Rapport d'enquête technique sur la collision entre une rame de tramway et une voiture survenue le 23 avril 2010 à Olivet (45)
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre
Auteur secondaire
Résumé
Le 23 avril 2010, une rame du tramway d'Orléans percute une voiture sur une intersection de la commune d'Olivet. La voiture est poussée et compressée contre un poteau. Le bilan est d'un mort. La voiture est à l'état d'épave; les dommages sur la rame sont limités; la circulation sur une partie de la ligne a été interrompue pendant six heures. L'analyse de cet accident conduit le BEA-TT à formuler trois recommandations préventives portant sur les deux domaines suivants: l'aménagement de l'intersection de la rue de Châteauroux avec la ligne de tramway; la prévention des risques d'aggravation des conséquences des collisions engendrés par la présence d'obstacles fixes, non fusibles, aux abords des carrefours traversés par des lignes de tramway.
Editeur
BEA-TT
Descripteur Urbamet
accident
;transport terrestre
;enquête
;transport de personnes
;tramway
;gestion de la circulation
;sécurité routière
;voiture
Descripteur écoplanete
collision
Thème
Transports
Texte intégral
BEA-TT
Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre
Rapport d'enquête technique sur la collision entre une rame du tramway d'Orléans et une voiture survenue le 23 avril 2010 à Olivet (45)
avril 2012
Ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement
www.developpement-durable.gouv.fr
Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre
Affaire n° BEATT-2010-003
Rapport d'enquête technique sur la collision entre une rame du tramway d'Orléans et une voiture survenue le 23 avril 2010 à Olivet (45)
Bordereau documentaire
Organisme commanditaire : Ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement (MEDDTL) Organisme auteur : Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT) Titre du document : Rapport d'enquête technique sur la collision entre une rame du tramway d'Orléans et une voiture survenue le 23 avril 2010 à Olivet (45) N°ISRN : EQ-BEAT--12-3--FR Proposition de mots-clés : accident, transport guidé, transport en commun de personnes, carrefour, traversée simple, obstacle fixe, signalisation
Avertissement
L'enquête technique faisant l'objet du présent rapport est réalisée dans le cadre du titre III de la loi n°2002-3 du 3 janvier 2002, codifié aux articles L 1621-1 à 1622-2 du code des transports, et du décret n°2004-85 du 26 janvier 2004, relatifs notamment aux enquêtes techniques après accident ou incident de transport terrestre. Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents, en déterminant les circonstances et les causes de l'évènement analysé et en établissant les recommandations de sécurité utiles. Elle ne vise pas à déterminer des responsabilités. En conséquence, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
SOMMAIRE
GLOSSAIRE...................................................................................................................................9 RÉSUMÉ.......................................................................................................................................11 1 - CONSTATS IMMÉDIATS ET ENGAGEMENT DE L'ENQUÊTE...........................................13 1.1 - Circonstances de l'accident.............................................................................................13 1.2 - Bilan humain et matériel...................................................................................................13 1.3 - Engagement et organisation de l'enquête.......................................................................13 2 - CONTEXTE DE L'ACCIDENT................................................................................................15 2.1 - Présentation générale de la ligne de tramway d'Orléans................................................15 2.2 - L'intersection avec la rue de Châteauroux.......................................................................16 2.3 - Les rames de tramway.....................................................................................................19 3 - COMPTE RENDU DES INVESTIGATIONS EFFECTUÉES..................................................21 3.1 - Résumé des témoignages ..............................................................................................21
3.1.1 -Témoignage du conducteur de la rame de tramway.............................................................................21 3.1.2 -Témoignage de deux passagers de la rame de tramway.....................................................................21
3.2 - Les constatations faites sur les matériels, les conducteurs et les installations...............22
3.2.1 -La rame de tramway et son conducteur................................................................................................22 3.2.2 -Le véhicule léger et son conducteur.....................................................................................................23 3.2.3 -L'état des installations et les conditions de visibilité au droit de l'intersection.......................................24
3.3 - L'exploitation de la bande tachymétrique de la rame......................................................25
3.3.1 -La conduite de la rame entre la station « Lorette » et l'intersection......................................................25 3.3.2 -La traversée de l'intersection et le choc................................................................................................26
3.4 - L'analyse du fonctionnement du contrôleur de carrefour................................................27
3.4.1 -Le fonctionnement théorique du contrôleur de carrefour......................................................................27 3.4.2 -La reconstitution du fonctionnement du contrôleur de carrefour lors de l'accident...............................28
3.5 - Le recensement des accidents similaires........................................................................29
3.5.1 -Les accidents antérieurs survenus au droit de l'intersection avec la rue de Châteauroux....................29 3.5.2 -Les enquêtes conduites par le BEA-TT sur des collisions dont les conséquences ont été aggravées par la présence d'un obstacle fixe........................................................................................................30 3.5.3 -Les statistiques nationales sur les collisions avec une rame de tramway dont les conséquences ont été aggravées par la présence d'un obstacle fixe.................................................................................30
3.6 - La prévention des risques présentés par les obstacles fixes..........................................31
3.6.1 -Les recommandations du guide technique du STRMTG......................................................................31 3.6.2 -Les démarches de prévention déployées sur les réseaux existants.....................................................32 3.6.3 -Les obstacles fixes sur le réseau d'Orléans..........................................................................................33
4 - DÉROULEMENT DE L'ACCIDENT ET DES SECOURS.......................................................35 4.1 - La situation avant l'accident.............................................................................................35
4.2 - Le déroulement de l'accident...........................................................................................35 4.3 - Les actions post-accident................................................................................................37 5 - ANALYSE DES CAUSES ET FACTEURS ASSOCIÉS, ORIENTATIONS PRÉVENTIVES.39 5.1 - Le schéma des causes et des facteurs associés............................................................39 5.2 - L'aménagement de l'intersection de la rue de Châteauroux avec la ligne de tramway. .39 5.3 - La prévention des risques d'aggravation des conséquences des collisions engendrés par les obstacles fixes......................................................................................................41
5.3.1 -Les poteaux supports de LAC situés à l'intersection avec la rue de Châteauroux................................41 5.3.2 -La démarche conduite au plan national................................................................................................42
6 - CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS.........................................................................45 6.1 - Les causes de l'accident..................................................................................................45 6.2 - Les recommandations......................................................................................................45 ANNEXES.....................................................................................................................................47 Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête.............................................................................49 Annexe 2 : Influence de la prise de cannabis sur le comportement d'un conducteur.............50 Annexe 3 : Description et avancement de la démarche déployée au plan national pour prévenir les risques liés aux obstacles fixes implantés à proximité des intersections avec des lignes de tramway.............................................................52
Glossaire
AgglO : Communauté d'Agglomération Orléans Val-de-Loire AOT : Autorité Organisatrice des Transports BIRMTG : Bureau Interdépartemental des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés, devenu, depuis le 1er janvier 2011, bureau du STRMTG DSR : Dossier de Sécurité dit « Régularisé » FU : Freinage d'Urgence GLO : Gabarit Limite d'Obstacle, correspondant au gabarit dynamique du matériel roulant augmenté d'une lame d'air de 15 cm IISR : Instruction Interministérielle sur la Signalisation Routière LAC : Ligne Aérienne de Contact PCC : Poste de Commande Centralisé RSE : Règlement de Sécurité de l'Exploitation SETAO : Société d'Exploitation des Transports de l'Agglomération Orléanaise STRMTG : Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés TMJA : Trafic Moyen Journalier Annuel
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Résumé
Le 23 avril 2010, à 12h36, une rame du tramway d'Orléans, circulant en direction du terminus « Hôpital de La Source », percute une voiture à l'intersection avec la rue de Châteauroux située sur la commune d'Olivet (45). Lors du choc, la voiture est projetée ou poussée contre un poteau supportant la ligne aérienne de contact (LAC) et, prise en tenaille entre ce poteau et la rame, est fortement compressée. Le conducteur de la voiture, qui en était l'unique occupant, est transporté dans un état grave au centre hospitalier régional d'Orléans. Il décède 17 jours plus tard des suites de ses blessures. La cause directe de l'accident est le non respect par le conducteur de la voiture du feu de signalisation R11j au rouge depuis au moins 6 secondes lorsque la collision s'est produite. Les raisons pour lesquelles il a franchi ce signal ne peuvent pas être déterminées. L'environnement et l'aménagement de la traversée de la ligne de tramway, qui la rendent peu lisible pour les usagers routiers, ont peut-être pu contribuer à l'accident. En tout état de cause, la présence à proximité immédiate de l'intersection d'un poteau support de la ligne aérienne de contact, contre lequel la voiture a été écrasée, en a aggravé les conséquences. L'analyse de cet accident conduit le BEA-TT à formuler trois recommandations préventives portant sur les deux domaines suivants :
l'aménagement de l'intersection de la rue de Châteauroux avec la ligne de tramway ; la prévention des risques d'aggravation des conséquences des collisions engendrés par la présence d'obstacles fixes, non fusibles, aux abords des carrefours traversés par des lignes de tramway.
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11.1 -
Constats immédiats et engagement de l'enquête
Circonstances de l'accident
Le 23 avril 2010, à 12h36, une rame du tramway d'Orléans, circulant en direction du terminus « Hôpital de La Source », percute une voiture à l'intersection avec la rue de Châteauroux située sur la commune d'Olivet (45). Lors du choc, la voiture est projetée ou poussée contre un poteau supportant la ligne aérienne de contact (LAC) et, prise en tenaille entre ce poteau et la rame, est fortement compressée.
