Rapport d'enquête sur le déraillement du téléphérique de la Bastille survenu le 29 juin 2014 à Grenoble (38)
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre
Auteur secondaire
Résumé
<div class="dateart"><hr class="hrart" /></div><div class="texteart"><p>Le dimanche 29 juin 2014 à 18h22, à Grenoble en Isère, le câble tracteur du téléphérique de la Bastille déraille au niveau de son pylône intermédiaire. Les dispositifs de sécurité provoquent l'arrêt immédiat de l'installation. Le train de cinq cabines qui montait vers la gare supérieure avec sept passagers à leur bord s'immobilise une dizaine de mètres après ce pylône alors que le train de cinq cabines qui en descendait parallèlement en transportant trente passagers s'arrête à l'aplomb du quai Perrière en bordure de l'Isère. Une demi-heure après cet arrêt, le responsable d'astreinte de l'exploitant, ayant constaté la nature du déraillement, décide de mettre en oeuvre le plan de sauvetage. Les passagers des cabines montantes sont évacués verticalement vers le sol en une heure et demie tandis que ceux des cabines descendantes sont hélitreuillés. Cette opération s'achève trois heures et quarante minutes après l'arrêt de l'installation. Aucun blessé n'est à déplorer et le téléphérique concerné n'a pas subi de dégât.<br />La cause directe et immédiate de ce déraillement est la violente et totalement imprévisible rafale de vent, d'une vitesse transversale atteignant 104 km/h, qui s'est produite alors que le train de cinq cabines montant vers la gare supérieure venait de franchir le pylône intermédiaire et que le câble tracteur, levé au-dessus du balancier correspondant pour permettre ce franchissement, se rabaissait. Déporté vers l'extérieur, ce câble a alors échappé aux trois rattrape-câbles équipant le balancier précité. Cette brusque rafale de vent n'avait été précédée, au cours de la journée concernée, d'aucun phénomène annonciateur. Les deux dispositifs de sécurité destinés à prévenir les conséquences pour l'un, d'un vent violent et pour l'autre, d'un déraillement ou d'un balancement excessif des cabines ont fonctionné correctement. L'évacuation des passagers s'est déroulée sans encombre, pratiquement dans le délai prescrit par la réglementation. Par ailleurs, il est prévu que le téléphérique de la Bastille soit doté, en janvier 2016, d'un nouvel automate de commande qui permettra d'une part, en cas de vent important, de le ralentir automatiquement lorsque des cabines franchissent le pylône intermédiaire et d'autre part, de diagnostiquer plus rapidement la cause, déraillement du câble tracteur ou balancement excessif des cabines, d'un déclenchement des barrettes de sécurité équipant les balanciers.<br />En conclusion de cette enquête technique, le BEA-TT ne formule donc aucune recommandation. <i>Il invite, toutefois, l'exploitant de l'installation concernée, la régie du téléphérique de Grenoble-Bastille à mettre en place des procédures spécifiques et une formation appropriée permettant à ses responsables d'astreinte de prendre en toute connaissance de cause, en cas d'incident, la décision de déployer ou non le plan de sauvetage.</i></p></div>
Editeur
Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie
Descripteur Urbamet
remontée mécanique
;accident
;passager
;sécurité
;TELEPHERIQUE
;DERAILLEMENT
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
RAPPORT D'ENQUÊTE TECHNIQUE
sur le déraillement du téléphérique de la Bastille survenu le 29 juin 2014 à Grenoble (38)
Septembre 2015
Ministère de l'Écologie, du Développement durable de l'Énergie Ministère de l'Écologie, du Développement durable et et de l'Énergie
www.developpement-durable.gouv.fr
Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre
Affaire n° BEATT-2014-009
Rapport d'enquête technique sur le déraillement du téléphérique de la Bastille survenu le 29 juin 2014 à Grenoble (38)
Bordereau documentaire
Organisme commanditaire : Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie (MEDDE) Organisme auteur : Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT) Titre du document : Rapport d'enquête technique sur le déraillement du téléphérique de la Bastille survenu le 29 juin 2014 à Grenoble (38) N° ISRN : EQ-BEAT--15-11-FR Proposition de mots-clés : remontée mécanique, téléphérique, déraillement, évacuation
Avertissement
L'enquête technique faisant l'objet du présent rapport est réalisée dans le cadre des articles L. 1621-1 à 1622-2 et R. 1621-1 à R. 1621-26 du code des transports relatifs, notamment, aux enquêtes techniques après accident ou incident de transport terrestre. Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents, en déterminant les circonstances et les causes de l'événement analysé et en établissant les recommandations de sécurité utiles. Elle ne vise pas à déterminer des responsabilités. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
SOMMAIRE
GLOSSAIRE...................................................................................................................................9 RÉSUMÉ.......................................................................................................................................11 1 - CONSTATS IMMÉDIATS ET ENGAGEMENT DE L'ENQUÊTE...........................................13 1.1 - Les circonstances de l'accident.......................................................................................13 1.2 - Le bilan humain et matériel..............................................................................................14 1.3 - L'engagement et l'organisation de l'enquête...................................................................14 2 - CONTEXTE DE L'ACCIDENT................................................................................................15 2.1 - Le téléphérique de la Bastille à Grenoble........................................................................15 2.2 - Les autorisations réglementaires et le contrôle de la sécurité........................................16 2.3 - L'exploitant.......................................................................................................................17 2.4 - Les principales caractéristiques du téléphérique de la Bastille.......................................17
2.4.1 -Les caractéristiques techniques............................................................................................................ 17 2.4.2 -Les conditions de fonctionnement et d'entretien...................................................................................20 2.4.3 -Le plan de sauvetage du téléphérique de la Bastille.............................................................................21
3 - COMPTE RENDU DES INVESTIGATIONS EFFECTUÉES..................................................25 3.1 - Les résumés des témoignages........................................................................................25 3.2 - L'analyse du registre d'exploitation et des enregistrements des alarmes.......................26 3.3 - Le déraillement du câble tracteur.....................................................................................27
3.3.1 -Le risque de déraillement du câble tracteur lors du franchissement du pylône intermédiaire par un train de cabines............................................................................................................................................ 27 3.3.2 -Le scénario du déraillement du câble tracteur survenu le 29 juin 2014................................................29
3.4 - L'évacuation du téléphérique et la gestion de l'accident.................................................30 3.5 - Les compétences du personnel.......................................................................................33 3.6 - Le retour d'expérience de l'exploitant suite au déraillement............................................33 4 - DÉROULEMENT DE L'ACCIDENT ET DES SECOURS.......................................................35 5 - ANALYSE DES CAUSES ET FACTEURS ASSOCIÉS, ORIENTATIONS PRÉVENTIVES.37 5.1 - Le schéma des causes et des facteurs associés............................................................37 5.2 - Le franchissement du pylône intermédiaire du téléphérique de la Bastille par ses cabines.............................................................................................................................38 5.3 - Les procédures de décision d'évacuation du téléphérique de la Bastille........................38 6 - CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS.........................................................................41 6.1 - Les causes de l'accident..................................................................................................41 6.2 - Les recommandations......................................................................................................41 ANNEXE : Décision d'ouverture d'enquête..................................................................................43
Glossaire
