Rapport d'enquête technique sur le déraillement d'un train de voyageurs 17417 Briançon-Aix-en-Provence survenu le 9 novembre 2007 à Pertuis (84)
Auteur moral
France. Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre
Auteur secondaire
Résumé
Le vendredi 9 novembre 2007, à 20h11, le train assurant la liaison Briançon-Manosque déraille au niveau de la commune de Pertuis. Les conséquences sont uniquement matérielles: avaries sur le matériel roulant et voie dégradée sur 300 mètres. Trois recommandations sont formulées par le rapport: la section de ligne Aix-en-Provence / Manosque ayant enregistré sur deux zones de longs rails soudés plusieurs ruptures de soudures aluminothermiques dans un intervalle de temps réduit (3,5ans et 4,5ans), dans un espace réduit (5,4km et 1,7km), des investigations complémentaires sont à mener pour dresser la carte de santé des autres soudures sur ces tronçons de LRS, en file haute de rail en courbe ; le cas des autres lignes du réseau ferré national présentant les mêmes caractéristiques sera examiné sur la base du retour d'expérience des ruptures de rail et fera l'objet d'un bilan de santé des soudures (ligne sans circuit de voie, zone de longs rails soudés sur traverses béton, section en courbe et pour la file haute du rail) ; la non détection, par les conducteurs, de la lacune apparue après la rupture de la soudure, est un sujet de préoccupation, car il est probable que plus d'un conducteur a circulé sur cette avarie qui avait une importance notable. Pour améliorer les capacités de détection par les conducteurs de telles avaries, il est souhaitable de tester auprès des conducteurs en entraînement sur les simulateurs de conduite, un catalogue de sons représentatifs de diverses lacunes de voie et pour divers types d'engins moteurs conduits.
Editeur
BEATT
Descripteur Urbamet
accident
;sécurité
;train
;matériel roulant
;trafic de voyageurs
;transport de personnes
;DERAILLEMENT
Descripteur écoplanete
Thème
Transports
Texte intégral
BEA-TT
Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre
les rapports
Rapport d'enquête technique sur le déraillement du train de voyageurs 17 417 Briançon Aix-en-Provence survenu le 9 novembre 2007 à Pertuis (84)
juin 2008
Conseil Général des Ponts et Chaussées
Le 26 juin 2008
Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre
Affaire n°BEATT-2007-015
Rapport d'enquête technique sur le déraillement du train de voyageurs 17 417 Briançon Aix-en-Provence survenu le 9 novembre 2007 à Pertuis (84)
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Bordereau documentaire
Organisme (s) commanditaire (s) : Ministère de l'Ecologie,de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire ; MEEDDAT Organisme (s) auteur (s) : Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre ; BEA-TT Titre du document : Rapport d'enquête technique sur le déraillement du train de voyageurs 17 417 Briançon Aix-en-Provence survenu le 9 novembre 2007 à Pertuis (84) N°ISRN : EQ-BEATT--8-6--FR Proposition de mots-clés : transport ferroviaire, rail, soudure, entretien de la voie, formation,
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Avertissement
L'enquête technique faisant l'objet du présent rapport est réalisée dans le cadre du titre III de la loi n°2002-3 du 3 janvier 2002, et du décret n°2004-85 du 26 janvier 2004, relatifs aux enquêtes techniques après accident ou incident de transport terrestre. Cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents, en déterminant les circonstances et les causes de l'évènement analysé, et en établissant les recommandations de sécurité utiles. Elle ne vise pas à déterminer des responsabilités.
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Sommaire Glossaire...................................................................................................... 9 Résumé...................................................................................................... 11 1- Engagement de l'enquête.....................................................................13 2- Constats immédiats et engagement de l'enquête............................... 15
2.1- Circonstances de l'accident.............................................................................. 15 2.2- Secours............................................................................................................. 15 2.3- Pertes humaines, personnes blessées, dégâts matériels................................... 15
2.3.1- Personnes blessées.......................................................................................................... 15 2.3.2- Dégâts matériels..............................................................................................................15 2.3.3- Conséquences d'exploitation...........................................................................................15
2.4- Organisation de l'enquête technique................................................................ 16
3- Elements de contexte............................................................................17
3.1- La ligne Grenoble / Marseille.......................................................................... 17 3.2- Le trafic sur la section Aix-en-Provence / Manosque..................................... 17 3.3- L'infrastructure.................................................................................................17 3.4- Maintenance préventive de la voie.................................................................. 18 3.5- Principes de maintenance des rails du réseau ferré national........................... 19
3.5.1- Politique d'emploi du rail et de la soudure......................................................................19 3.5.2- Mise en oeuvre de la maintenance des rails....................................................................19
3.6- Etat des lieux et évolution du « patrimoine rail » du réseau ferré national....20
3.6.1- Caractéristiques du réseau ferré national (données valables pour 2006)........................ 20 3.6.2- Production de soudures en voie...................................................................................... 20 3.6.3- Remplacements de rails en 2006.................................................................................... 21 3.6.4- Evolution des ruptures de rail et de soudures................................................................. 21
4- Investigations........................................................................................25
4.1- Expertise de la voie..........................................................................................25
4.1.1- Expertise des conditions de surveillance et de maintenance de la voie..........................25 4.1.2- Expertise de la géométrie de la voie............................................................................... 28 4.1.3- Expertise du rail cassé.....................................................................................................34 4.1.4- Expertise des traverses rompues..................................................................................... 35 4.1.5- Evaluation de l'efficacité des attaches.............................................................................36
4.2- Ruptures de rails observées sur la ligne Aix-en-Provence / Briançon............ 36 4.3- Expertise du matériel roulant...........................................................................38 4.4- Signalements des chocs ou mouvements anormaux en ligne par les conducteurs et contrôleurs.......................................................................................38
4.4.1- Signalement par les conducteurs dans les jours qui ont précédé le déraillement........... 38 5
4.4.2- Retour d'expérience relatif aux signalements (rails cassés, chocs anormaux) sur la ligne Marseille / Briançon par les conducteurs depuis 2004..............................................................40 4.4.3- Signalement par les contrôleurs...................................................................................... 41
4.5- Analyse des bandes graphiques (engins équipés)............................................42 4.6- Parcours de la voie et détection auditive......................................................... 42 4.7- Evènements antérieurs de nature comparable..................................................44 4.8- Mesures prises à la suite de l'accident............................................................. 46
4.8.1- Mesures nationales..........................................................................................................46 4.8.2- Mesures régionales......................................................................................................... 46
4.9- Le simulateur de conduite de la région de Marseille à Miramas.....................46
5- Déroulement de l'accident................................................................... 49
5.1- Le contexte de la voie...................................................................................... 49 5.2- Scénario probable décrivant les conditions du déraillement........................... 49
6- Analyse et recommandations préventives.......................................... 53
6.1- L'état de santé des soudures constituant les LRS............................................ 53 6.2- Aptitude des conducteurs à détecter certains défauts de voie......................... 54
7- Conclusions........................................................................................... 57
7.1- Identification des causes et facteurs associés ayant concouru à l'accident..... 57 7.2- Rappel des recommandations.......................................................................... 57
ANNEXES................................................................................................. 59
Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête ............................................................61 Annexe 2: Photo du déraillement............................................................................62 Annexe 3 : Carte ferroviaire....................................................................................63 Annexe 4 : Le rail et ses attaches sur le blochet de la traverse...............................64 Annexe 5 : Photos du rail cassé...............................................................................65
Annexe 5-1 : Rail cassé et sa lacune......................................................................................... 65 Annexe 5-2 : About maté côté Manosque.................................................................................66
Annexe 6 : Déformation de la voie......................................................................... 67
Annexe 6-1 : Traverses détruites de part et d'autre de la cassure..............................................67 Annexe 6-2 : Etat de la déformation de la voie.........................................................................68
Annexe 7 : Relevé de la géométrie de la voie après le déraillement...................... 69 Annexe 8 : Enregistrement Mauzin du 30 octobre 2007........................................ 70 Annexe 9 : Analyse de la fracture du rail................................................................71 Annexe 10 : Efficacité du serrage des attaches.......................................................72 Annexe 11 : Profil du champignon du rail..............................................................74 Annexe 12 : Relevé d'usure du rail......................................................................... 75 Annexe 13 : Traverses béton bi-bloc retirées de la voie dans la zone de déraillement............................................................................................................. 77 Annexe 14 : Localisation des ruptures de rail, des signalements par les
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conducteurs et des zones LRS.................................................................................78 Annexe : 15 Programme de maintenance préventive de la voie dans la zone Aixen-Provence / Manosque......................................................................................... 79
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Glossaire
Blochet : chacun des deux blocs de béton armé réunis par une entretoise métallique pour former un type de traverse dite bi-bloc. Circuit de voie : circuit électrique dont chaque file de rail fait partie qui permet de détecter la présence d'un train. LRS : Long Rail Soudé. pk : point kilométrique. Relevé Mauzin : la voiture Mauzin enregistre, deux fois par an sur cette ligne, sept paramètres de géométrie de la voie, en continu et les restitue sous forme graphique et sous format informatique. Valeur d'Objectif (V.O.) : pour un paramètre de la géométrie de la voie, zone des valeurs de ce paramètre à atteindre après remise en état (intervention) de la voie. Valeur d'Alerte (V.A.) : lorsque le paramètre concerné de la voie se situe dans la zone de valeurs d'alerte, la portion de voie concernée fait l'objet d'une surveillance spéciale. Valeur d'Intervention (V.I.) : une intervention sur la géométrie de la voie doit avoir lieu dans un délai de trois mois pour ramener la valeur du paramètre concerné en valeur d'objectif. Valeur de Ralentissement (V.R.) : lorsque le paramètre concerné de la géométrie de la voie se situe en valeur de ralentissement, la vitesse des trains doit être réduite en attendant la remise en état de la voie améliorant la valeur du paramètre concerné.
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Résumé
Le vendredi 9 novembre 2007, sur la voie unique Grenoble / Marseille, le train TER 17 417 composé d'une locomotive diesel et de quatre voitures, circule de Briançon à Aix-en-Provence. A 20h11, au point kilométrique 365,848, circulant en courbe de 490 mètres de rayon à la vitesse de 105 km/h, entre les gares de Manosque et Meyrargues, la locomotive déraille de ses quatre essieux au droit d'une rupture du rail extérieur. Les bogies avant des deux premières voitures déraillent aussi, les autres essieux restant en voie. Les véhicules restent en position verticale et ne se renversent pas en contrebas de la voie ferrée. Aucun blessé n'est à déplorer parmi les voyageurs (environ 150), ni pour le conducteur ou le contrôleur. La voie est endommagée sur une longueur de 300 mètres par la destruction de 500 traverses béton bi-blocs ; le matériel roulant a subi des dégâts à ses organes de roulement et à ses appareillages sous caisse. Le montant des dégâts à l'infrastructure ferroviaire est supérieur à 300 000 euros. L'exploitation de la ligne a été interrompue pendant trois jours. La cause directe immédiate est la rupture, non détectée, d'une soudure aluminothermique de rail dans une zone de LRS. Les facteurs causaux suivants ont joué un rôle dans l'absence de détection de cette rupture:
cette ligne n'est pas équipée de circuits de voie. la détection des fissures sous le patin du rail est quasiment impossible à détecter par les engins d'auscultation des rails par ultrasons. la détection d'une rupture de rail par les conducteurs se révèle difficile. Dans le cas présent, plusieurs conducteurs ont circulé sur cette rupture en ne s'apercevant de rien ; le contexte de la voie dans cette zone, par une fréquente alternance des portions de voie en LRS et en barre normales ne donne pas aux conducteurs une référence auditive stable.
Trois recommandations sont formulées par le rapport : La section de ligne Aix-en-Provence / Manosque ayant enregistré sur deux zones de longs rails soudés plusieurs ruptures de soudures aluminothermiques dans un intervalle de temps réduit (3,5 ans et 4,5 ans), dans un espace réduit (5,4 km et 1,7 km), des investigations complémentaires sont à mener pour dresser la carte de santé des autres soudures sur ces tronçons de LRS, en file haute de rail en courbe. Le cas des autres lignes du réseau ferré national présentant les mêmes caractéristiques sera examiné sur la base du retour d'expérience des ruptures de rail et fera l'objet d'un bilan de santé des soudures (ligne sans circuit de voie, zone de longs rails soudés sur traverses béton, section en courbe et pour la file haute du rail). La non détection, par les conducteurs, de la lacune apparue après la rupture de la soudure, est un sujet de préoccupation, car il est probable que plus d'un conducteur a circulé sur cette avarie qui avait une importance notable. Pour améliorer les capacités de détection par les conducteurs de telles avaries, il est souhaitable de tester auprès des conducteurs en entraînement sur les simulateurs de conduite, un catalogue de sons représentatifs de diverses lacunes de voie et pour divers types d'engins moteurs conduits.
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1- Engagement de l'enquête
Le vendredi 9 novembre 2007 à 20h11, le train TER 17 417 circulant de Briançon à Aix-en-Provence déraille entre les gares de Manosque et Aix-en-Provence, au pk* 365,848 sur la commune de Pertuis. Le train, constitué d'une locomotive diesel et de quatre voitures, a déraillé de huit essieux du fait d'une rupture du rail en courbe, au droit d'une soudure. Aucune victime humaine n'est à déplorer. Le matériel roulant a subi des avaries et la voie est dégradée (traverses brisées) sur environ 300 mètres. Au vu des circonstances de cet accident, le Directeur du BEA-TT a décidé d'engager une enquête technique réalisée dans le cadre du titre III de la loi du 3 janvier 2002, et du décret n° 2004-85 du 26 janvier 2004, relatifs aux enquêtes techniques après accident ou incident de transport terrestre (annexe 1). Il s'agit d'un accident qui, au sens de l'article 20 du décret 2004-85 et de l'article 19.2 de la directive 2004/49 CE, aurait pu, dans des circonstances légèrement différentes, être grave.
* Terme figurant au glossaire
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2- Constats immédiats et engagement de l'enquête
2.1- Circonstances de l'accident
Le train TER 17 417, composé d'une locomotive diesel et de quatre voitures circule le vendredi 9 novembre 2007 de Briançon vers Aix-en-Provence sur la voie unique Grenoble / Marseille. A 20h11, au pk 365,848, circulant en courbe de 490 mètres de rayon à la vitesse de 105 km/h, entre les gares de Manosque - Gréoux-les-Bains et Meyrargues, la locomotive déraille de ses quatre essieux au droit d'une rupture du rail extérieur. Le conducteur a ressenti un choc important, immédiatement suivi du déraillement de sa locomotive qui a continué à rouler à cheval sur la file droite de rail pour s'arrêter au pk 366,1. Les bogies avant des deux premières voitures déraillent, les autres essieux restant en voie. Le conducteur déclenche le freinage du train et arrête celui-ci sur une distance d'environ 300 mètres. Grâce à l'épaisseur de la couche de ballast, les véhicules restent en position verticale et ne se renversent pas en contrebas sur le sentier longeant la voie ferrée (photo de l'annexe 2).