1.2 -
Bilan humain et matériel
Le conducteur de la voiture, qui en était l'unique occupant, est transporté dans un état grave au centre hospitalier régional d'Orléans. Il décède 17 jours plus tard des suites de ses blessures. Le conducteur du tramway a subi un choc émotionnel. Il est également acheminé vers ce centre hospitalier. La voiture est à l'état d'épave. Les dégâts occasionnés à la rame de tramway sont essentiellement limités aux carénages et aux vitrages de son flanc avant gauche. L'accident a nécessité la suspension de la circulation des rames entre la station « Lorette » et le terminus « Hôpital de La Source » pendant six heures. Un service de remplacement par bus a été mis en place.
1.3 -
Engagement et organisation de l'enquête
Compte tenu des circonstances de cet accident, et avec l'accord du ministre chargé des transports, le directeur du bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) a ouvert, le 27 avril 2010, une enquête technique dans le cadre du titre III de la loi no2002-3 du 3 janvier 2002, codifié depuis le 28 octobre 2010 aux articles L. 1621-1 à 1622-2 du code des transports. L'enquêteur technique du BEA-TT s'est rendu sur le site de l'accident et a rencontré les représentants de l'autorité organisatrice des transports, de l'exploitant, du préfet, de la police judiciaire et du bureau interdépartemental des remontées mécaniques et des transports guidés (BIRMTG) Nord-Ouest en charge du contrôle de la sécurité pour le compte du préfet. Il a eu communication de l'ensemble des pièces et documents nécessaires à son enquête, notamment l'enquête de flagrance menée par la brigade des accidents et des délits routiers de la police nationale du Loiret et le rapport réglementaire d'accident notable établi par l'exploitant.
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22.1 -
Contexte de l'accident
Présentation générale de la ligne de tramway d'Orléans
La ligne de tramway de l'agglomération orléanaise s'étend sur une longueur de 18 km et comprend 24 stations. L'autorité organisatrice des transports en est la communauté d'agglomération Orléans Val-de-Loire, usuellement désignée sous l'acronyme « AgglO », qui regroupe 22 communes. Au moment de l'accident, l'exploitation de cette ligne était assurée par la société d'exploitation des transports de l'agglomération orléanaise (SETAO), filiale du groupe Véolia-Transdev, dans le cadre d'une délégation de service public venue à échéance le 31 décembre 2011. Depuis le 1er janvier 2012, cette exploitation incombe à la société Kéolis Orléans Val-de-Loire. La mise en service de la ligne a été autorisée par arrêté préfectoral du 23 novembre 2000. Elle est exploitée de 4h00 à 1h00, avec une fréquence de 5 minutes et demi aux heures de pointe. En 2010, l'exploitant y a recensé 10,1 millions de voyages effectués pour 1,4 millions de kilomètres parcourus par ses rames.
Fig. 1 : Plan de la ligne de tramway 15
La ligne est jalonnée de 86 intersections avec des voies routières, dont :
17 giratoires ou rond-points ; 3 carrefours complexes (carrefours traversés par la ligne de tramway et présentant plus de quatre branches routières) ; 26 carrefours simples (carrefours traversés par la ligne de tramway et comprenant quatre branches routières au plus) ; 31 traversées simples (voies routières coupant la ligne de tramway en dehors d'un carrefour routier) ; 9 accès riverains (accès identifiés et sécants à la ligne de tramway).
39 de ces intersections sont gérées par des feux R11v (feux routiers ordinaires rouge, jaune, vert), 28 par des feux R11j (feux routiers rouge, jaune, jaune clignotant) et 19 par des signaux « stop » ou « cédez le passage ». Ce tramway est conduit à vue et le conducteur doit faire preuve de prévoyance et d'anticipation pour pouvoir arrêter sa rame avant tout obstacle. En outre, les consignes d'exploitation imposent au conducteur de franchir les intersections avec le manipulateur de traction-freinage positionné en léger freinage, position dite « quart freinage » qui permet de limiter les temps de réaction du matériel roulant lorsqu'un freinage fort est commandé.
2.2 -
L'intersection avec la rue de Châteauroux
La rue de Châteauroux est située en bordure du domaine universitaire d'Orléans, dans un environnement boisé. Elle supporte un trafic moyen journalier annuel (TMJA) d'environ 7 500 véhicules par sens, dont 3,2 % de poids lourds. La vitesse y est limitée à 50 km/h et la vitesse moyenne effective des véhicules routiers relevée à proximité de son intersection avec la ligne de tramway avoisine 52 km/h. Cette route offre deux voies de circulation par sens. Un terre-plein de faible largeur, planté d'arbustes, sépare les deux sens de circulation. En revanche, aucune signalisation au sol n'identifie les deux voies de chacune des chaussées. Les accotements de cette route sont herbeux et séparés de la plate-forme roulable par des bordures de trottoir. Le tracé est en « S » au droit de l'intersection avec la ligne de tramway. L'environnement de cette ligne, entre les stations « Lorette » et « Université-Château », est essentiellement végétal, en partie boisé à proximité de l'intersection avec la rue de Châteauroux. Son tracé y est, en outre, en très légère courbe. Une piste piétonne et cycliste longe la plate-forme au nord. Elle en est séparée par une petite haie dans la direction de la station « Lorette » et par une barrière de faible hauteur dans celle du terminus « Hôpital de La Source ». La ligne de tramway et la rue de Châteauroux se croisent selon un angle d'environ 60 degrés. Cette intersection entre dans la catégorie des traversées simples.
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La signalisation dont elle est équipée, est constituée :
côté route par : des feux de signalisation R11j rouge, jaune, jaune clignotant. Les mâts de ces feux, situés à quelques mètres de la voie du tramway, supportent également un panneau d'indication C20c signalant la présence d'une ligne de tramway ;
R11j
·
C20c A17 A9
·
des panneaux de danger A17 et A9, implantés sur un même mât à une centaine de mètres de part et d'autre de l'intersection, avertissant les automobilistes de la présence de feux de signalisation et de la traversée d'une ligne de tramway ;
·
côté voies du tramway par : des signaux lumineux R17, dont les indications lumineuses blanches « horizontal », « disque » et « vertical » ont les mêmes significations que le feu routier classique rouge, jaune, vert.
R17
En direction du terminus « Hôpital de La Source », un poteau support de LAC est implanté à 5 mètres environ du bord de la chaussée, entre les deux voies du tramway.
Fig. 2 : Position du poteau support de LAC
17
Fig. 3 : Plan et photos de l'intersection de la ligne de tramway avec la rue de Châteauroux
18
2.3 -
Les rames de tramway
Le parc de véhicules utilisé pour l'exploitation de la ligne de tramway d'Orléans comprend 22 rames de la gamme Citadis 301 du constructeur Alstom. Ces rames ont une longueur de 29,9 m, une largeur de 2,3 m et une masse à vide de 36,5 t. Elles se composent de 3 caisses articulées, portées par 2 bogies moteurs situés sous les caisses d'extrémité et par un bogie porteur situé sous la caisse centrale. Leur capacité est de 40 places assises et de 136 places debout sur la base d'une moyenne de 4 voyageurs par m². Leur vitesse maximale est de 80 km/h.
Fig. 4 : Photo d'une rame Citadis 301 de la ligne A du tramway d'Orléans
Fig. 5 : Diagramme d'une rame Citadis 301 de la ligne A du tramway d'Orléans
19
33.1 -
Compte rendu des investigations effectuées
Résumé des témoignages
Les résumés présentés ci-dessous sont établis par les enquêteurs techniques sur la base des déclarations orales ou écrites dont ils ont eu connaissance. Ils ne retiennent que les éléments ayant paru utiles pour éclairer la compréhension et l'analyse des événements et pour formuler des recommandations. Il peut exister des divergences entre les différentes déclarations recueillies ou entre ces déclarations et des constats ou analyses présentés par ailleurs.
3.1.1 - Témoignage du conducteur de la rame de tramway
Alors qu'il se trouvait à environ 80 à 100 m du carrefour avec la rue de Châteauroux, le conducteur de la rame accidentée a vu le feu de signalisation R17 dédié au tramway passer au vertical, l'autorisant à franchir l'intersection. Il a poursuivi sa marche en positionnant son manipulateur de traction-freinage au neutre. En regardant sur la gauche, il a vu deux ou trois voitures s'arrêtant à leur feu de signalisation. Il a alors porté son regard sur la droite et a aperçu une voiture arrivant à l'intersection. Il pensait qu'elle allait s'arrêter. Quand il a compris qu'elle ne stopperait pas, il a déclenché un freinage d'urgence en tirant le manipulateur de traction-freinage de sa rame dans sa positon extrême de freinage. L'avant de la rame a percuté la voiture qui a été écrasée contre le poteau support de LAC. Il a alors avisé le poste de commande centralisé (PCC), puis il a été pris en charge par les pompiers et transporté à l'hôpital.
