Rapport d'enquête technique sur le déraillement d'une rame du tramway de Valenciennes suite à la collision avec une voiture le 8 octobre 2009 à Denain (59)

Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre
Auteur secondaire
Résumé
Le 8 octobre 2009, une rame de tramway percute une voiture sur une intersection dans la commune de Denain. A la suite de ce choc, la voiture est écrasée contre un poteau de signalisation et la rame déraille, empiétant sur le quai d'une station proche. Le bilan est d'un blessé grave et huit blessés légers. L'analyse de l'accident conduit le BEA-TT à émettre cinq recommandations portant sur les quatre thèmes suivants: l'amélioration de la perception et de la signalisation de la traversée de la rue Jean Jaurès par la ligne de tramway; la sécurisation des intersections traversées par des voies de tramway dans un environnement péri-urbain; la prise en compte, dès la conception des rames de tramway, des risques de déraillement lors d'une collision avec un véhicule routier; le remplacement préventif des obstacles fixes à proximité des zones de danger. Par ailleurs, le BEA-TT renouvelle, à l'occasion de l'analyse de cet accident, les deux recommandations qu'il a déjà formulées sur la compréhension, le respect et l'évaluation de l'efficacité des signaux R24 implantés au droit des traversées de carrefour par des lignes de tramway, recommandations émises à l'issue des enquêtes réalisées sur les collisions survenues, dans l'agglomération nantaise, à Saint-Herblain le 4 juin 2007 et à Orvault le 27 avril 2010.
Editeur
BEA-TT
Descripteur Urbamet
accident ; transport terrestre ; enquête ; transport de personnes ; tramway ; gestion de la circulation ; sécurité routière ; voiture
Descripteur écoplanete
collision
Thème
Transports
Texte intégral
BEA-TT Bureau d'enquêtes sur les Accidents de transport terrestre Rapport d'enquête technique sur le déraillement d'une rame du tramway de Valenciennes suite à une collision avec une voiture le 8 octobre 2009 à Denain (59) juin 2011 Ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement www.developpement-durable.gouv.fr Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre Affaire no BEATT-2009-009 Rapport d'enquête technique sur le déraillement d'une rame du tramway de Valenciennes suite à une collision avec une voiture le 8 octobre 2009 à Denain (59) Bordereau documentaire Organisme commanditaire : Ministère de l'Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement (MEDDTL) Organisme auteur : Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT) Titre du document : Rapport d'enquête technique sur le déraillement d'une rame du tramway de Valenciennes suite à une collision avec une voiture le 8 octobre 2009 à Denain (59) No ISRN : EQ-BEAT--11-8--FR Proposition de mots-clés : accident, transport guidé, transport de personnes, carrefour, traversée simple, péri-urbain Avertissement L'enquête technique faisant l'objet du présent rapport est réalisée dans le cadre du titre III de la loi no 2002-3 du 3 janvier 2002, codifié aux articles L. 1621-1 à 1622-2 du code des transports, et du décret no 2004-85 du 26 janvier 2004, relatifs notamment aux enquêtes techniques après accident ou incident de transport terrestre. Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents, en déterminant les circonstances et les causes de l'évènement analysé et en établissant les recommandations de sécurité utiles. Elle ne vise pas à déterminer des responsabilités. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées. SOMMAIRE GLOSSAIRE...................................................................................................................................9 RÉSUMÉ.......................................................................................................................................11 1 - CONSTATS IMMÉDIATS ET ENGAGEMENT DE L'ENQUÊTE...........................................13 1.1 - Circonstances de l'accident ............................................................................................13 1.2 - Bilan humain et matériel...................................................................................................13 1.3 - Engagement et organisation de l'enquête.......................................................................13 2 - ELÉMENTS DE CONTEXTE..................................................................................................15 2.1 - La ligne de tramway.........................................................................................................15 2.2 - La section péri-urbaine entre les stations « Dutemple » et « Jaurès »...........................16 2.3 - L'intersection avec la rue Jean Jaurès.............................................................................17 2.4 - Les rames de tramway.....................................................................................................19 3 - COMPTE-RENDU DES INVESTIGATIONS EFFECTUÉES..................................................21 3.1 - Résumé des témoignages...............................................................................................21 3.1.1 -Témoignage de la conductrice de la voiture.........................................................................................21 3.1.2 -Témoignage de la conductrice du tramway..........................................................................................21 3.2 - Le relevé des positions de la rame et de la voiture.........................................................21 3.3 - Les véhicules et les conducteurs impliqués.....................................................................22 3.3.1 -Le tramway...........................................................................................................................................22 3.3.2 -Le véhicule routier................................................................................................................................22 3.4 - Les dégâts constatés sur les matériels et les installations..............................................23 3.4.1 -La rame de tramway.............................................................................................................................23 3.4.2 -Le véhicule léger...................................................................................................................................23 3.4.3 -Les équipements de l'intersection.........................................................................................................23 3.5 - L'exploitation des enregistreurs de données...................................................................23 3.5.1 -L'exploitation de la vidéo prise par la caméra de la station « Jaurès ».................................................23 3.5.2 -L'exploitation de la centrale tachymétrique de la rame de tramway......................................................24 3.6 - La reconstitution numérique de l'accident........................................................................26 3.7 - L'examen des équipements et des conditions d'exploitation du carrefour......................28 3.7.1 -Le poteau support du feu R24 .............................................................................................................28 3.7.2 -Le contrôleur de carrefour....................................................................................................................28 3.7.3 -Le coussin berlinois..............................................................................................................................29 3.7.4 -La voie du tramway...............................................................................................................................30 3.8 - Retour d'expérience sur des accidents similaires............................................................30 3.8.1 -L'accidentalité de l'intersection avec la rue Jean Jaurès......................................................................30 3.8.2 -L'accidentalité des traversées simples péri-urbaines............................................................................30 3.8.3 -Les déraillements après collision..........................................................................................................31 4 - DÉROULEMENT DE L'ACCIDENT ET DES SECOURS.......................................................33 4.1 - La situation avant l'accident.............................................................................................33 4.2 - Le déroulement de l'accident...........................................................................................33 4.3 - Les actions post-accident................................................................................................35 5 - ANALYSE DES CAUSES ET FACTEURS ASSOCIÉS, ORIENTATIONS PRÉVENTIVES.37 5.1 - La perception, la compréhension et le respect du signal R24.........................................37 5.2 - L'aménagement de l'intersection de la rue Jean Jaurès avec la ligne de tramway........38 5.2.1 -La lisibilité routière de l'intersection......................................................................................................39 5.2.2 -Les conditions de visibilité réciproque..................................................................................................40 5.2.3 -Le caractère péri-urbain de la voie de tramway....................................................................................41 5.3 - La sensibilité des rames de tramway au déraillement lors d'une collision avec un véhicule routier................................................................................................................41 5.3.1 -La sensibilité au déraillement de la rame accidentée...........................................................................42 5.3.2 -Les facteurs de déraillement examinés à l'occasion de l'enquête.........................................................43 5.3.3 -Les exigences normatives concernant la prévention des déraillements lors de collisions....................46 5.4 - Les obstacles fixes comme facteurs aggravants des collisions......................................47 6 - CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS.........................................................................49 6.1 - Causes de l'accident........................................................................................................49 6.2 - Recommandations...........................................................................................................49 ANNEXES.....................................................................................................................................51 Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête.............................................................................53 Annexe 2 : Synthèse de la simulation numérique de l'accident réalisée par le LIER..............55 Annexe 3 : Données utilisées dans le corps du rapport..........................................................60 Glossaire AOT : Autorité Organisatrice des Transports BIRMTG : Bureau Interdépartemental des Remontées Mécaniques et des Transports guidés, devenu, depuis le 1er janvier 2011, bureau du STRMTG CERTU : Centre d'Etudes sur les Réseaux, les Transports, l'Urbanisme et les constructions publiques DSCR : Délégation à la Sécurité et à la