2.2- Secours
Dès l'arrêt, le conducteur s'est rendu dans les voitures pour voir s'il y avait des blessés (environ 150 voyageurs se trouvaient à bord de ce train). Tous les voyageurs étaient en bonne santé et aucun ne jugeait nécessaire d'appeler les pompiers. De retour sur sa locomotive, le conducteur a avisé l'agent circulation de Gap de l'évènement (la ligne n'étant pas équipée de la « radio sol train », cette information a été donnée à l'aide du téléphone portable GSM réglementaire dont sont équipés les conducteurs de cette ligne) : celui-ci a pris le relais pour organiser la procédure d'évacuation des voyageurs. Les agents d'astreinte de Gap et de Marseille Blancarde se sont fait préciser par le conducteur la localisation exacte du train déraillé. Sollicités par la SNCF, les Services de Secours (Codis 84 et Gendarmerie) se sont rendus sur place. Les voyageurs ont été rapidement évacués en gare de Pertuis par les véhicules de l'établissement SNCF de l'Infrastructure. Certains voyageurs ont été pris en charge par leur famille venue les chercher sur place, les autres voyageurs ont été acheminés par deux autocars, l'un directement vers Marseille, l'autre vers Aix-en-Provence. Les services de secours, ainsi que les agents SNCF d'astreinte ont procédé aux premières constatations.
2.3- Pertes humaines, personnes blessées, dégâts matériels
2.3.1- Personnes blessées Aucun blessé n'est heureusement à déplorer, tant pour les voyageurs que pour les agents SNCF. 2.3.2- Dégâts matériels La voie est endommagée sur une longueur de 300 mètres par la destruction de 500 traverses bi-blocs (ruptures ou déformation des entretoises, blochets* en béton écrasés ou détruits). Le coût de la réparation provisoire et de la remise en état définitive sera probablement supérieur à 300 000 . Le matériel roulant (locomotive BB 567584 et quatre voitures) a subi des dégâts à son infrastructure (bogies, essieux, coffres et tuyauterie sous caisse). 2.3.3- Conséquences d'exploitation
* Terme figurant au glossaire
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La circulation des trains sur la ligne a été interrompue du vendredi 9 novembre au soir (ligne à voie unique) jusqu'au lundi 12 novembre 2007, à 21h30. Six trains ont été totalement supprimés, cinq trains ont été partiellement supprimés, les trains impliqués ayant subis au total 191 minutes de retard.
2.4- Organisation de l'enquête technique
L'enquêteur technique a examiné les coupons de rails concernés par la rupture au laboratoire des rails de Saint-Ouen (Centre d'expertises et d'Essais de Saint-Ouen) et a pu circuler à pied sur la voie après réfection provisoire. Afin d'évaluer les conditions de détection d'un rail cassé, il a circulé à bord des trains en cabine d'engin moteur (ressenti physique de la voie), et s'est rendu au simulateur de conduite des trains à Miramas. L'enquêteur a eu de nombreux contacts avec les responsables SNCF de la maintenance voie, sur le terrain et en direction centrale ; il a eu accès aux divers documents de référence de la SNCF.
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3- Elements de contexte
3.1- La ligne Grenoble / Marseille
La ligne Grenoble / Marseille, répertoriée sous le numéro 905 000 des lignes du Réseau ferré national, est une ligne à voie unique. A Veynes s'embranche la ligne (à voie unique) en direction de Briançon et à Pertuis s'embranche la ligne (à voie unique) en direction d'Avignon (cf annexe 3). Le volume du trafic classe cette ligne dans le groupe 6 UIC (classement de 1 à 9 par ordre d'importance décroissante du trafic).
3.2- Le trafic sur la section Aix-en-Provence / Manosque
Pour la journée du 9 novembre 2007, le trafic est repris dans le tableau suivant : Nature du train
Marchandise « MA 100 » TER locomotive + voitures
origine/destination Avignon Gap Marseille Marseille Aix-en-Provence
origine/destination Laragne Aix-en-Provence Briançon Briançon Briançon
TER X.TER ou AGC TER AGC
TER locomotive + voitures
On dénombre ainsi pour ce jour-là neuf circulations ferroviaires sur la voie unique.
3.3- L'infrastructure.
A l'endroit du déraillement au pk 365,848, la ligne longe le cours de la Durance et la voie est en courbe à gauche de rayon 490 mètres, avec un dévers de 125 mm. La vitesse de la ligne pour les trains de voyageurs à cet endroit est de 105 km/h, ce qui correspond pour les trains de voyageurs à une insuffisance de dévers de 140 mm (pour les trains de fret des catégories MA 80, MA 90, MA 100, ME 100, la vitesse limite est de 60 km/h). Pour la zone considérée, la voie est moderne : elle est constituée de longs rails soudés (LRS) posés sur un plancher de traverses en béton bi-bloc « VAX U 20 ». La densité du travelage est de 1 666 traverses au kilomètre.
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côté intérieur voie
côté extérieur voie
crapaud élastique écrou
semelle caoutchouc cannelé Coupe transversale du rail et de ses attaches sur la traverse
La photo de l'annexe 4 montre le rail et ses fixations sur le blochet sur la zone en amont du déraillement. Conformément au référentiel et compte tenu du rayon de la courbe, les attaches intérieures sont munies de crapauds C 165 avec lame inférieure formant butée transversale ; les attaches extérieures sont munies de crapauds C 127 sans lame inférieure avec butée nylon C 200. Le rail est de type U 33, de réemploi, de masse linéique 46 kg/m. Sa fabrication remonte à janvier 1955, en acier « Thomas », par l'usine Wendel-Sidélor. Le rail a été posé sur cette voie en 1986 lors des travaux de régénération. La couche de ballast est constituée de pierres concassées 25/50.
3.4- Maintenance préventive de la voie
Le tableau de l'annexe 15 résume les grosses opérations de maintenance effectuées dans un passé récent et à venir, dans la zone considérée (du pk 359 au pk 380). Ce tableau montre que dans la zone en LRS* autour du pk 365,848, la seule opération de maintenance préventive programmée est « la vérification du serrage des attaches », à réaliser en 2002 puis en 2012. Par ailleurs, les expertises de l'état de la voie ont mis en évidence l'usure du rail dans certaines courbes, en file haute. Dans les préparations budgétaires des années 2006 et 2007, il a été décidé de financer le remplacement du rail file haute de la voie en courbe du pk 365,618 au pk 366,118 pour motif d'usure latérale du champignon. Vis-à-vis du référentiel de maintenance, sur les 500 mètres de rail dont le remplacement était prévu, la courbe présentait 320 m en valeur d'alerte* et 20 m en valeur d'intervention*. La rupture de soudure au pk 365,848 s'est produite dans la zone devant être renouvelée quelques mois plus tard ; il faut rappeler que la décision de remplacement de ce rail n'a pas été liée au risque de rupture d'une soudure, mais uniquement à l'usure du champignon.
* Terme figurant au glossaire
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3.5- Principes de maintenance des rails du réseau ferré national
3.5.1- Politique d'emploi du rail et de la soudure Le coût d'acquisition des rails représentant une charge d'investissement importante, la maintenance a pour objectif de rechercher une grande durée d'utilisation du rail, en maintenant le niveau de sécurité des circulations ferroviaires. Pour un tronçon de ligne donné, l'objectif de bonne durée d'utilisation n'est accessible que si le vieillissement du rail est uniforme, ce qui requiert pour le tronçon considéré une homogénéité des rails et des soudures en voie de façon que le facteur principal de vieillissement résulte de la fatigue mécanique engendrée par le trafic. Lorsque le coût annuel de maintenance des rails devient excessif en raison du nombre élevé de réparations ou de remplacements élémentaires de rail, il peut être envisagé de procéder à un renouvellement des rails. Plusieurs critères sont à examiner pour le choix du renouvellement des rails :
présence de circuits* de voie susceptibles de détecter les ruptures de rail sur les deux files, nombre de défauts détectés dans le rail et nombre de retraits, âge et procédé de fabrication du rail, usure et état de surface du rail, nombre et âge moyen des soudures, nombre de coupons, nombre d'interventions, tonnage supporté et prévisions d'évolution du trafic.
3.5.2- Mise en oeuvre de la maintenance des rails L'objectif est d'éviter une défaillance de la voie à cause du rail. Organisation de la maintenance des rails
surveillance des rails, mesure et suivi de l'évolution des défauts, intervention.
Surveillance des rails Cette surveillance consiste à découvrir les défauts au cours d'examens visuels et ultrasonore en utilisant un appareillage adapté. Mesures et suivi d'évolution des défauts Les défauts détectés en voie doivent faire l'objet d'une mesure, d'un suivi et d'une traçabilité. La périodicité de ce suivi dépend de la nature du défaut détecté, du trafic supporté par le rail et de sa situation (appareil de voie, appareil de dilatation, abouts, voie courante). Intervention La nature de l'intervention résulte de l'application des procédures fixant les seuils d'intervention pour les défauts de rail, des critères de réparabilité (meulage, rechargement...), des critères d'acceptation vis-à-vis de l'environnement du rail. 19
Causes affectant l'état du rail
ruptures de rails, ruptures de soudure, fissures, avaries : certains défauts ne conduisent pas à la rupture du rail car ils sont « non fissurants ». Lorsque ces défauts nuisent au maintien de la qualité de la géométrie de la voie et qu'ils génèrent des interventions fréquentes de maintenance, ils doivent être réparés ou éliminés, usures, corrosion.
3.6- Etat des lieux et évolution du « patrimoine rail » du réseau ferré national
Pour situer l'évènement survenu à Pertuis le 9 novembre 2007 dans le contexte d'ensemble du réseau ferré national (RFN), ce paragraphe expose quelques éléments d'information extraits du rapport annuel SNCF 2006 relatif à l'état du patrimoine « rail » du RFN. 3.6.1- Caractéristiques du réseau ferré national (données valables pour 2006) Les données en longueur de voie et en profils de rail se résument suivant le tableau : Longueur (km) VP non compris LGV VP y compris LGV VP en LRS, y compris LGV 45 988 49 000 35 200 (72%) Profil des rails de voie principale (VP) 60 kg/m 50 kg/m autres 15 006 km 17 808 km 15 857 km
Glossaire : VP = voie principale ; LRS = long rail soudé ; LGV = ligne à grande vitesse. L'équipement des diverses régions SNCF n'est pas homogène; on peut noter les dispersions suivantes entre les valeurs moyennes pour les 23 régions :
âge des rails : (min = 23,9 ans ; max = 42,6 ans) moyenne = 32,4 ans. masse linéique moyenne (kg) : (min =48,5 ; max =56,9) moyenne = 52,5 kg. vitesse de circulation : (min = 103 km/h ; max = 179 km/h) moyenne = 125 km/h. groupe UIC : (min = 4 ; max =7) moyenne = 5,5 pourcentage de LRS : (min= 48% ; max=88%) moyenne = 71,9% pourcentage de rail double champignon : (min= 0% ; max=23,6%) moyenne = 5,7%
3.6.2- Production de soudures en voie En 2006, 60 000 soudures aluminothermiques en voie ont été réalisées,environ la moitié par des soudeurs SNCF, l'autre moitié étant réalisée par les entreprises de travaux de voies ferrées. 46 840 réparations par rechargement de métal par soudage à l'arc (relativement aux coeurs d'aiguille et rails) ont été réalisées.
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3.6.3- Remplacements de rails en 2006 La longueur de rails remplacés par type de chantier figure dans le tableau ci-dessous : Nature d'opération RVB autres remplacements de rails en opérations importantes : RRR, RRN, RR+RT+relevage, RR+RB,... remplacement en maintenance Linéaire total de rails remplacés (neuf ou réemploi) Année 2006 212 km de voie (424 km de rails) 217 km de voie (434 km de rails)
156 km de rails 1 014 km de rails
rappel du linéaire total de rails VP 98 180 km Glossaire : RVB = renouvellement voie et ballast ; RRR = remplacement de rail par du rail de réemploi ; RRN = remplacement de rail par du rail neuf ; RR + RT = remplacement rail et traverses ; RB = remplacement de ballast ; relevage = complément de ballast. Le remplacement des rails se fait soit par des rails neufs achetés, soit par des rails de réemploi. La quantité de rails neufs se détaille de la façon suivante: profil UIC 60 (dont LGV-Est) U 50 Autres profils total 2006 (tonnes achetées) 48 809 46 603 4 889 100 301
Le tonnage des rails commandés pour la maintenance du réseau (hors construction de la LGV-Est-européenne) représente 1 500 km, soit seulement 1,5% du patrimoine rails du réseau. 3.6.4- Evolution des ruptures de rail et de soudures Le tableau ci-dessous liste le nombre de ruptures de rails en pleine barre et au niveau des soudures depuis 25 ans.