3.1.2 - Témoignage de deux passagers de la rame de tramway
Deux passagers de la rame de tramway ont apporté leur témoignage sur les circonstances de l'accident. Ils se trouvaient tous les deux situés à l'avant de la rame. L'un des passagers a aperçu, sur la gauche, des voitures à l'arrêt devant leur feu de signalisation. Alors que la rame traversait l'intersection, elle a freiné brutalement, lui faisant perdre temporairement l'équilibre, puis le freinage est devenu saccadé. Toujours en regardant sur la gauche, ce passager a alors vu une voiture trainée par la rame du tramway puis écrasée contre le poteau support de LAC autour duquel elle s'est enroulée. Des vitres de la rame ont éclaté sous le choc. L'autre passager a vu la voiture impliquée dans l'accident franchir le feu de signalisation au rouge. Il lui a semblé qu'elle roulait à vive allure et qu'elle a accéléré pour passer avant le tramway. Il n'a pas aperçu d'autres voitures venant de la droite.
21
3.2 -
Les constatations faites sur les matériels, les conducteurs et les installations
Le graphique ci-après reprend les positions de la rame et de la voiture constatées après l'accident.
Fig. 6 : Position de la rame et du véhicule après l'accident
3.2.1 - La rame de tramway et son conducteur
A l'issue de la collision, la rame accidentée s'est arrêtée à 11 mètres de l'intersection, dépassant ainsi d'environ 6 mètres le poteau support de LAC. Aucun de ses bogies n'a déraillé. Elle a subi des dégâts importants :
les éléments de carénage de la cabine de conduite et du bogie avant gauche ont été endommagés ; la première porte voyageurs située du côté gauche a été détériorée et son vitrage s'est brisé ; les deux premières vitres du côté gauche de l'espace voyageurs ont également été détruites et la vitre latérale gauche de la cabine de conduite a été étoilée.
Les structures de la caisse n'ont, en revanche, pas été altérées.
Fig. 7 : Positions de la rame et la voiture
Fig. 8 : Dégâts sur la rame
22
Le conducteur de cette rame au moment de l'accident est âgé de 52 ans et habilité à conduire des tramways depuis mars 2000. Il a effectué trois stages de recyclage en juillet 2004, juillet 2007 et mai 2009. Il n'a pas eu d'accident avant celui-ci au cours des cinq dernières années. Le jour de l'accident, il a commencé son service à 6h40. Les dépistages d'alcoolémie et de consommation de stupéfiants auxquels il a été soumis se sont révélés négatifs.
3.2.2 - Le véhicule léger et son conducteur
La voiture accidentée est un véhicule de marque Renault et de type Clio 2 avec deux portes latérales. Elle a été mise en circulation le 26 novembre 2002. Elle était en bon état apparent et possédait des pneumatiques en excellent état. A l'issue de l'accident, les flancs droit et gauche de la voiture se trouvent comprimés dans l'espace de 45 à 50 cm situé entre la rame et le poteau support de LAC. L'avant et l'arrière de ce véhicule sont relativement moins déformés et ne laissent pas apparaître de traces notables de choc. L'avant de la voiture est dirigé vers l'arrière de la rame. Cette position et ces dégâts laissent supposer que la voiture a été percutée par la rame de tramway au niveau de la portière gauche, qu'elle a été poussée ou projetée le long de la voie de ce tramway, puis qu'elle a percuté le poteau support de LAC au niveau de sa portière droite. Prise en tenaille entre la rame qui avance et ce poteau, elle a pivoté d'un quart de tour et a été comprimée autour du poteau.
Fig. 9 : Dégâts subis par la voiture
Fig. 10 : État de la voiture après la désincarcération du conducteur
23
Le conducteur de la voiture, âgé de 20 ans, était titulaire du permis B. Il était étudiant et rentrait chez lui en empruntant un trajet qui lui était habituel. Le dépistage d'alcoolémie auquel il a été soumis s'est avéré négatif. En revanche, le dépistage de stupéfiants a révélé dans le sang de ce conducteur des traces du principe actif du cannabis (9 THC) ainsi que la présence, à une concentration de 1,2 ng/l, de son principal métabolite non psychoactif (9 THC-COOH). Le conducteur avait vraisemblablement consommé du cannabis entre 24 et 48 heures avant l'accident. L'annexe 2 au présent rapport présente l'état des connaissances sur l'influence de la prise de cannabis sur la conduite routière.
3.2.3 - L'état des installations et les conditions de visibilité au droit de l'intersection
Sur la chaussée sur laquelle la voiture circulait, une infime trace de ripage longue de 4,6 mètres, située au niveau du feu R11j et tournant sur la droite indique qu'elle s'est déportée sur la droite juste avant le choc. Aucun dégât apparent sur les installations fixes n'a été relevé. En particulier, les vérifications effectuées préalablement à la remise en exploitation de la ligne de tramway n'ont montré ni dommage sur le poteau support de LAC, ni dysfonctionnement de la signalisation lumineuse. Par ailleurs, la visibilité du quadrant sud-ouest de l'intersection par les conducteurs du tramway venant de la station « Lorette » est limitée par une végétation dense et non élaguée, comme l'illustre la première photo de la figure 11 ci-après. Suivant l'importance de l'élagage et la période de l'année, cette végétation peut également rendre difficile la perception de la ligne de tramway par les véhicules routiers s'en approchant par le sud, et laisser l'impression que les feux de signalisation ont vocation à ne gérer que les traversées piétonnes qui sont, pour leur part, visibles.
Fig. 11 : L'intersection vue de la route à différents moments de l'année 24
3.3 -
L'exploitation de la bande tachymétrique de la rame
Les rames de tramway sont dotées d'un dispositif enregistrant certains paramètres d'exploitation, et notamment la distance parcourue, la vitesse de la rame, l'activation, par le conducteur, de la traction, du freinage de service ou du freinage d'urgence. Cet enregistreur est communément appelé « bande tachymétrique ».
3.3.1 - La conduite de la rame entre la station « Lorette » et l'intersection
L'exploitation de cette bande tachymétrique depuis la station « Lorette » montre :
que le conducteur a arrêté sa rame pendant 16 secondes à la station « Lorette » pour effectuer son service voyageur ; qu'il en est reparti en plaçant son manipulateur de traction-freinage en position de traction forte jusqu'à ce qu'il ait atteint la vitesse de 50 km/h ; qu'il a ensuite maintenu une vitesse de l'ordre de 50 km/h en positionnant alternativement le manipulateur précité au neutre et en freinage ; qu'il a abordé l'intersection à une vitesse de 48 km/h, inférieure à la vitesse limite autorisée de 50 km/h, et qu'il a positionné son manipulateur dans une position de « quart freinage » conformément aux consignes opérationnelles qui déclinent le règlement de sécurité de l'exploitation (RSE) de cette ligne de tramway.
La figure ci-après détaille la vitesse de la rame et les actions du conducteur en fonction du temps depuis la station Lorette.
vitesse de la rame en fonction du temps
départ de la station "Lorette" Position du m anipulateur : __ traction __ neutre __ freinage zone de choc entre le VL et la rame vitesse (km/h)
60 50 40 30 20 10 0 -40 temps (s) -30 -20 -10 0
klaxon
FU
Fig. 12 : Vitesse de la rame en fonction du temps établie à partir de la bande tachymétrique
25
3.3.2 - La traversée de l'intersection et le choc
Le graphique ci-après représente l'extraction de la bande tachymétrique sur les 50 derniers mètres avant l'immobilisation totale de la rame de tramway.
vitesse de la rame en fonction de la distance
position du poteau support de LAC freinage d'urgence
60
klaxon freinage de service
point d'arrêt de la rame
50
Choc rame / voiture dans l'hypothèse où la voiture roule sur la file de gauche vitesse rame : ~ 38 km/h
40
30
20
10
0 -50
distance (m)
-40
-30
-20
-10
0
Fig. 13 : Vitesse de la rame en fonction de la distance à son point d'arrêt
Il convient tout d'abord de souligner que la très rapide décroissance de la vitesse après l'enclenchement du freinage d'urgence puis la ré-accélération de 24 à 30 km/h, qui apparaissent sur ce graphique, ne traduisent pas la réalité du mouvement de la rame et sont directement liées à la méthode de mesure de la vitesse. En effet, la vitesse enregistrée est déterminée à partir de celle de la rotation des roues, qui est, en général, proportionnelle à la vitesse de déplacement de la rame. Cette proportionnalité est cependant rompue lorsque les roues s'enrayent ou patinent. Il en est notamment ainsi lors d'un freinage d'urgence. Les roues ont tendance à se bloquer et à glisser sur les rails : la vitesse enregistrée est alors inférieure à la vitesse réelle de la rame. Lorsque le dispositif d'anti-enrayage de la rame entre en action, la vitesse mesurée augmente jusqu'à redevenir égale à la vitesse réelle de la rame. Selon que la voiture accidentée roulait sur la file de droite ou sur la file de gauche, deux hypothèses peuvent être faites concernant la localisation du choc et la vitesse de la rame au moment de la collision. L'hypothèse d'une voiture se déplaçant sur la file de droite semble la plus vraisemblable dans la mesure où aucun autre véhicule ne circulait dans son sens. Elle est retenue dans la suite du rapport1. Dans cette hypothèse :
à environ 17 mètres du point de choc et 1,5 secondes avant la collision, le conducteur de la rame de tramway a simultanément actionné son klaxon et freiné plus fortement ; à environ 10 mètres du point de choc et 1 seconde avant la collision, ce conducteur a enclenché le freinage d'urgence en tirant son manipulateur en position extrême de freinage ; le choc a eu lieu alors que la rame avait une vitesse de l'ordre de 35 km/h ;
1
Dans le cas où le conducteur de la voiture aurait circulé sur la file de gauche, les distances et les temps mentionnés seraient respectivement à minorer de 3 mètres et d'un tiers de seconde. La vitesse de la rame au moment du choc serait de l'ordre de 38 km/h.
vitesse (km/h)
Choc rame / voiture dans l'hypothèse où la voiture roule sur la file de droite vitesse rame : ~ 35 km/h
Série1
26
la rame s'est arrêtée 13 mètres après le point de choc, environ 2 secondes après la collision.