CODIS : Centre Opérationnel Départemental d'Incendie et de Secours DDT : Direction Départementale des Territoires DGITM : Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer GRIMP : Groupe de Reconnaissance et d'Intervention en Milieu Périlleux GMSP : Groupe Montagne des Sapeurs-Pompiers SDIS 38 : Service Départemental d'Incendie et de Secours de l'Isère STRMTG : Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés STRMTG-SE : Bureau Sud-Est du STRMTG
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Résumé
Le dimanche 29 juin 2014 à 18h22, à Grenoble en Isère, le câble tracteur du téléphérique de la Bastille déraille au niveau de son pylône intermédiaire. Les dispositifs de sécurité provoquent l'arrêt immédiat de l'installation. Le train de cinq cabines qui montait vers la gare supérieure avec sept passagers à leur bord s'immobilise une dizaine de mètres après ce pylône alors que le train de cinq cabines qui en descendait parallèlement en transportant trente passagers s'arrête à l'aplomb du quai Perrière en bordure de l'Isère. Une demi-heure après cet arrêt, le responsable d'astreinte de l'exploitant, ayant constaté la nature du déraillement, décide de mettre en oeuvre le plan de sauvetage. Les passagers des cabines montantes sont évacués verticalement vers le sol en une heure et demie tandis que ceux des cabines descendantes sont hélitreuillés. Cette opération s'achève trois heures et quarante minutes après l'arrêt de l'installation. Aucun blessé n'est à déplorer et le téléphérique concerné n'a pas subi de dégât. La cause directe et immédiate de ce déraillement est la violente et totalement imprévisible rafale de vent, d'une vitesse transversale atteignant 104 km/h, qui s'est produite alors que le train de cinq cabines montant vers la gare supérieure venait de franchir le pylône intermédiaire et que le câble tracteur, levé au-dessus du balancier correspondant pour permettre ce franchissement, se rabaissait. Déporté vers l'extérieur, ce câble a alors échappé aux trois rattrape-câbles équipant le balancier précité. Cette brusque rafale de vent n'avait été précédée, au cours de la journée concernée, d'aucun phénomène annonciateur. Les deux dispositifs de sécurité destinés à prévenir les conséquences pour l'un, d'un vent violent et pour l'autre, d'un déraillement ou d'un balancement excessif des cabines ont fonctionné correctement. L'évacuation des passagers s'est déroulée sans encombre, pratiquement dans le délai prescrit par la réglementation. Par ailleurs, il est prévu que le téléphérique de la Bastille soit doté, en janvier 2016, d'un nouvel automate de commande qui permettra d'une part, en cas de vent important, de le ralentir automatiquement lorsque des cabines franchissent le pylône intermédiaire et d'autre part, de diagnostiquer plus rapidement la cause, déraillement du câble tracteur ou balancement excessif des cabines, d'un déclenchement des barrettes de sécurité équipant les balanciers. En conclusion de cette enquête technique, le BEA-TT ne formule donc aucune recommandation. Il invite, toutefois, l'exploitant de l'installation concernée, la régie du téléphérique de Grenoble - Bastille à mettre en place des procédures spécifiques et une formation appropriée permettant à ses responsables d'astreinte de prendre en toute connaissance de cause, en cas d'incident, la décision de déployer ou non le plan de sauvetage.
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1 - Constats immédiats et engagement de l'enquête
1.1 Les circonstances de l'accident
Le dimanche 29 juin 2014 à 18h22, à Grenoble en Isère, le câble tracteur du téléphérique de la Bastille déraille au niveau de son pylône intermédiaire sous l'effet d'une brusque rafale de vent. Cette rafale et ce déraillement déclenchent des dispositifs de sécurité qui provoquent l'arrêt immédiat de l'installation. Le train de cinq cabines qui montait vers la gare supérieure avec sept passagers à leur bord s'immobilise une dizaine de mètres après le pylône précité alors que le train de cinq cabines qui en descendait parallèlement en transportant trente passagers s'arrête à l'aplomb du quai Perrière en bordure de l'Isère.
Fig. 1 : Vue du téléphérique de la Bastille après le déraillement de son câble tracteur
Une demi-heure après cet arrêt, le responsable d'astreinte de l'exploitant, ayant constaté la nature du déraillement, décide de mettre en oeuvre le plan de sauvetage. Les passagers des cabines montantes sont évacués verticalement vers le sol en une heure et demie tandis que ceux des cabines descendantes sont hélitreuillés. Cette opération s'achève trois heures et quarante minutes après l'arrêt de l'installation.
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1.2 -
Le bilan humain et matériel
Aucun blessé n'est à déplorer et l'installation, dont le câble tracteur a été remis en place, n'a pas subi de dégât.
1.3 -
L'engagement et l'organisation de l'enquête
Au vu des circonstances de cet accident, le directeur du bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) a ouvert le 3 juillet 2014 une enquête technique en application des articles L. 1621-1 à L. 1622-2 du code des transports. Les enquêteurs du BEA-TT se sont rendus sur place. Ils ont rencontré les agents impliqués dans l'accident ainsi que des représentants de l'exploitant de l'installation, la régie du téléphérique de Grenoble - Bastille, du service technique des remontées mécaniques et des transports guidés (STRMTG), de son bureau Sud-Est et de la direction départementale des territoires (DDT) de l'Isère. Ils ont disposé de l'ensemble des pièces nécessaires à leurs analyses, notamment du rapport d'accident établi par l'exploitant.
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2 - Contexte de l'accident
2.1 Le téléphérique de la Bastille à Grenoble
À Grenoble, le téléphérique de la Bastille relie le quai Stéphane-Jay en bordure de l'Isère au sommet du mont fortifié de la Bastille. Il dessert, en particulier, le fort éponyme qui abrite des musées et des restaurants, le belvédère Vauban, ainsi que des itinéraires de promenade et des circuits sportifs.
Fig. 2 : Plan de situation du téléphérique de la Bastille à Grenoble
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Ce téléphérique est exploité toute l'année, tant en journée qu'en soirée, à l'exception de quelques semaines, en hiver, pendant lesquelles il est fermé pour en permettre l'entretien. Avec près de 4 000 heures d'exploitation par an, contre moins de 1 000 pour les téléphériques implantés dans les stations de sports d'hiver, il transporte chaque année plus de 300 000 passagers.
Fig. 3 : Vue du téléphérique de la Bastille depuis le quai Stéphane-Jay
2.2 - Les autorisations réglementaires et le contrôle de la sécurité
Il s'agit d'un téléphérique implanté en dehors d'une zone de montagne, qui assure un transport public de personnes à vocation exclusivement touristique, historique ou sportive. Il relève donc, à cet égard, du titre IV du décret n° 2003-425 du 4 mai 2003 relatif à la sécurité des transports guidés. Sa conception, sa réalisation, ses modifications, les conditions de son exploitation et les vérifications destinées à s'assurer de son bon état de fonctionnement sont ainsi soumises à des règles administratives et techniques de sécurité respectivement définies :
en matière d'analyse des risques, d'évaluation de la sécurité et d'autorisation de mise en exploitation, par les articles 16 à 26 du titre II du décret précité ; en termes d'exigences techniques, d'exploitation, de sauvetage des usagers et de contrôles internes et externes de la sécurité, par les articles R. 342-3, R. 342-7 à D. 342-21 et R.342-25 du code du tourisme.
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En particulier, cette installation doit satisfaire à l'ensemble des dispositions techniques fixées par l'arrêté du 7 août 2009 modifié relatif à la conception, à la réalisation, à la modification, à l'exploitation et à la maintenance des téléphériques. Dans ce cadre, le téléphérique de la Bastille est exploité sous couvert d'une autorisation délivrée le 18 juin 1981 par le préfet de l'Isère. Le règlement particulier d'exploitation et le plan de sauvetage qui y étaient en vigueur au moment où l'accident analysé dans le présent rapport s'est produit, ont respectivement été approuvés par ce préfet le 23 juillet 1996 et le 4 mai 2000. Par ailleurs, le contrôle pour le compte de l'État de ce téléphérique est assuré sous l'autorité du préfet précité, par le bureau Sud-Est du STRMTG, sis à Grenoble, auquel il revient :
d'instruire, lors de toute modification substantielle de cette installation, les demandes correspondantes d'une part, d'approbation du dossier préliminaire de sécurité et d'autre part, d'autorisation de mise en exploitation ; de contrôler la conformité de ses conditions d'exploitation avec la réglementation en vigueur ; d'assurer le suivi des inspections et des contrôles périodiques auxquels son exploitant doit procéder en application de cette réglementation ; de vérifier que la traçabilité des incidents et des accidents affectant cette remontée mécanique est correctement assurée et d'analyser les mesures déployées pour prévenir leur renouvellement.