Circulation Routières IISR : Instruction Interministérielle sur la Signalisation Routière FU : Freinage d'Urgence GART : Groupement des Autorités Responsables des Transports GLO : Gabarit Limite d'Obstacle LIER : Laboratoire de l'Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité dédié aux Equipements de la Route ; cet institut et le laboratoire central des ponts et chaussées ont, depuis le 1er janvier 2011, fusionné pour constituer l'institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR) PCC : Poste de Commande Centralisé RSE : Règlement de Sécurité de l'Exploitation SITURV : Syndicat Intercommunal pour les Transports Urbains de la Région de Valenciennes STRMTG : Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés UTP : Union des Transports Publics et ferroviaires 9 Résumé Le 8 octobre 2009 à 14h01 une rame de la ligne de tramway de Valenciennes, circulant en direction du terminus « Espace Villars », percute une voiture à l'intersection avec la rue Jean Jaurès située sur la commune de Denain (59). A la suite du choc, la voiture est poussée et écrasée entre la rame et un poteau support de la signalisation lumineuse de trafic. La rame du tramway déraille sur 14 m, franchit la voie adjacente et empiète légèrement sur le quai de la station « Jaurès » situé à proximité immédiate de l'intersection. Le bilan de cet accident est d'un blessé grave et de huit blessés légers. La cause directe et immédiate de la collision est le non-respect par le véhicule léger de la signalisation lumineuse R24 clignotant au rouge. Trois facteurs ont, le cas échéant, pu contribuer à cette collision : la perception médiocre par l'usager routier de la traversée de la ligne de tramway et de la signalisation qui lui est associée ; la faible visibilité réciproque du tramway et du véhicule arrivant à l'intersection, qui peut retarder la perception d'un risque immédiat de collision ; l'environnement péri-urbain dans lequel circule le tramway, qui peut donner à son conducteur un sentiment de moindre danger. Deux facteurs ont, en outre, participé au déraillement et à l'incursion de la rame sur la voie et le quai opposés : la sensibilité de la rame aux déraillements lors de collisions ; le caractère non fusible du poteau, support de signalisation, sur lequel le véhicule léger s'est écrasé. L'analyse de l'accident conduit le BEA-TT à émettre cinq recommandations portant sur les quatre thèmes suivants : l'amélioration de la perception et de la signalisation de la traversée de la rue Jean Jaurès par la ligne de tramway ; la sécurisation des intersections traversées par des voies de tramway dans un environnement péri-urbain ; la prise en compte, dès la conception des rames de tramway, des risques de déraillement lors d'une collision avec un véhicule routier ; le remplacement préventif des obstacles fixes à proximité des zones de danger. Par ailleurs, le BEA-TT renouvelle, à l'occasion de l'analyse de cet accident, les deux recommandations qu'il a déjà formulées sur la compréhension, le respect et l'évaluation de l'efficacité des signaux R24 implantés au droit des traversées de carrefour par des lignes de tramway, recommandations émises à l'issue des enquêtes réalisées sur les collisions survenues, dans l'agglomération nantaise, à Saint-Herblain le 4 juin 2007 et à Orvault le 27 avril 2010. 11 1 - Constats immédiats et engagement de l'enquête 1.1 Circonstances de l'accident Le 8 octobre 2009 à 14h01 une rame de la ligne de tramway de Valenciennes, circulant en direction du terminus « Espace Villars », percute une voiture à l'intersection avec la rue Jean Jaurès située sur la commune de Denain (59). A la suite du choc, la voiture est poussée et écrasée entre la rame et un poteau support de la signalisation lumineuse de trafic. La rame déraille sur 14 m, franchit la voie adjacente et empiète légèrement sur le quai de la station « Jaurès » situé à proximité immédiate de l'intersection. 1.2 - Bilan humain et matériel L'alerte est donnée par l'exploitant selon la procédure prévue dans son plan d'intervention et de sécurité : la conductrice de la rame a prévenu le poste de commande centralisé (PCC), qui a appelé les pompiers et les forces de l'ordre. Les conséquences corporelles de cet accident sont : 1 blessé grave : la passagère de la voiture, hospitalisée pendant 2 jours ; 8 blessés légers : la conductrice de la voiture, la conductrice de la rame (choc émotionnel), 6 voyageurs dans la rame (2 blessures n'ayant pas nécessité d'hospitalisation et 4 chocs émotionnels). L'accident a nécessité la suspension de la circulation des rames entre le terminus « Espace Villars » et la station « Dutemple », puis entre ce même terminus et la station « Le Galibot ». Ces interruptions ont duré au total 6h30 et un service de remplacement par bus a été mis en place durant les 4 dernières heures. 1.3 - Engagement et organisation de l'enquête Au vu des circonstances de cet accident et avec l'accord du ministre chargé des transports, le directeur du bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) a ouvert une enquête technique le 20 octobre 2009, dans le cadre du titre III de la loi no 2002-3 du 3 janvier 2002, codifié depuis le 28 octobre 2010 aux articles L. 1621-1 à 1622-2 du code des transports. Afin de renforcer les compétences de l'équipe d'enquêteurs techniques en matière de matériel roulant, le BEA-TT a fait appel à un enquêteur non permanent, dûment commissionné à cet effet, qui a été choisi au sein du STRMTG*. Les enquêteurs se sont rendus sur le site de l'accident et ont rencontré les autorités judiciaires ainsi que les représentants de la préfecture, des pompiers, de la * Terme figurant dans le glossaire 13 gendarmerie, de l'autorité organisatrice des transports, de l'exploitant et du BIRMTG*. Ils ont eu communication de l'ensemble des pièces et documents nécessaires à l'enquête, notamment de l'enquête de flagrance menée par le commissariat de Denain. Compte tenu des conséquences notablement plus graves que cet accident aurait pu avoir si une rame avait circulé sur la voie adjacente au moment du choc, le BEA-TT a fait réaliser une étude visant à mieux cerner les facteurs ayant contribué au déraillement de la rame de tramway afin d'identifier ceux sur lesquels il serait possible d'agir pour éviter un tel déraillement ou, pour le moins, en réduire les conséquences. Cette étude a été confiée au Laboratoire de l'Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité dédié aux Equipements de la Route (LIER) et a reposé sur l'élaboration d'un modèle numérique calibré de manière à reproduire l'accident analysé. Le rapport complet est consultable sur le site internet du BEA-TT. Une synthèse en est présentée dans l'annexe 2 du présent rapport. * Terme figurant dans le glossaire 14 2 - Eléments de contexte 2.1 La ligne de tramway La ligne de tramway de l'agglomération de Valenciennes s'étend sur une longueur de 18,3 km et possède 28 stations. L'autorité organisatrice des transports (AOT) est le syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes (SITURV). L'exploitant de cette ligne est la société Transville, qui était affiliée, au moment de l'accident, au groupe Transdev. Une nouvelle délégation de service public confie, depuis le 1er janvier 2010, cette exploitation, sous le même nom commercial, au groupe Véolia Transport. La ligne est récente. Le tronçon entre les stations « Université » et « Dutemple » a été mis en service le 1er juillet 2006 et son prolongement jusqu'au terminus « Espace Villars » a été ouvert le 1er septembre 2007. Elle est exploitée de 5h30 à 22h, avec une fréquence de 5 minutes aux heures de pointe et de 10 minutes aux heures creuses. En 2009, l'exploitant y a recensé 6,6 millions de voyages et ses rames ont parcouru 1,1 million de kilomètres. Figure 1 : plan du tramway de Valenciennes La ligne est jalonnée de 58 intersections avec les voies routières, dont : 9 giratoires ou rond-points ; 8 carrefours complexes (carrefours traversés par la ligne de tramway et présentant plus de quatre branches routières) ; 13 carrefours simples (carrefours traversés par la ligne de tramway et comprenant quatre branches routières au plus) ; 27 traversées simples (voies routières coupant la ligne de tramway en dehors d'un carrefour routier) ; 1 accès riverain (accès identifié et sécant à la ligne de tramway). 15 Trois de ces intersections sont gérées par des barrières, trente-trois par des feux de signalisation R24 (feu rouge clignotant prescrivant l'arrêt absolu), seize par des feux R11v (feux routiers usuels vert, orange, rouge) et six par des signaux « stop ». 2.2 - La section péri-urbaine entre les stations « Dutemple » et « Jaurès » La ligne de tramway relie l'agglomération de Valenciennes au centre-ville de Denain, deux pôles structurants séparés par un espace, essentiellement agricole, présentant une urbanisation clairsemée. La section comprise entre les stations « Dutemple » et « Jaurès » reflète cette situation visible sur le plan constituant la figure 1 : les distances des inter-stations sont importantes, les intersections avec la voirie routière sont espacées, la vitesse commerciale du tramway est élevée et les équipements de la ligne sont issus du mode ferroviaire plutôt que du tramway urbain habituel (voie sur ballast, profil de rail dit « Vignole », caténaires avec câbles porteurs et pendules). Figure 2 : aménagements entre les stations « Dutemple » et « Jaurès » Figure 3 : aménagements entre les stations « Dutemple » et « Jaurès » A titre d'exemple, la distance entre la station « Le Galibot » et la station « Solange Tonini » est de 3 km et comprend 2 carrefours par kilomètre, alors qu'en milieu urbain les longueurs des inter-stations sont de l'ordre de 500 m, avec en moyenne 4 à 5 intersections routières par kilomètre. Lors de la mise en service de cette section péri-urbaine, le SITURV* a fait le choix d'appliquer aux traversées simples péri-urbaines les principes de franchissement et les partis d'aménagement des traversées simples urbaines. Il a parallèlement mis en place un suivi fin des accidents et des quasi-accidents (freinages d'urgence ne conduisant pas à une collision), de manière à pouvoir, si nécessaire, réorienter cette approche. Ce retour d'expérience l'a conduit, sur les intersectons péri-urbaines, à doter de barrières deux traversées supplémentaires ainsi qu'à baisser la vitesse d'approche des tramways ou à mettre en place des dispositifs complémentaires sur quatre autres intersections. * Terme figurant dans le glossaire 16 2.3 - L'intersection avec la rue Jean Jaurès L'intersection de la ligne de tramway avec la rue Jean Jaurès est une traversée simple. Les voies du tramway et la route sont, chacune, en alignement droit sans rampe. Elles se croisent selon un angle sensiblement droit. L'urbanisation le long de la rue Jean Jaurès est constitué par un alignement de façades. La station « Jaurès » est située à proximité immédiate de l'intersection. Figure 4 : l'intersection avec la rue Jean Jaurès et sa signalisation 17 La vitesse maximale autorisée pour le tramway est de 50 km/h sur la section courante et de 35 km/h au franchissement de l'intersection considérée. Dans la rue Jean Jaurès la vitesse est limitée à 30 km/h et des coussins berlinois sont implantés de part et d'autre de l'intersection afin de contraindre les automobilistes à ralentir. La signalisation équipant cette intersection est constituée : · côté route par : des