La décélération n'est pas constante durant le freinage d'urgence. La décélération moyenne FU s'élève à 3,4 m/s² entre le déclenchement du freinage d'urgence et l'arrêt de la rame. Cette valeur est supérieure à la décélération minimale de 2,85 m/s² spécifiée par l'AOT lors de la commande du matériel roulant, et à la décélération de 3,13 m/s² vérifiée par le constructeur lors de la livraison de la rame n°40.
3.4 -
L'analyse du fonctionnement du contrôleur de carrefour
3.4.1 - Le fonctionnement théorique du contrôleur de carrefour
La signalisation lumineuse de l'intersection considérée est gérée localement par un contrôleur de carrefour. En l'absence de rame, ce contrôleur est dit « à son point de repos » : les feux clignotants jaunes de la signalisation R11j fonctionnent et les feux R17 destinés au tramway sont à « l'horizontal ». Lorsque ce contrôleur détecte le départ d'une rame de la station « Lorette », grâce à une boucle insérée dans la plate forme, il lance alors le cycle de fonctionnement suivant2 :
à t0+16 secondes, les feux R11j passent au jaune fixe ; à t0+21 secondes, les feux R11j passent au rouge ; à t0+24 secondes, le feu R17 passe au « vertical », donnant l'autorisation à la rame de franchir l'intersection (équivalent du vert routier) ; à t0+32 secondes, le feu R17 passe « au disque » (équivalent du jaune routier) pendant 3 secondes à l'issue desquelles ce signal passe à l'horizontal ; à t0+39 secondes, les feux R11j passent au jaune clignotant.
Ce cycle de feux est représenté par le diagramme ci-après :
t (s) R11j
0
5
10
15
20
25
30
35
40
R173
Fig. 14 : Diagramme de fonctionnement de la signalisation lumineuse
Ce cycle a été conçu, à partir d'hypothèses de vitesse des rames, pour que le feu R17 passe au « vertical » 5 secondes avant que les rames abordent l'intersection, afin qu'elles n'aient pas besoin de ralentir. Cependant, certaines rames peuvent avoir de l'avance ou du retard par rapport aux estimations prises en compte. Ce retard ou cette avance est détecté par deux boucles insérées dans la plate-forme et le contrôleur ajuste le cycle de feux en conséquence. Ces boucles sont localisées :
pour la première, dite « intermédiaire », à 80 mètres après la boucle de la station « Lorette ». Le dossier de conception prévoit que les rames franchissent cette boucle
2 3
Dans un souci de lisibilité, le signal d'aide à la conduite, les figurines piétonnes, la présence simultanée de rames sur les deux voies et les situations dégradées n'ont pas été intégrées à la description du fonctionnement. Par commodité, les états « vertical », « disque » et « horizontal » du feu R17 sont représentés par les couleurs vert, jaune et rouge correspondant aux mêmes significations pour un feu routier.
27
10 secondes après leur départ de la station, en admettant qu'elles roulent à 50 km/h ;
pour la seconde, dite « pied de feu », à 291 mètres après la boucle de la station « Lorette », à proximité du feu R17. Le dossier de conception prévoit que les rames abordent cette boucle 17 secondes après avoir franchi la boucle intermédiaire, en admettant qu'elles circulent à 40 km/h.
Cette dernière hypothèse de 40 km/h est inférieure à la vitesse des rames autorisée sur le tronçon. Elles peuvent ainsi aborder l'intersection dans un laps de temps inférieur aux 5 secondes théoriques prévues après que le feu R17 soit passé au vertical.
3.4.2 - La reconstitution du fonctionnement du contrôleur de carrefour lors de l'accident
La bande tachymétrique mentionnée au paragraphe 3.3 permet de connaître les moments auxquels la rame n°40 est passée sur les boucles et d'en déduire l'impact sur le cycle de feux et l'état de la signalisation juste avant l'accident. Ainsi :
la rame n°40 a franchi la boucle intermédiaire 13 secondes après son départ de la station « Lorette », au lieu des 10 secondes théoriquement prévues. Les passages du feu R11j au rouge et du feu R17 au vertical en ont été retardés de 3 secondes ; cette rame a abordé la boucle « pied de feu » avec 3 secondes d'avance par rapport à la durée théorique du trajet parcouru depuis la boucle « intermédiaire ». Le feu R11j étant déjà au rouge et le feu R17 au vertical, cela a eu pour effet de réduire la durée de cette position « verticale ».
Compte tenu de ces éléments, l'état des feux R11j et R17 en fonction de la position de la rame n°40 peut être reconstitué ainsi que le présente le graphique 15 ci-après. L'instant du choc est pris comme référence de temps (t0=0s), sachant qu'il s'écoule de l'ordre d'une seconde entre le moment où la rame passe au droit du feu R17 et le choc.
Fig. 15 : État de la signalisation en fonction de la localisation de la rame
28
Il en ressort notamment que4 : le feu R17 à destination du tramway était au vertical, équivalent du vert routier, au moins 3 secondes avant la collision ; les feux R11j routiers étaient à l'orange fixe au moins 11 secondes avant la collision et au rouge au moins 6 secondes avant celle-ci.
3.5 -
Le recensement des accidents similaires
3.5.1 - Les accidents antérieurs survenus au droit de l'intersection avec la rue de Châteauroux
Sur les neuf dernières années, outre le présent accident, cinq autres collisions entre une rame de tramway et un véhicule routier se sont produites à l'intersection de la rue de Châteauroux avec la ligne de tramway. En nombre de collisions recensées, cette intersection se classe au 21e rang des 86 carrefours jalonnant la ligne considérée. Le nombre moyen d'accidents par an qui y est enregistré est de 0,6, légèrement supérieur à la moyenne nationale qui s'établit à environ 0,4 accident par an et par intersection. Les informations sur les circonstances de ces collisions ne sont disponibles que pour quatre d'entre elles. Elles n'ont, de fait, occasionné que des dégâts matériels. Pour chacune, les investigations réalisées par l'exploitant du tramway ont conclu à un non respect par l'automobiliste du feu routier R11j qui était au rouge. Les caractéristiques essentielles de ces évènements sont synthétisées dans le tableau ci-après.
Lundi 12 décembre 2005 vers 14h30 Samedi 11 février 2006 vers 11h40 Mercredi 10 juin 2009 vers 12h00 Jeudi 6 août 2009 vers 10h45
Date Conditions météorologiques Direction de la rame Provenance de la voiture Localisation des dégâts sur la rame Localisation de dégâts sur la voiture Vitesse de la rame au moment du choc Prise de service du conducteur de la rame Lieu de résidence du conducteur de la voiture
Bonnes Venant de la station « Lorette » Arrivant sur la droite de la rame
Bonnes Allant à la station « Lorette » Arrivant sur la droite de la rame
Bonnes Venant de la station « Lorette » Arrivant sur la droite de la rame
Pluie Venant de la station « Lorette » Arrivant sur la gauche de la rame Avant gauche de la rame Avant de la voiture 23 km/h 4h avant l'accident A 17 km du lieu de l'accident
Avant droit de la rame Avant droit de la rame Avant droit de la rame Non connu 17 km/h 2h avant l'accident A 25 km du lieu de l'accident Avant de la voiture Non connue 4h avant l'accident A 9 km du lieu de l'accident Avant gauche de la voiture 30 km/h 7h avant l'accident A 4 km du lieu de l'accident
Schéma
Fig. 16 : Accidents survenus au droit de l'intersection avec la rue de Châteauroux
4 Il existe nécessairement des incertitudes dans les calculs réalisés. Elles ont, dans toute la mesure du possible, été prises en compte de sorte que les délais mentionnés constituent des minimas. L'enquêteur a chronométré sur site, à trois reprises, le délai séparant le passage du feu R11j au rouge et le passage d'une rame à l'endroit de la collision. Les temps relevés sont de l'ordre de 10 secondes.