De plus, le STRMTG effectue un suivi des agréments des « experts et organismes qualifiés »1 et des « vérificateurs techniques »2 que l'exploitant concerné mobilise.
2.3 -
L'exploitant
L'exploitation et l'entretien du téléphérique considéré sont effectués par la régie du téléphérique de Grenoble - Bastille qui est, depuis 1984, un établissement public local à caractère industriel et commercial dont le conseil d'administration est majoritairement composé de membres du conseil municipal de Grenoble désignés par le maire de cette ville. Par ailleurs, cet établissement public assure également la gestion commerciale et le développement culturel et sportif du site de la Bastille.
2.4 -
Les principales caractéristiques du téléphérique de la Bastille
2.4.1 - Les caractéristiques techniques
Le téléphérique de la Bastille, construit initialement par l'entreprise Bleichert, a été mis en service en 1934. Il s'agissait alors d'un téléphérique bicâble à va-et-vient comportant deux cabines d'une capacité de 15 personnes.
1 Il s'agit des entités, indépendantes du maître d'ouvrage, du maître d'oeuvre, du constructeur et de l'exploitant, régies par le chapitre 1er du décret n° 2003-425 du 9 mai 2003 relatif à la sécurité des transports guidés. 2 Il s'agit des personnes assurant, en application de l'article R. 342-15 du code du tourisme, les fonctions de « technicien d'inspection annuelle » chargé notamment des essais annuels des freins et des dispositifs électriques, de « contrôleur de câbles » chargé des inspections pluriannuelles des câbles et de « contrôleur technique indépendant » chargé de vérifier la conception de certains composants de remontées mécaniques. 17
En 1976, cette installation a été totalement rénovée et remplacée par un téléphérique bicâble à mouvement unidirectionnel pulsé. Elle a également été dotée de nouvelles cabines en aluminium et en plexiglas, de forme sphérique, fabriquées par l'entreprise Pomagalski et sa gare inférieure a été réaménagée. Depuis 1992, la commande et la gestion de ses dispositifs de sécurité sont assurées par trois automates. Aujourd'hui, le téléphérique de la Bastille présente les caractéristiques suivantes :
il permet de franchir un dénivelé de 266 mètres sur une longueur de 700 mètres à une vitesse maximale de 6 m/s avec deux trains de plusieurs cabines, à savoir quatre en hiver et cinq en été. Son débit maximal est de 720 personnes par heure ; chaque cabine, d'une capacité maximale de six places assises, est accrochée par l'intermédiaire de sa suspente à un chariot roulant sur un câble porteur fixe et est tirée par un câble tracteur mobile auquel elle est attachée ; les cabines montent en gare supérieure par la voie de droite et en redescendent par la voie qui lui est parallèle. Dans chacune des deux gares, elles tournent autour d'une poulie et leur vitesse est automatiquement ralentie à 0,2 m/s pour permettre aux passagers d'en débarquer ou d'y embarquer ; les deux câbles porteurs, un pour chaque voie, sont ancrés dans la gare inférieure tandis que le câble tracteur y tourne autour de la poulie précitée qui est entraînée par un moteur électrique. Le poste de conduite de l'installation, les organes de commande ainsi qu'un moteur thermique de secours sont installés dans cette gare ; à quelque 525 mètres de la gare inférieure, un pylône intermédiaire supporte les deux câbles porteurs. Il est équipé de deux balanciers, l'un pour la voie montante, l'autre pour la voie descendante, comportant chacun dix galets de roulement sur lesquels le câble tracteur circule. Un anémomètre doté d'une fonction d'arrêt du téléphérique est, en outre, installé sur ce pylône ; lorsqu'un train de cabines aborde, en montant ou en descendant, le pylône considéré, le câble tracteur, auquel elles sont fixées, est soulevé au-dessus du balancier correspondant, sur une distance d'environ 20 mètres, afin de permettre à leurs attaches de le franchir ; en gare supérieure, des contrepoids assurent la tension des deux câbles porteurs et du câble tracteur ; dans chacune des deux gares, différents boutons d'arrêt permettent au personnel d'exploitation de commander, en cas de besoin, un freinage électrique, un freinage de service ou un freinage d'urgence ; plusieurs dispositifs de sécurité provoquent un arrêt automatique de l'installation, notamment en cas de mauvaise fermeture des portes des cabines, de déraillement des chariots de ces cabines à la sortie ou à l'entrée des gares, de perte d'un galet de l'un des balanciers sur lesquels le câble tracteur circule ou, encore, de déraillement de ce câble. L'installation est également automatiquement arrêtée lorsque la vitesse du vent, perpendiculairement aux câbles, est supérieure à 54 km/h pendant une durée de plus de trois secondes.
Les figures 4 et 5 ci-après visualisent les principaux équipements du téléphérique considéré ainsi que son schéma de fonctionnement.
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1 Un train de quatre cabines
2 La gare inférieure
3 Le pylône intermédiaire
4 La gare supérieure
5 Les cabines dans la gare supérieure
Fig. 4 : Les installations du téléphérique de la Bastille
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Fig. 5 : Schéma de fonctionnement du téléphérique de la Bastille
2.4.2 - Les conditions de fonctionnement et d'entretien
Les modalités d'exploitation et d'entretien du téléphérique de la Bastille dont l'établissement public « Régie du téléphérique de Grenoble - Bastille » doit s'acquitter sont précisées par son règlement particulier d'exploitation approuvé le 23 juillet 1996 par le préfet de l'Isère. Bien qu'antérieur, ce règlement d'exploitation présente un contenu conforme à la réglementation en vigueur3 en :
décrivant les caractéristiques de l'installation concernée ; explicitant les missions dévolues au personnel qui y est affecté ; fixant les prescriptions devant être appliquées en matière d'affichage et de signalisation à l'attention des usagers ; précisant les modalités de son exploitation en mode normal et en cas de circonstances exceptionnelles, d'incidents ou d'accidents ; détaillant les différentes visites de contrôle4 auxquelles son exploitant doit réglementairement procéder en cours d'exploitation. Ces contrôles, mensuels, hebdomadaires et quotidiens, qui visent à vérifier l'état et le bon fonctionnement des équipements, comprennent des vérifications visuelles sans démontage, des essais destinés à s'assurer, notamment, de l'efficacité des freins et du moteur de secours ainsi que des parcours d'essai en ligne pour détecter d'éventuels dysfonctionnements de l'installation ; définissant les inspections annuelles et les grandes inspections auxquelles ce téléphérique doit être soumis en dehors des périodes d'exploitation ; dressant la liste des documents d'exploitation devant être tenus à jour par le personnel.
3 Il s'agit de l'article 27 de l'arrêté du 7 août 2009 modifié relatif à la conception, à la réalisation, à la modification, à l'exploitation et à la maintenance des téléphériques. 4 En application des articles 39 à 42 de l'arrêté cité dans la note 3 de bas de page. 20
Dans la pratique, l'exploitation et l'entretien du téléphérique considéré sont placés sous la responsabilité d'un chef d'exploitation5 dont relèvent les personnels d'exploitation et de maintenance concernés. Il lui appartient en particulier, au titre de ses fonctions, de s'assurer de la bonne tenue par le personnel du registre d'exploitation dans lequel doivent être consignés les conditions d'exploitation, les résultats des vérifications quotidiennes et des visites périodiques ainsi que les incidents survenus et les observations faites lors de l'exploitation. En mode normal, la marche de ce téléphérique est assurée, en automatique, par un conducteur installé dans la gare inférieure et par un agent chargé de surveiller la gare supérieure ainsi que les opérations de débarquement et d'embarquement des passagers s'y déroulant. En cas d'incident ou d'accident, le conducteur doit alerter immédiatement le chef d'exploitation ou le responsable d'astreinte. Si un dispositif de sécurité a arrêté automatiquement l'installation, celle-ci ne peut être remise en marche qu'après identification de la cause de l'arrêt. En tout état de cause, en cas de circonstances exceptionnelles, l'exploitation du téléphérique de la Bastille ne peut être poursuivie qu'avec l'accord du chef d'exploitation ou du responsable d'astreinte.