1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
(1) 500 500 750 (2) 220 200 310
560 590 590 610 595 630 226 230 225 230 220 390
410 400 370 390 430 385 405 360 360 410 220 240 230 220 206 218 300 305 320 320 350 200 215 195 190 190 198 185 185 170 137 105
(3)
720 700 1060 786 820 815 840 815 1020 710 750 690 710 780 585 665 555 550 600 418 425 415 390 343 323
(1) nombre de ruptures en pleine barre (2) nombre de ruptures de soudure (3) nombre total de ruptures
21
1200 1000 800 600 400 200 0
1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
Evolution du nombre de ruptures de rail sur les 25 dernières années
La répartition des ruptures de rail (y compris soudures) entre « lignes classiques » et « lignes à grande vitesse » ainsi que le taux de rupture aux 100 km est la suivante, en moyenne sur les deux années 2004 et 2005 : Nombre de ruptures LGV lignes classiques total 10 333 343 Nombre de ruptures aux 100 km 0,32 0,73
La répartition des ruptures de rail (y compris soudures) pour l'année 2006 sur les lignes possédant ou non des circuits de voie est la suivante : Mode de cantonnement zones détectant les ruptures zones ne détectant pas les ruptures total Nombre de ruptures 327 92 419 pourcentage 78% 22% 100%
On observe une tendance générale à la baisse du nombre de ruptures de rails, y compris des soudures grâce à l'amélioration des produits, l'amélioration des procédés de soudage, aux effets bénéfiques de la maintenance préventive conditionnelle. Cas des soudures aluminothermiques : pour l'année 2006, sur les 343 ruptures de rail 22
constatées, 137 résultaient de soudures aluminothermiques (40%). Conclusions d'ensemble vis-à-vis du patrimoine rail : Les interventions de maintenance sur les rails ont pour origine, soit une rupture, soit un défaut interne (détectable ou non par les engins à ultrasons) ou externe. Actuellement, avec l'augmentation du nombre d'engins moteurs modernes puissants, dotés de systèmes d'anti-patinage, les défaut de surface du rail deviennent prépondérants (lorsqu'il y a patinage, la roue marque son empreinte sur le champignon du rail; lorsqu'il n'y a pas de patinage, la répétition des efforts de rotation des roues motrices au point de contact rail-roue engendre une fatigue du métal en surface du champignon). Un des remèdes consiste à développer le meulage préventif des rails. Les défauts du rail, dans la plupart des cas, nécessitent d'être éradiqués par ablation de la partie de rail concernée, ce qui occasionne une à deux soudures supplémentaires en voie. Le nombre de soudures en voie du patrimoine rail augmente, de ce fait, constamment. Les remplacements de rail, tous chantiers confondus, représentent 1,5% de l'ensemble des rails du réseau ferré national. Ce taux est l'un des plus faibles d'Europe. Au rythme actuel, l'âge moyen de ce patrimoine « rail » va s'élever progressivement de 32,5 ans jusqu'à 66 ans. Compte tenu de ces durées de vie importantes à assumer, les bases de données de retour d'expérience doivent se perfectionner ; l'amélioration constante observée depuis vingt ans en ce qui concerne la fréquence de rupture des rails ne peut se poursuivre, en présence d'un patrimoine de rails qui continuera de vieillir, que si l'efficacité de la maintenance progresse.
23
4- Investigations
4.1- Expertise de la voie
Il est apparu que la rupture du rail positionné en file externe de la courbe est la cause initiale du déraillement, la lacune entre les deux abouts de rail et la dégradation ponctuelle de la géométrie de la voie ayant créé une discontinuité du guidage de la roue extérieure. La cause qui a finalement fait « échapper » la première roue de locomotive hors du rail est le défaut de géométrie. 4.1.1- Expertise des conditions de surveillance et de maintenance de la voie Relevé géométrique de la voie selon relevé Mauzin* : le dernier relevé a été effectué par passage de la voiture Mauzin le 30 octobre 2007, soit huit jours avant l'accident (annexe 8). Le seul élément notable est la mise en évidence d'une amorce de défaut de dressage, associé à un défaut d'écartement ponctuel de 4 mm environ, bien en deçà des seuils d'alerte sur cette ligne. Le fichier « STS » associé à cet enregistrement (fichier numérique transmis à bref délai à l'établissement pour qu'il puisse intervenir rapidement si nécessaire) ne signale la zone en valeur d'alerte pour aucun paramètre. Les précédents enregistrements Mauzin ne présentaient aucune anomalie sur cette zone. Tournée à pied : la dernière tournée de surveillance périodique à pied a été réalisée le 8 octobre 2007 : Localisation (pk) 361,350 363,200 / 363,400 363,970 364,820 364,970 366,400 366,800 366,600 366,800 rail à ramasser caniveau à nettoyer traverse à remplacer rail à ramasser rail chanfreiné ballastage observation arrachement de métal au joint (file gauche)
Aucun défaut n'a été signalé dans la zone du pk 365,848. Sur ce tronçon de ligne, le planning annuel des tournées à pied prévoit un passage toutes les 6 semaines (le référentiel prévoit une périodicité de principe de 9 semaines). Tournée en cabine de conduite d'engin moteur : la dernière tournée de surveillance en cabine de conduite a été effectuée le 19 septembre 2007, l'engin moteur étant l'automoteur XTER : Localisation (pk) 408,000 401,850 398,000
* Terme figurant au glossaire
observation ramassage rail et traverse tunnel des Figons : léger dressage entrée tunnel (+) TM dressage (+)
25
Localisation (pk) 394,700 383,900 363,200 359, 352,050 urgence nivellement (++) dressage (+) ramasser rails
observation
appareils de voies de Meyrargues : nivellement et dressage (+). PN 96 (++)
(+) = surveiller évolution (++) = défaut à vérifier (+++) = défaut à traiter. Il n'a pas été décelé de défaut dans la zone du pk 365,848.
Auscultation des rails par ultrasons : le précédent passage de l'engin d'auscultation des rails par ultrasons a eu lieu le 25 mai 2004, l'objectif étant de détecter d'éventuels défauts internes du rail. Sur cette ligne, la fréquence d'auscultation des rails est de 4 ans. L'examen US du 25 mai 2004 n'a pas détecté de défaut interne du rail à l'endroit de l'accident. Maintenance préventive de la voie : cette maintenance est réalisée selon un plan pluriannuel (cf paragraphe 3.4). Ce plan expose le type d'expertise à réaliser l'année n pour remise en état l'année suivante. Sur la zone de l'incident, les facteurs concernés sont la géométrie de la voie et le serrage des attaches. La géométrie a été corrigée par une opération de bourrage de la voie réalisée le 23 septembre 2006. La dernière opération de vérification du serrage des attaches aurait dû être réalisée en 2002, l'opération suivante devant se réaliser dix ans plus tard en 2012. Les relevés de la vérification effectuée en 2002 n'ayant pu être retrouvés, ce qui laisse un doute sur sa réalisation, une opération de prospection immédiate a été lancée après le déraillement sur le serrage et tenue des attaches : le résultat global, pour l'ensemble de la courbe, conduit à des valeurs enregistrées se situant en valeurs d'alerte et en valeurs d'intervention. Ce résultat n'indique pas l'existence d'une anomalie particulière de la voie ; toutefois, le niveau de serrage insuffisant peut avoir favorisé la vitesse d'ouverture de la lacune entre les deux abouts de la rupture de rail. En outre, le rail a pu se libérer de son axe médian, suivre un « cheminement linéique » et offrir ainsi une lacune de plus de 40 mm au droit de la rupture. Veille de l'Etablissement Equipement : l'établissement assure une veille technique depuis plusieurs années sur les sujets suivants :
tournées de surveillance des équipes voies, suivi des rails et conditions de remplacement, surveillance et retour aux valeurs définies par les normes pour la géométrie de la voie, système rail-attaches-traverses.
Un audit régional réalisé en 2003 a relevé l'absence de prospection sur les attaches élastiques (crapauds RN) des zones équipées de longs rails soudés, tandis que le dirigeant de proximité de l'époque indiquait que les mesures réalisées affichaient systématiquement des résultats toujours en valeur d'objectifs (VO). 26
Veille de l'Etablissement Traction : cet établissement est systématiquement informé des ruptures de rail survenues dans sa zone d'action considérée, pour croiser ces informations avec celles issues des bulletins de service. Les chocs anormaux constituent des procédures rares suivies annuellement et font l'objet de sensibilisations périodiques, en particulier sur la ligne Aix-en-Provence / Briançon non munie de circuits de voie. Le ressenti des chocs anormaux reste subjectif par rapport au comportement de l'engin et à l'état de la voie. Veille de l'Etablissement Commercial Train (ECT, établissement gérant les contrôleurs à bord des trains de voyageurs) : la survenue de chocs anormaux ressentis par les contrôleurs est prise en compte dans le système de veille de l'établissement ; pour cette activité, la détection d'évènements liés à l'état de la voie est très subjectif. Veille par les spécialistes régionaux : les ruptures de rails sont suivies mensuellement en utilisant les bases de données relatives à la circulation des trains et leur régularité (base « BREHAT ») ou la base de donnée technique « Rex VA ». Les causes et les criticités sont évaluées, tout particulièrement pour les lignes sans circuits de voie pour la signalisation. En ce qui concerne les ruptures de rail (ruptures en pleine barre), 28 ruptures de rail ont été dénombrées en 2005 et 10 en 2006. Entre 2005 et 2006, le nombre de ruptures de soudures a été divisé par 2 et sur les 9 premiers mois de 2007, 13 ont été dénombrées comme en 2006 pour la même période. Cette amélioration peut être attribuée à l'amélioration de la qualité de la réalisation des soudures depuis plusieurs années. On peut estimer au niveau de la veille régionale qu'il n'y a pas eu d'évolution anormale des taux de signalements de chocs anormaux au cours de ces dernières années. Néanmoins, ce sujet reste très subjectif et se trouve conditionné par l'expérience du conducteur, sa connaissance de ligne et la nature de l'engin qu'il conduit. Constats relatifs aux circulations précédant le déraillement. Les deux abouts du rail cassé ont été matés, témoignant du passage de véhicules ferroviaires précédemment au déraillement du train 17 417. Une enquête des services régionaux de la SNCF a été diligentée vis-à-vis des trains précédant le train 17 417, ayant circulé le jour même (vendredi 9 novembre 2007). Il s'agit des trains 85 540, 17 409, 17 400, 17 411, 90 619, 17 402, 17 413, 17 404. Les investigations ont porté sur :
les signalements d'un choc anormal par les conducteurs, l'analyse des bandes graphiques (dans le cas d'un enregistreur à bande déroulante et stylet encreur, le stylet pouvant subir un soubresaut en cas de choc en voie), l'état des tables de roulement des essieux.
Un complément d'information peut être apporté par l'analyse des évènements enregistrés par les postes de Manosque et de Meyrargues. Aucun signalement de choc ou mouvement anormal ne leur est parvenu : les derniers évènements traités concernant un arbre sur la voie (pk 347,700), des divagations de personnes avec risque d'actes de malveillance (pk 360,600), deux incendies (pk 349,000 et 347,000), le déclenchement des filets anti-rochers de Mirabeau. A ce stade des investigations, il n'est pas permis de déterminer le moment de la rupture et si cette rupture était détectable avant le déraillement.
27
4.1.2- Expertise de la géométrie de la voie Expertise initiale : Après l'accident, le relevé de géométrie de la voie fait apparaître un gauche G3 (sur 3 mètres) atteignant 39 mm (voir les relevés de l'annexe 7). En comparaison de la géométrie relevée lors du dernier passage Mauzin du 30 octobre 2007 (annexe 8), le gauche G3 dans la zone du pk 365,868 s'est donc dégradé de façon accélérée. Ce gauche anormalement élevé s'explique par la destruction visible des blochets béton 20 et 21 après apparition d'un phénomène de danse des traverses, provoquant un affaissement localisé du rail sous l'effet de la charge des roues ferroviaires circulant dessus. A titre de référence, pour ce type de ligne, le gauche G3 maximum au delà duquel les circulations ferroviaires sont arrêtées est de 24 mm. La destruction du béton des blochets fait apparaître l'armature métallique. L'assise du patin du rail a laissé place à un vide de plusieurs centimètres ; les goujons-tirefonds auxquels s'accrochent les crapauds élastiques ont été libérés par la désagrégation du béton : en conséquence, le maintien du patin du rail au droit des deux abouts (séparés par la cassure du rail) a disparu, permettant aux abouts de fléchir en fonction de la charge de roue circulant à cet endroit. Cette perte de fixation des deux abouts de rail s'est traduit à la fois par un non maintien en déplacement vertical (gauche) comme en déplacement transversal (surécartement local). Le profil du rail dans cette courbe est usé et présente une forme chanfreinée classant ce profil en valeur d'alerte (VA). L'état de graissage du rail est jugé satisfaisant, en particulier sur la pente du chanfrein du rail. Lacune présentée par le rail : une lacune de 70 mm été mesurée après le déraillement ; cet intervalle important peut se décomposer selon :
une « lacune naturelle » de 40 mm due aux variations de température (+ 25°C au moment de la soudure du rail à comparer à la température de +5°C à 20h11 le 9 novembre). une rétractation supplémentaire du rail due aux déformations de dressage subies par le rail (annexe 6.2) à cause des efforts centrifuges exercés par les véhicules ; les écarts de dressage atteignent des valeurs de plusieurs décimètres vers l'extérieur de la courbe. Même si une partie de cet écart de dressage résulte du déraillement lui même, on peut penser qu'une partie de cet écart était déjà acquise avant ce déraillement et a donc contribué à élargir la lacune.
Expertise complémentaire : Plusieurs paramètres sont pris en compte par les référentiels pour déterminer la conformité de la voie. Pour chaque paramètre, quatre plages de valeurs sont définies : V.O. valeur d'objectif : zone des valeurs à atteindre après remise en état (intervention) du paramètre concerné. V.A. valeur d'alerte : zone nécessitant une surveillance spéciale. V.I. valeur d'intervention : une intervention sur le paramètre concerné de la voie doit avoir lieu dans un délai de trois mois. V.R. valeur de ralentissement : dans le cas présent, la vitesse des trains de voyageurs doit être réduite selon un taux défini par le référentiel en attendant l'intervention de remise à niveau du paramètre dans la plage des valeurs d'objectif. Pour certains paramètres, les plages des valeurs VO et VA sont disjointes. Lorsque le paramètre se situe entre VO et VA, aucune action correctrice n'est nécessaire ; lorsque le paramètre est dans la plage VA, la correction qui sera apportée devra se situer dans la plage VO, afin de 28
redonner un bon potentiel d'évolution à ce paramètre de voie. Ecartement de la voie Les normes du référentiel IN 1895 (article 4.1, tableau 3 page 8 et graphique 2 page 7) se schématisent de la façon suivante (extrait simplifié) : Niveau de qualité V.O. hors pose neuve V.A. V.I. V.R. 40 km/h valeur d'arrêt E.min (mm) 1 432 E.moyen(mm) 1 434 E.moy 1 445 E.max (mm) 1 446 1 455 < E.max 1 462 > b* d* f*
1 428 <=Emin<1 non contrôlé 430
< a* c* e*
non contrôlé -------------------------
L'écartement minimum dans la courbe (1 452 mm) est largement supérieur à l'écartement minimum prescrit par la norme (VO : E.min > 1 433 mm). L'écartement maximum (1 455 mm à 1 460 mm) est en valeur d'alerte (1 455 mm à 1 462 mm) sur l'ensemble de la courbe sauf sur 24 mètres environ (1 452 mm) avant la soudure rompue, dans le sens de la circulation. Cet écartement maximum évolue lentement selon le graphique ci-dessous :
en mm 1 460
1 455
1 450
1 445
1 440 2004
2005
2006
2007
années
Evolution de l'écartement maximum de la voie dans la zone de la courbe du pk 365
* valeurs chiffrées appartenant au référentiel interne du Gestionnaire d'Infrastructure Délégué.