signaux lumineux R24. Un panonceau M9z indiquant « rouge clignotant, arrêt absolu » rappelle leur signification. Il est disposé sur le même mât. Ce mât supporte également le panneau d'indication C20c signalant la présence d'une ligne de tramway. des panneaux de danger A9, implantés à une cinquantaine de mètres de part et d'autre de l'intersection, avertissant les automobilistes de la traversée d'une ligne de tramway. des panneaux d'indication C27, au droit des coussins berlinois, signalant aux automobilistes leur présence. des panneaux de danger A2b, avertissant les automobilistes de la proximité d'un ralentisseur, règlementairement complétés par des panneaux B14 de limitation de la vitesse à 30 km/h. R24 M9z C20c · A9 · C27 · A2b B14 · côté voies du tramway par : des signaux lumineux R17, dont les indications lumineuses blanches « horizontal », « disque » et « vertical » ont les mêmes significations que le feu routier classique rouge/jaune/vert. Un système d'aide à la conduite (SAC) du conducteur est également implanté sur le même mât. R17 Le mode de conduite du tramway est la marche à vue et le conducteur doit faire preuve de prévoyance et d'anticipation pour pouvoir arrêter sa rame avant tout obstacle, comme le prévoit l'article 3.1.2 du règlement de sécurité de l'exploitation (RSE). En outre, les consignes d'exploitation imposent au conducteur de franchir les intersections avec le manipulateur de traction/freinage positionné en léger freinage, position dite « quart freinage » qui permet de limiter les temps de réaction du matériel roulant lorsqu'un freinage fort est commandé. Dans le quadrant concerné par l'accident, la visibilité réciproque entre le tramway et les véhicules routiers est limitée par un bâtiment. Pour que le tramway et la voiture s'arrêtent juste avant le choc dès qu'ils se perçoivent, la vitesse de la voiture doit être au maximum de l'ordre de 25 km/h, en faisant l'hypothèse d'un temps de réaction des conducteurs de 1 seconde, d'une vitesse de la rame de 18 tramway de 35 km/h et d'une décélération et d'un temps de réaction « machine » conformes aux normes. La sécurité actuelle de l'intersection repose donc fortement sur le respect de la signalisation routière et sur l'efficacité du dispositif ralentisseur de vitesse. 2.4 - Les rames de tramway Le parc de véhicules utilisé pour l'exploitation de la ligne de tramway de Valenciennes comprend 19 rames de la gamme Citadis 302 du constructeur Alstom. Ces rames ont une longueur de 32,9 m, une largeur de 2,4 m et une masse à vide de 39,48 t. Elles se composent de 5 caisses articulées, portées par 2 bogies moteurs situés sous les caisses d'extrêmité et par un bogie porteur situé sous la caisse centrale. Leur capacité est de 48 places assises et de 164 places debout sur la base d'une moyenne de 4 voyageurs par m². Figure 5 : synoptique des rames Citadis 302 d'Alstom circulant à Valenciennes Figure 6 : rame Citadis 302 d'Alstom circulant à Valenciennes Au 1er janvier 2011, le matériel Citadis 302 constituait 245 des 787 rames équipant les réseaux de tramways sur fer français, soit 31% du parc français. L'annexe 3 du présent rapport donne des indications chiffrées sur la consistance de ce parc. 19 3 - Compte-rendu des investigations effectuées 3.1 Résumé des témoignages Les résumés présentés ci-dessous sont établis par les enquêteurs techniques sur la base des déclarations (orales ou écrites) dont ils ont eu connaissance. Ils ne retiennent que les éléments qui paraissent utiles pour éclairer la compréhension et l'analyse des événements et pour formuler des recommandations. Il peut exister des divergences entre les différentes déclarations ou entre ces déclarations et des constats ou analyses présentés par ailleurs. 3.1.1 - Témoignage de la conductrice de la voiture La conductrice circulait dans sa voiture, une Peugeot 308 récente, en compagnie de sa mère. Elle venait de la rue Berthelot, s'est engagée dans la rue Jean Jaurès en direction du centre-ville de Denain. Elle a franchi la plate-forme du tramway à une vitesse qu'elle estime à 40 km/h sans voir le signal R24 clignotant au rouge. Le tramway arrivant de sa gauche a percuté son véhicule. 3.1.2 - Témoignage de la conductrice du tramway A l'approche de l'intersection avec la rue Jean Jaurès, la conductrice a constaté que la signalisation lumineuse dédiée au tramway fonctionnait et lui donnait l'autorisation de franchir l'intersection. Elle avait mis son manipulateur de traction/freinage au neutre (aucune consigne de traction ou de freinage n'est ainsi donnée à la rame, qui continue de rouler du fait de son inertie. On dit usuellement que le tramway roule sur l'erre). Elle n'a pas vu la voiture arriver de sa droite et n'a pas eu le temps de freiner. 3.2 - Le relevé des positions de la rame et de la voiture Le graphique ci-après reprend les positions de la rame et de la voiture constatées après l'accident. La rame a déraillé du seul bogie avant, sur une distance de 14 m. 21 Figure 7 : positions de la rame et du véhicule après l'accident 3.3 - Les véhicules et les conducteurs impliqués 3.3.1 - Le tramway La rame de tramway avait 166 000 km. L'examen du compte-rendu de la dernière visite de maintenance de cette rame, correspondant à la visite des 150 000 km, ainsi que l'examen des reprofilages des roues effectués avant et après l'accident ne revèlent pas d'anomalie particulière. La conductrice de la rame, âgée de 53 ans, est habilitée à conduire des tramways depuis septembre 2006. Elle a eu deux accidents matériels avant celui-ci. Le dépistage d'alcoolémie auquel elle a été soumise est négatif. Son service, le jour de l'accident, était scindé en deux périodes de conduite, l'une le matin de 6h46 à 9h18, et l'autre l'après-midi de 13h42 à 18h01. 3.3.2 - Le véhicule routier La voiture, une Peugeot 308, avait moins de 3 mois, sa 1re mise en circulation datant du 20 juillet 2009. Elle était équipée d'une boite de vitesse automatique. L'autoradio était éteint au moment de l'accident. La conductrice de la voiture, âgée de 63 ans, est titulaire du permis B depuis novembre 1979. Elle habite dans une commune située à une trentaine de kilo- 22 mètres du lieu de l'accident. Le dépistage d'alcoolémie effectué sur elle s'est révélé négatif. 3.4 - Les dégâts constatés sur les matériels et les installations 3.4.1 - La rame de tramway Les éléments de carénage de la rame accidentée situés au niveau de la cabine de conduite sont détériorés. Les structures de la caisse n'ont pas été endommagées. 3.4.2 - Le véhicule léger La voiture est réduite à l'état d'épave compte tenu du choc qu'elle a subi sur son flanc gauche et de son écrasement, côté droit, contre le poteau de signalisation. 3.4.3 - Les équipements de l'intersection Le poteau percuté, support d'un feu de signalisation R24, a été plié d'environ 30 degrés lors de l'écrasement de la voiture. 3.5 - L'exploitation des enregistreurs de données 3.5.1 - L'exploitation de la vidéo prise par la caméra de la station « Jaurès » Une caméra implantée sur le quai de la station « Jaurès » a permis d'enregistrer le déroulement des évènements. De son exploitation, on retiendra les points suivants : la signalisation routière R24, prescrivant l'arrêt absolu des véhicules routiers lorsqu'elle clignote au rouge, fonctionnait ; la vitesse du véhicule routier était comprise entre 29 km/h et 41 km/h. L'enregistrement effectué par cette caméra permet également d'établir la chronologie suivante : 8,7 s avant le choc, la signalisation R24 se déclenche ; 0,8 s avant le choc, la Peugeot 308 aborde le passage piéton en amont de l'intersection. Sur la voie d'en face, un autre véhicule gris achève de s'arrêter devant les feux de signalisation ; le choc se produit alors que les roues avant de la voiture sont sensiblement au milieu de l'axe de la voie du tramway. Sont donc principalement touchés son flanc gauche au niveau du moteur et la portière du conducteur ; 0,4 s après le choc, la voiture, entrainée par la rame de tramway, percute le support de la signalisation R24, au niveau de l'extrémité de la porte arrière droite. Elle s'écrase et s'enroule autour de ce support au fur et à mesure de l'avancement de la rame de tramway ; 1,8 s après le choc, la rame, qui a déraillé, empiète sur la totalité de la voie adja23 cente et commence son incursion sur le quai opposé ; 3,6 s après le choc, la rame s'arrête et la moitié de la cabine de conduite empiète sur le quai opposé. Figure 8 : 8,7 s avant le choc, les R24 s'allument Figure 9 : 0,7 s avant le choc Figure 10 : Choc entre le VL et la rame Figure 11: 0,4 s après le choc, le VL percute le R24 Figure 12: 0,5 s après le choc, le VL s'enroule autour du R24 Figure 13 : 3,6 s après le choc, la rame s'arrête 3.5.2 - L'exploitation de la centrale tachymétrique de la rame de tramway Les rames de tramway sont dotées d'un dispositif enregistrant certains paramètres d'exploitation, et notamment la distance parcourue, la vitesse de la rame, l'activation, par le conducteur, de la traction, du freinage de service ou du freinage d'urgence. Cet enregistreur est communément appelé « bande tachymétrique ». L'exploitation de cette bande tachymétrique sur les 600 m avant l'accident montre : qu'en section courante, la rame a une vitesse de l'ordre de 50 km/h que la conductrice maintient par une alternance de positionnements du manipulateur en traction et au neutre ; qu'environ 140 m avant le choc (13 s avant le choc), la conductrice place son manipulateur en position de freinage de service, puis se remet au neutre quand elle atteint 30 km/h à l'approche du carrefour ; qu'avant de s'engager dans l'intersection, elle replace son manipulateur en freinage de service. 24 Figure 14 : exploitation de la bande tachymétrique 600 m avant l'accident La conduite apparait souple. Elle respecte les limitations de vitesse de 50 km/h sur la section courante et de 35 km/h au franchissement de l'intersection. La conductrice a vraisemblablement anticipé un peu trop tôt son freinage, ce qui la conduit à replacer son manipulateur au neutre pendant 3 s avant d'aborder l'intersection avec son manipulateur en freinage, conformément aux consignes. Le graphique ci-après représente l'extraction de la bande tachymétrique sur les 35 derniers mètres(1): 1 La localisation du choc a été placée sur le graphique concerné à partir de 3 éléments : la distance du déraillement mesurée sur place (13 à 14 m), le temps écoulé entre le choc et l'arrêt de la rame mesuré sur la vidéo (3,6 s), la vitesse lors du choc issue de la reconstitution numérique effectué par le LIER (25 km/h). 25 Vitesse de la rame en fonction de la distance 40 k m /h -1 s ,1 0s +0,4s +2,6s +3,6s 30 k m /h 20 k m /h 10 k m /h 0 k m /h -35 m -30 m -25 m -20 m -15 m -10 m -5 m 0m : m anipulate ur e n tr action : m anipulate ur au ne utre : m anipulate ur e n fr e inage : fr e inage d'urge nce : choc tr am / VL choc tram / VL freinage d'urgence Figure 15 : exploitation de la bande tachymétrique 35 m avant l'accident Son exploitation permet d'établir les éléments de chronologie complémentaires suivants : 1,1 s avant le choc (8 à 9 m avant le choc), la conductrice du tramway engage un freinage de service ; 2,6 s après le choc, la conductrice de la rame a déclenché le freinage d'urgence (en tirant le manipulateur dans sa position extrême). Elle montre également que : la décélération moyenne de la rame avant le freinage d'urgence est de 1,1 m/s² ; la décélération durant le freinage d'urgence FU s'élève à 3,2 m/s², et se situe dans la plage prescrite pour les tramways par la norme NF EN 13452 ; après le choc, le manipulateur a été placé temporairement en position de traction. Cela peut s'expliquer par un mouvement incontrôlé de la part de la conductrice de la rame lors du second choc entre la voiture et le support du feu R24 ; le gong n'a pas été utilisé. 