2.4.3 - Le plan de sauvetage du téléphérique de la Bastille
La section 2 du chapitre III de l'arrêté du 7 août 2009 modifié relatif à la conception, à la réalisation, à la modification, à l'exploitation et à la maintenance des téléphériques dispose qu'en cas de défaillance d'une installation, son chef d'exploitation doit, dans la demi-heure suivant son arrêt, commencer la récupération des véhicules concernés ou, si cela n'est pas possible, déclencher l'évacuation de leurs passagers. À cette fin, ce même texte impose que chaque téléphérique soit doté d'un plan d'évacuation de ses usagers régulièrement mis à jour. Il prévoit en outre :
que, sauf pour certaines installations présentant des conditions exceptionnelles, « la durée prévisionnelle totale de l'ensemble des opérations permettant l'évacuation de tous les usagers ne doit pas dépasser trois heures trente minutes » ; qu'au moins une fois par an, chaque exploitant réalise sur l'une de ses installations un exercice lui permettant de tester les moyens, matériels et procédures prévus pour évacuer les passagers.
Dans ce cadre, la régie du téléphérique de Grenoble - Bastille dispose, sous l'appellation « plan de sauvetage », d'un plan d'évacuation du téléphérique concerné qui organise, en fonction des zones où les cabines sont immobilisées, l'évacuation de leurs passagers :
soit à l'aide d'une échelle ; soit verticalement vers le sol en mettant en oeuvre un dispositif de descente sur corde, dénommé « descendeur », dès lors que la hauteur des cabines par rapport au niveau du sol n'excède pas 34 mètres ;
5 Au sens de l'article R. 342-12 du code du tourisme. Les missions du chef d'exploitation sont précisées à l'article 28 de l'arrêté du 7 août 2009 modifié relatif à la conception, à la réalisation, à la modification, à l'exploitation et à la maintenance des téléphériques. 21
soit vers la gare inférieure, jusqu'à l'aplomb du quai Stéphane-Jay, en utilisant une nacelle accrochée à un chariot roulant sur le câble tracteur et pouvant franchir les attaches des cabines pour se positionner sous ces dernières. Ce mode d'évacuation est le moins performant en termes de débit.
La figure 6 ci-après précise les zones dans lesquelles chacun de ces trois modes opératoires peut être appliqué. Il convient de noter que, compte tenu des positions relatives des deux trains de cabines, il y en a toujours au moins un qui peut être évacué soit, à l'aide d'une échelle soit, par le biais du dispositif de descente sur corde.
Fig. 6 : Schéma d'évacuation des cabines du téléphérique de la Bastille
Par ailleurs, le plan de sauvetage considéré précise notamment :
que le directeur du téléphérique, ou son suppléant, est responsable de son application ; que l'objectif est de terminer l'évacuation de l'ensemble des cabines dans un délai de trois heures à compter de la décision de la déclencher et qu'en sus des moyens de l'exploitant, ceux des deux groupes de sapeurs-pompiers du pôle « milieu périlleux » du service départemental d'incendie et de secours de l'Isère (SDIS 38), à savoir le groupe de reconnaissance et d'intervention en milieu périlleux (GRIMP) et le groupe montagne des sapeurs-pompiers (GMSP), peuvent être mobilisés ; que le chef d'exploitation est responsable du déclenchement de l'évacuation et de la conduite des opérations. Il lui revient notamment, à ce titre, d'alerter immédiatement le personnel d'intervention et d'en informer le centre opérationnel départemental d'incendie et de secours (CODIS) ainsi que le bureau sud-est du STRMTG. Le CODIS répercute l'alerte auprès des services locaux intéressés ; que les deux nacelles de sauvetage, une pour chaque voie, sont entreposées au pied du pylône intermédiaire et sont tractées jusqu'à son sommet par des treuils ;
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que si les conditions atmosphériques le permettent, le chef d'exploitation peut faire appel aux hélicoptères de la sécurité civile en liaison avec le CODIS. Il est, toutefois, souligné dans le plan de sauvetage concerné que le recours à ce moyen ne doit ni en ralentir, ni en interrompre le déroulement ; que les moteurs des nacelles sont vérifiés chaque mois et qu'un exercice de sauvetage est effectué chaque année.
Enfin, en complément à ces dispositions, le règlement particulier d'exploitation du téléphérique de la Bastille dispose qu'en cas d'arrêt inopiné et prolongé, le chef d'exploitation doit, dans un délai d'une demi-heure, soit commencer à ramener les cabines en gare, soit déclencher le plan d'évacuation, après avoir informé et rassuré les passagers.
1 - Les nacelles de sauvetage au pied du pylône intermédiaire
2 - Un exercice annuel de sauvetage à l'aide d'une nacelle
Fig. 7 : L'évacuation par nacelle du téléphérique de la Bastille
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3 - Compte rendu des investigations effectuées
3.1 Les résumés des témoignages
Les résumés présentés ci-dessous sont établis par les enquêteurs techniques sur la base des déclarations, orales ou écrites, dont ils ont eu connaissance. Ils ne retiennent que les éléments qui paraissent utiles pour éclairer la compréhension et l'analyse des événements et pour formuler des recommandations. Il peut exister des divergences entre les différents témoignages recueillis ou entre ceux-ci et les constats ou analyses présentés par ailleurs. Le conducteur qui était en fonction dans la gare inférieure au moment où le déraillement s'est produit déclare :
qu'au cours de l'après-midi du 29 juin 2014, il n'avait pas constaté de vents forts avant la rafale survenue brutalement à 18h22 ; que l'installation s'est arrêtée automatiquement, à cette heure-là, consécutivement au déclenchement de deux dispositifs de sécurité d'une part, l'enregistrement par l'anémomètre d'un « vent violent » et d'autre part, la détection par les barrettes6 de sécurité installées sur le pylône intermédiaire d'un balancement des suspentes des cabines ou d'un déraillement du câble tracteur ; qu'il en a immédiatement informé le responsable d'astreinte ; qu'il a fermé la gare inférieure au public pour se rendre au niveau du pylône intermédiaire afin d'identifier la nature du dysfonctionnement.