29
Le principal facteur d'évolution de cet écartement maximum est l'usure latérale des rails de grand rayon. Il est à noter qu'un renouvellement des rails de grand rayon était prévu en 2008. Pour ce paramètre « écartement maximum », bien qu'il soit dans la zone de valeur d'alerte, rien ne justifie une intervention spécifique autre que la surveillance de son évolution en attendant que le rail soit renouvelé. Le graphique ci-dessus montre une évolution en ligne brisée qui peut s'expliquer par le fait que le rail, en tant que rail de réemploi, provient de raccords de rails élémentaires, d'usures latérales différentes lors de la soudure en atelier des rails de réemploi. Gauche sur la base de 3 mètres La longueur de trois mètres est choisie pour correspondre à l'empattement de 3 m des bogies de plus grand empattement ; les normes du référentiel IN 2640 se schématisent de la façon suivante :
C B A D D'
BC = AD = 3 mètres ABCD rectangle DD' = gauche G3
Niveau de qualité V.O. hors pose neuve V.A. V.I. V.R. 100 arrêt
Vitesse max. voie (km/h) 100 < V 160 100 < V 160 100 < V 160 V > 100 -----------
Gauche sur base 3 m.(mm) 3 a* < G3 b* c* < G3 d* e* < G3 f* G3 > g*
Dans la zone du déraillement, le gauche G3 est inférieur à 3 mm, ce qui le positionne en valeur d'objectif V.O. Quelques points à proximité de la courbe se situent dans la plage (3 mm, 6 mm), hors des valeurs d'objectif mais sans atteindre la valeur d'alerte V.A. = 7 mm. Ecart de dévers Le dévers en un point est la différence de cote verticale entre les deux rails. L'écart de dévers est la différence entre le dévers mesuré et la moyenne des dévers pour des points éloignés de 5 mètres de part et d'autre. d3
d2 d1
5m
B A
5m
C
dB = dB-1/2(dA+dC) = écart de dévers en B
* Valeurs chiffrées appartenant au référentiel interne du Gestionnaire d'Infrastructure Délégué
30
Les normes du référentiel IN 2640 se schématisent de la façon suivante : Niveau de qualité V.O. hors pose neuve V.A. V.I. V.R.100 valeur d'arrêt Vitesse max de la voie (km/h) Écart de dévers (Ed) (mm) 100 < V 160 100 < V 160 100 < V 160 100 < V 160 -----------5 a* < Ed b* c* < Ed d* -----------Ed > e*
Dans la zone du déraillement, l'écart de dévers n'excédant pas 5mm est constamment en valeur d'objectif V.O.. Différence entre dévers réel et dévers prescrit Les normes du référentiel IN 2640 se schématisent de la façon suivante (dA = dévers au point A ; dp = dévers prescrit) : Niveau de qualité V.O. hors pose neuve V.A. V.I. V.R. 100 valeur d'arrêt Vitesse max de la voie 100 < V 160 100 < V 160 100 < V 160 100 < V 160 --------------Différence de dévers (dp-dA) (dp dA) < 3 10 < (dp dA) 15 (dp dA) > f* non contrôlé non contrôlé
Dans la zone du déraillement, le dévers prescrit est de 125 mm. Les dévers relevés en charge à 10 mètres de part et d'autre de la soudure rompue et hors zone dégradée par les chocs sur la rupture varient de 114 à 120 mm, soit une valeur maximale (dp dA) = 11 mm, correspondant à la limite inférieure de la valeur d'alerte. Hors des six traverses concernées par la rupture (trois de part et d'autre), il n'existe pas de défaut transversal significatif sur la zone. Nivellement longitudinal C'est un défaut de géométrie, situé dans le plan vertical, représenté par l'écart (Niv, en millimètres) d'un point du dessus du rail, au niveau du plan de roulement, par rapport à la ligne moyenne idéale du profil en long.
* Valeurs chiffrées appartenant au référentiel interne du Gestionnaire d'Infrastructure Délégué
31
v v Niveau de qualité V.O. V.A. V.I. V.R.
v v
voie réelle
v v
15 m
Niv
voie théorique
v v v
(base variable) Niv = écart maximum de la flèche entre les deux courbes sur une base (glissante) de 15 m
Les normes du référentiel (IN 1895) se schématisent de la façon suivante : Paramètres caractéristiques et actions à entreprendre hors pose neuve valeur de « Niv » impliquant : - une reconnaissance de la nature et de l'origine du défaut. - une surveillance de l'évolution du nivellement. valeur de « Niv » impliquant une correction 100 < V 120 à effectuer dans un délai maximal de : - 15 jours (zones à évolution rapide) - 1 mois (autres zones) à compter de la découverte du défaut. valeurs de « Niv » impliquant une restriction de circulation à la vitesse Vral. Vral 80 Vral 60 Vral 40 b* Niv < c* d* Niv < e* Niv f* « Niv » a* Vitesse max autorisée (km/h) V 130 100 < V 120 Seuils du paramètre Niv défaut isolé (mm) Niv 5 9 Niv < 15
Dans la zone du déraillement, le paramètre Niv est globalement en valeur d'objectif V.O. (5 mm) sur les deux files de rail. Deux points sur la file de petit rayon (6 mm) sortent de la plage V.O. sans atteindre la valeur d'alerte V.A. (10 mm). Il n'y a aucune anomalie du nivellement longitudinal. Dressage de la voie Les défauts de dressage de la voie sont des anomalies de géométrie, situées dans le plan horizontal, représentées par l'écart (Dres, en millimètres) d'un point du côté du rail, à une hauteur de 15 mm en dessous du plan de roulement, par rapport à la ligne moyenne idéale du tracé en plan.
* Valeurs chiffrées appartenant au référentiel interne du Gestionnaire d'Infrastructure Délégué
v
32
v Dres v
axe de la voie écart de la voie par rapport à son axe
Les normes du référentiel (IN 1895) se schématisent de la façon suivante : Niveau de qualité V.O. V.A. Paramètres caractéristiques et actions à entreprendre hors pose neuve valeurs de « Dres » impliquant : - une reconnaissance de la nature et de l'origine du défaut. - une surveillance de l'évolution du dressage. V.I. valeurs de « Dres » impliquant une correction à effectuer dans un délai maximal de : - 15 jours (zones à évolution rapide). - 1 mois (autres zones). à compter de la date découverte du défaut. V.R. valeurs de « Dres » impliquant : - une restriction de circulation à la vitesse Vral. Vral 80 Vral 60 Vral 40 d* Dres < e* f* Dres < g* Dres > h* 100 < V 120 Dres c* Vitesse max autorisée V 130 100 < V 120 seuils du paramètre Dres (mm) Dres 5 a* Dres < b*
La valeur des écarts de dressage de la voie, mesurée sur le relevé Mauzin du 30 octobre 2007 (la mesure après l'accident est inopérante compte tenu des dégâts subis par la voie) ne donne aucune valeur supérieure à 5 mm. L'intégralité de la courbe (file de grand rayon) est en valeur d'objectif, pose neuve. Il n'y a aucune anomalie du dressage. Usure du champignon du rail La photo de l'annexe 11 montre le profil du champignon du rail cassé. L'usure verticale (Uv) et l'usure latérale (Ul) ont été mesurées.
* Valeurs chiffrées appartenant au référentiel interne du Gestionnaire d'Infrastructure Délégué
33
15mm
UL
L'annexe 2 indique le détail du relevé d'usure dans la zone de pk (365,618 à 366,118). Un certain nombre de points du rail situent le profil en valeur d'alerte (de 9,2 mm à 10,60 mm), un point se situe en valeur d'intervention (11,40 mm). Synthèse relative à la géométrie de la voie Le positionnement des paramètres de géométrie de la voie selon les différents niveaux de qualité se résume selon le tableau ci-dessous : V.O. écartement minimum écartement maximum G3 écart de dévers dp dA nivellement longitudinal X dressage usure rail X X X X X X X X V.A. V.I. V.R. arrêt
Conclusion : la géométrie de la voie est globalement bonne avant le déraillement ; par contre, le rail montre une usure certaine qui se traduit par quelques écartements maximum de la voie en valeur d'alerte ; l'Etablissement de maintenance de l'infrastructure avait obtenu pour cette raison la programmation en 2008 du remplacement du rail en file haute au cours de l'année 2008. 4.1.3- Expertise du rail cassé Expertise initiale La rupture du long rail soudé s'est produite au droit d'une soudure aluminothermique, entre deux traverses béton bi-bloc, au pk 365,848. La date de rupture de cette soudure est difficile à déterminer, faute de signalement « humain ». Les deux photos de l'annexe 5 montrent la lacune d'environ 70 mm qui s'est produite entre les deux abouts de rail. Le bourrelet de la soudure se trouve sur l'about côté Manosque (d'où venait le train). Ces photos font clairement apparaître que chaque about a été maté par le passage de roues, lors de circulations antérieures au TER 17 417, dans les deux sens de circulation. La deuxième photo de l'annexe 5 montre clairement l'aspect brillant de la cassure, témoin de la date très récente de cette rupture et son caractère brutal. Il est très vraisemblable que la rupture se soit produite lors de cette journée du 9 novembre. Toutefois, la base du patin comporte une zone oxydée, qui est la manifestation d'une fissure déjà ancienne s'ouvrant 34
UV
Usure totale U = UL + 0,6UV
progressivement. Dans la partie fraîchement rompue dans l'âme du rail, on observe une fissure verticale (défaut de fabrication) qui dans le cas présent n'a pas d'incidence sur le phénomène de rupture. Les photos de l'annexe 6 montrent la géométrie de la voie après le déraillement (fortes déformations de dressage ayant « tiré » le rail) et l'état des deux traverses encadrant la rupture : les blochets béton sont « explosés » : les armatures métalliques sont mises à nu, les attaches des traverses 20 et 21 sont desserrées. Le blochet 20 est « explosé » : l'attache intérieure ne porte plus sur le patin et l'attache extérieure a disparu ; le rail, à cet endroit, n'est plus retenu et ne peut assurer son rôle de maintien antagoniste à la force centrifuge. Analyse de laboratoire de la soudure rompue La rupture de la soudure aluminothermique a été analysée au « Centre d'Expertises et d'Essais de Saint-Ouen » de la SNCF. La photo de l'annexe 9 expose en gros plan quelques détails de cette rupture. Cette soudure a été réalisée en 1986 (poinçon du soudeur 9-88-86). Le procédé de soudage est du type « PLI sans joint feutre », procédé qui n'est plus utilisé aujourd'hui. Les rails encadrants sont des rails de profil U 33, fabriqués en 1954 selon le procédé Thomas, de nuance 700 fabriqués par l'usine de Wendel à Hayange. Le rail côté Manosque présente une fissuration verticale (défaut de fabrication se produisant à cette époque avec les aciers Thomas élaborés à partir de lingots) qui n'a pas d'incidence sur la cause de la rupture de la soudure. Lors de la réalisation de la soudure, selon le procédé « PLI » de l'époque, le métal de soudure en fusion a coulé entre le rail et la plaque de fond et a provoqué l'apparition d'une bavure de métal au niveau du patin du rail. Il en est résulté plusieurs amorçages de fissures voisines et décalées dans le temps au niveau du changement de section constitué par le rail et le bourrelet de la soudure. La zone fissurée apparaît oxydée, montrant ainsi qu'elle a été exposée à l'air pendant plusieurs semaines. Lorsque les fissurations de fatigue ont suffisamment affaibli le profil, la soudure s'est rompue brutalement. Le faciès de rupture non oxydé indique que la soudure rompue n'est pas restée longtemps en voie, mais néanmoins les trains des deux sens ont circulé sur cette rupture puisqu'il y a eu matage des deux faces de rupture au niveau du champignon. En ce qui concerne la qualité de la soudure réalisée en 1986, les analystes la considèrent comme conforme au résultat attendu lors de la mise en oeuvre du procédé PLI lors de soudage de rails de réemploi (rails âgés de 30 ans au moment de l'opération). La base de donnée pour le retour d'expérience sur la tenue des rails du réseau ferré national est renseignée de cet évènement ; selon le référentiel « IN 0285 codification des défauts de rail ». Le centre d'essais de Saint-Ouen a attribué la codification « 4211 » : « fissuration partant du bourrelet au niveau du patin et se développant suivant un plan transversal dans les rails adjacents ». Dans le cas présent, la fissuration s'est développée verticalement dans le rail, en limite du métal d'apport de la soudure. L'amorce de rupture au changement de section constitué par le bourrelet de la soudure se rencontre fréquemment pour les soudures aluminothermiques anciennes. 4.1.4- Expertise des traverses rompues Une vue complète d'une traverse béton bi-bloc équipant la voie ferrée de la zone de Pertuis figure en annexe 13. Constat d'ensemble : Les blochets de la file opposée à la rupture de la soudure aluminothermique 35
ne présentent pas de défauts particuliers ; seuls les blochets du côté de la rupture ont été martelés. L'état de surface du béton présente les marques habituellement rencontrées sur des traverses en voie depuis plus de 20 ans. La mesure des cotes des blochets a montré la conformité géométrique aux plans de fabrication. Examen du béton : les éléments récupérés sur les traverses ne mettent pas en évidence d'anomalie particulière concernant l'homogénéité du béton. Quelques déchaussements de granulats roulés sont observables, probablement à cause des chocs répétés de roues sur la lacune du rail. L'examen des autres parties du béton ne désigne aucune autre anomalie. Examen des armatures : l'examen des armatures supérieures et inférieures des blochets endommagés montre la conformité des aciers utilisés ainsi que les cotes de soudage des grilles. On n'observe pas de corrosion particulière sur l'ensemble de ces aciers, ce qui confirme la qualité des enrobages ainsi que l'absence de fissures dans le béton des blochets. La partie scellée des entretoises ne présente aucune trace de corrosion importante pouvant laisser soupçonner des désordres structurels avant rupture des blochets. Conclusion : la rupture des blochets est due aux chocs répétés des roues sur la lacune provoquée lors de la rupture de la soudure aluminothermique. Les traverses examinées ne présentent aucune anomalie de fabrication susceptible de mettre en cause leur résistance mécanique. En l'état actuel des réflexions, aucune parade n'est trouvée pour éviter ou réduire la dégradations des blochets de traverses béton bi-blocs lorsqu'elles sont battues par le patin d'un rail cassé dont les attaches n'ont plus de serrage en valeur d'objectif. 4.1.5- Evaluation de l'efficacité des attaches. L'annexe 10 présente les résultats d'une prospection de l'efficacité du serrage des attaches de rail, dans deux zones proches du lieu de déraillement. Cette prospection a été réalisée après le déraillement. Le résultat de cette prospection montre qu'une zone est classée « valeur d'alerte », et l'autre zone est classée « valeur d'intervention ». Selon les critères du référentiel de maintenance de la voie, les attaches de la voie nécessitent d'être resserrées dans un délai déterminé. La conséquence de ce serrage non optimal des attaches est que l'ouverture de la lacune a pu être plus importante qu'avec un serrage optimal.