3.6 - La reconstitution numérique de l'accident La première partie de l'étude mentionnée au paragraphe 1.3, que le BEA-TT a confiée au LIER*, avait pour objet de reconstituer l'accident à partir d'une modélisation numérique. Pour ce faire, le LIER a testé 6 configurations en prenant différentes hypothèses de vitesse de la rame du tramway (20 km/h ou 25 km/h) et du véhicule (29 km/h, 35 km/h, 41 km/h) au moment du choc. Au final, il ressort de cette modélisation que la configuration correspondant à une vitesse du tramway de 25 km/h et à une vitesse du véhicule de 29 km/h au moment du choc reproduit très fidèlement le déroulement de l'accident par rapport * Terme figurant dans le glossaire 26 à la vidéo, par rapport aux traces des roues du tramway laissées sur la voie et par rapport aux dégâts occasionnés sur le véhicule. La figure ci-après compare la reconstitution ainsi obtenue avec l'enregistrement vidéo effectué par la caméra de la station « Jaurès ». temps Vidéo enregistrée des évènements Reconstitution par modèle numérique vue 3D Vue de dessus t=0 t=0,3s t=0,6s t=0,9s t=1,2s t=1,5s Figure 16 : reconstitution de l'accident par modélisation numérique 27 La reconstitution résultant des simulations numériques effectuées montre que : la voiture s'est déformée sous le choc et a « épousé » la forme de l'extrémité avant de la rame ; le choc a occasionné le déraillement du 1er essieu du bogie avant ; la voiture a ensuite été poussée par la rame jusqu'à percuter le support du feu R24 et à « s'enrouler » autour. L'impact a été transmis à la rame et a fait dérailler le 2e essieu du bogie avant. Une simulation de l'accident sans la présence du support R24 montre que le déraillement du 2 e essieu serait cependant intervenu quelques dixièmes de seconde plus tard. Dans les conditions de l'accident, le support R24 n'aggrave donc pas le déraillement, mais il en anticipe légèrement la survenance. 3.7 - L'examen des équipements et des conditions d'exploitation du carrefour 3.7.1 - Le poteau support du feu R24 Le poteau support du feu R24 impliqué dans l'accident est en acier galvanisé. Il est implanté à 90 cm du rail et à 70 cm du bord du trottoir. Il présente un couple résistant supérieur à 570 daN.m. Au sens du guide technique du STRMTG relatif à « l'implantation des obstacles fixes à proximité des intersections tramways / voies routières », ce poteau et celui diamétralement opposé constituent, en conséquence, des obstacles fixes non fusibles. Ce guide a été édité en avril 2007. Il recommande de ne pas implanter de tels obstacles fixes dans un rectangle d'une largeur de 1,5 m de part et d'autre du gabarit limite d'obstacle (GLO) du tramway et d'une longueur dépendant de la vitesse de franchissement du carrefour par le tramway (25 m pour 35 km/h) ou de veiller à ce que leur moment résistant soit inférieur à 570 daN.m. Cette recommandation vise à éviter que l'espace de survie des occupants du véhicule routier ne soit pas trop comprimé si ce véhicule se retrouve coincé entre la rame et un tel obstacle à la suite d'une collision. 3.7.2 - Le contrôleur de carrefour Le fonctionnement de la signalisation lumineuse de l'intersection avec la rue Jean Jaurès correspond, en cycle normal, au diagramme représenté en figure 17, qui est limité aux seuls feux R24 dédiés aux véhicules routiers et R17 dédiés aux rames de tramway. t (s) R17(2) plage variable selon retard tram 0 5 10 15 20 25 30 35 R24 Figure 17 : diagramme de fonctionnement de la signalisation lumineuse 2 Par commodité, les états « vertical », « disque » et « horizontal » du feu R17 sont représentés par les couleurs rouge, jaune et vert aux significations identiques à un feu routier 28 Ce diagramme a été élaboré, lors de la mise en service de la section entre la station « Dutemple » et le terminus « Espace Villars », sur la base d'une vitesse moyenne théorique de 11 m/s (40 km/h) sur les 125 m séparant la boucle de détection du tramway et l'entrée du carrefour. Pour un tramway respectant cette vitesse d'approche et sans rame sur la voie adjacente, l'enchainement théorique des feux est le suivant : la boucle située à 125 m du carrefour détecte le passage d'une rame ; 8 s après (t0+8 s), les feux R24 clignotent ; 4 s après (t0+12 s), le feu R17 passe « au vertical », donnant l'autorisation à la rame de franchir l'intersection (équivalent du vert routier) ; 5 s après (t0+17 s), le passage de la rame à l'intersection est attendu ; 4 s après (t0+21 s), le feu R17 passe « au disque » (équivalent de l'orange) pendant 3 s à l'issue desquelles (t0+24 s) ce signal passe « à l'horizontal » (équivalent du rouge routier) ; 5 s après (t0+26 s), les feux R24 s'éteignent. La bande tachymétrique permet de constater que le tramway a franchi la distance de 125 m mentionnée ci-avant en 16 s (pour 17 s théoriques) et la bande vidéo montre que les feux R24 se sont allumés 8,7 s avant le choc (pour 9 s théoriques). Le contrôleur a donc été conçu sur la base d'hypothèses de conduite réalistes et aucun élément ne met en évidence un dysfonctionnement. 3.7.3 - Le coussin berlinois Un coussin berlinois est un dispositif destiné à ralentir la vitesse des automobiles sans gêner les autres usagers. C'est un plateau surélevé assez large pour que les voitures doivent passer au moins une de leur roue dessus, mais suffisamment étroit pour permettre aux bus de passer au dessus sans le toucher et aux cyclistes de le contourner par la droite. Il est associé à une limitation de vitesse à 30 km/h. Des coussins berlinois, constitués de plaques en caoutchouc vulcanisé fixées au sol, ont été implantés sur chaque file Figure 18 : coussin berlinois absent routière de part et d'autre de l'intersection, à la suite d'un accident antérieur survenu le 16 août 2008 (cf. 3.8.1 ci-après). Cependant, sur la file d'où provenait la voiture, ce coussin avait été déposé. Les conditions de sa dépose n'ont pas pu être déterminées par le BEA-TT. Ce pourrait être, selon les sources consultées, par des riverains parce qu'il gênait une manifestation ou par la municipalité parce que l'une des plaques concernées se serait détériorée et rendait l'ensemble dangereux. Cet équipement a été mis en place par le SITURV, autorité organisatrice du tramway. Il a le statut d'un équipement lié à la traversée du tramway géré par le 29 SITURV. Il revient donc à cette autorité organisatrice de passer avec la commune concernée les accords propres à faciliter sa gestion. 3.7.4 - La voie du tramway La voie a été vérifiée après l'accident et l'écartement, le dévers et le gauche (variation du dévers exprimé en mm/m) sont dans les tolérances. 3.8 - Retour d'expérience sur des accidents similaires 3.8.1 - L'accidentalité de l'intersection avec la rue Jean Jaurès Lors de la mise en service, en septembre 2007, du prolongement de la ligne de tramway, cette intersection a été considérée par les services de contrôle locaux de l'Etat comme l'une des zones sensibles devant faire l'objet d'un suivi, qui est réalisé et présenté trimestriellement par l'exploitant. Deux collisions ont eu antérieurement lieu au droit de cette intersection : le 16 août 2008, un véhicule utilitaire en provenance du centre de Denain coupe la trajectoire d'une rame venant de Valenciennes. Il est percuté sur l'arrière, continue sur quelques mètres avant de se renverser. La rame n'a pas déraillé. La vitesse de la rame était de 18 km/h et la vitesse de l'utilitaire de l'ordre de 3540 km/h. Les coussins berlinois sont mis en place à la suite de cet accident. le 12 septembre 2009, une voiture se dirigeant vers le centre de Denain est percutée par une rame venant de Valenciennes. Il n'a pas été possible de déterminer si le coussin berlinois était déjà enlevé lors de cet accident. 3.8.2 - L'accidentalité des traversées simples péri-urbaines Le graphique ci-après représente le nombre d'accidents survenus, par an et selon les types d'intersections, sur la ligne de tramway de Valenciennes sur la période de deux ans 2008-2009. L'année 2007 de mise en service du prolongement vers le terminus « Espace Villars » et d'appropriation des aménagements par les usagers n'a pas été prise en compte pour ne pas biaiser les résultats. L'annexe 3 du présent rapport fournit le détail du recensement de ces accidents. nombre d'accidents et de victimes par an et par intersection 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 giratoire ubain carrefour complexe urbain carrefour simple urbain traversée simple urbaine traversée simple péri-urbaine accidents tués et blessés Figure 19 : accidentalité 2008/2009 de la ligne de tramway de Valenciennes 30 Trois points sont à noter : le caractère accidentogène des giratoires traversés par un tramway, identifié au niveau national, se retrouve à Valenciennes. La gravité des collisions y est cependant plus faible qu'au niveau national ; il existe une accidentalité nettement différenciée entre les traversées simples urbaines et les traversées simples péri-urbaines, traduisant des enjeux de sécurité différents liés au comportement des usagers et à la nature des aménagements ; les traversées simples péri-urbaines apparaissent clairement accidentogènes à plusieurs titres : le nombre d'accident par an et par intersection (0,4) n'y est pas négligeable ; le nombre de victimes par an et par intersection (0,7) y est élevé ; elles concentrent à elles seules 85% des victimes des accidents survenus sur la totalité des intersections. La comparaison de ces données avec les statistiques nationales n'est pas possible, dans la mesure où ces dernières ne distinguent pas les traversées simples urbaines des traversées simples péri-urbaines. L'annexe 3 présente synthétiquement chaque traversée simple de la section périurbaine selon quatre critères et l'accidentalité associée. Ces quatre critères sont : le type de signalisation (R11v, R24, barrières) ; la consistance de l'urbanisation (absence ou quasi absence, diffuse, dense) ; la nature de la desserte routière (locale, communale, départementale) ; la visibilité (bonne, moyenne). Il ne ressort pas de manière évidente une configuration plus accidentogène. Tout au plus peut-on constater que ni les traversées présentant une bonne visibilité, ni celles assurant une desserte routière locale n'ont, à ce jour, connu d'accidents. 3.8.3 - Les déraillements après collision Trois autres déraillements après collision sont survenus sur le réseau de Valenciennes : le 6 mars 2008, à la traversée simple péri-urbaine de la RD 40, une rame percute à 24 km/h une voiture n'ayant pas respecté la signalisation R24. La rame déraille et empiète sur la totalité de la voie adjacente. La voiture se retrouve coincée contre le support du feu R24. Les conditions de visibilité sur le quadrant concerné sont médiocres. A la suite de cet accident, des barrières ont été mises en place pour gérer cette traversée. le 6 juin 2008, à la traversée simple péri-urbaine de la rue Nève, une rame percute à 34 km/h une voiture n'ayant pas respecté la signalisation R24. La rame déraille et empiète sur la totalité de la voie adjacente. La voiture est propulsée sur une trentaine de mètres. Les conditions de visibilité sur le quadrant concerné sont médiocres. A la suite de cet accident, des coussins berlinois ont été posés de part et d'autre de l'intersection. le 3 octobre 2008, à l'intersection avec la rue de Paris, une rame percute à 16 km/h une voiture n'ayant pas respecté la signalisation R24. La rame déraille sur une vingtaine de centimètres. 