29
3.5.2 - Les enquêtes conduites par le BEA-TT sur des collisions dont les conséquences ont été aggravées par la présence d'un obstacle fixe
Le BEA-TT a réalisé deux enquêtes techniques sur des accidents au cours desquels une voiture particulière percutée par une rame de tramway a été écrasée contre un obstacle fixe. Le premier est survenu le 4 juin 2007 dans l'agglomération de Nantes en Loire-Atlantique. La voiture s'était engagée sur un carrefour giratoire malgré la signalisation au rouge. La rame a heurté, à 35 km/h, son flanc droit puis l'a poussée sur une quarantaine de mètres. La voiture a alors percuté un poteau support de LAC, contre lequel elle a été broyée. La passagère de cette voiture, dont les blessures les plus importantes ont été occasionnées par le second choc, est décédée et son conducteur a été grièvement blessé. Le carrefour giratoire concerné avait connu antérieurement 5 autres accidents sur 6 ans. A l'issue de son enquête, le BEA-TT a, notamment, recommandé à l'AOT et à l'exploitant du réseau de tramway concerné de mettre en oeuvre un programme de modification de l'implantation des poteaux supports de LAC situés à proximité des carrefours les plus préoccupants. Le second s'est produit le 8 octobre 2009 à Denain dans la région de Valenciennes dans le Nord. La voiture a traversé la plate-forme du tramway malgré la signalisation au rouge. La rame l'a heurtée à 25 km/h, l'a poussée et écrasée contre un poteau de signalisation lumineuse de trafic. La rame a déraillé, a franchi la voie adjacente et a légèrement empiété sur le quai de la station située à proximité immédiate. La passagère de la voiture a été grièvement blessée. La conductrice et sept occupants de la rame ont été légèrement blessés. La présence du poteau de signalisation non fusible a non seulement aggravé les conséquences corporelles de la collision considérée pour les occupants de la voiture impliquée mais a également contribué au déraillement de la rame de tramway. L'intersection concernée avait connu antérieurement 2 autres accidents sur 2 ans. En conclusion de son enquête, le BEA-TT a, notamment, recommandé à l'AOT d'engager un programme de remplacement préventif des obstacles fixes de la ligne de tramway de Valenciennes ne répondant pas aux caractéristiques techniques ou d'implantation préconisées par le guide technique du service technique des remontées mécaniques et des transports guidés (STRMTG) présenté au paragraphe 3.6.1 du présent rapport.
3.5.3 - Les statistiques nationales sur les collisions avec une rame de tramway dont les conséquences ont été aggravées par la présence d'un obstacle fixe
L'exploitation de la base de données nationale des accidents de tramway tenue par le STRMTG fait apparaître les données suivantes pour la période 2003/2010 :
Années 2003/2010 A) Collisions entre une rame de tramway et un véhicule routier (hors deux roues) B) Dont celles suivies d'un choc du véhicule routier contre un obstacle fixe Ratio (B/A) Nombre de collisions 6472 Nombre de tués 9 Nombre de blessés graves 10 Nombre de blessés légers 1011
16 0,2 %
4 44 %
2 20 %
23 2%
Fig. 17 : Statistiques nationales sur les collisions aggravées par la présence d'un obstacle fixe 30
Les accidents au cours desquels un véhicule routier (hors deux roues) a été poussé ou projeté contre un obstacle fixe après avoir été heurté par une rame de tramway sont relativement peu nombreux. Ils représentent moins de 1 % de l'ensemble des collisions impliquant un tramway et un véhicule routier, deux roues exclus. Ils ont, en revanche, été à l'origine de 44 % des tués et de 20 % des blessés graves survenus lors de telles collisions.
3.6 -
La prévention des risques présentés par les obstacles fixes
3.6.1 - Les recommandations du guide technique du STRMTG
Le STRMTG a édité en avril 2007 un guide technique intitulé « guide d'implantation des obstacles fixes à proximité des intersections tramways / voies routières ». Un obstacle fixe y est défini comme un élément rigide d'une hauteur supérieure à 20 cm par rapport au plan de roulement des véhicules routiers, qui présente un couple résistant supérieur à 570 daN.m. Pour les nouveaux réseaux de tramway, ce guide recommande de n'implanter aucun obstacle fixe dans une zone dont :
la largeur, centrée sur l'entraxe de la voie d'où proviennent les tramways, est égale au gabarit limite d'obstacle (GLO) d'une rame augmenté de trois mètres ; la longueur est égale à la distance d'arrêt d'une rame de tramway possédant les performances de freinage d'urgence prévues par les normes5 et circulant à la vitesse maximale autorisée pour le franchissement de l'intersection. Cette distance d'arrêt « d » tient compte du temps de réaction des dispositifs techniques de la rame, mais n'intègre pas le temps de réaction du conducteur. Elle est mesurée à partir d'un point situé deux mètres en amont de la limite de la chaussée.
Le schéma ci-après illustre la localisation de cette zone.
Fig. 18 : Localisation et dimensions de la zone libre d'obstacle fixe
5 Norme NF-EN 13452-1 relative aux systèmes de freinage des transports publics urbains et suburbains (application ferroviaire) : en freinage d'urgence dit « FU3 » d'un tramway sur fer, le temps maximum de réaction des dispositifs est fixé à 0,85 s et la décélération minimum à 2,8 m/s². La distance d'arrêt est alors d=V²/5,6+0,85V où V est la vitesse de la rame exprimée en m/s, d étant alors exprimé en mètres.
31
La figure 19 précise les dimensions de cette zone pour l'intersection de la rue de Châteauroux avec la ligne du tramway orléanais. Trois poteaux supports de LAC y sont situés.
Fig. 19 : Dimensions de la zone devant demeurer libre d'obstacle fixe à l'intersection de la ligne de tramway orléanaise avec la rue de Châteauroux
Pour les réseaux existant antérieurement à sa date de parution, ce guide technique ne préconise pas une mise en conformité systématique des intersections, mais recommande de rechercher des solutions pour celles présentant des enjeux de sécurité en lien avec les obstacles fixes. Pour ces intersections, il suggère de privilégier des actions sur les aménagements susceptibles de diminuer l'occurrence des accidents avant d'envisager le déplacement des obstacles concernés.
3.6.2 - Les démarches de prévention déployées sur les réseaux existants
En application de l'article 44 du décret n°2003-425 du 9 mai 2003 relatif à la sécurité des transports publics guidés, les autorités organisatrices des transports en charge de lignes de tramway mises en exploitation avant mai 2003 sont règlementairement tenues de présenter au Préfet du département concerné un dossier de sécurité dit « régularisé »6 comprenant, notamment, un diagnostic de sécurité du réseau et, si nécessaire, un programme des modifications à réaliser. La prévention contre les dangers que présentent des obstacles fixes non fusibles à proximité des carrefours constitue l'une des composantes de cette démarche. A cet égard, le STRMTG a défini une méthode destinée à harmoniser les analyses effectuées dans ce domaine. Elle repose sur les principes suivants :
tout obstacle fixe situé dans la zone devant en demeurer libre en application du guide mentionné au paragraphe 3.6.1 et déjà impliqué dans un accident, ou implanté à proximité d'une intersection considérée comme accidentogène, doit faire l'objet d'une action de prévention ;
6
Le contenu du dossier de sécurité dit « régularisé » est précisé à l'article 3 et à l'annexe 4 de l'arrêté du 23 mai 2003 relatif aux dossiers de sécurité des systèmes de transport public guidés urbains.
32
pour les obstacles fixes ainsi identifiés, les actions à envisager par l'AOT et leur échéance doivent être justifiés. Ces actions peuvent être priorisées en fonction de la proximité de l'obstacle par rapport à la chaussée routière, de sa nature, ainsi que de la vitesse maximale de franchissement de l'intersection par les rames.
Dans ce cadre, une intersection est considérée comme accidentogène s'il s'y est produit 1,7 collisions par an en moyenne depuis 2004, ou 3 collisions sur une seule année, ou un accident grave7. L'annexe 3 au présent rapport détaille l'état d'avancement de la mise en oeuvre de cette démarche dans les différents réseaux devant faire l'objet d'un dossier de sécurité dit « régularisé ». Pour les lignes de tramway dont la mise en exploitation est intervenue entre mai 2003, date de publication du décret précité, et avril 2007, date de parution du guide technique, des exigences proches de celles contenues dans le guide technique, au moins pour les poteaux supports de LAC, ont été appliquées.
3.6.3 - Les obstacles fixes sur le réseau d'Orléans
L'exploitant du réseau d'Orléans a recensé, sur la ligne de tramway, 89 obstacles fixes localisés dans une zone devant demeurer libre de tels obstacles. 62 d'entre eux sont des poteaux supports de la ligne aérienne de contact. Ils représentent 8 % des 784 poteaux de ce type implantés le long de la ligne de tramway considérée. L'exploitant a défini un indicateur visant à apprécier les enjeux de sécurité que présente un obstacle fixe. Il s'appuie sur les quatre critères définis dans le tableau ci-après.
Visibilité réciproque entre les rames et les véhicules routiers Distance manquante par rapport à une localisation hors de la zone devant demeurer libre d'obstacle définie au §3.6.1 Type d'intersection Trafic routier
bonne 1 < 50% 1 autre 1 faible 1
mauvaise 3 50 à 69% 2 giratoire 2 moyen 2 70 à 85% 3 simple 3 fort 3 > 85% 4
Fig. 20 : Critères et notes permettant d'apprécier la dangerosité d'un obstacle fixe définis par l'exploitant du réseau d'Orléans
La criticité d'un obstacle fixe situé dans une zone devant en demeurer libre est évaluée en multipliant les notes attribuées à chacun de ces critères8. Plus cet indicateur est élevé, plus l'obstacle est considéré comme présentant un danger potentiel.
7 8 Un accident est considéré comme grave s'il a occasionné un tué ou un blessé grave ou plus de cinq victimes ou des conséquences matérielles importantes. L'exploitant n'a volontairement pas retenu l'accidentalité des carrefours comme critère considérant que la modification récente des boucles de détection et des cycles de feux de ces carrefours en diminuait la pertinence.