Un autre conducteur de ce téléphérique qui n'était pas de service ce dimanche 29 juin 2014 mais qui passait sur le quai Stéphane-Jay au moment de l'incident précise qu'il a accompagné jusqu'au pylône intermédiaire son collègue alors en fonction, ce qui a permis à l'agent se trouvant en gare supérieure de rester à son poste. Le responsable d'astreinte indique qu'il a rejoint directement les deux conducteurs précités au pied du pylône intermédiaire quelque 20 minutes après l'arrêt de l'installation. Arrivé sur place, il a constaté que le câble tracteur se trouvait environ 1,5 mètre en contrebas du train de dix galets sur lequel il circule normalement au droit de ce pylône. Il a décidé à 18h55, soit 33 minutes après l'arrêt du téléphérique, d'en évacuer les passagers. Il ajoute :
qu'en cas de déclenchement du dispositif de sécurité constitué par les barrettes installées sur le pylône considéré, il convient de se rendre sur ce pylône pour en déterminer la cause et réarmer la sécurité concernée ; qu'il n'a pas hésité à décider de mettre en oeuvre le plan de sauvetage, estimant que l'importance du déraillement ne permettait pas de remettre le câble tracteur en place dans un délai correct. S'il n'a pas suivi de formation spécifique en ce domaine, il avait déjà l'expérience d'un déraillement du câble tracteur, moins important, seulement sur quelques galets, survenu sur le pylône intermédiaire le 25 août 2012 suite à une rafale de vent. À cette occasion, il avait décidé, au contraire, de remettre le câble en place sans évacuer les passagers ; qu'il a alerté les sapeurs-pompiers du service départemental d'incendie et de secours de l'Isère qui ont souhaité utiliser leur hélicoptère qui était alors disponible ; qu'il en a informé le chef d'exploitation et les passagers des cinq cabines montantes arrêtées à proximité du pylône intermédiaire alors que ceux des cinq cabines
6 Ce dispositif est décrit dans le chapitre 3.3 du présent rapport. 25
descendantes ont pu joindre par téléphone l'agent en fonction dans la gare supérieure, le numéro de téléphone de l'exploitant étant affiché dans toutes les cabines ;
qu'il a fait mettre en place la nacelle de sauvetage pour assurer l'évacuation des 30 passagers des cinq cabines descendantes immobilisées en aval du pylône, mais que, dès lors qu'il a été décidé qu'ils seraient évacués par hélitreuillage, les sapeurspompiers ont pris, de fait, la direction des opérations.
Les passagers évacués, outre le désagrément du délai d'attente et une certaine appréhension notamment lors de leur hélitreuillage, soulignent essentiellement :
que les opérations de sauvetage se sont déroulées sans panique ; que le personnel d'intervention a fait preuve d'un grand professionnalisme.
3.2 -
L'analyse du registre d'exploitation et des enregistrements des alarmes
Pour la journée du 29 juin 2014, le registre d'exploitation du téléphérique de la Bastille mentionne les noms du conducteur et de l'agent en fonction dans la gare supérieure de chacune des deux équipes qui se sont relayées pour en assurer la marche. Il indique en outre :
que cette installation a été ouverture au public à 9h25 et que les contrôles et essais auxquels elle a été préalablement soumise n'ont révélé aucun dysfonctionnement ; que, ce jour-là, le temps était pluvieux avec un vent soufflant, le matin, à 5 km/h et, l'après-midi, à 8 km/h ; que le déraillement du câble tracteur s'est produit à 18h22, que l'évacuation des passagers a été décidée à 18h55 et que l'hélicoptère mobilisé par le SDIS de l'Isère est arrivé sur le site à 19h40 ; que l'évacuation des sept passagers des cabines montantes s'est achevée à 21h00 et que celle des 30 passagers des cabines descendantes a pris fin à 22h02.
Un automate installé sur le pupitre de commande du conducteur enregistre certains paramètres de la marche du téléphérique considéré. Il ressort de l'examen des données collationnées par cet automate le 29 juin 2014, notamment :
qu'aucune alarme « vent violent » ne s'est produite avant 18h22 dans l'après-midi concernée ; qu'à 18h22, l'alarme « vent violent » entraînant un arrêt de ce téléphérique a été activée alors qu'il fonctionnait en mode normal ; qu'au même moment, l'alarme reliée aux barrettes de sécurité du pylône intermédiaire implantées du côté de la montée s'est déclenchée. Un tel déclenchement peut être provoqué soit, par un balancement excessif d'une cabine soit, par un déraillement du câble tracteur. Il engendre, de facto, un arrêt de l'installation.
Enfin, lors de la bourrasque survenue à 18h22, la vitesse du vent a été mesurée à 104 km/h par l'anémomètre installé sur le pylône intermédiaire. Les témoignages du personnel indiquant qu'aucun signe ne permettait de prévoir cette brusque rafale de vent sont, par ailleurs, confirmés par les relevés effectués le 29 juin 2014 par la station de Météo France de Grenoble Saint-Geoirs qui montrent :
que ce jour-là, le temps était couvert avec, par moment, de très faibles pluies ; que la force du vent a été faible toute la journée et que sa vitesse moyenne a atteint au maximum 11 km/h entre 18h00 et 21h00. Quelques rafales ont toutefois été mesurées à une vitesse d'environ 35 km/h vers 22h00.
26
Fig. 8 : Le poste de commande du conducteur en gare inférieure
3.3 -
Le déraillement du câble tracteur
3.3.1 - Le risque de déraillement du câble tracteur lors du franchissement du pylône intermédiaire par un train de cabines
Du côté montée comme du côté descente, le pylône intermédiaire est doté d'un sabot qui supporte le câble porteur de la voie concernée et auquel est fixé un balancier composé de dix galets de roulement sur lesquels le câble tracteur circule.
Fig. 9 : Schéma d'un sabot du pylône intermédiaire
Lorsque des cabines abordent ce pylône, en montée comme en descente, le câble tracteur, auquel elles sont fixées, est, par conception, soulevé au-dessus du balancier correspondant, sur une distance d'environ 20 mètres7, afin de permettre à leurs attaches
7 Cette distance s'étend sur environ deux mètres de part et d'autre du pylône intermédiaire. 27
de le franchir. Une fois qu'elles l'ont dépassé, ce câble se rabaisse pour circuler à nouveau sur les dix galets du balancier concerné. Si les cabines ont été déportées sous l'effet du vent, le câble considéré peut alors ne plus être dans l'axe de ces galets et dérailler. Une telle situation ne présente cependant a priori pas de danger pour les passagers car les cabines impliquées demeurent soutenues par le câble porteur.
1 - Vue du câble tracteur circulant sur les galets de roulement du balancier du côté montée
2 - Vue du passage d'une cabine avec le câble tracteur soulevé au-dessus des galets
3 - Vue du câble tracteur circulant au-dessus du 4 - Vue du câble tracteur au niveau du rattraperattrape-câble et des galets de roulement lors câble et de la barrette de sécurité amont lors du franchissement du pylône par des cabines du franchissement du pylône par des cabines
Fig. 10 : Les dispositifs de sécurité équipant le pylône intermédiaire au niveau du câble tracteur
28
Nonobstant, afin de se prémunir contre un déraillement du câble tracteur, outre l'alarme « vent violent », le téléphérique de la Bastille est doté au niveau de chacun des deux balanciers de son pylône intermédiaire de deux types de dispositifs de sécurité à savoir, trois rattrape-câbles8 et deux barrettes de sécurité que la figure 10 visualise. Les trois rattrape-câbles, aval, central et amont, installés sur chaque balancier sont destinés à ramener le câble tracteur sur les galets de roulement sur lesquels il doit circuler, notamment lorsqu'il se rabaisse après qu'un train de cabines a franchi le pylône concerné. Toutefois, les parties extérieures de ces rattrape-câbles présentent des dimensions réduites afin que les attaches des cabines puissent les franchir. Les deux barrettes de sécurité, aval et amont, qui équipent chacun des deux balanciers, sont reliées à un circuit électrique dont la mise hors tension provoque un arrêt immédiat du téléphérique. Leur actionnement déclenche également une alarme sur le pupitre de commande de cette installation qui identifie la voie, montante ou descendante, concernée. Cette alarme ne permet, en revanche, pas au conducteur de savoir si les deux barrettes d'un même balancier ont été activées, ce qui peut être le signe d'un déraillement du câble tracteur, ou si seulement l'une d'elles a été actionnée suite, par exemple, à un balancement excessif d'une cabine. Il doit donc se rendre sur le pylône intermédiaire pour en déterminer la cause et, lorsque cela est possible, réarmer le dispositif de sécurité correspondant.