31 4 - Déroulement de l'accident et des secours 4.1 La situation avant l'accident Le jour de l'accident, la météo (temps sec, ciel voilé) n'était pas de nature à entrainer un éblouissement direct ni d'autres phénomènes susceptibles d'affecter la perception de la signalisation lumineuse. La conductrice du tramway a pris son service à 13h47. Elle était dans les horaires prévus. Dans l'inter-station précédant l'accident, sa conduite était souple et respectueuse des consignes de vitesse. Parallèlement, la conductrice de la voiture, une Peugeot 308 neuve, circulait, accompagnée de sa mère, sur la rue Jean Jaurès en direction du centre de Denain (cf. figure 20 ci-après). 4.2 - Le déroulement de l'accident L'accident a eu lieu à 14h01, selon la chronologie reconstituée suivante : 16 s avant le choc, le tramway, qui roule alors à 50 km/h, passe sur une boucle de détection située à 125 m de l'intersection et déclenche le cycle de feux du carrefour Jean Jaurès. Il ralentit ensuite à 30 km/h à l'approche du carrefour ; 8,7 s avant le choc, le clignotement rouge de la signalisation R24 se déclenche, prescrivant ainsi l'arrêt absolu aux véhicules routiers ; 4,7 s avant le choc, la signalisation R17 destinée au tramway se met « au vertical » (équivalant du vert routier), lui donnant l'autorisation de franchir l'intersection ; 2 s avant le choc, le tramway et la voiture s'apprêtent à aborder l'intersection. Ils viennent de passer les derniers éléments qui les empêchaient de s'apercevoir l'un l'autre. Cependant, les deux conductrices mentionnent ne pas avoir perçu la présence de l'autre avant le choc. La rame a une vitesse de 30 km/h et la voiture une vitesse vraisemblablement équivalente ; 1,1 s avant le choc, la conductrice du tramway engage un freinage de service, soit en vue d'aborder l'intersection avec un manipulateur en position de freinage et d'arrêter sa rame à la station « Jaurès » (mais le freinage est un peu fort), soit parce qu'elle a perçu l'une des deux voitures arrivant à l'intersection ; 0,8 s avant le choc, la Peugeot 308 aborde le passage piéton juste en amont de l'intersection. Sur la voie d'en face, un autre véhicule achève de s'arrêter devant les feux R24 ; 0,4 s avant le choc, la Peugeot 308 franchit la ligne d'effet des feux R24 qui sont au rouge clignotant depuis 8,3 s ; alors que les roues avant de la voiture sont sensiblement au milieu de la voie ferrée, la rame de tramway la percute. Le tramway a une vitesse de 25 km/h et la voiture une vitesse de l'ordre de 30 km/h. Le choc fait dérailler le 1er essieu du bogie avant de la rame ; 0,4 s après le choc, le véhicule, poussé par la rame, percute le support du feu 33 R24 au niveau de la porte arrière droite. Ce second choc se transmet à la rame dont le 2e essieu du bogie avant déraille alors. Sans ce second choc, cet essieu aurait cependant déraillé, mais légèrement plus tard. La voiture s'enroule autour du support de la signalisation au fur et à mesure de l'avancement de la rame. 1,8 s après le choc, la rame empiète sur la totalité de la voie adjacente et commence son incursion sur le quai de la station ; 2,6 s après le choc, la conductrice du tramway enclenche le freinage d'urgence. Cette réaction apparaît tardive, l'imminence du choc étant perceptible depuis 3,6 s (soit 1 s avant le choc, comme le montre la figure 20 ci-dessous). Une réaction plus rapide n'aurait pas permis d'éviter le choc, mais aurait pu en réduire les conséquences ; 3,6 s après le choc, la rame s'immobilise, la moitié de la cabine de conduite empiètant sur le quai. Figure 20 : reconstitution cinématique de l'accident 34 4.3 - Les actions post-accident La conductrice du tramway a appelé le PCC*, qui a alerté les pompiers et la police à 14h04. Les secours sont arrivés 8 minutes plus tard et ont entrepris les opérations de désincarcération après que l'exploitant de la ligne de tramway ait procédé à la coupure de l'alimentation électrique. La passagère de la voiture a pu être dégagée à 15h45 et la conductrice à 16h. En matière d'exploitation, le PCC a arrêté le trafic sur la totalité de la ligne dès l'alerte. Vingt minutes plus tard, il a autorisé une exploitation avec un terminus provisoire situé à la station « Dutemple ». A partir de 15h35, ce terminus provisoire a été transféré à la station « Le Galibot » et un service de cinq bus a assuré un transport de remplacement entre cette station et le terminus « Espace Villars ». En ce qui concerne les opérations de remise en état, le relevage de la rame et sa remise sur les rails ont été réalisés par une grue et se sont achevés à 19h. La rame a été remorquée au dépôt à l'aide d'un véhicule rail-route. L'état de la voie a été contrôlé sans détection d'anomalie et un signal R24 provisoire a été posé, permettant de reprendre l'exploitation de la totalité de la ligne à 20h30. Figure 21 : opérations de remise sur les rails de la rame de tramway A la suite de cet accident, le SITURV et Transville ont remplacé le coussin berlinois manquant, organisé une procédure de vérification bi-hebdomadaire de l'ensemble de ces coussins, remplacé certains supports de feux R24 alors installés par des supports fusibles, marqué la zone d'intersection par un damier blanc et repeint la ligne blanche de séparation des voies routières. * Terme figurant dans le glossaire 35 5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives Les investigations conduites permettent d'établir le graphique ci-après qui synthétise le déroulement de l'accident et en identifie les causes et les facteurs associés. Figure 22 : déroulement de l'accident, causes et facteurs associés Les orientations préventives sont recherchées dans les quatre domaines suivants : la perception, la compréhension et le respect de la signalisation R24 ; l'aménagement de la traversée de la rue Jean Jaurès par la ligne de tramway ; la sensibilité des rames de tramway au déraillement lors d'une collision avec un véhicule routier ; les obstacles fixes comme facteurs aggravants des collisions. 5.1 - La perception, la compréhension et le respect du signal R24 La cause directe de l'accident est le non-respect de la signalisation R24 clignotant au rouge qui prescrit l'arrêt absolu. Cette signalisation fonctionnait et il n'y avait a priori pas de phénomènes d'éblouissement ou de contraste lumineux susceptibles d'en perturber la perception physique. La conductrice de la voiture déclare n'avoir pas perçu le feu, qui était activé depuis 8 s avant son passage. Deux explications à cette absence de perception peuvent être avancées : soit la conductrice n'a pas vu le feu clignotant au rouge, ce feu étant masqué (par un véhicule en stationnement par exemple) ou son attention étant fortement mobilisée ailleurs (par un élément intérieur au véhicule par exemple) ; soit elle l'a vu mais ne l'a pas identifié comme exprimant une obligation d'arrêt absolu sous peine de collision. Il est probable que, dans un tel contexte routier, un feu tricolore classique ait été mieux perçu. 37 De fait, lors de l'enquête sur la collision entre un tramway et une voiture particulière survenue le 4 juin 2007 à Saint-Herblain en Loire-Atlantique, le BEA-TT s'était interrogé sur la compréhension par les automobilistes des signaux R24 implantés en milieu urbain et, par voie de conséquence, sur la pertinence de leur utilisation aux intersections avec les lignes de tramway. Il avait alors émis les deux recommandations suivantes : « recommandation R3 (DSCR, CERTU) : poursuivre l'expérimentation de différentes utilisations en feux de barrage des signaux règlementaires actuels, afin d'en apprécier l'efficacité du point de vue de leur respect par les usagers de la route. Recenser les signaux utilisés dans d'autres pays de l'union européenne et en apprécier l'opportunité d'expérimentation en France. » « recommandation R4 (DSCR) : engager une communication, au plan national en association avec les AOT, mais aussi le GART et l'UTP, visant à mieux faire connaître la signification et la portée du signal R24 ». Pour répondre à la recommandation référencée 3, le CERTU*, à la demande de la DSCR* a réinitialisé en septembre 2009 un groupe de travail avec les acteurs de la profession portant, notamment, sur l'analyse des avantages et des inconvénients de l'utilisation des signaux R24 dans les carrefours traversés par des lignes de tramway. L'enquête technique réalisée par le BEA-TT sur l'accident impliquant une rame de tramway et une voiture particulière qui s'est produit le 27 avril 2010 à Orvault, également dans l'agglomération de Nantes, a conduit aux mêmes interrogations. Le rapport qui conclut cette enquête renouvelle donc les deux recommandations précitées. A la lumière de cette nouvelle enquête qui concerne une collision survenue, dans l'agglomération de Valenciennes, dans une traversée simple d'une voie routière par une ligne de tramway, le BEA-TT insiste tout particulièrement pour que les deux recommandations susvisées soient mises en oeuvre. A cet égard, il lui apparaît d'autant plus important que l'évaluation comparative, au regard des enjeux de sécurité, des différents dispositifs de signalisation utilisables en feux de barrage au intersections avec des lignes de tramway soit achevée rapidement qu'au plan règlementaire, l'arrêté du 10 avril 2009 qui modifie l'instruction interministérielle sur la signalisation routière (IISR) préconise le recours au signal R24 pour les franchissements simples, tel que celui de la rue Jean-Jaurès à Denain, les giratoires, tels que ceux de Saint-Herblain et d'Orvault, et les carrefours à faible trafic traversés par des voies exclusivement réservées à des véhicules de services réguliers de transport en commun. 5.2 - L'aménagement de l'intersection de la rue Jean Jaurès avec la ligne de tramway L'environnement de l'intersection de la rue Jean Jaurès avec la ligne de tramway peut avoir favorisé cet accident. * Terme figurant dans le glossaire 38 5.2.1 - La lisibilité routière de l'intersection Pour un usager routier circulant dans la rue Jean Jaurès, la perception de la traversée du tramway n'est ni immédiate ni évidente. Figure 23 : perception de l'intersection à environ 50 m Ainsi, à une cinquantaine de mètres de cette traversée (soit environ 5 s avant d'y arriver à une vitesse de 30-40 km/h), l'automobiliste ne distingue pas de rupture sensible de l'environnement urbain : la plate-forme en léger plateau se perçoit peu ; le feu R24 de gauche se fond dans le décor ; celui de droite est masqué par la végétation. La photo ci-dessus illustre cette lecture difficile de l'environnement. Par ailleurs, à l'approche de l'intersection, un véhicule utilitaire stationnant sur le trottoir ou un autobus d'une ligne régulière stoppant à son arrêt, situé entre l'intersection et le coussin berlinois, sont de nature à masquer le feu R24. Figure 24 : autobus stoppant à son arrêt au pied du feu R24 Cette situation conduit le BEA-TT à adresser au SITURV la recommandation suivante : Recommandation R1 (SITURV) : Améliorer la perception par les usagers routiers de l'intersection de la rue Jean Jaurès avec la ligne de tramway et de la signalisation qui y est implantée. 