4.2- Ruptures de rails observées sur la ligne Aix-en-Provence / Briançon.
La surveillance et la maintenance de la ligne Aix en Provence / Briançon est assurée par deux établissements: l'EVEN de Marseille Côte Varoise et l'Etablissement Multifonctionnel (EMF) de Gap. Recensement des ruptures de rail sur la ligne Marseille / Briançon pour la partie gérée par l'Etablissement « EVEN de Marseille Côte Varoise » Le tableau ci-dessous liste ces ruptures : date 07.12.2001 08.02.2004 24.02.2004 file de rail G D D pk 363,027 365,185 365,710 code défaut 421.3 421.2 421.3 36 commentaires
Rupture de soudure découverte par CEV, après appel de conducteur.
date 03.02.2005 20.11.2005 12.02.2006 30.01.2007 02.02.2007 09.11.2007
file de rail G D G G D
pk 381,323 362,295 361,850 370,550 398,530 365,848
code défaut 421.2 421.3 421.2 254.2 421.2 421.2 421.3
commentaires
détecté par conducteur du 17 411 détecté par tournée agent voie détecté par conducteur du 17 400. « déraillement de Pertuis » détecté par tournée agent voie
17.12.2007 D 367,290 Signification des codes défaut :
421.2 = soudure aluminothermique, fissuration transversale du profil, dans l'axe de la soudure, 421.3 = soudure aluminothermique, fissuration transversale de fatigue du champignon, dans la zone de soudure, 254.2 = défaut en pleine barre par corrosion du patin (petite fissure de fatigue située sur la face inférieure du patin, en forme de lunule centrée sur une piqûre de corrosion (type de rupture imprévisible).
Recensement des ruptures de rail sur la ligne Marseille / Briançon pour la partie gérée par l'EMF Gap: date 10.06.2002 18.09.2003 31.10.2003 29.01.2007 05.07.2007 07.11.2007 346,650 346,587 345,495 347,266 314,460 (code 421.2) 313,300 (code 254.2) pk commentaires traverse béton « explosée » traverse béton partiellement dégradée traverse béton « explosée » traverse béton « explosée », détectée par conducteur du 17 417 détectée par tournée agent voie détectée par les installations
Sur cette période (2001-2007) où l'on dénombre 16 ruptures de rail, 4 ruptures ont été signalées par les conducteurs, 3 ruptures par un agent de la voie, une par les installations de signalisation en gare. Le recueil d'information n'indique pas comment ont été détectées les sept autres ruptures ; le seizième cas est l'accident du 9 novembre 2007 présentement étudié. Concernant les seuls évènements survenus en 2006 et 2007 (8 évènements), 7 ont été détectés par un agent voie ou un conducteur et un seul (accident de Pertuis) ne l'a pas été. Commentaire : alors que la section de ligne Marseille / Veynes s'étend des pk 441 à 240, sur les seize ruptures inventoriées ci-dessus, sept se sont produites entre les pk 361,850 et 367,290 et quatre entre les pk 345,495 et 347,261. On constate ainsi une concentration géographique de ces ruptures : 7 ruptures sur une zone de 5,4 km et 4 ruptures sur une zone de 1,7 km pour une section de ligne de 201 km. Corrélation entre évènements signalés par les conducteurs et ruptures recensées par 37
Etablissements Infrastructure: L'annexe 14 précise, parmi les ruptures de rail observées sur la ligne Aix en Provence / Manosque de 2002 à 2008, celles qui ont fait l'objet d'un signalement par les conducteurs. Seuls trois évènements signalés par les conducteurs figurent sur la liste des ruptures recensées par les établissement « Equipement », encore que le pk de l'évènement du 12 février 2006 diffère selon le signalement conducteur (pk 382) ou l'enregistrement dans la base « Equipement » (pk 361,850). Les deux « ensembles » de signalements sont relativement disjoints, ce qui peut s'interpréter en ce sens que les conducteurs sont sensibles à des mouvements anormaux causés par la voie et sont peu sensibles aux effets des ruptures de rail.
4.3- Expertise du matériel roulant
L'examen des essieux du matériel roulant ayant circulé précédemment au TER 17 417 a été réalisé. Il s'est agi du train 17 404, constitué de la locomotive diesel BB 67 542 et des quatre voitures 2177864, 2082037, 3077085 et 2992139. La vérification n'a pas été réalisée dans les meilleurs délais ; la locomotive ayant parcouru plusieurs centaines de kilomètres tandis que les voitures ont effectué un parcours Meyrargues / Briançon suivi d'un voyage Briançon / Marseille totalisant 550 km avant de pouvoir être vérifiées sur voie de fosse. Aucune trace de contact about de rail contre la table de roulement n'a pu être mise en évidence.
4.4- Signalements des chocs ou mouvements anormaux en ligne par les conducteurs et contrôleurs
Un certain nombre de ruptures de rail (en pleine barre ou sur une soudure) sur la ligne comme sur le reste du réseau sont signalées par les conducteurs. 4.4.1- Signalement par les conducteurs dans les jours qui ont précédé le déraillement. Les deux abouts du rail cassé présentant des traces de matage, le Service Traction régional a été interrogé sur les points suivants :
la grandeur de la lacune était-elle la même au passage des trains précédents ? l'anomalie était-elle décelable par les trains précédents ?
Les bulletins de service (BS, document relatif au conducteur et à l'engin moteur qu'il conduit) des conducteurs des trains ayant circulé le 9 novembre ont été examinés et dans certains cas, le conducteur a été auditionné. La bande graphique (enregistrement des évènements de conduite) des engins moteurs qui en sont équipés a été examinée ; les engins modernes munis d'enregistreurs statiques sont exclus de l'observation compte tenu de l'impossibilité de détecter un choc. La même étude des bulletins de service des trains circulant sur la même portion de ligne les jours précédents (du 5 au 8 novembre) a été réalisée. Le référentiel IN 1514 « Circulation des trains » qui se décline dans le référentiel des conducteurs TT 0516, chapitre F « anomalies, incidents, accidents », article F.11.02, indique : « en block manuel, si le conducteur ressent au cours de la conduite de son train un choc ou mouvement anormal, celui-ci doit aviser le garde du premier poste de cantonnement après s'être arrêté au signal d'entrée, s'il y en a un, même s'il est ouvert ou en voie unique, à défaut de signal d'entrée, à l'aiguille d'entrée ». Enfin, la base retour d'expérience du domaine traction sur l'année 2007 pour la portion de 38
voie concernée a été consultée, pour noter si des signalements de choc ou mouvement anormal ont été émis par les conducteurs concernés. Etude des bulletins de service et des bandes graphiques des trains ayant circulé le 9 novembre 2007 : N° du train 85 540 17 409 17 400 17 411 90 619 17 402 17 413 17 404
Heures de passage à Mirabeau
Engin moteur locomotive Automoteur XTER Automoteur XTER Automoteur ACG locomotive Automoteur AGC Automoteur AGC locomotive
Identification du conducteur
Établissement d'attache. MBC Veynes Veynes MBC Veynes MBC MBC Veynes
04.33 07.25 08.33 11.17 11.55 15.21 16.11 18.17
(01) (18) (07) (03) (22) (25) (24) (23)
17 417 20.07 locomotive Veynes MBC = unité de production de Marseille Blancarde ; Veynes = unité de production de Marseille Blancarde-annexe de Veynes. L'analyse des bulletins de service des trains indiqués ci-dessus ne fait apparaître aucun signalement de mouvement ou choc anormal sur le parcours Mirabeau-Meyrargues. Etude des bulletins de service des trains ayant circulé les jours précédents : La liste des trains dont les bulletins ont été contrôlés (avec l'identification des conducteurs) est la suivante : N° train 17 409 17 411 17 413 17 400 17 402 17 404 90 618
05 novembre 2007
06 novembre 2007 RAS - (10) RAS - (17) RAS - (16) RAS - (15) RAS - (12) RAS - (14) RAS - (13)
07 novembre 2007
08 novembre 2007
RAS - (15) RAS - (20) RAS - (19) RAS - (18) RAS - (17) RAS - (27) RAS - (26)
RAS - (04) RAS - (12) RAS - (11) RAS - (10) RAS - (06) RAS - (09) RAS - (08)
RAS - (07) RAS - (06) RAS - (05) RAS - (05 RAS - (13) RAS - (02) RAS - (01)
Aucun signalement relatif à une éventuelle défectuosité de la voie n'est mis en évidence. L'analyse des bulletins de service met en évidence une absence de signalement de choc ou mouvement anormal ressenti par les conducteurs.Fréquence de passage des conducteurs sur cette portion de ligne :
39
Conducteur n°
1
2
3
4
5
6
7
8
9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25
Nombre de passages
2
1
2
2
1
2
2
1
1
2
1
2
1
1
2
1
2
2
1
1
1
1
1
1
1
Durant cinq journées d'exploitation, le nombre de conducteurs ayant circulé sur cette portion de ligne est important. Aucun conducteur n'est passé plus de deux fois au même endroit, ce qui constitue une antériorité modeste pour mémoriser l'état récent de la ligne et arriver à bien discriminer une évolution dans le ressenti de la voie. 4.4.2- Retour d'expérience relatif aux signalements (rails cassés, chocs anormaux) sur la ligne Marseille / Briançon par les conducteurs depuis 2004 Le tableau ci-dessous répertorie sur la période 2003 / 2008 les signalements des conducteurs : gare Marseille SaintCharles 18/09/2003 22/05/2003 14/07/2006 17/07/2006 Gardannes Aix-en -Provence Meyrargues 12/02/2006 (rail cassé) 09/11/2007 07/12/2001 12/02/2006 Mirabeau 29/06/2007 09/08/2006 29/01/2007 (rail cassé) Manosque 40 439 431,6 426,6 426,7 418,6 408,2 02/02/2007 ( rail cassé) 398,5 382 382
(le service Equipement a noté l'évènement au pk 361,850)
date évènement
pk
365,8 363,027 361,850
(signalé par conducteur du 17 411)
359,8 358,8 352 347,266 (voisin de 348) 339
gare La Brillanne
date évènement 19/04/2006 15/07/2003 338,5 325,4 308,3 306,9 290,5 01/08/2006 283 278,6 271,5 256,1
pk
Château-Arnoux Sisteron Mison Laragne Serres transition des pk Veynes Montmaur La Freyssinousse Gap Briançon
- - - - - - -- - - - - - - -- - - - - - - - - - --- - - -- 240 246,6 256,3 266,3 348
Le positionnement des signalements s'avère ciblé sur deux zones concentrées : en début de ligne sur Marseille / Aix-en-Provence et sur la zone Meyrargues / Manosque. La population des conducteurs se révèle attentive aux particularités de la voie et n'hésite pas à appliquer la procédure de signalement. La part des rails cassés signalés par les conducteurs parmi les ruptures totales constatées est analysée au paragraphe 4.6 ci-après. Les signalements de janvier 2007, février 2007 (rail cassé) et mars 2007sont le seul fait des conducteurs de Veynes, dont les roulements d'utilisation les font circuler principalement sur cette ligne. Ces conducteurs de Veynes constituent de bons observateurs de l'état technique de la ligne ; ils ont circulé le 5 novembre, puis le 6 novembre (conducteur 15) sans réaliser de signalement. Le désordre survenu dans la voie est très certainement postérieur au 6 novembre. 4.4.3- Signalement par les contrôleurs Le contrôleur titulaire du train précédent 17 404 a pu être questionné le 14 novembre, soit cinq jours après l'évènement : il a répondu ne se rappeler de rien de particulier, si ce n'est que la voie est de mauvaise qualité dans cette zone. Cette déclaration est à mettre en parallèle au relevé technique Mauzin concernant la géométrie de la voie, ce relevé faisant apparaître au contraire (cf paragraphe 4.1.3) une qualité plutôt bonne de la voie dans cette zone.
41
4.5- Analyse des bandes graphiques (engins équipés)
La bande graphique extraite de l'enregistreur de la locomotive tirant le train 17 417 présente la particularité suivante :
L'examen de la ligne de foi enregistrant le verrouillage/déverrouillage du pupitre de conduite fait apparaître un ressaut du style encreur (dans le cercle d'attention), témoignant que le choc subi par la locomotive s'est transmis mécaniquement à l'enregistreur. L'analyse des bandes graphiques des trains précédents : n° du train 17 404 90 619 85 540 traction locomotive locomotive locomotive rang/train déraillé n-1 n-4 n-8
ne permet pas d'observer de déviation verticale du stylet de la ligne de foi ; si choc il y a eu, il a été insuffisant pour provoquer une vibration d'amplitude suffisante.
4.6- Parcours de la voie et détection auditive.
L'enquêteur a circulé sur la portion de ligne Aix-en-Provence / Manosque / Veynes accompagné du Dirigeant voie, le 30 janvier 2007 et le 25 février 2007, du cadre traction-dirigeant de proximité du conducteur ainsi que du responsable régional traction-sécurité. La circulation en ligne s'est faite à bord de la cabine de conduite de l'engin moteur, en notant le ressenti (vibrations, mouvements chocs éventuels, bruits) du dirigeant voie disposant en main du relevé Mauzin du 30 octobre 2007. Les conducteurs de l'annexe traction de Veynes, très habitués à la ligne, sont capables de détecter certaines imperfections de géométrie de la voie ; ce n'est pas le cas des conducteurs des UP de Marseille Blancarde ou d'Avignon qui circulent sur la ligne beaucoup moins fréquemment (le premier conducteur que l'enquêteur a accompagné, issu de l'UP de Marseille Blancarde n'avait pas circulé sur la ligne depuis deux mois). Le type de l'engin moteur influe sur le ressenti en cabine de conduite (qualité de la 42
suspension, filtrage des vibration, insonorisation,..). Sur le parcours Aix-en-Provence / Manosque, l'enquêteur a noté la succession des zone en barre normale ou en LRS. pk Aix-en-Provence 408,766 407,996 390,379 387,175 383,600 382,336 381,860 381,664 379,589 378,295 377,724 367,538 361,374 360,286 360,110 359,280 358,157 357,727 356,600 355,536 340,159 Manosque Les barres normales sont constituées de rails des types suivants : 12C, 18C, 18D, 22D, 24C, 33D, 36C et 36D. Cette fréquence importante de changement de type de pose complique la référence intuitive du conducteur ; on peut légitimement comprendre que le son émis par une lacune du rail dans une zone LRS courte puisse être interprété comme étant dans la continuité de la zone « barres normales » précédente. L'impact du filtrage des secousses issues de la voie par la suspension des engins moteurs ainsi que le niveau de bruit ambiant en cabine explique la différence de ressenti à bord de l'engin moteur, en cabine de conduite. Le ressenti du conducteur peut se caractériser selon le tableau suivant : 407,996 390,379 387,175 383,600 382,336 381,860 381,664 379,589 378,295 377,724 367,538 361,374 360,286 360,110 359,280 358,157 357,727 356,600 355,536 340,159 336,040 X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X pk Type de pose LRS BN X
43
Locomotive « 67 400 »
« dynamique ferroviaire » : les signaux sonores sont noyés dans réagit aux défauts de la voie, les le bruit ambiant : difficile de voyageurs sont « secoués ». discriminer barre normale/LRS « dynamique ferroviaire » : suspension souple qui filtre les défauts de la voie. meilleur rapport signal/bruit : meilleure distinction auditive barre normale/LRS.