3.3.2 - Le scénario du déraillement du câble tracteur survenu le 29 juin 2014
Il ressort des témoignages recueillis et des constats effectués :
que le 29 juin 2014 à 18h22, les deux alarmes respectivement provoquées pour l'une, par la détection d'un vent violent soufflant transversalement à quelque 104 km/h et pour l'autre, par l'actionnement des barrettes de sécurité équipant le balancier du pylône intermédiaire situé du côté montée, se sont déclenchées dans le même instant ; que consécutivement à ces alarmes, l'installation s'est immobilisée, le train de ses cinq cabines montantes arrêté une dizaine de mètres après ce pylône ; que, du côté de la voie montante, le câble tracteur se trouvait alors environ 1,5 mètre en contrebas du balancier correspondant.
Il en résulte que ce câble a déraillé au moment où la bourrasque de vent précitée s'est produite. Les cinq cabines montantes venaient alors tout juste de franchir le pylône intermédiaire et le câble tracteur, qui avait été soulevé au-dessus du balancier concerné pour permettre ce franchissement, se rabaissait. De fait, sous l'effet de la violente rafale de vent incriminée, les cinq cabines montantes ont été déportées vers l'extérieur du pylône intermédiaire en entraînant le câble tracteur qui était, à ce moment là, encore levé au-dessus du balancier de la voie montante. Lors de ce déport, il a échappé aux trois rattrape-câbles équipant ce balancier, dont les parties extérieures présentent, par conception, des dimensions réduites. Il est alors tombé sous les galets de roulement concernés en actionnant, lors de sa chute, les deux barrettes de sécurité destinées à détecter soit, un balancement excessif des cabines soit, un déraillement de ce câble.
8 Il s'agit, en l'occurrence, des dispositifs désignés sous l'appellation « citres » dans la norme NF EN 1907 intitulée « Prescriptions de sécurité pour les installations à câbles transportant des personnes Terminologie ». 29
1 - Vue des cabines montantes immobilisées une dizaine de mètres après le pylône
2 - Vue des cabines montantes suspendues à leur câble porteur et du câble tracteur pendant
Fig. 11 : Le train des cinq cabines montantes immobilisé après le déraillement
3.4 -
L'évacuation du téléphérique et la gestion de l'accident
En application de la réglementation, le guide technique du STRMTG intitulé « Remontées mécaniques - RM 1 - Exploitation et maintenance des téléphériques » précise que le chef d'exploitation doit :
informer immédiatement l'autorité compétente des incidents qui compromettre la sécurité du téléphérique ainsi que de tous les accidents ; mettre en oeuvre le plan d'évacuation ;
pourraient
décider des mesures à prendre en cas d'arrêt prolongé du téléphérique concerné ; adopter toutes les dispositions nécessaires au déroulement du service en conditions exceptionnelles prévues au règlement d'exploitation.
Le dimanche 29 juin 2014, le chef d'exploitation du téléphérique de la Bastille n'étant pas de service, la décision de l'évacuer consécutivement au déraillement de son câble tracteur a été prise par le responsable d'astreinte. Elle est intervenue à 18h55, soit une demi-heure après l'arrêt de cette installation à 18h22. Ce responsable a immédiatement alerté le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Isère ainsi que le directeur du téléphérique et le chef d'exploitation qui se sont rendus sur le site.
30
Le SDIS précité a alors décidé d'utiliser son hélicoptère en plus des moyens de son pôle « milieu périlleux ». Les agents ont informé de l'évacuation les sept passagers des cinq cabines montantes arrêtées à proximité du pylône intermédiaire et les ont rassurés. Ceux des cinq cabines descendantes immobilisées en aval de ce pylône ont joint, au numéro de téléphone de l'exploitant qui est affiché dans toutes les cabines, l'agent en poste dans la gare supérieure qui les a informé de la situation. Les agents ont ensuite mis en place la nacelle de sauvetage de la voie descendante pour le cas où l'utilisation de l'hélicoptère poserait des difficultés. Le STRMTG a été prévenu et le centre ministériel de veille opérationnelle et d'alerte (CMVOA) du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a diffusé un flash d'information spécial dès 20h50. Les sept passagers des cinq cabines montantes immobilisées une dizaine de mètres après le pylône intermédiaire ont été évacués verticalement à l'aide du dispositif de descente sur corde, de 19h30 à 21h00, par le groupe de reconnaissance et d'intervention en milieu périlleux du SDIS. Cette évacuation s'est donc terminée 2 heures et 38 minutes après l'arrêt de l'installation. Les 30 passagers des cinq cabines descendantes arrêtées à l'aplomb du quai Perrière ont été évacués par hélitreuillage de 19h45 à 22h02. L'hélicoptère les a déposés au fort de la Bastille d'où ils ont été acheminés par un véhicule routier jusqu'à la gare inférieure. Cette évacuation s'est terminée 3 heures et 40 minutes après l'arrêt du téléphérique. La figure 12 ci-après permet de visualiser le déroulement de ces opérations d'évacuation. Après l'évacuation des cinq cabines montantes, l'exploitant a procédé à la remise en place du câble tracteur déraillé. Cette opération s'est achevée à 22h00. La nacelle de sauvetage qui avait été déployée, a ensuite été rangée et l'installation a été remise en marche à 23h15 pour rapatrier, à vitesse réduite, les cabines dans les gares. Le lendemain, le STRMTG s'est rendu sur le site et après une visite de contrôle approfondie du téléphérique concerné, notamment de son pylône intermédiaire et de son câble tracteur, son exploitation normale a repris à 11h00. Au global et ainsi que le soulignent les témoignages recueillis, cette évacuation du téléphérique de la Bastille s'est déroulée correctement et sa durée n'a dépassé que d'une dizaine de minutes le délai maximal fixé dans le plan de sauvetage de cette installation, conformément à la réglementation, à trois heures et demie à compter de son arrêt. Il est toutefois à noter que ni ce plan de sauvetage, ni les retours d'expérience des exercices annuels ne fournissent des informations sur les durées prévisionnelles d'évacuation en fonction du nombre de passagers et de l'emplacement des cabines. Il est ainsi difficile d'apprécier l'intérêt que présente l'utilisation d'un hélicoptère.
31
1 - Les cinq cabines descendantes immobilisées consécutivement au déraillement du câble tracteur de l'installation
2 - Le début de l'évacuation des deux trains de cinq cabines, par « descendeur » pour l'un et par hélicoptère pour l'autre
3 - L'évacuation par hélicoptère
4 - L'hélitreuillage des passagers
Fig. 12 : L'évacuation des cabines du téléphérique de la Bastille
32
3.5 -
Les compétences du personnel
Le guide technique du service technique des remontées mécaniques et des transports guidés évoqué dans le chapitre 3.4 du présent rapport indique que le chef d'exploitation d'une remontée mécanique est responsable de la gestion du personnel affecté au fonctionnement de l'installation concernée, de la sécurité de ce fonctionnement vis-à-vis des usagers, du personnel et des tiers, ainsi que du respect des prescriptions techniques et de l'organisation technique de l'exploitation. Il lui revient en particulier à ce titre :
de s'assurer que les conducteurs et les agents possèdent les compétences nécessaires à l'exécution des missions qui leur sont confiées ; d'attribuer les postes de travail et les missions en fonction des compétences de ces agents, de contrôler leur activité et d'en garder la trace ; de veiller à la formation initiale et continue de ce personnel.
Les investigations effectuées montrent que le conducteur et le responsable d'astreinte concernés par l'accident analysé dans ce rapport avaient été affectés par le chef d'exploitation à leurs postes de travail respectifs suite, notamment, à des formations et des exercices adaptés. Ils avaient notamment participé aux derniers exercices annuels de sauvetage que la régie du téléphérique de Grenoble - Bastille avait organisés les 25 mars 2013 et 24 mars 2014. Ils disposaient de fiches de poste détaillant leurs missions ainsi que de consignes d'exploitation9 de l'installation explicites. Ils ont, de plus, agi de manière appropriée.