39 L'étude de cette amélioration pourrait examiner des options telles que le doublement des feux R24, un fonctionnement en alternance et un meilleur positionnement de ces feux, la mise en place de protections contre le stationnement sauvage, le déplacement des arrêts de bus, la suppression des éléments masquant la signalisation, une pré-signalisation renforcée... 5.2.2 - Les conditions de visibilité réciproque Du fait d'un bâtiment limitant la visibilité réciproque du tramway et des véhicules routiers arrivant à l'intersection, la conductrice de la rame n'était en mesure de percevoir la voiture qu'au plus tôt 15 m avant le choc alors qu'elle roulait à 30 km/h, et qu'un freinage d'urgence aurait nécessité une distance de 27 m(3). Elle ne pouvait donc pas être en mesure d'éviter l'accident, sauf à traverser ce carrefour, protégé par une signalisation, au pas. Figure 25 : visibilité à environ 20 m de l'intersection, vue du tramway La conductrice de la voiture roulant à environ 30 km/h était en mesure de percevoir la rame 13 m avant l'accident. Son freinage d'urgence aurait nécessité une distance de 13,3 m(4). La collision n'aurait donc probablement pas pu être évitée, même si elle avait réagi dès la vue du tramway. Figure 26 : visibilité à environ 15 m de l'intersection, vue de la route Cette visibilité médiocre ne peut que renforcer les exigences de lisibilité de cette intersection pour les usagers routiers concernés, telles qu'elles sont soulignées dans le paragraphe 5.2.1 du présent rapport. 3 distance évaluée sur la base d'un temps de réaction conducteur de 1 s, d'un temps de réaction « machine » de 0,85 s et d'une décélération de 2,8 m/s² (selon les minimas de la norme NF-EN 13452-1) 4 distance évaluée sur la base d'une vitesse de 30 km/h, d'un temps usuel de réaction de 1 s et d'une décélération usuelle sur chaussée sèche de 7 m/s² 40 5.2.3 - Le caractère péri-urbain de la voie de tramway Comme le montre l'analyse présentée en 3.8.2, les intersections simples situées en milieu péri-urbain concentrent plus de collisions que celles situées en zone urbaine. On peut légitimement supposer que le caractère péri-urbain de la voie de tramway influe sur le comportement des conducteurs des rames, comparé à celui qu'ils ont en zone urbaine, du fait d'une vision et d'une attention portées plus au loin, d'un sentiment de danger moins présent et d'une interférence moins fréquente avec le réseau routier. Figure 27 : environnement du tramway 250 m avant l'intersection Cette influence est perceptible dans l'engagement tardif du freinage d'urgence de la rame après le déraillement. Recommandation R2 (STRMTG) : Engager une réflexion sur les principes de franchissement et les partis d'aménagement des intersections de voies routières situées sur des sections péri-urbaines de ligne de tramway. Le BEA-TT a par ailleurs noté que l'évolution prochaine du dispositif national de recueil des accidents de tramway inclura une information sur l'environnement, urbain ou péri-urbain, traversé, permettant ainsi l'établissement de statistiques nationales. 5.3 - La sensibilité des rames de tramway au déraillement lors d'une collision avec un véhicule routier La vitesse de 25 km/h du tramway au moment du choc est inférieure à la vitesse nominale de franchissement des intersections du réseau de Valenciennes (35 km/h) comme de la plupart des autres réseaux de tramway (entre 30 et 40 km/h) et la vitesse de l'ordre de 30 km/h de la voiture est dans la fourchette basse d'une conduite en milieu urbain. 41 Ces vitesses n'apparaissent donc pas exceptionnelles et sont susceptibles de se retrouver lors d'autres collisions. Elles contrastent avec l'importance du déraillement qui s'en est suivi, qui aurait pu conduire à un sur-accident soit par tamponnement avec une rame circulant sur la voie adjacente, soit par heurt de personnes se tenant sur le quai. Il est donc apparu nécessaire aux enquêteurs du BEA-TT d'analyser la sensibilité de la rame en cause au déraillement lors d'une collision et d'identifier d'éventuelles pistes de mesures préventives pour y remédier ou en réduire les conséquences. 5.3.1 - La sensibilité au déraillement de la rame accidentée La fréquence de tels déraillements lors de collision a été examinée par les enquêteurs à partir de la base de données des accidents tenue par le STRMTG. Le tableau ci-après précise, par catégorie de véhicules routiers, le nombre de déraillements pour 1 000 collisions sur les réseaux de tramway (y compris de tramway sur pneus) sur la période 2004-2009. Période 2004-2009 Nombre de collision Nombre de déraillement induit déraillement pour 1 000 collisions VL 3 563 11 3 VU<3,5t 215 7 33 TC ou PL>3,5t 178 14 79 total 3 956 32 8 Figure 28 : nombre de déraillement pour 1 000 collisions Le taux de déraillement est de 3 pour 1 000 collisions avec un véhicule léger, il est multiplié par 11 avec un véhicule utilitaire inférieur à 3,5 t et par 26 avec un poidslourd. Ce taux représente la sensibilité d'un matériel au déraillement lors d'un choc, ou la « déraillabilité ». Il est apparu intéressant d'examiner ce taux pour le matériel roulant Citadis 3025 impliqué dans l'accident survenu le 8 octobre 2009 à Valenciennes : Déraillement pour 1000 collisions Tout matériel sauf matériel Citadis 302 Nombre de collision Nombre de déraillement déraillement pour 1 000 collisions Matériel Citadis 302 Nombre de collision Nombre de déraillement déraillement pour 1 000 collisions 887 7 8 47 3 64 35 5 143 969 15 15 2 676 4 1 168 4 24 143 9 63 2 987 17 6 VL VU<3,5t TC ou PL>3,5t total Figure 29 : nombre de déraillement pour 1 000 collisions selon le matériel roulant 5 Le matériel Citadis 302 représente 31% du parc de tramway sur fer ­ Cf paragraphe 2.4 et annexe 3 42 Au regard de ces statistiques, le matériel Citadis 302 apparait nettement plus sensible au déraillement lors d'un choc avec un véhicule routier que d'autres matériels. L'importance du déraillement a également été regardée pour les 11 collisions impliquant un véhicule léger, à partir des rapports d'accident. Dans 4 cas, la rame n'a pas empiété sur le gabarit de la voie adjacente et il n'y avait donc pas de risque de sur-accident par tamponnement avec un tramway venant en sens inverse. Dans les 7 autres déraillements (dont 5 avec un matériel Citadis 302), la rame a engagé le GLO* de la voie opposée. Cela conduit le BEA-TT à émettre la recommandation suivante : Recommandation R3 (Alstom) : Prendre en compte dans la conception des matériels de tramway et de leurs bogies la sensibilité des rames au déraillement lors de collisions avec des véhicules routiers. 5.3.2 - Les facteurs de déraillement examinés à l'occasion de l'enquête Le second volet de l'étude de modélisation numérique confiée au LIER avait pour objectif de simuler l'accident en faisant varier différents paramètres techniques, afin d'identifier ceux sur lesquels il serait pertinent d'agir pour prévenir un déraillement ou, pour le moins, en limiter les conséquences. Les paramètres analysés et les résultats de chaque simulation sont synthétisés dans le tableau ci-après. * Terme figurant dans le glossaire 43 No simulation 1 Rappel du paramètre technique présent lors de l'accident Présence du support R24 Paramètre technique modifié résultats Déraillement notable empiètement de la voie adjacente Sans support R24 2 Rail à gorge 35GPU 3 Rail Vignole U50 Rail à gorge 41GPU Déraillement notable empiètement de la voie adjacente Déraillement notable empiètement de la voie adjacente 4 Contre-rail de 2cm Déraillement notable empiètement de la voie adjacente 5 Porte-à-faux bogie / bout avant Porte-à-faux bogie / bout avant de 4 m de 2 m Déraillement notable empiètement de la voie adjacente 6 Liaison bogie-caisse actuelle Degré de liberté supplémentaire Pas de déraillement empiètement de la voie adjacente 7 Hauteur du mentonnet augmenté de 50% 8 Profil théorique de roues neuves Diamètre des roues diminué 6 Déraillement notable empiètement de la voie adjacente Déraillement notable empiètement de la voie adjacente 9 Face avant basse Forme actuelle de la face avant Face avant plane Déraillement notable empiètement de la voie adjacente 10 Déraillement notable empiètement de la voie adjacente Figure 30 : résultats des simulations selon les paramètres techniques modifiés Seule la configuration no 6 ne conduit pas au déraillement de la rame, mais les caisses qui la composent se mettent en travers et empiètent sur la voie adjacente. Dans cette configuration, il a été considéré que le bogie pouvait tourner librement autour d'un pivot vertical rattaché à la caisse, alors que le bogie actuel est relié à la caisse par l'intermédiaire de quatre suspensions hélicoïdales, limitant ainsi les possibilités de rotation. 6 Le mentonnet est la partie de la roue qui permet son guidage sur le rail 44 En conclusion, l'étude ne met pas en lumière de facteurs préventifs évidents et aisément applicables. Elle permet cependant de dégager deux pistes qui méritent chacune d'être approfondies pour réduire le risque de déraillement : travailler sur l'interface de contact entre la voiture et la rame, afin de diminuer la force latérale (perpendiculaire aux rails) et la force verticale transmises à la rame lors du choc. En effet, la première tend à pousser la rame vers l'extérieur des rails et la deuxième tend à la soulever. Les deux participent ainsi au déraillement ; limiter la transmission aux essieux des efforts induits par le choc sur l'extrémité avant de la rame. L'interface de contact lors du choc comme piste de réflexion : Sur les 11 collisions entre tramways et véhicules légers recensées dans le tableau de la figure 28, 6 concernent des cas où le tramway heurte le véhicule léger et où la conception de la face avant du tramway peut jouer un rôle. Si les surfaces en contact lors du choc étaient indéformables, la force latérale (perpendiculaire aux rails) développée par l'énergie de la voiture ne serait que faiblement transmise à la rame, essentiellement du fait des frottements entre la rame et la voiture. Mais, dans la réalité, sous le choc, le flanc de la voiture se déforme et épouse la forme de l'extrémité avant du tramway. La voiture et la rame sont alors temporairement encastrées l'une dans l'autre, et c'est ce « couplage » qui est à l'origine du développement de la force latérale et de sa transmission à la rame qui tend à la déporter vers l'extérieur des rails. Figure 31 : déformation du véhicule à l'origine du phénomène de« couplage » De plus, les formes respectives de la voiture et de la rame ainsi que la différence de hauteur de leur centre de gravité font que la rame a tendance à « grimper » sur la voiture ou la voiture à passer sous la rame, développant ainsi une force verticale importante lors du choc. 45 Deux simulations ont ainsi été réalisés avec deux formes différentes de l'extrémité avant de la rame : l'une prolongeant le capotage très bas vers le sol afin d'empêcher la rame de « grimper » sur la voiture, l'autre reposant sur un capotage avant plan sur toute sa largeur pour rendre plus difficile l'encastrement de la rame dans la voiture. Figure 32 : capotage initial Figure 33 : capotage abaissé Figure 34 : capotage plan Ces deux modifications permettent de diminuer notablement la force verticale lors du choc. Cependant, le phénomène d'encastrement demeure, bien que sous une forme différente, et la force latérale n'est pas sensiblement modifiée. Le BEA-TT encourage les concepteurs à prendre en considération le phénomène de « couplage » dans l'évaluation, en vue de les réduire, des conséquences des chocs entre une rame de tramway et un véhicule routier. La transmission aux essieux des efforts induits par le choc : Pour limiter la transmission aux essieux des efforts induits par le choc sur l'extrémité avant de la rame, l'augmentation des possibilités de rotation du bogie par rapport à la caisse est une des pistes méritant d'être approfondies (cf. simulation no 6). La diminution du porte-à-faux entre le bogie et l'extrémité avant de la rame, de manière à réduire le bras de levier de la force du choc, en est une autre, même si elle n'est pas suffisante seule ainsi que le montre la simulation no 5. 