Automoteur « X TER »
Il ressort de ces tournées terrain que la perception des conducteurs sur l'état de la voie est notablement influencée par le type d'engin à bord duquel ils se trouvent et par leur expérience propre de la ligne. Lors d'une des circulations du 25 février, la locomotive diesel tirant le train s'est mise à tamiser fortement sur une trentaine de kilomètres : il semblait difficile d'imaginer qu'un conducteur puisse discriminer un défaut isolé dans un engin soumis à un lacet entretenu. Deux conducteurs ont pu témoigner auprès de l'enquêteur avoir été confrontés dans le passé à un rail cassé : c'est la différence de sonorité au passage d'une lacune de rail cassé (par rapport à la circulation sur un joint de rail « classique ») qui a attiré leur attention. La différence sonore s'explique par la hauteur du son émis et par l'intensité de ce son. Dans la zone du rail cassé, la différence de longueur des barres amont et aval par rapport au rail d'origine engendre un mode vibratoire de fréquences différentes liées à la longueur des barres et au fait que dans un cas existe des éclisses entre barres tandis qu'une rupture laisse vibrer les abouts de rail librement. Il pourrait être pertinent d'inventorier les signaux sonores perçus par les conducteurs selon la rupture de continuité du rail et selon l'engin qu'ils conduisent ; six cas au moins apparaissent : Bruit de référence sur joint de rail (barres normales) Locomotive type BB 67400 Automoteur X-TER Automoteur AGC lacune maximum de 23 mm a c e lacune de rail 40 mm b d f
L'hétérogénéité des rails sur l'intervalle Aix-en-Provence / Manosque tel que le tableau établi plus haut le montre (21 successions « barres normales » / »LRS ») constitue une référence difficilement mémorisable dans le subconscient du conducteur ; cet état de fait réduit la capacité du conducteur à discriminer le son anormal parmi les « bruits normaux » issus de la voie et de l'engin.
4.7- Evènements antérieurs de nature comparable.
Pour établir une antériorité de même nature que l'évènement de Pertuis, nous avons extrait de la base d'information de la SNCF les évènements ainsi libellés : train de voyageur ou de fret,ayant déraillé sur voie principale du fait d'une rupture de barre ou de soudure, hors zone d'aiguillage. Selon nos informations, le recueil des évènements pour les années antérieures à 1990 peut ne pas être exhaustif. date du déraillement 19.01.1963 ligne lieu entre Toulon et Fréjus pk 107,1 description des faits
déraillement du « Bordeaux / Nice » (V= 88 km/h)
victimes
Bordeaux / Nice
-----
44
date du déraillement 30.01.1963 06.02.1964
ligne Paris / Marseille
lieu Miramas pk 805
description des faits
déraillement train 59 déraillement train 629
victimes ---------
St-Pierre d'Albigny / Bourg St pk 39,380 Maurice. Valence / Moirans Vinay
15.01.1990
déraillement du train Talgo Pablo Casals (V=120 km/h) lacune de 30 mm. rupture de la soudure qui avait été redressée à la presse en octobre 1988. déraillement du train 90 750. défaut métallurgique (tache ovale fissuration transversale du champignons sur rail mis en place en 1957). déraillement de 11 wagons rupture d'une soudure du rail file extérieure (voie renouvelée en 11/1991). déraillement de deux wagons rupture longitudinale du rail rupture soudure électrique sur voie limitée à 35 km/h ; Origine du rail : 1882 soudé électriquement et reposé en 1991
-----
04.12.1991
Limoges / Périgueux Paris / Strasbourg Paris / Bordeaux Villefranche / La tour de Carol (voie métrique) Moret / Roanne Paris / Lille Villefranche / La Tour de Carol Bordeaux / Irun
Nexon Pagny / Meuse Les Aubrais
-----
21.02.1992 24.10.1992 20.04 1997 21.03.2000 09.07.2000 17.08.2000 30.10.2001
------------------------5 blessés
St-Galmier La Chapelle
déraillement de 19 wagon MD + incendie déraillement de 4 wagons rupture du rail U 36 ayant eu des fissures importantes en dessous du patin rupture rail voie métrique (rail 30 kg type « Est »)
Saubusse les Bains
déraillement de la rame TGV 363. ruptures multiples du rail en file haute (1960)
25.02.2006
Clermont / Béziers Saint-Flour
déraillement train de voyageur locomotive « 8500 » + 3 voitures Corail. rupture soudure aluminothermique sur 2 blessés rail double champignon où certains coins de serrage sont sortis déraillement locomotive 16 721 HLP à 30 km/h ? Rupture à partir d'un défaut fissurant au congé de raccordement âme-patin déraillement TER 17 417. rupture soudure aluminothermique sur LRS
30.05.2006
Paris / Mulhouse Marseille / Grenoble
Pantin
-----
09.11.2007
pk 365,848
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Bilan : Le relevé établi ci-dessus fait état de 12 déraillements pour la période postérieure à 45
1990 (8 trains de voyageurs, une locomotive HLP, 3 trains de fret) qui se sont produits en 17 années, occasionnant 7 blessés. A ce jour, on peut estimer que le risque « rupture de rail occasionnant le déraillement d'un train » est contenu et a présenté des conséquences limitées.
4.8- Mesures prises à la suite de l'accident
4.8.1- Mesures nationales
Mesures particulières « premiers froids » : la Direction SNCF de l'Infrastructure a rappelé aux régions SNCF la nécessité d'effectuer sans retard les tournées à pied de surveillance de la voie (dont les rails) dès l'arrivée des premiers grands froids afin de détecter les éventuelles ruptures de rail se produisant sous l'effet d'une contraction accentuée du rail. Situation sur d'autres réseaux européens : la Direction SNCF de l'Infrastructure a engagé une étude auprès de certains autres réseaux ferroviaires européens pour connaître leur situation en matière de rails cassés, l'importance du phénomène, les modalités de détection et les modalités d'exploitation. L'objet de cette étude comparative est de trouver éventuellement des techniques de surveillance et/ou de détection plus efficace. Le bilan de cette étude comparative n'a pas encore été établi.
4.8.2- Mesures régionales Le correspondant traction régional s'est assuré que les Unités de Production Traction de la région sensibilisaient bien leurs conducteurs sur la nécessité d'être très attentifs à l'état de la voie et sur l'ardente obligation de signaler l'évènement rencontré (choc, mouvement dû à la voie) sur le bulletin de service, ainsi que de le signaler téléphoniquement dans les meilleurs délais, comme le prescrit le référentiel des conducteurs TT 0516, article F.11.02. Corrélativement, le correspondant régional s'est attaché à ce que les services de l'équipement donnent en retour vers les conducteurs, l'information exacte sur le diagnostic de l'anomalie qui a été identifiée ainsi que les travaux correctifs engagés. Au plan des principes, il est utile de rappeler le rôle central tenu par le conducteur à l'égard de l'infrastructure et du matériel roulant qu'il conduit : le conducteur se situe au premier niveau de maintenance du système (cinq niveaux sont identifiés) ; à ce titre, le conducteur est tenu de signaler tout fonctionnement anormal de son engin (utilisation du carnet de bord) et/ou toute situation anormale rencontrée en circulant sur l'infrastructure (bulletin de service). Les services de maintenance Infra ou Matériel ont besoin de cette information pour apprécier la tenue en service de la technologie qu'ils ont en charge. En retour, il est pertinent que les services de l'infrastructure renseignent les conducteurs sur les remèdes qu'ils ont apportés à l'installation à la suite à ces signalements.
4.9- Le simulateur de conduite de la région de Marseille à Miramas
Le processus de formation des conducteurs se déroule sur les trois plans : théorique (description engins, réglementation de circulation ferroviaire), pratique en conduisant les engins, simulation par exercices sur simulateur. La SNCF a implanté dans certains établissements un simulateur de conduite permettant d'initier les élèves conducteurs ou de perfectionner des conducteurs plus expérimentés. Pour la région de Marseille, à disposition des différentes unités de production traction, le simulateur de conduite est installé dans l'unité de formation traction de Miramas. Contigu aux salles de cours, une cabine de conduite semblable à celle d'une locomotive type 46
BB 22 200 est installée. Le stagiaire, à son pupitre de conduite, est devant un écran sur lequel se déroule une voie ferrée avec la signalisation correspondante. L'espace cabine est sonorisé pour recréer l'ambiance sonore ressentie dans la réalité de la conduite d'un train : ronronnement des moteurs de traction, bruit des compresseurs d'air, sifflement de l'échappement d'air comprimé, avertisseur sonore... Le moniteur se tient dans une pièce contiguë, commande les scénarios auxquels est soumis l'élève, entend et observe sa manière de conduire le train (fictif) grâce à une caméra de télévision, peut communiquer avec lui si nécessaire et le questionner. Il existe une séquence de conduite qui comporte l'audition d'un « bruit » sensé représenter le son entendu au passage d'une lacune de rail cassé ; il existe aussi en catalogue un autre son représentatif du passage sur un pétard. Selon l'enquêteur, le bruit émis par le rail cassé virtuel peut être qualifié de son « neutre ». La simulation du passage sur un pétard émet un son plus intense. Le moniteur s'attache à ce que l'élève ait les bonnes réactions et déploie les bonnes procédures :
son « rail cassé » : arrêter son train, protéger son train, protéger la voie contiguë, visiter la voie et bien repérer le pk de l'évènement pour donner une information fiable à l'agent circulation. son « pétard » : provoquer l'arrêt d'urgence immédiatement.
Le moniteur, conscient que le son produit au titre du « rail cassé » est peu représentatif du son réel, essaie une démonstration approchante : à bord d'un engin moteur, les stagiaires déplacent cet engin depuis la plaque tournante du dépôt vers une voie de remisage ; le passage sur la lacune de rail importante (rail de plaque / rail de voie de sortie) peut être jugé semblable à la réalité. Conclusion : il apparaît que la séquence prévue au simulateur de conduite a pour principal objet que le conducteur mette en oeuvre la bonne procédure ; il ne s'agit pas de former son ouïe aux finesses musicales qui lui permettrait de discerner sans difficulté le bruit du rail cassé en LRS par rapport au son émis par un joint de rail en barres normales.
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5- Déroulement de l'accident
5.1- Le contexte de la voie
Compte tenu de la modicité du trafic, le cantonnement de la ligne est assuré par un block manuel ; de ce fait, la ligne ne dispose pas des équipements de signalisation détectant la présence d'un train sur les rails, les rails étant utilisés comme partie active du circuit électrique de signalisation. Sur les lignes comportant des circuits de voie, la rupture d'une des files de rails se traduit par l'information « zone occupée » qui apparaît sur le tableau de contrôle optique à disposition de l'agent circulation ; ou bien le sémaphore d'entrée du canton est fermé et commande l'arrêt du train suivant, qui peut repartir en marche à vue dans le canton aval présumé occupé alors qu'il ne l'est pas. Finalement, en block automatique, la détection « rail cassé » apparaît directement, soit à l'agent circulation, soit au conducteur ; chacun de ces opérateurs peut alors déclencher la procédure d'intervention corrective sur l'infrastructure. Lorsque la voie n'est pas équipée de circuits de voie, ce qui est le cas sur Pertuis / Briançon, la détection d'un rail cassé n'est pas immédiate ; d'autres trains peuvent se présenter avant qu'un conducteur ne ressente le rail cassé et le signale ; des agents voie peuvent aussi faire cette détection au cours de leurs tournées à pieds s'il y a coïncidence entre leur tournée et l'évènement (fréquence des tournées à pied de six semaines à l'établissement EVEN de Marseille Côte Varoise).
5.2- Scénario probable décrivant les conditions du déraillement
Le résultat des diverses investigations relatives à l'état de la voie et de sa dégradation peut s'expliciter selon l'enchaînement suivant :
étape 1 : constitution de la portion de voie (pk 361,374 au pk 367,538) en LRS. Cette portion de voie est régénérée en 1986 : le ballast et les traverses sont constitués de matériaux neufs et les rails, mis en service depuis vingt deux ans sur d'autres lignes, ont été régénérés et tous soudés entre eux pour former de longs rails soudés d'une longueur totale de 6 164 mètres.
Le procédé de soudage utilisé en 1986 est du type « PLI », dit « procédé de soudage à préchauffage limité », utilisant à cette époque un creuset réutilisable et un système rustique d'enveloppe du métal fondu. A partir des années 2000, le procédé « PLR » lui a été substitué, utilisant un creuset jetable et un système d'enveloppe du métal fondu très lisse pour éviter au maximum les bavures du métal refroidi. Dans le cas du procédé de soudage « PLI », si le champignon du rail est meulé après réalisation de la soudure aluminothermique afin d'obtenir une surface de roulement la plus en continuité possible, l'âme et le patin laissent apparaître des reliefs du métal d'apport fondu inhérent à la méthode. Sous le patin du rail, des petites bavures proéminentes subsistent à proximité du bourrelet de métal fondu et peuvent constituer des amorces de fissures.
étape 2 : opération de vérification de serrage des attaches. Les attaches assurent le maintien du rail sur les traverses et donc la bonne géométrie du plan de roulement malgré les contraintes auxquelles le long rail soudé est soumis. La précédente vérification devait avoir lieu en 2002, or il n'a pas été trouvé trace des résultats de cette vérification ; on peut alors supposer que cette vérification n'a pas été réalisée. Le sondage réalisé après l'accident a montré que l'efficacité des attaches se plaçait dans une plage intermédiaires aux valeurs d'alerte et aux valeurs d'intervention (cette conclusion se lit sur l'annexe 10.2 : pour une attache donnée, l'opérateur engage une pige graduée entre le patin du rail et le 49
crapaud-visible sur la photo de l'annexe 4 - la cote d'engagement est notée sur le tableau de l'annexe 10.2 ; tout engagement supérieur à 10 mm correspond à une attache à resserrer). Concrètement, la voie dans la zone du pk 365 nécessite un resserrage de ses attaches.
