprudent et inadapté du conducteur du poids lourd accidenté. Ce comportement s'est traduit par une vitesse excessive et des manoeuvres dangereuses dont un dépassement juste avant l'accident et la tentative de dépassement qui a conduit à l'accident. De la part de l'entreprise de transport, l'absence de détection et de réaction devant cet excès de vitesse habituel a constitué un facteur causal indirect. La nature des marchandises transportées a constitué un facteur aggravant des conséquences de l'accident qui auraient pu être beaucoup plus graves. 6.2- Recommandations préventives L'analyse conduit à formuler des recommandations dans deux domaines : Celui de la prévention dans l'entreprise, celui des mesures de contrôle et d'exploitation sur l'A55 tenant compte de l'importance du trafic de TMD. 6.3- Recommandations Recommandation n°1 (DGMT, ATMD, APTH) : rappeler aux entreprises de transport de marchandises dangereuses que, si les obligations réglementaires de formation permettent d'assurer une compétence technique de base, il leur appartient de développer en interne un dispositif de suivi professionnel et de rappel constant à la vigilance et au respect des règles de conduite en sécurité qu'exige ce type de transport, notamment concernant le respect des limites de vitesse. Recommandation n°2 (Préfecture 13, DIRMED) : étudier la mise en place sur l'A55 d'une interdiction de dépassement pour les véhicules lourds transportant des marchandises dangereuses. 27 ANNEXES Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête Annexe 2 : Analyse du chargement de l'ensemble routier annexe 2-1 : Rappel du principe annexe 2-2 : Le cas du véhicule en cause Annexe 3 : Lieu de l'accident annexe 3-1 : Photographie annexe 3-2 : Plan Annexe 4 : Photographies de l'accident et de l'épave 29 Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête 31 Annexe 2 : Analyse du chargement de l'ensemble routier Annexe 2.1 - Rappel du principe D'une manière générale, les citernes routières sont fractionnées en compartiments étanches ou sont munies de brise-flot longitudinaux. Ces aménagements règlent le problème du flot longitudinal et de ses effets dynamiques sur le report des charges vers l'avant ou vers l'arrière et donc sur la stabilité de l'ensemble routier. En revanche, la stabilité dynamique transversale reste subordonnée au niveau de remplissage des compartiments : 1. Citerne entièrement vide : la distance réduite entre le centre de gravité de l'ensemble et la surface de roulement et l'absence de flot se traduit par une excellente stabilité dynamique transversale du véhicule. 2. Citerne en charge avec des compartiments partiellement remplis : en courbe, le flot du liquide va déplacer latéralement le centre de gravité de l'ensemble modifiant l'équilibre du véhicule. Ce phénomène de carène liquide peut conduire à un renversement du véhicule même à faible vitesse. 3. Citerne en pleine charge, avec remplissage maximal des compartiments approvisionnés : le centre de gravité de l'ensemble est haut (de l'ordre de 190 cm au-dessus de la surface de roulement pour le cas étudié). Le véhicule est alors très sensible aux accélérations transversales et peut se renverser dans une trajectoire en courbe même à faible vitesse. Ainsi, dans le cas étudié, la citerne circulant sur un giratoire de 25 mètres de rayon se renverserait pour toute vitesse supérieure 43 km/h et cela en dehors de tout effet dynamique du déplacement du liquide, puisque les cuves sont pleines ou vide. Observons, enfin, que pour une citerne semi-remorque, la répartition du chargement entre les compartiments détermine les charges respectives de la sellette et du train arrière, et, dans certaines combinaisons, peut se traduire par une surcharge de l'un ou l'autre des appuis. 32 Annexe 2.2 - Le cas du véhicule en cause Ni l'épave brûlée entièrement, ni les données recueillies ne permettent d'établir avec précision la répartition du chargement dans la citerne. Toutefois, les fiches techniques des véhicules (tracteur et citerne) et les paramètres enregistrés par DPF lors de la livraison des hydrocarbures (tableaux ci-dessus) permettent d'étudier si les normes fixées pour un chargement équilibré ont pu être respectées le jour de l'accident. Les données DPF indiquent que la citerne n'était pas pleine et aurait pu recevoir en plus, 4 000 litres en volume, mais seulement 1004 kg en masse. Quant au tracteur, la condition la plus restrictive est celle de la charge sur sellette. 33 En l'absence de données sur la répartition du chargement entre compartiments, deux hypothèses ont été étudiées et sont présentées dans le tableau T 4 ci-dessous. Hypothèse 1 (tableau T 4.1) : remplissage veillant à utiliser au mieux les capacités des cuves en fonction des volumes de produits à charger et où les 2 plus petits compartiments d'une capacité de 2 000 litres restent vides, les 7 autres étant remplis à la limite. Hypothèse 2 (tableau T 4.2) : remplissage maximal des 6 premiers compartiments en gazole et des 2 suivants en super. Remplissage partiel (3000 litres) en super pour le dernier compartiment. Le tableau T 5 ci-dessous, permet de comparer les cas de charge avec les limites autorisées. Dans l'hypothèse 1, les conditions de chargement satisfont les prescriptions techniques du tracteur et de la citerne. 34 Dans l'hypothèse 2, la sellette du tracteur est en surcharge de 584 kg et le dernier compartiment (n°9) contenant 3 000 litres de super pour un vide de 4 000 litres présente un risque de phénomène de carène liquide important. Cette hypothèse de chargement est la seule qui conduise à une surcharge de la sellette du tracteur. L'embrasement immédiat de la citerne dès le choc indique que l'essence devait être chargée dans les premiers compartiments, ce qui exclut l'hypothèse 2. Par ailleurs, un chargement laissant un vide de 4 000 litres dans une cuve est peu probable. En effet, outre le fait qu'un tel mode de remplissage est connu des professionnels tels que DPF pour les risques qu'il implique, sa réalisation, en dehors de l'hypothèse 2, ne procède pas d'une démarche naturelle compte tenu de la capacité des cuves. On peut donc considérer que l'hypothèse 1 est la plus probable et semble la plus plausible pour des raisons d'optimisation des opérations de chargement et de déchargement réalisées chacune en un point unique. En définitive, le renversement de l'ensemble routier ne paraît pas être lié à un chargement inadapté de la citerne mais s'inscrit dans la dynamique décrite ci-dessus au point 3 du § Annexe 2.1. 35 Annexe 3 : Lieu de l'accident Annexe 3-1 : Photographie Lieu de l'accident Fond ­ Source : Google Earth M ar tig u La Mède Voies et sens de circulation des véhicules impliqués es Ma rse ille 36 Annexe 3-2 : Plan Fond ­ Source : Michelin M s ue tig ar La M ède Ma rse ille 37 Annexe 4 : Photographies de l'accident et de l'épave L'incendie avec l'écoulement des hydrocarbures en feu. Le PLB, à environ soixante mètres de lieu de l'accident, ne s'est pas embrasé. Source : CRS autoroutière Provence L'échangeur, lieu de l'accident et l'épave du PLA Source : CRS autoroutière Provence 38 Source : CRS autoroutière Provence Source : CRS autoroutière Provence 39 BEA-TT Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre Tour Pascal B 92055 La Défense cedex téléphone : 33 (0) 1 40 81 21 83 télécopie : 33 (0) 1 40 81 21 50 mèl : Cgpc.Beatt@equipement.gou v.fr web : www.beatt.equipement.gouv.fr

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