5.3.3 - Les exigences normatives concernant la prévention des déraillements lors de collisions La norme NF EN 15227 relative aux « exigences en sécurité passive contre collision pour les structures de caisses des véhicules ferroviaires » a été éditée en janvier 2008. Elle s'applique à la conception des nouveaux matériels roulants ferroviaires et définit des exigences de sécurité passive de ces matériels pour réduire les conséquences des collisions. Pour cela, elle définit cinq principes généraux à respecter en cas de collision, tels que l'absorption de l'énergie de collision de manière contrôlée et la limitation de la décélération. Pour chacun de ces principes, elle précise les critères permettant de considérer qu'ils sont respectés. Ainsi, par exemple, pour certains types de collision entre deux véhicules ferroviaires, la décélération doit être inférieure à 5 g. L'un de ces cinq principes généraux est la réduction du risque de déraillement et la limitation des conséquences d'un impact avec un obstacle situé sur la voie. 46 Cependant, à l'inverse des autres principes, la norme précitée ne fixe aucun critère précis permettant de considérer que cet objectif est bien atteint. Parallèlement, la norme définit les scénarios de collision pour lesquels l'atteinte des critères de sécurité passive devra être vérifiée. Ainsi, pour le tramway (classé dans la catégorie C-IV - véhicules ferroviaires légers conçus pour l'exploitation sur des réseaux urbains spécifiques et interfacés avec le trafic routier), deux scénarios sont prévus : une collision frontale à une vitesse de 15 km/h entre 2 tramways identiques ; une collision à 25 km/h avec un obstacle rigide de 3 t, orienté à 45° par rapport à l'axe de la voie, sans possibilité de rotation ni de déplacement vertical. L'objectif de ce scénario est cependant limité au seul examen du comportement de l'extrémité frontale de la rame. La norme ne prévoit donc pas de scénario représentatif d'une collision avec un véhicule léger, ni de critères visant à limiter la survenue d'un déraillement lors d'une telle collision. Or, les risques de collisions d'une rame avec un véhicule routier sont inhérents à l'exploitation même des réseaux de tramway, s'agissant par nature de systèmes ouverts sur leur environnement et situés dans un milieu urbain. Il importe donc de prendre dès la conception des matériels roulants des mesures constructives permettant de limiter un sur-accident par déraillement lors de telles collisions. Le BEA-TT émet en conséquence la recommandation suivante : Recommandation R4 (STRMTG) : Engager une réflexion pour définir une méthode permettant de vérifier dès la conception de nouvelles rames de tramway le niveau des risques de déraillement lors d'une collision avec un véhicule léger. 5.4 - Les obstacles fixes comme facteurs aggravants des collisions Au cours de cet accident, le poteau support du feu R24, non fusible au sens du guide du STRMTG, a participé à l'écrasement du véhicule. Il n'est pas directement à l'origine du déraillement du premier essieu du bogie avant, mais a accéléré le déraillement du deuxième essieu. L'étude du LIER a cependant montré qu'il existe des situations où ce poteau de feu R24 peut être directement la cause du déraillement. C'est le cas notamment d'un choc avec un véhicule de 900 kg arrêté à l'intersection et percuté par une rame de tramway circulant à 25 km/h : sans poteau la collision n'occasionne pas de déraillement, alors qu'avec un poteau non fusible la rame déraille sous l'effet de levier du véhicule s'enroulant autour du poteau. Le LIER a également calculé que le support du feu R24 doit avoir un moment résistant inférieur à 672 daN.m pour qu'il se plie ou se rompe avant d'occasionner un déraillement du tramway. 47 Le STRMTG préconise déjà que ce type d'obstacles fixes ait un moment résistant inférieur à 570 daN.m afin d'éviter que l'espace de survie des occupants du véhicule routier ne soit trop comprimé. Il n'y a donc pas lieu que le BEA-TT émette une recommandation supplémentaire, bien qu'il s'agisse de prévenir deux effets différents. A la suite de l'accident, l'AOT* et l'exploitant ont remplacé les supports des feux R24 du carrefour « Jean Jaurès » par des supports respectant ce moment résistant de 570 daN.m. Ils ont, en outre, lancé un recensement des obstacles fixes, au sens du guide précité du STRMTG, aux abords de la ligne. Ils envisagent leur remplacement progressif au fil des accidents ou des modifications de carrefour. Recommandation R5 (SITURV) : Engager un programme de remplacement préventif des obstacles fixes de la ligne de tramway ne répondant pas aux caractéristiques techniques ou d'implantation préconisées par le guide technique du STRMTG. * Terme figurant dans le glossaire 48 6 - Conclusions et recommandations 6.1 Causes de l'accident La cause directe et immédiate de la collision est le non-respect par le véhicule léger de la signalisation lumineuse R24 clignotant au rouge. Trois facteurs ont, le cas échéant, pu contribuer à cette collision : la perception médiocre par l'usager routier de la traversée de la ligne de tramway et de la signalisation qui lui est associée ; la faible visibilité réciproque du tramway et du véhicule arrivant à l'intersection, qui peut retarder la perception d'un risque immédiat de collision ; l'environnement péri-urbain dans lequel circule le tramway, qui peut donner à son conducteur un sentiment de moindre danger. Deux facteurs ont, en outre, participé au déraillement et à l'incursion de la rame sur la voie et le quai opposés : la sensibilité de la rame aux déraillements lors de collisions ; le caractère non fusible du poteau, support de signalisation, sur lequel le véhicule léger s'est écrasé. 6.2 - Recommandations L'analyse de l'accident conduit le BEA-TT à émettre les cinq recommandations suivantes : Recommandation R1 (SITURV) : Améliorer la perception par les usagers routiers de l'intersection de la rue Jean Jaurès avec la ligne de tramway et de la signalisation qui y est implantée. Recommandation R2 (STRMTG) : Engager une réflexion sur les principes de franchissement et les partis d'aménagement des intersections de voies routières situées sur des sections péri-urbaines de ligne de tramway. Recommandation R3 (Alstom) : Prendre en compte dans la conception des matériels de tramway et de leurs bogies la sensibilité des rames au déraillement lors de collisions avec des véhicules routiers. 49 Recommandation R4 (STRMTG) : Engager une réflexion pour définir une méthode permettant de vérifier dès la conception de nouvelles rames de tramway le niveau des risques de déraillement lors d'une collision avec un véhicule léger. Recommandation R5 (SITURV) : Engager un programme de remplacement préventif des obstacles fixes de la ligne de tramway ne répondant pas aux caractéristiques techniques ou d'implantation préconisées par le guide technique du STRMTG. Par ailleurs le BEA-TT : insiste pour que les recommandations R2 et R3 adressées à la DSCR et au CERTU dans son rapport portant sur la collision entre un tramway et une voiture particulière survenue le 27 avril 2010 à Orvault (44), qui valent également pour la présente enquête, soient mises en oeuvre : « recommandation R2 (DSCR, CERTU) : mener à son terme l'évaluation comparative des dispositifs de signalisation utilisables en feux de barrage (notamment R24 et feu tricolore R11v), afin d'en apprécier l'efficacité du point de vue de la sécurité et de leur respect par les usagers de la route et en tirer les conséquences sur les préconisations d'utilisation » ; « recommandation R3 (DSCR) : engager une communication, au plan national, en association avec les autorités organisatrices des transports, le GART et l'UTP, visant à mieux faire connaître la signification et la portée du signal R24, notamment en milieu urbain pour les franchissement de lignes de tramway » ; encourage les concepteurs des matériels de tramway à prendre en considération le phénomène de « couplage » dans l'évaluation, en vue de les réduire, des conséquences des chocs entre une rame et un véhicule routier. 50 ANNEXES Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête Annexe 2 : Synthèse de la simulation numérique de l'accident réalisée par le LIER Annexe 3 : Données utilisées dans le corps du rapport 51 Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête 53 Annexe 2 : Synthèse de la simulation numérique de l'accident réalisée par le LIER L'étude qui a été confiée au laboratoire des équipements de la route de l'INRETS (LIER) poursuit un double objectif : reproduire l'accident à partir d'un modèle numérique et apprécier, dans une seconde phase, en faisant varier certains paramètres techniques, les facteurs qui ont contribué au déraillement de la rame afin d'identifier d'éventuelles actions préventives. 1- le modèle numérique Une modélisation aux éléments finis d'une rame de tramway Citadis 302 de Valenciennes a été réalisée sur la base des informations fournies par la société Alstom. Cette modélisation a été effectuée en considérant que les caisses constituant la rame étaient indéformables, hypothèse qui tend à amplifier le phénomène de déraillement. Deux simulations préalables, en ligne droite et en courbe, ont été réalisées afin d'évaluer le bon fonctionnement du modèle, notamment sa capacité à reproduire correctement les articulations entre les différents éléments (caisses et bogies) constitutifs de la rame. 2- la reconstitution de l'accident Six scénarios ont été testés en croisant deux hypothèses de vitesse de la rame (20 km/h ou 25 km/h) et trois hypothèses de vitesse de la voiture (29 km/h, 35 km/h, 41 km/h) au moment du choc. No simulation 1 2 3 4 5 6 Paramètres de la simulation Vitesse tramway 25 km/h Vitesse VL 41 km/h Vitesse tramway 20 km/h Vitesse VL 41 km/h Vitesse tramway 25 km/h Vitesse VL 35 km/h Vitesse tramway 20 km/h Vitesse VL 35 km/h Vitesse tramway 25 km/h Vitesse VL 29 km/h Vitesse tramway 20 km/h Vitesse VL 29 km/h résultats - Déraillement notable - Voiture poussée sans toucher le support R24 - Déraillement faible - Voiture projetée par le choc, sans toucher le support R24 - Déraillement notable - Voiture poussée sans toucher le support R24 - Déraillement notable - Voiture poussée sans toucher le support R24 - Déraillement notable - Voiture écrasée entre le support R24 et la rame - Déraillement notable - Voiture écrasée entre le support R24 et la rame La configuration no 5 (vitesse du tramway de 25 km/h et vitesse de la voiture de 29 km/h) reproduit fidèlement la vidéo ayant enregistré les évènements, les traces laissées au sol par les essieux ainsi que les dégâts constatés sur la voiture. 