3.6 -
Le retour d'expérience de l'exploitant suite au déraillement
L'exploitant a effectué, sous le contrôle du STRMTG, un retour d'expérience de l'accident considéré dont il ressort :
que si la rafale de vent à l'origine du déraillement n'était pas prévisible, le suivi de la vitesse du vent pourrait cependant être amélioré afin d'anticiper des « vents forts »10 ou des « vents violents ». À cet effet, la vitesse du vent est désormais relevée toutes les heures, au niveau de la gare supérieure et du pylône intermédiaire, alors que les agents ne l'observaient jusqu'alors que deux fois par jour. Par ailleurs, les alarmes « vent fort » sont dorénavant systématiquement consignées ; qu'il n'est pas possible de rallonger les côtés extérieurs des rattrape-câbles installés sur le pylône précité sans entraver le passage des attaches des cabines ; que l'évaluation de la situation créée par le déraillement concerné n'a pas été incohérente même si le câble tracteur aurait pu être remis en place, en effectuant une marche arrière, dans un délai suffisant pour permettre de ne pas évacuer les cabines. Il est prévu qu'à l'avenir la remise en place de ce câble sans évacuer les passagers sera privilégiée ; que l'évacuation s'est correctement déroulée mais que le SDIS a, de fait, pris en main les opérations, en particulier en utilisant l'hélicoptère. Il convient en conséquence de revoir, dans le plan de sauvetage, les responsabilités respectives des différents services susceptibles d'intervenir dans sa mise en oeuvre.
9 Ces consignes, qui ont été délivrées aux agents concernés contre émargement, comprennent le manuel du conducteur qui regroupe l'ensemble du règlement d'exploitation et des consignes de sécurité, le planning d'entretien et trois fiches récapitulant les différentes vérifications à effectuer quotidiennement avant l'ouverture au public du téléphérique concerné. 10 Est considéré comme « vent fort », tout vent dont la vitesse transversale par rapport à l'installation excède 54 km/h pendant moins de trois secondes. Lorsque cette vitesse est dépassée pendant plus de trois secondes, le vent est dit « violent ». La détection d'un « vent fort » ne provoque pas un arrêt automatique de l'installation contrairement à celle d'un « vent violent ». 33
De plus, l'exploitant a indiqué aux enquêteurs du BEA-TT qu'en janvier 2016, le téléphérique de la Bastille sera doté d'un nouvel automate de commande qui permettra :
d'une part, selon trois niveaux d'intensité du vent, de le ralentir automatiquement au moment où des cabines franchissent son pylône intermédiaire ; d'autre part, de différencier l'alarme déclenchée par l'activation des deux barrettes de sécurité équipant un même balancier qui peut être le signe d'un déraillement du câble tracteur de celle, moins exceptionnelle, provoquée par l'actionnement d'une seule de ces barrettes suite à un balancement excessif d'une cabine. Associées à une caméra qui sera installée en gare supérieure et offrira la possibilité de visualiser la tête du pylône concerné, ces nouvelles modalités d'alarme permettront d'évaluer plus rapidement les situations à risque.
34
4 - Déroulement de l'accident et des secours
Le dimanche 29 juin 2014, le téléphérique de la Bastille à Grenoble en Isère est ouvert au public depuis 9h25. Toute cette journée, le temps a été couvert et la vitesse du vent inférieure à 10 km/h avec quelques faibles rafales. À 18h20, le conducteur de ce téléphérique en poste dans sa gare inférieure expédie vers la station supérieure un train de cinq cabines transportant sept passagers. Un train de cinq autres cabines redescend simultanément par la voie parallèle avec 30 passagers à leur bord. Chaque cabine est accrochée par l'intermédiaire de sa suspente à un chariot roulant sur un câble porteur fixe et est tirée par un câble tracteur mobile auquel elle est attachée. À 18h22, les cabines montantes franchissent à la vitesse nominale de 6 m/s le pylône intermédiaire implanté à quelque 525 mètres de la gare inférieure, soit au trois quarts de la distance la séparant de la station supérieure. Au droit de ce pylône, le câble tracteur circule normalement sur deux balanciers, l'un pour la voie montante, l'autre pour la voie descendante, qui comportent chacun dix galets de roulement. Toutefois, lorsque des cabines abordent, en montant ou en descendant, le pylône considéré, le câble tracteur est soulevé au-dessus du balancier correspondant, sur une distance d'environ 20 mètres, afin de permettre à leurs attaches de le franchir. Alors que le train de cinq cabines expédié à 18h20 vers la gare supérieure vient de passer le pylône intermédiaire et que le câble tracteur se rabaisse pour circuler à nouveau sur le balancier de la voie montante, une violente et imprévisible rafale de vent, d'une vitesse transversale atteignant 104 km/h, déporte ce câble vers l'extérieur. Il échappe alors aux trois rattrape-câbles et tombe environ 1,50 mètre en dessous de ce balancier. Enregistrée par l'anémomètre installé sur le pylône intermédiaire, la rafale précitée déclenche, sur le pupitre de commande de l'installation, une alarme « vent violent » qui en provoque l'arrêt automatique. Parallèlement, en tombant sous le balancier susvisé, le câble tracteur actionne deux barrettes de sécurité qui activent également une alarme et entraînent un arrêt immédiat du téléphérique. Les cinq cabines montantes s'immobilisent une dizaine de mètres au-delà du pylône intermédiaire alors que les cinq cabines descendantes s'arrêtent à l'aplomb du quai Perrière qui borde l'Isère. Le conducteur informe immédiatement de cette situation le responsable d'astreinte, le chef d'exploitation n'étant pas de service ce dimanche. Il ferme ensuite la gare inférieure au public et part, à 18h35, en véhicule routier, en direction du pylône intermédiaire afin d'identifier la cause de l'actionnement des barrettes de sécurité qui y sont installées côté montée et, si possible, de réarmer le dispositif de sécurité correspondant. Il est accompagné d'un collègue qui se trouvait fortuitement sur le quai Stéphane-Jay au moment de l'incident. L'agent en fonction dans la gare supérieure reste à son poste. Le responsable d'astreinte rejoint le conducteur au niveau du pylône intermédiaire. Il constate le déraillement du câble tracteur et estime qu'il ne peut pas être remis en place dans un délai raisonnable. À 18h55, soit environ une demi-heure après l'arrêt de l'installation, le responsable d'astreinte décide d'en évacuer les passagers. Il alerte immédiatement le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Isère ainsi que le directeur du téléphérique et le chef d'exploitation qui se rendent sur le site.
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Le service départemental d'incendie et de secours décide alors de mobiliser son hélicoptère en plus des moyens de son pôle « milieu périlleux ». Les agents informent de l'évacuation les sept passagers des cinq cabines montantes arrêtées à proximité du pylône intermédiaire et les rassurent. Ceux des cinq cabines descendantes sont informés de la situation par l'agent en poste dans la gare supérieure qu'ils ont pu joindre en appelant le numéro de téléphone de l'exploitant qui est affiché dans toutes les cabines. Les agents mettent ensuite en place la nacelle de sauvetage de la voie descendante pour le cas où l'utilisation de l'hélicoptère poserait des problèmes. De 19h30 à 21h00, les sept passagers des cinq cabines montantes sont évacués verticalement, à l'aide du dispositif de descente sur corde, par les agents du pôle « milieu périlleux » du service départemental d'incendie et de secours. Après cette évacuation, l'exploitant du téléphérique procède à la remise en place de son câble tracteur. De 19h45 à 22h02, les 30 passagers des cinq cabines descendantes sont évacués par hélitreuillage. L'hélicoptère les dépose au fort de la Bastille d'où ils sont acheminés par un véhicule routier jusqu'à la gare inférieure. Cette évacuation se termine trois heures et quarante minutes après l'arrêt de l'installation alors que le câble tracteur vient juste d'être remis en place. À 23h15, après rangement de la nacelle de sauvetage déployée, l'installation est remise en marche pour rapatrier, à vitesse réduite, les cabines dans les gares. L'exploitation normale du téléphérique de la Bastille est reprise le lendemain de l'accident à 11h00 après que cette installation, notamment son pylône intermédiaire et son câble tracteur, a fait l'objet de contrôles et de vérifications approfondis.