étape 3 : examen du rail par la méthode de détection aux ultrasons. Le dernier passage de l'engin d'auscultation des rails a eu lieu le 25 mai 2004 et aucun défaut interne du rail n'a été détecté dans cette zone ; la fréquence de passage de cet engin est normalement de quatre ans pour ce type de ligne (échéance suivante au plus tard le 25 mai 2008).
Ce type de détection est efficace pour des défauts du métal situés dans le champignon du rail et se révèle impuissant pour détecter des défauts localisés dans l'âme et le patin.
étape 4 : apparition du défaut au patin du rail. Lors de la réalisation de la soudure en 1986, la face inférieure du patin du rail a comporté une bavure de métal résultant du métal en fusion ayant coulé entre le rail et la plaque de fond du creuset servant de moule. Cette bavure s'est localisée au niveau du changement de section constitué par le rail et le bourrelet de la soudure.
Probablement au cours de l'année 2007, l'excès de contraintes dans le métal dans la zone du changement de section a engendré une fissuration de la semelle du patin. Cette fissuration s'est concrétisée en plusieurs fissures qui ont progressé lentement et régulièrement. L'ouverture a été suffisante pour que l'exposition à l'air provoque l'oxydation du métal mis ainsi à nu.
étape 5 : la rupture de la soudure du rail. Les fissures affaiblissent le profil du rail ; à un moment donné, quand les contraintes de traction sont maximales (température extérieure minimale au petit matin) et sous le passage de la locomotive d'un train, la soudure se rompt brutalement.
Par rapport à l'axe de la voie, le rail rompu reste dans son alignement initial par l'action des attaches. La libération des contraintes de traction du rail provoque une lacune d'environ 40 mm ; le passage d'un train sur une telle lacune est normalement « entendu » par le conducteur, mais ce jourlà, aucun conducteur n'a son attention attirée par ce défaut de voie.
étape 6 : non détection par la surveillance de la voie. La ligne ne disposant pas d'équipements de signalisation par circuits de voie, aucun dispositif électrique ne peut déceler la rupture du rail.
Ce jour-là, aucune surveillance humaine de la voie n'est effectuée ; la dernière tournée à pieds a eu lieu le 8 octobre, soit un mois auparavant ; la dernière tournée de surveillance en train a eu lieu le 19 septembre, soit environ deux mois auparavant.
étape 7 : poursuite de la journée du 9 novembre 2007. La température ambiante croît au fur et à mesure de la montée du soleil, si bien que la rail cassé se dilate normalement et réduit de ce fait la largeur de la lacune. étape 8 : ressenti de la voie par le personnel de bord. Les conducteurs et contrôleurs des trains de la journée ne remarquent rien d'anormal ; le contrôleur du train 17 404, précédant celui qui a déraillé, déclare ne rien avoir ressenti « tant la voie est mauvaise », cette déclaration semble surprenante car le relevé Mauzin traduit une géométrie correcte de la voie, que l'enquêteur a pu apprécier lors de ses circulations en ligne pour ce qui concerne la portion de voie Manosque / Aix-en-Provence.
Néanmoins, les trains de la journée circulent sur la lacune où le matage des abouts de rail en est le témoignage.
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étape 9 : apparition d'un phénomène de danse des traverses de part et d'autre de la rupture. Avec l'avancement de la journée, la température décroît, tendant à augmenter la largeur de la lacune. Du fait de la différence d'altitude, la roue entrant en contact avec l'about aval du rail crée un choc à cet endroit, qui se traduit par une augmentation de la pression transmise par la traverse sur le ballast ; le ballast se tasse sous la traverse qui le comprime.
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Sous le passage d'un essieu ; l'ensemble traverse + rail + essieu descend d'altitude jusqu'à ce que la traverse repose sur le ballast comprimé ; après le passage de l'essieu, le rail tend à reprendre la position horizontale initiale, la traverse laissant un vide au dessus du ballast comprimé. Ce mouvement alternatif vertical des deux traverses de part et d'autre de la rupture s'appelle la « danse » de la traverse.
étape 10 : martèlement inférieur des traverses. On a vu que le martèlement de chaque about aval du rail par le passage d'une roue se transmet à chaque traverse correspondante, qui martèle le ballast, créant ainsi le phénomène de « danse ». Ce martèlement peut affaiblir la face inférieure de la traverse béton. étape 11 : agression des attaches et martèlement supérieur des traverses. Les attaches du rail présentant un serrage en VA ou VI, l'ouverture de la lacune de la rupture a pu être plus importante qu'avec un serrage optimal. Les sollicitations dynamiques du passage des essieux sur la rupture ont induit des efforts par flexion de l'about du rail, sur les attaches, jusqu'à l'arrachement du goujon. Dès lors, il y a possibilité de mouvement vertical du rail par rapport à la traverse. Le patin du rail martèle donc la partie supérieure des traverses. Ce martèlement désagrège les semelles cannelées (caoutchouc), puis a commencé à détruire les blochets en béton. étape 12 : destruction des traverses encadrant la rupture. Le martèlement des blochets (face inférieure contre le creux de ballast, face supérieure par le patin du rail) conduit à la désagrégation du béton pour ne laisser subsister que l'armature métallique (cf annexe 6.1). étape 13 : gauche de la voie. A chaque passage de roue, le rail se « dérobe » verticalement sous le double effet du creux de ballast et de la disparition du béton des blochets ; au droit des deux blochets détruits se crée un gauche important de la voie (gauche sur trois mètres mesuré à 39 mm). étape 14 : conjugaison du gauche de voie et de la courbe de 490 mètres de rayon. Au point de rupture se présente la situation la plus défavorable : là où s'est produite la rupture du rail (au droit de la soudure), en courbe, sur la file haute du rail qui constitue l'appui principal de l'essieu, se constitue un gauche important, de valeur supérieure au critère d'arrêt des circulations ferroviaires.
L'essieu de tête de la locomotive du train 17 417 aborde une situation où le rail se dérobe sous sa charge (dans la zone du raccordement parabolique de fin de courbe) : le boudin de la roue extérieure monte sur le champignon du rail et échappe au guidage. Finalement, ce sont les six premiers essieux du train qui s'échappent de la voie. En déraillant de ses quatre essieux, la 51
locomotive s'enfonce dans le ballast, ce qui participe d'emblée au ralentissement du train. Le ballast épais dans lequel se sont enfoncés les essieux déraillés participe au maintien vertical des véhicules ferroviaires.
étape 15 : déraillement et arrêt du train. Dès la perception du choc lié au déraillement, le conducteur commande l'arrêt du train. Dans la séquence de ralentissement, le battement du rail guide certains essieux et en laisse échapper deux autres (le premier bogie de la deuxième voiture).
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6- Analyse et recommandations préventives
L'examen des conditions du déraillement amène à rechercher les orientations préventives utiles dans les domaines suivants :
l'état de santé des soudures constituant les LRS de certaines zones de la ligne Aix-en-Provence / Manosque, ainsi que sur les autres lignes du réseau ferré national de constitution semblable. l'aptitude des conducteurs à détecter certains défauts de voie.
6.1- L'état de santé des soudures constituant les LRS
Le déraillement de Pertuis relève d'une catégorie d'évènements rares, si l'on se réfère au relevé des cas antérieurs recensés sur le réseau ferré national. La zone concernée entre Aix-en-Provence et Manosque est d'une relativement bonne qualité au plan de la géométrie de la voie, le ballast est en couche épaisse, les traverses sont en bon état. Au plan national, les résultats du « patrimoine rail » sont en progrès constant, malgré le vieillissement de l'ensemble des rails ; cette évolution favorable est le fruit de la politique de la Direction de l'Infrastructure en matière de qualité des rails neufs, de qualité dans la réalisation des soudures, d'efficacité dans la surveillance et la détection des défauts. Au paragraphe 3.6 est décrit l'état du patrimoine rail du réseau ferré national pour l'année 2006. Il apparaît que le taux de rupture des rails, pour l'année et sur ligne classique est de 0,73 ruptures / 100 km. Si l'on effectue une comparaison avec la section de ligne Aix-en-Provence / Manosque, 6 ruptures de rail (toutes concernant une soudure) ont été enregistrées sur l'intervalle (pk 361,850 / pk 367,290) entre le 8 février 2004 et le 17 décembre 2007 ; cette zone est comprise dans l'intervalle Mirabeau / raccordement de Pertuis. De même, entre les pk 345,495 et 347,266 (compris dans l'intervalle Sainte-Tulle / Corbières) et la période (06.2002 / 01.2007), 4 ruptures de soudure se sont produites. Taux de rupture (Mirabeau / Rac.Pertuis) = 6 ruptures / 45 mois / 5,44 km. 29,4 ruptures / an / 100km Taux de rupture (Ste Tulle / Corbières) = 4 ruptures / 56 mois / 1,77 km 48,4 ruptures / an / 100km. La disparité des taux de rupture apparaît dans le tableau ci-dessous : Ligne(s) Réseau ferré national. Lignes classiques Ligne Aix/Manosque (Mirabeau / rac de Pertuis) Ligne Aix/Manosque (Ste Tulle / Corbières) Taux de rupture rail / 100 km 0,73 29,4 48,4
Il est vrai que la moyenne nationale recouvre des réalités très variées, mais un tel écart nécessite que le cas de ces deux sections de ligne Aix-en-Provence / Manosque soit exploré. Recommandation R1 (SNCF, RFF) : établir un état de santé des soudures aluminothermiques en file haute de courbe, pour les zones de LRS entre Aix-en-Provence et Manosque, limité aux tronçons identifiés (du pk 361,850 au pk 345,495 et du pk 345,495 au pk 347,266). La méthode d'inspection sera explicitée: examen visuel du dessous du patin par un système approprié ou examen du patin du rail par sondage par ultrasons.
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Cette campagne d'inspection doit permettre de disposer d'un état de santé précis des soudures statistiquement significatif sur ces tronçons pour estimer le caractère isolé ou non du défaut constaté au pk 365,848, et le cas échéant, intervenir en anticipant le remplacement des rails des zones incriminées. Le cas des LRS de la voie entre Aix-en-Provence et Manosque peut probablement se retrouver sur d'autres lignes du réseau ferré national ; une action de surveillance préventive pourrait permettre de prévenir des défaillances semblables à la rupture de soudure de Pertuis du 9 novembre 2007. Recommandation R2 (SNCF, RFF) : au travers du Retour d'expérience annuel des ruptures de rail, définir sur les sections de ligne du Réseau Ferré National présentant potentiellement des risques similaires (même contexte qu'à Pertuis), des indicateurs (type taux de ruptures au km) pertinents permettant de faire émerger les tronçons nécessitant la réalisation d'un état de santé des soudures de rail selon la procédure fixée par la recommandation R1 (ou procédure équivalente). Comme nous l'avons vu précédemment, l'âge moyen des rails du réseau ferré national est important (32,5 ans) et le nombre de soudures en voie avoisine 1,8 million d'unités. La gestion d'un tel patrimoine nécessiterait de disposer de bases de retour d'expérience bien fournies pour réaliser des analyses suffisamment fines. En ce qui concerne les soudures de rail, il pourrait sembler utile de connaître statistiquement la répartition des durées de vie par type technologique de réalisation et par catégorie de ligne, en liaison avec d'autres paramètres liés à la nature de la ligne et au trafic supporté. A ce jour, une telle base d'information n'existe pas et il semble difficile de la constituer dans des délais et à un coût raisonnable. Il est cependant nécessaire de réaliser les actions correctives de surveillance et de maintenance du patrimoine rail. En conséquence, nous nous limitons à suggérer que les taux de rupture en voie des LRS de ce type de ligne soient surveillés sur des périodes d'une durée à définir en comparaison des ratios nationaux qui sont d'un bon niveau. Remarque relative à la destruction des blochets des traverses bi-blocs : les spécialistes affirment que si le traverselage encadrant la soudure (qui s'est rompue) avait été constitué de traverses en bois, celles-ci auraient résisté aux martelages contre le ballast et par le patin du rail. On pourrait en déduire qu'une façon de réduire le risque serait de faire encadrer toute soudure de rail en zone de LRS par des traverses bois, comme cela se pratique pour le platelage sous certains appareils de dilatation. Or la voie comporte de nombreuses soudures de rail en plein barre, correspondant à des retraits de défauts ponctuel (rappel : il existe en voie plus de 1,8 millions de soudure) ; le fait de devoir encadrer toute soudure de rail par des traverses en bois reviendrait à bannir les traverses modernes en béton, monoblocs ou bi-blocs, des voies modernes. En l'état actuel des investigations, il semble difficile de proposer une quelconque recommandation spécifique aux composants de la voie : rail, traverse, ballast, attaches, hormis qu'il est logique de conduire une démarche de progrès continu dans l'élaboration des constituants de la voie et des procédés de soudures des rails.
6.2- Aptitude des conducteurs à détecter certains défauts de voie
Le conducteur est confronté le premier à la réalité de l'infrastructure (voie, ouvrages d'art, signalisation, caténaires, PN, .........) au cours de la circulation de son train. Il est logique et les référentiels de conduite le prévoient, qu'il réagisse à certaines anomalies qu'il ressent ou détecte et transmette l'information le mieux et le plus vite possible vers les services concernés. Le référentiel conduite TT 0516 (« anomalies, incidents, accidents »), article F.11.02, définit la conduite à tenir lorsque le conducteur est confronté à de telles situations (se reporter au 54
paragraphe 4.3). La Direction de la Traction (SNCF) développe l'installation de simulateurs de conduite dans les centres de formation Traction. Ces simulateurs présentent l'intérêt de placer le conducteur dans une situation quasiment semblable à la réalité, celui-ci étant à poste fixe, sous l'assistance du moniteur qui déroule le programme, note les réactions du conducteur et l'interroge aux moments opportuns. Le simulateur de conduite possède la fonctionnalité « choc anormal » pour que le conducteur réagisse en appliquant complètement la procédure prévue :
arrêt du train, protection de son train, protection de la voie contiguë, visite de la voie, information de l'agent circulation sur l'évènement, en donnant une information fiable sur le pk de survenue de l'évènement.