55 Dans ce scénario, une étude détaillée des différents efforts de contact a permis de déterminer que le premier essieu déraille au moment du choc entre le véhicule et la rame et que, dans un deuxième temps, la rotation du véhicule autour du support R24 accélère la rotation de la rame et le déraillement du deuxième essieu. 3- la variation de paramètres techniques L'évaluation des effets de la modification de certains paramètres techniques a été effectuée en prenant comme configuration de référence celle de l'accident analysé sans la présence du support R24. Cette configuration de référence conduit au déraillement des deux essieux de la rame. Elle confirme que le support R24 a contribué, dans le cas de l'accident, à accélérer la rotation du véhicule léger et à anticiper le déraillement du deuxième essieu. No simulation 1 Paramètre technique d'origine Paramètre technique modifié résultats Efforts de contact tramway/VL X : 386 kN Y : 139 kN Z : 228 kN X : 380 kN Y : 134 kN Z : 223 kN X : 380 kN Y : 134 kN Z : 229 kN X : 372 kN Y : 130 kN Z : 216 kN X : 316 kN Y : 102 kN Z : 157 kN X : 357 kN Y : 125 kN Z : 203 kN X : 268 kN Y : 117 kN Z : 191 kN Configuration de référence : Déraillement notable conditions de l'accident sans le support R24 empiètement de la voie opposée Déraillement notable empiètement de la voie opposée Déraillement notable empiètement de la voie opposée Déraillement notable empiètement de la voie opposée Contre-rail Déraillement notable empiètement de la voie opposée 2 Rail à gorge 35GPU 3 Rail Vignole U50 4 Rail à gorge 41GPU 5 Porte-à-faux bogie / bout avant de 4 m 6 Liaison bogie-caisse actuelle 7 Hauteur du mentonnet7 augmenté Degré de liberté supplémentaire Porte-à-faux bogie / bout avant de 2 m Pas de déraillement empiètement de la voie opposée Déraillement notable empiètement de la voie opposée 8 Profil théorique des roues Diamètre des roues diminué 9 Face avant basse 10 Forme actuelle de la face avant Face avant plane 7 Déraillement notable empiètement de la voie opposée X : 410 kN Y : 145 kN Z : 16 kN X : 332 kN Y : 90 kN Z : 9 kN X : 285 kN Y : 168 kN Z : 18 kN Déraillement notable empiètement de la voie opposée Déraillement notable empiètement de la voie opposée Le mentonnet est la partie de la roue qui permet son guidage sur le rail 56 X : force longitudinale aux rails Y : force perpendiculaire aux rails Z : force verticale Seule la simulation no 6, consistant à ajouter un degré de liberté en rotation entre le bogie et la caisse, ne conduit pas au déraillement du tramway. Cependant, cette configuration demeure théorique ; aucune raideur ni butée de rotation n'a été prise en compte. Les caisses de la rame, après leur rotation induite par le choc, empiètent sur la voie adjacente. Une étude approfondie de cette liaison pourrait constituer une piste intéressante pour limiter la transmission des efforts entre la caisse et le bogie. Les autres simulations mènent au déraillement. Les composantes dans le plan horizontal de l'effort de contact entre le tramway et le véhicule sont sensiblement équivalentes, ce qui traduit le fait que le choc principal est toujours équivalent et responsable du déraillement. Dans les trois dernières configurations évaluées, la composante verticale de l'effort est fortement diminuée, ce qui ne suffit cependant pas à éviter le déraillement. C'est la déformabilité de la voiture, et le couplage avec le tramway qui en résulte, qui génère une composante Y (perpendiculaire aux rails) importante qui suffit à faire dérailler le tramway. 4- la simulation d'un choc sur le flanc du tramway Il a également été procédé à la simulation d'un choc d'une voiture sur le flanc du tramway, sensiblement au niveau du bogie. Il en ressort que la composante Y, perpendiculaire aux rails, est du même ordre de grandeur que lors du choc survenu dans la configuration de l'accident, alors que l'on aurait pu s'attendre à ce qu'elle soit sensiblement supérieure. Elle se développe cependant sur une durée plus importante. La composante Z verticale est, par ailleurs, beaucoup plus faible. Ces efforts d'interface s'expliquent par le fait que l'avant de la voiture est conçu pour absorber une énergie importante lors d'un choc frontal. Ces efforts ne sont toutefois pas suffisants pour faire dérailler le tramway. L'impact étant situé directement sur le bogie, aucun porte-à-faux ne vient en effet augmenter l'influence de cet effort. No simulation 1 Paramètres de la simulation Vitesse tramway 25 km/h Vitesse VL 29 km/h point d'impact sur le flanc du tramway résultats Pas de déraillement Efforts de contact tramway/VL X : ~ 20 kN Y : ~ 110 kN Z : ~ 30 kN 57 5- l'impact du support R24 Les simulations précédentes ont montré que le support R24 n'est pas directement à l'origine du déraillement du deuxième essieu. Il ne fait qu'en accélérer la réalisation. Les simulations effectuées dans le cadre de cette étude montrent cependant qu'il existe des configurations où un support non fusible peut aggraver les conséquences d'une collision entre un tramway et un véhicule léger en étant à l'origine d'un déraillement de la rame. Il en est notamment ainsi dans le cas d'un choc avec un véhicule de 900 kg arrêté à l'intersection et percuté par une rame à 25 km/h : sans support, la collision n'occasionne pas de déraillement ; avec un support non fusible, la rame déraille après que le véhicule ait percuté le support et ait fait levier. Dans cette configuration, les calculs montrent que le support du feu R24 doit avoir un moment résistant inférieur à 672 daN.m pour qu'il se plie ou se rompe avant d'occasionner un déraillement du tramway. No simulation 1 Paramètres de la simulation - voiture de 900 kg arrêté à l'intersection - rame à 25 km/h - aucun support R24 - voiture de 900 kg arrêté à l'intersection - rame à 25 km/h - support R24 non fusible - voiture de 900 kg arrêté à l'intersection - rame à 25 km/h - support R24 avec un moment de 672 daN.m résultats - pas de déraillement 2 - déraillement notable 3 - pas de déraillement 6- conclusion Reconstitution de l'accident : Sur la base de la modélisation aux éléments finis de la rame Citadis 302 effectuée à partir des données fournies par la société Alstom, il apparaît qu'une vitesse du tramway de 25 km/h et une vitesse de la voiture de 29 km/h reproduisent fidèlement l'accident par rapport à la vidéo des évènements, par rapport aux traces des essieux relevés sur le sol ainsi que par rapport aux dégâts constatés sur la voiture. La simulation effectuée avec ces vitesses montre que le premier essieu du bogie déraille lors du choc entre le véhicule et la rame et que le coincement de la voiture entre le support R24 et la rame accélère le déraillement du deuxième essieu. Modification de paramètres techniques : Parmi les simulations effectuées en faisant varier différents paramètres techniques, seule celle donnant un degré de liberté supplémentaire en rotation entre la caisse et le bogie ne conduit pas au déraillement de la rame. 58 Même si une telle modification des rames n'est pas réalisable en l'état, elle constitue une piste intéressante pour réduire les risques de déraillement lors d'un choc, dans la mesure où elle limite la transmission au bogie des efforts appliqués à l'avant du tramway. Par ailleurs, l'analyse de l'interface entre le tramway et le véhicule léger dans les différentes configurations montre que la déformabilité du véhicule joue un rôle important. La limitation du couplage entre le véhicule et la rame (par exemple par un élément absorbant une partie de l'énergie d'impact) constitue une autre piste intéressante. Impact de l'obstacle fixe : Lors de l'accident, le déraillement des deux essieux se serait produit même en l'absence du support R24. Cependant, il existe d'autres situations où le coincement de la voiture entre un support non fusible et la rame est directement à l'origine du déraillement. Il faut, pour que le support se plie ou se rompe avant d'occasionner un déraillement lors du choc entre un véhicule d'environ 900 kg et une rame roulant à 25 km/h, que son moment résistant soit inférieur à 672 daN.m. Cette valeur est supérieure à celle de 570 daN.m préconisée par le guide du STRMTG relatif aux obstacles fixes, qui permet d'éviter un écrasement trop important d'une voiture coincée entre un tramway et un support. 59 Annexe 3 : Données utilisées dans le corps du rapport 1- Parc de matériel roulant des réseaux de tramway sur fer nombre de rames équipant les réseaux de tramways sur fer 33 261022 30 245 31% Citadis 301 (Alstom) Citadis 401 (Alstom) Citadis 302 (Alsom) Citadis 402 (Alsom) Citadis 403 (Alsom) TFS (Alsom) Bréda Flexcity (Bombardier) Incentro (Bombardier) Eurotram 33m (Bombardier) Eurotram 43m (Bombardier) 24 26 197 25% 41 133 17% 2- Accidentalité 2008-2009 de la ligne de tramway de Valenciennes Configuration de l'intersection Giratoire Carrefour complexe Carrefour simple Traversée simple urbaines(1) (1) Nombre Nombre d'accidents d'intersections 2008/2009 9 7 12 16 12 18 2 6 2 9 Nombre de victimes 2008/2009 2 (2) 1 (3) Ratio Ratio accidents par victimes/ par an et par an et par intersection intersection 1,0 0,14 0,25 0,06 0,11 0,07 0 0 0,7 0 0 17 (4) Traversée simple péri-urbaine 0,4 Total (moyenne) 56 37 20 (0,33) (0,2) (1) par simplification, ont été considérées comme traversées simples « péri-urbaines » celles dont les voies de tramway de part ou d'autre de l'intersection ont été posées sur du ballast. (2) 2 blessés tiers (3) 1 blessé de la rame (4) dont 1 tué tiers, 6 blessés tiers, 10 blessés de la rame 60 3- Accidentalité 01/2008-07/2010 de la section « Dutemple ­ Espace Villars » de la ligne de tramway de Valenciennes Station Solange Tonini Intersect° Intersect° Bellaing RD 40 Station Bellevue Intersect° Intersect° Pierre Jean Nève Jaurès Station Jean Jaurès Intersect° Turenne (Taffin) Station Taffin Station Jean Dulieu Interserct° Intersect° Jean Jean Dulieu Villars Station Jean Villars Station Intersect° Bois des 4 sept montagnes Station Galibot Intersect° Intersect° Intersect° Intersect° Intersect° Intersect° Galibot Rousseau Danton Grémont Pont Fifine cassé Photo aérienne Signalisat° R24 R24 R24 barrières barrières barrières R24 R24 R24 R24 R11v R24 R24 R11v Urbanisat° quasi nulle diffuse diffuse diffuse quasi nulle quasi nulle quasi nulle diffuse quasi nulle quasi nulle dense diffuse dense dense Nature desserte local locale locale départem commu. départem commu. moyenne moyenne bonne bonne Moyenne moyenne moyenne départem commu. commu. commu. commu. commu. commu. Visibilité moyenne moyenne moyenne moyenne moyenne bonne bonne Accident 2 accid. 1 accid. (1) 1 déraill. 3 accid 3 accid . 2 accid Déraillement du au choc 1 déraill. 1 déraill. Blessés tués 1 blessé 1 tué 2 blessés 2 blessés 9 blessés 3 blessés Véhivules en cause 1 VL 1 Scooter 1 VL 3 VL 2 VL 1 VU 2 VL (1) : Sur la traversée simple avec la RD40, l'accident recensé est survenu alors que l'intersection était gérée avec des feux R24, sans barrière. 61 BEA-TT - Bureau d'enquêtes sur les Accidents de transport terrestre Tour Voltaire 92055 - La Défense cedex Tél. : 33 (0)1 40 81 21 83 - Fax : 33 (0)1 40 81 21 50 cgpc.beatt@developpement-durable.gouv.fr www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr www.developpement-durable.gouv.fr

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