33
Le poteau support de LAC incriminé dans l'accident analysé dans le présent rapport est ainsi noté 18. Le tableau ci-après donne la répartition des poteaux supports de LAC de la ligne de tramway d'Orléans en fonction de l'indicateur susvisé.
Niveau de l'indicateur défini par la SETAO Nombre de poteaux supports de LAC
de 1 à 5 23
de 6 à 10 13
de 11 à 15 16
> 16 10
Fig. 21 : Répartition des poteaux supports de LAC recensés en fonction du niveau de l'indicateur défini par la SETAO
L'autorité organisatrice des transports du réseau de tramway orléanais envisage, à ce jour, de traiter les obstacles fixes présentant un indice supérieur ou égal à 12. La démarche engagée à Orléans est donc différente de celle proposée par le STRMTG et décrite au paragraphe 3.6.2. Elle conduit à considérer certains poteaux supports de LAC implantés dans des intersections peu accidentogènes comme critiques et devant faire l'objet d'un traitement et, inversement, à ne pas retenir d'autres poteaux situés à proximité d'intersections accidentogènes. D'autres réseaux de tramway utilisent en la matière des méthodes d'évaluation différentes de celle préconisée par le STRMTG. Ainsi le réseau de Rouen met en oeuvre une méthode proche de celle d'Orléans et celui de Nantes priorise ses actions en fonction de l'énergie cinétique estimée au point d'impact, de l'accidentologie de l'intersection et de la complexité des travaux à réaliser.
34
44.1 -
Déroulement de l'accident et des secours
La situation avant l'accident
Le jour de l'accident, le ciel était clair, la chaussée et les rails étaient secs. A l'heure de l'accident, la position du soleil n'était pas de nature à entrainer un éblouissement direct ni d'autres phénomènes susceptibles d'affecter la perception de la signalisation lumineuse. Le conducteur de la rame n°40 a pris son service à 6h40. Le conducteur de la voiture, une Renault Clio, rentrait chez lui après avoir achevé ses cours à l'université.
4.2 -
Le déroulement de l'accident
L'accident a eu lieu à 12h35 selon la chronologie reconstituée suivante :
30 secondes avant la collision, la rame de tramway quitte la station « Lorette ». 80 à 90 personnes sont présentes à son bord. En libérant la boucle de détection, elle déclenche le cycle des feux situés à l'intersection avec la rue de Châteauroux afin de disposer d'une priorité de passage en toute sécurité ;
Fig. 22 : 30 secondes avant le choc
11 secondes avant la collision, les feux routiers R11j, alors au jaune clignotant, passent au jaune fixe. La rame est à 130 mètres de l'intersection, à une vitesse de 50 km/h ;
Fig. 23 : 11 secondes avant le choc
6 secondes avant la collision, les feux routiers R11j passent au rouge. La rame est à 60 mètres de l'intersection, à une vitesse constante de 48 km/h. La végétation ne permet pas à son conducteur d'apercevoir la voiture Renault Clio qui approche du carrefour en venant de sa droite. Sur la base d'une vitesse de 50 km/h, cette voiture devait alors se situer à plus de 80 mètres de l'intersection ;
35
Fig. 24 : 6 secondes avant le choc
3 secondes avant la collision, le feu R17 dédié au tramway passe au « vertical », autorisant la rame à franchir l'intersection. Elle est alors à 20 mètres de l'intersection, à la même vitesse de 48 km/h, et son conducteur a positionné son manipulateur de traction/freinage en léger freinage conformément à ses consignes de conduite. Sur la gauche de la rame, des voitures sont arrêtées devant le feu de signalisation au rouge ;
Fig. 25 : 3 secondes avant le choc
entre 2 et 1,5 secondes avant l'accident, le conducteur de la rame de tramway constate que la Renault Clio ne ralentit pas. Il actionne son avertisseur sonore et freine plus fortement ; 1 seconde avant la collision, ce conducteur déclenche le freinage d'urgence en tirant le manipulateur de traction/freinage sur sa position extrême. La Renault Clio accélère ; Juste avant la collision, la Renault Clio tente une manoeuvre d'évitement en se déportant sur la droite. La rame, alors à environ 35 km/h, la percute vraisemblablement au niveau de sa portière gauche. La voiture est projetée ou poussée le long de la voie du tramway. Elle percute un poteau support de LAC et ses flancs, pris en tenaille entre ce poteau et la rame qui avance, s'écrasent fortement ;
Fig 26. : choc
2 secondes après la collision, la rame s'arrête. L'avant de sa cabine de conduite est à 6 mètres en aval du poteau support de LAC.
36
4.3 -
Les actions post-accident
Immédiatement après l'accident, le conducteur de la rame a appelé le poste de commandement centralisé (PCC) de la ligne de tramway, qui a alerté les pompiers et les forces de l'ordre. Les secours sont arrivés 5 minutes plus tard et ont administré les soins médicaux au conducteur de la Renault Clio, alors conscient. Pour permettre sa désincarcération, l'exploitant et le constructeur de la rame, après avoir procédé à la coupure de l'alimentation électrique de la ligne à 13h10 et à son « perchage9 » à 13h50, ont levé l'avant de la rame, l'ont déplacée latéralement de 60 centimètres, puis l'ont tractée hors de la zone de l'accident grâce à deux engins rail-route. Le conducteur de la voiture a été dégagé à 16h45 et emmené au centre hospitalier régional d'Orléans-La Source. La ligne de tramway a été exploitée jusqu'à 18h40 avec un terminus provisoire situé à la station « Lorette ». Un service de bus a assuré un transport de substitution entre cette station et le terminus « Hôpital de La Source ».
Fig 27 : Opérations d'écartement de la rame
Fig 28 : Opérations d'éloignement de la rame
La rame accidentée a été remorquée jusqu'au dépôt à l'aide d'un véhicule rail-route à partir de 17h45. La vérification de l'état de la voie et des installations, ainsi que le passage d'une rame test à faible vitesse se sont achevés à 18h00. L'exploitation du tronçon entre la station « Lorette » et le terminus « Hôpital de La Source » a repris à 18h40. A la suite de l'accident, la communauté d'agglomération Orléans Val-de-Loire (AgglO) a fait élaguer la végétation se trouvant à l'intersection afin d'améliorer la visibilité réciproque des véhicules routiers et des rames de tramway. L'exploitant a mené, en lien avec l'université, des actions de sensibilisation des étudiants du campus aux risques liés à la circulation des rames de tramway. La communauté d'agglomération envisage, en outre, de modifier, au deuxième trimestre 2012, l'aménagement et les conditions de franchissement du carrefour entre la rue de Châteauroux et la ligne de tramway en y réduisant la largeur des chaussées routières, en y installant des ralentisseurs et en y limitant à 30 km/h la vitesse maximale des rames de tramway.
9
Le « perchage » consiste à relier électriquement, à l'aide d'une perche, la ligne aérienne de contact à l'un des rails, afin d'éviter toute électrocution des intervenants en cas de réalimentation intempestive de la ligne.
37
5 - Analyse des causes et facteurs associés, orientations préventives
5.1 Le schéma des causes et des facteurs associés
Les investigations conduites permettent d'établir le graphique ci-après qui synthétise le déroulement de l'accident et en identifie les causes et les facteurs associés.
Fig. 29 : Schéma des causes et des facteurs associés
Cette analyse conduit le BEA-TT à rechercher des orientations préventives dans les deux domaines suivants :
l'aménagement de l'intersection de la rue de Châteauroux avec la ligne de tramway ; la prévention des risques d'aggravation des conséquences des collisions engendrés par des obstacles fixes.
5.2 -
L'aménagement de l'intersection de la rue de Châteauroux avec la ligne de tramway
Rappel Le conducteur de la Renault Clio connaissait les lieux, roulait à vive allure selon un témoignage, a franchi le feu R11j alors au rouge depuis au moins 6 secondes et a tenté une manoeuvre d'évitement au dernier moment en voyant la rame de tramway arriver.