36
5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives
5.1 Le schéma des causes et des facteurs associés
Les investigations conduites permettent d'établir le graphique ci-après qui synthétise le déroulement de l'accident et en identifie les causes et les facteurs associés.
Fig. 13 : Schéma des causes et des facteurs associés
Cette analyse conduit le BEA-TT à rechercher des orientations préventives dans les deux domaines suivants :
le franchissement du pylône intermédiaire du téléphérique de la Bastille par ses cabines ; les procédures de prise de décision d'une mise en oeuvre du plan de sauvetage de cette installation.
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5.2 -
Le franchissement du pylône intermédiaire du téléphérique de la Bastille par ses cabines
La violente rafale de vent qui a provoqué le 29 juin 2014, en fin d'après-midi, le déraillement du câble tracteur du téléphérique de la Bastille, n'était pas prévisible au regard des conditions météorologiques observées à Grenoble ce jour-là. Sous son effet, le câble tracteur qui était levé au-dessus du balancier équipant la voie montante du pylône intermédiaire pour permettre aux cabines se dirigeant vers la station supérieure de le franchir a été déporté vers l'extérieur et a échappé aux trois rattrape-câbles dont ce balancier est doté. Ce câble est alors tombé environ 1,5 mètre en contrebas des galets de roulement du balancier considéré en actionnant les barrettes de sécurité destinées à détecter un déraillement ou un balancement excessif des cabines. Les déclenchements de ces barrettes et de l'alarme « vent violent » ont correctement fonctionné et provoqué simultanément l'arrêt automatique de l'installation. De fait, lorsqu'il se trouve ainsi levé au-dessus de l'un des deux balanciers du pylône considéré, le câble tracteur est particulièrement sensible aux rafales de vent transversal. De plus, les rattrape-câbles destinés à ramener ce câble sur les galets de roulement des balanciers lorsqu'il se rabaisse ont, du côté extérieur au pylône, des dimensions réduites pour permettre aux attaches des cabines de les franchir. La conception de ce téléphérique induit donc, en cas de vent transversal fort, un risque de déraillement de son câble tracteur qui ne présente cependant pas un danger pour ses passagers puisque les cabines demeurent soutenues par le câble porteur de la voie sur laquelle elles circulent. Par ailleurs, l'alarme que déclenche sur le pupitre de commande de ce téléphérique l'actionnement de l'une ou plusieurs des barrettes de sécurité équipant son pylône intermédiaire ne permet actuellement pas de savoir si elle est due à un balancement excessif des cabines ou à un déraillement du câble tracteur. Sans reconsidérer la conception d'ensemble de cette installation, son exploitant, la régie du téléphérique de Grenoble - Bastille, se propose de la doter, en janvier 2016, d'un nouvel automate de commande qui permettra :
d'une part, selon trois niveaux d'intensité du vent, de la ralentir automatiquement au moment où des cabines franchissent son pylône intermédiaire ; d'autre part, de différencier l'alarme déclenchée par l'activation des deux barrettes de sécurité équipant un même balancier qui peut être le signe d'un déraillement du câble tracteur de celle, moins exceptionnelle, provoquée par l'actionnement d'une seule de ces barrettes suite à un balancement excessif d'une cabine. Associées à une caméra qui sera installée en gare supérieure et offrira la possibilité de visualiser la tête du pylône concerné, ces nouvelles modalités d'alarme permettront d'évaluer plus rapidement les situations à risque.
Le BEA-TT en prend acte.
5.3 -
Les procédures de décision d'évacuation du téléphérique de la Bastille
Après s'être rendu sur le pylône intermédiaire pour déterminer la cause du déclenchement des barrettes de sécurité qui avait provoqué l'arrêt du téléphérique concerné et qui empêchait son redémarrage, le responsable d'astreinte a décidé de faire évacuer les passagers présents dans les cabines immobilisées, estimant que même si le câble tracteur pouvait être remis en place en effectuant une marche arrière, la durée de
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cette opération risquait d'être trop longue compte tenu de l'importance du déraillement constaté. Dans les faits, le câble considéré a pu être repositionné sur les galets de roulement du balancier de la voie montante en environ deux heures, durée inférieure à celle qu'a prise l'évacuation des 37 passagers qui se trouvaient à bord des cabines de ce téléphérique. Toutefois, ni le plan de sauvetage, ni les retours d'expérience des exercices annuels, ni un quelconque document opérationnel ne précisent, afin d'aider à évaluer une situation, les durées prévisionnelles d'évacuation du téléphérique considéré en fonction de l'emplacement de ses cabines et du nombre de passagers à leur bord. Le responsable d'astreinte ne disposait, par ailleurs, d'aucune procédure spécifique et n'avait participé à aucune formation adaptée lui permettant de prendre en toute connaissance de cause, seul et dans l'urgence, la décision, au demeurant exceptionnelle, de déclencher ou non le plan de sauvetage. À cet égard, en facilitant la détermination des causes des alarmes émanant des dispositifs de sécurité installés sur le pylône intermédiaire, le nouvel automate de commande dont le téléphérique de la Bastille devrait être doté en janvier 2016, permettra à son chef d'exploitation et aux responsables d'astreinte de disposer, en cas d'incident, de plus de temps pour analyser la situation et prendre, éventuellement, la décision d'en évacuer les passagers. Le BEA-TT invite donc l'exploitant de l'installation concernée, la régie du téléphérique de Grenoble - Bastille à mettre en place des procédures spécifiques et une formation appropriée permettant à ses responsables d'astreinte de prendre en toute connaissance de cause, en cas d'incident, la décision de déployer ou non le plan de sauvetage.
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6 - Conclusions et recommandations
6.1 Les causes de l'accident
La cause directe et immédiate du déraillement du câble tracteur du téléphérique de la Bastille survenu le 29 juin 2014 est la violente et totalement imprévisible rafale de vent, d'une vitesse transversale atteignant 104 km/h, qui s'est produite alors qu'un train de cinq cabines montant vers la gare supérieure venait de franchir le pylône intermédiaire de cette installation et que le câble tracteur concerné, levé au-dessus du balancier correspondant pour permettre ce franchissement, se rabaissait. Déporté vers l'extérieur, ce câble a alors échappé aux trois rattrape-câbles équipant le balancier précité. Cette brusque rafale de vent n'avait été précédée, au cours de la journée concernée, d'aucun phénomène annonciateur. Les deux dispositifs de sécurité destinés à prévenir les conséquences pour l'un, d'un vent violent et pour l'autre, d'un déraillement ou d'un balancement excessif des cabines ont fonctionné correctement. L'évacuation des passagers s'est déroulée sans encombre, pratiquement dans le délai prescrit par la réglementation. Par ailleurs, il est prévu que le téléphérique de la Bastille soit doté, en janvier 2016, d'un nouvel automate de commande qui permettra d'une part, en cas de vent important, de le ralentir automatiquement lorsque des cabines franchissent le pylône intermédiaire et d'autre part, de diagnostiquer plus rapidement la cause, déraillement du câble tracteur ou balancement excessif des cabines, d'un déclenchement des barrettes de sécurité équipant les balanciers.
6.2 -
Les recommandations
En conclusion de cette enquête technique, le BEA-TT ne formule aucune recommandation. Il invite, toutefois, l'exploitant de l'installation concernée, la régie du téléphérique de Grenoble - Bastille à mettre en place des procédures spécifiques et une formation appropriée permettant à ses responsables d'astreinte de prendre en toute connaissance de cause, en cas d'incident, la décision de déployer ou non le plan de sauvetage.
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Annexe : Décision d'ouverture d'enquête
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Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre
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