Le son émis dans la cabine du simulateur est différent, selon qu'il s'agit du « choc anormal » ou du « pétard » (son plus intense) qui nécessite l'arrêt d'urgence. Comme l'indique le cahier des charges national (formation des CRML TT 0660), il s'agit d'être capable de gérer une situation rare et exceptionnelle concernant une anomalie d'infrastructure, en déployant correctement une procédure d'alerte des gestionnaires de la circulation des trains et d'information des responsables de l'état de l'infrastructure. Il ne s'agit pas de former l'ouïe des conducteurs à la reconnaissance des sons, notamment de distinguer le son émis par un rail cassé à la différence du bruit lié au passage sur un joint de rail d'une voie équipée de barres normales. Recommandation R3 (RFF) : réaliser une étude de faisabilité d'un catalogue de sons représentatifs d'un « choc anormal » afin d'exercer l'oreille et le ressenti des conducteurs des différentes entreprises ferroviaires soumis à une telle situation (perception du son émis émis en fonction de la lacune du rail, de la charge à l'essieu de l'engin moteur et de la nature de cet engin moteur, de la vitesse de circulation). Sans qu'une oreille musicale soit exigée du conducteur, les sons auditionnés se répartiraient selon le catalogue suivant donné à titre d'exemple (chaque type de son est symbolisé par une lettre) :
Bruit de référence sur joint de rail en barres normales (j 23 mm) Son sur lacune 40 mm Vitesse basse Son sur lacune 40 mm Vitesse moyenne Son sur lacune 40 mm Vitesse élevée
Type d'engin moteur
Locomotive 67 400 (ou engin d'une charge à l'essieu équivalente 22,5 tonnes/essieu) Automoteur X-TER Automoteur AGC Autre engin caractéristique
a e i m
b f j n
c g k o
d h l p
Ce catalogue de sons est délicat à mettre au point ; il semblerait probablement pertinent de confier cette étude à la Direction de la Recherche et de la Technologie de la SNCF, ou toute autre entité spécialisée en mesures acoustiques. Le caractère pédagogique de ce catalogue de sons devra 55
être validé par la Direction métier gérant les conducteurs de trains. Après validation, ce catalogue de bruits causés par des lacunes de rail pourra être inclus dans les programmes de formation des conducteurs des autres entreprises ferroviaires.
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7- Conclusions
7.1- Identification des causes et facteurs associés ayant concouru à l'accident
L'accident de Pertuis s'est produit alors que rien ne laissait présager un tel évènement, compte tenu de la qualité de la voie dans la zone concernée. La cause directe immédiate est la rupture, non détectée, d'une soudure aluminothermique de rail dans une zone de LRS. Les facteurs causaux suivants ont joué un rôle dans l'absence de détection de cette rupture:
cette ligne n'est pas équipée de circuits de voie. la détection des fissures sous le patin du rail est quasiment impossible à détecter par les engins d'auscultation des rails par ultrasons. la détection d'une rupture de rail par les conducteurs se révèle difficile. Dans le cas présent, plusieurs conducteurs ont circulé sur cette rupture en ne s'apercevant de rien ; le contexte de la voie dans cette zone, par une fréquente alternance des portions de voie en LRS et en barre normales ne donne pas aux conducteurs une référence auditive stable.
Par ailleurs, la fréquence des ruptures de soudures aluminothermiques sur cette ligne apparaît très anormale, beaucoup plus élevée que la moyenne nationale.
7.2- Rappel des recommandations
La section de ligne Aix-en-Provence / Manosque ayant enregistré sur deux zones de LRS plusieurs ruptures de soudures aluminothermiques dans un intervalle de temps réduit (3,5 ans et 4,5 ans) dans un espace réduit (5,4 km et 1,7 km), des investigations complémentaires sont à mener pour dresser la carte de santé des autres soudures en zone de LRS, en file haute de rail en courbe. Le cas des autres lignes du réseau ferré national présentant les mêmes caractéristiques sera examiné (ligne sans circuit de voie, zone de LRS sur traverses béton, en courbe et pour la file haute du rail). La non détection, par les conducteurs, de la lacune apparue après la rupture de la soudure, est un sujet de préoccupation, car il est probable que plus d'un conducteur a circulé sur cette avarie qui avait une importance notable. Pour améliorer les capacités de détection par les conducteurs de telles avaries, il est souhaitable de tester auprès des conducteurs en entraînement sur les simulateurs de conduite, un catalogue de sons représentatif de diverses lacunes de voie et pour divers types d'engins moteurs conduits. Recommandation R1 (SNCF, RFF) : établir un état de santé des soudures aluminothermiques en file haute de courbe, pour les zones de LRS entre Aix-en-Provence et Manosque, limité aux tronçons identifiés (du pk 361,850 au pk 345,495 et du pk 345,495 au pk 347,266). La méthode d'inspection sera explicitée: examen visuel du dessous du patin par un système approprié ou examen du patin du rail par sondage par ultrasons. Recommandation R2 (SNCF, RFF) : au travers du Retour d'expérience annuel des ruptures de rail, définir sur les sections de ligne du Réseau Ferré National présentant potentiellement des risques similaires (même contexte qu'à Pertuis), des indicateurs (type taux de ruptures au km) pertinents permettant de faire émerger les tronçons nécessitant la réalisation d'un état de santé des soudures de rail selon la procédure fixée par la recommandation R1 (ou procédure équivalente). Recommandation R3 (RFF) : réaliser une étude de faisabilité d'un catalogue de sons 57
représentatifs d'un « choc anormal » afin d'exercer l'oreille et le ressenti des conducteurs des différentes entreprises ferroviaires soumis à une telle situation (perception du son émis émis en fonction de la lacune du rail, de la charge à l'essieu de l'engin moteur et de la nature de cet engin moteur, de la vitesse de circulation).
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ANNEXES
Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête. Annexe 2 : Photo du déraillement. Annexe 3 : Carte ferroviaire. Annexe 4 : Le rail et ses attaches sur le blochet de la traverse. Annexe 5 : Photos du rail cassé. annexe 5-1 : rail cassé et sa lacune. Annexe 5-2 : about maté côté Manosque. Annexe 6 : Déformation de la voie annexe 6-1 : traverses détruites de part et d'autre de la cassure. annexe 6-2 : état de la déformation de la voie. Annexe 7 : Relevé de la géométrie de la voie après le déraillement. Annexe 8 : Enregistrement Mauzin du 30 octobre 2007. Annexe 9 : Analyse de la fracture du rail. Annexe 10 : Efficacité du serrage des attaches. Annexe 11 : Profil du champignon du rail. Annexe 12 : Relevé d'usure du rail. Annexe 13 : Traverses béton bi-bloc retirées de la voie dans la zone du déraillement. Annexe 14 : Localisation des ruptures de rail, des signalements par les conducteurs et des zones en LRS. Annexe 15: Programme de maintenance préventive de la voie dans la zone Aix-en-Provence / Manosque.
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Annexe 1 : Décision d'ouverture d'enquête
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Annexe 2: Photo du déraillement
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Annexe 3 : Carte ferroviaire
339,907 Lieu du déraillement Mirabeau 359,850 365,848 382,048
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Annexe 4 : Le rail et ses attaches sur le blochet de la traverse
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Annexe 5 : Photos du rail cassé
Annexe 5-1 : Rail cassé et sa lacune
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Annexe 5-2 : About maté côté Manosque
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Annexe 6 : Déformation de la voie
Annexe 6-1 : Traverses détruites de part et d'autre de la cassure
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Annexe 6-2 : Etat de la déformation de la voie
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Annexe 7 : Relevé de la géométrie de la voie après le déraillement
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Annexe 8 : Enregistrement Mauzin du 30 octobre 2007
défaut de nivellement longitudinal
de 7mm sur la file intérieure de la courbe
défaut de nivellement longitudinal
de 10 mm sur la file extérieure de la courbe
léger écart de dévers
à l'intérieur des lignes de foi
pas de gauche significatif
écart de dressage sur file extérieure courbe 72 mm de flèche pour 102 mm de construction
écart de dressage sur file intérieure courbe 80 mm de flèche pour 102 mm de construction
365,848
70
Annexe 9 : Analyse de la fracture du rail
fissuration de l'âme du rail (défaut de fabrication)
lunules de fatigue
bavure de métal au changement de section entre le rail et le bourrelet de la soudure
71
Annexe 10 : Efficacité du serrage des attaches
72
73
Annexe 11 : Profil du champignon du rail
74
Annexe 12 : Relevé d'usure du rail
EVEN Marseille Côte Varoise District Aix en Provence
COVELLI.P Relevé fait par: 16 aout 2007 date:
Ligne de: à
GRENOBLE MARSEILLE 905 000
RELEVE D'USURE DES RAILS DE VP courbe 365,618 366,118
U33
n° ligne:
Groupe UIC: 6 Vitesse: Type de ligne:(1 ,2,3)
2
Saisie faite par: MOHRING.B date: lundi 10 septembre 2007
du km
à Km
Contrôle au Calibre 2:
D / trait repère Dessous le contact L / trait repère dessous le contact mais Limite
Caractéristiques Nominales des profils de rais et seuils d'usure admissibles (en mm)
Caractéristiques du rail Usure du cham pignon (U) Réduction de l'âm (Ra) e
Rail
U33
haut. (H) 145
ch. (C) 62
âme (Ea) 15
VA 9
VI 11
VR 12
VA 3
VI 4
VR 5
Réduction du patin (Rp)
VA A 5 Repères PK du relevé (voie courante) Files(2) Hauteur entre appuis B 4 C/D 4 E 3 B+E 5 A 6 B 5
VI C/D 5 E 4 B+E 6 A 7 B 6
VR C/D 6 E 6 B+E 7
Usure du champignon(U) Largeur du champ Usure verticale Uv=H-h1 Usure latérale Ul=C-c Calibre 2 (si Ul>8mm) Usure totale U=Ul+0,6Uv
Ame(Ra) Réduction de l'âme Ra=Ea-e Attaches élastiques
Réduction du patin (Rp)
Collets des tirefonds Branches inf des cr
Empreintes des selles E=h1-h2
Epaul des selles
h1 365,618 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120
Uv 5,00 5,00 4,00 5,00 4,00 5,00 6,00 5,00 5,00 5,00 7,00 7,00 7,00 5,00 5,00 6,00 6,00 10,00 9,00 7,00 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00 5,00 6,00
c 63,00 63,00 64,00 64,00 63,00 63,00 63,00 62,00 60,00 59,00 58,00 57,00 56,00 57,00 56,00 55,00 56,00 56,00 56,00 57,00 57,00 55,00 56,00 55,00 57,00 57,00 56,00 60,00 59,00
Ul -1,00 -1,00 -2,00 -2,00 -1,00 -1,00 -1,00 0,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00 5,00 6,00 7,00 6,00 6,00 6,00 5,00 5,00 7,00 6,00 7,00 5,00 5,00 6,00 2,00 3,00
cal 2
U 2,00 2,00 0,40 1,00 1,40 2,00 2,60 3,00 5,00 6,00 8,20 9,20 10,20 8,00 9,00 10,60 9,60 12,00 11,40 9,20 8,00 10,00 9,00 10,00 8,00 8,00 9,00 5,00 6,60
e 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 13,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00
Ra 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 2,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00
h2 140,00 140,00 141,00 140,00 141,00 140,00 139,00 140,00 140,00 140,00 138,00 138,00 138,00 140,00 140,00 139,00 139,00 135,00 136,00 138,00 140,00 140,00 140,00 140,00 140,00 140,00 140,00 140,00 139,00
A 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
B 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
C 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
D 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
E 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00
B+E 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 <VA <VA <VA <VA <VA <VA <VA <VA <VA <VA <VA VA VA <VA <VA VA VA VI VI VA <VA VA <VA VA <VA <VA <VA <VA <VA
X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X
X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X
140,00 140,00 141,00 140,00 141,00 140,00 139,00 140,00 140,00 140,00 138,00 138,00 138,00 140,00 140,00 139,00 139,00 135,00 136,00 138,00 140,00 140,00 140,00 140,00 140,00 140,00 140,00 140,00 139,00
75
Classements
Chapeaux des tirefonds
Hauteur sur appui (3)
Repère N°(tunnel)
Epaisseur de l'âme
Gauche
Basse
Droite
Haute
121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146
X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X
X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X
140,00 139,00 139,00 139,00 140,00 139,00 140,00 141,00 139,00 139,00 139,00 139,00 139,00 139,00 140,00 141,00 140,00 140,00 141,00 140,00 140,00 140,00 139,00 139,00 139,00 140,00
5,00 6,00 6,00 6,00 5,00 6,00 5,00 4,00 6,00 6,00 6,00 6,00 6,00 6,00 5,00 4,00 5,00 5,00 4,00 5,00 5,00 5,00 6,00 6,00 6,00 5,00
58,00 58,00 58,00 55,00 56,00 56,00 55,00 56,00 55,00 56,00 57,00 57,00 57,00 58,00 56,00 57,00 58,00 58,00 59,00 63,00 64,00 64,00 63,00 63,00 63,00 64,00
4,00 4,00 4,00 7,00 6,00 6,00 7,00 6,00 7,00 6,00 5,00 5,00 5,00 4,00 6,00 5,00 4,00 4,00 3,00 -1,00 -2,00 -2,00 -1,00 -1,00 -1,00 -2,00
7,00 7,60 7,60 10,60 9,00 9,60 10,00 8,40 10,60 9,60 8,60 8,60 8,60 7,60 9,00 7,40 7,00 7,00 5,40 2,00 1,00 1,00 2,60 2,60 2,60 1,00
15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 14,00
0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 1,00
140,00 139,00 139,00 139,00 140,00 139,00 140,00 141,00 139,00 139,00 139,00 139,00 139,00 139,00 140,00 141,00 140,00 140,00 141,00 140,00 140,00 140,00 139,00 139,00 139,00 140,00
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00
0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00
<VA <VA <VA VA <VA VA VA <VA VA VA <VA <VA <VA <VA <VA <VA <VA <VA <VA <VA <VA <VA <VA <VA <VA <VA
15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00 15,00
USURE LA PLUS IMPORTANTE
0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 2,00
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,00
12,00
76
Annexe 13 : Traverses béton bi-bloc retirées de la voie dans la zone de déraillement
77
Annexe 14 : Localisation des ruptures de rail, des signalements par les conducteurs et des zones LRS
rail cassé signalé par le conducteur
rupture de rail
barres normales LRS 360
310
320
330
340
350
370
380
390
400
410
Peyruis les Mées (312)
Manosque (340)
Aix-en-Provence (408) Marseille (444)
Sur Aix-en-Provence / Manosque, période du 6 février 2002 au 1er janvier 2008, localisation des ruptures de rail (principalement en zones LRS) dont celles signalées par les conducteurs
78
Annexe : 15 Programme de maintenance préventive de la voie dans la zone Aix-en-Provence / Manosque
79
BEA-TT
Bureau d'Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre
Tour Pascal B 92055 La Défense cedex téléphone : 33 (0) 1 40 81 21 83 télécopie : 33 (0) 1 40 81 21 50 mèl : Cgpc.Beatt@developpementdurable.gouv.fr web : www.bea-tt.equipement.gouv.fr