39
Analyse Le conducteur s'est, à l'évidence, engagé dans le carrefour malgré un feu de signalisation au rouge. Les raisons pour lesquelles il a franchi ce feu ne peuvent pas être déterminées. L'environnement et l'aménagement de l'intersection ont peut-être pu favoriser ce comportement. En effet :
en approche, cette intersection n'est perceptible par les conducteurs routiers que par la présence de la signalisation avancée et par la vision au loin des feux de signalisation. En particulier, aucun aménagement ne créé une rupture dans l'environnement ou la géométrie de la voie, ni ne contraint les automobilistes à réduire leur vitesse. Cette lisibilité médiocre ne permet pas une complète évaluation des risques que présente la traversée de la ligne de tramway ; la végétation non taillée constituait à l'époque de l'accident un masque visuel qui limitait les conditions de visibilités réciproques des conducteurs des rames de tramway et des conducteurs des véhicules routiers ; les vitesses maximales autorisées de franchissement de l'intersection par les rames comme par les voitures sont de 50 km/h. Elles se situent dans la fourchette haute des vitesses habituellement pratiquées dans des configurations similaires. L'énergie à dissiper lors d'une collision s'en trouve accrue ; compte tenu de la programmation du cycle de feux équipant le carrefour et de la conduite relativement similaire des conducteurs du tramway dans cet environnement homogène, le temps entre le moment où les feux routiers passent au rouge et celui où la rame aborde l'intersection est quasi systématiquement de 6 à 10 secondes. Les habitués des lieux savent donc pouvoir franchir sans risque l'intersection lorsque les feux passent au rouge ;
En outre, les feux R11j, qui présentent un feu jaune clignotant à la place du vert, constituent un signal ambigu pour l'usager routier : d'une part, le passage du jaune clignotant au jaune fixe est moins aisément perceptible et d'autre part, lorsque la signalisation lumineuse dysfonctionne et que tous les feux routiers sont en conséquence au jaune clignotant, les automobilistes n'y voient pas nécessairement une situation de danger supplémentaire. De fait, l'instruction interministérielle sur la signalisation routière (IISR) recommande de ne recourir aux feux R11j que dans des situations exceptionnelles dûment justifiées10. Piste de prévention Le BEA-TT émet donc la recommandation suivante : Recommandation R1 (Communauté d'agglomération Orléans Val-de-Loire) : Achever l'étude de réaménagement de l'intersection de la rue de Châteauroux avec la ligne de tramway, réaliser les travaux correspondants dans les meilleurs délais et en suivre l'efficacité sur l'accidentalité. Le réaménagement devra notamment permettre d'améliorer la perception de l'intersection par les usagers de la route, d'accroitre la visibilité réciproque entre les rames et les véhicules routiers, de réduire leur vitesse d'approche et d'optimiser le cycle des feux. De plus, les signaux routiers R11j qui y sont actuellement implantés devront être remplacés par des feux R11v sauf justification particulière.
10 Article 109-3 A R11 et article 110-1, paragraphe 4) de l'instruction interministérielle sur la signalisation routière.
40
5.3 -
La prévention des risques d'aggravation des conséquences des collisions engendrés par les obstacles fixes
5.3.1 - Les poteaux supports de LAC situés à l'intersection avec la rue de Châteauroux
Rappel Après que la rame l'a percutée, la voiture a été projetée ou poussée contre l'un des poteaux supports de LAC implantés à proximité immédiate de l'intersection concernée. Elle a, ensuite, été écrasée au fur et à mesure de l'avancée de la rame. Les blessures causées au conducteur par cet écrasement ont entrainé son décès. Analyse Parmi les six collisions entre une rame et un véhicule routier survenues au droit de cette intersection, cinq au moins laissent penser que le conducteur routier n'a pas respecté la signalisation lumineuse le concernant, volontairement ou par inattention. Les améliorations devant être apportées à l'aménagement du carrefour permettront de limiter ce risque, mais ne pourront pas le supprimer totalement. En particulier, le temps relativement homogène entre le moment où le feu routier passe au rouge et le moment où la rame aborde l'intersection demeurera une incitation à un franchissement indu. La communauté d'agglomération Orléans Val-de-Loire envisage de réduire le nombre de voies routières au droit de l'intersection, ce qui devrait éloigner la chaussée des poteaux supports de LAC existants. Elle envisage également de ramener à 30 km/h la vitesse de franchissement de l'intersection par les rames, ce qui réduira leur distance d'arrêt lors d'un freinage d'urgence. Malgré ces mesures, le poteau support de LAC mis en cause dans l'accident analysé dans le présent rapport restera dans la zone devant demeurer libre d'obstacle fixe, telle que le guide du STRMTG mentionné au paragraphe 3.6.1 la définit. Dans cet environnement particulier, une limitation plus importante de la vitesse de franchissement de l'intersection par les rames apparaît peu crédible. De fait, seule une augmentation des distances entre la chaussée et les poteaux supports de LAC permettrait d'éviter que leur présence puisse aggraver les conséquences des collisions. Piste de prévention Cette analyse conduit le BEA-TT à formuler la recommandation suivante : Recommandation R2 (Communauté d'agglomération Orléans Val-de-Loire) : Augmenter les distances entre la chaussée routière et les poteaux supportant la ligne aérienne de contact situés à proximité de l'intersection de la ligne de tramway avec la rue de Châteauroux afin que ces poteaux ne soient plus susceptibles d'aggraver les conséquences d'une collision entre une rame et un véhicule routier.
41
5.3.2 - La démarche conduite au plan national
Rappel Les statistiques nationales font ressortir que si moins de 1 % des collisions entre une rame de tramway et un véhicule routier, hors deux roues, est aggravé par la présence d'un obstacle fixe non fusible, le nombre de personnes qui sont tuées ou grièvement blessées dans de tels accidents est proportionnellement beaucoup plus important. Ils engendrent, en effet, 44 % des personnes tuées et 20 % des personnes grièvement blessées lors de collisions impliquant une rame de tramway et une voiture, un autocar ou un camion. Analyse Pour les lignes de tramway récemment mises en service ou pour les futures lignes, la mise en oeuvre des préconisations formulées en 2007 par le STRMTG sur la localisation des obstacles fixes permet d'éviter que leur implantation aggrave les conséquences d'une collision. Sur les réseaux dont la mise en exploitation est plus ancienne, de nombreux obstacles fixes sont situés dans des zones où un tel risque existe. A titre d'exemple, il en a été recensé 89 le long de la ligne du tramway d'Orléans, dont 62 poteaux supports de LAC, 155 sur le réseau exploité par la RATP, dont 72 poteaux supports de LAC, 217 à Rouen dont 93 poteaux supports de LAC, 43 sur le réseau de Lille dont 29 poteaux supports de LAC. Certains de ces obstacles fixes, tels que les supports de signalisation, peuvent facilement être remplacés par des dispositifs fusibles. Il n'en est pas de même d'autres obstacles et, tout particulièrement, des poteaux supports de LAC qui représentent un réel enjeu au regard de leur nombre, de la complexité technique de leur déplacement et du coût cette opération. Un traitement préventif de la totalité de ces obstacles fixes sur les réseaux concernés est donc illusoire. Dans ce contexte, et compte tenu du faible pourcentage de collisions impliquant un obstacle fixe, la qualité de la méthode à appliquer pour déterminer ceux à traiter préventivement est donc essentielle. La méthode déployée au plan national, dont les principes sont détaillés dans l'annexe 3 au présent rapport, vise les intersections dites « accidentogènes » au sens où plusieurs accidents de toute nature, notamment graves, s'y sont déjà produits. Or, à la lumière de l'accident analysé, ce seul critère n'apparaît pas suffisant pour identifier les obstacles fixes à traiter. En effet, certains de ces obstacles peuvent présenter une dangerosité particulière au regard, notamment, des caractéristiques et des conditions de fonctionnement des intersections à proximité desquelles ils sont implantés alors même que ces intersections ne sont aujourd'hui marquées que par une incidentalité faible. Certaines autorités organisatrices des transports ont ainsi développé des méthodes d'analyse multicritère qui prennent en compte d'autres facteurs que l'accidentalité d'ores et déjà enregistrée. Piste de prévention Le BEA-TT adresse donc au service technique des remontées mécaniques et des transports guidés la recommandation suivante :
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Recommandation R3 (STRMTG) : Affiner la méthode déployée au plan national pour identifier, sur les lignes de tramway mises en exploitation avant mai 2003, les obstacles fixes devant prioritairement faire l'objet d'actions de prévention afin de réduire les risques qu'ils présentent en cas de collisions. Dans ce cadre, élargir, au-delà de la seule accidentalité, les critères permettant d'apprécier la dangerosité particulière d'une intersection au regard des obstacles fixes non fusibles implantés à sa proximité.
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66.1 -
Conclusions et recommandations
Les causes de l'accident
La cause directe de l'accident est le non respect par le conducteur de la voiture du feu de signalisation R11j au rouge depuis au moins 6 secondes lorsque la collision s'est produite. Les raisons pour lesquelles il a franchi ce signal ne peuvent être pas déterminées. L'environnement et l'aménagement de la traversée de la ligne de tramway, qui la rendent peu lisible pour les usagers routiers, ont peut-être pu contribuer à l'accident. En tout état de cause, la présence, à proximité immédiate de l'intersection d'un poteau support de la ligne aérienne de contact (LAC), contre lequel la voiture a été écrasée, en a aggravé les conséquences.
6.2 -
Les recommandations
Au vu de ces éléments, le BEA-TT formule les trois recommandations suivantes : Recommandation R1 (Communauté d'agglomération Orléans Val-de-Loire) : Achever l'étude de réaménagement de l'intersection de la rue de Châteauroux avec la ligne de tramway, réaliser les travaux correspondants dans les meilleurs délais et en suivre l'efficacité sur l'accidentalité. Le réaménagement devra notamment permettre d'améliorer la perception de l'intersection par les usagers de la route, d'accroitre la visibilité réciproque entre les rames et les véhicules routiers, de réduire leur vitesse d'approche et d'optimiser le cycle des feux. De plus, les signaux routiers R11j qui y sont actuellement implantés devront être remplacés par des feux R11v sauf justification particulière.
Recommandation R2 (Communauté d'agglomération Orléans Val-de-Loire) : Augmenter les distances entre la chaussée routière et les poteaux supportant la ligne aérienne de contact situés à proximité de l'intersection de la ligne de tramway avec la rue de Châteauroux afin que ces poteaux ne soient plus susceptibles d'aggraver les conséquences d'une collision entre une rame et un véhicule routier.
Recommandation R3 (STRMTG) : Affiner la méthode déployée au plan national pour identifier, sur les lignes de tramway mises en exploitation avant mai 2003, les obstacles fixes devant prioritairement faire l'objet d'actions de prévention afin de réduire les risques qu'ils présentent en cas de collisions. Dans ce cadre, élargir, au-delà de la seule accidentalité, les critères permettant d'apprécier la dangerosité particulière d'une intersection au regard des obstacles fixes non fusibles implantés à sa proximité.
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ANNEXES
Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête Annexe 2 : Influence de la prise de cannabis sur le comportement d'un conducteur Annexe 3 : Description et avancement de la démarche déployée au plan national pour prévenir les risques liés aux obstacles fixes implantés à proximité des intersections avec des lignes de tramway
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Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête
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Annexe 2 : Influence de la prise de cannabis sur le comportement d'un conducteur
Le dépistage du cannabis
Le cannabis est généralement détecté dans le sang, dans les urines ou la salive. L'agent psychoactif majeur se transforme rapidement dans l'organisme pour aboutir à un métabolite qui n'est pas psychoactif :
l'agent actif principal du cannabis est le 9-transtétrahydrocannabinol (dénommé ciaprès THC), substance psychoactive qui est rapidement métabolisée en 11-hydroxy-tétrahydrocannabinol (dénommé ci-après 11-OH-THC) également psychoactif. Les niveaux dans le sang de ces deux substances décroissent rapidement ; le 11-OH-THC est ensuite oxydé en 11-nor 9-carboxy-9-tétrahydrocannabinol (dénommé ci-après THC-COOH), le principal métabolite qui est généralement détecté et qui, lui, n'est pas psychoactif.
Le niveau de concentration de THC dans le sang augmente rapidement pour atteindre un pic au bout de 7 à 10 minutes après l'inhalation. Il a déjà chuté d'un tiers de sa valeur maximum 10 minutes après la fin de la cigarette. Il se situe entre 5 % et 10 % de la valeur initiale au bout d'une heure et avoisine des valeurs proches des limites de détection deux heures après (de l'ordre du ng*). Les effets psychiques obtenus après une consommation isolée durent environ 2 heures. Mais globalement, les effets peuvent durer de 2 à 10 heures suivant les individus et les doses absorbées. Le THC-COOH est décelable dans le sang dans les minutes qui suivent la consommation et dans l'urine dans les 30 minutes. Il peut rester présent dans le sang, et donc être détecté, plusieurs heures après la consommation de cannabis et dans les urines plusieurs jours, même si les effets psychoactifs ont pu entretemps disparaître.
État des connaissances sur l'influence de la prise de cannabis sur la conduite routière
L'étude française « Stupéfiants et accidents mortels de la circulation routière » réalisée en 2005 apporte sur ces questions des éléments de réponse particulièrement intéressants. Cette étude a porté sur 10 748 conducteurs impliqués dans 7 458 accidents mortels. Parmi les 10 748 conducteurs de l'étude, il en a été dénombrés 853 (7,9 %) positifs aux stupéfiants dont 751 au cannabis (7 % du total). Sur ces conducteurs positifs au cannabis, 301 présentaient également une alcoolémie supérieure au taux légal. Les autres familles de stupéfiants étaient beaucoup moins souvent présentes : 50 conducteurs étaient positifs aux amphétamines, 22 à la cocaïne et 91 aux opiacés. L'étude a montré que les conducteurs sous l'influence du cannabis ont 1,8 fois plus de risques d'être responsables d'un accident mortel que les conducteurs qui ne le sont pas.
*
ng = nanogramme = 10-9 g
50
En outre, elle a montré que les effets du cannabis et de l'alcool se cumulent. Les conducteurs à la fois sous l'influence du cannabis et de l'alcool ont 14 fois plus de risques d'être responsables d'un accident mortel que les conducteurs qui ne sont sous l'influence ni du cannabis, ni de l'alcool, alors que le sur-risque attaché au cannabis seul est de 1,8 et que celui attaché à l'alcool seul est de 8,5. En effet, la prise combinée d'alcool et de cannabis aggrave considérablement les effets (difficulté de contrôler une trajectoire, mauvais réflexes en situation d'urgence, etc) même si l'alcool a été consommé à faible dose. Pour les conducteurs sous l'emprise de stupéfiants et d'alcool, l'analyse fait globalement ressortir l'importance des accidents du type « perte de contrôle ». Ces accidents renvoient quasiment tous à des mécanismes de défaillance similaires : une dégradation globale des capacités de conduire, tant sur le plan des informations à recueillir, des traitements à opérer, des décisions à prendre que des actions à entreprendre. On considère généralement que la présence du THC dans le sang au dessus de 1 ou 2 ng/ml atteste une consommation récente de cannabis pouvant perturber les facultés du conducteur, tandis que la présence de THC-COOH dans le sang ou dans les urines révèle une consommation pouvant remonter à plusieurs jours, voire plusieurs semaines, sans lien avec d'éventuels effets sur le comportement de conduite. Dans les urines le THC est décelable jusqu'à 2 jours après la prise en cas d'usage récréatif et 7 jours en cas d'usage chronique. Par ailleurs, d'autres études ont montré que le THC est stocké dans les graisses, les cellules du cerveau, etc. Ce stockage explique que les effets du cannabis peuvent se poursuivre près de 24 heures après la consommation. Ainsi, une expérience américaine, menée sur 10 pilotes professionnels s'entraînant sur simulateur de vol a montré que, 24 heures après avoir consommé du cannabis, ils commettaient des erreurs grossières de pilotage et occasionnaient des crashs. Pourtant ceux-ci se sentaient en pleine possession de leurs moyens. Cette expérience illustre certains effets du cannabis : baisse de l'attention et de la concentration, modification de la motricité et de la coordination, difficultés d'appréciation de situations gênantes.
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Annexe 3 : Description et avancement de la démarche déployée au plan national pour prévenir les risques liés aux obstacles fixes implantés à proximité des intersections avec des lignes de tramway
Quelques définitions :
Un obstacle fixe est un élément rigide d'une hauteur supérieure à 20 cm par rapport au plan de roulement des véhicules routiers, qui présente un couple résistant supérieur à 570 daN.m. Une intersection est considérée comme accidentogène s'il s'y est produit 1,7 collisions par an en moyenne depuis 2004, ou 3 collisions sur une seule année, ou un accident grave. Un accident est considéré comme grave s'il a occasionné un tué ou un blessé grave ou plus de cinq victimes ou des conséquences matérielles importantes.
Description de la méthode de prévention définie par le service technique des remontées mécaniques et des transports guidés (STRMTG)
Le STRMTG a défini une méthode visant à prendre en compte dans les dossiers de sécurité « régularisés » (DSR) que les autorités organisatrices des transports en charge de réseaux de tramway mis en exploitation avant mai 2003 doivent produire, les risques que peuvent présenter les obstacles fixes implantés à proximité des carrefours traversés par des lignes de tramway. Cette méthode s'articule autour des quatre phases suivantes :
phase 1 : le recensement des obstacles fixes présents dans les zones devant en demeurer libres telles qu'elles sont définies dans le guide technique « d'implantation des obstacles fixes à proximité des intersections tramways/voies routières » ; phase 2 : l'identification des obstacles qui ont déjà aggravé les conséquences d'une collision ou qui sont situés à proximité d'une intersection accidentogène ; phase 3 : la hiérarchisation des obstacles ainsi identifiés, selon leur proximité de l'intersection ou du gabarit limite d'obstacle, selon leur nature, selon la vitesse de franchissement par les rames de l'intersection concernée ; phase 4 : l'établissement et la justification d'un programme d'actions visant à traiter les risques présentés par les obstacles ainsi identifiés et hiérarchisés.
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État des lieux
Le tableau ci-après identifie pour chacun des réseaux devant faire l'objet d'un dossier de sécurité dit « régularisé », d'une part, le nombre d'obstacles fixes situés dans la zone devant en demeurer libre et, d'autre part, le nombre de ces obstacles dont le traitement est considéré comme prioritaire.
État des lieux Réseaux faisant l'objet d'un DSR Nombre d'obstacles fixes recensés Total Grenoble Ile-de-France Lille Lyon Montpellier Nancy Nantes Orléans Rouen Saint-Étienne Strasbourg 45 155 43 139 29 79 336 89 217 89 235 Dont poteaux LAC 10 72 29 16 14 26 206 62 93 10 34 Nombre d'obstacles fixes devant être traités prioritairement Total Non défini 42 Non défini 21 12 26 62 24 33 0 Non défini Dont poteaux LAC Non défini 16 Non défini 0 6 13 62 24 19 0 Non défini Selon méthode STRMTG Selon méthode STRMTG Selon méthode STRMTG Selon méthode propre Selon méthode propre Selon méthode propre Selon méthode STRMTG Selon méthode STRMTG Remarques
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BEA-TT - Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre Tour Voltaire 92055 - La Défense cedex Tél. : 33 (0)1 40 81 21 83 - Fax : 33 (0)1 40 81 21 50 cgpc.beatt@developpement-durable.gouv.fr www.bea-tt.developpement-durable.gouv.fr
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